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Actes Colloque AAE AM V6

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PRÉSENTATION

Yves Desnoës
Président de l’Académie de Marine

Madame le Ministre, Madame le président, Messieurs les officiers généraux, Mesdames, Messieurs,
chers consœurs et confrères des deux académies,
Je suis très heureux de vous accueillir pour ce colloque sur un sujet particulièrement d’actualité :
c’est-à-dire l’examen comparé des principales questions soulevées par l’automatisation croissante
des navires d’un côté et des aéronefs de l’autre ; quand nous disons « aéronefs », cela signifie que
nous parlons d’avions et d’hélicoptères, et plus généralement de ce qu’on désigne par « voilures
tournantes ».
J’ai tout d’abord une nouvelle importante à vous annoncer : Le Secrétaire d’État chargé des
transports, Monsieur Jean-Baptiste Djebbari, a accepté il y a quelques jours que notre colloque soit
placé sous son haut patronage, et nous l’en remercions vivement.
Ce colloque rentre parfaitement dans le cadre du thème d’approfondissement que l’Académie de
marine avait retenu pour l’année académique 2018-2019 et que nous avions intitulé « automatisation
et autonomisation des navires ». Lorsque Jean-Paul Troadec, de l’Académie de l’Air et de l’Espace,
est venu me proposer un colloque commun sur cette problématique, j’ai tout de suite estimé que
c’était une excellente opportunité. Comme j’ai moi-même passé une quinzaine d’années dans
l’aéronautique militaire, ma motivation n’en a été que plus forte. Pour l’anecdote, ce n’est pas la
première fois que Jean-Paul et moi faisons de l’aéromaritime ensemble : en 1968, nous avons sauté
en parachute en mer en même temps, dans le même stick.
Sans déflorer le sujet, je vous résume notre démarche : mettre en regard les approches des deux
milieux pour gérer les nouveaux systèmes de plus en plus automatisés. Comme dans tout ce qui
découle des progrès de l’informatique et des télécommunications, c’est la technique qui génère le
besoin, et c’est par cela que nous allons commencer. Nous verrons ensuite les points de vue des
opérateurs et exploitants, puis les points de vue des organismes compétents en sécurité et sûreté.
Nous aborderons alors la place de l’homme, absolument fondamentale : l’homme utilisateur,
l’homme usager, l’homme en formation, l’homme au travail ; l’homme concepteur aura déjà été
évoqué dans les aspects techniques… Nous terminerons par les questions juridiques et d’assurances.
Au cours des pauses, du cocktail et du déjeuner, nous aurons également le temps d’échanger et
de mieux nous connaître. Ce peut être le début de coopérations fructueuses. Nos moyens de
transport et les systèmes qui les gèrent sont de plus en plus interconnectés et le fonctionnement
harmonieux de tout cela, l’interopérabilité notamment, repose en grande partie sur la
communication et la coopération entre des humains.
Encore une note personnelle sur la sécurité et la sûreté, auxquelles j’ai toujours accordé la priorité
dans mes diverses fonctions. L’automatisation des systèmes modernes repose principalement sur des
logiciels de plus en plus complexes, et l’interconnexion augmente encore la complexité.
L’automatisation est certes susceptible de limiter les erreurs humaines, mais encore faut-il que
statistiquement elle provoque nettement moins d’erreurs que les humains. Aux niveaux de fiabilité et
de protection recherchés, on est obligé de mettre en service les systèmes bien avant d’avoir des
statistiques suffisamment précises sur leur comportement observé dans le monde réel. On les met
donc en service sur la base de démonstrations rigoureuses prouvant que l’on a pris les mesures
adéquates, et ces mesures doivent être strictement encadrées par des normes. Les accidents du
Boeing 737 max nous rappellent que des organismes qui ont prouvé leurs compétences pendant
des décennies sur des milliers d’exemplaires peuvent commettre des erreurs qui paraissent grossières
a posteriori. Dans le maritime aussi il y a eu des accidents aidés, voire provoqués, par l’automatisation,
moins graves heureusement. Cela démontre, si c’était nécessaire, que l’ingénierie des systèmes
complexes n’est pas une science exacte et qu’il reste toujours des défauts. Les responsables doivent
donc estimer à quelle échéance ils peuvent décider que l’on en a fait suffisamment pour une
sécurité et une sûreté acceptables : c’est une lourde décision, qui, selon mon expérience, est plus

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intuitive que rationnelle. Comme à ce niveau un cerveau unique ne peut connaître tous les détails,
cette intuition repose en grande partie sur la bonne communication, au-delà des frontières entre
organismes, entre les décideurs et les équipes qui réalisent et entretiennent les systèmes.
Je pense que nous devrions garder ces observations présentes à l’esprit pendant nos travaux.
Je laisse maintenant la parole à une éminente personnalité, que tout le monde connaît, mais qu’il
est quand-même utile de présenter, tant son parcours professionnel est riche : Madame Anne-Marie
Idrac. Elle a notamment été Secrétaire d’État chargée des Transports (1995-1997), PDG de la RATP
(2002-2006), Présidente de la SNCF (2006-2008), Secrétaire d’État chargée du Commerce Extérieur
(2008-2010) et elle est maintenant Haute responsable pour la stratégie de développement des
véhicules autonomes. Nous ne pouvions rêver mieux pour donner le coup d’envoi de notre colloque.

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PROGRAMME

PRÉSENTATION ...................................................................................................................................................2

PROGRAMME .....................................................................................................................................................4

INTRODUCTION ..................................................................................................................................................6

SESSION 1 : LES PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES.......................................................................................10


Modérateur : Alain Bovis
Galileo, un outil essentiel pour les opérations autonomes des navires et des aéronefs .................. 10
Simon Plum
L’intelligence artificielle, bases, évolution et risque .............................................................................. 14
Claude Roche
L’automatisation des passerelles ............................................................................................................ 24
Jean-Michel Hubert
Le démonstrateur de drone de combat furtif Neuron ......................................................................... 31
Eric Bouchard
La vision d’un organisme de recherche ................................................................................................ 37
Christian Eschmann
Le transport maritime automatisé et connecté .................................................................................... 41
Christophe Tytgat

TABLE RONDE 1. LES ATTENTES DES EXPLOITANTS FACE A L’OFFRE DES CONSTRUCTEURS. .......................46
Modérateur : Michel Polacco,
Les attentes d’une compagnie aérienne .............................................................................................. 46
Marc Rochet
L’offre pour l’aviation d’affaires .............................................................................................................. 48
Bruno Stoufflet
L’offre pour les avions de transport ......................................................................................................... 49
Pascal Traverse
Les attentes d’un opérateur maritime .................................................................................................... 49
Antoine Person
L’offre pour les navires .............................................................................................................................. 51
M. Olivier Doucy

SESSION 2. LA SÉCURITÉ ET LA CYBER-SÉCURITÉ ...........................................................................................56


Modérateur : Thierry Prunier,
Quelles adaptations pour la réglementation aéronautique ? ............................................................ 56
Georges Rebender
Comment certifier les systèmes automatisés des navires ? ................................................................. 63
Jean-François Segretain,
Quels objectifs de sécurité, pour quelles missions ? .............................................................................. 71
M. Alain Garcia
Les défis du spatial pour une transition vers les navires autonomes ................................................... 81
Isabelle Duvaux-Béchon
Le conseil cyber pour le transport aérien (CCTA), une instance partenariale pour adapter le
transport aérien aux menaces cyber ..................................................................................................... 90
Guillaume Counio
Moins d’hommes pour plus de sécurité ?............................................................................................... 92
Bertrand de Courville

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Questions-Réponses Session 2.................................................................................................................. 98

TABLE RONDE 2 — LA DIMENSION HUMAINE : EMPLOI, FORMATION, ACCEPTABILITÉ SOCIALE ...........100


Modérateur : Édouard Berlet
Quelles conséquences pour l’emploi maritime ? ...............................................................................100
Nicolas Singellos
Le point de vue d’un pilote maritime ...................................................................................................102
Jean-Philippe Casanova,
Quelles conséquences pour la formation des pilotes d’avions ? .....................................................105
Jean-Michel Bigarré
L’Évolution du métier des contrôleurs aériens .....................................................................................106
Marc Baumgartner
La formation des pilotes de drones ......................................................................................................108
Nicolas Marcou

SESSION 3. ASPECTS JURIDIQUE ET RESPONSABILITÉ ..................................................................................119


Assurance de navire autonome ...........................................................................................................120
Frederic Denèfle
Assurance d’aéronef autonome ..........................................................................................................126
Sophie Moysan
La question des responsabilités civiles ..................................................................................................136
Philippe Delebecque
La question de la responsabilité pénale ..............................................................................................139
Simon Foreman
La responsabilité d’un organisme certificateur de navires ................................................................142
Julien Raynaut
Le point de vue d’un avocat ................................................................................................................146
Alain Bensoussan

CONCLUSIONS ..............................................................................................................................................150
Jean-Paul Bailly

CLOTURE DU COLLOQUE ? ............................................................................................................................151


Anne-Marie Mainguy,

ANNEXE ..........................................................................................................................................................152
Biographies par ordre alphabetique

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INTRODUCTION

Anne Marie Idrac


Haute responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes,
ancienne secrétaire d’État aux transports

Mme Anne Marie Idrac, ancienne secrétaire d’État aux transports, haute responsable pour la
stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, a présenté les enjeux techniques,
économiques, éthiques et juridiques de la mobilité autonome.
Merci beaucoup. Merci d’abord de votre invitation ; c’est toujours un plaisir pour moi de venir ici, car
j’ai bien aimé l’année où j’ai fait l’IHEDN, et parce que je ne suis pas très loin du bureau où j’étais
secrétaire d’État aux transports, pendant les grèves de 1995, avec dans mon bureau la très belle
moquette bleu marine, qui représente l’univers. J’ai beaucoup fréquenté ce lieu comme présidente
d’Océanides, association de recherche en histoire maritime, qui a publié il y a dix-huit mois une
somme de travaux d’histoire maritime du paléolithique à l’époque contemporaine, et ce sur tous les
continents. Par ailleurs, je suis évidemment très heureuse de retrouver un certain nombre de visages
connus, parmi lesquels Edouard Berlet et Michel Wachenheim.
Je voudrais en introduction dire deux mots sur ce qu’est une politique des transports. Il s’agit d’une
politique de développement durable ; chacun des deux mots est important, car nous parlons de
développement. Les projections de tous les modes de transport (aérien, maritime) sont évidemment
soumises aux conjonctures, aux guerres commerciales, aux évolutions du pouvoir d’achat, mais elles
s’inscrivent dans une perspective de développement. L’autre point essentiel est la prééminence des
enjeux de durabilité ; alors que la présidente de la Commission européenne présente le Green Deal
pour l’Europe, il est essentiel que toutes les forces, y compris académiques, s’inscrivent dans cette
perspective, pour trouver des chemins répondant à ce double objectif d’une Europe puissante et
exemplaire en matière de durabilité, et qui assure son développement au service des citoyens et
des entreprises.
Il me semble que dans les différents modes de transport, deux enjeux particuliers se font jour. L’un est
la productivité du secteur ; les différents acteurs ont généralement des marges assez faibles, et ce
qui peut concourir à les améliorer et à rendre plus efficace l’usage du capital est évidemment de
bon aloi. L’autre sujet est celui de l’accessibilité, notamment économique ; Jean-Baptiste Djebbari,
avec lequel je m’entretiens fréquemment, a bien en tête ces problématiques du développement
durable, de l’amélioration de la compétitivité pour l’Europe et de l’accessibilité.
Ma contribution la plus utile, je l’espère, à vos travaux, consiste à vous relater ce qu’il se passe dans
le domaine des véhicules autonomes terrestres. Le terrestre est encore plus compliqué en termes
d’autonomie que le maritime ou l’aérien, parce que l’environnement physique est très compliqué
— les routes de campagne, la végétation qui s’y trouve, la signalisation, la cohabitation avec
d’autres véhicules, avec des piétons, des trottinettes, avec tous les obstacles que l’on peut y trouver.
On ne peut pas faire rouler des véhicules autonomes uniquement lorsque les rues sont à angle droit,
qu’il fait beau, qu’il n’y a pas de végétation ou d’autres véhicules ou de piétons à proximité.
Mon intervention concerne la France, mais j’ai beaucoup de contacts avec un certain nombre de
pays ; je viens de faire une tournée en Asie. L’état de l’art est à peu près le même dans la plupart
des pays de l’OCDE, même s’il existe des particularités américaines, comme souvent.
Pourquoi le président de la République s’est-il lancé dans une stratégie nationale pour les véhicules
autonomes ? Pour deux raisons. Le premier pilier est technologique et industriel, pour que les
entreprises françaises soient dans la course de la compétition mondiale, qui est extrêmement vive
sur le sujet ; aux États-Unis, la compétition est surtout partie des acteurs du numérique, tandis que la
Chine part de l’industrie automobile, de l’industrie numérique et des infrastructures. Le deuxième
enjeu est d’essayer de faire en sorte que les véhicules autonomes terrestres contribuent à de
nouvelles formes de mobilité, et répondent en particulier aux enjeux d’accessibilité, de productivité
et de durabilité.

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Le fait d’agir sur deux piliers conduit à travailler avec une gouvernance intégrant le privé et le public,
articulant les réflexions françaises, européennes et internationales. Nous sommes sans arrêt en
interaction entre les perspectives technologiques et les attentes des exploitants et des clients.
Nous suivons trois principes d’action, qui sont les mêmes que les vôtres :
• la sécurité, au-delà du GAME (globalement au moins équivalent) : la machine doit être encore
plus sûre que ce que l’on a connu auparavant ;
• l’acceptabilité, à laquelle j’aurai l’occasion de revenir ;
• la progressivité, qui se traduit en particulier par une approche très expérimentale, par les cas
d’usage, qui remplacent de plus en plus la classification par niveaux d’autonomie.
• Les axes d’action, sur lesquels je fais travailler une demi-douzaine de ministères en interface
avec les différentes industries (automobile, équipementiers, numérique, route, assurance) et
avec les collectivités locales) sont au nombre de six :
• développement de l’expérimentation ;
• évolution des règles de conduite ;
• adaptation des règles de responsabilité ;
• évolution du cadre d’homologation et de validation sécurité, traitant y compris des problèmes
de vocabulaire ;
• suivi de l’acceptabilité et anticipation des évolutions de compétences, des pénuries étant
d’ores et déjà constatées sur certains métiers et les professions les plus engagées étant celles
qui intègrent l’automatisation dans les perspectives d’évolution des métiers ;
• approfondissement permanent des usages et donc des modèles économiques.
Ces six axes d’action sont tout à fait ceux sur lesquels vous travaillez également ; un septième
élément est moins lié au maritime et à l’aérien : il s’agit de la dimension locale. Les collectivités
locales interviennent de plus en plus dans le travail, et j’ai entendu un très grand équipementier
français d’envergure mondiale expliquer que le vrai régulateur des véhicules autonomes terrestres
serait l’élu local, ce qui crée des rapprochements intellectuels et du désilotage particulièrement
intéressants, sinon faciles.
J’ai dit l’importance des cas d’usage ; il en existe trois types.
Pour les véhicules particuliers, notre analyse est qu’ils s’adresseront sans doute pendant un certain
temps à des niches premium. Aujourd’hui, on peut réguler les interdistances, le freinage, mais pas
automatiser complètement les déplacements latéraux ; ce que l’on envisage le mieux, ce sont les
déplacements latéraux à 60 kilomètres par heure — et encore faut-il qu’il fasse beau. Sur les
véhicules premium, nous connaîtrons une addition progressive d’aides à la conduite, pour aller vers
des stades de plus en plus automatisés. Beaucoup de constructeurs américains disent cependant
aujourd’hui que le stade auquel il n’y aurait plus ni volant ni pédale, et surtout ni yeux, ni pieds, ni
main, ni cerveau, est hors de propos avant un nombre important de décennies.
En revanche, les cas d’usages liés à des flottes paraissent extrêmement pertinents — flottes de taxis,
qu’on appelle robot taxis, services complémentaires en transports en commun, véhicules autonomes
entre les aéroports et les centres-villes, comme en Chine, cas liés à des événements, des dessertes
touristiques, contribuant à la réduction du nombre de voitures. La question est celle du modèle
économique ; les modèles se fondant sur le contribuable sont une manière de penser l’avenir, mais
de mon point de vue pas la seule, et je ne suis pas sûre qu’elle soit durable partout.
Le troisième cas est celui du fret et de la logistique. Nous ne sommes pas en avance dans ce
domaine en France. Les véhicules autonomes fonctionnent bien dans les mines ; vous en voyez
beaucoup en Australie, notamment. Il n’est cependant pas certain que les mines aient un avenir
fabuleux dans une perspective de développement durable, et ce sont des marchés assez
circonscrits qui ne concernent pas vraiment la France ni l’Europe. On voit beaucoup de choses sur
des lieux fermés ; les constructeurs de ces véhicules pensent aux ports ou aux tarmacs. Dans le
premier cas, on parle d’interopérabilité et d’automatisation de l’ensemble de la chaîne, pour
concourir à la productivité et à la faisabilité. Les difficultés avec l’autonomie sont liées aux arrêts, aux
surprises ; dans toute la chaîne portuaire et maritime, il y a un certain nombre de choses à imaginer.
Quelques indications de logistique urbaine peuvent également vous intéresser comme citoyens

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urbains : desserte entre moyens et petits entrepôts, robots livreurs. Ces projets ne sont cependant pas
simples en termes d’insertion physique sur le terrain, ou de modèle économique.
Je voudrais insister sur ce qui occupe le plus les équipes que j’anime : ce sont les questions de
validation des systèmes et de règles de conduite. La technologie est à peu près connue, mais les
systèmes d’homologation sont un casse-tête mondial. On sait homologuer une chose, voire un
système, mais homologuer quelque chose qui est à la fois un objet, son système et certains cas
d’usage est une grande difficulté pour les juristes comme les techniciens. Pour tout arranger, ces
systèmes sont autoapprenants ; il faut donc se poser la question du suivi des règles de sécurité et
d’homologation dans le temps. La définition de la bonne articulation juridique et technique entre les
systèmes et le conducteur est l’enjeu. Par extension, on se demande quelles sont les responsabilités
non du conducteur à bord, mais du conducteur « hors bord », qui est le superviseur. Un colloque
organisé au Japon il y a à peine un mois portait sur cette question.
La France souhaite traiter tout le spectre des cas d’usage, pour ne pas segmenter les marchés, et
ne pas créer de barrière, car nous ne savons pas quels seront les cas d’usage qui peuvent être
inventés par la suite. Nous souhaitons favoriser l’innovation et la globalisation des marchés. Ce n’est
pas facile, parce qu’un certain nombre de pays préfèrent des réglementations qui vont pas à pas,
pour des raisons de sécurité ou de protection du marché à l’instant T.
Nous cherchons à travailler sur des outils de simulation, que nous avons financés en France et en
Europe, comme le font largement les Américains. Il y a également des essais sur piste, des
expérimentations en vraie grandeur, et la question sera ensuite le passage à l’échelle et son
homologation, avec une difficulté que je suis en train de découvrir, et qui tient à la différenciation
entre l’expérimentation et le passage à l’échelle. À Rouen, par exemple, Transdev, qui est
particulièrement avancé en la matière, fait circuler des navettes autonomes Zoé Renault, avec un
système de supervision opéré par les mêmes personnes que celles qui se chargent des transports en
commun. Quand passerons-nous de l’expérimentation à la vraie grandeur ? Peut-être quand les
usagers paieront ; aujourd’hui, on ne peut pas demander à des cobayes de payer.
Tous ces sujets sont traités à la fois par l’ONU, l’Union européenne et par la France, même si nous
essayons de ne pas privilégier une approche nationale.
Un travail international est mené non seulement sur la technique, mais également sur les règles de
conduite. Un véhicule routier doit comporter un conducteur ; il n’est pas précisé qu’il est humain,
mais c’est implicite ; il y a toutes sortes d’évolutions à mettre en œuvre pour que le conducteur soit
déporté, remplacé par un superviseur ; certains imaginent même qu’il n’y ait plus de conducteur
humain du tout. Le principal enjeu aujourd’hui est celui de la conduite à distance ; je vous passe les
discussions juridiques sans fin : partout dans le monde, les juristes s’arrachent les cheveux et
défendent leurs intérêts nationaux pour définir ce qu’est un humain par rapport à un non-humain,
ce qu’est la conduite à distance par rapport à la conduite à bord et à la supervision, a fortiori la
supervision multimodale, qui suppose une transversalité des compétences et des technologies.
Je termine par la question de l’acceptabilité, qui est majeure. Je travaille sur le sujet avec une
instance nationale d’échange, composée de parlementaires, de représentants des collectivités
locales, d’industriels, d’académiques (juristes, philosophes), d’associations d’usagers, d’ONG. Nous
sommes associés aux travaux du Comité national d’éthique, qui a créé une section « éthique de
l’intelligence artificielle », à la demande du président de la République. Nous travaillons notamment
sur l’idée de l’ethic by design, de façon que ne se pose pas le fameux dilemme macabre, auquel
aucun humain ne sait répondre. La Commission européenne vient de mettre en place un travail
éthique sur le sujet, animé par un chercheur français de l’École d’économie de Toulouse.
Nos travaux s’appuient également sur beaucoup de focus groups, des enquêtes de perception, des
analyses d’opinions. Les résultats ne sont pas du tout les mêmes que dans l’aérien : si les usagers sont
tout à fait prêts à entrer dans des avions sans pilote, ce n’est pas le cas pour les véhicules terrestre,
même si cela est fait pour le métro. Un certain nombre de peurs se manifestent, qui ne concernent
pas uniquement la sécurité : beaucoup concernent les données (suivi des personnes) et la perte de
liberté (restriction des itinéraires). Ces données anthropologiques sont très différentes selon les régions
du monde : pour les Chinois, la perte de la liberté n’est semble-t-il pas vraiment un problème.

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L’acceptabilité économique est également un point central : si personne ne trouve à équilibrer cette
activité, nous aurons travaillé pour le roi de Prusse.
En lisant un certain nombre de documents sur vos secteurs, j’ai constaté que ces enjeux s’y
retrouvaient largement : sécurité, cybersécurité, responsabilité, compétences. Je me permettrai
d’insister une fois encore sur l’aspect économique de la question, de sorte que l’on orienter les
technologies sur des sujets permettant de répondre assez vite politiquement et économiquement à
la question « à quoi ça sert ». Les compétences, y compris dans les entreprises technologiques, seront
d’autant plus motivées qu’il y aura en ligne de mire la question de l’utilité.
Mon dernier mot sera pour dire que ce que vous faites de façon transversale entre le maritime et
l’aérien d’une part, et entre les sujets d’autre part, est la bonne manière d’aborder les choses. Qui
est constructeur, équipementier, opérateur, fournisseur de services, en rapport avec le client final,
assure la supervision ? Comment le régulateur sera-t-il en interaction avec ce qu’il régule ? Ce sont
des changements de posture, d’attitude, de compétences considérables. Je plaide dans tous les
champs où j’ai l’occasion d’intervenir pour la transversalité, qui est selon moi le meilleur moyen de
favoriser l’innovation, qui n’est pas seulement technologique.

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SESSION 1 : LES PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES

Modérateur : Alain Bovis


Académie de marine

Madame la ministre, chères consœurs, chers confrères, mesdames, messieurs, « vers des navires et
des aéronefs sans équipage ? » : qu’entend-on derrière ce concept ? Qu’y a-t-il derrière ce point
d’interrogation ? Après tout, il existe déjà de nombreux engins sans pilote, aériens ou maritimes, en
service opérationnel ou expérimentaux, dans les forces aériennes comme dans les forces navales.
Ces engins sont en général supervisés à distance par ce que l’on peut appeler un pilote à terre. Ce
ne sont pas des navires ou des aéronefs autonomes. A côté de cela, il existe des véhicules de plus
en plus automatisés, bien qu’avec un équipage, mais dont les opérations et les fonctions reposent
de plus en plus sur des automatismes.
Bien évidemment, ce que l’on vise à l’extrême derrière cette question, ce sont des véhicules sans
équipage et autonomes. Pour les plus optimistes, la technologie pour développer un transport
maritime et aérien sans pilote semble à portée de main, sinon déjà disponible. Cette technologie
repose sur un certain nombre de piliers, qui sont aussi des conditions de faisabilité pour ce concept :
d’une part des communications numériques et sécurisées, à très haut débit ; d’autre part une
couverture satellitaire mondiale pour assurer ces communications et la navigation (ou e-navigation) ;
enfin des outils d’intelligence embarquée, reposant sur toutes les technologies en développement.
Un long chemin reste cependant à parcourir, notamment pour démontrer la sûreté, la sécurité et la
fiabilité de tels véhicules dans leurs environnements réels.
Ce sont ces aspects technologiques que nous essaierons d’aborder dans cette session. Nous
commençons par deux éléments technologiques essentiels, et d’abord par la dimension satellitaire
et les services que l’espace peut apporter aux véhicules aériens et maritimes autonomes.

Galileo, un outil essentiel pour les op érations autonomes des navires et


des aéronefs

Simon Plum
Project Manager for Galileo Service Operator at Spaceopal GmbH.

(Présenté par Ruddy Borelva et Sabine Verner)

Alain Bovis
Le premier exposé sur le système Galileo a été préparé par M. Simon Plum, qui est actuellement
directeur de projets dans la société de services de Galileo, Spaceopal, et qui était précédemment
au DLR, le laboratoire de recherche aérospatial allemand. Il est malheureusement souffrant, mais est
remplacé par M. Ruddy Borelva et Mme Sabine Verner.

Sabine Verner
C’est un grand honneur pour moi de participer à ce colloque.
Je suis particulièrement heureuse d’avoir l’occasion d’intervenir dans ce lieu vénérable, devant des
représentants de la nation européenne la plus avancée en matière aérospatiale, une nation qui a
lancé son premier satellite il y a 55 ans. Il s’appelait Astérix, un nom dont nous, Allemands, nous
souvenons bien.

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Voici le voyage spatial, tel qu’il est imaginé par une enfant française de 10 ans. Oriana Rémy, de
Roubaix, a peint cette image il y a 9 ans dans le cadre d’un concours de dessins européen qu’elle
a remporté. Son prénom a été donné au dixième satellite du projet Galileo, lancé en 2015.
Ainsi, l’espace fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Pour les jeunes générations, il n’a plus
rien d’extraordinaire. Il y a 50 ans, voyager en avion constituait un événement extraordinaire et
excitant. Aujourd’hui, ce n’est guère différent d’un trajet quotidien pour se rendre au travail. Nous
pouvons constater la même évolution s’agissant de l’espace.
Ainsi, l’espace fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Pour les jeunes générations, il n’a plus
rien d’extraordinaire. Il y a 50 ans, voyager en avion constituait un événement extraordinaire et
excitant. Aujourd’hui, ce n’est guère différent d’un trajet quotidien pour se rendre au travail. Nous
pouvons constater la même évolution s’agissant de l’espace. L’Union européenne s’est montrée
avisée en engageant le projet Galileo, le plus grand projet spatial en Europe, au siècle dernier.

Ruddy Borelva
La constellation des satellites Galileo est opérationnelle depuis presque 10 ans. Nous disposons
maintenant de 26 satellites en orbite, contrôlés par deux centres (situés à Oberpfaffenhofen, près de
Munich, et à Fucin, au sud de l’Italie). 15 sites distants sont également utilisés, incluant des ULS (UpLink
Stations), des GSS (Galileo Sensors Stations), et des stations de TTC (Telemetry, Tracking & Control).
Si vous téléchargez une application de test de signal GPS sur votre smartphone, vous aurez accès
au GPS américain, au GLONASS russe, au Beidou chinois, et bien entendu, à Galileo, dont la précision
est de l’ordre de 1,5 mètre et de 8 nanosecondes, et qui est utilisé par 1 milliard de personnes.

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Les systèmes de navigation par satellite modernes diffusent le signal depuis l’espace. Les horloges
des satellites sont contrôlées depuis les deux centres au sol au travers de deux systèmes, le PHM
(Passive Hydrogen Maser) et le RAFS (The Rubidium Atomic Frequency Standard). Nous réalisons la
maintenance et les mises à jour des systèmes et des satellites avec notre partenaire, Thalès Alenia
Space, qui fournit le DDN (Data Dissemination Network) et gère la LEOP (Launch and Early Orbit
Phase).

Les systèmes au sol s’assurent que le dispositif d’ensemble est fiable. Pour éviter toute erreur, nous
devons constamment améliorer et renforcer les concepts et les stratégies permettant à un système
comme Galileo de fonctionner correctement en permanence. Aujourd’hui, le système est proche
de la finalisation, mais nous devons encore progresser pour assurer une continuité de service
intégrale. De plus, si les besoins en matière de continuité et de disponibilité du signal sont prégnants,

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nous devons également développer des stratégies d’évolution. En effet, Galileo constitue
aujourd’hui un élément clé des services de navigation dans le monde entier, même si nous travaillons
en priorité pour la communauté européenne.
Les satellites Galileo ont un impact immédiat sur nos vies quotidiennes. Par exemple, comme la
presse l’a annoncé, l’Université Technologique de Compiègne a récemment présenté, dans le
cadre du projet Escape, une démonstration du premier véhicule autonome contrôlé par Galileo.
Une Renault Zoé électrique a été conduite automatiquement sur un circuit et sur des routes publiques.
Tous les acteurs de l’industrie européenne ont reconnu, grâce à cette démonstration, que Galileo
répondait aux trois critères essentiels (fiabilité de l’authentification, haute précision et intégrité des
données) permettant de mettre en place une technologie de conduite autonome des véhicules
sûre.
Si les informations de temps et de localisation sont essentielles dans nos sociétés modernes, nous
devons encore progresser en matière de service rendu et de continuité. Nous continuerons à
améliorer le système Galileo dans les mois à venir avec le lancement de satellites supplémentaires
et le renforcement des sites terrestres. Nous discuterons également avec la communauté
européenne des priorités qui sont les siennes. La fiabilité du service est importante, et nous le savons.

En outre, une nouvelle génération de systèmes est à venir prochainement. Galileo renforce notre
souveraineté technologique, et nous ne pouvons-nous permettre de ne pas disposer d’une
technologie qui ne soit pas de pointe. Aujourd’hui, nous sommes prêts à l’indépendance
européenne dans le domaine des services de navigation, et nous sommes impatients de donner
accès à notre service à des véhicules, navires et aéronefs autonomes. Ensemble, avec la
communauté européenne, nous établirons un système fondé sur les besoins des utilisateurs.
Oriana est aujourd’hui en classe de terminale. Son prénom a été donné au dixième satellite de la
constellation Galileo. J’espère qu’elle s’intéresse toujours à l’espace et à notre futur, et que notre
présentation, qui a été plus succincte qu’elle ne l’aurait été si Simon Plum avait pu être présent, a
éveillé votre intérêt.

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Merci pour votre attention.

L’intelligence artificielle, bases, évolution et risque

Claude Roche
Vice-président de l’Académie de l’air et de l’espace, ancien vice-président grands systèmes de
Matra Défense Espace

Alain Bovis
M. Claude Roche a été dès le début des années 1970 l’un des pionniers de l’intelligence artificielle
au sein de la Délégation générale pour l’armement ; il a été notamment directeur du programme
d’observation spatiale Samro, qui est devenu par la suite le programme Helios. En 1983, il a rejoint
l’industrie et a tenu d’éminentes positions dans différentes sociétés, dont Alcatel Espace, Matra et
pour terminer EADS.

Claude Roche
Depuis 1954, quand le mot d’intelligence artificielle a été inventé, elle a été partagée en deux : la
reconnaissance des formes d’une part, et l’intelligence artificielle pure et dure de l’autre, chacun
s’ignorant presque. On retrouve les deux dans l’intelligence artificielle actuellement.

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Qu’est-ce qu’une forme ? Vous voyez ici une image de goélette ; comment un humain ou une
machine la reconnaît-il ? Derrière le bruit, on distingue des zones blanches et des zones bleues ; la
frontière entre les deux est composée de traits rectilignes, qui composent des triangles pour les focs.
Chaque forme est liée à d’autres, et ce sont ces liaisons entre sous-formes qui définissent la forme
d’ensemble. Au sommet de l’arborescence se trouve le bateau. De plusieurs formes de bateau peut
se déduire la notion de vent, qui pousse les bateaux dans le même sens, celle de course ; il y a donc
une continuité totale entre les informations de l’œil, de la caméra, et des concepts très élevés, y
compris philosophiques.

Cette arborescence qui comporte des milliards de nœuds est ce que l’on appelle la représentation
de la réalité dans l’ordinateur ou dans l’homme. L’homme possède des milliards de neurones et peut
la gérer ; l’ordinateur a un peu moins, encore que cela progresse considérablement. C’est cette
architecture qui s’appelle l’ensemble des formes, que l’on doit reconnaître et traiter.
Il y a plus d’un siècle, un certain nombre de personnes ont cherché à reconnaître les personnes par
leurs empreintes digitales. Elles ont identifié un certain nombre de formes élémentaires, ou minuties
(île, delta, bifurcation, etc.) ; on détecte des traits, certains qui bifurquent ; ces microformes sont
réparties d’une certaine manière, qui fait que l’on reconnaît une empreinte digitale donnée.

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Les sons sont également des formes ; lorsque l’on effectue une analyse du spectre du son, on voit
apparaître des zones fréquentielles caractéristiques. Lorsque je prononce les sons « a » ou « o », les
fréquences ne sont pas au même endroit. C’est l’ensemble des dispositions de microformes qui
déterminent les sons « a », « o » ou « e ». En associant ces phonèmes, on arrive à des syllabes, puis à
des mots, des phrases et des significations.

L’autre école, celle de l’intelligence artificielle, n’était pas intéressée par les formes et leur
reconnaissance, mais par leur gestion et par la gestion des concepts. Quand on joue aux échecs,
des décisions sont prises à partir de situations ; c’est cet ensemble de logiques qui faisait la base des
recherches sur l’intelligence artificielle. Ce que l’on appelle le GPS, dans le sens commun, est un
système d’intelligence artificielle qui calcule le meilleur chemin ; il se trompe d’ailleurs quelques fois ;
ce n’est pas un bug, mais ce sont des erreurs de l’algorithme.
Les deux chapelles ont ensuite fusionné dans le cadre de l’apprentissage profond inventé par
Yann Le Cun avec des collègues américains. Il s’agit d’une évolution de la construction
d’algorithmes de reconnaissance des formes consistant à demander à un ordinateur de construire
des opérateurs, de les assembler par dizaines de milliers pour reconnaître des formes avec une
bonne probabilité de réussite. Cet apprentissage profond est ce qui a permis de faire le pont entre
l’intelligence artificielle logique et la reconnaissance des formes.

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Une machine qui joue aux échecs regarde comme un humain les différentes possibilités de son jeu,
examine ce que l’autre peut faire, selon une arborescence de choix qui deviennent extrêmement
nombreux ; les champions d’échecs sont capables d’éliminer certaines solutions pour déterminer
quel choix faire. L’ordinateur procède de la même manière et construit les choix possibles ; or,
l’évaluation de la situation ou du trajet est une reconnaissance de forme. En utilisant l’apprentissage
profond, les machines sont désormais beaucoup plus fortes que les champions : en 2016, l’ordinateur
a gagné contre le champion du monde de go, alors même qu’il s’agit du jeu le plus difficile à
programmer.
Cela paraît normal, puisque reconnaître des formes, c’est évaluer des actions et des situations ; il
faut évaluer avant de choisir, et c’est le lien entre les deux qui permet de résoudre. Il faut voir, sentir
et comprendre pour agir intelligemment, et décider et agir pour bien gérer la reconnaissance.

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Cette idée de mélanger la reconnaissance des formes d’un côté et la logique de l’autre est utilisée
dans les travaux que nous essayons de réaliser dans les voitures autonomes, les robots d’aide-
ménagère, les robots planétaires, les systèmes de sécurité et les robots autonomes militaires qui
commencent à exister. Il n’existe pas aujourd’hui d’algorithme rationnel permettant à une voiture
d’être autonome ou de faire fonctionner un robot d’aide-ménagère. Aucun de ces cas ne montre
de modèle mathématique ou physique complet.
Une fourmi observe la réalité, la comprend, décide et agit ; cette boucle fonctionne en permanence
et lui permet de vivre ; l’observation et la compréhension ont trait à la reconnaissance des formes,
la décision et l’action à l’intelligence artificielle logique. Revenons à la goélette : même en
observant ce bateau, la boucle est mise en œuvre, puisque nous décidons à tout moment d’en
regarder différents éléments, ce qui nous permet finalement de comprendre la scène.

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Pour les humains, la boucle de vie qui travaille sur la réalité est la même, mais s’y ajoute une boucle
relative à la mémoire, avec les notions d’intervention et de création, avec une bijection entre la
réalité observée et la mémoire. Les robots et voitures autonomes sont encore très loin de ce modèle.
L’apprentissage profond est fantastique, mais il n’est qu’une partie de ce dont nous avons besoin,
qui est un apprentissage des logiques, des concepts. Nous sommes parvenus à construire l’intuition
de l’ordinateur, mais pas encore sa capacité de raisonner ; nous en sommes encore très loin.

Quand on demande aux personnes qui sont censées connaître l’intelligence artificielle de la définir,
y compris dans des publications de référence, on se contente de dire qu’elle procède « comme
l’homme ». Je vous propose une autre définition, qui me paraît beaucoup plus claire. Quand la
solution d’un problème ordinateur de boucle de vie avec décision est rigoureusement définie par
un modèle logique, cela s’appelle de la programmation. Quand ces problèmes de décision n’ont

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pas de modèles rigoureux de solution ou que l’ordinateur n’a pas les capacités pour l’appliquer en
temps voulu, et qu’on veut trouver des solutions acceptables (par l’ordinateur ou l’humain), cela
s’appelle de l’intelligence artificielle. La programmation fait les erreurs du modèle et des bugs, tandis
que l’intelligence artificielle montre par elle-même toujours une probabilité d’erreur due à l’absence
de modèle rigoureux (GPS, reconnaissance vocale, visages, etc.).
Les exemples donnés précédemment répondent à cette définition, de même que les systèmes de
détection automatique d’orages sur les images météo. En revanche, les systèmes automatiques à
bord des avions commerciaux afin de prévenir les crashs, qui les détecteraient, mettraient les avions
en situation de sécurité, et les feraient rejoindre l’aéroport libre le plus proche relèvent en revanche
de la programmation. Les systèmes utilisant l’analyse statistique de pannes de moteurs, ou de
tendances de votes dans certains pays sont des systèmes certainement « intelligents » et utiles, mais
après que l’ordinateur analyse et mesure des corrélations, toutes les décisions sont prises par des
humains. Ce n’est pas de l’intelligence artificielle.

La construction de l’intelligence artificielle procède par essais et erreurs, autour d’un très grand
nombre de méthodes. Ce principe des essais et erreurs se retrouve dans le principe de l’intelligence
humaine, dans le principe même de la science, dans « le hasard et la nécessité », pour la création
des êtres vivants, et qu’on peut étendre à l’« évolution », dans le principe de l’apprentissage profond
lui-même et probablement dans les futurs développements de l’apprentissage automatique de
l’intelligence artificielle symbolique.

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Les risques basiques de l’intelligence artificielle sont les suivants :
• Les buts du système construit ont été insuffisamment bien définis : ils ne sont pas complets ou
bien contradictoires (la machine HAL de 2001, l’Odyssée de l’espace)
• Les données d’apprentissage et/ou de test n’ont pas été représentatives des situations
possibles, ou ont oublié des situations exceptionnelles importantes. Quid de l’inattendu, qui se
retrouve dans tous les cas ? Par définition, il ne se retrouve pas dans les données
d’apprentissage.
• La construction de l’apprentissage profond n’a pas été menée jusqu’au bout.

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• Par définition, les systèmes d’intelligence artificielle auront toujours un taux d’erreur non nul.
L’intelligence artificielle forte du futur lointain, qui aura des capacités pour proches de celles de
l’humain, aura les mêmes défauts dans les mêmes quatre cas, et pour les mêmes quatre raisons.
L’humain de même.
Les travaux vont progresser. L’apprentissage profond sera utilisé de plus en plus, mais l’apprentissage
automatique symbolique n’existe pas du tout. Le travail principal sera toujours fait par des experts
avec de longs processus d’essais et tests. Avec l’IA actuelle, même la voiture autonome aura une
intelligence bien inférieure à celle d’une fourmi. On sera très loin et pendant très longtemps, de
l’« intelligence forte », qui correspond à la boucle invention/création humaine.

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Au plan sociétal, il faut prendre en compte le dilemme de tuer les autres ou sa famille en voiture. Au
moment de l’achat, si le concessionnaire explique que la voiture évite les piétons au risque de vous
tuer, vous n’achetez pas la voiture. Se pose également la question des assurances, et de primes
colossales. Ce problème social de fond n’est pas près d’être résolu.

Un certain nombre de pays étudient et utilisent des robots autonomes militaires — la Corée du Nord,
Israël et les États-Unis. En Corée du Nord, si un individu bouge à la frontière, un robot tire. C’est interdit
par les lois de la guerre, mais cela est tout de même fait. On demandera plus au robot qu’à un être
humain, simplement parce qu’on ne pourra pas le traduire en justice. Certains juristes parlent de
donner une personnalité juridique aux robots, mais cela semble absurde ; ce n’est pas un fusil qui tue,
mais celui qui l’utilise ; de même, c’est la personne qui pilote un drone à Tampa, en Floride, qui
actionne l’appareil tuant quelqu’un en Irak. Dans les quelques décennies à venir, ce sera toujours
l’homme qui a démarré le processus, civil ou militaire, qui est responsable des conséquences de ce
qu’il a fait.
Sur le plan des interfaces hommes-machines, enfin, il y a toujours des problèmes, des discussions. Si
vous y ajoutez de l’intelligence artificielle, qui est différente tant de l’homme que de la machine, les
problèmes d’interfaces seront multipliés par trois, ce qui compliquera considérablement les décisions.

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Je suis optimiste pour dans un siècle ou deux, mais je ne vois pas comment nous pourrions arriver à
créer des choses vraiment autonomes dans les décennies à venir dans les cas où il y a un risque de
mort d’homme.
J’ai rencontré il y a un mois ou deux le dirigeant d’un sous-traitant de Peugeot et Valeo dans le
domaine de la voiture autonome. Il soulignait que si l’on voulait limiter le danger, la voiture circulerait
à une allure très faible, et ne serait donc pas compétitive par rapport à des voitures pilotées par des
humains. Il y a donc un problème de fond, qui ne sera pas résolu du jour au lendemain.

L’automatisation des passerelles

Jean-Michel Hubert
Leader de l’architecture système, société IX Blue

Alain Bovis
Après un début de carrière chez Wavecon (1997-2001) comme ingénieur logiciel, Jean-
Michel Hubert a rejoint Stepmind comme responsable du logiciel couche basse (2001-2006), puis
Infotron (2006-2015) comme responsable de la R&D pour le développement des drones aériens à
voilure tournante. En 2015, la société Infotron a été cédée à ECA Group et les activités des drones
aériens ont été transférées chez ECA Robotics à Saclay où Jean-Michel Hubert conserve les mêmes
responsabilités pendant deux ans. En 2016, il rejoint la société iXblue pour coordonner et développer
les passerelles de navigation intégrées et innovantes pour les navires du futur dans le cadre du projet
Passion. En 2018, il prend en charge l’activité des produits navals chez iXblue.

Jean-Michel Hubert
Bonjour à tous. Le projet PASSION est une passerelle de navigation innovante, permettant de
numériser l’ensemble des données du navire. SEMNA en est une évolution, il s’agit de l’acronyme du
Système Expert Multiplateformes de Navigation Autonome.
Les objectifs étaient de développer une passerelle de navigation et de conduite de navire de
nouvelle génération utilisable avec ou sans opérateur, qui soit un équipier technologique du
navigant améliorant la tenue de situation nautique avec une suite logicielle intégrée. Nous avons

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développé un ensemble de senseurs pouvant être intégrés dans des drones (FLS, INS,
communications), ainsi qu’un vecteur autonome de surface : DriX. Nous avons mené ce projet en
partenariat avec CS Communication.

Les différentes innovations du projet sont les suivantes :


• passerelle intégrant toutes les fonctions d’automatisation ;
• e-positionning : navigation résiliente à la perte de GPS ou au leurrage ;
• module de réalité augmentée ;
• fusion de données multisenseurs ;
• centrale inertielle miniature ;
• sondeur de l’avant anti-échouement ;
• maintenance préventive ;
• technologies de numérisation du navire ;
• vecteur de navigation autonome : DRIX ;
• technologies de communication (IP, 4G/5G, FBB) ;
• cyber sécurité.

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Différentes briques technologiques sont interconnectées ; il a donc fallu créer une sorte de
backbone informatique pour pouvoir échanger des données. L’authentification se fait par les
empreintes digitales.
Nous avons développé un ARPA communicant avec l’ensemble des données du système,
permettant de téléopérer un navire. Toutes les IHM ont été développées sur des technologies dites
web, assurant la flexibilité des interfaces.
Un travail important a été fait sur les VHF, pour uniformiser tous les moyens.
Le logiciel de réalité augmentée permet de rendre la navigation plus sûre et intuitive.
iXblue a développé un savoir-faire de centrale inertielle à base de FOG (fiber optic gyroscope) ;
cette technologie n’est cependant pas suffisamment précise. Le e-positionning donne la capacité
de fusionner ces données, avec un recalage bathymétrique du système, auxquels s’ajoutent la vision,
le radar, mais également la gravimétrie.

La réalité augmentée rend le bateau plus sûr, quand l’opérateur est à bord, mais également en cas
de téléopération. L’objectif est d’ajouter de l’intelligence au bateau, pour que le niveau
d’intervention de l’opérateur soit le plus faible possible. Nous distinguons la navigation de court terme
et le collision avoidance d’une part, du routage du navire d’autre part, qui prend en compte les
aspects météorologiques.

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Nous avons développé le DriX, petit navire de 8 mètres de long permettant d’expérimenter ces
technologies, avec en haut des antennes, GPS, caméras, et en bas la charge utile, avec le sonar et
un peu plus tard un FLS. Il s’agit d’un bateau de 1,4 tonne, qui peut naviguer pendant dix jours jusqu’à
14 nœuds, pour une vitesse de croisière d’environ 6 nœuds. Ce bateau a été développé pour le
survey, là où la présence de l’opérateur ne se justifie pas.

L’idée a été d’améliorer les qualités intrinsèques de l’USV par la détection d’obstacles sous-marins.
Notre équipe de La Ciotat a travaillé sur le développement d’un sondeur multifaisceaux vers l’avant.
Des caméras ont également été installées, grâce notamment à l’acquisition de la société Robopec,
qui nous a permis de gagner en rapidité d’accès sur le marché.

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La maintenance prédictive est également un sujet important, qui est permis par la mise en place de
capteurs.

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Le couplage navigation/mission permettra également à l’USV d’implémenter de façon autonome
la cinématique la plus adaptée à la réussite de sa mission. Il s’agit d’un axe de travail actuel.
Le système C2 (command & control) est le dispositif de surveillance du système. L’absence
d’équipage permet de créer une forme de bateau disruptive, et le C2 permet de piloter la
délégation des prises de décision à la machine, en fonction des cas de figure.

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Un autre aspect est de faire travailler plusieurs drones en parallèle, y compris plusieurs drones
différents. Un même opérateur pourra piloter un ou plusieurs drones, en prenant en compte la
détection d’obstacles sous-marins, l’évitement d’obstacles, le système de contrôle et commande,
la navigation en meute, le routage météorologique, la maintenance prédictive et le couplage
navigation/mission.

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Le démonstrateur de drone de combat furtif Neuron

Eric Bouchard
Architecte système, Dassault Aviation

NEUROn est un démonstrateur de drone de combat. Ma présentation est centrée sur la manière
dont nous avons résolu les problèmes d’équilibre entre ce que nous laissons faire à l’homme et ce
que la machine peut ou doit faire seule.

L’absence de pilote à bord supprime un capteur primordial ; le centre de décision et la capacité de


contrôle sont délocalisés, avec un lien de communication entre le sol et le bord fragile.
Les conséquences dépendent de la nature de la machine. On traite ici d’un avion, induisant un
risque majeur de perte humaine au sol en cas d’accident. L’exigence de sécurité est élevée et la
réglementation stricte. La machine embarque des comportements automatiques sur auto-
diagnostic ; elle est intelligente, mais on reste dans une logique de contrôle par l’opérateur. La
machine n’est pas totalement autonome.

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Quelques grands axes de réflexion permettent de déterminer la nature des fonctions embarquées,
et de définir le niveau d’autonomie de la machine :
• la performance du lien sol/bord (ce que l’opérateur ne peut plus faire, même si tout va bien) ;
• la dégradation ou la perte de liaison entre le sol et le bord (ce que la machine doit faire seule
lorsqu’on ne lui dit plus quoi faire) ;
• la réglementation (ce que la machine doit faire pour être autorisée de vol) ;
• le besoin opérationnel (ce que la machine peut faire pour aider l’opérateur).

Le contrôle est assuré par un dialogue entre l’opérateur et l’avion, via deux types de boucles :
• boucle de commande : sol-bord-sol ;
• boucle de surveillance : bord-sol-bord.

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Sur un avion traditionnel, le pilote assure les deux niveaux humains du contrôle : le pilotage
(manche/manette/palonnier) et le guidage (utilisation du pilote automatique). Ici, sauf solution
technique spécifique, le temps de boucle court requis pour maîtriser le pilotage n’est pas compatible
du fonctionnement sol-bord. Les fonctions de pilotage sont intégralement assurées par l’avion, tant
au sol qu’en vol :
• taxiage automatique sur des itinéraires prédéfinis ;
• décollage/atterrissage automatiques sur des itinéraires prédéfinis ;
• pas de manche/manette/palonnier ;
• les réactions d’urgence sont assurées automatiquement (taxi abort, take off abort)
L’opérateur se contente de guider et contrôler les états système.

Un pilote à bord fait naturellement le lien entre des fonctions indépendantes — comme le fait un
conducteur qui réalise un démarrage en côte. En l’occurrence, le lien doit être automatisé,
éventuellement sous contrôle de l’opérateur. La machine doit donc pouvoir identifier les paramètres
pertinents du moteur, de l’inertie, des fonctions de contrôle, du train d’atterrissage ; il s’agit d’un sujet
complexe, pour lequel nous avons donc développé une fonction centralisée permettant
d’enchaîner les différentes phases.

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Le schéma d’autonomie classique PACT définit 6 niveaux ; nous avons considéré qu’ils étaient trop
nombreux, du point de vue de la complexité de leur implémentation, de leur intérêt et de leur
compréhension par l’opérateur. Pour chacune des fonctions, nous avons déterminé les niveaux
d’autonomie pertinents ; tous n’y sont pas, mais l’opérateur sait s’il a la main sur le système, si ce
dernier se débrouille sauf s’il lui dit le contraire ou s’il est complètement autonome. Dans un certain
nombre de cas, l’opérateur peut choisir de reprendre la main ou de laisser la machine faire.
Un élément très important est celui du comportement de la machine en cas de problème. Le maître
mot est ici la prédictibilité. La boucle de contrôle est le mécanisme qui permet d’échanger entre sol
et bord un statut clair de l’état de la liaison et de son éventuelle interruption. Le monitoring doit être
symétrique et permettre à l’homme au sol et à la machine d’avoir une vision sure et commune de
l’état de la boucle de contrôle.

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Si la liaison est coupée ou dégradée, l’avion doit avoir une réaction déterministe, humainement
prédictible. Au sol, un avion en phase de taxiage ou en train de décoller s’arrête. La situation se
complique en vol ; nous avons implémenté un certain nombre de routes de retour ; la machine
tourne en rond pendant un certain temps, le temps de rétablir la liaison ; si elle ne se rétablit, elle
revient directement au sol.

Je voudrais également faire un point sur les règles d’usage. Nos essais en vol se sont faits sur la base
aérienne d’Istres, où il existe deux altitudes de changement de la référence barométrique, avec un
choix laissé au pilote entre les deux. Nous avons dû en l’occurrence faire un choix, ce qui a nécessité
de mettre tout le monde d’accord (pilotes, base, etc.).

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Un autre sujet important est celui des exigences réglementaires. nEUROn est un poisson rouge dans
son bocal : la principale exigence est que l’avion ne sorte pas de sa zone d’essai. Cela a conduit à
des développements de fonctions permettant de démontrer le respect de cette réglementation :
• driver de l’architecture système (redondance) ;
• données de mission critiques ;
• fonction sécurisée de chargement de la zone et des données de navigation ;
• fonction sécurisée de contrôle de la non-sortie de zone ;
• fonctions de navigation spécifiques fonction de gestion automatique en cas de perte de
liaison.

Je termine par un focus sur l’autonomie de mission. Lorsque l’avion est capable et autorisé de vol, il
reste la question du supplément d’intelligence embarquée utile à la mission. Nous ne l’avons pas
encore regardé, mais il s’agit d’une perspective pour améliorer la performance, améliorer la
robustesse aux cas dégradés et apporter de la souplesse d’emploi.

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En conclusion, les fonctions embarquées dans les drones sont sensiblement différentes de celles des
avions habités, avec des critères objectifs, mais pas uniquement. Quelles similitudes nécessaires,
quels besoins nouveaux ? Doit-on élaborer de nouvelles logiques de test ?
L’équilibre homme/machine est redessiné. Comment objectiver cet équilibre ? Comment associer
autonomie et contrôle ?
Le poids des règles d’usage et de la réglementation doit en outre être pris en compte.

La vision d’un organisme de recherche

Christian Eschmann
Programm strategie Luftfahrt, DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt).

Alain Bovis
Le DLR est le centre de recherche aérospatial d’Allemagne fédérale ; le docteur Christian Eschmann
y est coordonnateur de l’ensemble des études relatives aux aéronefs sans pilote. Il a également un
rôle plus vaste vis-à-vis des autorités allemandes et des autorités de régulation européennes,
notamment l’European Union Aviation Safety Agency (EASA).

Christian Eschmann
Après des présentations de l’industrie, je voudrais vous montrer comment la recherche voit le sujet
des aéronefs sans équipage.

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L’autonomie est une cible, mais le travail porte en ce moment essentiellement sur l’autonomisation.
Le DLR est l’équivalent du CNES et de l’ONERA en France. Nous travaillons actuellement sur trois sujets
stratégiques : le vol électrique, la copie digitale de l’existant et les unmanned aircraft systems (UAS).

L’idée est d’automatiser les systèmes, pour atteindre in fine l’autonomie, permettant aux systèmes
de prendre eux-mêmes les décisions. Les applications sont des drones logistiques, d’Amazon ou de
La Poste ; cela crée des challenges dans le domaine de la recherche, notamment autour de
l’acceptation sociale de ces systèmes, qui produisent du bruit et de la lumière et ne sont pas simples
à intégrer aux villes ou villages. La cible est fixée pour les années 2030 ou 2040, mais nous devons
procéder étape par étape.

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Nous travaillons sur des appareils électriques, mais pas avec des batteries, car ces dernières ne sont
pas climate friendly. L’intégration de ces systèmes dans l’espace aérien est également un défi. Le
transport multimodal est un enjeu important également. Il s’agit de développer les véhicules et les
systèmes, mais également travailler sur les sensors pour mettre en place des systèmes anticollision,
disposer d’outils de surveillance et instaurer des contre-mesures, pour prendre en compte le risque
de l’approche d’un drone.
Dans le domaine de l’air traffic management, nous travaillons à intégrer ces systèmes au quotidien,
en prenant en compte l’acceptabilité sociale et en nous penchant sur l’interface homme-machine.
Nous possédons un institut dédié à l’aerospace medicine, avec des psychologues qui s’occupent
de cette question de l’acceptabilité. Je ne suis pas certain que le vol sans pilote soit encore
largement accepté, même si les gens s’y sont habitués dans le métro.
Il existe beaucoup de possibilités : un avion peut être optionnally piloted, avec un pilote qui décide
ou non de prendre les commandes, en fonction des circonstances, ou remotely piloted. La
technologie existe, mais il faut se poser la question de l’intérêt de tels systèmes.
Ce n’est pas seulement l’avion ou le drone qui doivent être automatisés pour être efficaces, mais le
système dans son ensemble (automatic loading, automatic unloading).
Nous travaillons également sur des high altitude platforms, qui voleront entre 11 et 18 kilomètres
d’altitude pendant trois mois. Un tel système suppose cependant de disposer d’une connexion très
sécurisée ; ces plateformes redescendront à 9 kilomètres pendant la nuit, pour des raisons d’énergie,
ce qui nécessite un travail avec l’écosystème de l’aviation civile.

Il existe de manière générale de nombreuses possibilités, mais également de nombreuses questions


sur l’aide apportée par ces nouveaux systèmes.
La recherche européenne se penche en ce moment sur l’urban airspace integration ; il est
nécessaire de mettre en place un espace aérien unique. Un même contrôleur aérien peut s’occuper
aujourd’hui de dix avions différents et les faire décoller ou atterrir les uns à la suite des autres ; cela
ne suffit plus lorsqu’il existe des milliers de drones. Il s’agit d’une approche nouvelle, qui doit intégrer
les nouveaux systèmes à l’infrastructure existante.

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Les systèmes de manned-unmanned teaming, avec un avion piloté entouré de plusieurs drones,
intéressent au premier chef les militaires. Il s’agit de développer des systèmes de communication
anticollision et le teaming/swarming.

Dassault a présenté la manière de tester ces systèmes. Il existe en Europe des aéroports dans lesquels
ils peuvent être réalisés ; en Allemagne, un nouveau centre national permet de tester les drones, en
lien avec l’EASA, y compris des systèmes d’airtaxi et des systèmes militaires permettant de diriger des
drones inconnus. Des cyberattaques peuvent être simulées : on utilise un drone pour attaquer les
systèmes logiciels de l’aéroport, ce que l’on ne pourrait bien évidemment pas réaliser dans un
aéroport civil. Des mesures de bruit sont également menées à bien.

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Ces travaux se poursuivront encore des années, pour que nous puissions déterminer ce dont nous
aurons besoin dans le futur. Il reste de manière générale beaucoup de recherche à réaliser, au sein
d’instituts comme le DLR en Allemagne ou l’ONERA en France. La recherche européenne coopère
bien sur ces sujets, en particulier sur les autonomous aircraft systems ou l’air mobility, et sur ce que
sont les étapes à suivre pour éviter les mécontentements vis-à-vis de l’utilisation des résultats de la
recherche. Le chemin est encore long.

Le transport maritime automatisé et connecté

Christophe Tytgat
Secrétaire général de SEA Europe, association des constructeurs de navires et des fournisseurs
d’équipement maritime

Je remercie les organisateurs de la conférence de leur invitation à partager notre opinion sur un sujet
brûlant de l’OMI et au niveau européen : les navires automatisés, connectés et autonomes.
Nous devons tout d’abord nous assurer que nous comprenons bien de la même manière le concept
de « navigation autonome ». Le Santa-Maria, avec lequel Christophe Colomb a traversé pour la
première fois l’Atlantique, était un navire entièrement autonome, car son équipage n’avait aucun
contact avec la terre durant la traversée. Évidemment, la navigation automatisée et connectée
offre une autonomie d’une autre nature.

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Évoluer vers une meilleure connexion permettra au transport maritime de devenir une part intégrante
du système de mobilité interconnecté et de la chaîne logistique. Ces évolutions visent
principalement à améliorer la communication des navires, avec la terre et entre eux, de manière à
faciliter la planification et à fluidifier les flux logistiques. Parallèlement, automatiser et connecter les
opérations de navigation renforcera la sécurité et l’efficacité des bateaux. En outre, les données
collectées par les capteurs à bord permettront de réduire l’empreinte environnementale du navire.
Développer la navigation connectée, automatisée, et autonomisée est l’une des priorités de la
Waterborne Technology Plateform (Plateforme des technologies flottantes). Cette plateforme est
l’interface entre les acteurs européens du secteur des technologies maritimes et les institutions
européennes, en particulier la Commission. Son Programme Stratégique de Recherche a été publié
début 2019. Il s’ouvre sur la citation suivante : « Parvenir à la navigation entièrement autonome
impliquera un développement progressif, principalement en termes d’instrumentation et
d’intégration, en tenant compte des trois axes parallèles que sont la connectivité, la sécurité, et
l’intégration. »
SEA Europe est basée à Bruxelles. L’Association représente les intérêts des chantiers navals et de
l’industrie de l’équipement maritime. Elle est donc la voix du secteur de la technologie maritime
auprès des institutions européennes. SEA Europe est également très impliquée auprès de
l’Organisation Maritime Internationale à Londres, par le biais de son entité sœur, la CESA, qui y
possède le statut d’observatrice. Notre association est ainsi en mesure de jouer un rôle important, en
tant qu’observatrice, mais aussi en contribuant aux débats, sur des sujets comme celui que nous
abordons aujourd’hui.

Le Programme Stratégique de Recherche de la Waterborne Technology Plateform définit un


parcours vers ce que nous qualifions de « haut degré d’automatisation et d’autonomie ». L’objectif
de la Plateforme est double. Elle entend atteindre un haut degré de connectivité et
d’automatisation d’ici 2030, tout en améliorant les opérations contrôlées à distance. À l’horizon 2050,
la Plateforme ambitionne l’intégration complète des systèmes et standards de données. En tant que
plateforme de recherche, de développement et d’innovation, elle espère convaincre Bruxelles
d’accorder davantage de subventions européennes à ses activités, en vue de réaliser ses objectifs.

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Le Programme Stratégique de Recherche définit les axes de développement techniques qui
permettront d’atteindre ses ambitions. D’ici 2020 à 2025, il entend travailler sur l’instrumentation, les
capteurs. Les données ainsi collectées amélioreront la compréhension et la connaissance de la
situation du navire en temps réel, et donc son efficacité, réduisant en conséquence son empreinte
environnementale.
À l’horizon 2030, il conviendra de développer l’intégration à deux niveaux : la gestion des données
d’une part, et les plateformes et leur management d’autre part. Cet objectif à moyen terme vise à
optimiser la performance des navires, et ses interactions avec l’extérieur. La standardisation sera une
dimension majeure de cet effort.
Enfin, le Programme espère pour 2050 avoir pleinement intégrer le navire à son écosystème et à la
chaîne logistique, grâce à une interaction constante avec la terre. Elle permettra d’ajuster la
planification à l’évolution des réalités opérationnelles. Le rôle de l’équipage restera primordial de ce
point de vue.

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Développer des navires autonomes implique cependant de déterminer le niveau de risque que nous
acceptons. Aussi, parallèlement aux axes de développement précédemment décrits, nous devrons
définir tous les scénarios nous permettant d’améliorer la sécurité des bateaux, et d’identifier voire de
contrôler les éventuelles menaces. Plus les navires seront autonomes, connectés et automatisés, plus
la cybermenace sera dangereuse. La cyberattaque dont Maersk a été victime quelques années
auparavant a démontré la sévérité des dégâts d’une telle agression. Il convient donc de prévenir
ce risque par tous les moyens. Il s’agit d’un axe essentiel du développement de la navigation
connectée, automatisée et autonome.

De plus, nous ne pouvons pas améliorer la connectivité, l’automatisation et en conséquence


l’autonomie des navires sans tenir compte du contexte et des limites actuels. Aucune des
conventions de l’OMI n’envisage pour l’instant la possibilité de navires complètement autonomes.
Aussi, SEA Europe étudie tous les instruments de l’OMI susceptibles d’être adaptés pour améliorer la
connectivité, l’automatisation et l’autonomie de la navigation. Peut-être une nouvelle convention
serait-elle préférable. Néanmoins, son élaboration et son adoption demanderaient beaucoup de
temps. Plusieurs scénarios sont ainsi envisagés, de l’autonomie limitée à l’autonomie intégrale, en
passant pour tous les degrés intermédiaires. Ils projettent la sécurité de l’environnement du navire, la
nécessité d’une présence humaine et son rôle, ou encore le niveau de technologie requis pour
chaque possibilité.

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Des discussions sont aussi en cours à l’échelle européenne. La Commission est consciente qu’une
certaine avance technologique, en termes d’automatisation, de connectivité et d’autonomie,
offrirait des opportunités intéressantes pour les chantiers navals et l’industrie maritime européens, et
plus largement pour l’intégralité de la chaîne logistique. Ces évolutions amélioreraient en effet la
compétitivité de l’ensemble du secteur. Toutefois, des navires plus autonomes seront probablement
plus proches des côtes, au moins dans un premier temps. La Commission européenne a en tout cas
demandé à l’industrie d’étudier dans quelle mesure la législation existante présente des obstacles
au développement de la connectivité, de l’automatisation et de l’autonomie, et quelles dispositions
le favoriseraient.
Il convient de soigneusement définir ce que nous entendons par « connectivité », « automatisation »,
et surtout « autonomie ». S’agit-il d’un navire opérant de manière complètement autonome avec un
équipage à son bord, ou d’un navire sans équipage complètement autonome, ou encore d’un
navire sans équipage dirigé depuis la côte ? La « navigation autonome » recouvre ces trois possibilités.
Or, tous les acteurs du secteur ne partagent pas exactement les mêmes intérêts dans ce domaine.
Selon qu’un équipage est conservé ou non, le rôle du propriétaire du navire ne sera pas le même. Si
la navigation sans équipage est développée, quel sera alors la fonction de l’humain ? Il en
conservera probablement une, mais depuis la terre. Néanmoins, les organisations syndicales
représentatives des marins risquent de s’en inquiéter. Si nous voulons encourager les
développements technologiques nécessaires, et faire évoluer les régulations de manière à faciliter
la navigation autonome, nous ne devons négliger aucun des nombreux aspects qui s’en trouveront
impactés.
En conclusion, le sujet de la navigation connectée, automatisée et autonome soulève un grand
nombre de questions, auxquelles il conviendra de répondre, par exemple :
• Comment le système sera-t-il interconnecté ?
• Comment prévenir et contrôler les cybermenaces ?
• Comment assurer le respect de la propriété intellectuelle ?
• Quel sera le rôle de l’humain à l’avenir ?
Cette présentation vous résumait la position de notre organisation sur le sujet. Certains chantiers
navals sont très actifs sur la question. Ils ont récemment lancé un projet « Code Kilo », qui alimente les
discussions sur la connectivité, l’automatisation, et l’autonomie des navires. Un certain nombre
d’industriels de l’équipement maritime sont aussi très attachés au sujet, chacun avec leur regard
spécifique. C’est la raison pour laquelle, nous devons précisément définir ce que nous entendons
par « autonomie », de manière à nous assurer que nous discutons bien de la même chose. Il s’agit
déjà d’un premier défi en soi.

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TABLE RONDE 1. LES ATTENTES DES EXPLOITANTS FACE A L’OFFRE
DES CONSTRUCTEURS.

Modérateur : Michel Polacco,


Académie de l’air et de l’espace, pilote, consultant aéronautique-espace-défense, journaliste

Bonjour à tous, bonjour à toutes, nous allons vivre ensemble une vraie table ronde maintenant, c’est-
à-dire que nos invités ne vont pas faire des exposés successifs : on va essayer de créer une
conversation et de se donner un petit peu de temps ensuite pour que vous puissiez faire quelques
observations ou poser une question ou faire une observation à un de nos participants.
Notre sujet, ce sont les aéronefs et les navires sans équipage, le sujet est de plus en plus d’actualité
car ça fait une quinzaine d’années qu’émergent des drones dans notre environnement, des drones
qui ont des fonctions très diverses.
En dehors de l’aéromodélisme, pendant longtemps les rares appareils pilotés à distance, qu’on peut
donc appeler des drones, étaient des engins cibles, c’était quelques avions dronisés pour les essais
nucléaires ou pour des choses comme ça, mais depuis le début des années 2000 on a découvert
que, avec les technologies, les processeurs, les systèmes numériques nouveaux et modernes, on était
capable de programmer et piloter des appareils terrestres, marins, sous-marins, aériens, de toute
petite ou de moyenne ou de très grande taille d’une manière absolument extraordinaire.,
Alors ça a donné l’idée de réduire les membres d’équipage technique des avions, mais en parallèle
aussi de réduire les personnels dans les centres de contrôles.
Chez les armateurs, on parle aussi de la réduction des équipages de conduite, alors toute la question,
c’est : d’où part-on et où veut-on aller ? Est-ce que par exemple dans l’aérien ça représente
véritablement un intérêt de descendre en dessous de deux membres d’équipage de conduite ?
Alors je vais poser la question d’abord au patron de French Bee et d’Air Caraïbes qui est Marc Rochet,
un routier du transport aérien qui depuis quelques décennies a dirigé des compagnies aériennes
avec beaucoup de talent. Est-ce que ça représente véritablement un intérêt d’aller vers
l’autonomie ou est-ce qu’il faut s’en tenir à l’automatisation ?

Les attentes d’une compagnie aérienne

Marc Rochet
Président, French Bee

Je représente deux compagnies aériennes françaises de taille moyenne, Air Caraïbes et French Bee,
c’est aujourd’hui une quinzaine de gros porteurs, donc c’est quand même un peu plus gros qu’UTA
pour donner un point de repère, ça gagne de l’argent et ce sont des sujets évidemment de réflexion,
pas des sujets internes très développés, je vais expliquer pourquoi, mais ce sont des sujets bien
entendu dont on ne peut pas s’affranchir.
Je donne évidemment des points de vue subjectifs, qui sont les miens, qui sont ceux de mes
compagnies, qui ne sont pas forcément ceux de l’industrie, mais je mettrais en exergue deux points.
À la base sur des avions modernes type A330 ou A350 pour notre cas, on n’est pas vraiment
demandeurs d’une réduction des équipages à bord, on n’est pas vraiment demandeurs d’un avion
piloté avec un seul pilote voire dans quelques décennies sans pilote. Ce n’est pas quelque chose
qu’on a considéré comme stratégique, c’est le premier point.
Deuxième point, il y a deux réalités cependant auxquelles nous sommes amenés à faire face qui font
que nous nous sentons obligés de réfléchir à ces sujets de très près. Dans ces deux réalités, y en a
une que nous vivons et je dois dire qu’on ne vit pas très bien, c’est la complexification permanente
des règles, des usages, des pratiques humaines et des pratiques sociales qui font que ces métiers qui
sont des métiers d’engagement, des métiers de passion, qui doivent bien entendu intégrer comme

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élément absolument incontournable de toute réflexion la sécurité des vols, des personnels et de nos
passagers voient tous les jours des couches et des couches de règles s’accumuler les unes sur les
autres.
Je vais en citer une particulière qui nous froisse beaucoup. Vous le savez après beaucoup de
réflexions, beaucoup d’études, beaucoup de consultations — ça a mis plus de quatre ans —,
l’Europe à travers l’AESA est arrivée à une réflexion, votée à l’unanimité des États membres, sur les
normes d’engagement des équipages qui s’appellent les FTL (Flight time limitations).
Les FTL, ont à peine dix ans. A côté de ça, on garde un code de l’aviation civile qui remonte avant
les années 50 et on applique les deux. Ce sont des choses que nous vivons très mal parce que ça
remet en cause la faculté d’adaptation, la faculté qu’ont une entreprise, ses hommes, ses managers,
ses pilotes et ses hôtesses et stewarts à s’adapter au monde moderne.
Cette réglementation concerne le temps de vol, quand peut-on engager un équipage, selon quels
critères de durée de vol, selon quels critères de repos, selon des principes que j’ai mis en opposition
avec le code de l’aviation civile défendu en France. Pour faire simple, dans les FTL, on définit
comment un équipage doit être reposé et en forme pour effectuer une mission avec une certaine
durée, certaines heures de vol, de jour, de nuit à quelle heure vous décollez, à quelle heure vous
allez arriver. Dans le code de l’aviation civile qui est une tradition largement issue du maritime, c’est
l’inverse c’est-à-dire qu’on considère qu’un équipage qui a fait une mission doit se reposer et on
protège le temps de repos. Il est évident que quand vous additionnez les deux vous arrivez à une
complexité absolument impossible à gérer de façon rationnelle.
Donc premier sujet qui nous amène à devoir repenser notre façon de travailler. On complexifie les
choses, on les modernise assez peu et au contraire on rajoute des couches quelque part pour se
faire du bien.
Deuxième sujet important, alors là on touche à l’humain, on touche à la culture d’un pays et un
certain refus de faire face à la réalité et de d’évoluer. Je m’entends bien avec nos pilotes, on a eu
des moments où on s’est un peu « fritté » selon l’expression populaire, mais c’est grâce à eux, grâce
à tous les personnels qu’on a développé Air Caraïbes et French Bee pour en faire les entreprises
qu’elles sont aujourd’hui. Donc je les en remercie, mais ce que je leur demande en plus c’est de ne
pas être dans le déni. Et le déni c’est que, que dans un ordinateur, dans un cockpit on peut mettre
de plus en plus d’équipements modernes de plus en plus sûrs à condition bien sûr de faire la
formation, la compréhension de tous ces systèmes et ça a un impact sur la fatigue du vol, ça a un
impact sur la façon de travailler, ça a un impact sur la façon de voler, ça a un impact sur la façon
de se reposer et là on tombe sur un déni : non, il ne faut pas toucher à ce qui existe, les avantages
acquis et tout ça.
Donc quand vous conjuguez les deux, c’est-à-dire une complexification des règlements, en fait une
addition parce qu’on ne sait pas moderniser les règlements et un déni des populations, vous arrivez
forcément au troisième point qui est que, même si ce n’était pas un sujet qui vous agitait beaucoup,
vous vous dites effectivement, pourquoi pas, si demain Airbus, Boeing ou Thales viennent me voir
avec des solutions qui permettent de réduire le nombre d’équipages, je vais quand même regarder
et, oui, on regarde et on ne regarde pas dans un objectif économique.
Je prends notre cas et je le dis ici publiquement, je ne cherche pas l’objectif économique, je cherche
la performance humaine, je cherche la simplification et je vais terminer sur un dernier exemple. Vous
savez par exemple que sur les vols longs courriers il y a beaucoup de vols qui se font à trois : un
commandant de bord, deux copilotes, voire quatre, mais nous on ne le fait pas. Il y a eu un moment
où on disait qu’un commandant de bord et deux copilotes c’était très bien parce qu’on considérait
qu’un copilote c’est un pilote avant tout, c’est un pilote qualifié, entraîné lâché sur la machine donc
capable de faire voler l’avion même si son collègue commandant de bord a un moment
d’indisposition ou autre. Et puis on s’est dit que quand le commandant de bord se repose ce sont
deux co-pilotes qui restent dans le cockpit donc pour des raisons de sécurité on va créer les OPG,
c’est-à-dire les officiers pilotes renforcés suppléants du commandant de bord en quelque sorte, qui
peuvent prendre les commandes « tout seuls » et donc moi je me retrouve aujourd’hui à gérer non
pas des commandants de bord et des copilotes, je me trouve à gérer des commandants de bord,
des OPG et des copilotes. Ça c’est insupportable parce que ça complexifie les plannings, ça

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complexifie le dialogue dans la maison, ça complexifie les procédures, ça complexifie tout. Je ne
cherche pas forcément encore une fois à réduire ou à faire des gains, mais si quelqu’un vient me
proposer des solutions plus simples parce que la machine va les imposer ou va faire que ça sera plus
facile à gérer que des hommes, eh bien oui ça arrivera à cette profession. Ce que je dis aujourd’hui
aux pilotes, et il y en a sans doute dans la salle, vous avez un très beau métier, un métier de passion
vous l’avez tous fait par passion d’ailleurs, protégez-le, changez le monde, mais participez à ce
changement et regardez la vérité en face.

L’offre pour l’aviation d’affaires

Bruno Stoufflet
Académie de l’air et de l’espace, vice-président recherche et développement, Dassault Aviation

Comme vous savez, Dassault Aviation est une société duale et sur ces questions d’automatisation,
d’introduction d’intelligence artificielle, on essaie de jouer à fond la carte de la dualité parce que
ce qui se passe du côté militaire et du côté civil ne va pas à la même vitesse.
Parce que quand on parle d’automatisation, d’introduction d’intelligence artificielle, on fait face
quand même à des défis vraiment lourds. Notamment tout ça doit se faire, en tout cas quand on
parle du civil, avec la conviction et la démonstration que ce qu’on apporte augmente la sécurité.
Dans le militaire on est dans un monde un peu plus favorable parce que la question de la
performance opérationnelle est primordiale, car ça doit vraiment surpasser tous les autres critères
même si bien sûr on a des coûts de développement à maîtriser. Et là il y a la conviction des
opérationnels, des constructeurs et de tout l’écosystème que l’automatisation et l’intelligence
artificielle apportent des solutions. Il suffit de penser aujourd’hui à la complexité d’une mission
militaire où on fait face à des hostiles en nombre. Si vous avez un système qui vous dit c’est cet hostile-
là qui est prioritaire, c’est celui qui est le plus dangereux, je pense que c’est quand même intéressant
et que le responsable de la mission, s’il a confiance bien sûr dans le système, va trouver que c’est un
apport assez important pour la réussite de la mission. 95 % du système peut déjà être opéré par un
seul pilote, mais il y a quelques cas où aujourd’hui on conçoit pour deux pilotes même en croisière.
En cas de feu cabine, il faut qu’un des pilotes puisse aller l’éteindre pendant que l’autre reste aux
commandes. Voilà donc le genre de choses qui est déjà une étape compliquée et sur laquelle on
s’engage pour un certain horizon, pour laquelle on a beaucoup de discussions avec Airbus parce
qu’il faut travailler avec les autorités pour développer ce concept. Donc ça c’est une étape dont
l’intérêt est de permettre aux pilotes d’avoir des temps de vols augmentés par rapport aux limitations
que vous avez mentionné et donc d’éviter un troisième membre d’équipage à bord. On voit tout
de suite la valeur économique pour les clients de ne plus avoir besoin d’un équipage à trois, mais
d’un équipage à deux pour les temps de vol les plus longs. Là il y a une valeur qui a tout de suite
convaincu, en plus qui évite la zone de repos du troisième membre d’équipage qui dans un avion
d’affaires prend de la place, donc il y a beaucoup d’intérêts d’aménagement et de coûts
d’opération. Donc ça c’est la prochaine étape. Maintenant aller plus loin c’est l’inconnu d’autant
plus qu’un avion d’affaires comme vous savez, opère partout dans n’importe quelle zone du monde
avec des clients qui ont un avion ou deux donc ce ne sont pas des compagnies aériennes, ils n’ont
pas des centres d’opération. C’est à dire qu’on ne peut pas imaginer d’avoir des assistances au sol
et ces fonctions doivent être gérées par l’équipage.
Donc, pour l’instant, on travaille sur l’étape « single pilot in cruise » qui est déjà un beau challenge.

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L’offre pour les avions de transport

Pascal Traverse
General manager Autonomy thrust, Airbus

Nous on a pris la décision d’étudier un cockpit complètement nouveau en partant d’une feuille
blanche avec donc le cockpit, l’avionique, les commandes de vol, avec le principe de donner du
temps au pilote de réagir, d’analyser la situation, qu’il n’ait pas à se jeter sur le manche ou sur je ne
sais quoi, qu’il ait le temps à la fois en fonctionnement relativement normal, mais aussi en temps de
crise, qu’il ait les informations qui sont nécessaires et aussi l’objectif de réduire sa charge de travail
en fonctionnement normal, mais surtout en temps de crise.
Voilà donc les axes majeurs de votre nouveau cockpit. On veut absolument augmenter la sécurité
par ce biais en laissant le temps aux pilotes d’analyser la situation, on veut garder un pilote parce
qu’on pense que nous sommes meilleurs que la machine pour analyser une situation ou prendre des
décisions. Il y a eu un exposé sur l’intelligence artificielle, on aurait pu rajouter que selon certains
auteurs c’est en 2045 que la machine sera plus forte que l’humain donc, en attendant, on va
compter sur l’humain.
Par ailleurs les compagnies aériennes souhaitent que nous travaillions sur le sujet d’avoir un seul pilote
dans l’avion. Là-dessus, l’argument de Boeing est qu’une pénurie de pilotes se fait jour, on a nous-
mêmes des compagnies aériennes qui nous demandent de fournir l’avion, mais aussi les pilotes avec,
parce que le marché subit une telle expansion que le nombre de pilotes doit augmenter très
largement : donc on ne va pas créer du chômage.
Donc effectivement, si on envisage un seul pilote pour certaines missions, les missions cargo
paraissent être une cible première, peut-être également les missions courtes, il y a peut-être des
conditions pour que ça puisse se faire, qu’il n’y ait pas à basculer entre deux ou trois centres de
contrôle aérien.

Les attentes d’un opérateur maritime

Antoine Person
Secrétaire général, Louis Dreyfus armateurs

Michel Polacco
Alors on va passer à la Marine, avec Antoine Person. Vous êtes le secrétaire général de Louis Dreyfus
Armateurs et donc à ce titre évidemment vous exploitez des navires dans un univers qui est
beaucoup moins réglementé j’imagine que celui de l’aéronautique civile.

Antoine Person
C’est juste une impression, la réalité est qu’il est beaucoup moins standardisé.

Michel Polacco
Sur un paquebot de croisière, on a quasiment 2000 membres d’équipage donc en supprimer deux,
est-ce que ça présente un intérêt ? Je vous donne la parole pour que vous essayiez de faire la
transition entre le monde de l’aéronautique et le monde de la marine.

Antoine Person
On va prendre le large, mais on ne va pas parler des paquebots parce que c’est vraiment une
microniche du shipping mondial. Juste pour illustrer le shipping dans le monde, la moitié des navires
sont des vraquiers, navires qui transportent des marchandises en vrac solide, le tiers sont des vracs
liquides, et si on ajoute les porte-conteneurs vous avez atteint à peu près les quatre cinquièmes.
Donc on va se focaliser là-dessus.

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Je voudrais commencer par un tout petit aparté parce que souvent quand on parle de la marine
on a tendance à tout mettre dans le même sac, alors qu’en réalité il y a trois business model
principaux de services et de transport et qui ont tous des logiques vraiment différentes.
Les deux premiers se ressemblent un petit peu, mais par rapport au troisième ils sont complètement
différents : le premier historiquement c’est le tramping, le trafic à la demande : on va d’un point A à
un point B, le point B n’est pas forcément connu au moment du départ, ça c’est tout ce qui
concerne le vrac liquide, on est déjà à plus de la moitié de la flotte mondiale. Après vous avez les
lignes régulières qui elles évidemment connaissent leur point d’origine et de destination. En
permanence ils vont aller d’un point A à un point B et revenir systématiquement entre les mêmes
points. Il y a enfin les navires de services maritimes qui, je caricature un peu, sont des plateformes de
travaux publics lorsque les deux autres activités sont des activités de transport. Donc ça n’a vraiment
rien à voir et pour illustrer notre propos on nous dit souvent qu’il faut économiser parce que vous allez
faire des économies d’équipage.
Si vous regardez les coûts d’exploitation d’un navire, sur un vraquier ou pétrolier, c’est pareil, les
coûts d’équipage c’est 5 % ; sur un navire roulier donc un navire de ligne régulière les coûts
d’équipage vont tourner autour de 10 % et sur un navire de service les coûts d’équipage vont être
entre 20 et 25 % parce que ce sont des navires à très haute technologie embarquée où les membres
d’équipage ont des formations beaucoup plus importantes, des certifications, etc. ce sont des gens
qui sont capables de poser des colis de 700 tonnes à 120 mètres de haut pour fabriquer une éolienne
alors que le bateau bouge : donc ce sont des technologies qui n’ont rien à voir.
À partir de là, est ce que finalement la réduction des équipages est le vrai driver de l’autonomisation
des navires, nous ne sommes pas du tout convaincus pour une bonne raison que les navires avaient
beaucoup réduit les équipages et qu’aujourd’hui on est rendu à une vingtaine, entre 20 et 25, selon
les navires.
Vraiment j’exclus les paquebots où on va avoir des membres d’équipage qui sont liés à l’hôtellerie
ou à des choses comme ça. Je voulais préciser qu’il se trouve que Louis Dreyfus Armateurs est présent
sur ces trois business model donc sans rentrer dans les détails, il se trouve que nous avons des
vraquiers, que nous avons des rouliers, justement nous transportons les éléments de l’Airbus et nous
avons des navires de service puisque nous nous développons dans l’éolien offshore, et nous avons
l’une des plus grandes de flotte de câbliers au monde avec ASN. Donc nous connaissons bien ces
trois business model et c’est pour ça que je faisais cet aparté.
Donc pour revenir aux équipages, finalement on pourrait se dire : s’il y a eu une volonté farouche de
réduire le nombre de membres d’équipage à bord des navires, pourquoi est-ce qu’on est toujours à
20 ou 25 fondamentalement alors que sur un gros navire y compris les plus gros on peut parfaitement
conduire le bateau avec pas plus de sept membres d’équipage. Que font tous les autres ? : les
autres, ils entretiennent le bateau et ça c’est une question absolument fondamentale sur tous les
business models de transport maritime, le navire doit naviguer le plus souvent possible, on doit rester
à quai le moins longtemps possible. Donc, si vous autonomisez complètement le navire, il n’y a plus
personne à bord et vous empêchez l’entretien du navire pendant la traversée.
Vous allez donc devoir en arrivant au port vous occuper de tout ce qui n’a pas fonctionné pendant
la traversée, des pannes etc. et cet entretien va vous coûter beaucoup plus cher que l’entretien en
temps masqué. Donc aujourd’hui, quand on pense autonomie, on ne pense pas du tout
« unmanned ». De plus, les marins se diront que, si les navires sont non armés, les sauvetages
deviendront quand même beaucoup plus difficiles alors que la solidarité en mer n’est pas un vain
mot et le fait de n’avoir personne à bord serait assez catastrophique de ce point de vue-là.
Donc chez Louis Dreyfus Armateurs, on travaille sur l’autonomisation de la conduite du navire et on
ne peut pas vous dire à quelle échéance on va déboucher parce qu’on est encore vraiment dans
les balbutiements. On travaille avec une entreprise de Français qui se sont établis aux États unis sur
tous les éléments de ce qu’on appelle aujourd’hui la passerelle augmentée. Quand on voit que
deux bateaux peuvent se rentrer dedans par temps calme, ça fait réfléchir : il y a des choses à faire
et elles sont en cours de développement, mais le navire non armé, nous n’y croyons pas du tout.

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L’offre pour les navires

M. Olivier Doucy
Président de SIREHNA, filiale de Naval group

Michel Polacco:
Merci beaucoup, je me tourne vers Olivier Doucy. Vous travaillez pour une filiale de Naval Group qui
s’appelle Sirenha sur les automatismes de conduite, vous allez nous dire dans quelle mesure ces
automatismes sont faits pour aller vers l’autonomie ou pour suppléer, aider et conforter les équipages.

Olivier Doucy
Je représente Sirenha, qui est une PME technologique désormais au sein de Naval Group qui est un
acteur majeur du naval de Défense avec deux points de vue. Effectivement le point de vue de la
PME technologique qui s’adresse vers le Naval de Défense, mais aussi vers les armateurs civils et là
on se rejoint sur le fait qu’il y a tout un sujet sur la meilleure autonomisation des navires notamment
dans la conduite qui fait apparaître le besoin de deux briques technologiques d’équipements qui
vont aider dans un premier temps à la sécurité et puis éventuellement la réduction des équipages.
C’est là-dessus que Sirenha travaille et dans le domaine civil c’est une première étape d’autant plus
que, en termes de maturité ou de niveau réglementaire, on en est vraiment aux balbutiements. C’est
à dire que, par rapport à l’introduction de Madame Idrac, dans le domaine maritime on sait qu’on
a des règlements qui ont parfois plusieurs siècles qui ne sont pas du tout pensés pour le sujet navire
autonome et donc le navire autonome, c’est peut-être bien plus loin que dans 15 ans.
Côté naval de Défense, le sujet de l’exposition et de la réduction des équipages est vraiment un
sujet important à la fois parce qu’il y a une pression forte sur les budgets et les ressources humaines
de la marine. Là également on est dans une phase où la conduite du navire peut bénéficier de
technologies duales pour lesquelles il y a un aspirateur important du côté civil. Mais dans le côté
Défense il y a un enjeu plus fort encore qui est d’arriver à construire une situation tactique multi milieu
autour du navire éventuellement partagée entre plusieurs navires ou avec des aéronefs qui soit
parfaitement fiable, mais qui fasse appel de moins en moins à l’humain ou à un humain qui va être
aidé pour classifier ce qu’est cet écho radar et cette image vidéo, est que c’est le même point, est
ce que c’est une menace, est-ce que c’est simplement un acteur civil qui passe par là ?

Évidemment dans le milieu militaire, on est déjà dans le domaine du drone qui est appelé à devenir
de plus en plus autonome. Aujourd’hui téléopéré, il va probablement devenir supervisé, alors pour

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ça on aura besoin évidemment de communications très fiables et puis il va il va probablement grossir
et prendre de plus en plus d’autonomie : avec une limite quand même qui aujourd’hui sont les
doctrines d’emploi et puis la nécessité d’avoir un humain qui prend la décision quand il s’agit de
mettre en œuvre des armes.
La grosse différence par rapport à l’avion c’est la durée de la mission, on va passer quand même
parfois plusieurs mois en mer et il y a un gros sujet sur la maintenance en cours de voyage. Là
finalement c’est l’intégration de la robotique à bord : comment est-ce que je peux faire des
interventions, réparer y compris avec des systèmes robotiques qui vont donner de l’autonomie à
l’équipage et avoir de nouveaux systèmes ?

Michel Polacco
Merci beaucoup, il ne nous reste pas tout à fait une demi-heure. Donc là, à vous entendre tous
finalement, il n’y a pas une pression considérable pour supprimer les hommes à bord, sinon peut-être
à bord des navires militaires qui sont qui sont très contraints par les moyens financiers et en personnel.

Olivier Doucy
Et aussi par les risques l’exposition des personnels.

Michel Polacco
Bien sûr évidemment, les équipages civils sont quand même beaucoup moins exposés. Est-ce que
vous considérez que la diminution des membres d’équipage permettra quand même de garantir le
niveau de sécurité qui est exigé dans l’aéronautique. Sachant que si pilote tout seul est malade, il y
a zéro pilote donc en fait un avion « single pilot » c’est un avion zéro pilote +1. Qu’est-ce que vous
pouvez en dire ?

Pascal Traverse
Le but est de continuer à augmenter la sécurité aérienne et si on regarde les automatismes entre les
différentes générations d’avions, l’on constate que de la troisième à la quatrième génération qui a
introduit les commandes de vol électriques et les protections du domaine de vol, le taux d’accident
est nettement inférieur. Si on essaye de comprendre pourquoi, on se rend compte que c’est
justement sur des points qui concernent les protections du domaine de vol. Donc, s’il n’y a plus qu’un
seul pilote à bord pour certaines missions, il faut couvrir le cas où ce pilote est en incapacité et donc
il faudra que les systèmes se débrouillent pour rentrer à la maison proprement. Ça ne paraît pas
insurmontable.

Michel Polacco
Vous êtes dans une logique d’avion pilotable depuis le sol ou bien dont la reprise en main pourrait
se faire depuis le sol ?

Pascal Traverse
Non, car il y a le risque qu’il soit « hacké ». Charger un plan de vol depuis le sol c’est déjà quelque
chose qui peut s’envisager, mais pas des ordres au pilote automatique, c’est trop fin. Ça veut dire
qu’il faut un pilote automatique qui soit aussi fiable que les commandes de vol électriques, je pense
qu’on peut y arriver. Il faut un système de gestion de missions qui soit à peu près au même niveau,
là c’est un peu plus compliqué parce que mon système gestion de mission, le FMS (Flight
management system) est assez compliqué. Ça signifie qu’il faut certainement un deuxième FMS
beaucoup plus simple qui permet de rentrer à la maison. C’est une technique classique en
aéronautique d’avoir un système primaire assez élaboré et puis d’avoir un système back up
secondaire beaucoup plus robuste, beaucoup plus simple pour lequel les techniques existent. Je ne
dis pas qu’on va signer de suite, il faut d’abord qu’on se convainque que ce que l’on fera est sûr et
continue à améliorer la sécurité, ensuite il faudra convaincre les agences de sécurité, l’EASA, la FAA
qui sont un peu sensibles dès qu’on parle automatisation puis nos clients, les pilotes et puis vous tous.

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Michel Polacco:
Alors justement est-ce que vous pensez que les passagers seront prêts un jour à monter dans ces
avions pilotés uniquement par des machines sans opérateur à bord ou un opérateur qui est en train
de se reposer à l’arrière en attendant une alarme ?

Pascal Traverse
Nous nous cantonnons à avoir au mieux ou au pire un seul pilote actif dans le cockpit qui ait des
choses à faire pour qu’il reste impliqué dans la conduite du vol ! Après, les passagers, je ne sais pas
jusqu’où on ira, mais sur des vols court-courriers avoir un seul pilote du début à la fin, c’est
envisageable donc ça veut dire des redondances dans les systèmes comme mentionné plus haut,
il faut que les systèmes se gèrent tous seuls en cas de panne système, c’est du domaine de
l’envisageable. Après il faut avoir la confiance, nous, mais aussi le public, il faudra lui expliquer en
étant très transparent sur ce qu’on fait. A priori je crois à l’intelligence humaine !

Michel Polacco
Si on parlait un peu des avions militaires

Bruno Stoufflet
Il faut avoir en tête que dans les avions d’affaires, les pilotes font autre chose que de piloter. Ils
préparent souvent l’arrivée du VIP au point de destination ou lui réservent un taxi. Ils font les
opérations de toute une séquence de vols car souvent un avion d’affaires ne fait pas juste un aller-
retour, donc les pilotes vont faire plusieurs vols dans la mission et ils font plein d’autres choses que
piloter, comme jouer aussi le rôle de de l’hôtesse. Donc je pense que ce sera difficile de réduire au-
delà de deux membres d’équipage.

Michel Polacco
Dans l’univers militaire, on a cru il y a quelques années qu’on allait passer directement de l’avion
piloté de combat vers le drone, vers le Neuron puis finalement on voit que dans le projet franco-
britannique devenu franco-allemand de futur système de combat il y a un successeur au Rafale et
il y a un drone de combat et puis il y a d’ailleurs aussi un drone tactique donc en fait on n’a pas
prévu de supprimer complètement le chasseur.

Bruno Stoufflet
En fait ce qui est central dans le futur système de combat franco-allemand que les espagnols sont
en train de rejoindre, c’est l’avion de combat piloté polyvalent et la polyvalence aujourd’hui on ne
la voit pas tellement compatible d’un avion non piloté et donc l’idée, c’est de compléter cet avion
piloté par des systèmes non pilotés, je dirais à mi-chemin entre le drone de combat et le missile de
croisière, qui pourrait être dédié à des missions particulières notamment de pénétration de zones très
défendues, là où on veut pas forcément exposer un pilote si la menace est trop importante. Donc
c’est un peu cette idée de compléter des avions pilotés très polyvalents avec des systèmes dédiés
à des missions très dangereuses, ça paraît quand même une évolution assez logique.

Michel Polacco
Revenons-en aux passagers.

Marc Rochet
Il y a trois phases qui sont complètement différentes avec sans doute des échéances de temps
évidemment diverses. Il y a la réduction du nombre de membres d’équipages à 2 pour tous les vols
long-courriers, celle-là mon avis elle est engagée. Elle pose des problèmes, il ne faut pas penser que
c’est simple : effectivement quand un pilote dort, il n’y en a plus qu’un dans le cockpit et si celui-là
a un arrêt cardiaque, il faut que l’avion soit capable de réagir très vite, de comprendre que le pilote
vient d’avoir un arrêt cardiaque, d’aller chercher l’autre, le réveiller. Mais cette phase-là est
engagée, les compagnies et les constructeurs y travaillent. À mon avis, c’est pour dans cinq à six

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ans. L’A350 a déjà été quasiment taillé pour ça et structuré au niveau de son cockpit pour cela, il
faudra peut-être le modifier, mais cela n’ira pas bien loin.
Il y a un deuxième temps qui est le mono-pilote sur les missions courtes c’est-à-dire Paris-Toulouse. Là
je crois qu’on sautera un cran à la fois technologique, parce que si le pilote qui est tout seul dans
l’avion a lui l’arrêt cardiaque, là il n’y a plus de solution de backup et la solution de backup ne
viendra pas du sol parce que, si au sol il faut garder la liaison en permanence, garantie, fiabilisée,
sécurisée, et dans tous les cas des gens au sol capables de traiter la situation, voire à un moment
des pilotes au sol pour reprendre en main l’avion, cela n’aura aucun intérêt économique.
Donc ça sera un avion tout seul capable de se sortir de situations où le pilote est défaillant et donc
pour moi il y a un saut de génération.
Troisième phase, l’avion autonome, pour le passager et là j’en parle en tant qu’opérateur civil, je
pense que là il faudra un saut de génération, parce que on voit bien que les gens ont encore
aujourd’hui un peu cette appréhension de prendre l’avion, les gens ne montent pas dans un avion
comme dans n’importe quel autre véhicule. Ça va changer évidemment avec les voitures
autonomes, avec les trains automatiques. Quand tous les passagers prendront tous les jours ces
engins il y aura une évolution, mais pour moi c’est un autre saut générationnel.
Concernant la réduction du nombre d’équipages sur long courrier, il ne faut pas être dans le déni, il
faut l’accompagner au mieux des intérêts à la fois bien sûr incontestables de sécurité, avec des
débats, par exemple est-ce que les pilotes dorment dans le cockpit ou est ce qu’ils vont dans la
couchette ? Dans la couchette il faut 4/5 minutes pour revenir. Dans le cockpit, il lui faut une minute
ou deux pour se réveiller, encore faut-il qu’il puisse dormir avec un environnement adapté. Tous ces
sujets sont traités, mais ceux-là sont engagés. Je vois bien les choses en trois temps : la réduction des
long-courriers à deux, celle-là à 4-5 ans, puis le mono pilote sur les étapes courtes, peut-être d’abord
les cargos, mais c’est probablement plus de dix ans, et puis l’avion sans pilote là c’est carrément une
ou deux générations.
Parce que on imagine toujours le vol sans pilote, mais il y a les opérations au sol. Aujourd’hui dans un
aéroport vous voyez un avion sans pilote, avec tous les systèmes qui tournent autour ?
Michel Polacco s’adressant à Antoine Person
Évidemment vous vous sentez un peu moins concernés parce que quand on transporte du vrac on
a moins de risques de protestation.

Antoine Person
Je ne voudrais pas laisser l’impression que on l’on néglige complètement l’automatisation parce
qu’il y a quand même des forces qui nous poussent à automatiser, par exemple la passerelle
augmentée, mais même pourquoi pas demain automatiser complètement la navigation. Ça ne
veut pas dire qu’il n’y a personne à bord, mais on peut le faire pour deux raisons principales : la
première c’est qu’on a réalisé un certain nombre de simulations qui montrent qu’avec une
navigation automatisée on obtient des gains de consommation non négligeables, ce qui est un vrai
driver, parce que le coût du fuel est considérable par rapport à celui de l’équipage... Et puis il y a
un certain nombre d’opérations de conduite de navires qui y gagneraient aussi. J’ai oublié une
chose importante aussi sur laquelle on travaille justement en ce moment, ce sera sur un des navires
qui transportent les éléments d’Airbus, nous allons installer une voile, un kite, ça suppose un routing
météo extrêmement précis, beaucoup plus précis que tout ce qu’on a fait jusqu’à aujourd’hui.
L’automatisation de l’envoi du kite et de sa récupération et le routing météo, tout ça ce sont des
choses qui sont déjà implémentées dans le système et pas question de laisser les marins à bord sentir
le vent et tirer des bords : l’assistance est totalement automatisée.
Autre sujet par exemple, c’est ce qu’on appelle les consoles des navires à positionnement
dynamique, donc ça ce sont les navires de services qui sont amenés à travailler sur un point fixe,
quand on pose un câble fibre optique par 5000 mètres de fond, ou quand on est au ras d’une
éolienne pour pouvoir mettre du personnel sur la turbine. Là, on est sur des navires qui sont capables
de garder leur point fixe à 70 centimètres près dans les trois dimensions jusqu’à force 6, et ça n’est
pas encore complètement automatisé. Il est clair que là-dessus il y a encore des progrès donc on

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avance et il n’y aura bientôt plus personne derrière ce qu’on appelle la console « DP » (dynamic
positionning), là où sont les opérateurs qui vérifient les paramètres du navire parce qu’on voit bien
que l’ordinateur fait beaucoup mieux que l’humain en la matière. Donc, oui il y a énormément de
travaux en cours.

Michel Polacco
Merci beaucoup, maintenant je me tourne vers l’assistance.

Alexandre Aubin, pilote à Air France


Une question pratique pour monsieur Traverse : le pilote de repos vous le laissez dans le cockpit ou il
aura son poste de repos ?

Pascal Traverse :
J’ai déjà un peu répondu tout à l’heure : on étudie les deux solutions, soit le laisser dormir dans le
cockpit, soit qu’il aille dormir un peu plus loin sachant que dans ce cas faut qu’il puisse revenir vite.
Ça veut dire qu’il faut aussi le prévenir en cas d’incapacitation du pilote qui était seul aux
commandes. Un point important dans ce cas-là est de gérer la fatigue de l’un et de l’autre, ce qui
est qui est sûrement la partie la plus compliquée, de manière à le réveiller au bon moment

Marc Rochet
Je peux peut-être ajouter un petit point de vue subjectif, mais on a eu l’occasion d’être associés à
ce genre de travaux. Il y a effectivement deux temps importants. Il y a le temps de réveil
physiologique à partir du moment où une alarme ou quelqu’un va lui dire de se réveiller, et puis il y
a un deuxième temps, qui est de retourner dans le cockpit et on s’aperçoit alors qu’on tombe sur un
autre problème, qui est de re-rentrer dans le cockpit. Au niveau des groupes auxquels on a participé,
la tendance était plutôt de dire qu’il vaut mieux qu’ils se reposent dans le cockpit dans un univers
protégé. Comment on le protège, c’est un autre débat, mais on gagne au moins le temps de
regagner le cockpit alors que les trois minutes pour se mettre la tête une nouvelle situation, ce temps-
là on ne le comprimera pas

Question de la salle :
J’avais une question plutôt pour le domaine maritime civil : est-ce que ces réductions potentielles
d’équipage présentent le risque psychologique de travailler justement à six, sept ou huit personnes
et non de travailler à 20 personnes quand on va être longtemps en mer au niveau du moral ou au
niveau des risques internes des équipages.

Antoine Person :
J’ai répondu qu’on ne veut pas réduire les équipages aujourd’hui, c’est pas du tout la tendance.
Clairement l’une des raisons est celle-là, mais il y en a énormément d’autres

Catherine Gabet, directrice adjointe du contrôle du spectre à l’agence nationale des fréquences.
Ça va être une question sur les communications sans fil : vous parliez de téléopérer ou de superviser
et de l’importance de communication très fiables, est-ce que c’est un point critique et comment
vous arrivez aussi à sécuriser et à faire des redondances ?

Olivier Doucy
C’est effectivement un point critique. Les communications aujourd’hui ne sont pas encore au niveau
requis par exemple pour téléopérer une opération de réparation des éoliennes en mer depuis un
centre à terre. Donc il faudra que le bateau soit lui-même un peu plus automatisé, un peu plus
autonome pour gérer des secondes ou des minutes de coupure.
Il y a tout un océan de recherches sur les communications sécurisées partout dans le monde.

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SESSION 2. LA SÉCURITÉ ET LA CYBER-SÉCURITÉ

Modérateur : Thierry Prunier,


Vice-président de l’Académie de l’air et de l’espace

Quelles adaptations pour la réglementation aéronautique ?

Georges Rebender
Ancien chef de l’Aircrew & medical department de l’Agence européenne de la sécurité aérienne
(EASA)

Je souhaite faire le point sur le travail de l’AESA en matière d’autonomie et plus particulièrement
d’intelligence artificielle, sujet sur lequel j’ai passé les deux dernières années à établir la feuille de
route de l’Agence.
De façon intuitive, on perçoit un lien entre l’automatisation et l’autonomie. En simplifiant, on pourrait
considérer que l’autonomie est le stade ultime de l’automatisation. L’histoire aérienne est
particulièrement riche en ce domaine : le premier atterrissage automatique tout temps a eu lieu en
1958 ; depuis lors, on pose des passagers par temps de brouillard. Cette automatisation est un succès,
même s’il est silencieux.

Plus on utilise d’automatismes, moins on pilote, moins l’homme intervient. Un ami travaillant chez Air
France m’expliquait que sur un Paris-Los Angeles, il pouvait ne plus avoir à toucher aux commandes
après avoir rentré le train d’atterrissage. Le pilote doit en revanche intervenir lorsque cela est
nécessaire, c’est-à-dire lorsque le système (de plus en plus automatisé) est confronté à une situation

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imprévue. Mais, l’accidentologie montre que les automatismes ne couvrent pas tous les cas, et que,
de plus, des règles éthiques et politiques réclament que la machine ne dépasse pas l’homme. Les
événements récents montrent malheureusement que cette crainte n’est pas tout à fait injustifiée.

L’évolution du taux d’accident par génération d’avion montre une nette amélioration, avec un taux
plus réduit pour la quatrième génération.

Cela signifie-t-il que l’augmentation de l’automatisation renforce la sécurité ? Je laisse ce sujet à


M. Bertrand de Courville.
Le monde se complexifie.

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La perception écologique commence à véritablement affecter le domaine aérien. L’émergence
de l’intelligence artificielle est enfin un élément de contexte essentiel : des systèmes utilisant les
techniques d’intelligence artificielle pourraient être imaginés pour améliorer les automatismes. Dans
le même temps, le volume du trafic aérien augmente, ce qui requiert des solutions de plus en plus
efficaces pour rester au même niveau de sécurité des vols. Nous sommes dans un monde de plus en
plus connecté, où les besoins de sûreté se renforcent. Du temps où je travaillais pour Airbus, nous
nous penchions surtout sur les aspects de sécurité en vol, mais moins sur les aspects cybersécurité
avec les risques d’intrusion et d’utilisation maligne.
L’intelligence artificielle fonctionne bien, comme le confirment les industry partnership contracts,
lorsque l’on possède beaucoup de données et que le domaine est très spécifique.
Le sujet sociétal est par définition politique. Dans les discours des chefs d’États, les termes
d’intelligence artificielle reviennent souvent. Les politiciens veulent s’assurer que l’on puisse faire
confiance à des systèmes autonomes. La Commission Européenne a développé à travers son
groupe de haut niveau le concept de trustworthy, plus large que celui d’airworthy : il s’agit d’avoir
confiance, et cette confiance est multiforme, ne se limitant pas aux aspects techniques. Un
deuxième aspect de l’approche européenne est qu’elle est human centric.
L’intelligence artificielle n’a rien d’intelligent ni d’artificiel : tout est créé par des hommes, pour des
hommes. Enfin, le principe de proportionnalité de l’action réglementaire est essentiel.

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La feuille de route pour l’Intelligence Artificielle en Aviation a été diffusée le 15 décembre 2019 ; il
s’agit d’un document public.

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Les briques essentielles en sont les suivantes :
• responsabilité ;
• robustesse technique et sécurité ;
• surveillance ;
• gouvernance des données (qui alimentent le machine learning, et ne doivent pas être
accaparées par certains acteurs) ;
• aspect non-discriminatoire ;
• transparence (permettant d’expliquer pourquoi l’intelligence artificielle fonctionne, pour
générer de la confiance) ;
• aspects sociétaux et environnementaux.
Le concept de trustworthiness se décline essentiellement en trois grands curseurs : learning assurance,
explication du résultat et solide approche du risque.

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Un pilote utilise sa mémoire et raisonne, d’où découle une décision et une vérification que la situation
est sous contrôle. Si l’avion est autonome, cela suppose que la machine est au minimum capable
de faire ce que fait l’homme : piloter la trajectoire, naviguer, communiquer et manager de façon
générale l’avion dans son environnement.
Il faudrait pouvoir démontrer que le niveau de neurocognitivité d’un système aéronautique plus
autonome est au moins équivalent à celui d’un pilote humain, et qu’il est capable de faire face à
différentes variables : conditions météorologiques, de circulation aérienne, humaines et statut de
l’avion. Ces situations doivent être perçues, mises en perspective par rapport à la situation générale.
J’ai coutume de résumer le challenge le plus important auquel nous faisons face par une petite
image : la situation d’un véhicule enfermé dans un cercle avec une ligne continue et des pointillés
à l’extérieur ne peut pas être résolue par une machine, alors qu’un enfant de 7 ou 8 ans en rit.
L’intelligence artificielle ne sait pas conceptualiser, et en est encore relativement loin.

Nous avons regroupé trois grands niveaux d’automatisation :


1 assistance à l’humain : assistance de routine (1 A), comme le fait le contrôle opérationnel d’une
grande compagnie aérienne, ou assistance renforcée (1 B), avec une suggestion de scénario en
cas de problème ;
2 collaboration homme-machine, avec deux écoles : pilotage par l’homme et surveillance par la
machine (2 A), ou inversement (2B), avec un mix imaginable en fonction des scénarios, la
première solution étant mise en œuvre en situation de routine, et la deuxième en cas d’inattendu
et de stress important ;
3 pilotage par la machine sans intervention humaine (3).

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Pour ce dernier cas, la roadmap fixe un horizon à 2040, dont il n’est pas certain qu’il pourra être tenu.
Le concept human centric est ici très important : l’homme reste dans la boucle, mais plus en amont,
dans la phase de design, de construction et d’exploitation.
Il existe une gradation du risque, à laquelle la réglementation s’adapte. Pour les niveaux 1A à 1 B,
une certification très légère est nécessaire, voire pas de certification du tout. Si l’intelligence
artificielle vous conseille sur la route à prendre qui pollue le moins, cela ne pose pas vraiment de
problème de sécurité des vols, à condition que ce soit coordonné avec l’Air Traffic Management.
La grande question qui se pose est celle de la confiance des citoyens européens et de leur
acceptation des vols autonomes. Les chefs d’États en personne s’occupent d’intelligence artificielle ;
nous avons en France le rapport Villani et, au niveau européen, le groupe de haut niveau.

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Comment être sûr que la machine apprend ce que je souhaite qu’elle apprenne ? Comment être
sûr qu’elle ait bien appris ? Les décisions que peut prendre l’intelligence artificielle ne sont plus
déterministes, mais probabilistes ; nous changeons donc de champ d’application. Comment être sûr
qu’en situation complexe, la machine puisse faire un raisonnement abstrait ? C’est un sujet pour la
recherche ; je souhaite que l’Europe puisse se fédérer autour de grands projets de recherche ;
l’argent est le nerf de la guerre, et si nous voulons avoir une carte à jouer entre les États-Unis et la
Chine, nous devrons nous organiser de manière à disposer de marchés spécifiques, sur lesquels nos
compétences européennes pourront être valorisées.
La manière de produire les règlements doit également être plus innovante.

Nous sommes ici confrontés à des habitudes. Nos juristes nous demandent d’assurer la certitude
légale, donc de détailler le plus possible les règles. Nous considérons pour notre part qu’un bon
règlement devrait assigner l’objectif à atteindre. Nous devons par ailleurs nous assurer que les
règlements de haut niveau restent suffisamment généraux pour éviter d’avoir à les changer en
fonction des évolutions technologiques.

Comment certifier les systèmes automatisés des navires ?

Jean-François Segretain
Directeur technique du Bureau Veritas

Je viens vous parler des navires, et en particulier de l’automatisation à bord des navires. Nous nous
insérons ici dans une tendance qui n’est pas nouvelle. Depuis

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au moins 40 ans, on réduit les équipages avec des systèmes de plus en plus automatisés. La première
raison de cette évolution est la réduction du risque lié aux interventions humaines, qui est l’un des
plus importants en navigation. Il s’agit donc d’une tendance continue, avec un cap récent vers les
navires dits autonomes, c’est-à-dire soit téléopérés, soit entièrement gérés par la machine.

Quel est le principe fondamental que nous cherchons à appliquer ? Il s’agit évidemment au
minimum de ne pas réduire le niveau de sécurité actuel des navires conventionnels, qui sont servis
par un équipage, moins nombreux qu’autrefois, mais dont le niveau de sécurité s’est amélioré.
Le second point, très important pour un navire, qui le distingue peut-être d’autres applications
d’automatisation, est que les fonctions représentées à bord d’un navire sont très nombreuses. Vous
avez évidemment la fonction de navigation, celle d’étanchéité, mais aussi de très nombreuses
fonctions liées au support de la vie à bord, à la cargaison et à son maintien dans des conditions
idoines. Toutes ces fonctions sont importantes et doivent être prises en compte.

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Les accidents de vraquiers, navires les plus nombreux et particulièrement peu sophistiqués, ont
beaucoup diminué depuis les années 2000, en raison de l’accroissement des contrôles. Parmi ces
accidents, on constate que les accidents de navigation, liés directement à l’automatisation ou non
des fonctions de navigation, représentent 13 % de l’ensemble, soit une part significative, mais pas
prépondérante, les risques de cassure ou d’abordage étant plus importants.

La sécurité fonctionnelle vise à se prémunir d’accidents liés aux fonctions d’automatisation à bord
des navires ; la partie sûreté, appelée improprement cybersécurité, désigne la résistance aux actes
de malveillance. Les deux sont importantes, en particulier pour les navires automatisés, compte tenu
notamment de la très grande valeur de la cargaison de la plupart des navires marchands ou à
passagers.
Il existe trois niveaux d’intervention.
• Le plus élevé est celui de la réglementation internationale édictée par l’Organisation maritime
internationale.
• Le deuxième niveau est celui des normes.

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• Le troisième est celui de la classification, qui est une fonction spécifique, qui tient au contrôle
par les des sociétés de classification, tout au long de la vie des navires.
Pour la sécurité fonctionnelle, l’Organisation maritime internationale revoit l’ensemble des
prescriptions actuelles pour examiner celles qui seraient complètement inadaptées à
l’automatisation et aux navires autonomes. C’est à coup sûr la première phase, mais cela ne suffit
pas. Pour ce qui est des normes, il existe la CEI 61508, pour l’analyse fonctionnelle en particulier et
pour une analyse des risques des systèmes, sous-systèmes et composants. En termes de classification,
enfin, une réglementation unifiée est valable pour l’ensemble des sociétés de classification

Une note d’information du Bureau Veritas (NI 641) reprend et explicite cette réglementation en y
incluant un projet d’exigences spécifiques à l’autonomie.
La cybersécurité fait l’objet d’une recommandation de l’Organisation maritime internationale, et
non d’une règle. Il existe par ailleurs la série des ISO 27 000, ainsi qu’une note réglementaire (NR 659
du Bureau Veritas).
La NI 641 se fonde, pour l’identification et la réduction des risques à un niveau acceptable (ALARP 1),
sur la CEI 61508, et en particulier sur l’index de sécurité. Nous nous fondons également, et c’est un
point spécifique aux navires autonomes, sur la qualification des nouvelles technologies.
Habituellement, en marine, on se repose sur des composants déjà prouvés en service ; dans certains
cas, les navires automatisés embarquent à bord des systèmes qui n’ont jamais été utilisés auparavant,
pour lesquels nous n’avons pas d’informations statistiques ni sur la fréquence des accidents ni sur leur
gravité. Dans ce cas, nous utilisons des données issues d’autres industries : c’est la BV NI 525 qui décrit
ce processus. Nous tenons compte évidemment des fonctions minimales et de la fiabilité des
systèmes, en nous fondant encore une fois sur la CEI 61508.

1 As Low As Reasonably Practicable

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L’une des complexités tient au fait qu’il existe énormément de possibilités, entre un navire qui n’est
pratiquement pas automatisé (A0), où l’humain remplit les fonctions avec une aide de la machine,
par exemple pour l’acquisition des informations (état présent de la plupart des navires), jusqu’à
l’automatisation complète (A4), où la décision est prise par la machine sans intervention humaine.
Entre ces deux extrêmes, toutes les possibilités existent, notamment le point où la machine opère,
mais demande une autorisation de l’humain avant d’agir (A2), ou le système supervisé par l’homme
(A3), qui peut intervenir si un défaut se manifeste.
L’une des difficultés de cette activité en création est liée au fait que le vocabulaire n’est pas fixé.
Des efforts sont réalisés en ce sens par l’Organisation maritime internationale, mais ce n’est pas
encore le cas. On parle de navire sans équipage, mais il en existe deux types : le navire téléopéré et
le navire totalement automatisé. On parle de navires autonomes, mais qui ont souvent à bord un
équipage réduit, même s’il ne commande pas directement. On parle aussi de navire intelligent
quand un certain nombre d’applications à bord sont automatisées.

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Le deuxième point qui nous permet de caractériser le degré d’automatisation des navires est le
niveau d’intervention humaine, ou plutôt le niveau de vigilance requis. Même si les fonctions sont
automatisées, on peut trouver à bord ou dans un centre de téléopération des personnes qui sont
continuellement en veille pour surveiller le système ; il existe également des cas de présence
intermittente à bord ou en téléopération, voire pas d’intervention humaine du tout, sauf en cas
d’alarme déclenchée par le système. Les différents cas sont répartis en deux niveaux de contrôle,
direct (par des personnes à bord du navire) ou par téléopération (par des personnes à terre ou sur
un autre navire).

La caractérisation des navires est réalisée par un croisement de ces deux quantités — le niveau
d’automatisation d’une part et le niveau de présence humaine d’autre part. Par exemple, un navire
sans personnel à bord peut néanmoins être téléopéré, avec une délégation donnée par l’humain à
la machine.
Je viens de vous détailler la note 641 du Bureau Veritas.

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Quel est l’effort international en la matière ? C’est principalement l’exercice de définition
réglementaire, le RSE 2 de l’Organisation maritime internationale pour les navires de surface
autonome. Ce travail est en cours : en septembre 2019, les premiers éléments ont été définis
(MARPOL, SOLAS, code ISM), ce qui nous permet de savoir quels sont les articles qui poseront un
problème dans le cadre d’un navire automatisé, et nécessitent une interprétation pour leur
application. La COLREG, par exemple, définit le navire comme une unité continuellement sous la
responsabilité d’un capitaine et d’un équipage, qui veillent à l’environnement et à la conduite du
navire. Ce n’est par définition pas le cas pour un navire totalement autonome.

2 Regulatory Scoping Exercise

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Le deuxième point qui nécessite des interventions non seulement techniques, mais surtout légales,
est celui de la télé opération. La question est de savoir si l’on peut qualifier de marins les personnes
qui opèrent le navire en étant basées à terre ; c’est le cas du point de vue de leurs compétences,
mais ils ne le sont pas par d’autres côtés.
La cybersécurité, enfin, ne doit pas être négligée. Les possibilités actuelles d’attaque d’un navire
sont d’ores et déjà beaucoup trop importantes. Les systèmes sont beaucoup trop exposés aux
attaques volontaires, et les défenses sont relativement insuffisantes, en particulier par manque de
sensibilisation des opérateurs de navires à ces risques. Le Bureau Veritas a établi une note
réglementaire, qui devient obligatoire lorsque vous choisissez la mention additionnelle de service.
Elle a été définie avec un certain nombre d’acteurs, et prend en compte ce qui existe au niveau de
l’Organisation maritime internationale ainsi que ce qui est opérationnel dans les recommandations
du BIMCO et de l’IACS.

Elle s’intéresse en particulier à la fiabilité de la communication entre la terre et le navire, qui sera
particulièrement critique pour les navires autonomes (notation SYS-COM).

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On voit ici la définition des notation SYSCOM, Cyber Managed et Cyber Secure. La notation Cyber
Managed n’est pas adaptée aux navires autonomes, car le contrôle de cybersécurité est basé sur
l’application de procédures et de tests par l’équipage.
La notation Cyber Secure, qui repose sur la prise en compte de la cybersécurité dès la conception,
apparaît plus appropriée aux navires autonomes.
Ainsi, comme cela a été dit dans une présentation précédente, l’intervention humaine, est toujours
essentielle même sur les navires autonomes, mais dans ce cas, le cas des navires autonomes on
essaie le plus possible de la transférer au niveau de la conception des navires et des systèmes
automatisés de ces navires.

Quels objectifs de sécurité, pour quelles missions ?

M. Alain Garcia
Ancien vice-président de l’Académie de l’air et de l’espace, ancien directeur général technique
d’Airbus avions commerciaux

Je vais vous faire part du résultat de travaux que nous avons menés au sein de l’Académie de l’Air
et de l’Espace (AAE) entre 2013 et 2016 à partir de deux réflexions : avec un niveau de sécurité de
l’aviation en amélioration constante depuis des dizaines d’années, essayer de maintenir ce haut
niveau de sécurité malgré une augmentation importante du trafic entrevue à l’horizon de 2050, et
deuxièmement tenter d’apporter une réponse aux partisans de la diminution du nombre de pilotes,
voire de leur disparition. Ce que je vous décris n’est pas partisan.
Nous avons voulu analyser différents scénarios ayant des degrés d’automatisation accrus tendant
vers l’autonomie, en essayant d’exprimer les conditions à remplir pour satisfaire correctement ces
scénarios, tout en respectant une étape de certification.
Tous les avionneurs sont sujets aux conditions imposées par l’AESA et la FAA, avec des analyses de
sécurité suivies à la lettre. Nous manipulons donc des probabilités d’occurrence de panne, que je
vous présenterai ici. Nous les mesurons par nombre de vols : une probabilité de panne de 1x10-4
signifie qu’une panne survient tous les 10 000 vols.

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Nous considérons que si le prix du pétrole reste constant, le trafic existant en 2010 pourrait quintupler
d’ici 2050. Les prévisions de Boeing et Airbus en 2015 sont similaires. Évidemment, si le prix du pétrole
augmente, et si de nouvelles taxes ou pénalités sont mises en place, cela aura un impact sur le trafic ;
la plage de variation du trafic est estimée entre 3 et 5 fois ce qu’il est aujourd’hui. Afin de simplifier
l’analyse, nous avons retenu une perspective de multiplication du trafic par 4 d’ici 2050.
Le taux de sécurité des avions à réaction (turbojets) était en 2013 de 0,37 accident par million de
vols. Pour l’Amérique du Nord et l’Union européenne, on atteint une valeur de 0,15 par million de
vols. Vous avez vu lors de ce colloque des présentations affichant un résultat de 0,11, ce qui signifie
que l’on constate un accident environ tous les 10 millions de vols.

Les nouvelles générations d’avions réduisent sensiblement les taux d’accident, et la quatrième
génération se cale autour de ce fameux taux de 0,1 ou 0,15, le niveau global de 0,37 intégrant les
générations précédentes. L’objectif de l’étude menée par l’AAE est de mesurer ce qui peut se
produire avec des avions de nouvelle génération, destinés à remplacer les anciens.

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Comment faire pour améliorer la situation ? Deux effets ont été très favorables à l’amélioration de la
sécurité dans les années passées : d’une part une meilleure coordination des équipages par le biais
du crew ressource management (CRM), mais également l’amélioration de la fiabilité de la machine.
On identifie dans la période analysée que 50 % des accidents ont une origine humaine, alors que
l’on parlait auparavant de 75 à 80 %. Nous devons néanmoins travailler sur ces deux facteurs (causes
humaines ou défaillances techniques).
L’incapacité totale ou partielle pour un pilote de contrôler l’avion est de l’ordre de 1,3 x 10-6. Si l’on
étudie des scénarios avec un seul pilote à bord, il manque un ordre de grandeur pour tenir l’objectif
d’un taux d’accident d’environ 0,1 par million de vols.
Comment améliorer la sécurité en fonction des origines des pannes ? Le taux d’accident de
l’ensemble des avions (au-delà des seuls turbojets) s’établit à 0,64 par million de vols. Notre ambition
est de proposer des objectifs « vendables » aux autorités et aux constructeurs pour atteindre un
niveau d’accidentologie 4 fois inférieur, permettant de combler la multiplication par 4 du trafic et
ainsi ne pas augmenter le nombre d’accidents par rapport à la situation actuelle. Pour atteindre ce
taux global de 0,16, chacun devra faire des efforts. Nous avons proposé des objectifs par région ; il
est évident que l’Amérique du Nord et l’Europe sont leaders en la matière, puisqu’elles atteignent
d’ores et déjà l’objectif global. Comme nous sommes des leaders et que nous devons montrer
l’exemple et amener vers nous le reste du monde, nous ne pouvons pas faire autrement que fixer un
objectif supérieur pour notre aviation ; nous proposons une division par deux du taux d’accident à
0,08 par million de vols. La réduction doit être atteinte par l’attrition naturelle des avions d’ancienne
génération et par la généralisation des formations dans le monde. Dans la mesure où les accidents
d’origine non humaine représentent la moitié de l’ensemble, l’objectif de taux d’accident lié aux
machines est de 0,04 par million de vols.

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Ayant ces objectifs en tête, nous avons évalué des scénarios d’évolution vers une autonomie plus
grande :
• scénario 1 : même nombre de pilotes à bord et extension du vol en tout automatique ;
• scénario 2 : deux pilotes à bord en longs courriers au lieu de trois, avec l’assistance d’un pilote
au sol ;
• scénario 2 bis : deux pilotes au bord en longs courriers sans assistance au sol ;
• scénario 3 : un pilote à bord (pour les courts et moyens courriers, moyennant la présence d’un
aéroport de déroutement à moins de X minutes) ;
• scénario 4 : un pilote à bord pour les longs courriers, mais avec un pilote au sol pouvant
prendre le contrôle de l’avion ;
• scénario 5 : un pilote à bord pour tous les courriers ;
• scénario 5 bis : aucun pilote à bord, le rôle du commandant du bord restant à déterminer.
Les causes typiques d’accidents sont des pannes mineures, des pannes majeures ou d’autres
événements, qui ne sont pas prévus par les systèmes et dont les pilotes se débrouillent aujourd’hui.
L’objectif fixé conduit à diviser par 2 les combinaisons de probabilités pour chaque cause, soit
1,3 x10-8 par vol. Nous pensons que cet objectif est accessible, moyennant une meilleure définition,
un meilleur interfaçage et une bonne formation de l’équipage.

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Avec un seul pilote à bord, la probabilité de résolution des pannes mineures peut-être prise en valeur
majorante comme la racine carrée de la capacité de résolution actuelle de l’équipage (2,6 x10-5),
soit 5x10-3.

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Cela signifie qu’avec des pannes système divisées par 2, le pilote devrait faire 200 fois mieux que ce
qu’il est capable de faire aujourd’hui. Il convient donc d’être très prudent. Une solution serait
d’améliorer les interfaces permettant à l’équipage de résoudre jusqu’à la limite de 5x10-4 par cas
de panne et passer la panne système à 0,26 x10-4 par vol, soit la diviser par 40 par rapport à
aujourd’hui. Cet objectif pourrait être accessible à terme, mais cela reste à prouver. Nous
recommandons que le pilote à bord soit assisté par un pilote au sol, qui compléterait ainsi l’équipage,
avec une combinaison qui reste à déterminer.
La même analyse est menée pour les pannes majeures et les événements imprévus et non contrés
par l’équipage. Dans ce dernier cas, même si les améliorations ramènent l’occurrence
d’incapacitance à 1,3 x10-6 avec un seul pilote, une assistance au sol parait nécessaire jusqu’à ce
qu’il soit démontré que les autres événements ne surviennent qu’un vol sur 100.
L’objectif fixé avec un seul pilote semble accessible pour les pannes systèmes, mais reste
problématique pour les « autres événements. La mise en place d’une assistance humaine sol est
indispensable jusqu’à l’horizon 2050, voire au-delà.
En l’absence de pilote, nous pensons que l’atteinte d’un objectif de pannes de 1,3 x10-8 par vol
contre 1x10-4 par vol sera quasi impossible à obtenir. Nous pensons que ce scénario, compte tenu
des démonstrations qu’il faudra effectuer, sera difficilement envisageable pour le transport de
passagers. Peut-être est-ce une perspective pour le transport de marchandises ou les drones de
grande taille.

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Nous pensons qu’il est possible d’étendre l’usage des automatismes en évaluant l’intérêt
d’évolutions progressives vers plus d’autonomie. Les interventions humaines auront des occurrences
de plus en plus rares et avec des situations inattendues et plus sévères.
La réduction du nombre de pilotes à bord pourra être envisagée quand une probabilité
suffisamment faible d’accidents aura été démontrée. Cela prendra du temps. Jusqu’en 2050, on
devra maintenir au moins un pilote à bord pour des avions de transport passagers, et on devra passer
par une assistance du sol (avec procédures CRM associées).
Les premières applications possibles sont des avions cargos à un seul pilote ou sans pilote. Il reste à
traiter dans ces cas la question de la sécurité du pilote d’une part, et des personnes survolées d’autre
part. Les enjeux sont les suivants :
• évolutions nécessaires des systèmes à implémenter ;
• cas de survols de zones habitées à considérer
• complément important : reprise en main possible à partir d’un centre opérationnel (comme
pratiqué par exemple pour le nEUROn européen) ;
• adhésion des syndicats de pilotes
N’oublions pas, pour le transport de marchandises, que ces solutions devront convaincre les acteurs
économiques, les autorités et les pilotes.

Cette avancée permettrait d’accumuler de l’expérience en vue des transports de passagers.

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Enfin, les taxis-drones pour le transport urbain apporteraient un certain nombre d’avantages :
• déplacements plus faciles en zones urbaines engorgées ;
• diverses architectures assurant la redondance de motorisation ;
• possibilité d’utiliser l’énergie électrique ;
• nombre limité de passagers minimisant l’impact sociétal d’un accident.
À l’inverse, différents problèmes ne doivent pas être oubliés :
• risques d’accident dans des quartiers hautement peuplés ;
• nuisance acoustique ;
• déplacements dans des tunnels de circulation ;
• insertion dans le trafic aérien à proximité des aéroports ;
• difficulté de convaincre les clients potentiels.
En conclusion, nous pensons que l’avion doit être de plus en plus simple dans ses automatismes, pour
être pratiqué en toute sécurité par tout le monde et, pourquoi pas, pouvoir être piloté par des
enfants qui seront imbibés de fonctionnements automatiques via l’informatique.

Les défis du spatial pour une transition vers les navires autonomes

Isabelle Duvaux-Béchon
Chef du bureau des relations avec les États membres et des partenariats au sein du département
Stratégie de l’ESA

Je suis à l’ESA rattachée au directeur général et suis en charge à la Stratégie des relations avec nos
États membres, et de la coordination des activités dites transverses, de support du spatial à des
grands défis terrestres.
L’ESA est une agence intergouvernementale regroupant 22 États membres et disposant d’un budget
de 5,7 Md€ en 2019 ; elle travaille sur tout le spectre du spatial, de la science et l’astronomie aux
applications et aux lanceurs.

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Nous avons organisé il y a quinze jours le Conseil de l’ESA au niveau ministériel ; pour la première fois
dans notre histoire, les États membres se sont engagés à nous verser plus que ce que nous avions
demandé, ce qui est la preuve de leur intérêt pour nos programmes.
Le narratif autour des programmes proposés s’articulait autour de quatre piliers, dont un « safety and
security » (sécurité et sûreté), montrant l’importance que prend ce domaine dans nos activités. Ce
pilier représente à peu près 7 % du budget, donc moins que les autres, mais revêt une grande
importance, et comporte trois éléments :
• sécurité dans l’espace (météorologie solaire, débris, astéroïdes) ;
• soutien du spatial aux applications de sécurité terrestre (réponse aux catastrophes et aux
questions de sécurité) ;
• élément cyber.

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Je me concentrerai aujourd’hui sur une initiative qui a démarré il y a peu de temps autour de
l’identification de nos programmes au service des activités maritimes au sens large. Elle a été lancée
il y a moins de deux mois. Le sujet maritime était déjà traité depuis un certain temps à l’ESA, mais
l’Agence dispose désormais d’une task force sur le sujet avec nos États membres, à leur demande.
19 États ont fait part de leur intérêt, sur les 22 membres de l’ESA. Les tâches de la task force sont
d’identifier les besoins, les réponses existantes, les trous capacitaires et les futurs programmes ou
activités qui pourraient y répondre. Nous avons procédé ainsi pour l’Arctique ces trois dernières
années, et faisons maintenant de même pour le maritime.

J’axerai aujourd’hui ma présentation sur l’aide du spatial à une transition vers l’autonomisation des
navires. Le spatial dans ce cas est considéré comme une infrastructure critique, dont peu peuvent
se passer. Je vais vous présenter trois domaines pertinents à titre d’exemples, qui ne recouvrent pas
l’ensemble de nos activités.

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Premier domaine : les programmes existant autour de ce que l’on appelle les business applications
consistent à utiliser les satellites et données existants pour répondre à un certain nombre de défis et
de problématiques. Cela concerne le maritime, mais également l’aviation et d’autres domaines.
L’idée est de combiner des données, des technologies, des canaux satellitaires, etc., de façon à
pouvoir développer des applications et services utiles pour tous ces domaines.

Un certain nombre de cofinancements d’activités et de démonstrateurs sont mis en place, pour


parvenir ensuite à des outils ou des applications commerciales. Nous aidons au développement de
technologies, à la mise en place et à l’industrialisation par des entreprises européennes.

Concernant les systèmes unmanned, des activités ont démarré cette année, en partenariat avec
l’Agence de défense européenne, autour notamment des petits systèmes (support au déminage, à

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la protection des infrastructures maritimes, à la surveillance maritime, aux questions
environnementales, à la logistique des fermes éoliennes offshore). Il s’agit de petites niches, pour
lesquelles un certain nombre d’activités ont été démarrées.

Deuxième domaine dont je voulais vous parler : l’observation de la terre. Aujourd’hui, le navire
autonome ou qui veut s’autonomiser dispose d’une vue de ce qui se trouve directement autour de
lui, mais a également besoin d’avoir une vue complète de la situation (zone plus large, météorologie,
état de la mer, obstacles, etc.). Un certain nombre de satellites d’observation de la terre développés
pour l’ESA dans le cadre de sa mission scientifique peuvent être utilisés à cette fin. Le dernier satellite
lancé, par exemple, Aeolus, premier satellite au monde ne travaillant que sur les vents, permet d’en
faire une cartographie et d’améliorer les systèmes météorologiques. La filière Copernicus de
développement des satellites Sentinel est pour sa part cofinancée par l’ESA et l’Union européenne :
l’ESA et ses Etats membres financent le premier satellite de chaque catégorie (optique, radar,
senseur atmosphérique, etc.), et l’Union européenne finance le lancement et les modèles récurrents.
En matière de météorologie, nous développons la plupart du temps pour le compte d’EUMETSAT les
satellites qui sont après utilisés par tout le monde. L’ensemble de ces satellites d’observation de la
Terre donne un certain nombre d’éléments d’informations sur les océans. Une des limites actuelles
tient au rafraîchissement des données et au temps nécessaire pour qu’une vue claire et actuelle soit
obtenue à bord des navires ou au niveau du contrôle au sol. Nous disposons de satellites, mais pas
de constellations permettant une revisite permanente.

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Concernant Copernicus, des services opérationnels existent et sont opérés par l’Union européenne ;
250 terabytes de données sont téléchargeables tous les jours, et 7 satellites sont en service. L’accès
aux données est libre et mondial, et plus de 250 000 utilisateurs sont enregistrés, dont certains sont en
réalité des distributeurs de données.
Vous avez reçu hier une information sur les services Galileo ; ces satellites sont développés par l’ESA
pour le compte de l’Union européenne ; nous avons pour ces services déjà 1 milliard d’utilisateurs ;
sur vos téléphones, vous pouvez télécharger l’application qui montre les GNSS et voir les satellites
Galileo qui contribuent au signal GNSS.

L’idée pour l’observation de la terre est de travailler en amont avec des opérateurs maritimes, de
façon à identifier les besoins, les types d’informations nécessaires, les types de senseurs, de capteurs
de données attendues, à déterminer comment nous aidons à la mise en route de l’automatisation
et de l’autonomisation des activités. La détection des petits navires est également un sujet important ;
nos satellites sont conçus pour des mesures environnementales ; nous pouvons détecter des
bâtiments de plus de 20 mètres. Or, un bâtiment de moins de 20 mètres peut constituer un obstacle
à la navigation, et nous devons donc aider à leur détection. Nous menons également des
programmes qui combinent l’observation de la terre et les automatic identification systems (AIS),
permettant notamment de repérer les activités illicites.

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Le troisième domaine est moins évident, mais nous y travaillons beaucoup : il s’agit de tout ce qui est
lié aux opérations des satellites. Une opération de satellite et une opération de navire autonome ont
un certain nombre de facteurs communs ; les processus développés pour la gestion des satellites et
des sondes spatiales éloignées peuvent être utiles à l’autonomisation des navires. Nous travaillons
donc en synergie entre deux domaines ; ce qui est fait au quotidien pour la gestion des satellites en
orbite concerne la question du risque, la gestion d’anomalies, les prédictions de collisions, les
opérations sans être humain dans la boucle, les questions de communication entre objets. Nous
disposons donc dans le domaine spatial d’une expertise, que nous sommes en train de mettre au
service des domaines non spatiaux.

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Les opérations de sûreté-sécurité, les questions dites « cyber » sont également très importantes pour
les satellites, qui sont des infrastructures critiques ; nous travaillons donc sur leur protection et sur la
sécurisation des données, pour les satellites, et en anticipation pour le maritime.

Un certain nombre de défis et de questions demeurent ouverts. Quels sont les éléments importants,
par exemple, pour aider à définir la meilleure route pour les navires ? Il faut prendre en compte les
obstacles connus (épaves), les obstacles inconnus (icebergs), la minimisation de la consommation
de carburant, les durées de transport, l’utilisation des ports, etc. Nous pouvons aider, mais avons
besoin de connaître les données nécessaires pour les navires, qu’ils soient autonomes ou en phase
d’autonomisation. Nous nous posons également des questions sur la gestion des pannes, des
anomalies, des menaces, et sommes intéressés par un travail avec vous sur le sujet.

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Nous avons signé cette année un mémorandum d’intention avec le consortium One Sea, qui
regroupe un certain nombre d’acteurs, pour travailler à l’identification des besoins. Ce sont mes
collègues des applications intégrées qui ont lancé cette activité.

Nous avons également clos il y a deux mois un appel à idées sur la navigation autonome de port à
port et ses contraintes. Un programme adopté il y a deux semaines concerne la communication
quantique ; les études démarreront prochainement. Le système de positionnement Galileo est
opérationnel.
Nous travaillons également dans le domaine du transfert de technologies de la robotique et de la
technologie spatiale à des domaines terrestres, comme l’exploitation offshore, avec des degrés
d’autonomisation qui existent déjà et peuvent être dupliqués dans les activités maritimes.
Pour aller plus loin, nous avons besoin d’utilisateurs test, de connaître leurs besoins, les solutions
existantes, les trous capacitaires, de façon à définir les futurs applications et programmes. Le travail
que nous avons réalisé sur l’Arctique a par exemple conduit à la création d’un satellite
démonstrateur de météorologie arctique, qui était le principal trou capacitaire identifié par les
utilisateurs, et qui a été souscrit pour financement il y a quinze jours, avec un engagement
d’EUMETSAT de financer l’ensemble de la constellation si le démonstrateur remplit ses promesses.

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Nous avons une page vous permettant de voir l’ensemble des activités de l’Agence en lien avec les
océans. N’hésitez pas par ailleurs à me contacter si vous voulez lancer une discussion ; j’ai essayé de
vous fournir une vue d’ensemble dans le temps qui m’était imparti, pour vous donner envie d’aller
voir plus loin. Le satellite est une infrastructure dont vous avez besoin ; nous pouvons aller plus loin.
Nous sommes financés par de l’argent public, qui doit être utilisé au mieux avec l’impact maximum.

Le conseil cyber pour le transport aérien (CCTA), une instance


partenariale pour adapter le transport aérien aux menaces cyber

Guillaume Counio
Chargé de mission Cybersécurité à la Direction du Transport Aérien de la DGAC

À la Direction générale de l’aviation civile on s’est rendu compte qu’on devait travailler plus
rapidement sur les problématiques de cybersécurité.
En effet, des évolutions basées sur des technologies génériques peuvent être introduites dans le
monde de l’aviation afin de réduire les coûts et gagner en productivité : je pense, par exemple, aux
electronic flight bags pour les pilotes qui leur permettent de préparer les vols de façon déportée sans
que ce soit compté en temps de vol ; je pense aussi aux problématiques qui sont liées aux demandes
des passagers qui estiment avoir besoin de plus de connectivité à bord.
Des spécialistes ont publié des vulnérabilités qu’ils ont indiqué avoir trouvées chez les passagers
potentiels plutôt que chez les instances de régulation : des premières cyberattaques se seraient
déclenchées contre le monde de l’aviation ; cependant peu ont été prouvées et vérifiées et il peut
arriver que certains opérateurs du transport aérien disent qu’ils aient été victimes de cyberattaques
alors qu’en fait il peut s’agir simplement de pannes ou de dysfonctionnement d’origine humaine.
À ma connaissance, la seule cyberattaque véritablement prouvée est celle qui a été lancée contre
les trois aéroports principaux du Vietnam : les informations des panneaux d’affichage des aéroports
ont été détournées et, au lieu d’afficher le satellite auquel les passagers devaient embarquer, il
s’affichait des revendications chinoises sur les îles de la mer de Chine du sud. En conséquence,
l’aéroport a été paralysé pendant quasiment une journée.
Cela nous a fait penser qu’il fallait traiter de la même façon les problématiques de sûreté et de
sécurité liées à la cyber, parce que c’est le système qui s’effondrera où sera paralysé et ce sera
beaucoup plus dur de revenir à l’état normal dans le cas d’une cyberattaque parce qu’on aura
toujours quelque part l’agresseur tapi dans notre système, qui fera en sorte qu’on ait du mal à
remettre le système en ordre.
De là, on s’est rendu compte de l’importance des interfaces entre les différents systèmes : le transport
aérien est quelque chose d’assez complexe au sens du nombre d’intervenants. Il a été créé pour
être extrêmement ouvert. Les avions doivent pouvoir voler dans le monde entier avec le système de
contrôle de tout le monde, atterrir sur tous les aéroports possibles et donc on a un certain nombre
d’intervenants qui mettent en œuvre des systèmes ouverts qui doivent pouvoir échanger et
s’interconnecter.
Ensuite on s’est rendu compte, et ça on le savait un peu dans le cadre des problématiques classiques
de sûreté, que la cartographie des vulnérabilités n’est pas forcément la même que la cartographie
des impacts et ne sera pas forcément la même que la cartographie des remédiations. Il y a donc
une partie des problématiques de cyber qui doit être traitée de façon holistique et globale par la
filière dans son ensemble.
On peut voir aussi qu’il y a une très grande diversité de risques pour le transport aérien : j’ai cité les
aéroports tout à l’heure, avec différents types de risques via les passagers ; il peut aussi y avoir des
risques via les bagages ; et aussi dans la gestion des aéroports on peut imaginer par exemple que le
système d’éclairage de la piste soit piraté ! Bien évidemment aussi des risques liés à la maintenance,
à l’intervention de personnes sur l’avion au sol, au contrôle en vol, etc.

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Enfin, il y a aussi un problème que je voudrais vous faire ressentir qui est la convergence des cultures
cyber et des cultures aviation : ce sont deux choses extrêmement différentes ; on a eu tout à l’heure
un exposé avec les probabilités d’occurrence de pannes qui sont la façon classique que l’on a de
parler des risques d’accidents en aviation.
En termes de cybersécurité, cela n’a pas de sens, car le jour où l’attaque se produit il faut
comprendre qu’il s’agit d’une cyberattaque, gérer une situation dégradée et puis après rétablir la
situation le plus vite possible. Cependant, il n’y a pas de probabilité d’occurrence : si le code est
corrompu et si le code est prévu pour que quelque chose tombe en panne en cours de route, la
panne interviendra : on n’a pas de probabilité d’occurrence en tant que telle.
De la même façon, un autre problème délicat à traiter en termes de convergence des cultures c’est
que quand votre ordinateur estime qu’il a besoin de se mettre à jour il vous dit si tu ne m’arrêtes pas
maintenant, je m’arrêterai dans quatre heures, et si tu n’es pas d’accord que je m’arrête dans quatre
heures, je m’arrêterai dans huit heures, etc. et donc ces mises à jour de sécurité il les fait et il les fait
tout de suite.
En particulier, dans le monde cyber, on a ce qu’on appelle les vulnérabilités zero day, c’est à dire
qu’elles sont déjà avérées et dont on ne parle pas. Il faut donc avoir la solution pour pouvoir en
parler et que cette solution se mette en place immédiatement.
Dans le monde de l’aviation avant qu’on mette en place une modification logicielle (patch), il faut
pouvoir vérifier que cette modification logicielle laissera toutes les parties de sécurité dans leur
parfaite intégrité et ces cycles de vérification peuvent durer de plusieurs mois à éventuellement
plusieurs années.
On voit donc la difficulté qu’on peut avoir si, par exemple, les logiciels pour les avions étaient sous
Windows et que Microsoft nous dise : « vous allez rire finalement tout ça n’est pas sûr du tout alors
qu’hier tout cela était très sûr ». Cela est arrivé pour le VPN — le tunnel sécurisé qui permet le
télétravail. Il y a eu un moment, en novembre 2018, on nous a dit que tout ça n’est pas sûr du tout et
qu’il fallait absolument introduire un correctif (patch) tout de suite.
Ceci n’est pas possible dans le domaine de l’aviation. Néanmoins la technologie progresse
rapidement, et des réglementations et législations résistantes aux changements futurs doivent être
possibles.
Sous l’égide de la DGAC, il existe le Comité pour la recherche dans l’aviation civile (CORAC). Dans
le domaine des drones civils, le Conseil pour les drones civils a été créé pour orienter et stimuler la
filière, et lorsque je suis arrivé à la DGAC il m’a été demandé de faire l’équivalent pour la
cybersécurité. Les structures, les membres et les dynamiques internes ne sont pas les mêmes. C’est
pourquoi le Conseil cyber pour le transport aérien est organisé avec à sa tête un comité exécutif au
niveau des directeurs généraux des entreprises et des administrations. Ce comité exécutif est
composé de trois collèges — un collège avec l’administration publique — un collège avec les
constructeurs et les équipementiers — et un collège avec les opérateurs, comme les aéroports, les
fournisseurs de prestations de services (comme la navigation). En dessous de ce comité exécutif, le
travail au quotidien est mené par trois comités techniques — un qui s’occupe de l’analyse des risques
— un qui s’occupe des solutions pour minimiser ces risques — et un qui s’occupe de réglementation.
Ce troisième comité technique est très important puisque, in fine, c’est par lui qu’on essaiera d’avoir
une posture étatique la plus convenable et la plus constructive possible vis-à-vis des instances
internationales.
Pour terminer, je parlerai des résultats que l’on a obtenus depuis deux ans. D’abord on a mis au point
une méthodologie partagée pour l’évaluation des risques cyber pour toute la filière ; c’est assez
important parce que ça permet d’avoir ensemble la vision de ce qu’il est urgent de faire en fonction
de nos ressources qui sont limitées — les ressources financières, bien sûr —, mais aussi les ressources
humaines (dans le domaine de la cybersécurité, il y a un énorme déficit en termes de ressources de
personnel au niveau européen et j’imagine aussi au niveau mondial).
Ensuite, on a mis au point une cartographie des flux d’information qui traverse le système du transport
aérien : c’est quelque chose qui n’existait pas. On a étudié différents cas incluant des usagers
d’exploitation en vol et au sol, la maintenance, le cargo etc.. On a réussi à en déduire des positions

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coordonnées et partagées avec nos collègues industriels, ce qui permet d’essayer d’avoir une
action forte et convergente vis-à-vis en particulier de l’OACI et on va essayer de faire pareil pour les
instances européennes parce que c’est un sujet complexe et on se rend compte que beaucoup de
gens ont envie de travailler et d’avancer, non seulement parce que ça semble nécessaire, mais sur
la façon de procéder et sur les mesures à prendre. Il peut y avoir des divergences d’opinion et des
visions subjectives, mais on essaie d’objectiver les positions dans le cadre du Conseil.

Moins d’hommes pour plus de sécurité ?

Bertrand de Courville
Académie de l’air et de l’espace, ancien commandant de bord d’Air France

La sécurité du transport aérien commercial n’a cessé de s’améliorer depuis des décennies comme
on le voit avec ces statistiques publiées pour les avions de 14 passagers ou plus.
Ce constat est encore plus frappant pour ces 20 dernières années qui ont vu le taux d’accidents
mortels baisser de manière très importante

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Ces résultats ne sont cependant pas homogènes. Un examen plus détaillé montre des différences
entre générations d’avions, régions du monde, types d’opérations, types d’appareils (jets ou
turbopropulseurs). On ne constate en revanche pas de différences entre constructeurs, malgré des
choix techniques parfois différents. Ce sont les types d’opérations qui ont la plus grande influence
sur les résultats avec des écarts allant du simple au double entre cargos, charters et avions de lignes
régulières.
Il y a 20 ans, chacun pensait qu’il serait très difficile de réussir à réduire encore un taux d’accidents
déjà très bas. L’idée était simple : puisque les accidents sont pour la plupart liés à des erreurs
humaines, aucun progrès n’est possible tant que les hommes continueront à agir et à prendre des
décisions à bord des avions. Le contraire s’est pourtant produit. La sécurité est aujourd’hui plus de
quatre fois meilleure qu’il y a 20 ans et près de trois fois meilleure qu’il y a 10 ans.

Comment expliquer ces résultats ?


La comparaison entre ce qui a changé et n’a pas changé peut apporter des réponses.
• Les avions sont aussi fiables qu’il y a 20 ans.
• Les pannes, anomalies et dysfonctionnements font toujours partie du quotidien des opérations
des compagnies.
• Les erreurs humaines sont toujours présentes (pilotes, contrôleurs, mécaniciens, opérations sols).
• Les décisions critiques à court terme pour la sécurité sont toujours prises à bord.
• Les pilotes travaillent toujours à deux.
• Les atterrissages sont toujours en pilotage manuel (à 99 %)3.

3 Beaucoup pensent que 99 % des atterrissages sont réalisés en automatique. C’est le contraire. Les atterrissages réalisés
en mode « autoland » sont très rares, pour des raisons principalement liées à des problèmes d’équipements au sol et, pour
les grands terrains, à des contraintes de cadence d’atterrissages. Les séparations à l’atterrissages sont en effet presque
doublées en mode automatique pour éviter les perturbations des faisceaux ILS par les avions passant à proximité des
antennes ILS. Il ne faut pas confondre ces atterrissages menés en pilotage manuel avec les phases d’approches menées
le plus souvent en mode automatique.

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En revanche, depuis 20 ans, plusieurs nouveautés sont à mettre en avant.
• Les pilotes disposent d’interfaces, d’automatismes et d’aides à la décision mieux adaptées
aux risques parmi lesquels par exemple : EGPWS, TCAS, ROPS, RAAS)4.
• Le travail des pilotes en mode « fail safe » (détection/récupération des erreurs en équipage) et
le contrôle des risques en vol sont devenus plus efficaces (CRM, TEM, FORDEC, etc.5).
• Le volume, la qualité et le traitement des informations sur les événements survenus en vol ont
considérablement progressé.
• Les programmes d’analyse systématique des paramètres enregistrés se sont généralisés avec
la coopération des pilotes.
• Compagnies, contrôles aériens, maintenances, constructeurs et autorités ont mis en place des
standards et un langage commun de gestion explicite des risques (SGS/SMS6).
C’est cet ensemble réunissant constructeurs, autorités, procédures, formations, management et
pilotes qui constituent des défenses et apportent des résultats en matière de sécurité. Ce système
est dynamique, s’adapte en permanence comme l’illustre ce modèle bien connu des « plaques de
Reason »)

4 EGPWS (Enhanced Ground Proximity Warning Systems), TCAS (Trafic Collision Avoidance System), ROPS (Runway Overrun
Prevention System), RAAS (Runway
5 CRM (Crew Resource Management), TEM (Threat and Error Management), FORDEC (exemple d’acronyme
mnémotechnique désignant la méthode d’analyse de risque et de prise de décision enseigné aux pilotes dans plusieurs
grandes compagnies.
6 SGS (System de Gestion de la Sécurité) ou SMS (Safety Management System)

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Quelle est plus particulièrement la contribution des pilotes à la sécurité de chaque vol ?
Les pilotes sont des acteurs et des témoins placés au cœur des opérations aériennes :
• formés pour gérer tous types d’incidents et ramener les occupants d’un avion au sol en sécurité,
• ont le pouvoir d’interrompre une situation dangereuse en décidant un arrêt décollage, une
remise de gaz, un déroutement, une évacuation, etc.
• sont assez indépendants pour limiter les biais entre production et sécurité,
• sont formés à travailler en contrôle mutuel permanent pour récupérer tous types d’erreurs,
• conservent, parce qu’ils sont humains, la crainte indispensable à toute activité à risque,
• et apportent une contribution unique au retour d’expérience sur tous les aspects des vols. Une
compagnie comme Air France traite par exemple chaque année près de 6 000 rapports du
type aviation safety reports rédigés par les pilotes et qui permettent cette dynamique
d’amélioration permanente.
À titre d’exemple, vous avez sur les deux diapos suivantes un extrait des incidents survenus pendant
le seul mois de novembre dans le monde. Cette liste illustre la nature et la variété des incidents
devant être traités en vol par les équipages qui doivent prendre les bonnes décisions au-delà de leur
traitement technique : poursuivre le vol, faire demi-tour ou se dérouter et sur quel terrain, demander
une assistance au sol ou pas, évacuer ou non, etc.

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Les accidents sont donc de moins en moins nombreux et de ce fait, contribuent de moins en moins
au retour d’expérience pourtant vital pour continuer à s’améliorer. Construire la sécurité sur la seule
analyse des accidents passés n’a plus de sens.

Nous continuons aujourd’hui à progresser en travaillant sur les vols sans accident. Ce volume de
données est aujourd’hui de mieux en mieux partagé et analysé.

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L’aviation comporte une particularité importante au regard du rôle des pilotes en cas de panne ou
de détresse. À la différence des modes de transport de surface (navires, voitures, métros ou trains)
qui peuvent être arrêtés en attendant que l’on porte secours aux occupants, pour un avion et ses
pilotes il n’y a pas d’autres solutions que de traiter le problème en vol le mieux possible et surtout de
ramener l’avion au sol en sécurité. Les pilotes savent ramener leur avion au sol en sécurité. Ils le font
tous les jours, et de mieux en mieux. Il faut simplement retenir que l’on ne peut pas porter secours à
un avion en vol pour comprendre la contribution essentielle des pilotes à la sécurité du transport
aérien.
Pour terminer, je ne pense pas que nous ayons atteint un seuil dans les améliorations de la sécurité.
Les résultats de cette année 2019, qui se termine, montrent à nouveau un taux d’accidents mortels
plus faible qu’au cours de la moyenne des cinq dernières années. Nous continuons à nous améliorer,
et il nous reste des marges de progrès en matière de formation, et aussi d’équipements et
d’interfaces à l’image des améliorations apportées par les avions de dernière génération tels que
l’A350

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Les défaillances liées aux automatismes font partie des enjeux pour le futur. La détection, la
compréhension et la correction des erreurs ou « décisions » aberrantes des automatismes par les
pilotes font partie intégrante de leur formation ; il faut continuer à investir dans ce domaine et
renforcer la compétence des équipages. La cybersécurité est également un domaine important où
les équipages peuvent apporter beaucoup, par leur capacité à détecter un comportement
aberrant de l’avion du fait d’une attaque cyber. La capacité des hommes est essentielle.

Je termine en citant Claude Lelaie 7 qui soulève les deux principales questions posées par la
suppression des pilotes à bord des avions, ou par le passage de l’équipage de deux pilotes à un seul
pilote :
• « Prétendre que, comme pratiquement tous les accidents ont pour cause une erreur humaine,
remplacer les pilotes par des ordinateurs va améliorer la sécurité est un raisonnement
absurde. »
• « Personne ne sait combien d’accidents les ordinateurs pourraient causer suite à des erreurs de
programmation (humaines !) ».
En écoutant les interventions passionnantes depuis hier, j’ai le sentiment que plus on avance dans
cette réflexion visant à remplacer les hommes par des automatismes ou de l’autonomie, plus nous
comprenons combien c’est difficile, et plus nous comprenons surtout la valeur de la contribution des
hommes à la sécurité. Cette réflexion est très prometteuse pour le futur

Questions-Réponses Session 2

Catherine Gabay, Agence nationale des fréquences


Quand on parle de cyber, j’entends beaucoup parler d’attaques malveillantes, mais la question de
la sécurité des véhicules autonomes peut-elle également prendre en compte les brouillages, les
interférences, qui ne sont pas nécessairement malveillants ou destinés au navire ou à l’avion en
question ? Les ondes ne s’arrêtent pas nécessairement dans un tout petit espace.

7 Claude Lelaie : Ingénieur et pilote d’essai, Directeur des essais en vol de l’A380.

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Thierry Prunier
C’est une très bonne question. Dans le dossier qu’a évoqué Bertrand de Courville, nous avons
identifié que les liaisons entre le bord et le sol étaient les éléments vulnérables, qu’il fallait progresser
pour avoir plus de résilience face à des cyberattaques. Ce que vous citez sur les brouillages a été
évoqué ; il faut être résistant au brouillage. Nous ne pouvons pas tout baser sur le GPS ou le Galileo,
même s’il y a des évolutions avec le bi fréquence : il faut garder des moyens sols complémentaires.
Nous ne pourrons pas dans le futur poser des avions sans des moyens sol permettant de se substituer
aux informations satellitaires en cas de défaillance. Il faut garder des redondances.

Eric Coin, Association française d’ingénierie système


Je remarque que nous avons besoin de renforcer beaucoup notre résilience, dans beaucoup de
secteurs. C’est un axe qui aide à progresser, notamment en matière de sécurité. Ce point doit être
travaillé, car cela suppose de mobiliser différents domaines. Qu’en pensez-vous ?

Thierry Prunier
Vous avez raison. Ce que démontrent les derniers exposés, c’est que l’on peut aller vers plus
d’automatisme, mais que la présence de l’homme reste, même à l’horizon 2050, nécessaire. On ne
voit pas se profiler de véhicules complètement autonomes : il y aura de toute façon une supervision
par l’humain. La résilience passe à la fois par les augmentations d’efficacité des automatismes, mais
également par l’intervention des hommes en dernier ressort pour faire face aux situations
inattendues.

Alain Garcia
Je m’adresse à la marine. Nous avons cité les atterrissages et décollages automatiques des avions.
J’ai entendu parler de manière globale de la navigation autonome des bateaux, en haute mer,
mais comment concevez-vous les approches portuaires ?

Un intervenant
Les navires, particulièrement les grands navires, sont pilotés lors des approches portuaires. Pour
l’instant, je n’ai pas entendu parler de pilotes automatisés.
Le deuxième point important est que l’un des dangers, décrit dans la note sur les navires autonomes,
touche au trafic. Le nombre d’accidents reste relativement important, en particulier lorsque l’on se
rapproche des côtes. D’où l’importance de l’aide apportée par une information globale ; nous
avons vu que les satellites pouvaient nous donner une portée plus grande de détection que la
détection optique ou par radar.
Le troisième point que je soulignerai concerne les progrès faits grâce à l’intelligence artificielle dans
l’intégration des différentes informations au niveau de la détection optique. En cette matière,
l’intelligence artificielle est plus performante que l’humain, et nous obtenons désormais un bon
contrôle de l’information sur la proximité du navire. L’interaction de ces systèmes avec le pilote
demeure cependant l’un des problèmes que nous n’avons pas résolus.

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TABLE RONDE 2 — LA DIMENSION HUMAINE : EMPLOI,
FORMATION, ACCEPTABILITÉ SOCIALE

Modérateur : Édouard Berlet


Académie de marine, délégué à la communication et porte-parole de l’Académie de marine

Mesdames, messieurs, chers confrères, j’ouvre donc la table ronde numéro 2, consacrée aux
questions d’emploi, de formation et d’acceptabilité sociale.
Je voudrais rebondir sur la dernière phrase prononcée par Bertrand de Courville qui a dit que
remplacer l’homme par la machine est très difficile et que l’homme est essentiel pour la sécurité.
Je pense que c’est une phrase qui fait le lien avec cette table ronde qui sera consacrée à l’homme
sous ses différentes composantes professionnelles : emploi, formation, acceptabilité et je dirais,
même, qu’il y a peut-être une dimension philosophique que nous n’aurons pas le temps d’aborder
Ce que je retiens de ces premiers débats, c’est que la substitution de l’homme par la machine est
très difficile dans des conditions de rentabilité parfois discutables et ce sera donc du très long terme.
La question philosophique ou, en tout cas, générale que je poserai est : avons-nous vraiment envie
d’une mer sans marin et d’un ciel sans pilote ?
Nous avons autour de la table, du côté du transport aérien, Jean-Michel Bigarré, Directeur
international de la formation des pilotes chez Airbus, Marc Baumgartner, contrôleur du trafic aérien
IFATCA, Nicolas Marcoux, directeur des programmes drones à la DGAC et, du côté maritime, Nicolas
Singellos qui est chef du bureau emploi et formation au ministère des Transports et Jean-Philippe
Casanova, président de la fédération française des pilotes maritimes. J’ai reçu les excuses de Hervé
Baudu, professeur de l’enseignement maritime et membre de l’Académie de marine, absent en
raison de la grève.

Quelles conséquences pour l’emploi maritime ?

Nicolas Singellos
Chef de bureau de l’emploi et de la formation maritime au Ministère de la transition écologique et
solidaire.

Je suis chef du bureau de la formation et de l’emploi maritime à la direction des affaires maritimes
et, donc, je suis amené à traduire les référentiels internationaux puisque, contrairement, à ce qui a
pu être dit, hier, la formation maritime et les certifications maritimes, également, sont
particulièrement complexes car elles relèvent de conventions internationales et les politiques
d’emploi doivent suivre évidemment les évolutions d’emploi des gens de mer et tout
particulièrement des marins.
Se poser la question de ces bouleversements et des contraintes de l’automatisation des navires du
point de vue de l’emploi des gens de mer, c’est s’interroger sur les perceptions, c’est s’interroger
également sur des données objectives.
Je suis un peu de la vieille école et, j’aime beaucoup parler du passé et, quand on le regarde, depuis
les premières ruptures technologiques ou techniques qui ont pu intervenir avec la vapeur, on s’est
rendu compte que, loin de détruire de l’emploi, on a vu se développer l’emploi avec les différentes
évolutions technologiques et techniques, pas seulement dans l’emploi de marins, mais, de manière
générale, dans l’emploi maritime
C’est une distinction qu’il faut faire, d’une part, en effet, l’emploi de marins, depuis un siècle, a pu,
en tout cas en France, se réduire, mais, avec la mondialisation, de manière globale, l’emploi du
marin dans le monde a augmenté. D’autre part il faut s’intéresser aux évolutions technologiques qui

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ont entraîné du fait des développements en termes de construction navale, d’automatisation des
systèmes etc, des emplois nouveaux.
Donc là, vous avez devant vous les quatre grandes révolutions technologiques qui ont pu intervenir
depuis la fin du 18e siècle : la vapeur, l’électricité et le moteur à explosion et d’autre part
l’électronique l’informatique dans les années 60 et puis désormais tout ce qui est intelligence
artificielle et big data.

Elles n’ont pas provoqué la disparition des anciennes technologies et des anciennes pratiques de
navigation. La navigation à voile s’est renforcée dans les années 1950 — 1960 parce que, justement,
on a pu intégrer certains des éléments techniques nouveaux qui ont permis le développement de la
vapeur. Typiquement, le développement de la vapeur c’est le moteur à vapeur, mais c’est
également les coques en fer puis, plus tard les coques en acier. Les navires à voile se sont développés
à nouveau, avec notamment les clippers anglais ou plus tard, comme vous l’avez ici en images, le
quatre mâts barque de la compagnie Bordes, notamment, à Dunkerque.
En 1905, on a un peu plus de 200 navires à voile qui continuent à fonctionner, face à des navires à
vapeur à la fois cargos et paquebots qui en représente environ 230.
L’autre élément historique qu’il convient de prendre en compte c’est que les transformations
technologiques n’ont pas forcément entraîné une baisse de la main d’œuvre.
Quand on est passé de la navigation à voile à la navigation à vapeur, du fait de l’intégration à bord
de la technologie de la vapeur, on a assimilé une technologie terrestre et donc il a fallu aussi intégrer
toute une nouvelle communauté qui était décriée par les marins de la voile qui se considéraient
comme les seuls vrais marins. Donc, on a dû accueillir des chauffeurs et soutiers qui permettaient le
transporter du charbon dans la machine et, en fait, on a multiplié par trois le nombre de marins à
bord de ces navires
Une fois que les moteurs se sont de plus en plus développés et que l’on a changé encore de
technologie avec un moteur à explosion et l’introduction du mazout et puis après du diesel, les
navires à voile ont disparu sur les différents segments de flotte sur lesquels ils étaient les plus
compétitifs, à savoir le vrac sec qui passait par les routes des caps de Bonne Espérance et de l’est
du Cap Horn. Avec l’ouverture de Panama et avant de Suez, forcément, les distances ont été
réduites et l’intérêt de passer par les caps a été moindre.
Donc, là encore, ce n’est pas uniquement une révolution technologique qui a permis de faire
évoluer la navigation et le nombre d’emplois à bord des navires, mais également le changement
des routes de navigation.
De manière générale, historiquement, on observe trois constats : l’automatisation n’a pas entraîné
une disparition des emplois, mais au contraire a permis une transformation de ceux-ci et a entraîné

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une croissance des emplois. Deuxième constat : on assiste plutôt à une complémentarité hommes
machines plutôt qu’à une substitution et enfin on a une dualisation croissante du marché du travail
avec d’une part des emplois très qualifiés et d’autre part des emplois peu ou pas du tout qualifiés.
Quand on s’intéresse à l’analyse économique, on voit des mécanismes de compensation qui se sont
développés où l’on n’a pas forcément eu de rupture véritable sur le marché du travail. La croissance
induite par ces nouvelles technologies, la massification des échanges ont permis de faire en sorte
que même si un chômage premier a pu apparaître du fait de difficultés immédiates de
transformation du marché du travail, ensuite, de manière globale, on a observé une véritable
croissance de l’emploi.
Sur la slide suivante, quatre questions qui ont des conséquences sur l’emploi des gens de mer : d’une
part l’adaptation du marché du travail avec un mécanisme endogène et un mécanisme exogène.
On a des freins divers qui peuvent réduire le développement des technologies et puis des
incertitudes liées au rythme de diffusion des technologies elles-mêmes qui, par voie de conséquence,
peuvent jouer sur le l’emploi maritime

Le point de vue d’un pilote maritime

Jean-Philippe Casanova,
Président de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM).

Je suis pilote au port de Marseille Fos depuis une vingtaine d’années et président de la fédération
française des pilotes maritimes.
Je vais faire la présentation préparée par Hervé Baudu qui fait un point sur le travail de l’OMI. Hier,
j’ai entendu dire que la navigation maritime et la marine marchande, d’une manière générale,
n’étaient pas tellement réglementées. Je vais m’inscrire en faux. Il y a, à Londres, une institution
spécialisée des Nations unies : l’OMI (Organisation Maritime Internationale), l’ONU de la mer, 172
États membres et trois États associés avec, également, des associations non gouvernementales qui
travaillent en séance plénière. Sont aussi représentés les marins, les armateurs, les pilotes et les
constructeurs de navires.

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L’OMI travaille sur un rythme d’assemblées générales tous les 2 ans, avec des comités dont le plus
important est le comité de la sécurité maritime, le MSC, qui se réunit au minimum une fois par an et
plus, certaines années. Ce comité travaille en sous-comités : le comité NCSR, Navigation
Communication Search and Rescue, le comité MEPC sur la protection de l’environnement, qui traite,
notamment, des sujets de réduction de la vitesse des navires pour limiter l’impact environnemental.
Au niveau d’un navire, les règlements de l’OMI appliquent à trois secteurs distincts : le pont, la
machine et les services exploitation, liés à la marchandise

Pour le pont : la gestion de la sécurité avec le code ISM International Safety Management et la
COLREGS, le règlement pour prévenir les abordages en mer. Pour la partie exploitation, c’est le code
ISPS (International Ship and Port Facility Security). Pour la production d’énergie, c’est la convention
MARPOL (acronyme de l’anglais Marine pollution).
Trois niveaux d’emploi sont définis, celui de direction qui comprend le commandant et le chef
mécanicien, une partie opérationnelle avec des officiers et une partie d’exécution pour l’équipage
L’OMI définit quatre catégories pour les navires, dits autonomes, les deux premières avec gens de
mer à bord et la seconde sans gens de mer à bord.

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L’ENSM (École Nationale Supérieure maritime propose un Master pour l’exploitation des futurs navires
autonome et un autre projet pour des passerelles de réalité augmentée de la passerelle du futur
(projet Passion élaboré avec des industriels).

Un pilote maritime est un marin professionnel qui a passé un concours et qui embarque ou débarque
à bord des navires pour assister les capitaines à l’entrée et à la sortie des ports et de manière à
assurer la sécurité des manœuvres à l’intérieur d’espaces resserrés
Je rappelle que 90 % des marchandises, qui sont transportées, dans le monde le sont par voie de
mer et donc sont donc parties d’un port pour arriver dans un autre port
La slide suivante montre l’évitage d’un céréalier dans le port de Rouen

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La question a été posée : pourquoi on n’automatise pas les manœuvres à l’entrée ou à la sortie des
ports ? La grande différence avec un avion, si je ne me trompe, c’est l’interaction avec les éléments
et la différence du rapport poids/puissance. Un navire de cette taille va être soumis à des courants
et des vents et, pour pouvoir automatiser la conduite, il faudrait une puissance pharaonique

Quelles conséquences pour la formation des pilotes d’avions  ?

Jean-Michel Bigarré
Head of worldwide Training, Airbus Training Service

Mon rôle est celui de la formation des pilotes au niveau mondial. Je le précise parce que cela
change un peu la perspective. Tout d’abord, ce qui est extrêmement important, c’est qu’on évolue
dans un monde qui devient de plus en plus complexe : complexité réglementaire, complexité
environnementale. Tout devient difficile à gérer de façon simple et, en tout cas, rapide. Ce que je
trouve très positif dans tout ce que j’ai entendu, c’est que mon rôle est de m’assurer que,
actuellement, et, dans les années à venir, le rôle du pilote soit toujours d’avoir la bonne compétence
au bon moment dans cet environnement. Aujourd’hui, on a parlé effectivement d’évolutions
techniques, d’automatismes, d’intelligence artificielle, mais tous ces éléments sont, à mon sens, des
éléments favorables car ils vont permettre aux pilotes de travailler de mieux en mieux. La
problématique à laquelle on fait aussi face est que, dans le monde, toutes les autorités ne sont pas
égales. Si je me mets dans une perspective économique et que je suis un financier ou un président
de compagnie aérienne, lorsque je vais acheter une formation d’un pilote, j’achète un certificat qui
matérialise un droit d’exploiter une forme de compétences. La vraie contrainte que l’on a
aujourd’hui est que, derrière ces certificats, selon que je suis en Asie, en Europe et en Amérique du
Sud, la compétence exigée n’est pas la même. Donc à Airbus, nous avons pris les devants et on est
très fier de cela : on a créé un nouveau référentiel qui s’appelle l’« Airbus flight training reference »
qui a pour objet de définir un standard des méthodes d’opération, des compétences qu’elles soient
techniques ou non techniques. Ce sont des « soft keys » que l’on met en œuvre partout dans le
monde. On les a mis en œuvre dans nos centres de formation bien évidemment, qu’on est en train

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d’étendre, mais on agit aussi auprès des autorités, en allant faire du conseil, en recommandant,
voire en écrivant, des règles
Si on regarde la complexité environnementale, moi, je suis très favorable à une évolution de
l’intelligence artificielle qui nous permettra, dans un cockpit, d’avoir une vision plus synthétique de
la documentation et, dans un cas donné, de se ramener à un événement qui nous permettra d’avoir
une meilleure gestion
On parlait de l’A350 tout à l’heure. Des automatismes sont bien évidemment là, de plus en plus, pour
les pilotes à prendre du recul et sont un réel soutien en cas de situation dégradée. Ils permettent aux
pilotes de prendre leur place dans tout cet environnement qui devient effectivement très complexe
Nous avons donc deux grands axes de travail sur la formation : le retour à des concepts de base
c’est-à-dire les véritables valeurs et les compétences à acquérir par un pilote.
Quand je m’adresse à un public un peu généraliste, je me compare à un cuisinier. Lorsque je vais
dans un restaurant et que j’apprécie le repas, je vous garantis que si je vole le carnet de recettes,
ce n’est pas pour ça que vous avez bien mangé. Parce que, derrière, il y a une vraie compétence
de chef, il y a la capacité d’un homme qui a appris des règles de l’art, à les appliquer dans un
domaine défini et ces règles-là, c’est celles que nous sommes en train de renforcer auprès des pilotes
d’Airbus... Ensuite il y a l’accompagnement bien évidemment de tout ce qui est nouvelles
technologies et intelligence artificielle car notre rôle est de nous assurer que ce pilote va rester
performant et efficace au sein de l’environnement qui est en permanente évolution y compris sur le
« single pilot operation ». (operations monopilote).

L’Évolution du métier des contrôleurs aériens

Marc Baumgartner
Correspondant de l’Académie, coordonnateur SESAR/contrôle aérien, IFATCA

Dans le passé, on estimait où était un avion, mais les marges de distance par rapport à un autre
avion étaient très élevées. Aujourd’hui, on a la chance de savoir où est l’avion et, pour certains
centres de contrôle, on a la possibilité aussi d’avoir, avec une précision assez élevée, la prédiction
de la trajectoire. Avec l’évolution logique de la technologie, la trajectoire sera connue d’une
manière si précise que cela permettra peut-être de réduire les normes de séparation. Actuellement,
dans certains centres de contrôle, il existe une assistance à la détection des conflits c’est-à-dire que
la machine va me dire : tu vas avoir quatre milles nautiques de séparation alors que je dois avoir au
moins 5 nautiques, à moi de résoudre ce conflit. On a la possibilité d’échanger des SMS avec les
pilotes, c’est-à-dire qu’on leur envoie des messages avec un niveau de vol à atteindre. Sur l’écran,
on voit aussi ce que le pilote a sélectionné dans son cockpit. C’est-à-dire qu’on peut surveiller ce
que notre autorisation provoque comme réaction et si le pilote sélectionne quelque chose de faux,
ça va nous donner une alerte.

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On a aussi la possibilité d’échanger certaines des trajectoires entre deux centres de contrôles.
Mais il faut aussi que vous réalisiez que, quand on parle de modernisation du contrôle du trafic aérien,
il y a des écarts énormes entre les niveaux de développement des différents services. Dans les
programmes de recherche, on nous parle d’applications via Apple store, mais au sol on a une
technologie qui date du Minitel. C’est comme si vous avez un téléphone portable et, que, à chaque
fois que vous changez d’antenne de réception, on doive vous envoyer un code pour que vous
puissiez vous brancher sur une antenne GSM.
Donc le contrôle trafic a encore énormément de progrès à faire par rapport aux avions au niveau
de la technologie
Quelques chiffres, aussi, 8 milliards de coûts directs ou indirects qui sont payés complètement par les
usagers et, à peu près, cinquante-huit mille personnes qui travaillent dans le secteur dont dix-huit
mille contrôleurs. Une formation de contrôleur coûte à peu près six cent mille euros, et dure entre 36
et 42 mois et dans certains pays c’est après une sélection. En France c’est sur un concours niveau
maths spé, ensuite vous entrez à l’ENAC.

Avec le prochain transparent, je vais expliquer ce qui a été dit au sujet a été dit avant au sujet du
dix puissance moins 7, avec le « swiss cheese » de James Reason
L’OACI, l’organisation mondiale onusienne, qui regroupe à peu près 192 pays recommande un
standard pour gérer les conflits, en anglais, le « conflict management in Air Traffic »
Il y a trois strates :
La première (vert foncé), est le niveau stratégique. Dans cette strate vous allez organiser votre
espace aérien, vous allez créer des voies aériennes, vous allez donner une licence au contrôleur,
donner une licence au pilote, vous allez vous assurer que vous disposez du personnel, que vous
pouvez maintenir les installations avec un certain standard de communication et de fréquences.
Après vous avez le quotidien (vert clair), c’est-à-dire le contrôle du trafic aérien au niveau tactique.
Je gère en été jusqu’à 30 avions en même temps dans un secteur qui comporte deux niveaux de
vol, c’est donc très dense. Dans certains aéroports, comme Heathrow, se pose toutes les 90 secondes
un avion, avec un flux tendu qui dure quasiment de 7 heures le matin jusqu’à 23 heures le soir.
Pour conclure ces quelques remarques : peu importe si dans le futur un avion à un pilote ou pas de
pilote, ce que le contrôleur ou le système de contrôle doit savoir, c’est ce que l’avion ou le système

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volant va faire et est-ce qu’on pourra à tout moment garantir la trajectoire sans conflit, grâce un
système informé en temps réel.
Si c’est faisable nous pourrons ensuite parler de l’acceptabilité sociale d’avoir des avions avec ou
sans pilote, mais pour nous la principale préoccupation, pour l’instant, cest que la technologie au
niveau du sol est extrêmement limitée. Les nouvelles technologies devront nous permettre de savoir
avec précision où la trajectoire d’un avion va l’amener.

La formation des pilotes de drones

Nicolas Marcou
Directeur de programme drones, Direction générale de l’aviation civile.

Je travaille à la direction de la sécurité de l’aviation civile qui est la direction de la DGAC en charge
de la réglementation de sécurité. Depuis quelques année se pose la question de savoir comment
on accueille ce nouveau vecteur qu’est le drone c’est-à-dire un aéronef sans personne à bord. En
réalité le drone n’est pas quelque chose de si nouveau que ça : le premier avion radiocommandé,
je crois, date de 1918. Ensuite la technologie n’a commencé à se développer dans le domaine
militaire que dans les années 80
Les aéromodèles, on en a, depuis des décennies, et ce qui s’est vraiment développé, ce dont on
parle aujourd’hui, c’est le drone moderne c’est-à-dire l’engin de plus ou moins grande taille, qui est
capable de transporter une caméra, qui est piloté et dont on peut se servir à des fins de loisir ou à
des fins professionnelles
Le développement de cette activité, on le voit depuis environ 7/8 ans et on fait évoluer la
réglementation pour l’accompagner.
Aujourd’hui les drones en France c’est 1 800 exploitants professionnels qui utilisent plus de 15 000
drones, donc on est déjà sur des quantités comparables voire supérieures à l’aéronautique classique.
On a évidemment des vecteurs qui sont de petites dimensions et qui sont souvent utilisés comme
outils complémentaires, pour faire, par exemple, de la cartographie, pour faire de la prise de vue.
Les médias ont été les premiers à utiliser ces engins là. Aujourd’hui, les vols de drones sont limités en
altitude. On les limite à globalement à moins de 150 mètres de hauteur, en dessous des altitudes
d’évolution de l’aéronautique habitée. On a également défini des zones de restriction à la proximité
des aérodromes et les zones de contrôle.
Les professionnels peuvent eux voler dans ces zones là, mais il y a toujours un besoin de coordination,
si vous voulez voler à proximité d’un aérodrome. Si vous voulez voler dans une zone contrôlée, vous
devez avoir une autorisation des services du contrôle aérien. En conséquence la formation est
vraiment différente pour les drones de loisirs et pour les drones professionnels. Pour les drones de loisirs
de plus de 100 grammes, vous avez une petite formation en ligne que la DGAC a mise à disposition
pour vous rappeler les règles de sécurité de base. Si vous êtes un droniste professionnel, vous devenez
un télé pilote professionnel. Vous devez passer un certificat. Pour la théorie, c’est un examen, un peu
comme un examen de pilote privé en plus simple, mais c’est quelque chose qui permet de garantir
que vous avez connaissance des règles de base de la sécurité aérienne donc la météo, les classes
des espaces, etc. Vous devez aussi suivre une formation pratique chez un exploitant qui s’est déclaré
centre de formation. Aujourd’hui la place de l’humain est énorme.
Ce n’est pas parce que le pilote n’est pas à bord qu’il n’existe pas.
Aujourd’hui pour la plupart des applications, vous avez un télé pilote au sol. En revanche, on voit
apparaître déjà des applications plus ou moins automatiques et, notamment, vous avez des projets
de surveillance par drones automatique de sites industriels où le porteur de projet demande que ce
ne soit pas un télé pilote, mais un téléopérateur, c’est-à-dire quelqu’un qui est capable
d’accompagner le drone. Il suit d’ailleurs une trajectoire préprogrammée et il est capable
d’intervenir en cas de défaillance du système. Donc il est capable d’interrompre le vol. Ce sont
vraiment des applications nouvelles, mais, aujourd’hui, le vol de drones autonome en France est

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interdit ; on n’a pas autorisé d’autonomie au sens complet du terme c’est-à-dire sans télépilotes ni
supervision. C’est complètement interdit car on n’a pas aujourd’hui de machine suffisamment
robuste qui permette de faire ce genre de choses.
En revanche on va voir une plus grande automatisation progressive des drones ce qui permet
d’alléger la formation des télé pilotes sans jamais supprimer cet élément humain qui permet de
superviser l’opération

Édouard Berlet
On va passer à la phase des questions réponses sur ces problèmes d’emploi et de formation.
Une question globale que j’adresse à chacun de vous : si on regarde l’évolution à horizon de 5 ou
10 ans, quelles perspectives d’évolution de l’emploi ? C’est, sans doute, une perspective de
mutation des emplois, comment vous la voyez-vous ?. plus de polyvalence, de technicité, ou
d’autres évolutions ?

Nicolas Marcou
Je vous disais : aujourd’hui 1 800 exploitants avec une croissance de 2000 exploitants par an, dont
on ne voit pas la fin pour le moment. On est en pleine croissance dans la filière drone professionnel
qui n’est pas prête de s’arrêter et il y a de plus en plus de métiers associés.

Édouard Berlet
Mais, au-delà de la croissance en termes de qualification des emplois, dans quel sens la voyez-vous
aujourd’hui ?

Nicolas Marcou
Je pense qu’on va rester, pendant un certain temps, avec une grande partie de la population des
pilotes de drones qui suivront ces formations un peu légères qui permettront d’opérer dans le cadre
des opérations actuelles qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain.
En revanche, là où on peut s’interroger c’est pour l’apparition de nouveaux systèmes dont vous avez
parlé : les taxis aériens.
Il y a auprès de l’agence européenne pour la sécurité aéronautique une réflexion pour savoir
comment faire évoluer des qualifications des pilotes vis-à-vis de nouveaux systèmes. Aujourd’hui un
pilote c’est quelqu’un qui est censé vraiment piloter la machine et l’accompagner. L’EASA se pose
la question suivante : comment piloter un taxi aérien qui serait fortement automatisé, qui suivrait une
trajectoire préprogrammée et dans lequel le pilote n’aurait pas à piloter la trajectoire, mais à
superviser un système et éventuellement prendre un certain nombre d’actions en cours de vol,
notamment des actions de déroutement, d’atterrissage d’urgence, mais avec une très forte
assistance de la part de la machine ?

Jean Michel Bigarré


On évoque des centaines de milliers de pilotes nécessaires pour les années à venir. Toutes ces
évolutions techniques — avec une diminution ou pas d’équipage à bord — sont plutôt un moyen
d’accompagner cette hyper croissance et de faire qu’elle se passe bien.
Les enjeux vont être d’abord ceux de la formation des équipages habitués à travailler à deux, qui
se retrouveront tout seuls pour des phases de vol avec des temps de réaction, des temps de gestion
plus longs. On va revenir sur des compétences fondamentales du pilote qui sont le « situation
awareness, » et le « decision making », pour renforcer la compétence du pilote seul.

Marc Baumgartner
Dans le contrôle du trafic, ce qui va se passer c’est que probablement on va rester plus ou moins
avec les mêmes 8 000 contrôleurs, par contre, on va devoir assurer une croissance du trafic.

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On part du principe qu’en 25 ans le trafic va doubler, peut-être pas en Europe où il y aura quand
même une croissance
Ce qui va changer c’est probablement la manière de travailler. Certains d’entre nous vont assister
à une prise de décision par des outils de plus en plus avancés, d’autres nen bénéficient pas encore.
On va peut-être arriver à un standard de système (par exemple un système de plan de vol) en
Europe qui nous permettra aussi d’offrir plus de capacité. Chaque fois que vous apporterez un
système d’assistance au contrôleur, vous pourrez libérer certaines des ressources intellectuelles et
cognitives, c’est-à-dire que vous pourrez augmenter la capacité de 20 à 30 %.
Il y a d’autres domaines dans le contrôle du trafic aérien où on est dans la phase de prototype avec
des tours non habitées, cela s’appelle « remote tower » où vous allez installer une caméra au lieu
d’avoir une tour de contrôle et vous allez contrôler à distance le trafic par des caméras.. On a des
essais en Suède, en Norvège et aussi en Allemagne
Il ne faut pas non plus oublier le cycle de vie d’un système de contrôle du trafic aérien, il se situe
entre 7 et 15 ans, ça dépend du pays, du moment où vous prenez une décision de mettre en place
un nouveau outil jusqu’à ce qu’il soit vraiment en place et qu’il fonctionne. Donc ce n’est pas
quelque chose que vous pouvez faire rapidement. Alors, on est tous en attente que Google,
Microsoft ou autres nous livrent une plateforme gratuite, pas pour forcément pour les contrôleurs du
trafic aérien, mais pour les compagnies aériennes. Les GAFA nous diront : on va vous gérer ça et ça
ne vous coûtera rien, mais pour l’instant nous n’avons encore pas vu grand-chose. Donc s’ils y
travaillent ce sont plutôt des projets fantômes

Nicolas Singellos
Dans le maritime, on rejoint un peu le même problème que celui évoquée par Monsieur Bigarré.
Avec la massification des échanges, on va avoir une pénurie d’officiers et sans doute également de
personnel d’exploitation dans les cinq prochaines années. Le chiffre qui fait référence est celui emis
par BIMCO en 2015 : en 2025 on aura une pénurie d’officiers de 150 000 personnes soit 10, 8 % en fait
de la population d’officiers nécessaires à l’exploitation correcte des navires
Dans un premier temps, on peut penser que l’automatisation permettra de répondre à cette pénurie.
Après, cela dépend aussi du référentiel dans lequel on se place. Rien n’indique que l’automatisation
ou plutôt les ruptures technologiques qui mènent à l’automatisation croissante vont entraîner
nécessairement une réduction du personnel à bord du navire. Mais est-ce que du coup on aura
besoin de moins de personnes à terre pour assurer le bon fonctionnement du système. On a vu
depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui une réduction très importante du nombre de personnes
à bord. On a évoqué le cas des gros cargos, de ces gros porte-conteneurs qui ont des équipages
de l’ordre de 20 personnes. Quel sera l’impact sur les effectifs à terre ?
Est-ce que du point de vue européen cela aura des conséquences réelles sur l’emploi maritime ? A
priori non puisque le personnel d’exploitation est, en majorité extracommunautaire. On a
énormément d’asiatiques, de personnes qui viennent des Philippines, d’Indonésie etc qui seront
touchés sans doute. Ceci aura des conséquences sur ces pays-là qui bénéficient, pour un très grand
nombre, des transferts de fond de ces marins vers leurs familles.
Du point de vue des européens qui forment énormément d’officiers, l’enjeu majeur sera justement
la complexification de la formation, l’introduction de nouvelles dispositions dans ces formations
relatives à la mécatronique navale notamment, à la gestion intégrée des systèmes qui est en cours.

Édouard Berlet
Puisqu’on traite de ce sujet, on va continuer un petit duo entre nos deux secteurs. On sait bien que,
par exemple, les Philippines sont un gros pourvoyeur de main d’œuvre et en même temps c’est un
des pays les plus sous-développées. Ce pays ne fournit pas simplement du personnel navigant non
qualifié, mais une bonne partie des officiers. Il manque sans doute de moyens de formation très
pointue, étant donné qu’on rencontre un phénomène de technicisation accrue des métiers.
Comment l’organiser à moyen terme sous forme d’accords de coopération de développement de
la formation des officiers en Europe où d’autres types de solutions

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Nicolas Singellos
Le système de formation, aujourd’hui à l’international, a cette particularité que, normalement, on l’a
dit c’est l’OMI qui fixe un socle minimal de formation pour tous et après chaque État va développer
de nouvelles règles. Aujourd’hui avec les Philippines les relations entre la commission européenne
qui réglemente nos formations en Europe sont les suivantes : pour reconnaître un marin philippin, il
faut que chaque État de de l’union européenne demande à la commission qu’elle aille auditer les
organismes de formation aux Philippines et vérifier que le système de délivrance des diplômes est
bien conforme aux conventions internationales. À ce jour on en est au 11e ou 12e audit avec les
Philippines pour savoir si on pourra véritablement reconnaître définitivement les marins philippins à
bord des navires Cela pose un problème car on a déjà des philippins à bord des navires Comment
leurs formations sont-elles reconnues ? Chaque État a pris la responsabilité de s’en occuper sans
forcément avoir la couverture de la commission européenne, ce qui est pourtant nécessaire selon
les directives.
Si, à terme, on se retrouve avec une automatisation croissante et avec la nécessité de recruter des
officiers philippins formé par les Philippines, il y aura besoin de faire des coopérations bien plus
importantes, que des services français aillent aux Philippines pour agréer des formations, envoyer des
formateurs et contrôler finalement tout le système.
Le travail de l’organisation maritime internationale, c’est de faire évoluer les conventions
internationales pour pouvoir intégrer ces nouvelles logiques d’automatisation ce qui implique un
certain nombre de dispositions nouvelles. Exemple : ces opérateurs philippins qui pourraient intervenir
dans un cadre automatisé, notamment à terre sont — ils vraiment des gens de mer ?

Jean Philippe Casanova


L’évolution va en partie dépendre des travaux de l’OMI, c’est une maison qui ne travaille pas
forcément très vite et c’est très bien comme ça pour une organisation internationale. Donc là on est
juste dans l’exercice de mise à plat qui va se terminer au futur MSC 102 au mois de mai et, après, on
va commencer à travailler sur les conventions internationales en liaison avec les amateurs et
l’industrie du shipping
Donc je pense que, dans les années à venir, il va encore y avoir des emplois d’officiers ou de
personnels d’exécution à bord des bateaux pour encore de très nombreuses années d’autant qu’un
investissement dans un navire c’est pour 25 ans et pas pour quatre ans cinq ans. Donc c’est très
difficile à mon avis, à ce stade, de se projeter dans ce que sera le panel d’emploi maritime dans 10
dans dix quinze vingt ans

Edouard Berlet
Concernant la profession de pilote proprement dite qui se divise en trois catégories, le pilote hauturier,
le pilote de chenal et le pilote côtier. Est-ce que l’évolution de l’automatisation va entraîner une
évolution de ces trois types de métier de pilote, est ce que par exemple la profession de pilote
hauturier n’est pas plus ou moins menacée à terme à partir du moment où c’est une activité qui est
peut-être moins complexe que celle de pilote côtier ou de chenal

Jean Philippe Casanova


Moins complexes ou plus complexes, je ne m’avancerai pas sur ce terrain. Dans le monde, il y a une
quinzaine de milliers de pilotes maritimes. La part de pilotage hauturier est la moins importante. Il faut
voir que, dans le rôle du pilote, le cœur de métier, évidemment, c’est la manœuvre du navire
Quand le pilote monte à bord d’un navire qui approche de nos côtes, c’est le premier français qui
monte à bord et il a des obligations qui sont imposées par l’État, qui existaient déjà en droit français
avec maintenant une directive européenne qui lui demande de signaler les défectuosités du navire.
Quand il monte à bord, le pilote est la seule personne qui voit fonctionner le navire en temps réel.
Les inspecteurs de la navigation fondent bien sûr leur travail de certification externe, mais ils ne voient
pas fonctionner le navire.

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Donc l’évolution du métier de pilote, là encore, cela sera la volonté les États. S’ils décident, à un
moment donné qu’il n’y a plus besoin de mettre un pilote maritime sur le navire qui entre au port,
qu’il soit autonome ou pas, il n’y aura plus pilotes, mais, pour le moment, ce n’est pas ce qui se
dessine et, sur le navire autonome, au train ou travaille l’OMI, je doute de voir de la navigation
internationale autonome, avant de très nombreuses années. Antoine Pierson l’a rappelé hier, sur la
problématique de l’entretien sur un navire, il faudrait vraiment qu’il y ait un changement complet
de paradigme et que les navires soient complètement différents de ce qu’ils sont actuellement
parce que, pendant quelques années le recours à l’énergie thermique ne va complètement
disparaître, donc il va continuer à y avoir des vibrations sur des bateaux et qui vont nécessiter un
entretien de ces navires

Édouard Berlet
Donc à ce stade je dirais que ce qui se dégage de cette première discussion, ce n’est pas une
baisse l’emploi, mais plutôt une stabilisation, et dans certains cas, une croissance à moyen et long
terme, avec une évolution des emplois vers plus de technicité. On va sans doute d’avantage vers
des métiers d’ingénieurs que vers des métiers de marins
Une question que je veux poser, concerne le sens marin qui est évidemment très utile sur un voilier,
mais également en toute extrémité sur un porte-conteneurs par exemple dans un cas de crise grave.
Le sens marin du commandant peut alors jouer un grand rôle. Est-ce que cette question du maintien
du sens marin deviendra une question totalement folklorique avec l’évolution vers une
automatisation croissante ou que c’est ça reste une vraie question ?
Cette question est elle par ailleurs pertinente pour le secteur aérien ?

Jean Philippe Casanova


je pense que c’est une vraie question. On entend beaucoup de parler de navire autonome et pour
le moment il n’y en a pas. Il y a eu quelques essais qui ont été faits, mais avec encore des marins à
bord.
Donc admettons : il y a un navire télécommandée à distance et puis on met un marin qui a, voilà
bon allez, mon âge 48 ans avec 28 ans de navigation derrière lui donc qui a la prétention de dire
qu’il a du sens marin, sauf que dans 28 ans celui qui aura commencé à 20 ans n’aura jamais acquis
le sens marine. Donc ce sont des questions qui vont se poser ..

Jean Michel Bigarré


En aérien, on a exactement la même problématique : le sens de l’air ce que j’appelais
l’« airmanship », ou connaissances fondamentales de base. Aujourd’hui on a une génération de
pilotes qui a été formée suivant un concept qui consistait à dire que l’automatisation va simplifier à
outrance la tâche du pilote et donc on a besoin de plus d’ingénieurs de vol. En fait, on revient à des
fondamentaux du pilotage basés sur le sens de l’air et de l’alerte, qu’on est en train de se renforcer
dans les formations de base. C’est aussi pour cela qu’Airbus a décidé d’investir dans les écoles de
formation dites « ab initio » de façon à remonter au niveau mondial la valorisation des compétences
de base nécessaires pour piloter un avion. Le sens de l’air est toujours pertinent et très utile
notamment dans les situations de crise où il devient une qualité majeure du pilote qui va lui permettre
de ramener l’avion au sol quelles que soient les circonstances et indépendamment de l’ingénierie
et des systèmes techniques qui sont toutefois bien là pour l’assister. Donc le pilote est toujours au
centre de tout ce qui est technologie, de tout ce qui est IA. Pour être au cœur de ces choses-là et
les utiliser à bon escient et faire appel à des données qui ne seront pas transférables à la machine, il
faut le sens de l’air

Jean Philippe Casanova


je ne voudrais pas paraître trop contre l’automatisation et les adaptations. La photo que j’ai montrée
du céréalier. Il y a trente ans, on n’aurait pas pu le faire parce qu’on s’aide de moyens qui
n’existaient pas alors. On a aussi la puissance des remorqueurs, et les moyens de positionnement du
navire à quelques mètres près. Donc évidemment on n’est pas contre l’automatisation, mais le

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recours à ces outils grâce aux simulateurs lors de la phase de formation ne doit pas faire oublier le
sens de la mer.

Nicolas Singellos
Il faut faire aussi attention aux différentes évolutions à la fois technologiques et de perception de la
manière dont les gens conçoivent leur travail. Quand on parle de navigation à voile au 19e siècle le
marin se percevait comme membre de la seule véritable communauté maritime, capable de
prendre un ris ou tirer des bords. Quand on est passé à la navigation à vapeur, une nouvelle
communauté maritime s’est formée et qui a considéré qu’elle avait un nouveau sens marin. C’est
notamment vrai des responsables de la machine qui était uniquement utilisable à terre. Les
mécaniciens sont entrés sur les navires, ont connu un nouveau type de navigation, une nouvelle
technique et un nouveau sens marin. On a vu dans les dernières évolutions la fermeture des
passerelles. Avant vous pouviez aller sur l’aileron pour sentir le vent, pour savoir exactement dans
quel sens le navire pouvait dériver etc. On a eu des réactions lorsque les passerelles ont été fermées,
une partie des marins qui ont dit qu’ils perdaient encore leur capacité à pouvoir bien saisir des
éléments donc leur sens marin. Finalement, ce n’est pas pour autant que les marins ont perdu les
qualifications, ont perdu la capacité à pouvoir agir et à pouvoir mobiliser un sens marin qui en réalité
évolue et qui maintenant est aidé par les capteurs et autres technologies qui peuvent exister
Tout dépend en fait de la formation, on a beau être formé à l’utilisation des cartes de navigation
électronique, à la vérification sur les radars des différents éléments qui peuvent venir contrer la bonne
marche du navire, cela n’empêche pas que quand on entre dans les écoles comme l’ENSM on est
aussi poussé à faire de la voile, on est poussé à aller voir certains éléments passés qui ont construit
historiquement la profession de marin. Ils ont permis d’acquérir un certain nombre d’éléments
particulièrement intéressants pour construire le sens marin. Le problème est que le développement
des technologies conduit à amoindrir sa perception.

Édouard Berlet
le sens marin est évolutif, intéressant comme commentaire !
Je vous propose qu’on passe à la dernière partie de notre table ronde, avant de donner la parole
à la salle, sur l’acceptabilité sociale de cette évolution vers plus d’autonomie et d’automatisation. Il
y a trois types d’acceptabilité, tout d’abord, par les personnels, qui a été évoquée dans différentes
sessions déjà depuis hier, l’acceptabilité par le marché : quel sera le pourcentage de passagers
d’une compagnie aérienne qui voudra entrer dans un avion sans équipage, enfin quelle
l’acceptabilité par l’opinion. Ceux qui ont une maison au bord d’un chenal et qui verront passer des
gros navires de commerce accepteront-ils cette situation ?

Nicolas Marcou
Le drone pose beaucoup de questions en termes d’acceptabilité, selon les trois points de vue
mentionnés : une très forte pression de la part de la population des dronistes pour développer les
activités en volume, mais également en diversité. Cette volonté fait face à plusieurs formes
d’acceptabilité, celle du grand public qui est liée au fait qu’aujourd’hui l’utilisation des drones au
quotidien est aussi source de nuisances : le voisin qui va faire décoller le drone dans son jardin et
potentiellement vous espionner, ce qui est un usage non autorisé du drone, bien entendu, mais
qu’on a du mal à contrôler en fait. Donc lorsqu’on parle de drones aux gens, ils pensent à cela en
premier lieu
Une application qui ne se voit pas encore, mais qui pose de gros problèmes d’acceptabilité, c’est
par exemple la logistique urbaine en ville, le fait pour des drones Amazon ou UPS de livrer des colis
en ville pour remplacer par exemple des poids lourds du transport routier. C’est là aussi une très forte
volonté de la part des promoteurs de ces projets d’avancer, mais ça se heurte à ces questions
d’acceptabilité liées au bruit, au fait d’avoir des engins qui volent au-dessus de votre tête dont on
ne connaît pas le niveau de sécurité et qui donc potentiellement peuvent nous tomber dessus. Voilà
les questions d’acceptabilité du grand public et puis il y a la question, de l’acceptabilité des autres
acteurs de l’espace aérien. On entend beaucoup parler de l’usage souvent illicite des drones à

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proximité des aéroports, avec un pilote de compagnie aérienne qui va détecter ce drone et
s’interroger sur le risque que représente le drone pour son activité notamment en cas de collision.
Donc il y a des obstacles à lever au développement des drones si tant est que ce soit une volonté
globale de la population de voir cette activité se développer

Jean Philippe Casanova


Il y a les autres utilisateurs de la mer. Je pense que, pour les populations qui vivent sur les côtes, de
savoir qu’un navire autonome est dans l’Océan Atlantique ne pose aucun problème. Par contre, à
l’approche des côtes, on va trouver d’autres acteurs, des pêcheurs, des plaisanciers, des navires de
commerce qui ne seront pas encore automatisés et là, cela risque de poser un problème
Dans les présentations de ce matin, on a beaucoup parlé de cyber sécurité. Imaginez qu’un navire
autonome soit piraté par des terroristes informatiques et qu’il devienne une arme et puisque causer
une pollution.
Donc, l’acceptabilité des navires autonomes à proximité de nos côtes, je ne suis pas persuadé
qu’elle soit vraiment très forte

Nicolas Singellos
Il faut parler du type de navire qui sera automatisé. En effet il apparaît impensable d’automatiser
une paquebot de croisière. Deux segments de flotte sont d’avantage envisageables : le vrac sec
au long cours et puis il y a les petits essais qui sont actuellement réalisés dans les eaux scandinaves
sur des transbordeurs de passagers qui vont d’un point A à un point B
Il y a aussi le sujet des conflits d’usage parce que dans une rade vous avez énormément d’activités,
vous avez des plaisanciers, des pêcheurs qui posent d’autres types de problème d’acceptabilité.
Chacun doit se rendre acceptable par le voisin !
Ce sont des professions, comme celle de pilote de ligne, qui sont des professions de passions
Aujourd’hui, on observe une volonté forte de sédentarisation. Des marins qui commencent leur
carrière pour naviguer et puis veulent pour la suite, pour leur vie de famille, rejoindre la terre. Ils
arrivent alors avec leur bagage acquis en mer qui, avec des formations complémentaires leur
permettra d’opérer ou téléopérer de navires. il y a un basculement qui s’opérera dans quelques
années : l’acceptabilité qui était un frein, peut devenir du point de vue de la profession de marin un
élément de soutien à ce type de technologie

Marc Baumgartner
D’abord les drones et après j’aimerais parler aussi de l’automatisation
Dans le contrôle, vous avez des drones surtout militaires pour l’instant. Ils ne sont pas intégrés dans le
trafic civil et opèrent avec des règles de trafic aérien militaire dans des espaces aériens réservés à
ces fins. Nos collègues qui gèrent le trafic civil à proximité des drones militaires et des espaces
réservés nous rapportent que souvent l’OTAN les contacte pendant les opérations et leur dit : « nous
ne savons pas ce que fait ce drone, on est contraint de faire des manœuvres d’évitement ». Il y a
des restrictions de plus en plus grandes et, dans le futur, si on veut essayer d’intégrer ces drones dans
des espaces communs avec le trafic civil, il faudra que ces impondérables soient résolus.
Un exemple au sud de l’Italie, dans une des grandes bases de l’OTAN, lorsqu’un Global Hawk (des
drones de la taille d’un Airbus 320) arrive, les contrôleurs nous rapportent qu’ils mettent tous les avions
civils de l’aéroport voisin dans un circuit d’attente, parce qu’ils ne connaissent pas la procédure de
remise de gaz ou de perte de connexion du Global Hawk. Le drone est programmé de sorte que
quand il perd le contact avec la station au sol, il se met dans un mode autonome et rentre aux États-
Unis. La route et l’altitude sont programmées dans l’ordinateur de bord du drone, mais ne sont pas
connues par les contrôleurs civils. Donc avant de pouvoir intégrer correctement les drones militaires
dans l’espace aérien utilisé par les avions civils, il y a du travail.
L’acceptation de l’automatisation s’apprécie au quotidien. Dans mon centre de contrôle, on est
soumis à de très nombreux changements (procédure, technologie etc.). L’automatisation de

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certaines de nos tâches de contrôle du trafic aérien progresse lentement mais sûrement et nous
apporte une vraie assistance au quotidien. Aussi longtemps que cette automatisation nous aide
d’une manière intelligente, elle est la bienvenue et est bien acceptée par les contrôleurs.
Il y aura probablement des moments, où il faudra négocier, non pas négocier au niveau salarial,
mais négocier comment on va l’introduire, quels sont les pièges à éviter.
Le jour où l’assistance à la prise de décision du contrôleur passe à un niveau supérieur, c’est-à-dire
le jour où il y aura des instructions du calculateur, comme par exemple pour les contrôleurs de
Londres Heathrow qui reçoivent sur leur écran radar une indication où ils doivent mettre l’avion, ce
ne sera plus qu’une simple assistance à la prise de décision et le contrôleur de Heathrow essaiera
d’aligner les avions sur les vecteurs qui sont calculés et prédits par la machine.
Dans le futur, on peut imaginer que, au lieu que ce soit l’être humain qui donne ses instructions, elles
seront automatiquement envoyées du sol vers l’avion en l’air. Pour que ceci fonctionne d’une
manière correcte, il faudra changer aussi les moyens de communication, avoir des « data links » plus
puissants que ce qu’on a actuellement dans le domaine civil.
En même temps, il faudra régler les problèmes légaux parce que vous ne pouvez pas amener en
justice un ordinateur. Donc vous avez toujours besoin d’un être humain, est-ce que ça va être le
programmeur, le constructeur de l’automatisme, le contrôleur ou le pilote ? Des enjeux qui ne sont
pas seulement de philosophie du contrôle, mais également de société.

Jean Michel Bigarré


Je mets de côté volontairement l’avion sans pilote car on n’y travaille pas et cela poserait de vrais
sujets particulièrement complexes.
Concernant l’automatisation, je pense qu’il y a une acceptation qui devrait être assez naturelle pour
deux raisons : d’abord, au niveau des avancées technologiques et de l’intégration par le monde
des pilotes, cela se fait bien aujourd’hui. Je ne connais aucun pilote ayant volé sur A 350 qui n’est
pas d’accord sur le fait que l’avion a maintenant un niveau d’assistance, même en situation
dégradée, qui est élevé.
Le grand public quant à lui est en train d’accepter l’avion à pilote unique : on a des avions qu’on
appelle mono pilotes qui peuvent être des jets d’affaires où déjà des passagers vont avec un seul
pilote à bord.
Je pense aussi que c’est une question de temps et, c’est un sentiment personnel. On est capable
de dire qu’il y a un pilote compétent à bord de l’avion et qu’il est là pour s’assurer que tout se passe
bien, je pense que la diminution du nombre d’équipages en croisière pour effectuer une rotation
devrait se passer correctement

Edouard Berlet
Il nous reste un peu de temps pour passer la parole à la salle : y a t il des questions ?

Question de la salle
C’était une question peut-être plus dans le domaine maritime, mais je crois que ça touche aussi
l’aviation. Vous avez parlé de passion dans le métier et c’est vrai que cela reste des métiers assez
durs et des métiers de passion. Cette automatisation fera peut-être de moins en moins appel au sens
marin, même s’il évolue. Est-ce qu’il n’y a pas un risque de perte de passion justement et qui se
traduirait, comme vous le souhaitiez, par la sédentarisation beaucoup plus rapide, comparé à il y a
dix vingt trente ans quand les gens étaient marins navigants du début à la fin.

Nicolas Singellos
ça dépend en fait de ce que constitue ce qui a motivé la passion ; est-ce que c’est la navigation
pour traverser des grands espaces comme l’océan ? Si on reste sur une logique avec un officier et
des marins à bord, cette passion-là existera toujours. Si c’est mettre les mains dans le cambouis,
parce que vous aimez la machine marine, ça évoluera aussi en fonction de l’automatisation. On l’a

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vu lors du passage de la vapeur au diesel qui a été un élément extrêmement perturbant pour les
mécaniciens, puisque ils sont passés d’une situation où seuls les pistons étaient invisibles à une
situation où quasiment la totalité de la machine l’était et il fallait la démonter pour pouvoir
véritablement y mettre les mains à l’intérieur
Ce qui fait évoluer la passion du navigant ce n’est pas véritablement l’évolution du navire lui-même,
c’est son mode l’exploitation. c’est ce qu’on lit dans toutes les enquêtes qu’on peut mener auprès
des marins professionnels ; le fait que les cadences soient beaucoup plus importantes, le fait qu’on
ne puisse pas rester très longtemps en escale ce qui signifie moins de liberté Le fait de suivre des
routes particulières, qui sont définies par les centres opérationnels d’armateurs etc..
Ce sentiment de perte de liberté est exprimé notamment par les jeunes qui sortent de l’ENSM et qui
commencent le métier alors que le maritime a longtemps été perçu comme l’espace même de
liberté
C’est cela qui, peut-être, amène aujourd’hui à réduire la passion.

Aymeric de la Bellière, étudiant à l’ENSM


Aujourd’hui on voit que l’automatisation est possible pour la traversée en elle-même, mais aussi bien
dans l’aéronautique que dans le maritime, on sent qu’il y a un blocage au niveau des infrastructures
portuaires et aéroportuaires. Est ce qu’il y a des plans qui ont été lancés avec une volonté de
responsables d’automatiser les ports et les aéroports afin de permettre une meilleure communication
machine/machine à l’avenir ?

Jean-Michel Bigarré
Aujourd’hui on voit l’automatisation qui arrive de plus en plus dans les aéroports. On le voit pour les
moyens de parking et pour l’obtention des différentes autorisations qui nous permettent d’évoluer
sur le terrain lui-même. Une partie difficile qu’on néglige souvent pour un aéroport, c’est la partie au
sol. Une fois qu’on a décollé, le plus dur est fait, parce que certains aéroports sont extrêmement
complexes et effectivement l’automatisation s’est beaucoup développée.
Je pense que ça va se poursuivre pour les moyens de roulage et de parking et tout ce qui est relatif
à la passerelle pour l’instant c’est encore manuel je pense qu’à terme toutes ces choses-là
évolueront.

Un intervenant dans la salle


Je pense que jusqu’ici on a eu la vision plutôt GIFAS et, en tant que membre de l’Aéro-club de
France, je voudrais revenir un peu à l’échelle humaine
Je pense qu’avant l’A380, on a eu les frères Wright et avant le Normandie, on a eu le canoë et je
pense que, autant le Normandie que l’A380 sont des exploits humains extraordinaires.
Monsieur Marcou nous dit qu’il n’y a pas de drone habité aujourd’hui en France.
Quelqu’un en a parlé hier, le système Garmin, aujourd’hui, c’est effectivement un système de drones
habité. C’est en mode dérogatoire, je suis d’accord, c’est-à-dire qu’on ne le met en route qu’en
cas de panne humaine, mais dans ce cas précis, il y a aujourd’hui un système installé sur des avions,
qui sont capables de voler de manière autonome et de ramener les passagers à terre sans aucune
intervention de l’extérieur.
Dans le cas du maritime, je pense qu’il faut regarder du côté des start-up avec des projets comme
les SeaBubbles, des navettes des taxis nautiques sur la Seine ou pourquoi pas entre Evian et Lausanne
et on peut imaginer plein d’autres cas où ce genre de technologie serait formidable
Ailleurs dans le monde en dehors de la France, il y a, à Singapour, déjà des aéro taxi volants ainsi
qu’en Chine et à Dubaï
Donc il y a déjà dans le monde pas mal de projets d’aéronefs autonomes.
Je trouve qu’on en a fait abstraction jusqu’ici dans ce colloque et cela m’étonne.

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Je suis d’accord pour que lorsque on transporte 800 passagers dans un A380, on ait deux trois ou
même quatre pilotes à bord, mais, quand il s’agit là de la mobilité individuelle, aujourd’hui, on sait
transporter des personnes avec beaucoup moins de risques qu’à l’époque du Spitfire, de manière
sûre et même plus écologique aujourd’hui que l’automobile et je pense que l’autonomisation est
l’avenir de la mobilité à la fois marine et aéronautique.

Nicolas Marcou
Aujourd’hui j’ai juste évoqué la mobilité urbaine. Il y a une très grosse activité économique avec 170
prototypes de taxis aériens dans le monde, à ce jour, et une très forte volonté de développement.
Les applications que vous mentionnez (velocopters,) ne conduisent pas à une dronisation complète
avec des passagers qui montent à bord d’aéronefs sans pilote
Il y a eu récemment des études sur l’acceptabilité sociale de ce type d’application, mais ça peut
évoluer.
Aujourd’hui on a en gros 65 % de la population qui serait prête à monter dans un taxi aérien avec
un pilote à bord. Cette proportion tombe à 12 % si on envisage la dronisation complète de l’aéronef.
Ce sont des statistiques allemandes et on n’a pas la projection en France

Jean-Philippe Casanova
Vous avez mentionné des projets dans le maritime.
Effectivement il y a des projets vous avez parlé de SeaBubbles sur la Seine et, à Singapour, il y a eu
récemment une remorqueur qui a été télécommandé pour une mise à quai et d’un point A à un
point B.
Il y a forcément une demande qui ira peut-être vers l’autonomisation des navires
Concernant les remorqueurs, par exemple il y a d’autres débouchés pour l’automatisation par
exemple dans la lutte anti-incendie dans les ports, en cas d’incendie d’un navire.
Dans le cadre de la recherche sismique, et je crois que ça se fait même déjà, avec un navire maître
avec des petits navires autour qui font de la recherche et qui sont télécommandés depuis la
plateforme

Question de la salle
Quand j’étais jeune officier et navigant, si je demandais de virer à bâbord, je savais pourquoi parce
que c’était moi qui l’avais décidé et je savais comment ça fonctionnait
Aujourd’hui avec un bateau autonome, si j’ai bien compris, je suis plutôt un passager
Quel niveau des connaissances, va -t-on demander au futur navigant pour qu’il comprenne les
réactions du bateau ?

Nicolas Singellos
J’espère que, s’il est sensé reprendre à un moment donné le contrôle du navire, qu’on lui
demandera les mêmes qualifications maximales qu’on demande aujourd’hui aux capitaines des
navires

Jean-Michel Bigarré
Dans l’aérien, aujourd’hui, on a des avions qui sont effectivement très automatisés. Donc tout ce qui
est compétence de base est intégré dans les simulateurs
Les compétences sont maintenues et on doit prendre des mesures pour maintenir ces compétences
C’est un sujet qui peut être complexe : une compétence n’est pas simplement savoir faire quelque
chose, c’est aussi savoir le faire dans un environnement donné avec des pressions qui peuvent être
temporaires. On a des gens qui sont tout à fait capables de faire des choses dans les simulateurs et

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qui, lorsqu’on les transpose dans un avion avec la pression associée, ne sont plus capables de les
faire
C’est pour cela que je parle de « soft keys », qui comporte la confiance en soi. Il y a des tas
d’éléments complémentaires aujourd’hui dans l’aviation et chez Airbus on les prend très au sérieux
Aujourd’hui mon point de vue personnel c’est que tant qu’il y a un pilote dans l’avion ou dans le
bateau, il se doit d’être compétent pour pallier tout ce qui peut se passer et il faut mettre en œuvre
ce qui est nécessaire pour qu’il puisse conserver ces compétences.
Marc Baumgartner
C’est aussi un des plus grands enjeux dans l’évolution de l’automatisation dans le contrôle du trafic
aérien. On aimerait pouvoir créer quelque chose qui puisse faire évoluer les choses en coopération
étroite avec les opérateurs
Aujourd’hui, concernant les radars, une caméra prend, toutes les mili-secondes ou toutes les
dixièmes de seconde, une image et au moment où le radar tombe en panne, on pousse le bouton.
Donc vous n’avez plus besoin de former des personnes pendant cinq à six mois sur des choses qui
arrivent peut-être une fois tous les dix ans. Mais comment on fait en sorte que la personne qui doit
enclencher son écran d’urgence peut l’utiliser d’une manière intelligente ?
C’est ça vraiment l’enjeu au niveau du contrôle trafic aérien dans une automatisation avec le
développement futur de ces technologies

Hugo Bolton, étudiant à l’ESTACA, élève pilote


J’ai une question sur l’exploitation des avions mono pilote. Cela existe déjà et on voit dans l’aviation
d’affaires, qu’en fait, il y a très peu de clients qui sont prêts à voler avec un seul pilote et que, même
si l’avion est exploitable avec un seul pilote, il préfère en avoir deux, que ce soit par un choix
personnel ou que ce soit pour une histoire d’assurances.
Dans la compagnie où j’ai travaillé, l’avion est mono pilote et, dans plus de 80 % des cas, le client a
demandé qu’il y ait deux pilotes dans l’avion
Qu’est-ce que vous en pensez ?

Jean-Michel Bigarré
Il y a plusieurs éléments, d’abord il y a eu une évolution réglementaire récente dans le transport
public de passagers. Un mono pilote était très contraint règlementairement notamment de nuit. Ça
s’est un peu dégagé, donc c’est plus facile.
Effectivement, il y a quelques cas où des opérateurs mettent un deuxième pilote qui, souvent, n’est
pas ou moins qualifié sur la machine. Il en profite pour acquérir des heures de vol et cela ne coûte
pas grand-chose, cela fait du bien à tout le monde et cela rassure le passager et l’autre pilote a
quelqu’un sur qui il peut s’appuyer en cas de problème
Globalement, il n’y a pas de vérité absolue, il y a des avions qui volent en mono pilote sans problème,
il y en a qui se font assister.

Edouard Berlet
Je vais clore maintenant cette table ronde en vous remerciant tous d’avoir participé dans ces
circonstances de grève très handicapantes, et fait part de vos réflexions et expériences sur ce sujet
en pleine évolution.

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SESSION 3. ASPECTS JURIDIQUE ET RESPONSABILITÉ

Modératrice : Françoise Odier


Académie de marine

La dernière session de notre colloque n’est pas la moins importante parce qu’il s’agit des affaires
juridiques or vous savez que, bien souvent, tout se termine par des affaires juridiques.
Nous sommes dans un domaine où le droit n’est pas forcément encore très à l’aise.
Pourquoi le droit n’est pas à l’aise ? tout simplement parce que le droit est le reflet d’un ordre, un
ordre comportant des normes, tenant compte d’un environnement stable.
Comme vous l’avez constaté après tous les exposés que vous avez entendus, depuis deux jours, nous
sommes dans un domaine où tout évolue très vite.
Nous ne savons pas aujourd’hui de quoi demain sera fait. Il est bien difficile dans un tel cadre de
prévoir des règles, voire même, dans certains cas, des définitions
Pourtant les affaires se font, vous avez pu en juger. Tout évolue, tout avance et tout avance très vite
et si les affaires peuvent se faire malgré tout et bien c’est parce que nous avons l’assurance et
l’assurance, en matière d’affaires dans ce domaine d’investissement, comme dans tous les
domaines, c’est la sécurité.
Grâce à nos amis assureurs, les entrepreneurs peuvent se lancer et faire preuve d’imagination, donc
c’est, avant tout, aux assureurs que je vais faire appel pour qu’ils vous exposent comment cela se
passe dans le domaine maritime d’une part, dans le domaine aérien d’autre part
Pour autant, rassurez vous, nous ne négligerons pas les juristes. Ils viendront après, ils vous expliqueront
comment il faut plus ou moins bâtir et imaginer ce droit de demain.
Vous aurez droit à Maître Bensoussan qui est un grand artiste, si je puis dire, en matière d’intelligence
artificielle, un artiste au moins sur le plan juridique et, croyez moi, c’est rare, vous avez la chance de
l’avoir
Vous aurez également le Professeur Delebecque qui sera là pour nous exposer le droit dans sa
stabilité et ses traditions
Mais le droit c’est aussi des affaires qui ne sont pas toujours très plaisantes et je veux parler du
domaine pénal. Maître Foreman nous en expliquera les difficultés
Dans la troisième partie de cette session, nous verrons que bien souvent la grande interrogation est
qui va être le responsable. Lorsque cela se passe mal, il va bien falloir trouver un responsable or ce
n’est pas toujours évident : ce n’est pas forcément un constructeur, ce n’est pas forcément
l’opérateur, cela ne peut pas être le commandant de bord.
Donc on va se poser la question : ne serait-ce pas le certificateur, le certificateur nous l’aurons avec
Monsieur Raynaut du bureau Veritas qui va nous exposer (alors que nous avons vu ce matin ce que
le bureau Veritas pourrait faire) les responsabilités qu’il serait susceptible d’encourir.
Je vais demander d’abord à l’assureur maritime, c’est-à-dire à monsieur Frederic Denèfle, directeur
général du CESAM de prendre la parole.

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Assurance de navire autonome

Frederic Denèfle
Directeur général du CESAM

Un grand merci à l’académie d’avoir pensé à faire parler les assureurs maritimes que je représente
aujourd’hui
Sur le sujet technologique des navires sans équipage, je dis bien un navire sans équipage : un sujet
technologique parce que c’est vrai que, sur le plan juridique, on se trouve devant une situation qui
n’est pas très facile à faire cadrer avec les conventions internationales, avec les lois nationales
De fait, les assureurs que nous sommes éprouvent une petite difficulté pour apporter la sécurité
juridique, dont parlait en introduction Madame Odier
Les assureurs maritimes, à l’instar de n’importe quel assureur, sont en mesure d’apporter de la sécurité
sur les risques qu’ils maîtrisent, qu’ils connaissent et, en la matière, tout commence pour maîtriser et
connaître par une définition juridique et on va voir aujourd’hui qu’on en manque cruellement,
s’agissant de navires sans équipage
Donc l’assurance maritime, d’abord, qu’est-ce que c’est ? j’ai voulu faire un tout petit rappel pour
que vous vous souveniez de l’hétérogénéité de l’assurance lorsqu’on parle d’assurance maritime

Voilà, on a un navire qui s’est encastré dans un autre, c’est ce qu’on appelle un événement de mer.
Cela va intéresser plusieurs personnes, évidemment l’armateur qui a besoin d’une assurance pour
couvrir son actif essentiel qui est le navire dont il est propriétaire, évidemment, par ricochet, son
banquier qui recherche absolument, dans le cadre de son contrat, à ce qu’une assurance couvre
toute l’activité du dit navire, aussi les chargeurs de marchandises qui achètent de l’assurance
maritime pour couvrir leurs marchandises contre tous dommages qui pourraient survenir pendant le
transport et puis aussi évidemment les affréteurs des navires qui s’intéressent à l’assurance maritime
responsabilité civile (RC) dans la mesure où ils veulent voir leur assurance les protéger.
Donc que ce soit les armateurs ou les affréteurs, chacun d’eux a aussi intérêt à avoir une assurance
responsabilité civile (RC), on parle de Professional Indemnity (P and I), indemnités qui viennent couvrir
l’assurance responsabilité civile quid des armateurs, quid des affréteurs

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Et puis, enfin, comme acteurs intéressés à l’assurance, on a l’État côtier, l’État qui se retrouve
potentiellement victime de marée noire, victime de dommages à son littoral, victime de dommages
à son environnement et qui cherche à ce que les navires qui rentrent dans ses eaux territoriales
bénéficient d’une couverture qui viendra couvrir la responsabilité civile de l’armateur
Donc voilà posée la scène avec cinq acteurs qui, potentiellement, s’attachent à trouver des
assureurs maritimes pour garantir leurs activités, leurs responsabilités ou leur patrimoine
Je suis toujours surpris par le fait que nos interlocuteurs professionnels cernent assez mal ce que
représentent les assurances maritimes.
L’International Union Maritime Insureurs est une association professionnelle qui regroupe 49
associations d’assurance maritime dans le monde et qui publie des statistiques.
Pour 2018, le chiffre d’affaires de l’assurance maritime c’est 30 milliards de dollars qui se
décomposent en 7 milliards du côté des corps8, 17 milliards du côté des cargaisons, 2 milliards du
côté des P & I et 3 milliards du côté des risques énergie.
Le Risque énergie ce sont les plateformes pétrolières et puis, de plus en plus, tout ce qui touche aux
champs d’éoliennes en mer.
Il y a un point commun entre tous les assureurs maritimes, que ce soit les assureurs des navires, que
ce soit les assureurs des marchandises ou que ce soit les assureurs de la responsabilité civile des
acteurs que ce soit les armateurs ou que ce soit les affréteurs, c’est que ces assureurs doivent être
sûrs que les navires qui sont utilisés par ces différents protagonistes sont conformes aux conventions
internationales, sont armés, sont équipés et sont exploités conformément aux conventions
internationales.
La première de ces conventions est la convention internationale du droit de la mer de Montego Bay
qui prévoit que, à bord d’un navire, on doit avoir un capitaine, des officiers et des hommes
d’équipage qui vont être en mesure d’exploiter le navire.
Ensuite, la convention SOLAS qui prévoit que l’administration qui délivre le pavillon doit s’assurer, au
vu de la sécurité en mer, que le navire a à bord un équipage suffisant en nombre et en qualité. Une
troisième convention pèse son poids, en matière de sécurité maritime, c’est le règlement
international pour prévenir les abordages en mer, le RIPAM, qui dispose qu’un navire, son propriétaire,
son capitaine ou son équipage souffriront des conséquences d’une négligence quelconque qui
pourrait entraîner une collision.
Donc cela sous-entend qu’à bord des navires aujourd’hui, en matière de responsabilité, suite à une
collision, on trouve effectivement un équipage, une équipe en mesure de conduire le navire. Un
équipage à bord, du point de vue d’un armateur diligent, cela va être des gens qui sont spécialisés
sur le service pont, en plus du commandant, donc on aura un second capitaine, un lieutenant,
officier radio, un maître d’équipage, un timonier etc et puis, pour le service machine, qui est le cœur
du dynamisme de l’unité, on va trouver des officiers, des chefs mécaniciens, des électriciens et des
ouvriers mécaniciens qui viendront apporter leur concours à l’activité du bord et donc à la sécurité
de l’opération.
Soit, une dizaine de personnes et quelques fois plus, évidemment, et en tout état de cause
l’équipage au jour ou nous parlons est une donnée fondamentale de la sécurité de l’exploitation
d’un navire et personne n’est autorisé à s’en passer, aussi bien les armateurs que les assureurs. De
leur côté, les assureurs ne peuvent pas se passer des sociétés de classification pour vérifier que ces
navires sont bel et bien armés conformément aux dispositions internationales, aux dispositions
nationales, applicables à travers la réglementation du pavillon qui régit l’activité du navire. C’est un
point essentiel que, là aussi, vous devez garder en mémoire.

8 Assurance corps : assurance de la coque du navire. Assurance faculté : assurance des cargaisons. Assurance de
responsabilité ou P & I (protecting and indemnity club) soit des mutuelles d’assurance.

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Les trois catégories d’assureurs maritimes, les assureurs Corps, les assureurs facultés et les assureurs P
& I exigent tous, dans leurs garanties, que les navires soient classés et, qu’en tout état de cause,
cette classification soit à jour, que toutes les cotations des sociétés de classification soit à jour, que
ce soit sur le plan statutaire, que ce soit sur le plan plus réglementaire ou conventionnel.
Il y a toute une gamme de contrôle qui doivent être faits par les sociétés de classification et ces
sociétés classification doivent s’assurer que les conditions d’exploitation satisfont aux conventions
internationales ou nationales, applicables à travers le pavillon. Evidemment, l’une des premières
d’entre elles est qu’il y ait à bord du navire avec l’équipage idoine, avec les compétences adaptées.
C’est essentiel du point de vue de l’assurance maritime, donc, pour paraphraser un tout petit peu
ce propos, on peut dire que pas d’équipage à bord pas d’assurance maritime.
Les assureurs ont toujours eu des critères d’analyse du risque maritime qui, essentiellement, visaient à
vérifier que le navire était bien utilisé conformément à sa destination commerciale, à sa destination
technologique et qu’on avait une parfaite fiabilité, au niveau de la qualité de l’équipage de ses
effectifs. Les assureurs vérifient que cette qualité de l’équipage avec l’effectif idoine soit en mesure
d’entretenir le navire et de l’exploiter selon les normes applicables. Cette fiabilité est garantie du
point de vue de l’assurance maritime par les sociétés qui sont membres de l’AIAC et, à partir de ces
critères de pavillons, critères de la société de classification, les assureurs vont être en mesure de se
décider à coter l’assurance d’un navire, a délivré donc une protection financière et à mettre en
place un contrat d’assurance pour couvrir le navire ou pour couvrir les facultés ou pour couvrir
l’assurance Responsabilité Civile (RC) de l’armateur.

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Lorsqu’on m’a interrogé sur la possibilité d’avoir un navire sans équipage qui soit effectif à court
terme et donc si on était devant un scénario réaliste, j’ai été rattrapé, en fait, par l’actualité parce
que vous avez sans doute vu que les premiers essais en mer d’un navire sans équipage ont eu lieu,
en septembre, d’une façon je dirais parfaitement satisfaisante.
On a eu un navire d’un armateur japonais qui a fait une croisière expérimentale entre deux points
du Japon. Ce n’est pas tout à fait neutre de dire que cela s’est passé dans les eaux territoriales
japonaises et les essais ont été effectués, conformément au guide intermédiaire délivré et publié par
l’Organisation Maritime Internationale, qui recommande les critères à satisfaire sur le plan
technologique pour exploiter un navire sans équipage. Voilà une opération qui s’est faite, quasiment,
d’une façon confidentielle sans qu’il y ait, évidemment, eu un quelconque événement de mer ni un
problème quelconque à déplorer, en parfaite satisfaction avec les autorisations réglementaires, qui
avaient été données par les autorités japonaises. Donc, en fait, aujourd’hui, le fait précède le droit ;
on a une expérimentation de navire commercial sans équipage qui a pu croiser sans aucune
difficulté.
Les assureurs n’avaient pas eu leur mot à dire. Je suppose que, dans une affaire comme cela, on a
demandé une autorisation spécifique aux assureurs concernés, c’est-à-dire que l’assureur du navire
IRIS LEADER a dû faire une extension de couverture, le P & I de l’IRIS LEADER dû faire une extension
de couverture pour accepter que le navire puisse être exploité, à titre expérimental, sans équipage
à bord
En dehors de cela, les assureurs refusent d’apporter leur concours à ce genre d’exploitation, donc il
faut obtenir une autorisation spécifique auprès des assureurs pour faire ce genre d’opération. Je me
suis dit, cela s’est bien passé, c’est un car carrier (transport de véhicules), il n’y avait pas de
d’équipage à bord, mais comment est-ce qu’on apprécie les risques habituellement des car carrier,
est-ce que on s’intéresse de très près aux nombres d’hommes à bord ? à l’attitude des équipages ?
qu’est ce qu’on fait de spécifique, en matière d’assurance maritime, vis-à-vis des car carrier ?
J’ai regardé dans nos registres nos retours d’expérience sur les car carriers, on en a assuré un certain
nombre. En fait, on s’intéresse exactement aux critères habituels, que je vous ai cités tout à l’heure,
c’est-à-dire l’État du pavillon, la société de classification, le retour d’expérience sinistre sur le navire
et ou sur l’armateur et on n’a pas véritablement d’analyse spécifique sur les car carriers qui conduise
à avoir une démarche assurantielle particulière.

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Pourtant, il faudrait qu’on se méfie parce que dans la même période, au mois de septembre
précisément, on a eu un car carrier qui a fait naufrage, qui était lui parfaitement équipée avec 14
hommes d’équipage à bord. Ce navire s’est retourné devant l’État de Géorgie, dans les eaux
territoriales américaines, l’équipage a été évacué, mais il a fallu 30 heures pour sortir quatre hommes
d’équipage qui étaient coincés dans la salle des machines
Plus près de nous, le 3 décembre dernier, on a un navire qui a été l’objet d’un incendie encore un
Car Carrier le RCC PASSION, au large d’Ouessant. Il a c bénéficié de l’intervention des sauveteurs
des Abeilles et l’équipage, qui était à bord, a tenté avec succès de lutter contre les incendies et a
pu sauver ce qui pouvait être sauvé
Donc, dans deux cas de figure, on a un car carrier, l’un qui en perte totale et l’autre un car carrier
qui est sauvé. Dans les deux cas, on a un équipage : dans l’un des deux sinistres, malheureusement,
l’équipage ne peut rien faire et ne peut pas arrêter le sinistre et contribue à l’aggravation du
phénomène car des hommes coincés à bord lorsqu’un navire s’est retourné, c’est très difficile à aller
rechercher et très complexe. C’est une opération qui va démultiplier les moyens uniquement pour
sauver les personnes qui sont à bord. Alors que dans l’autre cas, l’équipage a été en mesure de lutter
avec succès contre le sinistre incendie dans la salle des machines.
Donc les hommes d’équipage sont à la fois un élément du problème, mais aussi ponctuellement un
élément de la solution face à un risque couvert par l’assurance maritime. C’est comme cela qu’on
aborde aujourd’hui la question, on se dit est-ce que c’est une opportunité de ne plus avoir un
équipage à bord ou est-ce qu’au contraire avoir des hommes d’équipage à bord est une meilleure
garantie qui permet de circonscrire le risque maritime.
Quand on regarde quels sont les risques, par origine en matière maritime, je tiens à saluer tout
particulièrement le travail qui a été fait par Monsieur Clostermann avec une thèse sur les facteurs
humains au cœur de la sécurité maritime et la gestion des ressources en passerelle de navires. Cette
thèse de doctorat a été faite dans le cadre de l’université de Bretagne sud à Nantes, cette thèse
de psychologie a été déposée en 2014

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Il a fait un rapprochement entre les causes de sinistre entre le domaine aérien et le domaine maritime
et il a découvert que, dans les deux cas, l’équipage était souvent à l’origine du sinistre d’une manière
ou d’une autre.
Pour ce qui concerne l’aviation civile, l’équipage est responsable à hauteur de 67 % tandis, qu’en
matière maritime, l’équipage est responsable à hauteur de 73 % des cas. Pour la marine marchande,
l’humain est donc un élément de la solution et un élément du problème et, donc, si les sinistres, au
trois quarts, sont du fait de l’homme, alors on peut se dire qu’un développement technologique peut
nous promettre un monde sans sinistre
C’est une question qui se pose, je ne sais pas si on pourra y répondre d’une façon stricte, mais, en
tout état de cause, c’est aujourd’hui la question qui est dans pas mal d’esprits. L’assurance maritime
de demain devra traiter cette question, mais pas toute seule avec ses moyens, elle devra sans aucun
doute revoir ses critères d’analyse de risques, en observant, le plus possible, ce que l’on sait de la
technologie qui est utilisée pour s’affranchir des hommes d’équipage et puis il faudra aussi, qu’en
plus de ces nouveaux critères, les personnes qui travaillent dans le milieu de l’assurance maritime
s’intéressent, véritablement, à ce qu’est l’intelligence artificielle
Aujourd’hui lorsque vous passez dans un département souscription d’assureurs maritimes, vous ne
trouverez pas un spécialiste d’intelligence artificielle, vous trouverez des gens qui sont spécialistes du
risque maritime dans son ensemble, qui connaissent l’avarie commune9 qui savent ce qu’est une
assistance, qui savent combien coûte une tonne de tôle à changer sur une coque de tankers.
Mais vous n’aurez pas la possibilité de trouver quelqu’un qui vous explique comment marche
l’intelligence artificielle et comment l’intelligence artificielle peut influencer sur le risque. Donc il y
aura aussi e une révolution intérieure à faire en matière de compétences internes. On observera
aussi comment travaille l’Organisation Maritime Internationale quant à la refonte des conventions
internationales qui doivent s’appliquer.
Je vous ai rappelé tout à l’heure qu’il y en avait trois, mais il y en a beaucoup plus que cela et qui,
dans leurs dispositifs, évoquent la présence de l’homme, l’importance du commandant,
l’importance d’avoir un homme d’équipage à bord, qui en font un point cardinal de l’exploitation
du navire. Comment est-ce que l’OMI fera évoluer ces conventions, il y a tout un travail qui est en

9 Avarie commune : procédure de droit qui permet de mutualiser le montant des dommages survenus à bord entre tous
ceux qui participent à l’aventure maritime.

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cours, travail remarquable auquel la France participe et cela va déboucher sur des propositions
d’amendements ou des propositions de nouvelles conventions. Il faudra qu’on soit très attentifs à ce
que ce qui sort de tout ça. La question est aussi : que feront les assureurs aériens, parce qu’il y a
beaucoup de points de convergence entre le maritime et l’air, et pas seulement les hélices, il y a
beaucoup d’autres choses qui font que des technologies peuvent être utilisées et incorporées dans
les deux domaines. Donc on s’intéressera évidemment à ce que feront les assureurs aériens et puis
la question peut-être la plus fondamentale qui se posera, c’est qui va traiter le risque des navires sans
équipage. Est-ce que ce sera toujours les assureurs maritimes, où est-ce que ce seront des assureurs
cyber en tant que tel.
C’est une question qui est totalement ouverte, il est bien possible que pour remonter la chaîne des
risques, pour remonter la chaîne de la fiabilité d’un navire sans équipage, on soit obligé de passer
par une analyse de spécialistes du monde du cyber et du monde du numérique et puis, enfin, il
faudra voir si tout cela est soutenable sur le plan économique
Je vous ai rappelé tout à l’heure un chiffre 30 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel pour
l’assurance maritime dans son ensemble au niveau mondial, est-ce, qu’avec les primes qui seront
collectées auprès de ces nouveaux acteurs, on sera en mesure de faire face aux sinistres moyens ou
au sinistre maximum de demain qui seront liés à l’exploitation des navires sans équipage, une
question de plus, mais une question fondamentale.

Assurance d’aéronef autonome

Sophie Moysan
Directrice juridique et sinistres, la Réunion Aérienne

J’étais déjà intervenue dans un colloque il y a trois ans, à Toulouse, sur un thème très proche qui était
justement la question de savoir si, à l’horizon 2050, on aurait des aéronefs sans pilote

En résumé les débats ont fait apparaître que, peut-être, à l’horizon 2050, l’aéronef sans pilote serait
possible pour le transport de fret, mais plus difficilement pour le transport de passagers. Dans ce cas,
on était plus dans une évolution progressive avec des appareils qui sont de plus en plus automatisés,
de plus en plus connectés et interconnectés. Et puis, peut-être qu’en 2050 ou un peu plus tard, un

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seul pilote à bord avec peut-être en parallèle, un pilote au sol. On pourrait envisager dans quel cas
il faut que ce soit la machine qui prenne le contrôle, dans quel cas il vaut mieux que ce soit le pilote
à bord et dans quel cas : genre pilote suicidaire, dépressurisation de l’appareil, il faut que
l’atterrissage en urgence de l’appareil soit programmé du sol ? Donc, là, c’est peut-être aux
spécialistes de l’intelligence artificielle de traiter tous ces cas.
Il faut bien sûr que ce transport avec ou sans pilote soit de plus en plus sûr. On sait que l’on n’a pas
arrêté de progresser en termes de sécurité et cela devrait continuer. En tout cas, c’est le souhait,
bien entendu, y compris avec un avion sans pilote. Qu’est ce qui a changé depuis cette conférence ?
Le nouveau sujet à la mode, c’est le sujet des taxis aériens de l’Urban Air Mobility, cette idée de
transport de passagers au sein des villes ou entre les aéroports et les villes, entre la banlieue et les
villes. Il s’agit d’aéronefs de petite dimension qui peuvent être de différents types, plutôt voilure
tournante ou voilure fixe tournante. J’ai surtout vu qu’il transporterait de deux à huit personnes, avec
peut-être un pilote présent à bord, mais qui n’aurait, entre guillemets, presque rien à faire, voire
même dans un deuxième temps, avec un aéronef complètement autonome. Cela soulève des
questions un peu complémentaires par rapport à celles qui se posaient déjà, notamment le
problème de survol de zones très habitées avec le problème du bruit. Mais c’est déjà le cas avec les
projets à plus long terme sur les appareils de plus grande dimension. La problématique du risque
cyber et, d’une façon générale, les problèmes d’intégration pendant la phase transitoire dans le
trafic aérien général.

Je crois qu’il y a à peu près de 200 projets en cours de taxis aériens,


Quels sont les risques liés spécifiquement aux aéronefs sans pilote ? Eh bien les mêmes risques que
pour un aéronef avec pilote, avec le débat : est-ce que le pilote contribue ou pas à la sécurité ou
au contraire crée des risques ?
Les statistiques ont tendance à montrer que les pilotes ont un rôle contributif dans la vaste majorité
des accidents aériens, mais pas forcément un rôle unique. Il y a beaucoup de problèmes qui ne sont
pas des problèmes de faute de pilotage, mais des problèmes d’interactions homme machine.
De fait, la présence du pilote à bord n’est pas toujours un facteur de sécurité et, en tout cas, pilotes
ou pas pilotes, il y a toujours des humains derrière les machines, y compris les ordinateurs. Il y a des
humains à la conception, il y a des humains dans les opérations et donc le risque zéro, probablement
n’existe pas. Et on continuera bien à avoir des accidents aériens qui feront des victimes à bord et au

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sol. Donc là, c’est vraiment le risque aérien classique que connaît bien l’assureur aéronautique et
qu’il est tout à fait prêt à prendre, sous réserve de la problématique des risques cyber de nature plus
systémique.

Il y a deux types de cyber risques, celui qui affecte la sécurité et celui qui affecte la sûreté aérienne.
Les deux vont de pair avec des risques de dommages corporels ou matériels. Et puis, il y a les risques
cyber qui peuvent avoir un rapport, bien sûr, avec l’activité aérienne, mais qui ne sont pas des risques
véritablement de sécurité aéronautique, ce sont les risques de panne de systèmes. On en a vu, à
plusieurs reprises dans les grands aéroports ou chez certaines compagnies aériennes, des systèmes
qui sont paralysés et qui font qu’ils ne peuvent plus gérer les rotations de personnel, qui ne peuvent
plus traiter les passagers, qu’ils ne peuvent plus émettre les cartes d’embarquement, etc. Et de fait,
on a des annulations de vols, des retards de vols. Si le risque se produit plus en amont dans la chaîne,
on va avoir des constructeurs aéronautiques qui peuvent prendre des retards dans les livraisons.
Donc, on est plus en train de parler de réclamations pour des pertes financières, des pertes
d’exploitation, etc.
Et là, ça, ce n’est pas le point fort des assureurs aéronautiques. Le marché des assurances
aéronautiques a vraiment été mis en place pour couvrir des risques concrets, des risques corporels
et de matériel. Tout ce qui est purement immatériel, comme on dit dans notre jargon d’assureurs,
donc, tout ce qui est pure perte financière, ce n’est pas trop le domaine des assureurs aéronautiques,
même s’il y a eu quelques extensions. On n’est pas bien à l’aise avec cela et on a déjà de gros
problèmes à gérer cela.
Aujourd’hui, a fortiori, avec un risque que l’on peut quand même percevoir comme aggravé avec
l’arrivée d’aéronefs sans pilote ou le cyber sera roi. On peut se poser des questions à cet égard.
Il n’est pas sûr que tout sera traité par le marché des assurances aéronautiques. C’est même plutôt
le contraire qui est certain. On va avoir effectivement des problèmes de bruit et là encore, les
assureurs aéronautiques couvrent assez peu les risques de nuisances sonores. Et puis, il y aura
beaucoup d’autres risques.

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Ce que je veux faire passer comme message, c’est qu’avec des projets, notamment ceux des taxis
aériens en zone urbaine, il va y avoir très certainement d’autres marchés que le marché des
assurances aéronautiques qui devraient être sollicités pour couvrir ces risques. Le marché des
assurances aéronautiques est vraiment très spécialisé sur, disons, l’accident, mais je ne vais pas du
tout m’étendre sur le cadre juridique dans lequel nous intervenons en tant qu’assureur aéronautique.
Pour nous, les aéronefs sans équipage, ce sont des aéronefs qui restent dans le cadre des
conventions internationales, en particulier dans le cadre de la convention de Chicago. Dans les
règlements européens qui sont sortis cette année, il est mentionné que tout ce qui est aéronef sans
pilote qui présente des risques proches de ceux de l’aéronautique doit être traité pour simplifier,
comme si c’était un aéronef de transport commercial.
Donc, le régime qui est applicable pour ce qui est transport de passagers ou de marchandises à des
fins commerciales est assimilé dans le contexte aéronautique aux aéronefs d’une façon générale et
au transport commercial. Dans le cadre de l’Union européenne et de certains autres États, nous
avons des obligations d’assurances minimales. Typiquement, il y en a beaucoup pour tout ce qui
concerne la responsabilité vis à vis des passagers, des bagages, du fret et pour les dommages aux
tiers, soit dans le cadre de collisions, soit dans le cadre de dommages au sol.
Et ces obligations d’assurance portent aussi sur le cas des risques de guerre, nous y reviendrons parce
que le sujet des risques de guerre est très intimement lié avec les problématiques cyber, dans le
cadre du règlement européen de 2004 par exemple. Le minimum par passager qui doit être souscrit,
pour une part, par l’opérateur aérien est de 345 000 dollars au cours actuel des droits de tirage
spéciaux.

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Ce cadre juridique est extrêmement complexe. Il est à plusieurs niveaux. Dans l’aérien, on parle
essentiellement de transports internationaux, donc on a un mélange de conventions internationales,
de droit régional, de droit de l’Union européenne et de droit national. Ce qui est certain, c’est que
le cadre vraiment de base est fixé par les conventions internationales : la Convention de Varsovie,
la Convention de Montréal et quelques autres.

Ces conventions sont extrêmement difficiles à faire évoluer. Ça a toujours été difficile. Ce n’est que
70 ans après la Convention de Varsovie de 1929 qu’on a réussi à faire adopter la Convention de
Montréal.

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Donc, les conventions internationales ne vont pas pouvoir suivre les développements fulgurants qui
interviennent en matière de d’avions sans pilote.
Et je ne vous parle pas des tentatives qui ont été négociées après le 11 septembre pour essayer de
résoudre les problématiques de couverture de dommages au sol en cas de d’acte de malveillance
ou de terrorisme. Tout cela est complètement à l’arrêt. Il y a trop de divergences d’intérêts entre les
États développés et les États en voie de développement.
Pour autant, est ce que c’est gênant ? Non, je ne crois pas. C’est mon avis personnel, mais je pense
que le cadre actuel est très bien, même s’il peut être amélioré.
Ce qui est très important dans le cadre actuel, c’est qu’on a une focalisation des responsabilités sur
le transporteur aérien, sur l’opérateur. Et c’est très bien pour les victimes.
Parce que quand on est victime, prouver quelles sont les causes de l’accident aérien est difficile car,
en général, elles sont multiples. En général, il y a la responsabilité de l’opérateur, mais il y a des
facteurs contributifs, divers et variés. C’est extrêmement difficile d’apporter les preuves. Il
est bien plus sain d’avoir une mécanique où les responsabilités sont focalisées sur l’opérateur, donc
peu importe finalement qu’il soit au sol qu’il soit en l’air dans le cas d’un avion sans pilote.
Le tout, c’est qu’on ait un unique responsable de premier plan, sachant que la mécanique actuelle
va vers une indemnisation de plus en plus complète des victimes et des difficultés, de plus en plus
importantes pour l’opérateur aérien qui voudrait se défausser de ses responsabilités.

Cette focalisation des responsabilités sur l’opérateur, que je pense favorable aux victimes, qu’elles
soient au sol ou passagers, n’empêche pas du tout que le transporteur ou les victimes elles-mêmes
puisse également s’adresser à d’autres responsables.
On voit s’agissant des deux accidents aériens liés au Boeing 737 Max, que bon nombre de victimes,
bien sûr conseillées par leurs avocats, ont choisi plutôt d’assigner Boeing que les compagnies
aériennes.

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Donc, la focalisation est là pour protéger la victime. Mais en réalité, elle n’empêche absolument pas
les victimes ou les compagnies aériennes de recourir contre le vrai responsable. Mais, au moins, la
charge de la preuve intervient dans un deuxième temps, si nécessaire. Mais, l’aspect assurance est
structuré sur les bases que je viens de vous décrire, notamment sur le volet Responsabilité Civile, qui
est quand même le volet dominant, c’est le risque majeur en aéronautique, basée sur un cadre
juridique général qui s’applique aux aéronefs sans pilote.
Il me paraît important, c’est un point à ne pas négliger pour les développements futurs, de prendre
en compte les pratiques contractuelles. Dans ce secteur d’activité, il y a un certain nombre de
pratiques dans la relation constructeurs compagnies aériennes, dans les relations entre la
compagnie aérienne et les différents intervenants, sur les sites aéroportuaires avec les différents
prestataires de services. Il y a des pratiques contractuelles normalisées, standardisées, comportant
des renonciations, des limitations de responsabilité même parfois pas de garanties, ou parfois des
obligations d’assurance. Ainsi un constructeur peut, dans une certaine mesure, demander à être
assuré dans la police de la compagnie aérienne. Ce sont des pratiques qui sont bien connues des
assureurs. Quelles seront les pratiques dans le nouveau domaine, celui des avions sans pilote ? Ce
sera très intéressant à voir parce que c’est très déterminant. Bien entendu, pour les assureurs, le petit
tableau que vous voyez là rappelle les niveaux de primes qui n’ont rien à voir avec ceux du maritime.
On parle d’un milliard cinq, à peu près d’encaissement mondial pour les compagnies aériennes, 650
millions pour ce qui est de l’aérospatiale, ce qui englobe à la fois les constructeurs, les
équipementiers, les prestataires aéroportuaires, les aéroports. Donc, vous voyez bien la centralisation
sur la compagnie aérienne, se retrouve dans les encaissements de primes. Vous voyez au passage
deux rubriques qui sont les responsabilités civiles risques de guerre, et l’assurance de l’aéronef risques
de guerre.
Encore une fois, il y a une vraie spécificité. Pourtant, les polices d’assurance sont très similaires à celles
du maritime. Sauf que ce sont les mêmes assureurs qui couvrent tout à la fois le volet corps et le volet
de responsabilité civile. Ce qui est important c’est pour les compagnies aériennes, les limites
d’assurance, notamment pour les dommages aux passagers et les dommages aux tiers et au sol, qui
sont exprimés par évènement et par appareil.

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Typiquement, une grande compagnie aérienne va avoir, à peu près, 2 milliards de dollars de
garanties, parfois plus, parfois moins. Cela dépend de la taille de la compagnie et de ce qu’elle
veut acheter. Mais disons qu’aux alentours de 2 milliards de dollars, c’est ce qu’on va retrouver pour
des grandes compagnies aériennes, c’est 2 milliards de dollars. Ils seront payés pour chaque
événement. Donc, s’il y a plusieurs événements dans l’année, l’assureur va devoir payer plusieurs fois
2 milliards. Donc, s’il y a 2 aéronefs sur le même évènement, il va devoir payer deux fois 2 milliards.
Donc ça, c’est la pratique sur les opérateurs aériens. Sur tout le reste, je schématisme totalement
pour tout ce qui concerne les constructeurs et les prestataires de services, les limites sont exprimées,
certes par évènement, mais surtout en agrégats annuels, il y a un plafond annuel de garantie, ce
qui constitue un système différent.
Par ailleurs, il existe déjà des assurances pour les drones. Les drones aujourd’hui, ce sont surtout des
drones prototypes des constructeurs. Et donc, on assure effectivement là des mastodontes. En tout
cas, en termes de valeur financière, ça peut être assez important, mais on a déjà cela dans des
polices de constructeurs aéronautiques.
Et sinon, c’est plutôt le drone qui fait du travail aérien, donc, des drones de petite dimension. Rien à
voir avec les problématiques de transport, de fret et de passagers. Qui sont plutôt le cœur du sujet
aujourd’hui.
La couverture du bruit : les assureurs aéronautiques commencent essentiellement par l’exclure.

La couverture du bruit : les assureurs aéronautiques commencent essentiellement par l’exclure.


La seule chose qu’ils couvrent, c’est le bruit qui résulte d’un accident ou de quelque chose de tout
à fait anormal. Le bruit qui serait généré par un taxi aérien le long d’un corridor aérien au-dessus
d’une ville n’est absolument pas pris en charge par les assureurs. D’ailleurs, il n’y a pas vraiment
d’aléa pour que les assureurs le couvrent. Il faut qu’il y ait eu un crash ou une explosion, un incendie,
une collision ou au minimum un problème d’urgence à bord qui a causé une évolution anormale de
l’appareil. Hors de cela, pas de couverture du bruit par les assureurs aéronautiques.

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La problématique des risques de guerre

En aéronautique, le risque de guerre, ce n’est pas que le risque de guerre, c’est aussi le terrorisme.
Donc c’est inclus dans la notion de risque de guerre et plus important encore : c’est aussi l’acte de
malveillance, donc ça peut être l’acte de malveillance d’un salarié. Ça peut être, bien sûr, un
hacker dans notre contexte plus cyber. Tout ça, ce n’est plus du risque ordinaire, c’est du risque de
guerre. Alors, en aéronautique, actuellement, vous avez une exclusion systématique des risques de
guerre sur le corps, ça dépend des cas, mais c’est surtout sur les responsabilités civiles que ça joue.
Les compagnies aériennes ont une couverture qui rachète l’exclusion des risques de guerre pour leur
responsabilité. La couverture pour les passagers ne peut pas être sous limitée parce que les
réglementations, et notamment la réglementation européenne, imposent un minimum par passager
et il n’y a pas de plafond, donc à ce niveau-là.
Pour les passagers, la couverture de risque de guerre est la même que pour le risque ordinaire, c’est-
à-dire que c’est la pleine limite qui a été achetée par l’assuré, qui sera aussi disponible pour le risque
de guerre. Il n’en va pas de même pour les dommages au sol. Depuis le 11 septembre, le marché

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s’était complètement effondré et avait arrêté de couvrir les risques de guerre suite aux attentats du
11 septembre.
Le marché des risques de guerre pour les dommages au sol est complètement différent, c’est-à-dire
que les assureurs de base n’assurent que dans la limite d’un plafond qui est un plafond agréé et qui
est relativement faible avec une sous limite, il faut donc avoir recours pour les assurés à des marchés
spécialisés.
La problématique cyber.

La problématique cyber est la même, je pense, pour les assureurs aéronautiques que pour la plupart
des assureurs. D’abord, c’est la problématique de couverture silencieuse actuellement, c’est en train
de changer cette année. Mais il n’y avait pas d’exclusion du risque cyber, à part la clause du
changement d’heure pour l’an 2000.
Donc, dans la mesure où il n’y a pas d’exclusion, souvent, les garanties sont rédigées de façon
généreuse, sans le savoir, et peuvent couvrir du risque cyber. Dans les risques cyber, vous avez les
risques en aéronautique, les retards, les tabloïds, enfin les violations de données personnelles, etc.
Les assureurs aéronautiques se sont rendus compte qu’ils se trouvaient le couvrir. On a eu des
réclamations qui nous ont amenés à couvrir ce genre d’exposition, qui sont parfaitement prises en
charge par le marché cyber.
Les assureurs aéronautiques n’ont pas très envie de prendre ces risques, donc ils sont en train de
mettre en place des clauses passerelles. Mais vous retrouverez les détails dans ma présentation. Il y
a des clauses qui ont été mises en application dès 2019 qui visent à exclure tout ce pan du risque
cyber, c’est-à-dire que l’assureur aéronautique ne veut pas porter des risques cyber qui peuvent
être couverts sur le marché cyber. Et surtout, il ne veut pas couvrir des risques qui sont de nature
purement financière, des réclamations pour pertes financières.

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Donc, il y a des clauses qui sont proposées actuellement, qui sont très draconiennes et qui viennent
très considérablement limiter cette couverture cyber. J’en termine pour vous dire qu’évidemment,
le sujet cyber est au cœur de ce sujet avec ces avions sans pilote et toute cette connectivité et
cette automatisation. Et donc, voilà, vous êtes sur le sujet chaud du marché des assurances
aujourd’hui.

La question des responsabilités civiles

Philippe Delebecque
Académie de marine, professeur de droit, Université Paris Sorbonne I

Je vous avoue que j’ai un peu de quelques scrupules à intervenir après Maître Bensoussan et son
exposé assez fulgurant et qui remet en cause un certain nombre de concepts juridiques, mais
pourquoi pas et c’est très intéressant de se projeter dans l’avenir et, précisément, la question qui est
devant nous, c’est de savoir si on peut reconnaître, s’il faut reconnaître, aux robots la personnalité.
Il vrai que l’on a fini par reconnaître la personnalité aux sociétés, aux groupements de personnes
morales qui sont dûment reconnues. Ce sont des personnes juridiques, donc on peut se demander
s’il ne faudra pas un jour ou l’autre, pourquoi pas dès aujourd’hui, du reste, reconnaître la
personnalité au robot.
Mais il me semble que, en l’état actuel du droit positif et compte tenu de tous les éléments que nous
pouvons maîtriser, des textes de la jurisprudence, des conventions internationales, je crois que le
navire reste un bien, reste une chose susceptible d’être appropriée. C’est un bien qui relève donc
de la logique du droit des biens et non pas de la logique du droit des personnes. Je me souviens
néanmoins que le doyen Georges Ripert, dans les années 1950, avait soutenu la thèse selon laquelle
le navire déjà était une personne, compte tenu des attributs que l’on reconnaît aux navires, il a un
nom, il a un domicile et la nationalité, il a également une capacité intérieure puisqu’il a une jauge
et le doyen Ripert en tirait cette conséquence que l’on pouvait considérer que le navire avait un
état comme une personne juridique, mais cette thèse, qui a pu séduire certains juristes, est un peu
romantique et ne correspond pas à la réalité du droit positif et du droit maritime.
Donc, mon analyse est un peu différente de celle de Maître Bensoussan.

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Je vais raisonner, en me demandant si le droit maritime tel qu’on le maîtrise aujourd’hui, tel qu’on le
connaît aujourd’hui, peut s’appliquer aux navires automatisés, aux navires autonomes.
Je vous rappellerais que le navire a une définition qui a été dégagée par la jurisprudence avant
d’être reprise par les textes, un navire est, avant tout, un engin capable d’affronter les périls de la
mer. Pourquoi ? tout simplement parce que cette notion de périls de la mer fonde toute l’originalité
du droit maritime. Le navire, c’est cet engin capable d’affronter les périls de la mer qui obéit à un
statut particulier, c’est pourquoi la personne qui exploite ce navire bénéficie de certaines
prérogatives.
Le code des transports l’article 5000 - 2 a repris cette définition, en disant que le navire était un engin
flottant, construit et équipé pour la navigation de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté
à cette navigation. Donc le navire, d’après le droit positif, est bien cet engin qui est affecté à une
navigation et considéré comme un bien susceptible d’être approprié.
J’ajouterai que les conventions internationales et, dieu sait, si elles sont nombreuses en matière
maritime, les conventions internationales retiennent parfois des définitions différentes et assez
souvent assimilent certains bâtiments de mer qui ne sont pas capables d’affronter les périls de la mer
aux navires. On a pu parfois considérer que les plateformes relevaient du droit maritime et de
l’application de certaines conventions internationales. Autrement dit, on trouve en droit positif une
définition assez générique du navire, mais on trouve également des définitions non plus notionnelles,
mais des définitions fonctionnelles, en fonction des problèmes que l’on veut régler.
Dans la question qui se pose de savoir si le navire sans équipage peut justement relever du droit
maritime : est-ce que les textes du droit maritime, est ce que les dispositions du droit maritime, est ce
que les différentes conventions internationales peuvent s’appliquer aux navires sans équipages ? on
peut en douter dans la mesure où la plupart des textes et la plupart des conventions internationales
ont été conçus pour des navires avec un équipage, avec un capitaine qui est capable donc
d’assurer la sécurité à bord et d’avoir l’autorité sur cette communauté à bord qu’est l’équipage.
Mais, à la réflexion, on peut admettre, me semble-t-il, que le droit maritime s’applique, en tout cas
partiellement, à des navires sans équipage et, du reste, il y a un texte assez récent, issu de la loi sur
l’économie bleue de 2016, qui envisageait, d’une certaine manière, certains statuts pour certains
navires sans équipage.
Dans l’article 51 11 1 1 du code des transports, il est prévu qu’un engin flottant, à bord duquel aucune
personne n’est embarquée, ce qui renvoie bien à un navire sans équipage, commandé néanmoins,
à partir d’un navire battant pavillon français doit porter un certain nombre de marques
Donc l’article 51 11 envisage ce navire sans équipage, mais contrôlé à partir d’un autre navire, en
l’occurrence d’un navire qui bat pavillon français, on peut ainsi concevoir que le droit maritime
s’applique à ces navires sans équipage.
Les questions sur lesquelles nous devons réfléchir sont les questions de responsabilité civile. Pour ce
qui est de la responsabilité civile, il faut envisager la responsabilité contractuelle qui peut naître dans
le cadre de l’exécution d’un contrat d’affrètement par exemple et envisager, la responsabilité
extracontractuelle, en dehors de toute relation contractuelle.
D’abord un mot sur la situation des navires sans équipage dans le cadre de la responsabilité
contractuelle, un transporteur, un armateur exploite un navire sans équipage, on suppose qu’il
transporte des marchandises, il peut engager sa responsabilité, mais le navire autonome est un
navire un peu particulier puisqu’il n’y a pas d’équipage.
La plupart des textes, encore une fois, ont été conçus pour des navires avec un équipage, mais est-
ce que néanmoins la jurisprudence, qui s’est développée sur le fondement de ces textes, peut
s’appliquer dans ce genre d’hypothèse. Raisonnons sur une hypothèse très simple et on pourrait
multiplier les exemples, mais en raisonnant sur le cas de l’affrètement à temps ou de l’affrètement
au voyage, avec très souvent les navires qui sont mis à la disposition d’un affréteur dans le cadre de
time charter ou de voyage charter.
La première question qui se pose c’est la question de l’obligation fondamentale qui pèse sur
l’armateur affréteur qui met son navire à la disposition de l’affréteur lorsque le navire est un navire

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sans équipage. L’obligation fondamentale de l’affréteur c’est l’obligation d’assurer la bonne
navigabilité du navire, l’obligation de faire en sorte que le navire soit approprié. Cette navigabilité
est essentielle, elle s’apprécie aujourd’hui d’un point de vue nautique, d’un point de vue
commercial et d’un point de vue administratif. Alors, lorsque le navire est un navire sans équipage,
est ce que cette obligation de bonne navigabilité doit intégrer la navigabilité, si je veux dire,
informatique ; est-ce qu’il faudra renforcer le contenu de cette obligation lorsque le navire est un
navire sans équipage ? la réponse est certainement une réponse positive.
Cela suppose naturellement que les clauses de la charte parties1 soient aménagées en ce sens il
faudra s’interroger sur le le débiteur de cette obligation fondamentale, est-ce que c’est toujours
l’armateur ou est-ce que c’est le concepteur du système informatique ?
Me semble-t-il, c’est l’armateur qui reste débiteur de cette obligation fondamentale, quitte pour
l’armateur, si sa responsabilité est recherchée, parce que l’obligation n’a pas été parfaitement
assurée, quitte pour l’armateur à exercer un recours contre le concepteur de ce système
informatique. Donc l’obligation de navigabilité, qui est une obligation essentielle en matière
d’affrètement, peut être mise en musique dans le cas des navires sans équipage.
Autre question qui se pose à propos des contrats d’affrètement, lorsque les contrats d’affrètement
encadrent des contrats de transport, lorsqu’il y a des connaissements2 qui sont émis dans le cadre
du contrat d’affrètement et donc lorsqu’il y a des marchandises qui sont déplacées par ces navires
affrétés, la question qui se pose est de savoir si, lorsque la marchandise est endommagée, c’est le
transporteur ou l’armateur qui pourra s’exonérer, en faisant état d’une faute nautique. On sait que
la faute nautique, c’est la cause d’exonération par excellence de l’armateur, mais, lorsque le navire
est un navire sans équipage, où se trouve la faute nautique ? pas de capitaine, alors est-ce qu’un
système informatique peut se rendre coupable, si je peux dire d’une « faute nautique » ?
Cette notion du droit maritime qui est essentielle pour envisager la responsabilité, peut-elle être mise
en musique lorsque le navire est sans équipage ? Je ne suis pas certain, mais, néanmoins, la question
mérite d’être posée.
Deuxième type de responsabilité, c’est la responsabilité extracontractuelle, en dehors de tout
contrat, l’armateur peut engager sa responsabilité extracontractuelle dans le cadre d’un abordage.
Il peut également causer des dommages à des appontements, donc engager sa responsabilité
extracontractuelle. Nous savons qu’en matière d’abordage la règle fondamentale, c’est la règle de
la faute que la Convention de 1910 prévoit. Pour qu’il y ait responsabilité en matière d’abordage, il
faut que l’on puisse imputer à un navire une faute et lorsqu’un navire sans équipage est impliqué
dans un abordage, comment déterminer la faute ? à qui imputer la faute ? dans ce genre de
circonstances, pour régler les problèmes d’abordage, il faut imputer une faute, mais à qui ?
La convention de 1910, qui est essentielle en matière d’abordage, est certainement difficile à mettre
en œuvre dans ce genre de situation.
Encore un mot, si vous me permettez, pour vous dire qu’une 3e série de difficultés va se présenter.
Lorsqu’il s’agira d’assurer la réparation des dommages, nous savons bien qu’en matière maritime, il
y a une règle tout à fait essentielle, la règle de la limitation de responsabilité. Les armateurs sont
exposés à un certain nombre de périls. Ils engagent également des capitaux importants et, en
contrepartie, les conventions internationales, notamment la convention de Londres permet à
l’armateur de limiter sa responsabilité. Alors est-ce que cette limitation de responsabilité, qui est
essentielle, est susceptible d’être mise en œuvre, lorsque le navire est sans équipage.
La question s’est posée déjà dans le cadre de la loi sur l’économe bleue en 2016 et il y a déjà un
premier texte, qui mériterait, peut-être, d’être étendu ? C’est le texte de l’article 51 21 1 qui prévoit
justement que l’armateur qui exploite un avenir sans équipage, mais à partir d’un navire c’est-à-dire
lorsqu’un navire ordinaire contrôle un navire autonome, c’est l’exploitant du navire autonome qui
bénéficie de la limitation de responsabilité, (article 51 21 3 du code des transports issu de la loi sur
l’économie bleue). Ce texte pourrait être généralisé, me semble-t-il, pour permettre à ceux qui
exploitent ces navires autonomes de bénéficier de garanties et donc la limitation de responsabilité,
qui est tout à fait essentiellement devrait, me semble-t-il, être étendue

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Je conclus en disant que la question qui se pose est la question de l’assurance responsabilité, est-ce
que les P & I clubs qui ont un rôle tout à fait déterminant dans le monde maritime3, sont aujourd’hui
prêts à assurer ces navires sans équipage ?
En effet, les questions de responsabilité sont récurrentes dans le monde maritime. Elles sont peut-être
moins importantes aujourd’hui que par le passé, mais elles demeurent, compte tenu, encore une
fois, des risques et périls de la mer qui sont une constante dans le monde maritime que vous
connaissez.

La question de la responsabilité pénale

Simon Foreman
Académie de l’air et de l’espace, cabinet Courrégé Foreman

Un certain nombre de choses que j’avais prévues de dire ont déjà été dites. C’est toujours
l’inconvénient de passer après des confrères ou après des professeurs de droit qui traitent de sujets
qui sont très connexes à celui qui m’a été proposé
Mais sur la spécificité de la responsabilité pénale avec ces questions nouvelles des navires ou des
aéronefs sans équipage, qu’on peut éventuellement considérer comme étant des robots, si on suit
l’analyse de mon confrère Alain Bensoussan, qu’est-ce que cela va changer en termes de
responsabilité pénale ?
J’ai tendance à penser que, dans les premiers temps, probablement, pas grand-chose. Je pense
que le droit est une matière assez souple, assez plastique, assez malléable, pour être capable de
gérer et d’appréhender un certain nombre de nouveautés, sans avoir besoin d’être entièrement
réécrit.
Je rejoins probablement, dans ce sens, une partie de ce qu’a dit le Professeur Delebecque dans le
domaine du droit pénal et, particulièrement, du fait de ma pratique personnelle d’avocat pénaliste
qui est très centrée sur l’aéronautique. J’ai eu en charge beaucoup de litiges qui concernaient des
accidents aéronautiques. On a l’expérience dans le domaine aéronautique de ces phénomènes
qui sont décrits comme complètement nouveaux pour les véhicules terrestres : la délégation à un
système qui pilote votre voiture à votre place. Il me semble me souvenir que, dans un avion, le pilote
intervient sur un vol long-courrier de transport public moins de 10 % du temps. C’est généralement la
machine qui se conduit toute seule.
Avec cette notion de conduite déléguée, l’aéronautique a l’expérience de la recherche des
responsabilités, lorsque survient un accident. C’est toujours un processus complexe dans lequel on
s’engage dans des années d’enquête, d’investigation, avec deux enquêtes, une de gendarmerie
pilotée par un juge d’instruction parallèle à l’enquête du bureau d’enquêtes et analyses, qui, elle, a
une vocation de retour d’expérience et de sécurité.
Ces enquêtes recherchent la contribution respective des différents acteurs à ce qui a fini par être
un accident et, dans les systèmes complexes, l’accident a, généralement, une multitude de causes.
C’est la rencontre d’un certain nombre de facteurs, chacun pris isolément, hautement improbables
et qui, de manière encore plus improbable, finissent par se concentrer tous au même moment qui
abouti à l’accident
Le travail du juge d’instruction, du juge pénal, va être, dans une situation comme celle-là, de
détricoter ce qui s’est passé pour essayer d’élucider chacune de ses causes, y rattacher chacune
d’elles à la responsabilité de l’un des acteurs. Tous les dossiers d’accidents aéronautiques posent
toujours à peu près la même question vis-à-vis des deux acteurs principaux qui sont l’opérateur et le
constructeur. C’est cela qui fait que ces affaires durent des dizaines d’années. Dans le cas de
l’accident du Rio Paris, vol Air France 447, de juin 2009, on a eu, pendant une dizaine d’années, une
instruction, qui approche de sa fin, où les deux mises en examen ont été celle d’Air France en tant
qu’opérateur et celle d’Airbus en tant que constructeur et des expertises, des contre-expertises.

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Le droit pénal sait faire, il en a l’habitude, il sait faire, avec ses gros sabots, avec ses maladresses et
ses approximations et sa finalité qui est une finalité répressive. Je ne dis pas qu’il sait tout bien faire,
mais il a l’expérience, en tout cas, de gérer ce genre de situation
Là où on a peut-être un élément de saut dans l’inconnu apporté par la disparition complète des
équipages, c’est la dimension de l’autonomie cognitive, de l’autonomie décisionnelle du système
lui-même qui se mettrait à prendre des décisions qui ne seraient plus rattachées à un ordre donné
par l’opérateur ou qui ne seraient plus rattachées à une ligne de code ou à une configuration du
système émanant directement du constructeur ou du concepteur
Je ne suis pas du tout un spécialiste de l’intelligence artificielle. C’est un sujet que je découvre et
dans lequel je me suis plongé ces derniers temps pour préparer cette intervention, mais le deep
learning, l’apprentissage profond, fonctionne sur ce qu’on appelle le test and learn, la machine
apprend en testant, en essayant et en faisant des erreurs et, par définition, la machine génère un
taux d’erreurs non nul. La question va se poser le jour où la machine va générer une erreur qui aura
des conséquences socialement inacceptables, par exemple des atteintes aux personnes, atteintes
à l’intégrité physique des personnes, blessures voire décès.
On peut imaginer un crash aérien entraînant la mort des passagers et de l’équipage ; à qui va-t-on
pouvoir imputer la faute de la machine. En matière civile, ce n’est pas trop compliqué à résoudre,
on sait faire en droit civil, on sait poser un certain nombre de présomptions et d’obligation de résultat.
Par exemple, le transporteur a l’obligation d’acheminer ses passagers jusqu’au port de destination,
jusqu’à l’aéroport de destination. Il a l’obligation de les assurer, de les acheminer en toute sécurité
et s’il n’y arrive pas, pour une raison quelconque, en matière civile, on n’a pas besoin de savoir
exactement ce qui s’est passé, le transporteur n’a pas assumé son obligation de résultat, il est
présumé responsable.
Ce genre de présomptions n’est pas accepté en droit pénal. En droit pénal, on est censé ne pas
être puni pour une faute qu’on n’a pas commise, on n’est pas censé être puni pour une faute
commise par quelqu’un d’autre, d’où la difficulté lorsqu’on essaie d’établir des responsabilités
pénales qui est d’essayer de pouvoir imputer et, je reprends l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure,
d’essayer de détricoter l’accident pour comprendre finement les mécanismes qui ont permis qu’il
se produise et ensuite imputer chacune de ces causes à un auteur qui en soit responsable Le pénal
c’est la présomption d’innocence, c’est à la victime ou à l’accusateur, le parquet, de prouver que
vous avez commis une faute et nul n’est responsable que de son propre fait.
Donc qui sera responsable si la faute a été commise par le système de manière purement abstraite ?
je vois trois solutions : dire qu’il n’y a pas de faute pénale, la machine n’est pas responsable
pénalement, ce n’est pas une personne, on peut estimer qu’il n’y a pas de faute pénale. L’accident
se résout par des indemnisations les victimes qui sont protégés par les mécanismes civils renforcés
par les obligations assurantielles. Donc, on pourrait imaginer qu’on en restera là. L’indemnité civile et
l’absence de procès pénal est un vieux rêve de Nietzsche. Dans la Généalogie de la morale, il y a
un assez long passage dans lequel il explique que, peut-être un jour, l’humanité sera assez sûre d’elle
pour ne plus avoir besoin de trouver un coupable à châtier, à chaque fois qu’il se passe quelque
chose qui vient l’attaquer où la brutaliser. J’ai tendance à penser que c’est un rêve pieux et que
c’est encore plus inaccessible que l’intelligence artificielle profonde.
Je crois qu’il y a un certain nombre de phénomènes et les accidents collectifs, en particulier, en sont,
qui sont socialement inacceptables, pour lesquels l’opinion n’est pas prête à entendre : c’est la faute
à personne et pour lesquels l’opinion a besoin de voir désigner des coupables. Les dieux ont soif,
comme on dit ; on n’est pas prêt à accepter le discours qui consisterait à dire : ça n’est la faute de
personne.
Première solution, donc je vous disais que j’en envisageais trois. De manière théorique, pas de
responsabilité pénale, j’y crois assez peu.
S’il faut absolument chercher une responsabilité pénale, il ne reste, me semble-t-il, logiquement que
deux solutions, la solution de condamner le robot, condamner le système, condamner l’ordinateur.
Est ce qu’on peut punir l’ordinateur HAL de 2001 l’Odyssée de l’Espace, pour s’être retourné contre
l’humain en violant la loi d’Asimov, qui veut que le robot ne puisse, ne doive jamais faire de mal à
l’homme.

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On est un peu dans l’anticipation. Je ne sais pas comment le droit évoluera. Il n’est pas absolument
impossible qu’on y vienne et Maître Bensoussan est un des grands promoteurs de cette idée-là.
La troisième solution, c’est d’imputer la faute du système à quelqu’un de responsable et là on
retombe dans le schéma classique des expertises des contre-expertises de la recherche de : est-ce
que l’on a mis dans le code, dans le programme, une mauvaise ligne, un mauvais code, quelque
chose qui a permis au système de prendre la mauvaise décision au moment T. Ce qui renvoie toute
la question, à la fois passionnante et quelque part amusante, si on sait la prendre avec un petit peu
de recul, de tous ces débats sur les dilemmes moraux que devront trancher les machines.
Il y a la question du tramway : est ce que si vous avez la maîtrise de l’aiguillage et, si vous savez que
le tramway en allant d’un côté va percuter un groupe de 5 personnes, vous pouvez l’orienter pour
qu’il évite le groupe de cinq personnes, mais dans ce cas il va écraser vos enfants. Comment allez-
vous faire ce choix. Il y a un site du MIT qui décrit un certain nombre de ces dilemmes moraux ou de
ces dilemmes immoraux, que les programmateurs sont censés essayer de résoudre de manière
abstraite, avant que l’accident ne se produise ; pour entraîner les machines à prendre des bonnes
décisions
Je suis à peu près sûr que, le jour où un accident arrivera, on dira votre programmation était
mauvaise : vous avez cru prendre la bonne décision, mais, finalement, c’était la mauvaise, puisque
l’accident est survenu.
Je disais tout à l’heure : les dieux ont soif, la pression sociale de trouver un responsable est telle qu’on
a besoin de trouver une personne à qui imputer la faute. On dira toujours, avec le biais rétrospectif,
que la décision, que vous avez prise à l’époque, avait beau faire consensus, voire, à l’époque même
été homologuée par les autorités, si un accident est intervenu, tout cela n’a plus aucune valeur. Le
juge pénal va vous dire : eh bien, écoutez, non, la meilleure preuve que ce n’était pas la bonne
décision, c’est que l’accident est intervenu quand même.
Donc, via cette notion de toujours aller rechercher soit chez le concepteur du système, le fabricant,
soit chez l’opérateur, celui qui opère le drone à distance ou la compagnie aérienne qui opère ces
machines, à qui on fera toujours le reproche : vous n’auriez pas dû, en remontant les arbres de cause.
Le droit pénal est adepte de ce qu’on appelle la théorie de l’équivalence des conditions. Le droit
pénal ne hiérarchise pas les fautes des uns et des autres. Il recherche tous les facteurs qui ont pu
contribuer à l’accident. Il les traite tous sur un pied d’égalité et, si un de ces facteurs permet de
remonter à une faute, qualifiée de faute rétroactivement imputable à quelqu’un, je suis à peu près
sûr que le droit pénal arrivera toujours à condamner, à identifier, à trouver un bouc émissaire, avec
un coupable à tout prix, à condamner.
La dernière option qui serait de juger le robot, de juger le système, je ne l’exclue pas complètement.
Je rejoins ce que disait mon confrère Bensoussan, tout à l’heure, de donner une personnalité
juridique aux robots. Cela ne me paraît pas plus monstrueux que de donner une personnalité
juridique à une société, une association, à une commune. On a été capable de dire qu’une société
qui a des actions, de l’argent, du capital est à la fois un bien et une personne ; Le droit est capable
d’inventer des fictions, de les rendre opérantes parce qu’il y a toute la machine étatique derrière
pour les rendre véritablement opérantes.
Le droit est parfaitement capable, à mon avis, de décider un jour que l’on donnera une personnalité
juridique aux robots pour pouvoir les juger. La vraie question c’est à quoi cela servirait ? est-ce que
cela apporterait quelque chose ? et là cela renvoie à des questions anthropologiques fortes.
Le droit pénal ça sert à quoi ? trouver des coupables ? C’est quoi l’idée, c’est d’infliger une peine à
quelqu’un pour le punir d’avoir commis une faute ou infliger une peine à quelqu’un pour compenser
la peine ressentie par les victimes
Je rentre de Papeete où je défendais le directeur de l’aviation civile de Polynésie, qui était poursuivi
pour homicide involontaire aux côtés des dirigeants de la société Air Moorea à la suite d’un crash
qui a fait 20 morts, il y a une douzaine d’années et le ministère public, l’avocat général a requis le
maximum des peines en disant aucune peine n’est assez lourde par rapport aux chagrins subis par
les familles qui étaient dans la salle.

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Donc le procès pénal, c’est une espèce de cérémonie expiatoire où l’on essaie de compenser le
chagrin de la peine subie par les victimes, en infligeant une peine à un coupable, mais quelle peine
peut-on faire à une machine qui est insensible ? À moins qu’un jour, les machines deviennent
sensibles, peut-être que le robot de 2001 l’Odyssée de l’Espace avait une certaine sensibilité. Je ne
sais pas si on en est là. À quoi, anthropologiquement parlant, cela sert d’infliger de la peine à un
robot ?
Je terminerai sur cette pirouette avec le fonctionnement de l’intelligence artificielle.
Le deuxième but du procès pénal, c’est, en principe, d’inculquer des valeurs morales aux
délinquants, à qui on dit que tu as fait une faute, on dit aux délinquants tu es reconnu coupable, ce
que tu as fait est une faute, tes victimes sont reconnues innocentes, elles sont reconnues dans leur
statut de victimes. Le juge tient ce discours qui est censé réconcilier la victime et le coupable et qui
est censé enrichir le coupable, le délinquant de la prise de conscience de la faute qu’il a commise,
Alors est ce que c’est une manière de reconstituer la boucle d’apprentissage du deep learning de
la machine dans son intelligence artificielle. Pourquoi pas, est-ce qu’il faut en arriver jusqu’à faire des
procès aux robots. Dans l’histoire, on a fait des procès aux animaux. Cela ne me paraît pas
absolument impossible, le droit, encore une fois, est capable de tout

La responsabilité d’un organisme certificateur de navires

Julien Raynaut
Bureau Veritas Marine & Offshore

Quelles sont les considérations juridiques que peuvent apporter les Sociétés de Classification dans
ce débat sur les questions des navires autonomes ?
1. Problématiques issues de l’automatisation des navires
Il est primordial dans ce débat de rappeler quels sont les différents degrés d’autonomie et de
contrôle des navires qui sont aujourd’hui envisagés et notamment par l’OMI.
Nous avons parlé tout au long de ces intéressants débats de navires autonomes « automous vessels »
ou de navires sans équipages « unmanned vessels ». Ces deux appellations font déjà référence à des
degrés d’autonomie différents selon la nomenclature internationalement reconnue. En effet, la
classification des différents degrés d’autonomie existe et a été encadrée par les instances maritimes
internationales. C’est ainsi que l’on retrouve désormais une nomenclature développée par l’OMI et
que pour les navires autonomes par exemple on emploie le terme de « MAS » ou « Maritime
Autonomous Surface Vessel ».
On peut aujourd‘hui distinguer quatre niveaux d’autonomie et ces quatre niveaux vont générer des
cadres juridiques différents :
• Au niveau le plus bas d’autonomie, on trouvera ce qu’on appelle les navires intelligents (« smart
ships »). Ceux-ci existent déjà : ce sont des navires équipés d’une multitude de systèmes
informatiques, de données et d’équipements informatiques et qui permettent d’automatiser
certaines actions du navire ou développer de l’intelligence artificielle. Ces navires restent
contrôlés directement et entièrement par l’équipage ;
• Au deuxième niveau, un navire intelligent, toujours doté d’un équipage, mais qui pourra être
piloté à distance, ce qu’on appelle en anglais le « remote control » ;
• Au troisième niveau, le navire qui est piloté depuis le bord, mais sans équipage ;
• Enfin le quatrième et dernier niveau, le degré maximum d’autonomie : le navire autonome à
proprement parler, ce que l’on appelle en anglais « full autonomous vessel » entièrement géré
et piloté par l’intelligence artificielle avec une autonomie de décision et d’apprentissage qui
en découlent, sans aucun contrôle humain à bord ou à distance.
Pour les Sociétés de Classification le sujet est primordial puisque le processus de classification des
navires est dépendant de leur degré d’autonomie et de contrôle. Notamment au regard de

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l’interactivité que ces Sociétés de Classification devront avoir avec de nouveaux acteurs comme
les opérateurs à distance (« remote operators »), des degrés divers d’implication de l’équipage et les
interactions nouvelles qui vont se mettre en place. Il est par ailleurs évident que l’importance
croissante des équipements informatiques et de l’intelligence artificielle va venir révolutionner les
pratiques et mettre en avant certains risques nouveaux (cyber-risques, sécurité maritime incorporant
la sécurité informatique etc.).
Bureau Veritas contribue à diffuser la catégorisation des différents degrés d’autonomie de navires
comme le rappelle cet extrait des Guidelines for Autonomous Shipping — October 2019 :

2. Un cadre juridique encore incertain


Les questions juridiques sont directement liées à ces quatre niveaux d’autonomie.
Comme cela a déjà été rappelé, le problème premier réside dans la nécessaire adaptation des
normes internationales (et nationales) et en premier lieu les Conventions de l’OMI.
Au sein de l’OMI, le sujet prioritaire est devenu la revue des Conventions Internationales (SOLAS,
STCW, ISM, COLREG…) : la plupart de ces conventions mettant l’humain au centre des processus il
devient évident que la problématique d’application des textes se développe avec l’automatisation
des navires, donc progressivement sans intervention humaine. Il faut donc nécessairement revoir ces
textes.
Pour le moment l’OMI a mis en place un comité de revue de ces textes, le RSE, (« Regulatory Scoping
Exercice »), où les États volontaires essayent de définir les éventuels écarts qui pourraient être générés
entre le développement de l’automatisation et ces Conventions.
Des guidelines ont également été mis en place par l’OMI pour permettre de couvrir les essais qui
sont réalisés aujourd’hui sur un certain nombre de navires prototypes : il était important pour l’OMI
de mettre en place des recommandations à minima sur les aspects sécuritaires et environnementaux
liés à ces essais.
Vous trouverez ci-dessous l’état actuel des travaux du RSE et la liste provisoire de ces fameux écarts
(« gaps ») avec les Conventions OMI :
Beaucoup d’états participent à ces travaux de l’OMI, ainsi que de nombreuses Sociétés de
Classification comme Bureau Veritas, qui travaille dans le groupe de la France sur ces sujets-là :

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Vous avez ici la liste de ces fameux « gaps »

Ces « guidelines » de l’OMI sont pour l’instant dans un processus d’audit qui sera terminé en 2020 et
ensuite seulement pourront démarrer les travaux d’adaptation éventuelle des Conventions
Internationales, ce qui va durer un certain nombre d’années.
Ces discussions internationales sont nécessaires on le comprend et l’adaptation des textes et normes
internationaux une nécessité : on ne pourra pas espérer progresser sur les questions d’assurance de
ces navires ou sur les problématiques de responsabilité sans avoir des cadres juridiques clairement
identifiés.

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Par ailleurs, une des problématiques majeures issue de l’automatisation est l’apparition de nouveaux
acteurs comme les fameux opérateurs à distance (« remote operators » en anglais) que certaines
législations aujourd’hui reconnaissent. Les armateurs d’aujourd’hui ont des obligations liées à la
navigabilité et il est très probable qu’elles soient demain étendues à ces opérateurs. Nous y
reviendrons.
On devra enfin se demander quel sera l’impact de ces bouleversements technologiques sur les
pavillons des navires et leur immatriculation qui en découle : quels contrôles pourront être opérés
par les administrations ? La délégation statutaire qui est faite par les états du pavillon vers les sociétés
de classification sera-t-elle modifiée par l’évolution nécessaire des normes ?
3. Les recommandations des Sociétés de Classification
Les Sociétés de Classification contribuent à la meilleure compréhension du sujet, à faire des
propositions et notamment :
– proposer des apports sur les définitions ;
– édicter des recommandations concernant les règles de design, les opérations des navires ;
– proposer des guides de bonne pratique (« guidelines » à destination des designers, des chantiers,
des armateurs, des administrations maritimes.
La responsabilité potentielle des constructeurs dans ces opérations sera certainement intéressante
à regarder. Les fabricants informatiques auront aussi une responsabilité importante.
Les recommandations de bureau Veritas :

Mais revenons sur la classification de ces navires autonomes. En fonction du degré d’automatisation,
du degré zéro (degré opérationnel humain) jusqu’au degré 4 (automatisation complète), les
conséquences seront bien entendu importantes puisque l’on n’aura pas la même conception pour
un navire autonome complètement (sans opérateurs et sans équipage) et pour un navire qui peut
être opéré avec un équipage à bord.
Aujourd’hui les Sociétés de Classification ont principalement l’obligation de vérifier la conformité des
navires par rapport à leur Règlement de classification. C’est le référentiel technique de la
classification. Donc c’est un sujet important puisque tout le travail qui est réalisé au niveau de l’OMI
et les différentes recommandations qui vont suivre va générer dans tous les cas de figure de
nouveaux Règlements qui seront le référentiel de demain pour les Sociétés de Classification.

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4. Quelles responsabilités envisagées demain ?
La solution du droit maritime : responsabilité directe de l’armateur (et de l’opérateur) ? Quid des
responsabilités des fabricants informatiques ?
Les questions essentielles qui vont se poser demain vont très certainement tourner autour de la
responsabilité classique de l’armateur de navire. Le droit maritime repose sur des principes
fondamentaux qui pourraient être bouleversés par l’intervention de nouveaux acteurs majeurs
(opérateurs de navire à distance, fabriquant informatiques…). Les schémas de responsabilité sans
faute seront-ils perpétués dans cet environnement nouveau ?
Quid de la responsabilité dans ce contexte des Sociétés de Classification ?
Il est important de rappeler les fondamentaux de la classification et de la certification statutaire :
1. Classification : obligation pour la Société de Classification de vérifier la conformité du navire par
rapport à son Règlement de classification qui énonce les exigences pour l’attribution et le maintien
de la classe, et ce pour différents types d’unités (navires en acier, unités offshore, sous-marins, navires
militaires). Si elle n’est pas obligatoire, la classification reste essentielle pour un navire puisque son
armateur ne pourra ni l’assurer, ni l’exploiter, sans certificats de classification. Lesdits certificats ne
garantissent en rien l’état de navigabilité d’un navire. Ils ne sont qu’une simple présomption de l’état
de navigabilité du navire. Les Règlements des sociétés de classification qui sont un recueil
d’exigences minimales, ne doivent pas être considérés comme des normes de construction, des
manuels de sécurité ou des guides d’entretien et la société de classification reste seule juge de
l’application et de l’interprétation de son propre Règlement.
2. Certification statutaire : Effectuée au nom des États qui ont habilité les Sociétés de Classification à
contrôler les navires battant leur pavillon, elle se caractérise par la délivrance de certificats
statutaires. Les Sociétés de Classification doivent ici s’assurer de la conformité des navires, non pas
au Règlement qu’elles ont publié, mais aux normes techniques des diverses conventions
internationales relatives notamment à la sécurité des personnes (The International Convention for
the Safety of Life at Sea - SOLAS) ou encore à la pollution (The International Convention for the
Prevention of Pollution from Ships – MARPOL).
À ce stade des connaissances, il serait prématuré de se prononcer sur une quelconque évolution
concernant la responsabilité de ces acteurs essentiels que sont les Sociétés de Classification. Les
fondamentaux de la Classification et de la certification statutaire devraient être sauvegardés
comme nous l’avons vu, étant essentiels aux opérations des navires. Cependant une évolution des
Règlements et normes techniques de référence se dessine, ainsi qu’une évolution quasi certaine des
interactions futures entre la Société de Classification et les acteurs de l’entreprise maritime (armateur,
affréteur, opérateur, fabriquant informatique…).

Le point de vue d’un avocat

Alain Bensoussan
Avocat au barreau de Paris

Je dois vous dire avec beaucoup d’humilité que je ne connaissais rien du droit maritime, il y a encore
48 heures, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être un navire
On a un peu l’habitude nous, les spécialistes du numérique, parce qu’à chaque fois, au lieu d’avoir
un droit du numérique et puis, dans le cas du numérique, d’avoir un droit de l’internet, puis, dans le
cas d’Internet, d’avoir un droit de l’intelligence artificielle, tout reste toujours à construire.
J’ai eu la chance d’être là à trois révolutions. Il n’y a jamais eu de droit de l’informatique, malgré
mes prétentions. Il n’y a jamais eu droit de l’internet malgré mes souhaits, et je crois que j’ai écrit un
livre de plus de 600 pages sur le droit de l’IA. Il n’y en aura pas
Alors qu’à chaque fois, les secteurs d’activité : les assurances, le maritime, l’aviation, les usines ont
saisi la matière numérique et, la troisième révolution, l’intelligence artificielle.

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Chacun des deux, les spécialistes du maritime ou de l’aérien et les spécialistes de l’intelligence
artificielle vont avoir, comme d’habitude, à se conjuguer, ce n’est pas si simple que ça. Dans cette
introduction générale, l’enjeu, c’est l’autonomie. C’est sans activité humaine à bord et hors bord, la
notion d’autonomie est intéressante. Le terme autonomie vient des textes puisqu’on va le trouver
dans la loi d’orientation sur la mobilité. On va parler de navire autonome, comme on parle de
voitures autonomes.
Le mot autonome n’a pas beaucoup de sens. Au demeurant, ça tient à l’historique des voitures
autonomes et pour les voitures autonomes cela tient à l’historique de la loi du Nevada. La première
loi sur les engins d’intelligence artificielle du Nevada, qui commence toujours par une définition,
comme en matière de droit américain et à l’époque, c’était Artificial Intelligence Platform et pour
des raisons de pédagogie et d’acceptabilité sociale, on est passé des véhicules intelligents aux
automobiles autonomes.
On est passé aux véhicules autonomes aujourd’hui dans la Loi d’orientation sur la mobilité. On parle
de navires autonomes. C’est tout simplement par cette tradition où le mot autonomie s’est imposé
pour intégrer dans un engin normal physique habituel, les deux éléments caractéristiques de
l’intelligence artificielle la data et les algorithmes. Le défi, c’est comment on va marier la technologie
classique avec cette technologie de rupture. La tendance, c’est qu’on a dépassé l’expérimentation
dans tous les secteurs d’activité pour les engins autonomes.
Quand on est dans l’expérimentation, ça marche sans aucun problème, mais dans l’évaluation et
l’acceptabilité sociale c’est plus difficile. Le projet de loi français sur l’orientation des mobilités ouvre
sur une nouvelle activité. Il va falloir se spécialiser dans les navires autonomes.
Fantastique ! Je vous propose de se poser la question de qu’est-ce qu’un navire autonome ? Je ne
viens pas devant des spécialistes m’engager dans la définition d’un navire. Je me suis aperçu que
ce n’était pas si clair que ça
Et à chaque fois que dans le droit d’informatiques, le droit du numérique et le droit de l’intelligence
artificielle, on entre dans un domaine, ce domaine-là avait ses habitudes, sa terminologie, son
ontologie. Et ce n’était pas si clair que ça. Ce n’est pas moi qui vais clarifier.
En revanche, je vais donner un contenu. Qu’est-ce qu’un navire intelligent ? C’est un navire qui a la
triple autonomie. Autonomie de mobilité, bien sûr, autonomie d’acquisition des informations.
Donc, il est autonome parce qu’il se déplace. Il est autonome parce qu’il comprend son
environnement et il est autonome, surtout parce qu’il va prendre une décision qui n’est pas un
automatisme, une décision qui n’a strictement rien à voir avec un humain. Ce que je voudrais mettre
en rupture, car souvent on dit, de toute façon il y a dans l’intelligence artificielle toujours un humain
derrière. Eh bien non, non, il n’y a pas d’humain derrière.
C’est-à-dire que l’intelligence artificielle aujourd’hui, dans les technologies qui sont utilisées, dans la
voiture, dans l’aérien et bien entendu, dans un navire, ce sont des systèmes dotés d’apprentissages
profond. C’est-à-dire que deux navires ne vont pas avoir le même comportement comme deux
humains n’auront pas le même comportement parce que grâce à ces capteurs et à ces algorithmes,
il a acquis un certain nombre d’informations qui vont constituer son expérience et qui vont faire sa
différence par rapport aux autres engins.
Un système intelligent est un système disposant de cette triple autonomie.
La deuxième question que je voudrais aborder dans la régulation d’un navire intelligent, c’est de
prendre maintenant les définitions. Après avoir bien dit qu’on est en face d’une catégorie juridique
qui n’existe pas : les navires autonomes ne sont pas des navires, de manière générale, ce ne sont
plus des machines. Ce sont des robots à capacité de robots. C’est un robot capable effectivement
de flotter avec toutes les définitions que l’on peut trouver derrière.
Mais c’est quelque chose qui n’est pas un humain. Plus c’est quelque chose qui n’est pas un objet.
Bien évidemment, certains voudraient amener le droit des animaux. Ça n’a pas beaucoup de sens
ou le droit des enfants. Cela n’a pas non plus de sens de venir dire qu’il y a toujours un humain
derrière nous. Le navire intelligent sera autonome par rapport à la totalité de sa création, compte
tenu de son acquisition d’expérience.

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Trois définitions. C’était un début de cerveau intelligent, un cerveau primitif par analogie au cerveau
humain, capable de prendre des décisions et formé d’un algorithme. Qu’est-ce qu’on appelle
algorithme ? Vu du côté du juriste, un algorithme est une suite d’opérations finie qui permettent de
prendre une décision sans avoir à démontrer qu’elle est juste ou fausse. Ce qui fait effectivement la
qualité de la décision, c’est que suivant un taux qui va être défini 99 % en général, 10-88, elle est la
bonne.
Pour les navires autonomes, j’ai tendance à penser que cela va être 10-8. Je ne connais pas le taux
pour l’instant, mais je vais le savoir. Pour les avions, c’est 10-8. Pour les avions autonomes, pour les
voitures autonomes, c’est 10-8. Il y a toutes les chances, puisque c’est la même industrie qui va
s’occuper des navires intelligents, que ce soit 10 puissance moyenne, c’est-à-dire que c’est vrai à
10-8 près, ce qui est déjà bien.
Et cela va entraîner sûrement pour les navires autonomes, comme cela l’a déjà entraîné pour les
avions et comme cela va l’entraîner pour les voitures, c’est qu’il y aura beaucoup moins d’accidents
avec ces nouvelles machines. Je n’aime pas beaucoup les machines. Vous verrez pourquoi.
Deuxième définition que je vais vous indiquer, c’est les data. L’intelligence artificielle, ça ne peut pas
marcher sans avoir des millions et des millions de data. Les data, par rapport au violon sont l’archer
de l’algorithme. Le Monde de demain sera géré par, effectivement, cette combinaison entre les
algorithmes et les données.
Troisième élément, c’est qu’on est en probabilités, c’est-à-dire qu’on est en prise de décision qui a
comme simple élément de valeur de vérité le fait qu’en moyenne, sur une certaine probabilité, c’est
une certitude. Sous cette réserve, en général 10-8.
Après vous avoir montré pourquoi un navire autonome, après vous avoir décrit ce qu’est l’autonomie
vue par un juriste dans le domaine de l’intelligence artificielle ? Regardons quels sont les axes
juridiques.
Par comparaison, ça serait intéressant de faire du droit technologique comparé, c’est-à-dire de voir
comment la même technologie dans différentes industries à un cadre juridique, soit identique, soit
par analogie, soit différent. On va regarder les voitures autonomes et on va regarder les agents
conversationnels, il y a déjà des droits. Il y a à peu près une cinquantaine de réglementations sur le
droit de l’intelligence artificielle.
Les voitures autonomes, on a déjà une réglementation aux USA et une réglementation en France.
Aux U.S.A. On a abordé le problème de l’intelligence artificielle par le biais du droit de la
concurrence. C’est qu’on a dit aux industriels de l’automobile. Vous ne pouvez pas au titre de votre
obligation de responsabilité et votre obligation de sécurité, empêcher la mise en service de
plateformes d’intelligence artificielle sur votre propre voiture. C’était bien un élément qui était
redouté aux États-Unis, où les constructeurs bloquaient la possibilité d’entrer dans leur système en
disant maintenant, il y a des risques de responsabilité.
Comment c’est fait le droit de l’intelligence artificielle sur les voitures ? Eh bien, cela c’est fait par une
irresponsabilité de la part du fabriquant, le fabriquant étant irresponsable de toutes les
conséquences de la plateforme d’intelligence artificielle. Ça a permis de déverrouiller le système et
de permettre à des nouveaux entrants, notamment les GAFA et bien d’autres, de pouvoir fournir des
plates formes d’intelligence et d’autonomie sur les voitures.
La France a abordé le problème de manière non pas par rapport au droit de la concurrence, mais
par rapport au droit de la responsabilité. En France, la loi PACTE est venue consacrer ma théorie. Je
vais vous présenter la personne robot. En creux, c’est-à-dire que les véhicules autonomes, lorsque la
voiture est en totale autonomie sur les trois critères que j’ai indiqués, il y a irresponsabilité de la part
du conducteur.
On a donc une reconnaissance de l’autre côté, du côté de cet engin, de cette personne que l’on
va qualifier. Dans le cas des agents concurrentiels, c’est-à-dire l’intelligence artificielle qui n’est pas
à l’intérieur d’un engin physique, mais qui est purement virtuelle. C’est le cas des agents
conversationnels que vous connaissez de plus en plus, qui permettent de toucher vos VOICE BOT. Eh
bien, on a une réglementation aux États-Unis qui dit que lorsque celui qui met à disposition le VOICE
BOT qui va devenir autonome.

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Si effectivement, il rend public le fait que c’est un robot logiciel, alors il n’y a pas de responsabilité
de sa part. C’est à celui, effectivement, qui discute avec cet agent artificiel de faire attention qu’on
n’est pas en présence d’un humain. Voyez de nouveau, on aborde le problème non pas par la
responsabilité, mais par l’irresponsabilité ou par le droit de la concurrence pour éviter le verrouillage.
Quelles sont les grands axes que l’IA qu’on retrouve dans le monde au-delà de ces trois questions ?
C’est une thèse que je défends au niveau mondial, qui est de reconnaître en fait la personnalité à
ces nouveaux engins, ces nouvelles machines. On a créé une personnalité juridique générale avec
un ensemble de droits et obligations. Lorsqu’on a voulu cristalliser le capital, on a créé les personnes
morales et dans le cas des personnes morales, on a créé une personnalité juridique particulière avec
des adaptations et des équivalences,
Des équivalences. On retrouve à peu près les mêmes catégories de droits, sachant que la personne
morale est autonome par rapport aux personnes physiques qui la composent. Ainsi la réclusion
criminelle à perpétuité, c’est la peine de mort économique par suppression de la société. Ce que
j’ai proposé au niveau mondial, c’est que personne physique, personnalité juridique générale,
personne morale, personnalité juridique particulière, personne robot, personnalité juridique singulière
avec trois éléments à résoudre.
Qui est responsable ? L’idée, c’est de rendre la personne robot responsable avec un système
assurantiel et une responsabilité sans faute. Dans le cas de la Loi sur l’augmentation des mobilités, je
vous rappelle que le gouvernement va pouvoir agir par ordonnances sur les navires autonomes en
termes de responsabilité et d’assurance. La très grande question que pose l’intelligence artificielle,
c’est dans sa confrontation avec l’humain.
Je conclurai là-dessus un vrai débat aussi bien au niveau démocratique qu’au niveau mondial.
La question n’est pas de savoir s’il y aura ou non un droit spécial. Il existera. Ce n’est pas de savoir
s’il y aura une personnalité juridique, le Parlement européen ayant conclu à la nécessité d’une
personnalité électronique. Dans une société démocratique, la question est de savoir qui, entre une
intelligence artificielle qui est sur une seule fonctionnalité toujours supérieure à l’homme et l’homme,
lequel des deux doit prendre la décision en dernier recours. C’est à dire, doit-on ou non mettre un
bouton rouge pour créer un monde où l’humanisme est universel ?

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CONCLUSIONS

Jean-Paul Bailly
Ancien président directeur général du groupe La Poste et de la RATP, garant du Grand débat

À l’issue de ces questions, le président de l’Académie de marine, l’IGA Yves Desnoës a


chaleureusement remercié tous les intervenants et présenté M. Jean-Paul Bailly, qui a commencé sa
carrière à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) dont il sera président directeur général
en 1994 ; en 2002 il est président du conseil d’administration de La Poste où il crée la banque postale.
Il quitte ses fonctions en septembre 2013.
M. Jean-Paul Bailly a consacré sa vie à rendre vie à des entreprises à capitaux et de culture étatiques
en les transformant en vue d’en ouvrir le capital. Il a donc présenté son expérience dans le domaine
du changement de grosses structures.
La RATP était une entreprise en situation de conflictualité permanente : les grèves de 1995 ont duré
trois semaines. La mise en place d’une alarme sociale et le prétraitement des conflits les a diminués
par dix. Par un travail continu de dialogue social et de concertation, les décisions ont été déléguées
jusqu’au chef de ligne devenu un patron responsable, voire même au-delà. La RATP dispose de 4000
conducteurs sauf pour 2 lignes de métro automatisées. Dans l’ADN profond du compagnon de la
RATP figure l’engagement d’assurer le service permanent par un travail posté en 3 équipes de 8
heures par jour, 7 jours sur 7, sans heure supplémentaire ; dans le « package » il y a la retraite.
La poste comprenait 300 000 personnes disséminées sur tout le territoire avec une forte culture
d’entreprise ; la transformation a été effectuée avec une attention portée à chaque personne et
n’a pas entraîné de bain social. La poste était en perte de vitesse de 5 à 7 % par an. La banque
postale est devenue en quelques années la 3e banque française ; le transport des colis express
(Colissimo) est devenu en volume le premier d’Europe et son savoir-faire s’exporte.
Trois éléments de réflexion : le changement n’est pas une option, c’est la vie même ; il faut se
transformer pour rester soi-même, et faire perdurer sa mission dans le monde ; il faut gérer le temps
ce qui est la qualité essentielle du dirigeant qui doit faire du temps un allié.
Pour les négociations, il faut commencer par les fondations, gérer le temps, lancer les transformations
avec une vision partagée par tous en donnant du sens aux projets.
La mise en œuvre d’une transformation requiert de faire passer les hommes avant les organigrammes
des postes, de définir et de faire partager un modèle de management, de s’intéresser aux personnes
individuellement en plus du collectif ; les méthodes doivent toujours être libres, non les objectifs.
En conclusion, l’évolution d’une entreprise demande avec anticipation, de créer un projet partagé
par tous les acteurs de la transformation, de pratiquer le dialogue social sans réserve et créer un
climat de confiance, d’être en dialogue avec les élus locaux, les conseils municipaux et trouver
ensemble des réponses.

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CLOTURE DU COLLOQUE ?

Anne-Marie Mainguy,
Présidente de l’Académie de l’Air et de l’Espace,

Après avoir chaleureusement remercié M. Jean-Paul Bailly pour cette conclusion très enrichissante,
a eu à cœur de féliciter les organisateurs, les intervenants, ainsi que les auditeurs dont certains venus
de loin dans des conditions difficiles et tout le personnel de soutien pour la remarquable qualité de
ce colloque.
Elle propose qu’il soit suivi par un autre colloque organisé conjointement par les deux Académies et
qui serait consacré au « rôle de l’homme dans les transports automatisés ».

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ANNEXE

Biographies par ordre alphabetique

Jean-Paul Bailly
Ancien président-directeur général du groupe La Poste et de la RATP, garant du Grand Débat,
président Les entreprises pour la Cité
Diplômé de l’École Polytechnique et du MIT, Jean-Paul Bailly a consacré l’intégralité de sa carrière
au service public en participant au management et à la direction de deux grandes entreprises
publiques, la RATP puis La Poste.
Il a exercé plusieurs fonctions au sein de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) : directeur
du Métro et du RER, directeur du personnel, directeur général adjoint puis président-directeur
général en 1994.
Il y met en place un dispositif « d’alarme sociale », visant à favoriser le dialogue avec les organisations
syndicales et réduire la conflictualité dans l’entreprise.
De 2002 à 2013, Jean-Paul Bailly occupe les fonctions de président du groupe La Poste ainsi que
président du conseil de surveillance de La Banque Postale à partir de 2006.
En juillet 2017, il a été nommé président par intérim de « The Camp », le campus du futur, véritable
accélérateur de projets d’innovation pour les entreprises.
Il est aujourd’hui président des Entreprises pour la Cité, président d’honneur du groupe La Poste,
président du conseil de surveillance d’Europcar Mobility Group.
En tant que patron apprécié, respecté par tous, il a su profondément moderniser la RATP et La Poste
par le dialogue et la confiance, sans heurts et sans conflits majeurs, c’est à ce titre qu’il a été désigné
en début d’année, par Matignon, pour être un des cinq garants devant assurer l’indépendance du
Grand Débat national.

Hervé Baudu
Professeur en chef de l’Enseignement maritime, membre de l’Académie de marine
Né en 1963, le Professeur en chef de 1ère classe de l’Enseignement maritime Hervé Baudu a suivi
une carrière opérationnelle embarquée dans la Marine nationale pendant 15 ans à l’issue de
laquelle il a commandé. Depuis 2001, il enseigne la manœuvre, la navigation et les Colregs au centre
de Marseille de l’École nationale supérieure maritime qui forme les officiers-ingénieurs de la marine
marchande.
Son expertise dans le domaine de la navigation l’amène à diriger, avec le concours des pilotes
maritimes, la rédaction d’un ouvrage de 550 pages consacré à la manœuvre qui lui vaut le Grand
prix de l’Académie de marine en 2012. Son autre ouvrage dédié aux Règles pour éviter les collisions
en mer le conduit à s’intéresser aux concepts du navire automatique. Il collabore régulièrement
avec le groupe de travail de la délégation française de l’OMI sur ces sujets.
La reconnaissance de ses travaux est consacrée par son élection à l’Académie de marine en 2013
dans la section
« Navigation et océanologie ».

Bibliographie : « Traité de manœuvre », Marine Editions 2012 - 3e édition ; Grand prix 2012 de
l’Académie de marine ;

« Shiphandling », version anglaise du Traité de manœuvre Ed Dokmar 2014 – 2nde édition ; « Co/regs
et sécurité du trafic maritime » Marine éditions 2016 ; « La maritimisation des pôles », annuaire français
de relations internationales avril 2019.

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Marc Baumgartner
Académie de l’air et de l’espace, coordonnateur SESAR/contrôle aérien, IFATCA
Depuis plus de 25 ans Marc Baumgartner travaille comme contrôleur de la circulation aérienne et
chef de salle au Centre de contrôle aérien en-route de Genève. Il a été, jusqu’en avril 2010, président
de la Fédération internationale des associations de contrôleurs aériens (IFATCA) attaché à la
défense des intérêts techniques et professionnels de plus de 50 000 contrôleurs aériens provenant de
137 États. Il est chargé de la coordination des activités SESAR et EASA de l’IFATCA. De 2011 à
décembre 2016, il a été membre de la Commission d’évaluation de performance (PRB/C) et est
aujourd’hui président élu de la Commission d’évaluation de la performance (PRC) d’Eurocontrol.

Alain Bensoussan
Avocat au barreau de Paris
Avocat à la Cour d’appel de Paris, précurseur du droit des technologies avancées, Alain Bensoussan
a fait de l’élaboration de concepts nouveaux l’une de ses marques de fabrique : domicile virtuel,
droits de l’homme numérique, vie privée résiduelle, etc. En 2012, après avoir créé Lexing, premier
réseau international qui fédère des avocats en droit du numérique et des technologies avancées, il
lance au sein de son cabinet un département sur le droit des technologies robotiques, y voyant « la
reconnaissance par le droit d’une mutation technologique au moins aussi importante que l’ont été
l’informatique et les réseaux sociaux au 20e siècle ». Aux yeux de cet infatigable explorateur de
nouveaux domaines du monde numérique, il était temps de créer un droit des robots les dotant
d’une personnalité et d’une identité juridique pour en faire, demain, des sujets de droit. Alain
Bensoussan est également président et fondateur de l’Association du droit des robots (ADDR).

Capt. Jean-Michel Bigarré


Head of Worldwide flight training, Airbus Training Services
Jean-Michel Bigarré trained at the École d’Air France and began his career working for Air France,
before joining the French Aviation Authorities to manage ab initio & advanced training. During this
time he qualified on all types of instructor qualifications, such as FI/IRI/CRI/TRI.
He moved to ATR as Head of Training in 1994, before becoming VP Training & Flight Ops and has
since held executive positions including CEO & member of executive board for different companies.
Throughout his career, Jean-Michel has flown for many different airlines and still flies on a regular basis.
His wide airline
experience also extends to the start-up and restructuring of several airlines.
Jean-Michel joined Airbus Training in 2012 as head of Flight Training Worldwide. He is currently on the
A320/A330/A350 & A380 and is still acting as instructor and examiner.
His global role is to define and implement the Airbus flight training strategy including the Airbus flight
training reference worldwide. He leads a team in charge of the creation of new and integrated
training solutions designed to enable airlines to train on time and on budget whilst simultaneously
ensuring a positive safety trend.

Éric Bouchard
Architecte système, Dassault Aviation
Eric Bouchard is project manager in the Systems Engineering division at Dassault Aviation.
He is currently leading the team which defines the engineering processes and collaboration methods
that prepare future
international cooperations for military programmes.
He has been working since 1999 on various programmes, ranging from Rafale, all Mirages, up to more
recently on the nEUROn drone demonstrator.

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Eric initially joined Dassault Aviation in 1986. He first worked as system engineer in the design and
development of flight
control and guidance systems, mainly for the Rafale and Mirages.
He graduated from École Centrale de Paris engineering university in 1985.

Jean-Philippe Casanova
Président de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM), senior vice-président de l’IMPA
Né à Ajaccio (2 A) en 1971, Jean-Philippe Casanova est issu de l’École nationale de la Marine
marchande (aujourd’hui ENSM) qu’il a intégré à Marseille en 1990. Il a été breveté capitaine de 1ere
classe de la Navigation maritime (C1NM) en 2000 et a effectué l’essentiel de sa navigation sur des
car-ferries et des navires de type ropax. Il a également navigué sur des portes conteneurs et des
remorqueurs portuaires.
Il a effectué son service militaire dans la Marine nationale dans l’Océan Indien entre 1995 et 1996. Il
devient pilote maritime de la station de pilotage de Marseille/Fos en décembre 2001. Il a été en
charge du système de Management de la qualité de la FFPM de 2006 à 2012, puis a été élu
secrétaire général de cette fédération en 2012, fonction qu’il a exercé jusqu’en 2015 avant d’en
devenir le président.
Il est sénior vice-président de l’International Maritime Pilots » Association (IMPA) depuis 2018, a été
vice-président de l’International Maritime Pilots » Association (IMPA) de 2016 à 2018 et vice-président
de l’European Maritime Pilots » Association (EMPA) de 2013 à 2017. Il est membre du Conseil supérieur
de la Marine marchande, du Conseil supérieur des Gens de mer, du conseil d’administration de
l’ENSM, et participe par ailleurs très régulièrement aux sessions de l’Organisation maritime
internationale en tant que conseiller de la délégation française. Il participe activement au
développement de l’économie maritime française tant au travers du comité exécutif d’Armateurs
de France, qu’au sein du Cluster Maritime Français ou encore au carrefour des professions portuaires
à l’Union des Ports de France.

Guillaume Counio
Chargé de mission Cybersécurité à la Direction du transport aérien de la DGAC
Ingénieur en chef des ponts des eaux et des forêts, Guillaume Counio a consacré son parcours dans
l’administration aux négociations et aux partenariats économiques. En charge du suivi d’études de
réduction de risques industriels à la DGA, il a ensuite participé au soutien des exportations françaises
d’armements dans plusieurs pays du proche et du Moyen-Orient. Après avoir coordonné les positions
françaises auprès de l’Organisation de coopération et de développements économiques,
Guillaume Counio est devenu conseiller technique au cabinet du ministre du Développement
durable, avant d’en être le sous-directeur en charge de la régulation européenne. À la DGAC
depuis 2016, il a été chargé de la création et de l’animation du Conseil pour la cyber sécurité du
transport aérien (CCTA)

Bertrand de Courville
Académie de l’air et de l’espace, ancien commandant de bord et cadre à la direction de la
Sécurité des vols Air France
Ancien élève de l’ENAC (formation pilote de ligne), récemment retraité comme commandant de
bord sur Airbus A330 et A340, Bertrand de Courville a connu les grandes évolutions et ruptures qui ont
accompagné le développement du transport aérien au cours de ces 40 dernières années.
Il est initialement qualifié et entrainé par la Lufthansa sur ses lignes moyen-courrier en prévision de
l’arrivée à Air France du Boeing B737, premier avion piloté à deux. Il vole ensuite en équipage à 3 sur
l’avion long-courrier Boeing B747 avant d’être formé sur les tout nouveaux Airbus A320, premiers
avions commerciaux à commandes de vols électriques.

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Parallèlement à son activité de pilote, Bertrand de Courville participe à la mise en place des premiers
programmes de formation aux facteurs humains et au « Crew Resource Management » (CRM), à la
modernisation des programmes de retour d’expérience et d’analyse systématique des paramètres
enregistrés (Flight Data Monitoring) ainsi qu’au déploiement du Système de gestion de la sécurité
(Safety Management System) actuellement en cours de mise en place chez tous les acteurs-clé du
transport aérien mondial (compagnies, centre de formation et de maintenance, aéroport, contrôle
aérien, constructeurs, autorités de l’aviation civile).
Au niveau international, il contribue tout au long de sa carrière à de nombreux programmes de
sécurité des vols auprès de l’IATA, Eurocontrol, OACI, EASA ou Flight Safety Foundation.
Bertrand de Courville est actuellement consultant indépendant pour la gestion de la sécurité
principalement dans le domaine de l’aérien et de la santé. Il est membre de l’Académie de l’air et
de l’espace (AAE), du Tomato, de l’International Society of Air Safety Investigators (ISASI) et Fellow of
the Royal Aeronautical Society (RAeS). Il a reçu en 2000 le prix
« Lara Taber Barbour » décerné par la Flight Safety Foundation.
Bertrand de Courville continue à voler sur avion léger après avoir piloté les Airbus A330/340/320,
Boeing B737, B747, Falcon 20 & 10 de nombreux autres types d’appareils allant des planeurs aux
hydravions.

Philippe Delebecque
Académie de marine, professeur de droit, université Paris Sorbonne I
Philippe Delebecque est agrégé des Facultés de droit et professeur à l’Université de Paris-I
(Panthéon-Sorbonne). Membre de l’Académie de marine, il est président de la Chambre arbitrale
maritime de Paris, vice-président de l’Association française du droit maritime, président d’honneur
de la Société française de droit aérien et spatial et membre du Conseil supérieur de la marine
marchande. Il est l’auteur de nombreux ouvrages juridiques sur le Droit maritime (Précis Dalloz), Droit
des transports terrestres et aériens (Précis Dalloz), Droit du commerce international (en
collaboration.), Traité de droit commercial, LGDJ (en collaboration)

Frédéric Denèfle
Directeur général du CESAM d’assureurs spécialisés en risque de guerre, et directeur des Relations
extérieures du CESAM (Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports).
De 2010 à 2012, il était directeur Juridique et conformité de Allianz Global Corporate & Specialty
France ; de 1998 à 2009, responsable du département Indemnisation et prévention Marine Transports
à AGF MAT/AGCS FR ; de 1991-1997, en charge de la gestion des Événements de mer à CESAM Paris ;
1988-1991, GIE Réunion européenne en charge des contentieux transports.

Olivier Doucy
Président de SIREHNA (Naval group)
Olivier Doucy est Chief Executive Officer de Sirehna, pour la région de Nantes, depuis September 2017.
Il était auparavant
CEO de Naval Group Research de 2012 à 2017, et directeur général de Sirehna entre 2008 et 2011.
De 1990 à 1993 il a fait ses études à ISAE-SUPAERO et a obtenu un diplôme d’ingénieur, en ingénierie
aérospatiale, aéronautique et astronautique. Il a également un certificat en Business Administration
and Management de HEC Paris (2009).

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Isabelle Duvaux-Béchon
Head of the Member States Relations and Partnerships Office in the ESA Strategy Department
Isabelle Duvaux-Béchon is in charge of the Relations with ESA Member States ensuring the
coordination at corporate level of the information on Agency’s policies and actions towards the 22
ESA Member States, acting as their entry pointto the Agency and aiming at optimisation of mutual
current and future interests. She is also in charge of the coordination across ESA of transverse
initiatives representing global challenges on Earth, with a thematic (Sustainable Development)or
geographical approach (Oceans, Arctic, Antarctic, Alps, Africa…), making the links between ESA
and potential users,and coordinating partnerships with non-space entities. She is co-chairing the ESA
Space & Arctic Task Force and the ESABlue Worlds Task Force formed with interested ESA Member
States.After 4 years in the space industry, she joined ESA in 1987 and worked in various areas:
Microgravity, International SpaceStation, Budget, Education, Corporate Planning, Finance, Studies,
Advanced Concepts.Isabelle Duvaux-Béchon is a diplomed engineer from Ecole Centrale Paris
(specialisation in Air & Space engineering)and an auditor of the French Institute of Advanced Studies
in National Defence (IHEDN). She is a Commander in thecitizenship reserve of the French Navy anda
full member of the International Academy of Astronautics.

Dr-Ing. Christian Eschmann


Programmstrategie Luftfahrt, DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt)
Dr.-Ing. Christian Eschmann has been, since October 2018, the coordinator for the strategic topic of
unmanned aircraft systems (UAS) at the German Aerospace Center (DLR) – the national aeronautics
and space research centre of the Federal Republic of Germany.
As the Coordinator UAS, he is the first point of contact for all activities regarding unmanned flight at
DLR as well as for governmental ministries and agencies, research bodies, and the industry. ln
addition, Christian is the DLR Liaison Officer to the European Union Aviation Safety Agency (EASA)
and leads the “Urban Air Mobility” thematic programme within the Future Sky initiative of the
Association of European Research Establishments in Aeronautics (EREA).
Previously, Christian worked as head of department for RWTH Aachen University and as a researcher
at the Fraunhofer- Gesellschaft. He holds a Ph.D. and a M.Sc. in Aerospace Engineering, both from
RWTH and with the focus on unmanned aircraft systems.
Christian is also a reserve officer at the German Army, where he was for several years the head of
Flight Operations and deputy head of Operations at a NH90 helicopter base, and since 2018 serving
as a desk officer at the German Federal Ministry of Defence (BMVg).

Simon Foreman
Académie de l’air et de l’espace, cabinet Courrégé-Foreman
Avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Courrégé-Foreman, Simon Foreman exerce dans le
domaine aéronautique depuis plus de 25 ans, aussi bien en droit pénal qu’en droit civil ou
commercial, ce qui l’a amené à plaider notamment de nombreux dossiers d’accidents aériens. Il a
défendu ou conseillé des constructeurs, responsables d’aéroports, opérateurs, ateliers de
maintenance et autorités. Il est membre de l’Académie de l’air et de l’espace.

Alain Garcia
Ancien vice-président de l’Académie de l’air et de l’espace, ancien directeur général technique
d’Airbus avions commerciaux
Alain Garcia est diplômé de l’école nationale d’ingénieurs de Strasbourg (1966) et a suivi des
formations complémentaires en Aérodynamique générale (ENSICA) ; Aero Engine School (Bristol
Siddeley-Patchway-UK) et Financial Management à Paris (1974-1975). Il a commencé sa vie
professionnelle en 1966 à Aérospatiale Avions en tant qu’ingénieur au bureau d’études puis chef
avoir intégré le GIE Airbus Industrie en 1994, il devient Senior Vice-president engineering en 1997.

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Nommé Executive vice-president Engineering à EADS Airbus SAS en 2001, il rejoint le comité exécutif
en 2007. Retraité d’Airbus en 2007, ila créé et gère une société de consulting, Novation Aero
Consulting. En parallèle à ces activités industrielles, il exerce des fonctions dans l’enseignement
supérieur en tant que professeur de Propulsion pour les pilotes de ligne à l’ENAC (1969-1975), maître
de conférences de Technologie Avions à SupAéro (1973-1988), et professeur de Thermodynamique-
Propulsion IUT à l’Université Paul Sabatier (1978-1982). Par ailleurs, il a été membre du conseil
d’administration de Dassault Aviation de 2008-2016, vice-président de l’AAE (2011-2016) et est
président de sa commission Aéronautique civile depuis 2009.

Jean-Michel Hubert
Lead system architect, iXblue
Jean-Michel Hubert est diplômé de l’École supérieure d’électricité en spécialité Électronique et
Communications numériques (1997), titulaire d’un magistère de physique fondamentale
(Orsay 1997), et d’un DEA Électronique capteur et circuit intégrés (Orsay 1997). Après un début de
carrière chez Wavecon (1997-2001) comme ingénieur logiciel, il a rejoint Stepmind comme
responsable du logiciel couche basse (2001-2006), puis Infotron (2006-2015) comme responsable de
la R&D pour le développement des drones aériens à voilure tournante. En 2015, la société Infotron a
été cédée à ECA group et les activités des drones aériens ont été transférées chez ECA Robotics à
Saclay où Jean-Michel Hubert conserve les mêmes responsabilités pendant deux ans. En 2016, il
rejoint la société iXblue pour coordonner et développer les passerelles de navigation intégrées et
innovantes pour les navires du futur dans le cadre du projet Passion. En 2018, il prend en charge
l’activité des produits navals chez iXblue.

Nicolas Marcou
Directeur de programme Drones, Direction générale de l’aviation civile
Nicolas Marcou est directeur de programme Drones à la Direction de la sécurité de l’aviation civile
(DSAC), l’autorité de surveillance française de l’aviation civile, en charge de la Règlementation et
de la surveillance de la sécurité. Il travaille à la DGAC depuis 18 ans.
Après des études à l’École nationale de l’aviation civile (ENAC) où il a également obtenu son brevet
de pilote privé, M. Marcou a commencé sa carrière au Centre d’études de la navigation aérienne,
l’ancien centre de R&D de la DSNA, la direction de la DGAC en charge du contrôle aérien. Il travailla
ensuite au BEA (Bureau d’enquêtes et analyse) où il exerça des fonctions d’encadrement du
département Investigations, puis à la DSAC, en charge de la Certification et de la surveillance des
exploitants d’aérodromes. Entre 2014 et 2018, il occupa le poste d’adjoint des Services de la
Navigation aérienne de la région parisienne.
En tant que directeur de programme, M. Marcou coordonne l’action des directions techniques et
régionales de la DSAC sur le sujet des drones, dans toutes ses composantes : règlementation,
navigabilité, opérations, formation des télépilotes, intégration dans l’espace aérien, sûreté, etc.
Depuis la publication des premiers textes européens sur les aéronefs sans équipage à bord en juin 2019,
il anime le projet en charge de la transition vers l’application de la règlementation européenne en
France.

Sophie Moysan
Directrice juridique et sinistres, la Réunion Aérienne
30 ans d’expérience dans les assurances et le conseil en gestion des risques de responsabilité civile
dont 24 en assurance aéronautique et spatiale. Sophie représente la Fédération française de
l’assurance à l’Aviation Insurance Clauses Group (AICG) basé à Londres, dont la mission est de
rédiger et publier des clauses d’assurance aéronautique type, d’usage facultatif (AVN). Elle est
membre des groupes de travail Cyber & Emerging Risks et Legal & Claims de l’International Union of
Aerospace Insurers (IUAI). Sophie a débuté sa carrière professionnelle en tant qu’avocate au Barreau
de Paris, puis conseil juridique au sein du cabinet de solicitors londoniens Thomas Cooper & Stibbard.

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Antoine Person
Secrétaire général du groupe Louis Dreyfus Armateurs (LDA)
Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de Sciences économiques de l’université de la
Sorbonne, Antoine Person a rejoint le groupe Louis Dreyfus Armateurs en 1999. Il y passe les cinq
premières années à l’affrètement de navires vraquiers secs, particulièrement sur les marchés d’Asie
du Sud-Est. Il est nommé secrétaire général en 2004. Il est aujourd’hui chargé de la direction du
cabinet du président du groupe LDA, des relations institutionnelles et coordonne l’activité d’achat
et de vente de navires. Il est expert auprès d’associations internationales d’armateurs (Armateurs de
France, Bimco, ECSA) et anime des associations de promotion de l’économie maritime à destination
d’étudiants (SciencesPo de la Mer,…). Il est chevalier du Mérite maritime.

Simon Plum
Managing director at DLR GfR mbH
Since 2017 Mr. Simon Plum is Managing Director at GfR mbH, a 100% subsidiary of the German
Aerospace Center (DLR).
He is responsible for all activities in the Galileo program and in particular for the operations of the
Galileo Control Center (GCC-D) in Oberpfaffenhofen, Germany. Already during his studies of
Electrical Engineering at the RWTH Aachen of GATE-Operation at the German Space Operations
Center (GSOC) which is embedded in the DLR Oberpfaffenhofen.
Following this he joined DLR headquarters in Cologne as adviser for the Executive Board member of
Space Research and Technology. In 2015, Mr. Plum was appointed as Managing Director of
Spaceopal GmbH. In this function he was in particular responsible for the technical management of
all Galileo operations activities contracted by ESA and GSA.

Julien Raynaut
Directeur juridique, Bureau Veritas
Julien Raynaut est diplômé de la faculté d’Aix en Provence en Droit maritime et des transports, en
Droit comparé, ainsi qu’en Sciences morales et juridiques (Institut Portalis). Après une expérience de
juriste maritime spécialisé dans le transport GNL chez GDF SUEZ (ENGIE), il devient responsable
juridique à Monaco de la société SBM Offshore, spécialisée dans les constructions de plateformes
pétro-gazières offshore (FPSO). Directeur juridique de la société de classification Bureau Veritas depuis
2015, il est en charge de l’ensemble des activités juridiques et contrats du groupe Bureau Veritas
Marine & Offshore.

Georges Rebender
Former head of Aircrew & medical department, EASA
Georges Rebender’s aviation career started, when, at the age of 14, he successfully passed a State
examination which allowed him to join a State Aviation Junior program. He later joined Paris University,
where he graduated in flight dynamics. After having performed his military duties as air traffic controller
officer, he studied organisations management at Strasbourg University.
More recently, he successfully completed the Ecole Nationale d’Administration Post Graduate Course
in European Studies (cycle des Hautes études européennes).
Along his career, he took several aviation management posts, both at Industry and Regulator level.
He first held the post of Certification manager Flight and Human factors working in a European world
leading aircraft manufacturer, where he also developed aviation certification standards by co-
chairing the US ARAC flight test harmonisation group.
He later joined the Joint Aviation Authorities in Holland, holding the post of director Air Operations
allowing him to further extend his experience in regulatory affairs including drafting, on behalf of the
EU Commission, the European air operations essential requirements. Under his tasks, he created the

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Joint Operational Evaluation Board, known now as OSD, and also represented European voice at the
ICAO Ops panel.
He joined EASA in 2007, where he became Head of Aircrew and Medical department developing
amongst others, innovative concepts such as Evidence-based training / competency based training
and a new certification approach for training devices. In his last EASA assignment, he joined the EASA
innovation cell, working on Industry partnership contracts, developing new regulatory approaches
for disruptive technologies, with a particular emphasis in the domain of artificial intelligence (AI),
developing along the European Commission guidelines, the EASA AI roadmap.
Throughout his career, he has accumulated more than 30 years' experience as flight instructor and
examiner.

Claude Roche
Vice-président de l’Académie de l’air et de l’espace, ancien vice-président grands systèmes de
Matra Défense Espace
Polytechnique (1963). École nationale supérieure des télécoms (1968). Doctorat d’État en
Informatique (1972). Ministère de la Défense : Laboratoire central de l’armement, ETCA (1972-1978).
Directeur programme SAMRO/HELIOS (1978 — 1982). Thomson-Espace puis Alcatel Espace : directeur
du plan de la Stratégie puis du département Aérospatial (1983 — 1987). SEP : directeur du Marketing
(1988). Directeur général MATRA/MS2I (1989-1992). Directeur des Systèmes Matra (1992-1999).
Directeur de la Stratégie EADS/Systems and Defense Electronics (1999-2003). Enfin VP Concepts &
Customers Relation de la division Défense et sécurité d’EADS (2004-2007).

Marc Rochet
Président, French bee
Marc Rochet préside French bee, la première compagnie low-cost long-courrier française, depuis son
lancement en 2016. Il est également directeur général du groupe Dubreuil Aéro, vice-président du
conseil d’administration d’Air Caraïbes et président d’Air Caraïbes Atlantique.
Marc Rochet a débuté sa carrière en 1976 en qualité d’ingénieur à la direction du Matériel d’Air Inter.
Trois ans plus tard, il devient directeur technique d’Air Guadeloupe, avant de passer directeur chez
Europe Aéro Service. Revenu chez Air Inter, il occupe les fonctions de directeur de l’Escale d’Orly-
Ouest. En 1988, il rejoint la compagnie Aéromaritime, filiale d’UTA, en tant que directeur général.
C’est en qualité de président-directeur général que Marc Rochet fusionne en 1991 Air Outre-Mer et
Minerve sous la marque AOM. Entre 1996 et 2001, il occupera les fonctions de président-directeur
général des compagnies aériennes TAT, Air Liberté, AOM et Air Littoral. Il sera ensuite nommé directeur
général de Travelprice.com avant de fonder la compagnie L’Avion, rachetée en 2008 par OpenSkies,
filiale de British Airways.
Diplômé de l’École nationale supérieure de mécanique et d’aéronautique de Poitiers, Marc Rochet
est également titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de l’Institut d’administration
des entreprises de Toulouse.

Jean-François Segretain
Directeur technique du Bureau Veritas
Jean-François Segretain is presently Marine Technical Director of the Marine & Offshore Division since
October 2013, andwas Marine Deputy Technical Director for two years before.Jean-François
Segretain graduated in 1981 from Ecole nationale suppérieure de mécanique (ENSM) in Nantes as a
naval architect and marine hydrodynamicist. He began his carrier in Bureau Veritas in 1983 in marine
technical services. Jean-François entered BV design review services as an engineer in charge of
machinery approval and was in charge of the propulsive installations section. From 1989 to 1996, he
was head of the Hull and stability (DT1) department, and head of the Development department
(Rules and computer tools) from 1996. In 2003, he was appointed Marine regional chief executive for

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Southern Europe & North America. Jean-François was a member of the IACS small group dealing
with Common Structural Rules and was also BV memberof the IACS Council.

Nicolas Singellos
Chef de bureau de l’Emploi et de la Formation maritime au ministère de la Transition écologique
et solidaire
Nicolas Singellos est diplômé en Sciences sociales de l’École normale supérieure de Cachan (2012),
détenteur d’un master professionnel de droit public (spécialité administration générale) de l’Université
Paris 1 — Panthéon-Sorbonne (2012) et ancien élève de l’École d’administration des affaires
maritimes (2012-2014) qu’il a intégrée pour rejoindre le corps des administrateurs des affaires
maritimes (corps d’officiers de la Marine nationale administré par le ministère chargé de la mer).
Affecté d’abord à la Direction interrégionale de la mer Méditerranée à Marseille comme chargé de
mission « gouvernance et politique maritime intégrée » au sein de la mission de coordination des
politiques de la mer et du littoral, puis comme adjoint du chef de mission, il a conduit les
concertations relatives au développement de l’éolien flottant en Méditerranée. Ayant rejoint en
2017 la direction des Affaires maritimes à Paris pour occuper le poste de chef du bureau de la
Formation et de l’emploi maritimes, Nicolas Singellos a désormais la charge l’élaboration et la mise
en œuvre des politiques en matière d’éducation et de formation professionnelle maritime, de
délivrance des titres professionnels maritimes ainsi que l’adaptation au secteur maritime des
politiques de l’emploi.

Bruno Stoufflet
Académie de l’air et de l’espace, vice-président Recherche & développement, Dassault Aviation
Diplômé de l’école Polytechnique, docteur-ingénieur en mathématiques appliquées de l’université
Paris VI, Bruno Stoufflet a réalisé toute sa carrière dans le secteur aéronautique.
Il a débuté dans la Société Dassault Aviation par le développement de méthodes de simulation
numérique en aérodynamique, puis a pris en charge les études scientifiques amont avant de devenir
pendant plus de 15 ans directeur de la Prospective. À ce titre, il a eu en charge la préparation des
Produits futurs civils et militaires et la coordination des activités de Recherche & technologie de la
société. Il a participé au développement de grands programmes de recherche comme le
programme européen Clean Sky et le Conseil d’orientation de la recherche aéronautique civile
(CORAC).
Il est actuellement directeur de l’Innovation société (chief technology officer) de Dassault Aviation.
Il a été jusque très récemment vice-président du governing board de la JU Clean Sky et est membre
du comité de pilotage du CORAC. Il est membre de la commission R & T de l’ASD et membre de
l’Académie de l’air et de l’espace.

Pascal Traverse
General manager Autonomy thrust, Airbus
Pascal Traverse construit la vision et la stratégie d’Airbus relatives à l’autonomie des aéronefs et
coordonne les projets de recherche dans ce domaine. Les produits couverts vont de l’aviation
commerciale aux taxis aériens, incluant les hélicoptères, les drones etc.
Autonomie dans ce contexte couvre la capacité des systèmes à prendre des décisions. Les
technologies essentielles sont l’interface avec l’humain car celui-ci reste au centre de l’opération, le
traitement d’images pour naviguer et détecter des obstacles, le traitement de la voix et tout ce qui
est nécessaire pour que tout le monde ait confiance, justifiée.
Plus tôt dans sa carrière, Pascal a participé au développement des commandes de vol électriques,
de l’A320 à l’A380, à l’harmonisation des règles de certification avec l’EASA et la FAA. Il a aussi géré
les activités Sécurité d’Airbus et celles relatives à la Qualité dans les chaines d’assemblage de l’A380.

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Pascal est ingénieur et docteur-ingénieur N7 et a aussi été chercheur au LAAS-CNRS (Laboratoire
d’automatique et d’analyse des systèmes, Toulouse) et à UCLA (University of California, Los Angeles).
Pascal contribue à la 3AF depuis 2007, dans le domaine des Systèmes.

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