Joha
Joha
Joha
Dans tous les pays, de l'Iran au Maroc, on connaît Joha. Voulez-vous le connaître aussi ? Eh
bien, le voilà !
La lumière du jour le réveille. Il va sur la terrasse de sa maison pour voir le temps qu’il fait :
Il fait un temps magnifique, un beau temps pour aller à la campagne ! On ne reste pas en ville
quand il fait aussi beau !
Joha se demande quelle direction il va prendre... quand il aperçoit un cheval.
« Tiens, que fait-il ici, se demande Joha, il n'a pas de maître ? »
Joha s'approche, l'admire et continue son chemin. Il n'a pas dit un mot, il n'a pas fait un geste,
et pourtant le cheval le suit comme s'il le connaissait.
« Non, lui dit Joha, va-t'en ! »
Le cheval n'a pas l'air de comprendre.
« Non ! Tu ne dois pas me suivre. Reste où tu es ! »
Rien à faire ! Le cheval le suit toujours.
« Je ne veux pas avoir d'ennuis avec ton maître. Reste-là ! »
Et Joha part en courant se cacher derrière un arbre. Le cheval passe sans le voir, mais
quelques minutes plus tard, il est là à nouveau !
« Grands dieux ! Que faut-il faire ? se demande Joha. C'est peut-être le ciel qui me l'envoie.
Puisqu’il n'a pas de maître, je peux toujours le ramener en ville. »
Et le voilà qui rentre à cheval, tout heureux d'une aussi belle occasion.
« Attends ici, explique-t-il au cheval en arrivant en ville. Je vais voir ce que je dois faire. »
Mais il est à peine entré au poste de police que le cheval l'a rejoint. L'officier de garde lui fait
signe de monter et prévient le chef de la police qui écoute son histoire sans dire un mot.
Quand Joha a terminé son récit :
« Eh bien ! lui dit-il. Nous allons garder ce cheval pendant un mois. Si dans un mois personne
n'est venu le réclamer, il sera à toi. »
Joha laisse donc le cheval, mais pendant tout le mois, il ne pense qu’à lui.
Le jour arrive enfin où il peut se présenter au poste de police.
« Non, personne n'est venu réclamer cette bête, lui dit l'officier. Elle sera à toi dès que tu auras
payé la nourriture que nous lui avons donnée. Voilà ce que tu dois. »
Joha prend le papier qu'on lui tend et donne aussitôt l’argent qu'on lui demande. Et que voit-il
alors ? Ce n’est pas son magnifique cheval qu'on amène, c’est un âne misérable qui ne veut
même pas avancer !
Joha comprend qu'on s'est moqué de lui.
Mais sa tristesse devient colère le jour où il voit passer le chef de la police sur son cheval.
Cette fois, c’est trop ! Il faut qu’il se venge ! Et tous ceux qui connaissent Joha savent qu’il ne
manque jamais d'idées.
Un bruit court bientôt sur le marché. Le chef de la police a reçu du Ciel un don merveilleux :
il peut changer les chevaux en ânes et les ânes en chevaux.
« Conduisez vite votre âne au poste de police, vous en reviendrez avec un cheval ! »
Et en quelques heures, la place est remplie d'ânes qui font un bruit terrible. Que se passe-t-il
donc ?
« Donne-nous un cheval, donne-nous un cheval ! » crient les paysans, encouragés par Joha.
Le chef de la police ne comprend rien et ne sait que faire.
On ne parle plus que de cela dans toute la ville, et personne n'est surpris en apprenant que le
sultan lui-même va rendre un jugement.
« C'est Joha qui nous a annoncé le merveilleux pouvoir du chef de la police », disent les
paysans.
« C'est vrai », reconnaît Joha. Et il raconte comment, très honnêtement, il a ramené un cheval
qui n'avait pas de maître, comment il a payé pour sa nourriture et comment, un mois plus tard,
le cheval était devenu un âne, un âne qui ne voulait même pas avancer.
Joha prie le Sultan de faire venir le chef de la police et accuse :
– Il m'a fait payer, très cher, la nourriture d'un cheval. Voilà la preuve, dit Joha, en tendant le
papier qu'on lui a donné.
– Est-ce vrai ? demande le sultan d'une voix sévère.
– Cet homme ment ! Il n'y a jamais eu de cheval ! affirme le chef de la police.
A ce moment précis, le cheval apparaît et se dirige vers Joha comme s'il le connaissait depuis
toujours.
On ne saura jamais comment le chef de la police a été puni. Mais Joha a retrouvé le cheval
que le Ciel, sans doute, lui avait envoyé.
Ces différentes versions ont laissé des traces dans les mémoires collectives et ont stéréotypé
l’image de ces femmes. La Kahina est considérée comme la femme qui a défendu son
territoire contre l’envahisseur. Guerrière exceptionnelle, forte, qui protège les siens, elle laisse
le souvenir d’une bienfaitrice. Aïcha Kandicha, quant à elle, demeure avec l’image trouble
d’un être variant de l’humain à l’animal et tentant de séduire pour mieux détruire. On
l’évoque, de nos jours encore, pour faire peur aux enfants. Souvent décrite comme attaquant
les voyageurs égarés ou détournant les hommes de leurs épouses, elle correspond à la fois à la
femme fatale qui encourage les fantasmes masculins mais également à la mère phallique, ce
qui relance les fantasmes féminins. Le côté sexuel contribue à accentuer le caractère obscur de
cette femme. Cependant, bien qu’elle soit très crainte, elle apparaît parfois comme protectrice.
Pourquoi le mythe a-t-il été positif pour la Kahina et négatif pour Aïcha Kandicha ? Comment
ces mythes sont-ils encore utilisés dans les différentes expressions artistiques actuelles ? Pour
essayer de comprendre cette différence de traitement, nous pouvons nous reporter au dernier
épisode de leurs vies supposées. La Kahina, encouragant la politique de la terre brûlée, aurait
retourné les autochtones contre elle au point de se faire massacrer. L’endroit où elle serait
morte retient la mémoire de son nom « Bir El Kahina ». Elle a donc subi la vindicte populaire
de manière injuste puisque, malgré ses actes, elle a sauvé le pays. Cette injustice, exercée à
son encontre, a certainement conforté l’image de grandeur de la Kahina qui n’a pas été
violente envers les populations autochtones. À l’inverse, Aïcha Kandicha, à la perte de son
fiancé et peut-être de sa famille (selon la version), s’est retournée contre les siens et a
commencé à s’attaquer à eux. Apparemment déconsidérée par ses actes, elle serait alors
apparue comme un danger aux yeux de ses partisans. Il semble que la Kahina a persisté dans
les mémoires collectives comme le symbole de la résistance contre l’ennemi, alors qu’Aïcha
Kandicha représente, pour tous, la femme tentatrice qui attire les hommes et les dévore. Ainsi,
seul un pan de l’histoire est resté dans les mémoires, ce qui a créé une image différente de ces
deux femmes qui, pourtant, toutes les deux se sont opposées aux envahisseurs.
Manifestement, c’est la sexualité qui joue un rôle essentiel pour opposer les deux mythes.