Koskas 2013 W
Koskas 2013 W
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Service d’imagerie médicale, fondation Adolphe de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris,
France
MOTS CLÉS Résumé L’étude des nerfs oculomoteurs doit être exhaustive de l’origine (noyau(x) dans le
Nerfs crâniens ; tronc) jusqu’aux muscles effecteurs (orbite). Il faut analyser les troubles visuels en distinguant
Anatomie ; la baisse d’acuité visuelle des troubles oculomoteurs. L’exploration en imagerie est dominée
Diplopie ; par l’IRM, incluant coupes fines et injection de gadolinium. Une étude des vaisseaux du polygone
IRM de Willis est le plus souvent utile, indispensable en cas d’atteinte du III. Le scanner complé-
mentaire est indispensable pour analyser les foramens, la base du crâne, les parois orbitaires.
Une atteinte du VI exige une étude scanner de l’os de la pointe du rocher. L’étude des loges
caverneuses est attentive (T2 et T1 après gadolinium et suppression de graisse), toujours compa-
rative. L’atteinte du III est souvent complexe, difficile à identifier de façon précise (complète ou
partielle, avec ou sans atteinte pupillaire, associée à d’autres signes neurologiques) et nécessite
une étude raisonnée, basée sur les connaissances anatomiques, sémiologiques et pathologiques.
Outre la pathologie tumorale, il faut savoir chercher les étiologies malformatives, ischémiques
et inflammatoires, moins connues.
© 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abréviations
2211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.07.004
Pour comprendre l’oculomotricité : III, IV et VI 1025
Le nerf trochléaire IV
Il s’agit d’un nerf moteur somatique exclusivement.
Le noyau du IV se trouve au sein de la substance grise,
dans la partie caudale et dorsale du mésencéphale, juste en
dessous de l’aqueduc, à côté du noyau du III, qui se situe un
peu plus haut dans le mésencéphale.
La portion intra-axiale du IV est très courte, avec un
trajet vers l’arrière puis elle croise la ligne médiane en des-
sous du colliculus inférieur, lui-même situé au-dessous de
la glande pinéale. Du fait de la décussation, chaque noyau
innerve le muscle oblique supérieur controlatéral [3]. Figure 4. 3D CISS : VI axiale.
Le IV est le seul nerf crânien à émerger de la face dor-
sale du tronc cérébral et c’est le nerf crânien qui a le plus
long trajet, non protégé, sous-arachnoïdien (Fig. 3), c’est Les fibres du nerf facial font le tour de son noyau de
aussi le plus grêle : ce qui le rend le plus vulnérable lors des manière circonférentielle, directement à proximité de la
traumatismes. formation réticulée pontique et du faisceau longitudinal
Le IV contourne le tronc puis chemine juste en dessous médian.
du bord libre de la tente du cervelet, puis pénètre dans la Le noyau contient des motoneurones primaires destinés à
partie latérale du sinus caverneux, en dessous du III, puis il l’innervation du muscle droit latéral ipsilatéral et des inter-
gagne la partie latérale, enjambe le III et entre dans l’orbite neurones destinés à l’innervation du noyau ventral du III
par la fissure orbitaire supérieure, en haut et en dehors de controlatéral, croisant la ligne médiane pour rejoindre le
l’anneau de Zinn. noyau ventral du III destiné au muscle droit médial dans le
Il passe à proximité du nerf optique et atteint le muscle faisceau longitudinal médian.
oblique supérieur au niveau de l’orbite supéro-médiale. Le VI suit ensuite une direction ventrale et discrètement
latérale ; au cours de son trajet fasciculaire, il est proche du
Le nerf abducens VI faisceau spinal du trijumeau et traverse le faisceau cortico-
nucléaire.
Il s’agit d’un nerf moteur somatique exclusivement, égale- Les axones des motoneurones se dirigent en avant et
ment, il est destiné au muscle droit latéral. latéralement, quittent le tronc cérébral au niveau du sillon
Le nerf émerge au niveau de la partie caudale du pont, ponto-bulbaire (Fig. 5). À sa sortie du tronc cérébral, le VI
juste sur sa face dorsale, juste au-dessous du IVe ventricule se dirige en avant en dehors et en haut et croise le bord
(Fig. 4). supérieur du rocher, près de sa pointe.
Pour comprendre l’oculomotricité : III, IV et VI 1027
Claude Bernard-Horner
L’association ptosis, myosis, enophtalmie (± douleur) doit
faire suspecter une dissection carotidienne. L’hématome
de la paroi carotidienne comprime le contingent sympa-
thique, à destination pupillaire. Le bilan d’imagerie inclut
une étude cervicale, cérébrale, parenchymateuse et vascu-
laire. Il montre typiquement une image en hypersignal de la
paroi carotidienne sur la séquence T1 fat sat, et un aspect
de sténose irrégulière sur la séquence d’angiographie ARM
TSA et/ou par angioscanner.
En cas d’absence de dissection sur tout le trajet caroti-
dien (au contact du sympathique), on recherchera une lésion
de l’apex pulmonaire.
Figure 12. T2 TSE coronal : montrant l’envahissement caverneux
bilatéral, anévrysmal, avec compression des nerfs oculomoteurs.
Cas particulier du VI bilatéral, associé à d’autres
signes neurologiques
Il faut évoquer chez une patiente obèse, céphalalgique Il s’agit d’une parésie uni- ou bilatérale du VI, souvent
et dont le fond d’œil montre une saillie papillaire, associée à des acouphènes.
l’éventualité d’une hypertension intracrânienne idiopa- L’atteinte oculomotrice est liée à l’étirement du VI dans
thique. les citernes de LCR dont la pression est élevée.
Pour comprendre l’oculomotricité : III, IV et VI 1031
Figure 17. Coronal T1 fat sat gd+ : masse du cavum, latéralisée Figure 19. Sagittale T1 fat sat avec injection : masse issue du
à gauche, envahissant la loge caverneuse gauche par trajet ascen- cavum envahissant le clivus expliquant l’atteinte du VI ; noter le
dant. rehaussement méningé rétroclival.
Figure 18. Coronal T2 masse du cavum, latéralisée à gauche, Figure 20. Axial T1 fat sat gd+ : syndrome de masse parapharyngé
envahissant la loge caverneuse gauche par trajet ascendant. gauche, nettement rehaussé.
Pour comprendre l’oculomotricité : III, IV et VI 1033
Pathologie congénitale
Un groupe de pathologies congénitales attribuées initiale-
ment à des limitations restrictives des muscles oculaires
« fibrose » correspond en réalité à une agénésie des moto-
neurones du tronc cérébral.
La fibrose congénitale des muscles ocumlomoteurs de
type 1 est une pathologie autosomique dominante (ptosis
et ophtalmoplégie externe bilatérale) en rapport avec une
agénésie de la division supérieure du III. Le diagnostic est
clinique avec de petits patients au port de tête caracté-
ristique, mais grâce aux progrès des séquences en forte
pondération T2CISS, on voit de mieux en mieux ces anoma-
lies.
D’autres formes d’agénésie sont visibles, en particulier
un défaut de formation du noyau du VI et du nerf lui-même,
connu sous le nom de syndrome de Stilling-Duane [12].
Le muscle droit latéral est alors innervé par une branche
d’origine anormale, puisqu’issue du III. Cette innerva-
Figure 23. Sagittal FLAIR : zone de haut signal du tronc en regard tion aberrante provoque des contractions aberrantes des
du noyau du VI et du FLM. muscles droits horizontaux. De plus, on observe dans cer-
tains cas une hypoplasie du IV, dont l’origine peut être
post-constitutionnelle, traumatique, ou compressive.
Conclusion
Les troubles oculomoteurs, pour être explorés en image-
Figure 26. Coronal T2 fat sat : présence de signes inflammatoires, rie et pris en charge de façon optimale, nécessitent une
avec hypersignal persistant. connaissance anatomique et clinique précise.
Les tableaux nécessitant une imagerie en urgence
oculomoteurs peut être incarcérée dans le foyer fracturaire doivent être connus ; l’IRM est l’imagerie de référence, en
sans qu’il y ait de réelle incarcération musculaire. dehors des contextes traumatiques.
Un cas particulier est celui de l’enfant réalisant une Lorsque le siège de la lésion est suspecté, il faut, par
urgence absolue d’imagerie : la paralysie oculomotrice est l’imagerie en coupes fines, rechercher un processus patho-
importante. Le scanner montre une fracture « en goutte » logique, souvent de très petite taille.
1036 P. Koskas, F. Héran
POINTS À RETENIR
• Un trouble oculomoteur brutal et douloureux est une
urgence (diplopie verticale ou oblique) : anévrysme
en cours de fissuration.
• Un trouble oculomoteur chronique s’aggravant
doit faire rechercher une étiologie caverneuse :
méningiome, inflammation, tumeur. . .
• Devant un ptosis douloureux : CBH évoquant une
compression du sympathique cervical par hématome
de la dissection carotidienne.
• Devant une paralysie de l’élévation douloureuse,
post-traumatique : urgence absolue chez l’enfant,
incarcération musculaire dans une fracture du
plancher.
• Diplopie horizontale douloureuse : rechercher une
atteinte du tronc, d’un ou des 2 VI, des muscles droits
latéraux.
• Une atteinte des 2 VI, associée à des acouphènes et
des céphalées, doit faire rechercher une anomalie
des veines encéphaliques : thrombophlébite ou HIC
idiopathique.
• Une atteinte brutale évoque un accident ischémique,
soit du tronc, soit des petits vaisseaux de la paroi
nerveuse chez le sujet diabétique.
• Un trouble de l’oculomotricité conjuguée doit faire
Figure 28. Coronal T1 fat sat gd+ : masse tissulaire intéressant le rechercher une lésion du tronc (FLM) ou de la
droit supérieur gauche, à centre nécrotique.
commissure postérieure.
Questions
(1) Qu’observe-t-on sur le trajet du VI doit (Fig. 30a—f) ?
(2) Quel est l’examen complémentaire d’imagerie à deman-
der ?
Réponses
(1) La connaissance d’une atteinte nerveuse oculomotrice
suppose l’étude du noyau du VI, de son émergence et de
tout son trajet jusqu’à l’orbite, y compris l’analyse du
muscle droit latéral (avec analyse comparative de son
volume). Il faut donc pour le tronc cérébral : une étude
en diffusion et FLAIR.
Pour le trajet cisternal : la séquence 3D CISS, for-
tement pondérée T2 et la séquence T1 FAT SAT après
injection de gadolinium, dans le plan axial en coupes
fines, étudiant le canal de Dorello, la loge caverneuse,
et la fissure orbitaire.
Pour les orbites : la séquence T2 en vue coronale,
permettant l’analyse du contenu orbitaire et l’analyse
du muscle droit latéral (forme, volume, signal). On
Figure 29. Coronal T2, syndrome de masse tissulaire, musculaire découvre ici l’absence de lésion du tronc en projection
en discret hyposignal. du noyau du VI droit mais on met en évidence une petite
lésion extra-axiale, appendue à la face postérieure du
Cas clinique clivus à droite, en isosignal T1, en hyposignal sur la
séquence T2 CISS, et fortement rehaussée après injec-
M. G, 74 ans, sans antécédents particuliers, se présente pour tion. On observe le rehaussement méningé clival sur les
une diplopie dans le regard latéral. L’analyse orthoptique vues sagittales (Fig. 30f) (dural tail).
conclut à une atteinte du VI droit. Une IRM est deman- (2) Il faut analyser la structure de l’os clival : un scan-
dée. ner en haute résolution est demandé. Il montre un
Pour comprendre l’oculomotricité : III, IV et VI 1037
Figure 30. a : axial T1 SE ; b : 3D CISS ; c : axial T1 fat sat gd+ ; d : coronal T1 fat sat gd+ ; e : axial T1 fat sat gd+ ; f : sagittal T1 fat sat gd+.
Noter l’atrophie de fonction du muscle droit latéral droit par compression chronique du VI droit ; g et h : scanner en ultra-haute résolution
de la base du crâne.
épaississement de l’os clival avec petites irrégularités tête et les organes des sens. Tome 1 Paris: Elsevier Masson;
(calcifications linéaires) (Fig. 30g, h). Il faut égale- 1997.
ment pratiquer un examen thoraco-abdominopelvien à [2] Vignal C, Miléa D, Cochard-Marianowski C, Lebas-Jacob M, Ors-
la recherche d’une lésion profonde car un épaissis- saud C, Touitou V, et al. Cours de sciences fondamentales
et cliniques. Section 5, 2009—2010. Paris: Elsiever Masson;
sement méningé peut correspondre à une localisation
2011 [Trad. de ‘‘Basic and clinical science course. Section 5,
secondaire de type carcinologique, et pas toujours à
Neuro-ophthalmology’’, édité par l’American Academy of Oph-
un simple méningiome. De plus, l’ensemble doit être thalmology].
confronté à un bilan de médecine interne (étude des [3] Safran AB. Neuro-ophtalmologie. Rapport de la SFO. Paris: Éd
marqueurs, mammographie. . .). Elsevier; 2004.
Dans le cas présent, le bilan étiologique est resté [4] Jacob-Lebas M, Vignal-Clermont C. Pathologie pupillaire. In:
négatif ; le méningiome est le diagnostic retenu, ce EMC Ophtalmologie. Paris: Elsevier Masson; 2011. p. 1—23.
d’autant qu’il existe des calcifications méningées, et [5] Héran F. Les troubles de l’oculomotricité : comment les explo-
surtout l’absence de lyse osseuse ou de lésion agressive. rer ? Syllabus EPU 2008 sous l’égide de la SFR; 480—7.
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Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
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