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Isometries11 12

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Isométries du plan

Daniel Perrin

1 Introduction
1.1 Avertissement
Le but de ce texte est d’offrir une piste pour traiter l’exposé de CAPES
numéro 37 (liste 2011) qui porte sur les isométries du plan 1 . Mon objectif
est de proposer un traitement “intermédiaire” entre ce que l’on peut faire au
lycée, avec les programmes en vigueur aujourd’hui 2 et ce qui est développé
au niveau du CAPES, notamment dans nos deux polycopiés sur la géométrie
affine et la géométrie euclidienne. Précisément, il s’agit de traiter le sujet
sans autre matériel que les contenus actuels du lycée, donc sans supposer
une connaissance de l’algèbre linéaire et une définition “avancée” d’un espace
affine, mais en essayant cependant de le faire de façon rigoureuse.
Cela étant, dans la perspective de l’oral du CAPES, ce texte est à prendre
avec précaution, et je l’assortirai de quelques conseils :
• Pour alléger l’exposé, on peut admettre un certain nombre de points,
par exemple le fait que les isométries sont bijectives. La nature affine des
isométries peut, elle aussi, être occultée ou admise. J’ai signalé en général
ces points dans le texte par le signe (]).
• Le paragraphe sur les isométries positives et négatives est sans doute
trop compliqué pour l’oral. Il est donc plus raisonnable à cet endroit là d’uti-
liser soit le déterminant, soit la définition des angles orientés vue au lycée
(même si elle n’est pas très rigoureuse).
• En revanche, le théorème 3.4 (décomposition des isométries en produit
de réflexions) constitue une valeur sûre pour un exposé de CAPES.

1.2 Le cadre
On travaille dans le plan affine euclidien P. Ce mot n’a pas d’autre sens
que celui qu’il a pour les lycéens : on dispose de points, de droites et des
1. Cet exposé a aussi un rapport avec le numéro 19, qui porte sur les transformations
planes et les nombres complexes, mais je n’aborderai pas cet aspect.
2. Je dis bien aujourd’hui, et pas demain, puisque les isométries vont pratiquement
disparaı̂tre des programmes de lycée.

1
propriétés d’incidence qui les relient, ainsi que des notions usuelles de la
géométrie : parallélisme, orthogonalité, longueur, angle, etc. Les vecteurs sont
connus depuis la classe de seconde et on note P ~ l’ensemble des vecteurs du
plan. Il n’est pas nécessaire de dire qu’ils forment un espace vectoriel, mais
comme on sait les additionner et les multiplier par un scalaire, c’est juste
une question de mots. Le produit scalaire de deux vecteurs est introduit en
première et il permet de retrouver la notion de longueur comme norme et
celle d’angle 3 non orienté, via le cosinus. On a la notion de repère orthonormé
(qu’on abrégera en ron) en prenant un point et deux vecteurs orthogonaux
et de norme 1. Il revient au même de se donner trois points O, I, J du plan
avec OI = OJ et (OI) ⊥ (OJ). En revanche, dans un premier temps, on ne
parlera ni d’orientation du plan, ni d’angles orientés, attendant de disposer du
matériel introduit au paragraphe 4 ci-dessous pour le faire rigoureusement.

1.2.1 Notations
On note (~v |w)
~ le produit scalaire des vecteurs ~v et w
~ et AB la distance
des points A et B (ou longueur du segment [AB]).

1.3 Rappels
1.3.1 Inégalité triangulaire
1.1 Proposition. Soient A, B, C trois points du plan. On a AC ≤ AB+BC.
L’égalité AC = AB + BC vaut si et seulement si A, B, C sont alignés avec
B entre A et C.
Plus précisément, si l’on pose BC = a, CA = b et AB = c, les points
A, B, C sont alignés si l’on a l’une des relations a = b + c, b = c + a ou
c = a + b.
Inversement, si l’on se donne deux points distincts A, B avec AB = c et
deux réels a, b vérifiant l’une des trois relations ci-dessus, il existe un unique
point C aligné avec A et B tel que BC = a et CA = b.

1.3.2 Médiatrice
1.2 Proposition-Définition. Soient A, B deux points distincts de P. L’en-
semble D des points M ∈ P qui vérifient M A = M B est une droite affine.
3. Précisons les choses. Si on a trois points A, O, B, l’angle non orienté AOB
\ est pour
moi un nombre de [0, π] (ce que d’autres appellent mesure en radians de l’angle). Pour le
définir on peut supposer que OA et OB sont de longueur 1 et l’angle est alors la longueur
de l’arc découpé sur le cercle unité de centre O par le secteur saillant [AOB]. C’est aussi
−→ −−→
l’arccosinus du produit scalaire (OA|OB).

2
Précisément, si O est le milieu de [AB], D est la droite passant par O et
perpendiculaire à (AB). On dit que D est la médiatrice de A, B.
−−→ −−→ −→ −−→ −−→ −−→
Démonstration. On écrit M A = M O + OA et M B = M O + OB et on calcule
− −→ −→
M A2 = M O2 + OA2 + 2(M O|OA) et de même avec B. L’égalité M A = M B
−−→ −→ −−→ −−→ −−→ −→
est alors équivalente à (M O|OA) = (M O|OB) soit (M O|AB) = 0, ce qui
équivaut à (OM ) perpendiculaire à (AB) ou M = O et on a le résultat.

1.3.3 Projection orthogonale


1.3 Proposition-Définition. Soit D une droite affine de P et soit M un
−−→
point. Il existe un unique point P ∈ D qui est tel que P H soit orthogonal à
tous les vecteurs de D. On le nomme projeté orthogonal de M sur D.
Démonstration. Le plus simple est de le faire analytiquement. On choisit un
ron formé d’un point O ∈ D, d’un vecteur ~i de D ~ et d’un vecteur ~j orthogonal
−−→ −→
à D. On écrit OM = x~i + y~j et on cherche P ∈ D, donné par OP = λ~i tel
−−→
que P M = (x − λ)~i + y~j soit orthogonal à ~i. On trouve λ = x.

2 Les isométries
2.1 Définition des isométries et premières propriétés
2.1 Définition. Une application f du plan dans lui-même est appelée une
isométrie si elle conserve les longueurs 4 , c’est-à-dire si l’on a, pour tous
A, B dans P, f (A)f (B) = AB.
2.2 Notation. Lorsqu’on a une transformation f du plan, on notera en
général avec un prime les images des points : f (A) = A0 , f (B) = B 0 , etc.
On note déjà qu’une isométrie est nécessairement injective. Voici quelques
autres propriétés :
2.3 Proposition.
1) Une isométrie conserve l’alignement (précisément, elle transforme trois
points alignés en trois points alignés, mais aussi trois points non alignés en
trois points non alignés). De plus, elle conserve l’ordre sur les droites (c’est-
à-dire la relation “entre”).
2) Toute isométrie est bijective.
4. On peut, pour simplifier, supposer que f est bijective, mais ce n’est pas nécessaire,
voir 2.3 ci-dessous. Comme annoncé, les points qui deviennent inutiles si l’on fait cette
hypothèse supplémentaire sont signalé par le signe (]).

3
Démonstration. 1) Supposons A, B, C alignés avec, par exemple, B entre A
et C. On a donc AC = AB + BC en vertu de 1.1. On en déduit, avec les
notations de 2.2, A0 C 0 = A0 B 0 + B 0 C 0 ce qui montre que B 0 est aligné avec
A0 , C 0 et entre A0 et C 0 .
Inversement, si A, B, C ne sont pas alignés et si on pose a = BC, b = AC,
c = AB, on a les inégalités strictes a < b+c, b < c+a et c < a+b et les mêmes
relations pour A0 , B 0 , C 0 , ce qui montre que A0 , B 0 , C 0 ne sont pas alignés (cf.
1.1).
Le lemme suivant est trivial si f est supposée bijective :
2.4 Lemme. (]) Si A, B sont deux points distincts, d’images A0 et B 0 , toute
la droite (A0 B 0 ) est dans l’image de f .
Démonstration. (du lemme) Si M 0 est sur (A0 B 0 ) et si l’on pose A0 M 0 = a
et B 0 M 0 = b, on a l’une des relations A0 B 0 = a + b, a − b ou b − a (cf. 1.1).
Toujours en vertu de 1.1, il existe alors un point M de (AB) avec AM = a et
BM = b et la même relation avec AB = A0 B 0 . Si on pose M 00 = f (M ), M 00
est sur (A0 B 0 ) et on a aussi A0 M 00 = a et B 0 M 00 = b, de sorte que M 0 = M 00
est bien dans l’image de f .
(]) On peut alors finir de prouver la surjectivité de f . On choisit trois
points A, B, C non alignés et on considère leurs images A0 , B 0 , C 0 . Soit M 0
un point de P. Si M 0 est sur l’une des droites joignant les points A0 , B 0 , C 0
on applique le lemme 2.4. Si M 0 n’est pas dans l’une des droites on regarde
(disons) (C 0 M 0 ) qui coupe (A0 B 0 ) en N 0 et on est ramené au cas précédent.
2.5 Corollaire.
1) L’image par une isométrie d’une droite est une droite.
2) Une isométrie conserve le parallélisme des droites.
3) Une isométrie conserve l’orthogonalité.
Démonstration. Le premier point est conséquence de ce qui précède. Pour
2), si deux droites sont parallèles, leurs images sont des droites, dont l’inter-
section est vide (car une isométrie est bijective), donc qui sont parallèles.
Pour l’orthogonalité enfin : si on suppose (AB) ⊥ (AC), on a BC 2 =
AB 2 + AC 2 par Pythagore. Cela vaut encore pour les images de A, B, C
puisque f conserve les distances et on conclut par la réciproque de Pytha-
gore.
2.6 Corollaire. L’ensemble des isométries est un groupe.
Démonstration. Il est clair que l’identité est une isométrie et que la composée
de deux isométries en est une. Comme une isométrie est bijective, elle admet
une transformation inverse qui est aussi une isométrie.

4
2.2 Quelques exemples
2.2.1 Translations
2.7 Proposition-Définition. Soit ~v ∈ P. ~ On définit la translation de
−−−→
vecteur ~v comme l’application qui à M associe M 0 vérifiant M M 0 = ~v . On
la note t~v . C’est une isométrie.
−−→ −−→
Démonstration. En effet, si l’on a AA0 = BB 0 = ~v , le quadrilatère ABB 0 A0
−→ −−→
est un parallélogramme et on a aussi AB = A0 B 0 donc AB = A0 B 0 .

2.2.2 Symétries centrales


2.8 Proposition-Définition. Soit O un point de P. On définit la symétrie
de centre O et on note σO la transformation qui à M associe M 0 tel que O soit
−−→ −−→
le milieu de [M M 0 ] (ou encore tel que OM 0 = −OM ). C’est une isométrie.
−−→ −−→ −−→ −→ −−→ −→
Démonstration. On a A0 B 0 = A0 O + OB 0 = −AO − OB = −AB, d’où
A0 B 0 = AB.

2.3 Applications affines (])


Même si l’on s’efforce ici de ne pas utiliser tout l’attirail de l’algèbre
linéaire, ce paragraphe peut être omis à l’oral du CAPES.
On commence par dire ce qu’est une application linéaire dans le cadre
géométrique des vecteurs :

2.9 Définition. Une application f~ de P ~ dans P ~ est dite linéaire si elle


~ ~ ~
vérifie : f (λ~v ) = λf (~v ) et f (~v + w) ~ ~
~ = f (~v ) + f (w)
~ pour tous vecteurs ~v , w
~
et tout réel λ.

2.10 Définition. Une application f : P → P est dite affine si elle vérifie


les deux propriétés suivantes :
−→ −−→ −−−−−−→
1) Si, pour A, B, C, D ∈ P, on a AB = CD, alors on a f (A)f (B) =
−−−−−−→
f (C)f (D).
−→ −−−−−−→
Le point 1) montre que la formule f~(AB) = f (A)f (B) définit une appli-
cation f~ de E~ dans lui-même. On suppose alors :
2) L’application f~ est linéaire.

Une façon plus intuitive de comprendre ce qu’est une application affine


consiste à utiliser la géométrie analytique :

5
2.11 Proposition. Soit O, ~i, ~j un repère de P. Si M est un point de P on
−−→
note x, y ses coordonnées. On a donc OM = x~i + y~j. Soit f une application
affine de P dans P. Alors, si x0 , y 0 sont les coordonnées de M 0 = f (M )
dans le repère, elles sont données à partir de x, y par des fonctions affines :
x0 = ax + by + α, etc.
Rappelons aussi la proposition suivante :
2.12 Proposition. Une application affine bijective conserve les droites, le
parallélisme, les barycentres.
Démonstration. Si D est une droite définie par un point O et vecteur di-
−−→
recteur ~v , tout point M de D vérifie OM = λ~v où λ est un réel. Avec les
−−−→
notations de 2.2 on a alors O0 M 0 = f~(λ~v ) = λf~(~v ). Autrement dit, f (D) est
la droite définie par O0 et par ~v 0 = f~(~v ).
−→ −−→ −→
Pour les barycentres : on écrit, par exemple, λGA + µGB + ν GC = ~0 et
on utilise la linéarité.

2.4 Les isométries sont affines


2.13 Proposition. Une isométrie est une application affine.
Démonstration. Soit f une isométrie. On montre le lemme suivant :
2.14 Lemme. Soit ABDC un parallélogramme et soient A0 , B 0 , C 0 , D0 les
images de ses sommets par f . Alors A0 B 0 D0 C 0 est un parallélogramme.
Démonstration. Cela résulte du fait que f conserve le parallélisme.
Revenons à la proposition. Le point 1) de la définition d’une application
−→ −−→
affine résulte de la traduction de AB = CD par le fait que ABDC est un
−→ −→ −−→
parallélogramme. Pour l’additivité de f~, si on pose AB + AC = AD, on
a aussi un parallélogramme ABDC. Enfin, pour le produit par un scalaire,
c’est la conservation de la longueur et de la relation entre.
2.15 Corollaire. Si f est une isométrie et si f~ est l’application linéaire
associée, f~ conserve le produit scalaire (donc les angles non orientés).
Démonstration. Cela résulte du fait que le produit scalaire peut se calculer
à partir de la norme, donc de la longueur.

3 Les réflexions
On définit maintenant les réflexions et on montre qu’elles engendrent le
groupe des isométries.

6
3.1 Définition
3.1 Définition. Soit D une droite affine de P et soit M ∈ P. Soit P le
projeté orthogonal de M sur D. La réflexion τD est la transformation qui
−−→ −−→
associe à M le point M 0 qui vérifie P M 0 = M P .
3.2 Remarque. Une variante de la définition est la suivante : τ fixe D et à
M 6∈ D associe M 0 tel que (M M 0 ) est perpendiculaire à D et que le milieu
de [M M 0 ] est sur D.

3.2 Premières propriétés


3.3 Proposition.
1) La transformation τD est une isométrie de P.
2) C’est une involution qui est l’identité sur D.
3) Si M 0 est l’image de M et si M 0 6= M , D est la médiatrice de M, M 0 .
−−→ −−→
Démonstration. 1) Soient M, N deux points du plan. On écrit M N = M P +
−→ −−→
P Q+ QN où P, Q sont les projetés orthogonaux de M, N sur D. On en déduit
−−→ −−→
M N 2 = M P 2 + P Q2 + QN 2 + 2(M P |QN ). En appliquant τD on trouve
−−− → −−→ −→ −−→ −−→ −→ −−→
M 0 N 0 = M 0 P + P Q + QN 0 = −M P + P Q − QN et on a bien M N 2 = M 0 N 02 .
Le point 2) est évident.
3) Soit M un point de P, P son projeté sur D, M 0 son symétrique et soit
−−→ −−→ −−→
N un point de D. On a M N = M P + P N d’où M N 2 = M P 2 + P N 2 . Le
calcul est identique pour M 0 et on a M 0 N 2 = M N 2 , ce qui montre que N
est sur la médiatrice D0 de M, M 0 . On a donc D ⊂ D0 , de sorte que ces deux
droites sont égales.

3.3 Les réflexions engendrent le groupe des isométries


À mon avis, la démonstration du fait que les réflexions engendrent le
groupe des isométries est l’une des plus intéressantes à mener devant un
jury. C’est pourquoi je la donne en détail.
3.4 Théorème. Soit f une isométrie de P. Alors, f est produit d’au plus
trois 5 réflexions.
Démonstration. La démonstration se fait en plusieurs étapes :
3.5 Lemme. Si f fixe trois points A, B, C non alignés, f est l’identité (donc
produit de zéro réflexion 6 ).
5. Le cas d’une symétrie glissée montre que ce nombre est optimal.
6. Ou de deux réflexions égales, si l’on ne souhaite pas utiliser cette convention.

7
Démonstration. Soit M ∈ P et M 0 son image. Comme f fixe A, B, C et est
une isométrie, on a AM = AM 0 , BM = BM 0 et CM = CM 0 . Si M était
distinct de M 0 , la médiatrice de M, M 0 contiendrait donc les trois points
A, B, C ce qui est absurde puisqu’ils ne sont pas alignés.

3.6 Lemme. Si f fixe deux points distincts A, B, c’est l’identité ou la réflexion


par rapport à la droite D = (AB).

Démonstration. Si f n’est pas l’identité, il existe C 6∈ (AB) tel que C 0 = f (C)


soit différent de C. On a AC = AC 0 et BC = BC 0 , de sorte que D est la
médiatrice de [CC 0 ]. La réflexion τD fixe A, B et transforme C en C 0 , comme
f . Le lemme 3.5 appliqué à τD ◦ f montre que f est égale à τD .

3.7 Lemme. Si f fixe un point A elle est produit d’au plus deux réflexions.

Démonstration. Si f n’est pas l’identité, il existe B 6= A tel que B 0 = f (B) 6=


B. En composant f avec la réflexion par rapport à la médiatrice de B, B 0
(qui fixe A) on se ramène au cas de 3.6 et f est produit de deux réflexions
au plus.
Le théorème est maintenant immédiat car si f ne fixe pas A on se ramène
à l’un des cas précédents 7 en composant avec la réflexion par rapport à la
médiatrice de A, A0 et f est produit de trois réflexions au plus.

3.3.1 Transitivité sur les repères


La démonstration admet le corollaire suivant :

3.8 Corollaire. Étant donnés deux ron du plan O, I, J et O0 , I 0 , J 0 , il existe


une unique isométrie qui envoie O sur O0 , I sur I 0 et J sur J 0 .

4 Isométries positives et négatives et angles


orientés
Il s’agit de donner un sens à la notion d’isométries positives et négatives
(on parle aussi d’isométries directes et indirectes, voire rétrogrades et on les
appelle encore déplacements et anti-déplacements). Il y a deux façons bien
connues de traiter cette question. La première est celle que l’on peut utiliser
au lycée en définissant les isométries positives comme celles qui conservent
les angles orientés. On peut rendre cette approche parfaitement rigoureuse
(en ne se contentant pas de faire appel à l’intuition pour définir le sens
7. Il se peut qu’on se ramène d’emblée au cas 1), penser à une translation.

8
trigonométrique), mais c’est assez délicat. La seconde, que l’on emploie en
licence, consiste à utiliser le déterminant, les isométries directes étant celles
de déterminant positif (en fait égal à 1) et les indirectes celles de déterminant
négatif. Notre objectif est de donner une définition intermédiaire, qui n’utilise
pas le recours au sens des angles et qui soit indépendante de la notion de
déterminant. Pour cela, on part des réflexions (dont on sait bien au bout du
compte qu’elles doivent être négatives) et on va définir une transformation
directe (resp. indirecte) comme produit d’un nombre pair (resp. impair) de
réflexions. Attention, pour que cette définition soit cohérente, il faut prouver
qu’un produit d’un nombre pair de réflexions ne saurait être égal au produit
d’un nombre impair de réflexions.
(]) Le lecteur qui trouverait ce paragraphe trop délicat peut décider
d’utiliser l’une ou l’autre des deux autres méthodes : celle du lycée ou les
déterminants, avec les inconvénients évoqués ci-dessus. Il peut aussi admettre
une partie des résultats, mais doit alors savoir au moins prouver 4.1.

4.1 Remarques préliminaires


4.1.1 Une remarque facile
4.1 Proposition. Une réflexion n’est égale ni à l’identité, ni au produit de
deux réflexions.

Démonstration. Il est clair qu’une réflexion n’est pas l’identité car elle ne fixe
qu’une droite. Soit ρ = τ1 τ2 le produit de deux réflexions par rapport à des
droites D1 et D2 . Si ρ est une réflexion, elle fixe deux points A et B distincts.
On a alors τ1 (A) = τ2 (A) = A0 et τ1 (B) = τ2 (B) = B 0 . Si on a A = A0 et
B = B 0 , on a D1 = D2 = (AB), ρ est l’identité et c’est absurde. Si, disons,
on a A 6= A0 , D1 et D2 sont toutes deux égales à la médiatrice de A, A0 , ρ est
encore l’identité et c’est toujours absurde.

4.1.2 Deux réflexions


On précise ici les produits de deux réflexions.

4.2 Proposition. 1) Soient D1 et D2 deux droites de P, concourantes en


O et soient τ1 , τ2 les réflexions associées. Si D3 est une droite quelconque
passant par O, on peut écrire τ1 τ2 = τ3 τ4 (resp. τ40 τ3 ) où τ3 est la réflexion
par rapport à D3 et où τ4 (resp. τ40 ) est une réflexion par rapport à une droite
passant par O.
2) Soient D1 et D2 deux droites parallèles et soient τ1 , τ2 les réflexions
associées. Si ∆ est une droite perpendiculaire à Di en Ai , on a τ1 τ2 = t~v avec

9
−−−→
~v = 2A2 A1 . Si D3 est une droite quelconque parallèle aux Di , on peut écrire
τ1 τ2 = τ3 τ4 = τ40 τ3 où τ3 est la réflexion par rapport à D3 et où τ4 (resp. τ40 )
est une réflexion par rapport à une droite parallèle aux Di .

Démonstration. 1) Il s’agit 8 de montrer que σ = τ1 τ2 τ3 est une réflexion. Soit


A ∈ D3 , A 6= O, et A0 = σ(A). Si A = A0 , σ fixe deux points. C’est donc soit
l’identité (mais alors τ3 est produit de deux réflexions et c’est absurde par
4.1) soit une réflexion et on a gagné. Sinon, soit τ la réflexion par rapport à
la médiatrice de A, A0 . La composée τ σ fixe O et A. C’est donc soit l’identité
et dans ce cas on a σ = τ et on a gagné, soit une réflexion. Mais alors, comme
elle fixe O et A, c’est τ3 et on a donc τ τ1 τ2 τ3 = τ3 , donc τ τ1 τ2 = Id et c’est
absurde (toujours 4.1).
2) On note d’abord que si ∆0 est une autre perpendiculaire aux Di qui
−−−→ −−−→
les coupe en A01 et A02 , on a A1 A2 = A01 A02 (car A1 A2 A02 A01 est un pa-
rallélogramme). Si M se projette en H1 , H2 sur les droites et si on pose
−−−→ −−−→ −−−→ −−−−→
M 0 = τ2 (M ) et M 00 = τ1 (M 0 ), on a M M 0 = 2M H2 = 2H2 M 0 et M 0 M 00 =
−−−→ −−−→ −−−→ −−−→
2M 0 H1 , donc M M 00 = 2H2 H1 = 2A2 A1 , d’où le premier point.
Pour le second point, si A3 est le point d’intersection de D3 et de ∆, on
−−−→ −−−→
considère le point A4 qui vérifie A1 A2 = A3 A4 et il suffit de prendre pour
droite D4 la parallèle aux Di passant par A4 .
Au passage, on a montré :

4.3 Corollaire. Soient τi , i = 1, 2, 3 trois réflexions d’axes Di . Si les droites


Di sont concourantes ou parallèles, le produit τ1 τ2 τ3 est une réflexion.

4.2 Les produits pairs de réflexions


4.4 Proposition. Tout produit de quatre réflexions (et plus généralement
d’un nombre pair de réflexions) est produit de deux réflexions.

Démonstration. Une récurrence immédiate montre qu’il suffit de traiter le cas


du produit de quatre. Soit donc f = τ1 τ2 τ3 τ4 le produit de quatre réflexions
autour de quatre droites Di . Notons que si trois réflexions consécutives ont
leurs axes concourants ou parallèles, 4.3 permet de conclure. On élimine
désormais ce cas, que l’on dira trivial.
• Supposons d’abord que D1 et D2 se coupent en O et D3 et D4 en O0 .
On a O 6= O0 (sinon on est dans le cas trivial) et on considère la réflexion τ
d’axe (OO0 ). En vertu de 4.2, on peut remplacer τ1 τ2 par τ10 τ et τ3 τ4 par τ τ40
et on a τ1 τ2 τ3 τ4 = τ10 τ40 .
8. Dans l’un des cas, mais l’autre est identique.

10
• Supposons ensuite que D1 et D2 se coupent en O, mais que D3 et D4
sont parallèles. On peut, sans changer τ1 τ2 , remplacer D2 par la parallèle à D3
passant par O et on est dans le cas trivial pour les trois dernières réflexions.
• Supposons enfin D1 et D2 parallèles. Alors, D3 n’est pas parallèle aux
deux premières (sinon on est dans le cas trivial). Elle coupe donc D2 en O.
On peut alors remplacer D2 par une droite D20 passant par O et non parallèle
à D1 sans changer τ2 τ3 , et on est ramené à l’un des deux premiers cas.

4.3 Le théorème de parité


4.5 Théorème. Un produit d’un nombre pair de réflexions n’est jamais égal
à un produit d’un nombre impair de réflexions.

Démonstration. La proposition précédente permet de remplacer un produit


pair par un produit de deux réflexions et un produit impair par une réflexion
ou un produit de trois. On a vu l’impossibilité de la cohabitation de 1 et 2
en 4.1. Il reste le cas de 2 et 3. Mais, si l’on a τ1 τ2 τ3 = σ1 σ2 , on écrit cette
égalité τ1 τ2 τ3 σ2 = σ1 , le produit de quatre est un produit de deux et on a
une contradiction avec 4.1.

4.6 Corollaire. L’ensemble des produits d’un nombre pair de réflexions est
un sous-groupe du groupe des isométries. Ses éléments sont appelés isométries
positives ou directes ou déplacements et les autres sont les isométries néga-
tives ou rétrogrades ou les anti-déplacements. La composition dans le groupe
des isométries obéit à la règle des signes : le produit de deux isométries de
même signe est une isométrie positive, le produit de deux isométries de signes
différents est une isométrie négative.

4.4 Angles orientés


Maintenant qu’on a défini les isométries positives et négatives, on peut
parler d’angles orientés. Commençons par orienter le plan :

4.7 Définition. Parmi les ron, on en choisit un particulier R = (O,~i, ~j)


que l’on décrète direct. Si R0 = (O0 ,~i0 , ~j 0 ) est un autre ron, en vertu de 3.8
il existe une unique isométrie f qui envoie R sur R0 . On dit que R0 est direct
(resp. indirect) si f est positive (resp. négative).

4.8 Remarque. Au lycée, on considère comme intuitivement évident qu’il y


a deux types de repères : ceux qui tournent dans le sens trigonométrique et
ceux qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre. La justification de
cette assertion est dans ce qui précède.

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4.9 Remarques.
1) Si O,~i, ~j est direct, O,~i, −~j est indirect. En effet, on passe de l’un à l’autre
par une réflexion autour de la droite définie par O et ~i.
2) Si on se donne un point O et un vecteur ~v , on a un unique ron direct
(O,~i, ~j) dont le premier vecteur est égal à ~v /||~v ||. En effet, il y a a priori
deux vecteurs ~j unitaires convenables, mais le point 1) montre qu’un seul
convient.

On peut maintenant orienter les angles.

4.10 Définition. Soient A, O, B trois points distincts et soit (O,~i, ~j) le ron
−→
~ OA −→
direct défini par i = (le vecteur ~j = OJ est alors bien déterminé). Si
OA
\ est égal à θ ∈ [0, π], on définit l’angle orienté
l’angle non orienté AOB
−→ −−→
(OA, OB) comme égal à θ si B et J sont dans le même demi-plan limité par
(OA) et à −θ sinon.

4.11 Remarque. Si B est sur la demi-droite opposée à [OA), la définition


ci-dessus ne s’applique pas. Si l’on s’approche de cette position dans le demi-
plan supérieur, l’angle orienté tend vers π si l’on s’en approche dans le demi-
plan inférieur, il tend vers −π. C’est pourquoi on décide que pour les angles
orientés on a π = −π, autrement dit qu’on travaille modulo 2π. Un angle
orienté est donc un réel pris modulo 2π, donc un élément de R/2πZ.

Les résultats précédents permettent de montrer les propriétés bien connues


des angles orientés :

4.12 Proposition. 1) Si ~u, ~v et w ~ sont des vecteurs non nuls, on a (~u, w)


~ =
(~u, ~v ) + (~v , w).
~
2) On a (~u, − ~ u) = π, (~v , ~u) = −(~u, ~v ).

4.13 Proposition. Soit τ une réflexion d’axe D, O et A des points dis-


−−→ −→
tincts de D, M un point distinct de O et M 0 son image. On a (OM , OA) =
−→ −−→ −−→ −−→ −−→ −→ −→ −−→
(OA, OM 0 ) et donc (OM , OM 0 ) = 2(OM , OA) = 2(OA, OM 0 ).

Démonstration. Les angles non orientés M \OA et M\ 0 OA sont égaux mais


−−→ −→ −−→ −→
comme τ est négative, les angles orientés (OM , OA) et (OM 0 , OA) sont op-
posés et on en déduit le résultat.

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5 Classification des isométries du plan
5.1 Les rotations planes
On suppose P~ orienté, c’est à dire qu’on a choisi un ron particulier, dont
on a décidé qu’il était direct, cf. 4.7.

5.1 Proposition-Définition. Soit O un point de P et θ un angle orienté.


La rotation de centre O et d’angle θ est la transformation ρ = ρ(O, θ)
définie comme suit. On a ρ(O) = O. Si M est un point différent de O, son
image M 0 est l’unique point défini par les deux relations OM = OM 0 et
−−→ −−→
(OM , OM 0 ) = θ.

Démonstration. On vérifie qu’il existe bien un unique point M 0 vérifiant les


conditions.

5.2 Proposition. 1) Soient D et D0 deux droites passant par O, munies


de vecteurs unitaires ~v et ~v 0 tels que l’on ait (~v , ~v 0 ) = ϕ. Alors le produit
ρ = τD0 τD est la rotation de centre O et d’angle 2ϕ.
2) Toute rotation est une isométrie directe.

Démonstration. Il est clair que O est fixe par ρ. Si M est distinct de O,


posons M 0 = τD (M ) et M 00 = τD0 (M 0 ) = ρ(M ). Soit A ∈ D et A0 ∈ D0 .
−−→ −−→ −→ −−→ −−→ −−−→
La proposition 4.13 donne (OM , OM 0 ) = 2(OA, OM 0 ) et (OM 0 , OM 00 ) =
−−→ −−→ −−→ −−−→ −→ −−→
2(OM 0 , OA0 ). La relation de Chasles donne alors (OM , OM 00 ) = 2(OA, OA0 ).

5.3 Remarque. On notera que l’angle de la rotation ne dépend pas du choix


des vecteurs unitaires sur les droites. En effet, si, par exemple, on change ~v
en −~v , l’angle ϕ est changé en ϕ + π mais on a 2(ϕ + π) = 2ϕ modulo 2π.
L’angle ϕ peut être défini modulo π : c’est l’angle de droites (D, D0 ).

5.2 Glissages
5.4 Définition. On appelle glissage ou symétrie glissée la composée d’une
réflexion d’axe D et d’une translation non triviale d’axe parallèle à D.

5.3 La classification
5.5 Théorème. 1) Les déplacements du plan sont l’identité, les translations
et les rotations.
2) Les anti-déplacements du plan sont les réflexions et les glissages.

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Démonstration. 1) Un déplacement qui n’est pas l’identité est produit de
deux réflexions. Si les axes sont parallèles il s’agit d’une translation (voir
4.2), sinon d’une rotation (voir 5.2).
2) Si un anti-déplacement n’est pas une réflexion, il est produit de trois
réflexions. On montre alors qu’il est produit d’une réflexion et d’une trans-
lation, dont on décompose le vecteur selon la direction de D et la direction
orthogonale. Pour conclure il reste à prouver le lemme suivant :

5.6 Lemme. Soit D une droite et ~v un vecteur orthogonal à D. Alors le


produit τD ◦ t~v (resp. t~v ◦ τD ) est la réflexion par rapport à la droite D0 déduite
de D par la translation de vecteur − ~v2 (resp. ~v2 ).

Ce que le lecteur ne manquera pas de faire ...

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