Cours
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1. Éveiller l'intérêt
Le lecteur peut aimer retrouver des habitudes de lecture. Lorsqu'il lit : « Il était une
fois… », il s'attend à lire un conte et se dispose à entrer dans un monde merveilleux. Mais il
aime aussi être surpris, intrigué. C'est pourquoi le narrateur doit s'efforcer, au début de son
récit, d'exciter sa curiosité. Il a le choix entre plusieurs procédés :
— présenter un personnage, un lieu ou un objet qui attire l'attention ;
« En l'année 1872, la maison portant le numéro 7 de Saville-row, Burlington Gardens
[…] était habitée par Phileas Fogg, esq., l'un des membres les plus singuliers et les plus
remarqués du Reform-club de Londres, bien qu'il semblât prendre à tâche de ne rien faire qui
pût attirer l'attention. » (Jules Vernes, le Tour du monde en quatre-vingts jours)
— commencer tout de suite le récit, sans introduction préalable ;
« Un jour, Gaspard Mac Kitycat, le Cher Ami Chat de Thomas se mit à parler. »
(Claude Roy, le Chat qui parlait malgré lui)
— débuter par un dialogue et donner au lecteur le sentiment qu'il prend le récit en
cours ;
« — Attends-moi, Grangibus ! héla Boulot, ses livres et ses cahiers sous le bras.
— Grouille-toi, alors, j'ai pas le temps de cotainer, moi !
— Y a du neuf ?
— Ca se pourrait ?
— Quoi ?
— Viens toujours ! » (Louis Pergaud, la Guerre des boutons)
1.3. Bilan
Remarque :
Dans un récit à la première personne, le narrateur emploie en règle générale le passé
composé pour rapporter des événements écoulés. Dans un récit à la 3e personne, sans
intervention du narrateur, le temps dominant est le passé simple.
Un récit au passé composé donne le sentiment que les événements narrés appartiennent
à un passé proche tandis qu'un récit au passé simple crée une impression d'éloignement.
« Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. » Cette formule célèbre, attribuée à l'empereur César,
résume d'une façon laconique, les trois étapes minimales d'un récit : une situation initiale,
des péripéties et une situation finale.
2. L'ordre du récit
3. La vitesse du récit
Non seulement le récit n'est pas toujours chronologique, mais il peut être plus ou moins
rapide : on parle à ce propos de rythme narratif ou vitesse du récit.
Une grande partie du récit peut être consacrée à un épisode très bref, tandis que de
nombreuses années peuvent être racontées en quelques pages.
C'est le cas dans l'Odyssée : le récit des aventures d'Ulysse (pendant neuf années)
occupe trois chants sur vingt-quatre ; toute la seconde moitié du poème (douze chants) est
consacrée à l'arrivée d'Ulysse à Ithaque et à sa vengeance, épisode qui ne dure que quelques
semaines. On peut parler, dans ce cas, d'accélération pour le récit des aventures d'Ulysse et
de ralentissement pour le récit de sa vengeance.
3. Les portraits
Si c'est un personnage qui est décrit, on parle de portrait. Comme le portraitiste, le
narrateur cherche à mettre en évidence, mais avec des mots, les traits dominants de son
modèle : « Gonzague était un homme de trente ans, un peu efféminé de visage, mais d'une
beauté rare au demeurant. […] Ses cheveux noirs, soyeux et brillants, s'enflaient autour de son
front plus blanc qu'un front de femme […]. Ses yeux noirs avaient le regard clair et
orgueilleux des gens d'Italie. Il était grand, merveilleusement taillé ; sa démarche et ses gestes
avaient une majesté théâtrale. » (op. cit.)
Selon le cas, le narrateur peut croquer son personnage (« C'était une fille de Madrid, aux
yeux de feu, au cœur plus ardent que ses yeux », op. cit.) ou en faire un portrait minutieux
(voir l'exemple du portrait précédent) ; dans ce cas, le portrait physique est le plus souvent
associé à un portrait moral ; ainsi du portrait de Philippe de Gonzague se dégage l'impression
d'un personnage gâté par la vie et vaniteux.
Le personnage peut être montré immobile ou en action ; voici une servante d'auberge
montrée dans l'exercice de son métier : « Une jeune fille, ayant la jupe éclatante et le corsage
lacé des paysannes de Foix, servait avec empressement, apportant brocs, gobelets d'étain, feu
pour les pipes dans un sabot […] (op. cit.)
Enfin le narrateur peut avoir besoin de présenter :
— deux personnages (avec le plus souvent un effet de contraste) ;
« L'un enfourchait un vieux cheval de labour à longs crins mal peignés, à jambes
cagneuses et poilues ; l'autre était assis sur un âne, à la manière des châtelaines voyageant au
dos de leur palefroi. » (op. cit.)
— un groupe de personnages (portrait collectif).
« Il n'y avait pas une seule tête qui ne portât le mot spadassin écrit en lisibles caractères.
C'étaient toutes figures bronzées, tous regards impudents, toutes effrontées moustaches. » (op.
cit.)
Cours 6
Les dialogues dans un récit
La part des dialogues dans un récit peut être très importante. Ainsi en est-il par exemple
dans beaucoup de romans policiers.
Pourquoi le narrateur choisit-il d'interrompre son récit pour faire entendre ses
personnages ? Comment s'y prend-il ?
Le dialogue
Très courant dans la vie quotidienne, sous une forme orale, le dialogue est également
utilisé à l'écrit par les auteurs de théâtre et les romanciers.
Quelles sont ses caractéristiques générales ? Quels aspects particuliers présente-t-il dans
un récit ou dans une pièce de théâtre ?
3. Le dialogue de théâtre
Un texte de théâtre peut être défini comme une sorte de long dialogue dont les
interlocuteurs varient d'une scène à l'autre. Ce dialogue, qui est écrit pour être dit, n'est pas
enchâssé dans un texte narratif ; il n'est accompagné que de brèves indications pour le lecteur,
qui comprennent les noms des personnages ainsi que des précisions sur la situation
d'énonciation (les didascalies).
Revenons à Poil de Carotte dont les dialogues très nombreux revêtent souvent une
présentation théâtrale :
« Madame Lepic : — Où vas-tu ?
Poil de Carotte (Il a mis sa cravate neuve et craché sur ses souliers à les noyer) : — Je
vais me promener avec papa.
Madame Lepic : — Je te défends d'y aller, tu m'entends ? Sans ça… (Sa main droite
recule comme pour prendre son élan.)
Poil de Carotte, bas : — Compris. » (op. cit.)
4 .Le rôle des dialogues
1. Le discours direct
1.1. Définition
Le discours direct permet de rapporter des paroles telles qu'elles ont été formulées.
Dans un récit, l'insertion de paroles rapportées au discours direct constitue une rupture ; ce
n'est plus le narrateur qui parle mais un de ses personnages.
Prenons un exemple emprunté à la fable de La Fontaine l'Ours et les Deux
Compagnons ; à la vue de l'ours, l'un des deux compagnons terrifié fait le mort espérant ainsi
échapper aux griffes de l'animal :
« Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau :
Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
Et de peur de supercherie,
Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire aux passages de l'haleine.
' C'est, dit-il, un cadavre '; ôtons-nous, car il sent. » (La Fontaine, Fables)
La première phrase ainsi que la proposition incise dit-il sont « dites » par le narrateur ;
en revanche la phrase mise en italique est dite par l'ours. Ce changement de voix correspond
ici à un changement complet de système d'énonciation :
— dans la narration, les verbes conjugués au passé simple, à la 3e personne, signalent un
énoncé coupé de la situation d'énonciation ;
— dans le discours direct, on relève au contraire les marques d'un énoncé ancré dans la
situation d'énonciation (le pronom nous qui fait référence au locuteur, le présent de l'indicatif
qui exprime une action contemporaine du moment de l'énonciation).
2. Le discours indirect
2.1. Définition
Les paroles rapportées au discours indirect sont intégrées au discours de celui qui les
rapporte et qui sert d'intermédiaire. Dans un récit, elles sont subordonnées à la narration ;
elles se présentent d'ailleurs grammaticalement sous la forme d'une proposition subordonnée
ou d'un groupe infinitif prépositionnel dépendant d'un verbe de parole.
Observons cet exemple : « L'un de nos deux marchands de son arbre descend, court à
son compagnon, lui dit que c'est merveille qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout
mal. » (op. cit.)
Ici, le discours indirect est introduit par la conjonction de subordination que ; c'est le
cas le plus fréquent, cependant celui-ci peut également être introduit :
— par un mot interrogatif s'il correspond à la transformation d'une phrase interrogative ;
Ex. : Mais qu'est-ce que l'ours t'a dit à l'oreille ? Il lui demanda ce que l'ours lui
avait dit à l'oreille.
— par la préposition de s'il correspond à la transformation d'une phrase injonctive.
Ex. : Explique-moi ce que l'ours t'a dit. Il le pressa de lui expliquer ce que l'ours lui
avait dit.
Observons cet exemple inspiré du début de la fable l'Ours et les Deux Compagnons :
Les deux compagnons dirent à leur voisin fourreur : « Nous allons tuer demain un ours
dont nous vous vendrons la peau. »
Les deux compagnons dirent à leur voisin fourreur qu'ils allaient tuer le lendemain un
ours dont ils lui vendraient la peau.
Le discours direct mis entre guillemets dans la première phrase a été transformé en
discours indirect dans la seconde. Ce passage entraîne ici plusieurs changements :
— un changement de personne ; les pronoms des 1re et 2e personne (nous, vous)
deviennent des pronoms de la 3e personne (ils, lui) ;
— un changement de temps ; le verbe allons passe du présent à l'imparfait (allaient) ;
le verbe vendrons passe du futur simple au futur du passé (vendraient), conformément aux
règles de la concordance des temps ;
— un changement d'indicateur de temps (demain est transposé en le lendemain).
Dans le discours indirect libre, les paroles sont intégrées à la narration sans être
cependant subordonnées à un verbe de parole. Comme dans le discours direct, elles peuvent
d'ailleurs présenter une ponctuation expressive ( ? ! …) pour restituer l'intonation.
Voici un exemple : « Deux compagnons, pressés d'argent,
À leur voisin fourreur vendirent
La peau d'un Ours encore vivant,
Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.
C'était le roi des ours, au compte de ces gens.
Le marchand à sa peau devait faire fortune ;
Elle garantirait des froids les plus cuisants :
On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une. » (op. cit.)
Dans le passage mis en italique, le narrateur rapporte les paroles qu'ont prononcées les
deux compagnons pour persuader le fourreur de leur acheter la peau de l'ours avant qu'ils ne
l'aient tué ; la personne et le temps des verbes sont en phase avec le reste de la narration, les
paroles sont donc rapportées indirectement ; cependant, comme elles ne sont pas
subordonnées à un verbe de parole, on a bien affaire à du discours indirect libre.