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7e Mer-V2 - Le Nouveau Monde

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L e N ou v e au Monde

JOHN WICK PRÉSENTE UN SUPPLÉMENT POUR 7 MER DEUXIÈME ÉDITION « LE NOUVEAU MONDE »
E

MARK DIAZ TRUMAN DANIELLE LAUZON ASSISTANTE DE CONCEPTION ANASTASIA KOTSOGLOU DIRECTEUR DE CRÉATION LEONARD BALSERA
CONCEPTION
CONCEPTION SYSTÈME MICHAEL CURRY AJOUT SYSTÈME BRETT ZEILER DIRECTION ARTISTIQUE MARISSA KELLY
RÉDACTION DALE ANDRADE ADRIAN ARROYO JEREMY ELDER JAMES MENDEZ HODES BETSY ISAACSON ROB JUSTICE
SHOSHANA KESSOCK ANASTASIA KOTSOGLOU ANDRÉ LA ROCHE FELIPE REAL MARK DIAZ TRUMAN MARIA DO CARMO ZANINI
RÉDACTION ADDITIONNELLE DANIELLE LAUZON BRETT ZEILER ILLUSTRATIONS GIORGIO BARONI CHARLIE CREBER
SHEN FEI ANNA KAY PHU THIEU MAC JAMES MOSINGO DIEGO RODRIGUEZ MEAGAN TROTT
CONCEPTION GÉOGRAPHIQUE ET CARTOGRAPHIE MARK RICHARDSON GRAPHISME ET MAQUETTAGE THOMAS DEENY HAL MANGOLD
RÉVISION MARK DIAZ TRUMAN RELECTURE SHELLEY HARLAN
DÉVELOPPEMENT DE 7E MER : DEUXIÈME ÉDITION MICHAEL CURRY ROB JUSTICE MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK
INSPIRÉ DE « LES SECRETS DE LA 7E MER » CONCU PAR JOHN WICK JENNIFER BRADBURY
Un mot de John…
Quand Les secrets de la 7E Mer est sorti pour la première fois en 1999, je n’avais aucune idée de comment
faire ce supplément. Je ne savais rien sur l'Amérique précolombienne, ses peuples, son passé et ses histoires. Je
n’y connaissais rien de rien.
À présent, en 2017, je ne sais toujours pas comment faire ce supplément. Heureusement, grâce aux 11 000
personnes qui ont soutenu le financement participatif sur Kickstarter, je peux engager des auteurs pour le faire
à ma place. Cela signifie que le monde de 7E Mer s’agrandit encore plus.
Je suis surexcité rien qu’en relisant le texte, surexcité à l’idée de voir des personnages qui sont rarement—voire
jamais—représentés dans les jeux de rôle. Et je ne parle pas de sauvages rétrogrades et barbares qui pensent que les
effusions de sang font se lever le soleil. Ces personnages sont comme vous et moi : ce sont des Héros (et parfois des
Scélérats bien sûr). Je suis ébloui par l’ensemble des connaissances qui figurent dans ce livre. C’est toujours passionnant
de discuter avec des gens qui maîtrisent un sujet auquel je ne connais rien. Je ne comprendrai jamais les phrases qui
débutent par : « Je ne veux pas apprendre… » Ce livre m’a appris des choses.
Il ne s’agit toutefois pas d’une encyclopédie sur la culture méso-américaine : on parle plus d’un voyage
immersif dans la mythologie et la vie de ces peuples. Lorsque j’ai soumis l’idée de ce livre pour la première fois,
j’ai posé la question suivante : « À quoi ressemblerait leur civilisation si le cours de l’Histoire avait été diffé-
rent ? » Voilà la réponse. Un mélange de passé et d’imagination avec, et c’est le plus important, un univers qui
sert de cadre aux aventures de Héros et de Scélérats… le tout selon un point de vue que vous n’aviez peut-être
jamais envisagé.
—John Wick

Remerciements particuliers
Je remercie Mark d’avoir à nouveau cru en moi en me confiant le développement de ce livre, et je remercie
Anastasia pour avoir fait preuve de patience avec la béotienne que je suis. J’espère que vous apprécierez tous
autant que moi les histoires et les mystères que renferment cet ouvrage.
Comme toujours, je remercie mon mari, mon phare dans la tempête, Weston Harper.
—Danielle Lauzon

Quand j’ai commencé à écrire des jeux de rôle en 2010, je n’aurais jamais imaginé avoir l’occasion de travailler sur un
projet comme 7E Mer : Deuxième édition. 7E Mer était un véritable jeu de rôle, du genre qu’on vend dans les maga-
sins, avec des illustrations en couleur et des centaines de pages. Des années plus tard, non seulement j’ai contribué
à la renaissance de 7E Mer pour des milliers de fans, mais j’ai également contribué à donner vie à la Méso-Amérique
dans l’univers du jeu, et ce d’une façon totalement inattendue. Toutefois, ce livre n’aurait jamais vu le jour sans notre
formidable équipe : un énorme merci à Danielle, qui a rassemblé toutes les pièces du puzzle, à Anastasia, qui a apporté
au livre l’ensemble de ses connaissances savantes et folkloriques, à Marissa, qui a bataillé pour que les illustrations
soient aussi nettes (et précises) que possible, et à John, qui nous a fait confiance pour apporter du neuf à son univers.
Un grand merci, également, à tous les concepteurs de jeu de rôle peu connus qui œuvrent dans le monde et qui se
demandent si leur combat en vaut la peine, s’ils peuvent créer quelque chose d’unique et d’original, s’ils ont quelque
chose à offrir aux gens : sí, se puede. Je vous l’assure. Vous pouvez y arriver. Vous êtes sur la bonne voie.
—Mark Diaz Truman

Version française - Crédits


Coordination éditoriale : Vincent Lelavechef
Traduction : Arthur Camboly, Cécile Duquenne
Maquette : Julien Dejaeger
Relecteurs : Justine L. Boudet, Constance 'Destiny', Camille Haller, Frédéric Meurin, Christophe Rosati

7th Sea is a Registered Trademark of Moon Design Publications, and is used with its permission. 7th Sea is published in English by
Chaosium Inc. www.chaosium.com
The names, descriptions and depictions applied to this product are derived from works copyrighted by and include trademarks owned
by Moon Design Publications and may not be used or reused without its permission.
© 2019 Agate RPG pour la version française sous licence Chaosium. Agate RPG est une marque d’Agate Éditions. Agate Éditions, 13
Boulevard de la République, 92250 La Garenne-Colombes. Contact, question, distribution : team@studio-agate.com. Dépôt légal :
2019 – ISBN : 978-2-491139-00-1 – Imprimé en Europe.
Table des matières
L’échappée de K’awil 4 Chapitre 5 : Aventures
dans le Nouveau Monde 159
Introduction 9 Les Héros aztlans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Un « Nouveau » monde . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les Théans en Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Vivre parmi les dieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Conception d’un Héros aztlan . . . . . . . . . . . 161
Un monde en évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Étape 1 : les Caractéristiques . . . . . . . . . . . 161
Les influences extérieures . . . . . . . . . . . . . . . 10 Étape 2 : la Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Les Nations d'Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Étape 3 : les Historiques . . . . . . . . . . . . . . 161
L’Alliance nahuacane . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Étape 4 : les Compétences . . . . . . . . . . . . . . 164
Le Tzak K’an . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Étape 5 : les Avantages . . . . . . . . . . . . . . . 165
L’Empire kuraque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Étape 6 : les Arcanes . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Comment utiliser ce livre . . . . . . . . . . . . . . . 11 Étape 7 : les Histoires . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Étape 8 : Touches finales . . . . . . . . . . . . . . 170
Chapitre 1 : L’Aztlan 13 Les Gardiens de l’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . 170
L’Empire aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Les Héritiers du Jaguar . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Le Pochteca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Technologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Sorcellerie 171
L’Église vaticine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Wayak’ Kan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Les dieux d’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Wañuy Ñaqay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Escrime, navigation et secrets . . . . . . . . . . . . 181
Dieux et créatures notables . . . . . . . . . . . . . . 36 Duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Nouvelles histoires du Navire . . . . . . . . . . . . 185
Chapitre 2 : L’Alliance nahuacane 45 Sociétés secrètes d’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . 186
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Les Gardiens de l’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . 186
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Les Héritiers du Jaguar . . . . . . . . . . . . . . . 188
Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Le Pochteca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Le Concile des Anciens dieux . . . . . . . . . . . 191
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Générateur de cités-États
Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 tzak k’aniennes 193
Générer une Cité-État . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Chapitre 3 : Le Tzak K’an 85 Méthode 1 : à la carte . . . . . . . . . . . . . . . 193
Origines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Méthode 2 : lancer de dés . . . . . . . . . . . . . 193
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Méthode 3 : une pierre après l’autre . . . . . . . 193
Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Anatomie d’une cité-État . . . . . . . . . . . . . . . 194
Culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 Iconographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Dieu tutélaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Sorcelleries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Souverain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Obstacles 199
Aspects de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Chapitre 4 : L’Empire kuraque 123 Aspects optionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Conflits principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Aventures dans le Nouveau monde 202
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 Rendre le décor familier . . . . . . . . . . . . . . 203
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Accroches narratives . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Annexe 205
L’échappée de K’awil par John Wick

L
a jungle le cinglait et lui lacérait la peau. Ses jambes et Un autre cri retentit.
ses poumons étaient en feu. Son dos souffrait du poids « Je les vois ! »
porté sur ses épaules. La sueur lui piquait les yeux. Il K’awil agrippa la femme et la hissa par-dessus son épaule.
sauta par-dessus un arbre tombé et s’affala en voulant en « Nous sommes près du fleuve,  » dit-il. « Le village est
éviter un autre. Ce qu’il portait chut vers l’avant en gémis- de l’autre côté. »
sant. K’awil leva les yeux et vit du sang. Elle grimaça lorsqu’il la hissa. « Il va nous falloir trouver
Bien que sombre, la peau de la Kuraque commençait à visi- un moyen de traverser. »
blement blêmir. Elle posa la main sur son ventre rouge vermeil Il répartit son poids sur ses épaules et marmonna  :
et regarda K’awil avec des yeux sombres et déterminés. « Apocōātl nous guidera. »
« Tu dois me laisser, » dit-elle dans la langue de son inter- Il reprit sa course.
locuteur. Elle portait des vêtements de voyage. Elle plongea ***
son autre main dans son sac et en retira une petite bourse
en cuir. « Prends-la. » Sept jours plus tôt, Chuki entrait dans le village, les bras
K’awil avait du mal à reprendre son souffle. Ils entendirent levés et le sourire aux lèvres. Elle portait ses vêtements
des cris qui se rapprochaient. Des cris et des aboiements. de voyage, mais aucune arme. Son visage et ses habits
Il secoua la tête. « Non, » dit-il en posant la main sur la étaient sales, et elle avait quelques toiles d’araignée dans
bourse. « Range ça. » les cheveux qui étaient autant de souvenirs d’un combat
« Tu es soit très courageux, soit très imprudent, » répon- ayant failli virer au désastre.
dit-elle en rangeant la bourse, les lèvres mues par un Le village n’était pas très grand, mais suffisamment pour
demi-sourire. parvenir à survivre dans la jungle. Des hommes et des
« Probablement les deux… » répliqua-t-il en souriant à femmes y étaient affairés. La plupart étaient armés.
son tour. « Bonjour ! » lança-t-elle d’une voix forte mais amicale.

4 L'échappée de K'awil
Les villageois levèrent les yeux. Chuki ignorait à quoi s’at- La boisson, familière mais étrange, était vraiment déli-
tendre, mais elle se tenait prête à courir. L’une des femmes cieuse. Elle leva les yeux vers K’awil. « C’est succulent. Je
se leva et lui cria. comprends pourquoi il l’aimait tant. »
«  Va-t’en, Kuraque, nous ne voulons pas d’ennuis ! » Il s’assit, sa propre tasse en main et lui demanda : « Que
Chuki s’arrêta à la lisière du village. « J’ai besoin de votre fais-tu ici ? »
aide. Et vous avez besoin de la mienne. » Elle hocha la tête. L’heure était venue de dire la vérité.
Un homme de haute stature s’avança alors vers elle. Il était « Calderón. »
quasiment nu. Il portait une lance, une boussole autour du Les yeux de K’awil prirent alors l’intensité des flammes.
cou, un éclat d’obsidienne taillé accroché à la taille et ce que Son corps se raidit comme s’il anticipait une attaque.
Chuki devinait être une ceinture de guerrier. Il s’approcha « La bête ? »
suffisamment près pour être en mesure de la frapper si besoin. « Il veut la Larme d’Ītzzohualli. Il veut l’offrir à l’Impéra-
«  Qui es-tu  ?  » demanda-t-il d’un ton légère- trice du Kuraq en échange d’une faveur. »
ment menaçant. K’awil hocha la tête et se leva. « Oui. Ça ne m’étonne pas
« Mon nom est Chuki. » que la bête la veuille. »
Il l’étudia de la tête aux pieds. « Tu es une Kuraque. » Chuki remarqua qu’il n’avait pas prononcé une seule fois
« Oui, » dit-elle en hochant la tête. « Je suis aussi une le nom de Calderón, et qu’il avait presque craché le surnom
amie de Ferdinand. » qu’il lui donnait.
L’homme plissa des yeux : « Toi ? Et je suis censé te croire « Je suis venue faire en sorte qu’il ne s’en empare pas. »
sur parole ? » répondit Chuki. « J’ignore les plans de l’Impératrice, mais
« Il est venu au Kuraq récemment, et il a rejoint la résis- je ferai tout mon possible pour l’arrêter. »
tance, le Pakaykuq. C’est là que je l’ai rencontré. » K’awil lui fit face : « Et je suis censé te croire sur parole ?
L’homme grommela et fit un geste de la main pour l’in- Peut-être l’Impératrice t’a-t-elle justement envoyée ici pour
viter à continuer : « Parle-moi de lui. » dérober la Larme. »
« Il est plus petit que moi. Il a la peau blanche et une Chuki secoua la tête. « Je te jure que non. »
barbe. Des yeux sombres. Il aime bien siffloter. Et il adore « Et, » insista-t-il, « je suis censé te croire sur parole ? »
les infusions. » Elle fit un signe prudent de la main droite, « Je suis une amie de Ferdinand, » répondit-elle d’une
qui était toujours au-dessus de sa tête, pour désigner la voix nouée.
boussole que portait son interlocuteur autour de son cou. K’awil se rua alors vers elle : « Et où est-il ? Pourquoi a-t-il
« Et il t’a donné ça. » Elle le regarda fixement. « K’awil. » envoyé une Kuraque s’occuper de ce problème ? »
L’homme ne laissa rien paraître. Son regard l’étudiait. Une larme coula sur la joue de Chuki.
La pénétrait. « Il est mort, » dit-elle. « Calderón l’a surpris alors qu’il
Doucement, un sourire se dessina sur son visage : « Quel espionnait l’Impératrice. Il avait presque réussi à s’enfuir…
genre d’infusion ? » Il voulait aider la résistance, mais il est mort peu de temps
Elle ne put s’empêcher de sourire en retour : « Je l’ignore. après l’avoir rejointe. »
C’est un breuvage que tu as préparé à partir d’une plante K’awil inspira profondément. « La bête l’a tué ? »
qui pousse ici. Il a voulu m’expliquer mais je n’ai pas compris Chuki hocha la tête.
un traître mot de ce qu’il m’a dit. » « Comment le sais-tu ? » lui demanda-t-il.
L’homme se tourna vers les villageois et leur cria : « C’est Chuki leva les yeux. « J’étais là quand il est venu dans
une amie de Ferdinand ! » notre campement. J’ai entendu ses paroles de mes propres
Tous les visages du village s’illuminèrent, et les batte- oreilles. » Elle détourna son regard vers les flammes. « Je
ments de tambour du cœur de Chuki commencèrent à l’ai vu mourir. Et je n’ai rien pu faire. »
s’estomper. K’awil la regarda, assise devant l’âtre. Il sut qu’elle disait la
L’homme se retourna. « Je suis K’awil. Bienvenue dans vérité. Il s’agenouilla à côté d’elle et plaça une main sur son
notre village. » épaule. « Ferdinand était un homme bon. »
« Oui, » dit-elle en levant à nouveau les yeux. « Et main-
***
tenant, j’ai besoin de ton aide pour que l’Impératrice et
Tous deux se rendirent chez K’awil. De la vapeur s’échappait du Calderón ne deviennent pas plus puissants encore. »
bec d’une théière castilliane pendue au-dessus de l’âtre. K’awil K’awil hocha la tête. « Je t’aiderai. »
la retira du feu et versa le liquide bouillant dans une tasse en
***
céramique, elle aussi importée de Castille.
« Ferdinand me l’a laissée, » dit-il en lui tendant la tasse. Olivia Corvaza Marquez détestait la jungle. Elle détestait ses
« C’est un cadeau. » habitants, ses animaux et ses plantes. Elle détestait les vête-
« Merci, » répondit Chuki. Elle souffla sur la surface de ments qu’elle portait. Elle détestait la nourriture. Elle détestait
l’infusion fumante avant d’en avaler une petite gorgée. même l’eau. Elle détestait tout ici.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 5


À ses côtés, hommes et femmes lui taillaient un chemin à « La chasse est ouverte, » dit-elle en souriant. « Leurs
travers la végétation. Elle s’essuya le front et but la coupe de peaux viendront embellir ma collection. »
vin que ce petit pleurnichard d’Antonio lui avait servie. Olivia
***
avait la nostalgie de la Théah et de ses puissants. Sa mère
était une courtisane vodacci que son père avait ramenée en K’awil trébucha. Chuki glissa de ses épaules. Se relevant,
Castille. Enfant, sa mère voulait faire d’elle une femme fragile une douleur vive à la cheville lui annonça tout ce qu’il
et délicate, mais son père l’avait tout de même élevée comme devait savoir. Il regarda Chuki. Elle était immobile. Son
un garçon. En grandissant, elle devint aussi solide que l’acier. visage était blême.
Ainsi, adulte, lorsqu’elle se rendit en Vodacce, elle but et Il se retourna et observa l’épaisse jungle qui lui faisait
se battit comme un homme. Autour d’elle, les Vodaccis ne face. Les chiens étaient proches, et les hommes en armure
savaient pas sur quel pied danser quand ils la côtoyaient. Elle qui les poursuivaient également. Il regarda vers l’avant et
adorait lire l’incompréhension sur leurs visages. Non, elle ne perçut le flot tumultueux du fleuve. Ils y étaient presque.
serait jamais faible comme l’était sa mère. Jamais. Il se hissa sur ses pieds mais la douleur le fit flancher. Sa
« On l'a trouvé ! » lança une voix venue de l’avant. cheville commençait déjà à gonfler. Sans poser son pied au sol,
« Enfin ! » Elle s’avança à grandes enjambées et vit les il se leva en s’aidant d’une branche et clopina jusqu’à son amie.
soldats déblayer les ruines en pierre. C’était un petit bâti- Ses yeux étaient fermés, son souffle faible et sa peau
ment, trapu et carré. Ces ruines étaient similaires aux autres : froide. Elle vivait encore, mais son sursis ne durerait proba-
la technique ayant servi à découper les pierres était bien trop blement que quelques minutes supplémentaires.
avancée pour les peuplades locales. En s’approchant, Olivia À ce moment, la Castilliane sortit de la jungle accompa-
s’aperçut qu’une partie du feuillage avait déjà été dégagée. gnée de ses chiens affamés et de ses soldats armés.
« C’est vous qui avez fait ça ? » demanda-t-elle à l’un des « Ah ! » s’exclama t-elle, « ce n’est pas trop tôt. »
soldats. Il secoua la tête en guise de réponse. Elle sourit à K’awil, mains sur les hanches, et s’adressa à
Elle se renfrogna. « Alors comme ça, quelqu’un nous a lui en tzak k’anien, avec un accent à couper au couteau.
devancés. » « Ma balle vous a tout de même ralenti. » Elle fit un geste
« Qu’allons-nous faire ? » demanda Antonio. de dédain en direction de Chuki. « Les jouets dangereux ne
Elle sourit et croisa les bras. « Nous allons attendre. » sont pas faits pour les gamines. »
Après plus d’une heure passée sous la chaleur suffo- K’awil s’interposa entre Chuki et elle. La Castilliane éclata
cante, à subir les piqûres d’insectes et les démangeaisons de rire.
constantes, deux silhouettes finirent par émerger des « Es irónico » ricana-t-elle dans sa langue natale avant de
ruines. Une Kuraque et un Tzak K’anien. reprendre en tzak k’anien. « Elle s’est sacrifiée pour toi, et
« Kuraque, c’est l’Impératrice qui t’a envoyée ici ? » lui maintenant tu vas lui rendre la pareille, si ? »
demanda Olivia tout sourire, entourée de ses gardes. K’awil ne répondit pas. Il dégaina sa lame d’obsidienne.
Chuki marmonna : « Il faut qu’on parte, K’awil. » La femme se tourna vers ses soldats. «  Ēl quiere
« Non ? » s’enquit Olivia. « Dans ce cas, que fais-tu là ? » pelear. » Elle se retourna vers K’awil. « Tu veux te battre,
Chuki cracha à ses pieds. « Tu devrais prendre le temps de señor ? Je vais t’envoyer rejoindre l’enfer de tes ancêtres
te renseigner sur ceux avec qui tu travailles. » sanguinaires. »
« Petit idiote. » « Sais-tu pourquoi je déteste autant les Castillians ? »
Le Tzak K’anien tendit la main vers sa lame d’obsidienne, demanda K’awil.
mais avant qu’il ne l’attrape, Olivia dégaina son pistolet, le Elle haussa un sourcil. «  Non, señor. Por favor,
pointa sur lui et appuya sur la détente. La balle ne l’attei- explique-moi. »
gnit pas : Chuki fut touchée à sa place. La Kuraque s’était « Parce qu’ils dissimulent leur lâcheté derrière des mots
interposée entre la balle et lui. et, » désignant les soldats, « font en sorte que de petits
Olivia regarda Chuki s’affaisser au sol, une main serrée sur sa hommes soient courageux à leur place. »
blessure. Elle secoua la tête en riant. « Pour ce que ça change, » À ses paroles, l’air goguenard de la Castilliane disparut.
dit-elle. Elle lança son pistolet à Antonio—« Recharge-le ! »— « Comment oses-tu ? » souffla-t-elle en serrant les dents.
puis se retourna pour faire face aux deux sauvages. « Nous n’avons pas peur de vous, » dit K’awil en plaçant
Ils avaient disparu. sa lame contre sa poitrine. « Vous êtes des lâches. Vous
« Mais… » avez peur de vous-mêmes. Peur des autres. Peur du monde.
L’un des gardes leva le doigt. Elle vit alors le Tzak Vous êtes seuls. »
K’anien courir en haut du bâtiment en ruine, portant son La Castilliane dégaina son pistolet et le pointa sur lui.
amie blessée. K’awil se redressa et haussa le menton. « Apocōātl me
« Attrapez-les ! Ils ont la Larme ! » protège. »
Les gardes se ruèrent après eux. Olivia se tenait à l’entrée Elle appuya sur la détente. Le pistolet rugit. K’awil
des ruines. Antonio lui rendit son pistolet rechargé. sentit l’odeur de la poudre et de la fumée. Une branche

6 L'échappée de K'awil
se brisa près de sa tête. S’appuyant sur son pied valide, ***
il fit un pas en avant.
En ouvrant les yeux, Chuki ne vit que les ténèbres. Elle avait
« Apocōātl me protège, » répéta-t-il.
chaud. Des bribes de souvenirs lui revinrent par fragments.
La Castilliane lâcha le pistolet et en dégaina un autre. Elle
Elle passa une main sur son ventre. Sa blessure était en voie
visa sa tête. « Donne-moi la Larme ! »
de guérison.
K’awil fit un pas en avant. Il ne ressentait aucune douleur.
« Il y a quelqu’un ? » demanda-t-elle en kuraqi. Pas de
« Apocōātl me protège. »
réponse. Elle changea de langue et répéta la question en
Elle appuya sur la détente. Le son du pistolet retentit,
tzak k’anien.
suivit d’un autre. Métallique, perçant, comme celui d’une
Elle entendit des sons, dehors. Deux silhouettes péné-
cloche. K’awil tituba en oscillant vers l’arrière mais il ne
trèrent alors dans la pièce. Elle dut lever la main pour
tomba pas. Il se tint bien droit et les yeux de la Castialliane
se protéger du soleil aveuglant et ainsi reconnaître ses
s’écarquillèrent.
visiteurs. Il y avait K’awil accompagné d’un autre homme
La balle était venue se loger dans la boussole autour de
qu’elle ne connaissait pas. Un Nahuacan visiblement. Il
son cou. Elle était coincée là et de la fumée s’en échap-
avait des cheveux noirs, épais, des yeux vifs et des joues
pait encore.
rougies par le soleil. Il portait une robe bleue et l’attirail d’un
« Apocōātl me protège. »
médecin. Lorsqu’il parla, les doutes de Chuki disparurent.
Il était tout proche, à présent. Si proche qu’il aurait
« Te voilà donc réveillée » dit-il d’une voix chantante,
presque pu la frapper. Elle dégaina son troisième pistolet,
aussi douce que prévenante. « Comment te sens-tu ? »
le dernier, et prit soin de viser sa tête.
«  J’ai été blessée par balle... »
Il abattit sa lame d’obsidienne. Elle appuya sur la détente
Le Nahuacan hocha la tête. « J’ai vu. Et K’awil m’a déjà
en hurlant.
tout raconté… »
Le pistolet ne fit aucun bruit hormis un léger cliquetis.
Elle cligna des yeux et perdit son souffle l’espace d’un
La lame atteignit sa gorge et quelques gouttes de
instant. « La Larme ! » dit-elle à l’adresse de K’awil. « La
sang perlèrent. La pointe n’était qu’à un millimètre de
Larme de… »
sa jugulaire.
« Elle est en sécurité, » dit-il en acquiesçant.
Les yeux de la Castilliane s’emplirent alors de peur. K’awil
« Et la femme ? »
parla à voix basse.
« La Castilliane ? » ajouta t-il. « Elle est partie. »
« Regroupe tes soldats et retourne voir la bête. Dis-lui que
Le Nahuacan s’agenouilla à son chevet. « Je m’appelle
la Larme d’Ītzzohualli ne lui appartient pas. »
Ome Atl. J’ai rejoint le Pakaykuq il y a peu. » Il lui sourit puis
Les lèvres tremblantes de la Castilliane prirent une inspi-
demanda : « Tu as bien failli nous quitter. Puis-je inspecter
ration. « Ou sinon… ? »
ta blessure ? »
«  Sinon, j’enfonce ma lame dans ta gorge et je laisse
« J’imagine que vous l’avez déjà vue. » opina-t-elle.
la terre s’abreuver de ton sang, ainsi que l’ont fait mes
« Certes, mais cela n’empêche pas de rester courtois. »
ancêtres quand les Théans ont voulu prendre ce qui ne leur
Il souleva la couverture teintée d’un rouge sombre.
appartenait pas. »
« On dirait que tout va pour le mieux. Et peut-être plus
Tremblante, elle le regarda dans les yeux.
encore. Tu devrais être sur pied dans peu de temps. » Il se
« Nous partons ! » ordonna-t-elle à ses hommes.
leva et s’inclina face à eux. « Si tu as mal, j’ai une décoction
Les gardes qui les encerclaient s’échangèrent des
chez moi. C’est la meilleure qu’on puisse trouver dans toute
regards dubitatifs.
l’Aztlan. »
« J’ai dit : baissez vos armes ! Nous rentrons ! »
« Merci beaucoup, » répondit-elle.
Un de ses sous-fifres, celui qui portait un récipient, prit la
Il les salua et quitta la pièce.
parole : « Mais si nous rentrons sans… »
Chuki regarda K’awil, qui se tenait immobile dans la
Elle lui jeta un regard furibond et il se tut. Les gardes
lumière feutrée.
baissèrent leurs armes et reculèrent. Elle regarda K’awil
« Je me souviens être tombée, » dit-elle. « Mais c’est à
à nouveau.
peu près tout. » Elle ferma les yeux. « Où sommes-nous ? »
« On se reverra. »
« Je t’ai portée jusqu’à un avant-poste du Pakaykuq. Je
« Je ne crois pas. » lui répondit-il.
me suis dit que c’était l’endroit le plus sûr pour garder la
La Castilliane s’éloigna de lui. Ses pistolets vides gisaient
Larme à l’abri. »
sur le lit de la jungle. « Oh, que si. J’ai un nouveau mot à
« Merci. » dit-elle avec un hochement de tête à peine
t’apprendre. Ton amie pourra te l’expliquer, si elle survit. »
visible. « Nous avons porté un coup dur à l’Impératrice et
« Lequel ? »
à Calderón. »
Elle sourit et le prononça comme si elle s’en délectait :
«  Comment t’es-tu échappé  ?  » ajouta-t-elle après
« Vendetta. »
quelques secondes.
Puis ses gardes et elle disparurent dans la jungle.
« Apocōātl m’a protégé. »

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 7


Elle avisa la boussole sur sa poitrine, et vit la balle qui y « Je doute que tu en sois capable, » répondit K’awil.
était logée. Elle la pointa du doigt. « Il n’y avait pas que lui, Calderón hurla : « Gardes ! »
on dirait. » La porte s’ouvrit avec fracas et des soldats se précipi-
K’awil baissa les yeux et toucha la boussole. tèrent à l’intérieur de la pièce.
Il acquiesça. « En effet. » K’awil leur jeta un regard avant de sauter par la fenêtre.
Dès que ses pieds touchèrent le sol, il se mit à courir.
***
***
Calderón s’éveilla avec la sensation d’un poids sur la
poitrine. Il ouvrit les yeux, désorienté, ne sachant pas réel- Olivia marchait péniblement à travers la jungle tzak
lement où il se trouvait. Dans son lit, sous ses draps, cela il k’anienne, maudissant le sort de l’avoir à nouveau
en était tout de même certain malgré l’obscurité. contrainte à accomplir les basses besognes de Calderón
Il leva les yeux et vit de nombreux regards luisant dans après l’incident de la Larme du mois dernier.
la pénombre, tous fixés sur lui. Plusieurs personnes se « Antonio, vérifie la boussole. »
tenaient autour de lui, dans sa chambre. Un homme était L’intéressé s’arrêta et sortit sa boussole. Il la fixa du regard
agenouillé et penché sur lui. Sur son lit. Sur son lit. un long moment, sans rien dire.
« Mais qu’est ce qu… » K’awil posa la main sur sa bouche « Quoi ? Tu ne sais pas lire une boussole ? » demanda-
et s’adressa à lui en castillian. t-elle excédée en s’approchant de lui. Saisissant l’objet,
« Je sais qui tu es, » dit-il en s’asseyant sur sa poitrine. elle vit l’aiguille tourner lentement sur elle-même dans
« Mais je tairai ton nom. Et tu tairas tes mots. » le cadran.
K’awil dégaina sa lame d’obsidienne et reprit la parole : « Qu’est-ce que ça veut dire ? »
« Tu viens sur nos terres. Tu fais couler notre sang. Tu es « Je ne sais pas, » lui répondit Antonio.
un ennemi de l’Aztlan. De toute l’Aztlan. Tu nous crois « Ça se passe toujours comme ça, » dit une voix derrière
inférieurs car nos habits diffèrent des tiens et notre langue Olivia. C’était une voix douce, masculine, qui parlait le
n’est pas la même. » Les autres individus dans la pièce castillian sans accent en n’écorchant aucune syllabe.
s’agitèrent à ces mots et toutes poussèrent un murmure Olivia se retourna et se retrouva face à un énorme serpent
d’approbation. turquoise. La créature avait la tête ornée de plumes et
Les yeux de Calderón s’écarquillèrent. K’awil pouvait possédait d’immenses ailes multicolores. Elle était aussi
sentir le souffle de l’homme sur sa main, court et rapide. Il grande qu’Antonio, mais son corps continuait loin derrière
sentait les battements de son cœur sous son genou. Très elle, sur le lit de feuilles de la jungle.
rapides eux aussi. Olivia voulut prendre la parole : « Mais… »
« Nous sommes plus forts que toi, » dit K’awil. « Sais-tu Le serpent la coupa sans animosité. « Partez. »
pourquoi ? » « Je ne peux pas… » répondit-elle.
Il sentit Calderón trembler sous son emprise. K’awil glissa « Je suis las de devoir faire ça, » dit-il. Elle arrivait presque
sa lame sous le menton du Castillian. à l’imaginer soupirer. Vif comme l’éclair, il enroula son corps
« Tu es à la merci de ma lame, » dit-il. « Nous pourrions sinueux autour d’elle et l’étreignit gentiment. Au début, on
te tuer et mettre un terme à tout cela. » Il s’assura que aurait dit la caresse d’un amant, mais l’étreinte ne faiblissait
Calderón ressente vraiment le fil aiguisé contre sa peau. pas, au contraire, elle se fit de plus en plus forte, de plus
« Nous pourrions… mais nous ne le ferons pas. » en plus intense.
Il éloigna sa lame de la gorge de Calderón. « Nous ne « Arrêtez, » supplia-t-elle. La créature l’ignora. Bientôt, le
sommes pas des meurtriers. Nous avons convaincu les souffle lui manqua pour l’implorer. Son corps se brisa alors
dieux eux-mêmes de s’en abstenir. Et si nous pouvons en deux et tomba au sol, sans vie.
convaincre les dieux, nous parviendrons à convaincre les Le serpent tourna son regard vers Antonio. « Partez, »
Castillians. Et ils abandonneront les bêtes comme toi. » dit-il sans animosité.
K’awil rengaina sa lame et sauta hors du lit. Il s’approcha Antonio pivota et courut sans jamais regarder en arrière.
de la fenêtre. Ses compagnons l’imitèrent, ouvrirent la
fenêtre et sautèrent vers l’extérieur. K’awil s’arrêta et
reporta son regard sur Calderón.
«  Tu diras à ton amie que je connais le mot qu’elle a
prononcé. Tu lui diras que c’est l’une de ses faiblesses. Elle
laisse son passé la dévorer. »
Calderón se redressa dans son lit. Du moins il essaya,
car il se rendit compte que ses mains et ses pieds étaient
attachés à l’armature.
« Je te retrouverai, et je te tuerai, » cracha-t-il.

8 L'échappée de K'awil
Introduction

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 9


Un « Nouveau » monde Au nord, les routes qui traversent les déserts profonds
Bienvenue en Aztlan, terre d’aventures épiques dont jusqu’au littoral constituent le seul passage sûr. Au sud
le sol est foulé par les dieux eux-mêmes. Le peuple de de ces déserts, des jungles quasi impénétrables s’étendent
ce continent se rappelle toujours des temps ancestraux, et refusent de se plier aux volontés de celles et ceux qui
quand les dieux-rois marchaient parmi les mortels, quand voudraient les cartographier. Toujours plus loin au sud
les machines antiques fonctionnaient encore. Leurs prédé- se trouvent des chaînes de montagnes recouvertes de
cesseurs vécurent en harmonie jusqu’à un événement que forêts, ainsi qu’une jungle si épaisse que rares sont ceux
l’histoire a retenu sous le nom de « Chute, » lorsque leurs qui parviennent à la traverser. Là-bas, les gens vivent dans
aïeux perdirent la faveur des dieux et furent détruits. les montagnes car ce sont les seules zones sûres.
Si chaque Nation aztlane possède sa propre version de
ce qui se passa après la Chute, une vérité est partagée par Les influences extérieures
toutes : après cet événement, la terre se mit à changer. Les Aztlans et les Théans sont entrés en contact il y a
Aujourd’hui encore, elle ne cesse de se transformer. un peu plus d’un siècle. Quand les Théans débarquèrent
sur le continent pour la première fois, ils firent mauvaise
Vivre parmi les dieux impression. Depuis, chaque peuple en a appris un peu
Les dieux vivent parmi les Aztlans. Dotées d’une forme plus sur l’autre. Les Aztlans étant majoritairement des
physique, d’une personnalité et d’un caractère bien à elles, gens tolérants qui aiment apprendre et découvrir des
ces divinités accordent leurs bénédictions en échange de choses nouvelles, les interactions entre les Théans et eux
la dévotion que leur offrent les mortels. sont à la fois passionnantes et enrichissantes.
Certains s’impliquent davantage que d’autres dans Les Aztlans ont des opinions variées concernant les
la vie des mortels. Ils peuvent par exemple envoyer des Théans. La majorité les considère comme des êtres
Héros accomplir des missions. Au vu de la relation qu’en- exotiques et étranges à qui il n’est pas bon de trop se fier,
tretiennent les Aztlans avec leurs divinités, un dieu—ou mais dont les connaissances valent tout de même la peine
même plusieurs—pourrait facilement occuper la place d’être apprises (et ce même si leurs opinions sur les dieux
centrale d’une histoire se déroulant dans le Nouveau sont rétrogrades et erronées). Certains voudraient les
monde. Au Kuraq, par exemple, ils pourraient avoir utiliser pour servir leurs propres ambitions, quelques-uns
besoin que les Héros viennent à leur secours face à la affichent un respect précautionneux et souhaitent en
menace que fait peser sur eux le dieu de la Mort. apprendre plus à leur sujet, d’autres encore considèrent
Si les dieux collaborent parfois avec les mortels, pouvant qu’ils sont, au mieux, des intrus, et au pire, des ennemis.
même leur prodiguer des pouvoirs surnaturels, ils ne Les voyages entre les continents sont désormais relati-
sont pas toujours amicaux vis-à-vis d’eux. Une divinité vement fréquents et les gens vont et viennent de l’un à
pourrait par la force des choses devenir un antagoniste l’autre. On trouve donc de petits groupes de Théans un
si les Héros lui barraient la route. En fait, les dieux ne peu partout en Aztlan. En général, il s’agit d’individus qui
sont ni des Héros, ni des Scélérats : ils échappent à cette ont décidé de vivre parmi la population locale car rares
classification. Leurs décisions sont quasiment toujours sont les villes qui ressemblent, même de loin, à un quartier
prises dans l’intérêt de leur peuple. Seules les actions des théan. En Théah, c’est dans le Quartier aux fleurs de la
dieux-rois font exception à cette règle : d’une part ceux-ci ville castilliane d’Odissée que l’on trouve la plupart des
n’arpentent plus la Terra car ils furent enfermés il y a bien émigrés aztlans.
longtemps, d’autre part ces êtres de fureur et de violence Les deux continents se sont donc mutuellement
ne veulent qu’asservir les Aztlans et les obliger à leur vouer influencés, d’une manière ou d’une autre  : on trouve
un culte sanglant comme jadis. facilement de la nourriture et de l’ingénierie aztlane dans
toute la Théah, et des armes théanes (blanches ou à feu)
Un monde en évolution dans toute l’Aztlan. L’influence théane a de plus permis
Il est une vérité reconnue de tous en Aztlan : le monde aux Aztlans de développer la navigation en haute mer, car
change. Les peuples ont donc créé des poches de civili- ces derniers n’avaient jamais vraiment cherché à accomplir
sation dans ces paysages hostiles qui leur amènent de cette prouesse technologique.
la stabilité.

10 Introduction
LA LANGUE AZTLANE
Les Nations d'Aztlan Bien que tous les Aztlans ne parlent pas
L’Aztlan est composée de trois grandes nations : l’Alliance la même langue, leurs dialectes respectifs
nahuacane, le Tzak K’an et l’Empire kuraque. présentent de nombreuses similitudes datant
de l’époque où ils étaient partie intégrante
L’Alliance nahuacane du même empire. Les mots et leur emploi
varient en fonction des endroits, mais ce
L’Alliance nahuacane s’étend dans la partie nord de l’Aztlan. guide de prononciation est valable dans les
À sa tête, on trouve le conseil des anciens dont les participants trois Nations.
viennent des quatre grandes cités situées aux points cardi-
naux de la Nation (Mīlllahco au nord, Tecuehtitlān à l’ouest, • x ressemble au son d’un h aspiré ;
Ōlōxochicalco à l’est et Nexhuatipec au sud). Chacune est • it ressemble au son h ;
liée à l’un des quatre dieux tutélaires de l’Alliance. • ā, ī, ō, ū se prononcent comme les voyelles
traditionnelles, mais en plus long ;
La seule personne qui ait autorité sur le conseil est le Grand • hu se prononce « w » comme dans « wok » ;
orateur, un individu qui consacre sa vie à se faire le porte-pa- • tl se prononce « tt » comme dans « hotte » ;
role du peuple et à interroger la volonté des dieux. L’actuel • j se prononce « yé » comme dans « vieille » ;
Grand orateur est jeune, si jeune que seule une minorité de • z se prononce « s » comme dans « saucisse » ;
la population le pense à la hauteur de sa tâche. Les chefs des • n se prononce « ne » comme dans « âne » ;
deux plus importantes puissances militaires de l’Alliance sont • ‘ indique qu’il faut marquer l’arrêt avant
de continuer.
actuellement en conflit pour tenter de l’influencer.
Les Nahuacans sont un peuple de guerriers qui croient aux • Aztlan : As-ttane
valeurs de l’ordre et de la loi. Ils veulent tous réunifier l’Aztlan, • Apocoātl : Apo-co-aatt
mais ils ne réussissent pas à s’accorder sur la méthode à • Nahuacan : na-wa-kane
employer pour y parvenir. • Tzak K’an : Tsak--ane

Le Tzak K’an
Le Tzak K’an partage sa frontière nord avec l’Alliance son pouvoir et ériger Supay en dieu unique. Pour cela, elle
nahuacane. Il s’agit d’un pays recouvert de jungles qui a déclaré l’ouverture de la Chasse divine afin de détruire
s’apparente plus à un conglomérat de cités-États sans toutes les divinités vivant au Kuraq. Quelques Kuraques,
gouvernement central. Les Tzak K’aniens ont uniquement bénis par leurs anciens dieux et las de leur dirigeante
en commun leur culture et leurs croyances religieuses ainsi corrompue, ont formé une résistance. Ils veulent désor-
qu’un grand respect pour les sciences et l’art des scribes. mais renverser l’Impératrice et rétablir les dieux d’antan
La culture des Tzak K’aniens a beau être riche et foison- à leur place légitime : au cœur de la vie des Kuraques.
nante, leur incapacité à s’unir les rend vulnérables en cas
d’unification de l’Aztlan. Pour ne rien arranger, certaines Comment utiliser ce livre
cités-États sont prêtes à se déclarer la guerre, ce qui pourrait Ce supplément devrait vous fournir tout le nécessaire
bien provoquer l’effondrement du pays. pour jouer des aventures en Aztlan, ou pour créer des
personnages aztlans et les introduire dans vos campagnes
L’Empire kuraque existantes de 7E Mer. Ceci étant, nous sommes conscients
Le Kuraq—ou Empire kuraque—s’étend quant à lui de notre incapacité à rendre justice à la complexité et à
au sud du Tzak K’an, dans les montagnes occidentales. la richesse historique de ces cultures véritables. Bien que
Les Kuraques vénèrent Supay, le dieu de la mort, et nous nous soyons inspirés d’événements historiques et
sont gouvernés depuis un siècle par une Impératrice d’histoires vraies, nous ne prétendons pas avoir rédigé
morte-vivante, Asiri Inkasisa. Leur culture s’articule une thèse sur ces cultures.
autour de l’adoration qu’ils vouent à leurs défunts, Nous espérons qu’à la lecture de ces pages, vous trou-
lesquels marchent parmi eux et prennent les décisions verez suffisamment d’informations pour développer votre
qui régissent leur quotidien. monde de 7E Mer, et que vous vous poserez suffisamment
Aujourd’hui, l’Impératrice du Kuraq ne se satisfait plus de questions pour vouloir en apprendre davantage sur les
des frontières de sa Nation. Elle espère un jour étendre cultures que nous allons présenter.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 11


12 Chapitre 1 | L'Aztlan
Chapitre 1
L’A tlan
7E MER : LE NOUVEAU MONDE 13
L’AZTLAN
« Les dieux-rois de l’Aztlan nous ont légué plus de cadeaux qu’on ne le croit.
Ils nous ont appris à parler aux étoiles et à voir la terre telle qu’elle est.
Ces dons sont là pour nous rappeler que nous pouvons redevenir un grand peuple, à condition de le vouloir. »
— Wa’ak Cheb’ du Tzak K’an

Des déserts de l’Alliance nahuacane aux jungles du Les Héros aztlans ont depuis longtemps appris à concilier
Tzak K’an en passant par les sommets du Kuraq, ce que compréhension du passé et adaptation à un environnement
les explorateurs et archéologues théans surnomment mouvant. S’ils font leur possible pour aider les civilisations nées
« le Nouveau monde » n’a en fait rien de nouveau. L’Aztlan après la Chute à croître et à prospérer, ils cherchent également
est en réalité un continent dont la civilisation remonte à à rassembler leurs pairs en une Nation unie. Leurs méthodes
une époque précédant l’Histoire : alors que les Théans divergent, mais ils espèrent tous unifier les peuples aztlans en
vivaient encore dans des grottes, les peuples aztlans étaient préservant leurs cultures respectives. Même s’ils rencontrent
déjà passés maîtres dans l’utilisation de la science et de beaucoup de résistance de la part des peuples qu’ils veulent
la magie. aider, ces Héros savent que leur cause est juste, tout simplement
Pourtant, Aztlan est bel et bien un nouveau monde. Ce le car les dieux se satisfont de leurs sacrifices et de leurs épreuves.
sera toujours. Les puissances qui le dirigeaient—les dieux- Ainsi que l’a démontré un siècle passé au contact des
rois de jadis—l’ont a jamais transformé, et la Chute en a explorateurs, archéologues et autres envahisseurs théans,
fait un lieu étrange empli de ruines syrneth. Ici, les cartes l’Aztlan ne peut plus se permettre d’ignorer le reste du
ne servent quasiment à rien car les jungles et les déserts monde. Les dieux ont en effet soif de fidèles—qu’ils soient
sont en mouvement constant. L’Aztlan n’appartient à natifs ou non—et nombre de peuples insistent pour débar-
personne, même pas à ceux qui la connaissent le mieux. quer sur leurs rivages.

14 Chapitre 1 | L'Aztlan
L’Empire aztlan
Bien avant l’arrivée des Théans, bien avant que la Compagnie Toutes les civilisations qui naquirent après la Chute
commerciale atabéenne n’établisse des itinéraires de traite possèdent leurs propres récits sur l’effondrement de l’Empire
d’esclaves, bien avant que le Roi-Soleil ne rêve d’un monde aztlan, autant de théories qui tentent d’expliquer la cause de
unifié sous le drapeau montaginois, bien avant que l’Avalon ce désastre. Il ne s’agit toujours que de légendes car le fait
ne fonde ses colonies en Wabanahkik, bien avant que Safiye est que les dieux eux-mêmes ignorent la vérité. La Chute fut
ne règne sur l’Empire du Croissant, bien avant tout cela, l’Em- simplement une apocalypse, le genre de catastrophe pendant
pire aztlan s’étendait sur chaque parcelle du monde civilisé. En laquelle les documents objectivables disparaissent.
cette époque lointaine où les ténèbres recouvraient la Terra, les Si l’on a oublié les causes de la Chute, ses conséquences
dieux-rois régnaient, grands et fiers, majestueux et gracieux, sont en revanche bien connues  : les dieux-rois dispa-
parfaits. Leurs cités s’étendaient jusqu’aux cieux et leurs rituels rurent de la surface du monde, leurs cités majestueuses
leur permettaient de communiquer avec les étoiles. tombèrent en ruine et la plupart des Sorcelleries qui
Certains érudits disent qu’il ne pouvait en être autrement : étaient pratiquées furent à jamais perdues. Tandis que les
les dieux-rois avaient maîtrisé les cycles, le cercle infini de Aztlans s’efforçaient de survivre aux retombées du plus
la vie et de la mort qui fait tourner les rouages du cosmos. grand désastre que leur monde n’avait jamais connu, leur
Leur seule volonté faisait pousser les récoltes, et le paysage culture vacillait, au bord de l’extinction.
lui-même s’écartait pour laisser place à leurs routes et leurs L’érudit nahuacan Chicuei Atzintli résuma un jour la
édifices. L’harmonie régnait en cette époque, la discorde entre Chute par ces mots : « La flamme étincelante de l’Empire
les peuples étant quasi inexistante ; si elle apparaissait, les aztlan brilla dans les ténèbres jusqu’à ce que les ténèbres
dieux-rois intervenaient directement pour résoudre les conflits. se lassent d’une telle arrogance. Quelle présomption de la
Personne—pas même les plus grands savants aztlans— part de cette flamme que de défier le Néant. »
ne sait comment les dieux-rois réalisèrent de tels exploits.
Aujourd’hui, une telle union n’est qu’utopie : les nouvelles Une terre mystérieuse
Nations aztlanes se querellent pour des questions de terri- Les Aztlans finirent par se regrouper pour reconstruire.
toires, de religion, de ressources et d’influence. Ils reprirent le contrôle du continent en repoussant les
Rien n’est éternel, pas même la perfection. jungles par le feu et en irriguant les déserts. Ils pensaient
un jour pouvoir maîtriser la terre, tout comme l’avaient
La Chute fait les dieux-rois avant eux. Ils tentèrent de reconstruire
La Chute de l’Empire aztlan fut tout aussi inattendue qu’ir- l’Empire, mais nombre d’entre eux doutaient déjà que
réversible. En ces temps reculés, les dieux-rois veillaient sur l’Aztlan puisse un jour être réunifiée.
le monde. L’intemporalité de leur règne les avait enhardis : Lorsqu’ils reconstruisirent les villes et les temples, les
vaniteux et parfaits, ils ne doutaient plus ni de leur pouvoir, Aztlans durent faire face à une nouvelle réalité : la Chute
ni de leur prestige. Leur empire chut sans même qu’ils aient avait transformé l’Aztlan.
le temps de s’en rendre compte : en un clin d’œil, tout ce à La jungle n’existait plus seulement dans l’enclave définie
quoi ils tenaient ne fut plus que ruines et gravats. par ses lisières : elle s’étendait bien au-delà de ses limites.
Les Aztlans quittèrent dès lors les villes et abandon- Quant aux vastes étendues sableuses, elles étaient tout
nèrent leurs foyers, les grands temples furent pillés et aussi capables de ramener les voyageurs à leur point de
vandalisés, et les jungles et les déserts—que les dieux- départ que de les laisser passer sans aucun incident.
rois avaient longtemps tenus à l’écart grâce à leur magie— Au fil des siècles, la forme et le contour du continent
submergèrent le continent telle une invasion de sauterelles. gagnèrent en uniformité, mais la terre ne retrouva jamais
La terre elle-même sembla se retourner contre l’Aztlan. sa robustesse première. Peu importe sa cause, la Chute fut
Plus personne ne se souvient de l’origine de la Chute. Une plus qu’un simple cataclysme politique : elle fut le moment
folie infectieuse poussa-t-elle les Aztlans à détruire leur propre où l’Aztlan mourut. Quoi qu’il soit aujourd’hui devenu,
empire ? Des envahisseurs venus d’une terre lointaine sacca- ce monde est une créature récente, le produit d’un cycle
gèrent-ils le plus grand empire que le monde ait jamais connu ? infini qui verra sûrement naître une nouvelle Aztlan dans
Les dieux-rois s’attirèrent-ils l’opprobre des puissances supé- le futur.
rieures en commettant un péché impardonnable ? Nul ne le sait.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 15


Trois Nations existe bien une constante chez eux depuis la Chute, elle
Tandis que la Théah essaye tant bien que mal de s’extirper peut se résumer ainsi : tout change. Ils n’ont aucune raison
des ténèbres primitives de son système féodal, l’Aztlan de croire que cela n’est pas le cas du monde actuel, ou que
a déjà remis en état ses cités magnifiques et ses temples l’Aztlan ne pourrait pas survivre à nouveau face à la fin
majestueux. Les Aztlans, pour qui la technologie de jadis des temps.
est devenue étrange et mystérieuse, ont fait de leur mieux
pour réapprendre ce qu’ils connaissaient autrefois. Ils L’Alliance nahuacane
parvinrent à redécouvrir certaines choses, mais d’autres Plusieurs siècles après la fondation de la première cité-État
furent perdues à jamais. tzak k’anienne, les premières grandes villes de l’Alliance
Durant la reconstruction, trois institutions politiques nahuacane virent le jour dans les hauts déserts boréaux.
distinctes—l’Alliance nahuacane, les cités-États tzak Si les cités-État tzak k’aniennes existaient indépendam-
k’aniennes et l’Empire kuraque—prirent leur indépen- ment les unes des autres, l’Alliance nahuacane naquit au
dance. L’Aztlan ne serait désormais plus gouvernée par contraire lorsque quatre villes influentes joignirent leurs
une seule autorité, et encore moins par les dieux-rois forces : elles mirent ainsi fin aux luttes et aux guerres
disparus pendant la Chute. en acceptant de se partager le pouvoir, du moins entre
Nahuacans dignes de gouverner.
Les cités-États tzak k’aniennes Tandis que le Tzak K’an décline chaque jour un peu plus,
Encouragés par leurs nombreux dieux, les Tzak K’aniens l’Alliance nahuacane ne fait que se fortifier. Ses victoires
furent les premiers à reprendre le contrôle de l’Aztlan militaires ont ainsi démontré leur supériorité martiale,
après la Chute. Ils bâtirent des cités-États qui repous- quant à leur système administratif complexe, il leur a
sèrent les jungles et firent de nouveau descendre la magie permis d’annexer de nouveaux territoires sans aucune
des étoiles sur la terre des hommes. violence. Beaucoup d’Aztlans se demandent d’ailleurs
Si la naissance du Tzak K’an fut marquée par les guerres, secrètement si l’Alliance nahuacane ne chercherait pas à
une paix finit tout de même par émerger autour d’une réunifier l’Aztlan…
alliance entre les cités-États. Aujourd’hui, le pays est
malheureusement sur le déclin  : la détente désorga- L’Empire kuraque
nisée s’est progressivement muée en guerre ouverte, les Après l’ascension des Nahuacans, le Kuraq prit le contrôle
différentes cités-États complotant contre leurs rivales et du sud de l’Aztlan. Alors que toutes les tentatives d’al-
forgeant des alliances avec les étrangers. liance entre cités-États—à l’époque aussi diverses que
Nombreux sont les Tzak K’aniens qui pensent que celles du Tzak K’an—avaient échoué, un Empereur s’em-
l’Aztlan est parvenu au terme de son Grand cycle. S’il para du pouvoir pour unifier le pays.

16 Chapitre 1 | L'Aztlan
LE TEMPS CHEZ
En dépit de l’autoritarisme et du conservatisme des LES AZTLANS
Vénérables, l’Impératrice Inkasisa a progressivement Les événements décrits dans cette section
transformé l’État unifié qu’était l’Empire kuraque en sont racontés du point de vue des Aztlans, qui
un véritable régime totalitaire. Aujourd’hui, ses agents possèdent leurs propres calendriers. Ceux-ci ne
sont pas les mêmes sur tout le continent : les
sont partout, œuvrant à détruire les ennemis de leur
calendriers kuraques, nahuacans et tzak k’aniens
souveraine où qu’ils se trouvent. Cela n’a pourtant pas suivent chacun des perspectives et des cycles
empêché une résistance de naître et de croître, jour après locaux, ce qui complexifie la compréhension des
jour, dans l’espoir que le Kuraq puisse redevenir ce qu’il événements sur l’ensemble du continent.
était auparavant.

Les nouveaux dieux


Alors que les Aztlans émergeaient des ténèbres, structurés Le roi Carlos Ier avait en effet compris que la Castille
en Nations nouvelles et distinctes, les dieux réapparurent. n’était pas suffisamment forte pour défaire les autres
Jadis, ces divinités se joignaient à eux lors des repas et des nations théanes. Il savait également que, sans exutoire à
rituels, voyageant également entre jungles et déserts pour leurs ambitions, les Grandes finiraient tôt ou tard par le
porter leurs cadeaux à celles et ceux qui les accueilleraient. trahir et chercheraient un nouveau Rex Castillium. Le
Si les dieux-rois furent étranges et resplendissants, les roi et son conseil rêvaient de conquêtes en Théah, et
nouveaux dieux dissimulèrent quant à eux leur véritable les richesses du Cathay représentaient une manne non
nature derrière un masque de chair et d’os afin de ressem- négligeable. Ainsi, en dépit des avertissements des astro-
bler aux mortels. nomes vaticins affirmant que Gallegos avait très largement
Contrairement aux dieux-rois, ces divinités ne désiraient sous-estimé la taille de la Terra, le souverain castillan lui
nullement diriger les hommes. Elles préféraient que les remit un décret royal ainsi que dix navires parmi les plus
Aztlans les vénèrent plutôt qu’ils leur prêtent allégeance. rapides de l’Armada. Cristobal Gallegos mit le cap sur
« Honorez-nous, » dirent-ils, « et nous vous récompen- Cathay le 7 corantine 1544.
serons. Vous serez riches et puissants. » Ainsi, les Aztlans De très nombreuses années après l’avènement des trois
leur rendirent honneur par leurs efforts et leurs actes. Nations aztlanes et des nouveaux dieux, les premiers
«  Vénérez-nous,  » dirent-ils, «  et vous connaîtrez le théans débarquèrent sur les côtes nahuacanes, à moitié
chemin de la juste vérité. » Ainsi, les Aztlans les véné- morts de faim. Ces voyageurs pensaient être arrivés au
rèrent par leur sang et leur vigueur. Cathay, ce pourquoi ils s’adressèrent de prime abord à
« Croyez en nous, » dirent-ils, « et vous pourrez détruire leurs hôtes en khazari.
vos ennemis lorsqu’ils atteindront vos rivages. » Ainsi, les Bien que prudents, les Nahuacans reçurent ces étranges
Aztlans crurent en eux. arrivants les bras ouverts. Ils les pensaient venus du sud,
Les dieux ne déçurent jamais les Aztlans, ni par temps peut-être même d’une peuplade aztlane qu’ils n’avaient
de famine ou de sécheresse, ni même lorsqu’ils leur encore jamais vue. Il ne fallut pas longtemps pour que
demandèrent des montagnes de richesses et le secret de chaque groupe se rende compte de son erreur.
la magie, et pas plus lorsque les Théans débarquèrent sur Gallegos partagea avec les Nahuacans les paroles des
leurs rivages. Prophètes et utilisa la religion pour leur apprendre le
castillian. En retour, ils lui parlèrent de leurs nouveaux
L’arrivée des Théans dieux et leur enseignèrent leur langue. Les Théans
En 1533 A.V. du calendrier théan, un obscur marin restèrent neuf ans chez les Nahuacans, puis ils reprirent
castillian du nom de Cristobal Gallegos demanda que la mer pour rentrer chez eux.
la Couronne finance une expédition destinée à tracer Gallegos ramena avec lui la parole des dieux nahuacans—
un itinéraire maritime jusqu’au Cathay. Une telle route imprimée sur des feuilles d’or—en signe de bonne volonté
pouvait en effet permettre aux navires castillians d’éviter et de confiance. Il emporta également leurs écrits, traduits
de payer les taxes maritimes exigées par le peu estimé en castillian, pour attester de leurs échanges d’idées. En
Empire du Croissant (ou, pire, de traverser les steppes partant, il fit la promesse aux Aztlans de revenir avec les
ussuranes). La réponse de la cour fut très rapide. cales de ses navires pleines de marchandises et de richesses.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 17


Le retour de Gallegos Les premières expéditions
Lorsque Gallegos revint en Castille, il ne disposait plus que Hélas, tel ne fut pas le cas : la quasi-totalité des tenta-
de trois navires. Le visage desséché par le vent et la peau tives destinées à soumettre les richesses aztlanes aux
tannée par le soleil, le capitaine avoua à son souverain n’avoir ambitions théanes échouèrent lamentablement. Bien
jamais atteint le Cathay. Il lui dit en revanche avoir découvert des navires n’atteignirent jamais l’Aztlan, soit parce
une nouvelle terre, inconnue de toute la Théah. Il appuya ses qu’ils furent attirés par les opportunités que recelait la
dires en montrant les feuilles d’or qui arboraient les gravures mer Atabéenne, soit parce qu’ils furent attaqués par la
de dieux païens, et fit également s’avancer vingt nouveaux Fraternité de la côte avant d’atteindre leur destination. Par
croyants à la peau de bronze afin de prouver que le peuple ailleurs, nombreuses furent les expéditions qui parvinrent
qu’il avait découvert comprenait la vérité incarnée par Theus. à accoster sur les côtes aztlanes, mais qui périrent dans la
Suite à cela, ses membres d’équipage dilapidèrent leurs jungle avant d’entrer en contact avec les autochtones.
richesses dans les lupanars et les tavernes de San Cristobal. Finalement, seules les expéditions les mieux financées s’en
Ils racontèrent à qui voulait l’entendre des histoires de cités sortirent à peu près convenablement. Quelques marchands
d’or nichées dans des jungles lointaines et habitées par des odisséens précautionneux parvinrent ainsi à établir des comp-
hommes sensuels et des femmes voluptueuses. Du conseil du toirs sur les rives orientales de l’Alliance nahuacane. D’autres
roi jusqu’au plus humble des paysans, le nom de cette nouvelle réussirent à entrer en contact avec les Tzak K’aniens avant de
terre se répandit comme une traînée de poudre dans toute la s’aventurer davantage à l’intérieur des terres en direction des
Castille : « Aztlan » devint une sorte de légende, un lieu où Nahuacans et des Kuraques.
même le moins nanti des hidalgos pouvait s’offrir une estancia, Si la majorité des expéditions théanes succombèrent à la
où chaque marchand était à même de faire fortune, où chaque maladie, aux dangers de la nature ou aux Aztlans, les quelques
noble avait la possibilité de laisser sa trace dans l’histoire. retours glorieux en Théah—mais à quel prix ?—amenèrent
Très vite, des expéditions prirent la mer en direction du un flot constant d’imprudents à relever ce pari perdu d’avance.
Nouveau monde avec des buts divers : certaines voulaient
explorer, d’autres commercer, quelques-unes partaient L’échec des conquêtes
dans un esprit de conquête. La Ligue de Vendel mit L’un de ces imprudents se nommait don Fernando Medellín.
alors en place la Charte de l’Aztlan, un capital destiné Ce noble de faible extraction avait eu l’idée folle de se faire
à récompenser ceux qui osaient traverser la mer du passer pour une divinité nahuacane afin d’obtenir le soutien
Commerce (autrement appelée mer du Serpent par les des locaux. Malheureusement, la divinité en question se
natifs d’Aztlan). La Couronne elle-même affréta et appro- trouvait en ville ce jour-là, et elle n’apprécia aucunement
visionna à plusieurs reprises des navires pour suivre l’iti- sa supercherie. Le dieu se montra clément, mais Medellín,
néraire de Gallegos afin d’étendre son influence avant que persuadé de l’infaillibilité de son plan, le remis à l’épreuve
l’Avalon, la Montaigne ou la Vodacce ne puissent réagir. plus au sud. Il comprit alors ce qu’était une colère divine…

18 Chapitre 1 | L'Aztlan
LES ÉCHANGES
AGRICOLES
D’autres Castillians connurent des échecs similaires. Franco La rencontre avec l’Aztlan modifia irrémédia-
Gonzales, un explorateur ambitieux, fut le premier à rencon- blement le régime alimentaire théan, et ces
trer l’Impératrice du Kuraq. Là, dans la grande capitale de nourritures étrangères imprègnent désormais
l’ensemble de la cuisine théane. La pomme de
Kuska, entouré par les nantis et les puissants du pays, il tenta
terre, géniale plante kuraque, s’est par exemple
lui aussi de se faire passer pour un dieu. Il eut cependant droit trouvée un nouveau foyer dans les sols ravagés
à un sort plus miséricordieux que son compatriote : il fut par la Guerre de la Croix, permettant ainsi
humilié et banni du Kuraq. Il passa les cinq années suivantes à de soulager les pires famines de la campagne
se morfondre avant de revenir arme au poing pour exterminer eisenör. L’Inismore et l’Ussura ont également
tous les Kuraques qui croisaient sa route. On ne sait pas suivi l’exemple de l’Eisen, ignorant les avertisse-
ments grandiloquents de l’Inquisition à propos
grand-chose de ce qu’il advint de lui. Les quelques survivants
des dangers de la « pomme de Légion. » Au
terrifiés de son expédition disent que ses soldats et lui furent sud, n’importe quel bravo vodacci pourrait vous
réduit en miettes par ceux-là mêmes qu’ils avaient tué. parler de la sauce de sa nonna faite à partir des
Au Tzak K’an, plusieurs expéditions disparurent dans la premiers plants de tomate ramenés d’Aztlan par
jungle sans laisser la moindre trace. Interrogés, les Tzak son bon-à-rien de cousin. Par l’intervention des
K’aniens répondirent simplement que ce sont des choses Prophètes, ou grâce à un labeur méthodique, il
en pousse toujours dans leurs champs (Theus soit
qui arrivent. Certains Castillians pensaient que les Tzak
loué !).
K’aniens enlevaient ou tuaient leurs compatriotes, mais les
plus perspicaces se rendaient bien compte que les autoch- Les élevages théans révolutionnèrent également
tones ne s’aventuraient jamais seuls dans la jungle, et qu’ils l’agriculture aztlane. L’arrivée des chevaux et des
n’y passaient jamais plus de temps que le strict nécessaire. bœufs permit à l’Alliance nahuacane de cultiver
Les Théans qui désiraient faire de l’Aztlan un vassal colo- des zones plus grandes. Dans les cités-États
du Tzak K’an, les techniques agricoles théanes
nial virent donc tous leurs efforts compromis par un mélange
remplacèrent progressivement la méthode
de malchance, d’échecs militaires et d’interventions divines. traditionnelle du brulis : le crottin a désormais
supplanté les cendres comme engrais principal,
Premiers partenariats et les plantations mixtes de maïs, de courges
En dépit de ces premiers « malentendus, » les relations et de haricots ont cédé le pas à un système de
entre la Théah et l’Aztlan se sont formalisées dans une rotation des cultures. Les agronomes kuraques
plantent quant à eux des semences théanes
paix vigilante, chaque continent surveillant l’autre et reti-
à travers tout leur empire. Dans leurs champs
rant ce qu’il peut de leurs échanges. Commerçants, prêtres expérimentaux, ils testent les sols et les tempé-
et savants font aujourd’hui du commerce de marchandises ratures afin de découvrir quelle flore étrangère
et de connaissances, s’échangeant croyances et richesses. peut être cultivée.
Au vu du grand nombre de Castillians en Aztlan—
qui représentent la part dominante de la population
théane, et de loin—il n’est pas étonnant que beaucoup
soient parvenus à s’intégrer à l’écosystème politique.
Don Francisco Schulz, fils d’un héros de guerre eisenör
et d’une noble castilliane, s’était par exemple donné
pour but de conquérir les terres du Nouveau monde.
Heureusement pour lui, il se rendit rapidement compte
que l’Aztlan n’était guère hospitalière envers les conqué-
rants. Dorénavant, il sert de guide aux Théans nouvelle-
ment arrivés dans l’Alliance nahuacane. Il connaît tous
les marchands locaux, parle tous les dialectes aztlans
et possède même une grande maison à Pepechotlan,
un cadeau du Grand orateur lui-même si l’on en croit
ses dires.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 19


Aujourd’hui
Ce passé est tellement riche qu’un Héros aztlan imprudent Los Baldíos Negros
pourrait oublier que les véritables dangers et conflits qui À l’ouest de l’Aztlan, on pourrait s’attendre à ce qu’il existe
menacent le continent ne sont ni les dieux-rois disparus, ni des routes commerciales vers le Fuso et la Kammerra pour
les anciennes querelles entre cités-États tzak k’aniennes ayant importer des épices et de la soie dans l’Empire kuraque ou
sombré depuis longtemps dans le délabrement. L’Aztlan l’Alliance nahuacane. Les rumeurs disent que l’Empire aztlan
regorge de suffisamment d’opportunités et de conflits pour commerçait jadis avec les terres que l’on connaîtrait un jour
qu’un Héros puisse mener une vie remplie d’aventures. sous le nom de Cathay, mais après la Chute, ces voyages
se raréfièrent.
Politiques meurtrières Les Castillians qui venaient en Aztlan dans l’espoir de
Les trois Nations qui émergèrent suite à la Chute trouver un passage aisé vers le Cathay eurent la surprise
ont chacune leurs forces et leurs faiblesses, mais tous de découvrir qu’un tel voyage est quasiment impossible.
redoutent que le rêve d’une Aztlan unifiée ne puisse L’Alliance nahuacane et l’Empire kuraque utilisent tous
se réaliser que par la destruction de deux d’entre elles. deux les itinéraires commerciaux le long de la côte ouest
L’Impératrice kuraque essaye autant que possible d’en- du continent, mais ni l’un ni l’autre ne s’aventurent plus
courager cette paranoïa en envoyant espions et saboteurs loin. Quand on le leur demande, les marins aztlans
défier l’Alliance nahuacane et affaiblir le Tzak K’an. n’ont pas vraiment d’explication à fournir. Les bateaux
Malgré leur puissance militaire, les Nahuacans ne savent qui s’aventurent dans la mer occidentale, disent-ils, ne
pas vraiment comment aller de l’avant, quant aux Tzak reviennent jamais.
K’aniens, ils ont encore moins confiance en leurs compa- Les marins théans qui s’y essayèrent sans prendre en
triotes qu’en leurs voisins. compte les avertissements ne revinrent que rarement.
Pourtant, l’espoir d’une paix politique subsiste. La Parmi eux, le capitaine Ángela Inés Sancha de Soldano
résistance kuraque gagne en force jour après jour. Pour prétendit que son équipage s’était fait dévorer par des
nombre de diplomates et médiateurs tzak k’aniens, la ténèbres ayant surgi de la mer elle-même. Traumatisée par
prudence qu’exerce l’Alliance à aller de l’avant est un signe l’expérience, elle refusa d’en dire plus sur son expédition
de maturité politique. Le premier contact avec les Théans et répéta la même phrase, celle qui finit par donner son
a rappelé aux Aztlans l’importance des liens politiques nom aux mers à l’ouest : los baldíos negros.
qu’ils entretiennent, car ils pourraient profiter de bien des
façons d’une union durable. Les ruines syrneth
Lorsque les jungles et les déserts aztlans se transforment,
Les dieux ils dévoilent régulièrement des structures syrneth. On dit
Tapis en toile de fond—comme toujours—les dieux conti- que le Nouveau monde recèle de sites uniques, à la fois
nuent de se mêler des affaires des mortels, faisant fi des en raison de leur nombre vertigineux mais également des
changements apportés par les étrangers ou des querelles particularités des ruines elles-mêmes : elles présentent
insignifiantes des souverains aztlans qui se pensent fédéra- une architecture différente de celles connues en Théah, en
teurs. Les dieux restent mystérieux et demeurent au-delà Ifri ou au Croissant, et leurs murs sont ornés de glyphes
de toute compréhension : ils sont les figures influentes et de runes inconnues.
capables de retrouver un Héros pour lui confier une quête Quand les archéologues théans arrivèrent pour la
d’importance comme de détruire une lignée royale entière première fois en Aztlan, beaucoup pensèrent que les sites
pour faire valoir leur point de vue à un de leurs pairs. syrneth avaient été créés par une autre race mystérieuse,
Les dieux agissent comme bon leur semble, et les Héros possiblement rivale des Syrnes. Lorsque les érudits aztlans
aztlans savent que s’opposer à eux est risqué, et souvent répondirent aux questions de la Société des Explorateurs—
mortifère. Mais ces Héros savent également que tenir tête qui enquêtait sur les liens entre les sites syrneth de Théah et
à un dieu n’est pas à la portée de n’importe quel mortel : d’Aztlan—la vérité fut indéniable : les Syrnes étaient bien
si un tel acte est nécessaire, mieux vaut qu’il soit entrepris à l’origine de ces lieux anciens, comme ils avaient construit
par l’un d’entre eux. la carte stellaire montaginoise, les catacombes vodaccis et
les nids ussurans.

20 Chapitre 1 | L'Aztlan
L’étude des Syrnes en Aztlan
Tandis que l’Inquisition s’acharne à détruire les artefacts et
les trésors dénichés en Théah, ses ressortissants s’attachent
à découvrir la vérité à propos des Syrnes aztlans. Les plus
brillants archéologues œuvrent de concert avec les érudits
locaux (majoritairement nahuacans et tzak k’aniens). La
course pour découvrir le secret des mystères aztlans n’a
jamais été si déterminante… et si dangereuse.

Les recherches dans l’Alliance nahuacane


C’est au nord de l’Alliance, à Āyotiā, que l’on trouve le plus
de machines antiques syrneth encore intactes. Pendant
très longtemps, les Nahuacans évitèrent de s’aventurer
dans cette péninsule, mais depuis l’arrivée des Théans, le
site est sujet de la plus grande attention.
Des années plus tôt, les archéologues nahuacans avaient en
effet renoncé à explorer les vestiges d’Āyotiā car les machines
qui s’y trouvaient s’avéraient trop dangereuses. Ils firent simple-
ment des empreintes des runes gravées sur les parois extérieures
de plusieurs machines et s’en tinrent là. Lorsque les Théans
apprirent l’existence de ces machines antiques, les Nahuacans
furent ravis de les envoyer visiter Āyotiā, sachant que leurs
efforts seraient vains, et que si ces étrangers découvraient quelque
chose, ils seraient d’une façon ou d’une autre les premiers à
en bénéficier.
Une kyrielle d’ouvriers non qualifiés débarqua, ainsi que des
Castillians experts en Syrnes et le docteur Corker O’Shea.

Le docteur Corker O’Shea


La plus éminente archéologue théane œuvrant aujourd’hui
en Aztlan est le docteur Corker O’Shea, une Inish formée en
Castille. Sa détermination tenace est à l’origine de la majorité
du savoir théan sur les machines antiques. Collaborant avec
les chercheurs nahuacans, elle s’occupe aujourd’hui d’Āyotiā,
un des plus grands sites de fouilles d’Aztlan. Elle est résolue
à découvrir le but et la fonction de ces machines.
En 1662, sa thèse révolutionna les théories scientifiques
théanes et aztlanes sur les ruines syrneth : elle démontra
ainsi que la pierre utilisée dans la construction des machines
antiques n’avait pas été taillée, mais façonnée, modelée,
comme si les Syrnes avaient forgé les machines comme
l’on forge l’acier. Ses travaux, publiés en collaboration avec
plusieurs savants nahuacans, remirent en cause les premières
théories selon lesquelles ces sites n’étaient pas des machines
mais des installations décoratives conçues par des Aztlans

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 21


à l’aide d’outils primitifs. Ses conclusions modifièrent générosité. À de multiples reprises, Riley sauva l’expédition
profondément le consensus théan et donna le courage à une en se faufilant dans un conduit trop petit pour les autres, en
génération d’archéologues de préparer leur voyage jusqu’au tuant les monstres ayant surgi des ruines ou en combattant
Nouveau monde afin d’intégrer des équipes de recherche. les intrus castillians qui voulaient piller le site de fouilles.
O’Shea a un physique saisissant : ses cheveux en bataille Diplômé des universités castillianes, Finnegan fit son appren-
sont souvent tirés en arrière en queue de cheval ou en natte tissage sous la tutelle de l’estimé professeur Eduardo Villalobos
sous un chapeau à larges bords qui protège son teint pâle du de Inez y Lobianco, l’un des tout premiers membres de la
soleil. Son manteau brun et sa chemise au col clair font d’elle Société des Explorateurs. Villalobos est désormais trop vieux
le stéréotype quasi parfait de l’archéologue théane. En guise pour faire le voyage jusqu’en Aztlan, mais Finnegan fait de son
de plaisanterie, l’un de ses collaborateurs nahuacan, Xihnahui mieux pour tenir son mentor au courant de ses recherches en
Xihuitl, s’est mis à la surnommer Itotia (la femme au envoyant des lettres à destination de la Castille dès qu’il le peut.
chapeau). Elle dit détester son surnom, mais l’adore en secret. Il ignore totalement que les agents de l’inquisiteur Calderón
Apparemment, les recherches d’O’Shea en Aztlan ont pour ont intercepté plusieurs de ces documents et prévoient de faire
but de lui obtenir une titularisation universitaire en Castille. main basse sur le site et ses trouvailles dès que possible.
Cependant, ses travaux sur la péninsule d’Āyotiā l’occupent
sans arrêt, et elle ne semble pas prête à déléguer la moindre Caxazul
tâche par peur que l’Inquisition ne vienne endommager ou Il n’y a pas que des Théans qui conduisent des recherches
détruire le site. Pire encore, sa relation avec Xihnahui s’est… en Aztlan. En soi, les ruines de Caxazul constituent égale-
développée. O’Shea sera-t-elle vraiment capable d’aban- ment un site culturel important pour les Tzak K’aniens.
donner sa vie en Aztlan pour revenir en Castille ? La situation, là-bas, ressemble à une belle poudrière
politique car en raison de l’héritage culturel du site, il est
Les recherches tzak k’aniennes difficile d’y mener des recherches, quand bien même les
Loin au sud d’Āyotiā, les archéologues théans et aztlan archéologues sont des natifs de la région.
s’occupent d’environ une douzaine de sites à travers Malgré cela, les dernières excavations supervisées par Ix Tukun
tout le Tzak K’an. Les jungles de la région, changeantes ont récemment révélé de nouveaux liens entre les Syrnes aztlans
et mouvantes comme les marées de la mer du Serpent, et leurs homologues théans. Et il y a encore plus prometteur :
révèlent fréquemment de nouvelles ruines syrneth. Ix Tukun pense avoir découvert une technologie qui permettrait
de voyager entre les deux continents, une sorte de portail qu’au-
Le site d’Olom Pa’ raient utilisé les Syrnes pour garder contact malgré la distance.
Au fin fond des jungles à l’ouest d’Olom Pa’, Finnén Puisqu’Ix Tukun est l’un des membres fondateurs de la
«  Finnegan  » Ó Beigleighinn entretient le site d’Olom, Société des Explorateurs aztlane (un statut qu’elle doit aux
un site de fouilles majeur qui a vu le jour en collabora- voyages en Théah qu’elle a fait dans sa jeunesse et qui lui
tion avec la branche tzak k’anienne locale de la Société ont permis de se faire de nombreux contacts en Avalon et
des Explorateurs (dirigée par la dénommée Ix Tukun). en Castille), sa demande d’obtention de ressources supplé-
Alors que le Dr O’Shea concentre ses recherches sur les mentaires a énormément attiré l’attention. Les sorciers
machines antiques, Finnegan s’intéresse quant à lui plutôt à Porté, notamment, ont hâte de découvrir les secrets que
la découverte d’artefacts, recherches qui le mettent souvent peut renfermer une telle technologie.
au contact de matériaux et d’objets dangereux. Olom est
une ruine souterraine et caverneuse qui s’est révélée être un Les recherches kuraques
puzzle aussi dangereux et difficile à résoudre que le pensait Les archéologues effectuent très peu de recherches sur les
Finnegan lorsqu’il mit le cap sur le Nouveau monde. Syrnes au Kuraq. L’Impératrice a en effet décrété qu’elle ne
Riley O’Lochlainn, l’amie de toujours de Finnegan, est tolérerait aucune intervention théane dans l’Empire, et elle
moins sensible aux charmes d’Olom. Il faut dire que c’est sait décourager les savants kuraques qui veulent mener des
à elle qu’incombe la tâche de repousser les monstres qui projets archéologiques indépendants. Les résistants—qui
hantent les grottes d’Olom chaque fois que Finnegan y ont un besoin vital de ressources pour mener leur guerre
sème la pagaille. Cette jeune Inish aux cheveux de feu est contre l’Impératrice—collaborent parfois avec les Théans :
une pugiliste reconnue au Tzak K’an pour son courage et sa en échange de marchandises et de guilders, les Aztlans leur

22 Chapitre 1 | L'Aztlan
fournissent un accès aux ruines. Peu de
sites de fouilles ont toutefois été établis de
manière permanente.
Récemment, l’inquisiteur Calderón
envoya des émissaires rencontrer l’Impéra-
trice du Kuraq dans l’espoir de forger une
alliance qui pourrait profiter à l’Inquisi-
tion et à l’Empire. Leur proposition était
la suivante  : en échange d’or et d’armes,
l’Impératrice consentirait-elle à laisser
l’Inquisition accéder aux sites de ruines
syrneth de la Nation ?
L’Impératrice étudie l’offre du Castillian.
Elle n’est pas idiote et sait que Calderón lui
cache ses véritables intentions. Cependant,
il est toujours judicieux de traiter correc-
tement l’ennemi de ses ennemis. Le souci,
c’est que l’Impératrice considère quasi-
ment tout le monde comme un ennemi.

Les machines antiques


En Aztlan, il existe un type de ruine syrneth particulière- Technologie
ment déconcertant : les machines antiques. Il reste encore Au temps des dieux-rois, les Aztlans possédaient une techno-
énormément à découvrir à leur sujet et leur véritable logie dépassant l’entendement des habitants d’aujourd’hui.
pouvoir. Éparpillées sur tout le continent, ces structures Si une grande partie de ce savoir fut perdue lors de la Chute,
gigantesques dépassent du sol tels des montagnes à moitié une large part de la technologie aztlane surpasse aujourd’hui
ensevelies. On ignore tout de la fonction de ces étranges encore celle des Théans. Grâce aux interactions avec leurs
machines conçues dans du cristal, de l’obsidienne ou de dieux et à leurs tentatives de comprendre l’héritage des
l’hématite. Depuis leur arrivée, les Théans ont cherché à anciens, les Aztlans disposent de disciplines tout aussi avan-
les cartographier et les explorer. cées que celles des Théans, à l’instar des mathématiques, de la
Les archéologues aztlans pensent que ces machines science ou de l’architecture. Ils possèdent ainsi des villes intel-
seraient plus que de simples édifices à l’architecture ligemment conçues, dotées de systèmes d’irrigation et d’écou-
mystérieuse. La traduction qu’ils firent des écrits trouvés lement des eaux usées, ainsi que de magnifiques édifices. Leur
sur les sites—ainsi que la maîtrise des artefacts que des art et leur musique rivalisent avec les productions montagi-
âmes courageuses sont allées y récupérer—a démontré noises, et ils se servent de l’abondance de pierres et métaux
que l’ensemble des structures du continent ont un unique précieux pour créer des incrustations et des damasquineries
but commun. Peut-être étaient-elles la source du pouvoir qui font resplendir les villes et leurs habitants. Ils étudient la
des dieux-rois. Peut-être ont-elles joué un rôle lors de médecine, les étoiles et les propriétés physiques du monde.
la Chute. Toutes ces sciences sont cependant moins développées que
Quelle que soit la vérité, Aztlans et Théans savent que l’archéologie, que la plupart des Aztlans considèrent comme
l’exploration des machines antiques est plus compliquée une science sacrée. Ces derniers portent en effet leur regard
qu’elle n’y paraît. Leurs notes se volatilisent. Les provi- sur le passé aussi souvent—sinon plus—que sur le futur. La
sions sont «  accidentellement  » détruites juste avant compréhension des dieux-rois est une priorité pour tous.
que les archéologues ne partent en mission. Des expé- Les Théans estiment souvent que les armes nahuacanes ou
ditions entières disparaissent et ne reviennent jamais. les canoës kuraques sont « primitifs, » mais ils oublient qu’ils
Quelqu’un—ou quelque chose— souhaite conserver remplissent leur office de façon parfaitement fonctionnelle.
intact le mystère des machines antiques. Les Nahuacans imprègnent en effet leurs armes et leurs

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 23


TRANSFORMATIONS
SOCIALES EN THÉAH ?
Les armées de l’Alliance nahuacane ont épousé noire de son pistolet était distillée à partir de fientes
les valeurs de la méritocratie, de la conscription d’oiseaux, qui sont très répandues sur certains rivages
et de l’entraînement militaire pour tous. Ces kuraques—les récifs de tout l’Empire sont blancs telle-
traditions constituent un défi de taille pour les
ment ils sont couverts de guano—on lui offrit tout l’or du
armées de Théah, mais le modèle social qu’elles
incarnent représente également une menace. monde pour qu’il en révèle le secret. Personne ne sait s’il
Hommes et femmes du peuple, forgés dans le échangea ses connaissances pour de l’or ou s’il emporta
feu de l’action, capables d’atteindre les hauteurs son secret dans la tombe, car personne ne le revit jamais.
de l’échelle sociale au terme d’une guerre, voilà Des soldats de toute l’Aztlan ont beau avoir mis la main
un concept qui perturbe les dirigeants de ces sur des armes à feu théanes, elles restent donc exception-
Nations où l’autorité appartient depuis toujours
nelles. Le commerce illégal d’armes à feu et de poudre noir
aux aristocrates.
s’est logiquement développé tout au long du siècle passé.
En Montaigne, le général Montègue semblait Dans les criques reculées, les navires pirates mouillent aux
réceptif à l’idée d’en apprendre plus sur les côtés des embarcations kuraques, et les apprentis armu-
traditions et les entraînements nahuacans. Fils riers vendent leurs produits en échange d’or. Tout ceci
de paysan, Montègue ne se faisait pas d’illusion n’est cependant que temporaire. Qu’importent les vœux
sur la soi-disant aptitude innée des aristocrates
de la Ligue de Vendel, la curiosité des Aztlans sera étan-
à commander. Il a donc envoyé des émissaires
en Aztlan pour essayer d’en apprendre davan- chée un jour, et leurs propres armuriers pourront alors
tage sur les sociétés guerrières nahuacane. créer pistolets et fusils d’un bout à l’autre du continent.
Certains Eisenfürsten l’ont imité, voyant dans les En revanche, les techniques de métallurgie théanes
méthodes aztlanes un nouveau moyen d’unifier ont reçu un accueil beaucoup plus mitigé. Les soldats
l’Eisen. nahuacans, entraînés à considérer leurs lames serties
d’obsidienne comme une extension de leur esprit guer-
rier, sont encore réticents à l’idée de manier des armes en
armures d’une magie puissante, et comme les Aztlans ne acier. Contre des adversaires en armure légère, un éclat
cherchent pas à s’aventurer au large, ils n’ont jamais eu d’in- d’obsidienne manié avec suffisamment de force vaut bien
térêt à construire de plus grosses embarcations que des canoës. n’importe quelle lame en acier. Ces armes d’obsidienne
compensent de plus leur manque de subtilité et d’élégance
Les échanges technologiques par un effet psychologique terrifiant. N’importe quel
Les tactiques de guerre théanes ont permis aux armées Théan ayant vu un camarade blessé par l’une d’elles ne
aztlanes de progresser d’un strict point de vue straté- fera plus l’erreur de la sous-estimer. Enfin, quand bien
gique. La préférence du Kuraq pour l’emploi de grosses même l’obsidienne ne vaut pas une armure en acier ou en
unités d’infanterie a ainsi amené ses voisins à développer dracheneisen, les soldats aztlans peuvent toujours laisser
leurs forces de cavalerie (juste au cas où les ambitions la nature elle-même se débarrasser de leurs adversaires
de l’Impératrice viendraient à dépasser les frontières de plutôt que de les affronter sur le champ de bataille.
son empire). Ainsi, bien qu’elles soient restreintes par le Seul le Kuraq a adopté l’acier avec enthousiasme. Tout
terrain difficile, ces unités montées sont désormais utili- comme mousquets et pistolets sont l’évolution naturelle
sées par les Aztlans là où la topographie le permet. Les des frondes, les épées d’acier semblent être le choix évident
Nahuacans ont également dupliqué le concept de convois pour remplacer les lances et haches de bronze moins résis-
transportant le matériel afin que les soldats arrivent sur le tantes qui sont utilisées dans des affrontements rappro-
champ de bataille frais et dispos. chés. Les montagnes de l’Empire étant riches en fer et
L’élevage de chevaux— petits, robustes et capables autres minerais, le secret de l’acier s’est révélé plus facile à
de supporter la chaleur suffocante ainsi que les climats percer que celui de la poudre à canon.
secs—s’est donc développé dans l’Alliance nahuacane et
au Tzak K’an.
Le Kuraq a de plus dédié du temps et de l’énergie pour
percer les mystères de la poudre à canon. Lorsqu’un
marchand vendelar laissa un jour échapper que la poudre

24 Chapitre 1 | L'Aztlan
L’INFLUENCE
Commerce DES ÉTRANGERS
Le commerce, de part et d’autre de la mer Atabéene, s’est Les Théans furent les premiers étrangers à venir
développé à une vitesse folle depuis le premier contact en nombre en Aztlan, mais la « découverte » du
Nouveau monde a par la suite attiré voyageurs,
entre l’Aztlan et la Théah. Chaque Nation théane
explorateurs et archéologues venus du monde
convoite aujourd’hui la plus grosse part possible des entier. Depuis, la majorité d’entre eux a compris
richesses aztlanes. Jusqu’à maintenant, la Castille s’est que leurs travaux en Aztlan ne verront le jour que
assurée les itinéraires commerciaux les plus durables à grâce au soutien politique des Aztlans. Cependant,
travers le continent (ses représentants sur place sont plus il n’est pas rare qu’un étranger enfreigne les lois ou
nombreux que ceux d’autres Nations théanes), mais cela coutumes locales, notamment dans les cités-
États tzak k’aniennes qui sont dirigées par des
ne décourage absolument pas ses rivaux.
chefs capricieux (l’Alliance nahuacane et le Kuraq
possèdent également des systèmes juridiques très
Les préoccupations des Théans complexes pour les Théans).
Pendant un temps, quelques-uns des grands de Théah
virent leurs préoccupations tourner auprès de l’être le plus Tout comme les Théans et les Ifriens qui se
insignifiant d’Aztlan : la cochenille. Un moine castillian rendent dans le Nouveau monde en quête
de savoir, de trésors et de gloire, les Aztlans
découvrit un jour qu’une fois réduits en poudre, les corps de
voyagent jusqu’en Théah, en Ifri et dans le
ces insectes vivant sur les cactus du nord de l’Aztlan produi- Croissant. Certains voyageurs aztlans quittent
saient une teinture rouge écarlate sans égale. Aujourd’hui, ainsi le continent pour accomplir leurs propres
c’est à la cochenille que les cardinaux vaticins doivent la tein- desseins, tandis que d’autres sont missionnés
ture éclatante de leurs vêtements, et ils gardent jalousement par les autorités aztlanes qui veulent garder un
le secret de son origine et de sa production. œil sur leurs adversaires étrangers. Après tout,
l’Impératrice du Kuraq serait bien sotte d’ignorer
Néanmoins, leur secret pourra-t-il résister à l’Empereur
le reste du monde : comment pourrait-elle
montaginois ? Ayant essuyé le refus de tous les prêtres de conquérir des pays dont elle ne sait rien ?
l’Église—à commencer par le hiérophante—le monarque,
frustré, se tourna vers ses nobles pour qu’ils se procurent
cette teinture par des moyens magiques. Quand plusieurs
sorciers audacieux maîtrisant le Porté se volatilisèrent lors au commerce par voie de terre de s’épanouir. Les Vestens,
d’un transport de teinture, et que l’on retrouva les restes tout particulièrement, détestent cette préférence aztlane
démembrés de plusieurs autres dans une forêt tropicale pour la recherche du savoir plutôt que la richesse matérielle,
aztlane, l’engouement se tassa. Cela est d’autant plus car elle menace le monopole fleurissant de la Ligue.
frustrant que les réserves de teinture en Montaigne sont Les échanges avec le Kuraq ne sont pas très déve-
devenues rares et chères depuis que les Nahuacans ont loppés, pour des raisons à la fois politiques et tech-
découvert le véritable prix de l’or rouge. niques : d’une part, les pays frontaliers se méfient des
Les autres Nations théanes s’en tiennent quant à elles à ambitions de l’Impératrice, d’autre part, leurs routes
des intérêts plus communs : les métaux précieux, les bois furent construites pour laisser passer des piétons, non
rares et les gemmes, que l’Aztlan produit en grandes quan- de larges chariots de marchandises.
tités. Si la Castille s’occupe de la majorité du commerce, Si les Aztlans ne possèdent pas de navires de haute
les soldats de la Couronne aident souvent les navires mer, ils rattrapent petit à petit leur retard maritime. Les
commerciaux de Montaigne et d’Eisen à trouver des canoës tzak k’aniens, destinés au commerce, et les bateaux
marchandises… moyennant finance. kuraques, construits avec des roseaux, deviennent de plus
en plus imposants. Certains, conçus avec une double
Les avancées aztlanes coque, parviennent même à s’aventurer plus loin qu’aucun
Les Nations aztlanes commercèrent rapidement pour autre auparavant. Ce n’est qu’une question de temps avant
obtenir des connaissances sur les techniques industrielles qu’un constructeur théan peu précautionneux se retrouve
théanes et les produits finis pouvant être étudiés et repro- du mauvais côté d’un mācuahuitl (une massue en bois
duits. C’est ainsi que les Nahuacans et les Tzak K’aniens entourée de lames d’obsidienne) et que son savoir tombe
bénéficièrent de l’arrivée des voitures à cheval, ce qui permit aux mains des Aztlans.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 25


L’Église vaticine ni son aide ni son pouvoir. Il faut dire qu’en Aztlan, les dieux
font acte de présence et protègent leurs croyants.
J’ai entendu la vérité de Theus sortir des lèvres du cardinal De leur côté, les Castillians furent stupéfaits en décou-
Verdugo et j’ai renoncé à la foi de mon propre père. Des siècles vrant que chez les Nahuacans, la mort détermine la place
durant, mon peuple a fait des sacrifices à la demande des dieux que le croyant occupera dans l’au-delà, peu importe ce qu’il
et mené des guerres lorsque les étoiles étaient alignées : nous n’y a accompli de son vivant. Quant aux érudits vaticins qui
avons rien gagné. Chaque cité est convaincue de la toute-puis- cherchèrent à découvrir le secret des croyances kuraques
sance du dieu qui la représente et s’en va guerroyer contre ses concernant la mort et l’au-delà, ils essuyèrent des rebuffades.
voisins pour le prouver. Nous nous croyons puissants et nous Il arriva même que l’on ne retrouve jamais certains mission-
assouvissons nos envies avec de l’or, du sang et du maïs. naires particulièrement zélés.
Si je portais la lumière de Theus à mon peuple, nous pour-
rions mettre un terme à ces guerres inutiles et nous bâtir La conversion
un futur au sein d’une Nation unifiée par Sa vérité. Nous Les Théans sont effarés que les Aztlans se désintéressent
n’aurions plus à solliciter l’aide des Nahuacans, ni à troquer de Theus simplement parce qu’il est invisible. Les natifs
des bijoux avec ceux qui voudraient nous asservir. Nous du Nouveau monde éprouvent généralement de la
pourrions résister à l’Impératrice kuraque, elle qui souhaite- curiosité quand on leur dit que Theus apporte le salut et
rait que nous trimions dans ses montagnes à des fins obscures. offre une vie merveilleuse après la mort, jusqu’à ce qu’ils
Theus a pris soin de ses enfants castillians : ils ont résisté aux apprennent qu’ils ne peuvent pas lui parler directement.
envahisseurs montaginois, puni les hérétiques eisenörs et pris Les croyances des Aztlans font d’eux des polythéistes,
le siège du Hiérophante aux fourbes vodaccis. sans aucune exception. Cela provoque un effroi instinctif
Dans les premiers jours qui suivirent ma conversion, mes amis et irrationnel chez les Théans, pour qui le monothéisme
castillians me demandèrent pourquoi j’avais substitué Theus aux est un signe de progrès tandis que le polythéisme est
dieux de mon père. Je leur ai répondu : nos dieux nous ont fait foncièrement rétrograde (et ce, peu importe le degré
tels que nous sommes, tout comme Theus vous a fait tels que vous de tangibilité des dieux). Cela explique pourquoi ils
êtes. Nous sommes divisés, entourés par ceux qui voudraient persistent à envoyer de nombreux missionnaires pour
nous utiliser. Vous êtes unis et vous vous battez pour reprendre essayer de convertir la population aztlane au culte de
votre destin des mains de ceux qui voudraient vous le ravir. Theus, et ce en dépit de leurs échecs répétés. Quelques
Pourquoi ne voudrais-je pas les mêmes choses pour mon
peuple ?
—Itzamatul du Tzak K’an,
Inquisiteur converti, Confessiones

À quelques exceptions, tous les prêtres aztlans considèrent


leurs homologues théans avec amusement. Pourquoi un
être tout-puissant choisirait-il de s’adresser à ses fidèles
via une poignée d’ Intermédiaires humains ? Pourquoi
n’interviendrait-il pas si les fondations de son culte étaient
ébranlées et ses messagers élus assassinés ?
Au cours du siècle dernier, de nombreux Aztlans ont
assisté aux messes vaticines. Dans les quelques endroits où
l’influence théane est suffisamment ancrée pour permettre
l’existence de lieux de cultes permanents, les vicaires nerveux
peuvent ainsi faire face à des bancs remplis de Nahuacans
encapés, emplumés et porteurs d’armes barbares. Partout
ailleurs, rares sont ceux qui comprennent comment il est
possible de vénérer une divinité omniprésente et invisible, ni
pourquoi il faudrait s’agenouiller devant un dieu qui n’offre

26 Chapitre 1 | L'Aztlan
Aztlans, séduits par le dévouement des Théans vis-à-vis de L’Inquisition en Aztlan
leur dieu, se sont convertis. Cependant, de telles décisions Si le gros de l’activité théane dans le Nouveau monde se
restent rares. résume au commerce, à la recherche et à la diplomatie, des
Récemment, certains inquisiteurs ont avancé que les Scélérats théans rôdent dans les ombres d’Aztlan. Des
Aztlans respecteraient davantage Theus si l’on imposait Sa forces influentes manœuvrent pour éroder la souveraineté
volonté en faisant preuve de plus de fermeté. Ce raisonne- aztlane, et les pires d’entre elles portent les robes rouges de
ment gagne de plus en plus d’ampleur à mesure que peine l’Église vaticine.
la mission vaticine dans le Nouveau monde.
La destruction du souvenir aztlan
Une approche syncrétique Les voyages en partance pour le Nouveau monde s’étaient
En vérité, si les deux points de vue sont facilement considérablement raréfiés lorsque la Guerre de la Croix faisait
compréhensibles, chacun passe à côté d’autant de concepts rage, au début du XVIIe siècle, mais depuis, l’Église vaticine a
qu’il en appréhende. Les Aztlans ont raison de relever témoigné d’un regain d’intérêt pour l’Aztlan. Ne parvenant
qu’un dieu bienfaiteur, omnipotent et omniscient doit pas à rassembler les fonds pour lancer une invasion à grande
répondre des horreurs humaines commises en son nom échelle, elle utilisa avec succès la conversion des Aztlans à la
(comme la Guerre de la Croix). Cela étant, il y a un certain foi vaticine pour justifier son intervention sur ce continent.
attrait dans l’idée d’un dieu qui laisse son troupeau paver Le cardinal Verdugo s’empara ainsi de cette « excuse » pour
son propre chemin et lui vient en aide seulement en cas de y envoyer son vieil ami, don Alonso Ruiz Calderón.
nécessité impérieuse. Qui est responsable de la Guerre de Affirmant que les machines antiques—et autres artefacts—
la Croix : Theus ou la Théah ? A-t-elle été menée au nom étaient l’œuvre diabolique de Légion, Verdugo ordonna à
de la foi ou du pouvoir ? Un prêtre de Nacatlicue dirait l’Inquisition présente en Aztlan de combattre l’influence
que ces questions importent peu—les champs brûlés et syrneth. Les différents gouvernements d’Aztlan étant visi-
les enfants morts n’en ont cure—mais peut-être le progrès blement corrompus, Calderón fut missionné pour détruire
humain n’est-il possible que si l’on prend la mesure de les artefacts syrneth. Cet ordre lui octroie une autorité sans
l’horreur dont l’homme est capable. égale au sein de l’armée castilliane et de l’Église vaticine.
Sans équivoque, l’expérience des Aztlans semble Tout le monde sait ce que l’Inquisition fait réellement
confirmer cette hypothèse. S’il y a un bien une chose sur en Aztlan. Certes, beaucoup de paroisses vaticines locales
laquelle Kuraques et Nahuacans sont d’accord, c’est que essaient de contrecarrer son influence, mais Calderón,
les dieux sont à l’origine de la Chute. Toutefois, attribuer cinquantenaire imposant, est un personnage persuasif et
des causes divines à la Chute permet surtout aux Aztlans dangereux. Qui plus est, l’absence d’autorité centralisée
de se dédouaner du rôle qu’ils ont eux-mêmes joué dans aztlane ne fait qu’aggraver la situation : quand les activités
l’effondrement de leur terre natale à moitié fantasmée. de l’Inquisition provoquent la colère d’un trop grand
Les Kuraques parlent peu de leurs dieux aux étran- nombre de dirigeants locaux, Calderón plie bagage et se
gers, mais quand ils le font, il devient alors évident qu’ils rend dans une autre région en emportant les artefacts les
considèrent leurs divinités comme des agents du chaos. plus puissants et les meilleures ressources acquis grâce à ses
Lorsqu’ils les mentionnent—souvent en présence de leurs violentes machinations.
chefs ou d’étrangers—leurs mots sont rarement tendres. L’Église vaticine contrôle très peu Calderón. Verdugo lui
Les Tzak K’aniens entrent quant à eux en guerre avec les fait confiance, et tant qu’il continue d’envoyer des rapports
cités-États voisines sur simple ordre de leurs divinités. Ils sur les artefacts détruits, personne ne s’intéresse vraiment à
peuvent ainsi réduire des villes en cendres et massacrer ses méfaits. Il peut bien remplir ses rapports d’exagérations
leurs ennemis simplement parce que l’alignement des pour dissimuler la vérité, voire les inventer de toutes pièces,
étoiles est en faveur de leur dieu plutôt que de celui de leurs personne en Castille ne s’en rendra compte. Calderón
voisins. En Aztlan, les dieux poussent l’humanité à réaliser détruit bien certains artefacts : ceux dont il n’arrive pas
des desseins divins plutôt qu’humains. Quoi qu’il en soit, ce à se servir ou qui ne l’aident pas à atteindre ses objectifs.
sont tout de même ces dieux qui ont protégé leurs fidèles Les autres—généralement des armes—sont rassemblés
de l’avarice maladive des Scélérats théans. Qui sait ce qui dans l’espoir qu’ils puissent un jour servir à exterminer les
serait arrivé s’ils n’avaient pas été là ?

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 27


DES DIEUX
hérétiques aztlans, et ainsi laisser le champ libre pour une
TROP NOMBREUX ?
nouvelle Castille. Certains érudits théans ont émis l’hypothèse que
Heureusement, les objectifs de Calderón mettent à mal les dieux aztlans sont la manifestation—voire la
ses potentielles alliances. Ainsi, ses tentatives de rallier représentation—de Theus. D’autres estiment que
les différents dieux sont en fait la même interpré-
à sa cause Azeneth Medellín (la fille de don Fernando tation de Theus, leurs noms différant juste pour
Medellín) échouèrent lorsqu’elle apprit son dévouement des raisons linguistiques.
aux plans de Verdugo. Autant Medellín aimerait détruire
Apocōātl, autant elle ne s’intéresse nullement à la destruc- Cependant, les dieux aztlans ne sont ni des
tion massive des artefacts et ruines aztlans. « manifestations, » ni des « interprétation, »
ainsi que peuvent témoigner ceux qui les ont
déjà rencontrés. Il s’agit d’êtres complexes,
Le masque kuraque dotés de pouvoirs uniques et distincts, mais
Des années avant qu’il n’arrive en Aztlan, don Calderón également de besoins et de désirs. En termes de
assassina don Felipe Aldana de Soldano. Ce dernier traits de personnalité, ils ressemblent parfois aux
s’était en effet attiré le courroux de l’inquisiteur en hommes—ils peuvent prendre leur apparence s’ils
voulant collecter des taxes sur ses nombreuses propriétés. le désirent—mais leurs pouvoirs, leur savoir et
Aldana ne survécut pas au duel l’opposant à Calderón : il leurs sens dépassent de loin ceux des mortels.
fut empoisonné par la lame de son malicieux adversaire. La source de ces incompréhensions vient avant
Les deux jeunes fils de don Aldana, Sebastian et Miguel, tout de la tentative des vaticins de concilier leur
furent adoptés par une tante éloignée du nom de Bejarano propre dogme avec celui des Aztlans : ils essaient
del Zepeda. Sachant pertinemment qu’ils seraient en ainsi de faire du dieu créateur l’égal de Theus,
danger s’ils ne savaient pas se défendre—et entretenant et ont souvent du mal à accepter l’existence
l’espoir qu’ils pourraient un jour venger la mort de leur de centaines (si ce n’est de milliers) de dieux,
perceptibles et à la portée de tous.
père—elle leur appris l’art du Duel et les fit rejoindre les
rangs de Los Vagabundos une fois devenus adultes.
Sebastien et Miguel savaient que le meurtrier de leur
père se nommait Calderón et qu’il était un puissant allié
du cardinal Verdugo. Il avait cependant disparu après
le duel, et nul n’avait idée de l’endroit où il pouvait être. par un agent double à la solde de Calderón. Il était désor-
Peut-être était-il mort. Peut-être avait-il changé de nom. mais isolé de ses contacts théans, seul en Aztlan, devant
Miguel, le plus jeune et le plus impétueux, exigea de son à tout prix récupérer le masque et le livrer aux Kuraques
frère qu’ils explorent le monde à sa recherche. Sebastian, avant que l’Impératrice n’extermine la résistance.
peu enclin à laisser son frère partir seul en quête de Sebastian et Miguel lui proposèrent immédiatement leur
vengeance, décida de l’accompagner. aide. Tous trois mirent au point un plan pour récupérer le
Leurs recherches leur permirent d’entendre parler des masque et se venger de Calderón. Le trio se trouve main-
méfaits de Calderòn en Aztlan. Ils se rendirent alors tenant au Tzak K’an car on dit que Calderón aurait pris
dans le Nouveau monde où ils rencontrèrent un autre le contrôle d’une cité-État et prévoirait de provoquer une
expatrié castillian, Tomás Ruiz del Gallegos (qui voya- guerre propre à déchirer cette Nation fragile.
geait alors sous le nom de Vaughn Santez). Celui-ci leur Sebastian et Miguel forment un duo saisissant : ils ont
apprit alors que Calderón avait dérobé l’un des masques tous les deux de longs cheveux noirs en queue de cheval et
d’El Vagabundo après avoir assassiné ses compagnons portent le bouc de façon assortie. Ils sont bien plus intel-
de voyage. ligents qu’ils n’en ont l’air. Pour le moment, ils boivent et
Tomás leur révéla que le masque devait être apporté se divertissent à Polok K’anche’ (voir pages 118 et 121)
au Kuraq. L’Impératrice avait en effet attiré l’attention afin d’attirer l’attention de don Calderón. Cela permettra
des Vagabundos et des Kreuzritter et, face à son règne à Tomás de localiser le masque et ainsi le subtiliser.
mort-vivant, les deux sociétés s’étaient alliées. Tomás, Idéalement, ils auront le temps de venger leur père avant
membre des Kreuzritter, s’était porté volontaire pour de repartir pour le Kuraq.
livrer le masque aux résistants kuraques, mais il fut trahi

28 Chapitre 1 | L'Aztlan
Les dieux d’Aztlan
S’il y a bien une chose qui continue d’étonner les Théans, pairs (c’est à dire les autres dieux). Leur puissance n’est
c’est le rapport unique des Aztlans à la spiritualité. Pour la pas exagérée. Quelques-uns ont parfois trouvé la mort,
plupart des Théans, la religion se pratique, mais elle reste mais leur nature fait qu’ils sont capables de revenir à
tout de même séparée de leur quotidien (ce n’est qu’un des la vie aussi aisément que l’homme sait se réveiller d’un
nombreux aspects de leur existence). Ils vont à la messe, profond sommeil. Cela étant, nulle divinité n’aime faire
apprennent les principes de leur foi, se font baptiser et, l’expérience de la mort, c’est pourquoi ils l’évitent comme
lorsque c’est nécessaire, se marient devant Theus, et c’est n’importe quel Aztlan, peut-être même plus encore.
à peu près tout. Les Aztlans, pour leur part, considèrent Si certains dieux se contentent d’un nombre restreint
et vivent la religion autrement. de fidèles—à l’échelle d’une seule Nation ou de quelques
Bien qu’elle soit différente selon les régions, les cités—la majorité désire tout de même l’adoration de tout
langues et les particularités des croyances person- un chacun. C’est pour cela qu’ils apparaissent à quiconque
nelles, tous les Aztlans partagent une compréhension est disposé à les écouter. Ainsi, chaque Nation vénère sans
commune de la Réalité que l’on peut résumer ainsi : le savoir les mêmes dieux, simplement ils en révèrent un
les dieux sont réels. Ce ne sont pas de simples idées aspect différent (ce qui explique pourquoi leur nom est
ou notions, ni des juges ou observateurs extérieurs. d’ailleurs rarement le même). Les Kuraques n’ont ainsi
Au contraire, ce sont des créatures d’importance au pas la moindre idée que leur dieu de la mort est en fait le
pouvoir incroyable, des êtres immortels qui exigent et même que le dieu nahuacan de la vie.
méritent l’adoration des simples mortels. Ils sont à la Le seul dieu qui refuse de jouer selon ces règles se
portée de tous. Prier en Aztlan, ce n’est pas parler dans nomme Apocōātl, le Serpent à plumes. Bien que sa
le vide : c’est communiquer avec un divin, car les dieux forme diffère d’une Nation à une autre, tous les Aztlans
sont toujours à l’écoute. le nomment de la même façon. D’aucuns disent qu’il est
Et parfois, ils daignent même vous répondre. l’un des dieux-rois et qu’il aurait trouvé un moyen de
survivre à la Chute, d’autres pensent qu’il est juste le plus
Des dieux vivants puissant des nouveaux dieux. Quelle que soit la vérité, ses
La relation qu’entretiennent les Aztlans avec leur monde exploits ne laissent aucun doute quant au fait qu’il soit bel
se base sur leurs expériences avec les divins. Quand les et bien au-dessus du lot.
dieux ont un nom, quand ils sont accessibles et omnipré-
sents, la notion de « foi » n’a plus de sens. Les Aztlans L’ordre cosmique
ne « croient » pas : ils savent que leurs dieux existent, et Les dieux l’ont révélé aux humains : la Réalité forme une
cette vérité structure leur vision du monde. Ainsi, après seule unité dans laquelle toutes les choses sont reliées les
la Chute, ce furent les dieux eux-mêmes qui leur ensei- unes aux autres. Les hommes, tout insignifiants soient-ils,
gnèrent le fonctionnement de la Réalité, l’Histoire du ont donc une responsabilité dans le grand ordre des
monde ainsi que les diverses vérités fondamentales qui choses, un rôle à y jouer.
forment la base de leurs incroyables avancées technolo- Toutes les histoires aztlanes relatives à la naissance
giques et scientifiques. Chaque fois que cet ordre naturel de l’univers s’accordent à dire que son créateur—quel
est perturbé, la situation finit toujours par empirer. C’est qu’il fut—se volatilisa ou se sacrifia durant le processus
pour cela que les Aztlans pratiquent leur religion avec tant de création. Il créa ainsi le monde tel qu’on le connaît
d’assiduité : ils savent que sans leur dévotion aux dieux, le aujourd’hui, un endroit peuplé d’êtres fondamentalement
monde entier prendrait fin, tout simplement. différents, des dieux aux humains. Quand bien même
Bien qu’ils soient immortels, tous les dieux aztlans leurs pouvoirs étaient immenses, les dieux-rois qui ont
partagent les défauts et les inquiétudes des mortels qui les succédé au dieu créateur étaient limités par les frontières
vénèrent. En dépit de leur esprit insondable, ils possèdent de cette création. Même eux devaient rendre honneur au
donc les mêmes désirs élémentaires que leurs adorateurs : sacrifice du créateur.
ils veulent profiter de leur existence, être portés aux nues L’univers n’est toutefois pas une entité stagnante. Bien
par ceux qu’ils considèrent comme inférieurs (c’est-à- au contraire, le monde est régi par une règle invariante :
dire leurs adorateurs) et être traités avec respect par leurs le changement perpétuel. Les Aztlans en ont la preuve

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 29


chaque jour grâce aux cycles de vie, de mort et de réincar- ainsi que leurs spécificités varient d’une culture à une
nation. Le soleil se lève chaque matin et disparaît chaque autre, mais tous les Aztlans s’accordent sur quelques
soir. La lune croît et décroît au rythme des saisons, qui caractéristiques générales partagées par ces différents
vont du chaud au froid pour revenir au chaud. Les graines Mondes. Ne pas y croire serait faire preuve d’une arro-
se plantent et poussent jusqu’à maturité, puis sont récol- gance aussi démesurée que ridicule.
tées et transformées en nourriture pour assurer la survie
des hommes. Le Monde d’en-haut
La Réalité peut donc se résumer à un équilibre en Le Monde d’en-haut est le Royaume qui surplombe
constante évolution entre forces opposées  : ordre et la Terra, le Monde des dieux. Les nouvelles divinités y
chaos, lumière et ténèbres, vie et mort, faune et flore, règnent sur le soleil, la lune et le reste des étoiles, qui
dieux et mortels. Tous en font partie, mais nulle force ne existent ici dans leur forme primordiale. Des érudits
peut survivre sans son opposée. Le rôle des dieux est de observateurs comprirent rapidement que l’on pouvait
surveiller de larges pans de Réalité, comme les étoiles et déchiffrer les mouvements des dieux grâce à ceux des
les cycles de la nature. C’est grâce à leurs efforts et à leur planètes et des étoiles, et ils firent de leur mieux pour
longévité que les mortels vivent dans un monde habitable, consigner ce savoir.
où ils mènent une vie sans contraintes. La majorité des notions sur le Monde d’en-haut s’ac-
Les dieux ont bien des pouvoirs, mais pas celui d’en- cordent à dire qu’il est fait de multiples couches—ou
freindre cet ordre. Cela explique pourquoi les Aztlans strates—en général au nombre de treize. Sur la plus haute
les plus sages n’exigent jamais rien d’eux, si ce n’est de d’entre elles se trouvent les dieux. Certains, comme les
continuer à exercer leur devoir sacré de préservation de dirigeants du Kuraq, disent que seuls les nobles peuvent
la Réalité. Si les terres sont en proie à la sécheresse, par accéder à cette sphère après la mort. D’autres, comme les
exemple, il n’est pas possible d’y remédier. Cela signifie Tzak K’aniens, pensent que cet honneur est l’apanage
simplement qu’une démonstration—un rituel, une céré- des guerriers tombés au combat ou aux femmes mortes
monie ou un festival—n’a pas été effectuée, ou l’a été à en couches.
un moment inopportun. Conséquemment, la seule chose
à faire est de s’assurer que le rite approprié soit effectué Le Monde intermédiaire
correctement à l’avenir. Demander à ce que la situation Voici le royaume de la Terra, la réalité physique où l’on
soit « réparée » reviendrait à exiger de la Réalité qu’elle se trouve l’Aztlan, la Théah ou l’Ifri. Les Nahuacans pensent
plie à la volonté de simples humains. que la Terra réside sur le dos d’un gigantesque monstre
marin, possiblement un crapaud gigantesque. Les Tzak
Les autres Mondes K’aniens, quant à eux, croient que la Terra n’est que l’une
Parmi les notions profondément liées à l’ordre cosmique des nombreuses réalités que l’on peut rejoindre depuis les
universel se trouve celle des trois Mondes, autrement deux autres Mondes.
appelés Royaumes. Ces sphères d’existence ne sont pas Le Monde intermédiaire contient un lieu d’impor-
totalement séparées les unes des autres, mais chacune tance : ce que les Théans ont traduit par Axis Mundi, le
possède des habitants et des règles qui lui sont propres. Il centre du Monde. Si les Aztlans le placent à des endroits
est ainsi plus courant de trouver des dieux dans le Monde différents (à l’exception des Nahuacans qui pensent que
d’en-haut que sur Terra, par exemple. l’Axis Mundi était la demeure des dieux-rois de l’Empire
Ces Mondes ressemblent plus à des Nations distinctes aztlan et qu’il fut détruit pendant la Chute), ils s’accordent
qui partageraient une frontière avec le nôtre qu’à des tout de même à dire qu’il n’existe qu’un seul et véritable
Réalités à part entière. Ils existent de façon indépendante, centre du Monde. Celui-ci peut se manifester à différents
mais sont tout de même suffisamment proches pour endroits mais il reste, en substance, un lieu unique.
pouvoir exceptionnellement se chevaucher. D’un point L’Axis Mundi est d’une importance capitale car il
de vue physique, ils ne sont pas soumis aux quatre points représente non seulement le lieu de partance des quatre
cardinaux : si l’on s’y réfère par les termes « supérieur » ou points cardinaux, mais également l’endroit qui relie les
« inférieur, » ces noms sont relatifs à leur statut, et non à trois Royaumes. De plus, selon la plupart des cultures,
leur position géographique. Bien sûr, ces dénominations l’Axis Mundi est le meilleur endroit pour communiquer

30 Chapitre 1 | L'Aztlan
avec les dieux. Cela explique pourquoi les Aztlans ont Religion
construit tant de merveilles architecturales aux endroits Les pratiques religieuses des Aztlans sont toutes diffé-
qu’ils pensent être le centre du Monde. Au fil du temps, rentes, ce qui n’est pas en soit étonnant étant donné que
ces lieux sont également devenus les demeures des chaque culture a ses propres divinités, calendriers et prin-
classes dirigeantes. cipes de croyance. Ceci étant, il est tout de même possible
de dégager quelques généralités à partir des pratiques et
L’outre-Monde attitudes présentes dans toute l’Aztlan.
C’est dans l’outre-Monde que reposent les morts. L’une
des caractéristiques les plus répandues dans les croyances Foi et dévotion
aztlanes dit que l’outre-Monde se compose de neuf Ainsi qu’il en a déjà été fait mention, la cosmogonie
niveaux distincts qui vont descendant. Dans toutes les aztlane se base sur l’idée que toutes les choses qui
cultures, les âmes des vivants doivent voyager à travers composent la Réalité sont reliées les unes aux autres.
certains niveaux, parfois tous. Une fois le voyage effectué, Selon les Aztlans—donc les histoires que les dieux leur
elles pourront rejoindre leur lieu de repos éternel au ont racontées, sous une forme ou une autre—les êtres
niveau le plus bas, ou aller au-delà, jusqu’à une destina- humains furent créés dans un but bien précis : servir les
tion céleste. dieux en les adorant et en les vénérant. Certains disent
D’après une autre notion, l’accès à l’outre-Monde est même que ce furent les dieux-rois qui créèrent les Aztlans
possible—et autorisé—depuis certains endroits bien (et tous les autres peuples). En échange, les dieux veillent
précis du Monde intermédiaire, notamment les grottes à ce que le monde suive le cours de son existence dans sa
ou les plans d’eau stagnante. On dit que ces derniers forme actuelle, la seule capable d’entretenir la vie humaine
(surtout les lacs et les sources d’eau naturelles) ont un telle qu’on la connaît.
pouvoir bienfaisant, ce qui pousse guérisseurs ambitieux Cela explique pourquoi la foi n’est pas le fondement de
et patients désespérés à les rechercher. la religion aztlane (du moins pas au sens où les Théans
Paradoxalement, l’outre-Monde est également un lieu l’entendent). Les Aztlans savent que les dieux existent
morbide en pleine décomposition, rempli d’horreurs et et qu’en dépit des apparences, ils aident l’humanité tout
de châtiments innommables. Il existe, par exemple, des entière à perdurer. Sachant cela, les mortels doivent leur
endroits spécifiques pour écorcher les gens ou dévorer offrir leurs pensées, leurs prières et de nombreux sacri-
leur cœur. La plupart des érudits et des prêtres aztlans fices pour les satisfaire. Il s’agit là de leur responsabilité, le
disent que ces épreuves sont nécessaires pour purifier fondement de leur religion.
l’âme des morts avant qu’ils n’atteignent leur destination En substance, dieux et mortels existent au sein d’une
céleste finale. Malgré cela, les terrifiantes histoires de relation mutuellement bénéfique. Grâce au sacrifice
voyages à travers l’outre-Monde ne sont pas destinées primordial, les hommes furent créés et se virent offrir
aux âmes sensibles. un monde sur lequel habiter. Il va donc de soi que les
Il est une culture aztlane qui ne se contente pas humains doivent se sacrifier—au sens figuré—afin de
seulement d’embrasser l’outre-Monde avec toutes les rendre la pareille aux dieux en leur vouant un culte digne
merveilles et les horreurs qu’il comporte, une Nation d’eux. Ainsi, ils s’assurent une existence pérenne car les
qui côtoie les esprits des morts au quotidien : le Kuraq. divinités préserveront l’ordre cosmique tel qu’il est.
Les Kuraques pensent que leurs voisins ne sont que des Ce cycle mystique et infini est la base du mode de vie
idiots superstitieux qui gaspillent ce qui constitue leurs aztlan : sans lui, les peuples natifs des terres d’Aztlan
richesses les plus précieuses : le savoir et les pouvoirs vivraient dans la crainte d’une fin du monde inévitable.
de ceux qui vivent par-delà la mort. A contrario, aux
yeux du reste de l’Aztlan, le Kuraq est un pays peuplé
d’imbéciles, car il faut nécessairement être idiot pour
autant fréquenter les morts.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 31


Rituels et cérémonies
Outre leur dévotion personnelle aux dieux, les Aztlans Les spécificités de chaque rituel varient en fonction
ont institué un certain nombre d’actes d’adoration des différentes cultures. Souvent, les pratiques locales
partagés par tous. Par certains aspects, on pourrait les adaptent ou modifient les cérémonies pour qu’elles
comparer à la messe de l’Église vaticine. Néanmoins, ces conviennent davantage à leurs dieux tutélaires. Il est
différents rituels et cérémonies aztlans revêtent un aspect important de se souvenir qu’au sein d’une même Nation,
éminemment transcendantal et mystique qui n’a rien à chaque communauté possède un lien spécifique avec sa
voir avec les cantiques et les prières des Théans. divinité. Il en résulte des pratiques spécifiques et uniques
En effet, ces rassemblements religieux ont toujours que l’on ne trouve nulle part ailleurs en Aztlan, simple-
des conséquences tangibles. Dans certains cas, il s’agit ment parce qu’elles sont vouées à des dieux qui n’existent
simplement de quelques mots prononcés par le maître qu’à cet endroit-là.
de cérémonie, dans d’autres, les réponses sont directement Il existe toutefois un aspect de ces rituels que partagent
transmises par le monde qui les entourent (ce peut être l’ensemble des peuples d’Aztlan : toutes ces cérémonies
une averse, du vent qui souffle dans une direction anor- se composent d’une séquence spécifique d’actes que l’on
male ou même un événement radical comme le passage répète à chaque fois dans le même ordre, en prêtant une
soudain du jour à la nuit). Lorsque le rituel revêt une attention quasi obsessionnelle aux détails. On peut iden-
importance particulière (dans un moment capital par tifier ces étapes dans presque tous les rituels d’importance
exemple), les dieux peuvent prendre forme devant leurs (ou ceux qui regroupent beaucoup de fidèles).
fidèles et leur répondre en personne. Ces étapes ne sont pas un guide pour mener une céré-
monie, elles mettent simplement en exergue des pratiques
communes. Pour les Aztlans, un rituel constitue une
expérience perpétuelle qui implique de façon organique
les étapes décrites ci-dessous. Celles-ci s’entremêlent donc
dans une tapisserie aussi complexe et facile à comprendre
que le monde qui les entourent.

Déclarer ses intentions


Pour commencer, les participants doivent essayer d’entrer
en contact avec leur dieu en formulant (soit verbalement,
soit par la pensée) la raison du rituel.
À ce moment-là, il n’y encore aucune manifestation, ni
aucun don de pouvoir. Cet état d’esprit est cependant
fondamental si l’on veut réussir à communier
avec le divin. En général, cela implique une
prière, une mélopée ou une méditation
exécutée avant le rituel lui-même,
souvent à un endroit différent.

32 Chapitre 1 | L'Aztlan
SACRIFICES HUMAINS
Dresser les protections Bien qu’elle fut autrefois une pratique répandue,
Une fois l’intention du rituel clairement établie, il est tous les Aztlans ont depuis longtemps aban-
important de dresser certaines protections pour garantir donné les sacrifices humains. Ce type de rite
la sécurité des participants et du dieu qu’on invoque. Ces est désormais unanimement honni, tant par
les personnes au pouvoir que par celles qui
précautions sont souvent de nature mystique et physique,
possèdent un lien avec les dieux.
et sont l’une des raisons pour lesquelles il est compliqué
d’interrompre un rituel.
En général, la tâche incombe au maître de cérémonie.
Elle implique d’inscrire—ou de renouveler—des marques Clôture
qui protègent et sanctifient le lieu. Après avoir mené le rituel à bon terme, le maître de céré-
monie doit s’assurer que le lien avec le dieu est bien rompu,
Bannir les indésirables et purifier et ce pour empêcher que d’autres en abusent. Cette étape
Avant que ne commence le rituel, les participants doivent imite, voire reconstitue, la deuxième étape car elle a pour
s’assurer qu’aucune autre entité ne pourra interférer avec but de protéger à la fois le dieu et les participants de
la cérémonie. Chaque rituel impliquant l’offrande d’un toute intervention extérieure indésirable. Généralement,
pouvoir mystique (souvent sous la forme d’un sacrifice le maître de cérémonie efface ou brise les marques appo-
symbolique) attire des êtres indésirables vers le sanctuaire. sées au début du rituel. Ce faisant, il libère les énergies
Le maître de cérémonie guide donc les participants au mystiques utilisées et rompt la connexion avec le divin.
cours d’une prière, d’un chant ou d’une danse afin de créer
une harmonie ayant pour but de bannir tout indésirable. Restauration et rétablissement
Enfin, tous les participants doivent accomplir un certain
Transe nombre d’actes obligatoires avant de s’en retourner à leur
Une fois que toutes ces conditions ont été remplies, le quotidien, ceci afin qu’ils retrouvent leur individualité et
maître de cérémonie devient le lien entre les mortels et le la perception d’eux-mêmes. En effet, tout rituel—même
dieu. Si tous les participants se partagent équitablement le plus élémentaire—nécessite que les participants entrent
la responsabilité du rituel, seul cet « Intermédiaire » est dans un état de contemplation et d’accueil du divin dont
capable de transmettre les désirs de la communauté à ils doivent ensuite réussir à se détacher.
la divinité, et également de rapporter à l’assemblée tout Lors de cette étape, le maître de cérémonie accomplit
message que lui aura inspiré le dieu. Cette étape est généralement une série secrète de sons ou de gestes qui
particulièrement ardue, à la fois mentalement et physi- ont pour but de « réveiller » les membres de l’assemblée
quement, c’est pourquoi seules les personnes compétentes et de les faire retrouver leur état normal.
tentent d’accomplir cet exploit. La transe peut avoir des
effets secondaires chez le maître de cérémonie, allant
d’une perte de conscience à des mots murmurés dans
une langue inconnue en passant par une danse menée
au rythme d’une musique inaudible, pour ne citer que
quelques exemples.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 33


Les festivals Les Intermédiaires
Les festivals sont des cérémonies dont l’organisation Dans l’ordre cosmique aztlan, seuls les individus quali-
est moins contraignante que les rituels. Beaucoup sont fiés peuvent servir de pont entre l’homme et le divin. Ils
des traditions qui font partie de la culture populaire et possèdent de nombreux noms et des rôles différents selon
qui impliquent des coutumes ritualisées. Leur significa- leur culture, mais ils ont tous une chose en commun : la
tion n’est plus très claire pour ceux qui ne sont ni des mission de maintenir le lien entre les dieux et les mortels.
Intermédiaires, ni des érudits spécialistes du sujet. Ces personnes sont des rois, des reines, des prêtres, des
Ainsi, les festivals aztlans sont le moyen le plus simple de chamanes, des oracles, des devins et des guérisseurs. Ce
faire l’expérience du divin, que l’on soit un jeune enfant ou sont les Intermédiaires des dieux.
même un étranger (y compris un Théan). Lors de ces événe- Toutes les cultures d’Aztlan s’accordent sur l’importance
ments, les membres de la communauté communiquent d’un tel rôle, par conséquent, elles ont mis en place toute
publiquement leur joie pour leurs dieux en reconstituant une série de protocoles pour s’assurer que seules pourront
les histoires de leur vie par la danse, le chant et la narration atteindre ce statut les personnes les plus dignes, les plus
orale. Ces festivals servent à la fois à se rappeler le grand fiables et les plus aguerries. Cela est d’autant plus impor-
ordre des choses, mais également à éduquer les plus jeunes tant en ce qui concerne les dirigeants aztlans : étant donné
en les exposant directement au mode de vie aztlan. Le plus qu’ils peuvent être élus par un conseil d’anciens (comme
souvent, les festivals rendent honneur à tous les dieux, mais dans l’Alliance nahuacane) ou directement nommés par
certains sont réservés à un dieu en particulier. les morts (comme au Kuraq), leur entraînement est encore
En général, les festivals sont célébrés à travers toute plus rigoureux que celui d’un Intermédiaire « ordinaire. »
l’Aztlan aux dates du calendrier correspondant à des Les Intermédiaires sont formés pour assurer la commu-
événements astronomiques majeurs. Ce peut être par nication entre les dieux et le peuple en accomplissant des
exemple au début de chaque saison ou lors d’autres rituels et des cérémonies destinés à apaiser et à célébrer
occasions en rapport avec l’agriculture. Les Nahuacans les divinités. Ceci étant, les dieux choisissent malgré tout
célèbreront davantage des festivals ayant un rapport avec de parler à qui bon leur semble. Ces personnes « choisies »
leurs victoires militaires, tandis que les Tzak K’aniens s’en n’ont dès lors pas besoin d’un Intermédiaire. En vérité,
tiennent traditionnellement à l’ancien calendrier. Sans les dieux jettent souvent leur dévolu sur des individus
surprise, l’Impératrice du Kuraq a proscrit presque tous qui n’ont reçu aucun entraînement afin de leur enseigner
les festivals locaux, déclarant que seuls ceux organisés par eux-mêmes des leçons et ainsi s’assurer qu’ils accom-
l’État devraient être au cœur de la vie des Kuraques. plissent bien leur volonté.
Lorsque l’on interroge les Aztlans au sujet des rituels
sacrificiels exigés par les dieux, la plupart des dirigeants Devenir un Intermédiaire
répondent qu’il ne s’agit pas simplement de verser le sang Les enfants désireux d’entrer au service des dieux
et de semer la destruction, mais au contraire de démontrer reçoivent une forme d’éducation officielle, soit par le biais
sa dévotion profonde et de s’en remettre aux puissances des grandes académies de prêtrise, soit via un mentor dont
supérieures. Les différentes cultures aztlanes possèdent l’expertise n’est plus à prouver. En général, cette éducation
toutes leurs propres histoires expliquant pourquoi et se structure autour de l’étude de sujets divers et variés,
comment ce changement s’opéra ; toutes sont plus ou comme la lecture, l’écriture, l’astronomie, la musique, la
moins d’accord pour dire que l’abandon des sacrifices danse, les protocoles à suivre pour converser avec les
humains fut en partie provoqué par une négociation dieux et l’exécution des rituels. En fonction des cultures,
entres les hommes et les dieux. d’autres domaines peuvent s’ajouter à ce corpus.
Cela étant, afin de préserver la tradition, la majorité L’aspirant doit également surmonter une série d’épreuves
des pratiques religieuses d’aujourd’hui comportent une conçues pour évaluer ses connaissances et sa sagesse, ainsi
forme de sacrifice symbolique : il peut s’agir de brûler que pour lui inculquer l’humilité. Seule une poignée d’aspi-
des effigies ou d’effectuer un rituel où l’on met à mort un rants terminent cet entraînement. Ceux qui échouent sont
animal, lequel est ensuite consommé par les participants tout de même considérés comme des personnes empruntes
du festival (et des autres événements similaires où se de savoir et de sagesse, quelle que soit l’occupation à laquelle
déroulent de tels sacrifices). ils décident ensuite de s’adonner.

34 Chapitre 1 | L'Aztlan
LES AUTRES
La vie d’un Intermédiaire INTERMÉDIAIRES
Celles et ceux qui réussissent considèrent rétrospec- Bien que l’on se concentre ici essentiellement
tivement cette période comme l’âge d’or de leur vie. sur les prêtres et leur entraînement, le terme
En effet, après être devenus des novices reconnus, ces Intermédiaire n’a pas été choisi fortuitement. En
effet, si les prêtres sont les Intermédiaires les
Intermédiaires doivent immédiatement se comporter
plus courants, d’autres personnes « touchées
de manière exemplaire, que ce soit lors des cérémonies par les dieux » font également partie de la vie
ou dans leur vie quotidienne. On attend d’eux qu’ils quotidienne. En fonction de leurs croyances
s’habillent, mangent, parlent et dorment comme leur personnelles, les différentes cultures aztlanes
rang l’exige, et tous sont obligés d’assister les «  véri- reconnaissent l’existence d’individus capables de
tables » Intermédiaires, ceux qui président les rituels et communiquer quasiment à volonté avec les dieux
(les chamanes), à appréhender leurs desseins (les
les cérémonies.
devins), de déceler—et soigner—les maladies
Les apprentis qui parviennent au bout de cet entraî- surnaturelles (les guérisseurs). Vous trouverez des
nement rigoureux de tous les instants deviennent les descriptions plus détaillées de chaque archétype
nouveaux Intermédiaires de leur peuple, sans même s’en d’Intermédiaire dans les chapitres qui traitent des
rendre véritablement compte. Cette période a beau être différentes cultures.
difficile et exigeante, les résultats valent vraiment toute
cette attente : les individus qui ont surmonté toutes ces
épreuves deviennent des intercesseurs mesurés, fiables et Des dirigeants éclairés
avisés entre l’humanité et les dieux. Ils sont dignes de En Aztlan, les souverains doivent non seulement s’ac-
leur titre. quitter de leurs devoirs concernant l’administration
juridique, l’imposition et les problèmes politiques, mais
Communiquer avec les dieux également endosser le rôle de porte-parole du peuple
Devenir un Intermédiaire ne confère pas la possibilité auprès des divinités.
exclusive de communiquer avec son dieu. Certes, ces En effet, selon la philosophie aztlane, seule une personne
personnes parlent et s’adressent aux dieux, mais ces capable de comprendre et d’interagir avec les dieux est
derniers ne communiquent pas qu’avec eux. digne de régner. Après tout, qui d’autre pourrait trans-
La communauté choisit son Intermédiaire et lui donne mettre aux dieux les besoins et les désirs de son peuple ?
une place d’influence dans la société car il remplit un Ainsi, les différents peuples exigent de leurs dirigeants
devoir sérieux et influent. Cependant, les dieux se préoc- un talent administratif certain ainsi qu’une sagacité
cupent peu de savoir qui est un Intermédiaire et qui ne développée en matière divine. Sans cela, un souverain ne
l’est pas : ils choisissent simplement les personnes à qui saurait manier son pouvoir correctement.
ils souhaitent parler. Les Aztlans comptent donc sur leurs dirigeants pour les
Dans les faits, ils accepteront plus facilement l’adora- défendre contre les forces malfaisantes venues d’un autre
tion de ceux qui connaissent les rituels adéquats et les Monde, converser avec les dieux grâce aux Intermédiaires
différentes formes de vénération, ce que les Intermédiaires et, en substance, maintenir l’ordre dans l’univers grâce
maîtrisent parfaitement. Cependant, d’autres personnes à leur position privilégiée. Si, traditionnellement, les
en Aztlan parviennent à interagir directement avec leurs dieux ne s’impliquent pas dans les affaires quotidiennes
dieux. Cela se passe chaque jour car ici et là les dieux du souverain, ils peuvent se manifester quand bon leur
ont besoin que les humains remplissent des tâches qu’ils semble pour l’obliger à respecter ses obligations.
leur confient. C’est pour cela qu’aux yeux des Aztlans, leurs dirigeants
sont des êtres d’exception semi-divins : chacun est simple-
ment le meilleur représentant de son peuple. Les Théans
ont parfois pris cet aspect pour une sorte de dévotion
envers les souverains, alors qu’en vérité, il s’agit simple-
ment d’une réaffirmation de la valeur de ces individus. Si
l’un d’eux venait à se montrer indigne de sa charge, les
Aztlans feraient en sorte de le destituer.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 35


Dieux et créatures notables
Les extraits suivants sont tirés du journal d'une exploratrice castilliane qui cherchait à comprendre les légendes du Nouveau monde.
Notons en avant-propos que la plupart des Aztlans seraient en désaccord avec les conclusions ici présentées.

Morceaux choisis de l'Historia Naturalis Mundi Novi : Opus Tripartitum


(« Histoire naturelle du Nouveau monde : une œuvre en trois volumes »),
par Alfonsina del Carmen Ezkibel de Hurtado

Extrait de la préface
Ce livre est incomplet, et il le restera essayer d’aller au bout de ce qu’il m’est consignent, aussi fidèlement que possible,
à jamais. possible de faire. la vérité sur les mystères de l’Aztlan,
Une vie entière consacrée à l’étude de J’espère avant tout que cet ouvrage depuis la plus septentrionale des cités de
l’Aztlan ne suffirait pas à le terminer. En servira d’invitation, d’appel aux auda- l’Alliance nahuacane jusqu’à la dernière
vérité, je pense que plusieurs vies sont cieux qui auront le courage de venir pucará tout au sud du Kuraq.
nécessaires pour achever cette chronique ici pour vouer leur vie—tout comme J’aimerais avoir récompense plus
des merveilles et des horreurs dont recèle moi-même et beaucoup d’autres—à matérielle à offrir que mes simples mots,
le Nouveau monde. Pour autant, je vais cette cause commune. Qu’ils explorent et mais hélas, c’est tout ce dont je dispose.

Extraits du Volumen Primus : De Amicitia Nahuacane


(« Premier volume : de l’Alliance nahuacane »)
Les ahuitzotls
Les Nahuacans disent que ces « êtres bredouilles, voire ne reviennent pas queue préhensile puis les entraînent dans
aquatiques épineux » (traduction approxi- du tout. Les quelques-unes qui ont été les profondeurs pour les noyer. Ils ne
mative depuis leur langue vers la nôtre) couronnées de succès—elles ne sont mangent que les yeux, les ongles et les
ressemblent à des chiens noirs à la peau pas nombreuses—ont mis en exergue dents, délaissant le reste du corps qui finit
lisse, couverts d’épines, dont la queue se quelques points communs en comparant tôt ou tard par remonter à la surface.
termine par une main. Ils auraient un leurs observations aux divers comptes Les Aztlans disent que les ahuitzotls
appétit insatiable pour certaines parties de rendus et autres témoignages. L’expédition « chassent les mortels à la demande de leur
l’anatomie humaine, une particularité qui menée par Dina de Firenze révéla ainsi créateur. » Après moult recherches minu-
les rend extrêmement difficile à étudier. que les ahuitzotls semblent vivre dans tieuses et entretiens avec les indigènes, un
Conséquemment, la plupart des expé- les eaux côtières peu profondes. Ils consensus semble émerger : ces créatures
ditions qui partent les chasser reviennent capturent leurs victimes grâce à leur auraient été créées par Tlacatpochtli,

36 Chapitre 1 | L'Aztlan
le dieu de la pluie du folklore nahuacan. c’est justement ce que Tlacatpochtli leur Pourquoi Tlacatpochtli demande t-il
En effet, dans un rapport écrit par sir demande : « les âmes des Élus. » de telles offrandes charnelles à ses
Charles Dibber, une native les évoque Certaines questions sur les ahuitzotls molosses ?
en ces termes : « les molosses de demeurent toujours sans réponse : Si l’on venait à survivre à une
Tlacatpochtli. » Si l’on en croit ses dires, Pourquoi l’âme ne se trouverait-elle attaque—et à la noyade—pour-
ils ne mangent que les yeux, les ongles et que dans les yeux, les ongles et les rait-on découvrir leur repaire au fond
les dents car c’est là « que réside l’âme, » et dents ? de l’océan ?

Les ohuican chaneques


Tuomas Kides fut le premier à référencer inexpliquées sont mises sur le compte des étudiées par Dominga Muñoz. On ne
les ohuican chaneques. Beaucoup de ohuican chaneques. sait pas encore s’il s’agit d’une seule et
Nahuacans considèrent ces créatures— Leur caractéristique la plus répandue même espèce ou de créatures cousines.
par bien des aspects similaires à des serait une capacité à causer un effroi Enfin, il est intéressant de noter que les
esprits—comme des élémentaires de la tel que l’âme de l’individu quitterait ohuican chaneques possèdent également
nature voulant défendre leur terre contre son corps pour se retrouver prisonnière des similarités avec nos duendes castillians
les intrus. L’érudite Davena Bowles en au-dehors. François Moreau affirme que et les gobelins montaginois.
parle quant à elle en ces termes : « ils plusieurs témoins ont attesté du fait que Certaines questions sur les ohuican
peuvent revêtir l’apparence de jeunes quiconque se fait attaquer et ne récupère chaneques demeurent toujours sans
enfants ou de vieilles personnes pour pas son « âme » à temps subit une mort réponse :
convaincre un quidam de les suivre atroce. On peut ainsi croiser, ici et là Pourquoi guident-ils seulement
jusqu’au Mictlan [l’outre-Monde des en Aztlan, des expéditions qui sont à la certaines personnes jusqu’au
Nahuacans]. » recherche de ces « âmes perdues. » Ces Mictlan ? Est-ce une sorte de
Les divers témoignages recueillis récits ont permis aux érudits théans d’ob- punition ? Comment peut-on leur
s’accordent à dire que si une victime tenir une preuve nouvelle de l’existence échapper ?
parvient à leur échapper, on la retrouve de l’âme et de son importance vitale à
généralement sur le chemin menant l’existence humaine. Pourquoi perd-on la mémoire après
jusqu’à chez elle, sans aucun souvenir Il existe une espèce possédant des les avoir rencontrés ? Est-il possible de
de ce qui lui est arrivé pendant son caractéristiques similaires dans les cités- conserver ses souvenirs ?
absence. Cela peut notamment expliquer États du Tzak K’an : les aluxo’ob (singu- Comment faire pour récupérer son
pourquoi la majorité des disparitions lier : alux). Celles-ci sont actuellement âme après avoir été attaqué ?

Les quinametzin
Les seuls vestiges des Syrnes que d’Ōlōxochicalco—ou bien quand on Ragnvaldr Hendel fut le premier à
nous pouvons trouver en Théah sont parcourt les artères de la titanesque cité effectuer des recherches sur ces créatures.
quelques rares ruines disséminées de Tlaichtacān. Ces constructions, qui Pour cela, il s’est appuyé sur des archives,
ici et là. Que diraient nos savants en « défient le réel, » ont laissé perplexe des chansons et des gravures. Nombreux
observant les magnifiques pyramides plus d’un architecte théan. Tous se sont les érudits qui ne prêtent aucun
aztlanes qui défient les cieux ou, mieux sont avérés incapables de proposer crédit à ses conclusions, mais il serait
encore, les cités entières aux dimensions la moindre méthode—qu’elle soit tout de même inconvenant de rejeter
cyclopéennes que l’on trouve ici et là en passée ou présente—permettant de ces travaux simplement parce qu’ils
Aztlan ? Les légendes nahuacanes disent reproduire ces structures gigantesques. s’appuient sur des « contes populaires. »
qu’il s’agit de l’héritage des quinametzin, Les Nahuacans ne possédant pas la Les histoires traduites par le Vesten font
des géants qui peuplaient le monde à technologie nécessaire pour bâtir de état d’une « colère des dieux » consécu-
ses débuts. telles merveilles, ils ne l’avaient donc tive au fait que les quinametzin ne les
On trouve des preuves de l’exis- pas non plus en ces temps reculés où auraient pas « vénérés convenablement »
tence des quinametzin partout dans elles furent construites. et auraient commis de « graves péchés. »
l’Alliance nahuacane, par exemple Mais, me demanderez-vous, pourquoi La vérité concernant ces informa-
lorsque l’on contemple l’impression- ces titans ont-ils disparus ? Quelle sorte tions—comme tout ce qui a trait aux
nante Mīlllahco—la grande pyramide de catastrophe a bien pu signer leur fin ? quinametzin—reste encore à découvrir.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 37


Si l’on s’en tient à des consi- croyance pourrait s’en retrouver changé Comment ont-ils construit Mīlllahco,
dérations purement terre à terre, à jamais. la Grande pyramide d’Ōlōxochi-
certaines personnes impliquées dans Après tout, que pourrions-nous faire, calco ? Quelqu’un détient-il encore ce
le « Mouvement nahuacan pour la pauvres mortels que nous sommes, faces secret quelque part en Aztlan ?
restauration » soutiennent l’idée que à des créatures si puissantes ? Qu’est-ce Existe-t-il encore des quinametzin ?
la meilleure façon de renouer avec les qui les empêcherait de renverser non La cité de Tlaichtacān pourrait-elle
merveilles d’antan est de retrouver les seulement l’Alliance, mais également être leur demeure et/ou leur cachette ?
descendants des quinametzin. Il reste l’Aztlan dans son ensemble, voire—
désormais à déterminer s’il s’agit là Theus nous préserve—la Théah ? Si les quinametzin sont vivants, et
d’une simple chimère ou d’une piste Certaines questions sur les prêts à parlementer, rejoindront-ils
bien concrète. Si ces descendants quinametzin demeurent toujours sans le Mouvement nahuacan pour la
existent bel et bien, notre système de réponse : restauration ?

Les victimes d’Ehecah Totech


Ehēcah Totech est l’une des divinités puisse revêtir notre seigneur le Détenteur Certaines questions sur les victimes
nahuacanes les plus déroutantes. Elle [Ehēcah Totech]. » d’Ehēcah Totech demeurent toujours
incarne en effet l’union d’éléments en Au terme de son enquête, Kuznetsov sans réponse :
apparence opposés, ce qui échappe découvrit que les corps dépecés ne Comment furent-elles maintenues en
souvent à notre paradigme vaticin. meurent pas au terme du rituel. Ils vie pendant qu’elles étaient dépecées ?
Ce dieu est en effet lié à l’agriculture, poursuivent en effet leur existence avec Quelle sorte de crime mérite un
la végétation, le printemps, la maladie, une seule motivation à l’esprit (que l’on châtiment aussi horrible ? Cette
la guerre et le dépeçage. présume dérangé) : trouver une peau cérémonie pourrait-elle encore avoir
Les réceptacles, c’est à dire ceux qui humaine dont se recouvrir. La véritable cours aujourd’hui ?
attirent l’attention d’Ehēcah Totech—et tragédie réside dans le fait que même s’ils
que je nommerai « victimes » à partir atteignent leur horrible but, la peau qu’ils Pourquoi les victimes continuent-elles
de maintenant—furent décrits pour auront trouvée se désagrègera au contact à vivre malgré le terrible tourment
la première fois par Zina Ludmila de leur chair à nu, comme s’ils avaient qu’elles ont enduré ? Possèdent-elles des
Kuznetsov. Elle assista à une cérémonie été bénis (ou maudits) par leur dieu. faiblesses ? Si oui, lesquelles ?
en l’honneur du dieu au grand temple La seule partie rassurante du rapport Existe-t-il un moyen de les apaiser ou
de Pepechotlan. Ce rapport contient le ussuran, du moins si l’on porte crédit de leur offrir une mort digne de ce
témoignage de l’un des prêtres d’Ehēcah aux informations données par les érudits nom ?
Totech affirmant que « [les victimes] sont nahuacans, est que ces cérémonies ne
dépecées vivantes pour que leur peau sont plus pratiquées depuis longtemps.

Extraits du Voluminen Secundum : De Civitate Tzak K’ani


(« Deuxième volume : des cités-États du Tzak K’an »)
Les b’olon t’oons
On a longtemps cru que les b’olon rejeté ces conclusions—les considé- Un groupe d’explorateurs, menés
t’oons étaient des divinités du panthéon rant comme le simple délire d’une par une certaine Gionata Vincenzo
tzak k’anien, mais il s’avère finalement folle—mes sources les plus fiables m’ont Guerino Gregorio Cisternino, déclara
que ces « neuf foulées »—une traduc- confirmé que la théorie d’Hildr fut, en un jour en avoir rencontré. Après une
tion plutôt approximative—sont des son temps, corroborée par plusieurs longue conversation, il paraîtrait que
êtres plus simples et, paradoxalement, sages tzak k’aniens. ces créatures leur confièrent « le message
bien plus terrifiants. Si l’on en croit L’ensemble des témoignages recueillis des b’olon t’oons. » Le contenu de ces
les recherches de Magnhildr Hildr, il concordent sur le fait que les b’olon paroles est malheureusement inconnu
s’agirait purement et simplement des t’oons ont neuf pattes. En revanche, car Gionata et ses compagnons se
« esprits de destruction qui se mani- toutes les autres informations recueillies volatilisèrent mystérieusement avant
festent à la fin de chaque monde. » Bien sont, au mieux, contradictoires, au pire, de pouvoir les coucher par écrit. On
que beaucoup d’érudits théans aient à peine déchiffrables. raconte également qu’un autre groupe

38 Chapitre 1 | L'Aztlan
aurait un jour entrepris un voyage ce qui restera donc une rumeur. Quel message ont-ils à confier ? Celui-ci
« jusqu’à une région dans les nuages, Certaines questions sur les b’olon concerne-t-il la fin du monde ?
bien au-delà des frontières observables t’oons demeurent toujours sans Peut-on les chevaucher sans risque ?
du ciel » en compagnie de ces créatures. réponse : Quel serait le prix d’une telle chevau-
Malheureusement, leur disparition rend Peut-on réellement survivre après les chée ? Où nous emmèneraient-ils avec
impossible toute possibilité de confirmer avoir rencontrés ? Si oui, comment ? leurs neuf pattes ?

Les camazotz
Ce nom, qui signifie littéralement se sont approché, sans le savoir, d’une notes de sa traduction, Cruz Villaverde
« chauve-souris de la mort, » fait aussi grotte ou d’un puits qui n’étaient que précise : « ces créatures viennent proposer
bien référence à l’essaim de chauve-souris des ouvertures sur l’outre-Monde. Ces aux humains les marchés du dieu Kimi,
qui réside à Xibalba—l’outre-Monde créatures ailées semblent toujours prêtes dont les termes sont toujours défavo-
des croyances tzak k’aniennes—qu’au à protéger leur royaume, emportant avec rables pour qui les accepte. »
message de Kimi, le dieu de morts. elle les voyageurs imprudents jusqu’à Certaines questions sur les camazotz
Un des principaux récits relatifs aux Xibalba. Le Livre du peuple relate trois demeurent toujours sans réponse :
camazotz se trouve dans la traduction occasions où les camazotz ont quitté Qu’est-ce qui peut bien les énerver
du Livre du peuple, par Trinidad Cruz Xibalba pour venir assombrir le ciel au point qu’elles assombrissent le ciel
Villaverde. Le texte les décrit ainsi : d’Aztlan et mentionne que, chaque d’Aztlan ?
« extrêmement dangereuses et d’appa- fois, cela a apporté malheurs et désastres
rence squelettique, ces chauve-souris sur les personnes qui avaient provoqué Comment repérer les entrées vers
peuvent atteindre une taille gigantesque leur courroux. l’outre-Monde ? Peut-on survivre si
et sont capables de décapiter un humain Ce même livre décrit une autre elles nous entraînent jusque là-bas ?
d’un coup rapide et unique. » espèce qui leur est sans doute liée, celle Quel message de l’outre-Monde
Le principal problème avec les « d’hommes aux ailes de chauve-souris. » apportent-elles quand elles appa-
camazotz est que l’on peut les rencontrer Ceux-ci, moins féroces que leurs congé- raissent au nom du dieu Kimi ?
par accident. Cela est par exemple nères, semblent paradoxalement bien Quelles sont les conditions de leur
arrivé à de malheureux explorateurs qui plus dangereux. En effet, dans l’une des marché ?

Les mannequins
Parmi les légendes et les histoires que la vie, ils échouèrent. Les mannequins Je suis, depuis ce jour, incapable de
j’ai étudiées lors de mes voyages à sont la résultante de cet échec. Sculptés chasser cette image de mon esprit, et j’ai
travers l’Aztlan, une a instillé la peur dans du bois mais d’apparence trompeu- peur qu’elle me hante jusqu’à la fin de
dans mon cœur. J’aurais aimé pouvoir sement humaine, ils marchent depuis mes jours.
la considérer comme un simple conte parmi les vivants. La plupart du temps, Certaines questions sur les manne-
destiné à effrayer les plus jeunes, on ne les remarque même pas tant ils quins demeurent toujours sans réponse :
malheureusement, mon expérience nous ressemblent. Il n’y a que deux Comment faire pour les repérer ?
personnelle m’a montré l’horrible réalité signes qui puissent les trahir : ils sont Quel genre de magie nous empêche de
des mannequins. muets et leur regard est inexpressif et les détecter ? Les mortels peuvent-ils
Au cours de l’une de mes expé- sans vie. l’utiliser ?
ditions au Tzak K’an, j’ai entendu J’eus le privilège—ou la malchance,
quelques rumeurs les concernant. Les tout dépend du point de vue—d’être Quel sortilège permet de les invo-
indigènes prenaient d’abord toujours présent lorsque la nature de l’une de ces quer ? À défaut, où peut-on les
soin de les chuchoter, puis ils adres- créatures fut révélée. Aussi étonnante trouver ? Quels est le prix à payer
saient des prières enfiévrées à leurs fut l’expérience, elle n’aurait toutefois ou les ingrédients à utiliser pour une
nombreux dieux. été qu’anecdotique si, deux jours plus telle incantation ?
Lorsque les dieux tzak k’aniens tard, je n’avais pas vu mon sosie quitter Si l’on parvenait à les invoquer,
voulurent pour la première fois créer la cité pour s’enfoncer dans la jungle. comment pourrait-on les arrêter ?

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 39


Les pet mo’
D’après les croyances tzak k’aniennes, la particulièrement préjudiciables à notre réputé ni pour sa retenue ni pour son
Terra ferait partie d’un continuum de cause savante en Aztlan. sens de la mesure, surtout lorsqu’il s’agit
mondes. Les pet mo’ (les « descendants » De nombreuses sources fiables m’ont d’acquérir une puissance qui ne lui
en tzak k’anien) sont l’une des illustra- confirmé que Montagna dépêcha appartient pas.
tions les plus célèbres de cette théorie. et mena plusieurs expéditions pour Certaines questions sur les pet mo’
La première itération connue de ce rechercher les descendants des premiers demeurent toujours sans réponse :
nom fait référence au « Soleil unique pet mo’. Il semblerait en effet que Que demandent-ils en échange de
et véritable. » Les légendes disent qu’il ces créatures possèdent en elle une leurs connaissances sur le monde
s’agit d’une divinité tombée du ciel partie des pouvoirs et du savoir de d’avant ?
à cause des Jumeaux héroïques (de leur géniteur.
célèbres héros légendaires du folklore On dit que les informations qu’il Peuvent-ils être vaincus ? Quelles sont
tzak k’anien) qui aurait eu une descen- a recueillies au fil de ses recherches leurs faiblesses ?
dance en Aztlan : les pet mo’. Tout cela confirmeraient que les pet mo’ seraient Est-il possible que les premiers pet mo’
serait resté de l’ordre du mythe sans capables, moyennant rétribution, de aient un pouvoir équivalent à celui
l’obsession à leur sujet de Fiorenzo « transmettre le savoir du monde du Soleil unique et véritable ?
Montagna, le tristement célèbre pilleur précédent. » On ignore le prix exact
de tombes vodacci dont les actes furent de ce privilège, mais Montagna n’est

Extraits du Voluminen Tertium : De Impero Kuraq


(« Troisième volume : de l’Empire kuraque »)
Les amarus
Les amarus sont de gigantesques peuvent transcender le plan matériel hypothèse, si elle était confirmée, ferait
serpents bicéphales—une tête d’oiseau et rejoindre l’ailleurs. » Ce qu’est cet immédiatement d’eux des acteurs
et une autre de puma—qui vivent dans « ailleurs » ne fait pas consensus : la politiques majeurs dans l’Empire, et par
la cordillère d’Hark’apa. majorité des théories s’accordent à extension dans toute l’Aztlan.
Ces créatures furent découvertes par dire qu’il fait référence à l’Ukhu Pacha, Certaines questions sur les amarus
Caridad Vega de Ochoa, le premier l’outre-Monde des croyances kuraques, demeurent toujours sans réponse :
Théan à pénétrer au Kuraq. mais d’autres études ont au contraire Peut-on négocier avec eux une
Sa compagne et biographe, Cristina abouti à la conclusion qu’il existerait chevauchée jusqu’à l’outre-Monde ?
Mata, écrivit alors que « les amarus une connexion entre les amarus et le Que demanderaient-ils en échange ?
volaient bien au-dessus de la cordillère Monde d’en-haut, dont ils garderaient Où déposeraient-ils les voyageurs ?
d'Hark’apa lorsqu’ils disparurent soudai- l’entrée. Quoi qu’il en soit, leur rôle
nement, comme si, d’une seconde à précis vis-à-vis des autres Mondes Peuvent-ils nous apprendre quoi que
l’autre, ils étaient devenus immatériels. » demeure à ce jour un mystère. ce soit sur Supay, qu’il s’agisse de ses
Cela s’est avéré cohérent par rapport On notera que certaines hypothèses intentions ou, mieux, de ses faiblesses ?
aux témoignages recueillis par la associent les amarus à Supay, dieu de Sont-ils réellement liés à Supay ?
suite en interrogeant explorateurs et la mort et protecteur de l’Impératrice Si oui, peut-on les empêcher de
savants. Ainsi, selon les mots rapportés du Kuraq, affirmant qu’ils seraient ses communiquer à leur dieu ce qu’ils
par Augustin Bisset, « ils [les amarus] yeux et ses oreilles en Aztlan. Cette voient et entendent ?

40 Chapitre 1 | L'Aztlan
Les inkarris
Les inkarris sont de défunts dirigeants une menace pour ceux qui tenaient les Dès lors, ils se mirent à la recherche de
kuraques qui furent démembrés et n’ont rênes du pouvoir. Ces derniers, par peur celles et ceux qui leur avaient infligé
jamais été momifiés. On les condamna de ce que ces opposants pourraient leur cette terrible malédiction, car ils avaient
ainsi à vivre emprisonnés dans ce faire dans l’après-vie, décidèrent de les désormais soif de vengeance. »
monde, sans jamais pouvoir devenir démembrer et d’inhumer leurs restes Certaines questions sur les inkarris
des Vénérables. Dans cette culture où la en divers endroits de l’Aztlan, et ce afin demeurent toujours sans réponse :
différence entre vie et mort est à peine qu’ils ne puissent jamais communiquer Peut-on discuter avec eux pour
perceptible, l’existence des inkarris avec leurs descendants. Si leur plan obtenir des informations ? Quels
démontre que même la mort ne peut était parfait sur le papier, les résultats seraient les termes d’une telle
empêcher les plus déterminés de guider confinèrent cependant au fiasco : non négociation ?
leur peuple. seulement les inkarris réussirent à
Le plus intéressant chez les inkarris déjouer ce châtiment, mais ils jurèrent Une fois leur vengeance accomplie,
n’est finalement pas qu’ils soient en plus d’exercer leur vengeance sur rejoindront-ils l’Impératrice ou la
toujours en vie, mais plutôt qui leur a ceux qui les avaient condamnés. résistance ?
permis de continuer à vivre. Le témoignage d’un dénommé Où se trouve la cité perdue de Kachu
On chuchote ainsi—mais pas trop Pachakutek indique que « les corps des Pual ? Peut-on y rencontrer le dieu de
fort, évidemment, nous sommes au inkarris furent rapiécés par Supay au la mort ?
Kuraq—que les inkarris constituaient cœur de la cité perdue de Kachu Pual.

Les unu pachacutis


Les croyances kuraques disent qu’il sera portée par les unu pachacutis, les reste à faire est d’implorer son pardon et
existait une civilisation avant l’Empire, esprits du déluge qui mirent fin au de dédier leur vie à la volonté de Theus.
un pays qui fut englouti par un gigan- monde précédent. Certaines questions sur les unu
tesque déluge. Les légendes disent que Si beaucoup de Kuraques ignorent ce pachacutis demeurent toujours sans
Ninaq’ara, le père des dieux, invoqua qu’ils ne considèrent que comme des réponse :
des esprits pour déchaîner ce cataclysme légendes, d’autres ont tout de même Quels actes répréhensibles pourraient
sur le peuple qui habitait autour du lac commencé à renoncer en secret aux amener un nouveau déluge sur le
K’ayra. Seuls un homme et une femme enseignements de l’Empire, effrayés par monde ? La Théah s’en trouverait-elle
survécurent. On raconte qu’ils vivent la possibilité que Ninaq’ara déchaîne affectée ?
encore de nos jours. son courroux sur eux—et l’Aztlan
Répondant aux noms de Ñawpaq et toute entière—plus tôt que prévu. Ils N’obéissent-ils qu’aux ordres de
d’Iskay, ils voyagent aujourd’hui dans considèrent ainsi que les catastrophes Ninaq’ara ? Peut-on les contrôler
tout l’Empire pour mettre en garde climatiques récentes et les pluies dilu- grâce à une magie spécifique ?
les Kuraques : s’ils n’y prennent garde, viennes jusque-là inédites sont la preuve Une fois relâchés, peut-on les arrêter ?
leurs « actes malfaisants » déclencheront concrète que le dieu a déjà invoqué les Si oui, quel genre de rituel ou
une nouvelle apocalypse, et celle-ci unu pachacutis. La seule chose qui leur sacrifice serait nécessaire ?

Les oqe phutiy


Les oqe phutiy sont des phénomènes messages, leur volonté divine : annihiler les vénérer en tant qu’incarnations des
nés de l’arrivée des Théans en Aztlan. toute présence théane au Kuraq, ainsi wak’as, ou ‘oqe phutiy’. »
Les croyances kuraques disent ainsi que dans le reste de l’Aztlan. Aussi dérangeants ce rapport—et
que les wak’as (« esprits sacrés » en L’exploratrice rzeplitaine Terézia d’autres similaires—soient-ils, il
kuraqi) furent grandement agacés par Szöke, présente lors de l’apparition de semblerait que nous autres Théans ne
la présence d’étrangers qui profanaient wak’as, témoigne qu’« ils firent parler puissions pas faire grand-chose. Toutes
les terres pures du Kuraq. Ils commen- les possédés d’une voix étrange, puis se les expéditions envoyées sur les lieux
cèrent donc à prendre possession de peignirent le visage en rouge avant de des manifestations d’oqe phutiy n’en
certains Kuraques, les faisant danser se rendre dans un lieu fait de pierres ont jamais vu aucune trace. De plus,
au son d’une musique silencieuse et sacrées dressées. Ils y demeurèrent après avoir témoigné au sujet des wak’as,
proclamant, par le biais de mystérieux tandis que les Kuraques se mirent à Szöke ne fut plus jamais revue. En dépit

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 41


de la récompense considérable offerte Certaines questions sur les oqe phutiy Quel genre de rituel permettrait
en échange d’informations sur son demeurent toujours sans réponse : d’achever leur œuvre et de déchaîner
emplacement, elle n’a toujours pas été Peuvent-ils prendre possession de le pouvoir des wak’as sur les Théans ?
retrouvée. Depuis sa disparition, rares n’importe qui ? Quels sont les traits Quelle est la nature de leur relation
sont les aventuriers disposés à entre- que partagent les possédés ? Pourquoi avec la résistance kuraque ?
prendre une telle quête. se peignent-ils le visage en rouge ?

Addendum : De Deis Mundi Novi


(« Des dieux du Nouveau monde »)
Dans notre quête pour comprendre en plus, elles semblent pourvues d’une philosophie ou des textes canoniques de
et consigner l’existence de ces diverses puissance et de pouvoirs qui dépassent l’Église vaticine.
entités vivantes, nous en avons tout ce que nous pourrions considérer Vous trouverez ci-après divers
rencontré certaines qui échappent à comme « naturel. » Conséquemment, témoignages concernant certains de ces
toute forme de classification. Non j’ai eu recours à un langage qui n’est dieux—car aucun autre nom ne leur
seulement elles sont bel et bien pas fondamentalement naturaliste, siérait mieux—qui arpentent actuelle-
immortelles—leur existence avoisine mais qui ressemble davantage à ce que ment l’Aztlan.
les siècles, voire les millénaires—mais l’on pourrait lire dans des traités de

Ayar Kachi
Ayar Kachi, le frère de Manqu Qhapaq, à dire que le comportement violent qu’Ayar Kachi est toujours endormi.
est connu comme « le géant piégé sous d’Ayar Kachi en fut la cause principale, Personne ne sait exactement quels
la cordillère d’Hark’apa. » Il serait, une information qui s’avère particuliè- genres d’horreurs ce dieu pourrait
dit-on, d’une force extraordinaire. rement crédible lorsque l’on sait que les répandre sur le Kuraq et le reste de
Nombre d’histoires parlent ainsi d’une Kuraques peuvent communiquer avec l’Aztlan s’il parvenait à s’échapper de
puissance « sans égale, » tandis que leurs défunts ancêtres. sa prison.
les récits plus poétiques—et souvent On ne sait pas s’il en est l’instigateur, Ayar Kachi a beau être enfermé sous
plus exagérés—évoquent de véritables mais Manqu Qhapaq n’est clairement une montagne, il prend régulièrement
exploits, par exemple lorsqu’il détruisit pas étranger à cette captivité. Bien qu’il contact avec des oracles et des prêtres.
une montagne d’une seule pierre de ne soit techniquement plus en vie, il a Un culte lui est en effet dévoué, en
sa fronde. fait part, à plusieurs reprises et à travers dépit de la vigilance de Manqu
Ayar fut emprisonné par ses frères différents réceptacles, de sa résolution Qhapaq pour le maintenir isolé du
quelque part dans les cavernes de sans faille à empêcher que son frère ne reste du monde. Certains prêtres, que
Llakipakuy. L’emplacement exact de s’échappe de sa prison. Ce sont ainsi des l’on retrouve souvent infiltrés dans
cette prison demeure un mystère, tout richesses considérables qui sont offertes l’armée du Kuraq, le prient ainsi en
comme la raison de cette détention. à quiconque ose s’aventurer dans les échange de force et de pouvoir.
Plus d’un historien kuraque s’accorde cavernes de Llakipakuy pour s’assurer

42 Chapitre 1 | L'Aztlan
Nacatlicue
Une autre de ces histoires qui sait mettre La déesse fut assassinée par quatre libérée, rien ne dit que seule sa progé-
à l’épreuve nos notions théanes de bien cents de ses propres enfants, parmi niture subirait les conséquences de sa
et de mal est celle qui relate la chute lesquels se trouvait sa fille la plus juste vengeance.
de Nacatlicue. Elle fut consignée dans rancunière, Coyolxauhqui. La Mère Nacatlicue possède des adorateurs
notre langue grâce aux vaillants efforts mortifère des Nahuacans donna alors la partout en Aztlan, pas seulement
de Mies Willy Van Hofwegen, le chef de vie au dieu Huitzilopochtli qui apparut, dans l’Alliance nahuacane. Ses
l’Intrépide compagnie des farfouilleurs. armé, pour protéger sa mère. Intermédiaires sont les prêtres et,
On dit de Nacatlicue, la « Mère La colère qu’elle nourrit à l’encontre d’une manière générale, les dirigeants
mortifère » des Nahuacans, que son de Coyolxauhqui et du reste de ses de sa foi. Elle les guide dans leurs
corps est dépecé de la tête à la taille, ce enfants n’a fait que croître au fil du activités agricoles et ceux qui suivent
pourquoi son apparence est sûrement temps. Elle a ainsi promis d’anéantir ses conseils obtiennent les récoltes les
plus déstabilisante que celle de n’im- tous ceux de ses rejetons qui l’ont plus foisonnantes et les meilleures
porte quel autre dieu aztlan. trahie, mais si sa fureur venait à être bêtes d’élevage.

Lum Pak’ et Cabrakan


Ces frères jumeaux sont respectivement des Théans, et je me porte garante d’elle Lum Pak’ et Cabrakan possèdent
les dieux des profondeurs et des trem- sans la moindre hésitation. Lum Pak’ est chacun une poignée de fidèles
blements de terre. Les croyances tzak donc peut être encore en liberté. éparpillés à travers les cités-États
k’aniennes les décrivent comme violents Son frère, Cabrakan, est a priori du Tzak K’an. Cabrakan n’a pas
et arrogants, au point que la population a encore plus dangereux. On le décrit d’Intermédiaire dédié. De temps
majoritairement peur d’eux. comme « un esprit caractériel qui n’a en temps, quelqu’un prétend avoir
Lum Pak’ était un gigantesque cure des êtres vivants ou de quelque eu une vision d’une secousse sous
caïman, si puissant qu’il était capable de forme d’adoration que ce soit. » Les ses pieds, mais cela n’amène que
créer des montagnes. Les récits disent rapports disent que les montagnes rarement à quelque chose de concret.
que les Jumeaux héroïques s’en débar- mouvantes s’accompagnent généra- Au contraire, Lum Pak’ communique
rassèrent en le transformant en pierre. lement d’une baisse significative des régulièrement avec ses prêtres. Ceux-ci
Cependant, si l’on en croit quelques séismes dans les cités-États du Tzak vivent essentiellement à Yok’ol, une
rapports troublants faisant part de K’an. On ignore s’il s’agit des actions petite cité-État dédiée à son culte.
montagnes qui surgissent de nulle part combinées des deux dieux, ou de signes La majorité des Tzak K’aniens ne
puis disparaissent sans aucune explica- annonciateurs d’un cataclysme naturel, connaissent pas ce culte, mais ceux
tion, il se pourrait que le récit de cette mais quoi qu’il puisse en être, le devoir qui ont la malchance de croiser sa
défaite ne soit rien d’autre qu’un conte de tout érudit digne de ce nom est de route comprennent pourquoi Lum
de fées. Elspet MacKendrick fit notam- découvrir la vérité qui se cache derrière Pak’ est craint de tous depuis des
ment le récit d’un tel événement. Cette ces événements et, si possible, d’aider les siècles.
exploratrice intrépide a vu et entendu Tzak K’aniens à trouver une solution à
plus de choses en Aztlan que la plupart leur(s) problème(s).

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 43


44 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane
Chapitre 2
L’Alliance nahuacane
7E MER : LE NOUVEAU MONDE 45
L'Alliance nahuacane
« Nous avons envoyés marchands et diplomates afin de négocier
pacifiquement votre adhésion à l’Alliance, mais vous les avez refoulés.
Nous allons donc devoir user d’autres moyens de persuasion... »
— Ome Tochtli des cuāuhmeh

L’Alliance nahuacane s’est construite au fil des batailles et inexpérimenté. Il n’a ni l’influence, ni le pouvoir de ses prédé-
s’est consolidée grâce à la grande rigueur de ses structures cesseurs. Les dirigeants des deux principales forces militaires,
juridiques et politiques. La Nation traverse désormais l’Aigle et le Jaguar, se battent pour gagner sa faveur ou, à
l’Aztlan de part en part, réunissant une multitude d’États défaut, lui subtiliser le pouvoir. Tlatoa a bien conscience de
nahuatlophones plus ou moins consentants sous la houlette leurs manigances, mais il n’a pas les moyens de les arrêter
de quatre grandes cités et de leurs puissantes divinités. car ni l’un ni l’autre ne l’ont encore attaqué. Il sait toutefois
Même si les Nahuacans obéissent à un ordre social rigou- que ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’arrive.
reux, ils louent l’héroïsme et la grandeur sans tenir compte Aux yeux des Nahuacans et de leurs alliés, l’Alliance repré-
des castes ni des statuts. Leurs sorciers possèdent d’in- sente l’ordre, la civilisation, la richesse et la sécurité. Aux yeux de
croyables pouvoirs issus du cœur culturel de leur civilisation leurs ennemis, elle est synonyme de tyrannie, de conformisme,
d’une part, et des créatures les plus mortelles vivant dans la de pillage et de militarisme démesuré. Les Héros nahuacans
nature environnante d’autre part. Leurs armées, courageuses sont des tacticiens de génie, des athlètes accomplis, des artisans
et parfaitement organisées, contrôlent la totalité de la région. prodigieux, des entrepreneurs audacieux ou des défenseurs
Bien que les Nahuacans soient incontestablement les plus d’une cause perdue. Les Scélérats nahuacans sont quant à eux
forts, un grand danger les menace tout de même. Chicahua des gouverneurs tyranniques, des seigneurs de guerre sans pitié,
Tlatoa, Grand orateur et chef de l’Alliance, est jeune et des sorcières sociopathes ou des intégristes culturels.

46 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Histoire
Le territoire nahuacan s’étend des déserts arides du nord personnes, qui vivaient autrefois dans des tours étince-
aux plaines côtières de l’est en passant par les imposantes lantes et des villas gigantesques, durent se réfugier tels des
montagnes orientales qui marquent la frontière littorale troglodytes dans un réseau de grottes souterraines. Tandis
avec la mer de la Sombre désolation. L’intérieur des terres qu’à l’extérieur les temples brûlaient et les cités tombaient,
est majoritairement sec et aride, fait de déserts quasi ils renouèrent avec le mode de vie de leurs ancêtres avant
infranchissables traversés de part et d’autre par des routes la création de l’Empire : des chasseurs-cueilleurs effrayés
pavées et des points de transit entre les différentes cités. par le climat et les prédateurs, trouvant à peine de quoi
La plupart des Nahuacans s’accordent à dire que l’Al- survivre dans les forêts ou sur les corps jonchant le sol des
liance s’est construite dans les guerres et les conquêtes, villes agonisantes.
au fil de batailles qui la façonnèrent et définirent petit à
petit ses objectifs. Toutefois, avant les batailles et avant Les Quatre
l’arrivée des dieux qui veillent aujourd’hui sur les quatre Bien longtemps après la Chute, quatre divinités péné-
cités gouvernantes, il existait déjà un empire fier, entêté et trèrent dans les grottes. La première, Ītzzohualli, avait la
condamné à disparaître : l’Empire aztlan. peau noire comme l’obsidienne ainsi que des yeux étince-
lants. Le deuxième, Tlehuitzin, était nimbé de flammes
L’Empire aztlan bleues. La troisième, Nacatlicue, était à nu devant les
L’histoire de l’Empire aztlan est voilée de mythes et de éléments, dépourvue de peau, toute en muscles et tendons
mystères. Les légendes disent qu’il exista des millénaires sanguinolents. Quant au dernier, Apocōātl, il s’agissait
durant, qu’il plia la terre, la mer et les cieux à sa volonté d’un serpent à plumes blanches doté d’yeux paisibles et
grâce à des merveilles technologiques désormais perdues. tristes. Ils rassemblèrent les anciens des familles troglo-
Il s’étendait sur tout le continent et par-delà l’océan, via dytes pour leur dire qu’ils étaient les enfants d’une divinité
des colonies éparpillées à travers la Théah et même plus tombée lors d’un âge désormais révolu. Ils se présentèrent
loin à l’est. comme les nouveaux dieux venus protéger l’humanité
Il existe autant d’histoires relatives à la nature exacte de d’elle-même en la guidant vers un nouvel âge civilisé.
l’Empire que d’États au sein de l’Alliance. Les Nahuacans Les troglodytes—qui, bien plus tard, se nommeraient
vivant dans les villes principales de l’Alliance estiment être Nahuacans—firent confiance à ces êtres étranges. Ils
les descendants des habitants de l’Empire. Les autres, au surmontèrent alors leur peur pour s’installer à l’extérieur
contraire, pensent qu’il était habité par un peuple primitif des grottes.
dont la culture est aujourd’hui incompréhensible pour Quand des ennemis surgirent du sud, Tlehuitzin trans-
les Aztlans. forma sa ceinture en un serpent incandescent avec lequel
En dépit de ces divergences, tous les Nahuacans s’ac- il consuma les assaillants. Quand des ennemis surgirent
cordent sur les raisons de la chute de l’Empire : à l’apogée de l’est, Nacatlicue ensanglanta la terre pour faire germer
de son pouvoir, le gouvernement impérial devint indis- cactus et ronces afin de les repousser. Quand des ennemis
cipliné et suffisant. Les crimes mineurs prirent dès lors surgirent du nord, Ītzzohualli souffla une brume épaisse
de l’ampleur et amenèrent une violence sans limites. Si et aveuglante avant d’envoyer phalènes et chauves-souris
les familles, académies, maisons de nobles et guildes aux ailes d’obsidienne trancher leurs veines sans faire un
marchandes avaient jadis unifié le peuple, les conflits et les bruit. Quand des ennemis surgirent de l’ouest, Apocōātl
hors-la-loi le déchirèrent petit à petit. Bandits et sorcières prit la taille d’une gigantesque pyramide et les dévora
se saisirent alors du pouvoir politique. Les armées impé- tout entiers.
riales, inexpérimentées et désordonnées après tant d’an-
nées de paix, s’avérèrent inefficaces et trop éparpillées
pour leur tenir tête. Peut-être par dédain, peut-être par
châtiment, les dieux-rois n’intervinrent pas et laissèrent
leur Empire sombrer.
En cette époque troublée, une alliance de familles liées
par l’amitié, les mariages et le sang prit la fuite. Ces

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 47


L’art de la guerre L’apprentissage de la sorcellerie
Les légendes disent que les guerriers de l’Empire aztlan L’Empire aztlan redoutait les sorciers. Les dieux-rois
portaient des armures et des armes plus solides et acérées avaient en effet décrété que l’usage de la magie était punis-
que n’importe quelles autres sur Terra. On raconte que sable de mort. Aucun Aztlan digne de ce nom n’aurait
les forges qui servaient à les concevoir furent abandonnées donc eu l’idée de la pratiquer, c’est pourquoi les sorciers
après la Chute, et que ces objets d’exception furent oubliés et sorcières vivaient à l’écart de la civilisation, exerçant
ici et là en Aztlan. leur pratique honnie pour les plus désespérés, ceux qui
Les survivants de l’Empire possédaient quelques-unes n’avaient plus personne vers qui se tourner.
de ces armes, mais ils ne pouvaient en produire davan- Les Nahuacans habitaient cette même nature où se
tage. Les mines aztlanes étaient épuisées depuis long- réfugiaient jadis ceux qui pratiquaient la magie. Ils étaient
temps et, de toute façon, ils ne savaient plus comment devenus ces étrangers que leurs ancêtres avaient toujours
extraire et travailler le minerai. Ils se défendirent dans un méprisés. Tandis qu’ils étaient cernés par nombre d’en-
premier temps avec ce qu’ils trouvèrent dans les ruines nemis belliqueux, ils supplièrent les dieux de leur ensei-
de l’ancien monde, et apprirent progressivement à créer gner la sorcellerie afin qu’ils puissent combattre sans
des armes simples—mais tout aussi mortelles—à partir dépendre d’eux. Les Quatre, que la magie n’offusquait
d’éclats d’obsidienne et de cuivre martelé. Ils conçurent pas, acceptèrent sans hésiter.
également des armures faites de matières végétales et Ītzzohualli leur apprit à prédire les futurs possibles en
de plumes. Apprivoisant la jungle, ils s’entraînèrent aux sondant un miroir en forme de disque à travers un rideau
manœuvres et élaborèrent des stratégies pour vaincre de fumée. Apocōātl, quant à lui, leur expliqua comment
leurs ennemis mieux équipés. De nombreux siècles plus créer un animal totem afin d’en obtenir les capacités.
tard, ils en feraient de même avec les envahisseurs théans. Tlehuitzin, à son tour, leur enseigna comment agencer les
Au fil du temps, ils perfectionnèrent leurs techniques plumes des oiseaux afin de s’armer et se protéger. Enfin,
militaires. Chaque bataille fut un enseignement, chaque Nacatlicue les initia au secret du sacrifice : le sacrifice
moment de répit une raison de s’entraîner. Si cette tradi- d’une chose sacrée aux yeux d’un dieu mène toujours vers
tion militaire venait à l’origine de la peur et du désespoir, une apothéose au cours de laquelle celui qui est sacrifié ne
elle s’institutionnalisa avec les siècles. Aujourd’hui, tous fait plus qu’un avec la divinité.
les Nahuacans savent se battre. Jeunes enfants comme Ces connaissances se répandirent rapidement dans toute
vénérables anciens peuvent opposer une longue lance à la population. Bientôt, les Nahuacans purent se défendre
la charge de leurs ennemis. seuls contre leurs assaillants. Les sorciers prédisaient les
mouvements ennemis grâce à la Divination et concevaient
des pièges mortels. Leurs guerriers attaquaient avec la
coordination d’une meute de loups et les sens des hiboux,

48 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


ignorant totalement les coups grâce à leurs armures et L’Éternelle guerre des Quatre
boucliers faits de plumes. Enfin, ils sacrifiaient des prison- Après la Chute, de nombreux États indépendants avaient
niers capturés afin de donner plus de force à leurs dieux. vu le jour dans tout le nord de l’Aztlan. En guerre perpé-
Aujourd’hui, la majorité des Nahuacans craignent et tuelle les uns contre les autres, ils vénéraient générale-
rejettent ces quatre formes de sorcellerie, tout comme ment d’autres dieux que les Quatre, quand bien même
leurs ancêtres avant eux. Toutefois, aucun historien digne ils n’ignoraient pas que le véritable pouvoir des quatre
de ce nom ne saurait nier l’importance qu’elles eurent grandes cités venait de leurs puissants protecteurs.
dans la construction de l’Alliance. Ōlōxochicalco fut la première cité à lever et entretenir une
armée de métier, suivie de près par Tecuehtitlān. Les prêtres-
La séparation rois recrutèrent les guerriers les plus dévoués et les entraînèrent
Au fil du temps, cette civilisation nouvelle prit de plus aux arts martiaux. Dès lors, les soldats se mirent à patrouiller
en plus d’envergure. La population grandissant, les le long des frontières, et à espionner les États voisins qu’ils esti-
ressources se tarirent : les territoires de chasse restaient maient faibles et vulnérables avant de les attaquer par surprise.
rares et les terres arables l’étaient plus encore. Des désac- Mīlllahco et Nexhuatipec se pressèrent à leur tour de former
cords naquirent alors, tant chez les Nahuacans que parmi leurs armées. Malheureusement, le produit de leurs agricul-
les Quatre. Chacun recherchait la vénération du peuple tures respectives étant bien moins abondant, et elles ne purent
au détriment des trois autres, ce pour quoi les clergés qui réquisitionner qu’un nombre limité de travailleurs. Ītzzohualli
se formèrent autour de leur culte se firent de plus en plus et Tlehuitzin leur conseillèrent alors de créer des troupes d’élite,
fanatiques. Les luttes intestines se répandirent dès lors inférieures en nombre mais si bien entraînées qu’elles seraient
comme une traînée de poudre, chaque dieu encourageant capables de tenir tête aux armées les plus conséquentes.
ses dévots à s’en prendre à ceux des autres. À Mīlllahco, les ocēlōmeh (ou « guerriers jaguars, » singulier :
En seulement quelques années, les Nahuacans se divi- ocēlōtl) furent entraînés pour être rapides et discrets. Portant
sèrent en quatre groupes, chacun placé sous la protec- des peaux de jaguar noir pour se fondre dans la nuit et les
tion d’une divinité tutélaire. Les fidèles d’ Ītzzohualli se ombres, ils maniaient des lances, des haches de cuivre et de
rendirent au nord, dans les vallées fertiles situées entre longs couteaux en obsidienne. Leur spécialité était l’infiltration
les volcans et fondèrent Mīlllahco. Apocōātl, le Serpent dans les camps ennemis pour assassiner les officiers et empoi-
des tempêtes, mena quant à lui les siens à l’ouest, sonner la nourriture. Les cuāuhmeh (ou « chevaliers aigles, »
dans les dangereux marais ; là, sur ce qui deviendrait singulier : cuāuhtli) de Nexhuatipec, quant à eux, portaient des
Tecuehtitlān, ils bâtirent des dragues, construisirent armures de plumes renforcées par la sorcellerie. Ces guerriers,
des temples au-dessus des eaux sombres et apprirent dotés de boucliers de plumes capables de parer n’importe quel
à utiliser les plantes pour se nourrir et se soigner. coup, formaient l’infanterie la plus lourde et la plus résistante
Nacatlicue, de son côté, alla vers l’est jusqu’à ce que de toute l’Aztlan. Les armées d’Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān
ses fidèles découvrent des étendues de céréales telles avaient beau être plus grandes, ocēlōmeh et cuāuhmeh n’en
qu’ils n’en avaient jamais vues auparavant ; la déesse demeuraient pas moins les soldats les plus craints.
bâtit Ōlōxochicalco et s’assura alors que les terres de Chacune de ces quatre cités remercia son protecteur divin
son peuple soient à jamais fertiles. Tlehuitzin, enfin, pour son aide et sa générosité. Au sommet de gigantesques
voyagea jusqu’au sud pour édifier Nexhuatipec ; ses temples de pierre, les prêtres leur sacrifièrent objets, récoltes,
fidèles devinrent des chasseurs habiles, puis des guer- animaux et êtres humains. Chaque sacrifice donnait
riers aguerris qui recueillaient le plumage des oiseaux toujours plus de pouvoir aux dieux, leur permettant de
pour créer de magnifiques ouvrages d’art et de magie. multiplier leurs dons en force, chance et sorcellerie.
Durant des siècles, Mīlllahco, Nexhuatipec,
Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān s’opposèrent les unes
aux autres. Aucune ne prit jamais le dessus. Si la chance
souriait à une ville, les trois autres se liguaient contre
elle. Une fois leur ennemi commun affaibli, les querelles
reprenaient. Ainsi allait le cycle de l’Éternelle guerre
des Quatre.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 49


La fondation de l’Alliance
Chaque guerre donna naissance à de nouvelles techno- Il ôta alors son casque en forme d’aigle ainsi que sa
logies militaires, à de nouvelles avancées tactiques, stra- bannière noire, déposa son mācuahuitl et son bouclier
tégiques et organisationnelles, ainsi qu’à une quantité orné de plumes et s’assit.
toujours plus importante de sacrifices humains destinés Tlehuitzin, le plus belliciste des Quatre, se pencha
à hisser un dieu au-dessus des autres. par-dessus ses armées, tendit le bras et souleva l’officier à
Tout cela finit par aboutir à une confrontation directe hauteur d’yeux. Tous les spectateurs étaient certains que
entre les quatre armées, à une époque où les Quatre le dieu ferait tomber l’officier dans sa gueule incandes-
avaient atteint des proportions inimaginables—les cente. Au lieu de ça, le dieu s’adressa aux quatre armées :
histoires parlent d’imposantes montagnes en mouve-
ment—grâce aux sacrifices incessants. Cet homme dit des mots vrais, des mots que personne
L’ultime bataille devait se dérouler dans une cité n’a encore jamais osé prononcer. Mon frère, mes sœurs,
en ruine, un vestige de l’Empire aztlan. Cependant, nierez-vous qu’il a raison ? Voir des centaines d’âmes
avant que ne retentisse la première conque, un officier périr chaque jour pour assouvir votre faim, cela en vaut-il
cuāuhmeh sortit des rangs de l’armée de Nexhuatipec. Il vraiment la peine ? Cette bataille accomplira-t-elle vrai-
plaça un porte-voix devant ses lèvres. Tous s’attendaient ment ce que les milliers d’autres avant elle n’ont su faire ?
à ce qu’il déverse l’incontournable flot d’insultes J’aime la guerre. Je l’aime plus que n’importe qui. Mais
précédant n’importe quelle bataille majeure. À la la guerre ne revêt un aspect sacré que lorsqu’elle est faite
surprise générale, ses mots furent différents : au nom d’idéaux, de passions ou pour survivre. Ce qui
est sur le point de se produire ici n’est pas une guerre.
Je suis officier dans l’armée de Nexhuatipec. J’ai gagné mes
galons en capturant des prisonniers sacrificiels, les meil- Les prêtres de Tlehuitzin se pressèrent alors pour
leurs guerriers que les rangs de mes ennemis aient jamais conduire un rituel sacrificiel en l’honneur de leur dieu.
comptés. J’ai mené à la guerre un nombre incalculable de Cependant, au lieu de lui offrir une vie humaine, ils
soldats, encore et encore. Chaque fois, je reçois davantage brisèrent leurs armes sur l’autel. Tlehuitzin fut satisfait.
d’honneurs, et toujours plus de décorations viennent orner Les Quatre, réunis pour la première fois depuis des
mes habits. Aujourd’hui, je suis las de ces combats sans siècles, s’assirent sur les pyramides et temples en ruines,
fin. Je suis écœuré de voir tant d’hommes et de femmes prenant les dirigeants des cités dans leurs mains pour
valeureux mourir pour glorifier mon dieu. Alors faites-moi converser avec eux. Les quatre cités parlementèrent les
exécuter pour trahison, ou ignorez-moi, peu me chaut, mais unes avec les autres, comme des frères et sœurs.
je ne me battrai plus ! Et si certains parmi vous sont dotés Ainsi naquit l’Alliance nahuacane.
d’un soupçon de bon sens, ils ne se battront plus non plus. Le guerrier ayant élevé la voix contre la futilité de la guerre
fut nommé Grand orateur par les Quatre qui lui confièrent
une unique mission : parler aux dieux au nom des mortels.

Une Nation unifiée


L’Alliance se mit d’accord sur une règle : chaque perte
humaine causée par les hommes devrait désormais servir
l’intérêt général. À défaut, il serait interdit de prendre
une vie. C’est ainsi que les sacrifices humains prirent fin,
et que les Quatre s’affaiblirent. Ceux-ci, épuisés par tant
de siècles de guerre, ne formulèrent aucune objection.
Le siège de l’Alliance fut établi à Pepechotlan, une ville
neutre à la croisée des quatre territoires, bâtie pour tous
les guider de façon équitable. Il fut décidé que le Grand
orateur et les anciens des quatre grandes cités vivraient
désormais dans cette capitale.

50 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Les Quatre partirent vivre à Pepechotlan, où les Nahuacans Les premières expéditions théanes
leur érigèrent temples et lieux de culte. Pour la première Certains Théans ne comptaient pas rester sur les côtes à
fois depuis des siècles, ils étaient réunis en un seul et même marchander avec les Nahuacans. Les Grandes castillians
endroit. Ainsi, si Mīlllahco, Nexhuatipec, Ōlōxochicalco et qui avaient perdu terres et richesses pendant la guerre
Tecuehtitlān possédaient toujours une énorme influence contre la Montaigne convoitaient ainsi avidement les
politique, Pepechotlan fit office de cité unificatrice suprême. richesses de l’arrière-pays : cuivre, or, argent, teintures,
Les traditions martiales des quatre cités furent objets artisanaux et artefacts syrneth.
sauvegardées. Dès lors, elles furent prêtes à faire front C’est ainsi qu’avec l’appui financier de la Ligue de
commun. Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān partagèrent Vendel, plusieurs expéditions s’enfoncèrent en territoire
leurs techniques agricoles et logistiques avec Mīlllahco et nahuacan pour essayer d’établir des colonies. Peu d’entre
Nexhuatipec qui, en échange, leur transmirent leurs styles elles, toutefois, se révélèrent lucratives.
de combat et leurs exercices d’entraînement.
L’Alliance créa ainsi l’armée la mieux organisée que Le Grande Adán Armando
l’Aztlan avait jamais vue. Au cours des deux siècles qui Les forces d’Adán Armando étaient démoralisées par leur
suivirent, tous les États indépendants de la région rejoi- éreintant voyage lorsqu’elles tombèrent nez à nez avec les
gnirent l’Alliance, que ce soit par la diplomatie ou la soldats nahuacans. En terrain dégagé, les forces théanes se
conquête. Ceux qui résistèrent subirent de plein fouet les révélèrent supérieures grâce aux chevaux et à l’acier. Les
représailles de la machine militaire nahuacane. armures emplumées et les lames d’obsidienne ne firent
pas le poids face aux tirs de mousquets et d’arbalètes. Les
L’arrivée des Théans Nahuacans manœuvrèrent donc afin d’appâter l’armée
En 1576, des explorateurs odisséens établirent le premier d’Armando dans la jungle, où elle connaîtrait un destin
contact avec l’Alliance. Ils mirent en place des comptoirs funeste et inéluctable.
pour échanger habits, produits manufacturés et œuvres Il était déjà trop tard lorsque les Théans comprirent
d’art venus de Théah avec les marchands nahuacans. qu’ils s’étaient fait piéger. Alors qu’ils avançaient plus
Quelques créations artistiques locales (ouvrages de plumes profondément dans la jungle, les soldats nahuacans encer-
non enchantés, sculptures ou tableaux) changèrent d’abord clèrent de toutes parts les Théans lourdement cuirassés.
de main, mais les Théans désiraient surtout acquérir les Leurs chevaux n’ayant pu pénétrer dans la jungle, ils ne
matières précieuses que recelait l’Aztlan, tels les métaux purent alors échapper à la pluie de flèches qui s’abattit
et bois rares, ainsi qu’une espèce particulière d’insecte, un sur eux.
parasite vivant sur les cactus de la région qui produit une Armando ne le comprit que trop tard : on ne pouvait
teinture d’un rouge écarlate lorsqu’on l’écrase : la cochenille. mener une guerre en Aztlan comme on l’aurait fait en
Les négociants aztlans, fascinés, s’empressèrent de Théah. Les régiments nahuacans franchissaient en effet
transmettre la nouvelle de la venue de ces gens étranges à des distances à une vitesse incroyable, se ravitaillant grâce
leurs dirigeants. Ces derniers s’inquiétèrent car ils avaient aux arsenaux et aux caches de nourriture stratégiquement
entendu des histoires venues du Tzak K’an à propos placés sur leur territoire ; de leur côté, les Théans avaient
des technologies utilisées par ces étrangers qui vivaient, du mal à chasser des animaux inconnus pour se nourrir,
disait-on, sur une terre où le fer est aussi abondant que l’eau. quand ils ne se faisaient pas empoisonner par un gibier
Prêtres et généraux nahuacans surveillèrent attentivement qui s’avérait vénéneux.
les armes sorties des comptoirs odisséens. De lourds casques Au bout du compte, l’expédition du Grande Armando
et plastrons faits d’acier rutilant contre lesquels l’obsidienne fut submergée par les ocēlōmeh et les cuāuhmeh dans
se brisait à l’impact. Des pistolets, des mousquets et des arba- une jungle inconnue. Les Théans étaient allés trop loin et
lètes dont les munitions pouvaient percer n’importe quelle n’eurent pas le temps de battre en retraite. Quant à ceux
armure n’ayant pas été renforcée par la sorcellerie. Des bêtes que les Nahuacans n’achevèrent pas, ils disparurent corps
énormes aux allures de daims qu’ils chevauchaient au combat, et biens dans la jungle aztlane.
capables d’atteindre des vitesses phénoménales à terrain
découvert. Ils aboutirent tous à la même conclusion : une
invasion à grande échelle pourrait se révéler catastrophique.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 51


Don Fernando Medellín des Quatre, Apocōātl chassa simplement le Castillian et
Don Fernando Medellín était venu en Aztlan pour ses fidèles jusqu’à la mer.
s’émanciper de l’autorité de ses parents et tenter de faire Les Nahuacans s’amusèrent beaucoup de cet épisode.
fortune. En Théah, il s’était tour à tour essayé au métier Cela n’arrêta cependant pas Medellín, qui reproduit la
d’avocat, puis de notaire et enfin de marchand, mais même manœuvre dans un autre État vassal de l’Alliance,
chaque fois, cela s’était soldé par un échec. Cherchant plus loin au sud. Cette fois-ci, Apocōātl ne se montra
à éviter la Guerre de la Croix, il utilisa les maigres pas si clément. L’un de ses prêtres mit le feu au visage de
ressources de sa famille et emprunta de l’argent au Trésor Medellín, qui brûla vivant dans son armure en haut d’un
castillian pour rassembler un équipage et embarquer à temple devant son épouse et sa fille.
destination du Nouveau monde. Depuis cet incident, le Serpent des tempêtes ne
Medellín accosta dans un petit État situé au nord-est s’est plus présenté à ses prêtres. Ces derniers essayent
d’Ōlōxochicalco en 1631. Les autochtones lui expli- tant bien que mal de garder son absence secrète, mais
quèrent tout ce qu’il y avait à savoir sur l’Aztlan. Ils lui la rumeur se répand petit à petit à travers l’Alliance :
décrivirent l’Alliance nahuacane et sa détestable auto- Apocōātl serait parti pour faire pénitence après avoir
rité dominatrice, ainsi que les dieux qui marchaient au pris la vie d’un homme pour la première fois depuis
milieu des hommes sous une apparence humaine étrange, des siècles.
exigeant parfois d’eux une preuve d’hommage ou d’obé-
dience pour servir leurs intérêts insondables. Un futur incertain
Medellín avait connaissance de ce qui était arrivé à Adán Suite aux actions de Medellín, l’Alliance a accru la sécu-
Armando, il savait donc qu’il ne servait à rien de se lancer rité aux frontières. Les ocēlōmeh sont en état d’alerte
dans un stupide assaut frontal. Il décida d’opter pour permanent sur la frontière est, à coordonner les milices
une autre approche afin que ces « sauvages païens » lui locales et les patrouilles, ainsi qu’à installer des pièges
cèdent leurs possessions : il leur dit qu’il était l’incarna- pour défaire les expéditions militaires. Marchands et
tion humaine d’Apocōātl. Les Aztlans pensant naïvement commerçants continuent d’envoyer aux dirigeants des
qu’aucun humain ne puisse être assez fou pour endosser rapports des mouvements de troupes théanes à l’inté-
l’identité d’un dieu, ils le crurent sur parole. rieur des terres.
Le Castillian regroupa sous sa bannière quelques Malgré tout cela, l’inquiétude de l’Alliance ne faiblit
centaines d’alliés venus d’États hostiles à l’Alliance pas. Les généraux savent que les Théans finiront tôt ou
nahuacane. Il épousa plusieurs femmes qui lui servirent tard par apprendre à se battre comme eux, à imiter leurs
d’interprètes. Il rencontra certes de la résistance, mais sa formations éparpillées, leurs armures légères et leurs
poudre et ses armes en acier lui donnèrent l’avantage. armes aisées à confectionner. Les Nahuacans savent donc
Un jour, Fernando Medellín fit irruption sur la grande qu’ils ne sont pas sortis d’affaire, et que le pire pourrait
place centrale du marché d’Ōlōxochicalco. La foule bien être à venir.
s’écarta sur son passage. Nombre de Nahuacans n’avaient De plus, cela fait quelques années que la fille de
alors jamais vu d’individus à la peau pâle arborant des Medellín, Azeneth, met tout en œuvre pour se venger
poils sur le bas du visage. Vêtu de sa tenue d’argent étin- d’Apocōātl. Ses investigations ne sont pas passées
celant, il monta sur une estrade, au centre de la place du inaperçues, notamment vis-à-vis du Pochteca. Bien que
marché, et déclara être l’incarnation d’Apocōātl venu cela n’entre pas dans leur champ d’action, les marchands
régner sur son peuple. transmirent les informations en leur possession à deux
Le silence s’abattit sur la foule, stupéfaite. Une petite fille Théans  : Heironimus Frederick von Wetherald et
quitta alors les rangs et s’avança vers Medellín. « D’abord, Sonja Adalgild. Ces derniers purent donc intervenir
Apocōātl ressemble à un serpent, pas à un homme, dit-elle. lorsqu’Azeneth tenta de pénétrer dans le sanctuaire du
Et en plus, Apocōātl est là-bas. » Il était en effet venu à Serpent des tempêtes pour le tuer. Après avoir tenté de
Ōlōxochicalco pour aider Nacatlicue à atténuer les effets la convaincre d’abandonner sa vengeance, ils n’eurent
d’une sécheresse. d’autre choix que d’essayer de la tuer. Malheureusement,
Le visage du serpent blanc à plumes s’éleva de la foule et elle parvint à s’enfuir après avoir tué Sonja, qui mourut
posa ses yeux troubles sur Medellín. Étant le plus clément en sauvant la vie de son meilleur ami.

52 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


DES HÉROS AU TRIBUNAL
Lorsque l’on s’oppose au gouvernement—ce que
les Héros font souvent—cela se termine souvent
Gouvernement au tribunal. Au vu des fortes personnalités des
La façon dont fut créée l’Alliance amena un processus de répar- avocats et des juges nahuacans, ces affaires se
tition et de spécialisation dans différentes branches du gouver- caractérisent généralement par des discours
grandiloquents, des appels à la compassion ainsi
nement. Cet équilibre volatile d’ambitions, d’idées et d’aptitudes
que quelques attaques personnelles sournoises.
individuelles fait aujourd’hui fonctionner la vaste machine
bureaucratique qu’est l’administration nahuacane. Elle contrôle La coutume veut que les Héros écopent de
un territoire étendu composé d’ethnies différentes issues soit des verdicts atypiques. Les juges ont une marge
quatre cités originelles, soit des États plus petits qui leur sont de manœuvre considérable lorsqu’il s’agit de
inféodés. Si les Nahuacans excellent dans l’art de présenter un condamner les criminels. Ils laissent donc rare-
ment passer une occasion d’envoyer un Héros
front uni aux étrangers, ils encourent cependant des dangers
accomplir une quête périlleuse pour récupérer
venus de l’intérieur, de la part de ces mêmes États vassaux qui un artefact, partir en expédition militaire pour
font leur force. Aucun temple de pierre n’est sans fissures. repousser des envahisseurs théans ou quoi que ce
soit d’autre de particulièrement dangereux.
La branche judiciaire
Il n’est de meilleur adjectif pour définir la société nahuacane Les professeurs
que « légaliste. » Les Nahuacans ont beau se moquer de leur Les officiers judiciaires enseignent dans les écoles, qui
système bureaucratique autoritaire et complexe, il n’en reste sont obligatoires pour tous, du plus haut des nobles au
pas moins que la plupart possèdent un profond respect plus pauvre des paysans. Le système scolaire nahuacan
pour ces lois et ces administrations qui les gardent unis. permet ainsi de repérer les esprits les plus brillants, de leur
La branche judiciaire du gouvernement se trouve à la donner l’opportunité de poursuivre leurs études et de leur
base de la société nahuacane. permettre de progresser dans la société.
À l’origine, ces écoles furent fondées par l’armée pour
Les juges enseigner les techniques de combat élémentaires et les
Les juges sont les officiers judiciaires les plus âgés. Ces premiers soins aux enfants, ceci afin que toute la popula-
hommes et femmes respectés sont issus du clergé ou de tion sache combattre et soutenir l’armée en cas d’invasion.
l’armée et ont par le passé travaillé en tant que coursiers, Plus tard, un programme de lecture, d’écriture, d’arith-
secrétaires, commis, avocats ou enseignants. Au fil des métique et de droit vint s’ajouter aux enseignements
décennies, ils ont gravi les échelons jusqu’à diriger l’un martiaux. Ce fut à ce moment que la branche judiciaire
des palais de justice que l’on trouve dans les principales prit le contrôle de l’ensemble de l’enseignement.
cités de l’Alliance, voire la cour suprême de Tecuehtitlān.
Les juges arbitrent les conflits qui opposent les membres Les avocats et les scribes
de la société nahuacane. Ils s’assurent de plus que leurs pairs Le système est conçu pour que les Nahuacans, même de
soient des modèles d’honnêteté, d’équité et de sagesse. Si un basse extraction, puissent intenter un procès contre n’im-
juge est reconnu coupable de corruption ou d’incompétence porte qui. Ainsi, après avoir vérifié la situation économique
grave, il peut être exécuté ou—pire encore—rabaissé au d’un citoyen, le gouvernement pourra lui offrir les services
statut d’esclave, obligé de finir ses jours à trimer dans la honte. d’un tepantlato (avocat) pour l’aider dans son affaire. Mis à
Ce châtiment fut par exemple celui d’Ēhuatii, un juge part ces aides exceptionnelles, des honoraires sont norma-
haut placé de la capitale. Son propre greffier révéla, preuve à lement facturés par les avocats. Ils permettent notamment
l’appui, qu’il recevait des pots-de-vin de la part de nobles et de de participer à l’entretien des tribunaux.
marchands nantis depuis huit ans. Peu de temps avant que la Les scribes archivent quant à eux les affaires et les verdicts.
sentence ne soit appliquée, il prit la poudre d’escampette et se Il y a encore un siècle, les sculpteurs gravaient les faits les
réfugia quelque part aux alentours du lac Xahuācoco, au nord plus importants sur les murs publics, à même la pierre. Il
de Pepechotlan. À ce jour, il s’y cache encore. Régulièrement, il appartenait donc aux juges et aux avocats de mémoriser tous
dépêche des sbires à la capitale afin de semer l’agitation chez les jugements, même mineurs. Depuis les premiers échanges
les esclaves. Ēhuatii ne veut qu’une seule chose : reprendre un avec les Théans, les scribes consignent désormais les procès
poste de pouvoir, et il pense que déclencher une révolte est le sur papier, un matériau bien plus pratique pour l’archivage,
meilleur moyen de parvenir à ses fins. en dépit de son côté périssable.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 53


Les juges itinérants Les recrues
Si les cinq principales cités nahuacanes disposent de tribu- Tout jeune Nahuacan peut passer un examen afin d’avoir
naux et de juges permanents, les villages en périphérie et accès à un statut social supérieur. Ceux qui obtiennent les
les États vassaux ont beaucoup plus de mal à maintenir plus hauts scores sont invités à rejoindre un séminaire qui
des cours dignes de ce nom. Pour pallier cela, des juges les préparera à la fonction de prêtre et aux nombreuses
itinérants vont de ville en ville pour arbitrer les procès responsabilités—martiale, spirituelle et administrative—
en souffrance. Il leur arrive également de rencontrer des qui y sont associées. Les notes moins élevées permettent
affaires pendant leur voyage, ce pour quoi il peut leur d’avoir accès à l’académie militaire, une voie certes moins
arriver de tenir séance à même la route, voire de rendre la rigoureuse, plus dangereuse, mais tout aussi prestigieuse.
justice dans la jungle. On notera, de plus, que quand un Les recrues suivent des leçons de lecture et de mathé-
dangereux criminel est en liberté, il appartient aux juges matiques avancées en rapport avec leurs futures fonctions
itinérants de le pourchasser et de rendre leur jugement. (renseignement, logistique, etc.). On leur apprend l’utili-
Certains juges suivent toujours le même circuit, établis- sation d’armes et d’armures plus élaborées, telles que le
sant petit à petit une relation de confiance avec les habi- mācuahuitl et l’atlatl (type de propulseur servant à lancer
tants. D’autres voyagent de part et d’autre du territoire de des javelines). Ils étudient également la stratégie et les
l’Alliance nahuacane. Dans ce cas, rares sont les fois où ils tactiques. Ils peaufinent de plus leurs aptitudes sociales,
passent par une même ville plus d’une fois par an. telles que la rhétorique, la négociation et le commandement,
Si les Nahuacans ont énormément de respect pour leurs car même le soldat de métier au grade le moins élevé peut
juges, ils en ont encore plus pour les itinérants. Chaque un jour se retrouver à la tête d’une milice désorganisée si
fois qu’ils arrivent dans une nouvelle ville, ils sont extrê- la situation l’exige. Ils apprennent enfin certaines tâches
mement bien traités, et on leur offre toujours un endroit manuelles, telles que faire la cuisine, coudre des uniformes
où dormir ainsi qu’un bon repas. ou fabriquer armes et armures lors d’une campagne.
Plusieurs villes préfèrent gérer directement les délits La vie d’une recrue alterne entre l’entraînement à l’aca-
mineurs. Elles demandent donc aux juges itinérants de démie et les sorties en patrouille, en campagne ou en
s’occuper uniquement des crimes odieux, ou de ne juger manœuvre sous les ordres d’un officier supérieur. Servir
que les problèmes compliqués. d’aide de camp ou d’écuyer à un soldat plus aguerri
permet également à la recrue d’apprendre des aptitudes
La branche militaire utiles plutôt que de simplement mémoriser des faits et de
L’armée fait la fierté du peuple nahuacan. Elle est le la théorie.
symbole de leurs actes les plus braves, mais également de L’entraînement s’avère particulièrement physique, même
leurs défauts les plus pernicieux. Les Nahuacans aiment lors des périodes académiques : les recrues s’affrontent les
vanter leurs victoires militaires, leurs tactiques auda- unes les autres lors de fausses batailles, voire se battent
cieuses, leur expertise au corps à corps et leur logistique contre les élèves d’autres académies. Remporter des
avisée, tant d’aspects qui forment le cœur de l’excellence victoires dans l’équipe de lutte ou d’ōllamaliztli (un sport
telle que la conçoivent les citoyens de l’Alliance. collectif très prisé par les Nahuacans) de l’académie est un
Tous les Nahuacans apprennent à se battre à l’école, excellent moyen d’attirer l’attention de ses supérieurs et
dès l’enfance, et on attend d’eux qu’ils participent aux d’être assigné au service d’un guerrier notable.
exercices occasionnels au cas où ils seraient appelés
à soutenir l’armée. Même le plus petit des villages Les soldats
possède une armurerie où fermiers et artisans qui L’armée nahuacane est intégralement constituée de fantas-
subissent une attaque de bandits, de théans ou d’ani- sins, divisés en régiments réunissant des soldats originaires
maux sauvages peuvent se munir de frondes et de d’une même région géographique, qui obéissent à un
tepoztopilli (de longues lances à lame d’obsidienne colonel également natif de cette région. Leur expérience
montée sur une encoche ovale, adaptées aussi bien aux respective n’est pas homogène, mais qu’importe  : leur
attaques de taille que d’estoc). uniforme ne laisse aucune ambiguïté quant à leur rang,
les plus minutieusement ornés indiquant toujours un
grade supérieur.

54 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Lorsqu’ils ne guerroient pas, les soldats s’entraînent. Ils résistant que le cuir ou l’acier, s’avère extrêmement léger.
s’affrontent les uns les autres, font du sport, étudient ou Les soldats les plus féroces et les plus endurcis se battent
partent en manœuvres de reconnaissance. Celles-ci durent en première ligne, armés d’un mācuahuitl et d’un bouclier.
environ une semaine. Elles sont confiées à trois ou quatre Ceux qui les suivent utilisent de longues lances pour empaler
soldats, tous de grades différents. L’idée est que chacun ou lacérer, tandis que l’arrière-garde attaque avec des flèches,
apprenne quelque chose des autres. À ce titre, les compa- des fléchettes propulsées par des atlatls voire des pierres.
gnons, itinéraires et destinations sont toujours différents. Souvent, un berserker maniant un gigantesque mācuahuitl
Cela permet de ne pas tomber dans la routine. Une fois une à deux mains couvre le flanc droit ou gauche du front pour
manœuvre de reconnaissance effectuée, plusieurs semaines dissuader toute tentative de contournement.
se passent avant que les soldats ne repartent en mission. Ils Chaque soldat—même la plus jeune des recrues—connaît
peuvent certes demander à en faire plus souvent, mais dans parfaitement la chaîne de commandement. Ainsi, en pleine
les faits, cela n’arrive pas car ces éclaireurs n’accompagnent bataille, lorsque règne le chaos et que la formation du
pas le régiment lorsqu’il part en guerre. régiment est susceptible de changer d’une minute à l’autre,
Les Héros qui appartiennent à l’armée ont beaucoup plus de chacun sait à qui il doit obéir. Les colonels et les autres offi-
libertés que la piétaille. Ils montent en grade plus vite que leurs ciers portent des bannières noires ostensibles pour que les
pairs, et occupent donc rapidement des postes de commande- coureurs des autres unités puissent les retrouver rapidement
ment. On leur confie des missions difficiles, ou on leur demande et leur relayer les ordres de l’état-major.
de gérer des petites unités. Ils servent à la fois d’éclaireurs, d’ar-
rière-garde, de force infiltrée et de groupe d’extraction. Les gradés
La plupart des fantassins portent un bouclier rond en bois, Au sein de l’armée, le grade se mesure au nombre de
ainsi qu’un uniforme en coton matelassé qui, bien que moins prisonniers capturés et s’exprime par des ornements sur
l’uniforme.
Avant l’établissement de l’Alliance, pour prendre du galon, il
fallait capturer les ennemis vivants car les prisonniers étaient
sacrifiés au nom des dieux. Ainsi, les captifs issus d’armées plus
puissantes comptaient parfois pour deux, trois ou dix personnes,
ce qui permettait des promotions rapides. De nos jours, les
sacrifices sont interdits, mais on monte toujours en grade si
l’on a capturé un ennemi vivant. Ce dernier peut en effet être
interrogé, voire servir de monnaie d’échange à l’Alliance.
Les hauts gradés sont également officiers de liaison avec
les marchands. Ces derniers servent en effet d’éclaireurs,
diplomates ou logisticiens pour l’armée. Ils entretiennent des
entrepôts de nourriture, d’eau fraîche et de matériel supplé-
mentaire qui sont disposés sur tout le territoire de l’Alliance,
même en temps de paix. Cela permet à l’armée de garantir
des lignes de ravitaillement courtes et rapides. On notera
d’ailleurs que les États vassaux qui se trouvent aux frontières
de l’Alliance doivent également veiller sur la bonne tenue de
ces entrepôts s’ils ne veulent pas écoper d’une amende, ou
d’un sort bien pire.
Lorsqu’ils partent en retraite, les officiers d’importance
deviennent généralement proviseurs d’académie militaire,
voire instructeurs. Xochitl, la Directrice des ocēlōmeh,
envisageait ainsi de prendre sa retraite. Un poste de provi-
seur l’attendait donc dans l’une des académies militaires
de Mīlllahco. Toutefois, il semble qu’elle ait repoussé son

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 55


départ à une date indéterminée car elle craindrait un coup militaires ainsi qu’une spécialité de leur choix. Ils obtiennent
d’État de la part du Maître de l’ordre Ome Tochtli, son généralement leur diplôme après un an ou deux d’études. Il
homologue des cuāuhmeh. Si cela s’avérait exact, elle n’est pas rare que certains abandonnent avant la fin ; ceux-ci
aurait besoin d’un poste d’influence pour s’opposer à lui. gagnent quand même du respect pour avoir été admis.
Les prêtres ont également des fonctions militaires. Ils
La branche religieuse servent en tant qu’officiers—assurant la liaison avec la
Les clergés des Quatre sont, aujourd’hui encore, les orga- branche militaire au nom du gouvernement—et comme
nismes gouvernementaux les plus importants et le plus aumôniers. L’entraînement militaire est certes moins long
influents de l’Alliance. que celui d’un étudiant à l’académie militaire, mais il est
Chaque prêtre a fait vœu de pauvreté, ce pour quoi il se tout aussi rigoureux.
prive de nourritures exquises et de boissons alcoolisées Il appartient à chaque prêtre de trouver et de former
(exception faite de celles qu’on leur apporte lors des festi- celui ou celle qui le remplacera à l’heure de la retraite (ou
vals). Leurs tenues sont strictement codifiées, limitées à de la mort), c’est pourquoi ils surveillent attentivement le
un habit simple pouvant éventuellement être agrémenté parcours des jeunes gens qui entrent au séminaire, afin de
avec les décorations militaires obtenues. La hiérarchie repérer les plus prometteurs.
stricte des clergés—chacun est commandé par un grand
prêtre ou une grande prêtresse, souvent la personne la La prêtrise
plus âgée toujours en poste—est tout aussi inflexible que Quand les étudiants arrivent au terme du séminaire,
leurs devoirs envers les dieux et leurs congénères humains. ils deviennent prêtres et sont prêts à participer à la vie
commune dans l’un des quatre clergés. En général, ils
Le séminaire choisissent celui de leur terre natale. Chaque clergé dirige
Comme en Théah, le séminaire est à la base de tout sacerdoce. sa cité. Les prêtres deviennent alors gouverneurs ou admi-
D’immenses et anciennes académies se trouvent au cœur de nistrateurs en plus de leurs rôles spirituels et militaires.
toutes les grandes villes de l’Alliance nahuacane. Les jeunes Ils se spécialisent souvent dans des domaines en lien
gens venus de toute l’Alliance peuvent passer un examen à avec la particularité de leur dieu : artistes et philosophes
l’âge de quatorze ans afin d’évaluer leurs aptitudes en lecture, chez Apocōātl, agronomes et médecins chez Nacatlicue,
écriture et mathématiques, leurs connaissances en histoire aumôniers et architectes chez Tlehuitzin. Le clergé
et en sciences, ainsi que leurs talents pour l’agriculture. d’ Ītzzohualli s’occupe quant à lui des nécropoles, des
Seuls ceux qui obtiennent les plus hauts scores sont invités hospices, des morts, des mourants et des familles en deuil.
à rejoindre un séminaire ; les autres pourront faire carrière Tous les prêtres peuvent faire partie du gouvernement,
dans l’armée. mais dans les faits, la plupart gagnent leur vie grâce à leur
Chaque Nahuacan peut tenter d’entrer au séminaire, savoir. Dans les régions éloignées des principales cités, les
indépendamment de sa caste. Même les enfants de paysans prêtres endossent de nombreux devoirs. Ainsi, ceux qui
vont à l’école, ils peuvent donc théoriquement obtenir de désirent servir de guides spirituels se retrouvent parfois à
bonnes notes à cet examen, et ainsi rejoindre les rangs d’un gouverner plusieurs petits villages, voire toute la population
des clergés. Toutefois, l’épreuve couvre un nombre impres- d’un État vassal. La vie des prêtres est pleine de responsabi-
sionnant de sujets, et les enfants de l’élite sociale ont le gros lités, car le peuple leur demande sans cesse leur aide.
avantage d’avoir plus de temps pour étudier (lorsqu’ils ne Les Héros appartenant à un clergé font preuve d’abnéga-
reçoivent pas de surcroît l’aide de leurs parents). tion. Ils incarnent les valeurs importantes de leur dieu et
Les séminaires sont austères, intenses et prestigieux. Les encouragent les autres à faire de même. Ils enseignent la
étudiants vivent dans des dortoirs froids et remplis de patience, le savoir et la compréhension, qui sont les fonde-
courants d’air. Ils passent leurs matinées à effectuer des tâches ments principaux de la puissance nahuacane, et portent
ménagères et leurs après-midis à étudier et s’entraîner. La aux nues ceux qui apprennent à démontrer leur force par
tâche de prêtre est en effet difficile et demande de maîtriser les actes. En tant qu’aumôniers militaires, ils encouragent
une quantité astronomique de sujets et de disciplines. Ils les guerriers à se concentrer sur la protection et la sécurité
apprennent la lecture, l’écriture, l’histoire, les mathématiques, plutôt que la soif de sang et l’impétuosité.
la poésie, la gestion de l’État, les arts, l’ingénierie, les sciences

56 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


L’Aigle et le Jaguar Le Grand orateur
Les clergés d’ Ītzzohualli et de Tlehuitzin régissent égale- Le Grand orateur est nommé par les dieux. Si les prêtres
ment des ordres religieux militaires composés des guer- communiquent avec leur dieu, interprètent leurs paroles
riers et des officiers les plus talentueux du séminaire, ainsi et leurs volontés, et agissent en leur nom, le Grand orateur
que de soldats de toutes origines ayant impressionné les occupe quant à lui un rôle plus spécifique : celui de défendre
grands prêtres par leurs actes et leur aptitude sur le terrain. les intérêts humains auprès des dieux (et de leurs clergés).
Les membres de l’ordre d’Ītzzohualli s’appellent ocēlōmeh, Le Grand orateur est également à la tête du gouvernement, c’est
les guerriers jaguars. Ils sont spécialisés dans les missions de pourquoi il siège à Pepechotlan. Il lui appartient donc de maintenir
reconnaissance, d’infiltration et de sabotage, en gros ce que l’équilibre du pouvoir entre les différentes branches, répartir les
l’on appellerait aujourd’hui des « opérations secrètes. » Si un responsabilités et empêcher les luttes de pouvoir de devenir destruc-
soldat courageux est requis pour empoisonner le comman- trices. Ce rôle requiert les qualités d’un dirigeant : une volonté de fer,
dant ennemi, faire brûler des piments et des plantes toxiques la capacité d’admettre et de corriger ses propres erreurs et celles des
pour remplir le camp d’une fumée écœurante, ou même voler autres, ainsi qu’un talent certain pour la rhétorique.
les plans d’une usine théane fortifiée, il suffit de faire appel C’est un travail stressant que de gérer nombre de
aux ocēlōmeh. Ainsi, il y a très peu de chance que quiconque personnes—et de divinités—influentes et entêtées. Beaucoup
apprenne ce qui s’est passé. Pour devenir un ocēlōtl, il ne suffit de Grands orateurs prennent leur retraite bien avant leur mort.
pas d’être rapide et mortel, il faut également se montrer astu- Le Grand orateur ne peut jamais provenir d’une même cité
cieux, audacieux et capable d’improviser. Autrement dit, savoir deux fois de suite. Le conseil exécutif, composé des anciens
faire preuve d’originalité afin de pouvoir contourner l’ennemi qui choisissent et conseillent le Grand orateur, désignent un
aussi bien mentalement que physiquement. candidat puis procèdent à un vote. Parfois, ce dernier vient de
Si les ocēlōmeh représentent l’ombre et la lune, les cuāuhmeh leurs rangs, parfois non.
de Tlehuitzin, les chevaliers aigles, symbolisent au contraire Il est important de noter que le Grand orateur est le seul
le feu et le soleil. Il s’agit du régiment le plus célèbre de toute Nahuacan qui a le pouvoir d’autoriser un sacrifice humain.
l’Alliance, le cœur véritable de la machine militaire nahuacane. Cela ne s’est encore jamais produit—et ne devrait jamais
Ses membres portent les meilleures armures et les meilleurs arriver—même si cela fut suggéré par le Grand orateur en
boucliers que puissent produire les armuriers nahuacans, ornés place lors du premier contact théan, un siècle auparavant,
de magnifiques motifs en plumes qui repoussent lames et après que sa propre incompétence eut provoqué un effondre-
balles comme par magie. Les unités nahuacanes sont habituées ment bureaucratique et un ralentissement économique. Les
aux formations fluides qui changent et fluctuent au gré des ocēlōmeh le condamnèrent à l’exil—ou l’assassinèrent, si l’on
positions ennemies et des champs de bataille. S’il faut des guer- en croit les théories du complot—après un coup d’État éclair
riers au front pour tenir le rang quoiqu’il arrive, les cuāuhmeh soutenu par la majorité de la population.
sont les plus forts, les plus résistants et les mieux disciplinés. Le Grand orateur actuel, Chicahua Tlatoa, n’a que vingt-
Ocēlōmeh et cuāuhmeh sont chacun à un extrême du quatre ans. Il s’agit du plus jeune orateur à avoir jamais
spectre de la doctrine militaire nahuacane. À l’époque précé- occupé ce poste. Il a beau accomplir son devoir comme il le
dant l’Alliance, ils étaient ennemis jurés et s’attaquaient à leurs faut, beaucoup le considèrent trop faible et inexpérimenté. Ses
forces et faiblesses respectives. De nos jours, ils œuvrent de détracteurs lui opposent une résistance telle que nul autre
concert avec l’armée nahuacane en soutien, et leurs opérations Grand orateur n’en a jamais vu au cours de l’histoire nahua-
coordonnées sont dévastatrices. cane. Ome Tochtli, le Maître de l’ordre des chevaliers aigles,
Les Héros ocēlōmeh et cuāuhmeh coopèrent souvent avec fait partie de ces opposants. Il pense en effet pouvoir prendre
de petites équipes d’élite pour garantir la sécurité de l’Alliance. le contrôle de l’Alliance nahuacane en renversant le Grand
Ils donnent souvent l’impression de savoir où se rendre avant orateur. Son homologue, Xochitl, la Directrice des guerriers
qu’on leur demande leur aide, et ils savent parfaitement quand jaguars, est au courant de ses plans et aimerait se faire écouter
et comment accomplir leurs missions. Ils ne se laissent jamais du Grand orateur afin de le protéger. Chicahua Tlatoa est
tenter par la corruption. D’ailleurs, ce sont eux qui dénichent bien plus informé que l’un et l’autre ne le soupçonnent : il a fait
les politiciens, prêtres et nobles corrompus de l’Alliance, et qui de son mieux pour les tenir à l’écart, mais il ignore combien
garantissent la santé et la sécurité de leur peuple bien plus que de temps encore il parviendra à gérer, seul, le gouvernement
n’importe quel autre Héros nahuacan. et les chefs militaires.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 57


Politique
L’Alliance nahuacane fut construite autour de la réunion pour prévenir toute invasion théane. Les Rahuris présentent
des grandes cités qu’avaient fondées les Quatre. Depuis, les cependant un défi de taille pour l’armée. D’une part, l’histoire
frontières de cette Nation ont constamment grandi, soit par dit qu’après la Chute, Apocōātl fit des Rahuris les gardiens
conquête, soit par vassalisation. Les États conquis intègrent de la mer des Monstres. Le conseil exécutif estime donc que
de force l’Alliance, ils perdent donc leur souveraineté et sont toute velléité de conquête devrait d’abord obtenir l’aval du
soumis aux décisions du gouvernement. Les États vassaux, Serpent des tempêtes. Le problème est que, pour l’instant, le
quant à eux, conservent leur indépendance—donc ne dieu ne vit plus à Pepechotlan. De plus, si d’un strict point
prennent pas part à la politique nahuacane—mais payent de vue militaire les Rahuris n’ont aucune chance face à la
de lourdes taxes en échange d’une assistance militaire. puissante armée de l’Alliance, il ne faut pas négliger le fait
Comme cela arrive généralement dans les confédéra- que les Nahuacans ne disposent d’aucun savoir-faire maritime.
tions politiques de grande envergure, les Nahuacans sont Pour commencer à pallier cela, les clergés ont récemment pris
divisés quant aux mesures à prendre pour régler les diffé- contact avec des marins, charpentiers et capitaines théans afin
rents problèmes d’importance nationale. qu’ils partagent leur expertise en échange de salaires consé-
quents. Toutefois, la mort relativement récente de Fernando
La question expansionniste Medellín a rendu méfiants les Théans basés sur le territoire de
Jusqu’à maintenant, la machine militaire nahuacane a pure- l’Alliance. En raison de la complexité que représente la créa-
ment et simplement écrasé tous les États qu’elle a envahis. tion d’une flotte—tout bonnement inexistante à ce jour—les
Beaucoup se sont rendus sans combattre, peu désireux de démarches diplomatiques et les propositions de vassalité en
voir leurs richesses pillées et leurs temples réduits en cendres échange de protection ont bien plus de chances de fonctionner
pour être remplacés par ceux des Quatre. À présent, le terri- que les traditionnelles menaces d’invasion.
toire de l’Alliance s’étend sur toute la largeur de l’Aztlan, de Il ne fait donc aucun doute que le Tzak K’an représente
la mer Atabéenne à la Sombre désolation. Les États vassaux la meilleure cible d’invasion. Les cités-États fragmentées
payant à l’Alliance des taxes exorbitantes en monnaie, œuvres qui constituent cette Nation ressemblent aux petites tribus
d’art et mêmes esclaves, les annexions sont parmi les moteurs et aux États que l’Alliance envahit et conquiert habituelle-
les plus importants de l’économie nahuacane. ment. En toute logique, un assaut coordonné sur le Tzak
Les cités-États tzak k’aniennes au sud, le Wabanaki au nord K’an devrait donc être couronné de succès. Ce faisant,
et les archipels rahuris à l’est sont actuellement des cibles les Nahuacans mettraient la main sur une multitude de
potentielles de la politique expansionniste de l’Alliance. nouvelles colonies et de ressources naturelles.
Toutefois, contrairement aux précédentes conquêtes nahua- Pourtant, trois arguments les dissuadent de se lancer dans une
canes, ces États ne sont pas nahualtophones, ethniquement et telle campagne. Tout d’abord, envoyer l’armée au Tzak K’an lais-
linguistiquement parlant. D’un strict point de vue culturel, ils serait le pays sans défense contre une éventuelle invasion théane.
seront donc plus difficiles à conquérir et, surtout, à conserver. Les Théans sont en effet installés sur les côtes aztlanes et ils
Le Wabanaki, au nord, est une cible peu probable. Centlāliā, n’attendent qu’une occasion pour s’infiltrer plus profondément
une marchande nahuacane renommée, est récemment revenue et s’emparer de terres. Ensuite, les Nahuacans ont déjà suffisam-
après avoir passé dix ans là-bas. Elle a évoqué la présence ment de mal à contenir les foyers de révoltes dans leurs États
de plusieurs colonies théanes bien établies, et a également frontaliers. Les révoltes locales sont très répandues et consti-
mentionné que l’infanterie légère de cette Nation était consi- tuent un véritable calvaire pour l’armée de l’Alliance, alors même
dérée par nombre de grands stratèges comme la meilleure que ces États sont déjà conquis, donc théoriquement soumis.
au monde. Il semble qu’elle utilise des tactiques de guérillas Quand il faudra s’occuper en plus d’une population vassale
semblables à celles de l’Alliance, excellant dans l’art de défendre mécontente, qui ne parle même pas le nahuatl, quelle ampleur
le pays—constitué de forêts denses et tempérées—contre des prendront ces mouvements ? Enfin, la plupart des dirigeants
ennemis en surnombre. À l’instar des Nahuacans, les soldats nahuacans ne voient pas leur Nation comme un simple moyen
du Wabanaki utilisent des armures légères, mais ils maîtrisent d’accumuler du pouvoir ou de la richesse. L’Alliance nahuacane
bien mieux l’utilisation du mousquet. fut formée pour le bien de tous. Elle existe donc pour partager
Les expansionnistes nahuacans s’intéressent également aux les avantages apportés par chaque État membre avec les autres, y
richesses atabéennes, ainsi qu’à leur utilité d’avant-postes compris les États vassaux turbulents. Si les Nahuacans désirent

58 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


HÉROS ET SCÉLÉRATS
En général, la politique nahuacane va dans le sens
d’une union de l’Aztlan sous la bannière de l’Alliance.
devenir les véritables dirigeants de leur région, il leur faut
Cela serait certes bénéfique pour la Nation, mais cela
gagner—et non écraser—le cœur et l’esprit des Aztlans. D’un signerait également l’anéantissement de nombreuses
point de vue moral, une autre invasion pourrait donc bien être cultures majeures à travers tout le continent.
la plus mauvaise décision à prendre.
Néanmoins, l’Alliance nahuacane est avant tout un pays Les Héros savent qu’une Aztlan unifiée ne verra le jour
de soldats, qui n’attendront pas infiniment avant de décider que par le biais d’accords de paix sauvegardant les
particularités des diverses civilisations. Les Scélérats
de leur prochaine cible.
suivent au contraire une approche de conquête et
d’annexion. Une personne dotée de bonnes inten-
La question kuraque tions qui militerait pour une Aztlan unie pourrait ainsi
Le Kuraq inquiète l’Alliance, en grande partie car il lui rappelle être tentée de détruire des pans culturels entiers si le
sa propre suprématie tentaculaire. Bien que la tradition Kuraq ou le Tzak K’an venaient à lui résister.
martiale des Kuraques ne soit pas aussi robuste que celle des
Si les politiques peuvent hésiter quant au futur vers
Nahuacans, ils n’en demeurent pas moins leurs ennemis les
lequel il faudrait tendre, la question des moyens
plus dangereux (tant que les Théans n’auront pas adapté leurs à employer pour y parvenir est clairement ce qui
stratégies militaires aux particularités de l’Aztlan bien sûr). sépare les Héros des Scélérats.
Une invasion de l’Empire kuraque n’est pas une option
viable pour l’Alliance nahuacane. Le mal des montagnes
et le terrain inconnu sont synonymes d’une défaite quasi Le point de vue d’Apocōātl
assurée contre une armée spécialisée dans le combat sur Nous avons plus à gagner par la diplomatie et la compréhension
plans inclinés. De plus, le fait que les Kuraques parlent aux mutuelle que par la guerre. Les bénéfices d’une amitié entre nos
morts terrifie les Nahuacans, pour qui la mort n’est que deux peuples seraient incommensurables, donc ne leur donnons
l’étape précédant leur fusion avec les dieux. aucune raison de nous envahir. Je suis certain que les Théans
Le Tzak K’an, qui se dresse entre l’Alliance et l’Empire, ont appris de l’exemple de Fernando Medellín. Ils savent désor-
est donc un enjeu géopolitique très important. A priori, les mais qu’attaquer les puissants Nahuacans n’est que folie. À mon
Kuraques sont tout aussi capables que les Nahuacans de le retour, j’espère que vous aurez appris à cohabiter.
conquérir et de conserver leur emprise sur ces territoires.
Certes, les Nahuacans seraient éparpillés et affaiblis s’ils Le point de vue d’Ītzzohualli
envoyaient leur armée au sud, mais l’idée que le Tzak K’an Imaginez ce que nous pourrions faire avec des mous-
tombe aux mains du Kuraq n’est même pas envisageable. quets, des canons et des galions. Imaginez que nous puis-
On notera que les marchands nahuacans font énormément sions recouper leur savoir médical avec celui d’Apocōātl.
d’échanges avec le Kuraq, ce qui leur donne l’occasion d’ap- Invitons-les chez nous, montrons-nous hospitaliers, récom-
prendre nombre de manigances, d’un côté comme de l’autre… pensons-les généreusement pour leur savoir, mais gardons
toujours un œil vigilant sur eux. Les Théans ne nous trahi-
La question théane ront pas, simplement car nous frapperons les premiers !
Depuis la fondation de l’Alliance, chacun des quatre clergés
essaye de devancer politiquement les trois autres. Cependant, Le point de vue de Nacatlicue
depuis peu, ils se heurtent conjointement à un problème de Qu’importe ce que vous déciderez, je vous soutiendrai.
taille : que faire pour contrer une éventuelle invasion théane ? Mais décidez-vous vite car quand les Théans viendront,
Les grands prêtres se sont maintes fois rassemblés autour de s’ils viennent un jour, ils arriveront par Ōlōxochicalco.
leur divinité, lesquelles ont chacune un avis différent sur le
comportement à adopter. Le point de vue de Tlehuitzin
Le Grand orateur actuel estime que ce n’est pas à lui de Que nous ont appris les mésaventures de Fernando Medellín ?
trancher les divergences qui opposent les Quatre. De tous Les Théans possèdent des choses que nous désirons, mais ils
les problèmes politiques qu’affrontent actuellement les n’ont rien dont nous avons besoin. Les comptoirs qu’ils ont
Nahuacans, le problème théan est donc au point mort car bâtis sans autorisation sont un affront envers notre souverai-
à chaque argument avancé, les différents partis ne font que neté. Ne courons pas le risque d’une invasion : chassons-les
camper davantage sur leurs positions avec orgueil. de nos rivages avant qu’il ne soit trop tard.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 59


Société Les juges
Les Nahuacans se décriraient comme un peuple fier et franc, Les juges occupent la plus haute place dans la société nahua-
toujours disposé à tendre la main à ceux qui sont dans le cane. Ils connaissent les lois sur le bout des doigts et ont le
besoin. Ils portent en haute estime l’Alliance, leurs valeurs, dernier mot quant à son interprétation et son application.
leur histoire et leur futur. Leurs États vassaux—et les autres Tout un chacun peut théoriquement devenir juge, mais peu y
peuples de la région—ont en revanche une vision bien plus parviennent sans être d’abord passés par le clergé ou l’armée.
critique d’eux : des brutes orgueilleuses et tyranniques qui Après avoir travaillé comme coursier, secrétaire, commis, avocat
interviennent dans des endroits et des situations qui ne les ou enseignant, le postulant se fait l’apprenti d’un juge établi. Il
regardent pas, et qui aiment résoudre les problèmes par endosse alors le rôle de clerc ou d’assistant avant d’être titularisé.
la force ou en imposant leur mode de vie. Il est vrai que Contrairement aux prêtres, les juges ne font pas vœu de
la politique extérieure de l’Alliance encourage cette façon pauvreté, et ce même si l’État prend en charge son salaire
arrogante de résoudre les problèmes sociaux. et toutes ses dépenses. Certes, leur niveau de vie peut
Cette hostilité vis-à-vis des Nahuacans est renforcée par sembler beaucoup trop confortable, mais cela est fait pour
l’une de leurs traditions militaires : au début de chaque une bonne raison : les juges doivent rester le plus impar-
bataille, les soldats déclament des insultes obscènes et tiaux possible pour remplir leurs fonctions correctement.
créatives pour donner du courage à leurs camarades et La caste n’a aucune espèce d’importance pour les juges
intimider (ou simplement agacer) leurs ennemis. car face à la loi, rien ne différencie un noble d’un paysan.
La plupart du temps, leur propre statut (passé ou présent)
« Quoi ? Vous appelez ça une armée ? Sans rire ? Vous êtes ne revêt d’ailleurs pas d’importance à leurs yeux.
plus blafards que des Théans ! Dites, c’est la première fois
que vous sortez de chez vous cette année ? Oh, attendez, Les prêtres
vous voulez peut-être cinq minutes pour vous reposer ? Avant l’évolution de l’Alliance, les quatre clergés étaient
C’est vrai que vous avez dû marcher pour venir, vous devez d’une puissance politique sans équivalent. Chacun était
être au bout de vos forces. Bon, c’est pas tout, mais on a ainsi à la tête d’une théocratie qui gérait la vie de son État
des choses à faire cet après-midi, alors qu’est-ce que vous d’une main de fer. De nos jours, les prêtres sont toujours
préférez, qu’on vous enfonce le crâne à coups de bouclier influents, mais le rôle de Grand orateur et les fortunes gran-
ou qu’on vous écrase à coups de mācuahuitl ? Les deux dissantes des autres castes—en particulier les marchands—
options nous conviennent, c’est comme vous le sentez ! » ont affaibli leur contrôle sur la société nahuacane.
Bien qu’ils soient privilégiés et en majorité issus des
La hiérarchie sociale classes les plus riches, les prêtres mènent tout de même
La société nahuacane obéit à un rigoureux système fait de une existence sobre. Ils ont fait vœu de pauvreté, ce pour
castes. Bien que des passerelles théoriques existent, dans les quoi ils portent donc des vêtements simples, sans teinture
faits, l’ascenseur social ne bouge que très rarement. Des lois ni décorations (à la notable exception des décorations
strictes et somptuaires régissent les codes vestimentaires afin militaires éventuellement obtenues). Cela n’empêche pas
que la caste de n’importe quel citoyen soit reconnaissable de les Nahuacans de les honorer et de les respecter. Après
tous. Les Nahuacans pensent que ces lois sont fondamen- tout, ils sont le lien entre les hommes et les dieux.
tales pour maintenir l’ordre dans la société, mais elles ne Les tensions sociales et politiques entre prêtres—qu’ils
conviennent guère à leurs vassaux chez qui le rang social n’est soient ou non membres d’un même clergé— voire entre
pas fixe. prêtres et autres notables de la société—comme les juges

60 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


PRÉNOMS NAHUACANS
Les prénoms nahuacans viennent de leur calen-
drier de deux cent soixante jours, le tonalpohualli,
ou les officiers militaires—sont courantes. Certes, la ou « nombre de jours. » On nomme donc un
société nahuacane est censée être unie au service de ses nouveau-né d’après le jour de sa naissance.
souverains et des objectifs de l’État, mais tout le monde
finit par succomber à ses ambitions personnelles, les Les jours du calendrier rituel sont chacun
prêtres comme tout un chacun. représentés par un nom de jour (au nombre de
treize) et un signe associé (au nombre de vingt).
Vous pouvez en choisir un de chaque dans les
Les soldats listes ci-dessous.
L’armée de l’Alliance fait la fierté des Nahuacans. Si tous
apprennent à se battre dès l’enfance—et peuvent théo- NOMS DE JOUR
riquement être appelés au front en cas de guerre—plus Ce, Ome, Yei, Nahui, Mahcuilli, Chicuacen,
rares sont ceux qui en font leur métier. Chicome, Chicuei, Chicunahui, Mahtlactli,
Mahtlactli-once, Mahtlactli-omome,
Les soldats, à l’instar des prêtres, sont généralement Mahtlactli-omei
issus des classes aisées de la société nahuacane. Ils ont
étudié dans une académie militaire et servent dans l’armée SIGNES ASSOCIÉS
de l’Alliance (voire, pour les plus âgés, dirigent une Cipactli, Hecatl, Calli, Cuetzpali, Coatl, Miquiztli,
académie militaire ou sont instructeurs). Leurs uniformes Mazatl, Tochtli, Atl, Itzcuintli, Ozomatli, Malinalli,
sont ornés des diverses décorations qu’ils ont obtenues et Acatl, Ocelotl, Quauhtli, Cozaquauhtli, Olin,
Tecpatl, Quiahuitl, Xochitl
qui indiquent clairement leur grade au tout venant. Plus
il est important, plus leur position sociale est élevée. Les titres—de noblesse comme honoraires—ainsi
que les surnoms—tel « le Vainqueur de la bataille
Les nobles de Forêt blanche » ou « Grandes oreilles »—sont
Les nobles sont en majorité des propriétaires terriens qui très courants chez les Nahuacans.
s’occupent d’un ensemble de fermes, voire d’un quartier
urbain. Les locataires de toutes origines, fermiers comme N’importe qui peut choisir de devenir l’apprenti d’une des
membres de guildes, leur payent un loyer. guildes de marchands nahuacanes. Là, on peut apprendre
Le statut des héritiers nobles évolue, mais pas à leur les secrets du commerce et de la négociation. Ceux qui
bénéfice. Avant la fondation de l’Alliance, eux seuls empruntent cette voie sont de plus en plus nombreux, des
pouvaient devenir prêtres ou officiers militaires. Depuis, gens ordinaires aux prêtres en passant par les soldats et les
l’ouverture par examen du séminaire et des académies nobles. Pourquoi ? Parce que les marchands contrôlent le
militaires a introduit une mobilité dans l’ordre social. Si flux de marchandises qui entrent et qui sortent de l’Alliance.
les héritages culturels et patrimoniaux assurent encore aux Leurs expéditions en pays étrangers, voire au-delà des mers,
enfants nobles une haute réussite sociale, cette dernière sont les meilleures sources de renseignements dont dispose
n’est pour autant plus garantie. l’armée. Il est donc fréquent que celui-ci décide d’investir
Puisqu’il est désormais possible de grimper l’échelle dans ces convois commerciaux étant donné qu’ils peuvent
sociale grâce à ses études ou ses succès militaires, puisque revenir avec des informations importantes, par exemple la
les prêtres contrôlent le gouvernement et puisque les dernière technologie théane en date ou les mouvements de
marchands sont devenus les principaux notables finan- troupes kuraques à la frontière tzak k’anienne.
ciers de l’Alliance, beaucoup de nobles commencent à L’organisation des guildes de marchands demeure
s’inquiéter : leur nom et leurs vêtements mis à part, leurs nimbée de mystère. Chacune partage les informations
titres vont-ils désormais perdre toute importance ? parmi ses propres rangs, puis en fait négoce auprès des
autres. Bien sûr, tout cela reste sous le sceau du secret :
Les marchands même le gouvernement ignore la nature exacte de ce
En théorie, les marchands ne sont que des roturiers, ce pour que les marchands choisissent de divulguer. On notera
quoi ils sont théoriquement vêtus de la même façon que les enfin que sur le territoire nahuacan, il appartient aux
ouvriers que l’on peut croiser dans les rues. Toutefois, en marchands—donc, par extension, aux guildes—d’entre-
pratique, ils occupent un statut particulier qui échappe à la tenir les entrepôts de matériel et de provisions destinés à
hiérarchie sociale traditionnelle des Nahuacans. faciliter les déplacements militaires.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 61


Gonzalo « Lalo » Terrazas, un marchand nahuacan, dirige Les roturiers
le Quartier aux fleurs, une communauté d’immigrés aztlans La société nahuacane est en grande partie constituée
basée à San Felipe, en Castille. Lalo se contente de prendre de roturiers. Leur existence est synonyme de labeur : ils
soin des siens et de vendre nourriture et artisanat nahuacans plantent et entretiennent les champs et les jardins flot-
aux Théans, mais cela lui permet de bénéficier de revenus tants qui nourrissent la population, apportent leur aide
confortables. Personne n’a encore eu vent des messages qu’il aux projets de travaux publics, voire servent d’assistants,
envoie à Nexhuatipec dans lesquels il détaille des informa- de valets et de personnel d’entretien aux haut placés. Ils
tions sur la technologie et les forces militaires de la Théah. doivent également suivre un entraînement régulier au sein
de l’armée, participant parfois à de fausses batailles contre
Les artistes les autres cités (même si, dans les faits, on les assignerait aux
À l’instar des marchands, les artistes sont théorique- rôles de cuisiniers, brancardiers, infirmiers et bateliers en
ment des roturiers. Dans les faits, ils sont beaucoup plus cas de guerre). Dans les provinces extérieures, les roturiers
respectés. Dans l’Alliance nahuacane, les apparences doivent entretenir les entrepôts de matériel et de provisions
sont en effet très importantes et les arts visuels omni- qui permettent à l’armée de se déplacer à une vitesse ahuris-
présents. Vêtements, murs des temples et des bâtiments, sante en dépit de sa taille.
architecture, nourriture et danses de festival sont autant S’ils mènent une vie ardue, ils ont tout de même accès à
de sources de joie, de fierté culturelle et d’unité pour les différents services : temples, hôpitaux et tribunaux. Ceci dit,
Nahuacans. L’histoire est transcrite dans des codex illus- on notera que les roturiers ayant besoin de soins médicaux
trés, et nombre d’ordres militaires sont écrits en vers afin s’en remettent généralement aux remèdes de grands-mères
d’en faciliter la mémorisation. ou aux pouvoirs guérisseurs des sorciers qui vivent en
Les Nahuacans encouragent leurs meilleurs artistes presque marge de la société, des ermites mystiques ou des étrangers.
autant que leurs héros de guerre, ce qui n’est pas surprenant Les roturiers ont également accès à l’école pendant
étant donné que certaines formes d’art, tel le travail des leur enfance. Cela permet de faire sortir du lot les élèves
plumes, confèrent à l’œuvre un pouvoir surnaturel. particulièrement doués qui ont une chance d’entrer au
Et puis les artistes sont surtout les ambassadeurs séminaire ou dans une académie militaire. Quand un
culturels de l’Alliance car ils passent beaucoup de temps élève démontre des talents qui pourraient le mener à une
dans les États vassaux—et même au-delà—à propager la telle évolution, la communauté se mobilise généralement
culture nahuacane. et lui donne tout le soutien nécessaire pour qu’il ait une
chance face aux enfants de nobles ou de marchands, qui
Les artisans ont davantage de temps pour étudier.
Les artisans inspirent quant à eux énormément de respect. Ils
possèdent une grande influence sur la politique des villes et Les esclaves
villages car si un juge ou un dirigeant souhaite employer les L’esclavage, dans l’Alliance, ressemble davantage à un
services du meilleur artisan en ville, il devra parfois déployer rendu de services non rémunéré plutôt qu’à ce que
davantage que des moyens financiers pour obtenir ce privilège. pratique la Compagnie commerciale atabéenne. Un
À l’instar des marchands, les artisans sont regroupés en Nahuacan ne naît jamais esclave, mais une fois adulte, il
guildes, qui forment les apprentis aux techniques ancestrales peut volontairement se vendre pour payer ses dettes.
de leur métier. Ces guildes sont à la tête du mouvement L’esclavage est également un châtiment pour punir divers
antiesclavagiste qui fleurit dans l’Alliance. Certes, certains crimes, dans un spectre très large allant de l’ivresse publique
artisans possèdent encore des esclaves, mais cette forme de au meurtre. Dans ce dernier cas, la sentence peut durer
privation de liberté est contraire aux objectifs et aux idéaux toute une vie. Les prisonniers de guerre, qui étaient sacrifiés
des guildes. De plus, de façon très pragmatique, quand un avant la fondation de l’Alliance, deviennent désormais des
esclave confectionne gratuitement un objet de moindre esclaves, mais là aussi, rarement à vie. Il est ainsi fréquent
qualité, les artisans y perdent nécessairement. À l’origine, le que ces derniers soient libérés pour qu’ils puissent rentrer
mouvement abolitionniste des guildes était motivé par le dans leur foyer. Cela peut certes engendrer du ressentiment
profit, mais dorénavant, les plus fervents défenseurs anties- et de la peur, mais cela permet également de répandre la
clavagistes font de l’abolition un impératif moral. culture nahuacane à l’extérieur du pays.

62 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Villes et campagnes On utilise de la pierre ou du bois pour la construction des
Les quatre États principaux de l’Alliance forment un nombreuses pièces, qui peuvent accueillir plusieurs familles.
losange au milieu du territoire. Au centre, leurs fron- Les marchands et les artisans passent souvent beaucoup de
tières se rejoignent à Pepechotlan, la capitale nahuacane. temps dans leurs maisons de guilde (qui se trouvent autour
De cette ville, sise au bord de l’immense lac Xahuācoco, de la place centrale), allant même jusqu’à dormir sur place
partent quatre routes qui suivent les directions cardinales durant les périodes de surcroît d’activité.
et mènent jusqu’aux quatre plus grandes cités du pays. Les habitations des gens ordinaires se trouvent dans
S’il existe des fleuves navigables qui relient les villes, les les quartiers les plus grands. Ce sont des structures plus
axes terrestres sont bien plus répandus. La rumeur disant simples—une seule pièce—faites de clayonnage enduit
que les Nahuacans ne possédaient pas la technologie de la de torchis ou d’argile. En général, quelques maisons
roue avant l’arrivée des Théans est en effet totalement fausse. se regroupent autour d’un patio central pour les repas
Il est vrai, en revanche, que les plus gros animaux domesti- communautaires, les jeux des enfants et les leçons. Cet
qués—les cerfs—étaient autrefois bien trop légers pour tirer arrangement permet également à plusieurs familles rotu-
des chariots. Les énormes bêtes de somme venues de Théah rières de partager les installations de forge ou de tissage.
rendent aujourd’hui beaucoup plus intéressants les véhicules
qu’elles tractent. Lentement mais sûrement, l’Alliance nahua- L’ingénierie
cane adopte donc les moyens de transport à roues. De plus L’ingénierie et le bâtiment occupent une place si importante
en plus, elle les utilise également lors d’opérations militaires. dans le quotidien nahuacan que toutes les castes finissent
invariablement par les étudier. Ainsi, un ingénieur employé
L’urbanisme par le gouvernement pour construire un aqueduc ou un
Les cités nahuacanes n’ont rien des étendues urbaines désordon- temple pourrait très bien être un prêtre, un timonier, un logis-
nées qui caractérisent bien des villes théanes. Le gouvernement ticien voire un fermier spécialisé dans le domaine en question.
de l’Alliance est en effet très minutieux quant à l’organisation de L’ingénierie est un cursus répandu dans la noblesse,
ses villes. La construction de bâtiments et des quartiers suivent notamment parce que toutes ces familles veulent maxi-
un schéma bien précis. Une pyramide aux marches géantes, qui miser la rentabilité de leurs propriétés, ou concevoir d’im-
fait aussi office de temple à la divinité protectrice de la cité— posantes habitations pour impressionner leurs voisins. À
généralement l’un des Quatre—surplombe une grande place Nexhuatipec, par exemple, Ix Nacahualli connut la gloire
publique qui sert de marché central. Les bâtiments administra- après avoir conçu un système d’aqueducs se fondant
tifs et les écoles sont regroupés autour de la pyramide et ce afin parfaitement dans les murs des temples et autres bâtiments
que les prêtres y aient facilement accès. Le stade, principalement publics. Ce système déclencha quasi immédiatement un
utilisé pour les matchs d’ōllamaliztli, se trouve non loin (même engouement pour les projets de travaux publics d’excellence,
les villes les plus petites possèdent un terrain de jeu modeste où ainsi que le prévoyait le gouvernement.
les enfants peuvent jouer).
Les manoirs des nobles sont regroupés dans une zone L’agriculture
fortifiée qui leur est dédiée, et agencés en une véritable ville Les fermes, moins rectilignes mais toujours agencées de façon
miniature. Ces structures majestueuses présentent certaines centrale, encerclent les villes. Souvent, les cahutes des agricul-
des plus belles caractéristiques de l’architecture nahuacane : teurs bordent les champs où ils travaillent. Les fermes de coton
les fondations en pierre s’élèvent au-dessus des rues plâtrées et de maïs, ainsi que celles en terrasse à flanc de coteau—dont
tandis que les murs de stuc et d’adobe, peints dans une le style est proche de celles du Kuraq—sont particulièrement
finition de très haute qualité, soutiennent des poutres et des répandues à l’est du pays. Toutefois, ce sont surtout les jardins
charpentes de bois. Elles sont composées d’une vaste cour flottants qui font le renom des Nahuacans. Ces constructions
centrale entourée de salles de réunion, de bureaux, de pièces prestigieuses consistent en un rectangle de boue et de végétaux
à vivre, de cuisines et d’ateliers, soit tout ce dont une famille stabilisé avec des pieux, et érigé à une hauteur d’environ un
noble et ses serviteurs pourraient avoir besoin, et plus encore. mètre au-dessus de la surface d’un lac peu profond. Une fois
Les demeures des marchands ou des artisans reconnus, qui construit, on y plante des saules pleureurs dans les coins et sur
sont situées dans les quartiers populaires, prennent généra- les côtés afin d’éviter l’érosion. En général, une même famille
lement la forme d’appartements spacieux et confortables. entretient un petit nombre de jardins flottants.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 63


Tout au long de l’année, les agriculteurs alternent diffé- mācuahuitl sans lames, devaient y affronter animaux
rentes récoltes. Les animaux domestiqués (comme les sauvages, Monstres et soldats correctement armés. Les
chiens, les dindes ou autres petits oiseaux) vivent dans de spectateurs, exaltés, plongeaient alors dans une frénésie
petits jardins près des fermes plus grandes ou des jardins nationaliste et sanguinaire. Depuis la fondation de l’Alliance,
flottants, parfois en plein air dans les quartiers urbains. ces compétitions mortelles n’existent plus. Dorénavant,
les participants s’affrontent avec des armes non létales et
Culture des protections dignes de ce nom. Cela n’empêche pas
Les Nahuacans ont la peau mate et les yeux sombres. Les barbes les combats d’être brutaux, et il arrive encore que l’un des
sont rares, les écarteurs d’oreille sont fréquents et les cheveux— participants—quand ce ne sont pas les deux—subisse des
noirs et lisses—sont coiffés selon différents styles : les soldats blessures mortelles au cours d’une compétition.
sont par exemple particulièrement friands des chignons qui La lutte constitue un événement encore plus populaire. Ce
leur offrent un surplus de défense contre les coups à la tête. Du n’est pas étonnant : en n’importe quel fermier nahuacan se
fait du climat chaud, ils portent de légers vêtements de coton cache potentiellement un champion de lutte, énergique et
accompagnés, pour les plus riches, de bijoux en or, en bois ou en acrobatique, car les enfants apprennent cette discipline dans
turquoise. Ils n’ont pas de carrure ou silhouette caractéristique, leur entourage proche—sœurs, frères, amis—avant même
toutefois, leur vie active étant majoritairement faite de travaux son enseignement à l’école. Tout comme s’il s’agissait d’une
manuels (y compris pour les nobles), on voit couramment leurs bataille, les combats de lutte commencent par un échange
muscles se dessiner sous leurs fins habits. cérémoniel d’insultes ayant pour but d’intimider l’adver-
saire. Celles-ci sont remarquablement grandiloquentes,
Le sport imagées et attaquent personnellement l’adversaire. En
La société nahuacane accorde énormément d’importance effet, les athlètes sont des célébrités respectées dont la vie
aux aptitudes physiques ainsi qu’aux actes de bravoure. et les exploits sont popularisés par les artistes. Pendant la
C’est assez logique, quand y réfléchit, étant donné que le rencontre, l’arène devient une arme à part entière que les
gouvernement attend de tous les citoyens qu’ils défendent combattants utilisent pour sauter, rouler et se projeter.
leur terre natale en cas de besoin. Il n’est donc pas éton- Les lutteurs triomphants—au même titre que les soldats
nant que les épreuves sportives soient au cœur de tous victorieux—gagnent le droit de porter capes et masques
les festivals nahuacans. Les meilleurs athlètes du pays se minutieusement décorés. Il s’agit là d’une exception aux lois
réunissent dans d’immenses arènes pour s’affronter dans somptuaires qui régissent les rapports sociaux, même pour
des épreuves de course, parcours d’obstacles ou tir. un lutteur issu des rangs de la paysannerie ou du clergé.
Le sport est l’un des vecteurs de promotion sociale
de la société nahuacane. Le champion de lutte Don L’ōllamaliztli
Tumbaga était ainsi un fermier qui cultivait l’igname. Ses L’ōllamaliztli est le sport le plus populaire de l’Alliance.
nombreuses victoires, ainsi que sa popularité certaine Deux équipes s’y affrontent. Les sportifs doivent faire
parmi les roturiers, lui ont permis de devenir prêtre. avancer la balle dans les airs—en la frappant avec des
protections situées sur leurs hanches et leurs avant-bras—
Les sports de combat et lui faire passer la ligne d’en-but adverse. Ce sport est
Jadis, les arènes étaient baptisées par de sanglants combats d’une grande violence car les athlètes vont jusqu’à frapper
de gladiateurs. Les prisonniers de guerre, armés d’un leurs adversaires afin de récupérer la balle.

64 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


L’ōllamaliztli s’est répandu sur les territoires nahuacans et vestimentaires. Leurs réalisations comprennent les statues
tzak k’aniens. Il gagne également en popularité dans la mer géantes qui ornent les temples, les scènes peintes sur les
Atabéenne : plusieurs équipes ont récemment vu le jour à Fort murs des pyramides, les ornements de plumes ou les codex
Liberté. Les meilleurs joueurs de l’Alliance, sponsorisés par des somptueusement illustrés. Toutes ces pratiques sont des
guildes de marchands, partent jouer dans toute l’Aztlan afin de fondamentaux de l’éducation nahuacane, et ce dès l’école.
se mesurer aux soi-disant meilleures équipes des autres Nations. Au-delà de la composante artistique, l’ajout d’images
Ce sport permet aux Nahuacans de régler leurs différends dans les messages les plus simples permet de compenser
sans avoir recours aux effusions de sang. Bien des rancunes l’éventuel illettrisme des paysans. Le gouvernement de
furent résolues sur un terrain d’ōllamaliztli. Il arrive égale- l’Alliance transmet ainsi énormément d’informations à
ment que les dieux résolvent des désaccords d’importance ceux qui ne savent que péniblement déchiffrer les mots.
lors de matchs. Ceux-ci, impressionnants à contempler, Les divers clergés affirment que ces créations sont syno-
sont du bois dont on fait les légendes et peuvent parfois nymes de patriotisme et de fierté nationale. Par bien des
durer des jours entiers avant qu’un vainqueur précis n’en aspects, ils ont raison. D’une part, ces œuvres constituent
émerge. Qu’il s’agisse de prévoir le futur, de résoudre un une part importante des exports nahuacans (bijoux, pote-
conflit ou de se faire la guerre par procuration, les dieux ries, vêtements et autres sont régulièrement échangés
participent aux matchs avec une énergie que ne sauraient contre des viandes rahuris, ou du miel, des teintures et du
égaler leurs homologues mortels. Parfois, ils recrutent des cacao tzak k’aniens), d’autre part, cela permet de propager
champions humains, soit en tant que simples remplaçants, la culture nahuacane dans toute l’Aztlan.
soit pour qu’ils jouent à leurs côtés. Rares sont les mortels
qui survivent à ces matchs, mais ceux qui y parviennent La cuisine
obtiennent des récompenses qui dépassent l’entendement. La cuisine est l’un des rares aspects de la société nahucane qui
est plus ou moins le même dans toutes les castes. La majorité
La poésie des plats sont faits à partir des légumes qui poussent dans
La tradition poétique nahuacane s’avère riche et variée. Les les jardins flottants, qu’il s’agisse de maïs, haricots, courges,
poèmes ayant pour thème la religion, les émotions, la nature piments, amarantes, ou de ces fruits étranges appelés tomates
ou les histoires d’amour sont très répandus. Nombreux sont (les premiers visiteurs théans étaient terrifiés à l’idée de
ceux qui les partagent à la fin des grands repas. Sur les murs manger ce qu’ils pensaient être un énorme bulbe empoisonné,
des temples, des académies et des bâtiments publics, on peut ce qui provoqua l’hilarité des Aztlans à maintes et maintes
souvent lire de courts vers incisifs qui chantent les louanges reprises).
de tel dieu ou héros. De nombreux ordres de bataille et Poissons et viandes de gibier agrémentent ces légumes.
recettes de cuisine sont également composés en rimes, et ce Les dindes apprivoisées fournissent des œufs et de la viande,
afin que l’on s’en souvienne plus facilement. Les Hymnes de mais les cuisiniers nahuacans sont surtout connus pour
Nezahuatzin, qui étaient inscrits sur les murs du temple de leurs plats d’invertébrés : scorpions, chenilles de l’agave,
Mīlllahco, furent la première œuvre nahuacane à être traduite punaises, œufs et larves de mouches aquatiques, scarabées
en castillian. et asticots, libellules, fourmis à différents stades de leur
métamorphose, sauterelles, etc. On dit que les recettes de
Les arts plastiques poisson et d’insecte sont l’héritage des premiers Aztlans.
Les arts plastiques et l’artisanat sont au cœur de la société, C’est pour cette raison que les Nahuacans affirment
de la politique et de l’économie nahuacanes, ce pour quoi les connaître tous les détails de leur histoire.
guildes d’artistes sont généreusement financées par le gouver- Le dessert se compose quant à lui de fruits cueillis ou, si
nement. Dans l’Alliance, les artistes « talentueux mais sans l’on a de la chance, de fourmis pot-de-miel.
le sou » n’existent pas. Le revers de la médaille est que ces La boisson alcoolisée la plus répandue est l’iztāc octli, un
plasticiens sont constamment en compétition pour réaliser alcool épais et blanc ayant un goût de levure amère. Les bras-
des projets d’intérêt public, souvent synonymes de contrats seurs en produisent des quantités importantes, mais seuls
« juteux. » les nobles et les officiers militaires peuvent l’acheter. Ils en
Les arts plastiques regroupent des disciplines aussi diverses donnent parfois à leurs serviteurs, mais en quantités minu-
que les sculptures, bas-reliefs, peintures ou créations tieusement contrôlées. En effet, l’ivresse sur la voie publique

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 65


est un délit aux yeux de la justice nahuacane : à la première Le Nagualisme
infraction on écope d’une lourde amende, à la deuxième Apocōātl apprit aux Nahuacans que chacun—hommes
d’une peine d’esclavage, à la troisième on est condamné comme dieux—peut manifester sa personnalité sous la forme
à mort. d’un animal appelé nagual. Il ne s’agit ni d’un guide spirituel,
Les fèves de cacao s’utilisent pour la cuisine, mais égale- ni même d’une transformation physique, simplement d’une
ment comme monnaie d’échange avec les Théans. Si le façon d’extérioriser sa propre identité en se concentrant sur
cours du cacao n’est pas encore suffisamment établi pour quelques-uns de ses traits et en les associant à un animal. Par
en faire une monnaie—au même titre que le guilder—cela exemple, si le nagualiste est obstiné, social, confiant vis-à-vis
fait longtemps que les marchands en conservent une trace. de ses semblables mais nerveux à l’idée d’être seul, son nagual
De plus en plus, les négociants expriment la valeur d’une pourrait revêtir la forme d’un loup.
marchandise en nombre de fèves de cacaos voire, dans le En méditant profondément sur leur propre caractère et en
cas de valeurs très importantes, en capes de coton. étudiant longuement l’animal associé dans son état naturel,
Étant donné qu’elles sont difficilement cultivables dans les nagualistes font en sorte que leur nagual devienne le
l’Alliance, sauf à son extrême sud, les Nahuacans doivent reflet le plus parfait possible de ce qu’ils sont au fond d’eux.
commercer avec le Tzak K’an pour en importer. Les chevaliers
aigles se servent souvent de cela afin de justifier une future Les maîtres du Nagualisme peuvent également donner
conquête du Tzak K’an : tout serait beaucoup plus simple vie à leur nagual. Ce dernier devient alors à la fois une
si les Nahuacans pouvaient faire pousser leur propre argent. incarnation du nagualiste et une entité indépendante à
part entière. Ces externalistes sont à l’origine des rumeurs
La sorcellerie selon lesquelles un sorcier peut se transformer en nagual,
Depuis les temps immémoriaux de l’Empire aztlan, les ou que le nagual est un guide spirituel issu de la nature.
Nahuacans montrent défiance et peur envers les sorciers,
même envers ceux qui leur sont alliés. Ces derniers vivent La Plume
et travaillent à l’écart de la société, et ceux qui viennent leur Les chasseurs nahuacans se donnent énormément de
demander leur aide le font en cachette, honteux et craintifs mal pour capturer des oiseaux aux plumes éclatantes car
que quelqu’un puisse l’apprendre. Certes, on ne leur ferait ceux-ci leur offrent bien plus que de la nourriture. Grâce à
aucun mal s’ils s’aventuraient en ville, mais ils provoqueraient leur plumage, les maîtres artisans de la guilde des plumes
vite regards nerveux et portes qui claquent sur leur passage. ornent vêtements, armes et armures nahuacanes.
Certains motifs ne sont toutefois pas uniquement réalisés
La Divination en tenant compte de considérations esthétiques. Ils sont
Ītzzohualli enseigna aux Nahuacans l’art de la Divination. également empreints d’une puissance surnaturelle. Lorsque
Les oracles sondent l’avenir en scrutant une surface réflé- les plumes sont arrangées selon des dispositions sacrées,
chissante—généralement un miroir, mais un plan d’eau et une fois que les Plumes les ont bénies par des prières
peut également fonctionner—à travers un rideau de adressées à Tlehuitzin, elles insufflent à l’objet—une épée,
fumée fait d’un mélange secret de plantes brûlées. Leurs une armure ou un bouclier par exemple—une résistance
visions sont souvent étranges et éthérées. Intrinsèquement, surnaturelle, ainsi que nombre d’autres qualités tout
elles n’ont pas beaucoup de sens, mais elles livrent leurs aussi impressionnantes.
secrets lorsqu’on les compare aux cartes du ciel modernes.

66 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Religion
Lorsqu’un individu est sacrifié au nom d’un dieu, il anaconda géant mais souple comme un vairon. Cette divi-
traverse une apothéose  : la divinité absorbe alors son nité est un prédateur qui n’éprouve aucune joie à tuer : la
esprit et fusionne avec son corps (voire l’utilise pour se violence permet de survivre et ne devrait pas être source
créer une nouvelle incarnation). de fierté. Apocōātl est le dieu de l’ouest, de Tecuehtitlān,
Au temps de l’Empire aztlan, ces apothéoses se produi- des sciences, de la paix et de la nature.
saient rarement, et toujours par hasard. Après la Chute, Il a l’apparence d’un serpent géant recouvert de plumes
Nacatlicue initia les Nahuacans au secret du sacrifice. humides. Parfois blanc, parfois outrageusement multico-
Les clergés commencèrent alors à chercher des victimes lore, c’est le seul parmi tous les dieux à n’avoir jamais été
à sacrifier pour renforcer leurs divinités respectives. vu sous forme humaine.
Certaines d’entre elles étaient consentantes, ravies à Apocōātl apprend à ses prêtres et ses fidèles les secrets
l’idée de fusionner avec le divin, mais plus encore ne de la médecine, de l’eau pure et des herbes médicinales.
l’étaient pas. Il arriva même que certains prêtres osent Le Nagualisme est son apanage  : il fut le premier à
sacrifier des dieux : quelques divinités apprécièrent le enseigner à ses croyants comment manifester leur nagual,
geste, mais beaucoup d’autres, choquées et horrifiées, matérialiser ses forces et faiblesses ou lui donner la forme
exterminèrent immédiatement leur clergé d’un revers d’un compagnon bestial afin d’établir un lien avec leur
de la main. propre âme.
Après la fondation de l’Alliance, les sacrifices humains Il est le plus franc des Quatre, mais il est avare de mots
furent proscrits. Aujourd’hui, aucun des Quatre n’ac- et peu disposé à converser, comme si prendre la parole
cepte plus ce cérémoniel. Les prêtres sacrifient encore le fatiguait.
des objets ou de petits animaux, mais il ne s’agit désor-
mais plus que d’actes rituels sans réelles conséquences. Il Ītzzohualli, la déesse boréale
existe toutefois quelques cultes mineurs qui pratiquent Brouillards aveuglants, énigmes déconcertantes, lames
encore le sacrifice humain. Lorsqu’ils sont découverts, dans la nuit et mensonges magistraux appartiennent
les Nahuacans les éliminent sans autre forme de procès. à Ītzzohualli. Elle est la déesse du nord, de Mīlllahco,
des ténèbres, de l’obsidienne, de la nuit, de la lune et de
Les dieux majeurs la mort.
De nombreuses divinités arpentent l’Aztlan, mais les Personne ne connaît sa forme véritable car à son
Nahuacans en vénèrent quatre principales qui sont les approche, une brume s’échappe de la terre et les ombres
protectrices de leurs plus grandes cités. Les dieux mineurs s’allongent et s’allient jusqu’à ce que seuls demeurent ses
n’en demeurent pas moins respectés, d’ailleurs, la plupart yeux, deux éclats d’obsidienne qui luisent dans l’obscu-
ont été intégrés au panthéon suite à la conquête de tel ou rité. Elle prend parfois la forme de prédateurs ou d’une
tel État aujourd’hui inféodé. femme à la peau aussi noire que l’obsidienne. Ses prêtres
Les dieux nahuacans sont des entités primordiales s’accordent pour la représenter sous sa forme la plus
et capricieuses, mais ils ont en commun d’offrir leur connue : une créature entièrement faite de serpents noirs.
bénédiction à quiconque leur témoigne du respect. Cependant, personne ne sait avec certitude s’il s’agit là de
Les dieux peuvent changer d’apparence comme ils le son apparence réelle.
souhaitent, mais ils se présentent souvent à leurs fidèles Ītzzohualli a fondé l’ordre des ocēlōmeh. Elle renforce les
sous une forme reconnaissable. De temps en temps, ils porteurs de la peau de jaguar noir en leur octroyant des
se plaisent à déambuler dans leurs cités sous une appa- sens surhumains, un pas de velours et des armes d’obsi-
rence inconnue. dienne qui tuent aussi rapidement que silencieusement
(à condition qu’ils les manient avec la précision qu’exige
Apocōātl, le dieu occidental leur tenue).
À l’ouest du territoire nahuacan, marais et vallées fluviales Lorsqu’on lui pose une question, elle répond par des
sillonnent et serpentent entre les sommets des montagnes. énigmes et des vérités voilées.
Apocōātl, le Serpent des tempêtes, se sent chez lui lors-
qu’il nage lestement dans les fleuves, aussi grand qu’un

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 67


Nacatlicue, la déesse orientale D’ordinaire, les relations entre dieux majeurs et mineurs
Si Ītzzohualli et Tlehuitzin représentent aujourd’hui la sont amicales, et ce même si leurs fidèles ne se supportent
guerre aux yeux des Nahuacans, c’est bien Nacatlicue qui pas forcément les uns les autres.
en fut la première divinité, et ce afin que les récoltes de son Dans les États vassaux, les rebelles séparatistes se
peuple soient protégées. Aujourd’hui, elle est la déesse de regroupent souvent autour des préceptes et du culte d’un
l’est, d’Ōlōxochicalco, de l’agriculture et de la terre. dieu mineur spécifique, parfois sans même vérifier qu’ils
Elle a l’apparence d’une femme à l’âge incertain. Son corps ont bien l’aval de la divinité en question. À plus d’une
est dépecé de la tête à la taille : on dit qu’au cours d’une reprise, l’armée nahuacane a ainsi détruit le temple d’un
terrible sécheresse, elle arracha sa peau pour abreuver le sol dieu mineur afin de mater une révolution. On n’entend
de son sang (elle lui sert depuis de jupe). Son apparence est plus jamais parler des dieux qui subissent un tel sort.
sûrement plus déstabilisante que celle de n’importe quel
autre dieu. Elle revêt parfois le visage d’une guerrière, notam- Les religions étrangères
ment lorsqu’il faut protéger son peuple d’un danger. Un phénomène étonnant est apparu dans quelques
Lorsqu’elle parle, Nacatlicue utilise des lieux communs provinces du littoral oriental : des villes nahucanes ont
et des paraboles, répondant aux questions par de petites ouvert les bras au dogme vaticin.
fables mettant en scène des animaux qui parlent ou des Les missionnaires castillians sont en effet porteurs d’un
enfants indisciplinés. message de paix qui fascine bien des Nahuacans. Ils élèvent
d’étranges lieux de culte au style théan et mélangent leurs
Tlehuitzin, le dieu austral pratiques religieuses avec celles des cultes locaux. Quand
Les Quatre n’ont pas de chef, mais s’il devait y en avoir un, un Nahuacan se rend dans l’une de ces cités, il ne perçoit
Tlehuitzin, le plus fier et tonitruant, voudrait le devenir. Il est au premier abord rien d’étrange : il y entend la musique
le dieu du sud, de Nexhuatipec, du soleil, du feu et de la guerre. et la poésie des festivals locaux, et il y perçoit l’odeur de la
Il apparaît sous la forme d’un vieillard portant l’uni- cuisine nahuacane traditionnelle. Cependant, s’il y regarde
forme militaire officiel de Nexhuatipec, aux premiers bien, il s’apercevra que les actes de piété habituels sont
jours de sa fondation. Il arbore une coiffe de plumes et émaillés d’évocations à des prophètes inconnus.
manie un serpent enflammé qu’il porte ceint autour de La plupart des Nahuacans ne comprennent tout simple-
la taille. Parfois, il peut prendre l’apparence d’un athlète ment pas la religion théane, qui semble s’articuler autour
pour interagir avec ses fidèles à travers le sport. de l’existence d’un dieu que personne n’a jamais vu, à
Tlehuitzin inventa la représentation du disque solaire l’exception de trois prophètes qui ont depuis disparu et ne
que les Nahuacans et les Tzak K’aniens utilisent comme peuvent donc répondre à aucune question. Ils ne saisissent
calendrier. Il l’a tatoué sur son dos, et c’est le symbole le pas le concept de « foi » placée en un être invisible et ont du
plus couramment utilisé pour le représenter. mal à penser que cette croyance aveugle puisse être louée et
Il est direct et irréfléchi : il dit ce qu’il pense sans prendre vénérée. C’est un peu comme si vous prétendiez que vous
de gants. Pour autant, lorsqu’on lui pose une question, il a êtes le meilleur joueur d’ōllamaliztli de toute l’Aztlan et
la désagréable habitude de répondre à une autre, voire de que vous demandiez à tout un chacun de vous croire alors
se plaindre de l’attitude des plus jeunes. même que personne ne vous aurait jamais vu jouer.
En vérité, pour ces Nahuacans convertis, la foi vaticine
Les dieux mineurs est si différente de leurs pratiques religieuses qu’ils n’ont
Les dieux mineurs (régissant des domaines limités tels aucun mal à faire cohabiter les deux. Les missionnaires
une espèce de plante ou un métier) sont légion dans l’Al- vaticins ont du mal à comprendre cette double pratique,
liance. Nombreux sont ceux qui protègent une ville ou un mais ils la considèrent comme un mal nécessaire  : la
État (vassal ou inféodé). première étape sur le chemin de l’illumination.
Ces divinités possèdent toutes leurs temples et leurs Les autres Nahuacans considèrent de plus en plus
cultes, même s’ils ne regroupent que peu d’adeptes. Du que les vaticins représentent un danger pour la culture,
fait de la tendance légaliste des Nahuacans, ces clergés l’identité et l’influence de l’Alliance. Ils refusent donc de
finissent tous, à plus ou moins long terme, par tomber se mêler à eux, et vont parfois jusqu’à brûler des églises
sous l’autorité administrative de l’un des Quatre. et les maisons des croyants sous prétexte de patriotisme.

68 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


N’EN PARLONS
PLUS JAMAIS
Les cultes sacrificiels Personne ne nie le fait que les sacrifices humains
L’interdiction des sacrifices humains imposée par l’Al- étaient autrefois monnaie courante. Les temples
liance nahuacane ne fut pas acceptée par tous. Certains majestueux présents dans les quatre cités princi-
pales, entre autres, possèdent chacun des autels
intégristes décidèrent en effet que les sacrifices au nom
sacrificiels placés bien en évidence. Aujourd’hui
de leur divinité étaient bons et justifiés, que cette dernière encore, ces autels servent à sacrifier des objets
l’accepte ou pas. bénits. Les dieux eux-mêmes s’en souviennent
Ces cultes mortifères se dissimulent au sein de la car ils tiraient davantage de puissance des
population nahuacane. Ils communiquent en public via sacrifices qui leur tenaient le plus à cœur
des messages codés, et se retrouvent secrètement dans la (saints suppliants et autres serviteurs dévoués).
Aujourd’hui, les dieux ne répondent à aucune
nature pour communier. Ils enlèvent ceux qui ne manque-
question concernant les sacrifices.
ront à personne—criminels, esclaves, indigents, voyageurs
de passage—puis les sacrifient. Ils font souvent front De fait, certains pans du passé restent flous.
commun avec d’autres indésirables dans une optique de Les dieux ont-ils exigé des sacrifices pour gagner
bénéfice mutuel. Ainsi, les sorciers vendent parfois leurs en puissance ou bien les humains ont-ils lancé
services aux cultes. eux-mêmes cette tradition ?
Ces fanatiques croient profondément qu’en sacrifiant
Quoi qu’il en soit, à la naissance de l’Alliance, les
assez d’âmes à leur divinité, celle-ci renouera avec sa dieux reconnurent qu’ils étaient las des bains de
nature primordiale et retrouvera sa faim pour les morts sang. Leurs gains de pouvoir ne valaient pas les
humaines. Une faim que la société nahuacane devra flots ininterrompus de morts et de destruction.
alors assouvir. La naissance de l’Alliance marqua donc la fin des
Les Quatre ne veulent plus rien avoir à faire avec cette sacrifices humains pour les Nahuacans.
forme d’adoration. Hélas, à moins de se trouver juste à
côté, ils n’arrivent jamais à attraper les coupables. Il y a
peu, des régiments nahuacans qui assiégeaient une cité
rebelle découvrirent que les marchands envoyés en éclai-
reur avaient été sacrifiés à Tlehuitzin. Ce dernier avait
bien entendu ressenti les sacrifices, mais il fut incapable
de dire à quel endroit et à quel moment ils eurent lieu. De
toute manière, il se trouvait beaucoup trop loin de la ville.
Les soldats apprirent que ces sacrifices avaient permis
d’ensorceler des armes afin de les rendre encore plus
mortelles. Un frisson glaça l’échine des chefs nahuacans
lorsqu’ils comprirent qu’un sacrifice pouvait permettre
à une personne sans scrupules d’accéder à des pouvoirs
divins sans même l’autorisation du dieu.
Certains dieux mineurs acceptent avec joie les sacrifices,
allant jusqu’à affirmer que cela leur permettra de gagner
assez de puissance pour, un jour, renverser l’un des Quatre.
Souvent, ces croyants détestent l’Alliance et cherchent
à lui porter un coup sévère. Heureusement, les bénéfices
qu’ils obtiennent de leurs dieux sont souvent infimes et
insignifiants comparés aux bénédictions reçues par les
fidèles d’un dieu majeur. Cela ne les empêche cependant
pas de continuer à commettre leurs actes impies.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 69


Lieux notables
Ōlōxochicalco Nexhuatipec
Ōlōxochicalco est la cité orientale de l’Alliance. Grâce aux Dans le désert austral, les hautes pyramides et les grands
bénédictions de Nacatlicue, il s’agit de la plus grande et temples de Nexhuatipec sont visibles depuis des kilo-
de la plus riche des cinq villes majeures. Les vastes plaines mètres. Quand les Nahuacans suivirent Tlehuitzin pour
fertiles permettent en effet des récoltes abondantes que la première fois, la chaleur impitoyable du désert et les
la déesse entretient grâce à la pluie et la richesse des sols. créatures redoutables qui y vivaient remplirent leurs
Au fil des siècles, la profusion de nourriture permit à la cœurs de peur et de doutes. Le dieu savait pourtant que
cité de croître plus rapidement que les trois autres. Ici, les la région permettrait à son peuple de devenir fort et indé-
paysans sont plus nombreux que les prêtres, les nobles, les pendant. Il contacta les dieux mineurs de la javeline, de
marchands et les artisans réunis. la lance et de l’arc et s’agenouilla à leurs pieds pour leur
La plupart des fermes possèdent de larges champs de demander d’apprendre à son peuple à mieux chasser. Ces
maïs, ce qui peut expliquer que les jardins flottants soient divinités acceptèrent. Elles apprirent aux Nahuacans à
assez rares. Les récoltes sont envoyées à travers toute confectionner des atlatls—pour donner plus de vitesse
l’Alliance, et le surplus est vendu aux Rahuris de la mer à leurs javelines—et à créer des remèdes pour vaincre les
Atabéenne. Les nobles qui possèdent ces terres sont donc venins les plus mortels.
riches et bien nourris. Ils se montrent toujours extrême- Les habitants de Nexhuatipec sont aujourd’hui connus
ment respectueux de ceux qui travaillent leurs champs. pour être les Nahuacans les plus résistants, ainsi que les
Le commerce entre Ōlōxochicalco et les îles atabéennes chasseurs les plus habiles. L’agriculture étant plus diffi-
a toujours été lucratif. La ville se développe énormé- cile qu’ailleurs en raison des terres sèches, ils attaquèrent
ment depuis cent ans à force d’accords commerciaux et pillèrent maintes fois les villages fluviaux, ce qui leur
bien négociés. Quand les Théans débarquèrent, ce fut permit d’apprendre à adapter leurs talents de chasseurs
Ōlōxochicalco qu’ils découvrirent en premier. Le premier pour la guerre. Ainsi, c’est sans surprise à Nexhuatipec
contact se passa donc bien puisque les nahuacans locaux que naquirent les célèbres chevaliers aigles.
avaient déjà l’habitude de commercer avec les peuples Nexhuatipec a offert à l’Alliance nombre de Grands
venus de la mer. orateurs. Les bâtiments administratifs y sont les plus
Du fait de la nourriture et des marchandises étrangères importants du pays—c’est là que se trouve, par exemple,
échangées, la cité est perçue par les Nahuacans comme la le bureau du Maréchal de l’armée nahuacane—et le quar-
plus exotique de toute l’Alliance. Ceci dit, les habitants tier noble y est plus vaste que dans toute autre ville de
ont beau avoir largement profité des échanges avec les l’Alliance.
autres Nations, ils ne font tout de même jamais confiance Les bienfaits économiques de Nexhuatipec sont toute-
aux étrangers. fois plus fragiles que ceux des autres grandes villes. Elle
Bien que Nacatlicue ait abandonné depuis bien long- est désormais trop grande pour être autosuffisante grâce à
temps son rôle de déesse de la guerre, l’Ōlōxochicalco la chasse et à la cueillette, et la terre sablonneuse empêche
actuelle bourdonne au rythme des préparatifs militaires. toute culture vivrière. Certes, le lac Cuitlacuahuitl permet
Outre les paysans, la population de la ville est en effet d’entretenir quelques jardins flottants, mais les sols riches
composée d’un grand nombre de médecins et de mili- sont difficiles à trouver. Nexhuatipec doit donc importer
taires entraînés à protéger les récoltes. Ōlōxochicalco est la majorité de sa nourriture.
la première source de nourriture de l’Alliance : si quelque Dans la plupart des autres cités, miliciens et juges se
chose devait lui arriver, cela signifierait une famine assurée. relèvent à tour de rôle pour faire respecter la loi. Ce n’est
L’Alliance pourrait peut-être endurer la perte d’une pas le cas à Nexhuatipec. Un jour où le taux de criminalité
grande cité ou d’un État, mais pas d’Ōlōxochicalco. La atteignit un pic, le gouvernement créa une force de police
milice s’entraîne donc férocement et la ville est ceinte de permanente—dirigée par les plus nobles et les vétérans de
murs entretenus. Les ingénieurs de guerre font des essais guerre héroïques—afin de patrouiller et surveiller la ville.
avec les armes théanes afin que l’enceinte puisse résister
au mieux aux canons théans.

70 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


La médecine moderne Si les soldats de Mīlllahco ne sont pas les meilleurs
Nexhuatipec est peut-être incapable de faire pousser combattants en région montagneuse de l’Aztlan—ce titre
sa nourriture, elle ne possède certes pas les eaux médi- échoit aux Kuraques—les étroits cols de montagne les ont
cinales de Tecuehtitlān, mais elle dispose des remèdes cependant habitués à s’organiser en troupes réduites, disper-
naturels que l’on trouve en abondance dans les jungles sées partout dans la région accidentée. Afin de compenser
environnantes. Cela a permis aux médecins de découvrir cette faiblesse militaire, furent créés, sur les conseils d’Ītzzo-
des remèdes à de nombreux maux, comme la migraine, hualli, les célèbres guerriers jaguars : les ocēlōmeh.
l’indigestion et les douleurs généralisées. Leur remède
préféré pour les aigreurs d’estomac est le chocolat chaud, Huey Tletepētl
et pas seulement en raison de son arôme parfumé et de Le siège des ocēlōmeh se situe dans la Huey Tletepētl. Au
son goût agréable. rez-de-chaussée de la tour, on trouve des bureaux et des
salles de réunion réservés aux chefs des guerriers jaguars.
Mīlllahco Les étages supérieurs servent quant à eux de dortoirs
Mīlllahco est nichée entre les volcans éteints des à plus de mille soldats. Les moins gradés dorment au
montagnes septentrionales où se trouvent d’importants dernier étage de la tour. Ils ont beau avoir une vue impre-
gisements d’obsidienne. On trouve, sur les pentes des nable sur la ville, ils sont également les plus éloignés de
collines environnantes, de magnifiques fermes en terrasses l’action si la tour venait à être attaquée.
qui exploitent nombre de jardins flottants. La Huey La Directrice Xochitl mène ses opérations depuis le
Tletepētl (tour de lave en nahuatl), une tour unique faite premier étage. Ses quartiers sont situés en haut des esca-
de gigantesques blocs de roche volcanique polis pour un liers du deuxième étage. Ainsi, elle est libre d’aller et venir
rendu lisse et brillant, surplombe toute la cité. On peut sans être remarquée, et pourrait également défendre les
observer ce bâtiment depuis n’importe quel point d’obser- lieux dans une cage d’escalier qui représenterait un goulot
vation car il est sis sur la plus haute crête des montagnes d’étranglement meurtrier pour les envahisseurs.
avoisinantes. Ceci mis à part, la ville n’a intrinsèquement Toutes les informations militaires qui passent par les
rien de remarquable par rapport aux autres grandes cités, ocēlōmeh finissent invariablement ici. Cela explique pour-
si ce n’est que les maisons de guilde des artistes servent quoi une grande majorité de Nahuacans nomme « Huey
de galerie pour exposer les œuvres qui n’ont que peu Tletepētl » le bureau des renseignements militaires de
d’intérêt pour la propagande gouvernementale (ou une l’Alliance. Il ne s’agit cependant que d’une métonymie.
quelconque autre utilité publique).
Si la terre volcanique de Mīlllahco est fertile, elle n’en Tecuehtitlān
demeure pas moins difficile à labourer en raison des Située dans les anciennes fondrières occidentales,
pentes abruptes. Heureusement, grâce à ses gisements Tecuehtitlān aurait été une véritable souricière sans les
d’obsidienne, ses mines montagneuses et son lien avec les conseils avisés d’Apocōātl. Il enseigna à ses fidèles à
terres du Wabanaki, l’économie de Mīlllahco a toujours purifier leur eau par le feu et les feuilles, et ordonna aux
été suffisamment florissante pour compenser cette diffi- premiers ingénieurs de draguer les marais et de construire
culté. Beaucoup de guildes de marchands et d’artisans des jardins flottants. Dans ces marécages où nul homme
sont établies dans la cité—voire y ont bâti leur siège—et n’avait encore osé s’aventurer, le peuple de Tecuehtitlān
permettent de faire des échanges avantageux avec les découvrit une abondance de nourriture. Leurs herboristes
autres cités ou les États vassaux. passèrent maîtres dans l’art d’utiliser les plantes qui ne
Historiquement, la noblesse contrôlait la plupart des poussaient nulle part ailleurs sur le continent.
mines et des gisements d’obsidienne. Cependant, ils se En raison des besoins en ingénierie du sol humide,
sont petit à petit fait surpasser par les marchands, qui Tecuehtitlān fut construite d’après un plan un peu plus
possèdent de meilleurs réseaux commerciaux et savent désordonné que la norme nahuacane. Tandis que les
tirer profit des matériaux qu’ils récupèrent. Les tensions jardins flottants sont situés partout dans la ville (au lieu
entre nobles et marchands ont déclenché des disputes de se trouver à sa périphérie), le temple du Serpent des
notoires sur la place du marché, ainsi qu’au moins une rixe tempêtes (qui consiste en un complexe de temples multi-
embarrassante et spontanée que la milice dut disperser. ples encerclant le pied d’une montagne) s’élève hors du

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 71


marais. Là, les prêtres transforment les eaux marécageuses qu’ils participent à de fausses batailles où l’on mise quitte
en eau potable grâce au pouvoir d’Apocōātl. ou double. Certains spectateurs doivent ensuite se tourner
Pendant l’Éternelle guerre des Quatre, les prêtres et les vers l’esclavage pour pouvoir rembourser leurs dettes.
scientifiques de Tecuehtitlān développèrent toxines et À Tecuehtitlān, l’ōllamaliztli n’a rien d’une discipline
remèdes grâce aux plantes locales. Ils s’assurèrent ainsi laïque. Elle est intimement liée au culte d’Apocōātl. Les
que leurs soldats récupèrent plus vite que les autres, ce rituels sont ainsi conduits à une échelle immense par
qui leur permit de conserver un avantage mineur sur les une armée de dévots nimbés de la fumée des encens qui
armées plus puissantes des autres cités. se retrouvent sur le terrain d’ōllamaliztli, au pied de sa
Aujourd’hui, Tecuehtitlān est la plaque tournante pyramide. Dès lors, le terrain de jeu symbolise l’univers
culturelle et intellectuelle de l’Alliance. La réputation de et la balle représente le soleil. Le rythme de la partie se
ses séminaires et de ses académies n’est plus à faire. C’est fait le reflet de la lutte éternelle entre lumière et ténèbres,
également ici que se trouve la cour suprême de l’Alliance, et l’on dit que le voile de la mort lui-même s’amincit lors
ainsi que les écoles de droit et cabinets juridiques associés. des parties les plus acharnées.
Tecuehtitlān est facilement accessible par transport fluvial,
ce qui signifie que les matchs d’ōllamaztli et les champion- La colline d’Altepetal
nats nationaux de lutte y ont généralement lieu. La cité Un peu plus de dix kilomètres à l’est de Tecuehtitlān, la
dispose donc de quelques stades gigantesques, notamment colline d’Altepetal présente une profusion verdoyante
le majestueux stade d’ōllamaliztli situé à l’ombre du grand d’espèces animales et végétales. Il y a deux siècles, il ne
temple d’Apocōātl. s’agissait que d’un désert stérile, mais grâce à un aqueduc
qui apporte de l’eau douce depuis le pied du mont
Le majestueux stade d’ōllamaliztli Queztloc, le grand prêtre visionnaire Acomiztli fit trans-
La décision de Tecuehtitlān de s’adonner à l’art, à la former la colline en une œuvre d’art.
culture et au savoir fit diminuer ses besoins militaires, Au pied de la colline se situe un palais d’été peuplé par
mais frustra d’autant plus ses soldats. Les dirigeants une armée de poètes, d’artistes et d’érudits. Ici, l’opulence
n’ignorèrent pas la situation et prirent la décision de n’a d’égale que les merveilles botaniques des jardins aqua-
permettre aux citoyens d’exprimer toute leur ardeur tiques. Les chemins sinueux et isolés de ces jardins sont
martiale par le biais de l’ōllamaliztli. L’imposant terrain l’endroit parfait pour s’adonner à la contemplation, aux
de la ville (une énorme arène à ciel ouvert, ceinte de hauts rendez-vous secrets et, bien sûr, aux complots.
murs de pierre enduits de plâtre et décorés de peintures Des marches en marbre pavent le chemin tortueux qui
représentants dieux et guerriers) symbolise ainsi ce qui a grimpe le long des flancs de la colline jusqu’au sommet, où
trait à l’exploit physique dans une société d’intellectuels. se trouve un sanctuaire dédié à Apocōātl. Aux nombreux
Rapidement, la détermination féroce que vouent les champs terrassés de maïs, courges et haricots succèdent une
habitants de Tecuehtitlān à l’ōllamaliztli fit du stade le profusion vertigineuse de fleurs exotiques et de cascades
plus prestigieux terrain de jeu de toute l’Alliance. Nobles bouillonnantes, tandis que l’activité frénétique du palais
comme roturiers affluent aujourd’hui dans les gradins cède la place à la solitude et la contemplation du sanctuaire.
pour encourager leurs joueurs préférés et oublier les Lors de l’ascension, l’escalier de marbre disparaît petit à petit
difficultés de leur quotidien. au profit d’encens enivrant et de chants pieux. Les prêtres
Les matchs d’ōllamaliztli ne sont toutefois pas un simple d’Apocōātl, qui ne relâchent jamais leur vigilance, guident les
rendez-vous sportif. Ils constituent également une occa- pèlerins à travers un labyrinthe de jardins suspendus, d’ani-
sion parfaite pour mener nombre de jeux de pouvoir. Les maux exotiques et d’étangs parfaitement lisses qui composent
gradins et les tribunes du stade sont des endroits idéaux le sanctuaire le plus sacré d’Apocōātl. Un dernier chemin de
pour se retrouver en secret, espionner avec roublardise ou pierres blanches mène les visiteurs à leur destination finale : le
s’adonner aux intrigues. bassin sacré du Serpent des tempêtes, un point d’eau artificiel
L’argent coule à flots lors des matchs. Les paris sont fait de pierres finement taillées. Entouré par quatre grenouilles
parfois si énormes que l’on dit que des royaumes entiers de jade qui représentent chacune l’une des villes historiques de
ont déjà changé de mains suite à un lancer de balle. Il l’Alliance, et encerclé par une multitude de fleurs parfumées
arrive que les nobles payent des joueurs redoutables pour et de fontaines apaisantes, le bassin est un véritable miracle

72 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


de l’ingéniosité nahuacane qui n’a d’égal que le miracle de ses Pepechotlan
eaux mêmes. Des siècles après que les Quatre ont fondé leurs cités
Après son premier contact avec les Théans, le Serpent des respectives fut construite Pepechotlan, la capitale de
tempêtes ressentit les prémices d’une terrible menace peser l’Alliance nahuacane. La ville est sise sur la rive d’un
sur son peuple : la maladie. Il se hâta d’agir en utilisant ses lac gigantesque, à l’intersection du territoire des quatre
plus puissantes bénédictions pour lier une partie de son cités. Originellement, ce lieu abritait un petit village de
âme à la colline d’Altepetal. À jamais changées, les eaux pêcheurs et de fermiers. Quand le premier Grand orateur
toujours fraîches du bassin d’Apocōātl sont maintenant fut nommé, il décida qu’il lui fallait un endroit neutre où
si pures qu’elles peuvent guérir n’importe quelle maladie. tous les dieux seraient égaux. On dit qu’il fit alors partir
Il n’y avait hélas pas assez d’eau pour en faire profiter les des cavaliers de chaque cité : à l’endroit où ils se retrouve-
autres Nahuacans, juste assez pour empêcher le noyau de raient serait construite la capitale de l’Alliance.
leur civilisation d’être détruit sur-le-champ. Depuis, la Pepechotlan est donc le siège du gouvernement central
colline d’Altepetal offre aux habitants de Tecuehtitlān un nahuacan. Quiconque veut accomplir quoi que ce soit doit s’y
flot continu d’eaux curatives, ce qui leur permit de main- rendre pour faire affaire. C’est ici que se réunit le conseil des
tenir leur mode vie en dépit de l’arrivée des Théans. anciens, qui possèdent chacun une demeure en ville, et c’est
Malgré ses miracles, la bénédiction d’Apocōātl réclame également ici que vient vivre le Grand orateur après avoir été
un prix à payer. Son lien avec le bassin sacré est désor- choisi. Un haut juge, dont les verdicts de loi influent et informent
mais si intime qu’il le rend physiquement vulnérable à l’ensemble des juges de l’Alliance, siège aussi à Pepechotlan.
la corruption, tant des Théans vengeurs et que des intri- La capitale s’évertue à maintenir une neutralité solide
gants de Tecuehtitlān. Au moins un groupe de Théans a entre les quatre cités et leurs divinités respectives. Chaque
réussi à infiltrer le sanctuaire. Seul le temps permettra dieu y possède un grand prêtre qui le représente, ainsi
de savoir si les prêtres vigilants du Serpent des tempêtes qu’un temple voué à son culte et une résidence où aller
et les dirigeants de Tecuehtitlān pourront empêcher la lorsqu’il vient en visite. Chaque dirigeant possède un
colline d’Altepetal—donc leur dieu—de succomber à une représentant gouvernemental officiel ainsi qu’un endroit
annihilation totale. où accueillir les familles nobles de sa cité.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 73


D’aucuns diraient de Pepechotlan que le véritable L’oasis s’est donc petit à petit transformée en un village
pouvoir est en réalité dans les mains du Maître de l’ordre de rebelles et dissidents fanatiques. Nahuiachahuitin a
des cuāuhmeh et de la Directrice des ocēlōmeh (l’Aigle fini par déclarer indépendance vis-à-vis de l’Alliance, et
et le Jaguar). Tous deux possèdent en effet des bureaux à d’une manière générale de quelque autre puissance qui
Pepechotlan. Traditionnellement, ils ne s’y rendaient que soit. Des détachements militaires envoyés par Mīlllahco
sur convocation du Grand orateur, ou pour résoudre des furent repoussés—voire ne revinrent jamais—après
affaires officielles du gouvernement. Depuis l’élection du s’être fait copieusement rosser. Nahuiachahuitin n’est
Grand orateur Chicahua Tlatoa, ils passent tous les deux en effet pas une cible facile. Elle est encerclée par des
beaucoup de temps à Pepechotlan, ce qui n’augure rien kilomètres de désert à découvert, où le soleil ne connaît
de bon. aucun obstacle d’un point d’horizon à un autre. Le
sable y est aussi blanc que la craie et réfléchit les rayons
Nahuiachahuitin aveuglants. L’air y est si sec que la sueur s’évapore dès
Nahuiachahuitin abrite quatre sources d’une eau douce le moment où elle sort des pores de la peau. Il n’y a ni
turquoise, situées au milieu du désert d’ Ixachi Cocopi. ombre, ni abri, ni cachette, ni répit.
Elles furent découvertes—ou, selon certaines légendes, Les rebelles vous voient arriver bien avant que vous
invoquées—par le prêtre dissident Mizzolotl. Cet n’ayez pu déceler leur présence. Impossible d’échapper
homme aux manières simples et à la parole influente aux sables, qui s’élèvent en nuages de poussière derrière
accusa les clergés et la noblesse d’être nocifs pour l’Al- vous, tandis que vos adversaires bénéficient d’une
liance. Depuis sa création, nombre des personnes privées position avantageuse du haut des dunes qui bordent
de leurs droits (esclaves, paysans, serviteurs et autres l’horizon, au nord, et qui dissimulent Nahuiachahuitin
marginaux) se sont rendues en masse à Nahuiachahuitin aux yeux des curieux. À votre approche, ces mêmes
afin d’y retrouver la foi ou la liberté. dunes signeront votre mort. Il n’y a pas d’autre moyen
Une étendue tentaculaire de huttes en argile entoure la d’accéder au village et vous serez pris en embuscade
plus grande source. Beaucoup sont encore en construc- encore et encore jusqu’à battre en retraite, vous rendre
tion, et on peut apercevoir les fondations d’un petit ou mourir. Les rebelles sont bien entraînés et ont une
temple qui s’élèvent depuis les berges au-dessus de l’eau. aptitude certaine pour les tactiques de guérilla.
Les villageois aménagent en terrasses les rives des étangs Les dirigeants de Mīlllahco estiment que
et font pousser des haricots, un peu de maïs, et même du Nahuiachahuitin représente une menace pour la sécurité
coton. Les enfants jouent au milieu du village, à la pour- et la stabilité politiques de l’Alliance. Jusqu’à maintenant,
suite de dindes et de chiens, ou en chassant les vautours les dissidents ont toujours eu l’avantage, mais ce n’est
au lance-pierres. qu’une question de temps avant que l’armée n’envoie les
Les sources sont une aubaine, mais elles ne peuvent guerriers jaguars.
pallier tous les besoins des villageois. Les disciples de
Mizzolotl font donc souvent des incursions dans les La forêt hantée d’Hueihuactzin
villes et les villages entourant Mīlllahco, poussant parfois Les Théans ont l’habitude de dire que la plume est plus
jusqu’à la côte atabéenne à l’est. Ils ramènent tout ce forte que l’épée. Les interprètes nahuacans se contentent
qu’ils peuvent porter et qui pourrait avoir une utilité : d’acquiescer en silence, dissimulant autant que possible
petit bois, bois de construction, couvertures, fibre une pensée qui les inquiète.
d’agave, nourriture, médicaments, poteries, outils. La Les Nahuacans n’ignorent pas la signification de
plupart du temps, ils reviennent aussi avec de nouvelles l’expression pour les Théans, mais ils savent également
têtes qui viennent s’ajouter à la population grandissante quelque chose que les nouveaux venus peinent encore
du village (même si tout le monde ne semble pas être à comprendre : les plumes ont un pouvoir. Les plumes
là de son plein gré). Mizzolotl n’apprécie guère ces sont le pouvoir. Les plumes parent les tenues de la
attaques, mais il est souvent trop occupé à poursuivre noblesse, témoignent du talent des chevaliers aigles, font
ses propres buts pour faire respecter des lois plus strictes un cadeau de choix pour un roi et sont vendues à des
à Nahuiachahuitin. prix exorbitants.

74 Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane


Tourment, mort et perte de l’âme guettent les oiseleurs Cochicoapan
qui se procurent le plumage le plus recherché en Aztlan Même les dieux ne sauraient empêcher les Nahuacans de
septentrionale : les plumes douces, délicates et opalines partir à la recherche de secrets qui auraient mieux fait de
de l’aigrette impériale. Ces oiseaux ne supportent pas la rester cachés.
captivité. On ne les trouve que dans les forêts de chênes Récemment, une expédition commerciale ayant quitté la
et de pins situées au nord de Nexhuatipec. côte atabéenne en direction de Nexhuatipec se retrouva par
Il s’agit d’un royaume étendu fait d’arbres anciens, de erreur aux portes d’une cité en ruines. Celle-ci était enfouie
monts embrumés, d’étangs pareils à des miroirs, de ruis- dans les profondeurs australes des plaines que l’Alliance
seaux tumultueux et de canyons labyrinthiques. La forêt partage avec le Tzak K’an. Blottie contre une crête rocheuse
d’Hueihuactzin, ainsi qu’on l’appelle, regorge d’animaux et à moitié dissimulée par la jungle, une acropole en terrasses
et d’ombres affamées qui rôdent dans l’obscurité. s’étendait sur treize étages, tous reliés les uns aux autres par
D’après la légende, un chasseur se trouvait dans ces bois des escaliers sculptés dans une pierre bleu pâle. Les terrasses
lorsqu’il étrangla par accident un colibri qu’il avait pris abritaient des places à demi enfouies, des cours et des bâti-
dans ses filets. Les dieux crièrent au meurtre. Une volée ments, ainsi qu’une grande pyramide dominante au dernier
d’ohuican chaneques, menés par le terrible Hueihuactzin étage. La ville entière avait été submergée par une végétation
qui donnerait plus tard son nom au bois, s’en prirent surabondante. Abasourdis, les marchands n’osèrent pas
au braconnier pour appliquer le châtiment et venger le pénétrer dans la ville et préférèrent regagner Nexhuatipec
messager des dieux. Les esprits aviaires reçurent ensuite en portant la nouvelle de leur découverte, ainsi que quelques
l’ordre de rester là et de protéger la forêt. babioles qu’ils avaient tout de même pensé à ramasser.
De temps en temps, un oiseleur disparaît dans la forêt Bien sûr, la découverte passionna les explorateurs et
d’Hueihuactzin. Les pisteurs ne retrouvent jamais ses les érudits. En se basant sur les rapports et les artefacts
restes, et les prêtres ne parviennent jamais à communier ramenés par les marchands—dont un fragment de frise en
avec son esprit. Les habitants de Tepeztocatl, un hameau pierre représentant un serpent endormi—ils affirmèrent
situé à la lisière du bois, prétendent que les chasseurs que les ruines étaient d’origine nahuacane et non tzak
disparus ont forcément enfreint une loi. k’anienne. Certains prêtres doctes ont même été jusqu’à
On ne doit pas chasser à l’aube, disent-ils, ni tard dans déclarer que ces treize terrasses imitant les cieux ainsi que
l’après-midi. Et il faut être fou pour s’aventurer dans les la présence du « serpent endormi » sur la frise étaient les
bois une fois la nuit tombée. Il faut laisser des offrandes preuves de la découverte de Cochicoapan par les Nahuacans.
scintillantes pour apaiser les esprits gardiens, et seule- Dans la tradition nahuacane, Cochicoapan était le centre
ment après peut-on poser ses pièges. L’on peut tenter névralgique du savoir de l’Empire aztlan. Si c’était effective-
d’attraper aigrettes et autres oiseaux pour leur soutirer ment le cas, elle n’abriterait pas seulement nombre de codex
des plumes, mais il ne vaut mieux pas leur faire du mal. ancestraux—dont certains étaient déjà anciens quand les
Si l’on répand une goutte de leur sang, Hueihuactzin Aztlans étaient jeunes—mais également des outils, des
et les ohuican chaneques surgissent vêtus d’armures de machines et des artefacts n’ayant pas vu la lumière du jour
branches, feuilles, poussière, pierres, glands et anciens depuis la chute de l’Empire. Qui sait le genre de machines
os d’aigles ou de monstres aviaires venus d’une époque incroyables qui ont bien pu être enfouies à Cochicoapan ?
reculée. Ils chasseront les transgresseurs puis les traîne- Toujours est-il que les Nahuacans ont hâte de vérifier l’am-
ront jusqu’à des cages en bois au sein des arbres mêmes. pleur de leurs conjectures et de leurs rêves les plus fous.
Personne n’entendra plus jamais parler d’eux. Les scribes et les historiens mettent cependant en garde
Les villageois et les oiseleurs ne racontent ces histoires les apprentis explorateurs qui veulent à tout prix visiter
qu’à grand renfort de murmures, car ils savent que Cochicoapan et découvrir ses secrets. D’anciennes histoires
l’emprise des chaneques s’étend au-delà des bois, et les nahuacanes évoquent à de multiples reprises les mesures
esprits affamés ont la colère facile. Pourtant, il existe de sécurité prises par les impériaux pour protéger leurs
des conteurs téméraires qui propagent des histoires trésors. La ville elle-même pourrait tenir son nom de la plus
selon lesquelles des sorciers auraient conclu d’horribles redoutable d’entre elles. Un passage mystérieux parle d’une
marchés avec Hueihuactzin et sa nuée. vipère gigantesque qui sommeillerait sous l’acropole, prête à
s’éveiller au moindre geste ou mot déplacé d’un intrus.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 75


Xochitl,
Directrice des ocēlōmeh
Xochitl est fille de roturier. Issue des terrasses de Mīlllahco,
elle passa l’examen du séminaire et reçut son diplôme la même
année en obtenant les meilleures notes de sa promotion. Ayant
passé tout son temps au séminaire à se faufiler hors du dortoir
après le couvre-feu, elle était dûment préparée aux tâches d’un
ocēlōtl. Elle commença donc à prendre du galon, encore et
encore, jusqu’à rejoindre le conseil de guerre du Maréchal.
Xochitl est constamment entourée de personnages influents :
des maîtres de la guilde, des espions aguerris et des héros de
guerre comme le Maître de l’ordre Ome Tochtli. Cependant,
ainsi que l’exige sa position, elle ne fait confiance à personne.
En vérité, elle constitue des dossiers secrets sur tous les puis-
sants de son entourage : informations personnelles, scandales,
secrets abominables, points faibles, etc. En cas de besoin, elle
pourrait détruire en seulement quelques jours quiconque fait
partie—ou non—des dirigeants de l’Alliance nahuacane.
Malgré son patriotisme et son dévouement absolus envers
l’Alliance, peu font confiance à la Directrice des guerriers
jaguars. Tous les membres du conseil de guerre et des branches
supérieures du gouvernement la tiennent à l’écart. Les visites
restent brèves, polies et souvent glaciales. Elle soutient une poli-
tique étrangère qui fait la part belle à la tolérance et la continuité,
mais au final, peu de gens ont confiance en ses motivations.
Son adversaire le plus coriace sur les sujets militaires et
de l’État est le Maître de l’ordre Ome Tochtli. Autrefois
amants, ils entretiennent aujourd’hui une relation agitée.
Xochitl pense qu’Ome Tochtli cache quelque chose et elle
est résolue à découvrir ce dont il s’agit. Pour le moment, elle
essaye de s’attirer les faveurs de Chicahua Tlatoa. Si elle n’y
arrive pas, elle pourrait bien décider de se débarrasser de lui.

Accroches scénaristiques

• Xochitl est convaincue que le Maître de l’ordre


Ome Tochtli trempe dans un culte qui pratique
de nouveau les sacrifices humains. Il se méfie et
adopte toujours un comportement exemplaire
quand elle ou ses agents sont dans les parages. Les
Héros pourront-ils l’aider à découvrir des preuves
qui accablent le Maître de l’ordre ?
• Xochitl a eu vent d’une rumeur concernant une
XOCHITL, expédition théane en terres nahuacanes. Elle veut des
DIRECTRICE DES OCĒLŌMEH informations sur ses projets, mais les cuāuhmeh sont
aussi à sa recherche. Ils ne suivront pas ses ordres
et, s’ils trouvent les Théans les premiers, la situa-
« … ainsi, pendant que le représentant de la tion risque de se finir en bain de sang. Les Héros
Compagnie commerciale atabéenne cuvera sauront-ils retrouver les Théans et rapporter les
son alcool empoisonné, tu lui subtiliseras
discrètement sa cargaison de cochenilles. » informations à Xochitl avant qu’il ne soit trop tard ?
Chicahua Tlatoa,
Grand orateur
Chicahua Tlatoa rêvait de devenir le Grand orateur de l’Al-
liance, mais il ne pensait pas que cela arriverait aussi vite que ça.
De sang noble et issu d’une longue lignée de prêtres réputés,
sa famille s’attendait à ce qu’il suive la voie de ses aïeux. Au
lieu de ça, il remit tout en question. Après le séminaire, il
n’intégra pas le clergé, préférant endosser la fonction de juge
itinérant. Il passa alors un an à voyager entre Nexhuatipec
(sa ville natale) et les villages situés en périphérie. Durant ses
périples, il apprit énormément sur la politique expansionniste
de l’Alliance, ainsi que sur les États inféodés. Il écrivit alors
des lettres et des traités critiquant la façon dont les dieux
régnaient sur l’Alliance. Il était persuadé que personne ne les
lirait. Toutefois, lorsque vint l’heure de désigner un nouveau
Grand orateur, le choix des dieux étonna Chicahua Tlatoa au
même titre que tout le monde.
Chicahua Tlatoa est un homme intelligent, mais jeune. Cela
amène les gens à le sous-estimer. La majorité des prêtres
nahuacans ont tendance à l’ignorer, voire à oublier qu’il
veille au grain. Beaucoup pensent qu’il n’est qu’une farce et
attendent qu’il lui arrive quelque chose, afin qu’un autre, plus
sérieux, prenne sa place. Heureusement pour lui, l’Aigle et
le Jaguar sont en désaccord sur la position politique à tenir
vis-à-vis de sa nomination. Ome Tochtli, Maître de l’ordre
des chevaliers aigles, essaye de saper son autorité et a déjà
tenté de l’assassiner au moins une fois (Chicahua Tlatoa
n’a toutefois pas les preuves pour en attester). Xochitl, la
Directrice des guerriers jaguars, semble au contraire le
soutenir (même si elle tente également de l’influencer).
Quoi qu’il en soit, Chicahua s’est entraîné pour ce rôle
sa vie durant, et contrairement à ce que pourraient laisser
penser les apparences, il se sent à la hauteur de la tâche. Il doit
toutefois se montrer très prudent. Il est conscient des dangers
qui guettent, il sait pertinemment d’où viennent les menaces,
mais il n’ose pas encore s’opposer à ses adversaires politiques,
de peur d’ébranler la société nahuacane toute entière.

Accroches scénaristiques

• Chicahua ne peut pas surveiller Ome et Xochitl


sans reléguer son rôle de Grand orateur au second
plan. Il demande aux Héros de surveiller leurs
agissements et de lui faire le compte-rendu de tout CHICAHUA TLATOA,
ce qu’ils découvriront. GRAND ORATEUR
• Le Grand orateur a découvert un nouveau complot
ayant pour but de l’assassiner, mais il ne peut
agir seul pour le déjouer. Les Héros sauront-ils « Sans vouloir vous manquer de respect,
le protéger sans que personne n’ait vent de son ô grand Tlehuitzin, abreuver nos fleuves
du sang des envahisseurs risque de
implication ? contaminer nos réserves d’eau potable.
Buvons donc un chocolat chaud avant
que vous n’arrêtiez votre décision. »
Boran dit « Drake l’Orage »
Boran grandit entre les murs du Fatih Sarayı, le palais de
l’Empereur du Croissant situé à Iskandar. À la mort de
son père, son frère Istani revendiqua le titre impérial. Afin
d’échapper à une mort certaine—la tradition du Malasha
imposant que tout héritier élimine ses frères et sœurs afin
d’obtenir le trône—Boran dû quitter son pays natal en
toute hâte.
En fuite, dépossédé de ses titres et de ses richesses,
Boran fit confiance aux mauvaises personnes et monta sur
le mauvais bateau : celui d’esclavagistes de la Compagnie
commerciale atabéenne. Emprisonné sur ce navire, il
endura les pires traitements possibles aux côtés d’autres
malheureux réduits eux aussi en esclavage.
Il refusa toutefois de sombrer dans le désespoir. Peu
à peu, il organisa une rébellion qui finit par porter ses
fruits : libérer tous les esclaves du navire. Il prit alors
le nom de Drake l’Orage et rejoignit les rangs de la
Fraternité de la côte qui, pour le tester, l’envoya en expé-
dition dans l’Alliance nahuacane.
Là-bas, Drake reçut une véritable bénédiction : un entre-
tien avec le Grand orateur, un honneur que l’on n’accorde
pas à n’importe qui. Les dieux avaient en effet révélé le
nom véritable de Drake à Chicahua Tlatoa, qui comprit
dès lors son histoire. Il fit la promesse de ne jamais divul-
guer son secret et lui révéla que leurs destins respectifs,
tout comme celui de leurs grandes Nations, étaient liés.

Accroches scénaristiques

• Le visage de l’Empire a changé depuis que l’Impé-


ratrice Safiye a repris le trône. Drake peut désor-
mais rentrer chez lui, comme tous ses autres frères
et sœurs. Cependant, on murmure qu’Istani ne
serait pas mort et préparerait sa vengeance. Les
Héros pourront-ils aider Drake à retourner chez
les siens malgré les agents d’ Istani qui sont à ses
trousses ?
• Drake est à la recherche d’un artefact syrneth qui
permet à deux personnes de communiquer sur
de grandes distances. Il voudrait l’offrir au Grand
orateur et à sa sœur afin qu’ils puissent forger une
BORAN alliance. Malheureusement, les dernières informa-
DIT « DRAKE L’ORAGE » tions en date sur l’artefact le placent dans l’antique
cité de Cochicoapan. Les Héros sauront-ils aider
Drake à retrouver l’artefact dans la cité interdite ?
« Il ne faut jamais se fier aux apparences. »
Ichtaca
Ichtaca débuta sa carrière en tant que simple porteuse,
charriant des monceaux de jade et de plumes de quetzals
jusqu’aux marchés de Mīlllahco. Elle maîtrisa rapidement
l’art d’aller et venir en ville sans se faire repérer, d’éviter les
bandits et d’être redoutable en affaires. Bientôt, Coaxah,
une noble de Mīlllahco ayant un attrait pour les antiquités
aztlanes l’engagea pour prendre la tête d’une mission
commerciale à destination de la cité frontalière d’Achiultla.
Ichtaca passa des semaines à tenter de convaincre les
Achiultlaniens de s’asseoir à la table des négociations.
Malheureusement, tout cela était beaucoup trop lent.
Coaxah, lassée d’attendre, influença le Grand orateur pour
que la cité soit déclarée ennemie de l’Alliance. En quelques
jours, l’armée nahuacane réduisait la ville en cendres.
Suite à ce fiasco, Ichtaca accepta un simple emploi
d’inspectrice de marché. Chaque nuit, ce qui s’était passé
à Achiultla la hantait. Elle jura alors de ne plus jamais
laisser perpétrer une telle infamie. Sur la grande place du
marché de Mīlllahco, le taux de criminalité diminua de
moitié lorsqu’elle entama son office.
Ichtaca parvint à déjouer un assassinat visant le nouveau
Grand orateur, Chicahua Tlatoa, après avoir enquêté sur
l’apparition d’un artefact inconnu. Pour la récompenser,
ce dernier lui proposa de devenir une espionne à son
service. Il lui permit de prendre à nouveau la direction
d’une mission commerciale afin qu’elle puisse dissi-
muler aisément sa fortune, son rang et ses motivations.
Rapidement, elle s’est créé un vaste réseau de contacts à
l’intérieur et à l’extérieur de l’Alliance, parmi lesquels un
nombre non négligeable de marchands odisséens.

Accroches scénaristiques

• La réputation de Coaxah a bien failli être anéantie


suite au désastre achiultlanien. Elle en tient Ichtaca
pour pleinement responsable et a commencé à
tisser une toile d’intrigues invisibles pour la piéger.
Ichtaca demande aux Héros de démêler la toile et
de s’occuper une bonne fois pour toutes de Coaxah.
• Ichtaca voudrait unir l’Aztlan par le négoce et le
commerce, mais la tendance nahuacane à guer-
royer rend la tâche compliquée. Elle demande aux ICHTACA
Héros de rétablir les marchés conclus avec les États
inféodés ayant été privés de leurs droits dans toute
« Je vous l’assure, Maréchal : donnez-moi
l’Alliance. une heure pour parlementer avec ce chef
de clan et ils rejoindront nos rangs sans
avoir versé la moindre goutte de sang. »
Ome Tochtli,
Maître de l’ordre des cuāuhmeh
Le Maître de l’ordre Ome Tochtli est l’exemple parfait des bien-
faits de l’instruction nahuacane. Ce fils d’une éminente famille
noble, aux exploits militaires impressionnants, arriva au terme
du séminaire avec les plus grands honneurs. Il pouvait choisir
n’importe quel rôle, et pris la décision de rejoindre les cuāu-
hmeh, où il s’assura la tutelle du Maître de l’ordre. Lorsque son
mentor mourut dans un combat contre les troupes de Fernando
Medellín, Ome récupéra sa bannière. Il avait beau encore n’être
qu’un élève officier, il mena son bataillon à la victoire et vainquit
le garde du corps de Medellín en combat singulier.
Au fil des années, Ome Tochtli a pu voir l’Alliance grappiller
de petits États vassaux ici et là, mais sans jamais accomplir son
but ultime d’unification. Ses stratégies avisées menèrent l’Al-
liance de victoire en victoire contre ses ennemis, qu’il s’agisse
de criminels aztlans ou d’envahisseurs théans. Pourtant, le
Grand orateur et les dieux l’ont toujours maintenu à l’écart.
La notion d’une Aztlan unie, qui n’était au départ qu’un
idéal, est aujourd’hui devenue une obsession qui a amené
Ome à suivre une voie plus sombre. Il a rejoint un culte
sacrificiel intégriste pour qui la faiblesse des dieux est due à
l’absence de sacrifices. Il encourage une jeune prêtresse, Eztli,
à réaliser des sacrifices humains. Eztli espère ainsi obtenir
une place de choix dans le nouvel empire que fondera Ome,
mais ce dernier ne fait que l’utiliser et l’abandonnera dès
qu’elle deviendra une gêne.
Pour la première fois de sa vie, Ome voit l’occasion
d’étendre l’influence de l’Alliance nahuacane à travers toute
l’Aztlan. Une seule personne se dresse en travers de son
chemin : le Grand orateur.
Ome Tochtli possède le pouvoir et l’influence pour réaliser
son rêve : renouer avec la gloire de l’ancienne Aztlan en créant
un nouvel empire dirigé par les Nahuacans. À moins qu’on
ne l’arrête, il pourrait bien parvenir à ses fins.

Accroches scénaristiques

OME TOCHTLI, MAÎTRE • Quelques chevaliers aigles ont eu vent de la parti-


cipation d’Ome à un culte sacrificiel. Ils le pensent
DE L’ORDRE DES CUĀUHMEH sous l’emprise d’Eztli et demandent aux Héros de
la capturer pour qu’ils puissent l’interroger.
« Arrêtons de dorloter les faibles • Les Héros apprennent qu’Ome a envoyé une unité
et reprenons ce qui nous revient de droit. » prendre le contrôle d’une des cités-États du Tzak
K’an. Un tel acte pourrait plonger l’Alliance dans
une guerre qu’elle ne désire nullement. Les Héros
pourront-ils arrêter les soldats avant qu’il ne soit
trop tard ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

10 5 15
Necahual,
grande prêtresse d’Ītzzohualli
Necahual est une femme pieuse et vouée à Ītzzohualli :
elle a fait de brillantes études, puis maîtrisé les arts de la
dissimulation et du subterfuge nécessaires à se hisser au
plus haut rang de son clergé.
Depuis ses plus jeunes années au sein du séminaire de
Mīlllahco, Necahual a toujours été fascinée par les grands
cycles de création et de destruction qui rythment le calen-
drier nahuacan. Devenue grande prêtresse d’Ītzzohualli, elle
eut accès aux textes les plus sacrés, ceux qui sont réservés aux
âmes les plus pieuses. À mesure qu’elle dévorait les codex,
elle repéra un élément récurrent : lors de chaque cycle, les
dieux aidèrent à la création du monde, mais à chaque fois,
ils abandonnèrent l’humanité à l’heure de sa destruction.
Chaque page tournée semait davantage le doute dans son
esprit. L’absence de réponse des dieux vis-à-vis du problème
théan ne fit que confirmer ses intuitions. Si les prophéties sont
correctes, l’arrivée des Théans précède la fin du sixième âge.
Bientôt, les dieux abandonneront donc l’humanité à son sort.
Necahual, qui préfère l’action aux paroles, ne sombra pas
dans le désespoir. Bien au contraire, elle mit tous ses talents au
service de son peuple afin de le sauver. Si, officiellement, elle est
une prêtresse dévouée, officieusement, elle œuvre pour détruire
les dieux et faire sienne leurs pouvoirs afin d’exterminer les
Théans, puis guider les Nahuacans vers un nouvel âge.
Armée du savoir ancien de son clergé, Necahual cherche les
faiblesses des dieux. Elle engage des explorateurs pour sonder
les frontières de l’Alliance et les étendues sauvages au-delà, à
la recherche de l’arme qui lui permettra de les vaincre. L’une
de ces expéditions a récemment retrouvé l’un des dieux
jaguars. Necahual l’a soumis à sa volonté grâce à d’anciens
chants, et s’en sert désormais pour supprimer ses adversaires.

Accroches scénaristiques

• Necahual a envoyé des explorateurs dans un temple


pour retrouver une arme qui serait capable de tuer
un dieu, mais ils ne sont jamais revenus. Elle essaye NECAHUAL,
de recruter quelqu’un pour aller les sauver, sans
mentionner le côté déicide de la mission. Les Héros
GRANDE PRÊTRESSE
l’aideront-ils ? D’ĪTZZOHUALLI
• Chipahua, un autre prêtre d’ Ītzzohualli, a décou-
vert les intentions de Necahual et s’oppose à elle. « Je ne resterai pas sans rien faire tandis que
Malheureusement, le voilà poursuivi par son jaguar. les dieux nous abandonnent à nouveau. »
Les Héros parviendront-ils à le protéger de la créa-
ture suffisamment longtemps pour que Chipahua
révèle les desseins de Necahual au grand jour ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

4 8 12
Atzopelic
Atzopelic était un jeune noble vivant à Huitecocan, une
cité magnifique située à l’est de l’Alliance. Il vivait une
existence privilégiée, faite de savoirs et de dévotion reli-
gieuse envers Huitec, dieu timide mais sanguinaire. Dans
sa jeunesse, la guerre, la défaite et l’exil n’étaient que
chimères dont il avait l’habitude d’agrémenter ses poèmes.
Puis vint l’Alliance nahuacane, qui offrit sa « protection »
à Huitecocan. Le grand-oncle d’Atzopelic, qui gouvernait
Huitecocan, déclina poliment. Malheureusement, le
gouvernement nahuacan avait émis là une proposition
qu’on ne pouvait pas refuser.
Huitecocan fut attaquée deux semaines plus tard. Les
Huitecs n’eurent aucune chance. L’Alliance conquit la
ville, tua prêtres et nobles et imposa son mode de vie.
Aujourd’hui, Huitecocan sert de base d’opérations à
l’armée nahuacane.
Atzopelic échappa à la colère de l’Alliance et trouva
refuge à Tetecuallan, un village de pêcheurs. Homme
lettré, fin diplomate, linguiste accompli, il n’eut aucun
mal à démontrer sa valeur en tant que scribe et interprète.
Sa sagesse et ses conseils furent grandement appréciés,
notamment des messagers et entrepreneurs théans.
Atzopelic est également un intrigant adroit et subtil, un
manipulateur hors pair qui entretient un intérêt de façade
et joue double-jeu avec les Nahuacans et les Théans. Il
cherche à ce que la frontière orientale de l’Alliance reste
fragile. Il tisse donc sa toile avec soin et attend le bon
moment pour passer à l’acte, c’est-à-dire insuffler suffi-
samment de protestation, de dissension et de rébellion
pure et simple pour que les Nahuacans n’aient pas d’autre
choix que de renoncer à Huitecocan.

Accroches scénaristiques

• Atzopelic a convaincu un groupe de Théans que


l’Alliance nahuacane prévoit d’envahir leurs terri-
toires dans la mer Atabéenne. Leur colère est telle
ATZOPELIC que la menace d’un assaut total est bien réelle.
Les Héros sauront-ils convaincre les Théans d’y
renoncer ?
« L’Alliance pense se battre
pour dominer, alors qu’en réalité, • Atzopelic a rassemblé un petit groupe de survi-
elle essaye simplement de rester unie. » vants d’Huitecocan. Ils provoquent des émeutes et
rendent la ville difficile à tenir. Les Héros parvien-
dront-ils à convaincre les contestataires d’opter
pour une meilleure approche ?

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

6 4 10
Azeneth Medellín
Le premier souvenir d’Azeneth Medellín remonte au
moment où Apocōātl brûla vif son père, Fernando
Medellín, sous ses yeux et ceux de sa mère, Ix Itzam.
Toutes deux parvinrent à s’échapper, mais au fil du temps,
la vengeance s’ancra dans l’esprit de la jeune fille. Son
éducation et ses études ne furent motivées que par un seul
objectif : détruire le démon qui avait assassiné son père.
Ix Itzam regagna la cité-État qui la vit naître au Tzak
K’an. Sa famille les accueillit toutes les deux, et Ix s’im-
pliqua alors dans l’entreprise familiale. Au fil des années,
elle se rendit plusieurs fois dans l’Alliance sans jamais être
inquiétée des crimes de son mari. Malheureusement, un
jour, un guerrier jaguar la reconnut et la mit immédiate-
ment à mort pour trahison. Ix sauva la vie de sa fille en
mentant sur son identité. Azeneth put prendre la fuite
dans les jungles nahuacanes.
Depuis, son désir de vengeance s’est accru. Elle veut
détruire le Serpent des tempêtes pour le meurtre de
son père et l’ocēlōtl pour celui de sa mère. Elle a appris
toutes les informations possibles sur Apocōātl, y compris
l’endroit où il repose actuellement. Elle a essayé de péné-
trer dans son sanctuaire à maintes reprises, mais a vu
ses tentatives déjouées par les chevaliers aigles et divers
Héros nahuacans.
Elle fera n’importe quoi pour tuer Apocōātl, y compris
détruire l’Alliance nahuacane. Certes, elle se soucie de
l’Aztlan, mais si cette Nation venait à disparaître, ce ne
serait pas une grande perte.

Accroches scénaristiques

• Azeneth a dupé un groupe de jeunes chevaliers


jaguars pour qu’ils profanent le sanctuaire
d’Apocōātl et qu’elle puisse ainsi s’y introduire.
Les Héros retrouveront-ils le groupe pour leur
montrer la perfidie de celle qui les dirige ?
• Azeneth s’est associée à un groupe de Théans.
Elle a promis de les emmener au cœur des terres AZENETH MEDELLÍN
nahuacanes pour lancer une attaque-surprise.
Elle espère profiter du désordre pour infiltrer
« La vengeance n’est pas une question
le temple d’Apocōātl et le tuer. Les Héros de hasard, mais de patience. »
sauront-ils convaincre les Théans de renoncer à
leur attaque ?

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

8 7 15
84 Chapitre 3 | Le Tzak K’an
Chapitre 3
Le T ak K’an
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Le T ak K’an
la volonté de leurs divinités, qu’ils vénèrent et louent en
échange d’un savoir magique à nul autre pareil.
Obsédé par l’individualisme, préférant donner la priorité
aux problèmes locaux plutôt qu’à une unification superfi-
cielle, le Tzak K’an n’a jamais vraiment été une entité poli-
tique. D’ailleurs, le nom « Tzak K’an » ne fait pas tant réfé-
rence à un territoire géographique qu’à un horizon culturel
Nichées au cœur de l’Aztlan, entre les sombres pics du partagé, une philosophie de vie commune située quelque
Kuraq et les vallées ensoleillées de l’Alliance nahuacane, part entre tradition et innovation. De plus, si le paysage
se trouvent les cités-États du Tzak K’an. Fidèle au savoir, politique s’est construit autour de quelques grandes cités-
à la science et aux voies de l’occulte, cette Nation subsiste États influentes, il s’est peu à peu divisé en des dizaines
depuis des milliers d’années dans une terre où la menace de morceaux fébrilement maintenus par des alliances, des
est protéiforme. Les Tzak K’aniens, que les Théans consi- traités et des coutumes culturelles. Les menaces étant extrê-
dèrent comme étranges, mystérieux voire impénétrables, mement nombreuses—instabilité politique, environnement
ne se sont jamais trop préoccupés des dimensions maté- de plus en plus hostile, invasions étrangères, révoltes—le
rielles de ce monde. En effet, ainsi qu’ils le savent, la réalité Tzak K’an est aujourd’hui au bord de l’effondrement.
dépasse les apparences pour qui sait où porter son regard. Néanmoins, il n’a pas encore disparu.
Les cités-États ne sont pas dirigées par le seul pouvoir Les Tzak K’aniens ont beau en savoir beaucoup sur le
mortel. Chaque Tzak K’anien sait que l’univers est régi par futur, leur avenir leur reste incertain. Peut-être les flammes
le Grand cycle—la vie, la mort et la renaissance—et que de cette Nation brilleront plus intensément que jamais,
seul le bon vouloir des dieux rend la vie possible sur Terra. peut-être finiront-elles par s’éteindre complètement. Une
Prêtres et astrologues gouvernent donc aux côtés des rois seule chose est sûre : le changement est imminent. Reste à
et reines, et tous essayent de comprendre et d’accomplir voir quelle forme il prendra.

86 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Origines
Tenter de retracer les origines du Tzak K’an relève de Les dieux créèrent l’univers ainsi, ce pour quoi les Tzak
la bêtise pour nombre de Tzak K’aniens car ils croient K’aniens ont toujours façonné leur monde physique dans cette
que l’histoire—à l’instar du temps—n’est pas linéaire. même logique : temples gigantesques, pyramides, maisons et
Cependant, ils reconnaissent que certains événements même champs agricoles, tous sont minutieusement agencés
majeurs ont effectivement modelé les fondations de leur en partant du centre et en s’étirant vers les quatre angles.
Nation. Ce sont ces petites histoires que la grande histoire Cette coutume sacrée permet aux Tzak K’aniens de créer et
tzak k’anienne a choisi d’immortaliser. reconstruire quotidiennement l’univers sur leur plan matériel.
Pour les Tzak K’aniens, l’univers est constitué d’une Les trois Mondes furent reliés entre eux par le Ceiba, le
pluralité de mondes imparfaits soumis à des cycles. grand arbre de la vie et axe de l’univers : ses racines plongent
L’Empire aztlan n’en était qu’un parmi d’autres  : une jusqu’aux profondeurs de Xibalba (l’outre-Monde où tous
époque et un endroit très similaires à ceux d’aujourd’hui, les hommes doivent se rendre à leur mort), son tronc réside
meilleurs par bien des façons, mais que les dieux effacèrent dans le monde Intermédiaire (le royaume terrestre où se
de la création à cause des péchés des hommes. Tous les situe notamment l’Aztlan) et ses branches hautes touchent
Tzak K’aniens, aristocrates comme roturiers, apprennent au Monde d’en-haut (là où vivent les ancêtres et les dieux).
les récits concernant ce précédent monde afin de Grâce au Ceiba, les Tzak K’aniens savent que le lien qui
comprendre que toute chose appartient à un cycle : qu’elle relie les trois Mondes est indestructible.
a une fin, suivie d’une renaissance. Les dieux-rois firent don au Monde intermédiaire de la
nature. Afin de recevoir la vénération qu’ils méritaient, ils
La création créèrent ensuite les animaux. Malheureusement, ces derniers
K’a katz’ininoq, Les mondes qui furent, n’étaient pas doués de parole, donc ne pouvaient remplir leurs
k’a kachamamoq, et ceux qui auraient pu être, devoirs sacrés. Ils fabriquèrent alors les hommes de boue,
katz’inonik, murmurent aux dieux mais ceux-ci n’arrivaient pas à marcher, puis les hommes en
k’a kasilanik. leurs doux soupirs. bois, mais ceux-ci étaient dénués de conscience. Finalement,
K'a kalolinik, Tel un souffle sur l’onde calme, ils se concertèrent et, dans leur sagesse divine, trouvèrent la
katolona puch. ils rident sa surface. solution : avec leur propre sang, ils façonnèrent les premiers
hommes. Ils parlent et créent leurs propres mots, dirent-ils. Ils
Au début, il n’y avait rien, rien que les murmures d’un seront les dignes représentants de leurs créateurs et du Monde que
monde et de son écho dans les ténèbres. nous avons façonné. Ils obéiront à nos lois et loueront nos noms.
Ainsi débute l’histoire. L’âge de l’Empire aztlan débuta alors. La mythologie tzak
k’anienne dit que l’Empire était uni, prospère et resplendis-
Menés par le Serpent à plumes, les dieux-rois, parés sant. Les pluies étaient fréquentes, les récoltes généreuses. Le
des plumes turquoise des quetzals, s’assirent et discu- Monde d’en-haut, le Monde intermédiaire et l’outre-Monde
tèrent. Tous réfléchirent et s’interrogèrent. Lorsqu’ils ne faisaient qu’un. Il s’agissait d’une époque d’abondance.
s’accordèrent sur les formes que devaient prendre leurs À l’apogée du savoir, les astrologues pouvaient parler
créations—l’eau, les arbres, les animaux et l’humani- avec les étoiles comme s’il s’agissait de personnes, les yeux
té—l’ensemencement débuta. des hommes voyaient tout ce qu’il était possible de voir
et leurs esprits étaient à même de saisir tous les mystères
Quatre faces, quatre angles, de l’univers. Le savoir de ces peuples était sans limites :
mesurés, marqués et liés ensemble. les Aztlans comprenaient toute chose, petite ou grande.
Les royaumes du bas, du milieu, du haut, Les Tzak K’aniens disent que cette opulence et ce savoir
éclos. transformèrent les hommes en êtres suffisants. Aveuglés
Du centre de l’univers s’étendit le camaïeu par leur orgueil, ils négligèrent de prier les dieux-rois et
créé par le Serpent à plumes et les premiers dieux, de payer leur tribut envers eux. Ces derniers décidèrent
qui savent tout, de punir leur orgueil démesuré en les abandonnant et leur
voient tout et sont tout. faisant affronter la nature, la sécheresse et des terres stériles,
ainsi qu’en effaçant tout le savoir qu’ils avaient accumulé.

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Les dieux-rois brouillèrent ainsi le savoir et la vision métal de mes yeux et scintille sur les joyaux de mon bec.
cosmique des Aztlans pour leur rappeler la source de Mon visage turquoise est aussi bleu que le visage du
leur sagesse. Dans leur juste courroux, ils mirent fin aux ciel. Mon nez brille d’un blanc aussi éclatant que celui
pluies, affamèrent la terre et laissèrent les éléments à de la lune éloignée. Je suis le Soleil unique et véritable. »
leur libre cours. La civilisation s’écroula et les premiers Tel n’était pas le cas, bien entendu, car le Soleil unique
hommes perdirent leur terre nourricière et leurs savoirs. et véritable venait du Serpent à plumes et des dieux.
De l’aube naissante du monde actuel émergèrent alors Les Jumeaux héroïques perçurent que Pet Mo’ n’était
les Jumeaux héroïques. qu’un faux reflet, et se demandèrent comment libérer
l’humanité du règne de ce faux dieu.
Les Jumeaux héroïques « La vie ici n’est pas ce qu’elle pourrait être. Ce monde
L’humanité—telle que nous la connaissons manque d’habitants. Nous devons nous débarrasser de
aujourd’hui—et l’importance des cycles dans la Pet Mo’. Cet imposteur doit mourir, tout comme deux
croyance tzak k’anienne sont au cœur de la légende des de ses fils, Tek’ Winik et Lum Pak’, qui façonnent la
Jumeaux héroïques. Ces récits figurent dans les textes pierre et font se mouvoir la terre pour, eux aussi, se
sacrés, sur les représentations artistiques et sont encore donner une importance qu’ils ne possèdent pas. Leur
racontés autour de l’âtre familial. existence est un blasphème aux dieux. »
Grâce à leur ruse et leur courage, ils firent choir Pet
La chute de Pet Mo’ Mo’ et retirèrent les joyaux et le métal ornant son visage.
Après la Chute, la Terra devint un lieu singulier, une Ils enfouirent ensuite Tek’ Winik dans les profondeurs
version étrange de ce que nous connaissons aujourd’hui, de la terre et transformèrent Lum Pak’ en pierre.
comme un rêve éveillé où tout semblait à la fois bizarre À cet instant, les dieux les récompensèrent en faisant
et familier. Notre notion actuelle de la «  logique  » à nouveau briller les lumières du ciel, du soleil et de
n’existait plus que sous certaines formes alambiquées, la lune.
et les superbes lumières du ciel, du soleil et de la lune
étaient dissimulées. La défaite de l’outre-Monde
En cette époque troublée vivait Pet Mo’, un immense Bien plus tard, un jour que les Jumeaux œuvraient à
perroquet paré de gemmes et de pierres scintillantes. planter un jardin, ils surprirent un petit rat qui endomma-
Aussi vaniteux que fourbe, il affirmait être le « Soleil geait leurs plantations. « Laissez-moi la vie sauve, supplia-
unique et véritable. » Il avait pour habitude de s’asseoir t-il, et je vous parlerai de votre père que vous n’avez jamais
et de déclarer : « Ma lumière est grande. Elle jaillit du connu. »

88 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Les Jumeaux consentirent à épargner le rongeur. Histoire
« Votre père et votre oncle étaient les meilleurs joueurs Si la mythologie relative à la création de l’univers fait
de balle ayant jamais vécu sur le Ceiba. Blessés dans consensus chez tous les Tzak K’aniens, il n’en va pas de
leur orgueil, les dieux de la mort leur envoyèrent même en ce qui concerne l’origine du Tzak K’an. À ce sujet,
une invitation à venir disputer un match contre eux, les histoires varient plus ou moins fortement d’une cité-État
à Xibalba. Votre père et son frère acceptèrent le défi. à l’autre.
Ils se rendirent dans l’outre-Monde pour jouer, mais
dupés par les dieux, ils y perdirent la vie. La tête de Les Chok Ch’a
votre père est toujours là-bas, coincée dans les racines L’une des histoires les plus répandues dans le pays évoque
du Ceiba. » l’existence d’une culture originelle commune à tous les Tzak
Les Jumeaux décidèrent de venger leur famille, mais K’aniens : celle des Chok Ch’a (« Ceux d’avant » en tzak
pour cela, il leur fallut devenir meilleurs que les dieux. k’anien). Ces puissants sorciers capables de divination, qui
Ils se mirent donc à jouer, s’entraînèrent très durement savaient communiquer avec les dieux, fondèrent les premières
et affrontèrent les meilleurs adversaires au cours de cités et inventèrent l’écriture. Leur civilisation était puissante
matchs particulièrement retentissants. Ils attirèrent et glorieuse mais il n’en reste plus, aujourd’hui, que quelques
l’attention des dieux de Xibalba, qui les invitèrent à traces disséminées ici et là au Tzak K’an. Les vestiges les plus
venir jouer contre eux. Ils se rendirent dans l’outre- emblématiques sont par exemple les têtes géantes en pierre
Monde, comme leur père et leur oncle avant eux : ils qui parsèment encore les paysages aztlans.
descendirent une falaise abrupte jusqu’à un plan d’eau, Quelques Tzak K’aniens et Nahuacans, qu’ils soient
traversèrent le fleuve d’épines, le fleuve de sang et le curieux ou aventureux, se rendent parfois au plus profond
fleuve de pus, puis pénétrèrent dans la salle du trône des jungles interdites pour admirer les ruines chok ch’a.
des dieux de la mort. Tous ne savent malheureusement pas que ces lieux sont
Comme leurs aïeux avant eux, ils furent dupés : les irrémédiablement maudits.
dieux de la mort les contraignirent à triompher d’une Les récits tzak k’anien—qu’ils soient basés sur la trans-
série d’épreuves avant qu’ils ne puissent jouer leur mission orale ou les recherches archéologiques—affirment
match. Ils les firent passer par les différentes maisons que le panthéon chok ch’ai était constitué de dix dieux,
des morts  : la Maison des ténèbres, la Maison des parmi lesquels se trouvait notamment le Serpent à plumes.
lames et la Maison de la chauve-souris, où l’un des Les Chok Ch’a y vénéraient plus particulièrement le dieu
Jumeaux mourut décapité. Jaguar, qu’ils estimaient plus puissant que tous les autres.
Lorsque le terrible match commença, les dieux de Ce dernier, en retour, leur offrit un savoir et une habileté
la mort, pleins de malveillance, utilisèrent la tête du suprêmes qui firent d’eux le plus grand peuple de la Terra.
Jumeau assassiné comme ballon. Cela n’arrêta cepen- Les Chok Ch’a disparurent pourtant aussi vite qu’ils
dant pas son frère qui, en dépit des ruses et des humi- s’étaient élevés. Les érudits ayant étudié les légendes pensent
liations, parvint à remporter à lui seul la partie. Mais qu’ils provoquèrent le courroux du Serpent à plumes, lequel
l’histoire ne se termine pas ainsi. aurait abattu sa puissance divine sur leur civilisation afin
Pour quitter Xibalba, le Jumeau survivant savait qu’il de la faire disparaître de la surface du monde. Bien des
lui fallait mourir. Emportant le corps de son frère, il se Tzak K’aniens s’interrogent sur ce que put être leur péché
jeta dans les flammes d’un feu éternel. Leurs os furent divin, ce à quoi les prêtres du Serpent à plumes répondent
réduits en poudre et dispersés dans l’un des fleuves de généralement que la vénération portée au dieu Jaguar—qui
l’outre-Monde. dépassait celle de tous les autres dieux—aurait déclenché
Miraculeusement, les Jumeaux héroïques revinrent à l’ire du Serpent à plumes et provoqué leur perte.
la vie. Ils avaient surmonté les épreuves de la mort et
accompli le Grand cycle. C’est ainsi qu’ils rapportèrent Le culte du Jaguar
de l’outre-Monde tout le savoir concernant le cycle de Certaines rumeurs disent que de petits groupes très secrets
vie, de mort et de résurrection que suivent toutes les vénèrent encore le dieu Jaguar. On dit que ces cultes seraient
choses de l’univers. composés de jaguars-garous, des êtres polymorphes capables
de passer à volonté de la forme humaine à celle du jaguar. Des

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années durant, ces ouï-dire alimentèrent la paranoïa des prêtres divinatoires sont liées à la culture chok ch’ai.
du Serpent à plumes, les amenant parfois jusqu’au meurtre Quoi qu’il puisse en être, les vestiges de civilisations
d’enfants qu’ils soupçonnaient d’être de futurs jaguars-garous. antiques—qu’il s’agisse de celle des Chok Ch’a ou des
À cause de cela, les quelques vrais jaguars-garous qui Anciens—parsèment le paysage du Tzak K’an. Dans
vivaient en Aztlan choisirent de se cacher. Aujourd’hui, cette Nation, pour découvrir et comprendre le passé,
certains se rencontrent en secret pour tenter de trouver il suffit parfois de ramasser un vestige et de l’utiliser.
d’autres de leurs semblables et ainsi ranimer le culte du dieu Beaucoup d’artefacts laissés par les Anciens ou Ceux
Jaguar ; d’autres se sont alliés aux métamorphes vivant au d’avant sont encore intacts, et il n’y a souvent qu’à se
nord du Tzak K’an ; les derniers ignorent quant à eux tout baisser pour obtenir leur savoir.
de leur nature.
Dans les faits, personne ne sait ce qui se passerait si ce culte Les premières grandes cités
renaissait de ses cendres. Si l’on demande à un érudit tzak k’anien pourquoi les
premières cités-États furent érigées, il vous répondra qu’il
Les survivants de l’Empire aztlan était à l’époque nécessaire de légitimer le pouvoir politique
La théorie d’une culture originelle commune à tous les des dirigeants par un argument divin (notons que dans
Tzak K’aniens n’est pas partagée par toutes les cités-États quelques cités-États, on vous répondra plus probablement
du pays. Certaines, souvent les plus refermées, soutiennent qu’il ne s’agissait que du résultat d’une propagande particu-
qu’elles existent depuis « l’ensemencement » et qu’elles lièrement efficace pour manipuler la plèbe). À bien y réfléchir,
font partie des quelques privilégiés à avoir survécu à la ce n’est finalement pas si différent des raisons qui président
destruction de l’ancien monde. encore, aujourd’hui, à la construction de nouvelles cités.
Ces Tzak K’aniens ignorent quelles sont les origines de ceux Il existait déjà à cette époque un profond clivage entre
qu’ils appellent les « Anciens, » mais ils soutiennent que leur ceux qui se réclamaient héritiers des Chok Ch’a et ceux qui
héritage est titanesque. Reconnaissables à leurs aptitudes estimaient être les descendants des Anciens. Ainsi, les deux
martiales et leurs pyramides colossales, les Anciens étaient premières grandes cités-États qui émergèrent, Sak Taj et
unis et excessivement dévoués au Serpent à plumes. Ka’anlakmul, étaient chacune gouvernée par un défenseur
De nos jours, une majorité de ces Tzak K’aniens pensent de l’une ou l’autre théorie relative au « peuple des origines. »
que les cultes pratiqués par les Anciens étaient beaucoup
trop extrêmes. Certains récits font par exemple mention Sak Taj et « l’Arrivée »
de mille humains—quand ce n’est pas dix mille ou cent Les histoires disent que Sak Taj fut bâtie par les descendants
mille—qui auraient été sacrifiés puis enterrés sous le des Chok Ch’a. Érigée sur le modèle chok ch’ai, la vaste et
gigantesque temple du Serpent à plumes. Des légendes étincelante cité fut constellée de pyramides, places publiques,
parlent également de colonnes de crânes s’élevant autels et larges stèles. On inscrivit sur toutes ces constructions
jusqu’aux cieux. l’histoire des rois, notamment la façon dont ils furent choisis
Si certains prêtres soutiennent que les Chok Ch’a furent par les dieux. Les jours passants, diverses divinités furent louées
condamnés pour leur culte voué au dieu Jaguar, d’autres et la ville crût sous les yeux vigilants des rois de la dynastie des
affirment que les Anciens provoquèrent leur propre chute Chak Tok Ich’aak (« Grande griffe de brume » en tzak k’anien).
à cause de leurs tentatives sanglantes et injustes de plaire L’histoire de Sak Taj fut bouleversée par l’arrivée sur
à leur dieu. la scène politique de Siyaj Ch’amak (l’Enfant de feu). Il
apporta avec lui les coutumes ancestrales venues de
L’héritage de Ceux d’avant l’Empire aztlan et œuvra afin de remplacer les mœurs
Pour une grande majorité de Tzak K’aniens, l’influence des Chok Ch’a. Le roi Chak Tok Ich’aak périt des mains
historique des Chok Ch’a est indéniable. Ainsi, nombreux de Siyaj Ch’amak. Avec sa mort, la lignée des descendants
sont ceux qui imputent la grande tradition scribale du chok ch’a prit fin et les traditions militaires et politiques
Tzak K’an à l’héritage chok ch’ai—contrairement aux de l’ancienne Aztlan refirent leur apparition.
« barbares » nahuacans ou aux Kuraques « blasphéma- Siyaj Ch’amak ordonna que les monuments des rois
toires »—et qui estiment que leurs connaissances astro- défunts soient détruits et enfouis profondément sous terre.
nomiques, leur maîtrise de la pierre et leurs capacités

90 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Il fit ensuite rebâtir les pyramides et les édifices afin qu’ils par un même mode de vie : celui des descendants des Chok
représentent l’ordre aztlan. Ch’a. Malgré cela, les rois et reines des différentes cités-États
Siyaj Ch’amak, assisté de son fils aîné, K’inich Jol, super- restèrent clivés et querelleurs. Certes, la culture était la même
visa l’instauration de l’ordre aztlan à Sak Taj, mais aussi partout, mais le peuple n’en demeurait pas moins divisé.
dans toutes les cités-États voisines. Une nouvelle dynastie Tous les historiens tzak k’aniens s’accordent sur un fait :
vit ainsi le jour, porteuse des habits, des signes distinctifs les origines de leur pays furent marquées par des identités
et des traditions des Anciens. individualistes, une caractéristique désormais devenue
typique du paysage sociopolitique du Tzak K’an.
K’anlakmul et « les Préparatifs »
À l’ouest de Sak Taj se trouvait la cité-État de K’anlakmul, L’épanouissement des cités-États
autrement appelée le royaume du Serpent. Les premiers L’époque qui suivit la Guerre céleste apporta richesse,
rois Serpents, ambassadeurs et conservateurs des prospérité et savoir au Tzak K’an. Ce fut également
traditions chok ch’a, érigèrent une imposante ville qui, l’âge des gigantesques constructions. Nombre de villes
aujourd’hui encore, ne connaît pas d’égale en Aztlan. naquirent au milieu du paysage inhospitalier, beaucoup
Au fil du temps, la ville crût, gagna en influence militaire de contes affirmant qu’elles jaillirent littéralement du sol.
et se développa économiquement. Lorsque la cité voisine En réalité, les Tzak K’aniens brûlèrent des milliers d’hec-
de Sak Taj fut corrompue par la présence aztlane, les rois tares de jungle pour permettre à ces centres urbains de se
Serpents la surveillèrent de près. L’un d’eux, Taj Yuknoom, développer, à tel point que pendant des siècles, des piliers
complota pour faire choir la dynastie de Siyaj Ch’amak. de fumées obstruèrent l’horizon.
Il forma une alliance politique avec le fils cadet de l’En- Cette politique expansionniste fut bien entendu
fant de feu, Ch’ul Ajau K’u B’alam. Ce dernier avait été conduite par les différents dirigeants des cités-États,
nommé roi d’une petite cité-État voisine, mais convoitait chacun cherchant à étendre la portée de son pouvoir.
le trône de Sak Taj. Il avait déjà triomphé de son frère aîné, K’anlakmul et Sak Taj, notamment, continuèrent
K’inich Jol, ce pourquoi Taj Yuknoom vit dans cet accord à accroître leur influence  : tandis que débutait la
l’occasion de prendre le contrôle de Sak Taj, et ce même construction de Baak Ah’yiin au nord, les rois Serpents
si cela amènerait certainement à un conflit futur contre œuvrèrent pour placer les souverains de leur choix à
cet allié providentiel. Nohl T’zam et Olom Pa’. D’une manière générale, les
villes de moyenne envergure étaient dominées par les
La « Guerre céleste » grandes cités-États les plus proches, quant aux plus
Taj Yuknoom, dorénavant allié à Ch’ul Ajau K’u B’alam, petites, elles n’intéressaient personne.
prépara son armée à attaquer Sak Taj, où la dynastie de Siyaj Puis vint une période pendant laquelle les souverains
Ch’amak continuait d’amasser ressources et pouvoir grâce aux préférèrent s’occuper de leurs propres champs poli-
traditions mortifères des anciens aztlans. Le roi Siyaj Ch’amak tiques plutôt que de se soucier des vergers de leurs
et son fils, K’inich Jol, eurent bien vent des menaces, mais ils voisins. Ils se préoccupaient alors de stabiliser leur
n’en eurent cure, trop obnubilés par leur propre suffisance. propre pouvoir, tant et si bien que la guerre n’avait
Ainsi commença la Guerre céleste. soudain plus sa place dans leur quotidien. Les pluies
On raconte que le conflit eut une envergure démesurée : se firent fréquentes et les récoltes abondantes. Grâce
Sak Taj et K’anlakmul s’affrontèrent dans une guerre sans aux taxes et aux impôts de la population croissante,
pitié qui ébranla la terre et le ciel. Les haches frappèrent les infrastructures et le commerce se développèrent.
les lances, les lames percèrent la chair et des milliers de Le maïs des fermiers poussait aussi sûrement que les
guerriers entamèrent leur voyage jusqu’à Xibalba. Lorsque pyramides des dirigeants. Cette ère fut également celle
les combats cessèrent, la terre était gorgée de sang et de la réunification avec le savoir ancien.
couverte d’une mer d’armes en obsidienne brisées qui Les cités-États investirent en effet leurs ressources dans
étincelait, véritable reflet des étoiles dans le ciel. l’étude et le développement de l’astronomie, des mathé-
Taj Yuknoom réussit ainsi à renverser l’Enfant de feu et matiques, de l’art et de l’écriture. Tandis que les idéaux des
à purifier le Tzak K’an de la corruption venue de l’Empire Nahuacans étaient fondés sur la puissance militaire et que
aztlan. Cette victoire permit à la Nation de se construire, unie les Kuraques n’aspiraient qu’à conquérir la mort et à en

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 91


« triompher, » les Tzak K’aniens puisaient leur force dans Le roi de Baak Ah’yiin, Chiwoj Ahau (Seigneur Grande
leur connaissance de l’univers, de la nature et de l’occulte. araignée), attendait de pied ferme l’arrivée de ces étrangers.
Les cités-États étaient alors convaincues que ces savoirs Chiwoj Ahau était en effet préoccupé par l’influence
les sauveraient et leur permettraient de survivre à la fin de grandissante de deux villes  : K’anlakmul—ainsi que
leur monde. Distraits par l’insignifiance du présent, l’Al- tous les rois et reines Serpents des cités-États qui lui
liance nahuacane et l’Empire kuraque ne semblaient en effet étaient alliés—et Nohl T’zam. La première avait gagné
pas avoir conscience que ce monde touchait à sa fin. Les en pouvoir avec les siècles et clamait désormais haut et
Tzak K’aniens s’y préparaient en cherchant asile dans les fort son ambition d’instaurer un Tzak K’an uni sous
différentes cités-États, en réinstaurant les arts et les magies sa bannière  ; elle avait d’ailleurs déjà commencé ses
d’antan, ainsi qu’en apprivoisant les technologies antiques. conquêtes, répandant son message idéologique à travers
les territoires annexés. Les souverains de la seconde
L’arrivée des Théans délivraient quant à eux des sermons sur la fin du monde
Le premier navire théan débarqua sur le littoral oriental imminente et le besoin de purifier toutes les cités-États en
du Tzak K’an, près de la ville de Baak Ah’yiin (Crocodile mettant un terme à la majorité des activités économiques
d’os). Les dirigeants des cités-États tzak k’aniennes avaient et expansionnistes, et ce afin d’apaiser les dieux.
déjà entendu quelques rumeurs au sujet des étrangers Chiwoj Ahau ne partageait ni l’une ni l’autre de ces
avec qui commerçaient les Nahuacans. Les réseaux de visions. Progressiste dans l’âme, le souverain avait certes
marchands s’étendant au-delà des frontières, ils permet- toujours été ouvert au commerce avec l’Alliance nahua-
taient aux informations et aux rumeurs de circuler à cane, mais il n’était toutefois pas favorable à l’idée d’une
travers toute l’Aztlan. unification sous un « empire » tzak k’anien (il avait d’ail-
leurs coutume de dire : « Ce concept n’a jamais existé et
n’existera jamais. »). À ses yeux, ces « voisins » étaient
davantage étrangers que les Castillians.

Une alliance improbable


Si, de prime abord, Chiwoj Ahau trouva les Théans fort
peu intimidants, il leur proposa tout de même de former
une alliance contre les cités-États qu’il considérait comme
ses ennemis. Assisté d’un interprète—les marchands
avaient en effet appris cette nouvelle langue très rapide-
ment, ce qui n’est finalement pas si étonnant étant donné
l’énorme potentiel commercial des Théans—Chiwoj offrit
à Frederico Fernandez Lopez sa protection, ainsi que le
droit de se déplacer librement et de faire commerce sur
son territoire. En échange, il lui demanda de s’allier à lui le
moment venu pour conquérir les autres cités-États.
Si Chiwoj Ahau cherchait à protéger son peuple des
autres cités-États tzak k’aniennes, Lopez et ses hommes
désiraient quant à eux implanter leur expansion écono-
mique en toute sécurité. Les Castillians, bien conscients
de la position stratégique de Baak Ah’yiin, acceptèrent
donc les termes du marché.
Cette alliance est aujourd’hui toujours en vigueur. Les
Théans ont ainsi profité de cet accord pour développer
leur négoce le long du littoral et avec les cités alliées
de Baak Ah’yiin, voire, de temps en temps, avec les
avant-postes indépendants qui bordent le réseau fluvial.

92 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


La population de la cité-État ayant toujours inclus et La nature de cet anéantissement leur reste toutefois
adapté des éléments venus de cultures étrangères dans son mystérieuse. À travers le Tzak K’an, trois grandes théories
quotidien, l’intégration des Castillians se fit sans heurt. ont émergé.
Nombre de Théans mirent d’ailleurs à profit l’influence
tzak k’anienne pour améliorer leurs pratiques. En fait, les « Le Grand serpent s’autodévorera »
seules tensions naquirent lorsque les étrangers se mirent à Étant donné les siècles de conflits qui ont marqué l’his-
vouloir imposer leurs dieux, d’où une expression devenue toire des cités-États, une partie des Tzak K’aniens pensent
populaire à Baak Ah’yiin : Nos dieux peuvent vous indiquer que la fin de leur monde sera tout simplement due à une
le chemin du retour. guerre civile.
Cela fait quatre-vingt-dix ans que l’appel à une guerre Afin d’éviter ce conflit apocalyptique, certains souverains
potentielle a été conclu. On pourrait se dire que les termes ont envisagé une alternative : conquérir le pays pour unir
de cet accord sont devenus caducs avec le temps, pourtant, toutes les cités-États sous une même bannière. Cela va
au vu de la montée actuelle des tensions environnemen- certes à l’encontre de la culture tzak k’anienne—la fierté
tales et politiques, ils se font de plus en plus concrets. Les et l’individualisme sont si répandus que nombre de Tzak
chefs militaire théans ne renient d’ailleurs pas la promesse K’aniens préféreraient voir leur monde réduit en poussière
qui leur a octroyé près d’un siècle de prospérité : « Quand plutôt que de vivre sous le règne d’un autre—mais ces
nous partirons nous battre, nous partirons ensemble. » dirigeants estiment qu’il vaut mieux transformer le Tzak
K’an, même si ce doit être par la force, plutôt que de le voir
Les conflits entre les cités réduit en cendres.
Si, aux origines du Tzak K’an, quelques gigantesques Dans l’éventualité peu probable où cela se produirait,
cités-État—comme K’anlakmul et Sak Taj—domi- une majorité de Tzak K’aniens pense que le Serpent à
naient le paysage géopolitique, les deux derniers siècles plumes se dévorera lui-même plutôt que d’exister dans le
ont vu le pays se fragmenter de plus en plus du fait des mensonge ou le compromis.
nombreuses rivalités.
Les superpuissances perdant petit à petit leur hégémonie, « Les aigles, les morts et ceux venus de l’est »
les conflits militaires apparurent entre un grand nombre Mêmes les Tzak K’aniens les plus renfermés sur
de petites villes. Le Tzak K’an s’est progressivement trans- eux-mêmes n’ignorent pas les menaces qui les
formé en un véritable cauchemar diplomatique : plus de entourent : un vent de révolte exacerbé par l’arrivée
vingt « royaumes, » tous différents en taille et en influence, des Théans, les Nahuacans qui ont atteint un apogée
rivalisent désormais pour gagner en pouvoir et promou- politique et militaire, les Kuraques qui semblent
voir leurs propres idéaux. construire quelque chose d’important. Une partie des
Les grandes distances séparant les cités-États, piètre- Tzak K’aniens pensent que la fin de leur monde sera
ment gérées et peu contrôlées, contribuent à engendrer due aux actions de l’un de ces ennemis.
chaos et dissension : les villes inféodées sont en désaccord Certes, tous ont l’air relativement insignifiants pour
sur les priorités à suivre, les habitants des régions défa- l’instant, mais les Tzak K’aniens sont incapables de
vorisées remettent en cause la légitimité divine de leurs mettre en place un front uni à même de contrer ne
dirigeants, les prêtres se disputent au sujet des dieux et les serait-ce qu’une seule de ces menaces. Imaginer qu’ils
familles royales commencent à s’entredéchirer. puissent s’organiser pour toutes les gérer semble donc
Le Tzak K’an n’a jamais été une Nation solidaire, mais tout bonnement impossible.
la situation semble à présent pire que jamais. Des coalitions tentent désespérément de former des
alliances temporaires entre cités-États au cas où la
La lutte contre l’effondrement menace d’une conquête extérieure venait à se réaliser.
L’ambiance générale qui règne au Tzak K’an peut Toutefois, dans les faits, les souverains ne demanderont
aujourd’hui se résumer en deux mots : angoisse collective. jamais à leurs rivaux de se battre à leurs côtés. Rien
Tous les Tzak K’aniens, des rois aux paysans, savent que que l’idée leur paraîtrait ridicule : tenter de combattre
le Grand cycle provoquera bientôt la destruction de leur ainsi l’une ou l’autre des trois puissances étrangères
monde : ce qui pousse doit mourir, pour repousser ensuite. n’amènerait bien évidemment qu’un destin tragique.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 93


« La volonté des dieux » Politique
Tous les Tzak K’aniens connaissent l’histoire des Nul ne peut dire si le système politique du Tzak K’an relève
mondes qui ont précédé le leur : les dieux, par mécon- du désastre logistique ou du chef-d’œuvre organisationnel.
tentement ou autorité divine, ont cessé de leur prodi- Peut-être est-ce simplement un mélange des deux. Toujours
guer les moyens de subsistance dont ils avaient besoin. est-il que la scène politique tzak k’anienne est régie par un
Une partie des Tzak K’aniens pensent que la fin de leur ensemble de juridictions extrêmement réglementées et
monde sera due à une apocalypse totale. contrôlées, pour les hommes comme pour les dieux.
Par bien des aspects, les décennies qui viennent de Si le fonctionnement des différentes cités-États diffère
s’écouler tendent à leur donner raison : les pluies ne énormément, il existe néanmoins quelques points
viennent pas lorsqu’elles le devraient, le sol est maudit communs dans tout le pays. Un en particulier définit
et la terre ne prend plus soin des hommes. Les Tzak parfaitement la politique tzak k’anienne : au Tzak K’an,
K’aniens ne comprennent pas pourquoi cela arrive. tout est prétexte au spectacle.
N’avons-nous pas assez prié ? Les dieux ont-ils oublié leur
peuple ? Notre monde est-il simplement parvenu à sa fin ? Les cités-États
Nombre de souverains tentent de trouver des réponses La complexité de la politique régionale et interrégionale
à ces questions pour stopper le processus : recherches suffit déjà à donner le tournis, ce pourquoi les «  fron-
académiques, changements dans les rituels pratiqués, tières  » sont incroyablement difficiles à déterminer au
expéditions pour retrouver ces dieux qu’aucun Aztlan Tzak K’an. Les zones de contrôle politique et économique
n’a vus depuis des générations. Les questions posées des cités-États sont souvent bien distinctes, les secondes
aux divinités présentes au Tzak K’an n’ont amené que pouvant parfois s’étendre jusque dans des territoires dits
des réponses obscures, parfois contradictoires (il ne faut « ennemis. » Ainsi, si la majorité des petites villes—ainsi
jamais oublier que les dieux ont leurs propres desseins). que tout ce qui se trouve dans un rayon de deux jours de
En dépit des efforts fournis, les résultats sont donc marche autour d’elles—sont presque toujours inféodées
proches du néant. Quelques-uns pensent qu’il ne sert à à une puissance locale majeure, il n’est pas rare qu’elles
rien d’espérer : la fin de ce monde est un événement qui commercent avec des « royaumes » rivaux de leur cité mère.
se produira de toute façon. En raison de ces nombreux imbroglios politiques—en
évolution perpétuelle—presque toutes les cités majeures
emploient une équipe de scribes dont l’unique mission est
de tenir à jour les cartes des relations diplomatiques entre
les cités-États. Ces cartes s’apparentent à des toiles d’arai-
gnée et schématisent les alliances—actuelles et passées—
entre cités-États, l’emplacement des zones inféodées, les
villes et villages satellites, les régions tributaires, les contacts
économiques et diplomatiques, les zones d’habitation des
aristocrates, les liens familiaux ou héréditaires entre les
chefs d’État, et parfois plus encore.

Aperçu d’une cité


Les cités tzak k’aniennes sont de véritables petites merveilles.
Tout comme religion et politique sont inséparables dans cette
Nation, les centres-villes sont façonnés en suivant les cosmo-
logies qui dépassent la simple condition humaine. Toutes
les agglomérations et les constructions suivent un schéma
organisationnel quadripartite et sont agencées en partant du
centre et en s’étirant vers les quatre points cardinaux.
Chaque lieu d’importance dispose d’un monument massif,
et on trouve dans chaque cité des zones permettant d’accéder

94 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


LES ROTURIERS
à l’outre-Monde et au Monde d’en-haut. Il peut s’agir de Si les dirigeants ont le monopole des richesses
et de l’influence, les roturiers sont quant à eux le
cavernes ou de cénotes sacrés faisant office de portails vers sang qui anime la Nation.
Xibalba, voire de montagnes ou de temples menant au
royaume céleste. Il ne s’agit pas de légendes : ces passerelles Au Tzak K’an, les classes populaires représentent
existent bel et bien, même si de nos jours, il devient difficile quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population.
d’en trouver l’emplacement, et de plus en plus dangereux de Ils gèrent les besoins primaires de la société—tels
les ouvrir. la nourriture et l’eau—bâtissent, font fonctionner
l’économie, se battent au sein de l’armée, etc. Les
roturiers ne forment pas un groupe homogène,
Les glyphes-emblèmes et tous ne sont pas pauvres ou dans le besoin.
Chaque cité-État est représentée par un symbole nommé Ainsi, il n’est pas possible de décrire « la vie d’un
« glyphe-emblème. » Celui-ci sert de logogramme au régime roturier tzak k’anien » car les situations sont
politique et se veut aisément reconnaissable par tout lecteur. différentes d’une cité à l’autre, d’une famille à
Certains glyphes-emblèmes sont une représentation une autre et même d’un individu à un autre.
directe du nom de la cité—tel le crocodile squelettique de Tous ont cependant en commun une chose : ils
Baak Ah’yiin ou le serpent géant de K’anlakmul—mais la n’ont pas accès aux savoirs, ou en tout cas pas
signification de nombre d’autres est plus subtile. Par exemple, sans l’aide de leur souverain. En effet, seuls les
le glyphe-emblème de Nohl T’zam représente un lys et le rois et leurs familles, qui font partie du Monde
symbole du feu. Il décrit l’événement passé qui permit d’uni- d’en-haut ou ont accès à ses sagesses, sont
fier la région : un incendie qui faillit réduire la ville en cendres. dépositaires de ces connaissances.

Les dynasties royales Ainsi, si un trop grand nombre de lacunes apparaît dans
Au Tzak K’an, la royauté est divine et héréditaire. L’autorité la gestion de la ville—que ce soit d’ordre politique, environ-
politique est donc liée à l’ascendance patriarcale ou matriarcale nemental ou militaire—le peuple commence à remettre en
(en fonction de la cité). Bien souvent, l’enfant aîné accède au question son souverain et sa prétendue puissance divine. Les
trône, ses frères et sœurs étant placés à la tête de zones satellites différences de nombre entre les classes sociales étant extrêmes,
ou de cités plus réduites. Le sang et la parenté ont beau être très les troubles civils sont une perspective très dangereuse pour
précieux, il peut arriver que l’héritier soit adopté au détriment les dirigeants.
des descendants légitimes. Comme on peut se l’imaginer, tout
cela grouille évidemment de rivalités fraternelles. Le rite du Béni
Nombre de cérémonies et de rituels précèdent l’accession Les héritiers du trône qui souhaitent donner l’image d’une
au trône. Ainsi, avant de pouvoir revêtir la coiffe blanche et souveraineté résolument théocratique accomplissent généra-
verte—ce que les Théans appellent « une couronne »—il lement le rite du Béni. Le futur souverain s’aventure alors dans
faut prouver sa valeur en accomplissant un ou plusieurs rites le Monde d’en-haut ou dans l’outre-Monde afin de triompher
initiatiques religieux, militaires ou politiques. Il s’agit d’une d’une série d’épreuves. Les grandes connaissances des Tzak
étape symbolique représentant les idéaux du futur souverain. K’aniens sur les autres Mondes—généralement consignées
Après l’accession au trône, on organise une Cérémonie dans les livres sacrés—permettent à l’héritier de savoir quelles
du feu annonçant le début du règne. On érige ensuite de sont les épreuves qui l’attendent.
gigantesques stèles à l’image du nouveau roi. Ces monu- Quiconque réussit à accomplir ce rite peut placer devant
ments taillés dans la pierre témoignent de sa puissance, de son nom le titre d’Aj/Ix Haah Ch’ul : le/la Divin/e méri-
son histoire et des idéaux de sa cité. tant/e. Lorsqu’ils l’accomplissent, les souverains gagnent
Les Tzak K’aniens considèrent que les rois sont les l’estime de nombreux dieux, lesquels leur offrent doréna-
Intermédiaires des dieux, ce pour quoi ils les respectent vant leur aide divine lorsqu’ils la demandent.
autant qu’ils les craignent. Ils estiment également qu’il
incombe au souverain—ainsi qu’à la famille royale—de gérer Le rite du Seigneur de guerre
tous les aspects de leur cité-État. Il s’agit d’une tâche certes Les héritiers du trône qui souhaitent mettre en avant leurs
titanesque, mais tous les Tzak K’aniens pensent que leurs aptitudes martiales accomplissent généralement le rite
dirigeants sont quasi omnipotents. du Seigneur de guerre. Le futur souverain doit dès lors

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 95


capturer un ou plusieurs ennemis importants du royaume. Au Tzak K’an, politique et religion sont inséparables.
Ce rite peut être accompli très rapidement, mais il n’en L’évidence est telle—à la fois symboliquement et logis-
demeure pas moins risqué. tiquement—que le prêtre n’est pas seulement la voix des
Quiconque réussit à accomplir ce rite peut placer devant dieux, il est également le bras droit du souverain.
son nom le titre d’Aj/Ix B’olon B’ak : le/la Traqueur/se Comme pour beaucoup de postes de prestige, c’est en
redoutable. Lorsqu’ils l’accomplissent, les souverains sont grande partie l’ascendance qui décide de qui peut devenir
à jamais craints par ceux qui les affrontent. prêtre. Bien souvent, il s’agit des aînés des familles royales,
parfois du cadet d’un souverain (une méthode efficace
Le rite du Peuple pour conserver son influence). Quoi qu’il en soit, accéder
Moins répandu—et parfois moins respecté par les autres à la prêtrise reste tout de même très difficile.
souverains—que les deux précédents, le rite du Peuple est Les prêtres, au même titre que les scribes, doivent suivre les
effectué par les héritiers du trône désireux de remporter cours d’une académie spécifique pour apprendre les mœurs
l’adhésion populaire. Il n’existe pas de chemin tout tracé ésotériques relatives au clergé. Ils doivent également participer à
pour accomplir ce rite, il nécessite simplement d’effectuer une vigile de deux ans afin de se purifier de leurs désirs humains,
plusieurs bonnes actions qui servent le bien général. une épreuve qui relève plus de la tradition qu’autre chose : les
Ce sont les roturiers qui octroient ce titre. Ils se prêtres n’en demeurent pas moins corruptibles, et par le passé,
réunissent ainsi en masse au pied de la pyramide de la plus d’un prêtre malfaisant a mené un royaume entier à sa perte.
cité et scandent le nom du nouveau souverain—sans Contrairement à l’unique école de scribes, il existe plusieurs
oublier son nouveau titre, Aj/Ix Paj’ Payal, L’Élu/e— académies de prêtres. En effet, les aspects importants de la vie
pour témoigner leur soutien. Peu de souverains tzak k’anienne sont tous gérés par des ordres ecclésiastiques
possèdent aujourd’hui le soutien du peuple, et les rébel- différents, et le statut des prêtres est intimement lié à leur
lions sont toujours source d’inquiétude pour eux. Bien spécialité (la prêtrise vouée aux conseils politiques est par
qu’ils paraissent moins impressionnants qu’un Traqueur exemple tenue en plus haute estime que celle dédiée au rituel
redoutable ou qu’un Divin méritant, les Élus sont dépo- agricole). Cela explique probablement pourquoi il semble y
sitaires de la pleine faveur de leur peuple, et bénéficient avoir davantage d’opinions religieuses—même divergentes—
d’espions loyaux absolument partout. qu’il n’y en avait il y a quelques siècles.
Les chamanes sont ceux qui naissent avec le don de
Les clergés communier avec les dieux par visions. Contrairement
Le sacerdoce tzak k’anien est incroyable. Ses branches aux prêtres, qui communiquent avec les divinités grâce
complexes feraient presque passer l’Église vaticine pour à des rites appris par cœur, ils possèdent un accès direct
simpliste ! D’après mes observations, les clergés de ce aux autres plans de l’existence, un pouvoir aussi envié que
pays sont en charge des tâches suivantes : festivals, rites, redouté. Ils ont été plus ou moins bannis du Tzak K’an. De
cérémonies, conseils politiques, divination, sorcellerie, temps en temps, on rencontre encore un chamane solitaire,
histoire, astronomie, « comptage des jours » (une isolé ou caché. Souvent débraillés et de nature excentrique
coutume locale intéressante et visiblement importante), en raison de leur statut de parias, ils offrent un contraste
médecine et agriculture. Je suis intimement persuadé saisissant avec les prêtres, nantis et élégamment vêtus. Les
que la liste ne s’arrête pas là, mais au vu de nos chamanes ont beau n’avoir aucun respect pour les traditions
ressources limitées et de notre statut d’étrangers, il est du clergé, il ne faut pas oublier qu’ils n’en demeurent pas
compliqué d’infiltrer leurs cercles les plus restreints moins plus puissants que n’importe quel prêtre.
pour en savoir plus. Nous avons par exemple eu vent
de rumeurs concernant une académie de prêtres, mais Les tribunaux
ne l’avons pas trouvée ; en sus, ceux qui nous en ont Toutes les cités-États du Tzak K’an—qu’il s’agisse des
parlé semblent disparaître les uns après les autres… villes majeures ou des zones satellites de moindre impor-
tance—ont au moins en commun leur système judiciaire.
—Compte-rendu de Vinnius Flank (professeur Chaque tribunal est installé dans un espace à l’architec-
d’études xénoreligieuses) ture très réglementée, pensée pour influencer la perception
et le ressenti de ceux qui s’y trouvent. Au Tzak K’an, les

96 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


procédures judiciaires sont de véritables performances l’Empire kuraque, elles possèdent également quelques parti-
théâtrales : on y porte des masques à l’effigie des dieux, cularités uniques. Au Tzak K’an, tout est prétexte au spectacle,
des acteurs reconstituent les événements à juger et des et la guerre ne déroge pas à cette règle. Ainsi, aux côtés des
ambianceurs s’assurent de la continuité du spectacle. soldats, on va pouvoir trouver dans les rangs militaires des
On trouve dans l’arène du tribunal un banc surélevé— musiciens jouant d’impressionnantes musiques de guerre, des
parfois appelé « trône »—dans lequel le k’uhul ajaw (divin prêtres arborant fièrement les idoles de leur divinité protec-
seigneur) s’assoit afin de surplomber ses sujets. Cet indi- trice, des sorciers faisant démonstration de leurs pouvoirs ou
vidu est le représentant du souverain, mais également des des comédiens enragés portant des masques terrifiants.
prêtres. Il est ainsi le symbole vivant du lien inextricable Le service militaire n’est obligatoire dans aucune cité-État
qui rassemble les autorités politiques et religieuses au du Tzak K’an (à moins que des guerres en cours ne le rendent
Tzak K’an. Nommé par le roi ou la reine au pouvoir, il est nécessaire). Néanmoins, beaucoup de roturiers rejoignent
généralement choisi du fait de son ascendance : un k’uhul tout de même l’armée de leur plein gré. Cet engagement est
ajaw est donc bien souvent enfant de k’uhul ajaw. vu comme une sorte d’allégeance vis-à-vis du « royaume »
À ses côtés, on trouve habituellement un sajal (celui qui et, surtout, réduit considérablement—voire annule—les
est craint) et un alk’uhuun (celui qui connaît les textes impôts dus par la famille du conscrit. Un individu peut ainsi
sacrés), deux conseillers spécialisés dans les affaires judi- permettre aux siens d’économiser ou d’augmenter leurs
ciaires qui aident le divin seigneur dans ses tâches. profits durant le temps où il sert dans l’armée. Par les temps
Devant le trône se trouve un espace ouvert semblable à qui courent, alors que la production agricole tzak k’anienne
une scène. On trouve ici les nombreuses personnes qui font baisse de plus en plus, beaucoup de fermiers ont choisi de
fonctionner le tribunal—scribes greffiers, prêtres consul- s’engager pour compenser leurs pertes.
tants, comédiens, serviteurs, etc.—ainsi que les prisonniers Les aristocrates apprennent quant à eux dès leur plus
et le grand public. jeune âge les tactiques de guerre et le commandement mili-
Lorsqu’il juge, le k’uhul ajaw doit quitter son Monde pour taire. À l’instar des roturiers, on leur enseigne également à
aller quérir les conseils des dieux. Pour cela, un servant lève manier les lances et les armes de distance.
un miroir fait en mosaïque d’hématite polie devant les yeux Les grades ne suivent pas les standards habituels, car la guerre
du juge. Lorsque le juge plonge son regard dans l’abysse se pratique très différemment au Tzak K’an. On y trouve certes
trouble de ce portail menant au Monde d’en haut, il entre tous les grades élémentaires, d’officier à soldat (ou holkanob,
en contact avec les dieux et leur demande conseil. « les courageux »), mais il en existe également d’autres plus
« a-winak-en… Je suis votre serviteur. » spécifiques. En effet, les armées tzak k’aniennes comptent
Pendant ce temps, une épaisse fumée faite de copal et toutes des factions spécialisées dans les tactiques de guérilla,
d’encens parfumé obscurcit l’air et altère les sens de toute dans la pose et la fabrication de pièges, voire dans la sorcellerie.
personne présente. Cela souligne la dimension mystique Au Tzak K’an, la capture de prisonniers revêt plus d’im-
des événements qui se déroulent en ce lieu : un voyage portance politique et symbolique que de prendre la vie d’un
quasi physique jusqu’à un autre Monde. ennemi : finir aux mains de l’ennemi, pieds et poings liés, y
Lorsque le divin seigneur revient dans le Monde intermé- est tout bonnement terrifiant. Cela donne souvent lieu à des
diaire, il rend son jugement. Nul ne peut aller à l’encontre des humiliations publiques et des tortures prolongées. Le captif
décisions d’un k’uhul ajaw, il est omnipotent et son pouvoir est ensuite généralement réduit en esclavage, voire pire. En
est absolu. Toutefois, les Tzak K’aniens attendent de lui qu’il général, les malheureux qui finissent capturés en viennent à
rende un verdict juste et choisisse un châtiment approprié. Un regretter de n’être pas morts.
juge empreint de sagesse saura donc agir avec discernement,
car ignorer le ressenti du peuple est la meilleure façon de faire La Grande étoile de la guerre
éclore une révolte. Pour cette raison, concrètement, une affaire Les astronomes, astrologues et devins d’une cité-État
n’est souvent résolue qu’une fois les deux parties satisfaites. participent aux décisions relatives à la guerre. Il est en effet
possible de prédire les dates permettant de tirer profit
Les armées d’importants avantages surnaturels. Ce que l’on appelle au
Si les armées tzak k’aniennes partagent un grand nombre Tzak K’an « l’heure de la guerre » est liée au mouvement
de traits communs avec celles de l’Alliance nahuacane et de d’une planète bien identifiée : Chak Ek’ (la Grande étoile).

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 97


Culture
Que ce soit pour les autochtones ou pour les étrangers, la aux toucans et aux perroquets. Il existe aussi de petits
culture tzak k’anienne est un festin sensoriel fait d’images, jardins urbains où l’on fait pousser des piments, du
de sons et d’odeurs complexes qui entourent tout un quatre-épices, de l’agave et d’autres petits plants utilisés
chacun en permanence. Quelle que soit leur cité-État en cuisine. Certains arbres revêtent également une impor-
d’origine, les idéaux de tous les Tzak K’aniens se recoupent tance symbolique aux yeux de la population, comme le
dans l’importance de premier ordre accordée au surna- grand ceiba épineux, d’autres ont quant à eux une utili-
turel, à la science et au savoir, ainsi qu’au combat perma- sation médicale.
nent contre un environnement pour le moins capricieux. Du fait de cet environnement difficile à exploiter, les Tzak
K’aniens ont mis au point des stratégies agricoles adaptables
L’adaptation à l’environnement depuis fort longtemps. Champs surélevés, systèmes d’ir-
Le territoire tzak k’anien est caractérisé par ses épaisses rigation, étagement, polyculture, brûlis : tous les moyens
forêts tropicales, la plupart du temps considérées comme sont bons pour faire pousser le maïs (une céréale de la plus
des obstacles par la société hautement urbanisée du Tzak haute importance dans tout le pays, tant pour son usage
K’an (construire des cités et établir des champs demande fonctionnel que rituel), le cacao, les courges, les haricots
en effet de raser des milliers d’hectares de jungle, ce qui ainsi que le coton nécessaire aux textiles. On notera que
représente un travail colossal). la récolte d’argile, pour les besoins de la céramique et de la
Pour autant, les Tzak K’aniens ne considèrent pas la poterie, se fait dans ces mêmes zones.
végétation comme une nuisance. Dans les plus grandes Dans ces forêts tropicales, les Tzak K’aniens ont perfec-
villes, on trouve des vergers minutieusement agencés tionné au fil des siècles de nombreuses techniques de chasse.
peuplés d’arbres fruitiers—tels le goyavier, le papayer Les gibiers les plus prisés sont les singes et les gros cochons
ou l’avocatier—dont les branches servent de perchoirs sauvages, les tapirs ou les tatous de temps à autre, ainsi que
n’importe quel reptile ayant le malheur de croiser la route
du chasseur. On notera que les peaux de jaguars sont très
prisées des Tzak K’aniens les plus aisés, ce qui fait de cet
animal une proie particulièrement recherchée. En revanche,
la domestication des animaux n’est pas très répandue,
même si elle se développe de plus en plus depuis que l’agri-
culture a commencé à décliner (on peut commencer à voir,
ici et là, des enclos pour chiens, dindes ou cerfs sauvages).
La pêche, quant à elle, est très répandue le long des
fleuves et du littoral. La récolte de coquillages y est tout
aussi courante, ces derniers étant extrêmement appréciés,
tant pour leurs saveurs gustatives que pour la décoration
vestimentaire et les rituels.
En raison de la forêt dense et du terrain difficile et acci-
denté, les réseaux routiers sont peu développés, donc rapi-
dement saturés. Pour les trajets à pied sur des distances
réduites, on emprunte des routes surélevées de calcaire
blanc (les sacbeob, singulier : sacbe). Les systèmes fluviaux
sont beaucoup plus utilisés et permettent de relier tout aussi
facilement un point du Tzak K’an à un autre. En revanche,
les Tzak K’aniens ne voient pas l’intérêt des bêtes de somme
qu’affectionnent tant les Théans. Elles sont parfois utilisées
pour tracter de petites cargaisons, mais comme les canoës
semblent les effrayer et qu’elles ingurgitent énormément de
nourriture, elles rebutent les marchands.

98 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Toutes les collines, montagnes et volcans ont une fonc- Les impôts et les taxes servent à financer les construc-
tion matérielle évidente. Lorsque les Théans arrivent tions publiques, l’armée ainsi que le train de vie des
pour la première fois dans une ville tzak k’anienne, leur dynasties royales. Au Tzak K’an, l’imposition peut revêtir
première remarque ressemble souvent à : « ça en fait, de la plusieurs formes : monétaire, travaux agricoles, service
pierre ! » Ils n’ont pas tort. La quantité de roche calcaire militaire ou don de marchandises (denrées, matériaux ou
nécessaire à la construction demande une extraction produits d’artisanats tels que des bijoux ou des textiles).
constante. En outre, cela permet de récupérer des maté-
riaux pierreux et minéraux—comme le jade, le quartz et La langue
l’obsidienne—qui servent à fabriquer outils et bijoux. On parle de nombreuses langues et différents dialectes au
Ce que beaucoup de Théans ne comprennent pas au premier Tzak K’an. Étant donné l’ampleur du territoire, l’isolation-
abord, c’est qu’au Tzak K’an, le bois possède souvent un nisme des cités-États et l’individualisme inhérent au mode
caractère noble et précieux. Les lisières des forêts utilisables de vie tzak k’anien, cela n’est pas étonnant. Certes, certains
reculant progressivement, il devient de plus en plus difficile mots courants sont communs dans toutes les cités-États,
de s’en procurer, d’où une utilisation prioritaire de la pierre. mais deux Tzak K’aniens venus de part et d’autre du pays
ne pourront probablement échanger guère plus que des
La cuisine politesses et des phrases simples, et devront davantage
Le régime de base de la cuisine tzak k’anienne est constitué communiquer par gestes pour se faire comprendre.
de viande généralement accompagnée des Trois sœurs :
maïs, courges et haricots. Des molettes et des meules en L’écriture
granit sont utilisées pour moudre le maïs et obtenir des L’écriture est notre arme.
tortillas ou de l’atole, une sorte de gruau. Ces aliments, Elle est plus rapide que nos flèches
mélangés aux diverses épices cultivées, constituent l’ali- et plus tenace que la mort.
mentation ordinaire des familles roturières. —Proverbe de scribe
Outre l’eau, on trouve quelques boissons utilisées lors
des occasions spéciales comme la bière de maïs fermenté. Dans la culture tzak k’anienne, il existe un pont reliant
Les plus nantis peuvent se permettre de déguster une l’art à l’information : l’écriture. Cette tradition scripturale
boisson chocolatée mousseuse aromatisée au miel ou au remonte à la civilisation chok ch’ai, qui posa les bases du
piment. La fève de cacao étant très précieuse, il est de système d’écriture encore utilisé de nos jours. C’est pour
coutume de dire qu’en boire revient à siroter ses économies. cela que la majorité des scribes leur rendent encore actuel-
lement hommage (ouvertement ou non en fonction des
L’économie croyances de leur cité quant aux origines du Tzak K’an).
L’économie tzak k’anienne est beaucoup moins régle- Les histoires écrites par les Tzak K’aniens ont souvent
mentée que celles de ses voisins. Sur de nombreux petits pour sujet les événements concernant les dynasties royales,
marchés, la majorité de la population utilise un système les dieux voire les affaires commerciales.
de troc pour s’échanger le nécessaire quotidien. Beaucoup L’écriture tzak k’anienne est belle et compliquée, dotée
de communautés rurales vivent ainsi en autarcie. de très nombreuses subtilités et tolérant un grand nombre
Dans les villes, les marchés plus grands servent quant à eux de libertés. Le système hiéroglyphique comprend des
à acheter des marchandises importées d’autres cités-États, logogrammes, des phonèmes, des variantes, parfois même
dont le prix est proportionnel à la distance les séparant de des combinaisons de tout cela. Ainsi, on peut écrire un
leur lieu d’origine. Par exemple, les noyaux d’obsidienne même mot de multiples façons et les scribes, afin de
sont relativement peu chers au nord—où les volcans sont démontrer la richesse de la langue, n’hésitent pas le faire
nombreux—mais bien plus coûteux à l’est. Il en va de même dans un même texte.
pour les matériaux comme les coquillages, le jade et autres La majorité des érudits théans trouvent cela excessive-
biens similaires. Certains produits possèdent tout de même ment compliqué et incroyablement frustrant. A contrario,
une valeur monétaire fixe, comme la fève de cacao et le sel. les scribes tzak k’aniens trouvent l’écriture théane parti-
Sur presque tous les marchés du Tzak K’an, on trouve un culièrement simpliste et ennuyeuse, ce pourquoi ils
panneau qui signale leur taux de conversion pour la journée. s’amusent bien souvent de la frustration de ces étrangers.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 99


Les chiffres sont quant à eux d’une importance capitale L’individualisme des cités-États a engendré la création
aux yeux des Tzak K’aniens, dont l’appétence pour les et la subsistance d’un grand nombre de langues et de
sciences et les mathématiques n’est plus à démontrer. Les dialectes de part et d’autre du pays. Les scribes de la Cahal
nombres s’écrivent sous forme de combinaisons de barres It’zat bataillent pour que soit préservé un langage écrit
et de points auquel s’ajoute un symbole spécifique pour unique. Aujourd’hui, il s’agit de l’un des derniers frag-
le zéro. Ainsi, les scribes savent retranscrire de grands ments d’unité du Tzak K’an. Pragmatiques, les souverains
nombres en utilisant peu de symboles, donc avec une œuvrent également pour que cette pratique perdure : à
certaine simplicité. quoi bon serviraient les mots de la guerre et de la peur si
personne ne savait les lire ?
Cahal It’zat Les étudiants formés à la Cahal It’zat sont ainsi destinés
Pour les Tzak K’aniens, apprendre à manier les mots est à être renvoyés dans leurs cités-États respectives pour
une quête, l’engagement de toute une vie. Les scribes— devenir les conseillers privés des rois et des reines. Il
généralement choisis en fonction de leur ascendance— est donc courant, et ce depuis des générations, que les
commencent leur entraînement dès qu’ils savent tenir un lignées de scribes qui servent des souverains rivaux se
pinceau. Au Tzak K’an, il n’est pas rare de voir des enfants côtoient pendant leur apprentissage. À la Cahal It’zat, on
scribes utiliser leurs doigts pour tracer dans la terre les peut passer plus d’une décennie à étudier aux côtés d’un
signes qu’ils ont appris. ennemi politique. C’est sans importance car là-bas, ni la
Pourtant, tous les scribes ne bénéficient pas de la même politique ni les querelles n’ont cours : on y poursuit une
formation. L’immense majorité apprend les bases néces- vocation supérieure destinée à transcender les rois et les
saires pour subvenir aux besoins locaux—afin d’aider les reines jusqu’à la fin des temps.
potiers par exemple, ou pour écrire les taux de conver- En temps de guerre, la Cahal It’zat sert également de
sion du marché—et seuls quelques rares privilégiés sont refuge car les scribes font des cibles de choix. Dans l’un
envoyés à la Cahal It’zat (la Place du scribe), une mysté- des couloirs du temple central, les dangers de la profes-
rieuse école de scribes centralisée. sion sont gravés dans les murs : on y voit une représen-
La Cahal It’zat est généralement associée à une simple tation de sept scribes amputés de leurs doigts—certains
légende par la majorité des Tzak K’aniens. Il faut dire que morts, d’autres encore vivants—qui se vident de leur
le chemin menant jusqu’à ce lieu est aussi complexe et sang au pied d’un conquérant victorieux. La légende dit :
dangereux que les mots qu’il renferme dans ses profon- L’anéantissement ne sera total qu’une fois l’histoire effacée
deurs. L’école est en effet protégée par des ruses magiques, et oubliée.
des pièges et l’environnement hostile qui l’entoure. Les
quelques élus qui y ont été intronisés considèrent pour- Les Tsii’uun B’ak
tant cet endroit comme leur foyer davantage que comme Depuis quelques décennies, les livres sacrés tzak k’aniens—
une simple académie. ceux qui consignent les aspects les plus secrets et les plus
La Cahal It’zat ressemble à une petite ville. À l’instar de complexes de la société—sont très recherchés par les
n’importe quelle autre construction tzak k’anienne, elle est Théans. De plus en plus souvent, les palais, temples et
donc bâtie sur le même modèle que l’univers : agencée en autres bibliothèques se font dérober ces ouvrages prisés,
partant du milieu et en s’étirant vers les quatre angles. La lesquels finissent échangés ou vendus aux étrangers à
Place du scribe est, de plus, une cité faite par et pour les des prix faramineux. Des textes irremplaçables ont ainsi
mots. Ainsi, chaque centimètre carré de pierres de la haute disparu, certains étant les seuls exemplaires traitant de
pyramide centrale—ainsi que tous les sacbeob qui y mènent tel ou tel événement passé. Certains scribes ont donc
(voir page 98)—est décoré de gravures. Escaliers, linteaux, commencé à considérer que les mots sacrés nécessitaient
murs : toutes les surfaces disponibles sont recouvertes de un contrôle beaucoup plus poussé que par le passé.
glyphes gravés et peints qui relatent l’histoire de l’univers. Si une grande majorité des scribes pensent leur écri-
L’école ne se contente pas d’enseigner les façons ture si complexe que les Théans ne pourront jamais
complexes d’écrire et de consigner l’histoire, elle remplit obtenir la moindre information des livres volés, un
également une fonction secondaire très importante : unir petit nombre, plus lucide, sait ce qui pourrait arriver si
les nombreuses langues hétéroclites utilisées au Tzak K’an. les ennemis du Tzak K’an parvenaient à les déchiffrer.

100 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


LES CODEX
Toutes les informations cruciales concernant
le Tzak K’an sont minutieusement enregistrées
dans des codex. La plupart sont conservés dans
Habitudes vestimentaires
les bibliothèques royales de tous les royaumes, Les textiles—et leurs matières premières—sont des objets
ainsi qu’à la Cahal It’zat. de grande valeur au Tzak K’an, souvent utilisés comme
d’importantes marchandises tributaires.
Malheureusement, certains codex ont disparu, Le coton et le chanvre sont cultivés en plusieurs endroits
voire ont été éparpillés ou cachés dans les du pays, et nombreux sont les tisserands spécialisés
contrées reculées de l’Aztlan. Un codex conte-
nant des informations perdues (ou secrètes)
capables de les transformer pour créer l’habit que la
serait perçu comme une trouvaille inestimable personne désire porter. Ce n’est pas anodin car au Tzak
pour tous les Tzak K’aniens, qu’ils soient scribes, K’an, les habits et les décorations sont un prolongement
souverains ou simples roturiers. de la chair : ils représentent le statut de leur porteur.
Ainsi, tous ces éléments sont soumis à des règles très
Ceux-là, menés par un Iktan Chikul, ont pris le nom de précises—les mêmes de part et d’autre du pays—qui, si
Tsii’uun B’ak, « Ceux qui veillent au bord du papier blanc. » on les enfreint, peuvent conduire à des châtiments allant
Formés sur les bancs de la Cahal It’zat, les Tsii’uun de la simple amende à la peine de mort.
B’ak protègent les textes existants et tentent de retrouver En premier lieu, la différence la plus visible entre les
la piste des livres volés pour les récupérer, dussent-ils aristocrates et les roturiers est basée sur la complexité
effectuer le voyage jusqu’en Théah pour ce faire. du vêtement porté. Tandis que la majorité des gens du
peuple s’habille de textiles tissés et taillés, les vêtements
L’art de l’élite sont teints dans des couleurs magnifiques, ornés
La culture tzak k’anienne tient l’art et l’artisanat en très de perles de coquillages ou de plumes de quetzal, voire
haute estime. Les peintres—qu’ils créent de magnifiques confectionnés avec de la spécularite afin de scintiller.
fresques sur les murs d’un palais ou qu’ils dépeignent des Les hommes portent généralement des pagnes en coton,
scènes complexes sur des supports en céramique—sont ceints autour de la taille et enveloppant l’entrejambe, ainsi
considérés comme les héritiers d’une des plus nobles qu’une sorte de cape appelée pati. Les femmes, quant à
traditions. À l’instar des scribes, la plupart sont issus elles, portent la plupart du temps un pati attaché sous les
de longues lignées d’artistes  : après avoir prouvé leur aisselles avec une longue jupe ou un simple habit, pareil
valeur en suivant un apprentissage rigoureux, ils peuvent à une robe sans manches, qui s’attache ou se sangle à la
commencer à gagner l’estime des Tzak K’aniens. taille. À cela s’ajoute enfin toute une sélection de sandales.
Comme pour la tradition scripturale, l’art est normalisé, Dans les dynasties royales, ces styles—déjà complexes en
c’est-à-dire que les idéaux artistiques et les méthodes de raison de leur qualité, leurs couleurs et leurs motifs—sont
représentation sont réglementés afin d’être identiques dans embellis par de larges ceintures de jade, des bijoux et des
tout le Tzak K’an (tout en laissant un minimum de latitude peaux d’animaux. On notera que les plus aisés portent
pour que l’artiste puisse apposer sa marque personnelle). parfois des pantalons réalisés à partir de peaux de jaguar
Il n’est pas rare qu’artistes et artisans collaborent sur à la place du pagne traditionnel.
un même produit. Ainsi, pour créer un pot unique à Au Tzak K’an, les cheveux détachés, hirsutes ou rasés
l’effigie d’un dieu, un maître potier va travailler de pair sont un signe de captivité ou de honte. Les hommes ont
avec des peintres et des créateurs de pigments pendant des des cheveux longs qu’ils attachent à l’arrière du crâne soit
semaines. Architectes et ingénieurs, quant à eux, pourront en queue de cheval, soit en tresse qu’ils entortillent sur
collaborer avec des sculpteurs pendant des années pour la elle-même pour faire comme une couronne. Parfois, ils
construction de pyramides. Les Tzak K’aniens estiment se brûlent les cheveux sur le haut du crâne pour donner
que toute forme d’art est unique et magnifique, chacune l’impression d’un visage plus allongé. En général, ils rasent
à sa façon, mais qu’elle ne devient véritablement sublime leur pilosité faciale s’ils en possèdent une, mais certains
que lorsqu’elle est combinée à d’autres talents. aristocrates aiment entretenir de petites moustaches ou
On notera qu’un prêtre sera presque toujours présent à barbiches. Les femmes, quant à elles, ont les cheveux longs.
chaque étape du processus artistique. En effet, si l’œuvre Il est fréquent que les célibataires gardent leurs cheveux
finale déplaît aux dieux, alors artistes et artisans ont du détachés, alors que celles qui sont mariées—ou âgées—
souci à se faire. ont une ou deux longues tresses rassemblées au niveau

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 101


de la nuque en nattes ou en chignon. Hommes comme Les lobes d’oreille étirés sont fréquents dans l’ensemble
femmes portent en plus un couvre-chef similaire à une de la population, la taille étant généralement indicatrice
écharpe qui leur permet de garder leurs cheveux derrière de l’âge ou du métier exercé par la personne. Le premier
le crâne. rite de passage dans le cycle de la vie d’un Tzak K’anien—
Tout comme la différence entre aristocrates et roturiers se le passage de la petite à la véritable enfance—consiste à
fait selon les niveaux de décorations sur les habits, les coif- se faire percer les oreilles et poser ses premiers écarteurs
fures tzak k’aniennes sont agrémentées de coiffes complexes auriculaires. Les roturiers portent des écarteurs faits de
permettant aux dynasties royales de signaler leur statut social simples matériaux périssables (bois, os, coquilles, etc.)
élevé. Ces coiffes sont très nombreuses, certaines n’étant tandis que les aristocrates possèdent des disques super-
portées que lors d’événements spécifiques. Elles sont souvent bement taillés et complexes (et souvent bien plus gros)
faites d’osier ou de bois, puis décorées de grands panaches de faits de jade ou d’obsidienne.
plumes de quetzal, de jade, de petites sculptures de dieux et Les gros bijoux destinés au nez et aux lèvres sont plus
d’animaux, de perles et de peaux d’animaux. fréquents chez les souverains ou les seigneurs de guerre.
L’illusion d’un visage allongé étant considérée comme Les modifications dentaires sont tout aussi codifiées  :
un idéal esthétique, certaines cités-États perpétuent seuls les aristocrates peuvent faire sertir du jade sur leurs
une tradition de modification crâniale qui commence incisives, ou se faire limer les dents en pointe ou autres
dès la petite enfance. Elle implique d’encadrer et de formes géométriques. Ceci leur permet de prouver leur
bander le crâne tant qu’il est encore mou afin d’aplatir la statut en différenciant leur apparence physique de celle
boîte crânienne. du commun des mortels.
Le corps est également modifié pour mieux représenter Les autres formes de bijoux et de décorations aristocra-
le statut de l’individu. Ainsi, les Tzak K’aniens arborent tiques comprennent enfin embellissements abdominaux,
une peinture spéciale sur leur corps lors d’événements bracelets, colliers, clochettes pour chevilles, masques et
importants (comme une guerre ou un rituel). Tatouages bandeaux pour les genoux.
et scarifications complexes n’ont pas de motif prédestiné
et représentent tour à tour des éléments naturels, des Le genre et la sexualité
dieux ou des symboles de statut social. Ces marques sont Chez les Tzak K’aniens, la question du genre n’a d’ordi-
présentes partout sur le corps, même si les cicatrices et naire aucune forme d’importance. Il est ainsi courant de
les tatouages faciaux (souvent sur les joues) sont généra- croiser des individus non-binaires ou appartenant au troi-
lement l’apanage des femmes. sième genre, et les représentations historiques combinent
souvent les aspects liés aux deux sexes traditionnels. Un
exemple bien connu est celui de Sinan Ajau (seigneur
Scorpion), l’enfant d’Ix Tokal Chan (la dame Nuage) et de
K’inich Pasaj Pakal (Grand Soleil Bouclier de l’Aube) : ses
nombreuses représentations sur les stèles et les fresques
le parent des robes tissées et des décorations de sa mère,
mais les textes qui parlent de lui emploient souvent le
pronom masculin.
La sexualité ne devient problématique que dans les
dynasties royales où il est nécessaire d’établir un héritier
ou une héritière. De plus, si le sang et les lignées sont
importants et sacrés, les traditions dynastiques consi-
dèrent les enfants adoptés comme appartenant pleinement
à la famille.

102 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Noms tzak k’aniens Religion
Les Tzak K’aniens aiment apposer titres et préfixes devant L’influence de la religion est omniprésente au Tzak K’an : de la
leurs noms. Certains sont une preuve d’aristocratie, comme goutte de pluie à la graine de maïs en passant par le parchemin
Aj/Ix, d’autres du style du souverain. Un souverain éminent du scribe et le trône du souverain, chaque chose possède sa
peut posséder un nom aux multiples facettes incluant diffé- place dans la cosmologie sacrée. Qu’il s’agisse du roturier qui
rents préfixes, par exemple Ix B’olon B’ak Ek’ Imix. récite ses prières devant les modestes idoles de son foyer ou
Les prénoms masculins et féminins sont interchan- des prêtres qui organisent des cérémonies complexes dans les
geables même si, pour la majorité de la population, ils sont temples, tout un chacun se doit de vénérer les dieux.
associés à l’un ou l’autre des deux genres. Tous les Tzak K’aniens le savent, il existe trois plans d’exis-
Préfixes : Chak, Ek’, Sak, Taj, Tzi, Yax tence—le Monde d’en-haut, le Monde intermédiaire et
Prénoms masculins  : B’alam, Chan, Etz’nab, Ich’ak, l’outre-Monde—et presque tous les aspects de leur religion
K’awil, K’in, Kawak, Pakal, Tok, Tun, Tzu. y sont consacrés. De plus, ils sont conscients que les dieux
Prénoms féminins  : Chan, Chij, Imix, Itzam, K’uk, ne vivent pas continuellement sur la Terra, certains ne s’y
Muyal, Pasaj, Pet, Tukun, Tz’unun, Xoc. rendant qu’occasionnellement. Le Grand cycle de la vie, de la
mort et de la renaissance est également omniprésent dans leurs
Le calendrier croyances : déplaire aux dieux ou ne pas compter les jours—
Depuis la naissance du monde, les dieux ont ordonné aux Tzak comme ils l’ont ordonné—provoque ainsi immanquablement
K’aniens de compter les jours. Il n’est donc pas surprenant que des perturbations, amenant sur le monde divers malheurs :
leur mode de vie ait été influencé par leur système calendaire. maladies, sécheresses, terres maudites ou grandes catastrophes.
L’importance des cycles est omniprésente dans la pensée Il n’existe pas de culte unique dans tout le Tzak K’an.
tzak k’anienne, imprégnant l’ensemble de leurs conceptions Chaque cité-État vénère une ou plusieurs divinités protec-
du temps et de l’histoire. Ainsi, leurs datations ne sont pas les trices qui structurent son système de croyances. La fin de
mêmes que ceux des autres Aztlans (à titre de comparaison, les l’actuel Grand cycle approchant, de plus en plus de roturiers
Nahuacans vivent à « l’âge du Sixième soleil. »). Au Tzak K’an, commencent à vénérer, en plus, quelques dieux mineurs.
on mesure le temps passé depuis le début du Grand cycle grâce à
des intervalles de temps réduits qui s’imbriquent dans des cycles Les dieux majeurs
plus longs. Par ordre de lecture dans la façon dont les dates sont « Les dieux marchent parmi nous. Du moins, c’était le cas
écrites, on trouve les baktuns, katuns, tuns, uinals et enfin les kins. autrefois. Certains ont laissé leurs pas les guider ailleurs,
Les Tzak K’aniens disent se situer à la fin du katun en d’autres ont purement et simplement cessé de marcher. »
cours. Sachant qu’un katun est constitué de treize baktuns, Autrefois, les dieux majeurs gouvernaient aux côtés des rois
soit 5 125 ans et demi, on peut en déduire que le Grand et des reines, mais cela fait quelques temps—plus de deux
cycle actuel a débuté le 4 ajaw 8 kumk’u 13.0.0.0.0. Grâce au générations pour certains—qu’on ne les a plus aperçus, et leur
concours d’un scribe bilingue, les érudits théans ont réussi à absence se fait de plus en plus ressentir ces dernières années.
déterminer que cette date correspondait, sur leur calendrier, Les dieux majeurs ont beau avoir des rôles et des
au 13 corantine de l’année 3114 précédant l’Anno Veritas. niveaux d’influence différents, ainsi qu’une présence
Le système calendaire tzak k’anien—dit calendrier tzolkin—est fluctuante dans le Monde intermédiaire, ils sont connus
composé de deux cent soixante jours. Ces derniers y sont numé- de tous les Tzak K’aniens.
rotés de 1 à 13 et suivent un cycle successif de vingt noms. Il existe
un second calendrier—le calendrier haab—de trois cent soixante- Apocoālt, le Serpent à plumes
cinq jours (dix-huit mois de vingt jours auxquels on ajoute les cinq Toutes les Nations de l’Aztlan croient au Serpent à plumes,
jours restants en fin d’année) qui correspond à une année solaire. même si chacune le surnomme différemment. Les Tzak
Dans ces calendriers, chaque jour possède ses propres asso- K’aniens considèrent qu’il s’agit du dieu le plus ancien et
ciations surnaturelles, présages et divinités. Par exemple, les le plus puissant, et qu’il règne sur tous les animaux (y
derniers cinq jours du calendrier haab sont considérés comme compris le jaguar, en dépit du fait que celui-ci possède sa
une période de malchance. Ainsi, certains Tzak K’aniens—les propre divinité). On trouve partout dans le pays des lieux
devins—connaissent leurs jours par cœur et peuvent se préparer de culte qui lui sont uniquement consacrés, même dans
au futur. les cités-États dévouées à un autre dieu.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 103


Buluk Cha’wil, le dieu de la foudre Itz’hun, le premier prêtre
Meilleur ami d’ Itz’hun, Buluk Cha’wil est un dieu Itz’hun est généralement considéré comme l’un des
puissant et lunatique. Vénéré par bien des seigneurs de dieux créateurs qui donna naissance à ce Monde et à ses
guerre et des rois belliqueux, il se rend généralement nombreux aspects sacrés (notamment l’écriture et les
dans le Monde intermédiaire pendant les conflits. Vêtu rituels).
d’une impressionnante armure de guerrier, armé d’une Lorsqu’il se rend dans le Monde intermédiaire, il
hache géante incandescente, Buluk Cha’wil a une voix prend souvent l’apparence d’un vieillard aux joues
pareille au tonnerre et n’hésite pas un instant à foudroyer creuses et aux yeux enfoncés, tout vêtu de blanc. La
ses adversaires. nature hautement politique de notre Monde le dégoûte,
On ignore précisément quels sont ses objectifs car il ne et on dit que les changements opérés par les clergés au
semble pas prendre plaisir au combat. Sa présence, toute cours des derniers siècles lui déplaisent fortement. Les
vénérée qu’elle soit, est pourtant redoutée : les souverains rumeurs prétendent qu’il visite parfois les académies de
ayant passé trop de temps en sa compagnie l’ont ainsi prêtrise ; si tel est bien le cas, les étudiants ne parlent
amèrement regretté. jamais de leurs interactions avec lui.

Cha’kal, le dieu de la pluie Kimi, le dieu des morts


L’une des divinités les plus vénérées du Tzak K’an— Les Tzak K’aniens considèrent que Kimi est l’un des créa-
notamment par les nombreux fermiers—est Cha’kal, le teurs de notre Monde, mais également le dieu des morts.
porteur de la pluie nourricière. D’apparence plus repti- Sa silhouette—squelettique et menaçante—est marquée
lienne qu’humaine, Cha’kal s’est divisé en quatre pour de pans de chair en éternelle décomposition. Il aime porter
mieux répondre aux demandes des mortels. Son aspect des clochettes aux chevilles et au cou. En général, on le
dit « rouge » s’occupe de l’est, le blanc du nord, le noir de trouve au fin fond de l’outre-Monde, entouré de dieux
l’ouest et le jaune du sud. mineurs et de camazotz (voir page 39). Il est un joueur de
Bien qu’il soit de nature attentive, Cha’kal a l’ire facile balle aguerri qui adore affronter des adversaires mortels. Il
et la rancune tenace, deux traits de caractère qui se est possible de parier sa vie contre l’octroi de dons surna-
retrouvent bien dans l’irrégularité des pluies. Les Tzak turels, mais attention : il joue souvent à la déloyale.
K’aniens estiment ainsi que les zones privées d’eau se Les légendes disent que certains l’ont parfois aperçu
sont attiré le courroux de Cha’kal ; les autres, quant à du coin de l’œil dans le Monde intermédiaire. Il vient
elles, savent qu’elles sont dans ses bonnes grâces. en effet se cacher dans les maisons des malades ou
pénètre dans les casernes des soldats en temps de
Ix Kin, la déesse solaire guerre. Ainsi est née l’expression populaire signifiant
Ix Kin est la sœur jumelle de Po Ch’en, le dieu lunaire. une mort imminente au Tzak K’an : « Entends-tu les
Pour la voir sous sa forme naturelle, il suffit simplement clochettes tinter ? »
de lever les yeux pendant la journée. Elle traverse le ciel
sous l’apparence de l’éclatant Soleil du matin puis, au Po Ch’en, le dieu lunaire
crépuscule, devient le Soleil jaguar. Po Ch’en, frère jumeau calme et discret d’ Ix Kin, est le
Quand elle revêt une forme à même d’arpenter la dieu lunaire. À l’instar de sa sœur, il est l’un des dieux
terre, elle devient une immense et redoutable silhouette créateurs de notre Monde. La nuit, il est facile de le
aux dents pointues vêtue de vêtements scintillants très trouver dans le ciel. Parfois, on peut également l’aperce-
élaborés. Ix Kin adore les fleurs à quatre pétales, symbole voir sous forme humaine, perché sur son croissant de lune
qu’elle arbore souvent sur ses robes à motifs ou ses disques et accompagné de son meilleur ami, un lapin géant irisé.
d’oreille. Les Tzak K’aniens considèrent d’ailleurs le port Po Ch’en est également le dieu des marées, du change-
de ce symbole comme une invocation de son pouvoir. ment des saisons et de la fertilité. Lorsqu’il descend dans
notre Monde, il revêt l’apparence d’un jeune homme
élancé dont les longs cheveux sont attachés en une queue
de cheval flottant au vent. Malgré sa timidité extrême,
les humains ayant eu recours à son aide pour avoir des

104 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


enfants ont attesté de sa capacité à calmer et à conforter Les dieux mineurs
son entourage, et ont loué sa grande gentillesse. Il existe de nombreux dieux mineurs qui s’occupent de devoirs
variés. Les plus connus au Tzak K’an sont listés ci-dessous.
Les Piliers
À chaque coin du monde se dresse un Pilier, une force Che’b’ T’ul
surnaturelle qui fait le lien entre le Monde d’en-haut et le Les Tzak K’aniens viennent souvent demander conseil à la
Monde intermédiaire. Si l’un de ces quatre Piliers faillit à déesse de l’écriture—parfois autant qu’à Itz’hun, le premier
sa tâche, un désastre apparaît. prêtre—car ils la considèrent comme la quintessence même
Les Piliers sont secrets, mystérieux et en déplacement de ce qu’est le génie. Che’b’ T’ul a toutefois tendance à être
constant. Un voyage de plusieurs mois à la recherche du obsédée par les aspects les plus triviaux de la culture scribale :
Pilier du feu peut ainsi se révéler vain s’il s’est déplacé elle viendra ainsi souvent corriger des fautes ou promouvoir
dans un coin opposé et que le Pilier de l’eau l’a remplacé. les styles d’écriture. Excentrique, elle aime se rendre dans les
Leur apparence est sujet à débat chez les Tzak K’aniens, tribunaux sous la forme d’un gros lapin (plume à la main…
mais il existe tout de même un vieux texte incomplet de ou à la patte), simplement parce qu’elle en a la possibilité.
plus de trois siècles à la Cahal It’zat qui a servi à conso-
lider l’image que les gens se font d’eux. Ek Pakax
Le dieu des marchands est une divinité sociable et extra-
Pilier du feu : une créature quadrupède faite vertie. On peut le repérer à son goût quasi ostentatoire pour
de braises crépitantes. On le repère parfois à les décorations, son odeur persistante de cacao et l’énorme
de discrètes volutes de fumée blanche. tatouage d’un scorpion noir sur son visage. Ek Pakax aime
Pilier de l’eau : un géant dont la chair aqueuse promouvoir les interactions grâce au négoce et possède une
suinte en permanence de son corps. Il laisse certaine appétence pour les produits exotiques.
des ruisseaux agités dans son sillage.
Pilier de la foudre : il semble invisible mais on Ix Sak
ressent facilement sa présence. On le repère au La déesse arc-en-ciel est une vieille femme particulière-
silence anormal dû à l’absence d’animaux autour ment crainte. On la pense rancunière envers les hommes,
de lui et à nos cheveux qui se dressent. ce pour quoi nombreux sont ceux qui viennent la quérir
Pilier de la terre : un géant de bois ou de pierre pour réparer des injustices commises par les individus de
avec des plantes qui poussent sur son corps. la gente masculine. Au Tzak K’an, l’arc-en-ciel, symbole
Il se meut plus lentement que les autres des femmes et des personnes non-binaires, est donc
mais ne s’arrête jamais. parfois perçu comme un terrible présage pour les hommes.
—Petit codex écrit
par un voyageur anonyme Puilay Balam
Puilay Balam est le dieu jaguar d’antan. Il est si vieux que son
existence pourrait n’être qu’une légende. De façon plus ou
moins blasphématoire, on dit qu’il aurait été l’égal du Serpent
à plumes, et on ne parle désormais plus de lui qu’à voix basse.

La mort et les rites funéraires


Au Tzak K’an, la mort n’est pas la fin de tout, au contraire :
c’est le commencement d’un autre voyage, et cette nouvelle
vie débute par une descente dans Xibalba, l’outre-Monde.
Si l’on a dispensé les rites funéraires appropriés au défunt,
il possède de petites offrandes qu’il peut alors remettre aux
Rameurs pour écourter son voyage sur le fleuve de la Mort. Il
peut même essayer de les convaincre de le déposer dans des lieux
accueillants, car il existe de nombreux rivages par-delà le fleuve.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 105


Le défunt monte ensuite à bord d’un grand canoë pour Les rituels
être emmené à sa prochaine destination. L’endroit où il De nombreux rites et rituels gouvernent le mode de vie
est déposé dépend des actions qu’il a entreprises de son tzak k’anien. Tous, du bas de l’échelle sociale à son plus
vivant dans le Monde intermédiaire. Ainsi, il devra fran- haut niveau, suivent des coutumes bien identifiées. De
chir une série d’épreuves plus ou moins complexes pour la bénédiction d’une récolte saisonnière à la nomination
progresser dans Xibalba. Chacune d’elles se déroule dans d’un nouveau souverain, chaque classe sociale connaît les
une « Maison, » un lieu gigantesque dirigé un dieu vassal rites à effectuer pour apaiser les dieux. Bien des rituels
de Kimi. Par exemple, un traître à sa fratrie pourrait avoir nécessitent d’être menés d’une façon spécifique à certaines
à relever le défi de la Maison des lames, tandis qu’un dates du calendrier, car il est nécessaire de prouver aux
politicien malhonnête devrait passer par la Maison de la dieux que les jours sont correctement comptés.
fumée empoisonnée. Les plus mécréants passent parfois par
plusieurs Maisons. Certains encore n’en réchappent jamais... Le jeu de balle
Une fois ces épreuves passées, les défunts partent vers le Pour les Tzak K’aniens, le jeu de balle est une métaphore
Monde d’en-haut. Ce lieu de paix et de savoir est ouvert à de l’existence, de l’univers et du Grand cycle de la vie, de
tous ceux qui ont payé leurs dettes humaines, mais égale- la mort et de la renaissance. Il peut se jouer comme un
ment aux individus que les Rameurs ont jugé dignes d’y simple sport, mais aussi servir de guerre par procura-
accéder sans passer par les Maisons : celui qui a prouvé sa tion ou de sacrement rituel. N’importe qui peut y jouer
valeur au cours de sa vie mortelle, ou dont la mort relevait pour le sport, mais les deux autres aspects sont réservés
d’un sacrifice ultime et juste, a le droit de ne pas passer les aux aristocrates.
épreuves de l’outre-Monde. On le pratique souvent sur un immense terrain de jeu
Les Tzak K’aniens peuvent communiquer avec leurs situé dans l’enceinte de la ville. Les sportifs revêtent le
ancêtres résidant dans le Monde d’en-haut pour peu, lourd équipement de jeu et se transforment en joueurs
bien sûr, qu’ils sachent les contacter ou qu’ils connaissent cosmiques, s’affrontant et utilisant leur corps pour essayer
les voies à emprunter. Les résidents de Xibalba sont de faire passer une lourde balle en caoutchouc (métaphore
quant à eux plus difficiles à retrouver, mais la tâche n’est du crâne d’un des premiers pères de l’humanité) à travers
pas impossible. un gros anneau de pierre.
Cette conception de la mort et de l’après-vie explique Une fois la partie terminée et le vainqueur désigné,
pourquoi les Tzak K’aniens considèrent les traditions une cérémonie a lieu. Selon le contexte dans lequel s’est
kuraques blasphématoires et abominables : les Kuraques déroulé le match, un sacrifice (d’une forme ou d’une
perturbent le Grand cycle de la vie, de la mort et de la autre) peut être exigé soit des gagnants, soit des perdants.
renaissance. De l’avis de nombreux prêtres, cette hérésie
pourrait courroucer les dieux et expliquer la fin de ce monde.

106 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Sorcelleries
Il existe de nombreuses méthodes de divination au Tzak Refermer le portail au milieu du rituel n’est pas aisé, mais
K’an, mais on n’utilise la sorcellerie la plus sacrée et la plus cela finit toujours par se faire au fur et à mesure que la
puissante que lorsque les enjeux sont élevés. En effet, tout fumée se dissipe…
comme les dieux avant eux, les hommes doivent procéder Bien sûr, nombre de sorciers ont déjà essayé d’invoquer
à des sacrifices. A fortiori, l’utilisation de la magie du sang le Wayak’ Kan en utilisant le sang des autres. Le Serpent
comporte donc un prix élevé, à la fois physique et mental. des visions dédaigne ces sacrifices, allant souvent jusqu’à
ne pas apparaître du tout. Seuls les pratiquants les plus
L’invocation du Wayak’ Kan habiles parvenaient à obtenir de menus résultats qui s’avé-
La sorcellerie la plus crainte et la plus vénérée au Tzak raient finalement, au mieux, peu fiables. Lorsque les Tzak
K’an consiste à invoquer le Wayak’ Kan, le Serpent des K’aniens comprirent que l’automutilation était beaucoup
visions. On appelle parfois cette sorcellerie la « Quête plus puissante, les autres formes de sacrifices perdirent
pour le Wayak’ Kan. » en popularité.
La Quête requiert deux éléments : d’une part être prêt
à souffrir, d’autre part avoir des outils similaires à ceux Sorcelleries mineures
utilisés pour les saignées, comme de longues cordes Certaines formes mineures de sorcellerie, surtout celles
hérissées d’aiguilles, des épines de raies pastenagues et touchant au domaine de la divination, peuvent être effec-
des lames d’obsidienne. Il faut savoir ce que l’on veut avant tuées par n’importe quel Tzak K’anien. La Connaissance
d’entamer l’invocation : on peut par exemple demander la des jours donne un aperçu des événements futurs ou des
réponse à une question, un conseil, de l’aide, un objet ou présages à venir, ce qui permet de mieux préparer les
la présence d’une personne en particulier. Il n’y a pas de missions, les rencontres diplomatiques et les événements
limite : cette sorcellerie permet de passer outre la frontière majeurs. Bien des souverains de cités-États emploient
entre les trois Mondes. des devins pour les aider à gérer leur ville. Certains vont
Une fois l’intention précisée, l’invocateur se perce ou jusqu’à refuser de faire quoi que ce soit tant qu’ils ne leur
se coupe la peau et tire autant de sang que nécessaire à ont pas demandé conseil pour s’assurer que les augures
l’accomplissement du rituel. Cela implique souvent de sont en leur faveur.
se lacérer la langue avec la corde d’épines, ou d’inscrire D’autres sorciers mineurs portent des objets—masques,
des symboles sur son visage et son corps. Grâce à cette peinture corporelle, peaux, plumes—permettant de
effusion de sang, le sorcier voit les frontières du Monde prendre l’apparence de divinités ou d’animaux.
intermédiaire s’étioler. Enfin, les rares Miroirs bénits permettent une vision
Il fait alors couler le sang sur des feuilles séchées furtive des morts ou des dieux, voire une conversation
placées dans un bol sacré. Lorsqu’il y en a suffisamment, rapide avec eux. Toutefois, l’utilisateur se doit d’être
il fait brûler les feuilles qui se consument et produisent précautionneux : peu de choses différencient un Miroir
d’épaisses volutes de fumée colorée. De la fumée émerge bénit d’un Miroir maudit, dont les visions peuvent
alors un serpent géant, d’apparence sinueuse et terrifiante. être mensongères.
S’il est satisfait du sacrifice, une partie de son torse ainsi
que sa tête se mettent à tournoyer et changent pour
prendre une apparence humaine et offrir au sorcier ce
qu’il est venu chercher.
Il arrive que l’invocation du Wayak’ Kan attire des
visiteurs indésirables. Même si le but recherché par le
sorcier est d’invoquer un humain ou une divinité bien
identifiée—un ancêtre, un seigneur de guerre, un dieu
ou qui que ce soit d’autre—l’ouverture du portail peut
amener des visions qui n’auraient pas dû être vues. On ne
provoque pas de brèche entre les Mondes sans risques !

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 107


Lieux notables
Les cités-États tzak k’aniennes sont aussi variées que les Le port permet donc aux gentilés de faire du commerce
peuples qu’elles abritent. Suivant les étapes du Grand et des profits. Cahal Naab ne survit que grâce à cette
cycle, elles s’érigent, s’écroulent et renaissent à nouveau, économie d’itinérance. Pendant la saison sèche, des Tzak
rivalisant constamment les unes avec les autres pour K’aniens viennent des quatre coins du pays pour ouvrir
asseoir leur suprématie et leur domination. Il apparaît le port aux étrangers et aux marchands. Ils échangent et
donc inutile d’essayer de représenter le paysage politique vendent toutes sortes de marchandises, des plus douteuses
du Tzak K’an tant celui-ci est en mouvement perpétuel. à celles qui sont à priori inimaginables. Vous possédez un
Les cités-États présentées ci-dessous ne sont qu’un artefact magique, une liasse de plans volés ou quoi que ce
exemple des puissances tzak k’aniennes actuelles, de leurs soit d’autre à vendre ou à transmettre en secret ? Cahal
desseins et de leurs vassaux (quand ceux-ci ne complotent Naab est l’endroit qu’il vous faut, et vous y trouverez
pas pour changer de camp, voire s’émanciper). quantité de contrebandiers, de voleurs et de receleurs
prêts à tuer pour vous aider.
Cahal Naab Les Théans sont accueillis à bras ouverts. Là, on tente
Cahal Naab est une ville portuaire située à l’embouchure de leur refourguer des produits exotiques à rapporter
du delta de l’Ak Way. Il s’agit de marais envahis de palé- dans leurs contrées, dit autrement, on profite d’eux en les
tuviers où toute construction est impossible. La zone pensant naïfs et idiots. Bien souvent, les locaux essayent de
marécageuse peine en effet à supporter la pierre, et les récupérer des navires théans, voire tentent d’en apprendre
petites îles au centre de ces fondrières sont constamment un maximum sur leur fabrication. Les Kuraques et les
inondées. En fait, Cahal Naab n’est pas une cité à propre- Nahuacans reçoivent quant à eux un accueil nettement
ment parler : c’est davantage un cours d’eau rempli de moins chaleureux : les premiers donnent la chair de poule
bateaux attachés les uns aux autres, de maisons flottantes à tous les Tzak K’aniens, tandis que les seconds sont
et de cabanes qui ne survivront probablement que jusqu’à considérés comme des « salopards impériaux. » Cela étant,
la prochaine inondation. Pendant la saison des pluies, les les préjugés sont vite oubliés si chacun est prêt à lancer
habitants remontent le fleuve avec leurs embarcations les dés, à raconter de bonnes histoires ou à échanger des
pour se protéger et mettre à l’abri leurs quelques biens. produits intéressants.
Cahal Naab est donc une impressionnante démonstration Cahal Naab sert aussi de zone neutre dans laquelle
de ce que l’homme peut réussir à accomplir lorsqu’il s’agit les représentants des souverains viennent rencontrer ou
de survivre. embaucher des individus avec qui ils ne peuvent s’afficher
La ville n’est gouvernée par personne car elle n’est pas publiquement, des mercenaires à l’éthique douteuse aux
le fait des institutions gouvernementales, des architectes agents des cités-États rivales.
ou des ingénieurs. En fait, elle a « poussé » grâce à ceux Jusqu’à maintenant, aucune cité-État n’a réussi à prendre
qui vinrent s’y installer au fil du temps, généralement des le contrôle de Cahal Naab, mais tout souverain digne de
vagabonds, des contrebandiers et des escrocs. Aujourd’hui, ce nom y possède tout de même des espions. À défaut,
elle est remplie des pires rebuts de la société : ceux qui comment feraient-ils pour garder un œil sur les trafics illé-
n’ont ni foyer ni famille, ceux qui ont pu en avoir autre- gaux, ou pour connaître rapidement les rumeurs venues
fois mais qui sont désormais en fuite, ceux qui ne sont d’ailleurs ? De temps en temps, un monarque tente de
loyaux qu’envers eux-mêmes et, d’une manière générale, prendre la ville par la force. Quand son armée arrive, les
quiconque s’est rendu compte qu’un endroit sans lois habitants se réfugient dans les marais avec leurs marchan-
est idéal pour faire fortune. Seuls les prêtres itinérants dises et leurs bateaux et attendent simplement que les
daignent se rendre là-bas pour octroyer à ces individus la eaux montent pour que les soldats battent en retraite. Ici
bénédiction des dieux. et là, beaucoup disent que ce n’est qu’une question de
Les voies navigables du delta sont suffisamment larges temps avant que quelqu’un d’ambitieux et de déterminé
pour permettre aux navires de haute mer d’accéder à l’em- décide de mettre au pas cette ville sans loi.
bouchure et de remonter le fleuve sur une bonne distance.

108 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Yaxbal
Au centre de Yaxbal se dresse la plus grande des pyramides Un observatoire a également été construit près du centre de
du Tzak K’an : Chan Witz (Montagne céleste). Peinte la ville. Là-bas, devins, astrologues et prêtres observent les
en teintes rouges et bleues, adornée de gravures repré- variations météorologiques (précipitations, changements
sentant tour à tour le Pilier de la terre, le dieu Cha’kal de pression atmosphérique ou mouvements du vent),
ainsi que diverses scènes surnaturelles, elle s’élève très consignent les cycles (solaires et lunaires) et marquent
haut au-dessus de la place qu’elle surplombe. L’escalier l’emplacement des corps célestes importants (notamment
central, abrupt, mène jusqu’au lieu le plus sacré de la ville, Chak Ek’, la Grande étoile de la guerre).
un endroit qui renferme des gravures et des peintures des Lorsque l’on quitte le centre-ville, le gigantisme cède la
divinités vénérées et des ancêtres disparus, ainsi qu’un place à des zones urbaines beaucoup plus fonctionnelles
autel dédié aux sacrifices et au culte. où l’on trouve marchés, échoppes et ateliers des artisans.
Lorsque l’on passe par la place principale, on est en perma- Ces quartiers bourdonnent d’activité. Un véritable ballet
nence exposé à la puissance du souverain de Yaxbal. Outre d’odeurs et de bruits emplit l’air : des fragrances émanant
les gigantesques stèles gravées, les autels et les monuments, de la préparation des épices et de l’âtre des fours à poterie
c’est autour de cette place que l’on trouve les luxueuses au bruit des outils qui frappent la pierre en passant par
demeures des membres de la famille royale, des prêtres de les nombreuses négociations entre les marchands et leurs
haut-rang et des citoyens les plus fortunés. clients. Ces quartiers ont beau être moins clinquants que le
Au Tzak K’an, chaque cité importante possède au moins centre-ville, ils constituent pourtant le centre névralgique
un terrain de jeu de balle. Yaxbal en possède quatre. Le plus de Yaxbal.
grand se trouve au sud-est de Chan Witz. Les marquages y Aux limites de la cité—si éloignées qu’il faut marcher près
sont élaborés et les gradins relativement grands. On y joue d’une journée entière pour les atteindre—se trouvent les
des matchs lors de la célébration d’événements historiques, champs agricoles et les résidences qui abritent la majorité
ou à l’occasion de festivités concernant la ville entière. Les des habitants. Les structures en pierre y sont rares car la
trois autres terrains sont quant à eux répartis hors de l’en- plupart des maisons sont faites en matériaux périssables (à
ceinte de la ville et servent aux rituels de moindre envergure, l’instar des toits en chaume disposés sur de petites plate-
voire sont utilisés pour les entraînements. formes). La vie dans les champs n’est pas aisée, mais au
Aux alentours de Chan Witz, on trouve divers bâtiments Tzak K’an, les principes de vie sont les mêmes pour tous, de
administratifs où l’on s’occupe de tout ce qui concerne le l’aristocrate au fermier : l’existence est un cycle constant de
fonctionnement de la cité-État : rituels, gestion des taxes vie, de mort et de renaissance, que l’on joue au jeu de balle
et des impôts, organisation logistique des cités vassales, etc. ou que l’on plante les semences de maïs.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 109


LES CITÉS-ÉTATS
Chun Pixom VASSALES DE
Bien des cités-États sont nées et sont tombées depuis le CHUN PIXOM
début du Grand cycle. Elles sont si nombreuses qu’il est La puissance de Chun Pixom s’appuie sur trois
aujourd’hui tout simplement impossible de se rappeler éléments : la peur, la richesse et la conquête.
leurs noms et leurs traditions : de nouvelles ont émergé à La plupart des cités-États craignent ainsi son
leur place, les remplaçant purement et simplement. Rares pouvoir militaire démesuré et ne font pas
sont donc celles qui ont subsisté suffisamment longtemps de vagues. Aux autres, on offre des trésors
inimaginables pour s’assurer leur loyauté.
pour laisser leur empreinte sur les mœurs et les coutumes Quant aux rares imprudents qui rejettent ces
des Tzak K’aniens. deux approches, c’est la guerre qui les attend.
Chun Pixom est l’une des cités-États les plus anciennes Rares sont ceux qui ont survécu pour narrer
et les plus respectées du pays. Au fil du temps, elle l’histoire de leur stupidité.
est devenue celle dont les étrangers parlent lorsqu’ils
évoquent le Tzak K’an, ses peuples et ses traditions. Au De nos jours, ses trois plus importantes cités-
États vassales sont Óox Wíinik, Chactun et
cours de leurs huit siècles de glorieuses coutumes, les Ma’yax Ha. La première fut fondée directe-
« gens du Nœud »—ainsi qu’on les appelle aujourd’hui— ment par Chun Pixom après avoir renversé
ont survécu à la chute de nombreuses cités-États en appa- les précédents monarques (et choisi les siens
rence plus prospères. En plus de gagner l’estime de tout grâce à des mariages arrangés). Celle-ci
un chacun, cela leur a permis de soumettre politiquement, captura par la suite Chactun, augmentant
économiquement et militairement la région, et ce sans indirectement l’influence et le pouvoir
politique de la cité mère.
l’ombre d’une protestation.
Chun Pixom est située dans la jungle profonde, La dernière, Ma’yax Ha, est un avant-poste
construite au milieu de sols fertiles. Depuis cette posi- septentrional qui sert de bouclier à Chun
tion privilégiée, elle règne sur une route commerciale qui Pixom, protégeant la population des attaques
constitue sa principale source de richesse. venues du nord. Ma’yax Ha est également
Malgré cette défense naturelle, les souverains de Chun un comptoir commercial important pour la
Compagnie commerciale atabéenne : elle
Pixom sont restés très prudents et ont toujours soigné permet ainsi aux gens du Nœud d’étendre
les défenses de la ville. Des fossés ont été creusés au nord, leur influence et de commercer bien au-delà
de grandes zones marécageuses protègent les flancs est de leurs propres terres.
et ouest et des fortifications ont été érigées au sud. Ainsi,
malgré ses richesses et son immense pouvoir, les conflits
ne sont presque jamais parvenus à ses portes. Depuis quelque temps, la cité-État de Ka’ Tuunich tente
La seule véritable faiblesse de la ville est qu’elle n’est pas de mettre un terme à la lignée ininterrompue des trente-
construite sur un cours d’eau naturel. Pour remédier à cela, trois reines qui gouvernent la cité depuis des siècles. Cette
les gens du Nœud ont conçu divers dispositifs permettant famille, restée au pouvoir plus longtemps que n’importe
de recueillir l’eau de pluie. Ils possèdent désormais la plus quelle autre lignée tzak k’anienne, est parvenue à étendre
grande réserve d’eau douce du Tzak K’an, contenue dans son influence jusqu’à Tlaichtacān, l’une des grandes cités
dix réservoirs dispersés à travers la ville et lourdement de l’Alliance nahuacane. Le roi de Ka’ Tuunich affirme
gardés. Ainsi, les rares armées ennemies qui parvinrent que cette dynastie—connue sous le nom de Dames de
jusqu’à l’enceinte de la ville ne réussirent jamais à faire Chun Pixom—doit sa pérennité non aux traditions tzak
aboutir le moindre siège. k’aniennes mais à son alliance avec les Nahuacans. Quand
Lorsqu’une cité-État tente de rivaliser avec Chun Pixom, l’actuelle reine Kin’ix Jun Tan Janaab’ et ses conseillers ont
elle finit irrémédiablement conquise, voire totalement entendu ces allégations, ils se sont contentés de hocher
annihilée, le souvenir même de son existence étant effacé la tête et ont commencé à préparer la conquête de Ka’
des stèles de pierre qui préservent l’histoire du Tzak K’an. Tuunich.

110 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Ka’ Tuunich Chactun
Ka’ Tuunich est l’une des plus grandes et des plus puis- Sise au carrefour de plusieurs axes commerciaux impor-
santes cités du Tzak K’an. Elle est le siège de ce que ses tants, Chactun (Pierre Rouge) est, à l’origine, une cité-État
souverains ont appelé le royaume de la Pierre. Sur plus vassale mineure dont l’influence et le poids dans la balance
de cent cinquante kilomètres autour de la ville, on peut politique du Tzak K’an n’ont fait que croître au fil des ans.
trouver le glyphe-emblème de la ville, composé de son Le contraste entre ses humbles origines—lorsqu’elle
nom, d’une montagne dépourvue d’arbres et du mot n’était qu’un simple marché contrôlé par Óox Wíinik—et
« tuun » signifiant « pierre. » sa prospérité actuelle se perçoit parfaitement dans son
Ka’ Tuunich, dont la population dépasse désormais développement architectural. Chactun ayant originelle-
les cent cinquante mille âmes, est l’une des plus belles ment été une plaque-tournante commerciale, ses construc-
merveilles de l’Aztlan. Les deux structures qui donnent tions cérémonielles sont très discrètes, quasiment inexis-
son nom à la ville se rejoignent en une seule pour former tantes. Les dieux vénérés par les habitants—en ont-ils
une pyramide gigantesque et splendide, la plus grande de jamais eu ?—ont depuis longtemps sombré dans l’oubli,
la région. Du haut de celle-ci, on peut apercevoir le grand remplacés par ceux des envahisseurs.
marais ceignant la ville s’étendre vers l’ouest. Malgré cela, Chactun est une ville richement agrémentée
Ce marais est à l’origine des ressources abondantes de d’innombrables sculptures, dont certaines comptent
Ka’ Tuunich, ainsi que de son importance politique. Le parmi les plus hautes de toute l’Aztlan. On en doit la
sol qui le borde est en effet d’une fertilité hors-norme, et plupart à ce que les habitants appellent la « Renaissance, »
ce depuis la fondation de la cité. On y trouve également mais que leurs seigneurs d’Óox Wíinik ont quant à eux
d’abondantes formations de silex, qui furent utilisées nommé « Rébellion. »
pour construire les impressionnants bâtiments de la La Renaissance a débuté il y a un siècle, lorsqu’une inon-
ville et qui fournissent à l’armée les armes avec lesquelles dation catastrophique ensevelit la ville. Ce désastre eut
ils combattent. une conséquence inattendue : l’eau ne détériora pas les
La principale croyance du peuple de Ka’ Tuunich se quelques bâtiments construits sur du grès rouge. Ainsi, on
fonde sur la pierre. Se croyant aussi immuables que concentra l’effort de reconstruction sur la transformation
la roche et aussi résistants qu’une montagne, ils sont de la ville pour lui donner sa forme et son nom actuels.
persuadés qu’ils ne pourront choir tant qu’ils effectuent La ville devint alors le lieu de ralliement de la popula-
les prières et rituels appropriés. Les deux pyramides tion rurale.
représentent ainsi ces montagnes qu’ils vénèrent. Ils y Lorsque Lakam Tok Ajaw devint roi, il fit détruire les
organisent des festivals dédiés à l’établissement de fonda- sculptures en bois représentant les dieux protecteurs
tions solides, des rituels symboliques sur les changements d’Óox Wíinik et demanda aux artisans de la cité de
apportés par l’érosion et y témoignent de leur profond produire le plus beau glyphe-emblème du Tzak K’an. Avec
respect pour les générations les ayant précédés. le temps, les habitants devinrent les principaux acheteurs
Par voie de conséquence, les noyaux familiaux ne sont et revendeurs de jade brut et d’autres denrées de valeur,
basés ni sur les lignées, ni sur les mariages, mais sur la comme les fèves de cacao.
contribution personnelle au bien commun. Les familles Récemment, la cité a reçu la visite et le soutien du haut
de la Pierre sont donc constituées de groupes d’individus roi de Ka’ Tuunich. Depuis, le souverain de Chactun a
partageant les mêmes valeurs et œuvrant de concert. Elles expliqué à son peuple que leur ville allait devenir la ville
sont certes souvent formées à partir des liens du sang, la plus puissante de la région. À présent, les habitants de
mais elles acceptent également les membres extérieurs Chactun sont prêts à faire de ce rêve une réalité, ce qui
désireux de les rejoindre. On dit que ce sont ces fonda- risque de beaucoup déplaire à la reine de Chun Pixom.
tions familiales qui donnent leur force au peuple de la
Pierre. En lieu et place de mariages unissant des personnes
de sang différent, ils demandent la bénédiction des dieux
chaque fois qu’un nouveau membre rejoint leur famille, et
ce afin de s’assurer que la solidité et la loyauté du groupe
demeurent intactes.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 111


La bibliothèque de Manik Ju’un pour interdire l’accès à la bibliothèque  : pour eux, il
Il y a longtemps, Manik Ju’un n’était qu’une cité-État s’agit en effet d’une zone neutre, donc si quelqu’un devait
pauvre où les courtisans intriguaient pour tenter de décider de fermer la bibliothèque au public, cela ne pour-
conserver le peu qu’ils possédaient. Un jour, une jeune rait être que les scribes eux-mêmes. Le roi leur répondit
et sage reine décida d’utiliser les maigres excédents simplement que la bibliothèque étant située dans Manik
pécuniaires pour construire une petite bibliothèque à Ju’un, il avait tout droit dessus.
l’orée de la ville. Ceci fait, elle déclara le bâtiment ouvert
à tous les scribes et autres gens instruits du Tzak K’an. Au Teo Puh’tex
fil des années, ceux-ci s’y rendirent, apportant leurs idéaux Les ruines du plus vieux temple dédié au Serpent à
divergents, leurs langues, leurs religions et leurs histoires. plumes sont situées à l’extérieur des frontières actuelles
Les scribes étaient certes fidèles à leur cité-État, mais ils du Tzak K’an, sur les sables dorés du désert de l’Alliance
se découvrirent une loyauté les uns pour les autres grâce nahuacane. Il ne s’agit cependant pas du seul souvenir des
à leurs passions communes. Ils se mirent ainsi à échanger Aztlans de jadis.
des informations, des technologies, les emplacements La petite ville de Teo Puh’tex, située au sud de la fron-
de textes abscons, à normaliser les langues, à créer de tière nahuacane, fut construite du temps de l’Empire
nouvelles expressions. Dans sa sage prudence, la reine aztlan. Elle est la seule cité à n’avoir pas été détruite lors
s’assura de ne jamais injecter de politique dans les murs de de la Chute, continuant de vivre dans un état d’isolation
la bibliothèque afin que tous les scribes, sans exception, s’y quasi total en perpétuant encore les anciennes traditions.
sentent en sécurité. Ici, ils pouvaient être eux-mêmes sans Au fil des ans, seuls quelques rares Tzak K’aniens s’y sont
se soucier d’avoir à représenter leurs souverains respectifs. rendus et en sont revenus pour partager son histoire.
La bibliothèque perdura des siècles durant, épargnée par
les guerres et les conflits avoisinants. Les scribes venus des Après presque huit jours passés dans la jungle,
cités-États conquises vinrent y trouver refuge. Petit à petit, et cinq dans les cours d’eau, je suis parvenu à Teo Puh’tex,
la cité crût et instaura une politique d’accueil des réfugiés : la cité des tueurs silencieux. Je n’ai survécu
tous étaient les bienvenus à condition qu’ils abandonnent que parce que j’ai reconnu les symboles peints
leurs allégeances et louent leurs services à la bibliothèque, sur les murs de leur palissade.
en retrouvant et recopiant les textes archivés par exemple, Leurs flèches étaient pointées sur moi depuis
ou en écrivant leurs propres récits. Souvent, ces scribes les tours de guet. J’étais persuadé que j’allais mourir,
prenaient avec eux des textes propres à leur ancienne cité, j’ai donc décidé de tenter ma chance. J’ai levé les mains
lesquels venaient alors rejoindre la multitude d’écrits et juré allégeance aux Anciens dieux peints sur leur enceinte.
conservés. Ainsi grandit la bibliothèque, jusqu’à ce qu’elle Je n’y croyais pas, mais ils ouvrirent
devienne la plus grande au monde. Certains affirment les lourdes portes de la ville. Rien n’aurait pu
qu’elle renfermait tous les codex ayant jamais existé. me préparer à ce qui m’attendait à l’intérieur.
Malheureusement, il y a six mois, un incendie s’est Ils suivent les anciennes traditions,
déclaré dans la bibliothèque de Manik Ju’un. celles qui sont aujourd’hui interdites.
Les enquêtes aboutirent à la conclusion qu’un criminel Ils font couler le sang à flot car
avait répandu de l’huile de paraffine sur les rayonnages et ils en font don à leurs dieux.
s’en était servi pour mettre le feu au bâtiment. Si la majo- J’ignore pourquoi ils me gardent.
rité des ouvrages parvint à être sauvée, le bibliothécaire en Peut-être simplement que je ne veux pas l’admettre...
chef—qui était également le frère cadet du roi—perdit J’ai attaché ce message à la patte du premier quetzal qui s’est
la vie dans l’incendie. La réaction du souverain fut d’in- posé près de moi. Je m’appelle Aj’bootz.
terdire l’accès à la bibliothèque à quiconque n’était pas Je fus envoyé par Kinich Ta’jooj. Souvenez-vous de moi.
membre de la famille royale. Il affirme désormais qu’il —Message retrouvé dans les jungles
ne rouvrira les lieux que quand le responsable aura été septentrionales du Tzak K’an
retrouvé et que le mystère sera résolu. et conservé dans la bibliothèque de Manik Ju’un
De nombreux scribes se sont plaint, affirmant que le
souverain de Manik Ju’un n’avait pas l’autorité requise

112 Chapitre 3 | Le Tzak K’an


Munyal Kaah Tak’ooj A’bak
Dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer, au sommet La quasi-totalité de la civilisation chok ch’ai a été recouverte
des montagnes du Pakal Witz et au bout du plus long par les jungles denses. Toutefois, sur la rive orientale du Tzak
escalier du monde—sculpté à même la roche—se dresse K’an, au sein d’une forêt vierge entourée par des rivières
la cité la plus impressionnante jamais construite sur Terra, sinueuses, se trouvent les ruines de la cité de Tak’ooj A’bak.
que ce soit par l’homme ou les dieux. Elle a reçu bien des Tak’ooj A’bak n’est pas la plus grande cité chok ch’ai qui
noms. Certains remettent son existence en question, là où ait été retrouvée en Aztlan (contrairement à Caxazul ou
d’autres en font l’apologie : la Cité en haut de l’escalier, la Ik’Tun’a), mais elle demeure tout de même impressionnante.
Ville chimérique, Trois pierres, L’origine du monde. Ses La plupart de ses grands temples y sont désormais enfouis
citoyens se fichent de ces surnoms, appelant simplement (les profanes n’y verront d’ailleurs que des monticules),
leur foyer Munyal Kaah, « la cité des Nuages. » mais certains signes du passé affleurent encore à la surface.
Construite sur de larges systèmes de terrasses, Munyal Tak’ooj A’bak, comme toute autre cité chok ch’ai, se carac-
Kaah possède nombre de caractéristiques défiant l’ima- térise par quelques spécificités  : d’énormes tertres, des
gination : la ville s’étale sur plus de deux cent cinquante autels monolithiques recouverts d’écritures étranges et des
kilomètres carrés, ses structures sont toutes séparées les stèles menaçantes indiquant différents endroits qui revê-
unes des autres par des distances identiques, sa popula- taient une quelconque importance (qu’elle soit ritualiste ou
tion compte plus de cent mille habitants, etc. Le peuple fonctionnelle). Sa particularité la plus célèbre est toutefois
Nuage a de plus mis au point un réseau commercial les imposants visages en pierre dont la forme a en partie été
complexe unique en son genre. Il leur permet d’utiliser effacée par l’usure du temps. Ces têtes sont parfaitement
des endroits et des passages dont aucune autre cité-État taillées dans des blocs de basalte massifs, trop gros pour
tzak k’anienne ne connaît l’existence. Ce faisant, ils ont avoir été extraites sur place (après tout, le volcan le plus
pris leur indépendance avec les « politiques terrestres » proche se trouve à plusieurs centaines de kilomètres). Elles
(comme ils les appellent) et choisissent désormais de faire arborent toutes la même expression morose et menaçante
affaire avec qui bon leur semble. que l’on associe souvent à Ceux d’avant. Quant à leurs
On dit que Munyal Kaah était autrefois inféodée à yeux insondables et sans pupilles, ils semblent surveiller
Chun Pixom, mais qu’il était impossible de convaincre quiconque ose arpenter les rues de la ville sans y avoir
les collecteurs d’impôts et les diplomates de grimper le été invité. Au-delà de ces points communs, chaque visage
Sina’an Xiinbal pour faire leur travail. Si l’on en croit présente en plus des caractéristiques uniques.
les histoires, ces derniers arrêtèrent tout simplement de Par-delà la cour de têtes se trouve la place centrale. Au
venir. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui convoitent premier coup d’œil, il semble n’y avoir rien d’intéressant, si
l’allégeance du peuple des Nuages, mais personne ne sait ce n’est les habituels détritus qu’on trouve dans n’importe
s’il est réellement possible de l’obtenir: ils bénéficient déjà quelle ville fantôme : pots cassés, outils de taille abandonnés
de tout ce qu’il leur faut dans leurs jardins flottants et et autres fourbis. La majorité des bâtiments sont complète-
leurs pyramides. Un jour, ils pourraient même décider de ment enfouis sous le sable, ou trop en ruine pour être recon-
mettre fin à leurs transactions avec le reste du Tzak K’an. naissables. Néanmoins, à l’intérieur de certaines ruines se
Les merveilles de Munyal Kaah ne sont pas uniquement trouvent de gigantesques dépôts de jade taillé, de cinabre,
architecturales. Son organisation sociale est également d’hématite et toutes sortes de minéraux scintillants ou
digne d’admiration. La cité possède bien un souverain— étrangement polis. Ces matières premières très précieuses
qui règne depuis le palais Céleste—ainsi qu’un système de ont sûrement conduit plus d’un marchand audacieux vers
classes sociales comparable à celui des autres cités-États un destin funeste, car ceux qui pénètrent à Tak’ooj A’bak
tzak k’aniennes, mais le peuple des Nuages a en plus mis (soit intentionnellement, soit au détour malchanceux d’un
en place un mode de vie dans lequel tout le monde a accès sentier) n’en reviennent jamais. Selon une légende, la cité
aux marchandises d’ordinaire réservées à l’aristocratie. En posséderait d’étranges marquages, faits à la va-vite sur des
conséquence, nombre de roturiers ont pu concevoir des portes condamnées, disant simplement « En haut, » « En
inventions et des innovations qui ont bénéficié à l’en- bas » et « À travers, » comme des indications qui auraient
semble de la ville. pour but d’orienter les futurs visiteurs.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 113


Jasaw
Les parents de Jasaw périrent lorsqu’il était jeune. Ils étaient
partis explorer une grotte récemment découverte avec deux autres
hommes du village. Le prêtre les avait avertis qu’il était imprudent
d’y aller, mais ils n’en tinrent pas compte et ne revinrent jamais.
Les seules preuves de leur passage furent les taches de sang à
l’entrée de la grotte. Ils avaient visiblement franchi un territoire
interdit : pour avoir pénétré par accident dans les royaumes des
dieux, ils furent emportés dans l’outre-Monde, à Xibalba.
Jasaw connaissait les histoires des Jumeaux héroïques. Il savait
qu’il était possible de tromper les dieux de la mort en les battant
au jeu de balle. Il prit alors la décision de devenir le meilleur
joueur de balle au monde, d’aller à Xibalba et de ramener ses
parents à la vie.
Avec les années, il devint le meilleur qui soit. Il vainquit les
joueurs les plus talentueux de l’Aztlan et enchaîna les victoires
sans faillir. Pourtant, tout cela ne suffit pas car jamais un dieu ne
vint l’inviter à participer à un jeu de balle dans l’outre-Monde.
Jasaw n’a jamais croisé de dieu. Il sait qu’ils arpentent la Terra,
et parfois, les gens les lui désignent du doigt, mais ils dispa-
raissent toujours avant qu’il ait le temps de les apercevoir. Il est
plus ou moins persuadé que les dieux font exprès de l’éviter. Mais
comment peut-il rejoindre Xibalba si on ne l’y invite pas ?
Il rentra dans son village natal et tenta de pénétrer dans la
même grotte que ses parents. Malheureusement, les prêtres
l’avaient fait sceller : personne ne pouvait plus y entrer. Il dépêcha
un scribe à la bibliothèque de Manik Ju’un pour trouver les autres
accès à Xibalba : le scribe arriva le jour où un incendie ravagea la
bibliothèque et y mourut. Découragé, Jasaw abandonna sa quête.
Il participe désormais à des matchs amicaux, boit en compagnie
des rois et partage la couche d’innombrables hommes et femmes.
À n’en pas douter, il a accumulé suffisamment de gloire et de
renom pour vivre une existence plaisante. Secrètement, Jasaw
cherche encore à pénétrer dans l’outre-Monde. Pour l’instant,
il ne dévoile pas ses intentions, et ce dans l’espoir que le mauvais
sort dont il était victime auparavant n’entravera plus la poursuite
de ses recherches.

Accroches scénaristiques

• Jasaw a trouvé une piste qui pourrait le mener


dans l’outre-Monde. Il cherche quelqu’un pour
l’aider. Les Héros l’accompagneront-ils dans ce
JASAW qui s’apparente à une mission suicide ?
• Jasaw soupçonne quelqu’un de comploter activement
contre lui pour l’empêcher de trouver le chemin de
« Je saurai arracher mes parents de l’em-
prise de Xibalba et les ramener chez eux. » Xibalba. Il a engagé les Héros pour trouver cette
personne sans révéler ses propres soupçons.
Ix T’zutz
Ix T’zutz vit dans une petite maison à l’orée de Kamaktul,
une cité en ruine qui s’étiole au milieu d’une clairière, là où
la forêt rencontre le rivage. Elle y vit plus ou moins seule,
en tant que reine de cette ville croulante et décrépite.
Elle compte toutefois remédier à cela, et elle possède
les moyens de parvenir à ses fins.
Ix T’zutz désire restaurer l’image de sa cité-État et en
faire le creuset des différentes cultures de toute la Terra.
Elle possède des relations en Aztlan, en Théah, en Ifri et
dans l’Empire du Croissant. Où qu’elle aille, elle sait forger
de nouveaux liens. Beaucoup de ses amis partagent son rêve,
allant jusqu’à l’aider financièrement pour reconstruire sa cité.
En discutant avec Ix T’zutz, on remarque immédiatement
son enthousiasme débordant à propos des technologies
qu’elle a découvertes dans chaque Nation qu’elle a visitée.
Une fois sa « Cité du futur » construite (elle a trouvé un
florilège de surnoms pour sa future ville, mais elle finit
toujours par revenir à celui-ci), elle encouragera l’utilisation
et l’expérimentation des technologies nahuacanes, kuraques,
théanes, ifriennes et croissantines, tout ça sous l’œil vigilant
des meilleurs ingénieurs tzak k’aniens.
Cela peut paraître un rêve ridicule et impossible, mais Ix
T’zutz a le chic pour transmettre son enthousiasme à ses
interlocuteurs, un don qui, étonnamment, lui a permis d’aller
loin dans la vie. D’ailleurs Kamaktul fut un « cadeau » du
roi de Manik Ju’un, soi-disant en l’honneur de sa noble
ascendance (laquelle est particulièrement mystérieuse). Sa
cité en poche, Ix T’zutz a réussi à persuader de nombreux
marchands fortunés de l’aider à la reconstruire. Elle a de
l’argent à ne plus savoir qu’en faire et cherche activement
à rallier à sa cause d’éminents cartographes, architectes et
créateurs de masques. Les premiers bâtiments commencent
tout juste à émerger du sol, ce qui signifie qu’il lui faut
l’aide de géomètres experts, d’astronomes, d’augures et de
nombreuses autres personnes pour s’assurer une croissance
aussi favorable que possible.

Accroches scénaristiques

• Ix T’zutz a engagé les Héros pour cartographier une


série de passages souterrains situés sous Kamaktul.
Lors de leurs investigations, ils découvrent un
portail qui mène vers l’outre-Monde. Que vont IX T’ZUTZ
faire les Héros de cette découverte ?
• Le projet d’ Ix T’zutz de bâtir une cité multicul-
« Chaque Nation possède ses atouts.
turelle a agacé un roi voisin, lequel est désormais Et si on les regroupait toutes
prêt à envoyer son armée raser la ville. Les Héros au même endroit ? »
sauront-ils protéger Ix T’zutz et sa cité de la menace
extérieure ?
Ix K’ahk’ Chi’
Ix K’ahk’ Chi’ devint orpheline lorsqu’elle était jeune. Elle fut
vendue à un riche potier qui la maintint en captivité avec des
centaines d’autres esclaves. Ils devaient alimenter le feu et
vernisser ses créations. Quand il découvrit qu’elle était capable
de manipuler le feu, il vit une opportunité unique de s’enrichir.
Il l’emmena voir un prêtre local, qui lui apprit qu’elle était
l’enfant du dieu Kinich Ahau, puis il l’emmena voir un prêtre
nahuacan qui lui dit qu’elle était la fille du dieu Xiuhtecuhtli.
De retour, Ix K’ahk’ Chi’ mit le feu à la maison de son maître.
Elle se retrouva alors libre pour la première fois de sa vie, et
s’enfuit avec des centaines d’esclaves jusqu’au sommet d’un
volcan. Les soldats qui tentèrent de les poursuivre subirent
de terribles brûlures. Par la suite, Ix K’ahk’ Chi’ envoya des
messagers pour faire comprendre à tous que personne ne
devait les suivre dans la montagne.
Les rumeurs autour d’Ix K’ahk’ Chi’ se répandirent. Des fidèles
de Kinich Ahau et de Xiuhtecuhtli commencèrent à déposer des
offrandes au pied du volcan ; cela permit de nourrir les anciens
esclaves pendant un temps. Néanmoins, étant donné que tous
les esclaves qui échappaient à leur maître venaient chercher la
protection d’Ix K’ahk’ Chi’ dans la montagne, la nourriture finit
par manquer, et le sol ne permettait pas d’en faire pousser.
Dans la cité en contrebas, les propriétaires d’esclaves ont orga-
nisé une réunion d’urgence pour étudier les moyens de s’occuper
d’Ix K’ahk’ Chi’. Les prêtres se disputent encore au sujet de son
ascendance tandis que les nobles formulent des plans pour la
faire descendre de la montagne. Pour le moment, elle siège au
sommet du monde et menace de faire pleuvoir les flammes sur
quiconque représente un danger pour elle et les siens.
Quelques braves gravissent le volcan pour lui apporter des
nouvelles ; en retour, elle leur confie des messages ou leur
demande de l’aide. Elle aura besoin de soutien pour entretenir
sa cause, mais sa situation actuelle est fragile : même avec toute
la puissance de feu au monde, son succès n’est pas garanti.

Accroches scénaristiques

• Du fait des actions des propriétaires d’esclaves,


le nombre d’offrandes déposées au pied de la
montagne a drastiquement diminué. Ix K’ahk’
Chi’ demande aux Héros de l’aider à établir une
IX K’AHK’ CHI’ chaîne d’approvisionnement stable.
• Ix K’ahk’ Chi’ n’a rien d’une reine. Au contraire, elle
est timide et effrayée. Les anciens esclaves voudraient
« Je n’ai jamais voulu être aux commandes.
qu’elle les mène, et l’inquiétude commence à les
Tout ce que je voulais, c’ était ma liberté. »
tarauder. Les Héros pourront-ils l’aider à prendre
en main les siens avant qu’ils ne se rebellent ?
Guy de Malvaux
Guy de Malvaux naquit sous le nom de Guy de Levesque-
d’Aur. Pendant une mission militaire en Ussura, il fut
victime d’une tentative d’assassinat et se retrouva aban-
donné dans la toundra. Sauvé par les habitants d’un
village voisin, il se lança dans un voyage à la poursuite de
la personne qui avait cherché à le tuer. Il fut accompagné
dans sa quête par Illya Ekaternava Borisovitch et son
compagnon castillian, Bartolomeo Garcia, qui refusèrent
de le laisser s’enfoncer seul dans l’hiver rigoureux ussuran.
Le petit groupe suivit la piste de l’assassin jusqu’en
Vodacce. Ils y apprirent son patronyme—Henri—mais
perdirent sa trace. Guy changea alors son nom en de
Malvaux afin de rester anonyme.
Lorsque Bartolomeo apprit que son frère, Torres, était
porté disparu en Aztlan, il décida d’embarquer pour le
Nouveau monde, accompagné par Illya. Guy mit sa propre
quête de côté pour accompagner celui qui était devenu son
ami. Quelques mois plus tard, ils débarquèrent au Tzak
K’an, où Torres avait été vu pour la dernière fois.
En arrivant en Aztlan, ils apprirent que Torres était à
la recherche d’artefacts syrneth. Guy, Bartolomeo et Illya
s’enfoncèrent dans les profondeurs du Tzak K’an pour
retrouver l’expédition, dans l’espoir de sauver le frère de
Bartolomeo ou de découvrir ce qui lui était arrivé.

Accroches scénaristiques

• L’assassin de Guy semble l’avoir suivi jusqu’au


Nouveau monde. L’expédition accumule attaques
nocturnes et embûches. Les Héros aideront-ils
Guy à démasquer son assassin et à mettre un
terme à son infamie une bonne fois pour toutes ?
• L’expédition de Guy avance comme une tortue
car les Théans connaissent mal la jungle tzak
k’anienne. Guy engage les Héros pour leur servir
de guides. L’aideront-ils à atteindre son but, ou
l’utiliseront-ils pour parvenir à leurs propres
fins ?

GUY DE MALVAUX

« J’ai déjà échappé à la mort, mais


j’ai peur que cette fois-ci, même
la nature veuille ma perte. »
Alonso Ruiz Calderón
Don Alonso Ruiz Calderón rejoignit l’Église vaticine très jeune.
Il suivit une formation de prêtre et rejoignit les rangs de l’Inqui-
sition bien avant que le cardinal Verdugo n’endosse le rôle de
Grand inquisiteur. Il aurait pu devenir son bras droit s’il l’avait
voulu, mais ses ambitions matérielles le menèrent ailleurs. Quand
Verdugo demanda à Calderón de mener à bien la destruction des
artefacts syrneth dans le Nouveau monde, il accepta avec joie
d’aller repérer ses futures « nouvelles propriétés. »
Lorsque Calderón débarqua en Aztlan, il s’en tint aux ordres
de l’Inquisition. Cependant, ses velléités personnelles ne
tardèrent pas à prendre le pas sur sa mission officielle. Cette
terre était magnifique, et il voulait la posséder.
Il tenta de s’imposer dans l’Alliance nahuacane, mais la
pléthore de lois l’empêcha de mener ses manigances à bien. De
plus, les Nahuacans s’irritèrent rapidement de sa présence et
le bannirent. Il voyagea alors jusqu’au Tzak K’an, ce pays prêt à
s’affaisser sous le poids de la discorde. Il comprit qu’il pouvait
s’attirer les foudres d’un monarque sans que ses voisins ne
s’offusquent. Chaque cité-État était différente, mais la culture
tzak k’anienne y était somme toute identique. Cela facilita la
tâche de Calderón, qui apprenait tout ce qu’il y avait à savoir
sur un endroit avant de passer à un autre.
En ce moment, l’inquisiteur réside à Polok K’anche’, où il se
sert du roi Kal’omte Chan K’awiil pour essayer de conquérir
le Tzak K’an. Si ses efforts actuels se concentrent sur le Tzak
K’an, Calderón a tout de même envoyé des messagers au Kuraq
et à l’Alliance pour tenter de rallier des soutiens à sa cause. Il a
appris beaucoup de choses depuis son arrivée en Aztlan. Il sait
précisément ce que désirent les gens, il saura donc les convaincre
de se ranger à ses côtés.
Officiellement, il continue de travailler pour l’Inquisition.
Toutefois, au lieu de détruire les artefacts que retrouvent ses
agents, il apprend à les utiliser et à les modifier pour servir son
intérêt premier : la conquête du Nouveau monde.
Pour en savoir plus sur don Alonso Ruiz Calderón, voir
L’inquisition en Aztlan page 27.

Accroches scénaristiques
ALONSO RUIZ CALDERÓN
• Les Héros subissent une attaque en revenant de
ruines syrneth. Ils se font dérober les artefacts
« Il n’y a qu’à se baisser pour
s’emparer de ces terres, j’ai juste qu’ils avaient trouvés. Sauront-ils les récupérer
besoin d’un petit peu d’aide. » avant que Calderón ne les fasse disparaître ?
• Calderón a demandé au Kuraq qu’il lui envoie des
churikunas. Il a promis que la cité-État de Polok
K’anche’ se convertirait au culte de Supay. Le roi
Kal’omte ignore bien sûr tout de cela. Il ne laisse-
rait d’ailleurs jamais des Kuraques pénétrer dans
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE
sa cité. Les Héros sauront-ils convaincre le roi de

7 13 20
bouter Calderón avant qu’il ne soit trop tard ?
Ix Tzak Cho’k-Taak
Ix Tzak Cho’k-Taak cultive les fèves de cacao. Ses planta-
tions sont cachées, disséminées à travers tout le Tzak K’an.
Elle s’en occupe avec l’aide de ses vingt filles—biologiques
et adoptives—toutes plus dévouées les unes que les autres.
Ensemble, elles opèrent le plus grand trafic de faux cacao
du Tzak K’an.
Leur arnaque est simple : elles remplacent les fèves par
de l’argile de la même couleur. Elles vendent ensuite les
cabosses à des marchands nahuacans—estimant, à juste
titre visiblement, qu’ils ne sont pas très futés—puis
écoulent les fèves à des grossistes tzak k’aniens. Cela leur
permet d’engendrer un double profit pour le même travail.
Bien sûr, ce trafic ne serait pas possible si Ix Tzak Cho’k-
Taak ne disposait pas d’une main-d’œuvre spécifique. Elle
capture en effet de jeunes enfants et les oblige à travailler.
Leurs petits doigts minimisent en effet les dégâts infligés
aux cabosses lors de l’extraction des fèves, ce qui rend le
fruit de ses contrefaçons quasiment invisible. Quand ils
deviennent trop grands pour ce labeur, elle les envoie faire
la récolte des cabosses ou les vend à des esclavagistes.
La capture d’enfants est facile : elle les attire simplement
en leur promettant du chocolat chaud ou de la nourriture.
Ix Tzak Cho’k-Taak est devenue une sorte de légende
chez les Tzak K’aniens superstitieux. Les parents mettent
en garde leurs enfants contre «  la vieille chouette qui
enlève les enfants pas sages et boit leur sang pour rester
jeune. » Les souverains des grandes cités-États font fi de
ces histoires, les classant au rang de spéculations et de
rumeurs. Ix Tzak Cho’k-Taak et ses filles continuent donc
d’enlever des enfants sans être inquiétées.
L’opération entière engendre des richesses incroyables.
Ix Tzak et ses filles en utilisent une grande partie pour
entretenir leurs réseaux commerciaux, continuer la distri-
bution de leurs contrefaçons et soudoyer les autorités
lorsqu’il le faut.

Accroches scénaristiques

• Un chef local a engagé les Héros pour retrouver IX TZAK CHO’K-TAAK


sa fille, disparue une semaine plus tôt. Les
Héros vont-ils retrouver la plantation d’ Ix Tzak
Cho’k-Taak avant que leur enquête ne la force à
« Gamin, c’ est le meilleur chocolat
chaud des jungles du Tzak K’an ! »
s’enfuir ?
• L’un des enfants d’ Ix Tzak Cho’k-Taak s’est
échappé. C’est une petite fille désorientée qui
demande aux Héros de la ramener chez elle.
Parviendront-ils à lui faire regagner son foyer
avant qu’Ix Tzak et ses filles ne les rattrapent ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

4 8 12
Ix Miol
Ix Miol est née à Sakbe’nal. Dès son plus jeune âge, elle
accompagna ses parents lors de leurs missions commer-
ciales. Elle voyagea donc à travers tout le Tzak K’an et aida
sa famille dans différentes cités-États où ils se rendaient.
Elle a toujours détesté cela.
D’aussi loin que sa mémoire lui permette de se souvenir,
Ix Miol a toujours voulu devenir archéologue. Enfant,
elle aimait passer du temps auprès de celles et ceux qui
étudiaient les Anciens (ses parents lui reprochaient
d’ailleurs de perdre son temps). Lorsqu’elle fut en âge de
reprendre l’affaire familiale, elle partit donc pour travailler
sur un site de fouilles syrneth où se trouvaient des archéo-
logues parmi les plus connus du Tzak K’an. Elle développa
alors un intérêt croissant pour la découverte des secrets
et de l’utilité des artefacts. Comme beaucoup de Tzak
K’aniens, elle espérait pouvoir utiliser ces technologies
pour le bien de sa ville natale, Sakbe’nal.
Lorsque ses parents avaient appris sa décision, ils avaient
exprimé l’étendue de leur colère en la désavouant. Ses
économies fondirent comme neige au soleil et sans argent
en poche pour subvenir à ses besoins, les archéologues lui
firent comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue sur le site.
Il ne lui fallait pourtant qu’une petite découverte tech-
nologique pour retrouver les bonnes grâces de sa famille,
ce pour quoi elle commença à voler des artefacts pour
les étudier. Ainsi, ce qui avait débuté comme une noble
entreprise—l’étude de la technologie pour aider son foyer
natal—se transforma en un cercle vicieux : voler des artefacts
pouvant être transformés en armes afin de dérober d’avan-
tages d’artefacts.
Désormais, Ix Miol est la voleuse d’artefacts la plus recher-
chée au Tzak K’an. Depuis, elle s’est entourée d’un petit
groupe de personnes qui l’aident dans son entreprise, qu’elle
paye en vendant des artefacts modifiés. Le pire est qu’elle ne
se contente plus de voler les équipes archéologiques : elle va
jusqu’à détruire leurs recherches pour masquer ses traces.

IX MIOL Accroches scénaristiques

• Une expédition archéologique a engagé les


« Ces choses appartiennent à notre peuple,
donc elles m’appartiennent à moi… » Héros pour leur servir de guides et de gardes.
Parviendront-ils à assurer la sécurité des archéo-
logues face aux armes étranges qu’utilise Ix Miol ?
• Ix Miol vend ses armes au plus offrant, y compris
à l’inquisiteur Calderón. Les Héros sauront-ils
convaincre Ix Miol de se repentir et d’œuvrer
contre le Scélérat castillian ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

6 4 10
Kal’omte Chan K’awiil
Polok K’anche’ était une cité-État vouée à l’étude de
l’astronomie, de l’art et des sciences. La population
tirait sa fierté de son pacifisme affiché, de son amour
pour la recherche et, surtout, de la prospérité qui en
résultait. Kal’omte Chan K’awiil, leur roi, était un érudit
et un scribe adoré par les citoyens. Il était sage, patient,
intelligent et il redistribuait ses richesses à ses sujets les
plus pauvres.
Quand don Calderón arriva à Polok K’anche’, il ne lui fallut
pas grand-chose pour insuffler la peur dans le cœur paci-
fique de Chan K’awiil. La vilenie de Calderón n’avait en effet
d’égale que la force de ses paroles.
L’Alliance nahuacane, au nord, a les armées les plus puis-
santes. Qui les empêchera de conquérir le Tzak K’an ? Les
Kuraques, au sud, veulent imposer leur dieu de la mort. Qui
stoppera leurs prêtres dévoués ? Les Théans, cupides, veulent
s’emparer de l’Aztlan. Qui s’opposera à eux ? Le Tzak Kan
est au centre du monde, mais il est divisé et, chaque jour, ses
ennemis tirent profit de ses clivages. Il faut une âme sage et
qualifiée pour unir le pays face à ces menaces. Qui d’autre
que Chan K’awiil peut faire cela ?
S’il prônait autrefois la paix, Chan K’awiil pense désormais
qu’il n’y a que la guerre qui saura unir son peuple disparate.
Les mots de Calderón n’étaient pas sans sagesse, ce pourquoi
le souverain commença à se consacrer à l’unification du Tzak
K’an.
Ainsi commença le grand changement. D’une plaque tour-
nante florissante, Polok K’anche’ devint un centre militaire
en quelques semaines. Des tours à moitié construites se
retrouvent désormais abandonnées par les ouvriers appelés
à rejoindre l’armée. Les palais et les monuments sont main-
tenant à nu, privés de leur obsidienne, de leur jade et de leur
or qui ont été vendus ou forgés pour faire des armes. Cette
armée, d’une efficacité redoutable, a déjà soumis plusieurs
cités-États mineures…

Accroches scénaristiques
KAL’OMTE CHAN K’AWIIL
• Kal’omte Chan K'awiil convoite Cahal Naab. Si
cette ville tombe, d’autres suivront plus facilement.
« Tout ce que je désire, c’est la paix.
Les Héros parviendront-ils à défendre la ville ? S’il le faut, je l’obtiendrai par le feu. »
• Chan K’awiil veut ce qu’il y a de mieux pour son
peuple. Il ne se rend pas compte de la tromperie
de Calderón. Les Héros sauront-ils le convaincre
de changer de méthodes et de les aider à défaire
Calderón ?

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

2 8 10
Chapitre 4
L’Empire kuraque
L’Empire kuraque
Il y a des portes qui ouvrent sur l’autre monde. par feu leurs ancêtres—les Vénérables—dont les esprits
Elles sont en toi. contrôlent encore leurs corps momifiés depuis l’au-delà.
Il y a des portes qui mènent à l’après-vie. Ils régissent la vie de leurs descendants, utilisant parfois
Tu en connais le chemin. les corps de ces derniers—les Porte-paroles—pour
Il y a des portes qui renferment des voix. espionner le monde ou s’exprimer parmi les vivants.
Écoute, elles t’appellent. Sous l’autorité de l’Impératrice Asiri Inkasisa, les
Bienvenue ! Vénérables ont transformé la civilisation kuraque, qui est
Quel est ton nom ? petit à petit passée d’une multitude d’ethnies polyglottes
-Comptine kuraque fragmentées à un peuple unifié. Néanmoins, l’Empire
n’est pas aussi soudé que ce que l’Impératrice veut faire
Jadis, le Kuraq était un pays constitué de cités-États croire à son peuple. Les nobles complotent en effet depuis
disparates, à l’instar de l’actuel Tzak K’an. Unifiés sur les leurs tombes pour que leurs familles respectives gagnent
cendres d’un légendaire empire déchu voici deux cents en puissance. Des lignées entières s’affrontent donc pour
ans, les Kuraques mirent de côté leurs différences pour obtenir—ou conserver—du pouvoir, que ce soit dans le
se ranger sous une même bannière. Depuis, l’Empire commerce, la politique ou à l’occasion de guerres clan-
kuraque est devenu une Nation forte et stable qui a destines. Ainsi, ici et là, les rancunes vieilles de plusieurs
résisté tant aux tentatives d’invasions qu’à l’influence des générations provoquent de nombreuses effusions de sang.
cultures étrangères. Aujourd’hui, l’Empire kuraque se dresse tel un mono-
Le pouvoir politique qui structure l’Empire est d’une lithe au bord du précipice, une puissante Nation de morts
nature peu ordinaire. Les Kuraques sont en effet dirigés dirigée d’une main de fer.

124 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Histoire
Les siècles transforment les récits en légendes, mais Le Sommet des sept plumes
certaines histoires demeurent immortelles. L’histoire de Durant six générations, les sept cités-États du Kuraq
« Ceux d’avant » est ainsi globalement connue de tous les fonctionnèrent indépendamment les unes des autres.
habitants de l’Empire, et ce même si ses détails sont flous, Chacun de ces « royaumes » vénérait un dieu tutélaire
érodés par les ravages du temps. Lorsqu’ils en parlent, les qui s’était réfugié, après la Chute, dans les hauts plateaux
Kuraques tentent d’être le plus précis possible, tout en de montagne environnants. Capricieux et impénétrables,
sachant pertinemment qu’ils méconnaissent cette époque ils bénissaient leur peuple autant qu’ils le maudissaient, ce
bien antérieure à celle des Vénérables. pour quoi leurs fidèles effectuaient des pèlerinages afin de
venir leur rendre hommage et demander leur bénédiction.
La Chute Ils descendaient alors de leur montagne pour aller à la
À l’origine, l’Aztlan était un diamant resplendissant, un rencontre des Aztlans et partager un temps leur quotidien.
empire qui s’étendait des splendides océans occidentaux Vint ensuite un temps pendant lequel les souverains
à la tumultueuse mer orientale. En ces temps, les dieux voulurent étendre leur territoire afin de gagner en terrains
marchaient sur cette terre et, comme des titans, y creu- cultivables et en ressources. Las de ces combats et de ces
saient des vallées à chaque pas qu’ils faisaient. Ils étaient guerres, Yaca Yma, le souverain de Kuska, souhaita mettre
alors accompagnés par leur belle progéniture, ainsi que un terme aux effusions de sang et unir les peuples sous un
par ceux qu’ils avaient bénis. étendard commun. Il envoya donc des émissaires à travers
À cette époque, les montagnes résonnaient des rires tout le pays afin de délivrer une invitation aux grands rois
des enfants bien nourris et des communautés heureuses, de ce monde.
protégés par le tout-puissant Apocōātl. Le Serpent à Souverains et émissaires se réunirent dans le sanctuaire
plumes protégeait l’Aztlan et éloignait ceux qui voulaient sacré de Kikinpaq, l’un des dieux les plus anciens et les plus
du mal à son peuple. Les autres dieux le servaient avec monstrueux de la création. Dans son sombre palais taillé à
plaisir et les Aztlans, prospères, vivaient heureux sous la flanc de montagne, ce dernier présida la rencontre afin que
protection de son incroyable pouvoir. Les ruines et les nul n’agresse l’autre. Personne ne souhaitant s’exposer à son
vestiges de ces temps immémoriaux témoignent d’une ire, des discussions constructives purent dès lors avoir lieu,
civilisation riche d’innovations agricoles, médicales et un accord de paix fut conclu. Les rois jurèrent en ce jour
et artistiques. de maintenir la paix : tous le jurèrent sur leur propre dieu,
Et puis les dieux commencèrent à se disputer. Ils qui acceptèrent également d’œuvrer en ce sens.
s’accusèrent mutuellement de causer des souffrances Kikinpaq offrit alors à chacun des sept représentants une
aux Aztlans, de mal répartir la pluie, le beau temps, plume d’or donnée par son père, le tout-puissant Apocōātl.
les récoltes abondantes et le bon bétail. Les étrangers En reconnaissance de ses velléités pacifistes, le roi Yaca
eurent vent de ces tensions et en profitèrent pour envahir Yma reçut une cape entièrement tissée des plumes dorées
l’Aztlan, traversant ses frontières autrefois impénétrables. du Serpent à plumes. Il se retira ensuite dans les monts
Furieux, Apocōātl reprit ce qu’il avait donné à ses enfants, sacrés de Manqo Pacha et laissa son royaume à son fils,
chassant d’Aztlan ceux qui l’avaient le plus irrité. Cela ne Supacha. Un temps, sous le règne de ces rois sages, il y eut
calma pas les dieux, qui se querellèrent alors encore plus la paix et la prospérité.
fortement, réunirent leurs fidèles à l’intérieur de villes Cette entente ne dura malheureusement pas. Les récits
acquises à leur cause et ignorèrent les larmes de ceux qui disent que l’un des dieux sema la discorde parmi ses frères
souffraient en dehors. car il voulait plus de ressources pour ses fidèles. Ainsi,
L’Aztlan n’était désormais plus la même. Son peuple, quand un lointain ennemi venu du nord commença à
épars, s’était réfugié dans plusieurs villes séparées par piller et saccager les campagnes, les cités-États s’accu-
la distance, la peur et la méfiance. Il fallut attendre sèrent les unes les autres de s’être alliées avec ces étrangers.
de nombreuses générations pour que ces cités-États Le dieu querelleur souffla alors aux différents souverains
reprennent contact, le plus souvent par la guerre et qu’il n’existait qu’une seule façon d’unifier le pays défini-
le sang. tivement : le pouvoir d’Apocōātl contenu dans la cape aux
plumes dorées de Yaca Yma.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 125


Trois des rois marchèrent vers la retraite de l’ancien connaître l’étendue du pouvoir du dieu de la mort. Il
souverain. Lorsque ce dernier se présenta pour accueillir s’avança donc dans la vallée, seul et désarmé, en direction
ses vieux amis, ces derniers l’exécutèrent et mirent la ville à des prêtres ennemis.
feu et à sang. La fameuse cape aux plumes dorées disparut La rencontre dura trois jours. Supacha se découvrit une
durant le tumulte, discrètement ramenée à Kusha par l’un fascination pour Supay, à tel point qu’il finit par accepter
des loyaux serviteurs du défunt roi. de renier Wach’i. Il fut le premier dirigeant de Kuska à
se convertir au culte des morts. Lorsque les prêtres de
L’ascension de Pachacunya P’alqacamba furent convaincus de sa sincère dévotion, ils
Après ces tragiques événements, deux cités-États—P’alqa- firent serment de le suivre, lui et tous les dirigeants de
camba et Kuska— se démarquèrent dans leur volonté de Kuska qui lui succéderaient.
s’emparer des terres sans rois afin d’honorer leur dieu La guerre s’acheva ainsi, et le roi Supacha revint chez
tutélaire respectif. lui en héros. Malheureusement, il avait été mortellement
D’un côté, les prêtres-soldats de P’alqacamba, disciples blessé durant les combats. Avant de succomber, il transmit
du dieu de la mort Supay, souhaitaient étendre leur culte à son frère les savoirs qu’il avait acquis sur les pouvoirs
en Aztlan. Ils avaient comme projet d’unir les morts et les de Supay, ainsi que le message de force et d’unité que ses
vivants au sein d’un même royaume, lequel serait à la fois prêtres lui avaient communiqué. Lorsque Pachacunya fut
magnifique, puissant et craint par ses ennemis. couronné roi de Kuska, par respect pour la grande sagesse
Face à eux s’élevèrent les deux fils de Yaca Yma, le roi de son frère, il renonça au culte de Wach’i en faveur de
Supacha et le prince bâtard Pachacunya. Ils étaient aussi celui du dieu de la mort.
différents que le soleil et la lune : le premier était calme Pachacunya devint le plus grand roi du Kuraq, conqué-
et posé, tandis que le second était un puissant guerrier. rant les cités-États les unes après les autres pour les
Aimé du peuple, ne connaissant pas la peur, ce dernier convertir. Sous son règne, les Kuraques découvrirent le
avait reçu de Wach’i, le dieu du soleil, vitesse, force et pouvoir de la mort. Des prêtres furent envoyés à travers
talent au combat. tout le pays afin d’apprendre aux gens à entrer en contact
Menant l’armée de Kuska, les deux frères combattirent avec leurs ancêtres  : ils devaient dès lors préserver
les prêtres-soldats de Supay. Le combat fut rude et féroce, les cadavres des défunts pour que leur esprit puisse
mais aucun camp ne parvint à prendre l’ascendant sur demeurer par-delà la mort et les guider. Ainsi naquirent
l’autre. Dans sa sagesse, Supacha persuada son frère de les premiers Vénérables.
stopper la bataille : pour remporter la victoire, il devait

126 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


L’âge des Vénérables LA VÉRITABLE HISTOIRE
En apparence, les premiers jours du règne du nouveau roi
semblèrent paisibles. En réalité, ils furent remplis d’assas- L’histoire officielle du Kuraq est le fruit d’une
tradition orale codifiée et approuvée par le trône.
sinats, de sacrifices et de massacres. Apparaissant dans la
Cependant, ce récit n’est qu’une propagande
légendaire cape de plumes dorées qu’Apocōālt avait offerte destinée à rallier la myriade de tribus au trône
à son père, Pachacunya exposa aux souverains des autres impérial. En fait, l’Empire kuraque est né dans le
cités le concept des Vénérables. chaos, le sang et surtout la traîtrise.
Les nobles et autres anciens rois décédés pouvaient
désormais se lier à leur corps momifié et agir depuis l’au- Le récit de la Chute est trouble, mais admis
comme un fait. L’unification des cités sous le
delà. Nombreux furent ceux qui acceptèrent de devenir
règne de Yaca Yma est plus de l’ordre du pari
le Porte-parole d’un Vénérable, voyant là l’opportunité désespéré d’un mortel voulant s’émanciper
d’effectuer une noble tâche et, surtout, l’espoir de devenir des dieux, mais qu’importe. Beaucoup plus
à leur tour un Vénérable après leur mort. Rares, toutefois, important est le fait que la paix fracturée entre
étaient ceux qui savaient qu’une fois devenu Porte-parole, les cités-États va permettre la fondation du
leur vie ne leur appartiendrait peut-être plus. puissant empire qui finira par unir tout le Kuraq,
et permettra aux Vénérables de revenir d’entre
En quelques années, Pachacunya unifia toutes les cités-
les morts.
États en un Empire pareil à celui de jadis.
En réalité, lorsque le roi Supacha et le prince
La guerre des Panacas Pachacunya sont entrés en guerre contre les très
Durant de nombreuses années, les Vénérables (et leurs nombreux adorateurs de Supay, ils pensaient être
descendants) morcelèrent l’Empire en secret. Les défaits. Le roi voulait d’ailleurs renoncer, voire se
rendre à l’ennemi. Lorsque son frère refusa que la
conflits ouverts étaient certes proscrits, mais les guerres
cité plie le genou, Supacha s’enfuit. Il fut capturé
clandestines et autres machinations politiques étaient par les prêtres du dieu de la mort et, pour
si nombreuses qu’elles furent bientôt connues sous le échapper à un funeste destin, se convertit.
nom de guerre des Panacas (nom kuraque désignant les
domaines des nobles) ou, plus communément, guerre Ayant renié le dieu du soleil, Supacha se mit
des Os. à craindre que son frère, aussi puissant que
populaire, ne lui prenne ce à quoi sa naissance
À cause de tous ces conflits, l’Empereur Pachacunya ne
légitime lui donnait droit. Le souverain et les
put régner correctement. Le peuple, las de ces combats prêtres mirent donc au point un vil stratagème :
entre nobles, se souleva et une guerre civile éclata. Alors Supacha contacta son frère pour lui annoncer
que l’Empire était sur le point de sombrer dans le chaos, qu’il avait signé un accord de paix. Il l’invita
une héroïne improbable apparut pour fédérer le Kuraq à un festin pour célébrer la victoire. Lorsque
une bonne fois pour toutes. Pachacunya arriva, ils discutèrent jusqu’à tard
dans la nuit, et burent jusqu’à être ivres morts.
Avant le lever du jour, Supacha avait profité de
l’ébriété de son frère pour l’étrangler. Les prêtres
de Supay transférèrent alors l’esprit du roi dans
le corps du prince défunt. Pachacunya n’a donc
jamais vraiment régné. Supacha, en revanche, est
resté sur le trône beaucoup plus longtemps que
ce que l’histoire officielle ne dit.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 127


L’avènement de l’Impératrice L’arrivée des Théans
Asiri Inkasisa est née dans une famille noble vénérant le L’explorateur castillian Franco Gonzalez arriva sur la
dieu Kikinpaq. Durant la guerre des Panacas, elle renia les côte orientale du Kuraq après une éprouvante traversée
croyances familiales pour se convertir au culte de Supay. de la mer du Serpent. Quelques prêtres le prirent alors
À la mort de son père, elle entra dans son tombeau pour le dieu Kikinpaq et l’amenèrent dans son sanctuaire
pour y subtiliser son masque funéraire. Elle se déclara construit sur le flanc des montagnes bordant la ville
alors Porte-parole de son esprit, et devint ainsi la de Takana.
première femme à prendre la tête d’une maison noble. L’Impératrice entendit bientôt parler de lui. Kikinpaq,
Peu à peu, Asiri devint populaire au Kuraq, notamment le dieu qu’elle vénérait dans sa jeunesse, serait revenu
parmi les nobles conspirant à la cour impériale de Kuska. au Kuraq. Curieuse, elle le fit venir au palais impérial
Ce fut à l’occasion des célébrations du festival des mois- de Kuska. Lorsque l’explorateur castillian arriva, elle vit
sons qu’une traîtresse porta un coup fatal à la dynastie qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être. Elle le laissa
impériale. Yara, descendante du véritable Pachacunya et continuer sa mascarade afin d’obtenir un maximum d’in-
compagne d’Asiri, révéla ce jour à la future Impératrice formations sur la Théah, puis, lorsqu’elle considéra en
la véritable identité de l’Empereur. La divulgation de avoir recueilli suffisamment, elle révéla à tous ses sujets la
cette information changea définitivement le cours de supercherie du Castillian. Humilié, il fut banni du Kuraq.
l’histoire kuraque. L’arrivée de Gonzalez ne passa pas inaperçue pour
Cette révélation amena Asiri à œuvrer pour démontrer une autre raison : Apocōātl lui-même, courroucé par la
l’incapacité de Pachacunya à diriger son empire, plantant présence et les mensonges de cet intrus, abattit la quasi-to-
peu à peu dans l’esprit du peuple les graines de la révolte. talité de sa flotte. Seuls deux navires s’en sortirent, ce qui
Lorsque celle-ci éclata, c’est fort logiquement qu’elle en permit au Castillian de repartir en Théah, non sans avoir
prit la tête. Ainsi, lorsque la foule déferla sur le palais juré de revenir se venger un jour prochain.
impérial, ce fut Asiri qui assassina l’Empereur sur les
marches de sa pyramide. Elle enfila alors la cape de Les Cent sacrifices
plumes dorées, devenant dès lors la première Impératrice Gonzalez revint au Kuraq cinq ans plus tard, alors que
du Kuraq, et promit à son peuple qu’elle installerait une l’Impératrice fêtait sa vingtième année de règne. À la tête
paix durable. d’une petite armée, il jeta l’ancre à Takana et mit la ville à
feu et à sang. Il détruisit ainsi des dizaines de Vénérables
L’Impératrice et tua des centaines de personnes. Asiri fit alors appel aux
Durant deux décennies, Asiri engagea des réformes prêtres de Supay pour l’aider à repousser cet ennemi de
progressistes qui stabilisèrent et firent prospérer l’Empire l’Empire.
et tous ses citoyens. Elle divisa le pays en régions, dont Ce jour-là, l’Impératrice sacrifia cent personnes, parmi
elle confia la gestion aux principales familles nobles, et ce lesquelles des membres de la famille de Yara et de sa sœur
afin qu’elles soient séparées les unes des autres. Afin de Alqacha, puis elle se suicida pour devenir à son tour une
ménager les susceptibilités, elle créa une institution—le Vénérable. Les prêtres de Supay lièrent alors son esprit
conseil des Seize—réunissant un membre de chaque à son corps encore chaud. Grâce aux Cent sacrifices qui
grande lignée pour la conseiller politiquement. venaient d’avoir lieu, Asiri acquit une puissance incroyable.
Elle créa également les tokoyriqs, une faction de soldats Ni morte ni vivante, et pour ainsi dire immortelle, elle
agissant à la fois comme autorité impériale et comme déchaîna toute sa puissance sur les envahisseurs théans.
police secrète. Rapidement, les tokoyriqs devinrent le Sa magie de mort les réduisit en cendres.
symbole du pouvoir de l’Impératrice, maintenant l’ordre Depuis ce jour, les Kuraques sont dévoués à leur
tout en faisant respecter la volonté de leur souveraine. Impératrice, Vénérable à la fois puissante et sage. Ils se
sentent en sécurité et savent que sous sa protection, le
Kuraq sera riche et puissant.

128 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Un siècle de paix Kuska pour qu’ils y soient emprisonnés, puis tués.
La menace théane écartée, l’Impératrice désormais immor- Lorsqu’un dieu disparaît, les grâces qu’il a accordées
telle s’en retourna régner sur son empire grandissant. Ni s’évanouissent. Ses disciples, perdus, n’ont alors d’autre
vivante ni morte, elle pouvait rester éveillée plus longtemps choix que d’accepter la protection de Supay. Ce faisant,
et travailler sans relâche à unifier le royaume et résoudre les les prêtres de la mort agissent pour que leur dieu règne en
problèmes. Ainsi commença ce que les historiens appellent maître absolu sur le Kuraq et, par extension, sur l’Aztlan.
aujourd’hui le Règne du renouveau, une époque durant Ainsi débuta la Chasse divine.
laquelle furent lancées nombre de réformes destinées à Ces « anciens dieux » sont désormais en fuite. S’ils sont
permettre au Kuraq de s’enrichir et de se pacifier. capturés, ils sont emprisonnés dans des bastions situés
Asiri fit coucher par écrit toutes les lois, rendit obliga- au cœur de la jungle. On ne sait pas exactement ce qu’il
toires les échanges commerciaux équitables, et étendit les se passe dans ces lieux étranges et hautement protégés,
routes et les systèmes d’irrigation dans tout le pays. Elle mais nombreux sont ceux qui pensent que les prêtres de
développa également le système éducatif et encouragea la Supay y tuent les dieux, utilisant le pouvoir du sacrifice au
création artistique en incitant les nobles à employer des profit du Wañuy Ñaqay (la magie de la mort) et conférant
artistes au sein de leur maisonnée. encore plus de pouvoir au dieu de la mort.
Du fait de son règne centenaire—qui se prolonge encore Si la machine de propagande impériale martèle que
aujourd’hui—elle peut se permettre de raisonner sur le le peuple a de la chance d’avoir été libéré de ces dieux
long terme. Certes, cela coûte à la Nation un sacrifice de inconstants et hostiles, il ne fait toutefois pas étalage
temps à autre afin que son Impératrice puisse renforcer public de la Chasse divine.
son pouvoir, mais qui s’en soucie réellement ? Aujourd’hui, neuf dieux sont parvenus à échapper aux
À ce jour, l’Empire kuraque est stable. Il ne subsiste awqayllis et aux fidèles de Supay. Ils ne comptent cepen-
d’ailleurs qu’une seule menace capable de renverser son dant pas fuir et, sous le vernis calme et prospère de Kuraq,
pouvoir grandissant. la révolution commence à s’organiser.

La Chasse divine La révolution souterraine


Autrefois, il n’y avait pas plus puissants sur Terra que Les libertés individuelles sont peu nombreuses dans l’Empire
les dieux du Kuraq. Ils gouvernaient leur royaume, kuraque. Ainsi, les vies des nobles sont contrôlées et planifiées
marchaient parmi leurs fidèles et s’impliquaient dans la par leurs ancêtres. Ces Vénérables décident de tout ce que
vie quotidienne des humains. Après la Chute, ils s’éloignè- leurs héritiers feront et gèrent l’ensemble des décisions impor-
rent peu à peu des mortels, qu’ils laissèrent prendre leur tantes. Certains y voient le prix à payer pour la sécurité et la
destin en main. Les cités-États furent dès lors dirigées stabilité, d’autres rêvent au contraire d’un retour aux temps
par des rois, et s’ils n’abandonnèrent pas pour autant leur passés, quand leurs anciens dieux les protégeaient.
rôle de protecteurs, leur présence se fit de moins en moins Ce sont ces individus qui sont contactés par les dieux.
importante, et ce jusqu’au jour où les prêtres de Supay Les neuf survivants divins les approchent incognito afin
décidèrent de s’en débarrasser définitivement. de leur offrir certains pouvoirs s’ils acceptent de lutter
Aucun Kuraque n’avait plus vu Supay depuis des contre l’Impératrice. Une résistance s’est ainsi formée, une
générations lorsque ses prêtres firent d’Asiri Inkasisa guérilla souterraine appelée le Pakaykuq dont le but est
l’épouse du dieu de la mort (ce pour quoi on raconte de libérer le Kuraq de la poigne d’acier des morts. Leur
que ce dernier viendrait lui rendre visite une fois devise est simple : la vie pour les vivants.
par an). Dès lors, son culte fut intimement lié à celui Les divinités et partisans du Pakaykuq doivent être
de l’Impératrice et le clergé conclut que comme le prudents : la popularité de l’Impératrice et sa mainmise
Kuraq se devait d’être loyal au pouvoir impérial, il sur toutes les infrastructures du pays rendent leur secret
ne pouvait en être autrement de sa dévotion à Supay. difficile à conserver. Dernièrement, ils se sont réfugiés
Il créa donc une unité d’élite—les awqayllis—afin dans un certain nombre d’endroits sacrés, se cachant dans
de chasser les autres dieux et de les ramener à ces anciens lieux saints pour comploter contre le trône.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 129


Politique
Jadis, les dieux parcouraient librement les terres indépen- Les Vénérables
dantes du Kuraq. Désormais, il s’agit d’un empire tout en Les Vénérables sont apparus durant le règne de Supacha.
force et en conformité. Si une majorité de citoyens sont Depuis ce jour, le Kuraq a gagné de puissants atouts en
à l’aise dans ce système—quand bien même il est étouf- maintenant le contact direct avec ses défunts ancêtres.
fant—il en existe qui choisissent de se révolter contre Auparavant, les plus grands chefs et les sages les plus bril-
le statu quo. Ceux-là découvriront rapidement que les lants mourraient. Désormais, ils peuvent revenir en tant
Vénérables voient tout, et que les morts sont partout. que Vénérables, continuant à faire profiter l’Empire et leur
famille de leurs années d’expérience.
Les idéaux de l’Empire Seuls les meilleurs et les plus intelligents sont choisis
Un Kuraque, un empire. L’idée fondatrice des idéaux pour devenir des Vénérables. Chaque Kuraque fait donc
impériaux est celle d’une Nation qui œuvre comme un en sorte de mériter cet honneur, s’élevant le plus haut
seul homme à un futur prospère et stable. Les parents possible de son vivant.
transmettent ainsi à leurs enfants l’histoire d’un passé Ce sont les Vénérables qui décident de qui devient
où la liberté n’amenait que le chaos et la guerre entre les Vénérable ou Porte-parole dans leur famille. Bien entendu,
tribus et les cités-États. Ils racontent également que le les manigances politiques abondent, les vivants se battant
pays ne se rangea derrière le trône qu’après l’unification. pour s’assurer une place parmi les non-morts ou en
Guidé par la sagesse éternelle des Vénérables, le Kuraq assurer une à l’un de leurs proches. Pour peu qu’il y ait
s’élève donc vers des lendemains encore plus chantants. plusieurs candidats, il arrive donc que des parents proches
Dès que l’Empire sera prêt, il s’étendra au-delà de ses puissent s’affronter. Nombreux sont ceux qui essayent
frontières, que ce soit par la diplomatie, les négociations d’influencer les décisions de leurs ancêtres : pots-de-vin,
politiques, l’occupation ou la guerre. Ainsi, le pays parta- sabotages et violence ne sont ainsi pas rares. Ces pratiques
gera son idéal de paix avec le reste de l’Aztlan. sont même parfois encouragées.
Néanmoins, l’union a un prix. Si le Kuraq a traversé une Les enfants sont évalués dès leur plus jeune âge par leurs
période de paix sans précédent, si la vie y est meilleure que ancêtres Vénérables, qui jaugent leurs talents et leurs
partout ailleurs et si les innovations abondent au quoti- compétences avant de leur assigner une formation qui
dien, c’est grâce aux sacrifices consentis. Le peuple a en les mènera vers une profession mettant leurs aptitudes à
effet accepté de se conformer à une hiérarchie stricte allant profit. Cela, associé à l’esprit de compétition commun à
du plus humble des paysans dans sa ferme au plus impor- chaque Kuraque, a rapidement fait avancer la société sur
tant des Vénérables en passant par les familles nobles qui le plan de la technologie, des découvertes scientifiques, de
servent le pouvoir impérial. Au sommet de l’échelle sociale, l’art et de la magie. Il suffit de marcher dans une rue de
il y a l’Impératrice, chef suprême du Kuraq. Ses édits font l’Empire pour se rendre compte que les villes frémissent
loi, implicitement approuvés par son époux, Supay. Aucun de détermination et d’intensité. Les mortels les plus
noble n’est assez fort pour lui résister, d’ailleurs, nul n’a ambitieux travaillent dur pour prouver qu’ils méritent de
envie de le faire ouvertement. La noblesse se dispute donc devenir des Vénérables, et leurs apports à l’Empire l’ont
chaque bribe de pouvoir, tout en servant de conseillers et lancé à toute allure sur le chemin de la découverte et de
de chefs militaires au trône. l’innovation. Les Vénérables apportent aux plus brillants
Beaucoup de nobles kuraques ne sont plus vivants. Les de sages conseils pour qu’ils poursuivent leurs études
Vénérables agissent depuis leur corps momifié, liés à leur même après leur mort.
Porte-parole. Aux côtés des prêtres de Supay, ils imaginent Au quotidien, les Kuraques travaillent et vivent aux
un monde dans lequel la mort n’est plus une fin mais une côtés des Porte-paroles et des Vénérables, les servant avec
étape vers la vie éternelle, une société où les morts et les respect, protégeant leurs corps momifiés. Les Vénérables
vivants existent côte à côte. Ils pensent que ce don doit sont révérés à la mesure de leurs années d’expérience,
être offert au monde pour que les défunts puissent tous et les Porte-paroles sont traités avec le plus grand des
être libres. Le Kuraq est un empire régenté par les morts respects. On reconnaît ces derniers au fait qu’ils portent
et, bientôt, le monde entier le sera aussi. sur le visage le masque funéraire de leur ancêtre, ce qui les
écarte de facto du reste de la société mortelle.

130 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Les Vénérables contrôlent presque toute la société, des Après un siècle d’interrogatoires divers, elle pense
structures politiques aux lignées familiales. Ils dirigent en savoir assez pour se lancer dans la politique et le
leurs familles en patriarches et matriarches, conservant commerce avec des puissances telles que la Théah, et
l’autorité sur leurs descendants durant des décennies. même au-delà. Son seul et unique objectif est de finir par
Aujourd’hui, on peut voir de plus en plus souvent des y prendre le pouvoir, de l’intérieur, grâce aux Vénérables.
Vénérables se disputer l’autorité suprême de leur maison. Afin de servir ce projet, l’Impératrice a ordonné la
Ces décisions sont importantes, car le futur de leurs héri- reconstruction de Takana, la ville autrefois attaquée par
tiers repose entre leurs mains. Gonzalez. La plupart des Kuraques considéraient ces lieux
Au Kuraq, quiconque souhaite obtenir l’aide d’un mortel comme hantés et maudits, mais le travail attira tout de
doit aussi s’assurer d’avoir l’approbation de son Vénérable. même de nombreuses personnes. Asiri fit réaménager la
Ici, les vivants agissent rarement sans l’autorisation des cité en port d’accueil, un projet qui aura pris trente ans de
morts. Les mariages d’amour sont par exemple rares, ces travail continu. Elle voulait que cette ville soit la plus belle
unions—et parfois même le nombre d’enfants en résul- et la plus impressionnante possible pour les étrangers. Elle
tant—étant décidées par les ancêtres pour lier les lignées continue d’ailleurs de la peaufiner, y ajoutant perpétuelle-
et s’assurer d’une paix durable. ment quelque chose de neuf.
Cette structure sociale a tout de même une faiblesse, La cité reconstruite s’apprête à accueillir des étrangers
qui repose très exactement dans la source de sa force. pour la première fois. Cependant, comme n’importe
Étant donné que les individus peuvent conserver leur où ailleurs dans l’Empire, les visiteurs ne seront tolérés
statut après leur mort, rares sont ceux qui parviennent à qu’à la condition que leur comportement et leurs idées
grimper sur l’échelle sociale, qu’il s’agisse de politique, de conviennent aux croyances et aux mœurs kuraques. Il faut
commerce ou de contrôle des lignées. Alors qu’un nombre bien qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont plus en Théah.
toujours plus important de Vénérables voit le jour, les Les projets d’expansion de l’Impératrice semblent prêts
plus jeunes des mortels commencent à essayer de résister à démarrer, mais des difficultés subsistent tout de même.
à leurs aînés afin de vivre pour eux-mêmes. De plus, bien L’Impératrice s’est ainsi rendu compte que le plus grand
que les querelles intestines et autres disputes publiques obstacle qui se dresserait devant elle ne serait autre que le
soient mal vues, l’Impératrice les encourage secrètement protecteur de l’Aztlan, le Serpent à plumes. Certes, le dieu
afin d’occuper les Vénérables, et ainsi empêcher qu’ils ne millénaire ne coule pas tout navire qui touche ses terres,
se rebellent un jour contre le trône. mais il n’est pas rare qu’il s’attaque à ceux qu’il considère
comme une menace. Pour chaque étranger « invité » par
Des velléités expansionnistes l’Impératrice, deux ont été tués par Apocōātl avant même
Pendant que les nobles sont concentrés les uns sur les qu’elle ne puisse les rencontrer.
autres, l’Impératrice commence à songer à la prochaine Pour prévenir cela, l’Impératrice a convaincu Supay que
étape importante de son règne : l’expansion. Au départ, son culte s’étendrait à condition que l’Empire s’étende
elle pensait annexer des territoires situés au nord. aussi vers la Théah. Les deux époux ont ainsi travaillé
Néanmoins, l’Alliance nahuacane possède une armée bien main dans la main pour affaiblir les pouvoirs des dieux.
plus puissante que celle de l’Empire, et sa nature hostile Toutefois, l’un comme l’autre savent qu’il ne vaut mieux
et imprévisible confère au Tzak K’an une supériorité pas se mettre à dos Apocōātl, aussi l’expansion du Kuraq
tactique indéniable. Elle a donc décidé que la vision poli- se fait-elle lentement, dans l’espoir que le Serpent à
tique kuraque ferait mieux de se tourner vers l’extérieur, Plumes demeure ignorant de ce qui se trame.
vers les terres situées de l’autre côté des océans.
Depuis la venue de Gonzalez, Asiri a pris le temps de Le Pakaykuq
rassembler des informations sur les autres continents. Ses Le mouvement de résistance, le Pakaykuq, représente la
espions l’avertissent de toute nouvelle arrivée d’étrangers faible lueur d’espoir qui persiste au sein d’un Kuraq de
au Kuraq. Lorsque cela arrive, elle invite ces voyageurs et plus en plus sombre. Il s’agit de citoyens qui continuent à
les interroge sur le monde extérieur, leur extorquant plus vénérer leurs anciens dieux, rejetant le pouvoir de Supay
ou moins subtilement les informations dont elle a besoin. et des Vénérables. Grâce à des cachettes situées partout
dans l’Empire, le Pakaykuq avance main dans la main avec

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 131


LA RÉSISTANCE DIVINE
les dieux que ses membres vénèrent. Ceux-ci leur allouent Les anciens dieux du Kuraq sont le principal
obstacle au pouvoir de l’Impératrice, ainsi qu’à
d’ailleurs une petite partie de leur pouvoir afin que la
la stabilité du Kuraq. Bien qu’ils soient chassés
guérilla contre le trône puisse être menée efficacement. et aient été dépouillés de leur culte, ils n’ont pas
abandonné la lutte. Désormais, ils se cachent
Recrutement pour mieux s’opposer à l’Impératrice et au règne
Quiconque souhaite devenir membre du Pakaykuq doit des Vénérables. Pour cela, ils accordent leurs
tout d’abord vénérer les anciens dieux du Kuraq. En dons à certains mortels, les pakaykuqs, tout en
faisant attention de ne pas être pris pour cible
général, quiconque ne veut plus que l’Empire et les morts
par la Chasse divine.
contrôlent sa vie voit en ces divinités une alternative. Ces
mécontents cherchent alors à rejoindre la résistance, ou Les figures les plus emblématiques de cette
bien se font remarquer par des fidèles qui les cooptent. résistance sont Wach’i, le dieu du soleil, et
Les prospects sont testés, encore et encore, jusqu’à ce Ninaq’ara, le père des dieux. Wach’i était jadis la
que les pakaykuqs soient convaincus de leur sincérité. Ce plus puissante des divinités, le dieu tutélaire de
Kuska. Lorsque le roi Pachacunya mourut, Wach’i
n’est qu’alors qu’ils les accueillent dans l’un des temples
fut contraint de fuir. Ninaq’ara se transforma
cachés, situés loin des centres urbains pour que tout un quant à lui en vieil homme afin d’inciter le peuple
chacun—divinités comme adorateurs—soient protégés à se soulever, créant ainsi le Pakaykuq.
des tokoyriqs de l’Impératrice.
Au cœur de villes oubliées, au fond d’anciennes cavernes, Tous les dieux ne sont pas en mesure de
dans les égouts ou bien encore au creux de temples envahis s’opposer à l’Impératrice car leur pouvoir s’est
affaibli au fil des siècles. Saramama, la déesse
par la nature, les nouvelles recrues rencontrent alors leur
des moissons, a sombré dans le désespoir.
dieu et, sur leur sang, jurent de lutter contre Supay, ses Urkillay, la déesse du changement, s’est cachée
prêtres et les Vénérables. La divinité leur accorde alors sa dans les jungles profondes du Kuraq. Mama
bénédiction sous la forme d’un présent ou d’un don qui Quilla agit quant à elle de façon isolée, détrui-
les rend différents des autres. Ceux-là sont touchés par sant les Vénérables pour affaiblir le pouvoir de
les dieux, choisis pour une mission sacrée : sauver leur l’Impératrice.
Nation. Au Kuraq, il n’y a guère de partisans de la liberté
plus fanatiques que les pakaykuqs. Deux des alliés les plus importants du Pakaykuq sont
On notera que les résistants proviennent de tous milieux, membres de la cour impériale : il s’agit de la princesse
bien qu’il n’y ait dans les faits que très peu de nobles Miyatala (l’arrière-petite-fille d’Asiri, adoratrice de Wach’i)
(rares sont ceux qui souhaitent abandonner l’existence et de Tolanaq (le dernier descendant vivant de Pachacunya).
contraignante mais opulente qui est la leur). On trouve Ils tentent de rallier des familles nobles à leur cause pour
également quelques anciens prêtres renégats de Supay, qui faire éclater une guerre civile d’une ampleur telle que l’Em-
ont tourné le dos à leur dieu et aux morts. pire s’effondrerait.
Le devoir sacré des pakaykuqs est de protéger les dieux
Organisation de la Chasse divine. Pour cela, ils n’hésitent pas à atta-
Le Pakaykuq est une structure divisée en cellules indépen- quer l’Empire. Les combats qu’ils mènent chaque jour
dantes, rarement en contact les unes avec les autres afin à travers le Kuraq ont par bien des aspects l’étoffe des
d’empêcher qu’un groupe ne puisse dénoncer l’ensemble légendes. Cependant, pour l’heure, le Pakaykuq n’a pas
de l’organisation sous la torture. plus de pouvoir politique que n’importe quelle révolu-
Le chef du Pakaykuq n’est autre que le père des dieux, tion souterraine. Nombre de Kuraques ne sont en effet
Ninaq’ara. Vieux et rusé, il cherche à ce que le peuple même pas au courant de son existence. Mais alors que
kuraque se soulève contre l’Empire. Il bouge constam- l’Impératrice resserre son emprise sur le pays et que les
ment et reste en contact avec Wach’i. Ce dernier mène le nobles continuent de contrôler la vie de leurs héritiers,
mouvement depuis le front, offrant à l’Empire une cible de plus en plus de dissidents rejoignent secrètement
mouvante que les awqayllis traquent sans relâche. la révolution.

132 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Difficultés internes Culture
Wach’i, Ninaq’ara et les cellules du Pakaykuq savent
qu’ils devront un jour sortir de l’ombre pour mener la « L’histoire d’un peuple est le pilier de son présent,
véritable révolution. Toutefois, face au pouvoir toujours une vérité pure qui résonne à travers les âges.
plus vaste du dieu de la mort et de l’Impératrice, ils n’ont Quand on étudie la culture de notre grand Empire,
pour l’heure aucune garantie de victoire. Étant donné que on se rend compte que ses fonda-
c’est l’avenir du Kuraq qui se joue, nul ne souhaite risquer tions sont faites de son histoire,
la défaite. que celle-ci constitue chaque brique de l’édifice du présent.
Les pakaykuqs ont également un problème avec l’or- Si vous comprenez l’histoire,
ganisation générale de leur mouvement. Chaque cellule alors vous verrez le rôle que vous avez à y jouer
est si indépendante des autres que la communication est et vous apercevrez votre propre chemin vers la grandeur.
très compliquée. Les messages secrets sont envoyés via Notre culture est à la base de notre force,
des tissus tissés aux motifs rouges, jaunes et dorés à la dans cette vie comme dans la suivante. »
gloire de Wach’i, ou bien grâce aux Coursiers fidèles à leur —Discours de Titu Thonapa,
cause. Malheureusement, les messages se perdent souvent. érudit de P’alqacamba
Chaque cellule ne compte donc que sur elle-même pour
planifier la suite des opérations. Géographie
La résistance est également compromise par la grande L’Empire kuraque se trouve à l’extrême sud de ce qui
hétérogénéité de ses membres, qui vénèrent différents était autrefois l’Empire aztlan, séparé de ses voisins du
dieux et proviennent de nombreuses classes sociales. Les nord par une fine bande de terre. Bien que son territoire
querelles et les conflits sont donc inévitables. soit vaste, son relief est parcouru d’énormes chaînes de
Pire encore, au lieu d’agir contre le pouvoir en place, montagnes qui s’élèvent parfois aussi haut que les nuages.
les pakaykuqs passent la majeure partie de leur temps Ces formations rocheuses naturelles séparèrent jadis les
à protéger leur dieu de la Chasse divine. De nombreux populations les unes des autres, empêchant pendant bien
meneurs de différentes cellules ont demandé à Ninaq’ara longtemps toute forme d’unité politique.
de recruter des gens de l’extérieur pour les aider, par À cette époque, les Coursiers traversaient les contrées
exemple des Nahuacans, des Tzak K’aniens, voire des sauvages et inhospitalières, transmettant provisions,
Théans. Pour le moment, le dieu a fermement refusé. messages et récits d’une communauté à l’autre. Considérés
Cependant la résistance a du mal à s’imposer face à l’Em- comme des Héros aux yeux des Kuraques, ces vaillants
pire et cette idée a de plus en plus de partisans. messagers représentaient la voix dans les ténèbres, le pont
qui s’étirait d’une culture tribale à l’autre.
Après l’unification du pays, l’Empereur Pachacunya fit
construire des infrastructures permettant de relier les
différents foyers de population. Ce réseau très élaboré relia
les territoires les plus lointains jusqu’à Kuska, la capitale.
Ces routes permettaient aux marchands, aux commer-
çants, aux artisans et bien sûr aux prêtres de Supay de
voyager à travers l’Empire. Les échanges commerciaux le
long des côtes et des rivières se développèrent également.
Le prélèvement d’une dîme permit ensuite d’établir un
système de gestion de l’eau et des ordures dans toutes
les villes, d’assurer l’irrigation des zones rurales, d’entre-
tenir les infrastructures et de rémunérer les Coursiers ou
les tokoyriqs.
Grâce à ces routes, un système législatif centralisé put
être mis en place. Les lois édictées par le trône—qu’elles
concernent le commerce, les échanges équitables ou la

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 133


circulation des produits—s’imposèrent alors à tous les Le libre-commerce est encouragé et amène des échanges
citoyens du pays. Tout cela contribua à la construction vifs qui ne sont régulés que par les lois impériales. Les
d’une culture commune à tous les Kuraques. marchés à ciel ouvert, véritables cœurs commerciaux
Après la prise de pouvoir d’Asiri Inkasisa, la sécurité des villes, débordent de couleurs et de bruit : artisans,
des routes fut assurée par les tokoyriqs. Les Coursiers marchands, commerçants et ouvriers se croisent dans
furent quant à eux intégrés à l’administration impériale. les allées, se disputant la meilleure place pour disposer
Toute attaque envers ces gardiens des routes, honorés et leurs marchandises, se décidant finalement en fonction
respectés du peuple, fut désormais punissable de mort. de la popularité et de la richesse de chacun. Les artisans
Au vu de l’étendue du territoire, et pour qu’il soit dirigé vaquent quant à eux à leur tâche non loin, tandis que
le plus efficacement possible, le royaume fut divisé en les travailleurs des métiers les plus sales opèrent dans le
régions, appelées suyus. Kuska, la capitale, se trouve très niveau le plus bas de la ville, près de ses murs.
exactement au point de jonction de chacune de ces suyus. Les rues des villes sont faites de pierre, les murs étant
Depuis la pyramide qui domine la cité, l’Impératrice peut propres et colorés, décorés de motifs géométriques et
ainsi contempler son royaume dans toutes les directions, parfois recouverts de fresques peintes dans les quartiers
effleurant de son regard tous les Kuraques qui y vivent. les plus riches.
La vie au Kuraq diffère largement en fonction du lieu Les domaines de la noblesse—ou panacas—sont
d’habitation, qu’il s’agisse de la ville, de la campagne ou quant à eux construits dans les hauteurs et font office
des territoires sauvages qui les séparent. de centres névralgiques. Toutes les rues y mènent, et les
gens s’y rendent quotidiennement pour y apporter des
La vie en ville nouvelles, faire commerce ou se rendre dans les jardins.
Quatre grandes villes structurent le paysage urbain Une même ville peut avoir plusieurs panacas, mais
kuraque. À l’extrême nord se trouve Apuchsuyu, lieu celui de la famille dirigeante sera toujours le plus
de naissance de l’Impératrice et berceau de comptoirs élevé. Ce domaine se démarque des autres par un
commerciaux prospères comme Aqo Allpa et P’alqacamba. simple mur qui le sépare du commun des mortels.
Au nord-est de Kuska se trouve Antasuyu ainsi que les De là s’ouvre un vaste jardin au milieu duquel est
nombreuses cités satellites dirigées par sa noblesse, notam- construite une huaca, imposante pyramide construite
ment Kapuli, la ville des plaisirs, ou Patanatambo, berceau de manière à imiter la forme des montagnes sacrées.
de l’ancienne dynastie de Pachacunya. K’uychisuyu repose Ces monuments sont imbriqués dans les collines, et
quant à elle au sud-ouest et sert de grenier à l’Empire ; leurs chambres s’enfoncent profondément dans la roche.
on notera que c’est là que se trouve l’une des places fortes D’immenses escaliers sinuent sur les côtés, menant à
les plus importantes du Pakaykuq. Enfin, au sud-est se des jardins en terrasse aménagés, qui débordent d’une
trouve Manchansuyu. végétation luxuriante et disposent de promenades
Bien qu’unifiées par la culture commune de l’Empire, dont les chemins offrent des vues imprenables sur les
toutes ces villes ont préservé une partie de leur iden- sublimes demeures.
tité originelle. Certains principes communs se sont Les membres les plus puissants de ces maisons nobles
depuis étendus à tout l’Empire. Par exemple, les gens vivent dans les appartements les plus hauts, au sommet
croyaient autrefois que plus on vivait près des nuages, des panacas, juste en dessous de la huaca. Gardes,
plus on était près des dieux, ce qui explique pourquoi la serviteurs et invités logent dans les étages inférieurs,
plupart des cités sont construites sur plusieurs niveaux, suivant leur rang et leurs années de service.
les populations pauvres vivant tout en bas tandis que Au cœur de chaque panacas se trouve également la
les riches se sont installés sur les terres les plus hautes. crypte familiale, protégée par une série de caveaux
La vie citadine est le plus souvent agitée, bruyante gardés par les prêtres de Supay et les awqayllis. Les
et intense. Ici, tous les citoyens se côtoient, profitant corps momifiés des Vénérables y sont conservés, et nul
des événements sportifs, des festivals, des temples et ne peut y entrer sans autorisation, sous peine de mort.
des jardins publics. Seuls les Vénérables exigent d’être Chaque cité possède enfin un temple dédié à Supay,
traités avec déférence, et la population se montre encore lequel occupe une place d’importance à côté du plus
plus respectueuse quand il s’agit d’un Porte-parole. grand panacas. Il est toujours visible depuis toute la ville.

134 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


La vie à la campagne
De nombreux fermiers, pâtres et commerçants itiné-
rants se sont installés en dehors des zones urbaines,
travaillant dur à la culture de leurs terres. À des
kilomètres autour de chaque ville, les communautés
rurales étendent l’influence des foyers de population.
Ils opèrent parfois sous la protection des nobles, mais
sont le plus souvent indépendants.
Ces communautés travaillent assidûment, main
dans la main, à un futur prospère. Ces territoires
sont essentiels à la production agricole du royaume
et, sans eux, la population du Kuraq mourrait de
faim. Une partie non négligeable œuvre également à
couper le bois servant à construire la toute nouvelle
flotte de l’Empire.
Dans ces milieux ruraux, la vie exige davantage
d’autogestion, ce pour quoi elle est bien moins
centralisée qu’en ville. Chaque communauté se
gère en grande partie seule, un chuki (homme hono-
rable) ou une palla (femme respectée) servant de
chefs pour trancher les conflits et représenter ses
membres. Sur les plus grands territoires, un repré-
sentant—ou takiy—agit en tant que coordinateur
entre les nobles et la palla (ou le chuki). Le takiy
prélève également la dîme que les Kuraques doivent
à l’Impératrice. Dans le cas d’un paiement insuffi-
sant, les communautés doivent combler le manque
comme elles le peuvent.
La sûreté est impérative dans ces régions, car
au-delà des terres agricoles, des vergers et des pâtu-
rages, il y a des terres sauvages peuplées d’animaux,
de bandits, de révolutionnaires et de Monstres qui
attaquent quiconque croise leur chemin. Les milices
locales sont donc courantes, et les communautés
s’unissent pour faire face aux crises, qu’il s’agisse de
mauvaises récoltes ou d’attaques de bandits. Quand
ces dangers se font trop graves, les chefs ou les takiy
peuvent adresser des demandes aux nobles voisins
pour demander leur aide. Le plus souvent, ce sont
les tokoyriqs qui sont envoyés. Leur réaction est
rapide, efficace et mortelle.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 135


La vie dans les territoires sauvages Il existe une règle importante qui concerne tous ceux qui
À l’écart des régions rurales se trouvent les lieux les plus voyagent dans ces lieux reculés : la Trêve de l’eau. Quand
mystérieux du pays, des endroits reculés et sauvages deux voyageurs se croisent dans ces contrées sauvages, ils
que même la main de l’Empire n’a pas encore touchés. doivent s’entraider pour trouver de l’eau et ne jamais empê-
Nombre de ces territoires se trouvent loin des routes, cher l’autre de le faire. Ainsi, même quand des ennemis se
dissimulés par le relief de leurs frontières géographiques. rencontrent près d’une source, ils doivent respecter la Trêve
La jungle est remplie d’endroits sombres où sommeillent et permettre à l’opposant de se rafraîchir avant que chacun
des dangers anciens, quant aux montagnes, elles sont creu- ne reprenne son propre chemin. Ceux qui violent cette
sées de cavernes profondes qui s’enfoncent jusqu’à toucher loi sont considérés comme des traîtres à l’Empire, et sont
l’outre-Monde. traqués et punis par les tokoyriqs.
Les jungles profondes qui poussent au pied des grandes
montagnes sont pleines de dangers. On parle par exemple Hiérarchie sociale
de défunts furieux et de morts-vivants ayant perdu la raison Bien que la société impériale ne se soit pas construite sur
depuis très longtemps. Ces corps pourrissants s’exhument un système rigide, la population n’en demeure pas moins
de leurs tombes quand ils sont dérangés, mettant en pièces séparée en différentes classes sociales hiérarchisées. En
ceux qu’ils croisent pour se repaître de leurs entrailles, et dépit de la rigidité du système, il est possible d’y évoluer
leur faim ne connaît pas de limite. La plupart des voyageurs quand on travaille dur et qu’on saisit les bonnes opportu-
contournent ces lieux, mais il y a foule de rumeurs au sujet nités. Nul n’est discriminé quant à ses origines, son genre
de trésors, vestiges d’un âge passé, depuis longtemps aban- ou son orientation sexuelle. Au Kuraq, tous ceux qui se
donnés dans ces océans verts. Nombre de cités perdues se dépassent sont un jour récompensés.
trouvent enfouies là, ainsi que les temples des dieux qui
ont été abandonnés à la végétation. Seuls les plus robustes Les classes dirigeantes
explorateurs partent en quête de ces ruines. La plupart ne Au sommet de la société se trouvent l’Impératrice et sa
reviennent jamais. maison royale.
Épine dorsale de l’Empire, la cordillère Hark’apa compte En dessous se trouvent les familles nobles, descendantes
les lieux sauvages les plus célèbres du Kuraq. Jadis, les gens des anciens rois des cités-États que le premier Empereur
considéraient les pentes comme des lieux mystiques, des a unifiées en promettant à leurs dirigeants de rejoindre
endroits où entrer en contact avec le grand ciel bleu et le les rangs des Vénérables. Ces familles possèdent toute
divin. Bien que l’Empire ne vénère plus la plupart de ces la même hiérarchie stricte, leurs plus anciens ancêtres
dieux, les montagnes et les hauts sommets sont toujours commandant aux autres Vénérables ainsi qu’aux descen-
vus comme des lieux de prière et de méditation où chacun dants mortels. Ces aristocrates font office de gouverneurs
peut entrer en communion avec soi-même et ses ancêtres, et des différents suyus, reversant l’impôt à l’Impératrice
trouver la paix et l’inspiration. Cette idée reste ancrée dans et faisant respecter ses lois, le tout sous l’œil attentif
l’esprit des Kuraques et n’en sera jamais effacée. La violence des tokoyriqs.
n’est pas autorisée dans ces régions sauvages, peu importe Puis viennent les familles qui ont juré de servir les
l’origine du conflit, et les montagnes sont considérées maisons nobles, des serviteurs aux gardes personnels. Au
comme des chemins où l’on peut voyager en toute sécurité. Kuraq, on n’embauche généralement pas un individu isolé
De tout temps, de nombreuses rencontres entre camps mais toute une lignée : tous ses membres font serment
rivaux ont été organisées sur les sommets de la cordillère. de servir, et cette promesse engage tant les vivants que
Sur les flancs des montagnes, des terrasses naturelles sont leurs futurs descendants. Les nobles consultent ensuite les
depuis longtemps entretenues de manière à accueillir ces Vénérables des familles servantes pour attribuer les rôles
rencontres, aménagées de bâtiments de pierre meublés où et les fonctions. Ainsi s’enchaînent des générations qui
les voyageurs peuvent se reposer. Les commerçants qui n’ont aucun contrôle sur leur avenir, lequel répond simple-
approvisionnent les voyageurs des cimes sont traités avec un ment aux besoins des dirigeants. Bien que ces serviteurs
grand respect, servant parfois d’arbitres entre les différents ne soient pas considérés comme nobles, leur rang est bien
camps venus chercher une solution à leur problème sur les plus élevé que celui de n’importe quel citoyen kuraque.
versants montagneux. Servir dans l’aristocratie est vu comme un grand privilège.

136 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Les marchands, les militaires et les prêtres les études est vue comme l’une des plus belles formes de
Après les nobles et leurs maisonnées viennent les familles loyauté à l’Empire. L’échec n’est pas autorisé, et la redirec-
de commerçants, marchands et militaires qui assurent tion vers un autre métier est souvent synonyme de rétro-
des services indispensables à l’Empire. C’est la réussite de gradation : elle apporte la honte sur la famille du concerné.
chacun qui décide de son rang, et ceux qui se distinguent Après avoir réussi son évaluation des seize ans, l’enfant
par leur talent ou leur bravoure obtiennent des rangs devient adulte et quitte son apprentissage pour s’en aller
encore plus élevés. travailler ailleurs ou se marier. Les fiançailles sont le plus
Les prêtres de Supay constituent quant à eux une classe souvent arrangées par les aînés, qui s’assurent de trouver
à part. Avec les tokoyriqs et les awqayllis, ils sont vus à leurs descendants des partenaires fiables pour prolonger
comme des serviteurs particuliers de l’Empire. S’attaquer la lignée. Les jeunes gens n’ont pas d’autre choix que de
à un tokoyriq, un awqaylli ou un prêtre, c’est s’attaquer à consentir à ces unions (à défaut, les aînés leur forcent la
leur caste entière, et le châtiment est sévère. Nombreux main, par la corruption ou la menace). Les couples de
sont ceux qui considèrent les prêtres comme les véritables même sexe doivent disposer d’une mère porteuse ou d’un
dirigeants du Kuraq, ce pour quoi le peuple leur adresse donneur de sperme pour assurer la continuité de la lignée.
encore plus de respect qu’aux familles nobles. Il est à noter qu’au Kuraq, on peut épouser les morts. Un
Vénérable peut se remarier après le décès de son conjoint.
Les indigents Les membres d’une même famille vivent généralement
Enfin, la dernière classe est celle des indigents, ceux qui sous le même toit ou dans des demeures regroupées
n’ont aucune famille pour témoigner de leur lignée, ni autour de la crypte qui abrite leurs Vénérables. Les enfants
de travail stable pour survivre. Au Kuraq, ceux qui sont sont éduqués en commun. On leur inculque le respect
sans emploi sont vus comme une charge et sont souvent et l’affection pour tous, surtout envers les aînés. Tout le
considérés comme des traîtres à la grandeur de l’Empire. monde doit travailler, même à un grand âge. Quand leur
âge les empêche de contribuer à la société, les membres
Vie quotidienne de sa famille se réunissent pour décider de son futur : la
Bien que le quotidien des Kuraques diffère en fonction de personne doit-elle mourir ou rejoindre les Vénérables ?
leur lieu de vie et de leur classe sociale, certaines choses
sont communes à tous.
À cinq ans, qu’importe son statut, l’enfant est évalué par
sa famille. Les Vénérables font office de juges, le testant
pour décider de ses études et du corps de métier qu’il
intégrera. L’éducation qui s’ensuit est alors dirigée vers
cet unique objectif.
Au Kuraq, même le plus pauvre des gamins a le droit à
une éducation de base transmise par les amautas (profes-
seurs) de l’école publique. On leur fait mémoriser de
nombreux enseignements pratiques allant des unités de
mesure calculées en doigts (de la main ou du pied) à la
distance équivalente à un thatki (un pas). Chaque enfant
apprend en plus à calculer les chiffres et les opérations les
plus complexes sur des quipus, de longues cordes tressées.
Il doit enfin apprendre par cœur l’histoire de l’Empire en
remontant jusqu’au premier Empereur (en connaissant
les noms des familles nobles ainsi que ceux de sa propre
lignée). Aucune écriture ne permet de retranscrire ce
savoir, aussi la mémoire est-elle au cœur de l’apprentissage.
L’enfant est réévalué à ses dix ans, à l’aube de son
apprentissage, puis à ses seize ans. La persévérance dans

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 137


Ce don de soi est stressant, c’est pour cela que les nobles Franco Gonzalez des économies monétaires théanes. Peu
offrent à chacun divers plaisirs ; jardins pour se détendre, à peu, le troc a commencé à être remplacé par l’ipa dans
amphithéâtres où tenir des spectacles, arènes sportives la plupart des régions. Nombreux sont les traditionalistes
pour que chacun s’exerce ou pour jouer des matchs de jeu qui détestent cette innovation—ou ne voient pas de
de balle. Cela permet de maintenir un équilibre sain entre bonne raison de modifier leurs pratiques commerciales—
travail et plaisir. De nombreux aristocrates distribuent mais quand l’Impératrice insiste, l’Empire obéit.
également des feuilles de coca à mâcher ou à consommer. Les ressources qui ne sont pas exportées servent prin-
Cette plante miracle apaise les nerfs et permet au peuple cipalement à innover dans tous les domaines possibles,
de se consacrer à ses devoirs avec moins de pression. et notamment en agroalimentaire et en médecine. Des
Vénérables guérisseurs ont voyagé pendant plusieurs
Noms kuraques générations pour étudier les plantes et développer des
Les Kuraques prennent le nom de leur ancêtre le plus techniques avancées de chirurgie, notamment du cerveau
important (peu importe le niveau de descendance) auquel et de la colonne vertébrale. La recherche médicale s’inté-
ils apposent le suffixe churi (fils de) ou ussi (fille de). Par resse aussi aux meilleures méthodes de préservation des
exemple Atoqa Sonqo’ussi est Atoqa fille de Sonqo. corps momifiés. Du fait de cette science en plein essor,
Prénoms masculins : Amaru, Atec, Atikuq, Ch’awchi, des marchés noirs revendant des morts à la recherche
Kumya, Manqho, Samin, Sumaq. médicale fleurissent partout dans l’Empire.
Prénoms féminins : Atoqa, Chaska, Cocohuay, Illari, Les autres ressources de l’Empire sont consacrées à la
Kayara, Paqari, Quilla, Sonqo, Wayta. création de nouvelles infrastructures destinées à faire du
Kuraq la Nation la plus avancée d’Aztlan. L’importance
L’économie que l’Impératrice accorde à l’éducation a mené à l’ouver-
Depuis l’unification des cités-États, l’Empire a alloué de ture d’écoles impériales publiques à travers tout le pays.
nombreuses ressources à la consolidation du commerce et Du fait de la mise en place de l’ipa, l’extraction minière
à l’expansion économique. L’une des premières décisions de l’or est devenue une industrie importante pour les
de l’Impératrice fut ainsi d’instaurer des lois rendant régions montagneuses du sud. Les routes qui relient les
obligatoires les échanges commerciaux équitables. Ainsi, suyus sont entretenues et sans cesse améliorées, les ingé-
si le troc constituait une large part des échanges, chacun se nieurs étendant toujours plus les chemins connus jusque
devait de suivre une grille de prix « juste et stable » établie dans les montagnes et les contrées reculées. Les nouveaux
et mise à jour par le Conseiller impérial du commerce. systèmes d’excavation de tunnels permettent de construire
Ces lois servaient également à réguler les flux de des entrepôts souterrains servant à l’approvisionnement,
marchandises entre les différents suyus ou vers les pays ce qui a conduit à la création de vastes réseaux de tunnels
voisins en incluant un système de taxes bénéficiant aux labyrinthiques sous les villes.
coffres du trône. Avant que cela soit mis en place, il n’y Celles-ci sont presque toujours en cours de rénovation
avait pas de taxe mais une contribution en services et afin de pouvoir accueillir la population—vivante comme
en travaux offerts à la communauté. Cette pratique— morte—toujours croissante. Ces travaux se concentrent
appelée le llank’ay—a encore lieu aujourd’hui dans les sur d’énormes systèmes de canaux qui permettent
régions rurales du pays où les nobles peuvent se montrer d’amener de l’eau fraîche à chaque cité, offrant ainsi une
moins rigides. meilleure hygiène aux habitants.
Le système d’irrigation et d’agriculture avancé du Très récemment, l’Impératrice a commencé à consacrer
Kuraq—créé par des générations de Vénérables qui ont une grande partie de son économie à la construction de
mis à profit leurs siècles d’expérience—a transformé les navires, officiellement réservés au commerce. Elle a ainsi
terres fertiles du pays en une formidable machine agricole. fait venir au Kuraq des constructeurs de navires afin de se
Nourriture, textiles, animaux, armes : tout est produit sur créer une véritable flotte. Grâce aux imports de bois et aux
place et vendu à l’étranger. abattages locaux, l’Impératrice sera bientôt en possession
Afin de réguler ces exports massifs, l’Impératrice a établi d’une flotte capable d’envahir n’importe quel endroit en
un étalon-or de référence. La création de cette monnaie Aztlan, ce qui ne manque pas d’inquiéter les diplomates
impériale, l’ipa, fut inspirée de la description faite par nahuacans et tzak k’aniens.

138 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


L’art à l’ombre des morts La peine appliquée pour un vol, quel qu’il soit, est
Toute l’énergie du Kuraq étant concentrée sur l’innova- toujours la mutilation. La sévérité dépend de la nature
tion et l’industrie, l’art est passé au second plan depuis du larcin. Dans les cas les plus graves, il n’est pas rare que
quelques générations. De nombreux artistes étaient jadis l’accusé perde un membre ou soit gravement handicapé.
entretenus par les temples et leurs communautés, mais Ceux qui survivent sont libérés pour servir d’exemple,
une fois ces revenus épuisés, ils ont été contraints d’uti- pour que tous voient leurs cicatrices et aient conscience
liser leur force de travail ailleurs. Aujourd’hui, les seuls de leur statut. La loi contraint ces condamnés à répondre
qui parviennent à vivre de leur art sont ceux qui sont franchement quand on les interroge sur leur faute (ils
employés par les nobles. Les autres Kuraques pratiquent doivent faire de leur histoire un exemple à ne pas suivre),
l’art sur leur temps libre. Chez les pakaykuqs, cela s’est dès lors, ils représentent le rang le plus bas de la société
même transformé en une forme de résistance. et ne peuvent désormais plus compter que sur la bonté
Les révolutionnaires réalisent ainsi des peintures sur d’autrui pour survivre. Souvent, les gens les remercient
les murs, cachent leurs messages dans des confections de leurs récits par un peu de nourriture ou d’aide, aussi
textiles, dissimulent leurs plans dans des chansons ou les criminels ont-ils mieux fait d’être de bons conteurs,
des histoires transmises grâce aux Coursiers renégats. ou ils risquent la famine. On notera que les trahisons
Lorsqu’une telle pratique est repérée, les tokoyriqs mineures envers l’Empire—par exemple dire du mal de
retirent rapidement les œuvres de la circulation et l’Impératrice—sont également punies par la mutilation.
punissent les artistes concernés. La peine de mort est quant à elle rapide et brutale. Un
tel châtiment n’est réservé qu’aux pires criminels, ou aux
Les infractions, récidivistes qui ont déjà perdu plusieurs membres pour
les jugements et les peines d’anciens crimes. La trahison répétée envers l’Empire est
Toutes les lois kuraques reposent sur un même triple le crime le plus communément puni du châtiment ultime.
principe : ama sua, ama llulla, ama quella (ne vole pas, ne Le coupable est lapidé, pendu ou poussé du haut d’une
mens pas, ne sois pas paresseux). falaise. Le corps détruit ne pourra pas être momifié pour
Lorsqu’un individu enfreint une loi, on l’amène devant rejoindre les rangs des Vénérables. Les pires criminels
le dépositaire de l’autorité impériale—un noble ou un sont ensuite effacés de l’histoire et de la lignée familiale,
takiy—pour être jugé. L’autorité de ce dernier découlant engloutis par le vaste passé et oubliés de tous.
de celle de l’Impératrice, mais également du conseil des Tous les châtiments sont appliqués par les tokoyriqs,
Seize, les Kuraques estiment qu’il est nécessairement dont la loyauté à l’Impératrice est considérée comme
impartial (ce pour quoi il ne peut pas être poursuivi en absolue. Leur neutralité est, par conséquent, totale.
cas d’erreur de jugement). Dans les faits, cependant, la
corruption n’est pas rare dans l’Empire, et ceux qui ont
les moyens de verser un pot-de-vin s’arrangent souvent
pour obtenir un jugement favorable.
On n’emprisonne que peu au Kuraq, la plupart des
crimes se payent donc avec l’honneur ou le sang.
Les crimes mineurs, tels que le atteintes à la personne
et autres faits de paresse, sont punis par des humilia-
tions publiques lors desquelles l’accusé est ridiculisé
et bombardé d’objets. Celui qui refuse le châtiment
doit payer en llank’ay, c’est-à-dire servir gratuitement
la communauté pour une durée établie par le juge. Le
gaspillage de toute ressource est également perçu comme
un crime car il nuit à l’ensemble de la communauté. Les
jugements concernant ces affaires sont rapides, publics
et sévères.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 139


Religion Grâce à lui, le Kuraq prospère et l’Impératrice est encore
« Je transmets ici le message de Naqual, plus puissante. Les autres dieux lui ont tourné le dos. Peu
soldat appartenant aux tokoyriqs de Kuska. lui importe, il n’hésite pas à les dénoncer en échange de
Il salue son père et commandant, qu’il espère en bonne santé. sa propre sécurité.
Il souhaite vous communiquer les messages répandus
par le Pakaykuq dans l’Empire afin que Katoylla, le dieu des tempêtes
vous preniez connaissance des intentions des rebelles : Puissant et féroce, Katoylla, dieu des tempêtes et des ports,
ces derniers souhaitent rappeler au peuple les était autrefois le protecteur de la jeunesse. Il officiait aux
traditions des dieux désormais bannis. fêtes qui célébraient le passage à l’âge adulte. Il a aujourd’hui
Moi, humble Coursier, je vous demande perdu presque tous ses fidèles, ce qui a brisé son pouvoir. Il
de garder en mémoire que ces paroles voyage donc en semant sa révolte contre l’Empire, précédant
sont celles des rebelles, pas celles du messager. » la Chasse divine qui le traque, se riant de la menace.
— Message transmis par le Coursier Moraika, On dit que sa chance va bientôt s’épuiser. Le Kuraq
d’après les souvenirs d’un membre du Conseil des Seize perdra alors malheureusement l’une de ses dernières
figures indomptées.
Les dieux du Kuraq
Contrairement aux Nahuacans et aux Tzak K’aniens, les Kikinpaq
Kuraques pensent que les dieux-rois n’ont pas péri—ou Kikinpaq est un des enfants du Serpent à plumes en
fui—pendant la Chute. Ils croient que leurs dieux, et personne. Cette créature terrifiante et monstrueuse, aussi
notamment Supay, sont les dieux-rois de jadis. La vérité puissante qu’inconstante, parcourait la Terra aux premiers
est toutefois plus compliquée que cela. jours de l’Aztlan. Lorsque Ninaq’ara donna corps aux
Après la Chute, les Kuraques oublièrent l’existence des dieux pour qu’ils viennent en aide aux humains, Kikinpaq
dieux-rois. Ce n’est que lorsqu’ils se remirent à construire les rejoignit afin de protéger l’Aztlan, simplement parce
des villes que leurs divinités actuelles se présentèrent à eux. qu’il aimait les humains et leur ingéniosité.
Marchant parmi le peuple, elles leur indiquèrent comment Cet amour l’amena à aider à l’instauration de la paix
cultiver la terre et leur montrèrent comment les vénérer entre les dieux et les rois mortels de jadis. Ainsi, quand les
afin de bénéficier de leurs grâces. cités-États repartirent en guerre, la rage plongea Kikinpaq
Cela se déroula ainsi pendant des siècles, jusqu’à ce que dans un profond sommeil dont il n’est pas encore sorti.
les prêtres de Supay ne commencent à traquer les autres Aujourd’hui, de nombreux prêtres de la mort désirent
dieux pour qu’ils soient à jamais effacés de la création, les sacrifier Kikinpaq à Supay. Ils pensent qu’un tel sacri-
forçant à se cacher dans des refuges secrets pour sauver fice ultime le rendrait définitivement invulnérable. En
leur vie. Les prêtres de la mort ont désormais pris les réalité, si Kikinpaq était retrouvé et sacrifié, ou simple-
rênes de l’Empire et chassé—ou tué—tous ceux qui ment réveillé pour aider les Kuraques, le chaos qu’il
demeuraient fidèles aux autres divinités. causerait dépasserait l’entendement.
Les prêtres de Supay ont assassiné de nombreuses divi-
nités. Neuf seulement ont survécu au massacre. Elles sont Mama Quilla, la déesse des enfants
désormais en fuite, vénérées secrètement par les rares fidèles Les actions des prêtres de Supay ont révolté l’une des
qu'il leur reste, attendant le jour où les dieux et les pakaykuqs figures célestes les plus pacifiques. Mama Quilla, déesse de
libéreront enfin le Kuraq du joug tyrannique des Vénérables. la lune, du mariage et des enfants, était jadis la fille la plus
calme de Ninaq’ara. Depuis, elle a entendu trop de prières
Ekekko, le dieu de l’opulence venues d’enfants qui, par la volonté des Vénérables, étaient
Ekekko, dieu de l’opulence, est un traître aux autres dieux. contraints à des existences dont ils ne voulaient pas.
L’histoire raconte que lorsqu’il fut capturé par la Chasse À présent, elle parcourt le monde, libère les vivants
divine, il marchanda avec les prêtres de Supay pour sauver prisonniers de leurs ancêtres morts et accorde sa béné-
sa vie. Il offre désormais son aide et ses grâces à l’Empire, diction à tous ceux qui désirent être libres. Elle accomplit
apportant ainsi la fortune au trône, mais aussi la santé cette tâche de la manière la plus violente possible : en
au peuple. détruisant les Vénérables.

140 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Ninaq’ara, le père des dieux Supay, le dieu de la mort
Fils du Serpent à Plumes, Ninaq’ara, le père des dieux, Supay, le dieu de la mort, est le plus puissant et le plus
sortit des grandes cavernes souterraines pour offrir sa populaire des dieux du Kuraq. Chaque chant, chaque
lumière au monde et lui donner le ciel et les autres dieux. récit et chaque temple lui est dédié. Jadis, Supay œuvrait
Ninaq’ara fut un puissant protecteur du peuple jusqu’à la avec son père, Ninaq’ara, faisant office de faucheur d’âmes,
Chute. La perte du grand Empire l’attrista, et il renonça protecteur et gardien de l’au-delà.
à ses pouvoirs pour parcourir la Terra sous l’apparence Très tôt, ses prêtres le consultèrent pour apprendre les
d’un vieil homme. savoirs et les secrets du monde des morts. Souhaitant
Il resta ainsi jusqu’à ce que Supay s’élève contre les autres rendre ses disciples puissants, Supay introduisit la sorcel-
dieux. Remarquant le déséquilibre causé, il réapparut, prêt lerie dans le monde des vivants. Peu après, les prêtres
à soulever son peuple contre l’Empire. Il est la mémoire commencèrent à parcourir tout le territoire afin de trans-
vivante du passé, le gardien de la vérité. former la Nation en terre des morts. Désormais, tout le
monde s’agenouille devant les défunts de l’Empire.
Pachamama, la déesse des dragons On murmure toutefois que le dieu de la mort ne se
Sœur de Kikinpaq et fille du Serpent à plumes, montre plus à ses disciples. Beaucoup se demandent s’il
Pachamama est elle aussi un être monstrueux. Déesse des est satisfait de la tournure des événements. Le Pakaykuq
dragons, elle est capable de dissimuler son vrai pouvoir dit que Supay est devenu prisonnier de son propre culte,
et d’apparaître dans n’importe quel lieu, sous n’importe et que l’équilibre doit être restauré si l’on veut libérer le
quelle forme. Changeforme accomplie, Pachamama dieu de la mort de ses fidèles.
fut autrefois abandonnée par son autre frère et amant,
Ninaq’ara. Elle se mit alors à arpenter l’Aztlan, protégeant Urkillay, la déesse du changement
les enfants du Kuraq quand personne d’autre ne le pouvait. L’histoire d’Urkillay est celle d’une changeforme. Fille de
Depuis le début de la Chasse divine, Pachamama Ninaq’ara, elle voyagea dans le monde entier en quête d’un
parcourt la Terra en espionne invisible, récompensant endroit où se sentir à sa place. Peu à l’aise avec les autres
ceux qui agissent dans l’ombre pour combattre l’Empire. dieux ou même avec l’humanité, Urkillay a trouvé son
Son objectif est de réveiller Kikinpaq de son long sommeil bonheur parmi les animaux et est devenue la protectrice
afin qu’ils combattent à nouveau côte à côte. de la vie sauvage et de la nature, déesse du changement, de
la faune et de la flore primaires.
Saramama, la déesse des moissons Quand la Chasse divine a été lancée, Urkillay s’est retirée
La tristesse d’une mère qui observe ses enfants avec déses- au plus profond de la jungle afin de continuer à protéger
poir marche dans les pas de la déesse des moissons. Là les siens. Cependant, les chasseurs se rapprochent, ce qui
où, jadis, les gens labouraient et récoltaient avec joie en l’a décidé à se mettre en chasse elle aussi. Très bientôt, les
célébrant la terre, il n’y a désormais plus que l’oppression prédateurs deviendront ses proies.
d’un empire qui les force à planter et cultiver par crainte
de l’approche de la dîme. Wach’i, le dieu du soleil
Saramama est tombée dans une dépression profonde. Quand Ninaq’ara a enfanté les dieux, il s’est d’abord créé
Elle est gardée par le Pakaykuq et ses disciples. Nombreux un fils et lui a donné le pouvoir de la lumière primordiale.
sont ceux qui considèrent son inaction comme une Wach’i est ainsi devenu le dieu du soleil, protecteur du
faiblesse dangereuse, notamment parmi les pakaykuqs qui peuple et symbole d’abondance pour le monde. Durant
risquent leur vie pour protéger une déesse quasi amorphe, des générations, il a été le dieu des guerriers et des
mais tous espèrent un jour la voir se redresser pour aider fermiers, des nobles et des roturiers.
le peuple. La prise de pouvoir de Supay—et l’assassinat consécutif de
Pachacunya—lui furent fatal. Durant longtemps, Wach’i fut
en deuil, pourchassé à travers tout le Kuraq par les prêtres de
la mort. Lorsque Ninaq’ara réapparut, le fier guerrier rejoignit
son père à la tête du Pakaykuq, apportant sa lumière et sa
force à la lutte contre les serviteurs de la mort.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 141


La Vénération des morts Les prêtres de la mort
Outre le culte de Supay, la doctrine religieuse principale Autrefois, les prêtres de la mort, ou yana takiyas (sombres
du Kuraq est la Vénération des morts. Pachacunya, le hérauts) devaient réciter les oraisons funèbres et accom-
premier Empereur, parvint en effet à imposer le dieu de plir les rites destinés à guider les morts vers leur demeure
la mort à son peuple en lui vendant l’idée d’un futur meil- dans l’au-delà. Désormais, ils imposent leur culte perverti
leur grâce à l’aide et la sagesse des ancêtres perdus. à l’intérieur de chaque maison kuraque.
La plupart des Kuraques associent aujourd’hui le culte Au Kuraq, les prêtres de la mort sont les bienvenus
de Supay et la Vénération des morts à la naissance de partout, notamment chez les familles qui désirent momi-
leur puissant empire. Pourtant, ceux qui se souviennent fier l’un des leurs pour qu’il devienne un Vénérable, ou
savent que les prêtres de la mort n’ont pas toujours agi faire fabriquer un masque funéraire qui leur permette
de la sorte. En effet, peu de temps avant l’assassinat de d’avoir un Porte-parole. Pour se démarquer du peuple,
Pachacunya par son frère, ils transformèrent notablement ils portent toujours des robes noires funéraires et des
leurs pratiques afin de pouvoir créer cette Vénération tout chaînes en or autour du cou. Seuls les dirigeants de leur
à fait nouvelle. ordre arborent des masques funéraires leur permettant de
Naguère, ceux qui mourraient passaient dans le royaume communiquer avec le Vénérable qui leur sert de conseiller
des morts. Les prêtres récupéraient les corps et les momi- et de guide depuis l’au-delà.
fiaient avant de les placer dans un caveau du panacas Choisis parmi les membres rejetés de la société (orphe-
familial. Après un délai de huit jours de rites funéraires, à lins, enfants abandonnés, criminels, etc.), les futurs yana
porter le noir du deuil, les descendants pouvaient pénétrer takiyas sont endoctrinés et convertis au culte de Supay au
dans le caveau pour prendre conseil auprès du défunt. On temple de P’alqacamba. Les plus violents deviennent des
considérait que les morts maintenaient une présence, et awqayllis, les plus dévots sont quant à eux choisis pour
restaient capables d’interagir et de donner leur avis depuis apprendre les secrets du Wañuy Ñaqay, la magie de la
l’au-delà, où ils reposaient jusqu’à pouvoir renaître sous Mort. Une fois leur apprentissage terminé, un monde de
une autre forme. pouvoir se trouve à portée de main. Tous ces savoirs sont
Cette pratique fut corrompue par une partie des bien entendu théoriquement réservés aux prêtres, même
disciples de Supay. Cette petite faction du temple de s’ils ont depuis bien longtemps été volés et utilisés par des
P’alqacamba était alors dirigée par un prêtre du nom de profanes à travers tout l’Empire.
Kakuska, qui cherchait à atteindre l’immortalité. Rusé, il Les prêtres de Supay doivent se montrer méritants s’ils
parvint à convaincre le dieu de la mort de lui révéler les veulent devenir des Vénérables. Leur retour depuis l’au-
secrets permettant d’enfermer un esprit dans un corps delà n’est absolument pas garanti, et toute désobéissance
momifié. Lorsque le dieu partagea ce secret, Kakuska et à l’ordre provoque une mort définitive.
ses prêtres entamèrent une guerre contre les autres cités- Malgré leur soutien à l’Impératrice, les prêtres de la mort
États du Kuraq, celle-là même qui aboutit au meurtre de n’en demeurent pas moins très conservateurs : les femmes
Pachacunya et à la création de l’Empire que l’on connaît n’ont pas le droit de rejoindre leurs rangs, et ils sont d’une
aujourd’hui. intolérance féroce à l’égard de ceux qui ne vénèrent pas
À présent, il y a un prêtre de Supay dans chaque ville, et Supay. Ainsi, pour que nul ne conteste son pouvoir et avec
la Vénération des morts est la doctrine religieuse princi- l’aide de l’Impératrice, ils ont lancé la Chasse divine afin
pale de l’Empire. Il est impossible de s’en détourner étant de tuer les autres dieux et ceux qui les vénèrent, où qu’ils
donné que les Vénérables ont contribué à façonner les se cachent.
moindres aspects de cette société. Le culte de Supay est
quant à lui la religion du trône, ainsi que la base de toute
la structure religieuse. L’un ne va donc pas sans l’autre.

142 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


La sorcellerie son propre nom, violant ainsi la liberté individuelle
Voilà longtemps, sur les terres du Kuraq, la magie était du malheureux jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une
une chose sauvage et magnifique qui pouvait prendre coquille vide.
bien des formes. Les dieux marchaient parmi les hommes Il ne s’agit pas des seuls rites du Wañuy Ñaqay.
en distribuant leurs dons et les esprits vagabondaient Lorsqu’un prêtre ou un Vénérable désire contrôler
librement. Même si ces pouvoirs existent toujours dans d’autres esprits considérés comme faibles, ou bien ranimer
certains lieux reculés—en grande partie grâce aux dieux une momie (desséchée voire récemment morte), il peut
survivants—la majeure partie de la magie du Kuraq a sacrifier la force vitale d’un être vivant. Là se trouve le
été détournée par les Vénérables, et la sorcellerie prédo- grand secret des yana takiyas : la magie de la mort se
minante aujourd’hui est celle du culte de la Mort : le nourrit de la vie. Ainsi, la force vitale des Porte-paroles
Wañuy Ñaqay. est peu à peu épuisée par leur contact constant avec le
Le Wañuy Ñaqay était jadis l’apanage des prêtres de la Vénérable, et tout usage du Wañuy Ñaqay exige un sacri-
mort. Grâce à leur entraînement, ils se rendaient dans fice d’un niveau équivalent au pouvoir rituel demandé.
le monde des morts pour y trouver un esprit sage qui Les plus importants rituels du Wañuy Ñaqay exigent
puisse les guider. Une fois ce premier contact établi, le des sacrifices importants. Les sacrifices animaux sont les
prêtre convainquait l’âme du défunt de retourner à son plus courants, les sacrifices humains étant quant à eux
corps momifié, préservé avec soin sur son site funéraire. réservés aux rites magiques les plus puissants. L’exemple
Ces récipients corporels étaient bien conservés, aussi le plus célèbre est celui des Cent sacrifices qui permit à
longtemps que nécessaire, ce qui permettait aux esprits l’Impératrice de repousser l’invasion castilliane de Takana.
de bouger et de parler. À cette époque, ils ne pouvaient Aucun rituel aussi important n’a été réalisé depuis.
cependant par sortir des caveaux familiaux. Cela explique pourquoi les Vénérables gardent sous la
Désormais, chaque corps reçoit un masque funéraire— main un grand nombre de serviteurs : ils peuvent aspirer
oint d’une huile sacrée et lavé dans le sang sacrificiel— un peu de leur force vitale chaque fois qu’ils en ont besoin
qui donne la possibilité au défunt habitant dans le corps pour leur sorcellerie, ce qui leur permet de ne pas épuiser
momifié de communiquer avec les mortels. Désormais leur Porte-parole. La plupart des membres d’une panacas
devenu un Vénérable, il choisit un Porte-parole avec qui portent donc des petits talismans en forme de masques
il crée un lien par lequel il peut s’exprimer. Ce lien peut funéraires miniatures qui sont liés à leur Vénérable,
être une forme de partage, le Vénérable parlant dans l’es- lesquels peuvent ainsi puiser dans leur force vitale. En
prit du Porte-parole et observant le monde par ses yeux. cas de situation désespérée et durant un temps limité, les
Dans les cas les plus extrêmes, le Vénérable prend le Vénérables peuvent même posséder l’un de ces porteurs.
contrôle du corps de son Porte-parole pour parler en

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 143


Les Vénérables les plus puissants parviennent à utiliser Les dons des dieux
l’énergie vitale qui les entoure afin que leur corps momifié En dépit de la Chasse divine et des exactions des prêtres
ait l’apparence d’un corps vivant. L’exemple le plus notable de Supay, quelques anciens dieux du Kuraq survivent et,
est celui de l’Impératrice, qui a gardé son corps d’origine. avec eux, l’ancienne sorcellerie qui est au cœur du pouvoir
Elle entretient si bien son apparence qu’elle ressemble le plus puissant du pays : le don de magie divine.
toujours à la belle femme qu’elle était de son vivant. Le Wañuy Ñaqay était jadis un don de Supay, identique
Tout Vénérable doit par moments retourner à l’état à n’importe quel autre don divin. Les yana takiyas l’ont
de momie et se reposer dans sa crypte, de manière à simplement perverti et propagé. Les autres dieux ont
conserver et renforcer son énergie. Le temps passé à toujours la capacité de transmettre une partie de leur
bouger et à marcher est en effet en grande partie basé sur pouvoir à leurs fidèles. Celles et ceux qui en bénéficient
le pouvoir dont ils disposent et l’énergie vitale qu’ils sont reçoivent des avantages qui les élèvent au-dessus du
en mesure de sacrifier pour entretenir leur corps. Ainsi, commun des mortels.
grâce aux sacrifices réguliers pratiqués, il est arrivé que Ces enfants des dieux, ainsi qu’on les appelle, doivent
l’Impératrice passe des semaines sans retourner une seule croire en leur divinité tutélaire s’ils souhaitent continuer
fois à la crypte de son palais. à profiter de leurs grâces. Une fois bénis, ils ne peuvent
Le Wañuy Ñaqay reposait autrefois dans les seules perdre ce don que s’ils meurent ou se détournent de leur
mains des yana takiyas. Néanmoins, les prêtres renégats dieu. Comme autrefois, leur culte comporte des sacri-
ont enseigné ces secrets à de nombreux nobles et paysans. fices animaux ou humains (à l’instar du culte de Supay).
Ainsi, la magie de la mort peut-elle être étudiée par qui Comme on dit au Kuraq : le pouvoir de la mort est source
peut y mettre le prix. Toutefois, quand un profane usant de prodige.
de cette magie pour créer un nouveau Vénérable est Les dons accordés ne sont pas éternels. Chaque dieu
découvert, il est exécuté sans autre forme de procès, et octroie un pouvoir lié au sien. Par exemple, les disciples
l’esprit qu’il entendait lier est détruit à jamais. de Wach’i reçoivent communément des dons physiques
comme le talent au combat, la force et la vitesse voire la
puissance aveuglante du soleil. Les fidèles de Pachamama,
quant à eux, sont plus furtifs et difficiles à repérer, lors-
qu’ils ne reçoivent pas des dons plus poussés, à l’instar
des changeformes.
Les enfants des dieux doivent porter un talisman affi-
chant le symbole de leur dieu, et ce, même si de tels objets
peuvent attirer la suspicion voire l’attention des awqayllis.
Ils n’ont pas le choix : ils doivent parcourir le monde en
étant fiers de leur idole et entretenir le peu d’espoir qu’il
reste pour les vivants au sein de cet empire mortifère.

144 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Lieux notables
Kuska
Suivez n’importe quelle route kuraque, vous arriverez à un La classe populaire vit quant à elle aux franges de la cité.
moment ou un autre à Kuska, le cœur de l’Empire. On y trouve nombre d’ouvriers et de travailleurs journa-
Avant l’unification de Pachacunya, la glorieuse capitale liers, ainsi que ceux qui ont déjà été condamnés pour un
était une cité-État érigée par la tribu des Killkes sur les crime. Tous se considèrent chanceux de vivre à Kuska,
vestiges de l’ancienne forteresse de Saqsaywaman (dont les métropole animée et ville de toutes les opportunités. Si
ruines ont fourni le schéma directeur de la ville qui s’est vous attirez l’attention d’un puissant et vous montrez
bâtie dessus). Les Killkes étaient des bâtisseurs. Ils réali- méritant, il se peut que vous montiez sur l’échelle du
sèrent des routes partant vers les quatre coins de l’Empire pouvoir, peut-être jusqu’à côtoyer les nobles.
et construisirent nombre d’aqueducs pour transporter l’eau Les ambitieux savent toutefois qu’ils doivent agir dans le
partout dans la cité, faisant de Kuska une ville aussi verte cadre strict de la loi car les tokoyriqs surveillent à chaque
qu’une vallée. Sur les collines, ils édifièrent le Coricancha, coin de rue et n’hésitent pas à intervenir pour enfermer
temple du Soleil et palais royal. Après la conversion de tout contrevenant au chulpa, leur quartier général, afin de
Pachacunya, celui-ci fut réinvesti du pouvoir de Supay. l’interroger et de le punir dans le sang et la violence, au
Après l’arrivée au pouvoir de l’Impératrice, il fut rebap- nom de l’Impératrice bien sûr...
tisé « Palais de la Vénérable. » Désormais deux fois plus
grand qu’à sa construction initiale, le Coricancha brille Le Coricancha, le Palais de la Vénérable
aujourd’hui de mille feux avec sa multitude de pierres L’ancien temple du Soleil se dresse au bord de la ville,
dorées reflétant la lumière du soleil, tout en projetant son dominant le paysage urbain. Le bâtiment en lui-même
ombre massive sur la ville située en contrebas. est relativement petit. Ses énormes pierres enduites d’or
Toutes les familles nobles sont dans l’obligation légale et de fins motifs gravés en filigrane forment une chambre
de maintenir une maisonnée à Kuska. Un membre de intérieure utilisée par l’Impératrice comme salle de récep-
chaque lignée doit en permanence résider à la capitale en tion. L’extérieur est quant à lui recouvert de délicates
tant qu’ambassadeur auprès de l’Impératrice, mais aussi gravures murales représentant Wach’i, l’ancien dieu du
représentant familial essayant de louvoyer au mieux pour Soleil, lesquelles sont en rénovation constante pour être
obtenir rang et avantages. progressivement remplacée par des images de Supay.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 145


De nombreuses extensions ont été construites au fil des Chuqi K’iraw
décennies. On peut notamment y trouver les quartiers de Le « Berceau d’or, » lieu le plus recherché de tout l’Em-
la famille impériale, où sont également logés les invités pire, est le centre d’opérations général du Pakaykuq.
prestigieux, ainsi que la crypte impériale (creusée dans À l’abri entre les éperons rocheux de la cordillère
la montagne). Tout en bas, il y a le reste de la ville, avec d’Hark’apa, ses bâtiments et ses terrasses ont été
les demeures de la noblesse, bâties aussi près du temple construits au-dessus et en dessous du Sunch’u Pata,
que possible. Ceux dont les rangs sont les plus élevés sont sommet tronqué qui figure parmi les repères géogra-
les plus proches, et les moins favorisés s’étendent vers phiques les plus remarquables de la région.
l’intérieur de la cité. D’après la légende, Chuqi K’iraw fut dissimulée aux
mortels par Wach’i, le souvenir de son existence même
Kapuli étant effacé de la mémoire des mortels. Depuis ce jour,
Si vous voyagez vers le nord en partant de Kuska, vous seuls ceux auxquels les dieux ont montré le chemin
arriverez à Kapuli, ville des plaisirs nichée entre deux peuvent s’y rendre. Wach’i en a ainsi assuré la sécu-
montagnes sacrées. Cette vallée transformée en terre rité et, de fait, l’a transformé en parfait repaire pour
d’évasion fut créée par la noblesse qui désirait une les pakaykuqs.
destination où elle pourrait se laisser aller à ses vices, Les principales infrastructures se concentrent autour
loin du regard de l’Empire. Lorsque l’Impératrice finit de deux places qui longent l’arête des sommets. De
par découvrir ce secret, elle accueillit fort bien l’idée et nombreux bâtiments de vie et d’habitation ont été
décida d’y interdire toute violence entre les différentes construits loin de ces places. Comme souvent avec
maisons nobles. le Kuraq et ses merveilles architecturales, le terrain
Kapuli est depuis devenu, pour les riches, un véritable naturel a grandement été modifié avant que toute
paradis terrestre. Les visiteurs, certains d’être en sécu- construction ne soit entreprise. Ainsi la ville est-elle
rité dans le bon air de la montagne, peuvent se régaler autosuffisante grâce à son système de terrasses culti-
en toute quiétude des merveilleux jardins, faire des vées, son aqueduc et ses bâtiments résidentiels qui
achats dans le luxuriant marché ou bien affronter l’élite permettent d’héberger un grand nombre de personnes
de l’Empire dans des compétitions de contes. La ville dans des conditions confortables.
est également pourvue de jardins cultivés en terrasses, La plus importante structure du Berceau est l’ushnu,
de centres sportifs, de bains chauds en extérieur et de temple dédié à Wach’i, sis au sommet de la montagne
maisons de plaisir débordantes de bonnes musique, tronquée. D’après la sagesse populaire, seuls ceux que le
boisson et compagnie. dieu du soleil veut bien voir sont autorisés à gravir son
Kapuli est dirigée par les kulla uya élues. L’expression gigantesque escalier, qui mène jusqu’au sommet plat de
« kulla uya » était autrefois une insulte signifiant « les sa pyramide. Ce qui se dit tout là-haut reste mystérieux,
effrontées, » mais les courtisanes en ont fait leur insigne et tous ceux qui ont effectué l’ascension ont refusé de
et ont transformé leur activité en une véritable profes- partager les détails de leur conversation. Ce temple est
sion. Désormais, des gens viennent de partout pour l’un des derniers lieux saints intacts consacrés à Wach’i
rencontrer la sinchi (dirigeante) et obtenir le droit d’être et, par conséquent, il revêt une importance à la fois
formé à la courtisanerie dans le Tulpa Qawari, le Foyer symbolique et spirituelle pour le Pakaykuq.
des symphonies. Les kulla uya forment désormais une À mesure que croît la grogne dans l’Empire, de plus
classe d’artistes venus de tout le pays, protégée par les en plus de gens reçoivent des visions de Wach’i, lequel
murs de cette cité où les lois impériales interdisent de leur transmet une invitation à rejoindre la résistance
verser le sang. et leur indique le chemin qui mène à Chuqi K’iraw.
Ce n’est un secret pour personne : Kapuli est aussi un Toutefois, il semble être prudent avec ces visions,
vivier d’intrigues politiques. Là où les nobles festoient, il sûrement parce que si les tokoyriqs trouvaient un jour
y a des secrets en pagaille. Les kulla uya restent neutres le Berceau, alors tout espoir de victoire serait réduit
en public, mais elles n’en demeurent pas moins des à néant.
sources d’information inestimables pour les causes dont
elles sont des sympathisantes.

146 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Manqo Pacha Patanatambo
Avant la conversion de Supacha au culte de Supay et Peu de cités ont des origines aussi tristes que Patanatambo,
le couronnement de Pachacunya, leur père, le roi Yaca citadelle des régions rurales située à l’est d’Antasuyu. À
Yma, parvint à brièvement unifier les cités-États lors du l’origine, il s’agissait d’une communauté paysanne consti-
Sommet des sept plumes. Ayant obtenu la paix, il céda le tuée de familles qui s’étaient rassemblées pour s’entraider
pouvoir à son fils et se retira à Manqo Pacha, domaine et se protéger. Un soir, des tokoyriqs sont arrivés et ont
situé au pinacle d’une montagne sacrée. déclaré que l’Impératrice les honorerait d’installations
Cette magnifique cité était dédiée à Wach’i, dieu du dignes de ce nom afin que l’Empire soit plus sûr. Les
soleil, et disposait d’un sublime temple rempli d’of- familles crurent que cela signifiait qu’on allait les aider à
frandes d’or qui faisaient luire la montagne. Elle fut défendre leurs fermes. Elles avait tort : rapidement, elles
malheureusement saccagée lorsque trois rois vinrent tuer furent dépouillées de leurs terres, lesquelles furent utili-
Yaca Yma. Très peu d’habitants survécurent à cet assaut. sées pour bâtir Patanatambo : la prison de l’Empire.
Quelques années après la montée sur le trône de l’Em- La silhouette menaçante de Patanatambo se distingue
pereur Pachacunya, les quelques survivants remontèrent à près de trois kilomètres à la ronde. Ses hauts murs
dans la montagne sacrée afin de rebâtir leur ancienne cité. de pierre ont été construits grâce aux carrières des
Tandis que la puissance grandissante du culte de Supay montagnes voisines. L’arrière repose d’ailleurs contre l’une
poussait les anciens dieux du Kuraq à la clandestinité, de celles-ci, sa position ne la rendant approchable que par
leurs disciples trouvèrent refuge dans les temples situés les anciennes terres des paysans. Elle est entourée d’une
sur la magnifique place à ciel ouvert de Manqo Pacha. clôture dotée d’une entrée gardée.
La ville fut ainsi reconstruite non par la noblesse ou À l’intérieur se trouvent deux cours. La première sert
l’Impératrice, mais par ceux qui étaient restés loyaux à à recevoir les réserves de nourriture destinées à ceux qui
leurs anciens dieux. Leur dévouement attira l’attention vivent là. La deuxième, située derrière un immense portail,
de ces derniers et du Pakaykuq. accueille les prisonniers de l’Impératrice, ceux qu’elle
Alors que les villes les plus récentes du Kuraq suivent maintient en vie à des fins politiques. Les premiers rési-
un plan bien pensé et arborent des rues parfaitement dents furent les membres de la famille de Pachacunya, qui
agencées, Manqo Pacha est un mélange dépareillé de vécurent dix ans derrière ces murs jusqu’à ce qu’ils soient
styles architecturaux plus ou moins anciens, associés à sacrifiés pour repousser l’invasion théane de Takana.
des routes et des bâtiments plus modernes. La ville ne Durant une brève période, la prison est restée vide, mais
peut pas s’étendre, les falaises de la montagne s’avérant il n’a pas fallu longtemps à l’Impératrice pour y enfermer
trop dangereuses pour que l’on construise quoi que les nobles qui l’avaient déçue. Plus elle resserre sa poigne
ce soit dessus. On édifie donc les nouveaux bâtiments sur l’Empire, plus on y amène de prisonniers. De plus,
sur les plus anciens, ce qui explique pourquoi la cité même si les tokoyriqs se contentent de tuer les pakaykuqs,
ressemble de plus en plus à un patchwork. les quelques nobles sympathisants à leur cause ou bien
Manqo Pacha est petite en comparaison des autres les fonctionnaires de haut rang renégats se retrouvent
villes de l’Empire, mais sa beauté naturelle est sans égal. incarcérés à Patanatambo.
Elle repose sur un plateau au sommet de la montagne Nul ne visite la citadelle et nul n’en repart jamais, à
où rien n’est assez élevé pour y jeter son ombre, sinon les l’exception des chaskis (les messagers impériaux) triés
nuages. L’altitude rend parfois les visiteurs euphoriques sur le volet. Le complexe est dirigé par Kimsa Parwa,
et, souvent, des nouveaux venus vont sur les esplanades, un commandeur tokoyriq de haut rang. Lui et toute sa
l’air rêveur, et contemplent le paysage en silence. famille résident dans la citadelle, comme les prisonniers
La difficulté de l’ascension fait qu’il y a peu de popula- qu’il garde au nom de l’Empire.
tion sur place, et ceux qui vivent là sont des gens chaleu-
reux, prévenants, du genre spirituel, qui ont à cœur de
préserver les anciennes traditions, et ce, quoi qu’il leur
en coûte.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 147


P’alqacamba On dit que Supay lui-même choisit les élèves, et que seuls
Dans l’Empire, il y a peu d’endroits qui inspirent autant ceux qui ont été bénis de sa main peuvent entrer dans l’école.
de terreur que P’alqacamba, la cité de Supay perdue dans Les prêtres n’ont jamais confirmé cette rumeur, mais ceux
la jungle, celle qui abrite les prêtres de la mort. Sise au qui ressortent de l’Allin Tulpa sont des dévots d’une loyauté
plus profond des contrées sauvages du Chinchaysuyu, fanatique. Ils apprennent non seulement la magie, mais aussi
P’alqacamba est aussi connue sous le nom de Cité perdue à à se battre, faire la guerre et assassiner de diverses façons. En
cause de la complexité du chemin qui y mène. effet, tous les prêtres de Supay ont été, pour un temps au
En dépit de cela, des centaines de nobles et de fidèles font le moins, des tupaqs.
voyage chaque année afin de demander aux prêtres de prendre
leurs enfants en apprentissage pour que ces derniers puissent Takana
commander au pouvoir de la mort. Là, dans la jungle, ils Sur la côte ouest du Kuraq se trouve la sublime cité de
découvrent une ville toute de pierre noire rehaussée d’or, sacrée Takana, témoignage vivant des innovations architecturales
et remplie de Vénérables accompagnés par leurs domestiques. de l’Empire. Autrefois détruite par la flotte de Franco
La cité est profondément enfoncée dans le feuillage de la Gonzalez lors de son invasion ratée, Takana a longtemps
jungle, chaque bâtiment drapé de lianes et orné de fleurs été considérée comme maudite. L’Impératrice a malgré
à la beauté étrange. Au cœur de l’agglomération se trouve tout décidé de la reconstruire afin d’en faire un port d’ac-
le temple de Supay constitué du quartier général des yana cueil pour tous les voyageurs étrangers.
takiyas, de l’école publique, du centre d’entraînement des Les ingénieurs ont transformé la baie en port bien équipé,
tupaqs (les soldats du dieu de la mort) ainsi que de l’Allin pourvu de hangars pouvant accueillir diverses cargaisons,
Tulpa (le Bon foyer). Ces bâtiments très modernes, taillés mais aussi des navires ayant besoin de réparations à sec.
dans une pierre noire tirée des profondeurs de la terre, Auberges et restaurants s’ouvrent aux voyageurs épuisés, et
entourent une grande pyramide située au centre du complexe. des guides sont là pour aider les visiteurs à s’habituer à la
La cité abrite aussi la grande Yachaywasi, la maison du vie kuraque. Tous les établissements et magasins sont dirigés
savoir. Cette école d’élite est dédiée à la formation des par des commerçants agréables qui savent s’adapter et sont
jeunes nobles afin qu’ils reçoivent la meilleure éducation prêts à aider leur prochain (mais également à rapporter aux
possible. Les enfants sont logés dans de vastes dortoirs, et espions de l’Impératrice ce qu’ils ont appris).
sont entraînés à tout—du combat à la stratégie politique, en L’ambassade est confortablement installée contre les collines
passant par le sport—par les prêtres de Supay. Cette forma- qui encadrent le port, offrant une vue magnifique sur la mer en
tion est dure et dangereuse, au point qu’il n’est pas rare qu’un contrebas des falaises. Là, Anka, un envoyé du trône, accueille
enfant disparaisse dans la jungle pour ne jamais en revenir. tous les diplomates étrangers dans une débauche de splendeur.
Au cas où les étrangers seraient une fois de plus décidés à
Allin Tulpa tester les forces de l’Empire, le port dispose d’une brigade
On trouve à l’Allin Tulpa la plus grande concentration militaire tokoyriq ainsi que d’un temple qui héberge un
de pratiquants du Wañuy Ñaqay. Elle se trouve dans le grand détachement de tupaqs.
temple de Supay, au centre de P’alqacamba. Bien que Il y a une chose dont nul ne parle plus : la malédiction.
moins luxueuse et chatoyante que la pyramide, elle En effet, lorsque l’Impératrice a réalisé ses Cent sacrifices,
déploie plusieurs merveilles architecturales, arborant des elle n’a pas été en mesure de contrôler tout le pouvoir
fresques d’or incrustées dans la pierre noire qui illustrent libéré. Elle a certes utilisé la puissance dégagée pour le
les mythes et légendes de Supay et du Wañuy Ñaqay. bien commun, mais une partie s’est infiltrée dans la ville
Les apprentis viennent s’y entraîner dès leur plus jeune âge, et dans les morts qui jonchaient le sol. Ces morts-vivants
et bien que tous reçoivent par ailleurs une éducation digne involontaires n’ont jamais quitté l’agglomération. Si
de ce nom, seuls quelques-uns sont choisis pour apprendre les tupaqs se sont depuis occupés de la plupart d’entre
le Wañuy Ñaqay. Là où les élèves du grand Yachaywasi se eux, il en reste encore ici et là qui ne cherchent qu’à s’en
montrent compétitifs, ceux de l’Allin Tulpa coopèrent. prendre aux vivants. À ce jour, les tupaqs s’occupent donc
Ainsi, ceux qui n’apprennent pas le Wañuy Ñaqay prennent de traquer les morts-vivants cachés dans les aqueducs et
d’autres fonctions dans le clergé, afin de mieux aider ceux les cavernes situées sous la ville, espérant empêcher les
qui ont été choisis pour devenir des churikunas : des sorciers. voyageurs et les nouveaux habitants de les apercevoir.

148 Chapitre 4 | L'Empire kuraque


Kachu Pual, la dernière pucará
Pour la plupart des étrangers—et même pour les probablement dévorés par les sauvages. Après cela, la
Kuraques qui vivent dans les zones urbaines—le contrôle forteresse serait brûlée, effaçant toute preuve de son
exercé par l’Empire sur son territoire est absolu. Sur la existence. Les locaux savent ce qui les attend car c’est
plupart des cartes dessinées par les Théans, « l’Empire ainsi que les choses se sont passées lorsque les autres
kuraque » couvre toute la cordillère d’Hark’apa jusqu’à pucarás—celles qui existaient jadis au sud de la rivière
l’extrémité sud de l’Aztlan. La réalité, évidemment, n’est de Kachu Pual—ont été détruites par les sauvages.
pas si simple. Ces conditions extrêmes ont donné naissance à un
Afin d’établir leur domination, les Kuraques ont dû groupe d’individus endurcis par la vie qui ne laissent
soumettre nombre de tribus habitant le sud de l’Aztlan. rien se mettre en travers de leur devoir. La plupart sont
Pour annexer leurs territoires, ils ont utilisé la diplo- des fonctionnaires de moindre importance accompa-
matie ou la force. Un groupe, cependant, a résisté à gnés de leur famille, ou des courtisans bannis qui ont
toutes les tentatives. Ce peuple indomptable, les purum décidé de se refaire une vie aussi loin que possible
awqa, réside à l’extrême sud du continent. Kachu de Kuska. Tous ont fini par devenir des défenseurs
Pual—d’après le nom de la rivière qui la traverse— aguerris de la pucará.
est la dernière pucará («  forteresse  ») kuraque du D’autres résidents sont des loups solitaires qui appré-
pays, celle qui doit sans cesse résister aux assauts des cient l’existence dure et sévère que Kachu Pual a à
purum awqa. leur offrir, où ils n’ont pas à se soumettre aux normes
Ici, la plupart des conflits politiques kuraques—de sociales imposées partout au nord de l’Empire.
la résistance aux intrigues de cour—ne sont que des Les derniers, enfin sont des aventuriers de la Théah,
rumeurs. Chaque jour est un combat pour la survie des explorateurs qui, tombés amoureux de la beauté
et chaque homme, femme et enfant qui y habite n’a sauvage et naturelle du décor, ne supportent pas l’idée
qu’une seule affiliation politique, une seule origine, un de voir cet endroit et ses gens disparaître. Bien que
seul crédo : défendre la citadelle contre ses ennemis, à considérés comme parias ailleurs dans l’Empire, ou
chaque seconde et peu importe les circonstances. comme n’ayant aucun rôle à tenir dans les affaires
Les conséquences de leur échec seraient d’une terrible locales, ici, à Kachu Pual, les étrangers sont les égaux
simplicité : si Kachu Pual venait à tomber, tous ses du peuple, du moins tant qu’ils contribuent à défendre
résidents seraient passés au fil de l’épée, démembrés et la cité.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 149


Yara
Yara naquit dans la demeure de Pachacunya, le premier
Empereur du Kuraq. Elle vivait alors dans le luxe, toujours
prête à servir sa Vénérable. Un jour, elle rencontra Asiri
Inkasisa. Sa vie en fut chamboulée à jamais. Parce qu’elle
aimait Asiri, elle partagea avec elle le secret de l’Empereur
Pachacunya. Parce qu’Asiri l’aimait, elle fut épargnée bien
des années plus tard.
En effet, lorsque l’Impératrice dut sacrifier cent personnes
pour sauver l’Empire, la famille de Yara fut parmi les
premières victimes, tant à cause de son lien avec le premier
Empereur que parce qu’Asiri voulait que personne ne puisse
un jour réclamer son trône. Yara fut cependant épargnée, ce
qui lui permit de sauver sa sœur Alqacha, évacuée avant que
l’Impératrice n’ait vent de son existence. L’amour qu’elle
ressentait pour Asiri est mort ce jour-là, remplacé par une
haine brûlante.
Bien des années plus tard, Yara, sentant sa fin venir,
demanda à devenir une Vénérable. L’Impératrice accepta
de bon cœur et lui assigna une famille de domestiques et
un Porte-parole. Asiri voulait en effet la garder auprès d’elle,
ignorant que son amante œuvrait désormais depuis l’au-
delà pour la détruire.
Aujourd’hui, Yara n’a pas de but plus important que
de protéger la vie du dernier prince vivant de la lignée
de Pachacunya, Tolanaq, descendant de sa défunte sœur
Alqacha. Le garçon est actuellement prisonnier politique
de l’Impératrice, mais cette dernière ne soupçonne pas son
vrai lignage. Yara est prête à tout pour le protéger car elle
est persuadée qu’un jour la véritable dynastie reprendra le
pouvoir et sauvera le peuple kuraque.
Isi, son actuelle Porte-parole, fut choisie pour son manque
d’expérience en politique. Yara passe tout son temps libre
à la façonner pour en faire une arme, l’entraînant pour
survivre à ce qui sera la plus sanglante des batailles qu’ait
connu l’Empire.

Accroches scénaristiques

• Tolanaq est transféré dans une autre prison, mais


Yara ignore laquelle. Elle ne veut pas se montrer
trop intéressée, aussi demande-t-elle aux Héros
YARA de trouver son lieu de détention et, si possible, de
l’aider à s’échapper. La récompense sera généreuse.
• Yara a entendu parler du Pakaykuq. Elle aime-
« Je ne désire rien de plus que
réparer mes erreurs de jeunesse. » rait les rencontrer, mais son contact à la cour a
disparu. Les Héros l’aideront-ils à le retrouver
avant qu’Asiri ne comprenne son lien avec Yara ?
Awqasisa,
la voix de l’Impératrice
Awqasisa est la Porte-parole de l’Impératrice : elle porte
son masque funéraire et transmet ses ordres au quoti-
dien. Héritière d’une maison noble mineure, elle se fit
vite repérer à la cour tant elle s’avérait capable de navi-
guer dans les eaux dangereuses du pouvoir avec grâce et
élégance. Peu furent donc surpris lorsque l’Impératrice la
désigna comme sa Porte-parole.
Awqasisa mène pourtant un double-jeu, et ce depuis le
début car elle est fidèle à l’ancien Empire. Son rôle de
Porte-parole lui a de plus révélé que l’Impératrice est
encore plus vile que ce qu’elle pensait de prime abord.
Ainsi, peu de temps après la nomination d’Awqasisa, le
Pakaykuq commença à devenir un vrai problème pour
l’Empire.
Nul n’a encore relié ces deux faits. Après tout, qui blâme-
rait la Porte-parole nouvellement nommée pour les actes
d’un petit groupe d’insurgés ? Son travail est impeccable
et sa dévotion à l’Impératrice sans réserve. Quand des
chaskis entrent et sortent de ses appartements, tout le
monde pense qu’ils vont délivrer un message de l’Impéra-
trice. Pour la plupart, c’est le cas, mais de temps en temps,
l’un d’eux mémorise un message destiné à Chuqi K’iraw,
la forteresse où les pakaykuqs ont leur centre d’opération.
Le travail d’Awqasisa pour le Pakaykuq explique en
partie pourquoi, depuis quelque temps, leurs plans sont
couronnés de succès. Les informations qu’elle leur procure
sont en effet essentielles. Sans elles, il est probable que
les tokoyriqs écraseraient le Pakaykuq une bonne fois
pour toutes.

Accroches scénaristiques

• Intérieurement, Awqasisa se morcelle. Elle


commence à ressentir certains sentiments
vis-à-vis l’Impératrice, et elle ne comprend pas
ce qu’il lui arrive. Les Héros l’aideront-ils à savoir
ce qui se passe sans alerter Asiri ?
• L’Impératrice commence à suspecter Awqasisa
d’être une espionne du Pakaykuq. Les Héros
sauront-ils détourner son attention pendant que AWQASISA,
la Porte-parole aide la résistance à organiser un LA VOIX DE L’IMPÉRATRICE
coup majeur ?

« Je parle au nom de l’Impératrice, mais elle


ne contrôle pas mon cœur pour autant. »
K’uyuk
Quand K’uyuk était jeune, sa famille a appris que l’Im-
pératrice avait sélectionné l’un de leurs enfants pour le
qhapaq hucha (« sacrifice royal »). Lorsque ses parents
déposèrent une plainte officielle, la dirigeante décida
de leur épargner la souffrance de perdre leur enfant
en les éliminant tous. Avant de périr dans les flammes,
ils parvinrent à sauver l’un de leurs fils : K’uyuk. Il se
souvient des dernières paroles de sa mère : « venge-nous. »
K’uyuk s’est juré de traquer tous ceux qui aident l’Em-
pire, du plus humble des soldats au plus important des
nobles. Il brûla vif tous ceux qu’il considérait comme
ses ennemis, et ce jusqu’à ce qu’il rencontre Intiawki.
Celui-ci lui a offert ce dont il avait le plus besoin : l’espoir.
L’espoir d’une vie après la chute de l’Empire. Ainsi, ils
tombèrent amoureux.
Bien qu’il ne l’avoue à personne, la douceur et la passion
de son amour pour Intiawki l’ont rendu plus prudent et
moins sauvage dans ses exécutions. Il ne fait toujours pas
de quartier, mais il a cessé les tortures et inflige des morts
rapides et propres. En même temps, le chasseur solitaire
s’est mis à collaborer avec le Pakaykuq, devenant l’un de
leur meneur d’hommes et formateur des nouvelles recrues.

Accroches scénaristiques

• Intiawki est revenu d’entre les morts, mais


K’uyuk ne croit pas aux miracles. Il craint que
son cher amant ne soit passé à l’ennemi. Il a
besoin de preuves. Les Héros sauront-ils l’aider ?
• K’uyuk croit que toute sa famille a été tuée par
l’Impératrice, mais il a entendu une rumeur
disant que sa petite sœur aurait survécu. Ses
devoirs envers le Pakaykuq sont trop prenants
pour qu’il parte, aussi demande-t-il aux Héros
de chercher cette femme et découvrir la vérité.

K’UYUK

« La seule chose qui soit plus douce


que la vengeance, c’est la révolution. »
Lora Antonia de Ochoa y Ochoa
Lora Antonia Lidia Teresa Adelaïde Ferreira de Ochoa
y Ochoa est née à Barcino, en Castille, dans une maison
noble qui lui a offert la meilleure éducation possible de la
Cité vaticine. Ses matières favorites étaient les sciences et
la physique. Malheureusement, à cette époque, l’inqui-
siteur Verdugo commença à interdire ces enseignements.
Ses professeurs voyaient en elle une élève brillante, bien
que souvent sous-estimée à cause d’un handicap physique
à la jambe droite. Ils commencèrent donc à l’emmener avec
eux durant leurs fouilles archéologiques. Elle était loin
de se douter que ces constants allers et retours à travers
la Théah servaient à faire voyager clandestinement des
manuscrits interdits vers des lieux plus sûrs. Du moins
l’ignora-t-elle jusqu’à ce qu’un bataillon de l’Inquisition
ne détruise le laboratoire de son professeur et le reste de
ses textes. Juste avant que les soldats ne l’emprisonnent, il
lui assura que ses manuscrits étaient en sécurité et qu’elle
devait retourner voir leur ami commun, Diego Saldana,
pour les récupérer.
Lorsqu’elle retrouva Diego, celui-ci montait à bord
d’un navire pour le Nouveau monde, et il emportait les
textes avec lui. Il se rendait au Kuraq pour participer à
un échange avec les érudits travaillant pour l’Impératrice.
Lora sauta sur l’opportunité et embarqua avec Diego pour
l’aider à maîtriser les nouvelles technologies qu’ils allaient
découvrir là-bas. À ce jour, elle réside encore à Kuska.
Lora voit dans l’Impératrice un deuxième Inquisiteur
Verdugo  : elle semble diriger son peuple pour le bien
commun mais s’avère en fait corrompue et pervertie. Si
une étrangère a pu le voir, les Kuraques aussi. En fouinant
un peu, il est certain qu’elle finira par trouver la résistance.

Accroches scénaristiques

• Lora s’inquiète : l’Impératrice serait-elle en train


d’utiliser Diego contre les intérêts de la Théah ?
Les Héros pourront-ils l’aider à infiltrer la cour
impériale et découvrir les plans du trône ?
• Lora soutient la résistance, mais elle ignore ce
que cela signifie réellement. Ce n’est pas une
guerrière, mais elle a accès à tous les manuscrits
scientifiques de ses anciens professeurs. Elle LORA ANTONIA DE
engage les Héros pour l’aider à les traduire dans OCHOA Y OCHOA
la langue locale afin de pouvoir disséminer les
informations et, possiblement, lui servir de
guides pour aller à la rencontre du Pakaykuq. « Cet endroit est pareil à tous les autres.
Les puissants y oppressent les faibles.
Nous ne sommes pas différents. »
Asiri Inkasisa,
Impératrice du Kuraq
Nulle n’est plus tristement célèbre et admirée au Kuraq
qu’Asiri Inkasisa, Impératrice, Vénérable et consort du
dieu Supay en personne. Née dans une famille noble de
moindre importance, Asiri s’est hissée jusqu’au trône par
son intelligence, son astuce et sa détermination sans faille.
Avec l’aide de sa compagne, Yara, elle a évincé Pachacunya
et pris sa cape d’or pour devenir Impératrice. Vingt ans
plus tard, elle s’est sacrifiée avec cent autres personnes
pour repousser l’envahisseur théan et unifier les terri-
toires impériaux en une seule machine politique, sous
son seul contrôle.
Cent ans plus tard, elle est toujours sur le trône, intera-
gissant avec le monde des vivants dans son corps momifié
incroyablement bien préservé, donnant ses ordres à travers
sa Porte-parole.
En dépit du pouvoir qu’elle obtient grâce à des sacrifices
réguliers, animer son cadavre l’épuise. Toutefois, peu
importe son état, elle maintient l’Empire debout, et sa
personnalité—alliée à la détermination de ses nobles et de
ses gens—fait d’elle un terrible mélange de force naturelle
et de volonté.
Asiri peut sembler cruelle et froide, car peu de choses la
touchent. Le fait est qu’elle agit pour le bien de l’Empire
sans se soucier de ceux qu’elle blesse. Dirigeant son pays
d’une main de fer, elle encourage les disputes entre les
différentes maisons nobles et leurs Vénérables afin d’éviter
que les aristocrates ne regardent le trône de trop près.

Accroches scénaristiques

• Miyatala, l’une des descendantes d’Asiri, est très


appréciée dans l’Empire. Si quelqu’un peut s’em-
parer du trône, c’est elle. Les Héros sauront-ils
aider la princesse à renverser son ancêtre ?
• Asiri a ordonné la mort de tous les dieux, sauf
ASIRI INKASISA, Supay. Ses soldats les traquent à travers le Kuraq,
parfois même au-delà. Certaines divinités ont
IMPÉRATRICE DU KURAQ rallié le Pakaykuq, mais d’autres hésitent encore.
Les Héros sauront-ils les persuader de rejoindre
« Mon peuple n’a pas besoin d’être la résistance ?
choyé et protégé, il a besoin de
structure. Les gens auront beau résister
à leur dieu, ils ne peuvent contester la
prospérité qu’il leur a apportée. »

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

8 10 18
Anka,
chef des chaskis
Anka sert l’Empire en tant que chef des chaskis. Il gère
tout ce qui a trait aux messagers impériaux : entraînement,
paye, tarifs, encryptage, décryptage, etc.
Anka est né dans une importante famille noble, et sa vie
a toujours été opulente. Il n’a aucune envie de se contenter
de moins. Ainsi, lorsque ses ancêtres décidèrent que sa
mère, après sa mort, s’exprimerait par le corps de sa sœur,
Anka brûla le corps de sa génitrice avant que les prêtres
ne puissent accomplir leur rituel. Depuis, ses ambitions
ne connaissent pas de limites.
De par son statut privilégié, Anka a accès à tous les
secrets de l’Empire, et bien qu’il soit sous la surveillance
constante de l’Impératrice, il parvient à vendre des infor-
mations à quiconque a de quoi le payer, en liquide ou
en faveurs.
Peu regardant sur ses acheteurs, il vend ses renseigne-
ments tant aux serviteurs de l’Empire qu’aux membres
du Pakaykuq. Parfois, il vend la même information à
deux acheteurs différents. Il opère en secret, et quand son
identité est découverte, la personne disparaît sans laisser
de trace.

Accroches scénaristiques

• Les ambitions d’Anka s’étendent au-delà de ses


prérogatives. Il tente d’utiliser le Pakaykuq pour
renverser l’Impératrice et s’emparer du trône.
Les Héros sauront-ils dévoiler le complot et
empêcher la résistance de l’aider ?
• Anka dispose d’informations accablantes sur
l’Impératrice, et il est prêt à les revendre. Les
Héros achèteront-ils ces renseignements ou
préféreront-ils les subtiliser ?

ANKA,
CHEF DES CHASKIS
« Quand plus d’une personne a connaissance
d’un secret, ça n’en est plus un. »

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

5 6 11
Intiawki,
meneur de la résistance
Intiawki est né dans le Pakaykuq. Il n’a jamais rien connu
d’autre de son existence. Ses parents sont morts quand il
était jeune, il est devenu un orphelin en quête de sa place
dans le monde. Là où les autres enfants jouaient, cour-
raient et riaient, lui restait sérieux. Il jouait avec les armes
du Pakaykuq, et ses batailles étaient constituées de vrais
affrontements contre les troupes impériales. Au quotidien,
il voyait les gens qu’il aimait mourir les uns après les autres.
Certains s’en sont inquiétés, d’autres ont même essayé de
changer son éducation. Le problème est qu’ils étaient peu
nombreux, et aucun n’avait les moyens de s’occuper de lui.
Aussi continua-t-il de se battre et de ne rien apprendre
d’autre que les us et coutumes du Pakaykuq. Les meneurs
mourraient, Intiawki grandissait.
Il finit par devenir un élément essentiel du mouvement,
jusqu’à ce que sa voix soit la plus puissante lors des
réunions, et que ses mots deviennent les plus sages quand
il s’agissait de parler de guerre. Comme de nombreux
chefs avant lui, Intiawki est mort en combattant pour
la seule cause qu’il n’ait jamais connue dans sa vie. Cela
aurait marqué la fin de son existence si les prêtres de
Supay ne l’avaient pas ramené d’entre les morts.
Ils voyaient en lui un puissant allié contre les pakaykuqs,
à condition, bien sûr, de réussir à le retourner contre
les siens. Après avoir passé les portes de l’outre-Monde,
Intiawki rencontra Supay qui lui fit une offre.
Pour la première fois, quelqu’un lui donnait le choix.
Pour la première fois, on se souciait de ce qu’il voulait.
En échange d’un minimum d’obéissance, Supay lui offrait
de riches savoirs et la vie éternelle et intense qui succède à
la mort. Sans hésiter une seconde, Intiawki accepta.
Quand il revint dans le monde des vivants, Intiawki y vit
un miracle annonçant la fin de ses ennemis. Pas l’Impéra-
trice et ses sujets, non, plutôt les pakaykuqs.

Accroches scénaristiques
INTIAWKI,
• Intiawki continue de mener le Pakaykuq, dont les
MENEUR DE LA RÉSISTANCE membres sont persuadés qu’il est l’élu du dieu du
soleil, choisi pour les guider vers la victoire. Avant qu’il
« J’ai eu tort pendant si longtemps. ne soit trop tard, les Héros sauront-ils convaincre les
C’est bon de savoir que j’avais pakaykuqs qu’il travaille pour l’ennemi ?
finalement raison. »
• Supay a fait une offre à Intiawki, mais elle n’est pas
éternelle. Une fois qu’il aura accompli sa part du
marché, Intiawki sera à nouveau libre. Les Héros
l’aideront-ils à honorer sa dette, pour qu'il puisse
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE
ensuite éventuellement rejoindre le Pakaykuq

6 7 13
contre l’Impératrice ?
Cornélie Blanchet
Cornélie a été abandonnée alors qu’elle était encore une
enfant. Laissée seule dans les rues de Montaigne, elle a dû
apprendre à survivre. Par son courage et sa détermination,
elle s’est fait un nom sans en avoir aucun. Elle a volé des
habits de nobles, a rejoint la cour et avant que quiconque
puisse réagir, s’est fait appeler madame Fournier. Au bout
d’un moment, cependant, le vent tourna et elle devint
veuve. Quel malheur ! Son deuil fut toutefois de courte
durée : elle devint très vite madame Blanchet et embarqua
aussitôt pour le Nouveau monde avec son riche époux.
Le décès prématuré de monsieur Blanchet—et du
reste de son expédition—fut une nouvelle épreuve pour
Cornélie. Aussi fit-elle ce qu’elle avait fait depuis qu’elle
était orpheline : observer et étudier. Elle vit de quelle
la façon les dieux aztlans réduisaient les siens à l’état
de statues de pierre, de cendres ou pire. Elle joua donc
les innocents témoins et attendit son heure. Quand elle
comprit que ni les Nahuacans ni les Tzak K’aniens n’al-
laient céder à ses charmes, elle mit les voiles vers le sud.
Elle tomba alors sur un peuple dirigé par les morts.
Cornélie était prête à mourir pour obtenir leur pouvoir.
Elle se fraya donc un chemin dans la cour d’Asiri, mais
cette dernière avait d’autres plans pour elle : l’Impératrice
était prête à accepter la vie de la Montaginoise, mais elle
ne deviendrait jamais une Vénérable, sauf à prouver sa
dévotion à Supay.
Asiri voulait tout savoir sur la Théah et ses habitants, et
elle était plus que prête à y mettre le prix, offrant richesses
et titres de noblesse. Éternelle survivante, Cornélie rejoi-
gnit la cour de l’Impératrice. Désormais, elle lui apprend
tout ce qu’elle désire, et nul ne sait mieux que Cornélie
distinguer les faiblesses de son prochain.

Accroches scénaristiques

• Simple poupée théane de l’ Impératrice, Cornélie n’ est


pas heureuse. Elle cherche donc à saper le pouvoir
d’ Asiri en revendant les secrets de l’ Empire à la
Théah. Les Héros sauront-ils l’ empêcher d’ attirer CORNÉLIE BLANCHET
les armées théanes sur les rivages kuraques ?
• Cornélie souhaite prouver sa valeur à l’ Impératrice
« La loyauté est un concept piégeux.
en détruisant le Pakaykuq. Elle a persuadé un groupe Je suis loyale envers moi-même,
de commerçants théans de l’ aider à les infiltrer. Les cela ne vous suffit pas ? »
Héros sauront-ils démasquer les espions et sauver la
résistance ?

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

4 5 9
Chapitre 5
Aventures dans
le Nouveau Monde
CONCEPTION D'UN HÉROS AZTLAN
L’Aztlan est très éloignée de la Théah, c’est pourquoi elle toujours aider ceux qui en ont besoin—ou ne peuvent s’en
possède un contexte historique riche de récits, d’intrigues et sortir seuls—et il traite les problèmes de ses amis comme
d’aventures qui lui sont propres. Vous pouvez autant jouer s’il s’agissait des siens.
un personnage originaire de ce territoire magnifique qu’un
étranger venu de n’importe où ailleurs sur Terra. En Aztlan, Les Théans en Aztlan
les Héros sont ceux qui désirent bien agir, quels que soient Les Théans interagissent avec les Aztlans depuis plus de
les obstacles. Parfois, ce sont des Héros traditionnels—qui quatre-vingt dix ans. Nombre d’entre eux se sont intégrés
combattent des Scélérats ou aident ceux qui sont dans le à diverses Nations, ce qui signifie qu’il existe énormément
besoin—mais il arrive également qu’ils soient d’un genre de nationalités différentes qui cohabitent dans le Nouveau
inhabituel, à l’instar de ceux qui cherchent à préserver l’an- monde. Les Héros théans peuvent être de nouveaux arri-
cien culte des dieux pour qu’il ne soit pas effacé de l’histoire. vants tout juste débarqués ou, au contraire, il peut s’agir
de descendants de deuxième génération nés de couples de
Les Héros aztlans Théans qui se sont installés en Aztlan voilà des années, ou
Les raisons qui peuvent pousser un Aztlan à devenir un bien encore de métisses mi-Aztlan mi-Théan.
Héros sont nombreuses et dépendent bien souvent de sa Les origines de votre Héros déterminent ses intérêts
Nation d’origine. Il peut ainsi œuvrer pour une Aztlan personnels. Ceux qui sont nés en Aztlan ont les mêmes
unifiée par la diplomatie pacifique, vouloir détruire inquiétudes que les autres Héros de sa Nation, et ce même
certaines cités-États tzak k’aniennes diaboliques et mettre s’ils possèdent encore des liens avec leurs racines théanes.
fin à leurs terribles traditions, ou encore simplement libérer Les Théans récemment arrivés ont quant à eux d’autres
les siens d’un souverain Scélérat. Quoi qu’il en soit, ce raisons, tout aussi nombreuses, d’être sur place. Peut-être
Héros voit que quelque chose ne va pas dans son pays, et il ont-ils fui un sombre passé et tentent de se construire une
s’est juré d’arranger les choses. nouvelle vie dans l’Alliance nahuacane. Il est également
Le Héros aztlan est fier d’être courageux et intelligent. possible qu’ils veuillent s’enrichir et devenir célèbre dans
Il refuse de laisser la peur dicter ses actes et même si sa les jungles du Tzak K’an, qu’ils aient besoin d’un soutien
Nation craint la guerre avec la Théah, il sait qu’il peut politique au Kuraq ou qu’ils cherchent quelqu’un venu au
trouver des alliés fiables chez les Héros théans. Il veut Nouveau monde avant eux.

160 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Conception d’un Héros aztlan Étape 3 : les Historiques
Ce chapitre contient ce dont vous avez besoin pour créer Peu d’Aztlans choisissent leur propre vie. Souvent, les
un Héros aztlan. Les règles sont identiques à celles du parents décident de la carrière de leur enfant. Il en va proba-
Livre de Base, le Nouveau monde élargissant simple- blement de même pour votre Héros. L’Historique repré-
ment les choix au-delà de la Théah. sente ce qu’il a fait avant le début du jeu : a-t-il été formé
Il existe des Historiques de base et des Historiques à devenir prêtre ou guerrier ? Ses parents l’ont-ils envoyé
par Nation, comme dans le Livre de Base. Si vous suivre un séminaire pour devenir juge ? A-t-il été élevé dans
voulez jouer un awqaylli du Kuraq, c’est donc possible. le respect des Vénérables ? Est-il né dans l’opulence des
Ce chapitre inclut également des Avantages, Arcanes et nobles aztlans ? Ce n’est pas à cela que la vie de votre Héros
Histoires inédits, ainsi que des nouveaux systèmes de a abouti, mais c’est ainsi qu’elle s’est engagée.
Sorcellerie, Styles de Duels, Origines pour les Navires et Les Historiques représentent le passé de votre Héros : il
Aventures, tous spécifiques au Nouveau monde. était soldat, il était scribe, il était assassin. Cela l’influence
Vous pouvez bien entendu mélanger tout cela avec les sans doute encore, et même beaucoup, mais ce n’est pas
éléments du Livre de Base, mais prenez garde aux restric- forcément ce qu’il est devenu.
tions. Votre MJ peut autoriser certaines exceptions—comme Les Historiques apportent quelques éléments qui contri-
un alchimiste tzak k’anien par exemple—mais elles doivent bueront à rendre votre Héros unique.
rester rares. Oui, vos Héros sont exceptionnels, mais vous Restrictions : certains Historiques sont soumis à des
devez expliquer leurs particularités et ainsi ouvrir la voie conditions. Veillez à y satisfaire, car elles font partie de
à de futures histoires. Par exemple, vous pouvez jouer une l’histoire de votre Héros.
Sorte Strega nahuacane si vous décidez que son grand-père Coups d’éclat : les Historiques sont accompagnés d’un
nahuacan a épousé une Vodacci cinquante ans auparavant. Coup d’éclat : un trait de personnalité courant chez les
personnes du milieu concerné. Vous recevez un point
Étape 1 : les Caractéristiques d’Héroïsme si vous agissez en accord avec le Coup d’éclat
Chaque Héros possède cinq Caractéristiques qui défi- de votre Historique. Attention : un Coup d’éclat donné
nissent ses capacités naturelles. Il s’agit de : ne peut vous rapporter qu’un seul point d’Héroïsme
La Force, qui mesure la force et la puissance physique par partie.
du Héros. Avantages : les Historiques vous apportent des
La Finesse, qui indique sa coordination et son agilité. Avantages : des capacités que la plupart des Aztlans n’au-
La Résolution, qui évalue sa volonté et son endurance. ront jamais. Si votre Historique vous octroie un Avantage,
L’Astuce, qui donne une idée de sa rapidité d’esprit. notez-le sur votre Feuille de Héros. Il est gratuit.
Le Panache, qui représente son charme et Compétences : chaque Historique inclut une liste
son magnétisme. de Compétences que vous obtenez au Rang 1. Les
Un Héros commence avec un score de 2 dans toutes Compétences sont des aptitudes précises correspondant
ses Caractéristiques. Vous disposez en plus de 2 points à à des tâches précises. Comme les Caractéristiques, les
distribuer dans la ou les Caractéristiques de votre choix. Compétences sont mesurées en Rangs, vous indiquant
combien de dés elles vous confèrent. Une Compétence
Étape 2 : la Nation ne peut dépasser le Rang 5.
Le choix de votre Nation affecte vos Caractéristiques
et vous donne accès à des Historiques et des Avantages Deux Historiques
spécifiques. N’appliquez ces bonus qu’après avoir dépensé Choisissez deux Historiques différents dans la liste
les points de l’étape 1. Bonus par Nation : ci-dessous.
Vous recevez tous les Avantages de l’Historique. Si
NATION BONUS vous recevez un Avantage en double, choisissez-en un
Alliance nahuacane  +1 en Finesse ou +1 en Astuce autre avec le même coût en points.
Kuraq +1 en Force ou +1 en Résolution Vous recevez 1 Rang dans toutes les Compétences
Tzak K’an +1 en Astuce ou +1 en Panache liées à votre Historique. Si vous avez une ou plusieurs
Compétences en double, ajoutez-y 1 Rang, pour un total de 2.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 161


Historiques de base Historiques de l’Alliance nahuacane

ATHLÈTE CUĀUHTLI (CHEVALIER AIGLE)


Vous êtes connu à travers toute l’Aztlan pour vos talents au jeu Vous êtes l’un des meilleurs soldats de l’Alliance, et votre
de balle, à la lutte ou tout autre sport populaire. heaume en forme d’aigle vous distingue des autres.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d'Héroïsme lorsque vous usez de votre Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous occupez
célébrité ou réputation pour inspirer un autre personnage. d’un problème qui ne vous concerne pas, simplement parce
que c’est la bonne chose à faire.
Avantages Compétences
Fanfaron Athlétisme Avantages Compétences
Réflexes éclair Bagarre Débrouillard Armes blanches
Intimidation Objet fétiche Art militaire
Représentation Parure de plumes Athlétisme
Tir Empathie
Persuasion
COMMERÇANT AGRÉÉ
Vous êtes habilité à soutenir le commerce entre l’Aztlan et la Théah, OCĒLŌTL (GUERRIER JAGUAR)
ce qui vous permet d’envoyer vos cargaisons vers l’Ancien monde. Vous parcourez la jungle nahuacane avec vos frères et sœurs
Coup d’éclat d’armes pour combattre les ennemis de la Nation.
Vous gagnez un point d'Héroïsme lorsque vous utilisez votre Coup d’éclat
réseau pour renforcer les liens entre votre Nation d’origine et Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous faites en sorte de
une puissance étrangère. travailler en équipe pour résoudre un problème.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Marié à l’Océan Armes blanches Académie de Duellistes Armes blanches
On se serre la pince ? Empathie (Icniuhitli) Art militaire
Sens de l’orientation Érudition Traqueur fantôme Athlétisme
Navigation Dissimulation
Persuasion Intimidation

IMMIGRANT THÉAN POCHTECA (MARCHAND)


Vous avez été forcé de quitter la Théah et vous espérez recons- Vous voyagez à travers toute l’Aztlan afin d’établir des alliances
truire une nouvelle vie dans ce nouveau monde. et de fouiner dans les secrets de vos ennemis.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous essayez de Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous sacrifiez ou
résoudre un problème de la même façon que vous l’auriez fait sabotez un échange commercial pour obtenir un secret très utile.
dans votre pays natal et que cela vous attire des ennuis. Avantages Compétences
Avantages Compétences Linguiste Empathie
Bagarreur de bar Bagarre On se serre la pince ? Dissimulation
Fibre héroïque Empathie Sens des affaires Persuasion
Navigation Subornation
Persuasion Vol
Vigilance
TEPANTLATO (AVOCAT)
TRAFIQUANT DE RELIQUES On vous a demandé de défendre des accusés grâce à vos
Vous mettez la main sur des artefacts de manière plus ou connaissances légales.
moins légale afin de préserver la culture aztlane. Coup d’éclat
Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous persuadez vos
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous obtenez une relique alliés de résoudre un problème par le dialogue plutôt que par
antique (d’Aztlan ou de Théah) par des moyens peu honnêtes. la violence.

Avantages Compétences Avantages Compétences


Accointances interlopes Armes blanches C’était un malentendu Empathie
Passe-partout Empathie Ensemble, nous vaincrons ! Érudition
Signes Secrets Dissimulation Dissimulation
Navigation Persuasion
Vol Représentation

162 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Historiques du Kuraq Historiques du Tzak K’an

AWQAYLLI (SOLDAT DE SUPAY) DEVIN


Vous êtes le bras armé de Supay, protégeant ses prêtres et On vous a chargé de guider votre peuple, mais tout pouvoir
détruisant ses ennemis, y compris les dieux. comporte des sacrifices.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous gagnez contre Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque l’un de vos conseils
un ennemi plus puissant que vous. attire des ennuis à quelqu’un.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Académie de Duellistes Armes blanches Horloge vivante Armes blanches
(Waglichina) Athlétisme Sorcellerie Érudition
Sorcellerie Dissimulation Sorcellerie Intimidation
Érudition Persuasion
Vigilance Vigilance

CHURIKUNA (PRÊTRE DE SUPAY) HOLKANOB (SOLDAT)


Vous êtes l’un des prêtres de la mort de Supay et savez faire Vous êtes l’un des soldats du Tzak K’an, et vous vous dressez
appel au pouvoir des Vénérables pour accomplir sa volonté. entre le peuple et les envahisseurs.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous suivez les Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque, dominé en nombre,
ordres sans les contester. en armement et en force, vous refusez de céder.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Sens de l’orientation Art militaire Débrouillard Armes blanches
Sorcellerie Érudition Dur à cuire Athlétisme
Sorcellerie Intimidation Dissimulation
Persuasion Tir
Représentation Vigilance

PAKAYKUQ (RÉSISTANT) JAGUAR-GAROU


Vous pensez que Supay n’est pas le dieu dont votre Nation La malédiction des jaguars-garous coule dans vos veines. Vous ne
a besoin et menez un combat secret en faveur d’une vivez que parce que cela reste un secret.
autre divinité. Coup d’éclat
Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque votre héritage garou
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous prenez un gros vous attire des ennuis.
risque pour vous opposer à une figure tyrannique. Avantages Compétences
Avantages Compétences Culture étrangère (Nahuacan) Athlétisme
Anciennes traditions1 Athlétisme Dresseur Bagarre
Béni par les dieux Dissimulation Yeux de félin Dissimulation
Équitation Érudition
Subornation Vigilance
Vigilance
CHAMANE
TOKOYRIQ (GARDE IMPÉRIAL) Vous avez été banni du Tzak K’an à cause de vos pouvoirs, mais
En tant que membre de la garde impériale, mais aussi de la police vous avez toujours à cœur de protéger votre Nation.
secrète, votre mission est de maintenir la paix dans le Kuraq. Coup d’éclat
Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez une
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous découvrez un aide surnaturelle.
secret et que cela vous attire des ennuis. Avantages Compétences
Avantages Compétences Maître des tempêtes Athlétisme
Imprévisible Armes blanches Sorcellerie Bagarre
Pssst, par ici Empathie Empathie
Intimidation Érudition
Tir Vigilance
Vigilance

1 : Voir L’Empire du Croissant page 159.


7E MER : LE NOUVEAU MONDE 163
Étape 4 : les Compétences EMPATHIE
Vous recevez 10 points que vous pouvez utiliser pour Empathie s’utilise pour jauger la sincérité d’autrui. Empathie
améliorer les Compétences apportées par vos Historiques permet aussi d’évaluer l’état d’esprit de quelqu’un : effrayé,
ou en acquérir de nouvelles. Chaque point dépensé vous nerveux, en colère…
fait gagner un Rang dans une Compétence. À ce stade, vous
ne pouvez pas dépasser le Rang 3 dans une Compétence. ÉQUITATION
Si votre Héros atteint un certain Rang dans une Compétence, Équitation s’utilise dans le cas d’une poursuite échevelée en
cela lui confère également les bonus cumulatifs suivants : attelage. Équitation permet aussi de chevaucher au galop en
• Au Rang 3, vous pouvez relancer un dé, n’im- pleine forêt.
porte lequel, lorsque vous prenez un Risque
incluant cette Compétence. ÉRUDITION
• Au Rang 4, au lieu de constituer 1 Mise par Érudition s’utilise pour débattre avec enthousiasme de
tranche de 10 comme à l’ordinaire, vous pouvez certains sujets que vous connaissez, d’expérience ou grâce
constituer 2 Mises par tranche de 15. à vos études. Érudition permet aussi de faire usage de vos
• Au Rang 5, tous les dés qui donnent un 10 connaissances pour répondre à des questions dans bien des
explosent : vous lancez un dé supplémentaire et domaines. Cette Compétence s’utilise enfin pour soigner
vous l’ajoutez à votre total. des blessures en recourant à votre formation médicale.

ARMES BLANCHES INTIMIDATION


Armes blanches s’utilise pour attaquer au moyen d’une arme, Intimidation s’utilise pour forcer quelqu’un à vous obéir en le
qu’il s’agisse d’une épée, d’une hache, d’un marteau ou d’un menaçant, que ce soit physiquement ou par d’autres moyens.
couteau. Armes blanches permet aussi d’évaluer la qualité Intimidation permet aussi de faire déguerpir vos ennemis
d’une lame ou d’une arme. avant qu’ils n’aient l’occasion de frapper.

ART MILITAIRE NAVIGATION


Art militaire s’utilise pour mettre en œuvre votre exper- Navigation s’utilise pour circuler dans le gréement d’un
tise tactique, par exemple afin de faire une brèche dans les bateau. Navigation permet aussi de manœuvrer un navire
défenses d’un château. Art militaire permet également de lors d’une bataille navale ou de traverser un canal étroit
diriger une armée au combat. et périlleux.

ATHLÉTISME PERSUASION
Athlétisme s’utilise pour traverser une pièce en se balançant à Persuasion s’utilise pour faire appel aux bons sentiments
un lustre, bondir de toit en toit, esquiver des chutes de débris d’autrui. Persuasion permet aussi d’assurer à votre interlo-
ou grimper au mât d’un navire. cuteur que vous êtes complètement honnête avec lui et qu’il
peut vous faire confiance.
BAGARRE
Bagarre s’utilise pour donner des coups de poing ou de pied à REPRÉSENTATION
un adversaire, ou encore se saisir de quelqu’un pour le traîner Représentation s’utilise pour captiver un public grâce à vos
dans une ruelle. talents d’artiste. Représentation permet aussi de transmettre
un message particulier aux spectateurs, voire de susciter une
DISSIMULATION émotion spécifique : les faire rire grâce à vos facéties, leur tirer
Dissimulation s’utilise pour se faufiler à travers une pièce des larmes en jouant un personnage tragique, les stimuler
obscure sans que les gardes en faction ne vous repèrent. grâce à un discours galvanisant, etc.
Dissimulation permet aussi de cacher une arme ou un objet
et d’éviter qu’on ne le découvre si l’on vous fouille. Vous SUBORNATION
pouvez également l’utiliser pour attaquer sournoisement Subornation s’utilise pour soudoyer quelqu’un et le pousser
une victime, avec une arme ou à mains nues. Dissimulation à agir au mépris du bon sens. Subornation permet aussi de
sert aussi à élaborer un déguisement ou à camoufler un lieu. convaincre autrui de vous accorder « un moment d’intimité. »

164 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


TIR Lorsque vous utilisez votre Parure de plumes, vous
Tir s’utilise pour pointer un pistolet sur quelqu’un et pouvez à tout moment dépenser un point d’Héroïsme
presser la détente. Tir permet aussi de projeter un poignard pour utiliser l’aptitude choisie. Un Héros peut acheter cet
au milieu d’une pièce bondée avec une parfaite précision, Avantage plusieurs fois pour le même objet. Chaque fois,
qu’il s’agisse de toucher une personne ou un objet. il doit choisir une aptitude différente.

VIGILANCE SANG MÊLÉ


Vigilance s’utilise pour examiner une scène de crime ou à fouiller Vous avez un héritage métisse : vos parents sont issus de deux
le bureau d’un Scélérat en quête d’indices. Vigilance permet Nations différentes. Choisissez une Nation qui n’est pas la
aussi de remarquer d’infimes détails au premier coup d’œil. vôtre. Vous pouvez acheter les Avantages de cette Nation (à
prix réduit le cas échéant) ainsi que choisir sa Sorcellerie si
VOL vous acquérez l’Avantage Sorcellerie (mais vous ne pouvez
Vol s’utilise pour faire les poches de quelqu’un sans qu’il s’en rende toujours apprendre qu’un seul type de magie).
compte. Vol permet aussi de crocheter une serrure, de percer un
coffre ou de vous livrer à d’autres activités louches de ce genre. SIGNES SECRETS
Grâce à un bruit ou un geste qui semble a priori tout à fait
Étape 5 : les Avantages normal, vous pouvez transmettre un message très court (comme
Vos Historiques incluent des Avantages, mais vous pouvez « danger, » « à l’aide, » « fuis, » « cours ») à tous les alliés qui
en acquérir d’autres. Il s’agit des particularités qui font peuvent vous voir ou vous entendre. Le plus souvent, il s’agit de
sortir votre Héros du lot. piaillements d’oiseaux, de cris d’animaux ou de gestes discrets.
Vous disposez de 5 points à y consacrer.
Les Avantages coûtent entre 1 et 5 points et leur coût Avantages à 2 points
peut varier selon la Nation d’origine de votre Héros.
Certains Avantages comprennent des restrictions. Sauf CONFIDENT
mention contraire explicite, tout Avantage ne peut être Vous devez posséder l’Avantage « Compagnon fidèle. »
acquis qu’une seule fois. Choisissez un Historique de base pour votre Compagnon
Un Avantage marqué du symbole « Talent » ( ) fidèle. Lorsque ce dernier prend un Risque utilisant une
requiert la dépense d’un point d’Héroïsme, mais pas Compétence de cet Historique, lancez 2 dés supplémentaires.
d’une Mise, ce qui signifie qu’il ne coûte pas d’Action, Il obtient de plus tous les Avantages de cet Historique (tout
même s’il s’active durant votre tour. effet exigeant une dépense de point d’Héroïsme sera payé de
votre poche). Votre Compagnon peut désormais recevoir 10
Avantages à 1 point Blessures avant d’être Sans défense. Si cela survient, il aura
certainement besoin que vous veniez à son secours.
PARURE DE PLUMES (NAHUACANS SEULEMENT)
Vous devez posséder l’Avantage « Objet fétiche. » ENFANT DES TEMPÊTES
Votre objet fétiche est fait de matériaux mystiques tels Toute Mise dépensée pour surmonter une Conséquence
que des plumes bénies par les dieux ou une obsidienne créée par un Obstacle compte pour 2 Mises.
enchantée. Lorsque vous acquérez cet Avantage, choisissez
l’une des aptitudes suivantes : ENTRAIDE (1 POUR UN NAHUACAN)
Lorsque vous dépensez une Mise pour créer une
• Les Blessures que vous infligez ne peuvent être réduites Opportunité, vous pouvez en dépenser une deuxième avec
en dessous de votre Caractéristique la plus élevée. l’accord d’un autre Héros pour que ce dernier n’ait pas
• Évitez à un autre personnage un nombre de besoin d’investir une Mise pour profiter de l’Opportunité.
Blessures égal à votre Caractéristique la plus élevée.
• Exercez une Contrainte sur autant de cibles que FANFARON
votre Caractéristique la plus élevée. Lors d’une Séquence d’Action, utilisez votre première Mise
• Ignorez un effet de Peur égal à votre Caractéristique pour vanter de manière très imagée et inventive la façon dont
la plus élevée. vous allez vaincre votre adversaire. Par la suite, la première

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 165


fois que vous lui infligerez des Blessures, il devra dépenser 2 CONTINUEZ SANS MOI… (1 POUR UN KURAQUE)
Mises pour chaque Blessure qu’il souhaitera éviter. Dépensez toutes vos Mises, au moins une par autre Héros
présent dans la Scène. Chacun d’eux quitte la Scène en
GLANEUR vous laissant sur place. Vous ne pouvez pas vous échapper
Lorsque vous passez au moins une heure à fouiller un (pas même en utilisant la vertu Roublard), et ceux qui sont
endroit, vous finissez par y trouver de quoi fabriquer des partis ne peuvent pas revenir. Tous les joueurs doivent
armes rudimentaires (lance de pierre ou de bois, silex aiguisé, être d’accord. Si un seul d’entre eux refuse, alors tous les
flèches artisanales, etc.), des protections ou des outils de Héros restent et vous perdez quand même vos Mises.
base (marteau, ciseaux, couteau à dépecer, etc.). Ces objets
fonctionnent pendant une Scène (pas nécessairement celle DRESSEUR
où ils ont été créés). Si le MJ dépense un point de Danger, Vous pouvez dépenser une Mise durant votre Action
cet objet se casse. pour empêcher un animal ou un Monstre d’attaquer. Il
peut toujours entreprendre d’autres Actions (s’enfuir, se
C’EST ÇA LE TALENT ! cacher, etc.), mais il ne pourra pas agresser les personnes
Lorsque vous prenez un Risque en utilisant une Compétence présentes. L’effet prend fin—et ne peut plus être réac-
dans laquelle vous avez un Rang de 0 ou 1, dépensez un point tivé—si l’animal ou le Monstre reçoit une Blessure ou qu’il
d’Héroïsme pour recevoir 2 dés bonus au lieu d’un. perçoit une action entreprise comme une agression. Cet
Avantage ne fonctionne pas sur les créatures disposant
ON SE SERRE LA PINCE ? (1 POUR UN TZAK K’ANIEN) d’une intelligence équivalente à celle d’un être humain.
Vous pouvez relancer jusqu’à 2 dés lorsque vous dépensez
de la Richesse pour relancer un dé dans un Risque social. FAIRE LE MORT
Lorsque vous êtes le seul Héros restant dans une Scène
TRAQUEUR FANTÔME qui comprend un Scélérat—ou des Brutes envoyées
Dépensez un point d’Héroïsme pour vous mouvoir en par un Scélérat—vous pouvez choisir de passer Sans
silence, disparaître dans les ténèbres ou toute autre action défense. Le Scélérat (ou ses Brutes) laissera alors
liée à votre affinité avec les ombres. échapper une information qui vous sera utile. En général,
vous apprendrez quelques renseignements opportuns
YEUX DE FÉLIN ou vous comprendrez les motivations et les projets de
Vous savez faire appel à vos autres sens pour compenser la votre ennemi.
perte de vision. Dépensez un point d’Héroïsme : jusqu’à Le Scélérat peut par exemple sourire d’un air suffisant
la fin de la Scène, vous voyez tout, peu importe l’état de alors qu’il vous croit inconscient et clamer à ses hommes
la lumière ou la visibilité. Par exemple, si vos yeux sont que votre père avait la même tête avant qu’il ne le tue. Des
bandés ou que vous êtes dans les ténèbres, vous pouvez gardes peuvent également dire qu’ils vont vous enfermer
agir comme si de rien n’était. juste à côté de la cellule du baron, vous révélant ainsi que
leur patron a emprisonné celui que vous recherchez.
Avantages à 3 points Le Scélérat ou ses Brutes pourront ensuite soit partir en
vous laissant pour mort, soit vous faire prisonnier, soit
BIENVENUE DANS LA JUNGLE entreprendre une autre action pendant que vous êtes Sans
Dépensez un point d’Héroïsme lorsque vous traquez une défense, mais ils ne pourront pas vous tuer. Au début de
proie dans un environnement naturel, comme une jungle ou la Scène suivante, vous n’êtes plus Sans défense.
une forêt. Les premières Blessures que vous infligez à votre
cible provoquent une Blessure Dramatique. Cet Avantage IMPRÉVISIBLE
n’est utilisable qu’une fois par Héros et par Scène, et ne fonc- Lors de chaque Round, la première fois que vous
tionne pas avec les armes à feu. Improvisez, vous n’avez pas besoin de dépenser de Mise
supplémentaire. Cet avantage ne fonctionne qu’avec
l’Improvisation. Toute autre augmentation de Mises
s’applique normalement.

166 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


J’AURAI LE DERNIER MOT ! Avantages à 5 points
Si, pendant une Séquence Dramatique, vous n’avez
aucune Mise, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme CHASSEUR DIVIN (3 POUR UN KURAQUE)
pour tenter une unique Action. On considère que vous Dépensez un point d’Héroïsme lorsque vous infligez des
n’ Improvisez pas. Vous pouvez dès lors effectuer toute Blessures à un Scélérat ou un Monstre. Vous infligez des
action qui demanderait une (et une seule) Mise. Cet Blessures supplémentaires égales à la différence entre la
Avantage ne peut être utilisé qu’une fois par joueur et Puissance de votre ennemi et votre Caractéristique la plus
par session. élevée. Par exemple, si votre plus haute Caractéristique
est la Finesse à 3 et que vous attaquez un Scélérat de
TENTATIVE DÉSESPÉRÉE Puissance 10, vous infligerez 7 Blessures supplémentaires.
Si, pendant une Séquence d’Action, vous n’avez aucune
Mise, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour ENSEMBLE, NOUS VAINCRONS !
(3 POUR UN NAHUACAN)
tenter une unique Action. On considère que vous n’ Im-
provisez pas. Vous pouvez dès lors effectuer toute action Lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme pour ajouter
qui demanderait une (et une seule) Mise. Cet Avantage trois d10 supplémentaires à la réserve d’un autre Héros
ne peut être utilisé qu’une fois par joueur et par session. avant un Risque, vous pouvez partager ces dés avec tout
autre Héros allié qui peut vous voir ou vous entendre.
Avantages à 4 points Tout ceux qui reçoivent ces dés peuvent dépenser leurs
points d’Héroïsme pour obtenir d’autres dés bonus, et
BÉNI PAR LES DIEUX peuvent également en recevoir d’autres de la part d’un
Vous avez été marqué ou choisi par l’un des dieux autre Héros qui dépenserait à son tour un point d’Hé-
d’Aztlan (Supay, Apocōālt ou Ītzzohualli par exemple). roïsme pour les aider. Pour résumer : dans cette dépense
Lors d’un Risque, après avoir lancé les dés pour constituer de points d’Héroïsme, la limitation «  Un Héros ne
vos Mises, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme peut être aidé que par un autre Héros à la fois » ne s’ap-
pour en appeler à la faveur de votre dieu. Sélectionnez un plique pas.
chiffre : tout dé ayant obtenu ce résultat explose.
Par exemple, si vous sélectionnez le 7, alors tous vos 7 MAÎTRE DES TEMPÊTES
(3 POUR UN TZAK K’ANIEN)
explosent (en plus des autres dés, comme vos 10 si vous
avez reçu 2 Blessures Dramatiques). Vous ne pouvez Dépensez un point d’Héroïsme pour donner à un
utilisez cet Avantage qu’une fois par Scène. Obstacle présent dans la Scène l’Aspect Domination—et
en devenir le maître—jusqu’à la fin du round. Si l’Obs-
DERNIÈRE BALLE tacle avait déjà cet Aspect, vous en devenez le maître pour
Si vous êtes armé d’un pistolet, d’une arbalète, d’un le Round, le précédent en perdant alors le bénéfice. Tant
couteau de lancer ou de toute autre arme de tir et que que vous dirigez cet Obstacle, vous pouvez dépenser une
vous n’avez aucune Mise durant une Séquence d’Action, Mise chaque fois que l’Obstacle entreprend une Action
dépensez un point d’Héroïsme et choisissez un autre afin qu’elle échoue (les Mises dépensées étant perdues).
personnage présent dans la Scène à qui vous infligez une Vous ne pouvez activer cet Avantage qu’une fois par Héros
Blessure Dramatique. Vous devez alors soit passer Sans et par Scène.
défense, soit quitter la Scène sans possibilité de retour.

MENACE SILENCIEUSE
Dépensez un point d’Héroïsme pour vaincre immédiate-
ment une Escouade de Brutes. Leur force n’importe pas
tant qu’ils ne sont pas au courant de votre présence avant
le début de l’attaque.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 167


Étape 6 : les Arcanes
Choisissez la Vertu et le Travers de votre Héros soit dans Le Scribe
la liste ci-dessous, soit dans celle du Livre de base Vertu : Instruit
(page 156-158). Ils n’ont pas besoin d’appartenir à la Activez votre Vertu pour affirmer quelque chose à propos
même carte. d’un événement passé ou présent. Cette affirmation
Vous pouvez activer votre Vertu une fois par partie. Cela sera véridique.
ne vous coûte rien, mais le faire est soumis à des circons-
tances particulières : rencontrer un personnage, voir un Travers : Cancre
autre Héros subir des Blessures, etc. Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous insistez pour
Vous pouvez activer votre Travers une fois par partie. utiliser une information qui n’est pas fiable et que les choses
Cette activation vous rapporte un point d’Héroïsme. Le tournent mal.
MJ peut aussi offrir un point d’Héroïsme à un joueur
pour activer le Travers de son Héros. Le joueur est libre L’Astronome
de refuser. S’il accepte, il gagne le point d’Héroïsme au Vertu : Clairvoyant
prix de la contrainte que lui impose son Travers. Activez votre Vertu après avoir posé une question à un
autre personnage. Vous saurez s’il ment ou non.
La Montagne
Vertu : Résistant Travers : Borné
Activez votre Vertu lorsque vous recevez votre quatrième Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez de
Blessure Dramatique. Pour le reste du Round, vous agissez porter crédit aux dires de quelqu’un d’autre et que cela vous
normalement et n’êtes pas considéré Sans défense. attire des ennuis.

Travers : Insensible L’Explorateur


Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque votre person- Vertu : Courageux
nage entend parler des problèmes d’un autre et ne fait rien Activez votre Vertu lorsque votre personnage est ciblé par
pour l’aider. un effet de Peur au moment où vous lancez les dés. Vos
10 explosent. S’ils explosent déjà suite à un autre effet, vos
La Rivière 9 explosent.
Vertu : Flexible
Activez votre Vertu lorsque vous subissez une Contrainte. Travers : Impulsif
Vous n’avez pas besoin de dépenser de Mise supplémen- Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous agissez sans
taire pour entreprendre une autre Action. vous informer au préalable et que cela vous attire des ennuis.

Travers : Désinvolte L’Étoile du matin


Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous allez à Vertu : Fascinant
l’encontre d’un ordre donné par une autorité supérieure. Activez votre Vertu pour que toutes les Actions entreprises
durant le Round contre vos alliés soient dirigées contre vous seul.
Le Grand cycle
Vertu : Vivant Travers : Prétentieux
Activez votre Vertu pour relancer n’importe quel nombre Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez de
de dés lorsque vous prenez un Risque. participer à une action parce que vous estimez qu’elle est
indigne de vous.
Travers : Mort
Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque votre MJ
dépense un point de Danger qui impacte votre personnage.

168 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


L’Étoile du soir Premières étapes
Vertu : Solide • Des ennuis s’annoncent et impossible que mon
Activez votre Vertu lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme village natal soit de taille à les affronter. Je pars
pour aider un allié. Ce Héros gagne deux dés additionnels. pour trouver de l’aide.
• Un embargo met mon activité commerciale en
Travers : Obstiné péril. Je trouve quelques clients qui sont intéressés
Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous tapez par ce que je vends difficilement dans ma ville.
du poing sur la table et que cela vous attire des ennuis. • L’ami d’un ami pourrait m’aider à entrer dans une
classe sociale plus élevée et améliorer mon propre rang.
Le Ceiba
Vertu : Fort Disparu
Activez votre Vertu lorsque le MJ dépense un point de Quelqu’un, ou quelque chose, a disparu. Rien n’ira bien
Danger. Celui-ci n’a pas d’effet, mais reste dépensé. jusqu’à ce qu’on le retrouve. Malheureusement, l’Aztlan est
une terre gigantesque. Entre les jungles foisonnantes, les
Travers : Prudent montagnes pleines de dangers et les cités labyrinthiques,
Recevez un point d’Héroïsme lorsque vous cachez des il y a beaucoup trop d’endroits où chercher.
informations à vos alliés, mais que cela vous serait pour-
tant bénéfique de les leur révéler. Fins
• Je retrouve le dieu de la pluie et sauve ma ville de
Étape 7 : les Histoires la sécheresse.
Les Héros travaillent de concert à créer une histoire globale, • Je retrouve le véritable héritier et détrône
mais chaque Héros a aussi sa propre Histoire à raconter, et l’imposteur.
le vôtre ne fait pas exception. Les Histoires sont à la fois • La relique familiale n’est pas magique mais
ce que vous souhaitez accomplir et le chemin qui vous y maudite. Je la remets « entre de bonnes mains. »
mènera : la promesse faite à votre père sur son lit de mort,
l’homme dont le faux témoignage vous a valu de longues Premières étapes
années de prison, la belle que vous avez juré de reconquérir… • Le dieu de la pluie a disparu. Les cultures ne
Davantage d’informations sur les Histoires sont dispo- poussent pas et ma ville est au bord de la famine.
nibles dans le Livre de Base (page 169). Un ancien me parle d’une piste qui mènerait à
la divinité.
Alliances • Le véritable héritier au trône est censé être mort
Le Nouveau monde est construit sur un système complexe et ma cité-État est dirigée par un fou ! Je trouve
d’alliances politiques, sociales et économiques. Peut-être une preuve indiquant que l’héritier légitime est
souhaitez-vous de nouveaux partenariats avec des étran- toujours vivant.
gers ou des groupes indépendants, ou bien voulez-vous • Mon grand-père m’a raconté que la vieille babiole
simplement convaincre un adversaire de s’allier à vous que j’ai vendue pour presque rien est en fait un
contre un ennemi commun. Peut-être voulez-vous juste objet de famille magique.
étouffer une querelle entre deux dirigeants.
Maudit
Fins Peut-être avez-vous vagabondé dans un temple interdit
• Je me rends compte que ces « alliés » me feront ou malencontreusement contrarié un dieu, toujours est-il
plus de mal que de bien et je sabote l’accord pour que depuis, vous êtes maudit. Il existe toutes sortes de
lequel j’ai tant œuvré. malédictions en Aztlan, mais c’est vous qui gérez la vôtre.
• J’établis une vaste route commerciale (et deviens Vous devez d’abord déterminer les effets de la malédiction,
riche au passage). ses causes et enfin comment elle peut être levée.
• Pour chaque alliance que je consolide, je me fais
un ennemi.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 169


Fins Étape 8 : Touches finales
• J’accomplis un rituel et la malédiction est levée. Pour finir, remplissons ce qui reste sur la Feuille de
• Je me venge de celui qui m’a maudit. Héros : les Langues, la Réputation, les Sociétés secrètes,
• J’utilise les pouvoirs de la malédiction et apprend la Richesse et les Blessures.
à vivre avec. La Réputation, la Richesse et les Blessures de votre
Héros aztlan sont identiques à ceux d’un Théan et fonc-
Premières étapes tionnent de la même façon. Pour plus d’informations, voir
• J’entends parler d’un rituel qui pourrait conjurer le Livre de Base (page 163).
la malédiction. Votre Héros peut également rejoindre une Société
• J’ai juré de traquer celui qui m’a maudit. secrète. Toutes les sociétés théanes vous sont accessibles,
• Nul ne sait rien sur la malédiction et je dois et ce supplément en présente trois nouvelles : les Gardiens
partir en quête de réponses. de l’Aztlan, les Héritiers du Jaguar et le Pochteca.

Rites de passage Les Gardiens de l’Aztlan


Que vous soyez scribe, scientifique, artiste ou astro- Une organisation qui vise à protéger le continent aztlan de
nome, vous n’avez pas encore fini votre formation. Votre toute agression extérieure, luttant pour empêcher l’éternel
mentor ou votre institution a besoin que vous prouviez retour des Anciens dieux, mais divisés au sujet de l’arrivée
votre valeur. des Théans.

Fins Les Héritiers du Jaguar


• Je fais la découverte du siècle ! Les gens parleront Un groupe de sorciers qui cherche à rassembler et
de moi pour des générations. maîtriser les savoirs mystiques du continent, tout en
• Je me rends compte que l’aventure est bien plus repoussant les sorciers Scélérats.
enrichissante que le métier que j’allais exercer.
J’abandonne les études pour une nouvelle vie. Le Pochteca
• J’obtiens enfin le droit d’entrée de mon académie Une faction de marchands qui a abandonné les privilèges
et mon travail est accueilli avec admiration et de la richesse en échange du libre commerce. Il se sont mis
succès. à utiliser leurs ressources pour aider les pauvres d’Aztlan.

Premières étapes
• Je distingue un manque important dans mon
champ de recherche que je pourrais combler :
trouver une cité perdue, une espèce disparue ou
une technologie inédite.
• Je proviens d’une longue lignée d’individus qui
ont exercé la même profession, mais je n’y arrive
pas. Je m’en vais pour que ma famille soit fière et
un jour leur revenir, enfin capable de reprendre
l’entreprise familiale.
• Je suis apprenti artiste depuis des années, mais
l’académie me rejette à cause de mon « style quel-
conque. » Mon vieux maître dit que je devrais
voyager à la découverte du monde et de la vie en
dehors de ma petite ville.

170 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Sorcellerie
Wayak’ Kan
« Nous devons nous sacrifier comme les dieux l’ont fait. » Une fois qu’il a reçu ce qu’il était venu chercher, le sorcier
n’a plus qu’à espérer que le Serpent des visions retourne
Si, au Tzak K’an, beaucoup affirment disposer de dons de là où il est venu. La quasi totalité du temps, il redevient
mineurs, la vérité est que la vraie sorcellerie n’opère que fumée mais, parfois, il arrive qu’il s’attarde. Dans ce cas,
lorsqu’un sacrifice volontaire est accompli. Cette puissante l’ahez devient un ahpul, celui qui porte les créatures qui ne
forme de magie de sang—connue sous le nom de Quête sont pas de ce Monde.
du Wayak’ Kan, ou « Serpent de vision »—a un coût élevé,
tant physique que psychologique. Après tout, on ne sait Fonctionnement
jamais ce qui va surgir de la fumée... Lorsqu’un Héros acquiert l’Avantage Sorcellerie, il
La Quête débute lorsque le sorcier (appelé ahez) se choisit les Ahpulul qu’il apprend à invoquer : deux Baxans
prépare à être physiquement blessé à l’aide de longues (objets) et un Pixan (esprit). Chaque fois qu’il contracte
cordes incrustées d’échardes, d’épines de raie ou de lames l’Avantage Sorcellerie, l’ahez gagne deux Baxans et un
d’obsidienne. Il se concentre alors sur son esprit et paye le Pixan supplémentaires.
prix exigé par les dieux. Dès que l’ahez souhaite solliciter l’aide de l’un de ses
À ce moment, les contours de la réalité s’estompent. Ahpulul, il reçoit une Blessure qui ne peut pas être guérie
L’ahez aperçoit alors un autre Monde. Ses blessures tant que l’objet ou l’esprit n’est pas retourné dans son
saignent sur des feuilles séchées qui, une fois brûlées, Monde. S’il le fait durant une Séquence d’Action, il paye
produisent d’épaisses volutes d’une fumée dense et des Mises pour atteindre la frontière entre les mondes et
colorée. Il se retrouve alors face à un terrifiant serpent invoquer l’Ahpulul sur Terra.
géant : le Wayak’ Kan. S’il est satisfait du sacrifice, sa tête
tourbillonne, s’altère et se transforme en Ahpulul, l’incar-
nation des attentes de l’ahez.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 171


Ahpulul local, Ekchuah, se mit à le craindre. Il le fit donc enlever et
Tout ce qui est tiré des autres Mondes par un ahez est le sacrifia aux dieux. Ces derniers, comprenant que Kinich
appelé un Ahpulul. Il en existe deux types : les Baxans Ahau serait toujours craint par les hommes mauvais, l’éle-
(des objets, des armes ou des habits) et les Pixans (des vèrent au rang de divinité, lui donnant le contrôle de la
créatures intelligentes dotées d’une âme, parmi lesquelles brillance du soleil afin qu’il puisse effacer toute pénombre
on peut occasionnellement trouver des armes ou des là où il portait le regard.
objets intelligents). Lorsqu’un Héros porte les Boucles d’oreilles de
Les Baxan invoqués restent avec le Héros pour le reste de Kinich Ahau, il peut dépenser un point d’Héroïsme
la Scène avant de partir en fumée. Il n’y a pas de limite de pour illuminer une pièce, écarter une ombre et infliger
nombre de Baxans invoqués dans une même Scène. Un 1 Blessure Dramatique à quiconque possédant des points
Pixan disparaît quant à lui à la fin de la Scène, mais le de Corruption.
joueur peut décider de le garder et, ainsi, devenir un ahpul.
Le MJ et le joueur doivent dès lors convenir de ce que le Le Bouclier-autel de Buluc
Pixan souhaite accomplir dans ce Monde de manière à Buluc était une guerrière célèbre non pour avoir défait
déterminer quand il repartira. tous ses ennemis et conquis leurs terres, mais protégé
Hormis le fait d’avoir un Pixan à son service, le fait de son peuple et assuré à ses soldats la victoire. La légende
devenir un ahpul a plusieurs avantages. Tout d’abord, raconte qu’avant les combats, elle déposait son bouclier
la Blessure infligée lors de l’invocation est guérie car le au sol et y pratiquait des sacrifices pour les dieux. Le sang
sorcier ne fait plus qu’un avec la créature. Ensuite, il s’agit et les cendres de ses offrandes tâchaient le bouclier et
d’une source de respect et de crainte dans la culture du protégeaient son peuple.
Tzak K’an : quand il a affaire à un Tzak K’anien, l’ahpul est Lorsqu’il porte le Bouclier-autel de Buluc, le Héros peut
considéré comme ayant un Rang de plus en Intimidation dépenser un point d’Héroïsme pour détourner vers lui
et un de moins en Subornation. Enfin, le sorcier peut n’importe quelle attaque dirigée vers un autre personnage.
nettoyer les âmes  : dès qu’il aide un autre Héros à Toute Blessure infligée est réduite d’un point.
terminer une Histoire de Rédemption, ce dernier perd
un point de Corruption supplémentaire. La Coiffe de Naum
Il existe trois façons de perdre son Pixan. La principale est Quand les dieux ont créé les humains, ils ne réfléchissaient
lorsque ce dernier a accompli ce qu’il souhaitait faire sur pas, ne survivant que grâce à leur instinct. À cette époque,
Terra. À cela s’ajoute le fait que si l’ahpul tente d’en invo- certains dieux ont décidé de leur faire don de la pensée
quer un deuxième, le premier disparaît ; les dieux n’offrent et de l’esprit. Ils ont alors fabriqué une superbe coiffe et
qu’un pouvoir limité à une seule et même personne. l’ont confiée à une femme, Naum. Après l’avoir placée sur
Enfin, si un Héros gagne des points de Corruption, le sa tête, Naum sourit et remercia les dieux de leur présent.
Pixan s’évanouit aussitôt ; seuls ceux qui ont le cœur pur Lorsqu’il porte la Coiffe de Naum, le Héros peut
peuvent devenir ahpul. dépenser un point d’Héroïsme pour ne pas avoir à payer
de Mise supplémentaire lorsqu’il Improvise ou pour
Baxans annuler le malus lié au fait qu’il soit Inapte, et ce jusqu’à
Les Baxans sont des objets qu’un ahez peut invoquer la fin de la Scène.
pour les utiliser. Ils disparaissent toujours dans un
nuage de fumée à la fin de la Scène. Un Baxan peut être Le Collier de Cit’Tum
utilisé plusieurs fois dans une même Scène, tant que De son vivant, Cit’ Tum était un homme de sciences
l’ahez continue de payer des points d’Héroïsme pour le renommé qui guérissait les malades et soignait les blessés
garder actif. par centaines. Sur son lit de mort, il aurait murmuré :
« J’ai sauvé bien des vies, soigné bien des blessures, guéri
Les Boucles d’oreilles de Kinich Ahau bien des malades, mais je n’ai rien empêché. J’aurais
On disait de Kinich Ahau qu’il illuminait les pièces, qu’il préféré endurer la douleur moi-même au lieu de les laisser
réconfortait les malades et qu’il pouvait interrompre les souffrir. »
combats. Ses pouvoirs étaient tels qu’un chef de guerre

172 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Lorsqu’il porte le Collier de Cit’ Tum, le Héros peut lorsqu’il décida de traquer le puissant Vucub-Caquix, un
dépenser un point d’Héroïsme pour rediriger vers lui grand oiseau démoniaque. Sa prétention lui a coûté un
toutes les Blessures infligées à un autre Héros. bras, mais les dieux, prenant pitié, lui ont offert une lance
pourvue d’un grand pouvoir.
Le Couteau sanglant de Vatanchu Lorsqu’il manipule la Lance d’Ah-Tabai, le Héros peut
Dans le folklore Tzak K’anien, Vatanchu fut le premier à dépenser un point d’Héroïsme chaque fois qu’il inflige
prendre la vie d’un innocent. Dans certains récits, il s’agit des Blessures pour en infliger un nombre supplémentaire
d’un sacrifice imposé, dans d’autres, d’un meurtre. La équivalent à ses propres Blessures Dramatiques.
raison de cette mort change d’une version à l’autre, tout
comme le genre de Vatanchu et de sa victime. Il s’agit en Le Lance-soleil de Coyopa
fait de contes moraux destinés à éduquer les plus jeunes Durant toute sa vie, Coyopa fut la Tzak K’anienne la plus
sur le prix de chaque vie. habile avec un lance-pierre. Elle pouvait lancer une pierre
Lorsqu’il dispose du Couteau sanglant de Vatanchu, l’ahez plus loin et plus fort que n’importe quel homme, et même
peut dépenser un point d’Héroïsme pour appliquer une que n’importe quel dieu. On raconte notamment qu’elle
Contrainte sur tous les participants de la Scène. Toute fut défiée par le dieu Kakmo. Ce dernier lui aurait dit que
action violente coûte 2 Mises au lieu d’une. si elle parvenait à lancer une pierre dans le soleil, il lui
accorderait la vie éternelle, mais que si elle échouait, alors
Les Dents d’obsidienne de Zipacna elle serait condamnée à le servir pour toujours.
Quand Zipacna parle, de la suie et de la fumée s’échappent de Lorsqu’un Héros porte le Lance-soleil de Coyopa, il peut
sa bouche. Cela lui a donné la réputation d’être mauvais, mais dépenser un point d’Héroïsme pour infliger un nombre
on ne pourrait pas être plus loin de la vérité. Les rares qui le de Blessures équivalent à son Rang en Tir, et ce, à n’im-
connaissent savent qu’il s’agit certainement du plus héroïque porte qui dans la Scène.
des dieux. Ainsi, quand Kisin voulut détruire l’humanité,
Zipacna mordit dans sa lance pour sauver les humains. Le Pagne d’or de Xaman
Lorsqu’il porte les Dents d’obsidienne de Zipacna, le Le plus grand marchand qui ait jamais vécu s’appelait
Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour mordre Xaman. L’histoire raconte qu’il était si riche que même
n’importe quel objet—même magique—et le détruire. Il son pagne était d’or et d’argent. On dit qu’il était si géné-
reçoit une Blessure Dramatique si l’objet est magique ou reux que ses amis devenaient souvent aussi riches que lui.
unique (comme par exemple s’il est fait en Dracheneisen, Charitable, bon et honorable, Xaman représentait ce que
si c’est un artefact syrneth ou un Objet fétiche). n’importe quel marchand devrait vouloir être.
Lorsqu’il porte le Pagne d’or de Xaman, le Héros peut
Les Écailles de Tepeu dépenser un point d’Héroïsme à la place d’un point
Avant la naissance du peuple tzak k’anien, le dieu Tepeu de Richesse.
tenta de créer une humanité à son image. Sa première
création, les Vucub-Caquix, fut rapidement corrompu, Le Pati de Maximon
démontrant qu’il ne pouvait pas créer l’humanité seul. Maximon était une marchande ambulante, docteur et sage-
Cela ne le découragea cependant pas, et avec l’aide des femme. Grâce à son excellente connaissance de la jungle,
autres dieux, il parvient à créer notre Monde. elle est devenue la Tzak K’anienne ayant le plus voyagé de
Lorsque le Héros porte les Écailles de Tepeu, il peut l’histoire. Elle s’était fabriquée des sandales qui ne faisaient
dépenser un point d’Héroïsme pour relancer tous ses dés presque pas de bruit, s’était barbouillée d’huiles pour
et conserver le nouveau résultat. camoufler son odeur et avait coloré sa pati pour se fondre
dans les feuilles et les arbres qui l’entouraient.
La Lance d’Ah-Tabai Lorsqu’il porte la Pati de Maximon, le Héros peut dépenser
On raconte qu’il n’y a pas d’animal sur terre, dans les un point d’Héroïsme pour devenir invisible, inodore et
airs ou dans l’eau qui soit à l’abri de la lance du grand discret. Les effets durent jusqu’à la fin de la Scène ou jusqu’à
chasseur Ah-Tabai. Parcourant la jungle durant des jours ce que le Héros interagisse avec son environnement (pour
entiers en quête de sa proie, Ah-Tabai a provoqué sa chute ramasser un objet, attaquer un autre personnage ou parler).

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 173


La Première armure Pixans
La première Tzak K’anienne à revêtir une armure se nommait Les Pixans sont des objets et des créatures d’importance
Qaholom. Lasse de voir les guerriers quitter son village pour que les ahez peuvent invoquer pour leur venir en aide. Ils
ne jamais revenir, elle se mit au travail pour créer les meil- sont conscients et peuvent persister au-delà de la Scène
leures protections possibles. Avec plusieurs couches de coton, s’ils désirent accomplir quelque chose. Tant qu’un Héros
de tissu et de cuir, elle créa une armure matelassée protégeant porte ou est accompagné d’un Pixan, il peut utiliser ses
son corps. Une fois son œuvre accomplie, elle la renforça à pouvoirs en payant le ou les points d’Héroïsme néces-
l’aide de sang pour se protéger des ennemis inhumains. saires. Cependant, les Pixans ont toujours une arrière-
Lorsqu’il porte la Première armure, le Héros peut pensée, ce qui fait que la vie est un petit peu plus difficile
dépenser un point d’Héroïsme pour empêcher toute si le Héros choisit de devenir un ahpul.
Blessure provenant d’une même source ou attaque tant
que celle-ci provoque une Blessure Dramatique. Le Héros Les alux
ne peut activer cette armure qu’une fois par Round. Généralement bons, les alux sont petits (ils arrivent
aux genoux des Tzak K’aniens). Ils sont plus que ravis
Les Sandales des Bahlams d’accomplir les corvées et autres tâches simples données
Certaines communautés tzak k’aniennes préfèrent être tran- par l’ahez tant que ce dernier les traite avec respect. Il
quilles et feraient tout pour rester isolées. Les Bahlams—les est malpoli de les appeler alux ou de leur donner des
dieux-jaguars—protégeaient ces gens. Guettant à l’orée des ordres. L’ahez doit plutôt les traiter comme des amis et
villages, haut dans les arbres, ils prévenaient les tribus de leur demander un service au lieu de leur lancer un ordre.
l’arrivée d’étrangers ou d’envahisseurs. Quand un alux suit un Héros, ce dernier peut dépenser
Lorsqu’il porte les Sandales des Balhams, le Héros peut un point d’Héroïsme pour que la créature accomplisse
dépenser un point d’Héroïsme pour agir en premier dans une mission simple. Ils ne sont pas capables—ou peut-
n’importe quelle Scène. Il dépense ses Mises normalement, être juste pas désireux—d’accomplir des tâches difficiles
mais entreprend son Action avant toutes les autres. ou de suivre des ordres compliqués. Après avoir reçu
ses instructions, l’alux s’en va, ne revenant qu’une fois la
La Sarbacane d’Oxlahuntiku mission accomplie. Tant qu’il est dans les parages, l’alux
Les mythes disent que lorsqu’Oxlahuntiku vivait, aucune doit être traité avec la plus grande courtoisie car s’il est
créature volante n’était à l’abri de sa sarbacane. Une fois, énervé, il accomplira des missions pour l’ennemi du Héros,
il parvint même à toucher le puissant Vucub-Caquix, le le plus souvent en secret.
grand oiseau démoniaque qui avait coupé le bras d’Ah-
Tabai, rival et ami d’Oxlahuntiku. Le Bâton de guerre d’Holcan
Lorsqu’il manipule la Sarbacane, le Héros peut Holcan était un combattant si doué que son nom est
dépenser un point d’Héroïsme pour infliger une Blessure devenu synonyme du mot « guerrier. » Après son décès,
Dramatique à n’importe quel Monstre qui n’aurait pas il traversa les eaux des morts pour conquérir des terres
conscience de sa présence. incroyables et parvint à ne faire plus qu’un avec son bâton.
Désormais, l’ahez peut l’invoquer en cas de grand besoin
Le Tatouage de Yaluk ou de conflit, et donc recevoir l’insigne honneur de mani-
Les Tzak K’aniens voient en Yaluk un grand-père ratatiné. puler ce Bâton de guerre au cours des batailles.
Les légendes racontent en effet que lorsque Yaluk, très Lorsqu’il possède le Bâton de guerre d’Holcan, le Héros
vieux, se rendit au temple, son ascension vers le sommet peut dépenser un point d’Héroïsme pour utiliser n’im-
dura deux cent soixante jours. Alors qu’il posait le pied sur porte quelle Manœuvre (hors Styles de Duel) au cours
la dernière marche, un éclair déchira le ciel bleu et brûla la de la Scène. S’il peut déjà effectuer des Manœuvres, alors
peau de Yaluk en y laissant le plus magnifique des motifs. son Rang en Armes blanches sera supérieur d’un point
Lorsqu’il porte le Tatouage de Yaluk, le Héros peut au cours de la Manœuvre en question (augmentant par
dépenser un point d’Héroïsme pour gagner 2 dés bonus exemple les Blessures infligées par la Manœuvre Taillade).
dans n’importe quel Risque qui lui demande d’être sage, Quand un Héros porte le Bâton de guerre, il ne peut pas
préparé ou tenace. se soigner ni réduire les Blessures reçues.

174 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Les camazotz Les sisemités
Les camazotz sont des créatures massives de l’outre- Ces humanoïdes hirsutes ressemblent plus à des gros
Monde, pareilles à d’immenses chauves-souris squeletti- singes qu’à des Tzak K’aniens. Ils ne parlent pas, ne pous-
ques. Il s’agit d’esprits malveillants qui, dit-on, boiraient sant que des cris ou des hurlements (en fonction de leur
volontiers le sang humain (celui des sacrifiés, mais surtout humeur). Toutefois, leur nature peu bavarde ne devrait
celui des vaincus). Seul un ahez désespéré qui n’a cure pas aveugler l’ahez qui sait qu’il s’agit de créatures aux
des souffrances qu’il va infliger à l’ennemi ose invoquer pouvoirs prophétiques puissants, capables d’accorder des
un camazotz. visions du futur. On notera que les sisemités tendent à
Après l’invocation et jusqu’à son départ, la créature être sexistes et préfèrent avoir affaire à des ahez femmes.
va hanter ou chasser l’ahez et tous ceux qui se trouvent Tant que le sisemité suit le Héros, celui-ci peut dépenser
autour de lui. Lorsque quelqu’un reçoit une Blessure un point d’Héroïsme pour que la créature lui accorde une
(ou plus) la créature tournoie autour et lui délivre une vision. Celle-ci montre toujours une réponse précise, bien
Blessure additionnelle. Le Héros peut dépenser un que son décryptage ne soit pas toujours évident. Tant que
point d’Héroïsme pour protéger tout le monde durant le sisemité suit le Héros, il lui demandera d’accomplir des
un Round. choses pour lui. Là encore, ces demandes sont faites par
le biais des visions et peuvent aller de la simple faveur à
Le Codex Itzam la quête interminable. Le Héros peut donc se retrouver à
Itzam fut le premier Tzak K’anien, né sans genre ni donner un verre d’eau à la créature ou bien à voyager dans
préférence sexuelle. Il apprit aux tribus d’Aztlan à faire les forêts profondes d’Ussura (une terre qui se trouve
pousser des cultures, construire des maisons et enfanter littéralement à un monde de là), et ce afin de ramasser de
une descendance. Quand il décida finalement de quitter ce la neige fraîchement tombée pour la faire fondre sur un
monde, il se transforma en codex traitant de l’histoire des feu et la lui servir à boire. Parfois, ces tâches sont impos-
tribus. Fait de connaissances tant basiques que complexes, sibles à réaliser et les échecs font que la créature retourne
le livre comporte nombre de sages paraboles. Un ahez rusé à son monde d’origine.
peut ainsi faire venir le Codex issu de la grande biblio-
thèque mortuaire d’ Itzam afin de l’aider à résoudre les La Stèle de Votan
conflits entre tribus, négocier de nouveaux accords ou L’héroïque Votan était une architecte qui réalisait des
mieux comprendre le monde. monuments si magnifiques pour les dieux-rois de l’Em-
Lorsqu’il invoque le Codex, un Héros doit spécifier un pire aztlan qu’ils la gratifièrent d’un libre arbitre après la
sujet en particulier. Tant qu’il a le livre sur lui, l’ahez peut mort. Ils lui confièrent une petite stèle parlante visant à
dépenser un point d’Héroïsme pour recevoir 2 dés bonus persuader les Rameurs de toujours la conduire d’une rive
lors de tout Risque concernant le sujet choisi. Le Héros éternelle à l’autre selon ses désirs.
peut entreprendre cette action plusieurs fois, gagnant 2 L’ahez peut invoquer la Stèle tant que Votan elle-même
dés bonus par point d’Héroïsme dépensé. Cependant, le ne l’utilise pas en même temps, et ainsi s’assurer des
Brio ne s’applique pas pour les actions liées au sujet du voyages sans risques dans l’outre-Monde. Lorsqu’il la
Codex, et cela même quand il n’y a pas de point d’Hé- porte, il peut dépenser un point d’Héroïsme pour arriver
roïsme dépensé pour profiter de ses avantages. à destination, évitant tout souci qu’il aurait pu avoir en
chemin. Ces ennuis auraient pu être des contretemps (un
arbre tombé bloquant la route) ou des problèmes mettant
sa vie en danger (un vaste camp de bandits que les Héros
n’auraient pas pu éviter autrement). Tant que le Héros a la
Stèle, il voyage également avec la mort à ses côtés. À moins
d’une action visant à le sauver, tout personnage devenu
Sans défense meurt à la fin de la Scène.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 175


Wañuy Ñaqay
Jadis sorcellerie mineure utilisée pour communier Fonctionnement
avec les esprits des morts récents, le Wañuy Ñaqay Lorsque vous acquérez l’Avantage Sorcellerie, votre Héros
(ou magie de la mort) s’est développé et transformé gagne 1 Manifestation et 1 Nuance. Chaque fois que vous
au fil des décennies, et ce depuis que l’Impératrice a achetez un Avantage Sorcellerie en plus, vous gagnez à
pris le contrôle du Kuraq et que Supay a commencé à nouveau 1 Manifestation et 1 Nuance supplémentaires.
être vénéré comme le dieu unique de l’Empire. Depuis En outre, à chaque achat, vous devez vous créer une
lors, les churikunas (descendants)—qui pratiquent cet nouvelle Relique mortuaire afin de disposer du pouvoir
art—et les Vénérables—qui sont à l’origine de leurs de votre Vénérable.
capacités magiques—n’ont cessé de gagner en puissance.
Grâce à une relique prise sur le corps momifié Reliques mortuaires
d’un Vénérable, le churikuna obtient un incroyable La première fois que vous acquérez cette Sorcellerie, vous
pouvoir de contrôle sur la mort. Les prêtres de Supay créez une Relique mortuaire qui comprend un bout d’os
commandent aux morts-vivants, communient avec ou de peau appartenant au corps du Vénérable dont vous
leurs ancêtres et se nourrissent même des âmes qui les tirez votre pouvoir. La première Relique mortuaire est
entourent (celles des morts comme des vivants). Les toujours un masque sculpté et peint pour ressembler à un
churikunas jouent toutefois avec le feu, car quand on crâne. Bien que rarement fabriqué à partir de la véritable
commande à la mort et aux esprits chaque jour, il est tête du Vénérable, le masque incorpore toujours un petit
aisé de devenir un Scélérat. Si les Héros churikunas bout de leur être. Peut-être est-ce une dent, qui n’est pas
existent, c’est parce que leur propre morale les empêche en bois comme les autres, ou un bout d’os qui semble
d’user des rituels les plus abominables du Wañuy plus authentique.
Ñaqay, notamment ceux qui permettent de détruire Les autres Reliques sont construites sur le même
une âme ou de se nourrir des vivants. principe, mais leur forme varie d’un churikuna à l’autre.
Les churikunas se repèrent facilement : ils portent un Certains se fabriquent des amulettes, des anneaux, des
masque qui ressemble à un crâne humain et, à mesure brassards en os, des gantelets ou bien incorporent
que leur pouvoir grandit, ils portent de plus en plus des morceaux de leur Vénérable à leurs armes. Plus le
d’artefacts liés à leur Vénérable. Chaque artefact est churikuna est puissant, plus le lien avec son ancêtre est
fabriqué à partir d’un morceau du Vénérable, ce qui fort et plus il porte de Reliques.
procure au churikuna tout son pouvoir (ce pourquoi Parfois, des escrocs affichent de fausses Reliques afin
il doit protéger ces objets à tout prix). A l’instar des d’améliorer leur statut social ou exagérer leur puis-
prêtres de la mort, ces sorciers portent une robe noire sance dans la pratique du Wañuy Ñaqay. Ce subterfuge
et des chaînes d’or, ne se distinguant que grâce à leurs dure rarement, les churikunas ayant vite fait de châtier
Reliques mortuaires, spécifiquement leur Masque. les imposteurs.
Les churikunas gardent farouchement les secrets de Si l’un de ces sorciers perd sa Relique—parce qu’elle a
leur magie : le Wañuy Ñaqay est une sorcellerie qui été volée, détruite, etc.—il doit la retrouver ou en fabri-
s’apprend de zéro. Un churikuna sait tout ce qu’il doit quer une nouvelle (ce qui les contraint donc à visiter leur
savoir pour créer un Vénérable, mais également pour Vénérable et à expliquer comment et pourquoi la précé-
enseigner à d’autres comment fabriquer des Reliques dente Relique a été perdue). Tout churikuna qui utilise une
mortuaires à partir du cadavre de ce dernier et ainsi Manifestation ou active plusieurs Nuances sans porter
utiliser le Wañuy Ñaqay. Les prêtres de la mort font toutes ses Reliques doit payer des points d’Héroïsme
donc très attention à ceux qu’ils choisissent pour supplémentaires afin de pouvoir activer son pouvoir.
intégrer à leur ordre. Si le peuple apprenait ce dont le Si un Héros a perdu l’une de ses Reliques, chaque
Wañuy Ñaqay et les churikunas sont vraiment capables, Manifestation coûte 1 point d’Héroïsme supplémentaire
ce serait un désastre pour la stabilité du Kuraq. le premier jour. Au lever de soleil suivant, 2 points de plus,
etc. Cette pénalité est cumulative : si vous perdez deux
Reliques, vous payez le double du coût supplémentaire
lorsque vous activez une Manifestation ou des Nuances.

176 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Ainsi, quand un Héros a perdu deux Reliques, chaque
manifestation coûte 2 points d’Héroïsme supplémen-
taires le premier jour, 4 points le jour suivant, etc. Si
un churikuna perd son Masque mortuaire, alors il ne
peut plus activer aucune Manifestation tant qu’il ne
l’a pas retrouvé. Une fois le Masque récupéré, il peut
à nouveau activer ses Manifestations, tout en payant
les pénalités des autres Reliques mortuaires perdues.

Manifestations et Nuances
Quand un churikuna active une Manifestation, il
dépense un point d’Héroïsme. Il chante dans une
langue ancienne, fait des gestes sinueux et ses mains—
ou ses yeux—brillent d’une étrange lueur verte ou
violacée. Les effets visuels varient d’une Manifestation
à l’autre et peuvent être décidés par le churikuna, mais
la présence de la magie doit être évidente pour tout
observateur extérieur. L’activation d’une Manifestation
a un effet immédiat.
En outre, le churikuna choisit une Nuance de
son choix à appliquer. Il peut appliquer plusieurs
Nuances à sa Manifestation en dépensant des points
d’Héroïsme supplémentaires pour chaque Nuance
additionnelle, mais il ne peut appliquer chaque
Nuance qu’une seule fois. Par exemple, un churikuna
peut dépenser un point d’Héroïsme pour activer la
Manifestation Témoin avec la Nuance Subtil. S’il
veut que son Témoin utilise aussi la Nuance Contact,
il peut payer un point d’Héroïsme supplémen-
taire (ce qui signifie que son Témoin bénéficie de
Subtil et Contact). S’il veut que son Témoin utilise
Contact, Subtil et Écho, il dépensera deux points
d’Héroïsme en plus, pour un total de 3. Il ne peut
en revanche pas utiliser Écho plusieurs fois pour la
même Manifestation.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 177


Manifestations
À genoux Lorsque cette Manifestation est active, la forme de votre
Activez cette Manifestation lorsque vous prenez un Vénérable apparaît en surimpression brillante sur votre
Risque d’ Intimidation. Vous pouvez dépenser des Mises corps, bougeant avec vous, mais légèrement en retard–
pour réduire la Puissance d’une Escouade de Brutes comme une image résiduelle surnaturelle.
possédant la Propriété monstrueuse Mort-vivant, et ce
même si vous n’en êtes pas capable en temps normal. De Rappel
plus, quand vous dépensez une Mise pour réduire la Activez cette Manifestation lorsque vous touchez une
Puissance d’une Escouade de Brutes—qu’importe qu’elle créature récemment morte (moins d’une minute). Vous
soit Mort-Vivante ou non—vous réduisez sa Puissance de forcez son esprit à revenir dans son corps et la ramenez à
2 points au lieu d’un seul. Enfin, lorsque vous dépensez la vie. Le personnage demeure Sans défense, mais il revit.
une Mise pour exercer une Contrainte sur un personnage Ramener une créature a un coût  : la Résolution du
mort-vivant ou pratiquant le Wañuy Ñaqay, l’effet de churikuna est réduite d’un point en permanence. Le
votre Contrainte est doublé (et il doit donc dépenser 2 seul moyen de regagner ce point est d’augmenter la
Mises de plus—pour un total de 3—afin de contrer votre Caractéristique grâce à une Histoire. Si la Résolution
Contrainte). Cet effet dure jusqu’à la fin du Round. passe à 0, le sorcier meurt. Un personnage qui meurt ainsi
Lorsque cette Manifestation est active, votre Masque ne peut pas être sauvé, peu importe comment, même par
luit et chatoie de flammes fantomatiques, troublantes la magie (il se sacrifie pour sauver quelqu’un d’autre, et ce
et effrayantes. sacrifice ne peut être évité).
Lorsque cette Manifestation est active, votre main est
Isolation enveloppée d’une énergie surnaturelle et tout le monde
Pour utiliser cette Manifestation durant une Séquence peut vous voir saisir l’esprit pour le ramener de force.
d’Action, vous devez dépenser une Mise ainsi que votre
habituel point d’Héroïsme. Sangsue
Touchez une créature possédant la Propriété mons- Activez cette Manifestation et touchez une créature. Si
trueuse Mort-vivant. Celle-ci ne pourra pas bouger de celle-ci est vivante, vous devez dépenser une Mise. Vous
l’endroit où elle est, soit jusqu’à ce que vous l’en libériez, aspirez une partie de son énergie vitale afin de nourrir
soit jusqu’à la fin de la Scène. Une créature affectée par la vôtre.
cette Manifestation ne peut infliger de Blessures qu’à un Lorsque vous utilisez Sangsue sur un cadavre ou une
personnage qui se trouve à sa portée. créature mort-vivante, vous devez choisir l’un des effets
Lorsque cette Manifestation est active, un éclair lumi- suivants. Chaque effet additionnel coûte un point d’Hé-
neux s’envole de votre main ou de vos yeux, et foudroie roïsme en plus, mais chaque effet ne peut être déclenché
votre victime, l’enveloppant de chaînes fantomatiques tant qu’une fois par corps et par activation.
que dure la Manifestation.
• Soigner une Blessure Dramatique.
Liaison • Soigner toutes les Blessures du niveau actuel de
Lorsque vous apprenez cette Manifestation, vous choi- votre Spirale de la Mort.
sissez un Historique que vous ne possédez pas (de base • Augmenter une Caractéristique de votre choix
ou spécifique). Cet Historique représente ce que votre d’un Rang et en réduire une autre d’autant. Cet
Vénérable était de son vivant. effet perdure jusqu’à la fin de la Scène.
Quand vous activez cette Manifestation, les souvenirs
et les savoirs de votre ancêtre envahissent votre esprit. Si vous activez les 3 effets de cette Manifestation sur un
Vous gagnez 1 Rang dans chaque Compétence de cet seul cadavre, toutes vos Blessures seront guéries dans la
Historique, et vous profitez du Coup d’éclat de celui-ci seconde, mais l’âme de la créature sera détruite et vous
en plus des vôtres. L’effet dure tant que vous le gardez gagnerez 1 point de Corruption. La destruction d’une
actif, ou jusqu’à la fin de la Scène. âme est toujours vue comme un Acte malfaisant.

178 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


ÉVEIL
Si vous utilisez Sangsue sur une créature vivante, vous Certains churikunas utilisent leur sorcellerie
pouvez choisir parmi les effets suivants. afin de se protéger en cas de décès. Au prix
d’une vie humaine, ils sont ainsi capables
• Soigner une Blessure Dramatique. Votre victime de propulser leur esprit hors de leur corps
reçoit une Blessure Dramatique. mourant et de l’introduire dans celui d’un
membre de leur suite. Cela tue systémati-
• Soigner toutes les Blessures de votre niveau
quement la personne, mais cela permet au
actuel de Spirale de la Mort. Votre victime reçoit sorcier de vivre aussi longtemps qu’il le désire
la moitié du nombre des Blessures. tant qu’il dispose de corps à posséder. Les
• Augmenter une Caractéristique de votre Vénérables agissent ainsi pour posséder les
choix d’un point. Votre victime voit la même membres de leur famille lorsqu’ils ont besoin
Caractéristique réduire d’autant. Cet effet d’un corps humain à habiter.
perdure jusqu’à la fin de la Scène.
Cette Manifestation ne peut être utilisée que
par des Scélérats, et seulement quand un
Si la créature n’est pas consentante, cela entraîne churikuna est tué.
une Corruption immédiate. Si un personnage devient
Sans défense suite à votre Manifestation, toutes vos Activez cette Manifestation quand le Scélérat
Blessures guérissent immédiatement et votre victime meurt. Son âme le quitte mais ne s’en va
pas vers l’au-delà. Elle intègre le corps de
meurt du même coup car vous consumez son âme. Votre
quiconque porte la marque de Supay (le plus
Corruption augmente beaucoup plus que si vous aviez souvent un membre de sa suite, bien que
tué le personnage autrement (par exemple, si vous tuez parfois d’autres opportunités se présentent).
de sang froid un innocent en dévorant son âme votre S’il tente l’Éveil sur un Héros, il doit dépenser
Corruption augmente de 2). au moins un point de Danger. Si le Héros
Lorsque cette Manifestation est active, un fil de lumière dépense autant de points d’Héroïsme que lui
de points de Danger, la possession échoue et
s’échappe de votre victime et flotte vers vous. Certains
il doit sélectionner une autre cible. Celle-ci
churikunas choisissent d’absorber cette lumière à travers meurt aussitôt et son esprit est exclu pour
la paume de leur main, tandis que d’autres préfèreront lui laisser la place. Il revient à la vie dans un
l’inspirer par le nez ou l’avaler par la bouche. nouveau corps, ses capacités étant intactes.

Table rase Tant que cette Manifestation dure, son esprit,


brillant d’une lueur fantomatique, flotte hors
Activez cette Manifestation face à une Escouade de Brutes
de sa bouche vers sa cible, entrant par la
possédant la Propriété monstrueuse Mort-vivant. Leur bouche de son nouveau corps dès que son
Puissance est réduite à néant et les Brutes sont détruites. âme est assez proche.
Vous pouvez détruire de multiples Escouades de cette
façon, en dépensant un point d’Héroïsme par Escouade
visée, mais vous ne pouvez activer cette Manifestation
qu’une fois par Scène.

Témoin
Activez cette Manifestation lorsque vous touchez une
créature morte, mort-vivante ou un churikuna. Jusqu’à la s’achève instantanément si votre cible devient Sans
fin de la Scène, vous verrez et entendrez tout ce que le défense ou est détruite (par exemple, si le cadavre est brûlé,
personnage voit et entend comme si vous étiez à sa place. éparpillé ou démembré).
Si vous utilisez cette Manifestation sur un cadavre, vous Lorsque cette Manifestation est active, vos yeux luisent
pourrez voir et entendre normalement (même si, bien d’une lueur d’outre-Monde, le plus souvent d’un vert ou
entendu, le cadavre ne le peut pas). d’un violet surnaturel. La cible Témoin n’a quant à elle pas
L’effet perdure jusqu’à la fin de la Scène, jusqu’au conscience de la magie qui l’habite, et il n’y a pas d’effet
moment où vous choisissez de le désactiver ou bien visuel sur elle.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 179


Nuances Prêt
Contact Vous donnez à un personnage l’une de vos Reliques
La Manifestation est appliquée à n’importe quel person- mortuaires. Il peut activer la Manifestation une fois avant
nage ou créature valide qui se trouve autour de vous. Elle la fin de la Scène. Lorsque vous utilisez Prêt, vous devez
se termine immédiatement si votre contact visuel est payer immédiatement le coût de toute Nuance addition-
rompu durant plus de quelques instants, et ce même si nelle choisie (et non quand l’autre personnage l’active).
l’effet persiste. Tant que ce personnage possède votre Relique mortuaire,
il peut être considéré comme mort-vivant pour n’importe
Dominant quel effet (par exemple s’il est touché par la Manifestation
La cible ne peut pas être affectée par la magie—qu’elle d’un autre churikuna, s’il reçoit des Blessures d’une arme
résulte de Sorcellerie, d’artefacts syrneth ou autre—et ce, en Dracheneisen, ou s’il est influencé par les Onguents
jusqu’à la fin de la Manifestation. concoctés par un hexe). L’effet dure jusqu’à la fin de la
Scène, ou jusqu’à ce que le personnage rende la Relique.
Écho Souvenez-vous que vous avez prêté cette Relique : par
La Manifestation touche une créature, une Escouade ou conséquent, toute autre Manifestation vous coûtera un
un personnage de plus que normalement. Les effets sont point d’Héroïsme en plus.
les mêmes (par exemple, si vous choisissez d’appliquer
Écho sur Sangsue, vous devez choisir les mêmes effets Rapide
pour les deux victimes). Si la Manifestation nécessite une Mise pour être activée,
alors vous pouvez faire sans. Vous devez ensuite effectuer
Persistance une Action avant d’activer une autre Manifestation.
L’effet de votre Manifestation perdure au-delà de l’ima-
ginable. Si la Manifestation est instantanée (Table Rase Subtil
par exemple), cette Nuance ne fonctionne pas. Si votre La Manifestation ne se voit et ne s’entend pas, mis à part
Manifestation s’arrête après un Round, elle persiste pour un petit geste ou une brève lueur dans votre regard.
pour un Round de plus. Si elle s’arrête avec la Scène, elle Quiconque observe le churikuna sait qu’il a activé une
persiste pour une autre Scène. Manifestation, mais ignore de quel type (à moins que
l’effet soit immédiat). Quiconque ne voit pas directement
le churikuna doit dépenser un point d’Héroïsme (ou de
Danger, s’il est Scélérat) pour remarquer ce qui se trame.

180 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Escrime, navigation et secrets
Duels
Contrairement à ce qui existe en Théah, il y a peu d’Aca- Un Duelliste qualifié n’a que peu d’autres opportunités profes-
démies de Duel en Aztlan. Ici, les Duels ont toujours sionnelles qui peuvent se présenter à lui au cours de sa carrière.
été des affaires privées. Pour faire étalage de sa prouesse Les Duels d’honneur sont rares, mais ils existent. Ces
et démontrer sa bravoure, sa férocité ou sa force, il y a combats sont souvent officieux et peuvent se produire
la guerre. n’importe où, pour toutes sortes de raisons. Le plus
Les Duels sont légaux dans toutes les Nations d’Aztlan. souvent, ces affrontements s’avèrent violents et sanglants :
Les maîtres des différents Styles enseignent aux élèves en Aztlan, la majorité des Duels sont à mort, et même
de leur choix, traversant parfois le continent pour aller ceux qui ne s’achèvent pas avec un cadavre se terminent
entraîner de nouveaux combattants. bien après le premier sang.
Les Duellistes aztlans n’exercent leur métier que dans
une seule aire : la guerre. Une fois formés par un maître, ils Les Duels après le contact avec les Théans
se trouvent des postes dans une armée, celle de leur pays la Après leur arrivée en Aztlan et leur rencontre avec les natifs,
plupart du temps, mais quelques-uns—notamment ceux les Duellistes théans ont pris conscience de l’écart extrême qui
formés par des Duellistes venant d’une autre Nation— séparait les traditions des deux continents. Les Aztlans trou-
évoluent parfois en dehors des frontières de leur terre vaient l’idée d’une guilde des Duellistes étrange ; après tout,
natale. Chaque Nation a un besoin continu de soldats presque tous faisaient déjà partie d’une armée. Les Théans
pour remplir les champs de bataille. Devenu militaire, le ont, quant à eux, trouvé l’absence de cadre et l’excès de sang
Duelliste peut diriger des unités, servir comme champion versé comparable à ce qu’ils avaient connu avant la création
ou s’allier avec d’autres Duellistes émérites pour écraser de leur guilde. Aujourd’hui, il est rare qu’un Théan essaye
des unités ennemies moins entraînées. Chaque Nation de convaincre un natif du Nouveau monde de l’utilité d’une
aztlane dispose d’au moins une tradition martiale que guilde de Duellistes, mais lorsque cela se produit, l’Aztlan
leurs seigneurs de guerre et généraux suivent et respectent. éclate généralement de rire face à cette suggestion ridicule.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 181


Si les Duellistes de chaque continent souhaitent en Styles de Duels
apprendre un maximum sur les Styles de leurs homo- Hatz’ik
logues, les échanges restent rares en dehors des batailles. Le Style Hatz’ik est né dans la classe populaire tzak k’anienne,
Chaque camp éprouve en effet de la rancune vis-à-vis c’est pourquoi il utilise le bâton de combat, une arme que
de l’autre et essaye toujours de l’attaquer. Accueillir un les fermiers et les ouvriers peuvent obtenir plus facilement
Duelliste étranger dans son giron, c’est prendre le risque qu’une lance. La légende raconte qu’à l’origine, ce Style leur a
d’héberger chez soi un agent double. été enseigné par un voyageur venu des montagnes. Ce maître
Peu à peu, pourtant, les combattants les moins xéno- formait quiconque voulait apprendre, ne demandant rien
phobes commencent à s’ouvrir aux Duellistes étrangers en retour. Ces dernières années, la popularité du Hatz’ik a
et à s’échanger leurs techniques. Elicia Zambrano, explosé. Le seigneur de guerre Iktan Cha’zah est actuellement
Duelliste castilliane de l’école Aldana, fut par exemple l’un des généraux les plus doués, ce pourquoi son bâton de
la première Théane à avoir été formée par un ocēlōtl. combat est si usé après des années de bataille.
Depuis ce premier partage intercontinental, Théans et Entre les mains d’un Duelliste qui maîtrise le Style
Aztlans se montrent un peu plus ouverts en dépit des Hatz’ik, le bâton commence à virevolter et on sait qu’il
nombreuses tensions. n’arrêtera pas de tournoyer jusqu’à la fin de l’affrontement.
Il y a peu, un soldat castillian du nom de Manuel Maria Beaucoup d’instructeurs disent que la vitesse n’est pas
del Rio s’est autoproclamé « Duelliste ambassadeur de importante, l’essentiel étant de ne jamais interrompre le
la Théah en Aztlan.  » Ce titre est complètement offi- mouvement. Toutefois, entre les mains d’un maître, les
cieux—il n’a pas l’approbation de la guilde—mais Manuel déplacements du bâton sont presque impossibles à suivre.
a passé la plus grande partie de son existence adulte à Une fois qu’il bouge, le bâton crée une zone autour du
essayer de construire des liens entre les Duellistes des Duelliste, ce qui lui permet de réagir au moindre mouve-
deux continents. Pour l’heure, la guilde des Duellistes ment—y compris la plus subtile des feintes—par un
n’a pas puni Manuel, et ce dernier a pris son silence pour enchaînement de coups. Une fois l’ennemi épuisé, le
un acquiescement. Duelliste profite de l’élan de son bâton pour délivrer un
Maître spécialisé dans plusieurs Styles théans, Manuel dernier coup extrêmement puissant.
a marché dans les pas d’Elicia Zambrano et s’est rendu
à l’ennemi au cours d’une escarmouche contre une unité Bonus de Style : la Spirale Hatz’ik
tzak k’anienne. Après avoir gagné la confiance de leur Si vous avez un bâton de guerre entre les mains, vous
seigneur de guerre, il a commencé à entraîner les Aztlans pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Spirale
en échange d’une formation à leurs propres Styles. Hatz’ik. Lorsque vous l’effectuez, tout personnage qui
Manuel a poursuivi cet échange avec les Tzak K’aniens, vous inflige des Blessures en reçoit également une en
mais aussi avec l’Alliance nahuacane et le Kuraq. Il se retour. Lorsque vous effectuez ensuite une Manœuvre de
considère désormais comme le plus grand expert théan Taillade dans le même Round, vous infligez des Blessures
en matière de cultures et de Styles de Duels aztlans. supplémentaires équivalentes à votre Rang en Panache.
Les effets de votre Spirale prennent alors fin. Vous ne
pouvez exécuter la Spirale Hatz’ik qu’une fois par Round.

Icniuhtli
L’Icniuhtli existe depuis des générations dans l’Alliance
nahuacane. Ce Style est né—et a toujours été popu-
laire—chez les ocēlōmeh, même si d’autres organisa-
tions militaires l’utilisent aussi. Ces Duellistes, protégés
d’une armure légère et armés de lances, fondent dans
les combats puis s’en retirent, créant des ouvertures
pour d’autres unités qui s’y enfoncent à leur tour. Si ces
combattants sont déjà dangereux en tant qu’individus, ils
forment des groupes dévastateurs lorsqu’ils coopèrent.

182 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


L’ICNIUHTLI
DANS LA THÉAH
S’il n’y avait eu d’expéditions dans le Nouveau
une Blessure à votre adversaire. Si, dans le même Round, la
monde, l’Icniuhtli n’aurait jamais atteint les cible est à nouveau blessée, elle reçoit une Blessure supplémen-
côtes de la Théah. taire. De plus, vous pouvez aussitôt sélectionner un allié qui
effectue immédiatement une Action (il vous appartient d’en
Elicia Zambrano, maîtresse Duelliste accom- dépenser les Mises). Si l’allié utilise l’Action que vous lui avez
pagnant l’une des nombreuses expéditions offerte pour blesser votre cible, celle-ci reçoit des Blessures
théanes en terre étrangère, a observé les Aztlans
combattre et, avec le temps, a appris à grande-
additionnelles équivalentes à votre Rang en Astuce. Vous ne
ment respecter leurs techniques. Contre l’avis de pouvez exécuter la Ruse du Jaguar qu’une fois par Round.
ses compagnons, elle s’est livrée aux natifs après
une escarmouche. Prisonnière, elle a gagné le Quetzuo
respect de Tlaloc—l’un des meilleurs Duellistes À l’origine, les guerriers Quetzuo étaient entraînés à
nahuacans maîtrisant le Style Icniuhtli—puis l’a chasser les sorciers, utilisant nombre de techniques pour
convaincu de la prendre pour élève.
que leur cible reste concentrée sur eux. Ces techniques
Après avoir vécu plusieurs années avec les ont plus tard été adoptées par les Tzak K’aniens pour la
Nahuacans et tout appris de leur Style, Elicia est chasse et la guerre. Ces Duellistes ont un bouclier—le
retournée en Castille et a commencé à prendre challi—dans une main et une arme—le plus souvent un
elle aussi des élèves. bâton, un couteau ou une lance—dans l’autre. Le challi est
rond, fait de bois et de cuir, et souvent décoré de plumes et
Les écoles qui forment à l’Icniuhtli sont rares
et refusent les entraînements individuels. Elles
de pierres précieuses (les décorations et autres ornemen-
préfèrent accueillir des groupes qui s’entraînent tations étant la marque d’un rang ou d’un statut élevé). Il
ensemble, en une unité militaire homogène. est fabriqué par le Duelliste durant sa formation.
Nombre des meilleurs escarmoucheurs théans Pendant la formation, le maître prête son challi à l’apprenti,
ont été formés par l’une de ces académies. qui l’utilise jusqu’à la fin de son apprentissage. Il lui choisit
également une yencotetl—une pierre qui peut aller du caillou
N’importe quelle unité de Duellistes utilisant l’Icniuhtli le plus ordinaire à la précieuse turquoise—qu’il effrite peu
peut donc causer des ravages dès lors que les attaques sont à peu sur le challi en cours de fabrication chaque fois que
parfaitement coordonnées. l’apprenti a maîtrisé une leçon. Cela finit par former une
Bien que de nombreux guerriers de l’Alliance nahuacane mosaïque sur le bouclier. À la fin de la formation, la yencotetl
pratiquent l’Icniuhtli, il n’y a pas de guerrier plus doué est donc devenue une sculpture qui représente le chemin
que Tlaloc, un Duelliste originaire de Mīlllahco. Avec ses effectué par l’élève et les obstacles surmontés au cours de son
frères et sœurs, ils constituent l’unité la plus célèbre des éducation guerrière. Ces Duellistes sont donc très attachés à
ocēlōmeh. Certains disent que c’est leur lien familial qui leur challi, et c’est toujours un grand honneur que de recevoir
les rend si dangereux, tandis que d’autres attribuent leur celui d’un maître car le prêt de bouclier est vu comme un signe
talent à un antique totem avec lequel ils entretiendraient important de respect et de confiance.
un lien mystique. Quoi qu’il en soit, l’unité de Tlaloc est
toujours appelée pour les missions les plus risquées et les Bonus de Style : le Challi railleur
plus vitales. Leur symbiose est si parfaite que même au Si vous avez un bouclier dans une main et une arme dans
cœur du combat, ses membres ne se parlent pas quand ils l’autre, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée
coordonnent leurs attaques. D’instinct, chacun sait où il Challi railleur. Cela consiste à utiliser votre bouclier pour
a besoin d’être pour prendre l’avantage, grâce à une feinte repousser et déséquilibrer votre cible, et ainsi lui faire perdre
ou une ouverture. Tlaloc n’a jamais connu la défaite, et sa concentration. Lorsque vous effectuez le Challi railleur,
ce, même quand son unité et lui étaient en sous-nombre. vous infligez une Blessure à votre adversaire. Si, dans le même
Round, celui-ci inflige des Blessures, elles sont réduites de
Bonus de Style : la Ruse du Jaguar votre Rang en Armes blanches. De plus, si votre cible choisit
Si vous maniez une lance avec une ou deux mains, vous d’utiliser son Action suivante pour infliger des Blessures à
pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Ruse du un autre Héros, elle devra dépenser un nombre de Mises
Jaguar. Lorsque vous effectuez la Ruse du Jaguar, vous infligez équivalent à votre Rang en Résolution.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 183


Tzolran Waglichina
Tzolran est un Style de Duel très vif dont la stratégie Le Style Waglichina a été créé et utilisé presque exclusive-
repose sur la distraction et l’opportunité. À l’origine, il ment par les awqayllis du Kuraq. À P’alqacamba, les prêtres
s’agissait d’un jeu pour les soldats qui s’ennuyaient  : de Supay ont en effet formé les soldats les plus talentueux
utiliser tout ce qui se trouvait à portée de main pour pour qu’ils soient en mesure de tuer une cible en particulier :
distraire l’opposant, rester près du sol et aller d’avant en les dieux. Les awqayllis envoyés en Chasse divine doivent en
arrière sur le terrain afin d’induire l’adversaire en erreur. effet s’assurer que les dieux restent à la merci de Supay et
On y jouait avec un bâton, mais ceux qui combattent vrai- ses fidèles guerriers. En combat, les Duellistes maîtrisant le
ment utilisent maintenant un couteau. Style Waglichina font donc en sorte de garder les dieux—
Dans le jeu d’origine, les deux combattants commençaient ainsi que leurs serviteurs mortels— en constant déséquilibre.
dos à dos. Une fois la partie lancée, ils se baissaient rapidement Lorsqu’un dieu est jeté à terre, les autres awqayllis se ruent
et se retournaient pour se faire face, toujours très bas. Ils s’en- sur lui pour lui délivrer le coup de grâce.
voyaient de la terre, des feuilles et tout ce qui leur tombait sous Bien qu’originellement enseigné aux seuls awqayllis, ce
la main. Ils allaient ensuite d’avant en arrière afin d’engendrer Style a franchi les frontières du Kuraq pour se répandre au
la confusion chez l’opposant et éviter ses attaques. Lorsqu’un reste de l’Aztlan, et même au-delà. Les premiers maîtres
combattant était touché, le round prenait fin et ils se remet- étrangers étaient le plus souvent des awqayllis désabusés qui
taient dos à dos pour laisser la tension retomber. Le premier avaient déserté leur poste. Désormais, les Duellistes nahua-
combattant qui délivrait trois coups à l’autre gagnait la partie. cans et tzak k’aniens forment leurs propres élèves au Style
Xriisateh Tzolran fut le premier soldat à utiliser cette Waglichina. Dans le Kuraq, cependant, les tokoyriqs veillent
tactique sur un champ de bataille, c’est pourquoi elle a donné pour repérer tout enseignant non officiel : enseigner ce Style
son nom à ce Style. Depuis lors, de nombreux soldats ont en dehors des unités awqayllis est dangereux.
suivi l’exemple de la guerrière, et avec succès.
Bonus de Style : la Ruée de Waglichina
Bonus de Style : le Piège de poussière Si vous avez une arme lourde dans une main—comme
Si vous manipulez une arme courte d’une main—un couteau, un bâton ou une hache—et rien dans l’autre, vous
un poignard, un petit bâton ou autre—et que votre autre pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée la Ruée
main est libre, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale de Waglichina. Lorsque vous l’effectuez, vous infligez
nommée Piège de poussière. Lorsque vous effectuez le Piège 1 Blessure à votre adversaire et vous le faites trébucher ou
de poussière, vous vous saisissez de sable ou de débris et les le déséquilibrez pour le faire tomber. Dès lors, vous exercez
envoyez par surprise vers les yeux de votre adversaire. Quand sur lui une Contrainte l’obligeant à demeurer cloué au sol.
ce personnage inflige ensuite des Blessures, réduisez-les d’un Tant que la cible ne surmonte pas la Contrainte et n’engage
nombre équivalent à votre Rang en Finesse et créez une pas une Action différente, chaque fois qu'elle subit une
Opportunité qui s’activera la prochaine fois que votre cible Blessure, elle en reçoit une supplémentaire.
reçoit une Blessure. En outre, cette Blessure est augmentée de
deux points. Vous ne pouvez exécuter le Piège de poussière
qu’une fois par Round.

184 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Nouvelles histoires du Navire
Un Navire a une Origine. Il s’agit de la Nation, région ou partie Seul survivant
du monde depuis laquelle il a fait son voyage inaugural. Chaque Votre Navire était au port lorsqu’une autre Nation
peuple a sa propre idée quant à la conception du Navire idéal. aztlane—ou toute autre puissance étrangère—a frappé.
Chaque Origine accorde un bonus particulier. Souvent, les Votre Héros est le seul survivant de l’attaque. Sélectionnez
circonstances dans lesquelles ledit bonus s’applique sont à la Nation attaquante : quand vous êtes en Bataille navale
dessein vagues et sujettes à interprétation. MJ, il vous revient contre un Navire de cette Origine, vos Héros bénéficient
de trancher quant à savoir si l’Origine ou l’Historique du de 2 dés bonus.
Navire s’applique, mais nous vous recommandons d’être
généreux. Cependant, si le bonus s’applique, un seul Héros Aventures
à la fois peut en bénéficier. Les Aventures confèrent aux Héros des bonus et des capa-
cités particulières la première fois qu’ils accomplissent
Origines une action spécifique liée à leur Navire au cours d’une
Alliance nahuacane partie. Une Aventure n’est pas forcément quelque chose
Les navires nahuacans sont presque tous utilisés par des de positif (se faire dévaliser par des pirates ou échouer sur
marchands pour le commerce. Quand vous prenez un une île déserte est rarement plaisant), mais c’est une expé-
Risque lié au commerce—comme obtenir le meilleur rience dont le Navire et son Équipage ressortent grandis.
accord possible ou utiliser vos marchandises pour tirer La première fois que vous, votre Navire et son Équipage
les vers du nez à un acheteur—vous gagnez 3 dés bonus. accomplissez une Aventure en jeu, votre Navire acquiert
un bonus ou une capacité qui y est lié. Cette Aventure
Kuraq doit avoir eu lieu en jeu, pas dans le passif des Héros, au
Peu de Kuraques étant capables de construire des navires, l’Im- cours d’une ellipse narrative ou en tant que composante
pératrice a fait venir des ingénieurs étrangers afin de s’offrir de l’Historique de votre Navire. Il n’est pas possible
une flotte dernier cri. Prétendument prévue pour le commerce, d’obtenir plusieurs fois le même bonus lié à une Aventure.
cette flotte comporte tant de bâtiments qu’elle constitue une Rappelez-vous que de tels bonus s’ajoutent à tout ce que
menace. Quand il transporte moins que la Cargaison maximum les Héros et le Navire ont pu gagner ou perdre au cours
autorisée, votre Navire a un bonus de 10 en Équipage. des événements qui ont concrétisé l’Aventure.
La liste présentée ci-dessous n’est pas exhaustive, mais
Historiques de Navire pourra servir de base au MJ afin qu’il conçoive ses propres
Les Historiques confèrent des avantages à votre Navire, Aventures ainsi que les récompenses qui les accompagnent.
mais surtout, ils font partie de son histoire unique et épique.
Chaque Historique nourrit le passif du Navire, accroît sa Béni des dieux
réputation, contribue à la fierté de l’Équipage et fait de votre Accomplir une mission donnée par l’un des dieux d’Aztlan.
vaisseau non plus « un banal bateau, » mais « un Navire. » Quand vous effectuez un jet de dés dans une Séquence
Un Navire ne peut pas avoir plusieurs fois le même qui se déroule à bord de votre Navire, le Héros peut
Historique. Par exemple, le Navire pourra posséder dépenser un point d’Héroïsme pour que les 10 explosent.
Fabrication étrangère, Seul survivant et Porte-bonheur, mais
ne pourra pas posséder Porte-bonheur en deux exemplaires. Par-delà les océans
Un Navire possède un Historique par Héros qui a acheté Voyager d’Aztlan à la Théah (ou inversement), puis
l’Avantage Marié à l’Océan (Livre de Base page 149). revenir à votre point de départ. Quand vous transportez
des marchandises d’un continent à l’autre, vous pouvez
Fabrication étrangère transporter 1 Cargaison de plus.
Comparé aux Théans, la plupart des Nations d’Aztlan
sont novices en construction de Navires. Elles ont donc Surclassé
pris l’habitude d’engager des charpentiers de marine Défaire un Navire plus important en taille, ou qui a plus
étrangers pour moderniser leurs flottes. Choisissez une de canons ou d’Équipage. Chaque round, la première
autre Origine : votre Navire bénéficie à la fois de votre fois que votre Navire reçoit des Dégâts, réduisez-en le
première Origine et de celle accordée par cet Historique. montant d’un point.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 185


Sociétés secrètes d’Aztlan
Les Gardiens de l’Aztlan
Les trois Nations d’Aztlan ont beau être très différentes Certains Gardiens disent que ces machines n’étaient pas
sur le plan des traditions et des histoires, elles s’accordent faites pour durer si longtemps, d’autres estiment que
tout de même sur une chose : la civilisation aztlane a été les Syrnes—et leur technologie—furent tout simple-
détruite maintes fois, et elle fut toujours reconstruite après ment détruits.
coup. Le plus récent de ces cycles est connu des historiens Les Gardiens étaient déjà présents à l’époque. Ils voulurent
sous le nom d’« Âge impérial. » Si nombre d’érudits et stopper le processus pour protéger les Aztlans mais ils n’y
de prêtres ont leurs théories à ce sujet, la réalité est que parvinrent pas. Depuis lors—et d’autant plus depuis l’ar-
personne ne possède de source fiable permettant de rivée des Théans—ils ont juré de défendre le peuple aztlan
confirmer ou d’infirmer toutes ces hypothèses. contre toute menace extérieure. Grâce à leur savoir, ils peuvent
Personne, à l’exception de la plus ancienne Société affronter n’importe quelle situation dangereuse. L’Aztlan
secrète du Nouveau monde : les Gardiens de l’Aztlan. étant cerné d’ennemis, on a besoin d’eux maintenant plus que
Ces derniers possèdent en effet le seul document fiable jamais. Malheureusement, les Gardiens n’ont jamais été aussi
qui évoque l’Âge impérial, celui du célèbre Empire peu unis…
aztlan. Leurs textes encryptés révèlent ainsi la véritable
cause de la Chute : ce ne fut pas une destruction, mais Les factions au sein des Gardiens de l’Aztlan
un déplacement. L’heure est grave pour l’Aztlan mais les Gardiens ne
La plupart des érudits ne s’accordent pas sur l’origine savent pas quoi faire.
de la Chute. Là encore, de nombreuses théories existent, Un premier groupe, dont les membres se sont autopro-
mais toutes sont on ne peut plus éloignées de la vérité. clamés Protecteurs, considère que la « menace théane » est
Les Gardiens de l’Aztlan savent en effet qu’à cette époque, trop importante. Étant donné que les explorateurs théans
les Aztlans étaient réduits en esclavage par les Anciens n’ont de cesse de venir chercher de l’or et du pouvoir, et qu’il
dieux. Les Syrnes parvinrent à asservir ces derniers et à y a parmi eux des conquérants prêts à abuser du peuple
utiliser leur puissance pour faire fonctionner ce que l’on aztlan, ils estiment que la meilleure solution est d’utiliser
connaît désormais sous le nom de « machines antiques. » à nouveau les machines antiques pour refaire bouger le
Grâce à elles, ils transportèrent le continent dans une continent. Il n’y a qu’ainsi qu’ils seront en sécurité.
dimension parallèle—la Septième Mer—hors de portée Les Progressistes, quand à eux, estiment que cette
de quiconque aurait voulu voyager jusqu’à eux. Le peuple solution serait pire que le mal. Ils voient dans l’action des
les consacra alors dieux-rois de l’Aztlan. dieux—qui protègent le peuple—une preuve de la stabi-
Le temps passant, les machines antiques cessèrent de lité de la situation. Ils pensent donc que le meilleur moyen
fonctionner, ce qui fit revenir l’Aztlan sur Terra. On ne sait de vraiment protéger les Aztlans est de leur permettre de
pas exactement pourquoi il y eut ces dysfonctionnements. gérer la menace par eux-mêmes.
Les deux factions étant en grand désaccord, aucune entente
sur la marche à suivre ne semble possible pour l’instant.

Le grand ennemi
Bien que l’arrivée des Théans soit la plus grande source
d’inquiétude de la majorité des Gardiens de l’Aztlan, les
plus anciens et respectés n’ont de cesse de rappeler aux
défenseurs plus jeunes que l’ennemi principal ne vient pas
de la mer, mais d’ailleurs.
Du temps de l’Empire aztlan, la mission des Gardiens était
de défendre le peuple contre la menace des Anciens dieux,
immortels assoiffés de sang qui exigeaient des sacrifices
afin d’apaiser leur colère. Les Syrnes se sont jadis occupés
de ces êtres surpuissants, déplaçant l’Aztlan dans une

186 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


autre dimension en canalisant leurs pouvoirs. Au moment Les Grands maîtres choisissent les meilleurs Maîtres
de la Chute, les Anciens dieux restèrent piégés dans la pour rejoindre leurs rangs. Si le Maître accepte, il n’agit
Septième Mer. plus directement car son rôle est dorénavant de surveiller
Ils ne peuvent désormais plus influencer la destinée des les activités liées à la technologie de l’Empire aztlan—
Aztlans, mais ils attendent patiemment que les sacrifices notamment les machines antiques—et de soutenir l’effort
faits en leur nom leur confèrent un pouvoir suffisant pour des Maîtres dans leur lutte contre les Anciens dieux.
qu’ils puissent revenir sur Terra et à nouveau régner sur
le Nouveau monde. La Faveur au sein des Gardiens de l’Aztlan
Après la Chute, de nombreux Gardiens disparurent Les Gardiens s’inquiètent principalement de la défense
avec des documents datant de l’Âge impérial. D’aucuns des peuples d’Aztlan—peu importe leur Nation, leur
craignent que les Anciens dieux n’aient corrompu ces religion ou leur statut social—contre les menaces exté-
déserteurs. En effet, grâce au savoir contenu dans ces rieures. Depuis des temps immémoriaux, les Anciens
textes et à leur connaissance de l’ancienne langue de l’Em- dieux sont leurs plus grands ennemis, mais récemment,
pire, ils auraient pu trouver un moyen de définitivement les Théans ont attiré leur attention. Bienfaiteurs silencieux,
libérer le monde de ces divinités sanguinaires. ils préfèrent accomplir leur tâche sans se faire remarquer.
La vérité est cependant bien pire que ce que les Gardiens Un Héros membre des Gardiens de l’Aztlan peut
imaginent, car ces dissidents sont en réalité devenus leurs acquérir de la Faveur des façons suivantes :
pires ennemis : le Concile des Anciens dieux.
• Fournir au Conseil des Grands maîtres une
Les grades au sein des Gardiens de l’Aztlan information relative à une menace extérieure
Les Gardiens les plus gradés sont des individus dévoués vaut 3 de Faveur. Les Grands maîtres ont besoin
à la cause de l’Aztlan plus qu’à toute autre. de renseignements fiables de manière à pouvoir
La plupart ont été initiés à un jeune âge, souvent diriger les Gardiens de manière coordonnée.
orphelins ou enfants issus de familles désargentées. Les • Annihiler une menace extérieure vaut 6 de
Gardiens les élèvent comme les leurs et leur transmettent Faveur. La mission principale des Gardiens
d’importantes compétences. Ces Initiés restent souvent est de protéger les peuples aztlans de toute
auprès d’un seul Maître durant leurs années de formation. menace étrangère.
Ils sont entraînés avec rigueur dans différentes spécialités,
notamment : Un Héros membre des Gardiens de l’Aztlan peut y faire
appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes :
• L’apprentissage de la lecture et de l’écriture de
l’ancien aztlan. • Demander l’accès à un texte ou un artefact des âges
• L’entraînement à toute forme de combat. anciens coûte 7 de Faveur. Ces objets sont non seule-
• La compréhension et l’utilisation des tech- ment vus comme des reliques, mais contiennent
nologies de l’Empire aztlan, notamment les potentiellement des informations et technologies
machines antiques. parmi les plus dangereuses de la Terra. Ainsi les
Gardiens ne les confient-ils qu’aux membres les plus
Dès qu’il le sent prêt, chaque Maître présente son fidèles et expérimentés de leur Société.
Initié au Conseil des Grands maîtres. Ces derniers le • Demander l’aide d’un Maître coûte 4 de Faveur.
testent et lui offrent une promotion s’ils l’en jugent digne. Les Maîtres sont de puissants individus qui
Sinon, ils lui assignent un Grand maître pour achever disposent d’une vie d’expérience et d’entraîne-
son enseignement. ment. Ils ont une Puissance de 8, mais jamais
Les Maîtres sont des membres indépendants qui l’Avantage Sorcellerie.
peuvent servir les Gardiens comme bon leur semble. Ils
travaillent le plus souvent avec leurs anciens instructeurs,
qui s’avèrent également être leur seule famille.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 187


Les Héritiers du Jaguar
Le jaguar est omniprésent en Aztlan. Certains récits Les grades au sein des Héritiers du Jaguar
datant de l’Âge impérial racontent même que l’Empire Pour rejoindre les Héritiers du Jaguar, il faut avoir utilisé
aztlan fut fondé par une lignée de jaguars-garous. ses pouvoirs pour faire le bien. L’origine de ce pouvoir
Jadis, les Nahuacans vénéraient Tahtli Ocēlōtl, un importe peu puisque les Héritiers considèrent toute forme
dieu dont le nom peut être traduit par « père jaguar » de sorcellerie comme un don des dieux. Cela explique
qui était vu comme un éminent sorcier et un grand pourquoi il s’agit de la seule Société secrète aztlane qui
change-forme. Les prêtres qui lui dédiaient leur vie dispose d’une présence affirmée en Théah.
étaient alors considérés comme des sages dont la puis- Les Héritiers savent trouver les sorciers qui expriment
sance était sans pareille. leur envie de les rejoindre car ils ont des yeux et des
De nos jours, les Tzak K’aniens estiment que les oreilles partout. Le nouveau venu doit accomplir une
jaguars sont les symboles du voyage crépusculaire, tâche pour prouver sa valeur et démontrer l’ampleur de
quand l’astre diurne s’en retourne vers son séjour ses pouvoirs, ses ressources et sa détermination. Une fois
nocturne. Ils vénèrent une divinité jaguar dont les le candidat testé, il entre chez les Héritiers du Jaguar et a
pouvoirs sont liés à la guerre et à l’outre-Monde. Ils accès aux ressources de la Société.
voient en elle la puissance animale par excellence, ce Les membres les plus puissants des Héritiers forment un
dieu possédant une bravoure, une férocité et une prédo- Cercle restreint qui détient les secrets du Visage du Jaguar. Ils
minance incomparables dans la forêt. sont les juges et administrateurs de l’organisation. Tout Héritier
Même l’Empire kuraque porte les jaguars en haute désirant entrer dans ce Cercle doit se préparer à mettre sa vie
estime. Ceux qui résident dans les forêts du sud ont un en péril pour protéger la Société. Seuls ceux qui ont été des
grand respect pour l’étoile du félin qui protège tous les Héritiers fidèles durant des années peuvent s’élever à ce niveau.
jaguars, ours et pumas de la région.
Ainsi cet animal a toujours été la figure la plus La Voie du Jaguar
importante de la cosmologie aztlane, et les Héritiers Tous les fidèles du dieu jaguar sont d’accord sur une
du Jaguar sont considérés comme les descendants de chose : leur divinité est un créateur, mais également un
cette longue tradition. destructeur, apportant à la fois chance et malheur. Les
Ce groupe de sorciers tente de rassembler le Héritiers considèrent l’étude de la sorcellerie comme la
maximum d’informations à propos de la sorcellerie parfaite incarnation de cette essence car tout sorcier a le
aztlane. Avec le temps, ils ont effectué des avancées pouvoir de créer comme de détruire.
inédites dans ce champ de recherche, c’est pourquoi Ils ont donc établi une série de lois connue sous le nom de
ils encouragent désormais toute forme d’expérimenta- « Voie du Jaguar. » Les préceptes les plus importants sont :
tion magique et n’ont aucun souci à accepter—et même
soutenir—ce qui est interdit par d’autres (par exemple • Utiliser la magie pour faire le mal est expressé-
la nécromancie). Pour eux, tant que le sorcier utilise ment interdit.
son don pour aider les gens, notamment les moins • Un sorcier témoin d’une activité magique scélé-
favorisés, il faut l’aider. rate doit la signaler.
Les Héritiers accueillent des membres venus de • Les Héritiers doivent obéir aux ordres du
toutes les Nations de l’Aztlan. Ils sont ouverts d’esprits, Cercle restreint.
accueillants et ne discriminent aucun de leurs membres, • Aucun sorcier extérieur aux Héritiers ne peut
peu importe son origine ou le champ de recherche apprendre les secrets du Visage du Jaguar.
choisi. La seule limite à ne pas franchir est de ne pas
utiliser son don pour un objectif Scélérat. Quiconque Tout Héritier qui viole l’une de ces lois doit s’attendre à en
s’y risque s’expose à l’ire des Héritiers qui, dans ce cas, assumer les conséquences, qui vont de l’interdiction de prati-
enverront sans hésiter une Meute de jaguars-garous à quer la sorcellerie—sous peine de mort—à l’apposition d’une
la poursuite du contrevenant. marque qui les désigne comme proie d’une Meute.

188 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Le Visage du Jaguar La Faveur au sein des Héritiers du Jaguar
L’un des plus grands dons que le jaguar accorde aux Les Héritiers du Jaguar s’occupent surtout de retrouver
Héritiers est la capacité de changer de forme et d’adopter des reliques antiques (qu’il s’agisse de textes, d’artefacts
le Visage du Jaguar. Sous cette forme, le sorcier se trans- ou autres), d’étendre la pratique de la sorcellerie à travers
forme en jaguar-garou. Il devient alors un prédateur toute l’Aztlan et de neutraliser les sorciers Scélérats.
mortel dont la gueule est dotée de longs crocs et les bras Un Héros membre des Héritiers du Jaguar peut acquérir
se terminent par des griffes acérées. Il peut toujours prati- de la Faveur des façons suivantes :
quer sa sorcellerie et la combiner à la rapidité et la férocité
du chasseur de la nuit. • Découvrir un artefact ou un texte magique
Au fil du temps, alors que de plus en plus de sorciers inconnu, voire présenter une découverte nova-
rejoignaient la Société, le Cercle restreint a décidé qu’il trice dans n’importe quel champ de recherche
était trop risqué d’enseigner cette technique à tous les magique vaut 4 de Faveur.
Héritiers. Ainsi, ils ont choisi de conserver le secret à • Neutraliser un sorcier Scélérat vaut 8 de
l’intérieur du Cercle restreint et de ne le dévoiler qu’à Faveur. Il n’y a presque rien de plus dangereux
quelques autres membres triés sur le volet. Ainsi naquirent pour la défense de la cause magique en Aztlan
les Meutes. que des sorciers Scélérats. Ainsi les Héritiers
Les Meutes de jaguars-garous sont constituées d’Hé- accordent-ils beaucoup de valeur à tous les
ritiers qui reçoivent la bénédiction du Visage du Jaguar agents qui désirent neutraliser ces indésirables
pour une nuit. D’ordinaire, ils reçoivent ce don pour sans l’aide d’une Meute de garous.
mieux chasser et tuer les sorciers Scélérats. Sous cette
forme, les Héritiers sont quasi-certains d’accomplir leur Un Héros membre des Héritiers du Jaguar peut y faire
mission, bien que celle-ci ne soit jamais sans risques. Une appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes :
fois la mission accomplie, la Meute revient à son point de
départ avant la fin de la nuit afin que les Héritiers puissent • Demander l’accès à un texte, un artefact ou
redevenir humains. Si l’aube se lève et qu’un Héritier est un composant magique coûte 3 de Faveur. Les
toujours transformé, alors le soleil réclame son âme et le Héritiers possèdent le plus vaste répertoire de
tue dans la seconde. savoirs magiques d’Aztlan (et peut-être même
À cause de cela, nombreux sont les Héritiers qui du monde). Ainsi, tout sorcier membre des
informent le Cercle des activités scélérates dont ils sont Héritiers peut avoir accès à ce dont il a besoin
témoins tout en restant extérieurs à ces affaires. D’autres, pour avancer dans ses recherches.
encore, choisissent de s’occuper des Scélérats à leur • Demander l’assistance d’une Meute coûte 10
manière, autrement qu’avec l’aide d’une Meute. de Faveur. Le Héros et ses compagnons peuvent
choisir de faire partie de la Meute. En ce cas, ils
deviennent des jaguars-garous, Monstres de
Puissance 8 disposant des Propriétés mons-
trueuses Nocturne, Métamorphe et Vif. Sous
cette forme, les Héros conservent la majeure
partie de leurs capacités normales (dans les
limites du raisonnable). La transformation
n’opère que pour une nuit.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 189


Le Pochteca
Le Pochteca fut fondé en 1474 du calendrier théan Cela dit, certains dirigeants demeurent trop têtus ou puis-
par douze des plus puissantes familles marchandes de sants pour être influencés. Quand cela se produit, le Pochteca
l’Alliance nahuacane. Craignant que les dirigeants leur utilise ses ressources pour inciter le peuple à agir et aider tous
reprochent leur pouvoir basé sur la richesse, ces familles ceux qui auraient le courage de s’opposer aux Scélérats.
passèrent un pacte avec le Grand orateur : en échange Rares sont ceux qui savent que le Pochteca n’a pas seule-
de leur renoncement à tout privilège basé sur leur ment soif de profit. Leur seul but est de faire d’Aztlan
succès commercial, ils obtinrent le droit de poursuivre le territoire le plus juste du monde, un pas après l’autre.
leurs activités sans craindre aucune intervention du Qui sait ? Peut-être qu’un jour ils transformeront l’Aztlan
pouvoir politique. en un pays où la richesse est mieux distribuée, et ce, peu
Au fil des ans, le Pochteca se rendit compte que pouvoir importe le statut des citoyens.
et statut pouvaient être utilisés pour un projet plus
important encore. Dès lors, ils décidèrent d’utiliser leur Fonctionnement
immense fortune pour aider les moins aisés d’Aztlan, se Le Pochteca est organisé en guildes qui se spécialisent
réorganisant en douze guildes basées dans chacun des dans différents domaines commerciaux. Chaque guilde
plus grands centres urbains de l’Alliance nahuacane. opère depuis l’une des grandes cités de l’Alliance nahua-
Au début, ils se contentèrent de fournir les produits cane. Elles sont dirigées par trois à cinq vénérables anciens
de base aux plus pauvres mais, le temps passant, il leur appelés les « Mères » ou les « Pères » qui peuvent s’ex-
apparut clair que quelques habits et bols de nourriture primer au nom de la guilde.
n’allaient pas faire grande différence. Malgré ses efforts, Chacune est responsable d’un aspect des opérations
le Pochteca se révéla incapable d’améliorer pour de bon générales. Celle des textiles s’assure par exemple que les
la vie des pauvres gens. Ce fut à ce moment-là que ses membres aient accès à des armes et des armures qui leur
membres comprirent que le problème n’était pas dans la permettront de protéger ceux qui ne peuvent le faire seuls,
quantité de richesses et de ressources qu’ils distribuaient, tandis que celle des marchands envoie des émissaires à
mais dans la manière dont ils les répartissaient. travers tout l’Aztlan pour dénicher les dirigeants Scélérats.
Depuis lors, leur Société se consacre à l’amélioration de Bien que tous les membres du Pochteca puissent prendre
la vie des citoyens aztlans. Parfois, c’est au travers d’une des initiatives pour aider au mieux le peuple, ce sont les
distribution d’habits et de nourriture. D’autres fois, ils guildes qui leur donnent les indications générales quant
utilisent leur fortune pour remettre à leur place les nobles à la manière d’agir pour cela.
qui abusent de leur pouvoir (dans ces cas-là, ils versent
des pots-de-vin, contraignent et menacent les dirigeants Les grades au sein du Pochteca
peu avisés, de manière à s’assurer que la vie des citoyens Il n’y a que deux exigences pour entrer dans cette Société
soit améliorée). secrète : en avoir envie et être capable de la servir. Bien que
ses premiers membres aient tous été de riches marchands,
ils emploient désormais quiconque désire faire de l’Aztlan
un territoire paisible.
Les membres les moins importants sont notamment des
marchands qui dirigent des expéditions de commerce et
d’exploration, les porteurs et les guerriers qui transportent
les marchandises et protègent les caravanes des bandits,
mais également les marchands qui voyagent incognito et
espionnent certains lieux discrètement, en quête des élites
Scélérates qui grêvent le continent.
Mères et Pères décident du fonctionnement de leur
guilde respective et facilitent la communication avec les
autres. Ils se rencontrent une fois par an à Pepechotlan
où ils discutent stratégie et partagent leurs découvertes.

190 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


La Faveur au sein du Pochteca Le Concile des Anciens dieux
Le Pochteca s’occupe surtout de l’accumulation et la Les Aztlans sont dévoués à leurs dieux. Après tout, c’est
distribution des richesses dans le but d’aider les moins grâce à eux qu’ils furent capables de reconstruire le
fortunés d’Aztlan. Pour ce faire, ils investissent dans monde durant les jours lugubres qui suivirent la Chute.
les groupes rebelles qui s’élèvent contre les régimes Avant la Chute, et avant l’Empire aztlan, les Aztlans
tyranniques, comme c’est le cas dans l’Empire kuraque, vénéraient des divinités appelées les Anciens dieux.
par exemple. L’objectif du Concile des Anciens dieux est simple :
Un Héros membre du Pochteca peut acquérir de la restaurer les traditions des Anciens dieux et ramener
Faveur des façons suivantes : Aztlan à « la flamboyance de son ancienne gloire. » Le
problème est que cette « flamboyance » implique la
• Participer à la protection d’une caravane au destruction du continent et la mort de ses résidents
nom du Pochteca via la voie diplomatique ou actuels. Les membres du Concile, bien sûr, sont
informer une Mère ou un Père d’un dirigeant certains que leur foi les protégera lorsque les Anciens
peu avisé vaut 2 de faveur. Le Pochteca consi- dieux reviendront.
dère tout effort en ce sens comme un effort Ce que le Concile sait—et que les érudits aztlans
pour protéger le peuple. ignorent—c’est que les Anciens dieux ne sont pas
• Destituer un dirigeant Scélérat vaut 5 de morts. Ils furent emprisonnés par les Syrnes qui utili-
Faveur si son remplaçant représente une sèrent leur pouvoir pour alimenter leurs machines
amélioration. Il n’y a pas de meilleur service antiques, les condamnant à observer le défilé des
à rendre à la cause du Pochteca. Un bon diri- âges à travers leur prison de verre. Au moment de la
geant doit se soucier du peuple dont il a la Chute, les barreaux de ces cages n’ont pas cédé… mais
responsabilité, et pas seulement de son propre tout juste.
bien-être. Pour libérer les Anciens dieux, le Concile doit
ramener treize Cristaux de sang au Cœur du monde.
Un Héros membre du Pochteca peut y faire appel Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront ouvrir le passage
pour obtenir de l’aide des façons suivantes : permettant aux Anciens dieux de revenir sur Terra et
de diriger à nouveau l’Aztlan et son peuple. Une fois
• Demander l’accès à un hangar de stockage du cela accompli, le Concile espère régner sur les cendres
Pochteca coûte 4 de Faveur. Cela va jusqu’aux des empires tombés et gouverner un territoire unique,
marchandises qui valent 2 de Richesse, ou une Aztlan unifiée par une seule religion et une unique
une relique aztlane mineure qui puisse être culture. S’ils y parviennent, il n’y aura plus d’Alliance
utilisée comme Objet fétiche. Le non-paiement nahuacane, de cités-États tzak k’aniennes ou d’Empire
des marchandises ou l’absence de retour de la kuraque : toutes les différences seront effacées par les
relique entre les mains du Pochteca après la Anciens dieux.
mission peut donner lieu à une sévère punition,
allant de l’exclusion de la Société à l’exécu- Modus Operandi
tion sommaire. La technologie des Cristaux de Sang a été découverte
• Demander l’aide du Pochteca coûte 6 de par le Concile dans de vieux textes datant de l’Âge
Faveur. L’ampleur des ressources du Pochteca impérial, lesquels constituent leur possession la plus
est si énorme—et son réseau commercial si précieuse. Ces textes révèlent que, pour créer l’un de
vaste—que quiconque fait appel à eux est ces cristaux, une grande quantité de sang doit d’abord
certain d’avoir accès à ce dont il a besoin. être versée. Ce sacrifice, réalisé au nom des Anciens
Cela peut aller de simples marchandises dieux, demande que de nombreux êtres humains
jusqu’aux secrets politiques, en passant par s’entretuent.
des rencontres organisées avec des personnes Par conséquent, les agents du Concile font en sorte
d’ordinaires secrètes et fuyantes, comme les que des conflits se produisent entre de vastes groupes.
meneurs d’une rébellion. Leur meilleure stratégie est celle de la guerre ouverte,

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 191


ce pour quoi ils chuchotent à l’oreille des dirigeants Les Héros et le Concile
et de leurs opposants, incitant à la violence en toutes Les Héros ne peuvent pas rejoindre le Concile. Pour en
circonstances. Ils se fichent de savoir qui «  gagne  » devenir membre, il faut faire face aux Anciens dieux après
car, au final, chaque mort violente les rapproche de s’être baigné dans le sang d’un innocent. Si le profane n’est
leur objectif. pas accepté, le Conseil le tue et offre sa piètre existence
Le Concile est dirigé par trois Premiers prophètes, en sacrifice à leurs divinités. Si le profane est reçu, alors
un pour chaque Nation aztlane. Au cours du dernier il entend la voix des Anciens dieux lui murmurer directe-
millénaire, ils se sont rencontrés en secret au Cœur du ment des ordres à l’oreille, et son âme est à jamais brisée.
Monde, un lieu qui dépasse l’entendement. Sur l’échelle
du pouvoir, juste après eux, on trouve une poignée de L’existence du Concile
membres (peu nombreux mais très influents), ainsi Le secret est la plus grande force du Concile. Ainsi, ses
que d’innombrables agents de terrain. Ces derniers membres ont pu infiltrer toutes les Nations actuelles
sont généralement recrutés parmi les citoyens les plus d’Aztlan—et même quelques Nations théanes—dans
désespérés. Quelques fois, des personnes heureuses toutes les strates de leur société. Le Concile se fiche que
rejoignent leurs rangs, parce que le Concile leur montre ses agents soient ou non nobles, tant qu’ils accomplissent
un futur où le monde n’est plus divisé ni chaotique. Ce leur mission et déclenchent des conflits sanglants.
qu’ils voient, c’est la réalisation de leur désir profond La plupart des agents du Concile sont si perturbés par
d’une société homogène, pacifique, sans inégalités ni le rituel d’initiation—durant lequel ils doivent tuer un
conflits. Ce qu’ils ne voient pas—ou ne souhaitent pas innocent pour prouver leur foi aux Anciens dieux—qu’ils
voir—c’est que cette vision ne peut devenir réalité qu’à ne remettent jamais en doute leur allégeance. Les rares
condition de détruire le monde. qui s’y risquent disparaissent rapidement, et leur trépas
constitue leur dernière mission au nom du Concile, sur le
chemin qui mène à la libération des dieux.

192 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Générateur de cités-États tzak k’aniennes
Pour créer une cité-État tzak k’anienne, il faut quelques Méthode 2 : lancer de dés
dés et un peu d’imagination. Nous allons vous guider Vous pouvez également lancer un dé par catégorie, l’une
dans le processus, lequel comporte tout de même beau- après l’autre, et construire votre cité après chaque nouveau
coup de questions auxquelles vous devrez savoir répondre. lancer. Cela peut mener à un résultat chaotique, mais il est
Au final, vous apprendrez toutes sortes de choses sur votre très drôle de faire travailler son imagination pour donner
nouvelle cité-État, allant de l’iconographie locale aux une cohérence aux dés.
figures de pouvoir importantes de votre région.
Méthode 3 : une pierre après l’autre
Générer une Cité-État Vous pouvez enfin choisir de lancer 5 dés (ou 6, si vous
Voici plusieurs façons de créer une cité-État tzak k’anienne. voulez pouvoir écarter un résultat que vous n’aimez pas)
Vous pouvez utiliser n’importe laquelle de ces méthodes, et assigner ces valeurs à chaque catégorie, selon votre bon
et rien ne vous empêche d’en changer d’une cité à l’autre. plaisir. Là encore, si vous avez un groupe de joueurs qui
souhaite participer, vous pouvez leur assigner à chacun
Méthode 1 : à la carte un dé, et leur faire choisir la catégorie dans laquelle ils
La méthode la plus simple est de choisir une caracté- veulent « dépenser » leur résultat. Bien sûr, lorsque vous
ristique par liste et de construire votre cité sur le tas. Si dépensez votre résultat pour une catégorie, vous devez
vous avez plusieurs joueurs qui souhaitent participer, vous vous préparer à inventer les détails qui vont avec.
pouvez les autoriser à choisir une caractéristique chacun à
leur tour et construire la cité avec ce qu’ils ont sélectionné.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 193


Anatomie d’une cité-État
Ce générateur décompose les différentes étapes de créa- Iconographie
tion en quelques catégories principales. RÉSULTAT ICONOGRAPHIE
L’Iconographie vous indique ce que la cité-État tient en 1 Jaguar
haute estime sur un plan symbolique. Cela peut aller de 2 Crocodile
la faune sauvage aux ressources naturelles. L’Iconographie 3 Aigle
d’une cité-État détermine également le premier mot qui 4 Singe
constitue son nom.
5 Cerf
La Géographie vous renseigne sur le relief local. Il peut
6 Or
s’agir des lieux les plus fertiles ou importants, dépendant
7 Ciel
de la localisation de votre installation, des routes de
8 Pierre
commerce et des pratiques religieuses. La Géographie
d’une cité-État détermine également le deuxième mot du 9 Sang

nom qui constitue son nom. 10 Aube


Le Dieu tutélaire désigne la figure religieuse ou mytho- Jaguar : les jaguars sont des prédateurs courants et dange-
logique principale de votre cité-État. Celle-ci a tendance reux dans la région, ou bien les locaux les ont domestiqués
à beaucoup apparaître dans le folklore local et peut et chassent désormais avec eux. Les habitants vénèrent-ils
influencer jusqu’au parler local ou même les expressions ou craignent-ils la bête ?
toutes faites. Encore plus important : cela vous rensei- Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
gnera beaucoup sur les prêtres des environs. nom de la cité : griffe, rôdeur, sauvage.
L’Atmosphère détermine l’ambiance qui règne dans la
cité-État : ses résidents sont-ils accueillants ou méfiants Crocodile : la région est fascinée par les crocodiles. Peut-
vis-à-vis des étrangers ? Sont-ils guerriers ou pacifistes ? être sont-ils les meilleurs prédateurs du coin, à tel point
L’Atmosphère d’une cité-État a tendance à influencer que l’on avertit toujours les enfants et les étrangers de ne
la plupart—si ce n’est l’ensemble—des interactions des pas en approcher, ou bien la chasse au crocodile est-elle
Héros avec les gens de cette région. un rite de passage pour les guerriers, qui portent tous des
Le Souverain est l’indicateur du pouvoir politique le coiffes faites des têtes de ceux qu’ils ont déjà tués ?
plus puissant de la cité-État, et vous donne un aperçu de Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
ses objectifs. Il influencera ce qui se produit lorsque vos nom de la cité : écaille, dent, gueule.
Héros ne manqueront pas de rencontrer un ou plusieurs
des représentants du pouvoir local, et déterminera très Aigle  : l’aigle représente la puissance. Les habitants y
probablement la suite des événements. voient des êtres semi-divins, messagers et émissaires des
dieux, ou alors ils ont une approche bien plus pragma-
tique et les entraînent pour les aider à chasser.
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
nom de la cité : aile, plume, serre.

Singe : ici, les singes sont vus d’une façon particulière.


Les locaux détestent-ils ces primates qui ont l’habitude
d’aller où bon leur semble et de mettre le bazar, ou bien
considèrent-ils la compagnie d’un singe comme un signe
de chance et de faveur des dieux ?
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
nom de la cité : agile, saut, simien.

Cerf : même en Théah, le cerf est souvent perçu comme


une créature majestueuse et sacrée. Les locaux les

194 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


chassent-ils pour leurs précieuses fourrure et ramure, ou Géographie
bien considèrent-ils la créature comme un jeune dieu RÉSULTAT GÉOGRAPHIE
qu’ils doivent s’efforcer de protéger des autres prédateurs ? 1 Forêt
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le 2 Jungle
nom de la cité : bois, ramure, sabot. 3 Rivière
4 Montagne
Or : l’or est ou était abondant et la région s’est fait un nom grâce
5 Colline
au précieux minerai. L’or est-il toujours aussi courant, ornant
6 Vallée
même les habits et les bijoux du plus humble des paysans ? Peut-
7 Plaine
être qu’au contraire les mines sont épuisées, l’or ayant été vendu
8 Île
ou volé durant les années de guerre, et à présent, il ne subsiste
plus que la mémoire d’un ancien temps plus glorieux. 9 Plage

Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le 10 Terrain vague


nom de la cité : brillant, luisant, précieux. Forêt. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
miner le nom de la cité : bosquet, fourré, branche.
Ciel : le grand ciel bleu est une image puissante, évocatrice
de liberté et de franchise, et sert souvent de conduit pour Jungle. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
communiquer avec les dieux. Peut-être les locaux sont-ils miner le nom de la cité  : enchevêtrement, impénétrable,
particulièrement pieux, ou bien le temps de la région est-il régions sauvages.
remarquable pour une raison ou une autre ?
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le Rivière. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
nom de la cité : nuage, tempête, bleu. miner le nom de la cité : cascades, coude, rapides.

Pierre  : le métal est presque inconnu dans l’Aztlan Montagne. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour
moderne, la pierre est donc souvent utilisée à la place. déterminer le nom de la cité : cime, mont, sommet.
Peut-être celle de la région est-elle particulièrement
précieuse à cause d’une propriété rare, ou bien les locaux Colline. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
sont-ils des tailleurs de pierre au talent remarquable ? miner le nom de la cité : falaise, plateau, tertre.
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
nom de la cité : granit, joyaux, obsidienne. Vallée. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
miner le nom de la cité : canyon, creux, gorge.
Sang : le sang représente la vie, la mort et la famille. Pour
cette région, il est plus important que tout. Les lignées Plaine. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
familiales sont-elles plus précieuses ici qu’ailleurs, ou miner le nom de la cité : champ, immensité, prairie.
bien les locaux ont-ils la réputation de faire des sacrifices
(animaux ou autres) au nom d’anciens dieux sombres que Île. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer
le reste de l’Aztlan a oubliés ? le nom de la cité : archipel, îlot, récif.
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
nom de la cité : écarlate, os, ruissellement. Plage. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déter-
miner le nom de la cité : berge, côte, rivage.
Aube : L’aube représente le renouveau et la rédemption,
la naissance littérale et figurative d’un jour nouveau. Les Terrain vague. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour
locaux y voient un instant sacré, temps de vénération et de déterminer le nom de la cité : aride, étendue, désert.
réflexion, ou bien ont des traditions spéciales, comme ne
jamais passer d’accord après le coucher du soleil.
Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le
nom de la cité : aurore, levant, lumière.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 195


Dieu tutélaire
RÉSULTAT DIEU TUTÉLAIRE lorsque celui-ci se trouve en temps de guerre. Vêtu d’une impres-
1 Itz’hun sionnante armure de guerrier, armé d’une hache géante incandes-
2 Ix Kin cente, Buluk Cha’wil a une voix pareille au tonnerre et n’hésite pas
3 Po Ch’en un instant à foudroyer ses adversaires. Buluk Cha’wil accorde de
4 Kimi
l’importance à l’action, aux valeurs militaires, à la hiérarchie, au
pouvoir et au sacrifice (plus d’informations page 104).
5 Buluk Cha’wil
6 Ek Pakax
Ek Pakax : le dieu des marchands est une divinité sociable
7 Apocōātl
et extravertie. On peut le repérer à son goût quasi ostenta-
8 Cha'kal
toire pour les décorations, son odeur persistante de cacao et
9 Che’b’ T’ul l’énorme tatouage d’un scorpion noir sur son visage. Ek Pakax
10 Ix Cha’mim aime promouvoir les interactions grâce au négoce et possède
Itz’hun : Itz’hun est généralement considéré comme l’un une certaine appétence pour les produits exotiques. Ek Pakax
des dieux créateurs qui donna naissance à ce Monde et à ses accorde de l’importance au commerce, aux échanges, aux
nombreux aspects sacrés, notamment l’écriture et les rituels. marchandises exotiques, aux parures et aux choses matérielles.
Itz’hun attache de l’importance à l’apprentissage, l’histoire
et la tradition (plus d’informations page 104). Apocōātl : toutes les Nations de l’Aztlan croient au Serpent à
plumes, même si chacune l’appelle par un nom différent. Les
Ix Kin : Ix Kin est la sœur jumelle de Po Ch’en, le dieu lunaire. Tzak K’aniens considèrent qu’il s’agit du dieu le plus ancien et
Pour la voir sous sa forme naturelle, il suffit simplement de le plus puissant, et qu’il règne sur tous les animaux (y compris
lever les yeux pendant la journée. Elle traverse le ciel sous le jaguar, en dépit du fait que celui-ci possède sa propre divi-
l’apparence de l’éclatant Soleil du matin puis, au crépuscule, nité). Apocōātl accorde de l’importance à la terre, au succès à la
devient le Soleil jaguar. Ix Kin attache de l’importance à la chasse, à la quête de nourriture, à la durabilité et à l’innovation.
loyauté, la responsabilité et à ceux qui ont à la fois pouvoir et
constance (plus d’informations page 104). Cha’kal : l’une des divinités les plus vénérées du Tzak K’an—
notamment par les nombreux fermiers—est Cha’kal, le
Po Ch’en : Po Ch’en, frère jumeau calme et discret d’ Ix porteur de la pluie nourricière. D’apparence plus reptilienne
Kin, est le dieu lunaire. À l’instar de sa sœur, il est l’un des qu’humaine, Cha’kal s’est divisé en quatre pour mieux
dieux créateurs de notre Monde. La nuit, il est facile de le répondre aux demandes des mortels. Son aspect dit « rouge »
trouver dans le ciel. Parfois, on peut également l’apercevoir s’occupe de l’est, le blanc du nord, le noir de l’ouest et le jaune
sous forme humaine, perché sur son croissant de lune et du sud (plus d’informations page 104).
accompagné de son meilleur ami, un lapin géant irisé. Po
Ch’en attache de l’importance au changement, au progrès, Che’b’ T’ul : les Tzak K’aniens viennent souvent demander
à la gentillesse et au calme (plus d’informations page 105). conseil à la déesse de l’écriture—parfois autant qu’à Itz’hun, le
premier prêtre—car ils la considèrent comme la quintessence
Kimi : les Tzak K’aniens considèrent que Kimi est l’un des même de ce qu’est le génie. Che’b’ T’ul a toutefois tendance à être
créateurs de notre Monde, mais également le dieu des morts. obsédée par les aspects les plus triviaux de la culture scribale : elle
Sa silhouette—squelettique et menaçante—est parée de viendra ainsi souvent corriger des fautes ou promouvoir les styles
pans de chair en éternelle décomposition. Il aime porter des d’écriture. Che’b T’ul accorde de l’importance à ce qui est écrit, à
clochettes aux chevilles et au cou. En général, on le trouve au fin la véracité et l’honnêteté des écritures, ainsi qu’à l’intellect.
fond de l’outre-Monde, entouré de dieux mineurs et de cama-
zotz. Kimi accorde de l’importance à la peur, à l’intimidation, Ix Cha’mim : déesse des médecins et guérisseurs, Ix Cha’mim
au chaos et à la compétition (plus d’informations page 104). prend la forme d’une vieille femme portant des pots d’herbes
médicinales et autres remèdes. Elle a également une forte affi-
Buluk Cha’wil : meilleur ami d’Itz’hun, Buluk Cha’wil est un dieu nité avec les serpents, et est souvent montrée avec un reptile
puissant et lunatique. Vénéré par bien des seigneurs de guerre et des enroulé autour des bras ou posé sur sa tête. Ix Cha’mim
rois belliqueux, il se rend généralement dans le Monde intermédiaire accorde de l’importance à la compassion, la guérison et la pitié.

196 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Atmosphère récemment libérés du joug d’un tyran et sont-ils encore
RÉSULTAT ATMOSPHÈRE dans la joie exubérante qui persiste après une révolution
1 Tranquille réussie ? La région est-elle un carrefour d’échanges, ce qui
2 Tendue rend simplement ses habitants habitués aux cultures et
3 Juste aux apparences étrangères des voyageurs ?
4 Téméraire
Craintive : ici, les gens ont peur. Les marchés sont silen-
5 Craintive
cieux, les rues désertes après la tombée du jour et tout le
6 Ouverte
monde verrouille sa porte et évite de parler à son voisin.
7 Isolée
Y a-t-il une légende qui raconte qu’un monstre parcourt
8 Orgueilleuse
les rues la nuit, enlevant ceux qui sont assez fous pour s’y
9 Hostile aventurer ? Les bandits qui abondent dans les environs
10 Fervente ont-ils commencé à prélever des « taxes » sur la popu-
Tranquille : les lieux sont relativement calmes, loin des lation, se montrant violents et colériques face à la plus
troubles, des combats et du chaos qui règnent ailleurs au infime des résistances ?
Tzak K’an. Cette tranquillité est-elle le résultat logique
d’une absence de conflit majeur ? Y a-t-il une magie à Ouverte : à bras ouverts, chaleureusement et avec des
l’œuvre qui empêche la violence de s’immiscer dans visages souriants : voilà comment les gens d’ici accueillent
cette cité-État ? La population est-elle sous le joug d’un ceux venus d’ailleurs. Il y a un sens de la générosité et
sorcier maléfique qui les rend dociles afin de conserver du don de soi qui va au-delà de tout ce que vous avez
tout pouvoir ? déjà vu. Est-ce que les gens sont particulièrement pieux,
et respectent l’histoire d’un dieu qui fut recueilli par
Tendue : la paix est en équilibre précaire, on le sent dans un gentil fermier, lequel est ensuite devenu leur saint ?
l’air, comme si tout le monde retenait son souffle. Les gens Sont-ils simplement éduqués dans la bonté et ont-ils un
sont-ils malheureux à cause d’un changement soudain sens inné de la générosité ? Cette cité-État est-elle particu-
dans la gestion politique ou économique de la cité-État ? lièrement rude et leur générosité est-elle née du besoin de
Un guerre peu populaire a-t-elle débuté ailleurs  ? Au survie (si je meurs de soif et que tu as de l’eau, partage-la
contraire, les locaux en ont-ils marre de leurs voisins belli- pour qu’un jour la faveur te soit retournée) ?
queux et sont-ils prêts à fondre sur eux, lance et bouclier
en main ? Isolée : les gens n’ont probablement jamais vu quelqu’un
comme vous, et votre étrangeté influe sur toutes vos
Juste : la cité-État est celle de l’ordre. Les choses sont interactions avec eux. Certains vous traiteront de façon
faites d’une certaine manière et ceux qui s’opposent aux hostile, d’autres avec une admiration et une curiosité
traditions sont rapidement remis à leur place, d’une façon sans bornes. Qu’est-ce qui a pu mener ce lieu à l’isole-
ou d’une autre. Est-ce parce que cet endroit a un passé ment ? Est-il géographiquement reculé, dans un village
baigné de ténèbres et de sang et qu’un nouveau meneur de montagne ou au fin fond de la jungle ? Ou bien ses
a promis aux gens de corriger cela ? Peut-être existe t-il dirigeants ont-ils fermé les frontières de peur de subir
un mythe qui dit qu’un esprit local punit tous ceux qui l’influence d’étrangers ?
insultent leurs ancêtres en pensant pouvoir faire mieux
que leurs aînés ? Orgueilleuse : les locaux tirent une grande fierté de leur
village natal, leurs dirigeants ou tout autre aspect de
Téméraire : le changement a du bon et cette cité-État en leur existence. Peut-être y a-t-il un ancien héros, admiré
a conscience. À la différence des cités-États où règnent partout en Aztlan, qui est originaire de leur région ? La
chaos et désordre, celle-ci est connue pour s’approprier cité-État exporte-t-elle une spécialité célèbre dont ses
facilement des idées nouvelles ou des approches inédites habitants sont fiers ? Qu’ont-ils donc en si haute estime ?
à certains problèmes, ainsi qu’à accepter les individus Leur fierté est-elle vraiment bien placée ?
qui ne rentrent pas dans la norme. Les gens se sont-ils

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 197


Hostile  : les gens d’ici n’aiment pas les étrangers et Érudit : ce souverain attache beaucoup de valeur au savoir
n’ont pas honte de le montrer. Cette violence fait-elle et à l’apprentissage. Il s’efforce d’éduquer les gens de son
juste partie de leur culture, et ce qui semble malpoli aux peuple ou, au contraire, entretient leur ignorance pour
étrangers est parfaitement ordinaire et convenable pour conserver le pouvoir.
eux ? Leur hostilité est-elle le reflet de leur dédain, voire
leur haine ouverte pour ce qu’ils ne comprennent pas et Progressiste : ce souverain pense que l’échec équivaut à
considèrent comme dangereux ? la mort. Le changement et l’expansion sont synonymes de
prospérité et de sagesse.
Fervente : cette cité-État accorde énormément d’impor-
tance à la religion, ou du moins à sa relation avec les dieux. Fou : la folie influence toutes les actions de ce souverain.
Les lieux sont-ils bénis par un dieu en particulier ? Les habi- Un jour, il signe un traité de paix avec une ville voisine et,
tants affirment-ils qu’un sang divin coule dans leurs veines ? le lendemain, il la déclare ennemie jurée.
Leur religion est-elle très différente du reste de l’Aztlan, ce
qui rend les locaux également différents et renforce leur Usurpateur : ce souverain a volé le pouvoir à son prédé-
communauté ? Que révèrent-ils donc, et pourquoi cela cesseur, et peut être considéré comme « illégitime ». Il
influence-t-il à ce point leur vie quotidienne ? peut aussi s’agir d’un marionnettiste qui contrôle les
« vrais » dirigeants depuis les coulisses.
Souverain
RÉSULTAT SOUVERAIN Héritier incongru : ce souverain est l’enfant illégitime
1 Seigneur de guerre du chef précédent, ou bien le descendant lointain d’une
2 Théocrate dynastie qu’on croyait morte depuis longtemps. Il peut
3 Érudit s’avérer être très populaire ou bien pas du tout.
4 Progressiste
Artiste : ce souverain entend transformer la région en
5 Fou
merveille artistique et mécanique, afin de provoquer la
6 Usurpateur
jalousie de ses voisins. Y a-t-il un art qu’il préfère à tous
7 Héritier incongru
les autres (la chanson, la peinture, l’architecture), ou bien
8 Artiste
essaye-t-il d’obtenir un équilibre ?
9 Populiste
10 Traditionaliste Populiste : pour le meilleur et pour le pire, ce souverain
Seigneur de guerre : la région est dirigée comme une adore être la voix du peuple. Si ce dernier exige la guerre,
armée, soit à cause des capacités personnelles du souverain le dirigeant écoute, et ce même s’il sait que ça les mènera
(soldat puissant et émérite), soit à cause de sa vision du à leur perte.
monde (celle d’un stratège et général incomparable).
Traditionaliste : ce souverain accorde une grande impor-
Théocrate : le divin a choisi le souverain, du moins est-ce tance au passé, aux traditions et aux rituels des ancêtres.
la croyance encouragée par le pouvoir en place. Il est béni Il les utilise comme un bouclier pour se protéger des
des dieux, et a pour charge de les représenter tout en critiques, voire s’y raccroche, et ce même quand leur poids
récompensant la foi des fidèles. l’emporte par le fond.

198 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Obstacles
Une tempête soudaine et féroce s’abat sur les Héros tandis Ensuite, tout Obstacle peut être Bravé. Cela signifie
qu’ils pourchassent leur ennemi juré en pleine mer. Tous que les personnages doivent, ensemble, dépenser un
ceux qui entrent dans la mine abandonnée que les locaux nombre de Mises équivalent à la Menace représentée par
refusent d’explorer ne reviennent jamais. Un temple dédié l’Obstacle. Cette dépense ne réduit pas la Menace—la
aux anciens dieux est converti en lieu de pouvoir par un maison hantée ne devient pas moins effrayante au fur et
sorcier fou à lier. Le tunnel dangereux qui traverse les à mesure que vous approchez de ses secrets—mais les
montagnes est le territoire de chasse d’une famille d’ours Héros trouvent ce dont ils ont besoin pour se diriger vers
féroces. La jungle vierge et sauvage dans laquelle marchent un résultat favorable et contrôlé (par exemple tenir le cap
les explorateurs grouille de jaguars et de serpents. durant une violente tempête, ou découvrir ce qui se trouve
Les Obstacles sont une nouvelle forme d’adversité— au sommet d’un antique temple syrneth).
comme les Scélérats et les Escouades de Brutes—que Les Obstacles ont un Niveau de Menace qui permet
vous pouvez utiliser en tant que menace dans une Scène de déterminer combien de dés doivent être lancés. Ces
ou une Séquence (explorer une ruine abandonnée au Niveaux vont de 5 (quelque chose de dangereux, comme
cœur de la forêt) ou bien comme un danger que les Héros une bourrasque au bord d’un précipice) à 15 (quelque
doivent affronter (la tempête qui frappe alors qu’ils sont chose de cataclysmique, comme une déchirure dans le
en plein duel contre un Scélérat). voile du réel créée par un sorcier Scélérat).
Ils peuvent être surmontés de diverses manières. Tout Ils disposent également d’Aspects qui permettent de
d’abord, ils sont souvent limités à une zone géographique. dépenser les Mises d’une certaine manière, ou font que le
Si les Héros la quittent, l’Obstacle ne peut pas les suivre. MJ peut dépenser des points de Danger pour pimenter les
Nul besoin de Mises, même si les circonstances peuvent choses. Sauf mention contraire, les Aspects peuvent être
rendre les Héros Sans défense ou bien faire qu’ils n’ont activés plusieurs fois ou avoir des effets variables selon le
aucun contrôle sur leur destination (atterrissant dans une nombre de Mises dépensées par le MJ. Un Obstacle ne
situation pas beaucoup plus avantageuse). peut activer qu’un seul Aspect durant son tour.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 199


Aspects de base Aspects optionnels
Tous les Obstacles possèdent les Aspects suivants. Voici la liste des Aspects qui peuvent être attribués
aux Obstacles.
CHAOTIQUE
L’Obstacle peut dépenser une Mise pour infliger 1 ASSOURDISSANT
Blessure immédiate à tous les personnages présents dans L’Obstacle peut dépenser une Mise pour devenir assour-
la Scène. Les Escouades de Brutes voient quant à elles leur dissant. Jusqu’à ce que ce dernier dépense une autre Mise,
Puissance réduire de 1. toute forme de communication verbale entre les person-
nages leur coûte 1 Mise.
CRESCENDO
Pour renforcer le Niveau de Menace de l’Obstacle d’1 DE PIRE EN PIRE
point, le MJ peut dépenser un point de Danger avant que Pour renforcer le Niveau de Menace de l’Obstacle de 2
les dés ne soient lancés. Cet effet persiste jusqu’à la fin de points, le MJ peut dépenser 2 point de Danger avant que
la scène. Le MJ ne peut dépenser qu’un point de Danger les dés ne soient lancés. Cet effet persiste jusqu’à la fin de
par Round de cette façon, mais cet Aspect n’est pas limité la scène. Le MJ ne peut dépenser que 2 points de Danger
par ailleurs. par Round de cette façon, mais cet Aspect n’est pas limité
par ailleurs.
HABITAT NATUREL
Toute créature ou Monstre qui vit dans l’Obstacle DÉFERLANTE
ne reçoit aucune Blessure ou n’a aucun désavantage Le MJ peut dépenser un nombre illimité de points de
lorsque l’Obstacle dépense des Mises ou des points de Danger pour augmenter le nombre de dés lancés par
Danger. Les Héros et les Scélérats (sauf s’il s’agit aussi de l’Obstacle. Chaque point ainsi dépensé confère 2 dés
Monstres) ne peuvent bénéficier de cet Aspect. bonus. Cela ne dure qu’1 Round et n’augmente pas son
Niveau de Menace.
PERFIDE
L’Obstacle peut dépenser une Mise pour créer une DÉROUTANT
Conséquence. Celle-ci opère en Action 0 (à la toute fin L’Obstacle peut dépenser une Mise pour séparer un
du Round) et inflige une Blessure Dramatique à tous personnage du reste du groupe. Jusqu’à ce qu’ils se
les personnages de la scène. Les Héros et les Scélérats retrouvent, le personnage isolé ne peut bénéficier d’aucun
peuvent dépenser ensemble des Mises visant à contrer des Avantages et Compétences reposant sur la proximité,
cette Conséquence, mais s’ils n’y parviennent pas, tous la vue ou l’ouïe. Il ne peut pas non plus aider les autres
reçoivent une Blessure Dramatique. Une Escouade de personnages en dépensant de points d’Héroïsme (par
Brutes voit sa Puissance réduite de moitié. exemple en donnant des dés bonus). Pour qu’il regagne
le groupe, l’un des Héros doit créer une Opportunité que
le personnage isolé doit activer.

DÉVASTATEUR
L’Obstacle peut dépenser une Mise pour détruire une
structure ou un objet comme un petit bâtiment, un pont
ou un navire. Cela inflige une Blessure à tout personnage
qui se trouve en position d’être blessé (par exemple celui
qui se tient sur le pont), sauf si celui-ci dépense une Mise
en réaction. Si un Obstacle utilise cet Aspect dans une
Scène contenant un ou plusieurs Navires, tous reçoivent
1 Dégât Critique en plus des autres effets.

200 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


DOMINATION PRESSENTIMENT
L’Obstacle est sous le contrôle d’un personnage présent Pendant toute la Séquence, le MJ peut dépenser 1 point
dans la Scène. Celui-ci est immunisé aux effets de l’Obs- de Danger quand des lancers de dés sont effectués. À ce
tacle quand ce dernier dépense des Mises. moment, l’Obstacle gagne 1 Rang en Peur par tranche de
5 Niveaux de Menace.
IMPRÉVISIBLE
L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour qu’une
Conséquence qu’il a créée survienne 1 Action plus tôt. SAUVAGE
L’Obstacle peut le faire immédiatement après la créa- Lorsque l’Aspect Perfide de l’Obstacle inflige des
tion de ladite Conséquence. Par exemple, un Obstacle Blessures Dramatiques, sélectionnez une Escouade de
Imprévisible peut dépenser 1 mise pour créer la Brutes au hasard dans la Scène. Celle-ci est anéantie, peu
Conséquence « tous les personnages reçoivent 1 Blessure importe sa Puissance.
Dramatique à l’Action 0, » puis dépenser 1 Mise pour que
cette Conséquence se produise plutôt à l’Action 1. VIOLENT
Lorsque l’Obstacle dépense 1 Mise pour activer l’Aspect
INHOSPITALIER Chaotique, il n’est pas possible d’annuler la Blessure subie
L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour appliquer une en dépensant 1 Mise.
Contrainte sur tous les personnages. Généralement,
les Obstacles qui possèdent cet Aspect appliquent la
Contrainte pour que les personnages s’en aillent, ce qui
signifie que si l’un d’eux reste, sa prochaine Action lui
demandera 2 Mises au lieu d’1.

INTENSE
Lorsque l’Obstacle inflige des Blessures, le MJ peut
dépenser 1 point de Danger pour que chaque personnage
touché perde 1 Mise.

LUGUBRE
L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour plonger la zone
où il se trouve dans des ténèbres presque totales. Toute
Action qui nécessite d’y voir coûte 2 Mises au lieu d’1
jusqu’à la fin du Round.

MORTEL
L’Obstacle peut dépenser une Mise pour infliger 2
Blessures immédiates à tous les personnages présents
dans la Scène. Les Escouades de Brutes voient quant à
elles leur Puissance réduire de 2.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 201


Aventures dans le Nouveau monde
L’Aztlan est une terre dangereuse et mystérieuse dans Contact avec la Théah
laquelle les conflits politiques sont nombreux, et les Chaque Nation aztlane a dû faire face à l’énorme impact
Obstacles magiques et autres opportunités héroïques de lié au premier contact avec la Théah. Ces pays sombre-
toutes tailles sont légion. En d’autres mots, c’est l’endroit ront-ils suite aux machinations cruelles d’hommes comme
parfait pour jouer à 7E Mer ! Calderón ou bien supporteront-ils la déferlante théane ?
Pourtant, jouer dans ce nouveau monde est différent Cela ne signifie pas que les seules histoires valables
de jouer en Théah ou dans l’Empire du Croissant : il sont celles qui concernent la Théah, mais ce siècle de
existe de nouveaux problèmes ainsi que nombre d’écueils multiples contacts a fait découvrir de nouvelles possibi-
dans lesquels vous pouvez tomber lorsque vous menez lités et de nouveaux dangers, pour les Aztlans comme
vos Héros dans un récit aztlan. Dans cette section, nous pour les Héros et les Scélérats théans arrivés dans le
vous donnons quelques outils utiles pour construire vos Nouveau monde.
histoires dans le Nouveau monde. Prenez garde à ne pas tomber dans les clichés lorsque
vous développez des histoires sur les activités théanes dans
Conflits principaux le Nouveau monde. Les Aztlans ne sont pas des sauvages
Tout d’abord, il est important d’identifier les genres en détresse, ni des personnages amorphes qui n’agissent
d’histoires qui fonctionnent le mieux dans le contexte que lorsque des personnes blanches les obligent à faire
aztlan. Si vous voulez faire jouer un équipage de ruffians face à leurs problèmes. Les meilleures histoires concer-
qui naviguent sur les Sept Mers, alors nous vous conseil- nant les contacts avec la Théah contribuent toujours à une
lons de jeter un œil au supplément Nations Pirates. meilleure compréhension—donc à une réaction appro-
En effet, les Aztlans ne sont pas vraiment des pirates, les priée—du problème auquel les Aztlans font face.
structures politiques des Nations n’encouragent pas à s’en
aller vivre et mourir sur les vagues.
Voici quelques-uns des conflits qui peuvent se dérouler
en Aztlan, avec quelques détails sur la meilleure façon de
les exploiter.

202 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Machinations politiques Rendre le décor familier
Les Aztlans ont leur propre façon de régler les problèmes, Lorsque vous menez une partie de 7E Mer en Aztlan, votre
n’hésitant pas à aller chercher les dieux pour obtenir des défi principal sera de rendre le décor familier à vos joueurs,
réponses immédiates. Leurs solutions ne sont pas plus lesquels ont l’habitude d’un décor théan et non mésoamé-
ou moins sophistiquées ou sensées que celles des cours ricain. Il existe littéralement des milliers de romans, films
théanes. Donnez donc à vos joueurs l’occasion d’utiliser et séries qui mettent en scène une Europe fantasy, alors
ces nouveaux systèmes en leur montrant une injustice que le contexte mésoaméricain ne dispose que de peu de
qui affecte au quotidien la vie des Aztlans—pauvres et représentations. Voici quelques façons de rendre l’Aztlan
riches—et donnez-leur envie d’agir contre un système plus familier à vos joueurs sans qu’ils aient à s’asseoir pour
politique qui les dépasse. Imaginez si, par exemple, vos lire le présent livre avant de pouvoir se lancer.
Héros empêchaient l’Impératrice du Kuraq d’exécuter un
rival politique… Commencez par des Théans
Les Héros aztlans sont très importants dans ces types Si vos joueurs ont l’habitude de jouer des Théans dans
de conflits car ils offrent un pont culturel pour les Héros 7E Mer… continuez ! Chaque année, il y a beaucoup,
théans. Ils peuvent également encourager les commu- beaucoup de Théans qui arrivent au Nouveau monde
nautés locales à leur faire confiance et à leur donner des pour y faire fortune, poursuivre leurs affaires ou simple-
informations sur les Scélérats. Si votre groupe ne possède ment découvrir un territoire inconnu.
pas de Héros aztlan, assurez-vous d’avoir un personnage Il existe des centaines de raisons d’être attiré par l’ouest
non-joueur qui puisse les attirer dans son combat pour et l’Aztlan, et vos joueurs seront peut-être plus à l’aise
défendre une juste cause. Bien sûr, certains « Héros » s’ils explorent le décor sans avoir à se soucier de savoir
aztlans peuvent en vérité être des Scélérats considérant s’ils font un « Nahuacan crédible » par exemple. Bien que
les Théans naïfs comme des pions utiles. cette méthode repose beaucoup sur vous (en tant que MJ),
cela vous permet de donner à vos joueurs une opportunité
Exploration ou exploitation ? unique pour explorer une nouvelle portion de l’univers de
Les Scélérats d’Aztlan ont tous une chose en commun : ils 7E Mer du point de vue de leurs personnages pré-existants.
voient le Nouveau monde comme un endroit à conquérir, Faites attention, cependant, à ne pas tomber dans
d’une manière ou d’une autre. Pour Calderón—et le cliché du « poisson hors de l’eau » qui part explorer
de nombreux autres despotes théans—il s’agit d’une les jungles sauvages du nouveau continent. Donnez
conquête au sens littéral : il souhaite éradiquer les Nations à vos Héros des problèmes complexes à affronter, qui
aztlanes pour mieux installer sa dictature vaticine. Pour demandent des recherches et de la subtilité. Rappelez-
d’autres Scélérats, comme l’Impératrice du Kuraq ou leur que les habitudes et les pratiques des locaux revêtent
Azenath Medellín, cette conquête est plus discrète et sens et importance, et ne les laissez jamais oublier que
insidieuse, mais pas moins dangereuse. Eux aussi veulent les Aztlans aussi ont leurs Héros et leurs Scélérats, avec
exploiter le pays, encore et encore et encore… leurs propres objectifs, peu importe ce que les Théans ont
Le Nouveau monde déborde de trésors et de richesses prévu de leur côté.
inédites, même aux yeux des locaux qui ont vécu au Tzak
K’an ou dans l’Alliance nahuacane toute leur vie. Il y a Utilisez la topographie locale
des ruines syrneth à explorer, des routes de commerce et Les Nations aztlanes s’étendent sur des reliefs incroyable-
des villes à construire ainsi que des Sorcelleries perdues à ment variés, allant du désert à la jungle en passant par les
retrouver. Les Héros devront d’abord essayer de savoir à montagnes. Chacun de ces climats joue un rôle important
qui ils peuvent faire confiance pour préserver ces décou- dans le développement des cultures et civilisations de l’Al-
vertes, et quelles explorations mèneront à plus de richesse liance nahuacane, du Tzak K’an et de l’Empire kuraque.
pour tous les Aztlans, et pas seulement pour une poignée Cela vous donne l’occasion de mettre en avant les sociétés
de privilégiés. de chaque Nation que les Héros doivent traverser.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 203


GROUPES MIXTES
Il est possible que vos joueurs désirent avoir Par exemple, si vos Héros trouvent une cité-État aban-
des Héros théans et aztlans, avec même donnée dans les jungles du Tzak K’an et qu’ils l’explorent
quelques pirates ou Croissantins ! Et c’est tout en contrecarrant ses Obstacles, ils se rendent peu à
génial ! Il n’y a rien de mieux dans ce nouveau peu compte que la cité est perdue dans le temps, que la
monde aux caractéristiques uniques qu’un catastrophe qui la détruira ne s’est pas encore produite.
groupe de personnages varié dont les points Les Héros doivent alors trouver un moyen de sortir de la
de vue divergents entrent en conflit au fil du ville et de retourner à leur propre époque, tout en déter-
jeu. Assurez-vous qu’ils aient des liens aussi minant la nature du cataclysme qui frappera la cité de
solides que dans un groupe 100% théan, de manière à pouvoir l’en empêcher.
manière à ce qu’ils continuent à voyager Et si un dieu ou un Scélérat se met en travers de leur
ensemble. Un groupe mixte vous permettra chemin, ils devront le vaincre aussi.
de créer de nouvelles accroches narratives
qui feront voyager vos joueurs à travers de Accroches narratives
nombreuses Nations ! Parlons à présent des aventures que vous pourriez vivre
dans ce Nouveau monde.

Imaginez une aventure qui débute à Aragosta puis se Chasse à l’artefact


déplace vers les grandes villes du Tzak K’an et amène les Les jungles du Tzak K’an sont pleines de ruines syrneth.
Héros vers le nord dans l’Alliance nahuacane avant de Alors qu’en Théah celles-ci sont répertoriées et le plus souvent
repartir vers le Kuraq ! contrôlées par la Société des Explorateurs, les ruines aztlanes
Mais le but n’est pas juste de montrer tout l’Aztlan : demeurent majoritairement inexplorées. Cela ne signifie pas
cherchez des Obstacles et des Scélérats à leur faire que les aztlans ne s’y intéressent pas. Nombre d’entre eux
affronter au passage, utilisez leur errance pour qu’ils se ne les considèrent juste pas comme rares ou dangereuses, les
rendent compte à quel point le Nouveau monde est plus voyant comme une simple constituante de leur monde.
vaste que la Théah et combien les gens sont différents Vous pourrez tomber sur des Théans qui cherchent à
dans chaque région. voler un artefact dans un village qui l’utilise pour son
Ce voyage vous permettra également de montrer agriculture, ou bien vous tomberez en désaccord avec des
combien les Héros aztlans sont géniaux et intéressants, organisations tentaculaires qui visent à protéger l’Aztlan.
et ce sans étouffer la contribution de vos Héros à l’his- Les Gardiens de l’Aztlan mettent un point d’honneur à
toire générale. Mettez en avant un Héros aztlan au Tzak empêcher la disparition d’artefacts ayant appartenu aux
K’an, puis faites en sorte qu’un autre sauve vos Héros dans Anciens dieux. Ils pourraient aisément vous rendre la vie
le Kuraq. dure si vous vous lanciez dans le trafic de tels objets.

Utilisez le réalisme magique Rébellion


Irrémédiablement touché par la Chute de l’Empire L’Empire kuraque n’est pas le seul endroit où les Héros
aztlan, le Nouveau monde ne se plie pas aux mêmes règles peuvent avoir envie de mettre des bâtons dans les roues
spatio-temporelles que le reste de la Terra. Alors que vos du pouvoir. Bien qu’il s’agisse d’un lieu parfait pour une
Héros explorent la terre qu’ils foulent de leurs pieds, vous rébellion, cela peut être aussi le cas de n’importe quelle
pouvez leur rappeler la véritable nature de l’Aztlan en leur cité-État tzak k’anienne ayant un dirigeant despotique. Il
révélant d’anciennes ruines, en donnant des indices sur de se peut que l’un de vos amis ait besoin de marchandises
sombres mystères et en rendant floues les frontières entre spécifiques pour aider la résistance. Il faudra juste les faire
passé, présent et futur. En d’autres termes, l’Aztlan est passer en douce sous le nez des gardes.
un lieu idéal pour le réalisme magique, un genre narratif En Aztlan, les intrigues politiques exigent autant de finesse et
dans lequel les éléments magiques s’emboîtent parfaite- de subtilité qu’en Théah. Les Héros ne peuvent pas se contenter
ment avec la fiction réaliste sans s’annoncer comme des de pénétrer dans le palais de l’Impératrice pour la tuer, sauf à
éléments fantastiques avant leur arrivée en jeu. souhaiter entraîner une fin prématurée de la campagne.

204 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde


Annexe
7E MER : LE NOUVEAU MONDE 205
Feuille de création de cité-État t ak k’anienne
NOM DE LA CITÉ-ÉTAT 

ICONOGRAPHIE  GÉOGRAPHIE  DIEU TUTÉLAIRE ATMOSPHÈRE  SOUVERAIN 

Que dit l’Iconographie de l’histoire et des habitants de cette zone ? Personnes importantes

Comment le Dieu tutélaire influence-t-il la région ?

Lieux importants

Y a-t-il quelque chose de spécifique qui influence l’Atmosphère de cette cité-État ?

Qui dirige ? Quelles sont ses ambitions ? Ses objectifs de domination ?


Si le dirigeant est un Scélérat : quelles sont ses Machinations ?

Événements importants
Index
Armée Vestenmennavenjar 25-37
Cuāuhmeh 46, 49-51, 56-57, 74, 76, 80, 162
Ocēlōmeh 49, 51-52, 55, 57, 67, 71, 74, 76, 83, 182-183 Religions
Pakaykuq 5, 7, 129, 131-134, 139-141, 146-147, 150,-157, 163 Apocoalt 4, 6-7, 11, 28-29, 47-49, 52 56, 58-59, 66-67, 71-63,
83, 125, 128, 131, 196
Cosmologie Les Intermédiaires 26, 33-35, 43
Monde d'en-haut 30, 40, 87, 95, 103, 105-106 Les Quatre 11, 47-52, 56, 58-59, 63, 67-69, 72-73
Monde intermédiaire 30-31, 87, 97, 103-107, 196 Supay 11, 40-41, 118,126-134, 137, 140-142, 144-145, 147-148,
outre-Monde 31, 37, 39-40, 87-89, 95, 103-106, 154, 156-157, 163, 167, 176, 179, 184
114-115, 136, 156, 175, 179, 188, 196 Theus 18-19, 26-29, 38, 41
Le temps
Sociétés secrètes
Créatures Concile des Anciens dieux 187, 191-192
Ahuitzolts 36-37 Die Kreuzritter 28
Amarus 40 Fraternité de la côté 18, 78
B’olon t’oons 38-39 Gardiens de l'Aztlan 170, 186-187, 204
Camazotz 39, 104, 175, 196 Héritiers du Jaguar 170, 188-189
Inkarris 41 Pochteca 52, 162, 170, 190-191
Mannequins 39 Société des explorateurs 20, 22, 204
Ohuican Chaneques 37, 75 Vagabundos 28
oqe phutiy 41
Pet mo’ 40 Sorcelleries
Quinametzin 37-38 Connaissance des jours 107
Unu Pachacutis 41 Divination 48, 66
Victimes d'Ehēcah Totech 38 Dons des dieux 144
Miroirs 107
Histoire Nagualisme 66
Les Chok Ch'a 89-91, 99, 113 Plume 66
La Chute 10, 14-16, 20, 23, 27, 29-30, 43, 4-49, 58, 67, 75, 88, Wañuy Ñaqay 129, 142-144, 148, 176-180
110, 112, 125, 127, 129, 140-141, 152, 186, 187, 191, 204 Wayak’ Kan 107, 171-175
L'Empire Aztlan 15, 20, 30, 47-48, 50, 66-67, 75, 87,
90-91, 112, 133, 175, 186-188, 191, 204
Les Machines antiques 10, 21-23, 27, 75, 186-187, 181
Les Syrnes 14, 20-23, 27, 37, 51, 78, 117-118, 120,
173, 180, 186, 191, 199, 203-204

Nations
Alliance nahuacane
11, 16-27, 29-30, 34, 36-38, 43, 46-83, 89-93, 97, 103, 108, 110,
112, 115-116, 118-119, 121, 131, 133, 138, 140, 157, 160-163,
165, 167, 182-185, 188, 190-191, 203-204
Avalon 15, 18, 21-22
Castille 5-8, 10, 17-23, 25-28, 37, 51-52, 62, 65, 68, 92-93, 117,
120, 128, 143, 153, 182-183
Eisen 19, 24-26
Empire du Croissant 15, 17, 20, 25, 78, 115, 204
Ifri 20, 25, 30, 115
Kuraq 4-7, 1°-11, 14, 16-20, 22-31, 34, 36, 40-42, 59, 61, 63, 71,
86, 90-93, 97, 106, 108, 115, 118, 121, 124-157, 160-161, 163,
166-167, 176, 182, 184-185, 188, 191, 203-204
Montaigne 15, 18, 20, 23-26, 36-37, 51, 157
Ussura 17, 19-20, 38, 117, 175
Tzak K'an 6-8, 11, 14, 16-22, 24-28, 30,
34, 37-40, 43, 51, 58-59, 61, 65-66, 75, 80, 83, 86-121, 124, 131,
133, 138, 140, 157, 160-161, 163, 166-167, 171-175, 182-184,
188, 191, 193, 196-197, 203-204
Vodacce 6, 18-20, 26, 40, 117, 161

7E MER : LE NOUVEAU MONDE 207


Avantages
Béni par les dieux (4)
Bienvenue dans la jungle (3)
C'est ça le talent ! (2)
Chasseur divin (5)
Confidant (2)
Continuez sans moi… (3)
Dernière balle (4)
Dresseur (3)
Enfant des tempêtes (2)
Ensemble, nous vaincrons ! (5)
Entraide (2)
Faire le mort (3)
Fanfaron (2)
Glaneur (2)
Graissage de patte (2)
Imprévisible (3)
J'aurai le dernier mot ! (3)
Maître des tempêtes (5)
Menace silencieuse (4)
Parure de plume (1)
Sang mêlé (1)
Signes secrets (1)
Tentative désespérée (3)
Traqueur fantôme (4)
Yeux de félin (2)

208 Annexe

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