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ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA PISCICULTURE EN
COTE D’IVOIRE
A. H. YAO1,2, A.R. KOUMI2*, B.C. ATSE2, E.P. KOUAMELAN1
1
UFR Biosciences, Université Félix Houphouët-Boigny, 22 BP 582 Abidjan 22, Côte Abidjan, Côte d’Ivoire
2
Département Aquaculture, Centre de Recherches Océanologiques, BP V 18, Abidjan, Côte d’Ivoire
*Auteur correspondant Email : koumirachel@yahoo.fr ; Tel : +225 07 87 10 69
RESUME
La pisciculture a été amorcée en Côte d’Ivoire en 1955. Cependant, la production de l’aquaculture
demeure faible. Une enquête a été réalisée sur le profil socio-économique des promoteurs, l’activité
piscicole et la production des fermes. Il ressort de cette enquête que la pisciculture en Côte d’Ivoire
est pratiquée sur presque toute l’étendue du territoire ivoirien. La majorité des fermes (65,4 %) ont
une superficie en eau exploitée inférieure à un hectare. La durée d’existence est inférieure à 10 ans
pour 53,8 % des fermes. Les pisciculteurs sont majoritairement des agriculteurs (60,8 %), ivoiriens
(87,4 %) de sexe masculin (94,0 %) âgés de plus de 40 ans (83,7 %). Les systèmes d’élevage les
plus pratiqués sont le semi-intensif (51,8 %) et l’extensif (42,9 %). Le tilapia Oreochromis niloticus
(96,68 % ) et l’hétérotis Heterotis niloticus (56,81 %) sont les espèces de poissons les plus élevées.
Les étangs de dérivation (93,69 %) et les étangs de barrages (47,84 %) sont les principales structures
d’élevage. Les aliments utilisés seul ou en association sont les aliments commerciaux (27,57 %),
produits par les pisciculteurs eux-mêmes (17,94 %), les sous-produits agroalimentaires (71,10 %)
et les aliments non conventionnels (22,26 %). Le développement de la pisciculture en Côte d’Ivoire
devrait passer par la promotion de la pisciculture intensive et semi-intensive auprès des salariés et
des opérateurs économiques nationaux et internationaux.
Mots clés : Pisciculture, pratique, région, production, Côte d’Ivoire
ABSTRACT
In Côte d’Ivoire, fish farming introduction took place in 1955. However, the annual national farms fish
production remains low. The survey was carried out on socio-economic characteristics of fish farms
owners, farming practices and farms production data. Results show that fish farming production is
practiced almost throughout the Côte d’Ivoire territory. The majority of farms (65.4 %) have less than
one hectare of managed water. The duration of existence is less than 10 years for 53.8% of farms. Fish
farmers are mainly farmers (60.8 %), Ivorian (87.4 %), males (94.0 %), aged more than 40 years old
(83.7 %). Majority of fish farms used semi-intensive (51.8 %) and extensive (42.9 %) systems. Tilapia
(96.68 %) and heterotis (56.81 %) are the main species bred. Earthen pond and pond-dam are the
rearing structures mostly used. Commercial feeds (27.57 %), feeds produced by fish farmers (17.94
%), agro-industrial byproducts (71.10 %) and non-conventional feeds (22.26 %) are used alone or in
combination to feed fish. The development of fish farming in Côte d’Ivoire should be through the
promotion of intensive and semi-intensive fish farming systems among employees and national and
international economic operators.
Keywords : Fish farming, Practice, Region, Production, Côte d’Ivoire
INTRODUCTION produits d’élevage en général (Coulibaly, 2013).
En 2005, environ 1000 fermes piscicoles de
petites et moyennes tailles avaient été
En Côte d’Ivoire, la pisciculture a été introduite rapportées en Côte d’Ivoire pour une superficie
dans les années 1940 par l’administration totale exploitée d’environ 500 ha (FAO, 2008).
coloniale avec un début réel des activités à partir La production aquacole nationale est faible,
de l’année 1955 (Hem et al., 1994). malgré d’immense potentialité humaines,
L’implantation et le développement de cette géographiques, naturelles et de nombreux efforts
activité se sont faits en plusieurs étapes (; déployés dans la pisciculture ivoirienne (FAO,
Lazard, 2014 ; MIRAH, 2014). La phase 2008 ; FAO, 2015). Elle est passée de 1200
d’initiation a été concrétisée par l’installation des tonnes en 2000 à 866 tonnes en 2005, puis à
premiers étangs piscicoles dans plusieurs 1700 tonnes en 2010 et à 3720 tonnes en 2013
régions du pays et le choix du Tilapia du Nil (FAO, 2015). Cette production aquacole est
(Oreochromis niloticus) comme principale largement insuffisante pour combler la demande
espèce d’élevage. Il s’en est suivi une phase nationale en produit halieutique estimée à 250
de sensibilisation et d’implantation au cours de 000 - 300 000 tonnes. De même, elle reste
laquelle les efforts déployés ont été axés sur la éloignée de l’objectif de 200 000 tonnes à
pisciculture en zone rurale et celle en milieu l’horizon 2020 visé par le Plan Stratégique de
lagunaire. La phase de la régionalisation du Développement de l’Elevage de la Pêche et de
développement de la pisciculture a été quant à l’Aquaculture (PSDEPA) de la Côte d’Ivoire
elle marquée par la mise en place de divers (MIRAH, 2014).
projets régionaux dont l’objectif était de profiter
des avantages comparatifs des différentes En Côte d’Ivoire, le potentiel de production
régions du pays pour valoriser les acquis aquacole est fortement influencé par plusieurs
techniques obtenus dans le cadre du Projet facteurs parmi lesquels le profil socio-
PNUD/FAO. Il s’agit du Projet Bad-Ouest de économique des pratiquants, le niveau de
Développement de la Pisciculture dans la Région financement, les systèmes de production
Ouest, du Projet Belge de développement de pratiqués, la taille des exploitations, la qualité
cette activité dans la région du Moyen Comoé de l’eau, les espèces élevées, l’alimentation et
et du Projet d’Appui à la Recherche Agrono- les pratiques de production (Hetch et al., 2007 ;
mique (PARA) au Nord (MIPARH, 2008). Ces Ozigbo et al., 2014). Cette étude se propose de
divers efforts ont abouti à la création de fermes faire l’état des connaissances de la pisciculture
piscicoles privées dans plusieurs régions du ivoirienne après 60 années de pratique en
pays. De plus, plusieurs Agents ont été formés caractérisant les fermes piscicoles, les
en technique d’élevage piscicole. Les stations promoteurs de fermes et l’activité piscicoles afin
d’alevinage publiques et des structures d’appui de comprendre la faible production de poissons
à la recherche piscicole ont été mis en place d’élevage.
(FAO, 2008). Puis nous avons assistés à la
diversification des espèces à élever APPROCHE METHODOLOGIQUE
(Oreochromis niloticus, Oreochromis aureus,
Chrysichthys nigrodigitatus, Heterobranchus
longifilis, Clarias gariepinus) et à la mise en Les bases de données sur les fermes piscicoles
place de fabriques d’aliments (FAO, 2008). ivoiriennes ont été recueillies auprès de la
Cependant, les perturbations socio- Direction de l’Aquaculture et des Pêches du
économiques qu’ont connues le pays entre 1999 Ministère des Ressources Animales et
et 2011 ont entraîné une dégradation importante Halieutique (MIRAH) et du bureau national de
des infrastructures de production aquacole avec l’Association Nationale des Aquaculteurs de
de nombreux autres préjudices notamment les Côte d’Ivoire (l’ANAQUACI). Sur la base des
pertes en matériel biologique et en ressources documents consultés, 15 principales régions à
génétiques (FAO, 2008). Par ailleurs, cette crise fort potentiel aquacole ont été identifiées et une
a occasionné l’interruption de certains enquête a été réalisée sur 301 fermes piscicoles
programmes économiques et financiers qui a dans 37 départements de mai à novembre 2013
conséquemment freiné les investissements (Kimou et al., 2016). L’enquête a été réalisée à
prévus pour la modernisation du sous-secteur l’aide d’un questionnaire élaboré avec le logiciel
d’élevage. Cette situation a provoqué un recul Sphinx 4.5 et des fiches de renseignements
de la productivité et de la compétitivité des élaborées à partir du logiciel Word. Les fermes
enquêtées ont été visitées puis les documents redistributions des poissons après sexage, avec
de gestion ont été consultés. Les données sur réduction de la densité de mise en charge pour
les caractéristiques des fermes, le profil socio- la phase du grossissement.
économique des promoteurs, le système de
production, les espèces élevées, les structures ANALYSES STATISTIQUES
d’élevage, l’alimentation des poissons, les
pratiques aquacoles et la production piscicole Les données recueillies sur les fermes ont été
ont été relevées au cours de l’enquête. Les traitées à partir du logiciel Sphinx 4.5 et
enquêtes ont concerné les pisciculteurs en présentées sous forme de pourcentage. Les
activité. Toutes les fermes accessibles par comparaisons entre les pourcentages ont été
2
Région, Département et Sous préfecture visités éffectuées avec les tests de χ sur Statistica
ont été enquêtées. Au cours de ces enquêtes, 7.1.
les associations locales de pisciculteurs, les
représentants régionaux de l’ANAQUACI, les
Directions régionales et Départementales du RESULTATS
Ministères des Ressources Animales et
Halieutiques et de l’ANADER ont été rencontrés
LOCALISATION DES FERMES
pour compléter les données sur la localisation
des fermes par région. La classification de
Les fermes piscicoles sont présentes sur presque
systèmes piscicoles semi-intensif et extensif
toute l’étendue du territoire ivoirien à l’exception
a été faite selon la description adoptée par New
(1987), Layrol (1996) et Lazard (2009). Au du District du Zanzan (régions du Boukani et du
niveau des pratiques de production, les Gontougo) et des régions du Hambol, du N’Zi,
différentes phases d’elevage réalisées par les du Tchologo, de la Bagoué, du Folon et du
pisciculteurs ont permis de caractériser les Worodougou qui n’enregistrent pas une réelle
cycles de production désignés en cycle complet activité piscicole (Figure 1). Les régions du
d’élevage et en cycle unique (lorsque le tilapia Tonkpi, du Haut Sassandra, de la Nawa, du Goh,
n’est pas sexé et que toutes les phases de la Marahoué et de l’Indénié Djuablin
d’élevage sont réalisées en une fois). Le cycle présentent les plus fortes concentrations de
« reproduction + grossissement » est pisciculteurs (Figure 2). Toutefois, le District
caractérisé par le sexage du tilapia après la d’Abidjan enregistre la plus forte production
reproduction suivie de l’élevage dans d’autres piscicole en 2013 avec la présence de deux
structures jusqu’à la taille marchande. Dans le grandes fermes en système de production hyper-
cycle de « reproduction + prégrossissement + intensif et intensif que sont HYDROFISH (720
grossissement », l’on procède à deux tonnes en 2012) et PSAT (28 tonnes en 2012).
Figure 1 : Districts, Régions, Départements et Sous préfectures de production piscicole en Côte
d’Ivoire.
Districts, Regions, Departments and Sub prefectures of fish production in Côte d’Ivoire.
Figure 2 : Population et production aquacole par région ivoirienne en 2012.
Côte d’Ivoire fish farms population and production by region in 2012.
Tableau 1 : Caractéristiques des fermes enquêtées (n = 301)
Characteristics of the farms surveyed (n = 301)
p < 0,05 ; dl = 1). 18 (6 %) sont des femmes. Parmi eux, 252 soit
83,7 % sont âgés de plus 40 ans. Au total, 183
PROFIL SOCIO-ECONOMIQUES DES promoteurs de fermes piscicoles (60,8 %) sont
PROMOTEURS DE FERMES PISCICOLES des agriculteurs, 18,9 % sont des salariés et
12,6 % sont des opérateurs économiques.
Le Tableau 2 présente les caractéristiques Seulement 23 pisciculteurs (7,6 %) exercent la
socio-économiques des promoteurs de fermes pisciculture comme activité principale. Les
enquêtées. Sur 301 fermes visitées, 263 différences de pourcentages calculés sont
promoteurs (87,4 %) sont ivoiriens. Au total 283 χ2
significatives pour le genre du promoteur ( =
promoteurs (94,0 %) sont de sexe masculin et 58,77 ; p < 0,05 ; dl = 1).
Pourcentage Pourcentages
Paramètres Effectif
(%) Cumulés (%)
Origine du promoteur
Autochtone 152 50,5 50,5
Allochtone 111 36,9 87,4
Allogène 38 12,6 100
Genre
Masculin 283 94,0 94,0
Féminin 18 6,0 100
22
χχ 58,77*(dl = 1)
Age du promoteur
Moins de 30 ans 3 1,0 1,0
30-40 ans 46 15,3 16,3
40-50 ans 92 30,6 46,9
50-60 ans 91 30,2 77,1
plus de 60 ans 69 22,9 100
Fonction du promoteur
Salarié 57 18,9 18,9
Opérateur économique 38 12,6 31,5
Agriculteur 183 60,8 92,3
Pisciculteur 23 7,6 100
SYSTEMES D’ELEVAGE DES POISSONS dans les régions des Grands Ponts, de l’Agnéby
Tiassa, et du Moronou où il est retrouvé sur 100
Sur les 301 pisciculteurs interrogés, les % des fermes visitées, suivi des régions du
systèmes d’élevage rencontrés sont les Tonkpi, du Cavally, du Sud Comoé, du Gbeké,
systèmes intensifs, semi-intensif, extensif et la
de l’Indénié Djuablin et de la Mé où il représente
rizipisciculture. 156 personnes pratiquent le
plus de 50 % des fermes enquêtées. L’extensif
système semi-intensif (51,8 %), 129 les
systèmes extensif (42,9 %), 12 la rizipisciculture est dominant et pratiqué par plus de 50 % des
(4,0 %) et 4 l’intensif (1,3 %). Le système intensif fermes dans les régions de la Marahoué, du Haut
est retrouvé exclusivement dans le District Sassandra, de la Nawa, et du Gôh. La
d’Abidjan, et dans les régions du Bélier et de la rizipisciculture a été retrouvé dans la région de
Mé. Le semi-intensif est pratiqué en majorité la Nawa exclusivement (Figure 3).
Pisciculteurs
Figure 3 : Répartition des systèmes de production piscicoles pratiqués par région.
Distribution of fish production systems practiced by region.
Figure 4 : Espèces de poissons élevées par région.
Fish species bred by region.
STRUCTURES D’ELEVAGE majorité des cas aux autres structures d’élevage.
Les associations les plus pratiquées sont les
Les différentes structures d’élevage rencontrées étangs de dérivation et les étangs de barrage
sur les fermes piscicoles sont présentées au retrouvés sur 40,5 % des fermes. Les étangs
Tableau 3. Les étangs de dérivation (93,69 %) de barrage sont retrouvés sur la majorité des
et les étangs de barrages (47,84 %) sont les fermes des régions de la Marahoué, de la Nawa,
plus fréquents sur les fermes. Les barrages du Gôh, de l’Agnéby Tiassa et de l’Indénié
dérivés (3,32 %), les bassins (1,33 %), les cages Djuablin. Les étangs de barrages sont plus
flottantes (1,33 %), les cages enclos (0,66 %), utilisés dans les systèmes d’élevage extensif
les happas (0,33 %), les raceway (0,33 %) et (66,7 %) et rizipisciculture (100 %). A l’inverse,
les bouteilles de joug (0,33 %) sont très peu les étangs de dérivation dominent sur les fermes
utilisés. Quelque soit la région considérée, les en système semi-intensif tandis que l’intensif
étangs de dérivation constituent la principale est caractérisé par l’élevage des poissons en
structure d’élevage utilisée par les pisciculteurs. bassins, en cages flottantes et en cages enclos.
Ils sont retrouvés exclusivement sur 147 fermes Les barrages dérivés ont été retrouvés sur 7 %
(48,80 %). Ces étangs sont associés dans la des fermes en système extensif.
Tableau 3 : Structures d’élevage utilisées sur les fermes enquêtées
Rearing structures used on the farms surveyed
Pourcentage Pourcentages
Structures de production Effectif
(%) Cumulés (%)
Etang de dérivation 146 48,50 48,50
Etang de dérivation + étang de barrage 122 40,53 89,03
Etang de barrage 15 4,98 94,01
Etang dérivation + étangs de barrage +
6 2,00 96,01
barrage dérivé
Etang de dérivation + barrage dérivé 3 1,00 97,01
Etangs de barrage + barrage dérivé 1 0,33 97,34
Etang de dérivation + happas 1 0,33 97,67
Etang de dérivation + cages enclos 1 0,33 98,00
Etang de dérivation + cages flottantes 1 0,33 98,33
Cages enclos + cages flottantes 1 0,33 98,66
Etangs de dérivation + bassins 1 0,33 98,99
Etang de dérivation + bassins + cages
1 0,33 99,32
flottantes
Bassins + raceways + bouteille de joug 1 0,33 99,65
Bassins + cages flottantes 1 0,33 100
Total 301 100
ALIMENTATION DES POISSONS D’ELEVAGE produits agro-alimentaires. Les sous-produits
agro-alimentaires d’origine végétale tels que le
Les aliments utilisés sur les fermes pour nourrir son de riz, le son de maïs, la farine basse de riz
les poissons d’élevage peuvent être regroupés et le son de blé sont utilisés régulièrement pour
en quatre différents types. Il s’agit des aliments nourrir directement les poissons d’élevage. Ils
commerciaux que sont les commerciaux sont de moindre coût, produits localement et
importés, nationaux et provendiers (produits et disponibles en grande quantité dans les
commercialisés par les vendeurs privés de sous- différentes localités visitées. Les aliments non
produits et de matières premières), les aliments conventionnels d’origine animale et végétale sont
produits par les pisciculteurs eux-mêmes utilisés dans l’alimentation des poissons
(produits à partir des produits et sous-produits d’élevage. Ce sont les feuilles de tarot, de manioc
agro-alimentaires), les sous-produits agro- et de patate, les fientes de poulet et les lisiers
alimentaires et les aliments non conventionnels. de porcs, les algues croissantes sur les plans
Les aliments commerciaux industriels importés d’eaux, les restes de nourritures et les déchets
sont ceux produits par Skretting et Raanan fish domestiques. Ces aliments sont utilisés seuls
feeds. Les aliments commerciaux nationaux ou en association avec les autres types
sont constitués d’aliments produits et d’aliments. Les aliments commerciaux ont été
commercialisés par deux sociétés implantées retrouvés sur 27,57 % des fermes. En revanche,
en Côte d’Ivoire que sont IVOGRAIN et FACI. 17,94 % des pisciculteurs enquêtés produisaient
Les aliments provendes sont retrouvés dans leurs propres aliments. Au total 71,10 % des
certains Départements et Sous-préfectures à pisciculteurs utilisait les sous-produits
forte activité piscicole (Abidjan, Anyama, Dabou, agroalimentaires alors que 22,26 % des
Bingerville, Abengourou et Agnibilékrou). Ils sont pisciculteurs utilisaient les aliments non
produits par les vendeurs privés de sous-produits conventionnels. Le Tableau 4 présente les
et de matières premières, des sociétés caractéristiques de ces différents groupes
industrielles de transformation de produits d’aliments. L’analyse des fréquences
agricoles (Grand Moulin d’Abidjan) et la station d’utilisation des différents types d’aliment par
expérimentale d’Aquaculture de Layo du Centre région nous permet d’observer que les régions
de Recherche Océanologique d’Abidjan (CRO). du Cavally, des Grands Ponts, du Sud Comoé,
Certains pisciculteurs formulent eux-mêmes du District d’Abidjan, de l’Agnéby Tiassa sont
leurs aliments à partir des produits et sous- caractérisées par une forte utilisation (50 - 100
%) d’aliments commerciaux. Celles du Tonkpi Bélier, du Moronou, de l’Indénié Djuablin et de
et des Grands Ponts (55,50 - 66,66 %) la Mé. Les plus fortes proportions de
enregistrent le plus grands nombre de pisciculteurs utilisant un aliment non
pisciculteurs qui produisent leurs aliments. Les conventionnel (37,14 - 43,75 %) sont obtenues
sous-produits sont utilisés par plus de 50 % des dans la Marahoué, la Nawa, le Gbeké et le Bélier
pisciculteurs de la Marahoué, du Haut
(Figure 5).
Sassandra, de la Nawa, du Gôh, du Gbéké, du
Tableau 4 : Caractéristiques des différents aliments utilisés sur les fermes enquêtées
Characteristics of different feeds used on the farms surveyed
Figure 5 : Fréquence d’utilisation des différents types d’aliment par région.
Tableau 5 : Pratiques de production des pisciculteurs enquêtées (n = 301).
Production practices of fish farmers surveyed (n = 301).
annuelle par ferme comprise entre 1 tonne et 5 la Nawa, et du Sud Comoé qui concentrent les
tonnes/an. Très peu de pisciculteurs (0 - 20 %) proportions les plus élevées (10,30 - 15,95 %)
dans les régions visitées ont une production de pisciculteurs ont les plus contributions (1,82
annuelle variant entre 5 tonnes et 10 tonnes/an. - 5,25 %) à la production aquacole totale. A
Seuls les Districts d’Abidjan (21,40 %) et les l’inverse, le District d’Abidjan et la région de la
régions du Bélier (20,0 %), de la Mé (17,60 %) Mé avec 4,65 % et 5,65 % respectivement de
et du Sud Comoé (3,20 %) enregistrent une
pisciculteurs enquêtés représentent 58,25 %
production annuelle supérieure à 10 tonnes/an
(District d’Abidjan) et 10,09 % (La Mé) de la
sur quelques fermes (Figure 6). Les régions de production aquacole totale (Figure 7).
la Marahoué, de l’Indénié Djuablin, du Gôh, de
Figure 6 : Potentiel de production annuelle des fermes dans les régions enquêtées.
Annual production capacities of fish farmers in the region surveyed.
Figure 7 : Répartition de la production piscicole annuelle par région.
Annual fish production repartition by region.
rentabilité économique de son association avec influencée par le système extensif promu dans
O. niloticus en élevage en étangs. Une faible cette région. Il en est de même pour les
fréquence d’élevage de mâchoiron Chrysichthys proportions élevées de systèmes intensifs et
nigrodigitatus, de carpe africaine Labeo coubie semi-intensifs dans les régions de l’Est, du Sud,
et de dormant Parachana africana est observée du Centre, et de l’Ouest. En effet, ces régions
sur les fermes enquêtées. De plus les conditions du Centre-ouest (Marahoué, Haut Sassandra,
et les techniques d’élevage restent méconnues Nawa et Gôh) ont été les zones de projets
des pisciculteurs qui les élèvent au regard des d’aquaculture orientés vers les systèmes
faibles poids marchands de poissons produits. extensifs d’élevage auprès des populations à
En effet, concernant Labeo coubie, les travaux faibles revenus (MIPARH, 2008). Ces projets
de Morissens et al. (1996) et Da Costa et al. avaient pour objectifs de lutter contre la pauvreté
(1999) rapportaient avant les années 2000 une et de pourvoir les populations en protéines
croissance journalière de (3,38 g/j - 3,60 g/j) en animales. A l’inverse, vers les années 1990, les
étangs fertilisés avec utilisation d’aliments objectifs de développement de la pisciculture en
granulés. Aussi, l’élevage du mâchoiron a t-il Côte d’Ivoire ont été réorientés. Le système
débuté en Côte d’Ivoire depuis les années 1980. d’élevage semi-intensif et la professionnalisation
En 1995, la FAO (2008) rapportait une production de la filière piscicole avec l’utilisation d’aliment
nationale de 300 tonnes de mâchoiron élevés composé avaient été promus dans les régions
contre 20 tonnes en 2005. L’abandon croissant de l’Ouest, du Sud et de l’Est afin d’améliorer la
de l’élevage de ce poisson serait lié à plusieurs production commerciale de poissons d’élevage
difficultés que sont entre autres le manque de (FAO, 2008 ; MIPARH, 2008 ; FAOCI-RAFW,
larves et de juvéniles, les difficultés de gestion 2009). Ces pratiques piscicoles ont
des stocks de géniteurs, le cycle de production conséquemment influencé les potentialités de
relativement long de 12 à 18 mois et une productions piscicoles régionales. Ainsi, les
dépendance aux régimes alimentaires hyper régions du Centre-ouest à forte concentration
protéiniques en élevage. Les résultats obtenus de pisciculteurs présentent-elles les productions
permettent de dire que malgré les politiques de les plus faibles. Cette faible production serait
diversification des espèces d’élevage et les due d’une part à la prédominance de la pratique
travaux de recherches effectués, le choix des du système extensif et d’autre part au non
espèces à élever revient aux pisciculteurs. Aussi respect des bonnes pratiques piscicoles. Ces
la forte utilisation de sous-produits agro- pratiques traduisent une volonté de réduire les
alimentaires pour nourrir les poissons justifierait coûts de production de poisson marchand en
le choix des espèces peu exigeantes. Les augmentant la contribution des ressources
structures d’élevage restent en majorité les naturelles à l’alimentation des poissons.
étangs de dérivation. De plus, les choix des L’utilisation élevée de sous-produits agro-
systèmes de production de poisson et du type alimentaires de moindre coût comme aliments
d’aliment à utiliser sont influencés par les sur la plupart des fermes et le non respect des
capacités financières des promoteurs et le type bonnes pratiques d’alimentation des poissons
de projet promu dans la région. Aussi les ont également influencés les capacités de
exploitations piscicoles sont-elles dominées par production des fermes (La Croix, 2004 ; Koumi
les systèmes semi-intensif (51,80 %) et extensif et al., 2015). Cette situation de faibles
(42,9 %) d’élevage de tilapia, d’heterotis et de investissements, associée à de faibles
silure. Cette expansion de système extensif, peu rendements aquacole en système extensif a
productif a été rapportée par Gabriel et al. (2007) déjà été rapportée par Hecht (2007) et Ranjet et
et Hecht (2007) dans la majorité des pays de Kurup (2013). Par conséquent le développement
l’Afrique subsaharienne. Par ailleurs, les de la pisciculture ivoirienne devrait passer par la
résultats obtenus permettent d’observer une promotion de systèmes intensif et semi-intensif
répartition des systèmes pratiqués, des auprès des investisseurs économiques
différents types d’aliments utilisés, des espèces nationaux et étrangers à l’instar du Nigéria, de
élevées, et de la production en fonction de la l’Uganda, du Cameroun et du Kenya (Hecht,
région. Les fortes proportions de système 2007). Mais aussi devrait-il passer par la
extensif dans les régions du Centre-ouest avec promotion de bonnes pratiques d’élevage auprès
l’utilisation massive de sous-produits agro- des pisciculteurs avec l’utilisation d’aliments
alimentaires de moindre coût comme aliments composés de qualité de moindre coût et
pourraient refléter une culture piscicole accessibles sur tout le territoire ivoirien. De plus,