Parpola Istar
Parpola Istar
Parpola Istar
Par ailleurs, elle apparaît aussi comme une sorcière, une prostituée
et une maquerelle à la tête d'un troquet ou d'un bordel. Dans la VIe
tablette de l'Épopée de Gilgamesh, elle est à la tête d'une armée de
prostituées et approche Gilgamesh en femme séductrice, charnelle, brûlant
pour le beau héros. Ailleurs, elle est comparée à la démone Lilith et au
vent démoniaque du Sud [photo-3]: elle est aussi dite troubler l'Apsû,
l'eau cosmique du savoir, en présence de Ea son père.
On doit souligner, cependant, qu'une image aussi négative de la
déesse est totalement absente des inscriptions royales assyriennes, qui
soulignent chaque fois sa sainteté, son caractère noble et ses aspects
–1–
maternels tout en nous la présentant comme une vierge belliqueuse qui
court sus aux ennemis du roi assyrien, comme dans le passage suivant des
inscriptions d'Assurbanipal [photo-4]:
–2–
défaire son ennemi, marchant contre Te'umman, roi d'Élam, qui l'avait
grandement irritée".
–3–
intentionnelle de son image. Un hymne louant la déesse en tant que
Nanaya commence avec ces mots:
–4–
Le rôle d'Ishtar dans la prophétie assyrienne
"Je suis ton père et mère; je t'ai élevé entre mes ailes".
–5–
Marduk était Ishtar de Ninive, tandis que sa nourrice sèche était Ishtar
d'Arbèles. Ce sont exactement les mêmes déesses qui figurent dans les
prophéties et autres textes contemporains comme nourrices du roi. En
outre, la déesse Mullissu, qui apparaît dans les prophéties comme la Mère
divine à la fois d'Esarhaddon et d'Assurbanipal, apparaît jouer le même
rôle également dans des inscriptions royales et des hymnes contemporains.
Il est ainsi clair que la distribution des rôles des déesses n'était pas fortuit
mais avait une base doctrinale bien établie partagée par les prophéties
contemporaines, le mysticisme et l'idéologie royale.
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remarquable, aussi son caractère androgyne, s'adressant à elle comme au
palmier et à la tour d'un temple [photo-10].
"ˆ Palmier, Dame de Ninive, Cerf des pays! Elle est glorieuse, très
glorieuse, la plus sainte des Déesse!
ˆ inclyte Emaßmaß, résidence d'Ishtar, Reine de Ninive! Tel Aßßur,
elle a une barbe et elle est revêtue de brillance! La couronne sur sa tête
brille comme les étoiles; les disques solaires sur sa poitrine brillent
comme le soleil!
ˆ Ziggourat, orgueil de Ninive, entourée par les nuages! Le 16 (du
mois) de Tebet; Elle illumine l'Emaßmaß. La Dame des pays sort, Reine
Mullissu qui habite à [Ninive]."
Comme l'a observé Irene Winter "les choses qui sont saintes, ou
rituellement pures, sont décrites en termes de lumière [dans les textes et
l'art de la Mésopotamie] et si le sacré se manifeste par sa luminosité, dès
lors, ce qui est sacré doit briller".
Ainsi la prééminence donnée à la luminosité de la Déesse dans
l'hymne que je viens de citer et dans les arts assyriens, souligne sa sainteté
et sa pureté. De ce point de vue, la barbe de la déesse ne peut pas avoir été
un symbole de virilité ou un caractère martial mais doit avoir souligné son
caractère androgyne, conçu comme un état de pureté sublime et de
perfection, comme dans le Gnosticisme et le Christianisme primitif.
–7–
roi, et son rôle dans la naissance miraculeuse du roi est en complet
parallèle avec celui de l'Esprit saint dans l'Immaculée Conception du
Christ. Créé par la Déesse dont le nom même connotait la sainteté, le roi
assyrien était assurément un homme "conçu par l'Esprit Saint" ou le
"Verbe fait Chair" au sens de Jean 1: 13, où "Verbe" signifie l'Esprit
Saint comme créateur du monde.
–8–
Le rôle d'Ishtar comme la Mère divine du roi lui dispensant
sainteté, sagesse et perfection et le protégeant farouchement contre ses
ennemis, voilà qui explique beaucoup de son imagerie contradictoire et de
son iconographie, comme le fait qu'elle soit représentée sous les traits
d'une reine barbue du ciel, ou comme un buffle sauvage et agressif, une
lionne féroce, ou une vache léchant et allaitant son veau. Toutes ces
diverses images sont corollaires de la relation "mère/enfant" qui existe
entre la Déesse et le roi. Son rôle martial n'est pas différent de celui de la
Madone, la "Sainte Vierge", comme palladium des armées chrétiennes à
l'époque médiévale. Les guerres qu'elle menait étaient des "guerres
saintes" contre les forces du Mal, de la Ténèbre et du Chaos et elles étaient
alors gagnées parce que la Déesse elle-même allait devant le roi et
"inspirait" son armée.
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ßar-Aßßur «Bon est l'Esprit d'Aßßur∞, Îab-ßar-Issar «Bon est l'Esprit
d'Ishtar∞, Îab-ßar-Mullissu «Bon est l'Esprit de Mullissu∞, Îab-ßar-
Arbail "Bon est l'Esprit d'Arbèles∞ ou Ina-ßar-Aßßur-allak = «Je vais
dans l'Esprit d'Assur∞, Ina-ßar-Bel-allak «Je vais dans l'Esprit du
Seigneur∞, Ina-ßar-Nabû-allak «Je vais dans l'Esprit de Nabû. Il vaut la
peine de noter que, outre le mot assyrien pour "Dieu", ilu, les seuls dieux
qui figurent dans ces noms sont le dieu suprême Assur, la déesse Ishtar qui
personnifie son souffle, son lieu de culte, Arbèles, aussi bien que son fils
Nabû, le gardien de la "tablette des destins" qui parfois coïncide avec sa
mère. Le mot assyrien pour "souffle, esprit" est l'exact correspondant
sémantique de l'hébreu rªah, "vent, souffle, esprit [de Dieu]" et du grec
pneuma, "esprit (prophétique)".
Le rôle central joué par la prophétie extatique dans le culte d'Ishtar
rend en fin de compte possible de comprendre pourquoi elle était
représentée comme une prostituée, un rôle diamétralement opposé à celui
de la Reine des Cieux. Ces deux rôles contradictoires de la déesse étaient
fondamentaux pour le culte d'Ishtar et son fondement doctrinal, le mythe
de La Descente d'Ishtar aux Enfers, que nous allons maintenant examiner
en détails.
– 10 –
Il la laissa passer par la troisième porte, mais il lui prit les perles
autour de son cou.
Il la laissa passer par la quatrième porte, mais il lui prit les épingles
d'attache de sa poitrine.
Il la laissa passer par la cinquième porte, mais il lui prit la ceinture
aux "perles de naissance" de sa taille.
Il la laissa passer par la sixième porte, mais il lui prit les anneaux de
ses mains et de ses pieds.
Il la laissa passer par la septième porte, mais il lui prit le pagne qui
recouvrait son corps."
– 11 –
d'Ishtar est l'archétype de l'âme humaine. La première partie du mythe
souligne l'origine divine de l'âme et sa chute, la seconde partie décrit son
chemin de salut au moyen de la repentance, du baptême et de l'ascension
graduelle vers la perfection originelle.
En haut, dans le Ciel, l'âme est la chaste et sage "Fille de la Lune",
pure et innocente comme une fiancée voilée. Mélangée à la matière,
cependant, elle perd peu à peu son caractère divin et devient une prostituée
nue et pécheresse, semblable à "Ereshkigal, Reine des Enfers". La Déesse
du mythe est ainsi une entité à deux faces. Sa descente représente le
souffle de Dieu entrant dans la prison du corps; son ascension représente
la prostituée repentante dont les prières obtiennent pardon et salut. Ce
double rôle explique la figure mythologique contradictoire, qui combine
l'image d'une vierge sainte avec celle d'une prostituée.
Le mythe fonctionne à 2 niveaux: un premier, littéral, qui s'adresse
au vulgum pecus, et l'autre, allégorique, qui s'adresse aux initiés du culte
d'Ishtar. Les deux sont intrinsèquement liés et également importants pour
comprendre le mythe. À un premier niveau superficiel, les Enfers du
mythe sont une localité cosmique, le séjour des morts, mais au niveau
allégorique, il s'agit du monde physique des humains compris comme une
prison et comme la tombe de l'âme.
Le culte d'Ishtar
Dans son essence, le culte d'Ishtar peut être défini comme un culte
ésotérique à mystères promettant à ses dévots un salut par transcendance et
une vie éternelle. Comme le Tantrisme de Shakta, le culte extatique de la
déesse mère hindoue, il a une cosmogonie sophistiquée, une théosophie,
une sotériologie et une théorie de l'âme, qui étaient cachés aux gens
exotériques par le voile des symboles, métaphores et énigmes qui n'étaient
expliqués qu'aux initiés, lesquels étaient astreints au secret par serment.
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"Le prêtre bénit les initiés en disant:
“Que parle bellement de vous l'Ishtar céleste [à …]!
De même que cette torche est brillante, qu'Ishtar décrète pour vous
brillance et prospérité!
Gardez la parole et les secrets d'Ishtar! Si vous laissez échapper la
parole d'Ishtar, vous ne vivrez pas! Si vous ne gardez pas ses secrets, vous
ne prospérerez pas!
Ishtar garde votre bouche et votre langue!"
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D'autres symboles importants étaient la Ziggourat à sept étages,
l'Arc-en-ciel, la Lune, pleine, déclinante ou croissante, l'Étoile à huit
branches, la Vache allaitant son veau et la Mère nourrissant son enfant, la
Vache sauvage à cornes, le Cerf, le Lion, la Prostituée, la Grenade, etc.
Tous ces différents symboles servaient à visualiser les aspects doctrinaux
fondamentaux du culte tout en les celant en même temps aux gens
extérieurs et ainsi, équivalant à un code secret, un "langage dans le
langage" encourageant la méditation et dominant l'imagerie et la réflexion
des dévots.
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jusqu'aux Noces dans les cieux. Selon les termes du document gnostique
Tonnerre:
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l'Esprit Saint comme "l'amour mutuel du Père et du Fils, le lien
consubstantiel qui les unit."
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pouvoirs peuvent être définis comme autorité ou dignité (Porte 1 = Au),
sagesse et prudence (Porte 2 = Ea et Sîn), raison (porte 3 = Mummu),
jugement et compassion (Porte 4 = Shamash et Marduk) amour (Porte 5 =
Ishtar); honneur et Fierté (Porte 6 = Adad et Nabû) et Vergogne (porte 7
= Nergal). L'Arbre sacré peut ainsi être vu comme une représentation
symbolique de l'Âme parfaite et non souillée dans sa gloire céleste,
revêtue de tous ses pouvoirs divins — en d'autres mots, une image de
Mullissu, l'Ishtar céleste. Regagner ces vertus dans l'ordre où elles avaient
été perdues devait ainsi restituer l'âme à son état primitif, céleste, et
restaurer son immortalité.
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cinquième (d'électrum) à Mars, la sixième (d'argent) à la Lune et la
septième (d'Or) au Soleil. Dans cette imagerie, l'ascension vers le Ciel est
liée à la ré-acquisition de pouvoirs divins perdus, représentés par les
couleurs, dont la séquence complète représentait la gloire céleste de
l'Âme.
– 18 –
Avec son "Arc-Déluge", Dieu détruit les méchants mais sauve les
justes. Dans La Descente d'Ishtar, l'ascension de l'Âme a pour condition
l'abandon de Tammouz comme substitut de la Déesse dans les Enfers.
C'est une allégorie pour l'institution de la royauté divine sur la terre et
une étiologie pour la "mort rédemptrice" du roi. En matérialisant l'idée de
"l'Homme Parfait" dans le roi humain, Dieu a donné à l'humanité un
exemple à suivre et un Berger pour le guider sur le chemin du salut.
Tammouz, le Berger-Roi mésopotamien, est le roi comme un "arbre
planté par Ishtar"; le Fils de Dieu qui devait advenir au monde, prend une
forme humaine, meurt et ressuscite pour pourvoir l'humanité d'un
exemple vivant de la perfection requise pour le salut.
– 19 –
partagent dans les sources assyriennes l'épithète de "ami de (toute)
l'humanité".
La trinité assyrienne
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Comment tout cela peut-il se concilier avec le tableau
fondamentalement monothéiste de la religion assyrienne que j'ai brossé
dans la leçon précédente?
Mais Ishtar ne faisait pas que subsumer toutes les déesses. Sous son
aspect céleste de Reine du Ciel et progénitrice des Dieux, elle englobait
aussi tous les dieux mâles et leurs pouvoirs. L'idée sous-tend tout le récit
métaphorique du déshabillage et du rhabillage de La Descente d'Ishtar et
elle se présente dans d'autres symboles centraux de la Déesse, tel l'Arc-en-
ciel, qui la décrivait comme la convergence des couleurs des sept dieux
planétaires, et l'Arbre sacré, qui symbolisait l'Âme Parfaite comme une
somme des pouvoirs de l'Arbre. Son symbole le plus commun, l'Étoile à
huit branches, la représentait comme la "Porteuse de tous les pouvoirs",
ses huit branches correspondant aux huit dieux mâles qui l'entouraient
dans le schéma triadique de l'assemblée divine, qui était sous-jacent à
l'Arbre sacré [photo 25]. En tant que nœud central de l'Arbre, elle tenait
ensemble toute l'assemblée et en accord avec cela on parle souvent d'elle
comme de Celle qui tient tous les pouvoirs divins, "la Présidente de
l'Assemblée" ou "Celle qui rassemble les pouvoirs divins" dans les textes
assyriens. Il n'est donc pas accidentel que l'Arbre fût un des attributs
principaux de la Déesse et, de fait, peint à l'occasion de façon
anthropomorphique comme la Déesse elle-même [photo 2].
– 21 –
On se souviendra que l'Arbre symbolisait fondamentalement la
multiplicité des dieux comme la manifestation d'Assur dans l'univers
physique. Nous pouvons maintenant le comprendre comme le Souffle de
Vie sortant du Dieu transcendant envahissant l'univers toute entier pour
lui donner une âme — un Arbre de vie cosmique au sens littéral du terme.
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