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Noel Bastin 2007 ANAE

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"Rééducation neuropsychologique des troubles

de l'attention et de l'inhibition chez l'enfant."

Noël, Marie-Pascale ; Bastin, Laurence ; Schneider, Jessica ; Pottelle, Dominique

CITE THIS VERSION

Noël, Marie-Pascale ; Bastin, Laurence ; Schneider, Jessica ; Pottelle, Dominique.


Rééducation neuropsychologique des troubles de l'attention et de l'inhibition chez l'enfant..  In:
Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant, Vol. 93, p. 156-162 http://
hdl.handle.net/2078.1/76379

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Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/76379 [Downloaded 2020/12/12 at 20:58:17 ]


A.N.A.E., 2007 ; 93 ; 156-162 M.-P. NOËL, L. BASTIN, J. SCHNEIDER et D. POTTELLE

Rééducation neuropsychologique
des troubles de l’attention
et de l’inhibition chez l’enfant
M.-P. NOËL*,**, L. BASTIN **, J. SCHNEIDER** et D. POTTELLE***
*Docteur en psychologie, professeur dans le Laboratoire de cognition et développement. Adresse de correspondance : Faculté de
psychologie et des sciences de l’éducation, Université catholique de Louvain, 10 place C. Mercier, 1 348 Louvain-la-Neuve, Belgique.
E-mail : marie-pascale.noel@uclouvain.be
** Neuropsychologues au Centre de consultations psychologiques spécialisées en neuropsychologie de l’enfant, Université catholique
de Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgique.
***Neuropsychologue au Centre neurologique William Lennox, Ottignies, Belgique.

résumé : Rééducation neuropsychologique des troubles de l’attention et de l’inhibition chez l’enfant


Deux études montrent qu’un travail spécifique des fonctions d’attention et d’inhibition chez l’enfant
permet d’augmenter ses capacités. Ces rééducations ont aussi un impact sur les autres fonctions
exécutives, le QI de performance et le comportement de l’enfant. Le problème d’inhibition semble
néanmoins être clé. En effet, une rééducation de l’inhibition a des effets positifs sur les capacités
attentionnelles et le comportement de l’enfant alors qu’une rééducation de l’attention entraîne une
détérioration des capacités d’inhibition de l’enfant et de son comportement.
Mots clés : Rééducation – Attention – Inhibition – Hyperactivité.
SUMMARY: Neuropsychologic rehabilitation of troubles of attention and inhibition in children
Two studies show that, in children, a specific training of attention and inhibition increases these capa-
cities. These trainings also have an impact on the other executive functions, the performance IQ and
the child’s behavior. The problem of inhibition seems nevertheless to be central. Indeed, a rehabilitation
of the inhibition has positive effects on the child’s attention capacities and on his/her behavior while a
rehabilitation of attention leads to a deterioration of the inhibition capacities of the child and his/her
behavior.
Key words: Training – Attention – Inhibition – Hyperactivity.
RESUMEN: Reeducación neuropsicológica de los trastornos de la atención e inhibición del niño
Dos estudios muestran que, en niños, una educación (un entrenamiento) específica de atención e inhibi-
ción aumenta estas capacidades. Estos entrenamientos también tienen un impacto sobre otras funciones
ejecutivas, el CI de funcionamiento y el comportamiento del niño. El problema de la inhibición parece
sin embargo ser central. De verdad, una rehabilitación de la inhibición tiene efectos positivos sobre las
capacidades de atención y sobre el comportamiento del niño mientras una rehabilitación de atención
conduce a una deterioración de las capacidades de inhibición del niño y de su comportamiento.
Palabras clave: Reeducación – Atención – Inhibición - Hiperactividad.

156 A.N.A.E. N° 93 – Septembre-octobre 2007


Rééducation neuropsychologique des troubles de l’attention et de l’inhibition chez l’enfant

Introduction central de l’ADHD. Ce défaut d’inhibition expliquerait


l’excès d’activité motrice mais aussi les difficultés à se
Les troubles de l’attention sont fréquents chez l’enfant conformer aux règles, à différer un plaisir ou à résister
d’âge scolaire (3 à 5 %, Honorez, 2002). Ces troubles sont à une tentation et la grande sensibilité aux distracteurs.
souvent, mais pas nécessairement, associés à des problèmes Ce bilan neuropsychologique doit donc permettre d’ob-
d’hyperactivité. C’est ce qu’on appelle communément le jectiver et de spécifier les difficultés attentionnelles et/ou
syndrome ADHD «  troubles de l’attention avec hyperac- d’inhibition de l’enfant.
tivité ». Ces troubles entravent de manière significative les
capacités d’apprentissage de l’enfant. En effet, 20 à 25  % Sur la base de ces évaluations, un programme de rééduca-
des enfants ADHD présenteraient aussi des troubles d’ap- tion neuropsychologique spécifique est mis en place (voir
prentissage contre 2 à 5  % dans la population générale Sturm et Willmes, 1991). Cette rééducation prend la forme
(Tannock et Brown, 2000). Un soutien scolaire a été néces- d’un entraînement intensif et répétitif (drill) de la fonction
saire chez 63 % des enfants hyperactifs, 34 % ont redoublé, déficitaire. Un feed-back sur ses performances est donné
20 % sont scolarisés dans des classes spécialisées (Faraone, en continu à l’enfant. Les exercices proposés suivent une
Biederman, Lehman, 1993) et un nombre important pré- progression graduelle, le passage à un degré plus difficile
sentent des troubles d’apprentissage du langage écrit et/ou n’étant possible que lorsque le niveau antérieur est bien
du calcul. maîtrisé par l’enfant.

Face à ces troubles, différentes approches thérapeutiques La rééducation de l’attention sélective visuelle comporte
sont utilisées. La plus courante est certainement l’appro- des repérages de cibles visuelles dans le cadre de jeux de
che médicamenteuse correspondant le plus souvent, à une barrages (par exemple, barrer les «  e  » dans un texte),
prise de stimulants (dont le méthylphénidate). Une autre des recherches de cibles dans des environnements visuels
approche utilisée est la thérapie cognitivo-comportemen- très complexes (livres « Où est Charly ? », par exemple),
tale. Cette démarche thérapeutique est souvent couplée à des repérages de différences entre deux dessins… La réé-
la prise médicamenteuse et son efficacité, en isolé, semble ducation de l’attention sélective auditive comporte des
malheureusement insuffisante (Paule, Rowland, Ferguson repérages de cibles auditives (un mot dans un texte lu, un
et al., 2000). son dans une liste de mots entendus, etc.). La rééduca-
Dans notre centre de consultations, nous avons déve- tion de l’attention divisée consiste à proposer à l’enfant
loppé une troisième approche axée autour d’une réédu- des jeux dans lesquels il doit à la fois repérer, simultané-
cation neuropsychologique. Notre démarche comporte ment, des cibles visuelles et des cibles auditives. Et enfin,
deux étapes : réaliser un bilan cognitif complet pour la rééducation de l’inhibition utilise des exercices dans
spécifier les difficultés de l’enfant et mettre en place une lesquels l’enfant doit inhiber des automatismes verbaux
rééducation neuropsychologique ciblée sur les déficits ou moteurs. Dans le premier cas, il s’agit, par exemple, de
objectivés. jeux comme le « ni oui ni non » (dans lequel l’enfant doit
répondre à des questions sans utiliser les mots « oui » et
Dans le cadre d’une plainte de type ADHD, le bilan «  non  ») ou d’exercices où l’enfant doit lire le plus vite
neuropsychologique doit particulièrement approfon- possible une séquence de «  o  » et de «  a  » qui sont, le
dir l’examen des fonctions attentionnelles et exécutives. plus souvent, mais pas toujours, disposés en alternance
L’examen des fonctions attentionnelles doit inclure une (aoaoaoaoaooaoaoaoaao…). Dans le second, il s’agit de
évaluation des trois composantes principales de l’atten- jeux comme celui du « Jacques a dit » (le meneur de jeu
tion (Cooley et Morris, 1990), soit l’attention sélective donne des ordres au joueur, celui-ci doit obtempérer le
visuelle et auditive (c’est-à-dire, la capacité de sélec- plus vite possible mais seulement si ces demandes sont
tionner, dans l’environnement, les informations cibles précédées de « Jacques a dit ») ou encore d’exercices où
et d’ignorer les stimulations non pertinentes ou distrac- il faut barrer, très vite, toutes les lettres d’un texte sauf
trices), l’attention soutenue (c’est-à-dire la capacité de le « o ».
maintenir un niveau d’attention suffisant pendant une
longue période de temps) et l’attention divisée (c’est-à- Deux études ont été menées à propos de ce type de pro-
dire, la capacité de répartir son attention entre plusieurs gramme thérapeutique. Dans la première, nous avons
tâches ou sources d’information). Des faiblesses au ni- évalué l’efficacité de prises en charge des problèmes
veau exécutif ont régulièrement été observées dans les d’attention ou d’inhibition de 16 patients. Dans la se-
études d’enfants porteurs d’ADHD : 40/60 études mesu- conde, nous nous sommes posé la question de savoir si,
rant les fonctions exécutives chez des enfants diagnosti- en cas de trouble mixte touchant à la fois l’attention et
qués ADHD mettent en évidence des performances infé- l’inhibition, il était préférable de commencer par une réé-
rieures à celles d’enfants contrôles (Pennington, Groisser ducation de l’une ou de l’autre de ces fonctions. Par ce
et Welsh, 1993). Ces difficultés exécutives touchent aussi biais, nous tenterons de mettre à l’épreuve l’hypothèse de
bien les capacités de planification motrice, de flexibilité, Barkley (1997) selon lequel le trouble d’inhibition serait
de mémoire de travail que d’inhibition. Selon Barkley bien central et conduirait à un problème attentionnel et
(1997), le déficit d’inhibition serait néanmoins le facteur non l’inverse.

A.N.A.E. N° 93 – Septembre-octobre 2007 157


M.-P. NOËL, L. BASTIN, J. SCHNEIDER et D. POTTELLE

Etude 1 : efficacité des prises en rééducation de 45 minutes par semaine pendant 20 semai-
charge neuropsychologiques de nes. Avant et après la phase de rééducation, les enfants ont
l’attention et de l’inhibition été soumis à une ligne de base composée de différents tests
cognitifs mesurant les capacités d’attention et d’inhibition.
Population Plus précisément, le test de barrage du D2 (Brickencamp,
1969) et l’épreuve des carrés de la TEA (Zimmerman et
Dans cette étude, nous avons examiné l’efficacité des prises Fimm, 1994) ont été utilisés comme mesures d’attention
en charge cognitives de 16 enfants âgés de 8 à 16 ans (âge sélective visuelle. Dans le D2, l’enfant doit repérer une ci-
moyen de 11 ; 7 ans ± 2 mois ; 8 filles). Tous ces enfants ble visuelle et barrer le plus grand nombre d’exemplaires
présentaient des troubles de l’attention et de l’inhibition de cette cible parmi un ensemble de stimuli incluant des
(sans trouble merologique) mais les composantes touchées distracteurs. Dans l’épreuve des carrés, l’enfant doit suivre
variaient d’un enfant à l’autre, certains présentant des alté- le mouvement d’un ensemble de croix sur l’écran d’un or-
rations dans plusieurs de ces composants. Plus précisément, dinateur et réagir dès que l’assemblage des croix forme un
l’attention sélective visuelle était altérée chez 14 enfants, carré. L’épreuve des sons de la TEA a été utilisée comme
l’attention sélective auditive chez 8 d’entre eux, l’attention mesure d’attention sélective auditive : l’enfant entend une
divisée chez 6 enfants et l’attention soutenue chez 3 d’entre suite de sons aigus et graves et doit repérer la succession de
eux. Les difficultés d’inhibition comportementale étaient deux sons identiques. La mesure d’attention divisée vient
visibles chez 11 enfants et les difficultés d’inhibition cogni- également de la TEA et exige, de la part de l’enfant, de ré-
tive chez 10 d’entre eux. pérer la succession directe de deux sons graves ou aigus ou
la formation d’un carré par l’ensemble des croix défilant sur
Méthode l’écran. Le Zazzo 10 minutes (Zazzo, 1972) dans lequel l’en-
fant doit repérer deux cibles visuelles parmi un ensemble de
Un bilan complet des fonctions cognitives a été réalisé afin distracteurs et en barrer un maximum pendant 10 minutes
de déterminer les domaines déficitaires de ces enfants. Tous est notre mesure d’attention soutenue. Différentes mesures
présentaient des altérations significatives au niveau des d’inhibition sont également prises. L’épreuve du go/no-go
fonctions attentionnelles et inhibitrices. Les rééducations de la TEA constitue notre mesure d’inhibition comporte-
menées étaient spécifiquement orientées vers la ou les fonc- mentale : des « x » et des « + » défilent à l’écran ; l’enfant
tions atteintes. Chaque enfant bénéficiait d’une séance de doit réagir rapidement à l’apparition des « x » mais s’abs-
Tableau 1. Différences dans les performances attentionnelles et d’inhibition
avant et après la rééducation neuropsychologique (moyenne et déviation standard de scores z).

Epreuve mesure N X (SD) pré-thérapie X (SD) post therapie Wilcoxon p


D2 % erreurs a
12 4.83 (4.2) 2.35 (0.96) 2,471 0,01
nb signes* 12 -0.17 (0.86) 0.41 (0.89) 2,118 0,034
TEA-carré TR 15 0.47 (1.72) 0.69 (1.03) 0,511 ns
Omissions 15 -0.92 (1.97) 0.56 (0.77) 2,726 0,006
Erreurs 15 -1.81 (3.69) -0.13 (1.53) 2,134 0,033
TEA sons TR 14 -0.22 (1.05) 0.54 (1.17) 1,977 0,048
Omissions 14 -0.15 (1.29) 0.58 (0.15) 1,753 0,08
Erreurs 14 -0.85 (3.01) -0.19 (1.50) 0,674 ns
TEA divisé TR 9 0.18 (1.14) 1.02 (1.18) 2,073 0,038
Omissions 9 -0.29 (1.96) 0.69 (1.33) 2,366 0,018
Erreurs 9 -4.71 (9.10) -0.40 (1.33) 2,03 0,042
Zazzo 10’ nb signes 8 -0.05 (0.47) 0.04 (0.44) 1,352 ns
Erreurs 8 -0.31 (0.50) 0.33 (0.26) 2,52 0,012
Go/no-go TR 11 -2.70 (1.44) -1.57 (1.30) 2,134 0,033
Omissions 11 0.66 (0.16) 0.59 (0.45) -0,447 ns
Erreurs 11 0.65 (1.49) 1.65 (0.91) 1,483 ns
Stroop TR 8 -0.62 (1.35) 0.74 (1.83) 1,96 0,05
(planche 4) Erreurs 8 -0.06 (1.68) 0.90 (1.02) 2,023 0,043

a : Nous n’avons pu calculer un score z pour le pourcentage d’erreurs. C’est donc une mesure brute qui est donnée ici.
* nb signes = nombres de signes correctement traités.

158 A.N.A.E. N° 93 – Septembre-octobre 2007


Rééducation neuropsychologique des troubles de l’attention et de l’inhibition chez l’enfant

tenir de toute réponse devant les « + ». Enfin, la quatrième de 26 items était présentée : 9 items portaient sur l’inattention
planche du Stroop (Albaret et Migliore, 1999) dans laquelle (par exemple : «  mon enfant éprouve des difficultés à rester
l’enfant doit dénommer la couleur de l’encre et ne pas lire le attentif dans ses tâches ou dans ses jeux »), 6 sur l’hyperac-
mot écrit est notre mesure d’inhibition cognitive. tivité (par exemple, « mon enfant remue sans cesse les mains
et les pieds, se tortille sur son siège »), 3 sur l’impulsivité (par
Résultats exemple, « mon enfant éprouve des difficultés à attendre son
tour ») et 8 sur l’opposition (par exemple, « mon enfant fait
Des tests Wilcoxon pour observations pairées ont été calcu- délibérément des choses qui ennuient autrui »). Pour chaque
lées sur les scores z de chaque variable considérée dans les item, le parent devait apprécier si l’item s’appliquait beaucoup
tests (voir tableau 1, page précédente) ; tant pour les erreurs (cote de 3), assez bien (2), juste un peu (1) ou pas du tout (0) à
que pour les TR, un score z négatif est donné pour des son enfant et ce, à la fois, pour la période avant la rééducation
performances moins bonnes que la norme (c’est-à-dire des et actuellement. Seuls 8 questionnaires ont été complétés dont
temps plus longs et un taux d’erreurs plus important). Ces l’un comportant uniquement une cotation sur l’état actuel de
comparaisons montrent des améliorations significatives au l’enfant. Une moyenne des cotations obtenues pour les items
niveau des tâches d’attention sélective visuelle (D2, TEA d’une même échelle a été calculée.
carré pour les omissions et les erreurs), d’attention sélective Des tests pour observations pairées montrent une éva-
auditive (TEA son pour les temps de réponse), d’attention luation plus positive de l’enfant sur l’échelle d’attention
divisée (TEA pour les temps de réponse, les omissions et les où l’évaluation moyenne passe de 2,22±0,37 (soit, «  as-
erreurs) et d’attention soutenue (Zazzo 10’ pour les erreurs). sez bien ») à 1,02±0,32 (soit, « juste un peu » ; t(6)=7,492,
Des améliorations significatives sont également observées p <  0,0001). Une évolution positive mais n’atteignant pas
dans les mesures d’inhibition comportementale (Go/no-go le seuil de signification s’observe également pour l’échel-
pour les temps de réponse) et d’inhibition cognitive (plan- le d’hyperactivité (moyenne de 0,70±0,54 à 0,29±0,25 ;
che 4 du Stroop pour les temps de réponse et les erreurs). t(6)=2,246, p=0,066), d’impulsivité (moyenne de 0,91±0,87
Toutefois, cette analyse globale masque la force des effets ob- à 0,47±0,46 ; t(6)=1,991, p=0,94) et d’opposition (moyenne
servés étant donné qu’au départ, chaque enfant ne présentait de 0,76±0,68 à 0,31±0,27 ; t(6)=1,620, ns).
pas un score déficitaire dans chacune des tâches utilisées. Pour En outre, les commentaires laissés par les parents sur les
illustrer ce point, la figure 1 présente pour chaque test, les sco- questionnaires montrent tous des changements positifs de
res z obtenus en pré-et en post-thérapie pour l’enfant qui avait l’enfant. Pour illustrer ce point, quelques-uns de ces com-
le score z le plus bas au départ. Par exemple, Elise 12 ans a ob- mentaires sont rapportés ici : « il y a eu une très grande diffé-
tenu le plus mauvais score pour les omissions de la tâche d’at- rence après la rééducation et une plus grande prise en charge
tention sélective auditive (TEA son Om). Elle obtient en effet d’elle-même par Céline, elle se sent aussi beaucoup mieux
un score z de -2.84. Après la rééducation, son score est de .60. dans sa peau et est très sociable » ; « un grand apaisement,
Pour la tâche d’attention divisée de la TEA, le score d’erreur Timoté est mûr, se prend mieux en charge, est beaucoup plus
le plus mauvais (TEAdiver) est celui de Xavier, 13 ans, avec un gentil et plus responsable dans son travail scolaire » ; « Elise
score z de -4,22. Après la rééducation, il dépasse la moyenne est plus partie prenante dans toutes les situations ».
! des normes de son âge et obtient un score z de .63. En résumé, il apparaît que ces rééducations sont efficaces et
que leur bénéfice apparaît à la fois dans des mesures objec-
tives des capacités cognitives mais aussi dans des mesures
comportementales complétées par les parents. Toutefois, on
peut regretter ici que les évaluations des parents sur le mo-
ment préthérapie aient été collectées a posteriori. D’autre
part, aucune intervention contrôle n’a été menée. Il est donc
assez normal que les parents rapportent un effet positif de la
thérapie qu’ils ont décidée pour leur enfant et payée ! Dans la
seconde étude, une série de contraintes supplémentaires ont
été adoptées de manière à pallier certaines de ces lacunes.

Etude 2 : l’inhibition comme déficit


clé dans l’ADHD ?

Figure 1. Scores z obtenus en pré-et en post-thérapie pour chaque Il arrive fréquemment que des enfants présentent à la fois
test par l’enfant qui avait le score le plus bas au départ dans le des difficultés d’attention et des difficultés d’inhibition.
test en question.
Dans ce cas, se pose la question de savoir par quoi com-
Enfin, outre ces mesures objectives dans des tests cognitifs, mencer la rééducation. Selon les propositions théoriques
nous avons évalué l’impact comportemental des rééducations de Barkley (1997), une rééducation de l’inhibition devrait
en demandant aux parents des enfants de compléter un ques- aussi entraîner des effets positifs sur les autres symptômes
tionnaire reprenant essentiellement les critères du DSMIV en de l’ADHD et, en particulier, sur les capacités attentionnel-
matière de troubles de l’attention et d’hyperactivité. Une série les et exécutives de l’enfant.

A.N.A.E. N° 93 – Septembre-octobre 2007 159


M.-P. NOËL, L. BASTIN, J. SCHNEIDER et D. POTTELLE

Population et méthode enfants du groupe IA. En effet, les scores z se normali-


sent dans les trois tests d’inhibition (test du jour/nuit :
Pour répondre à cette question, 6 enfants de 8 à 10 ans score z moyen passe de -2,43 à -0,31 pour les temps de
présentant des déficits d’attention et d’inhibition sans réponse et de -0,93 à 0,82 pour les erreurs (mais peu d’er-
troubles neurologiques sous-jacents ont été répartis dans reurs dès le départ) ; pour le test du tapping, les scores z
deux groupes thérapeutiques. Les enfants du premier passent de -3,63 à -0,58 pour les temps de réponse (très
groupe bénéficiaient d’abord de 15 séances de rééducation peu d’erreurs dès le départ) et pour le Stroop monstre, de
de l’inhibition, puis d’une autre série de 15 séances de réé- -3,12 à -2,55 pour les temps de réponse et de -4,05 à 0,65
ducation portant cette fois sur l’attention. Nous l’appelle- pour les erreurs).
rons donc le groupe IA (pour Inhibition - Attention). Les
enfants du second groupe recevaient 15 séances de réédu- Tableau 2. Scores z moyens obtenus avant toute rééducation,
cation de l’attention, puis 15 autres séances de rééducation après les 15 premières séances de rééducation, ou après l’ensem-
portant cette fois sur l’inhibition. Nous l’appellerons donc ble des 30 séances de rééducation, pour les groupes IA et AI.
le groupe AI. Dans tous les cas, les séances de rééducation
duraient 30 minutes et se passaient à une fréquence de 3 Groupe IA AI
séances par semaine. N séances de 0 15 30 0 15 30
Avant toute rééducation, après les 15 premières séances rééducation
de rééducation et après les 15 dernières séances de réédu- Inhibition
cation, différentes mesures cognitives ont été prises. En Day-night TR -2,43 -0,31 1,07 -3,02 -3,48 0,5
particulier, l’attention soutenue a été évaluée par le Zazzo Day-night Err -0,93 0,82 0,82 0,81 -0,95 0,83
10 minutes (Zazzo, 1972) et l’attention sélective visuelle
Tapping TR -3,63 -0,58 -0,33 -1,92 -4,4 -0,15
par le test D2 (Brickenkamp, 1969) ou, pour les enfants
de 8 ans, le barrage des chats et des visages de la NEPSY Tapping Err 0,17 0,74 0,74 -1,26 -0,98 0,74
(Korkman, Kirk et Kemp, 2003). Les fonctions inhibitri- Stroop TR -3,12 -2,55 -0,9 -2,3 -2,02 0
ces ont été évaluées par le test du day-night (Gersdadt, Stroop Err -4,05 0,65 0,8 -1,86 -3,41 0,2
Hong et Diamond, 1994), le tapping (Diamond et Taylor, Attention
1996) et une version du Stroop (Stroop lecture classique
Zazzo : signes -0,52 0,1 0,72 -0,58 -0,93 0,41
pour les enfants de 9 ans et Stroop monstre pour les pe- traités
tits de 8 ans). Dans le test day-night, des photos de soleil
D2 ou NEPSY -0,82 -0,39 0,59 -0,85 -0,77 0,02
et de lune sont présentées à l’enfant (8 de chaque type).
Celui-ci doit dire «  jour  » devant les photos de lune et De la même manière, les performances des enfants du grou-
« nuit » devant celles de soleil. Dans le tapping, l’enfant pe AI augmentent de manière importante dans les tests
doit produire un geste contraire à celui de l’évaluateur : si d’inhibition après les 15 séances de rééducation de l’inhi-
celui-ci tape une fois sur la table, l’enfant doit taper deux bition (en comparaison avec leur niveau juste avant, soit,
fois et, si l’évaluateur tape une fois, l’enfant doit taper après leurs 15 premières séances de rééducation de l’atten-
deux fois (16 items sont présentés dont 8 correspondant tion). Ainsi, les z scores se normalisent dans le test du jour/
à une frappe). Enfin, dans le Stroop monstre (épreuve nuit (score z moyen passe de -3,48 à 0,5 pour les temps de
non publiée que nous avons créée), des planches de petits réponse), du tapping (scores z passent de -4,4 à -0,15 pour
carrés sont présentés à l’enfant. Chaque carré contient les temps de réponse) et du Stroop (z scores passent de -2,02
un petit monstre coloré présenté sur un fond d’une autre à 0 pour les temps de réponse et de -3,41 à 0,20 pour les
couleur : l’enfant doit dénommer la couleur du fond de erreurs).
la case et pas celle du monstre. Outre ces mesures co- Les rééducations de l’attention semblent moins efficaces.
gnitives, le questionnaire de Conners (échelle abrégée de Ainsi, on ne note que des changements mineurs au niveau
10 items, Conners, 1988) a également été utilisé. Comme des capacités attentionnelles pour les enfants du groupe
les enfants de cette étude séjournaient à l’hôpital où ils AI après les 15 séances de rééducation de l’attention (les
recevaient les prises en charge, ces questionnaires ont été scores z moyens du Zazzo 10 minutes passent de -0,58 à
complétés par les infirmières qui partageaient le quoti- -0,93 et ceux du test du D2 ou des barrages de la NEPSY
dien des enfants mais n’étaient pas au courant du type de -0,85 à -0,77). Des changements un peu plus consé-
de prise en charge dont ils bénéficiaient. Ces évaluations quents sont notés pour les enfants du groupe IA après les
ont eu lieu à trois reprises : avant la rééducation, après les 15 dernières séances de rééducation portant sur l’attention
15 premières séances de thérapie et après les 30 séances (Zazzo : score z de 0,10 à 0,72 et barrages du D2 ou de la
de rééducation. NEPSY : score z de -0,39 à 0,59).
De manière très intéressante, les rééducations de l’inhibi-
Résultats tion offertes aux enfants du groupe IA apportent égale-
ment un bénéfice au niveau de leurs capacités attention-
Après les 15 séances initiales de rééducation de l’inhibi- nelles (scores z du Zazzo 10 minutes passent de -0,52 à
tion, les résultats (voir tableau 2) montrent une améliora- 0,10 et ceux du D2 ou des barrages de la NEPSY passent
tion importante des capacités d’inhibition pour les trois de -0,82 à -0,39) et les capacités attentionnelles des enfants

160 A.N.A.E. N° 93 – Septembre-octobre 2007


Rééducation neuropsychologique des troubles de l’attention et de l’inhibition chez l’enfant

du groupe AI augmentent encore au cours des 15 séances Tableau 3. Moyenne des scores z pour différentes mesures de
de rééducation de l’inhibition suivant les rééducations de fonction exécutives, avant toute rééducation (T 1), après 15 séan-
l’attention (Zazzo : score z de -0,93 à 0,41 ; barrage D2 et ces (T 2) et en fin de 30 séances (T 3) pour les groupes IA et AI.
NEPSY : score z de -0,77 à 0,02). Groupe IA AI
En revanche, les rééducations de l’attention données aux
Temps T1 T2 T3 T1 T2 T3
enfants du second groupe entraînent une dégradation des
performances dans les tests d’inhibition, qu’il s’agisse du Tests
test du jour/nuit (score z moyen passe de -3,02 à -3,48 pour Tour Londres : -0,56 1,38 1,76 0,007 1,04 1,76
les temps de réponse et de 0,81 à -,95 pour les erreurs), du réussite au 1er
coup
test du tapping (les scores z passent de -1,92 à -4,4 pour
les temps de réponse) et pour le Stroop (le score z pour les Tour de Londres : -1,6 -0,86 1,62 -0,53 1,52 1,52
erreurs passe de -1,86 à -3,41). n d’essais
Empan chiffres -1,12 -0,78 -0,78 -1,46 -1,8 0,32
3
jour/nuit-TR tapping-TR Stroop-err envers
2 Flexibilité Stroop : -3,44 0,26 0,99 -0,81 -1,1 0,91
1 erreur
0
-1 Flexibilité du -0,82 0 0,42 -5,6 -4,8 -1,86
-2 TMT : TR
-3
-4 montre une amélioration significative de l’indice d’hyperac-
-5 tivité entre le début et la fin de la prise en charge (la moyen-
-6
-7
ne passe de 80,3±4 à 56,7±9, Wilcoxon Z score =  2,21,
p=0,027). Alors que chacun des 6 enfants avait un score
Louis 1
Louis 2
Louis 3

Aline 1
Aline 2
Aline 3

Tina 1
Tina 2
Tina 3
Marc 1
Marc 2
Marc 3

Tom 1
Tom 2
Tom 3

Lou 1
Lou 2
Lou 3

pathologique au départ (z scores de -2,6 à -3,7), tous ob-


tiennent des scores corrects (> -1,5) à la fin des 30 séances
Figure 2. Evolution des capacités d’inhibition (score z.) de chaque de rééducation (voir figure 3). Il est également intéressant
enfant pour les différents tests administrés au temps 1 (avant de noter que, à nouveau, l’amélioration est visible dès la fin
toute rééducation), au temps 2 (après les 15 premières séances de
des 15 premières séances pour le groupe IA (ayant travaillé
rééducation) et au temps 3 (après les 30 séances de rééducation).
l’inhibition), aussi bien pour Marc, que pour Tom et pour
Louise. En revanche, dans le groupe AI, une détérioration
La figure 2 illustre parfaitement ce point pour chacun des du comportement est observée après les 15 premières séan-
enfants. On observe ainsi une belle amélioration des capa- ces de rééducation portant sur l’attention tant pour Louis,
cités d’inhibition chez les enfants du groupe IA après les que pour Aline et Tina. Les 15 séances suivantes portant
15 premières séances portant sur le travail de l’inhibition. sur l’inhibition améliorent toutefois leur comportement.
Cette amélioration se maintient au cours des semaines de
travail sur l’attention. En revanche, pour les enfants du T1 T2 T3
1
groupe AI, les 15 premières séances portant sur l’attention
entraînent de manière visible une détérioration des capa- 0
cités d’inhibition. Heureusement, celles-ci augmentent de
-1 Marc
manière spectaculaire lors des 15 dernières séances consa- Tom
crées au travail de l’inhibition. Lou
-2 Louis
De manière plus générale, on observe également une amélio-
Aline
ration au niveau des autres fonctions exécutives, en particu- -3 Tina
lier, la planification (mesurée par le test de la Tour de Lon-
dres), la flexibilité (mesurée par la planche de flexibilité du -4
Stroop et le Trial Making Test) et, dans une moindre mesure,
-5
la mémoire de travail (voir tableau 3). Les scores à la WISC
augmentent également de manière importante au cours des Figure 3. Score z pour l’échelle de Conners avant toute rééducation
6 mois séparant l’avant et l’après thérapie pour la partie per- (T1), après les 15 premières séances de rééducation (T2) ou en fin
des deux thérapies (T3). Les traits continus correspondent aux
formance (le QIP moyen passe de 74,7±10,7 à 92,2±12,1,
enfants du groupe IA, les traits pointillés à ceux du groupe AI.
Wicoxon, Z=2,21, p=0,027). Plusieurs épreuves du QI de
performance nécessitent effectivement de bonnes capacités
Conclusion
d’attention (par exemple, pour le sous-test du code ou du
complètement d’image). Le QI verbal reste plus stable (le QI En résumé, l’approche neuropsychologique des troubles de
verbal moyen passe de 83,2±11,7 à 88,3±10,0 ; Z=1,49, ns), l’attention et de l’inhibition dans le cadre de troubles dé-
ce qui n’est pas étonnant étant donné que ces épreuves font veloppementaux chez l’enfant est efficace. Ce type de réé-
appel de manière importante à la mémoire sémantique. ducation permet d’augmenter les capacités entraînées, soit
Enfin, l’échelle de Conners complétée par les infirmières les capacités d’attention ou d’inhibition, mais a, en outre,

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M.-P. NOËL, L. BASTIN, J. SCHNEIDER et D. POTTELLE

des effets positifs sur les autres fonctions exécutives ainsi al. : Intellectual performance and school failure in children with
que sur le QI de performance. Enfin, ces améliorations sont attention deficit hyperactivity disorder and their siblings. Journal
of Abnormal Psychology, 102, 1993, pp. 616-623.
visibles dans les tests cognitifs mais elles sont également re-
pérées par les parents ou les autres adultes s’occupant des GERSDADT (C. L), HONG (Y.J.) et DIAMOND (A.) : The
enfants. Par ailleurs, le déficit d’inhibition semble être cen- relationship between cognition and action : performance of
tral dans le cas de la symptomatologie de l’ADHD, comme children 3 1/2-7 years old on a Stroop-like day-night test. Cognition,
le suggérait Barkley (1997). En effet, une rééducation de 53(2), 1994, pp. 129-153.
l’inhibition a des effets positifs sur les capacités attention-
HONOREZ (J.M.) : Hyperactivité avec ou sans déficit d’attention :
nelles et le comportement de l’enfant alors qu’une rééduca- Un point de vue de l’épidémiologie scolaire. Montréal : Les éditions
tion isolée de l’attention entraîne des effets négatifs sur les logiques, 2002.
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