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Évolution Des Capacites Adaptatives TSA

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 367–375

Article original

Facteurs liés à l’évolution des compétences adaptatives chez 77 jeunes


enfants avec troubles du spectre autistique (TSA)
Factors related to the evolution of adaptive behaviors in 77 young children with
Autism Spectrum Disorders (ASD)
C. Yianni-Coudurier a,b , C. Rattaz a,∗,b , A. Baghdadli a,b
a Centre Ressources Autisme, CHRU de Montpellier, 39, avenue Charles-Flahaut, 34295 Montpellier cedex 05, France
b EA 4556, laboratoire Epsylon, University Montpellier, 34000 Montpellier, France

Résumé
But de l’étude. – Dans la littérature, les travaux concernant l’efficacité des interventions à destination des enfants avec troubles du spectre autistique
(TSA) portent principalement sur les approches comportementales intensives, et les études de cohorte réalisées dans des conditions plus écologiques
sont encore peu fréquentes. Cette étude a pour objectif de décrire l’évolution des comportements adaptatifs d’une cohorte de jeunes enfants avec
autisme.
Patients et méthodes. – Cette étude prospective et multicentrique porte sur un échantillon de 77 enfants âgés de 3 à 5 ans. Les comportements
adaptatifs, la durée hebdomadaire de prise en charge spécialisée et la durée hebdomadaire de scolarisation en milieu ordinaire sont recueillis tous
les 3 mois sur une période de 12 mois.
Résultats. – Les résultats indiquent que l’évolution des comportements adaptatifs est liée aux caractéristiques cliniques initiales des enfants, mais
également à leurs durées de prise en charge. Ainsi, les enfants ayant bénéficié de davantage d’heures de scolarisation en milieu ordinaire connaissent
une meilleure évolution dans le domaine de l’autonomie, alors que ceux qui ont bénéficié de davantage d’heures de prise en charge spécialisée
(principalement en hôpital de jour) connaissent une meilleure évolution dans le domaine de la socialisation.
Conclusion. – Ces résultats suggèrent l’influence des processus développementaux d’origine ontogénétique et celle des facteurs environnementaux
relatifs à la prise en charge dans l’évolution des enfants. Ils témoignent de la nécessité de poursuivre la recherche sur l’efficacité des interventions
au moyen d’études de suivi ou de cohorte.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Troubles du spectre autistique ; Prise en charge spécialisée ; Inclusion scolaire ; Efficacité ; Durée hebdomadaire

Abstract
Background. – In the literature, most studies about the effectiveness of interventions for children with Autism Spectrum Disorders (ASD) are based
on intensive behavioral approaches. Cohort studies, using a more ecological setting, are still rare. The goal of this study is to describe children with
ASD’s evolution as regards adaptive behaviors.
Methods. – This is a prospective and multicenter study including 77 children from 3 to 5 years of age, followed during a one-year period. Adaptive
behaviors, weekly hours of intervention in specialized settings (in day-care units) and inclusion in ordinary settings are collected, in order to study
the relationship between the children’s evolution and the type and amount of interventions they receive. A multivariate analysis is also conducted
in order to identify the potential risk and protective factors.
Results. – Results show that developmental progress in adaptive behaviors are related to clinical variables such as symptom intensity (CARS),
challenging behaviors (ABC) and the initial level in the communication domain (Vineland scale), but also to the hours of weekly interventions.
Results indicate that the children who benefited from more hours of inclusion in ordinary settings had a better evolution in the daily living skills
domain, whereas children who had more hours of intervention in specialized settings showed more progress in the socialization domain. There
was no relationship between the evolution in the communication domain and the hours of intervention in our sample of children.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : c-rattaz@chu-montpellier.fr (C. Rattaz).

http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2016.04.002
0222-9617/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Conclusion. – Those results yield the influence of ontogenetic processes and environmental factors, such as inclusion in ordinary settings and
specialized interventions, in the development and outcome of young children with autism. They argue for the necessity to conduct further research
on the effectiveness of interventions through follow-up or cohort studies.
© 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Autism spectrum disorders; Specialized setting; Inclusion; Effectiveness; Weekly hours

1. Introduction quasi-expérimental – apportent des résultats qui vont dans le


sens de l’efficacité des interventions comportementales inten-
La question de la prise en charge des personnes avec troubles sives [8–10]. Plus précisément, leurs résultats suggèrent que les
du spectre autistique (TSA) continue à soulever en France de interventions comportementales sont plus efficaces lorsqu’elles
nombreux débats et ceci en dépit de la publication en 2010 et sont intensives, et que des interventions éclectiques sont moins
2012 d’un état des connaissances et de recommandations de efficaces que les interventions comportementales. Dans un
bonnes pratiques par la Haute Autorité de santé [1,2]. La législa- article qui synthétise six méta-analyses publiées entre 2009 et
tion française favorise l’inclusion des personnes avec handicap 2011, Strauss et al. [11] indiquent que les interventions compor-
en milieu ordinaire, c’est-à-dire le milieu scolaire pour les tementales intensives ont des effets de taille moyenne à forte sur
enfants. Dans ce contexte, les résultats de notre étude réalisée le fonctionnement intellectuel, les compétences linguistiques et
entre 2003 et 2007 et portant sur un échantillon assez important les capacités d’adaptation. En dehors des biais méthodologiques
nous paraissent utiles dans la réflexion concernant le sujet de fréquemment évoqués dans la littérature scientifique – petit
l’effet des prises en charge sur l’évolution des enfants. Ils pour- effectif des échantillons et incertitude quant à la fiabilité du
ront être comparés à des résultats d’études portant sur les prises diagnostic initial pour les jeunes enfants [12,13] – l’importante
en charge mises en place en France les toutes dernières années. variabilité des caractéristiques des enfants et des prises en charge
Au moment de l’étude, pour la majorité des jeunes enfants rend l’interprétation des résultats et leur comparaison très diffi-
avec TSA, l’accompagnement s’effectue à la fois en milieu spé- cile [14].
cialisé (établissement sanitaire ou médico-social) et ordinaire. Les études de cohorte ou de suivi, qui visent à évaluer les
Les prises en charge proposées, notamment en milieu spécia- effets des prises en charge telles qu’elles se pratiquent à grande
lisé sont très variables, avec des différences importantes dans échelle, dans des conditions écologiques, ne permettent pas de
leur contenu et leur durée hebdomadaire selon le cadre (sani- conclure à l’efficacité de telle ou telle méthode [15,16], mais ont
taire, médico-social, ou scolaire) et les théories sous-jacentes l’avantage de décrire l’évolution des enfants atteints d’autisme
[3–5]. Un grand nombre d’enfants d’âge préscolaire (3 à 6 ans) ainsi que les facteurs susceptibles d’influer sur celle-ci. Dans
sont accueillis à l’école maternelle, mais souvent à des temps très une étude portant sur l’efficacité d’un programme comporte-
partiels, et des rééducations (orthophoniques et psychomotrices) mental intensif, Bibby et al. [17] ont montré une augmentation
sont assurées par des professionnels en libéral. significative du score en communication à l’échelle de Vineland
Dans la littérature internationale, les études portant sur l’effet chez de jeunes enfants après un an de prise en charge, alors que
des prises en charge ciblent pour la plupart les interventions les scores en autonomie et en socialisation avaient tendance à
comportementales et intensives, jusqu’à très récemment peu diminuer. En France, dans le cadre d’un suivi d’une cohorte de
utilisées en France [6]. Deux grands types d’études peuvent 152 enfants et adolescents avec TSA, notre équipe a montré que
être distingués. D’une part, les études expérimentales comparent la durée hebdomadaire des interventions précoces constituait
l’évolution d’un groupe d’enfants ayant bénéficié d’une inter- un facteur de protection, puisque les jeunes enfants qui bénéfi-
vention spécifique avec celle d’un groupe témoin qui n’a pas ciaient de davantage d’heures d’intervention avaient moins de
bénéficié de cette intervention (autre prise en charge ou liste risque que les autres de connaître une évolution défavorable dans
d’attente), en répartissant de manière aléatoire les sujets dans le domaine de la communication [18]. Enfin, Poinso et al. [19]
l’un ou l’autre groupe. En pratique, il s’agit en majorité d’études étudient l’évolution de 11 jeunes enfants atteints de TED bénéfi-
qualifiées de quasi-expérimentales car la randomisation est très ciant d’une prise en charge éclectique d’une durée de 10,5 h par
difficile, notamment pour des raisons éthiques. D’autre part, les semaine d’hôpital de jour avec 4 demi-journées de scolarisation.
études dites de suivi ou de cohorte – comme c’est le cas de notre Sur une période de 24 mois, les résultats mettent en évidence des
étude – cherchent à déterminer l’effet de différents facteurs, dont gains développementaux de 13 mois en moyenne à l’échelle de
la prise en charge, sur l’évolution des enfants. Vineland, avec une stabilité des notes standards.
Les résultats des études expérimentales ou quasi-expéri- Globalement, la revue de la littérature met en évidence la pré-
mentales suggèrent que les interventions comportementales dominance des travaux relatifs aux approches comportementales
sont plus efficaces lorsqu’elles sont intensives, et que des intensives, pour lesquels il existe des preuves de leur efficacité
interventions éclectiques sont moins efficaces que les inter- pour un certain nombre d’enfants [20]. Cependant, la portée des
ventions comportementales. Depuis les travaux de Lovaas résultats de ces travaux reste limitée dans la mesure où ils sont
[7], de multiples travaux expérimentaux – en majorité de type issus de protocoles expérimentaux difficilement transposables
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dans des dispositifs à plus grande échelle. Il existe par ailleurs des troubles autistiques est appréciée à l’aide du score glo-
peu de travaux étudiant l’efficacité d’approches non compor- bal de la Childhood Autism Rating Scale (CARS, [25]). Les
tementales ou éclectiques, composées d’interventions diverses comportements aberrants sont évalués à l’aide de l’Aberrant
et non rattachées à un principe méthodologique référencé et Behavior Checklist (ABC, [26]) dans quatre domaines :
unique, et les études comparatives de telles approches restent
très rares. L’objectif de la présente étude est de décrire les moda- • irritabilité et agressivité ;
lités de prise en charge (en milieu ordinaire et spécialisé) dans • retrait social et passivité ;
une cohorte de 77 jeunes enfants avec autisme, et de compa- • stéréotypies ;
rer leurs évolutions en fonction des caractéristiques cliniques et • hyperactivité.
environnementales.
Les scores obtenus sont ramenés sur une échelle de 0 à
2. Matériel et méthode 100 afin de pouvoir les comparer [3].

2.1. Participants 2.3.2. Prises en charge


Nous avons distingué deux types de prise en charge en fonc-
Soixante dix-sept enfants ont été recrutés à partir de la file tion du cadre administratif et de la profession et/ou la formation
active de six centres hospitaliers spécialisés dans le diagnostic et des intervenants :
l’évaluation d’enfants avec TSA (centres de ressources autisme
Languedoc-Roussillon, Centre et Bretagne-Pays de Loire, et • la prise en charge spécialisée (SPE) est assurée soit en milieu
services hospitaliers de St-Egrève, Lagny/Marne et du Luxem- spécialisé (en établissement ou service sanitaire ou médico-
bourg). Les critères d’inclusion étaient : social), soit en milieu scolaire mais dans le cadre d’un
dispositif adapté (ex., classe d’intégration scolaire [CLIS]),
• âge chronologique entre 3 et 5 ans ; soit en libéral par des professionnels spécialisés (ex. ortho-
• diagnostic d’autisme ou d’autisme atypique établi sur la base phoniste, éducateur spécialisé, psychologue. . .). Lorsque les
d’une observation clinique pluridisciplinaire selon les critères enfants fréquentaient différentes structures, une durée heb-
de la CIM 10 [21] et de l’ADI-R [22] ; domadaire globale a été calculée en additionnant les durées
• niveau de développement psychologique de 17 mois mini- hebdomadaires correspondantes ;
mum dans au moins deux domaines du Brunet-Lézine Révisé • la prise en charge scolaire ordinaire (SCO) est pratiquée dans
[23] ; une structure collective s’adressant à l’ensemble des enfants
• consentement signé des parents préalablement informés des de la même tranche d’âge (classe ordinaire). Les enfants de
objectifs et du déroulement pratique de la recherche. notre étude étaient tous en âge d’être scolarisés (en école
maternelle à M0, puis pour certains en école primaire aux
Cette étude a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (accord autres temps du recueil). Leur scolarisation peut se faire sans
obtenu le 10/11/2003 sous le no 903424). La phase d’inclusion accompagnement particulier ou avec un accompagnement
s’est déroulée entre mars 2003 et décembre 2005. individuel par un auxiliaire de vie scolaire (AVS). La prise
en charge scolaire avec AVS est considérée comme prise en
2.2. Procédure charge ordinaire car elle intervient dans le milieu ordinaire
avec un accompagnateur qui, de manière générale, n’a pas de
Pour chaque enfant le recueil des données s’est déroulé sur formation spécialisée dans le domaine de l’autisme.
une année. Il a été réalisé par deux investigateurs psychologues.
Le premier a recueilli les données concernant les modalités de À partir de l’emploi de temps de chaque enfant, mis à jour
prise en charge par des entretiens directs avec les intervenants, à régulièrement pendant l’année de suivi, a été calculée la durée
cinq temps : à M0 (début de l’étude), à M3 (M0 + 3 mois), à M6 annuelle de prise en charge ordinaire et spécialisée. Pour calcu-
(M0 + 6 mois), à M9 (M0 + 9 mois) et à M12 (M0 + 12 mois). Le ler la durée hebdomadaire moyenne (DH), nous avons divisé la
deuxième a recueilli les données concernant les caractéristiques durée annuelle (effective) par 36 (nombre de semaines d’école
sociodémographiques des enfants et de leurs familles (à M0 et par an). La répartition en 36 semaines a été appliquée aussi bien
à M12) et les caractéristiques cliniques des enfants à 3 temps pour la prise en charge scolaire que pour la prise en charge spé-
M0, M6 et M12. Les deux investigateurs travaillent de manière cialisée, ce qui rend plus aisée la lecture et la comparaison des
indépendante l’un par rapport à l’autre et ils sont également résultats mais correspond aussi aux pratiques les plus couram-
indépendants de l’équipe de prise en charge. ment observées sur le terrain (les structures de PEC spécialisées
pour les jeunes enfants suivent approximativement le calendrier
2.3. Mesures scolaire).

2.3.1. Caractéristiques cliniques des enfants 2.4. Analyse des données


Le niveau adaptatif dans les domaines de la communication,
de l’autonomie dans la vie quotidienne et de la socialisation Les scores bruts à l’échelle de Vineland [21] obtenus pour
est apprécié à l’aide de l’échelle de Vineland [24]. L’intensité chacun des 3 domaines sont convertis en âge équivalent de
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développement (AD) et en score standard (SS) à l’aide de Tableau 1


tables d’étalonnage. La conversion en quotient de développe- Caractéristiques cliniques de l’échantillon.
ment (QD) s’effectue en divisant l’âge de développement par Nombre %
l’âge chronologique (AC) (exprimés en mois). Le résultat est Diagnostic (critères CIM-10)
conventionnellement multiplié par 100 : QD = (AD/AC) × 100. Autisme atypique 10 13
L’évolution des comportements adaptatifs des enfants est Autisme infantile 67 87
appréciée par la différence  (Delta) entre les valeurs des Sexe
variables mesurées au début et à la fin de l’étude :  Masculin 66 85,7
Féminin 11 14,3
(Variable) = (Valeur de Variable M12 ) – (Valeur de Variable M0 ).
La significativité de ce Delta est testée à l’aide du test de Wil- Médiane IntQ
coxon apparié (Signed Rank Statistic).
Âge (en mois) 52 [48 ; 59]
Pour étudier les liens entre l’évolution des comportements Sévérité des symptômes (score total CARS) 33 [26,5 ; 36,5]
adaptatifs et les caractéristiques cliniques des enfants ainsi que Comportements adaptifs (scores standard VABS)
leur prise en charge, nous avons constitué, pour chaque domaine Communication 55 [50 ; 65]
de la Vineland, deux groupes d’enfants selon le signe du Delta Autonomie dans la vie quotidienne 61 [55 ; 67]
QD : le groupe A comprend les enfants dont le Delta QD est Socialisation 60 [54 ; 67]
Motricité 59 [54 ; 76]
positif, c’est-à-dire ceux pour qui le rythme de développement a Comportements aberrants (ABC)
augmenté pendant la durée de l’étude, et le groupe B comprend DC I (irritabilité, agressivité) 29 [11 ; 44]
les enfants dont le rythme de développement a diminué ou DC II (retrait relationnel) 39 [21 ; 48]
est resté stable durant l’étude. Nous avons procédé d’abord à DC III (stéréotypies) 24 [9,5 ; 38]
une analyse statistique univariée, au moyen du test non para- DC IV (agitation, non compliance) 37,5 [17 ; 62,5]
ABC total score 33 [21 ; 48]
métrique de Mann-Whitney, puis une régression logistique pas
à pas a été réalisée afin de rechercher les facteurs de risque CIM : Classification internationale des maladies ; IntQ : interquartile Q25 ; Q75 ;
d’une évolution « négative » et de prendre en compte les fac- CARS : Childhood Autism Rating Scale ; VABS : Vineland Adaptative Behavio-
ral Scales ; ABC : Aberrant Behavior Checklist ; DC : domaine comportemental
teurs de confusion. Les variables dont le seuil de significativité, (échelle ABC).
en analyse univariée, était inférieur à 0,2, ont été inclues dans le
modèle. Les odd ratios et leurs intervalles de confiance à 95 %
ont été calculés. L’adéquation du modèle a été testée à l’aide plus faibles (inférieurs à 2 h par semaine). Les DH de prises
du test de Hosmer-Lemeshow. La linéarité des relations entre en charge étaient nettement plus élevées pour les CLIS spé-
les différences (Delta) et les variables explicatives (les 4 scores cialisées autisme et pour les IME (DH médianes 14,5 et 17,6 h
à l’échelle des comportements aberrants, le score global de la respectivement).
CARS et la durée des prises en charge scolaires) a ensuite été
testée. 3.2. Évolution des comportements adaptatifs durant
Le seuil de significativité est fixé conventionnellement à 5 % l’année d’étude : analyse globale
pour tous les tests utilisés. Les analyses statistiques ont été
réalisées sur le logiciel SAS version 9.2 (SAS Institute, Cary, L’étude de l’évolution des comportements adaptatifs porte ici
N.C.). sur l’ensemble de l’échantillon, indépendamment du type et de
la durée des PEC. Les résultats mettent en évidence une évo-
3. Résultats lution positive significative dans les domaines adaptatifs de la
communication, de l’autonomie dans la vie quotidienne et de la
3.1. Caractéristiques cliniques des enfants et prise en socialisation, correspondant respectivement à 5 mois, 4,4 mois
charge et 6 mois en âge équivalent de développement (Tableau 4). Les
scores convertis en quotient de développement rendent compte
Les caractéristiques des 77 enfants de l’échantillon au pre- de changements non-significatifs dans les trois domaines adap-
mier temps de l’étude (M0) sont présentées dans le Tableau 1. tatifs. Les scores convertis en scores standard montrent des
Pendant l’année de suivi, 77 enfants (100 %) ont bénéficié évolutions négatives dans les trois domaines, statistiquement
d’une PEC spécialisée et 69 enfants (90 %) ont bénéficié d’une significatives pour les domaines de l’autonomie et de la commu-
PEC scolaire ordinaire (inclusion scolaire). La durée hebdoma- nication.
daire médiane était de 10,7 h sur l’ensemble de l’échantillon et Les variations moyennes des scores masquent des différences
de 11,7 si l’on ne tient compte que des 69 enfants scolarisés. Près importantes au niveau interindividuel, avec notamment un effet
de la moitié des enfants (49 %) avaient une scolarisation mixte de compensation des évolutions positives et négatives. C’est
(Tableau 2). pour cette raison que, afin d’étudier les liens entre l’évolution
Concernant la prise en charge spécialisée, la grande majo- des enfants et les variables cliniques et environnementales,
rité des enfants (84 %) étaient pris en charge par un service nous avons constitué deux sous-groupes pour chacun des trois
de psychiatrie en hospitalisation de jour, sur une DH de 7,8 h domaines adaptatifs étudiés : le groupe A pour évolution posi-
(Tableau 3). Les structures CMPP, CAMSP et SESSAD inter- tive et le groupe B pour évolution négative ou stabilité selon les
venaient auprès de 15 enfants (19,2 %) avec des DH médianes critères décrits dans la partie analyse de données (Tableau 5).
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Tableau 2
Effectifs et DH selon les modalités de scolarisation.
Effectif (%) Durée hebdomadaire

Médiane IntQ Min–max

Scolarisation simple 19 (25 %) 10,6 [5 ; 19] 0,1–25


Scolarisation AVS 13 (17 %) 10,7 [6 ; 12] 3–14
Scolarisation mixte (simple et AVS) 37 (48 %) 13 [9 ; 16] 1,2–26
Sans scolarisation 8 (10 %) – – –
Total 77 (100 %) 10,7 [6 ; 15] 0–26

DH : durée hebdomadaire ; interquartile Q25 ; Q75 ; AVS : auxiliaire de vie scolaire.

Tableau 3
Effectifs et DH selon le cadre administratif des PEC Spécialisées.
Effectif (%) Durée Hebdomadaire (DH)

Médiane IntQ Min–max

Service psychiatrie 65 (84 %) 7,8 [4 ; 10,5] 0,5–26


CMPP 5 (7 %) 0,65 [0,5 ; 0,8] 0,5–1
CAMSP 6 (8 %) 1,9 [1,0 ; 3,7] 0,7–6,6
SESSAD 4 (5 %) 0,8 [0,6 ; 1,5] 0,4–3,5
CLIS autisme 5 (6 %) 14,5 [4,5 ; 15,0] 3,3–33,9
CLIS généraliste 1 (1 %) 9,1 [9,1 ; 9,1] 9,1–9,1
IME 2 (3 %) 17,6 [16,9 ; 18,3] 16–19
Cabinet libéral 37 (48 %) 1,0 [0,5 ; 1,45] 0,2–2,6
Structure associative 7 (9 %) 0,7 [0,7 ; 0,9] 0,2–1,2
Total 77 (100 %) 8,8 [4,7 ; 12,2] 0,2–33

DH : durée hebdomadaire ; PEC : prise en charge ; IntQ : interquartile Q25 ; Q75 ; CMPP : centre médico-psychopédagogique ; CAMSP : centre d’action médico-sociale
précoce ; SESSAD : service d’éducation spéciale et de soins à domicile ; CLIS : classe pour l’inclusion scolaire ; IME : institut médico-éducatif.

Tableau 4
Évolution des comportements adaptatifs au cours de l’année de suivi.
M0 M12 Delta p

Médiane IntQ (M12-M0)

Communication
Quotient de développement 33,9 34,7 1,3 NS
[26,7 ; 45,7] [24,0 ; 52,8] [−4,6 ; 7,7]
Score standard 55 53 −2 < 0,05
[50 ; 65] [47 ; 65] [−5 ; 3]
Âge de développement 18 23 5 < 0,0001
[14 ; 22] [16 ; 35] [0 ; 11]
Autonomie vie quotidienne
Quotient de développement 50 47,4 −2,2 NS
[40,7 ; 61,5] [39 ; 60,3] [−6,2 ; 5,6]
Score standard 61 56 −4 < 0,05
[55 ; 67] [51 ; 65] [−8 ; 1]
Âge de développement 27 31 4,4 < 0,0001
[21 ; 32] [24 ; 39] [1,8 ; 9,2]
Socialisation
Quotient de développement 35,2 37,9 3,9 NS
[23,2 ; 45] [26,3 ; 58,2] [−1,6 ; 11,6]
Score standard 60 60 1 NS
[54 ; 67] [55 ; 73] [−3 ; 6]
Âge de développement 19 25 6 < 0,0001
[12 ; 25] [16 ; 39] [16 ; 1]

M0 : premier temps de l’étude ; M12 : M0 + 12 mois ; delta : différence (valeur de la variable à M12) − (valeur de la variable à M0) ; IntQ : interquartile Q25 ; Q75 ;
NS : non-significatif.
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Tableau 5
Effectifs et âges médians des groupes d’évolution.
Groupe A Groupe B
Delta QD positif Delta QD négatif
N Âge N Âge
Médiane IntQ Médiane IntQ

Communication 41 53 [49 ; 59] 36 52 [46 ; 59]


Autonomie 32 52 [48 ; 59] 45 53 [47 ; 58]
Socialisation 54 50 [45 ; 56] 23 54 [49 ; 59]

Delta QD : différence (quotient de développement à M12) − (quotient de développement à M0) ; IntQ : interquartile Q25 ; Q75.

3.3. Liens entre l’évolution des comportements adaptatifs puisqu’une augmentation de 5 h de ce type de PEC divisait par
et les caractéristiques cliniques et environnementales 1,5 (1/0,6) le risque de diminuer son quotient de développement.

L’analyse univariée suggère que les facteurs impliqués dans 4. Discussion


l’évolution des compétences dans les domaines de la commu-
nication et de l’autonomie dans la vie quotidienne sont la Cette étude prospective et multicentrique est l’une des rares
durée hebdomadaire de scolarisation (DH-SCO), l’intensité ini- en France qui s’intéresse aux liens entre la durée hebdoma-
tiale des comportements autistiques (CARS), la sévérité des daire des prises en charge et l’évolution des jeunes enfants
perturbations dans le domaine II de l’échelle ABC (qui cor- avec autisme. La question de la durée des interventions pré-
respond aux comportements de retrait social) et le niveau initial coces auprès des très jeunes enfants a pris de l’importance lors
de compétences dans le domaine adaptatif de la communica- des premières études sur l’efficacité des approches comporte-
tion (quotient de développement). Concernant l’évolution dans mentales, les tenants de cette approche préconisant une PEC très
le domaine de la socialisation, les résultats indiquent que les intensive, jusqu’à 40 h [7,27]. À l’heure actuelle, il semble se
enfants qui ont augmenté leur rythme de développement dans dessiner un consensus pour une durée optimale se situant entre
ce domaine avaient, en moyenne, une durée hebdomadaire 25 et 30 h par semaine [28]. En France, les recommandations
de prise en charge en milieu spécialisé supérieure, alors que de la HAS parues en 2012 soulignent qu’un rythme hebdoma-
leur niveau initial en socialisation était plus bas que celui des daire d’au moins 20–25 h par semaine (y compris les temps de
enfants qui n’ont pas accéléré leur rythme de développement scolarisation avec accompagnement individuel) est nécessaire
(Tableau 6). [2].
Nous avons ensuite recherché les facteurs de risque d’une Concernant la prise en charge des enfants avec TSA, nos
évolution négative des comportements adaptatifs au moyen résultats indiquent que les enfants qui sont scolarisés (90 %
d’une analyse multivariée afin de contrôler les effets d’éventuels de l’échantillon) fréquentent l’école pour une durée hebdoma-
facteurs confondants liés aux caractéristiques initiales des daire médiane de 11,7 heures, soit 4 demi-journées par semaine.
enfants, notamment l’âge chronologique des enfants qui est En comparaison, les enfants typiques sont scolarisés 9 demi-
un facteur pris en compte pour l’entrée à l’école maternelle journées par semaine. Aussi, la DH de la majorité des enfants
(Tableau 7). de notre cohorte n’atteint pas une mi-temps de scolarisation
Pour le domaine de la communication, le seul facteur lié des enfants typiques. On peut cependant faire l’hypothèse que
significativement à l’évolution du rythme du développement les durées de scolarisation ont quelque peu augmenté au cours
est le degré des comportements de retrait social (DC II de des dernières années, en particulier sous l’impulsion de la loi
l’échelle ABC). Une augmentation de 20 % du score à cette de 2005 qui stipule que tout enfant a le droit d’être accueilli
sous-échelle multiplie en effet par 2,6 la probabilité pour l’enfant dans l’établissement scolaire public ou privé sous contrat le plus
de diminuer le rythme de son développement. Pour le domaine proche de son domicile. Nous constatons ensuite que la prise en
de l’autonomie dans la vie quotidienne, outre le degré des charge spécialisée des enfants est assurée majoritairement (pour
comportements de retrait social, la durée hebdomadaire de 84 % de l’échantillon) par des structures de la pédopsychiatrie.
scolarisation apparaît également être liée significativement à L’étude de l’évolution des enfants au cours de l’année de
l’évolution du rythme de développement des enfants dans ce suivi montre une évolution positive significative dans les trois
domaine : une augmentation de 20 points à la sous échelle du domaines adaptatifs étudiés lorsque les résultats sont exprimés
retrait social (DC II de l’échelle ABC) multipliait par 2,6 la en âge de développement, alors qu’en scores standards ils dimi-
probabilité pour un enfant de diminuer son rythme du déve- nuent significativement dans les domaines de la communication
loppement, alors qu’une augmentation de 5 h hebdomadaires et de l’autonomie dans la vie quotidienne, et restent stables
de la durée de scolarisation d’un enfant (DH-SCO) divisait par dans le domaine de la socialisation. L’expression des résultats
1,5 (1/0,6) la probabilité de diminuer son quotient de développe- en scores standards ne paraît pas un choix commode lorsque
ment. Enfin, pour le domaine de la socialisation, l’unique facteur l’on étudie l’évolution des compétences adaptatives des enfants
lié à l’évolution du quotient de développement est la durée heb- avec autisme, car chez cette population l’écart à la norme sur
domadaire de prise en charge en milieu spécialisé (DH-SPE), le plan adaptatif a tendance à augmenter avec l’âge [29]. Cela
C. Yianni-Coudurier et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 367–375 373

Tableau 6
Liens entre l’évolution des compétences adaptatives (Delta QD) et les caractéristiques cliniques et environnementales.
Groupe A Groupe B p

Variable Médiane IntQ Médiane IntQ

Communication
DH-SCO 12 [8,6 ; 18] 9,2 [4,2 ; 13,2] 0,003
DC II (ABC) 25 [10,4 ; 45,9] 43,7 [35,4 ; 54,1] 0,001
CARS 30,5 [25,5 ; 34] 34,5 [32,0 ; 39,2] 0,003
QD Com. à M0 40,7 [31 ; 51,2] 31,2 [26 ; 37] 0,06
Autonomie
DH-SCO 14 [8,8 ; 19,6] 9,3 [3,5 ; 12] 0,002
DC II (ABC) 25 [10,4 ; 39,6] 43,7 [35,4 ; 52,1] 0,001
CARS 30,7 [24,2 ; 34,7] 33,5 [30,5 ; 37,5] 0,024
QD Com. à M0 43,2 [29,8 ; 56,2] 31,9 [25,4 ; 36,5] 0,005
Socialisation
DH-SPE 9,7 [5,7 ; 15,3] 7,8 [3,7 ; 9,4] 0,012
QD Soc. à M0 29,8 [20,5 ; 42,4] 44,1 [33,9 ; 63,5] 0,002

Delta QD : différence (quotient de développement à M12) − (quotient de développement à M0) ; IntQ : interquartile Q25 ; Q75 ; DH-SCO : durée hebdomadaire de
scolarisation ; DC : domaine comportemental ; ABC : Aberrant Behavior Checklist ; CARS : Childwood Autism Rating Scale ; QD Com : quotient de développement
dans le domaine de la communication ; M0 : premier temps de l’étude ; DH-SPE : durée hebdomadaire de prise en charge spécialisée ; QD Soc : quotient de
développement dans le domaine de la socialisation.

Tableau 7
Facteurs liés à l’évolution du rythme de développement selon le domaine adaptatif.
Domaine adaptatif Variables Unités OR IC 95 % Concordance (%) p*

Communication DC II (ABC) 20 2,6 1,4 ; 5,0 69,6 0,33


Autonomie DC II (ABC) 20 2,6 1,4 ; 5,0 76,8 0,38
DH-SCO 5 0,6 0,4 ; 0,9
Socialisation DH-SPE 5 0,6 0,4 ; 1,0 67,7 0,08

OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; DC : domaine comportemental (échelle ABC) ; ABC : Aberrant Behavior Checklist ; DH-SCO : durée hebdomadaire
de scolarisation ; DH-SPE : durée hebdomadaire de prise en charge spécialisée.
* Test de Hosmer et Lemeshow (significatif quand p > 0,05).

a pour conséquence de minimiser les progrès, voire de don- utilisées, qui comprennent systématiquement des interventions
ner l’impression d’une régression, alors que l’amélioration des ciblant les compétences interactives. L’amélioration observée
compétences est perceptible sur le plan clinique. Les études de dans le domaine de la socialisation a probablement aussi une
cohorte ou de suivi retrouvent en effet une diminution ou stag- origine ontogénétique : les perturbations dans ce domaine com-
nation des notes standards [16,19]. Cependant, dans les études mencent très tôt et sont à leur maximum entre 4 et 5 ans pour
qui examinent l’évolution d’enfants ayant eu des interventions diminuer par la suite.
comportementales de forte intensité [17,30], des améliorations Notre étude univariée concernant les liens entre l’évolution
significatives au niveau des scores standard sont mises en évi- des compétences adaptatives du groupe d’enfants et les carac-
dence en particulier dans le domaine de la communication. En téristiques de leurs PEC montre qu’une meilleure évolution
ce qui concerne le domaine de l’autonomie dans la vie quo- dans les domaines de la communication et de l’autonomie est
tidienne, on constate de manière générale que les compétences liée à une durée hebdomadaire de prise en charge scolaire
adaptatives dans ce domaine, qui paraissent au départ plus déve- plus élevée, une intensité symptomatologique moins sévère,
loppées que les compétences sociocommunicatives connaissent ainsi qu’à un meilleur niveau initial de développement dans
par la suite un ralentissement. Ceci est probablement lié au fait le domaine de la communication. Concernant la socialisation,
qu’à un très jeune âge, le domaine de l’autonomie se limite à nous observons qu’un niveau initial faible, ainsi qu’une durée
l’autonomie personnelle, qui sollicite essentiellement les apti- hebdomadaire de prise en charge spécialisée élevée, sont liées à
tudes de coordination visuo-manuelle. Plus tard la sphère de une meilleure évolution du groupe d’enfants dans ce domaine.
l’autonomie englobe aussi l’autonomie familiale et sociale, qui L’analyse multivariée montre que, concernant le domaine de la
suppose la compréhension des codes sociaux, pour laquelle les communication, le facteur qui détermine son évolution est la pré-
enfants autistes ont des difficultés spécifiques. Enfin, en ce qui sence de comportements de retrait social, ce qui implique que,
concerne le domaine de la socialisation, nous observons des parmi les facteurs étudiés seul un facteur endogène, la gravité
évolutions positives pour les programmes comportementaux et du trouble autistique, semble influencer l’évolution des enfants
une quasi-stabilité pour les programmes éclectiques, comme dans ce domaine. Ces résultats suggèrent que les activités ciblant
c’est également le cas pour notre échantillon. Ce résultat nous spécifiquement le langage et l’utilisation de systèmes de commu-
semble être la conséquence du contenu de toutes les approches nication augmentée étaient probablement encore insuffisants
374 C. Yianni-Coudurier et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 367–375

dans l’accompagnement des enfants de notre étude. Dans le progrès des enfants dans le domaine de la communication, ce que
domaine de l’autonomie, l’analyse multivariée montre que son nous mettons en lien avec l’insuffisance des interventions ciblant
évolution est en lien avec le retrait social évalué à l’ABC, spécifiquement ce domaine au moment du recueil des données de
mais aussi avec la durée hebdomadaire de scolarisation. Concer- cette étude. Nous voyons dans l’évolution des groupes d’enfants
nant le domaine de la socialisation, l’unique aspect de la PEC à la fois l’influence de processus développementaux d’origine
qui influe sur l’évolution des enfants dans ce domaine est la ontogénétique et celle de facteurs environnementaux relatifs aux
durée hebdomadaire de prise en charge spécialisée. Ces deux caractéristiques de leurs prises en charge, comme cela est forte-
derniers résultats font apparaître que des facteurs environne- ment suggéré par les connaissances actuelles des neurosciences
mentaux relatifs au type et à la durée hebdomadaire des prises en et de la psychologie du développement et comme des modèles
charge influencent l’évolution des enfants dans les domaines de d’épigénétique probabiliste [32] tentent de formaliser. Notre
l’autonomie et de la socialisation. Ces résultats nous paraissent étude, réalisée dans le contexte français, témoigne enfin de la
d’autant plus intéressants qu’ils semblent cohérents par rapport possibilité de mettre en évidence les liens entre l’évolution des
aux contenus et aux objectifs de ces deux types de prise en enfants et leurs prises en charge, dans l’optique de mieux connaî-
charge. En effet, la PEC spécialisée des enfants de notre étude tre l’efficacité des interventions. Le suivi de cohorte engagé
se fait principalement dans le cadre sanitaire (en hôpital de jour), depuis dix-huit mois par notre équipe (Cohorte ELENA [33])
où les soins ciblent de manière globale la socialisation, domaine devrait permettre de poursuivre la réflexion engagée, en étudiant
où les enfants ayant eu une PEC spécialisée ont fait des progrès. notamment les liens entre l’évolution des enfants avec TSA et
En ce qui concerne la PEC scolaire, les textes officiels définissent leurs prises en charge à l’heure actuelle en France.
l’autonomie comme l’objectif à cibler prioritairement à l’école
maternelle, et les enseignants utilisent pour cela la structuration Référence non citée
de l’environnement, en aménageant différents secteurs dans la
classe en fonction des activités auxquelles ils sont dédiés, en [31].
mettant en place de multiples indices visuels et en facilitant le
repérage temporel par la mise en place de routines quotidiennes.
Remerciements
Ces stratégies éducatives peuvent être comparées à la mise en
place des aides visuo-spatiales du programme TEACCH. Ainsi,
Ce travail a bénéficié d’un financement du programme hospi-
l’autonomie, qui est l’objectif visé principalement par la scola-
talier de recherche clinique (PHRC) et de la fondation Orange.
rité des tout petits, est le domaine où les enfants scolarisés de
Nous remercions chaleureusement les familles et les équipes qui
notre échantillon ont progressé. Le langage et la socialisation
ont participé à cette étude.
constituent également des domaines ciblés lors de la scolarité
en école maternelle, mais les moyens utilisés pour favoriser leur
développement sont liés à la dynamique du groupe et sont basés Déclaration de liens d’intérêts
sur les capacités « naturelles » des enfants à nouer des contacts.
Ces objectifs ne pourraient pas être atteints de cette manière chez Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
des enfants qui ont des difficultés à décrypter « naturellement »
les codes sociaux. Ces résultats vont dans le même sens que Références
certains travaux [31] qui suggèrent la simple exposition au lan-
gage ne facilite pas, chez les personnes présentant des troubles [1] Haute Autorité de santé (HAS). Autisme et autres troubles envahissants
du développement - état des connaissances hors mécanismes physio-
sociocommunicatifs, le développement des circuits neuronaux
pathologiques, psychopathologiques et recherche fondamentale; 2010
spécialisés impliqués dans sa perception. [Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c 935617/autisme-
et-autres-troubles-envahissants-du-developpement].
5. Conclusion [2] Haute Autorité de santé (HAS). Autisme et autres troubles envahissants du
développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées
chez l’enfant et l’adolescent; 2012 [Disponible sur : http://www.has-sante.
L’étude de l’évolution des enfants dans chacun des trois
fr/portail/jcms/c 953959/autisme-et-autres-troubles-envahissants-du-
domaines adaptatifs permet d’appréhender les effets spécifiques developpement-interventions-educatives-et-therapeutiques-coordonnees-
de chaque type de prise en charge. Les liens significatifs entre chez-lenfant-et-ladolescent].
les progrès des enfants dans le domaine de la socialisation et [3] Yianni-Coudurier C, Darrou C, Lenoir P, Verrechia B, Assouline B,
les durées hebdomadaires des prises en charge spécialisées, Ledesert B, et al. What clinical characteristics of children with autism
influence their inclusion in regular classrooms? J Intellect Disabil Res
assurées essentiellement par les secteurs de la pédopsychiatrie,
2008;52:855–63.
témoignent de l’attention particulière que portent les profes- [4] Rattaz C, Ledesert B, Masson O, Ouss L, Ropers G, Baghdadli A. État
sionnels de ce secteur pour ce domaine du développement. De des lieux des pratiques d’accompagnement sanitaire et médico-social des
manière symétrique, les liens significatifs entre les progrès des personnes avec troubles envahissants du développement (TED) dans trois
enfants dans le domaine de l’autonomie et leur durée hebdoma- régions françaises. Neuropsy Enf Adol 2013;61:31–8.
[5] Darrou C, Pry R, Pernon E, Michelon C, Aussilloux C, Baghdadli A.
daire de scolarisation sont cohérents avec les moyens concrets
Outcome of young children with autism: does the amount of intervention
mis en œuvre pour permettre l’accès à l’autonomie des enfants influence developmental trajectories? Autism 2010;14(6):663–77.
de l’école maternelle. Enfin, nous avons constaté l’absence de [6] Schroder C, Florence E, Dubrovskaya A, Lambs B, Stritmatter P, Vec-
liens entre les durées hebdomadaires des prises en charge et les chionacci V, et al. Le modèle de Denver (Early Start Denver Model). Une
C. Yianni-Coudurier et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 367–375 375

approche d’intervention précoce pour les troubles du spectre autistique. [20] Howlin P, Magiati I, Charman T. Systematic review of early intensive beha-
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