Rapport de La Mission D'information Sur La Gestion de L'épidémie de Covid 19
Rapport de La Mission D'information Sur La Gestion de L'épidémie de Covid 19
Rapport de La Mission D'information Sur La Gestion de L'épidémie de Covid 19
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
ET PRÉSENTÉ PAR
ET
Députés.
——
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION ........................................................................................................... 11
1. La mobilisation, exemplaire, à tous les niveaux, des collectivités territoriales ...... 107
2. Le binôme maire-préfet doit être consolidé ............................................................ 108
III. LE RETARD INITIAL EN MATIÈRE DE TESTS VIROLOGIQUES A
CONDUIT À UNE STRATÉGIE INCERTAINE : CELLE D’UN RATTRAPAGE
PRÉCIPITÉ .................................................................................................................... 109
A. ENTRE JANVIER ET AVRIL, L’ABSENCE DE DÉPLOIEMENT D’UNE
STRATÉGIE DE DIAGNOSTIC ET DE DÉPISTAGE AMBITIEUSE .............. 110
1. Le développement des techniques de dépistage en France : un bon départ
rapidement gâché ................................................................................................... 110
2. Une mobilisation des laboratoires qui n’a rien eu de « remarquable » dans les
premiers temps de la crise sanitaire ....................................................................... 111
a. Une montée en charge des laboratoires hospitaliers progressive mais qui est
restée limitée ...................................................................................................... 111
b. La participation des laboratoires de ville freinée par des lourdeurs administratives
........................................................................................................................... 112
c. Un retard difficile à justifier concernant les laboratoires publics ........................... 113
3. Les conséquences de quatre mois de tâtonnements ................................................ 115
a. Entre janvier et avril, les incertitudes stratégiques ont affaibli la lutte contre
l’épidémie........................................................................................................... 115
i. Une stratégie dépendante des capacités de tests ........................................................ 115
ii. Quel rôle pour les tests sérologiques ? .................................................................... 116
b. En comparaison avec l’Allemagne, un retard initial dans la capacité de tester
fortement préjudiciable ....................................................................................... 117
B. DE MAI À SEPTEMBRE, LA STRATÉGIE DE DÉCONFINEMENT EST
PROGRESSIVEMENT MISE EN PÉRIL ............................................................. 120
1. Les fondations fragiles du pilier numéro un de la stratégie de déconfinement ...... 120
2. Fallait-il massifier brusquement le dépistage ? ....................................................... 122
a. Cette décision peut s’expliquer par les retards initiaux ......................................... 122
b. Des conséquences non anticipées sur le dispositif ................................................ 123
3. L’embolie du mois du septembre ............................................................................ 125
a. Impréparée, la massification du dépistage s’est avérée incompatible avec la
stratégie de déconfinement .................................................................................. 125
b. L’embolie du dispositif de dépistage s’est répercutée sur la lutte contre l’arrivée
de la deuxième vague .......................................................................................... 127
4. Un nouvel élan dans la stratégie de dépistage ........................................................ 130
IV. LA LUTTE CONTRE LA CIRCULATION DE L’ÉPIDÉMIE AURAIT DÛ
PASSER PAR UN CONTRÔLE RENFORCÉ DES FRONTIÈRES ..................... 131
1. Une gestion désordonnée n’a pas permis de freiner l’arrivée du virus ................... 131
2. L’organisation des contrôles sanitaires a été installée dans une certaine confusion
................................................................................................................................ 132
— 7 —
ii. Des données qui doivent conduire à se poser la question de l’admission des personnes
âgées en réanimation .......................................................................................... 161
II. UN SYSTÈME DE SOINS ÉPROUVÉ PAR L’ÉPIDÉMIE ..................................... 164
A. LE SYSTÈME HOSPITALIER FRAGILISÉ, A PRIS DE PLEIN FOUET LA
CRISE SANITAIRE ................................................................................................. 164
1. Une situation critique face à l’ampleur et à la gravité de l’épidémie ..................... 164
a. Des régions en grande tension .............................................................................. 164
b. Une première vague marquée par un nombre d’admissions à l’hôpital et en
services de réanimation extrêmement important .................................................. 165
c. Le personnel soignant n’a pas été épargné par la crise épidémique ....................... 167
2. Une crise intervenue sur un système de soins fragilisé........................................... 167
B. DES MESURES D’URGENCE POUR PRENDRE EN CHARGE LES
MALADES GRAVES............................................................................................... 170
1. L’augmentation des capacités d’accueil à l’hôpital et en services de réanimation
................................................................................................................................ 170
2. Le transfert de patients vers d’autres régions pour soulager la saturation
hospitalière ............................................................................................................. 173
3. Le recours tous azimuts à des renforts en personnels soignants ............................. 174
C. LES DIFFICULTÉS DE LA RÉORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS
.................................................................................................................................... 177
1. Des besoins en respirateurs pour la réanimation..................................................... 177
a. Un nombre de respirateurs insuffisant pour prendre en charge l’ensemble des
patients en réanimation ....................................................................................... 177
b. Des commandes lancées rapidement mais qui n’ont pas toujours répondu aux
besoins................................................................................................................ 178
2. Un manque de personnel soignant que la réserve sanitaire n’a pas été en mesure
de pallier ................................................................................................................. 179
a. Face à l’ampleur de la crise, la réserve sanitaire n’a pas été un outil suffisamment
opérationnel ........................................................................................................ 179
b. La crise a exacerbé des difficultés de personnel qui sont structurelles................... 181
3. De très fortes tensions s’agissant des médicaments nécessaires à la réanimation .. 182
a. Un risque de pénurie de médicaments lié à une consommation très importante et
à l’explosion de la demande mondiale pour certaines molécules .......................... 182
b. Un plan d’action mis en place par l’État pour un approvisionnement sur le fil du
rasoir .................................................................................................................. 183
D. LA PERSISTANCE DES TENSIONS PENDANT LA DEUXIÈME VAGUE
TÉMOIGNE DE DIFFICULTÉS STRUCTURELLES ......................................... 186
1. Le Ségur de la Santé traduit une prise conscience de la nécessité d’un
investissement dans le système de soins ................................................................ 186
a. Les mesures à destination des personnels soignants .............................................. 186
b. Des investissements supplémentaires dans le système de soins............................. 188
— 9 —
INTRODUCTION
Enfin c’est celui d’un système de soins que l’on pensait solide et qui s’est
retrouvé démuni, et a conduit à gérer dans l’urgence le risque de débordement de
ses capacités face à l’ampleur de l’épidémie. Certes, ainsi que l’a rappelé Édouard
Philippe en audition, « aucun système de santé au monde n'a été construit, pensé,
dimensionné pour faire face à ce que nous vivons, à une vague de cette ampleur ».
Pour autant, le dispositif de réponse à la crise, a été marquée par un important
hospitalo-centrisme, qui a contribué à aggraver des tensions déjà exacerbées par
l’affaiblissement structurel du système de santé. Si « l’hôpital a tenu », grâce à un
immense effort de réorganisation et de mobilisation, on ne peut ignorer le fait que
ceci n’a été possible qu’au prix de la déprogrammation généralisée des soins non
— 13 —
Sur la base de ces constats, le présent rapport entend également dégager des
recommandations et formuler des propositions afin de contribuer à une meilleure
appréhension, à l’avenir, des crises sanitaires d’ampleur. Cela passerait par la
création d’un ministère délégué, auprès du Premier ministre, à l’anticipation des
crises, la restauration de la souveraineté sanitaire de la France ou encore la
départementalisation des agences de santé et le transfert de la compétence
territoriale de la gestion des crises sanitaires aux préfets de département.
Il reste que les inconnues sur l’épidémie sont encore nombreuses : les
raisons de l’ampleur de la deuxième vague, les perspectives concernant les vaccins
ou encore les conséquences à moyen et long terme de la déprogrammation médicale.
Le travail entamé par la mission d’information le 17 mars 2020 continue. Après le
rapport remis par le Président Richard Ferrand le 3 juin dernier, celui-ci, élaboré
après que la mission d’information a été dotée de pouvoirs d’enquête marque une
nouvelle étape mais n’en constitue pas l’achèvement. Qu’il soit néanmoins permis
à votre rapporteur d’espérer pour les Français une sortie la plus rapide possible de
cette crise.
— 15 —
C’est la raison pour laquelle, après les craintes qu’avait fait naître
l’épidémie de grippe H5N1 arrivée en Europe, en 2005, depuis l’Est de l’Asie, la
France, comme ses voisins européens, s’était armée d’un plan « pandémie
grippale ». De leur côté, préfets et forces de sécurité intérieure ont l’habitude de
réagir aux catastrophes par des réponses bien rodées.
Pourtant, comme l’a indiqué M. Édouard Philippe lors de son audition par
la mission d’information, lorsque les premiers cas de covid-19 sont identifiés sur le
sol français, « nous ne disposions pas exactement des instruments adaptés en
matière de planification et de programmation ».
Il n’empêche, alors qu’une forte priorité avait été donnée, dans les années
2000, à la préparation au risque sanitaire au travers du plan pandémie grippale, force
est de constater que cette préparation s’est progressivement émoussée à compter des
années 2010, plus encore à partir de 2015 comme le montre le fait que ce plan,
élaboré en octobre 2004, puis régulièrement actualisé (en 2006, 2007 et 2009),
ne l’a plus été depuis 2011.
— 16 —
Il ne faut pas sous-estimer dans cette évolution, l’effet des polémiques qui
ont suivi l’action des responsables politiques dans la gestion de la grippe H1N1
en 2009, qui aurait entraîné des dépenses excessives, pour un risque finalement plus
faible qu’anticipé (2) : elles auraient conduit les ministres successifs à penser « qu’il
y avait moins de risque pour un politique à en faire moins qu’à en faire trop » (3).
(1) M. François Baroin, président de l’association des maires de France : « Le Conseil national de la sécurité
civile a été supprimé sous l’autorité du précédent Président de la République. Ne pas l’avoir restauré est une
faute. Si le ministère de l’intérieur avait été désigné, comme cela aurait paru logique aux élus locaux, pilote
de cette partie logistique de la crise – car il s’agissait d’un problème d’acheminement –, on aurait gagné du
temps », audition par la mission
(2) M. Xavier Bertrand, ministre chargé de la santé de 2005 à 2007 et de 2010 à 2012, audition par la mission :
« Après l’épisode de la grippe H1N1, à l’issue duquel Roselyne Bachelot a été injustement vilipendée, y
compris dans cette assemblée, on a eu le sentiment qu’on en avait trop fait et que cela avait coûté bien cher :
on s’est dit que le moment était venu de faire des économies ».
(3) M. Francis Delon, SGDSN de 2004 à 2014, audition par la mission.
— 17 —
Une absence de préparation financière pour faire face aux situations sanitaires
exceptionnelles
L’absence de cadre financier permettant la prise en compte des situations sanitaires
exceptionnelles doit être soulignée. Cette alerte a été portée par le directeur général de
la Santé, M. Benoit Vallet, dans une note au directeur de cabinet du ministre de la santé
datée du 19 juillet 2016, regrettant l’inexistence d’un cadre financier pour les frais
variables générés par la gestion d’une situation sanitaire exceptionnelle (évoquant
un « réel vide juridique »). La note recensait les principaux postes de dépenses hors
programmation qui nécessitaient l’identification de vecteurs de financement ad hoc :
compensation de la déprogrammation d’activités, financement de la mobilisation des
professionnels de santé, acquisition d’équipements et produits complémentaires, actions
de prophylaxie collective (campagnes de dépistage), financement de la recherche en
situation d’urgence, autant de postes de dépense qui ont dû faire l’objet de financements
d’urgence pendant la première vague de la crise sanitaire. Cette note a été suivie d’une
seconde, en date du 18 août 2016, à destination de la ministre des solidarités, qui
proposait d’abonder le fonds national d’urgence pour le financement des actions
nécessaires à la préservation de la santé de la population en cas de menace sanitaire grave,
prévu à l’article L. 3131-5 du code de la santé publique. Ce fonds, dont la gestion aurait
été confiée à Santé publique France et mobilisé à la demande du ministre chargé de la
santé, aurait été financé par l’Assurance maladie. Cette proposition a fait l’objet d’un
arbitrage défavorable dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2017.
Une nouvelle proposition conjointe de la DGS et du secrétariat général des ministères
chargés des affaires sociales, portant sur la constitution d’une enveloppe de 4 millions
d’euros pour couvrir tout ou partie du financement des urgences sanitaires
exceptionnelles supportées financièrement par les ARS a aussi fait l’objet d’un arbitrage
défavorable du cabinet, sur l’avis de la direction de la sécurité sociale estimant que la
grande majorité des situations d’urgence étaient déjà couvertes par d’autres vecteurs de
financement.
Ainsi, alors que pour l’année 2020, la dotation de l’assurance maladie à Santé publique
France est de 151 millions d’euros, stable par rapport aux années précédentes, cette
dotation a dû être abondée à plusieurs reprises à partir de mars par l’assurance maladie
pour un total de 4,8 milliards d’euros. Ceci doit permettre à Santé publique France, d’une
part, de disposer des moyens budgétaires et financiers indispensables à la mise en œuvre
des dépenses nécessaires à la lutte contre l’épidémie de covid-19, et, d’autre part,
d’abonder un fonds de concours versé par Santé publique France sur le programme 204
de l’État (pour un montant de 700 millions d’euros, dont 446 millions d’euros de crédits
de paiement ont été dépensés à ce jour) (1).
(1) Ce fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre
de soins » a pour finalité de permettre au Ministère des Solidarités et de la Santé de prendre en charge
directement sur son budget, en complément ou subsidiarité de Santé publique France, certaines typologies
de dépenses, notamment des marchés interministériels sur le transport de marchandises, les achats de
réactifs, ou encore de matériel pour les tests de dépistage. Les principales dépenses ont concerné les masques
(160 millions d’euros) en autorisations d’engagement, les tests (106 millions d’euros), ou les respirateurs
(62 millions d’euros).
— 18 —
indiqué Mme Claire Landais devant le Sénat : « il est vrai que, à partir de 2015, il
y a eu évidemment une focalisation très forte, pendant au moins trois ou quatre ans,
sur le terrorisme. On peut le regretter, bien sûr, et, moi aussi, je me dis que l’on
aurait forcément été mieux préparé si, dans les quatre années précédentes, on avait
pu faire beaucoup d’exercices de pandémie, même grippale ». Et si le risque
sanitaire était envisagé, il l’était surtout sous l’angle d’une attaque bioterroriste (1).
Pourtant, le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a identifié
clairement le risque sanitaire : « En matière sanitaire, la circulation des personnes et
des marchandises, la concentration de populations dans des mégalopoles et la
défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises
majeures. Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène
et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus
franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de
confinement ». Cette menace est, également, présente dans la revue stratégique de
défense et de sécurité nationale de 2017, selon des termes proches.
On ne peut donc pas dire que la conscience du risque épidémique en elle-
même aurait diminuée au fil du temps, mais paradoxalement, une évolution des
priorités et la survenue régulière de crises sanitaires finalement maîtrisées a pu
faussement laisser penser que l’État était toujours bien armé pour y faire face.
Finalement, la situation dans laquelle s’est trouvée la France en 2020
procède en partie d’un défaut de préparation, tant dans la planification que dans
la répétition d’exercices interministériels, résultant, d’une part, d’un faux sentiment
de sécurité et d’un souci d’économies budgétaires face à une situation que l’on
croyait maîtriser après l’épisode de la grippe H1N1, et, d’autre part, d’une
mobilisation des ressources sur le risque terroriste devenu critique.
(1) Mme Claire Landais, SGDSN de 2018 à 2020, audition par la commission de la défense nationale et des
forces armées de l’Assemblée nationale, 30 avril 2020 : « au cours de la décennie 2000, nous étions surtout
préoccupés par les acteurs malveillants à la suite des attaques terroristes, et il est vrai que nous imaginions
d’abord le risque sanitaire sous cet angle. »
— 19 —
Cette situation, qui est le résultat d’une répartition des responsabilités entre
l’État, les hôpitaux, les agences régionales de santé et les employeurs,
particulièrement confuse – confusion dont les conséquences sont aggravées par le
brusque changement d’échelle de l’utilisation des masques – a participé de
l’absence de ceux-ci en quantité à la veille de la crise, chacun semblant imputer
cette responsabilité à autrui.
(1) Instruction du 2 novembre 2011 relative à la préparation de la réponse aux situations exceptionnelles dans
le domaine de la santé.
— 21 —
des personnels soignants par les stocks stratégiques de masques en cas de crise
sanitaire.
(1) Réponse au questionnaire écrit : « Cette doctrine replace donc l’employeur et les travailleurs indépendants
en responsabilité pour leur équipement de crise. Elle ne prévoit pas d’exception, y compris pour les
professionnels ou établissements de santé ».
(2) Mme Marisol Touraine, ministre chargée de la santé de 2012 à 2017, audition par la mission : « Il revient
donc aux hôpitaux de constituer leurs stocks de masques chirurgicaux et FFP2, mais ces masques ne font pas
partie des stocks stratégiques ».
Mme Agnès Buzyn, ministre chargée de la santé de 2017 à 2020, réponse écrite : « Les masques FFP2 pour
le personnel soignant ne sont plus du ressort du stock stratégique de l’État depuis le changement de doctrine
de 2013 par le SGDSN qui remet les employeurs en responsabilité […]. Le 13 mai 2013, le SGDSN, sur la
base de l’avis du HCSP de 2011, revoit la doctrine des stocks tactiques et stratégiques et remet aux
employeurs privés et publics (cela concerne donc les hôpitaux EHPAD et indépendants) la responsabilité de
constituer un stock pour protéger leur personnel ».
— 23 —
(1) M. Francis Delon, SGDSN de 2004 à 2014, audition par la mission : « La distribution de masques aux
personnels de santé est faite à partir du stock stratégique constitué par le ministre de la santé […]. Les choses
sont claires : il existe un stock stratégique destiné aux malades et aux personnels de santé. La doctrine de
2013 a un tout autre objet […] elle ne concerne ni les malades ni les personnels de santé […]. Elle
s’applique aux employés, qu’ils soient publics ou privés, qui doivent travailler en cas de pandémie ».
(2) Mme Claire Landais, SGDSN de 2018 à 2020, audition par la mission : « Les règles propres au monde de la
santé ne figurent pas dans cette doctrine ». La doctrine de 2013 « ne porte pas sur les stocks stratégiques
destinés aux malades, aux cas contacts et aux professionnels de santé […]. D’ailleurs, demander au SGDSN
de décrire comment les professionnels de santé devaient être équipés en masques aurait été une erreur, car
ce n’est pas son travail et il n’a pas les compétences techniques pour le faire. Il est donc logique que cette
doctrine ne se saisisse pas du sujet de l’équipement des professionnels de santé, qui est traité par le ministère
de la santé ».
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ÉVOLUTION DU STOCK DE MASQUES FFP2 GÉRÉS PAR L’EPRUS PUIS PAR SPF
600
483
500
380
400
308
300
233
200
102
100 71 75 75
47 0,036 détruits
0 détruits 0,68 détruits
0,72 0,72 0,036 300 0
0
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
C’est bien l’absence totale de masques FFP2 dans les stocks de l’État au
début de l’année 2020 (1), qui au moment des premières alertes relatives à
l’émergence d’un virus à transmission respiratoire, a conduit la ministre de la santé
Agnès Buzyn à demander qu’une commande soit passée pour 1,1 million de
masques FFP2 fin janvier, puis pour 28,4 millions supplémentaires, le 7 février.
Comme l’a expliqué la ministre, devant la mission : « Je ne vois pas pourquoi
j’aurais anticipé une commande de masques FFP2 alors que cela ne relevait plus
des stocks stratégiques ».
(1) La note du directeur général de la santé du 6 février 2020 au cabinet de la ministre des solidarités et de la
santé le rappelle : « il n’y a pas, actuellement, de stock d’État constitué de masque FFP2 conformément à la
doctrine du SGDSN qui prévoit que chaque employeur détermine l’opportunité de constituer des stocks de
masques pour protéger son personnel ».
— 27 —
C’est d’autant plus le cas que le stock de masques chirurgicaux n’était pas
même constitué à la hauteur de ce qu’il aurait dû être pour couvrir les patients
malades. L’intégration explicite du secteur de la santé au sein des bénéficiaires du
stock stratégique de masques aurait, au contraire, conduit à un dimensionnement
plus élevé du stock de masques chirurgicaux pour tenir compte de leurs besoins en
temps de crise.
(1) M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France de 2016 à 2019, audition par la
mission : « Il y avait besoin d’une doctrine, parce qu’on hésitait trop entre, d’un côté, les masques pour la
population et, de l’autre, des masques pour les professionnels. Cette question taraudait tout le monde ».
(2) M. Frédéric Valletoux, président de la fédération hospitalière française, audition par la mission : « Tous les
directeurs, tous les établissements, ont reçu la circulaire de 2013 qui instaurait un changement dans la
gestion des stocks de masques, créant un stock stratégique et renvoyant aux établissements la responsabilité
de stocks qui ne sont pas des stocks courants, mais doivent néanmoins être considérés comme tels, c’est-à-
dire des stocks plus importants qu’au jour le jour, mais qui ne sont pas non plus des stocks en cas de pics
d'épidémie d'ampleur inédite et historique ».
— 28 —
(1) Mme Christine Schibler, déléguée générale de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), audition
par la mission : « le changement de doctrine de mai 2013 sur les masques n’a pas donné lieu, à notre
connaissance, à la diffusion de circulaires ou de textes. On ne peut pas dire qu’elle était appliquée puisqu’elle
n’a pas été suivie d’une campagne de diffusion, voire de contrôles des établissements de santé – j’ignore ce
qu’il en a été dans d’autres secteurs ».
M. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), audition par la mission :
« Bien entendu, si j’avais eu l’obligation ou même seulement eu connaissance d’une obligation formelle de
constituer un stock de masques pour protéger mes salariés et mes patients, je l’aurais fait. Un stock de
50 000 masques permet de passer une semaine ou un mois de pandémie pour un montant de 50 000 euros.
Cette somme n’est pas rédhibitoire au regard du chiffre d’affaires et de l’ensemble des dépenses de pharmacie
à usage unique. D’évidence, nous l’aurions fait ».
(2) Mme Odile Reynaud-Lévy, vice-présidente de l’association nationale des médecins coordonnateurs et du
secteur médico-social, audition par la mission : « Enfin, s’agissant des EPI, je suis désolée mais j’ignore la
doctrine de 2013. Peut-être aurait-on dû poser la question à nos directeurs d’établissement ». Mme Nathalie
Maubourguet, présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en
EHPAD, audition par la mission : « Nous non plus, nous ne connaissions pas cette doctrine ».
(3) M. François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes : « Concernant la doctrine de 2013, nos
laboratoires n’étaient pas du tout avertis de l’obligation de rééquipement et d’achat de masques en quantité
suffisante ».
(4) M. Philippe Vermesch, président du syndicat des médecins libéraux, audition par la mission: « À aucun
moment les médecins libéraux n’ont été avertis du prétendu changement de doctrine concernant la gestion
des masques. À aucun moment, ils n’ont reçu directement ou indirectement la consigne selon laquelle il leur
appartenait désormais de constituer leur propre stock ».
(5) M. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, audition par la
mission : « Nous avons appris le changement de doctrine de 2013 au cours des auditions que vous avez
menées. Jamais personne ne nous a dit que nous étions chargés de nous approvisionner en masques ».
— 29 —
Selon la DGS, les stocks de masques détenus par les établissements de santé
ne sont pas contrôlés par les ARS car ils ne font pas partie des moyens tactiques
financés par la MIG. En tout état de cause il n’ y a pas eu d’instructions relatives au
contrôle de ces stocks (1). M. Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS Île-de-France
le reconnaît: « Aujourd’hui, même si nous n’avions pas d’instructions spécifiques,
je dirais que nous aurions dû vérifier régulièrement le niveau et la nature de ces
stocks ».
C’est pourquoi, votre rapporteur souhaite que soit explicité le fait que la
protection des personnels de santé en cas de crise sanitaire majeure
(pandémique ou autre) relève des stocks stratégiques constitués par le
ministère de la Santé, qui doit prévoir une distribution de produits à leur
intention si nécessaire. En effet, si les établissements de santé peuvent gérer un
stock courant lié à leurs besoins de fonctionnement, éventuellement majoré pour
tenir compte d’événements imprévus de courte durée, leur mission doit demeurer le
soin et non la logistique ou la prévention.
Pour les raisons qui viennent d’être explicitées, à compter de 2013, le stock
stratégique de masques est recentré sur des masques chirurgicaux destinés à assurer
la protection des malades et de leurs contacts en cas de pandémie.
(1)M. Jean Yves Grall, directeur général de la santé de 2011 à 2013, « Concernant le contrôle, les ARS n’ont
reçu aucune instruction sur le suivi des stocks dans les établissements de santé ou médico-sociaux, du moins
pas à ma connaissance, ni à mon niveau », audition par la mission.
— 30 —
En effet, une grande partie des masques commandés dans les années 2003
à 2005 n’affichaient pas de date de péremption, celle-ci n’ayant été rendue
obligatoire que par une modification de norme européenne intervenue en 2014.
C’est pourquoi, dans un courrier du 19 avril 2017, le directeur général de la santé,
Benoît Vallet, demande au directeur général de Santé publique France qu’une
évaluation de la qualité des masques sans date de péremption (soit 613 millions de
masques sur les 713 millions de masques adultes que compte alors le stock national)
soit réalisée « afin d’évaluer, en sus de leur efficacité, leur adaptation aux normes
chirurgicales et de tester la qualité de leurs élastiques ».
En parallèle, une réflexion est menée depuis plusieurs années sur le passage,
d’un stock « dormant », constitué de produits immobilisés jusqu’à leur utilisation,
et détruits une fois passée leur péremption, à un stock « tournant », géré de manière
dynamique. Cette réflexion, accentuée après la crise sanitaire liée au virus H1N1, et
les problèmes de stockage de trop grande ampleur qui se sont ensuite posés, figure
déjà dans le rapport du Haut conseil de santé publique de juillet 2011, qui évoque
« la constitution d’un stock tournant impliquant la libération (par exemple vers les
hôpitaux pour l’usage en soins courants) et la reconstitution régulières d’une partie
du stock, et ce compte tenu des durées de péremption de ces masques ». Il s’agit
alors d’éviter que l’ensemble du stock n’arrive à péremption à une date unique,
imposant une commande massive de produits qui, à nouveau, arriveront à
péremption simultanément s’ils ne sont pas utilisés.
(1) « Entre 2011 et 2013, j’ai passé une commande de 100 millions de masques chirurgicaux, dans l’objectif de
parvenir au milliard et dans l’optique d’un lissage des acquisitions – afin d’éviter de se retrouver en rupture
du jour au lendemain – et de la constitution d’un stock tournant, afin que ces masques puissent être utilisés ».
— 32 —
directeur général de la santé, M. Benoît Vallet dans son courrier du 19 avril 2017
au directeur général de Santé publique France (1). Une telle proposition figurait
également dans le rapport du sénateur Delattre de 2015 s’agissant, cependant,
uniquement des produits instables, les produits stables devant continuer à faire
l’objet d’un stock physique (2) : « Recommandation n° 5 : afin de réduire les coûts
d’acquisition et de stockage, poursuivre le développement de la réservation de
capacités de production de produits de santé, tout en maintenant des stocks
physiques pour les produits stables et, en particulier, pour les comprimés d’iode ».
(1) « La stratégie globale d’acquisition nécessite également d’être actualisée en tenant compte, notamment, de
la doctrine gouvernementale de 2013. Dans cette perspective, mes services vont (…) apprécier l’opportunité
de redimensionner le stock pour en faire un stock tampon ».
(2) Rapport d'information de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances du Sénat, n° 625,
L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), juillet 2015
(3) Mme Agnès Buzyn, ministre chargée de la santé de 2017 à 2020, audition de la commission : « À mon arrivée
au ministère en 2017, je rédige, avec le directeur général de la santé, un nouveau contrat d’objectifs et de
performance (COP) pour Santé publique France, qui sera signé début 2018 pour la période 2018-2022. Je
demande alors à l’agence de me proposer une doctrine plus efficiente de gestion des stocks, tenant compte
du fait que ceux-ci ont besoin de tourner et d’être contrôlés – tout cela fait partie des missions et des
orientations stratégiques que donne la ministre à une agence de santé publique chargée de la réponse aux
risques sanitaires ».
— 33 —
ÉVOLUTION DU STOCK DE MASQUES CHIRURGICAUX GÉRÉS PAR L’EPRUS PUIS PAR SPF
1000,0 933,2
400,0
196,4 232,9
200,0 121,7
47,7 63,1
0,0 0,3 2,2 0,0 19,6 97,3
0,0
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Stocks de masques
Stocks de masques hors périmés et non-conformes
Destructions de masques
Ainsi, le Haut conseil de la santé publique, dans son avis du 11 juillet 2011
relatif au stock stratégique de masques, préconisait « d’évaluer auprès des
fabricants les capacités de fabrication et d’approvisionnement en période
épidémique, dans un contexte où la demande internationale pourrait être élevée ;
en fonction de celles-ci, de définir une durée minimale que le stock permanent devra
couvrir en attente d’approvisionnement complémentaire ». Le rapport du groupe
d’experts présidé par M. Jean-Paul Stahl indique qu’en cas de pandémie,
« l’importance du stock [minimal] est à considérer en fonction des capacités
(1) M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, audition par la mission d’information : « Cela n’était
nullement incompatible avec la doctrine et permettait d’éviter d’avoir à jeter régulièrement des quantités
importantes de masques ».
— 35 —
Si la question est posée, en 2018, aucune réponse n’y est apportée alors que
les stocks restent faibles. Comme l’indique la DGS, « une évaluation des capacités
de production et d’approvisionnement en France de masques chirurgicaux a été
menée en 2019 en lien avec le SNITEM, qui s’est avéré peu compétent en la matière
(seule l’entreprise 3M a répondu) et n’a pas permis d’apprécier la réactivité du
marché traditionnel et en urgence ».
(1) M. Jean-paul Stahl : « En ce qui concerne le stock de masques, nous avons écrit « en fonction des capacités
d’approvisionnement », confiant aux logisticiens la tâche de définir la hauteur du stock en fonction de leur
capacité d’approvisionnement, parce que nous n’envisagions pas – à tort –, que les usines arrêteraient de
produire. Un stock minimal pouvant être renouvelé par un réapprovisionnement rapide nous semblait
suffisant pour faire face au premier moment d’une pandémie de grippe. Nous avons chiffré un besoin et non
une recommandation de stock. Il s’est incontestablement produit quelque chose que nous n’avions nullement
anticipé », audition par la mission
(2) M. Xavier Bertrand, ministre chargé de la santé de 2005 à 2007 et de 2010 à 2012 « Disons les choses
clairement : tout est une question d’argent, du début à la fin. Les masques coûtent cher, on ne s’en sert qu’en
cas de crise, ils ne sont pas éternels… Une logique d’économies s’est imposée au fil des années, et c’est la
pénurie de masques, qui a fini par fixer la doctrine publique. S’il y a eu pénurie, c’est parce que les masques,
il faut s’en occuper et les acheter. C’est un problème de vigilance et de moyens budgétaires », audition par
la mission.
— 36 —
(1) Selon Santé publique France, ce taux s’explique par la présence, dans les stocks, de volumes importants
d’Oseltamivir PG 30 mg, fabriqué par la pharmacie centrale des armées entre 2009 et 2012, ayant dépassé
la date de péremption.
— 37 —
Or, la défection des deux seuls fabricants présents sur le marché français,
Teva et Roche (1) va rendre impossible d’atteindre la cible visant à obtenir une
capacité de réservation pour 30 % de la population (2). Dès lors, il est décidé de
« prévoir chaque année une enveloppe complémentaire permettant de couvrir
l’équivalent de 5 % de la population en nombre de traitements d’antiviraux entre
2020 et 2023 ».
Si le traitement par antiviraux n’a pas été requis dans le cadre particulier de
la covid-19, il convient toutefois de souligner que les stocks disponibles auraient,
si tel avait été le cas, été inférieurs aux besoins en début d’année 2020, le choix
de recourir, ici encore, à un stock minimal complété de capacités de
production, n’ayant pas été assorti, en amont, de suffisamment de garanties
permettant la mobilisation effective, dans les délais requis, de ces capacités de
production.
350
303
300
250 224
198
200
150
100
51
37
50
4 0,2 13,9 13,9
7,8
0
31.12.2015 31.12.2016 31.12.2017 31.12.2018 31.12.2019
(1) Teva ayant annulé une commande importante en 2019, Santé publique France est amené à « douter de la
fiabilité d’un tel fournisseur » ; le laboratoire Roche a, finalement, exprimé son opposition à une telle
procédure, contrairement à ses premières déclarations.
(2) Compte-rendu du 12 septembre 2019 entre la direction générale de la santé et Santé publique France
— 38 —
(1) Médicaments (antibiotiques, antiviraux, antidotes), vaccins, aiguilles et seringues, consommables, certains
équipements de protection individuelle (essentiellement destinés à faire face à des menaces radiologiques),
mais également des masques chirurgicaux.
(2) Rapport d'information de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances du Sénat, n° 625,
L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) : comment investir dans la
sécurité sanitaire de nos concitoyens ? 15 juillet 2015.
— 39 —
1 600 350
Millions d'unités
Millions d'euros
1 400 300
1 200
250
1 000
200
800
150
600
100
400
200 50
0 0
2015 2016 2017 2018 2019
volume total hors périmés 1 516 653 0701 289 392 7271 065 242 9421 009 295 234 794 671 623
valeur totale hors périmés 297 050 117 216 994 942 147 748 258 151 898 322 158 533 028
1600
Millions
1400
1200
1000
800
600
400
200
0
2015 2016 2017 2018 2019
volume total hors périmés 1516653070 1289392727 1065242942 1009295234 794671623
antibiotiques hors périmés 86224858 15641310 15896072 10407288 12912063
antiviraux hors périmés 303403560 198346375 13929990 13917990 51180130
antidotes hors périmés 141567451 145249556 106003325 75944188 96784373
FFP2 hors périmés 75803630 719500 719500 36300 300
masques chirurgicaux hors périmés 734155300 754453600 754188150 734683300 459313900
Note de lecture : les valeurs des stocks de masques chirurgicaux ne tiennent pas compte des masques déclarés non-conformes
(613 millions à l’été 2018, dont 362 millions restent à détruire au 31 décembre 2019)
Source : mission d’information, à partir des données de Santé publique France
— 40 —
(1) M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France de 2016 à 2019, audition par la mission
d’information : « J’ai beaucoup plaidé, avant mon départ, pour que l’agence soit financée exclusivement par
l’assurance maladie, en lieu et place de l’État, afin de protéger l’emploi et, de manière générale, l’institution.
L’assurance maladie a en effet la santé dans ses gènes et dispose des moyens de fonctionner ».
Mme Marisol Touraine, ministre chargée de la santé de 2012 à 2017, audition par la mission d’information :
« On peut s’interroger sur la double dotation de l’État et de la sécurité sociale – les cofinancements sont
toujours compliqués. J’ai donc suivi une recommandation et fait basculer le financement de l’EPRUS du côté
de la sécurité sociale, plutôt que de celui de l’État, afin de le sanctuariser […]. J’ai pensé que cette décision
permettrait de protéger les financements de l’EPRUS ».
— 41 —
Qu’en a-t-il été par la suite ? Pour quelle raison ce sujet n’a-t-il plus
semblé intéresser les ministres ou leurs cabinets ?
(1) Mme Roselyne Bachelot, ministre chargée de la santé de 2007 à 2010 : « un ministre doit être informé. Il ne
s’agit pas de recevoir, tous les matins, une note sur les stocks, bien entendu. Mais la politique des masques
relève de la décision du ministre […]. Donc, un ministre s’inquiète à intervalles réguliers, que ce soit parce
que vous recevez le directeur de l’EPRUS qui vient vous informer de ce qui se passe dans son
administration… » , audition par la mission.
(2) Audition du 23 septembre 2020.
— 42 —
Les premières semaines de la crise sanitaire ont été marquées par des images
de soignants équipés parfois de moyens de fortune et déplorant le manque
d’équipements de protection, alors qu’ils étaient les plus exposés et risquaient eux-
mêmes d’être des vecteurs de contamination.
(1) Le COP ne parle toutefois pas spécifiquement de stock tampon mais de « gestion optimale des stocks », de
manière imprécise.
— 43 —
Très vite, la crise sanitaire est donc devenue une crise de logistique, en
l’absence de stocks stratégiques d’État constitués : comment se procurer dans
l’urgence et en quantité considérable des masques, des blouses, des charlottes et des
gants. Comment les acheter, les acheminer, les stocker, les distribuer rapidement et
au plus près des besoins ?
Alors que l’EPRUS, créé de manière très consensuelle après une succession
de crises sanitaires (épidémie de SARS-CoV-1 en 2002-2003, canicule en 2003,
épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2006, épisode de grippe aviaire en
2006, etc.) pour gérer la réserve sanitaire d’une part et les stocks stratégiques de
l’État d’autre part, avait fait ses preuves lors de la crise H1N1 en 2009 (1) en ayant
permis de mettre en place une gestion « fiable » des stocks, sa fusion au sein de
Santé publique France a conduit à diluer ses compétences propres en matière
de logistique au sein d’un établissement aux missions bien plus larges, et qui
paraît s’être prioritairement centré sur la veille épidémiologique.
L’EPRUS était composé d’une trentaine d’agents fin 2014, avant son
intégration à Santé publique France, notamment de militaires issus du service de
santé des armées, dotés de compétences spécifiques en matière de logistique et
d’approvisionnement. Lors de la fusion des organismes, ces agents ont peu pesé au
sein des quelque 600 agents de Santé publique France, majoritairement des
chercheurs issus de l’Institut national de veille sanitaire. Ce risque était redouté par
le sénateur Francis Delattre dans son rapport de 2015 sur l’EPRUS (2), qui
recommandait alors que les fonctions de réponses aux crises sanitaires
(1) Ainsi, la Cour des comptes estimait, dans un rapport de 2010 (Les comptes et la gestion de l’établissement
de préparation et de réponse aux urgences sanitaires depuis sa création, septembre 2010) que l’EPRUS avait
su « répondre pour l’essentiel en bon ordre de marche aux tâches qui lui ont été confiées à partir de la mi-
2009 dans la gestion de la campagne contre la grippe H1N1, qui a constitué pour lui un « baptême du feu »,
s’agissant en particulier de sa capacité à constituer un stock important et varié de produits et à en gérer
les approvisionnements et la distribution »
(2) Rapport d'information de M. Francis Delattre, Sénat, n° 625, 15 juillet 2015. Il y est évoqué : « une crainte,
légitime, que l’EPRUS ne soit « noyé » dans la future structure d’environ 500 personnes, et ne devienne
incapable de répondre à des situations d’urgence dans des délais extrêmement courts ».
— 45 —
(1) M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France de 2016 à 2019, audition par la
mission : « Enfin, une fusion entraîne une réduction de l’emploi – je ne suis pas naïf. Comme dans beaucoup
de fusions, on m’a demandé de réduire les effectifs de 10 %, ce que j’ai fait. Puis j’ai découvert qu’il y avait
déjà eu 10 % de réduction entre 2010 et 2014. L’agence a ainsi perdu 20 % de ses effectifs dans ses trois
périmètres – INPES, InVS et EPRUS. Cela a des conséquences s’agissant des personnels, qui sont des
scientifiques de haut niveau : une personne en moins, ça compte ».
(2) 34 personnes au total pour ce qui concerne l’unité de coordination « Alerte et crise », l’établissement
pharmaceutique et la réserve sanitaire, ainsi que leur direction commune « Alerte et crise » en 2019. Ces
effectifs étaient de 34 au moment de la fusion en mai 2016, de 27 en 2017 et de 29,8 en 2018.
— 46 —
Les missions de SpF ont pour l’essentiel été limitées, dans la crise, à la
passation de commande dont les ordres formels lui parvenaient de la DGS,
ainsi qu’à la réception des produits dans ses plateformes et à l’organisation des
contrôles qualité.
— 47 —
Toutefois, la répartition des rôles entre les deux structures semble avoir
été source de coûts de coordination importants, en raison de la complexité des
échanges et du partage d’information alors qu’un suivi fin de l’état des stocks en
temps réel était indispensable, de la complexification des processus de validation,
et, de manière générale, de la segmentation d’une chaîne logistique habituellement
unifiée sous l’égide d’un seul acteur disposant d’une vue d’ensemble.
— 48 —
L’agence estime alors que le scénario le plus probable est celui d’une
pandémie qui toucherait le territoire national avec des « impacts sanitaires et
sociaux significatifs, avec persistance de ce nouveau virus qui nous ferait entrer
dans une vague pandémique » (1).
(1) Note du 6 février 2020 du Directeur général de la santé au cabinet de la ministre Agnès Buzyn. SpF identifie
trois scénarios, dont selon les propos de sa directrice générale : un scénario du type SRAS et deux scénarios
de type pandémique, l’un avec un impact sanitaire et sociétal significatif, l’autre avec un impact sanitaire et
sociétal majeur.
(2) Santé publique France, réponse au questionnaire
(3) M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, audition par la mission : « Dès le 6 février, j’ai demandé
la mise en place d’un stock d’État de masques P2 et j’en ai passé commande le 7 février, pour 28 millions
d’unités. Nous avons donc réagi assez vite, à un moment où il n’y avait pratiquement pas de cas en France
[…]. Nous avons donc plutôt fait preuve d’anticipation et passé des commandes de manière précoce. On peut
toujours dire a posteriori qu’on aurait pu faire plus ou mieux, mais ces mesures ont été déployées avant même
la découverte du cluster des Contamines-Montjoie »
— 49 —
(1) Mme Agnès Buzyn, ministre chargée de la santé de 2017 à 2020, réponse écrite : « Nous apprenons le mardi
28 janvier par SpF que beaucoup de la production des EPI vient de Wuhan et que nous allons probablement
faire face à des problèmes d’approvisionnement ».
— 50 —
Cette filière de production a, en effet, été affectée par des fermetures de sites
de production comme l’usine Bacou-Dalloz (devenue Sperian Protection) de
Plaintel (Côtes d’Armor) en 2018, et ne peut répondre à l’augmentation de la
demande.
11 9 9 9 11
8
6 6 6 6
4
Du 2 au 8 Du 9 au Du 16 au Du 23 au Du 30 au Du 6 au Du 13 au Du 20 au Du 27 au Du 4 au Du 11 au
Mars 15 Mars 22 Mars 29 Mars 5 Avril 12 Avril 19 Avril 26 Avril 3 Mai 10 Mai 17 Mai
Source : CCIL-MS
L’État s’engage, de son côté, à commander 30 millions de masques en 2006, 140 millions
en 2007 et 30 millions en 2008. Le prix de vente du masque pliable est fixé à 35 centimes.
L’article 11 de l’accord indique que l’État assurera le renouvellement de son stock arrivé
à péremption.
L’entreprise est pourtant fermée en 2018 et les chaînes de production détruites. Après son
rachat en 2010 par un groupe américain, les effectifs avaient déjà été réduits de 140 à 38
salariés sur la période, la production de masques, délocalisée en Tunisie, passant d’une
capacité de 180 millions par an à une production effective de 8 millions par an. Son
ancien dirigeant, M. Roland Fangeat, l’expliquait ainsi : « de janvier 2009 à
septembre 2010, nous avons livré 160 millions de masques FFP2 à l’État. Puis, il y a eu
un désengagement de l’État, la chute des commandes a été catastrophique pour
l’usine » (1). En l’absence de commandes de l’État entre 2011 et 2017, le site est
devenu déficitaire.
Si M. Xavier Bertrand estime que le contrat avait été signé pour 5 ans et que l’entreprise
aurait dû chercher d’autres clients pour ne pas reposer sur les seules commandes de l’État (2),
son ancien dirigeant indique qu’en application de l’accord, l’État aurait dû renouveler par de
nouvelles commandes le stock arrivant à péremption, ce qui n’a pas été le cas.
Quoi qu’il en soit, la filière française de production de masques s’est affaiblie, faute de
commandes régulières de l’État. À la veille de la crise sanitaire, la capacité de
production était de 3,5 millions de masques par semaine, ce qui est évidemment très
insuffisant en situation de pandémie. M. Roland Fangeat alertait pourtant dès 2005, dans
une audition devant l’Assemblée nationale (3), sur l’importance du maintien d’une
capacité de production française, en des termes qui ont été vérifiés par les faits : « par
rapport aux besoins actuels du marché, la capacité de production est largement
suffisante. Mais on peut prévoir qu’en période de crise, la demande mondiale serait
multipliée au moins par dix et que des problèmes se poseraient […]. Si une pandémie se
déclarait aujourd’hui, il est évident que toutes les sociétés spécialisées du monde
fabriqueraient d’abord pour les pays où elles sont implantées, et donc pas pour la
France. Chaque pays devant se contenter de sa production nationale, le nôtre n’aurait
pas les moyens de s’équiper. D’où une réflexion nécessaire sur l’implantation, en France,
d’autres unités de fabrications ».
De plus, alors que la fermeture de l’usine de Plaintel n’a pas fait l’objet d’une
information particulière du SGDSN, il apparaît que les entreprises productrices de
masques sanitaires doivent impérativement bénéficier du statut d’opérateurs
d’importance vitale, ce statut garantissant une vigilance particulière de l’État,
s’agissant notamment des opérations d’investissement ou de cessions.
i. Des commandes importantes pour faire face aux besoins mais qui ont
subi une forte augmentation des prix
Note de lecture : la commande du 13 mars porte sur 200 millions de masques, chirurgicaux et FFP2 confondus sans détail de
la répartition, ici comptabilisée comme masques chirurgicaux.
Source : mission d’information, à partir des données de Santé publique France.
— 56 —
1400 1287
1200
948
1000 888
771 791
800 693
600
338
400
200
200
1,1 29,5
0
S’y ajoute une commande passée directement par la DGS, le 20 mars 2020,
pour acquérir 39 millions de masques FFP2 pour 119,74 millions d’euros et
32 millions de masques chirurgicaux pour 28,1 millions d’euros. Cette commande
a été passée afin d’épauler Santé publique France qui devait passer dans le même
temps un nombre important d’autres marchés similaires.
S’agissant des EPI, au 28 mai 2020, 443 millions d’euros avaient été
engagés par Santé publique France et 430 millions d’euros restaient à engager pour
l’acquisition de blouses, charlottes et gants. Au 8 octobre 2020, 1,2 milliard de gants
avaient été commandés, ainsi que 630 millions de surblouses et tabliers, 40 millions
de surchaussures, charlottes et lunettes.
Les prix négociés par le ministère de la santé pour les masques chirurgicaux
ont atteint 0,75 euro HT l’unité à la mi-mars pour redescendre à 0,50 euro HT en
avril, puis 0,40 euros HT en mai (hors transport), puis 0,20 euros TTC en juin
(transport compris). Depuis le mois de septembre, les prix sont de l’ordre de
0,06 euro à 0,10 euro TTC selon les quantités commandées, soit un prix qui s’est
rapproché de ce qu’il était avant la crise (3).
Selon les données transmises par Geodis, au 31 octobre, 119 vols ont été
réalisés – majoritairement via les compagnies Volga et Air France – permettant
l’acheminement de 873 millions de masques, pour un coût total de 90,6 millions
d’euros. Le groupe Geodis indique avoir dégagé une marge brute de 8,9 % sur ces
opérations, intégrant la rémunération des 40 collaborateurs mobilisés sur le sujet.
Les données transmises par la DGS font état d’un total de 132 vols (ainsi
que de réservation de volume dans 10 autres vols), ayant permis d’acheminer
817 millions de masques, 9,5 millions de blouses, 46,8 millions de gants,
5 millions d’écouvillons, 100 000 tests ainsi que des médicaments et d’autres
équipements de protection individuelle.
(1) L’article 5 de l’ordonnance prévoit que les acheteurs peuvent accorder des avances à un montant supérieur
à 60 % du montant du marché ou du bon de commande et qu’ils ne sont pas tenus d'exiger la constitution
d'une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.
— 59 —
effectuer), pour un total d’1,17 milliard de masques acheminés ainsi que 57 millions
de blouses, 139 millions de gants ou encore 75 millions de tabliers, pour un coût
de 12,4 millions d’euros. Les dernières arrivées de containers sont attendues en
janvier 2021.
En conséquence, des retards ont été notés dans les arrivées effectives des
produits en France, liés aussi à une forte proportion de lots non-conformes.
— 60 —
Selon Santé publique France, alors qu’1,84 milliard de masques étaient attendus
début juillet, seuls 861 millions avaient été réceptionnés en France à cette date.
140
96 106
85 85
68
54
28
0 0 0 0
Du 2 au Du 9 au Du 16 Du 23 Du 30 Du 6 au Du 13 Du 20 Du 27 Du 4 au Du 11 Du 18
8 Mars 15 Mars au 22 au 29 au 5 12 Avril au 19 au 26 au 3 10 Mai au 17 au 24
Mars Mars Avril Avril Avril Mai Mai Mai
Source : CCIL-MS.
À ce jour, une partie des produits commandés en Asie restent encore à livrer,
les approvisionnements devant s’échelonner jusqu’au milieu de l’année 2021. Selon
les données transmises par la DGS, les dernières commandes massives de masques
ont été passées en juillet ; des commandes de gants sont, en revanche, toujours en
cours de négociation.
Une fois arrivés en France, les masques ont fait l’objet d’une distribution
aux différents bénéficiaires, qui a semblé imprévisible et parfois incohérente,
témoignant de l’incapacité de Santé publique France à assurer une logistique de
crise.
(1) Par opposition au « flux poussé » des livraisons déclenchées par l’État, en flux « tiré » les officines
commandent directement à leurs grossistes répartiteurs des masques chirurgicaux du stock d’État.
— 62 —
200
Millions
180
160
140
120
100
80
60
40
20
Source : DGS.
400 363,9
350
300
250
200
150 114
78,1 89,7 92,9 91,9
100 58,7
50 7,10,26 11,780,14 19,9
0
Chir FFP2
fourniture de masques aux soignants, tout en indiquant que ces masques arriveraient
rapidement.
(1) M. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, audition par la
mission : « Nous avions deux problèmes. Premièrement, certaines officines avaient trop de masques quand
d’autres n’en avaient pas du tout : l’attribution a été gérée sans qu’on nous demande notre avis.
Deuxièmement, nous n’avons pas été en mesure de mettre en place un système de traçabilité, et ne le pouvons
toujours pas, d’ailleurs, alors que l’assurance maladie était censée disposer d’un tel système ».
(2) M. Lannelongue, directeur de l’agence régionale de santé de la région Grand Est de 2016 à 2020, audition
par la mission : « Pour la ville, nous n’avons aucune information sur le circuit de distribution de masques
avant le 26 mars ; jusqu’à ce jour, l’ARS n’est jamais informée de ce qui est livré dans la région, dans une
pagaille totale. Les officines reçoivent des paquets, souvent ouverts, sans savoir à qui les donner ; aucune
liste de professionnels n’est disponible, et la distribution a des airs de foire d’empoigne. Des petits malins
viennent se servir plusieurs fois pour se constituer des stocks, alors que la plupart des médecins et des
professionnels de ville continuent à exercer sans masque.
— 64 —
Alors même que des masques étaient disponibles, et ont été livrés aux
professionnels dans les différentes régions, dès la mi-mars, la perception de la
distribution est très négative.
25000 000 u
20000 000 u
15000 000 u
10000 000 u
5000 000 u
0u
12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28
50 u
Millions
40 u
30 u
20 u
10 u
0u
2
Millions
0
12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28
0u
Millions
0u
0u
0u
0u
0u
0u
0u
0u
0u
1208 4551 4489 4495 4505 4502 4496 4496 5455 5689 3859 2732 5277 4321 6304 6385 5391
500 u 000 u 500 u 000 u 500 u 500 u 100 u 100 u 450 u 900 u 850 u 400 u 250 u 200 u 550 u 650 u 950 u
(1) Les dépositaires pharmaceutiques assurent la distribution de médicaments dont ils ne sont pas propriétaires.
Ils peuvent ainsi agir pour le compte d'un ou de plusieurs fabricants. À l’inverse, les grossistes répartiteurs
sont propriétaires de leur stock. Ils achètent, stockent et « répartissent » des médicaments sans les
transformer.
— 66 —
zones les plus touchées, avec un délai de 24 heures supplémentaires pour les autres
territoires.
Il a été décidé de recourir à Geodis, avec lequel SpFdisposait déjà d’un accord cadre
pour l’acheminement de produits de santé. Geodis a, ainsi, préparé les colis que le
groupe a acheminés aux officines par son réseau de distribution expresse, à partir du
17 mars. Cette opération de livraison a fait l’objet de nombreuses critiques,
notamment de la part d’officines indiquant n’avoir pas été livrées dans les temps ou dans
des quantités inférieures à ce qui avait été prévu. Les syndicats de pharmaciens
d’officines pointent, en particulier, la méconnaissance par Geodis du réseau des
officines, qui aurait conduit à des retards importants dans les livraisons. La livraison des
17 et 18 mars s’est ainsi, finalement, étalée jusqu’au 24 mars. Geodis évoque, en
revanche, des listes de distribution incomplètes et un nombre de colis par palette
inférieur aux normes annoncées par le ministère de la Santé, ainsi qu’une grande
complexité induite par la nécessité de déconditionner et reconditionner les produits
pour les allotir par officine, ce qui n’avait pas été anticipé.
SpF fait valoir que, « cette livraison a atteint les objectifs de délais et d’adaptation aux
zones les plus touchées par l’épidémie ». Toutefois, l’agence reconnaît des « problèmes
de qualité de livraison (colis ouverts ou abîmés) » et indique qu’ « après cette opération,
de nouveaux échanges entre le ministère de la chambre syndicale de la répartition
pharmaceutique ont permis de revenir à un modèle de livraison plus standard pour les
officines, via CSP et les grossistes répartiteurs ».
Une semaine plus tard, le circuit classique faisant intervenir les dépositaires et les
grossistes répartiteurs était effectivement remis en place.
La mise sur le circuit de distribution des produits arrivés sur les sites
de Santé publique France a, également, été trop lente, pour deux raisons :
Ce plan visait à :
Ces effectifs, qui peuvent sembler suffisants en « temps de paix », ont été
dépassés par le changement d’échelle de la problématique logistique, qui n’avait
pas été anticipé, et ce d’autant plus que l’organisation des équipes a semblé
inadaptée : des échanges entre la CCIL-MS et le ministère de la santé mi-mai
soulignent le fait que seuls quelques personnels d’astreinte travaillent les week-ends
et les ponts, nombreux au mois de mai.
Si des renforts ont été employés, ils l’ont été dans l’urgence, sans qu’une
telle montée en puissance des effectifs n’ait été prévue ou organisée en
amont (1). De plus, majoritairement recrutés en mai, ces renforts n’ont été
opérationnels qu’une fois que la première vague se retirait. Santé publique France
en réponse aux demandes de la DGS sur ce point a accru ses moyens logistiques.
Santé publique France n’a pas toujours pu, dans le cours de la crise,
produire en temps réel un état des stocks fiable, pourtant indispensable pour
assurer une distribution efficace aux différentes entités à livrer et connaître les
besoins à chaque instant.
(1) Selon le rapport de l’IGAS, une lettre du DGS à Santé publique France du 9 juin 2020 porte à 58 ETPT le
plafond des renforts pour 2020, dont environ un quart, soit une quinzaine de personnes, pour l’établissement
pharmaceutique.
— 72 —
Pour votre rapporteur, ce n’est pas tant l’action de Santé publique France
pendant la crise qui est en cause que son manque de préparation, d’outils de
réponse et de moyens alloués en amont pour y faire face qui doit interroger,
l’agence ayant semblé désarmée, sous-dotée pour assurer une mission logistique qui
s’est avérée cardinale.
— 73 —
Proposition : repenser le rôle de Santé publique France dans la logistique de crise et,
le cas échéant, adapter le réseau des sites de stockage ; anticiper et planifier des procédures de
réponse à une crise sanitaire par Santé publique France dans sa dimension logistique,
s’agissant notamment de la montée en puissance des effectifs ou de l’adaptation des
procédures ; garantir un suivi en temps réel des stocks, notamment en cas flux importants en
fréquence et en volume.
(1) Circulaire du 21 août 2013 relative au dispositif de stockage et de distribution des produits de santé des
stocks stratégiques de l’État pour répondre à une situation sanitaire exceptionnelle.
— 74 —
Les préfets sont chargés de définir un plan de distribution qui liste les
sites de rupture de charge et les sites de distribution à la population pour préétablir
les dotations nécessaires si possible (en lien avec les ARS et les communes
concernées). C’est également aux préfets qu’il revient d’assurer
l’approvisionnement des sites de distribution en produits de santé à partir des sites
de rupture de charge, en s’appuyant sur les moyens de transport locaux disponibles
(moyens des collectivités territoriales, moyens d’associations agréées de sécurité
civile, moyens privés, etc.).
(1) M. Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, audition par la
mission : « J’ai tweeté le 26 janvier une vidéo publiée par un de mes collègues de Wuhan qui, étant donné
la pénurie de masques, avait décidé d’en fabriquer lui-même avec un mètre de papier toilette et un petit
élastique, et qui montrait comment procéder. Je ne comprenais pas pourquoi on ne préconisait pas le port du
masque à ce moment-là, en France et en Suisse, dans les maisons de retraite, les écoles et tous les lieux où
on aurait pu le promouvoir ».
— 76 —
Ce n’est qu’à partir du 5 mai que les pharmaciens peuvent délivrer des
masques du stock État aux patients malades, à leurs contacts et aux personnes
fragiles.
(1) Pandémie de Covid-19 : mesures barrières renforcées pendant le confinement et en phase de sortie de
confinement », Académie nationale de médicine, 2 avril 2020
— 77 —
(1) Le décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux
réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19 autorise les importations : seules
les importations dépassant le seuil de 5 millions d’unités de masques par personne morale et par trimestre
peuvent faire l’objet d’une réquisition.
(2) M. Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), audition par la
mission : « Pendant des mois, nous avions dû expliquer aux patients que nous n’avions pas le droit de délivrer
ni de vendre des masques au grand public, en application des consignes du ministère de la santé, qui
s’appuyaient sur une instruction interministérielle. Et voilà que le ministère de l’économie se met d’accord
avec les grandes et moyennes surfaces et publie avec elles un communiqué annonçant qu’une bonne solution
a été trouvée, et que grâce à la grande distribution, tout le grand public – pas uniquement les patients – aura
désormais accès à des masques ! Ce dysfonctionnement est très choquant ».
— 78 —
(1) Deux propositions étaient faites : intégrer les masques alternatifs à la catégorie des « équipements de
protection individuelle respiratoire » que les officines peuvent vendre, ou faire évoluer la liste des
marchandises pouvant être commercialisées en officine pour y ajouter ce produit. Il s’agissait, selon eux, de
pouvoir répondre aux attentes de la population en fournissant des masques répondant aux normes de qualité
en vigueur.
(2) Dès le début du mois d’avril, 88 entreprises, en particulier de la filière « mode et luxe », avaient développé
171 prototypes validés par la DGA. Par la suite, selon l’Union des industries textiles, 250 confectionneurs et
150 fabricants de tissus se sont mobilisés au sein de la plateforme « Savoir faire ensemble », montée par le
Comité stratégique de filière (CSF) des industries de la mode et du luxe. Du 30 mars au 5 avril, 3,9 millions
de masques filtrants textiles ont été produits. Les prévisions de capacités de production des industriels
français étaient ensuite d’un volume de 15 millions de masques textiles par semaine à partir de la fin du mois
d’avril, réutilisables entre 5 et 20 fois selon les produits.
— 79 —
Note de lecture : les lignes horizontales correspondent au stock stratégique théorique : 200 millions de masques FFP2 et
800 millions de masques chirurgicaux, portant le stock stratégique total à un milliard de masques. Le stock stratégique
est atteint en semaine 37 pour les masques FFP2 et en semaine 40 pour les masques chirurgicaux.
Source : CCIL-MS.
Source : CCIL-MS.
Des consignes claires ont été données aux établissements de santé, à qui
il a été demandé de constituer des stocks de sécurité en masques, gants, surblouses
et tabliers, charlottes, lunettes correspondant à 3 semaines de consommation en
période de crise épidémique. Une application, EPI-Stock, permettant de centraliser,
d’harmoniser et de systématiser la veille sur les stocks des établissements sanitaires,
sociaux et médico-sociaux a été conçue et a fait l’objet d’une communication du
ministère auprès des établissements de santé. Il a, par ailleurs, été demandé aux ARS
de veiller à ce que les établissements de santé mettent à jour, de façon
hebdomadaire, les stocks disponibles pour chaque type d’équipement.
Les entreprises ont également été incitées à constituer des stocks d’EPI,
pour un dimensionnement correspondant à dix semaines d’activité (1).
(1) Note conjointe des ministres chargés de la santé et du travail et de la ministre déléguée à l’Industrie du
23 juillet 2020. La situation d’approvisionnement s’étant améliorée, il est indiqué aux employeurs qu’il leur
faut « veiller collectivement à disposer, dans la durée, des équipements nécessaires à la protection des salariés
pour assurer la continuité de l’activité » pour pouvoir faire face à une résurgence de l’épidémie. Plus
précisément, il leur est recommandé « d’évaluer le stock en prenant en compte les situations dans lesquelles
le respect de la distanciation physique d’un mètre entre deux personnes ne peut être garanti ».
— 81 —
Les signaux faibles de la crise ont été perçus tôt, et ont donné lieu à une
vigilance particulière dès le début du mois de janvier.
alors que 282 cas sont recensés en Chine, et qu’un cas probable est en cours
d’exploration en France, la ministre donne sa première conférence de presse. Le
cabinet du Premier ministre en est informé par le cabinet de la ministre de la santé.
Le ministère de la santé demande à la DGS un point sur les stocks stratégiques et
décide l’organisation d’une conférence de presse quotidienne.
Il apparaît toutefois que, malgré ces alertes et cette vigilance, les décisions
se sont, elles, échelonnées au long du mois de février. Du retard a été pris, qui
a joué sur la cinétique de propagation de l’épidémie.
Pourtant, les autorités françaises avaient sous les yeux la situation italienne.
Alors que le pays connaît une vague épidémique qui précède celle de la France de
10 à 12 jours, les premières mesures de confinement y sont instaurées dans une
dizaine de villes dès le 21 février, quand la France ne sera confinée que le 17 mars,
soit 24 jours plus tard (2). Pendant que l’Italie se confine, le salon de l’agriculture,
(1) M. Jean-François Delfraissy, audition par la mission : « Moi-même, j’ai réagi relativement tard, autour du
20 février. Quatre éléments m’ont alors alerté. Tout d’abord, lors de la réunion à l’OMS à Genève, à laquelle
j’assistais en ma qualité de président du Comité consultatif national d’éthique, j’ai été frappé de constater
que les Chinois ne répondaient à aucune question de façon sérieuse, alors que soixante experts mondiaux des
situations de crise étaient rassemblés […]. Effectivement, il existe une pénurie de médicaments destinés aux
malades atteints du Covid en réanimation, des patients atteints de pathologies lourdes nécessitant des
semaines de ventilation, caractéristiques particulières que les Chinois ne nous ont pas décrites à l’OMS ».
Mme Agnès Buzyn, audition par la mission : « Il nous a paru étonnant que cet homme [le premier malade sur
le territoire français], qui avait passé deux jours seulement dans une ville de 12 millions d’habitants où on
dénombrait cinquante cas de pneumonie, ait attrapé cette maladie, alors même qu’il ne s’était pas rendu sur
le marché où elle était née. À ce moment-là, mon inquiétude est montée d’un cran. Le lendemain, le 25 janvier,
j’ai compris que le discours des autorités chinoises n’était pas cohérent et j’ai mis en branle tout le système
sanitaire français ».
M. Jérôme Salomon, audition par la mission : « Nous avancions sur la base des informations chinoises selon
lesquelles l’épidémie ne sortirait pas de Chine ».
(2) Des premières mesures restrictives sont, localement, mises en œuvre autour des premiers clusters, notamment
dans l’Oise, à la fin du mois de février et au début du mois de mars.
— 85 —
qui accueillera jusqu’au 1er mars 483 000 visiteurs et 1050 exposants, est maintenu.
Fin février, la France a pourtant déjà enregistré plusieurs clusters (1), qui, certes, ont
été maîtrisés.
Enfin, c’est dans l’urgence le 16 mars que le confinement est annoncé, alors
que la situation semble avoir basculé dès le 6 mars, date de déclenchement du plan
blanc permettant la déprogrammation des interventions non-urgentes dans les
hôpitaux.
Landais, alors SGDSN, cette décision apparaît la plus logique comme elle l’a
indiqué lors de son audition.
(1) Mme Claire Landais, SGDSN de 2018 à 2020, audition par la mission : « Dès la fin du mois de février, le
SGDSN a réuni les hauts fonctionnaires de défense adjoints. J'ai également organisé une dizaine de réunions
avec les secrétaires généraux des ministères, qui sont hauts fonctionnaires de défense en titre, pour régler
avec eux les problèmes transverses aux départements ministériels, mais qui relèvent du champ du SGDSN :
réflexion autour des plans de continuité d'activité (PCA), gestion du télétravail, questionnements autour du
droit de retrait, équipement en masques des agents des ministères, puis, plus tard, sujet de la reprise
d'activité […]. Le 21 février ont lieu les premières réunions sur le champ économique de la crise, avec les
premières réflexions sur les aides à mettre en place ».
(2) Situation dite « 3B », correspondant à la situation 3 dans la graduation de l’OMS : « Infection(s) chez
l’homme due(s) à un nouveau sous-type, mais pas de transmission interhumaine, ou tout au plus quelques
rares cas de transmission à un contact proche »..
(3) M. Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, audition par la
mission : « En gestion de crise, on parle de l’« effet tunnel » pour décrire le phénomène psychologique qui
se manifeste : à un moment donné, on ne voit plus l’ensemble des paramètres, on s’enferre dans les
paradigmes auxquels on est habitué, on se focalise sur la recherche de la lumière, au bout du tunnel, en
occultant tout le reste ».
— 87 —
importante de la logistique s’effectue en général avec l’armée […]. Il n’a pas été
acté que c’était au ministère de l’intérieur de gérer la crise, qui est une crise de
logistique […]. Nous avons été nombreux à dire qu’il y a eu un effondrement de
l’État – aucun territoire n’a échappé à l’effondrement de la logistique. Si le
ministère de l’intérieur avait été désigné, comme cela aurait paru logique aux élus
locaux, pilote de cette partie logistique de la crise – car il s’agissait d’un problème
d’acheminement – on aurait gagné du temps » ;
Il y est ajouté que la dimension interministérielle doit être anticipée dès les
premiers développements d’une crise et que la CIC doit être activée
suffisamment en amont, dès lors que l’extension de la crise à plusieurs secteurs
est envisagée, afin de pouvoir monter en puissance et exercer au mieux la capacité
d’anticipation (1).
(1) La circulaire précise que « la crise devient majeure lorsqu’elle affecte plusieurs secteurs ministériels et
impose en conséquence une réponse globale de l’État. L’intensité d’une crise est évaluée à l’aune des critères
suivants :
- ses conséquences sur l’intégrité physique et la sécurité de la population ;
- sa dimension politique et médiatique ;
- l’atteinte qu’elle porte aux intérêts vitaux de la nation ;
- ses conséquences sociales, économiques et environnementales ;
- son ampleur territoriale voire internationale.
Plusieurs de ces critères ont été remplis bien avant l’installation de la CIC.
(2) M. Louis Gautier, SGDSN de 2014 à 2018, audition par le Sénat.
(3) Le 25 avril 2009, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare l’urgence de santé publique de portée
internationale après l’apparition au Mexique, en mars 2009, d’un virus de souche H1N1.
— 89 —
Les échanges d’information entre les deux structures ont été complexes, et
ont eu lieu principalement au travers de la réunion de synthèse quotidienne menée
par le directeur de cabinet du Premier ministre, ceci ne pouvant suffire à assurer une
communication fluide.
(1) Rapport de la mission relative au contrôle qualité de la gestion de crise sanitaire, par M. Richard Lizurey,
général d’armée (2s) rappelé à l’activité, juin 2020.
— 90 —
Source : Rapport de la mission relative au contrôle qualité de la gestion de crise sanitaire, par M. Richard Lizurey, général
d’armée (2s) rappelé à l’activité, juin 2020.
(1) Créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie, la Haute Autorité de la Santé (HAS) est une
autorité indépendante à caractère scientifique, dont la principale vocation est d’assurer la qualité et la
pérennité du système de santé.
— 91 —
Les avis du conseil scientifique ont été une tentative d’asseoir la légitimité
de la décision publique en en publiant les éléments scientifiques qui l’ont éclairée.
Le Gouvernement a pu, parfois, donner l’impression de s’appuyer sur le Conseil
scientifique pour justifier des décisions de nature politique, comme l’illustre la
présence de son président, M. Delfraissy, au côté du Premier ministre lors de
l’annonce du maintien du premier tour des élections municipales le 15 mars 2020,
deux jours avant l’entrée en vigueur du confinement. L’avis du conseil scientifique
du 12 mars précise cependant que « cette décision, éminemment politique, ne
pouvait lui incomber » et que « si les élections se tenaient, elles devaient être
organisées dans des conditions sanitaires appropriées ».
Les multiplications des prises de parole ont pu aussi avoir un effet inverse
et contribuer à une certaine décrédibilisation de celle-ci, alors qu’ont émergé, en
parallèle, et en nombre considérable des figures médicales médiatiques. Comme l’a
indiqué l’ancien Premier ministre Édouard Philippe lors de son audition, « nous ne
sommes pas parvenus, dans cette crise sanitaire, à avoir un débat public ordonné
sur les questions médicales et scientifiques. J’ignore comment il faut faire pour
corriger cela, mais je suis profondément convaincu que ce climat d’invectives et de
critiques violentes et permanentes, sur des questions si complexes et si incertaines
qu’elles méritent probablement un peu de mise en perspective, a considérablement
nui à la façon dont nos concitoyens ont appréhendé la part du combat qui dépendait
de nous […]. Cette question en soulève une autre, relative à notre organisation
administrative : comment organiser une parole médicale légitime ? ».
(1) M. Patrick Bouet, président du conseil national de l’ordre des médecins, audition par la mission : « Dès sa
création, j’ai demandé au ministre pourquoi le conseil scientifique ne comptait aucun candide. Je comprenais
que l’État ait besoin d’un éclairage scientifique, mais il était clair que les problèmes qui allaient se poser
déborderaient le cadre scientifique : il faudrait aussi mettre en œuvre des décisions. Dans une conférence de
consensus, il y a des candides, et nous pensions qu’il devait y en avoir aussi au sein du conseil scientifique :
à la fois des usagers de santé et des professionnels. Lorsque j’ai proposé que l’ordre des médecins y soit
représenté, on m’a répondu qu’il n’y avait pas sa place et qu’il s’agissait d’un cénacle de scientifiques ».
— 92 —
Si le premier alinéa de l’article 121-3 du code pénal dispose qu’il n’y a pas
de crime ou de délit sans intention de le commettre, les troisième et quatrième
alinéas de ce même article distinguent néanmoins deux régimes d’engagement de
la responsabilité d’un élu pour une infraction non intentionnelle, selon que la
faute commise soit directe ou indirecte.
La loi du 13 mai 1996 (1) est venue encadrer l’appréciation de cette faute
directe en précisant qu’il doit être établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les
diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de
ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait.
(1) Loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de
négligence.
(2) Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
— 94 —
L’appréciation de cette faute indirecte est elle aussi encadrée. Ces personnes
ne sont responsables pénalement que s’il est établi qu’elles ont :
– soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
2. Une première étape, nécessaire, a été franchie par la loi du 11 mai 2020
Pour leur donner les marges de manœuvre nécessaires pour agir malgré le
contexte sanitaire incertain et propre à l’épidémie de Covid-19, la discussion
parlementaire de la loi du 11 mai 2020 (2) a abordé la question de leur responsabilité,
ainsi que celles des chefs d’établissements, en cas de faute non intentionnelle
pouvant être commise dans le cadre du processus de déconfinement et pouvant
conduire, notamment, à des contaminations.
(1) Dalloz actualité, « Responsabilité pénale des élus et calinothérapie de l’État », Pierre Januel, 4 juin 2020.
(2) Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.
(3) Il s’agit de l’article L. 3136-2 introduit au sein du chapitre VI du titre III relatif aux menaces et crises
sanitaires graves du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique.
— 95 —
Cette disposition, qui a été saluée par les associations d’élus locaux (1),
constituait le préalable indispensable à la bonne organisation du déconfinement.
La réflexion plus globale qui doit s’engager, à l’aune des leçons qu’il faudra
tirer de la crise, n’a pas vocation à remettre en cause les fondements de
l’article 123-1 du code pénal : il apparaît préférable de préserver un régime de la
responsabilité non intentionnelle des élus. Celui-ci a fait preuve d’une grande
stabilité depuis vingt ans et la loi du 11 mai 2020 ne le modifie d’ailleurs pas.
Ainsi l’a expliqué le Premier ministre Édouard Philippe lors de son audition
par la mission : « comment gérer une crise sanitaire, avec des échelons de décision
très dispersés, quand le risque pénal est immédiat ? Si vous voulez que les échelons
administratifs ou politiques soient moins réactifs, associez à chaque élément de
décision ou à chaque jour passé un risque pénal. Ainsi, entre le moment la décision
a été prise d’intégrer les laboratoires vétérinaires dans le circuit des tests et celui
où cela s’est effectivement fait, il s’est passé du temps, parce que, en matière
sanitaire, quand, pour aller plus vite, vous voulez passer outre une norme écrite,
qui a été définie dans le but de protéger les gens, vous vous exposez
immanquablement à un risque pénal ».
Les pays d’Asie ont, pour certains, pu apporter une réponse efficace
dans la lutte contre la propagation de l’épidémie, en raison de leur préparation
à une crise de cette nature, héritée notamment des retours d’expérience de
l’épidémie de SRAS de 2002-2003.
Ainsi, plusieurs États ont donné l’alerte avant même qu’un premier cas
ne soit détecté sur leur sol, et ont pris des mesures restrictives de manière
particulièrement précoce. Dès le 4 janvier, Hong-Kong déclenche l’alerte
sanitaire, alors que le premier cas ne sera identifié sur le territoire que le 23 janvier.
Deux jours plus tard, le 25 janvier, l’alerte maximale est déclenchée et les écoles
fermées. Singapour met en place un contrôle aux aéroports dès le 2 janvier, par le
contrôle de la température, alors que le premier cas ne sera détecté que 3 semaines
plus tard. En Corée, des mesures de dépistage et de quarantaine sont imposées à
toute personne arrivant de Wuhan à partir du 3 janvier. À Taïwan, la présidente fixe
un plan d’action dès le 31 décembre 2019 ; le Gouvernement reconnait la covid-19
comme une maladie infectieuse transmissible le 15 janvier, soit 5 jours avant la
Chine, ce qui permet d’appliquer des mesures d’isolement et de traçage des
individus (1).
(1) Benchmark international sur la gestion de la crise du COVID-19, Ernst&Young, juillet 2020.
(2) Audition par le Sénat.
(3) Audition par le Sénat.
(4) Institut Montaigne, L’action publique face à la crise du Covid-19, juin 2020.
— 98 —
Les agences régionales de santé (ARS) ont été créées, au 1er avril 2010, par
la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires (HPST). Elles se sont substituées à sept
organismes, dont les agences régionales de l’hospitalisation (ARH), la direction
régionale et les directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DRASS
et DDASS) et l’union et les caisses régionales d’assurance maladie (URCAM et
CRAM).
Les ARS ont un statut administratif particulier : ce ne sont pas des services
déconcentrés de l’État mais des établissements publics administratifs qui sont
placés sous la tutelle du ministère chargé de la santé. Elles établissent avec
(1) Institut Montaigne, L’action publique face à la crise du Covid-19, juin 2020.
— 100 —
celui-ci une relation contractuelle qui se manifeste par la signature d’un contrat
pluriannuel d’objectifs et de moyens.
Comment expliquer les critiques qui sont adressées aux agences et qui
pointent le caractère centralisé de celles-ci alors qu’il s’agit pourtant d’institutions
régionales ? Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation pour qu’une
personne auditionnée déclare que « les ARS sont hors sol, n’écoutent pas ce qui se
passe sur le terrain, ne savent pas, ne veulent pas entendre » (1) ?
Le paradoxe d’agences n’ayant un caractère régional que dans leur titre était
pourtant assumé dès la préfiguration de ces agences : le préfet honoraire Philippe
Ritter indiquait, dans son rapport sur la création des ARS, remis en janvier 2008,
que celles-ci permettraient la mise en place d’un « pilotage unifié et responsabilisé
du système territorial de santé ».
L’écart dénoncé entre les ARS et les acteurs d’un territoire de santé a
certainement été accentué par la réduction, le 1er janvier 2016, du nombre d’ARS
– de vingt-six à dix-sept puis à dix-huit (2) – consécutive au redécoupage des
régions métropolitaines opéré par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à
la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant
le calendrier électoral dont les conséquences non anticipées continuent, cinq ans
plus tard, de produire des effets négatifs.
(1) Mme Clotilde Cornière, secrétaire nationale de la CFDT santé sociaux, audition du 7 juillet 2020.
(2) Le 1er janvier 2020, l’ARS Océan Indien a été scindée entre l’ARS de La Réunion et l’ARS Mayotte.
— 101 —
Afin de ménager les marges de manœuvre de préfets pour gérer les crises
tout en organisant le transfert de cette compétence aux ARS, un compromis s’est
dessiné pour permettre aux préfets de mobiliser les moyens des ARS dans la
gestion des crises sanitaires. Le code de la santé publique prévoit cette
collaboration sur plusieurs niveaux :
– pour l’exercice de ses compétences dans les domaines sanitaires et de la
salubrité et de l’hygiène publiques, le représentant de l’État territorialement
compétent dispose à tout moment des moyens de l’agence (art. L. 1435-1) ;
– les services de l’agence sont placés pour emploi sous l’autorité du
représentant de l’État territorialement compétent lorsqu’un événement porteur d’un
risque sanitaire peut constituer un trouble à l’ordre public (art. L. 1435-1) ;
– dans les zones de défense, le préfet de zone dispose, pour l’exercice de ses
compétences, des moyens des ARS de la zone de défense. Leurs services sont placés
pour emploi sous son autorité lorsqu’un événement porteur d’un risque sanitaire
peut constituer un trouble à l’ordre public au sein de la zone (art. L. 1435-2).
Dans les faits, et ainsi que l’indique le rapport du Général Lizurey, les
dispositions de l’article L. 1435–1 du code de la santé publique n’ont pas été
appliquées, aboutissant à une imbrication partielle et inaboutie des services
déconcentrés de l’État et des ARS qui s’est traduite par une organisation
asymétrique.
Au niveau zonal, la cellule zonale d’appui (CZA) mise en place par l’ARS
de zone est le pendant du centre opérationnel de zone (COZ) instaurée sous
l’autorité du préfet de zone. En revanche, le centre opérationnel départemental
(COD) que dirige le préfet de département n’a pas de correspondant sanitaire à son
niveau, même si des représentants de l’ARS siègent au COD. Entre le niveau zonal
et le niveau départemental, les ARS sont également les seules intervenantes au
niveau régional pour mettre en œuvre la cellule régionale d’appui et de pilotage
sanitaire.
— 104 —
Le décalage qui a pu apparaître entre les ARS et les préfets a été patent dans
certains territoires, conduisant à la mise en place d’une double chaîne de
commandement distincte entre les ARS et les préfets. Le colonel Grégory Allione,
président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), a
estimé, le 21 juillet 2020, devant la mission d’information, que « la façon de
procéder a été très éloignée des principes guidant habituellement la gestion des
crises », à savoir la mise en place d’un commandement unique qui s’appuie sur
une déclinaison territoriale revenant aux préfets et sur la mobilisation de la
totalité des forces locales. Pour le président de la FNSPF, « la crise a été plus
administrée que gérée, et ce pour une seule et unique raison : le choix a été fait de
confier le déroulement des opérations à celles et ceux qui, certes, administrent la
santé au quotidien, notamment les ARS, mais qui n’ont pas pour habitude de gérer
des crises ».
(1) Le 8 juillet 2020, le président de la Fédération hospitalière de France, M. Frédéric Valletoux, dénonçait ainsi
la bureaucratisation et le manque de coordination de l’institution.
— 105 —
la crise par les ARS dépendait pour une large part de la personnalité de leurs
directeurs généraux et de leur capacité à travailler en confiance avec le préfet :
le travail de certains a été salué pendant que d’autres faisaient l’objet de vives
critiques.
Mais en période de crise, partout sur le territoire les ARS doivent pouvoir
fonctionner avec efficacité et tous les acteurs de santé pouvoir compter sur leur
action.
(1) En application de l’article L. 1432-3 du code de la santé publique, le conseil de surveillance est notamment
composé de représentants de l’État, de membres des conseils et conseils d’administration des organismes
locaux d’assurance maladie, de représentants des collectivités territoriales et de représentants des patients,
des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi qu’au moins d’une personnalité choisie à raison de
sa qualification dans les domaines de compétence de l’agence.
(2) Le conseil de surveillance approuve le budget et le compte financier et émet un avis sur le projet régional de
santé, sur le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’agence et sur les résultats de l’action de
l’agence.
— 106 —
Dans les faits, l’échelle régionale des ARS ne serait conservée qu’aux fins
de coordonner le réseau des agences départementales. Celles-ci seraient néanmoins
placées sous l’autorité hiérarchique des préfets de département.
Les préfets ont la compétence et l’expérience pour gérer les crises, ils
doivent devenir les décideurs uniques lorsque la situation l’exige afin de renforcer
la lisibilité et l’efficacité de l’action. Il est indispensable d’instaurer ce pilotage
unique qui a fait défaut pendant la crise sanitaire.
Proposition : Donner un droit de regard aux préfets sur les stocks stratégiques
positionnés au niveau zonal.
Surtout, les carences de l’État ont été aggravées par une mobilisation
insuffisante des moyens de la sécurité civile. Sous l’autorité de la direction
générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur,
ceux-ci sont pourtant adaptés aux situations de crise et s’avèrent particulièrement
utiles lorsqu’ils sont employés. Le colonel Grégory Allione regrettait notamment
que les capacités offertes par les quatre établissements de soutien opérationnel et
logistique (ESOL) en termes de projection et de logistique n’aient pas été employées
pendant la crise (1) alors qu’ils ont justement pour mission d’assurer un soutien
logistique aux moyens terrestres de la Direction générale de la sécurité civile et de
la gestion des crises (DGSCGC) et peuvent répondent directement aux demandes
ponctuelles en renfort logistique exprimées par les préfectures et les États-majors
de zone.
(1) Audition du 21 juillet et rapport de synthèse des sapeurs-pompiers de France sur la gestion de la première
phase de la Covid-19 du 12 novembre 2020.
— 108 —
Néanmoins, il est manifeste que certaines intuitions des maires ont été
freinées alors qu’elles étaient fondées et utiles d’un point de vue sanitaire. C’est le
cas des mesures de couvre-feu au début du premier confinement qui ont été
contestées avant d’être reprises par les préfets. Surtout, le maire de Sceaux a eu
raison avant tout le monde en imposant le port du masque dans sa commune pour
préparer le déconfinement : il a vu son arrêté contesté puis annulé par le Conseil
d’État.
(1) M. Renaud Muselier, président de Régions de France, a indiqué que le conseil régional de Provence-Alpes-
Côte d’Azur « a distribué 13,2 millions de masques, exclusivement par le biais de l’ARS – avec laquelle nous
avons de très bonnes relations et travaillons main dans la main », audition du 28 octobre 2020,
(2) En application du 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police
municipale, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, comprend
notamment le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des
secours nécessaires, les maladies épidémiques ou contagieuses.
— 109 —
Dans une allocution liminaire, le 16 mars 2020, lors d’un point presse sur la
Covid-19, le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhamon Ghebreyesus, a
déclaré : « Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez ».
Or, les travaux de la mission d’information ont montré que malgré la mise
au point très rapide par l’institut Pasteur d’un test de diagnostic, le déploiement des
capacités de tests s’est avéré laborieux : il s’est, en effet, étalé sur près de deux
mois et demi entre le 24 janvier et le 5 avril 2020. Les tâtonnements et les
pesanteurs administratives sur cette question pourtant décisive ont pesé sur les
stratégies suivies, sur la capacité à identifier les malades, en particulier les
asymptomatiques et, finalement, sur le contrôle de l’épidémie. Le Président de la
République l’a reconnu, le 28 octobre 2020, en indiquant que la France aurait « pu
aller plus vite, au début sur les tests ».
Or, au cours du mois de février 2020, des obstacles ont entravé le passage
de relais entre les secteurs publics et privés, contribuant à freiner la montée en
puissance du déploiement des tests en France.
(1) Le 7 février, le CNR relaie une alerte européenne sur des réactifs contaminés.
(2) Une alerte de la DGS est transmise le 21 mars au comité interministériel de crise et au conseil de défense à
propos de tensions d’approvisionnement de plus en plus aiguës.
(3) Audition, le 2 novembre 2020, de M. Laurent Bili, Ambassadeur de France en Chine et de M. Olivier
Guyonvarch, Consul général de France à Wuhan.
— 111 —
Le fait qu’un tel dispositif n’ait pu être déployé dans aucune autre structure
hospitalière est une question qui doit être posée. Dans la perspective de la
préparation des prochaines crises pandémiques, il serait essentiel de pouvoir
compter, dans chacune des zones de défense, sur une structure réactive et spécialisée
en matière de maladies infectieuses.
(1) Le programme « IHU » a été initié dans le cadre des investissements d’avenir décidés par le président Nicolas
Sarkozy en 2009. Il en existe aujourd’hui six spécialisés dans les maladies génétiques, la chirurgie mini
invasive guidée par l’image, les maladies infectieuses, le cardiométabolisme et la nutrition, les neurosciences
transitionnelles et la rythmologie, et la modélisation cardiaque.
(2) Arrêté du 7 mars 2020 portant modification de la liste des actes et prestations mentionnée à l’article
L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale (inscription de la détection du génome du SARS-CoV-2 par RT
PCR).
(3) Avis n° 2020.0020/AC/SEAP du 6 mars 2020 du collège de la HAS relatif à l’inscription sur la LAP
mentionnée à l’article L. 162-1-7 du CSS, de la détection du génome du coronavirus SARS-CoV-2 par
technique de transcription inverse suivie d’une amplification.
— 113 —
Un temps d’adaptation a enfin été nécessaire pour que les kits commerciaux
de prélèvement introduits sur le marché par les industriels puissent être utilisés, dans
les laboratoires, sur leurs appareils d’analyses qui sont, le plus souvent pour des
raisons commerciales, vendus en système fermé et ne sont donc pas toujours
adaptables à de nouveaux kits. Les laboratoires ont dû soit adapter leur matériel ou
acquérir d’autres appareils, soit attendre que l’offre commerciale se diversifie.
(1) Le CNR a pour rôle l’évaluation des performances des tests commerciaux, évaluation distincte de la
validation des tests qui est de la responsabilité des autorités de santé.
— 114 —
Une fois ces outils juridiques mis en place, à partir du 8 avril et jusqu’au
10 juillet, date à laquelle a pris fin le premier état d’urgence sanitaire, quarante-
neuf arrêtés d’autorisation ont été publiés dans vingt-cinq départements et
quinze arrêtés de réquisition de laboratoires ont été pris par douze préfets.
(1) Notamment, le 7° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique autorise le Premier ministre à ordonner
la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe
sanitaire et l’article L. 3131-16 permet au ministre chargé de la santé de prescrire toute mesure
réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé. En application de
l’article L. 3131-17, les préfets peuvent être habilités à prendre toutes les mesures d’application de ces
dispositions.
(2) Décret n° 2020-400 du 5 avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d'urgence
sanitaire (VII de l’article 12-1).
(3) Arrêté du 5 avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de
fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de
l’état d'urgence sanitaire (article 10-3).
— 115 —
(1) Arrêté du 14 avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de
fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de
l’état d'urgence sanitaire.
— 116 —
(1) Dès le 30 mars, le Conseil scientifique estimait que les tests disponibles devaient être prioritairement orientés
vers ces établissements.
(2) Audition du mercredi 29 juillet 2020.
(3) Cette définition se base notamment sur l’avis du Haut conseil de la santé publique du 31 mars relatif à la
prévention et à la prise en charge des patients à risque de formes graves de COVID-19 ainsi qu’à la
priorisation des tests diagnostiques.
— 117 —
Dès le 27 mars, le Conseil scientifique avait préconisé, dans une note non
rendue publique, le déploiement d’une stratégie de sérodiagnostic à grande échelle.
Le 1er mai 2020, la Haute autorité de santé (HAS) soulignait dans son rapport
d’évaluation relatif à la place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en
charge de la maladie Covid-19 la « place dans la surveillance épidémiologique »
qu’étaient appelés à prendre ces tests.
Pendant le confinement, seulement 574 000 tests ont été réalisés (2) alors
que la politique de tests se poursuit en Allemagne pour atteindre le nombre de
2,9 millions. Il y a été très tôt affiché un objectif de 200 000 tests par jour,
considérant que cette politique de tests généralisés à l’ensemble des cas suspects –
et ensuite étendue à tous – permettrait en partie de maintenir le nombre des décès à
un niveau relativement bas.
(1) Il s’agit du chiffre fourni par le directeur général de la santé lors de son audition par la mission d’information
le 16 juin. L’estimation du nombre de tests réalisés les premières semaines, basée sur les données transmises
sur le réseau privé 3-Labos et les laboratoires hospitaliers, s’est cependant avérée partielle et incertaine. La
mise en place du système d’information Sidep, à partir de la semaine du 11 mai, a ensuite permis un relevé
exhaustif des tests réalisés.
(2) Source identique.
— 118 —
(1) L’Allemagne compte 83,02 millions d’habitants alors que la France en compte 66,99 millions.
(2) Pour M. Nicolas Castoldi, « une des caractéristiques du système français de biologie médicale est qu’il est
extrêmement fragmenté ».
— 119 —
Allemagne : les ressorts d’une mobilisation particulièrement efficace sur les tests
La réactivité initiale des chercheurs a été plus ou moins identique en France et en
Allemagne : la mise au point du premier dispositif de dépistage par RT PCR a été réalisée
le 17 janvier à l’hôpital de la Charité de Berlin et le 24 janvier à l’Institut Pasteur.
Par la suite, l’Allemagne a immédiatement fait la différence grâce à une doctrine claire
et large de dépistage – avant même le début de la crise épidémique sur son sol – et une
mobilisation immédiate, importante et intégrée de l’industrie pharmaceutique et des
laboratoires publics et privés, portée par un volontarisme public affirmé. Ainsi, il y a été
réalisé 124 000 tests dès la semaine du 2 mars et 348 000 tests par semaine à partir
du 16 mars.
Au 7 mars, 43 laboratoires hospitaliers étaient en mesure de réaliser le dépistage par RT
PCR en France alors que 90 laboratoires étaient déjà mobilisés en Allemagne. Au
24 mars, la France était en mesure de mobiliser 64 laboratoires publics et privés contre
152 laboratoires en Allemagne.
Ces capacités de dépistage ont été couplées à un suivi épidémiologique efficace qui a
permis d’identifier les zones du territoire où est arrivé le virus, notamment en Rhénanie-
du-Nord-Westphalie, dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière, et d’y limiter précocement
sa circulation.
Par la suite le nombre de laboratoires mobilisés est resté stable en Allemagne, dans la
mesure où la plupart avaient été mobilisés dès le début de l’arrivée de l’épidémie
contrairement à la France où il a continué de croître, grâce à une organisation concentrée
qui a montré son efficacité.
— 120 —
Alors que la France est entrée dans le confinement sans stratégie claire ni
repères – ne serait-ce que quantitatifs : le pays testait peu et ne savait pas combien
de tests étaient réalisés – la préparation sérieuse et méthodique du déconfinement a
permis de mettre au premier plan l’enjeu du dépistage qui a fondé la stratégie de
l’après-10 mai. À cette fin, une mission « dépistage virologique et sérologique », a
été confiée à M. Nicolas Castoldi, directeur de cabinet de la ministre de
l’enseignement supérieur et de la recherche, au sein de la task force déconfinement.
Dans une note du 17 avril, Santé Publique France détaille son chiffrage :
le besoin en tests est estimé à 481 600 par semaine au déconfinement. Il se base
sur les travaux de l’équipe de l’Institut de modélisation des maladies infectieuses de
l’Institut Pasteur et de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique
Inserm-Sorbonne Université qui estime le nombre de nouvelles infections
quotidiennes lors du déconfinement à 2 000. Parmi ces nouvelles contaminations,
le nombre de personnes effectivement testées est estimé à 1 600. Sur une base de
30 cas contacts par personne infectée, le besoin hebdomadaire est donc estimé à
336 000. Il est augmenté à 481 600 (soit + 145 600) pour couvrir les autres besoins
(EHPAD, cas d’infections respiratoires), et arrondi in fine à 500 000. C’est ce
chiffre de 500 000 tests par semaine qui est annoncé par le Premier ministre
Édouard Philippe, le 19 avril, lors d’une conférence de presse.
Dans les faits, il est rapidement apparu que les besoins pendant les
premières semaines avaient été surestimés – y compris par les scientifiques –
l’estimation de la fourchette basse fournie par le Conseil scientifique est celle qui
s’est approchée le plus de la réalité. Le nombre de nouvelles contaminations
quotidienne moyenne a en effet oscillé, dans les premières semaines du
déconfinement et grâce aux effets de celui-ci, autour de 500. Le seuil des
3 000 contaminations n’a été franchi que lors de la semaine du 24 août
(semaine 35).
— 122 —
7000
6000
5000
4000
3000
2000
1000
(1) La moyenne du nombre de contaminations quotidienne a été établie pour chaque semaine.
— 123 —
impératif et l’on ne doit vraiment pas regretter d’avoir installé cette capacité » a
expliqué à la mission d’information le professeur Flahault (1).
près d’1,2 million de tests ont été réalisés à partir de la semaine du 7 septembre et
un pic de 1,9 million de tests a même été atteint lors de la semaine du 19 octobre.
1 200 000
1 000 000
800 000
600 000
400 000
200 000
0
S21 S22 S23 S24 S25 S26 S27 S28 S29 S30 S31 S32 S33 S34 S35 S36 S37
Cette politique a eu un coût : 73,59 euros (1) par test pour l’Assurance
maladie. Au 31 octobre 2020, 15,8 millions de tests avaient été réalisés en
France pour un coût total supérieur à 1 milliard d’euros.
(1) Remboursement du test : 54 euros ; remboursement de l’enregistrement dans SIDEP : 5,40 euros ;
remboursement du forfait pré-analytique : 4,59 euros et remboursement du prélèvement nasopharyngé par
un médecin biologiste : 9,60 euros.
— 125 —
0
S21 S22 S23 S24 S25 S26 S27 S28 S29 S30 S31 S32 S33 S34 S35 S36 S37
(1) Plan de préparation de la sortie du confinement en date des 27 avril et 6 mai 2020.
— 126 —
– le prélèvement ;
Dans une note non publiée en date du 2 mai 2020, le Conseil scientifique
est encore plus précis sur ce délai de vingt-quatre heures qui participe de la
stratégie de déconfinement : le prélèvement doit être accessible dans les six heures
après une demande de rendez-vous, le résultat du test doit être transmis dans les
douze heures suivantes (si besoin grâce à des outils numériques) et, enfin, la
personne positive doit être contactée dans les six heures afin que s’ouvre la phase
de contact et d’isolement. Pour le Conseil scientifique, le succès de la sortie du
confinement dépend en effet d’une organisation d’ensemble lisible, minutieuse et
réactive.
Puis au cours de l’été, la reprise épidémique s’est combinée avec une forte
hausse de la demande de tests. Les laboratoires de ville n’ont pu faire face à cette
situation qui a entraîné un accroissement des délais des phases de prélèvement
(l’obtention d’un rendez-vous dans un laboratoire) et d’analyse (la transmission des
résultats du test). Selon Santé publique France, le délai d’accès au dépistage a
atteint une moyenne de 3,8 jours lors de la semaine du 24 août. Lors de son
audition par la mission d’information le 4 novembre 2020, le ministre des solidarités
et de la santé a reconnu que ces délais s’étaient encore allongés à la rentrée scolaire.
Or, les retards constatés pour réaliser les tests et les délais pour en
obtenir les résultats n’ont pas permis d’agir avec une vraie efficacité sur la
(1) Les infirmiers diplômés d’État, les étudiants en odontologie, en maïeutique et en pharmacie, les aides-
soignants, les sapeurs-pompiers, les marins-pompiers et les secouristes des associations agréées de sécurité
civile titulaires d’une formation adéquate aux premiers secours.
(2) Audition du 24 septembre 2020 devant la commission d’enquête sénatoriale pour l’évaluation des politiques
publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion.
— 128 —
Le bilan de Stop-Covid
Lors de son audition devant la commission des Lois du Sénat, le 27 mai 2020,
M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique, a affirmé que « la participation
[gratuite] des organisations publiques et privées à la phase de développement […] a
permis de mettre au point « StopCovid » pour quelques milliers d’euros par mois ».
La première version de l’application a en effet été développée et mise à disposition du
ministère des solidarités et de la santé à titre gracieux par un consortium dirigé par l’Institut
national de recherche en sciences et technologies du numérique, qui a assuré la maîtrise
d’ouvrage, et associant les entreprises Lunabee, Orange, Cap Gemini, 3DS et Outscale.
Le coût total du développement est estimé à 2,5 millions d’euros TTC.
Les frais à la charge du ministère sont les suivants :
– exploitation : 1 128 000 euros TTC/an ;
– licences : 69 876 euros TTC/an ;
– support utilisateur : 720 000 euros TTC/an ;
– animation du déploiement : 432 000 euros TTC/an ;
– hébergement : 576 000 euros TTC/an.
Par ailleurs, 2 793 000 euros TTC ont été investis dans la campagne de communication
de lancement de l’application.
Le coût total estimé de Stop-Covid, sur ses cinq mois d’existence (du 3 juin au
22 octobre 2020), est donc de 6,5 millions d’euros TTC.
De juin à septembre, l’application a été installée 2,5 millions de fois pour 1 million de
désinstallations et 300 000 réinstallations. 5 553 tests positifs ont été scannés dans
l’application qui a émis seulement 346 alertes, dont 296 ont été effectivement transmises.
capacité de dépistage de 40 000 tests par jour qui avait été portée à 70 000 début
septembre, soit un peu moins de 500 000 tests par semaine (1).
Si l’utilisation qui est faite en Asie des outils numériques reste difficilement
transposable dans notre pays, l’adhésion de la population allemande à l’application
« Corona-Warn-App » montre qu’une stratégie numérique offensive peut être
esquissée en Europe tout en préservant les droits et libertés fondamentaux, incluant
le respect de la vie privée et la protection des données personnelles.
(1) Audition de M. Jong-Moon Choi, ambassadeur de la République de Corée en France par la commission
d’enquête sénatoriale pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de
la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, le 9 septembre 2020.
— 131 —
laquelle le nombre de tests réalisés se maintient à niveau très haut : 1,6 million de
Français se sont fait dépister pendant la semaine du 9 novembre.
Le 1er février, ce sont tous les pays de l’espace Schengen, sauf la France,
qui suspendent les visas des ressortissants chinois et ferment donc leurs frontières
extérieures à ce pays. Alors qu’Air France avait annoncé la suspension de ses vols
à destination et en provenance de la Chine le 30 janvier, les compagnies aériennes
chinoises Air China, China Eastern et China Southern ont néanmoins maintenu leurs
liaisons avec la France.
(1) Arrêté du 16 octobre 2020 portant modification de la liste des actes et prestations mentionnée à
l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale (inscription de l’acte de test diagnostic rapide dans le cadre
de la détection des antigènes du SARS-CoV-2).
— 132 —
(1) Instruction n° 6149/SG du 18 mars 2020 du Premier ministre sur les décisions prises pour lutter contre la
diffusion du covid-19 en matière de contrôle aux frontières.
(2) Arrêté du 3 mai 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de
fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de
l’état d’urgence sanitaire.
(3) Décret n° 2020-911 du 27 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état
d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé
— 133 —
– les pays « rouges » : les étrangers en provenance des autres pays sont
invités, lorsqu’ils n’ont pas réalisé de test PCR, à respecter une quatorzaine
volontaire. Ils peuvent solliciter un dépistage à leur arrivée à l’aéroport.
(1) Arrêté du 10 juillet 2020 identifiant les zones de circulation de l’infection du virus SARS-CoV-2.
(2) Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à
l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
— 134 —
(1) Le décret 2020-860 du 10 juillet 2020 impose le port du masque dans certains établissements clos de
particulièrement grande taille : salles de conférences, établissements sportifs couverts, établissements de
culte, musées, bibliothèques, ainsi que dans les transports et les restaurants. Le décret n° 2020-884 du
17 juillet 2020 ajoute l’obligation de port du masque dans les marchés couverts, les magasins de vente et les
banques et administrations (à l’exception des bureaux). Le décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 précise que,
dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par décret, le préfet de département est habilité à le
rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent. Le décret
n° 2020-1096 du 28 août impose le port du masque dans les bureaux partagés et les lieux de circulation en
entreprise.
— 136 —
Si « l’hôpital a tenu », c’est aussi au prix d’une prise en charge d’une partie
des personnes âgées malades de la Covid-19 au sein des établissements dans
lesquels ils résidaient et de difficultés dans leur accès à l’hôpital et en services de
réanimation. En effet, la crise sanitaire a également particulièrement affecté les
établissements pour personnes âgées (EHPA) qui ont payé un lourd tribut à
l’épidémie. Malgré le déclenchement du plan bleu (1), le 6 mars, dans les
établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), nombre d’entre eux se sont
trouvés, comme les services d’aide à domicile, démunis face à l’épidémie. La
réponse apportée aux EHPA est apparue tardive et souvent inadaptée à la réalité de
ces établissements. La crise sanitaire a par ailleurs mis en lumière les limites du
modèle des EHPAD, établissements insuffisamment médicalisés pour affronter ce
type de crises.
(1) La rédaction systématique d’un plan bleu et son intégration dans le projet d’établissement ont été rendues
obligatoires par un décret en date du 7 juillet 2005. Ce plan, élaboré sous la responsabilité du directeur de
la maison de retraite, doit détailler les modalités d’organisation et les mesures à déployer dans
l’établissement en cas de crise sanitaire ou climatique.
— 138 —
En effet, alors que le secteur privé a été mobilisé avec un décalage par
rapport aux structures publiques, la réponse à la crise ne s’est par ailleurs pas
suffisamment appuyée sur les soins primaires qui auraient pourtant pu jouer un rôle
important dans le parcours de soins des malades de la Covid-19.
Le dispositif de gestion de crise s’est appuyé sur l’action des personnels des
services de secours d’urgence qui sont accoutumés aux situations de crises sanitaires
et dont la mobilisation exceptionnelle tout au long de l’épidémie a été indispensable.
Données fournies par la DGOS le 31 juillet (enquête réalisée sur 88/101 SAMU).
(1) Audition du colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
(FNSPF) et du médecin-colonel Patrick Hertgen, vice-président chargé du secours d’urgence aux personnes
et du service de santé et de secours médical, le 21 juillet 2020.
— 140 —
(1) Audition de M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, le 6 juillet
2020.
(2) Communiqué de l’Agence Régionale d’Île de France du 30 mars 2020, en Île-de-France, plus de 150 centres
de ce type ont été créés fin mars.
— 141 —
(1) https://www.gouvernement.fr/coronavirus-covid-19-puis-je-me-rendre-chez-un-professionnel-de-sante-
pendant-le-confinement
— 142 —
Ces questions d’accès aux masques pour les praticiens libéraux se sont
posées jusqu’à fin mars-début avril (3). L’enquête précitée réalisée par le Sénat
auprès des professionnels de santé de ville révèle ainsi que seuls 24,5 % des
médecins, 32,2 % des pharmaciens et 14 % des infirmiers s’estimaient mi-avril
convenablement équipés.
(1) Sondage réalisé par Viavoice pour la FHP par des interviews réalisées en ligne, du 5 au 8 mai 2020, auprès
d'un échantillon de 1 001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, résidant
en France métropolitaine.
(2) Audition de M. Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), le 16 juillet.
(3) Lors de l’audition des médecins libéraux le 9 juillet, M. Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des
syndicats médicaux français ( CSMF) a ainsi déclaré « Nous avons constaté lors de nos points téléphoniques
journaliers que les problèmes de masques ont perduré jusqu’à fin mars et début avril. »
— 143 —
Les infirmiers libéraux, seule profession de santé libérale dont l’activité n’a
pas reculé durant le confinement (1), ont été eux aussi particulièrement pénalisés et
ont pour la plupart poursuivi leurs interventions dans des conditions ne leur
permettant pas une protection suffisante. Selon le syndicat national des
professionnels infirmiers (SNPI), sur la base d’une enquête en ligne menée auprès
de plus de 30 000 adhérents entre le 31 mars et le 4 avril, plus de la moitié d’entre
eux (53 %) a « constaté un manque » de masques chirurgicaux et plus des trois-
quarts (81 %) de masques FFP2.
(1) Selon les données fournies par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) le 30 octobre, en
mars 2020, les postes de remboursements de soins ont connu une hausse d’activité de 2 % par rapport à
l’année précédente pour les infirmiers libéraux.
(2) Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces
d'assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-
19 assouplissant jusqu’au 30 avril les modalités de réalisation de la téléconsultation et Décret n° 2020-459
du 21 avril 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées
pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus.
(3) Données fournies par la Caisse nationale d’assurance maladie à la mission d’information, le 29 septembre.
— 144 —
Il est clair que le fait que les médecins de ville disposent aujourd’hui
d’équipements de protection leur permettant d’exercer leur activité dans le respect
des conditions sanitaires requises est un facteur déterminant de cette évolution.
Sont alors entrés dans le processus de soins les quelque mille hôpitaux et
cliniques privés « médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO), soins de suite et de
réadaptation (SSR) dans le but de soulager et désengorger les hôpitaux publics.
Selon la fédération de l’hospitalisation privée, ce secteur était alors en capacité de
mettre à disposition 4 000 lits en réanimation et soins critiques.
patients Covid de la région Grand- Est vers la région Provence- Alpes-Côte d’Azur
était organisée le 17 mars.
(1) Le 17 mars, M. Lamine Gharbi indiquait ainsi sur la radio LCI, que 70 lits de réanimation étaient
mobilisables à Strasbourg, Metz et Nancy.
(2) Dans un entretien accordé au journal Le Huffington Post le 22 mars, il déclarait ainsi « Je demande donc
solennellement à ce que nous soyons réquisitionnés pour épauler l’hôpital public. Nos établissements y sont
préparés. »
(3) Lors de son audition devant la mission d’information le 8 juillet 2020, M. Jean-Marie Woehl, président de la
commission médicale d'établissement (CME) des hôpitaux civils de Colmar déclarait ainsi « En France, on
attend que les hôpitaux publics soient, sinon à la limite extrême, du moins proches de la saturation, avant de
basculer les patients vers l’offre privée. C’est ainsi qu'a été conçue la réponse dans le Grand-Est. »
(4) Audition du 8 juillet 2020.
— 147 —
la santé publique. Ce dispositif prévoit en effet qu’en cas de menace sanitaire grave
constatée par le ministre de la santé, le directeur général de l’agence régionale de
santé peut autoriser un établissement de santé à exercer pour une durée limitée, une
activité de soins autre que celle au titre de laquelle il a été autorisé (1). Selon les
données de la DGOS, le 31 juillet 2020, 119 établissements de santé ont bénéficié
de 131 autorisations exceptionnelles et 23 établissements de santé privés non
lucratifs ont bénéficié de 25 autorisations exceptionnelles jusqu’en juillet.
(1) La délivrance d’autorisations exceptionnelles a ainsi été rendue possible par l’arrêté du 23 mars 2020
prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face
à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire qui a autorisé l’attribution de ces autorisations
exceptionnelles. La délivrance de ces autorisations a d’abord été prévue jusqu’au 15 avril, puis prolongée
jusqu’au 11 mai, puis jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. L’arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les
mesures générales pour faire face à l’épidémie dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans
ceux où il a été prolongé a abrogé l’arrêté du 23 mars, empêchant de fait la délivrance de nouvelles
autorisations dérogatoires.
— 148 —
Le recul du recours aux soins n’a clairement pas été suffisamment anticipé
au début de la première vague épidémique. Il a touché de nombreux champs de
l’activité médicale et a concerné tant le suivi des pathologies chroniques que les
actes de diagnostic et de prévention.
IJ
Médicaments
Infirmier
LPP
Dentistes
Laboratoires
Spécialistes
Generalistes
M. Kinés
Transports
Source : Caisse nationale d’assurance maladie
(1) Covid-19 et continuité des soins : Continuer de se soigner, un impératif de santé publique, communiqué de
presse publié en commun par le ministère des solidarités et de la santé, l’Assurance maladie et Santé publique
France, le 7 mai 2020.
— 150 —
● Parmi les actes les plus concernés par le recul des soins, figurent, en
particulier au mois d’avril, les dépistages. La CNAM a ainsi enregistré pour ce mois
une baisse de 86,5 % pour le cancer colorectal, de 86,2 % pour le cancer du
sein et de 43,9 % pour les frottis, par rapport à l’année précédente. Une faible
remontée s’est dessinée en mai même si les examens demeurent moins nombreux
que le même mois l’année précédente (– 59,6 % pour le dépistage du cancer
colorectal, – 53,6 % pour les mammographies, – 46,7 % pour les frottis). Ce retard
dans les actes de dépistages n’a pas été totalement rattrapé (1).
(1) Données transmises par la CNAM le 29 septembre : En juin, on constate une remontée du dépistage du cancer
colorectal (activité double du même mois l’année précédente), un retour à la normale pour le cancer du sein
(activité comparable au même mois l’année précédente) mais le maintien d’une activité inférieure à la
normale pour les frottis.
(2) GIS EPIPHARE : Usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de la Covid-19 –Point de
situation jusqu’au 13 septembre 2020.
— 151 —
GIS EPIPHARE : étude sur l’usage des médicaments en ville en France durant
l’épidémie de Covid-19, publiée le 9 octobre
Sur la période du 16 mars au 13 septembre, on comptabilise -75 000 doses pour injections
intraoculaires d'anti VEGF dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou
dans l’œdème maculaire diabétiques (- 4 000 instaurations), -14 000 dispositifs intra-
utérins (stérilets) avec progestatifs, -250 000 préparations pour coloscopie, - 500 000
produits iodés pour scanner et -280 000 produits de contraste pour IRM.
(1) GIS EPIPHARE E : usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de la Covid-19 – point de
situation après les 8 semaines de confinement et une semaine de post-confinement (jusqu’au 17 mai 2020)
Étude pharmaco-épidémiologique à partir des données de remboursement du SNDS.
— 152 —
La courbe rouge représente le nombre d’activités de chirurgie en hospitalisation complète pour les patients
non Covid entre le 1er et le 31 août 2019 ; la courbe violette représente l’évolution des mêmes activités pour
l’année 2020. Le différentiel d’activité est matérialisé par l’aplat rose. Source : enquête réalisée par la FHF.
Des enquêtes ont également été réalisées sur certaines activités opératoires.
Les résultats d’une enquête réalisée par le comité national « Covid et cancer (3) », et
analysés par l’Institut National du Cancer (INCa) présentent ainsi une estimation
de mi-mars à fin mai d’environ 44 000 séjours de chirurgie d’exérèse des
(1) Elective surgery cancellations due to the COVID‐19 pandemic: global predictive modelling to inform surgical
recovery plans, 12 mai 2020 (article publié dans le British Journal of Surgery). L’article estime qu’environ
58 708 opérations chirurgicales ont été annulées chaque semaine en France.
(2) S. Finkell, F. Séguret et C. Meunier, Estimation de l’impact à M7 de l’épidémie de COVID-19 sur l’activité
Hors Covid en France, Étude réalisée par la Fédérations Hospitalière de France (FHF), présentée lors d’un
séminaire des 18 et 19 novembre 2020 (résultats non consolidés).
(3) Comité national réunissant les acteurs de la lutte contre le cancer et la DGOS, se réunissant de manière
hebdomadaire depuis le 5 mai autour de la question de la reprise d’activité du traitement du cancer.
— 153 —
Des hôpitaux publics et privés ont été mobilisés entièrement pour faire face
à l’épidémie, alors même qu’ils n’ont eu peu de patients Covid à prendre en charge.
Il est vrai cependant que le report des actes non indispensables sur l’ensemble du
territoire a facilité l’envoi de renforts en personnes soignants des territoires les
moins touchées vers les régions les plus affectées par l’épidémie.
L’annulation des activités médicales non urgentes prévues pour les mois de
mars, avril et mai a nécessité leur reprogrammation ultérieure. La reprise des
activités chirurgicales pose néanmoins de nombreuses difficultés dans le contexte
de la montée en puissance d’une deuxième vague épidémique. D’une part, les
protocoles sanitaires – l’utilisation de chambres à deux lits est par exemple rendue
plus difficile – ralentissent l’activité opératoire. D’autre part, la reprogrammation
des activités annulées constitue un défi supplémentaire pour le système hospitalier,
saturé par les besoins de prise en charge des patients Covid.
repose sur des déprogrammations par « paliers », décidées en lien avec l’ARS qui
assure la coopération régionale et l’adaptation aux tensions observées sur le
territoire (1).
ii. À plus long terme, des conséquences préoccupantes du recul des soins
sont à craindre
S’agissant des cancers par exemple, il est estimé que trois mois de retard
équivalent à une réduction des chances de guérison de 5 à 10 % sur le long terme (3).
Le retard de prise en charge de patients atteints de pathologies telles que la maladie
de Parkinson ou d’Alzheimer – par exemple en kinésithérapie ou orthophonie – ont
par ailleurs donné lieu à des dégradations, parfois irréversibles, sur le plan moteur
et psychique.
(1) Fiche établissements de santé : Recommandations d’organisation pour les prises en charge non-covid en cas
de reprise épidémique de covid-19, publiée par le ministère des solidarités et de la santé le 14 septembre.
(2) Audition de M. Christophe Gautier, directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le 6 juillet
2020.
(3) Audition du Pr Jean-Yves Blay, président du réseau UNICANCER, et de Mme Sophie Beaupère, déléguée
générale, le 23 septembre.
(4) Communiqué commun de l’Assurance maladie, du ministère des solidarités et de la santé et de Santé publique
France, publié le 7 mai 2020 (précédemment cité).
— 156 —
déconfinement, on a vu arriver des patients avec des infarctus datant d’une semaine
et déjà en insuffisance cardiaque, et des diabétiques déjà décompensés. »
(1) Covid-19 et continuité des soins : Continuer de se soigner, un impératif de santé publique
— 157 —
Les représentants des établissements ont évoqué des délais très importants
pour joindre les services, en raison de la saturation des lignes (1). Le fait que les
EHPA aient dû passer par le numéro 15 et aient été soumis au même canal d’accès
que l’ensemble de la population a été problématique. Confrontés à des délais
importants et à l’inaboutissement de nombreux appels, plusieurs établissements se
seraient alors résignés à ne pas envoyer leurs résidents à l’hôpital (2). Cette question
a été résolue par la mise en place, le 23 mars, d’une ligne directe permettant aux
EHPAD de joindre le SAMU sans passer par le 15.
Parmi les explications potentielles à ces refus, figure la possibilité que les
personnes résidentes en EHPAD accompagnées par un médecin coordonnateur
n’aient pas été considérées prioritaires dans la mesure où elles pouvaient bénéficier
d’un accompagnement médical en établissement.
(1) Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du (SYNERPA) : « Très vite, on nous rapporte des délais
d’accès au « 15 » supérieurs à cinq ou six heures : nous adressons alors des notes au plus haut niveau de
l’État pour demander à utiliser un autre canal. », audition du 22 septembre.
(2) Mme Annabelle Vêques-Malnou, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs
d’établissements et de services pour personnes âgées (FNADEPA) : « Les SAMU, je l’ai dit, étaient surchargés,
nos appels n’aboutissaient pas toujours et, après plusieurs jours ou plusieurs semaines, notamment début mars,
au pic de l’épidémie, certaines équipes se sont résignées. », audition du 28 juillet 2020.
(3) Lors de son audition le 22 septembre, Mme Florence Arnaïz Maumé, déléguée générale du SYNERPA indiquait
ainsi « des adhérents des régions de Strasbourg et de Mulhouse nous appellent à cette époque pour signaler des
problèmes de transfert (…) Les difficultés de transferts, qui n’ont pas été massives, ont eu lieu dans les zones
géographiques tendues qu’étaient la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est, ainsi qu’en Île-de-France –
mais dans une moindre mesure – et autour de Lyon. Les tensions s’apaisent autour du 20 mars. ».
— 158 —
les services hospitaliers, pensant que plus aucun résident d’un EHPAD n’y serait
accueilli. »
Ces difficultés ont été soulevées pendant une période qui correspond au
pic de l’épidémie. Sur l’ensemble de la période du 1er janvier au 30 juin, la part de
personnes âgées admises dans les établissements de Médecine, Chirurgie et
Obstétrique (MCO) pour Covid s’est établie à 44 % des hospitalisations pour les
patients covid âgés de 70 ans et plus, dont 27 % ont concerné des patients Covid
âgés de 80 ans et plus (1).
(1) Analyse de l’activité de courts séjours hospitaliers liée à la COVID-19, données Fast Track du 3 juillet 2020
(2) Ces données de la DGOS sont issues du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information
(PMSI). Le PMSI permet de décrire de façon synthétique et standardisée l’activité médicale des
établissements de santé (tous secteurs confondus). Il repose sur l’enregistrement de données
médico- administratives normalisées dans un recueil standard d’information.
— 159 —
PART DES PLUS DE 75 ANS SUR L’ENSEMBLE DES PERSONNES ADMISES EN SERVICES DE
RÉANIMATION, EN COMPARAISON AVEC LES DEUX ANNÉES PRÉCÉDENTES
(1) Données fournies par la direction générale de l’offre de soins les 20 et 31 juillet. Les données fournies sont
issues de la base de données du programme démédicalisation des systèmes d'information de médecine
chirurgie obstétrique (PMSI-MCO), et sont donc dépendants de la qualité et de l’exhaustivité du codage des
actes dans les établissements. Il s’agit par ailleurs de données provisoires, les données étant encore en cours
de consolidation.
— 160 —
PART DES PLUS DE 75 ANS SUR L’ENSEMBLE DES PERSONNES ADMISES EN RÉANIMATION
DANS LA RÉGION ÎLE DE FRANCE, EN COMPARAISON AVEC LES DEUX ANNÉES
PRÉCÉDENTES
Les données SI-VIC (1) montrent que les patients COVID-19 âgés de plus
de 75 ans et déclarés par les établissements de santé en hospitalisation réanimatoire
(réa/SI/SC) représentent en moyenne 17,5 % du total des patients COVID-19
admis à l’hôpital sur la période du 2 mars au 31 mai 2020. Les proportions varient
cependant dans le temps, avec des données hebdomadaires comprises entre 13
et 30 %.
30-03 27-04
2-8 9-15 16-22 23-29 06-12 13-19 20-26 4-10 11-17 18-24 25-31
au Au
mars mars mars mars avril avril avril mai mai mai mai
05-04 03-05
Nombre
de plus
34 143 380 592 482 372 293 229 134 112 79 63 37
de 75
ans
% 28 % 27 % 17 % 13 % 13 % 18 % 22 % 26 % 24 % 27 % 29 % 30 % 25 %
Source : données issues du système d’information pour le suivi des victimes (SI-VIC), panel construction DGOS
(1) système d’information pour le suivi des victimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles utilisé
pendant la crise pour le suivi des hospitalisations de patients Covid.
— 162 —
pose la question d’un « tri » fondé, notamment, sur le critère de l’âge qui aurait été
opéré entre les patients.
En outre, il est aussi avancé que le refus d’envoyer des personnes âgées en
réanimation s’est fondé sur une analyse « bénéfices/risques » et sur la conclusion
que ces soins seraient trop lourds pour les patients très âgés compte tenu en
particulier de la durée des réanimations nécessaires des malades graves de la
Covid 19. Cette analyse bénéfices/risques est d’une application constante pour les
décisions d’envoi en réanimation. Elle n’a dès lors pas constitué un critère nouveau
dans la décision d’hospitaliser les patients en réanimation.
(1) Surveillance ayant pour objectif de documenter les caractéristiques des cas graves de Covid 19 admis en
réanimation et n’ayant pas vocation à dénombrer tous les cas graves de covid-19 admis en réanimation
(SpF).
(2) Point épidémiologique de SPF du 24 mars 2020.
(3) Point épidémiologique de SPF du 9 avril 2020.
— 164 —
(1) Audition de MM. François Braun, président de Samu-Urgences de France et chef du pôle urgences du centre
hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville, Pierre-Albert Carli, vice-président et chef de service des
urgences de l’hôpital Necker de Paris, et Jean-Emmanuel de la Coussaye, vice-président et chef de service
des urgences au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes, le 15 juillet 2020.
(2) Enquête réalisée auprès des Agences Régionales de Santé (ARS) en mars 2020 dont les résultats ont été
transmis par la direction générale de l’offre de soins à la mission d’information le 31 juillet 2020.
(3) Audition de M. François Braun, président de Samu-Urgences France.
(4) Audition de M. Christophe Lannelongue, ancien directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS)
Grand Est le 22 juillet 2020.
— 165 —
Du 1er janvier au 2 juillet 2020, près de 141 900 patients ont été
hospitalisés pour cause de Covid-19 en médecine chirurgie obstétrique (MCO),
dans le cadre d’une hospitalisation conventionnelle ou en soins critiques. Le nombre
de patients Covid-19 en MCO le plus élevé a été observé le 3 avril, date à laquelle
le nombre de 30 000 patients hospitalisés a été franchi (2).
Source : recommandations d’organisation des réanimations en prévision d’une nouvelle vague de Covid-19, note publiée
par le ministère des solidarités et de la santé le 16 juillet
(1) Système d’information pour le suivi des victimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles, utilisé
pour le suivi de la crise sanitaire.
(2) Note du Conseil scientifique COVID-19 du 26 octobre 2020 : une deuxième vague épidémique entraînant une
situation critique.
(3) Étude principalement française, Covid-ICU (Covid-19 infection in Intensive Care Unit, « unité de soins
intensifs ») réalisée sur 4 244 adultes présentant un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) lié à
une infection à SARS-CoV-2, qui ont été admis en réanimation entre le 25 février et le 4 mai dans
138 hôpitaux principalement en France, mais aussi en Belgique et en Suisse.
(4) Bilan épidémiologique de Santé publique France, publié le 12 novembre 2020.
— 167 —
fait état de 29 933 décès dus à la Covid-19 entre le 1er mars et le 7 juillet 2020 dans
ces établissements.
l’hôpital (un effort passé de 11 % à moins de 6 % des recettes entre 2009 et 2017
comme le montre le graphique suivant), par ailleurs grevé par un endettement
croissant. La dette des hôpitaux a en effet régulièrement augmenté depuis 2002,
pour atteindre aujourd’hui un montant d’environ 30 milliards d’euros.
Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statiques (DREES), La situation économique et
financière des hôpitaux publics, 2019
(1) Hospitalisation durant laquelle le patient est hébergé à l'hôpital et y passe au moins une nuit.
(2) Les établissements de santé, panorama de la DRESS, édition 2019.
— 169 —
(1) Chiffre également repris par le centre de compétences TRISAN dans son étude sur le secteur hospitalier en
France, en Allemagne et en Suisse, mai 2019.
(2) Panorama de la DRESS, les établissements de santé, édition 2019.
(3) Panorama de la santé 2019, les indicateurs de l’OCDE.
(4) Institut Montaigne : Les États face au coronavirus : l’Allemagne un modèle résilient, avril 2019.
(5) Nombre de lits de réanimation, de soins intensifs et de soins continus en France, fin 2013 et 2018, enquête
DRESS publiée le 8 avril 2020 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-
statistiques/publications/article/nombre-de-lits-de-reanimation-de-soins-intensifs-et-de-soins-continus-en-
france
— 170 —
Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statiques (DREES), Études et Résultats, n° 1164,
septembre 2020.
Les ARS ont ainsi travaillé en lien étroit avec les établissements de
santé pour identifier les réorganisations les plus adéquates permettant d’augmenter
les capacités pour les prises en charge réanimatoires, notamment via la mobilisation
— 171 —
Source : DGOS. La notion de lits de réanimations adultes renvoie à tous les lits de réanimation, de type covid et non covid.
Elle intègre les lits dits « autorisés » et les lits dits « upgradés » pour prise en charge réanimatoire du fait de l’épidémie.
(1) Cette valeur n’inclut pas les capacités de réanimation en Guadeloupe et Mayotte, les données ROR n’étant
pas disponibles.
(2) Données fournies par la DGOS
— 172 —
Beaucoup de lits de réanimation créés durant la crise correspondent à des lits issus
de services proches de la réanimation, tels que les services de soins continus, qui ont été
« upgradés » pour pouvoir prendre en charge des patients en réanimation. Un nombre
conséquent des capacités nouvelles installées dans le contexte de la crise sanitaire
correspondent dès lors à une prise en charge en servies de réanimation en mode
« dégradé (1) ». Ainsi, s’agissant des lits de réanimation créés entre la mi-mars et la fin-
mars :
– 47 % proviennent de lits de surveillance continue transformés en lits de
réanimation ;
– 32 % ont été créés à partir d’emplacements de salle de réveil et de blocs
opératoires ;
– 13 % proviennent d’unités de réanimation qui n’étaient pas ouvertes par manque
de personnel en période pré-Covid ;
– 8 % sont issus d’unités d’hospitalisation et notamment des unités ambulatoires.
Graphique issu de la note sur les Recommandations d’organisation des réanimations en prévision d’une nouvelle
vague publiée par le ministère des solidarités et de la santé le 17 juillet.
(1) Lors de son audition par la mission d’information le 8 juillet, M. Larmine Gharbi, président de la Fédération
de l’Hospitalisation Privée (FHP) évoquait ainsi la notion de « réa-like », c’est-à-dire des soins-continus
upgradés (équipés de respirateurs artificiels par exemple).
(2) Audition de Mme Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées, et de M. Éric
Valade, médecin en chef, chef du département de biologie des agents transmissibles, le 16 septembre 2020.
— 173 —
Entre le 13 mars et le 10 avril 2020, 660 patients ont ainsi fait l’objet d’une
évacuation sanitaire à partir des régions Île-de-France, Grand-Est,
Bourgogne-Franche-Comté et Corse.
Au total, 492 patients ont été transférés dans d’autres régions françaises et
168 vers d’autres pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Suisse et Luxembourg)
durant la première vague de l’épidémie de Covid- 19.
(1) Le SSA a connu une réduction de 1 500 postes en cinq ans (soit 10 % des effectifs) et annonce un manque de
100 médecins.
(2) Conférence de presse du ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran, le 12 novembre 2020.
— 174 —
Ils ont été mobilisés via la mise en place de plateformes au niveau régional
ou national, la réserve sanitaire, la réquisition de personnels par le ministère des
solidarités et de la santé et directement par les établissements.
(1) Recommandations d’organisation des réanimations en prévision d’une nouvelle vague de Covid-19, note
issue du ministère des solidarités et de la santé, publiée le 17 juillet 2020 et transmise à la mission
d’information.
— 175 —
(1) Données transmises par le ministère des solidarités et de la santé à la mission d’information, le 28 mai.
(2) Données transmises par le ministère des solidarités et de la santé à la mission d’information, le 6 mai.
(3) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
— 177 —
(1) Données fournies par le ministère des solidarités et de la santé. Le chiffre de 12 000 respirateurs disponibles
constitue une estimation moyenne entre le premier inventaire réalisé par les ARS de 10 400 respirateurs
disponibles et d’une étude menée avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (DRESS) qui évalue ce nombre à 14 000.
(2) Lors de son audition par la mission d’information le 8 juillet 2020, M. Jean-Marie Woehl président de la
commission médicale d'établissement (CME) des hôpitaux civils de Colmar indiquait ainsi « Nous avons bien
sûr manqué de respirateurs, et nous avons lancé un cri d'alarme extrêmement tôt par tous les canaux
possibles. »
— 178 —
La donne est toutefois modifiée dans le bon sens par l’évolution de la prise
en charge des malades de la Covid-19 à la suite de nouvelles méthodes de soin ayant
prouvé leur efficacité. Lors de son audition le 4 novembre, le ministre des solidarités
et de la santé a évoqué le recours à l’Optiflow, qui permet de fournir de l’oxygène
(1) Audition de MM. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) de M. Jean-
Marie Woehl, président de la commission médicale d'établissement (CME) des hôpitaux civils de Colmar et
de M. Alexis Thomas, directeur de cabinet de la Fédération hospitalière de France, le 8 juillet 2020.
(2) Audition du ministre des solidarités et de la santé M. Olivier Véran, le 1er avril 2020.
— 179 —
La réserve sanitaire a été mobilisée tôt dans la crise, dès le 25 janvier (2).
Mais d’abord victime de son succès (le site internet de Santé publique France qui
lui est dédié n’a rapidement plus permis de renseigner des candidatures), elle s’est
finalement avérée insuffisamment opérationnelle pour répondre aux besoins
croissants en personnels et aux tensions très fortes sur certains métiers et a dû être
suppléée par des dispositifs alternatifs montés directement par les ARS.
S’y ajoute le fait que les besoins ont porté en priorité sur des professionnels
de santé comme les réanimateurs et les infirmières d’anesthésie-réanimation. Or, on
retrouve logiquement chez les réservistes les mêmes manques de certaines
spécialités qui font défaut structurellement dans l’offre de soins (urgentistes,
médecins anesthésistes réanimateurs notamment).
(1) Audition de M. Aurélien Rousseau, directeur général de l’agence régionale de santé Île-de-France, le
23 juillet 2020.
(2) L’équipe dédiée à la gestion de la réserve sanitaire ne comprend que huit personnes.
— 181 —
non plus des profils adaptés pour fournir des renforts dans les établissements
d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) (1).
Les tensions en termes de personnel ont été désignées par l’ensemble des
personnes auditionnées comme la problématique principale durant la crise et
comme le plus grand obstacle à la montée en charge des capacités de réanimation.
(1) Audition de Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale, le 13 octobre 2020.
(2) Cette problématique a notamment été soulevée par M. Martin Hirsch, président de l’Assistance-publique
Hôpitaux de Paris (AP-HP) lors de son audition le 6 juillet.
— 182 —
futurs, afin d’ajuster les politiques de formation des personnels soignants aux
problématiques de santé publique à venir.
(1) Données communiquées par le ministère des solidarités et de la santé à la date du 6 mai.
(2) Basé sur les consommations des établissements de santé en 2009
(3) Décret n° 2020-466 du 23 avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence
sanitaire.
— 184 —
Total acheté ou
Total distribué Stocks
réservé
DCI (à S21) (S22 à S31)
(marché SpF)
En million de mg
ATRACURIUM 200 30 170
CISATRACURIUM 34 9 25
ROCURONIUM 39 17,8 21,2
VECURONIUM 0,2 0 0,2
MIDAZOLAM 332 131 201
PROPOFOL 4 700 907 3 793
GAMMA OH 0,45 0 0,45
Source : données transmises par le ministère des solidarités et de la santé à la mission d’information le 28 mai.
● La stratégie mise en place semble avoir permis d’éviter sur le fil des
ruptures sèches de médicaments pour les soins de réanimation. Les tensions
rencontrées ont néanmoins été extrêmement fortes. Les professionnels auditionnés
ont notamment souligné leurs incertitudes sur le stock de médicaments dont ils
pourraient effectivement disposer pour prendre en charge leurs patients. La manière
dont les établissements allaient être approvisionnés en médicaments a été une source
de préoccupation importante.
Spiramycine
(midazolam +
Curares
Paracétamol IV
(dont sufentanyl)
Hypnotiques
Morphiniques
propofol)
* Si les posologies minimales recommandées par les sociétés savantes sont bien appliquées
Document issu d’une note de situation sur la situation des médicaments, transmise par la DGS à la mission
d’information le 24 septembre.
(1) Décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence
sanitaire.
— 186 —
le justifie (1). Cette extension d’accès au rivotril, auparavant seulement délivré par
les pharmacies hospitalières a soulevé un questionnement éthique, dans la mesure
où il peut être utilisé comme sédatif en soins palliatifs. L’usage du rivotril dans le
cadre de soins palliatifs est néanmoins demeuré soumis aux protocoles définis par
la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) pour la prise
en charge palliative de la détresse respiratoire.
(1) Sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention « prescription hors autorisation de mise sur
le marché dans le cadre du Covid-19. »
— 187 —
– Dans la lignée des primes accordées aux personnels impliqués dans la lutte
contre le Covid-19 (voir supra), les accords de Ségur prévoient d’abord un plan
d’investissement de 8,2 milliards d’euros, prévoyant des hausses de salaires et des
primes pour les personnels soignants. Ce plan d’investissement vise essentiellement
à renforcer l’attractivité de ces métiers.
(1) Dans la fonction publique hospitalière, deux textes publiés le 19 septembre 2020 ont finalement permis
l’application anticipée de cet engagement dès septembre 2021. Sur la base du point d’indice actuel, cette
revalorisation correspond à près de 230 euros mensuels bruts. Pour les personnels non médicaux des
hôpitaux et des EHPAD, cette revalorisation est prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale (PLFSS) pour 2021 et sera donc versée de manière rétroactive.
— 188 —
Selon une enquête menée sur 3 000 établissements de santé par la Fédération
Hospitalière de France (FHF) et publiée en novembre 2020, 80 % des établissements
se trouvaient en « recherche active de renforcement de leurs effectifs » et la grande
majorité d’entre eux rencontraient des difficultés pour ce faire. Cette situation est
d’autant plus préoccupante que la vague épidémique touche cette fois l’ensemble
du territoire national et rend plus difficile les transferts de soignants entre régions.
(1) Le ministre de la santé indiquait ainsi, à l’occasion d’une conférence de presse dédiée à la crise du Covid-19
le 27 août, « Si la situation le nécessite, 12 000 lits de réanimation pourront être disponibles ».
(2) Audition du ministre des solidarités et de la santé M. Olivier Véran, le 4 novembre 2020.
— 191 —
épidémique touchant cette fois l’ensemble du territoire national et rend plus difficile
les transferts de soignants entre régions.
— 193 —
29 933 personnes sont décédées des suites de la Covid-19 entre le 1er mars
et le 7 juillet, 14 081 d’entre elles, soit près de la moitié, étaient des résidents
d’établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA).
L’âge étant le premier facteur de risque (93 % des personnes décédées des
suites de la COVID-19 sont âgées de 65 ans ou plus), l’hébergement collectif de
ces personnes vulnérables en situation épidémique constitue un risque majeur.
De fait, elles ont été les premières victimes de l’épidémie et les établissements qui
les accueillent ont été particulièrement frappés par la première vague. Le contraste
est pourtant marquant, entre la vulnérabilité particulière des personnes âgées à la
maladie et le délai de déclenchement des premières mesures en direction des EHPA
et des services à domicile.
1. Les résidents des établissements pour personnes âgées ont été les
premières victimes de l’épidémie
(1) données fournies par la direction générale de la cohésion à la mission d’information, le 24 octobre 2020.
(2) L’hébergement des personnes âgées en établissement - Les chiffres clés, DRESS, juin 2019.
(3) La notion d’établissements d’hébergement pour personnes âgées utilisée dans ce rapport (EHPA) renvoie
néanmoins à la catégorie générale des établissements accueillant des personnes âgées (EHPA et résidences
autonomies d’une part et EHPAD d’autre part).
(4) DRESS, Premiers résultats de l’enquête EHPA 2015, juillet 2017.
— 195 —
(1) Certains établissements affichent un bilan extrêmement lourd, à l’instar de l’EHPAD de Mougins où
40 résidents sur 109 sont décédés des suites de la Covid-19 et celui de Cornemont, dans lequel la Covid-19
a donné lieu à 25 décès (sur 157 résidents).
(2) Point épidémiologique de Santé publique France, 26 novembre 2020.
(3) Point épidémiologique de Santé publique France du 12 novembre.
(4) Point épidémiologique de Santé publique France, du 9 juillet 2020.
(5) Institut national de la statistique et des études économiques : nombre de décès quotidiens, France, régions et
départements, 6 novembre 2020.
— 196 —
Point sur la mise en place d’un système de signalement des décès liés à la Covid-19
auprès de Santé publique France (SPF)
– dès le 13 mars 2020, il a été demandé à tous les établissements de santé susceptibles
de recevoir des patients diagnostiqués Covid-19 de rapporter chaque jour le nombre de
nouveaux décès via une application développée pour le suivi intra-hospitalier des
situations sanitaires exceptionnelles et activée dans le contexte de cette épidémie
(SI- VIC). Les établissements pour personnes âgées n’étaient pas inclus dans ce
dispositif.
– à partir du 28 mars 2020, il a été demandé aux EHPA et plus largement, à l’ensemble
des établissements médico-sociaux (EMS) d’indiquer quotidiennement à SPF, via un
système de certification des décès, le nombre de décès associés à la Covid-19, qu’ils
soient suspectés (clinique) ou confirmés (test PCR). Les établissements ont pu déclarer
rétrospectivement les cas et les décès survenus entre le 1er et le 27 mars 2020.
Depuis 2007, les médecins peuvent également rédiger un certificat de décès par voie
électronique à partir d’une application sécurisée. Les données issues des certificats
électroniques de décès facilitent le suivi de l’épidémie et de la mortalité car elles
permettent de disposer de façon réactive d’informations individuelles sur les personnes
décédées (âge, sexe, lieu de décès, comorbidités). Le 30 mars 2020, il a été demandé à
tous les établissements de santé, y compris les EHPAD, d’utiliser prioritairement la
certification électronique des décès, en remplacement du certificat de décès papier.
Alors qu’en 2018, seuls 8 % des décès intervenus dans les EHPA étaient
signalés par certification électronique, contre environ 20 % (1) pour l’ensemble de
la mortalité nationale début 2020, votre rapporteur appelle à accompagner plus
particulièrement les EHPA dans le déploiement de cet outil.
(1) Surveillance de la mortalité au cours de l'épidémie de covid-19 du 2 mars au 31 mai 2020 en France, Santé
publique France, juillet 2020.
— 198 —
Les représentants du secteur des EHPA entendus par la mission ont décrit
une période « de flottement » jusqu’au 6 mars (2) et M. Frédéric Valletoux,
président de la Fédération Hospitalière de France évoque, lors de son audition, une
réponse « très clairement décalée dans le temps par rapport à la priorité portée
d’abord, à l’appareil hospitalier et à l’appareil sanitaire.»
Les premières instructions ciblées pour ces établissements ont été adressées
le 28 février puis le 5 mars, mais sont demeurées très sommaires. La fiche DGCS
du 28 février n’évoque ainsi que la conduite à tenir envers les professionnels et les
publics revenant ou arrivant de zones à risques, tandis que la fiche du 5 mars
concerne principalement la tenue de gestes barrières et l’utilisation de masques dans
les EHPAD, uniquement lorsqu’un résident est affecté par la Covid-19.
Pendant les premières semaines de mars des pénuries ont été constatées pour
équiper les malades et les personnels de ces établissements.
(1) Informations sur la conduite à tenir envers les professionnels et publics (familles et personnes accueillies) en
phase épidémique de coronavirus COVID-19, 20 mars 2020.
(2) Des documents à destination des ESMS ont été publiés préalablement, par exemple le courrier adressé à
l’ensemble des ESMS le 14 mars relatif aux « Informations sur la conduite à tenir envers les professionnels
et les publics », mais ils n’étaient pas spécifiquement ciblés sur la situation particulière des services à
domicile.
(3) Lettre signée par neuf acteurs du secteur des EHPA adressée au ministre de la santé le 20 mars précitée.
— 200 —
Ce problème est particulièrement aigu dans la mesure où, d’une part, les
personnes âgées sont une cible extrêmement vulnérable au risque d’infection au
coronavirus Sars-CoV-2, et d’autre part l’hébergement en établissement réunit
toutes les conditions pour qu’un virus fortement contagieux et se présentant sous
des formes cliniques atypiques y entraîne des catastrophes.
(1) Covid-19 : Stratégie de gestion et d’utilisation des masques de protection, 13 mars 2020.
(2) Ces disparités ont notamment été évoquées par le Dr Odile Reynaud-Levy, vice-présidente de l’association
nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR), audition 21 juillet 2020.
— 201 —
domicile ne s’est ainsi améliorée qu’à partir du 27 mars, date à laquelle ces
services ont été intégrés dans le circuit de distribution des masques par les
ARS/GHT. Pendant un quart, voire un tiers de la crise sanitaire du printemps, de
nombreux professionnels ont été amenés à prendre des risques importants en
travaillant sans masques.
c. Un recours aux tests diagnostiques dans les EHPA qui aurait dû être dès
le début prioritaire
Cet accès limité aux capacités de dépistage n’a pas permis d’identifier
précisément les cas de Covid-19 parmi les résidents et les personnels d’EHPA.
Comme l’a indiqué M. Éric Frégona, directeur adjoint de l’Association des
directeurs au service des personnes âgées, lors de son audition : « les tests sont
arrivés trop tard. Il est évident que si nous avions pu tester plus tôt, nous aurions
pu organiser un confinement plus ciblé. Sans doute n’avons-nous pas repéré, au
début, les bons symptômes de la Covid-19 et certaines personnes ont-elles été
isolées alors qu’elles n’auraient pas dû l’être. Lorsqu’elles ont été testées, ensuite,
et qu’elles ont été diagnostiquées positives, il a fallu les confiner à nouveau dans
des chambres qui, en moyenne, font 20 mètres carrés. (…) Nous avons toujours dit
qu’il fallait tester tout le monde, et pas seulement les premiers cas déclarés. »
Des équipes mobiles de dépistage ont alors été montées sous la coordination
des ARS en lien étroit avec les collectivités territoriales concernées pour faciliter la
réalisation de ces tests dans les établissements médico-sociaux.
En un mois, entre le 7 avril et le 10 mai, près de 300 000 tests ont été réalisés
en EHPAD, dont plus de la moitié chez les résidents. Le recours aux tests s’est
poursuivi au mois de juin. Du 7 avril au 10 juin, 344 000 personnes avaient fait
l’objet d’un test au sein des EHPA, dont 186 000 résidents – sur un total de
600 000 – et 158 000 personnels de ces établissements.
(1) Audition de Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et
résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA) lors de son audition le 22 septembre 2020.
— 204 —
● À partir du 6 mai, un dépistage plus large dans les EHPA est préconisé et
rendu possible par le renforcement des capacités de dépistage au niveau national,
dans le contexte de la préparation du déconfinement. Ce n’est qu’à cette date que
toutes les personnes présentant des symptômes évocateurs de la Covid-19 ainsi
que tous les cas contacts confirmés dans les établissements doivent pouvoir
procéder à un test PCR.
(1) Informations sur la conduite à tenir envers les professionnels et publics (familles et personnes accueillies) en
phase épidémique de coronavirus COVID-19, 20 mars 2020.
— 206 —
(1) Retour à la normale dans les établissements d’hébergement pour Personnes âgées (EHPAD, USLD,
résidences autonomie), 16 juin 2020.
(2) Protocole relatif au renforcement des mesures de prévention et de protection des établissements médico-
sociaux accompagnant des personnes à risque de forme grave de Covid-19, en cas de dégradation de la
situation épidémique.
— 207 —
(1) Lors de son audition par la mission d’information le 17 septembre, Mme Claudette Brialix, présidente de la
Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles (FNAPAEF) a ainsi
évoqué une démocratie sanitaire et médico-sociale « bafouée ».
(2) Les règles relatives à la procédure mortuaire ont d’abord été établies par un avis du Haut Conseil de la Santé
Publique (HCSP) publié le 18 février, puis par un avis du HCSP du 24 mars ayant été complété finalement
par une fiche de la DGCS intitulée « information sur la conduite à tenir par les professionnels relative à la
prise en charge du corps d’un patient infecté par le Sars-CoV2, publie le 27 mars. »
(3) Audition du ministre des solidarités et de la santé M. Olivier Véran, le 4 novembre 2020.
(4) Note du Conseil scientifique, 30 mars 2020 : Les EHPAD, Une réponse urgente, efficace et humaine.
— 208 —
(1) CCNE – Réponse à la saisine du ministère des solidarités et de la santé sur le renforcement des mesures de
protection dans les EHPAD et les USLD.
(2) Avis n° 6 du Conseil scientifique COVID-19, 20 avril 2020. Sortie progressive de confinement, Prérequis et
mesures phares.
— 209 —
(1) Audition commune du Dr Nathalie Maubourguet, présidente de la Fédération française des associations de
médecins coordonnateurs en EHPAD (FFAMCO) et du Dr Odile Reynaud-Levy, vice-présidente de
l’association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social, le 21 juillet 2020.
(2) Dr Nathalie Maubourguet, présidente de la FFAMCO, audition du 21 juillet 2020.
— 210 —
dans le cadre d’une oxygénothérapie, d’un débit supérieur à dix litres par minute
lorsqu’il est très difficile d’obtenir des extracteurs d’oxygène et que la majorité des
EHPAD sont dans l’incapacité de fournir des débits supérieurs à 5 litres par
minute ? »
La prise en charge des malades au sein des EHPA a par ailleurs contribué à
la propagation de la maladie, dans la mesure où la mise en place d’unités covid
délimitant strictement les espaces propices à la contamination est apparue
particulièrement complexe (voir supra).
(1) Lors de son audition le 21 juillet, le Dr Odile Reynaud-Levy, vice-présidente de l’association nationale des
médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR).indiquait ainsi « Concernant l’éthique, des
confrères nous ont indiqué – nous sommes là pour dire les choses – qu’il n’y avait pas forcément eu
d’évaluation médicale dans tous les établissements. De fait, certains d’entre eux n’avaient pas de médecin
coordonnateur, dans d’autres le médecin traitant ne venait plus, si bien que les infirmières coordinatrices se
sont retrouvées seules. J’ajoute que certains EHPAD se trouvent en milieu rural, dans un désert médical et
sont donc très éloignés des équipes mobiles de gériatrie – lorsqu’elles existent, car il n’y en a pas dans tous
les centres hospitaliers –, des équipes opérationnelles d’hygiène ou des équipes mobiles de soins palliatifs. »
— 211 —
De nouvelles consignes ont été adressées aux ARS le 30 mars (1) afin de
développer les liens entre les EHPAD et le secteur sanitaire et d’apporter une aide
à ces établissements dans la prise en charge des personnes atteintes par la Covid-19.
Deux outils principaux ont été développés qui révèlent, en creux, les
besoins persistants de ce secteur :
(1) Stratégie de prise en charge des personnes âgées en Établissements et à domicile dans le cadre de la gestion
de l’épidémie de covid-19, fiche destinée aux ARS et publiée le 31 mars.
(2) DGCS, 14 octobre 2020.
— 212 —
(1) En 2015, il y était de 62,8 % , contre 103,2 dans les USLD. L’accueil des personnes âgées en établissement :
entre progression et diversification de l’offre. Résultats de l’enquête EHPA 2015.
— 213 —
Point sur les primes accordées aux personnels des EHPA à la suite de la première
vague épidémique
À l’instar de la prime exceptionnelle versée aux personnels hospitaliers et afin de
récompenser l’effort des personnels particulièrement mobilisés dans le cadre de la lutte
contre l’épidémie de Covid-19, une prime exceptionnelle prévue à l’article 11 de la loi
du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020 a été versée aux professionnels des
établissements publics sociaux et médico-sociaux, dont ceux prenant en charge les
personnes âgées, aux personnels des unités de soins de longue durée et à ceux des
EHPAD. Cette prime est de 1 500 euros pour les agents exerçant dans un
établissement situé dans l’un des 40 départements les plus touchés par l’épidémie et
de 1 000 euros pour les personnels des autres départements.
Le Président de la République a par ailleurs annoncé le 4 août, la mobilisation d’une aide
exceptionnelle de l’État en débloquant une enveloppe de 80 millions d’euros, calculée
pour permettre le versement de primes de 1 000 euros au prorata du temps de travail
des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SSAD) avec une
contribution au moins équivalente des départements. Les personnels des SAAD avaient
en effet été exclus du dispositif de primes accordé aux professionnels des EHPAD (voir
supra). Cette prime ne concerne néanmoins pas les salariés employés directement par les
particuliers, comme les assistants de vie en emploi à domicile.
À ces primes, se sont ajoutées les revalorisations à la hauteur d’un peu plus de
200 euros (1) nets par mois, des salaires des personnels para-médicaux au sein des
EHPAD publics et privés non-lucratifs (revalorisation de 163 euros pour les EHPAD
privés lucratifs annoncée dans les accords du Ségur de la Santé – voir partie sur le système
de soins).
Alors que les rapprochements entre les EHPAD et le système de santé ont
permis de pallier les difficultés structurelles rencontrées par les EHPAD pour faire
face à la crise sanitaire, votre rapporteur appelle à aller plus loin et à rattacher
chaque EHPAD à un établissement de santé, public ou privé.
(1) Revalorisation de 183 euros pour l’ensemble des personnels et de 35 euros supplémentaires pour les
personnels en contact avec les patients.
— 215 —
PROPOSITIONS
Anticipation
1. Reprendre les exercices de crise de type « pandémie » à un rythme régulier ; le cas échéant,
ne procéder qu’à des exercices partiels sur certains aspects du plan.
2. Élaborer un plan « pandémie » générique, non uniquement grippale, adapté à une plus
large variété de situations et mobilisable rapidement, faisant l’objet d’actualisations
régulières ; lui conférer un volet capacitaire établissant les ressources critiques nécessaires
et leur volumétrie, en équipements et en ressources humaines.
Dépistage
14. Engager la relocalisation en France de l’industrie du diagnostic in vitro afin de ne plus être
dépendant des importations mondiales et retrouver une réelle souveraineté sanitaire.
15. Déployer un réseau d’IHU en maladies infectieuses sur l’ensemble du territoire national
couvrant chaque zone de défense afin d’être mieux préparé à l’avenir et de réagir plus vite
en cas de nouvelle pandémie.
16. Soutenir les travaux permettant de mieux apprécier et de prendre en compte la contagiosité
réelle d’une personne positive à la Covid-19 afin de mieux cibler la stratégie d’isolement.
Système de soins
17. Renforcer les liens entre la médecine de ville et la médecine hospitalière et développer des
plans de de crise qui prévoient l’intégration des soins primaires à la réponse sanitaire.
18. Mener une enquête approfondie sur les conséquences en termes de santé publique du recul
des soins durant la première vague de l’épidémie de Covid-19.
— 217 —
EHPAD
23. Associer davantage le conseil de la vie sociale dans la prise de décisions ayant des
conséquences pour les résidents et les familles y compris dans la gestion de crise
24. Informer les établissements plus en amont de la mise en place de nouvelles mesures.
25. Pérenniser le dispositif des astreintes gériatriques (hotlines) et soutenir la mobilisation des
équipes mobiles de gériatrie et les équipes mobiles de soins palliatifs dans les EHPAD.
26. Renforcer le lien entre les EHPA et les services d’hospitalisation à domicile.
27. Encourager le développement de la certification électronique des décès, en particulier dans
les EHPA.
28. Associer davantage le conseil de la vie sociale dans la prise de décisions ayant des
conséquences pour les résidents et les familles y compris dans la gestion de crise.
29. Revoir en profondeur le modèle des établissements pour personnes âgées dans le cadre de
la loi sur le grand âge renforcer la prise en charge des résidents d’EHPAD en organisant
le rattachement de ces établissements à un établissement de santé, qu’il soit public ou
privé.
— 219 —
ANNEXES