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Objectifs
Mais on ne peut pas mélanger les deux. Il existe donc deux systèmes temporels
dans le récit.
EXERCICE
a. Perceval regarda à droite puis à gauche, pour vérifier s'il ne voit pas un cygne car il
a faim et a envie de chasser.
b. Gurnemanz regarde le Gallois sortir de la forêt et s'avancer dans la clairière pour
récupérer le cygne qu'il avait tué. Les écuyers et les chevaliers se précipitèrent sur lui
pour le punir de son crime, mais Gurnemanz les arrêta.
c. Kundry s'adresse à Perceval et lui révèle son nom, ainsi que l'histoire de sa famille.
Malheureusement elle lui apprit également la mort de sa mère qui perdit connaissance
peu après le départ de son fils.
1) Définition
Ce système caractérise l'énoncé ancré dans la situation d'énonciation : l'émetteur
situe l'énoncé par rapport à lui. Les repères sont : je, ici, maintenant.
Le système ancré dans la situation d'énonciation présente des marques de la
présence de l'émetteur et du récepteur. Il s'organise autour de la présence de l'émetteur.
2) Quels temps employer pour situer les faits dans le présent, le passé et le
futur dans un énoncé ancré dans la situation d'énonciation ?
Les faits sont évoqués par le présent, le futur, le passé composé et l'imparfait. Ce
système comporte tous les temps sauf le passé simple et le passé antérieur.
1) Définition
Ce système caractérise un énoncé qui rapporte des événements passés, réels ou
imaginaires, coupés du moment de l'énonciation. Les repères sont : il / elle, là-bas,
alors.
Tout se passe comme si personne ne produisait l'énoncé, comme si les
événements se racontaient d'eux-mêmes.
L'énoncé est souvent rapporté à la troisième personne, car celle-ci ne représente
pas les participants de la communication.
2) Quels temps employer pour situer les faits en les coupant de l'actualité du
narrateur ?
Les temps verbaux sont essentiellement les temps du passé, en particulier le passé
simple, l'imparfait, le plus-que-parfait et le passé antérieur.
Ce système ne comporte ni présent, ni passé composé, ni futur.
Temps du récit et temps du discours (exercice)
Etudiez temps du récit et temps du discours dans l'extrait suivant de Marguerite Duras
(Un barrage contre le Pacifique). Que peut-on en déduire quand à l'usage réel des
temps de la conjugaison en français contemporain ?
"Ce fut donc pour la dernière fois, ce soir-là, que vers cinq heures de l'après-midi, le
bruit rêche de la carriole de Joseph se fit entendre au loin sur la piste, du côté de Ram.
La mère hocha la tête.
- C'est tôt, il n'a pas dû avoir beaucoup de monde.
Bientôt on entendit des claquements de fouet et les cris de Joseph, et la carriole apparut
sur la piste. Joseph était à l'avant. Sur le siège arrière il y avait deux Malaises. Le cheval
allait très lentement, il raclait la piste de ses pattes plutôt qu'il ne marchait. Joseph le
fouettait mais il aurait pu aussi bien fouetter la piste, elle n'aurait pas été plus insensible.
Joseph s'arrêta à la hauteur du bungalow. Les femmes descendirent et continuèrent leur
chemin à pied vers Kam. Joseph sauta de la carriole, prit le cheval par la bride, quitta la
piste et tourna dans le petit chemin qui menait au bungalow. La mère l'attendait sur le
terre-plein, devant la véranda.
- Il n'avance plus du tout, dit Joseph.
Suzanne était assise sous le bungalow, le dos contre un pilotis. Elle se leva et s'approcha
du terre-plein, sans toutefois sortir de l'ombre. Joseph commença à dételer le cheval. Il
avait très chaud et des gouttes de sueur descendaient de dessous son casque sur ses
joues. Une fois qu'il eut dételé, il s'écarta un peu du cheval et se mit à l'examiner. C'était
la semaine précédente qu'il avait eu l'idée de ce service de transport pour essayer de
gagner un peu d'argent. Il avait acheté le tout, cheval, carriole et harnachement, pour
deux cents francs. Mais le cheval était bien plus vieux qu'on n'aurait cru. […]
La veille, Joseph lui avait apporté du pain de riz et quelques morceaux de sucre pour
essayer de lui ouvrir l'appétit, mais après les avoir flairés il était retourné à la
contemplation extatique des jeunes semis de riz. Sans doute, de toute son existence
passée à traîner des billes de loupe de la forêt jusqu'à la plaine, n'avait-il jamais mangé
autre chose que l'herbe desséchée et jaunie des terrains défrichés et, au point où il en
était, n'avait-il plus le goût d'autre nourriture. Joseph allait vers lui et lui caressait le col.
- Mange, gueulait Joseph, mange.
[…] La mère à son tour s'approcha. Elle était pieds nus et portait un grand chapeau de
paille qui lui arrivait à hauteur des sourcils. […]
- Je t'avais dit de ne pas l'acheter. Deux cents francs pour ce cheval à moitié crevé et
cette carriole qui ne tient pas debout.
- Si tu ne la fermes pas je fous le camp, dit Joseph."
Introduction
Les temps du récit sont beaucoup plus représentés dans cet extrait. Toutefois la trame
narrative est régulièrement coupée par l'insertion d'éléments de dialogues permettant de
mieux percevoir les tensions entre les personnages du roman.
On notera qu'à partir de la moitié du texte (3e paragraphe), le récit lui même ralentit :
présence de verbes inchoatifs, qui insistant chaque fois sur le début de l'action la
montrent dans son inachèvement : "Joseph commença à dételer le cheval", "se mit à
l'examiner"... Après une peinture rapide, on est comme arrivé à l'essentiel, et le narrateur
s'attarde, détaille, pris, englué dans la chaleur qui pèse sur les êtres et les ralentit à
l'image du cheval qui va mourir et qui par son comportement constitue en quelque sorte
le prototype de cet univers de l'engluement avec l'arrêt progressif des actions sous le
lourd soleil du Viet-Nam.
L'imparfait
Par opposition au passé simple marquant la rapidité des actions autour du personnage de
Joseph, les actions durables, durantes, et en particulier tout ce qui se rapporte au cheval
amène l'auteur à recourir à l'imparfait, qui ainsi apparaît d'abord comme marqueur de la
durée : on perçoit l'écoulement (lent) du temps, l'inachèvement :
"Joseph était à l'avant"
"il y avait deux Malaises"
"Le cheval allait très lentement"
(noter ici le renforcement par l'adverbe "très lentement")
"il raclait la piste de ses pattes plutôt qu'il ne marchait"
"Joseph le fouettait"
"La mère l'attendait"
"Suzanne était assise"
"le cheval était bien plus vieux"
[...]
"Joseph allait vers lui et lui caressait le col"
"...gueulait Joseph"
Au fil du texte, les imparfaits deviennent dominants, le regard se portant de plus en plus
sur le cheval, symbole de l'anéantissement lent et progressif de toute chose. Au-delà de
l'aspect duratif, ils se chargent souvent d'une valeur itérative : "fouettait", mais surtout
"allait vers lui et lui caressait le col". Ce mouvement de Joseph vers le cheval et
présenté ici comme s'il s'agissait d'une action de tous les jours, actions répétés, alors
qu'on le sait parfaitement, c'est le même soir ("ce soir-là") que, très lentement, Joseph
revenu à la maison, est obligé de se préoccuper du cheval ; tout son comportement, sur
lequel, on concentre le regard du lecteur, est contaminé par la lenteur ambiante.
On notera le contraste entre les introducteurs de dialogue, le plus souvent au passé
simple, ici et dans les usages standard : "dit Joseph" et le recours à l'imparfait dans
"gueulait Joseph", comme si l'on était passé d'un propos sémelfactif" (une fois) à un
gueulement répété : Joseph gueule durablement, gueule à répétition...
On a cinq plus-que-parfaits dans le cadre du récit : "il avait eu l'idée de ce service", "il
avait acheté le tout", "lui avait apporté du pain de riz", "il était retourné", "n'avait-il
jamais mangé" qui, explicitement, renforcés par des locutions temporelles, se trouvent
toujours renvoyer à une époque antérieure au moment du récit ("ce soir-là") c'est-à-dire
le soir où l'on est rendu, le soir du retour anticipé de Joseph). Ces embrayeurs du récit
soulignant l'antériorité sont d'une part "C'était la semaine dernière", d'autre part "la
veille", situant ainsi les deux époques évoquées par rapport au "présent" du récit.
On a également un passé antérieur "une fois qu'il eut dételé", utilisé pour souligner
l'achèvement d'une action ainsi située par rapport au "présent du récit" : le texte se
poursuit tout naturellement au passé simple :... il s'écarta un peu du cheval...
L'hypothétique ou irréel
Des conditionnels occupent une petite place dans le texte : "il aurait pu aussi bien
fouetter la piste, elle n'aurait pas été plus insensible" ; ils ont précisément cette valeur
hypothétique et exclusivement pour souligner le peu de conséquences dans le réel des
actions de Joseph sur le cheval. Sont simplement là respectées les règles de concordance
habituelle, sans qu'il n'y ait rien de particulier à souligner.
Nous avons ci-dessus à diverses reprises souligné leur existence et leur rôle pour situer
les différentes temporalités. Sont en fait évoquées dans le texte trois époques, et pour
chacune Marguerite Duras recourt aux locutions temporelles nécessaires (embrayeurs
anaphoriques) qui fonctionnent normalement avec les temps du récit :
Pour le "présent du récit" : "Ce soir-là" : le soir où prend place le récit raconté au
passé simple et "bientôt" qui, relativement situe plus précisément le moment de
l'arrivée de Joseph.
Pour marquer l'antériorité par rapport au jour évoqué, on a successivement :
- "C'était la semaine précédente", avec le plus-que-parfait
- "La veille", toujours avec le plus-que-parfait
Ils sont beaucoup moins représentés dans le texte, qui, soulignons-le encore, est une
courte sélection dans un chapitre d'Un barrage contre le Pacifique, qui a dû même être
coupé (cf. [...]) pour répondre aux exigences du devoir en temps limité. Mais, ils
ponctuent le récit de remarques brèves des personnages, qui naturellement recourent au
temps du discours (caractéristiques de la parole "en situation"). Ces courts passages de
discours, insérés dans le récit, jouent un rôle important pour l'évolution dramatique ;
remplaçant les plus classiques descriptions de personnages (que l'on trouverait par
exemple dans un roman de Balzac), et les explications concernant leurs caractères, leurs
attentes, leurs comportements. Les propos des personnages mis en scène directement
constituent ainsi des étapes significatives pour l'évolution du roman, complétant la
narration extérieure à la troisième personne où sont énumérées rapidement les actions de
Joseph ou de la mère). Cette technique littéraire, que l'on trouve fréquemment dans le
"nouveau roman" où les dialogues ne sont pas simples enjolivures ou illustrations, mais
ont une fonction dans le développement de l'histoire elle-même, est chère à Marguerite
Duras.
Même si peu nombreux dans notre extrait, les temps du discours sont essentiellement
représentés par le présent (de l'indicatif ou de l'impératif) : "C'est tôt", "Il n'avance plus
du tout", "mange... mange", "Si tu ne la fermes pas je fous le camp" et par un "passé
composé" ("il n'a pas dû avoir beaucoup de monde") qui joue le rôle de passé ou
d'antérieur par rapport au présent, comme le plus-que-parfait joue ce rôle par rapport au
passé simple (voir ci-dessus).
Dans ce cadre, on soulignera le contraste net entre l'usage du "il", marque de la non-
personne selon la terminologie de Benveniste, embrayeur du récit (renvoyant à Joseph,
à la mère, à la piste, au cheval...) et le "je", le "tu" ("Si tu ne la fermes pas...") ou
l'impératif (s'adressant à un "tu") dans les dialogues.
Conclusion
Cet extrait trop court a attiré notre attention sur l'organisation des temps du discours et
des temps du récit dans un roman marqué par certaines des techniques du "nouveau
roman" mais aussi par les soucis réalistes dans la représentation des propos des
personnages. On pourrait d'ailleurs discuter brièvement les rapports entre temps du
discours et oral, et temps du récit et écrit. S'il ne s'agit pas confondre les deux (un récit
peut être fait à l'oral : cf. par exemple la profération d'un conte qui recourt
nécessairement au passé simple, ce temps devenant d'ailleurs symboliquement l'une des
marques du conte pour les jeunes auditeurs, restituant, quand ils ne maîtrisent pas
encore les subtilités de la morphologie du passé simple français, le Petit Chaperon
Rouge en racontant "Elle se leva, elle *parta, elle marcha dans la forêt, etc. ...", et des
conversations peuvent être écrites, les auteurs s'efforçant tout particulièrement depuis le
milieu du XXe siècle, d'imiter dans les dialogues de roman les formes les plus orales,
tant au plan phonique, que syntaxique, ou lexical - cf. ici "je fous le camp"), il est
intéressant de souligner les fonctions des parties dialoguées dans le roman moderne, qui
peuvent même, dans certains cas exceptionnels, constituer à peu près la totalité du
roman en étant le moteur quasi unique de l'évolution romanesque (on pense en
particulier aux romans très contemporains de Nathalie Nothomb mais avant elle, par
exemple, au Claude Mauriac du Dîner en ville).