Cours Phil Le Travail
Cours Phil Le Travail
Cours Phil Le Travail
Le travail
FICHE DE COURS
Introduction :
Il faut reconnaître, qu’a priori, travailler n’est pas une partie de plaisir : cela nous impose un
rythme de vie, des contraintes et des efforts physiques et intellectuels réguliers. Il réduit aussi
notre temps d’oisiveté, c’est pourquoi le travail est spontanément jugé comme une corvée.
Ainsi, nous étudierons dans un premier temps l’ambivalence du travail humain : à la fois source
de souffrance et nécessaire pour notre progrès. Puis nous regarderons dans un deuxième
temps quels peuvent être les bénéfices liés au travail. Finalement nous verrons que si
nombreux sont ceux qui passent leur vie à travailler, c’est parce que le travail est un moyen
d’assurer notre temps libre.
Définition
Travail :
La malédiction
La souffrance liée au travail semble s’inscrire dans l’histoire humaine comme une malédiction.
Elle est racontée dans le livre III de la Genèse : parce qu’il a écouté la voix de sa femme, qui
elle-même avait écouté celle du serpent, Adam a mangé le fruit défendu ; Dieu le condamna
alors à gagner son pain « à la sueur de son visage ».
À retenir
Le travail est donc un châtiment divin sortant l’être humain du paradis où il n’avait
pas besoin de travailler.
Voilà pourquoi dans notre imaginaire collectif, prendre plaisir à travailler n’est plus vraiment
travailler : un véritable travail doit être intrinsèquement lié à l’effort et donc à la souffrance.
L’être humain est le seul animal qui doit faire l’effort de travailler pour survivre. Rien ne lui est
donné naturellement, tout ce qu’il obtient est le fruit de ses efforts.
Le travail est donc l’effort conscient de transformation de l’environnement afin qu’il soit
susceptible de répondre à nos besoins. C’est par ce biais que l’être humain dépasse sa
condition d’animal pour entrer dans la culture. Par exemple, l’agriculture est le travail de
transformation de la terre afin de la fertiliser et d’augmenter la productivité d’un champ : un
terrain cultivé sera plus fertile qu’un terrain non cultivé.
L’espèce humaine a maîtrisé et utilisé la nature à son profit pour survivre, nous léguant
l’environnement que nous connaissons aujourd’hui. Cette avancée a considérablement
développé notre intelligence et toutes les transformations de la nature ont inscrit
l’empreinte humaine à travers les siècles.
Selon Hegel, c’est parce que l’humain peut inscrire son empreinte dans son environnement
qu’il éprouve de la satisfaction à travailler. En effet, percevoir le gage de notre inventivité et
de notre intelligence dans nos productions est une forme de jouissance supplantant tous les
efforts consentis.
L’effort dans le travail humain est très différent de la manière instinctive dont les animaux
s’activent. Par exemple, une araignée produit une toile parfaite dès que ses organes le lui
permettent ; elle n’hésite pas et n’échoue pas ; son instinct est immédiatement adapté à la
réalisation de cette tâche. En revanche, une couturière ne produit de beaux vêtements
qu’après une longue période d’entraînement, d’échecs et d’efforts.
À retenir
La dialectique
La dialectique est un processus par lequel l’espèce humaine évolue, se transformant elle-
même ainsi que le monde. Cette première se fait toujours en trois phases : la thèse, l’antithèse
et la synthèse. À noter qu’en méthodologie de la dissertation, on appelle un plan respectant
trois parties un « plan dialectique ».
Lors de la première phase, la thèse, un système de pensée est construit et fini. Puis intervient
l’antithèse, qui s’inscrit en opposition à la thèse. Enfin arrive la dernière phase, la synthèse, qui
constitue un dépassement et en même temps la synthèse entre les deux premières phases.
En science, par exemple, on peut penser à la théorie de Newton qui, une fois corroborée par de
nombreux faits, est devenue la norme : un modèle de référence pour penser les
phénomènes physiques. Dans notre exemple, l’antithèse correspond à moment de crise,
comme lorsqu’on a découvert des anomalies dans l’observations des astres : elles ne
correspondaient plus aux prédictions du modèle de Newton. Finalement, c’est Einstein qui a
réussi l’exploit de la synthèse en proposant un nouveau modèle théorique (dépassement) qui,
tout en fonctionnant aussi bien que le premier, a permis d’expliquer les anomalies observées
et d’améliorer les prédictions (synthèse).
Réflexion
Marx est un économiste allemand du XIXe siècle, héritier de Hegel, et lorsqu’il pense au
système économique, il a en tête cette dialectique. Il insiste sur le fait qu’un travail humain
repose sur la conscience du travailleur à l’égard de son projet d’action et de ses actes. Il
dénonce le capitalisme car il pervertirait le rapport de l’être humain au réel et
déshumaniserait le travail.
Dans Le Capital, Marx critique la manière dont le capitalisme exploite les travailleurs et leur
vole la conscience qu’ils ont de transformer le réel, de plus, il ne serait qu’une évolution de
l’exploitation des serfs au Moyen Âge. Selon Marx, le système économique et politique a
toujours fonctionné sous formes de classes, c'est-à-dire qu’une classe dominante exploite une
classe dominée. À noter que dans les systèmes démocratiques modernes, la bourgeoisie se
transpose à la noblesse.
Selon Marx la lutte des classes est le moteur de l’Histoire et son abolition est le but de l’État.
C’est de là que découle la théorie communiste marxiste visant, par un processus de
dialectique, l’abandon du capitalisme. Cet abandon est considéré comme une révolution
devant mener à une dictature du prolétariat (classe constituée d’ouvriers exploités, dominée
par la bourgeoisie) et qui constituerait le moment d’antithèse. Ensuite un système communiste
doit être instauré qui serait, selon Marx, le moment de synthèse.
Le système capitaliste est également marqué par une industrialisation massive des systèmes
de production. D’une économie paysanne et artisanale nous passons à une économie de
production de masse.
➜ Au XVIIIe siècle, l’utilisation des machines
est une innovation technique décisive.
À retenir
Par l’avancée technique, l’être humain se libère des tâches les plus ingrates et
devient plus efficace dans sa production, grâce au machinisme notamment.
L’arrivée de nouvelles méthodes de production peut rendre le travail moins fatiguant et plus
facile, mais cela va anéantir la possibilité pour le travailleur de se reconnaître dans son œuvre.
Les systèmes industriels sont normalisés, chaque mouvement est spécifié et contrôlé par le
maître d’œuvre. Le système tayloriste était poussé tellement loin qu’on comptait les pas des
ouvriers pour réduire les déplacements au strict minimum : les humains devenaient alors des
machines.
Définition
Division du travail :
Le travail à la chaîne est plus efficace, mais le rapport de l’être humain à sa pratique change
de nature. La division du travail dépossède et sépare donc le travailleur ou la travailleuse du
fruit de sa production. Ce qu’un couturier ou une couturière produit à la chaîne ne lui permet
plus de se reconnaître en tant que tel. La personne est réduite à une main performante, habile
et rapide : elle n’a plus la conscience du résultat final de son travail, il ne lui appartient pas car
elle n’est que le maillon d’une chaîne.
À retenir
La satisfaction liée au travail vient du fait que ce dernier est comme un témoignage de notre
volonté et de notre intelligence. En visant le profit économique, le capitalisme a saccagé ce
témoignage. Il existe cependant d’autres facteurs pouvant donner une valeur positive au
travail.
a Rencontrer autrui
La vocation
Certaines personnes ont très tôt le désir d’investir un corps de métier précis. Choisir un métier
par vocation permet de l’apprécier, cela ne demande pourtant pas moins d’efforts et
d’investissements. Par exemple, par amour du métier, un infirmier ou une infirmière supportera
la vue fréquente du sang et des horaires de travail tardifs. Cependant, ce n’est pas parce qu’il
affirme aimer son travail qu’il ne travaille pas.
S’intégrer socialement
Il ne faut pas oublier que le travail gratifie l’être humain d’un statut social. À différents
niveaux, travailler consiste à prendre en charge les besoins de la société. Jouer un rôle dans
cette dernière procure ainsi un sentiment d’utilité et de dignité. Pour beaucoup, être utile aux
autres est essentiel pour un épanouissement personnel.
Ajoutons que de nombreuses personnes vivent le chômage comme une dévalorisation, une
dégradation de leur dignité. La stigmatisation que subissent les chômeurs prouve que le travail
n’est pas seulement un moyen de gagner de l’argent mais qu’il est aussi le premier vecteur de
reconnaissance sociale.
Freud voit dans le travail une valeur sûre de notre civilisation. En effet, selon lui l’être humain
est avant tout soumis à de puissants instincts le tournant vers sa propre satisfaction, en
ignorant autrui et la collectivité (par exemple, notre libido brasse une énergie naturellement
asociale et perverse). La civilisation s’est pourtant construite grâce à des activités comme l’art,
le sport et le travail : Freud considère qu’en vérité ces activités subliment nos instincts égoïstes.
Définition
Sublimation :
La sublimation est un phénomène psychique par lequel l’énergie de nos pulsions est
détournée de son but initial, qu’est la satisfaction égoïste, pour être dirigée vers des
buts socialement valorisés, bien considérés et utiles pour la société.
Le travail éduque : il nous impose de mobiliser notre attention et notre énergie dans un effort.
Il instruit par la résistance des matériaux qu’il façonne.
« La terre nous en apprend plus long sur nous-mêmes que tous les livres. Parce qu’elle nous
résiste. »
À retenir
a Un divertissement
Envisageons le cas où le travail n’est pour l’être humain qu’un divertissement (précisons qu’il
s’agit du divertissement au sens du philosophe Pascal). C’est donc non pas un loisir qui nous
délasse, mais une activité qui occupe notre esprit pour fuir les temps de repos.
Alors, pourquoi l’être humain fuit-il les temps morts ? Comme son nom l’indique, un
temps mort est marqué par l’absence de vie, le néant, l’ennui. Pour l’humain, les temps morts
sont des présages angoissants de ce qui l’attend à sa mort : il préfère donc les fuir. Le travail
est ainsi son meilleur allié. Ajoutons que nous passons les deux tiers de notre vie éveillée au
travail.
À retenir
Pour que le travail soit à ce point sacralisé et recherché en tant que but, il faut que
l’être humain en arrive à oublier de réfléchir sur le sens profond de son existence, sur ce qui
peut réellement lui apporter satisfaction.
Le loisir
En Grèce antique on considérait que le travail devait être réservé aux esclaves et que les
aristocrates s’éduquaient aux loisirs. Le loisir dont les grecs parlent est l’otium. Ce mot désigne
les activités capables d’humaniser, d’élever la conscience et l’intelligence de l’être humain.
En ce sens la pensée scientifique, politique et la philosophie sont les loisirs par excellence
puisqu’ils instruisent l’humain, le libérant de diverses croyances et ignorances. Un véritable
loisir était donc tout le contraire de délassement et d’oisiveté, puisqu’il suppose un effort
intellectuel et de l’application.
À retenir
Les loisirs de l’humain moderne ne sont plus destinés à leur éducation mais sont de
simples divertissements : au pire, ils permettent d’échapper à l’ennui – comme le
permet le travail –, au mieux ils nous délassent et nous détendent.
Aujourd’hui peu de métier permettent de s’épanouir. Le rôle du travail est plus rattaché à la
mise en place d’un ordre social régulé par l’État. Nietzsche dresse ce constat dans son ouvrage
Aurore en 1881. Selon le philosophe, le travail occupe le temps des individus et leur prend leur
énergie : il est ainsi le meilleur moyen de contrôler les débordements de violence. C’est une
sorte de « police », garante de la sécurité du corps social. En effet, le fonctionnement d’une
entreprise est hiérarchique, chacun y apprend à suivre les ordres, ou a en donner. Souvent
épuisant, le travail consume une grande quantité de force nerveuse tuant toute volonté de
mettre en cause le pouvoir en place.
À retenir
Conclusion :
Pour toutes ces raisons, beaucoup de personnes sont persuadées que le travail est une
bénédiction : il est aimé comme une valeur essentielle qui contribue à notre socialisation et à
notre moralisation.
Or, accorder une valeur positive au travail ne doit pas nous faire oublier son versant négatif. Il
est parfois aliénant et ne peut ne pas permettre de s’épanouir. En effet, lorsque l’être humain
en arrive à ignorer ce qui peut lui donner satisfaction hors de son travail, et qu’il se jette dans
des formes triviales de loisirs et de consommation, alors le travail n’est rien d’autre qu’une
aliénation.
Cependant, il est tout à fait possible de penser un travail humanisé, exécuté de manière libre
et démocratique. La question étant : comment faire du travail, par essence contraignant et
épuisant, une activité libératrice ?
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