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Finance l3

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Finance

Université Lumière Lyon 2

L3 Sciences Economiques et de Gestion

Jouneau-Sion Frédéric

frederic.jouneau(at)univ-lyon2.fr

Année universitaire 2021-2022

1
Objectifs du cours

I Connaı̂tre les principales activités liées à la finance


I Acquérir les outils élémentaires d’analyse et d’évaluation financières
I Connaı̂tre les acteurs et les professions liées aux activités financières
I Comprendre les problématiques financières principales à différentes
échelles (entreprise, marchés, Etats)
I Connaı̂tre les fonctions principales associées aux contrats et acteurs
financiers.

2
Introduction
I Les échanges économiques au sein des sociétés humaines fonctionnent
depuis des milliers d’années avec des contre-parties monétaires.
I Partout où elle est apparue (antiquité occidentale, Chine, Amérique
du Sud), la monnaie est concomitante du développement de
l’écriture, du droit, d’une administration centrale, d’une
(proto)-comptabilité...
I Parallèlement, des évolutions historiques importantes sont reliées à
des innovations financières. Les débuts du capitalisme (Italie du
Nord, Flandres, Ligue Hanséatique au XVème siècle) sont
contemporains de la comptabilité en partie double, de la banque et
de l’assurance modernes et des marchés boursiers.
I Actuellement, l’écrasante majorité des échanges marchands ont des
contre-parties monétaires,et, dans bien des pays, ceci constitue une
obligation légale (cours légal).
I Dans tous les pays développés, les flux (ventes, achats, productions,
salaires, intérêts, dividendes, taxes...) ainsi que les valeurs
patrimoniales doivent être enregistrées par des évaluations monétaires
que ce soit pour un ménage, une entreprise, une collectivité locale.
I A l’inverse, les pays dans lesquels les fonctions financières sont
déficientes (pas ou peu de système bancaire, faible fiabilité des
enregistrements comptables privés et publics) connaissent tous des
retards de développement importants.
3
Introduction (suite)
I La finance intéresse principalement les économistes et les
gestionnaires mais elle est également abordée par des
mathématiciens, des historiens, des psychologues,...
I En économie et en gestion on aborde les questions qui touchent à la
finance soit trois angles principaux:
1. la finance d’entreprise
2. l’économie bancaire et des marchés financiers
3. la macro-économie financière
I La première branche étudie les opérations et les échanges monétaires
au sein d’une unité de production. Elle permet de dégager des
principes de gestion des avoirs et flux financiers et propose des
méthodes d’évaluation des stratégies des firmes fondées sur les
résultats financiers.
I La seconde étudie les échanges économiques financiers, leur
organisation (intermédiée ou non) et leurs fonctionnements, dans des
perspectives normatives et positives.
I La dernière branche étudie les moyens et conséquences d’actions
politiques centralisées dans le domaine de la monnaie et du crédit à
l’échelle d’une nation.
I Le cours de cette année est une introduction aux deux premières
branches (la troisième est abordée en master).
4
Plan du cours
Partie A : Eléments de finance d’entreprise
1. Rappels de comptabilité
2. Principaux flux financiers d’une entreprise: enregistrements
comptables de ces flux, équilibres des flux financiers, free cash flow
3. Structure financière des entreprises: analyse financière du bilan, ratio
d’endettement, notion de solvabilité
4. Rentabilité d’un investissement: mesures, comparaisons financières,
notion d’effet de levier
Examen 1 (écrit sur table, calculette simple uniquement)
Partie B : Acteurs et institutions financières
1. Principaux acteurs et échanges financiers, fonctions, rôles,
organisation
2. Eléments d’économie bancaire: opérations de crédit, multiplicateur
bancaire, sources de rentabilité bancaire
3. Elements de finance de marché: produits, cotations, évaluation et
gestion d’actifs
4. gestion et financements alternatifs: financements participatifs,
gestion et financement privés
Examen 2 (écrit sur table, calculette simple uniquement)
5
1 : RAPPELS DE COMPTABILITE

6
Principes et documents comptables
I La comptabilité est un ensemble de règles qui régissent l’enregistrement et la
diffusion de documents écrits propres aux entreprises et aux administrations.
I Ces documents sont établis le plus souvent par des personnes qualifiées
(comptables, experts comptables, agents comptables) sous leur responsabilité et
celle de l’entreprise (les deux sont engagées en cas de d’erreurs ou omissions
frauduleuses ou non).
I Les normes comptables appliquent certains principes (permanence des méthodes,
continuité d’exploitation, intangibilité du bilan d’ouverture). Nous rappelons ceux
qui se révèleront le plus utiles dans ce cours
1. le nominalisme (les comptes sont établis en monnaie locale)
2. prudence (les évaluations ne doivent pas ajouter d’aléa aux incertitudes déjà présentes
dans l’activité)
3. indépendance des exercices (les documents sont établis périodiquement,
indépendamment les uns des autres, dans la limite des principes de continuité et
d’intangibilité)
I En France, les comptes sont organisés en 8 classes. Les classes 1 à 5 concernent
les comptes de bilan (emplois et ressources mis à disposition de façon temporaire)
et les classes 6 et 7 les comptes de gestion -on dit aussi de résultats- qui
correspondent à des flux définitifs.
I Le bilan permet de mesurer, à une date donnée -clôture d’exercice- le patrimoine
d’une entreprise et les engagements vis-à-vis des tiers. On y enregistre des stocks,
des avoirs.
I Le compte de résultats permet d’apprécier et d’identifier les sources des
évolutions de la valeur d’une entreprise. On y enregistre des flux.
I Ces deux documents sont organisés en partie double : actif/passif pour le bilan,
charges/produits pour le compte de résultats.
7
Principes d’enregistrements comptables
I La comptabilité d’une entreprise est enregistrée sur différents comptes. Le Plan
Général Comptable français distingue donc 8 classes de comptes numérotées 1 à
8.
I Le second chiffre précise les comptes à l’intérieur d’une classe, le troisième à
l’intérieur d’une sous-classe et ainsi de suite. Ainsi le compte 10132 ”Capital
amorti” est dans la classe ”1” compte de capitaux, au sein de cette classe dans la
sous-classe 10 ”Capital et réserves” puis dans la sous-sous classe 101, etc.
I Une opération sur un compte se traduit soit par une écriture en débit soit par une
écriture en crédit.
I Toute opération doit être enregistrée pour la totalité des valeurs qu’elle génère.
Ainsi l’achat de marchandises pour un montant TTC de 220 euros avec une TVA
de 10% donne lieu aux écritures suivantes
date numéro compte libellé débit crédit
10/02/20 6345 401 fournisseurs 220
10/02/20 6345 44566 TVA déductible 20
10/02/20 6345 607 achat de marchandises 200
I On inscrit au crédit ce que votre entreprise doit à un tiers : ici le compte
fournisseur va donc être crédité de 220 euros (qu’il peut vous réclamer si vous le
payez pas). A l’inverse, on va parallèlement inscrire au débit ce qu’un tiers doit à
votre entreprise : ici 20 euros de TVA déductible (que l’on peut réclamer à l’Etat)
et des marchandises pour une valeur HT de 200 euros (puisque vous pouvez
réclamer ces marchandises si on ne vous les livre pas).

8
Présentation synthétique d’un compte de résultats
I Le compte de résultats permet d’apprécier la création de richesse d’une entreprise
pour un exercice comptable donné (une année, un trimestre). Si cette richesse est
négative, on dit que l’entreprise fait des pertes.
I Ce document ne reprend que les données de l’exercice en cours, abstraction faite
des exercices antérieurs.
I Il est cependant courant de comparer les exercices d’une année à l’autre, de façon
à savoir si l’entreprise est en croissance, par exemple, ou si sa situation est en
train de se dégrader (attention, on rappelle que la comptabilité n’est pas conçue
comme un outil prospectif).
I Le résultat détaille d’un côté les produits -comptes 7xxx du PGC- qui sont des
créations de richesse et les charges -comptes 6xxx du PGC- qui sont des
destructions.On distingue
1. le résultat opérationnel : produits et charges correspondant à l’activité usuelle de
l’entreprise
2. le résultat financier : ce qui résulte des financements et des placements
3. le résultat exceptionnel : tout ce qui ne résulte pas des opérations habituelles de
l’entreprise
I Exemples
Produits Charges
Opérationnel Production vendue Achat de marchandises
Production stockée Salaires
Subventions d’exploitation Impôts et taxes
Financier produits de participations Intérêts versés
Exceptionnels produits de cessions d’éléments d’actif pénalités
9
Quelques remarques
I La distinction des résultats opérationnel/financier/exceptionnel n’est pas à la
discrétion des comptables. Elle correspond à des normes et règles précises. Mal
affecter un élément (par exemple le présenter comme exceptionnel alors qu’il est
récurrent) est fautif.
I La raison de la distinction du résultat exceptionnel résulte des principes de
prudence et de continuité d’exploitation.
I La raison de la distinction opérationnel/financier résulte de plusieurs facteurs
1. certaines opérations financières sont récurrentes dans des entreprises qui ne sont pas des
établissements financiers (ex: paiements d’intérêt résultant d’un emprunt)
2. Les moyens de production des actifs financiers sont très différents de ceux utilisés dans
l’économie ”réelle” (en particulier les coûts sont bien plus faibles)
3. Les éléments financiers et opérationnels sont soumis des règles (fiscales notamment)
différentes .
I Dans le cas d’un établissement financier, d’une holding financière, d’une SICAV,
la distinction entre produits/charges opérationnelles et financières est parfois
complexe.
I En application de la logique présentée plus haut:
• si on débite un compte de charges cela revient à une augmentation de ce compte (c’est
ce qui s’est passé dans l’exemple précédent).
• si on crédite un compte de charges cela revient à une diminution de ce compte (c’est le
cas des charges constatées d’avance par exemple).
• si on crédite un compte de produits, on constate un augmentation de ce compte (par
exemple si l’on vend une marchandise produite on va créditer le 707).
• si on débite un compte de produits, on constate une diminution de ce compte (on peut
le faire lors d’une reprise sur amortissement)

10
Présentation synthétique d’un bilan
I Le bilan d’une entreprise permet d’apprécier le patrimoine d’une entreprise. Il est
établi à une date donnée (contrairement au compte de résultat qui couvre une
période).
I Il comptabilise à l’actif tous les moyens mis en oeuvre pour la production : les
emplois, et au passif tout ce qui a été apporté par des entités externes pour
permettre l’activité: les ressources.
I Le bilan contient des informations provenant du cumul des activités de
l’entreprise sur plusieurs années. La présentation habituelle est donc faite de
façon à apprécier les ressources et les emplois permanents i.e. ceux que l’on
retrouve sur plusieurs périodes et ceux qui sont temporaires.
I Par exemple, au passif, on va comptabiliser en ressources permanentes le capital
social (la valeur des actions pour une société par actions) et en ressources
temporaires les dettes à court terme (arrivant à échéance dans moins de 12 mois).
I A l’actif, la valeur des terrains, des immeubles,... constituent des emplois
permanents, alors que les stocks ou les créances sur les clients sont temporaires.
I Enfin le bilan est établi à l’aide des comptes numérotés 1xxx à 5xxx dans le Plan
Général Comptable. Plus précisément
1. 1xxx : capitaux (capitaux propres, dettes, résultat de l’exercie, report à nouveau,...)
2. 2xxx : immobilisations (corporelles et incorporelles, amortissements, dépréciation...)
3. 3xxx : stocks et en-cours
4. 4xxx : tiers (fournisseurs, clients, sécurité sociale et organismes sociaux, groupe et
associés,...)
5. 5xxx : comptes financiers (trésorerie, caisse, banques et établissements financiers,...)
I Par défaut, un bien entre au bilan pour sa valeur d’acquisition (principe du coût
historique). Si celle-ci change au cours du temps il faut ré-apprécier sa valeur au
bilan. La norme comptable française a récemment évolué sur ce point, nous y
reviendrons. 11
Bilan simplifié

12
Remarques
I L’écriture des comptes de bilan en crédit et en débit suit la logique suivante
• quand on débite un compte d’actif celui-ci augmente (ex: on augmente le 401
”fournisseurs” quand on achète des marchandises)
• quand on crédite un compte d’actif celui-ci diminue (ex: virement de caisse de la
société mère vers une succursale)
• quand on crédite un compte de passif celui-ci augmente (ex: augmentation de capital,
ou on contracte une dette)
• quand on débite un compte de passif celui-ci diminue (ex: on rembourse définitivement
un emprunt)
I L’analyse du bilan est indispensable en cas de cession ou de transmission de
l’activité. En effet, le total de la valeur de l’entreprise est -aux frais près- le total
de l’actif.
I Dans la pratique, c’est un exercice complexe car il faut prendre en compte les
perspectives futures (si les gains potentiels sont très importants, le rachat peut
s’effectuer très au-dessus de la valeur au bilan).
I Le total du bilan permet aussi de mesurer la ”taille” d’une entreprise, par exemple
au regard d’un nouvel investissement, de l’acquisition d’un concurrent, client ou
fournisseur...
I Enfin les financeurs éventuels rapportent le risque pris lors de l’accord d’un crédit
à la taille de l’entreprise. Une entreprise peu endettée dont le total du bilan est
de plusieurs milliards n’aura aucun mal à lever quelques millions car en cas de
problème, la cession d’une petite partie des actifs lui suffira à payer son créancier.
I Attention cependant à ne pas associer systématiquement ”taille” de l’entreprise
et ”bonne gestion” et encore moins ”rentabilité”. Il arrive à des ”géants” de faire
faillite (Lehman Brother, Enron, Crédit Lyonnais, Nokia, Kodak,...) alors que
certaines PME peuvent être extrêmement rentables.
13
Exercices

1. Parmi les dénominations suivantes, quelles sont celles qui relèvent des comptes de
résultats ou des comptes de bilan
• le montant d’un dette contractée auprès d’un établissement bancaire
• le versement d’un salaire
• l’acquittement d’une taxe
• la valeur de l’immeuble du siège social
• le stock de produits
• la production stockée cette année
• un achat de fournitures
• le versement d’une subvention
• le paiement d’un intérêt
• un brevet déposé par la firme et qu’elle utilise dans sa production
2. Toujours dans la liste précédente placez les opérations dans les rubriques
suivantes actif,passif,produits,charges.
3. Dans quelle classe puis-je trouver le résultat d’exercice ?
4. Dans quel document et dans quelle classe puis-je trouver:
4.1 des informations sur la masse salariale ?
4.2 les achats de l’entreprise ?
4.3 le niveau des stocks ?
4.4 le montant des dettes ?
5. Comment appelle-t-on un écart entre le total du passif et celui de l’actif ?

14
2 : ELEMENTS D’ANALYSE FINANCIERE

15
Introduction
I Les deux documents comptables principaux : le compte de résultats et le bilan
sont obtenus à partir des écritures comptables mais ils ne sont pas de simples
agrégats, ils donnent lieu à de nombreuses analyses.
I Ces analyses visent d’une part à déterminer les sources de création et de
destruction de valeur au sein de la firme. On peut donc apprécier la rentabilité de
la firme.
I Il arrive cependant qu’une firme habituellement ”rentable” rencontre des
difficultés. Il s’agit alors de savoir si l’entreprise pourra les surmonter. On tente
alors d’apprécier la capacité de la firme à résister aux mauvais moments.
I Les deux aspects sont différents. On peut avoir des firmes très rentables mais
fragiles ou peu rentables mais très solides. Rentabilité et solidité sont donc
examinés à l’aide d’indicateurs différents.
I Ultimement, la création nette de valeur se mesure par la capacité à dégager des
profits. Mais cette création nette peut provenir de nombreux aspects. Il faut
évidemment produire, mais aussi vendre, tout ceci est tenant compte de
l’ensemble des coûts (conditions auprès des fournisseurs, masse salariale, charges
financières). Tous ces éléments donnent lieu à des analyses plus ou moins
détaillées.
I La comptabilité fournissant -par principe au moins- une vue sincère des activités
et des flux, elle permet d’apprécier certains éléments sans entrer dans le détail des
processus techniques de fabrication et des conditions commerciales des ventes.
I La principe de pérennité des méthodes garantit la possibilité de comparaison
d’une date à l’autre. La normalisation des pratiques permet des comparaisons
entre plusieurs firmes.
16
Soldes intermédiaires de gestion
I La plupart des indicateurs dépendent des Soldes Intermédiaires de Gestion qui
sont des différences entre des produits et des charges.
I Ceux-ci peuvent être définis suivant un ordre simple. Le premier est la valeur
ajoutée dont la définition est
VA=Chiffre d’affaires - charges de personnel- consommation en provenance de
tiers
I La VA permet notamment le calcul de l’Excédent Brut d’Exploitation:
EBE=VA +subventions d’exploitation-impôts et taxe.
I L’EBE est une mesure des ressources que l’entreprise dégage du simple fait de
son activité régulière. Sa définition ne tient pas compte des évènements
exceptionnels ni de la politique de financement. Compte on prend en compte par
le solde produit - charges financiers et exceptionnel, on obtient la capacité
d’autofinancement.
I L’EBE permet à son tour de définir le résultat d’exploitation qui provient de la
différence de tous produits-charges liés au cycle d’exploitation normal
(contrairement à l’EBE il prend en compte la politique d’amortissement qui ne
donne pas lieu à une sortie de trésorerie).
Rex=EBE + Autres produits de gestion courante + transferts de charges
d’exploitation +Reprise sur amortissements, dépréciations et provisions
d’exploitation- Autres charges de gestion courante- dotation aux amortissements ,
dépréciations et provisions d’exploitation
I On calcule de même le résultat financier: produits-charges financiers et le résultat
exceptionnel (produits-charges exceptionnels). La somme de ces trois résultats
fourni le résultat de l’exercice (compte 120 (si gain) ou 129 (si perte) du bilan).
I Pour obtenir le résultat net on déduit la participation des salariés et l’impôt sur
les bénéfices. 17
Présentation synthétique des SIG

Produits Charges Solde


Ventes de marchandises - Achats de matériel = marge commerciale
Production vendue - Déstockage de produits
+ production stockée
+ production immobilisée = Production de l’exercice
Production de l’exercice - Consommation
+marge commerciale en provenance de tiers = Valeur ajoutée
Valeur ajoutée -impôts, taxes et assimilés
+subvention d’exploitation -charges de personnel = Excédent (ou insuffisance)
brut(e) d’exploitation
EBE - Dotations aux
+ reprise sur charges amortissements
+ autres produits - autres charges = Résultat d’exploitation
Résultat d’exploitation -Charges financières
+produits financiers - quote part sur résultats
+ quote part sur résultats négatifs faits en commun
positifs faits en commun = Résultat courant
avant impôts
Produits exceptionnels - Charges exceptionnelles = Résultat exceptionnel
Résultat courant - participation des salariés
avant impôts - Impôts sur les bénéfices
+ Résultat exceptionnel = Résultat de l’exercice

18
L’équilibre financier
I Les soldes intermédiaires de gestion sont calculés à partir du compte de gestion.
De nombreuses informations peuvent également être extraites du bilan.
I Le bilan distingue les aspects permanents (à l’actif et au passif) et les éléments
temporaires. L’équilibre financier consiste à vérifier à quel point les besoins
permanents sont couverts par des ressources elles aussi permanentes. L’indicateur
le plus simple à comprendre est le fonds de roulement (brut ou net):

FR = Fonds propres + Provisions pour risque et charge


+dette > 12 mois - immobilisations
FR net = FR − amortissements − dépréciations d’actifs

I Si le fond de roulement est négatif, la survie de l’entreprise repose


systématiquement sur des ressources de court terme (marge d’exploitation,
concours de trésorerie). A l’inverse, un FR très largement positif peut signaler un
défaut d’investissement, ce qui est problématique à long terme.
I La définition précédente du FR est reliée au ”haut du bilan” mais comme le total
de l’actif est égal à celui du passif, le FR est aussi égal à la différence entre les
actifs circulant et le passif circulant + trésorerie.
I Le niveau trésorerie pouvant être affecté par des éléments permanents ou
temporaires, le décalage entre l’actif et le passif non permanents, est mesuré par
le Besoin en Fonds de Roulement

BFR = FR − Trésorerie Nette

19
Discussion des cas courants
I L’équation précédente peut donner lieu à plusieurs situations selon les signes de
BFR, FR, TN. Nous en commentons quelques unes
I BFR > 0, FR > 0, TN > 0: C’est la situation classique ”saine” d’une firme située
en ”amont”. Elle consent un crédit fournisseur à ses clients, ce qui explique le
besoin en fonds de roulement, mais ce besoin est couvert par des ressources de
long terme suffisantes pour générer une trésorerie nette positive.
I BFR > 0, FR > 0, TN < 0: Il s’agit d’une situation proche de la précédente, mais
ici les ressources permanentes sont trop faibles. La firme est dans une position
fragile qui peut conduire à des défauts de paiement si elle se prolonge. Soit il faut
trouver des partenaires de long terme, soit il faut céder des actifs pour améliorer
la TN et augmenter le FR.
I BFR > 0, FR < 0: Des pertes de long terme et des besoins à court terme, la
situation est dangereuse. Elle va conduire à la faillite dans un bref délai si des
mesures de redressement ne sont pas prises immédiatement.
I BFR < 0, FR > 0, TN > 0: C’est une situation classique pour une firme en aval
(un super marché par exemple). La firme bénéficie du crédit fournisseurs alors
que ses clients la paient comptant. Ceci explique le BFR négatif. Cette situation
génère à la longue une trésorerie nette positive. Le risque à long terme est le
manque d’investissement.
I BFR < 0, FR < 0: Quel que soit le niveau de la trésorerie, cette situation est
incompatible avec le principe d’équilibre financier. Des ressources de court terme
(BFR négatif) financent des pertes permanentes. Soit des immobilisations pèsent
beaucoup trop (il faut alors tenter de les céder pour réduire le total du bilan), soit
il faut convaincre des partenaires de long terme pour augmenter les fonds propres.
20
Les outils de l’analyse financière
I Les mesures que nous avons présentées jusqu’ici, qu’elles viennent du compte de
résultats ou du bilan sont rarement utilisées seules. Elles sont comparées soit d’un
exercice comptable à l’autre au sein d’une même firme, soit pour comparer des
firmes entre elles.
I Or il est facile de ”manipuler” les chiffres précédents. Par exemple si l’on créé
artificiellement deux firmes identiques à partir d’une seule, on divise
mécaniquement tous les chiffres par deux.
I Par ailleurs, dans le cas d’une firme en croissance toutes ces mesures ont
tendance à augmenter en même temps. Il est alors important de savoir si les
”sorties” n’augmentent pas plus vite que les ”entrées”.
I Enfin, on rappelle que toutes ces mesures sont exprimées en base monétaire. Si
celle-ci varie d’un pays à l’autre du fait des évolutions du taux de change, ou
d’une date à l’autre du fait de l’inflation, toutes les comparaisons sont faussées.
I Ces éléments indiquent que les mesures précédentes sont sensibles à des
modifications de la taille et/ou du numéraire. Or si les signes sont invariants par
de telles modifications, leur utilité est limitée.
I Pour éviter en partie ces effets on recourt souvent à des calculs de ratio. Il en
existe des centaines et l’imagination des auditeurs est sans limite.
I Avant de les présenter les principaux, quelques remarques générales .
• Un ratio modifie les dimensions. Par exemple les créances nettes aux clients/ chiffre
d’affaires annuel × 360 est comparable à une durée en jours ouvrés
(euros/(euros/an)=an).
• Un ratio évolue en fonction de toutes les dimensions qui le composent mais il plus
sensible à celles qui sont les plus faibles si elles sont au dénominateur. (Rappel: 1/x
tend vers l’infini si x tend vers 0.)
• Le dénominateur est donc souvent un agrégat très large et jamais nul: total du bilan,
chiffre d’affaires, capitaux propres, total des immobilisations.
21
Organisation et débouchés de la production
I D’un point de vue interne à l’entreprise, la présentation des principaux ratios peut
suivre une logique fonctionnelle qui distingue
• l’organisation et les débouchés de la production
• le partage de la valeur ajoutée
• l’investissement
• la rentabilité
• l’endettement et la solvabilité
I Cette présentation est conforme à celle de l’INSEE (nous ne présentons
cependant pas tous les ratios calculés par l’INSEE). Attention, il n’existe pas de
normalisation des définitions des ratios. On donne ici des définitions ”usuelles”.
I Dans la présentation habituelle des inputs de production, les économistes
distinguent le travail et le capital. Il existe donc deux ratios qui mesurent
l’importance de ces facteurs telle qu’elle apparaı̂t comptablement1 .

productivité apparente du travail = Chiffre d’Affaires


Effectif en ETP

Intensité capitalistique = Actif immobilisé brut


Total de l’actif
I Plus le premier ratio est élevé, plus les effectifs sont productifs. Ce ratio est très
élevé dans certaines professions libérales (un cabinet de dentiste par exemple).
I Le second ratio est particulièrement élevé dans les secteurs comme l’immobilier et
les activités minières, par exemple. Il est très faible dans le secteur social et plus
généralement dans le tertiaire.
1
L’effectif ne figure pas dans les documents comptables mais dans le bilan social. Par ailleurs, la définition
retenue par l’INSEE pour l’intensité capitalistique est un peu inhabituelle on en donne ici une qui est plus courante. 22
Taux de marge et de valeur ajoutée

I Plusieurs ratios sont utilisés pour étudier la capacité de l’entreprise à dégager des
revenus de son activité.
I leur logique de construction consiste à rapporter un SIG au chiffre d’affaires.
I Selon le niveau de détail du SIG considéré on définit donc

Valeur ajoutée
taux de valeur ajoutée =
Chiffre d’Affaires
Excédent Brut d’Exploitation
taux de marge brute =
Chiffre d’Affaires
Résultat d’exploitation
taux de marge opérationnelle =
Chiffre d’Affaires
I Ces trois mesures sont souvent reliées entre elles. Elles sont particulièrement
élevées si les ventes de l’entreprise sont particulièrement rentables. C’est le cas
par exemple dans des industries comme les jeux de hasard ou la transformation
du tabac (notons que dans ces deux cas la fiscalité élevée fausse le calcul du CA,
on peut donc préférer un CA HT).
I Notons que le premier ratio ne prend pas en compte les charges de personnel et
que seul le troisième prend en compte les charges de financement).

23
Mesures de la rentabilité

I La rentabilité est également très suivie. Leur construction est similaire à celle des
mesures de marge mais le dénominateur est désormais un élément du bilan et non
du compte de résultat.
I On obtient donc notamment

Rentabilité économique = EBE


Immobilisations + BFR

Rentabilité financière = Résultat net


Capitaux propres
I La rentabilité économique est souvent très élevée dans des secteurs du conseil car
les immobilisations corporelles sont faibles (le capital ”humain” n’est pas
comptabilisé directement).
I A l’inverse les industries très capitalisées et/ou avec beaucoup de stock qui
opèrent dans un secteur très concurrentiel (le transport maritime ou ferroviaire
par exemple) affichent souvent une rentabilité faible (ou même négative).

24
Ratios financiers extraits du bilan
I De même qu’il existe des ratios qui se concentrent sur les aspects opérationnels, il
en existent qui suivent les conséquences des décisions financières.
I Ces ratios se concentrent surtout sur la part de l’endettement dans le
financement total. Un endettement trop important menace en effet la solvabilité
de l’entreprise. Cependant l’endettement est souvent utile pour obtenir un apport
rapide de liquidité -contrairement à l’autofinancement- sans menacer le contrôle
politique - contrairement à l’ouverture du capital- 2
I Les deux premiers taux se calculent à partir du bilan

Emprunt et dettes assimilées


taux d’endettement =
total du passif

Emprunt et dettes assimilées


taux de levier financier =
Capitaux propres

Le premier est nécessairement compris entre 0 et 1 (car les emprunts et dettes


figurent au passif) alors que le second peut être (et est effectivement souvent)
supérieur à 1.
I Le levier est souvent associé à une mesure du risque car en cas de faillite, plus il
est élevé, moins les créanciers seront payés.
I Le ratio d’endettement mesure la part qui devrait revenir à ces mêmes créanciers
en cas de dépôt de bilan. Il évolue en général entre 10% et 40% selon les
secteurs, mais il peut-être très élevé dans certaines firmes.

2
Nous reviendrons en détail sur ces points dans le prochain cours. 25
Mesures de cash flow
I On peut également analyser les états financiers dans une logique de flux. L’enjeu
est alors de savoir si les sorties habituelles et potentielles d’une entreprise
permettent de couvrir le service de la dette.
I Pour cela, on définit tout d’abord deux nouveaux soldes intermédiaires de gestion

Capacité d’autofinancement = profit brut courant avant impôts


+produits exceptionnels sur opérations de gestion
−charges exceptionnelles sur opérations de gestion
−participation des salariés
−impôt sur les sociétés
Flux de trésorerie disponible = EBE + dotation aux amortissements
+Cessions d’actifs
−Investissement − Impôts sur les sociétés
−variation du BFR

I La capacité d’autofinancement mesure ce que l’entreprise peut potentiellement


consacrer aux financements, alors que le free cash flow prend en compte la
variation du BFR.
I Cette distinction est importante car si le BFR augmente brusquement alors
comme il est difficile d’augmenter rapidement les capitaux propres, il faudra
puiser dans la Trésorerie Nette. C’est l’inverse si le BFR diminue.
I Le flux de trésorerie disponible (ou free cash flow) est donc une mesure qui est
pertinente pour examiner ce que l’entreprise peut consacrer effectivement et
rapidement au service de la dette. La capacité d’autofinancement mesure cette
possibilité à un horizon plus grand.
26
Ratios financiers calculés par les flux

I La capacité de remboursement mesure le nombre d’années qui seraient


nécessaires à l’entreprise si elle décidait de les consacrer entièrement au service de
la dette. Elle est définie par

Emprunt et dettes assimilées


Capacité de remboursement =
Capacité d’autofinancement
Il est conseillé de faire en sorte que ce ratio ne dépasse pas trois car en pratique
on peut difficilement consacrer effectivement tous les revenus au service de la
dette et sur une période de 5 ou 6 ans il est très probable que l’entreprise traverse
un cycle économique défavorable.
I Le ratio CAF/CA peut également être utilisé comme mesure de la rentabilité. S’il
vaut 50% cela signifie que sur 100 euros de CA l’entreprise parvient à dégager 50
euros qu’elle peut consacrer à son financement.
I On peut donc définir de même dans une perspective à plus court terme les ratios
équivalents aux deux précédents mais pour le Free Cash Flow: Dette / Flux de
trésorerie nette et Flux de trésorerie nette / CA.

27
Ratios boursiers
I A coté des créanciers obligataires, les entreprises par actions ont également des
comptes à rendre à leurs partenaires financiers de long terme.
I Les droits et les devoirs associés à ces deux financements sont différents (nous y
reviendrons plus en détail dans le prochain cours).
I Pour simplifier, les actionnaires sont payés uniquement sur la base des profits,
c’est-à-dire après déduction de toutes les sorties possibles (amortissements,
salaires, impôts, service de la dette) et donc, notamment après les créanciers
obligataires.
I S’ils sont servis les derniers, les actionnaires disposent en revanche d’un droit de
contrôle politique: ils votent en assemblée générale. Par ailleurs, ils peuvent
également revendre leurs actions (notamment dans le cas des sociétés cotées).
I La valeur boursière -pour le cas des entreprises cotées- ou la valeur de revente des
titres peut donc être comparée aux flux générés par l’entreprise. Ceci donne lieu à
la construction de très nombreux ratios. Voici les principaux

Price Earning Ratio = Prix unitaire de l’action


Profit par action

Valeur des actifs -amortissement- dépréciations


Valeur comptable par action =
Nombre d’actions
I Le dividende par action -comme le PER- se mesure en années. S’il vaut 20 -par
exemple- cela signifie qu’un investisseur qui acquiert une action aujourd’hui verra
son investissement totalement remboursé en 20 ans, à condition que le dividende
se maintienne pendant cette durée. Le PER suit la même logique, mais suppose
que l’on consacre l’ensemble des bénéfices -après impôts- aux dividendes. Il est
donc adapté si l’on désire prendre le contrôle de la société. Le second ratio se
comprend si les actionnaires décident de revendre ou de solder la société.
28
Quelques remarques finales

I Il existe évidemment bien d’autres ratios que ceux présentés ici. Certains sont très
utiles dans des secteurs précis. Par exemple la vitesse de rotation des stocks est
un élément important pour la distribution.
I De façon plus générale, ce qui précède ne donne qu’une vision assez limitée de
l’analyse financière. L’examen des comptes est une tâche de professionnels qui
donne lieu à de nombreux métiers (audit, expertise comptable, et -de plus en
plus- statisticiens aka data analysts).
I L’examen comptable a des limites. Par exemple les comptes ne donnent qu’une
idée très imprécise des interactions entre les différents éléments nécessaires à
l’activité.
I Il faut également se souvenir que de nombreux éléments sont reliés par
construction. Pour ce qui est des flux, tout débit donne lieu à un crédit (soit
immédiatement, soit de façon différée). Pour ce qui est du bilan, le total du
passif est égal au total de l’actif. Les éléments ne sont donc jamais indépendants3
I Cependant, même décrié, l’examen comptable est souvent un indicateur vital. Il
est en effet objectif et a pour périmètre l’ensemble des activités de la firme. Il
faut donc aussi se méfier des critiques un peu simplistes à l’endroit de la ”pure
logique comptable”. Cette logique rappelle en effet qu’une firme doit toujours
payer ses impôts, ses salariés, ses fournisseurs et ses dettes !

3
Ceci implique que la phrase ” ce calcul prend en compte / ne prend pas en compte...” doit être relativisée. 29
3 : STRUCTURES DE FINANCEMENT

30
Introduction

I La théorie économique et la gestion des opérations, le marketing étudient les


choix opérationnels des activités des entreprises. Ceci recouvre notamment :
l’analyse des coûts, de la concurrence, la tarification, ...
I Cependant, dans la pratique, toute activité entreprenariale doit être
préalablement financée. On peut distinguer au moins deux questions différentes
(que nous abordons ici).
I Premièrement, en ce qui concerne la situation présente, l’entreprise est-elle
actuellement correctement financée ? Par exemple, n’est-elle pas trop endettée ?
I Deuxièmement, s’agissant la situation future, comment faut-il partager le revenu
net après impôts entre dividendes, désendettement et investissement ?
I La question de la structure de financement est bien plus complexe qu’il n’y parait.
Les sciences économiques et celles de gestion ont d’ailleurs développés des
discours qui semblent assez opposés. Vous aurez l’occasion de le voir dans
d’autres cours plus avancés si vous vous spécialisez en finance.
I Des questions encore plus complexes concernent l’interaction des stratégies de
financement et des stratégies industrielles. Par exemple une politique de
tarification très agressive est-elle compatible avec un endettement très élevé
(comme c’est le cas de Free dans la téléphonie) ?

31
Différents types de créances

I La législation des titres financiers est loin d’être homogène d’un pays à l’autre.
Même au sein de l’Union Européenne, les droits et les devrois d’un actionnaires
peuvent changer d’un pays à l’autre.
I Il existe cependant une distinction assez partagée entre deux types de créances:
les titres participatifs et les dettes.
I Les dettes engendrent des remboursements obligatoires alors que les titres
participatifs ne génèrent des sorties qu’en cas de profit et leur niveau est
approuvé par un vote.
I Dans la présentation habituelle du passif du bilan, on distingue les créances par
horizon d’exigibilité. Les titres participatifs figurent donc en haut et les dettes les
plus courte en bas, d’où le terme de ”haut de bilan” pour désigner la structure et
le niveau des fonds propres.
I Dans le détail, il existe de nombreuses formes de dettes. Elles diffèrent
évidemment par la durée, mais certains créanciers obligataires peuvent aussi
bénéficier de garanties (hypothèques, nantissement, suretés diverses). Certaines
dettes peuvent contenir des clauses qui font varier le taux d’intérêt, ou les
modalités de remboursement.
I Il en est de même pour le haut de bilan. Par exemple, dans les sociétés par
actions, on peut bénéficier d’un dividende plus important contre l’engagement de
ne pas utiliser son droit de vote. D’autres actionnaires bénéficient au contraire de
liens privilégiés avec l’entreprise (titres au nominatif, droit de vote double...)

32
Encadrement de l’endettement

I On entend souvent dire que 33% est un taux maximum d’endettement pour un
ménage. S’il existe bien un encadrement légal des procédure de sur-endettement,
il n’y a aucune base légale en France qui limite le taux d’endettement du côté des
demandeurs.
I En revanche, les établissements de crédit, qui sont souvent les prêteurs
principaux, ont des encadrements d’octroi de crédit (soit de façon interne soit
légalement). Nous y reviendrons.
I Il existe aussi en France un encadrement du taux maximal auquel les contrats de
prêt peuvent être consentis (à défaut de nullité). Ils sont publiés tous les
trimestres au journal officiel (on peut les trouver ici).
I Dans la pratique, les taux d’endettement des entreprises varient considérablement
selon le secteur d’activité. Plusieurs sociétés de l’immobilier affiche des taux
d’endettement largement supérieurs à 50% alors que les industries de service
dépassent rarement les 20%.
I La considération principale pour le prêteur est moins souvent le taux
d’endettement que la capacité à rembourser la dette qui fait intervenir la capacité
d’autofinancement. Quand la part des immobilisations est élevée -comme dans
l’immobilier- la capacité d’autofinancement est élevée et l’on peut emprunter plus.
I Au delà du ratio lui-même, les prêteurs peuvent utiliser des suretés (hypothèques
et nantissement) dont la valeur dépendent considérablement d’un secteur à
l’autre.

33
Choix d’un mode d’investissement : exemple d’effet de levier
I Supposons qu’une firme décide d’un nouveau projet et que le coût de cet
investissement soit de 1.000 euros. Supposons que la société dégage actuellement
1.000 euros de revenus annuels nets après impôts et que l’on peut
raisonnablement envisager qu’une fois le projet lancé, elle puisse atteindre 1.300
euros par an. Le taux d’intérêt est tel qu’un emprunt de 1.000 euros à 5 ans
augmente les charges financières de 20 euros par an. Supposons enfin que la
moitié des revenu net après impôts soit actuellement distribués sous forme de
dividendes.
I Si l’on décide de procéder par autofinancement, elle doit y consacrer deux ans.
I Si elle s’endette, et qu’elle consacre les revenus supplémentaires au
remboursement de la dette, elle peut rembourser en 5 ans et en épargnant 200
euros tous les ans, payer ses charges supplémentaires tout en augmentant son
revenu net de 300-200-20=80 euros par an pendant 5 ans.
I Ce raisonnement est caractéristique d’un mécanisme connu sous le nom d’effet de
levier4 : la décision de financement a un impact sur le timing de la croissance de
la firme.
I En cas d’autofinancement, cette croissance adviendra dans 2 ans et elle affectera
pleinement les revenus de l’entreprise. Si l’on recours à l’endettement, cette
croissance intervient tout de suite, mais elle affecte aussi les coûts financiers et
donc la répartition des revenus nets entre créanciers obligataires et actionnaires.
I Notons que le raisonnement repose sur plusieurs hypothèses, notamment la
possibilité pour l’entreprise de dégager effectivement 300 euros de revenus nets
supplémentaires par an, au moins pendant la durée envisagée du prêt. La décision
est donc risquée.
4
Attention, la notion d’effet de levier peut être présentée de nombreuses façons, et les définitions peuvent varier
d’un auteur à l’autre. 34
Suite de l’exemple
I En fait, le raisonnement ci-dessus est incomplet. En effet, les actionnaires, qui
ont le droit de vote pourraient décider d’utiliser exceptionnellement l’entièreté du
revenu net annuel pour financer l’investissement, ce qui permettrait d’éviter
d’attendre un an supplémentaire.
I Ceci peut paraı̂tre un gros effort à demander aux actionnaires, mais si l’on
s’endette (indépendamment des considérations de risque), la part du revenu net
après impôts revenant aux actionnaires diminue même si l’intégralité du revenu
net supplémentaire leur est distribuée:
Avant Après
Revenu net après impôts 1000 1300
dividendes 500 580
ratio 50% 44.6%
I Toujours dans l’hypothèse de dividendes de 580 euros, l’épargne nette de
l’entreprise augmente de 500 à 700 euros par an. De façon générale, les décisions
de financement ont de nombreuses conséquences sur le partage des gains et des
charges entre les acteurs actuels et futurs.
I Les deux solutions présentées ici peuvent être combinées, on peut financer le
projet partiellement par emprunt et partiellement par autofinancement.
I On peut même emprunter plus que nécessaire, placer le surplus, et distribuer toute
la rente financière aux actionnaires pour augmenter le ratio dividende/revenu net.
I On peut également maintenir le revenu des actionnaires en maintenant une
épargne de 500 euros par an et en décidant de la consacrée en partie au
remboursement du capital dans 5 ans. Les possibilités sont quasi infinies...
35
Estimer la valeur d’un investissement par la Valeur Actuelle Nette
I Dans la plupart des cas, un investissement se traduit par une séquence
d’encaissements et de décaissements (octroi de crédit, paiement des fournisseurs,
embauche de personnel technique, achat de matériel, acompte d’encaisse à la
commande, frais d’expédition, encaissement,...)
I Beaucoup de ces flux financiers ne peuvent être qu’estimés (notamment pour les
revenus) mais surtout ils ne surviennent pas tous à la même date. Certains
investissements peuvent prendre des années de retard. L’opportunité d’un projet
ne peut donc se limiter à la simple sommation des entrées/sorties.
I La solution classique à se problème consiste à actualiser les différents flux. Si la
séquence des flux est F0 , F1 , . . . FT et que Ft est le flux de la date t, la formule
d’actualisation est
T
X Ft
VAN =
t=0
(1 + r )t

où r est le taux d’actualisation. Cette expression fournit la Valeur Actuelle Nette
(VAN) de l’investissement.
I Si l’année t correspond à des encaissements nets positifs on a Ft > 0 sinon on a
Ft < 0.
I Si le taux d’actualisation est positif alors 1 + r > 1 de sorte que si (1 + r )t
augmente avec t. Dans ce cas, un encaissement ou un décaissement d’un
montant donné pèsera d’autant moins dans la VAN qu’il est situé loin dans le
temps. A l’inverse, les décaissements/encaissements les plus proche dans le temps
sont ceux qui pèsent le plus.
36
Exemples de Valeurs Actuelles Nettes

I Exemples r = 5%
VAN
dates 0 1 2 3 4

investissement # 1 -1.000 -3.000 0 3.000 2.500 791.12


investissement # 2 -2.000 -3.000 0 3.000 2.500 -208.87
investissement # 3 -4.000 0 3.000 2.500 0 880.68
investissement # 4 -1.000 0 -3.000 3.000 2.500 927.18
investissement # 5 -1.000 -3.000 0 0 5.500 667.72
I L’exemple 2 montre qu’une VAN peut-être négative même si la somme non
actualisée des flux est positive. Si l’on choisit les investissements sur la base de la
VAN, il vaut donc mieux ne pas réaliser l’investissement # 2 (car il est toujours
possible de ne rien faire).
I Si l’on compare les investissements 1 et 3, on voit qu’il peut-être préférable
d’accélérer la mise en place d’un projet globalement rentable, quitte à s’endetter
un peu plus au départ.
I La comparaison entre les investissements 1 et 4 montre l’intérêt à différer les
paiements. En revanche, la comparaison entre les investissements 1 et 5 montre
que c’est l’inverse pour les recettes.

37
Justification de la VAN
I Si l’on contracte aujourd’hui un emprunt de 1000 euros à rembourser dans un an
à terme échu au taux de 5%, on remboursera 1050 euros dans un an. Donc, pour
le prêteur, la valeur actuelle de 1050 euro dans un an est de 1000 euros.
I Si le prêteur et l’emprunteur sont d’accord pour un tel contrat, c’est que la valeur
1000 euros tout de suite contre 1050 euros dans un an constitue un équilibre de
marché.
1050
1000 =
1 + 0, 05
I Si on suppose que dans un an, le taux d’intérêt n’a pas changé, au lieu de
rembourser tout de suite, l’emprunteur peut décider d’emprunter les 1050 euros
qu’il doit pour ne rembourser qu’un an plus tard. Il devra alors
1050 × 1.05 = 1000 × 1.05 × 1.05 = 1.102, 5 euros.
I Dans ce second cas, il reçoit toujours 1.000 euros tout de suite contre 1102,5
euros dans deux ans. La valeur actuelle de 1.102,5 euros dans 2 ans est donc de
1.000 euros.
1102, 5
1000 =
(1 + 0, 05)2
I Le raisonnement se généralise à des paiements sur des dates ultérieures. Il se
généralise également pour des montants négatifs puisqu’il s’agit l’inverser des
positions des prêteurs et des emprunteurs ne change pas un équilibre de marché.
I Le fait d’actualiser les paiements ou les recettes rend donc les euros de dates
différentes directement comparables entre eux.

38
Remarques concernant la VAN
I Le calcul de la VAN suppose implicitement que toutes les échéances sont
annuelles, ce qui est rarement le cas. Mais le raisonnement s’étend facilement à
des divisions d’années. Par exemple un flux intervenant dans 15 mois aura pour
exposant 15/12 = 1,25. Si on a besoin d’un détail au jour près, on mesure
habituellement en base 360. Ainsi un flux intervenant dans 78 jours aura pour
exposant 78/360.
I La VAN d’un investissement, change au cours du temps d’une part parce que
certains flux initiaux sont échus, d’autre part parce que les flux encore à venir
sont désormais plus proches. Ainsi, si au bout d’un an, l’investissement # 1 de
l’exemple précédent a pour valeur résiduelle 1.880,68 (vérifiez-le).
I La VAN doit également être mise à jour si le taux d’actualisation a changé. Si
tous les paiements à venir sont positifs (et plus généralement pour nombre de
projets ”rentables” i.e. dont la VAN est positive) la VAN diminue quand le taux
d’actualisation augmente. Ce raisonnement est à la base de la politique
monétaire.
I Dans bien des cas, la VAN n’est qu’une estimation car le montant d’un flux futur
et/ou sa date ne sont pas connus avec précision. On doit alors les prévoir et
utiliser ces prévisions dans le calcul. On peut évaluer le risque en modifiant ces
prévisions.5
I Enfin, dans le cas d’actions, il n’y a a priori pas de date terminale. On peut alors
faire tendre T vers l’infini. Il faut alors prendre garde à la convergence de la série
ainsi formée. 6
5
Il va de soi que les méthodes de contrôle et de mesure des risques sont bien plus élaborées que cela.
6
Notons que ce mode d’évaluation peut justifier les prix très élevés d’actions de sociétés faisant actuellement
des pertes importantes. 39
Taux de rentabilité interne d’un investissement
I La Valeur Actuelle Nette est une mesure qui permet d’estimer et de comparer
entre eux des projets dès que l’on dispose d’un taux d’actualisation. Par ailleurs,
on doit supposer que ce taux se maintiendra dans le futur.
I Dans ce cas, on peut également comparer les investissements si l’on ne dispose
pas de taux d’actualisation au moyen du Taux de Rentabilité Interne.
I Par définition, le TRI est le taux qui annule la VAN d’une investissement. Par
exemple si la séquence de flux est -1000 euros tout de suite, 500 euros dans un an
et 700 euros dans deux ans, la VAN de ce projet s’annule pour un taux
d’actualisation de 12,322 % environ.
I Le TRI peut-être vu comme la valeur du taux d’actualisation qui rend
l’investisseur tout juste indifférent entre réaliser le projet ou pas. Au delà de ce
taux, la VAN devient négative, il est donc préférable de ne rien faire.
I Bien que le TRI soit une mesure usuelle, il convient de signaler qu’elle n’est pas
exempte de défauts:
1. le TRI n’existe pas toujours. c’est notamment le cas si des flux positifs encadrent des
flux négatifs (ex +5; -4;-4;-4;-4;+17).
2. il est également possible qu’il y ait plusieurs.7 Par exemple la séquence
-17;+16;+16;+16;+16;-52 a une VAN qui s’annule pour deux valeurs 6.77% et 65.36%.
3. Enfin, le projet dont le TRI est le plus élevé n’est pas toujours celui dont la VAN est la
plus élevée
Projet 1 Projet 2
date 0 -20 -20
date 1 0 +20
date 2 +30 +6
TRI ' 22% ' 24%
VAN (r = 10%) 4.8 3.1
7
Ce cas est relié à une fameuse controverse en économie. 40
Structure de bilan

I Jusqu’ici nous avons examiné des critères permettant de juger de l’opportunité


pour un investisseur de se lancer dans un projet.
I Les deux critères examinés jusqu’ici, que ce soit la VAN ou le TRI, considèrent
l’opportunité d’un projet indépendamment de son mode de financement.
I Or ceci importe pour l’investisseur car les financements obligataires ont une durée
et un montant connu, mais pas les financements par actions. Selon le mode de
financement, la VAN est donc différente.
I Ceci importe aussi pour l’apporteur potentiel de fonds puisque les garanties en
cas de faillite ne sont pas les mêmes, ce qui influe sur la VAN en cas de faillite.
I Cela importe aussi pour les détenteurs actuels du passif (même s’ils ne
peuvent/veulent pas investir dans le nouveau projet), puisque le type de
financement influe sur le partage des revenus et sur la probabilité de défaut.
I Nous devons donc disposer aussi de méthodes pour examiner dans son ensemble
la structure du passif de la firme.

41
Valeurs des créances et cessation d’activité
I Actions et obligations diffèrent par des considérations légales, notamment en cas
de cessation d’activité.
I les actionnaires sont alors payés les derniers. Si la réalisation de l’actif ne suffit
pas à éponger les dettes restantes, les actionnaires ne reçoivent rien.
I Les valeurs des deux produits (obligations à gauche, actions à droite) évoluent
ainsi en fonction de la valeur réalisée de l’actif Vr :

Vo Va

0 Vd Vr 0 Vd Vr
(Vd est le montant restant à rembourser en obligations au moment de la
cessation d’activité.)
I On voit que la valeur de la dette est bornée vers le haut mais qu’elle n’est jamais
nulle. A l’inverse, le capital d’un créancier actionnaire n’est pas garanti, mais son
gain peut-être potentiellement élevé.
I A actif donné, plus la firme est endettée, plus V est situé à droite. Les
d
créanciers obligataires ont alors un droit plus important sur l’actif en cas de
cessation d’activité.
42
Introduction au théorème de Modigliani et Miller
I On entend souvent dire que les obligations sont moins risquées que les actions.
Cette affirmation est au moins imprécise –elle peut même être fausse–. Mais
surtout elle ne permet pas de comprendre pourquoi il est utile d’avoir les deux
types de financement.
I En fait, quel que soit le montant de la dette et le nombre d’actions, on peut
toujours constituer un portefeuille dont la valeur évolue proportionnellement à la
valeur de l’actif.
I Par exemple supposons un passif formé de 100 actions de valeur individuelle 10
euros et d’une dette de valeur totale de 1000 euros. Si je possède 1 action et 1%
de la dette, la valeur de mon portefeuille en cas de cessation d’activité sera
• 1% × (Vr − 1000) + 1% × 1000 si on rembourse toute la dette
• 1% × Vr dans le cas contraire
dans les deux cas, le portefeuille vaut exactement la même chose.
I On peut donc, grâce aux deux types d’actifs et quel que soit le montant de la
dette, ajuster l’exposition de son portefeuille aux conséquences en cas de
cessation d’activité.
I Ce raisonnement très important est à la base de la théorie moderne de la
structure de financement des firmes. Il débouche sur un résultat apparemment
étrange: la valeur d’une firme ne dépend pas de son taux d’endettement !
I Comme nous l’avons vu, ce taux influence le partage des revenus entre les
différents type de créanciers mais personne n’est obligé de n’être que l’un ou
l’autre si les titres sont négociables.
I Ce taux influence aussi la probabilité de pouvoir payer les créanciers obligataires.
Celle-ci diminue évidemment avec l’endettement. Mais faillite ne veut pas dire
que la société ne vaut rien !
43
Mesures du coût du capital

I Tant que l’entreprise continue son activité, les différents créanciers reçoivent une
part des revenus dégagés par cette activité.
I Ces rémunérations constituent des sorties pour l’entreprise, qui s’assimilent du
point de vue économique, à la rémunération des apporteurs de capitaux.
I Puisque nous venons de voir qu’en première analyse, la part que prend
l’endettement dans la constitution du capital ne devrait pas avoir d’influence sur
la valeur de la firme dans son ensemble, on peut calculer un coût moyen de
financement qui agrège l’ensemble des modes d’apport des capitaux c’est le Coût
Moyen Pondéré du Capital (Weighted Average Cost of Capital en anglais).
I La définition est
C ×D C ×A
CMPC = D + A
D+A D+A
où
CD coût de la dette
CA coût des capitaux propres
D valeur de la dette
A valeur des actions
I Les valeurs A et D sont extraites du bilan, C est connu grâce aux intérêts
D
(éventuellement après prise en compte de l’impôt sur les sociétés si l’assiette le
permet). La difficulté consiste à mesurer CA de façon fiable.

44
Mesure du coût des capitaux propres: position du problème

I La mesure du coût du capital est complexe car elle doit déterminer ce que les
actionnaires demanderaient en cas financement -partiel ou total- de
l’investissement.
I Dans le cas d’une levée de fonds pour un projet tout nouveau, on ne peut même
pas se fonder sur les comptes déjà existants.
I Dans le cas d’une société déjà existante, le recours à l’augmentation de capital ne
se justifie -compte tenu de ses conséquences stratégiques- que pour les opérations
de grande ampleur. Mais celles-ci sont aussi de nature à modifier profondément
la rentabilité de la firme. Les comptes déjà existants peuvent donc être peu
informatifs.
I On peut se fonder sur des comparaisons sectorielles, mais celles-ci sont
hasardeuses car les rentabilités des firmes peuvent considérablement changer au
sein d’un même secteur.
I Enfin, il faut se souvenir que la rémunération des actionnaires arrive ”en bout de
chaı̂ne” c’est-à-dire après que tout le reste a été payé et décidé. C’est donc le
résidu d’un grand nombre de facteurs difficiles à mesurer.

45
Les solutions pratiques

I Une réponse détaillée aux questions soulevées plus haut relève d’un cours avancé
en finance. Nous nous bornerons ici à dire qu’elle implique une réflexion plus
profonde sur les risques financiers pris par les différents créanciers et sur leurs
rémunération. (voir ici pour une présentation simplifiée)
I Cependant, la solution ”théorique” de la mesure du coût de capital n’épuise pas
le problème car elle dépend de paramètres difficiles à estimer ou à quantifier. Les
praticiens retiennent donc des méthodes qui varient selon les cas. Nous en
présentons ici une.
I Les investisseurs sont supposés avoir une aversion pour le risque. Tout placement
risqué doit donc en moyenne rapporter un peu plus que le rendement sans risque.
L’écart entre le rendement d’un actif risqué et le rendement sans risque est appelé
prime de risque.
I Si l’on a une mesure directe de la prime de risque, on peut donc écrire
CD = Rf + prime où Rf est un taux sans risque (par exemple un taux directeur
banque centrale).
I Le problème se ramène donc au calcul de la prime de risque. Celle-ci est souvent
évaluée à l’aide d’un modèle (Capital Asset Pricing Model) selon lequel -pour
faire simple- toutes les primes de risque des actifs existants sur le marchés
évoluent proportionnellement les unes par rapport aux autres.
I On peut alors estimer par des méthodes statistiques le coefficient de
proportionnalité associé à un type de projet ce qui conduit à la prime de risque.

46
Coût du capital et valeur d’un actif
I Nous disposons donc désormais d’une mesure du coût du capital d’une entreprise.
On peut utiliser cette mesure pour décider de l’opportunité d’un investissement.
I En effet, si on note k le CMPC, chaque euro investi sur un projet se traduira quel
que soit le mode de financement par un coût k. Donc si le montant levé est V
le coût total sera (1 + k) × V
I SI on appelle F le flux de recettes propres générés par le projet, on va donc
investir si et seulement si
F ≥ (1 + k) × V
I Une autre façon de présenter ce raisonnement consiste de façon plus générale à
comparer le Taux de Rentabilité Interne d’un projet et le coût du capital. Si k est
constant au cours du temps, il faut investir sur les projets dont le TRI est
supérieur à k.
I Une ultime façon de présenter toujours le même raisonnement est de dire que, du
point de vue de l’entreprise, la valeur d’un actif qu’elle possède (même s’il s’agit
d’un projet non encore mis en œuvre ) est

T
X Fi
i=0
(1 + k)i

I Une des conséquences de cette formule est que -toujours du point de vue de
l’entreprise- si sa prime de risque augmente alors cela diminue la valeur des
projets qui génèrent des flux sortants.

47
4 : Institutions et acteurs financiers

48
Introduction

I Dans un cas simpliste, on peut considérer que la finance proviendrait de la


rencontre fortuite d’une personne disposant d’un projet mais de fonds et d’une
autre dans la situation inverse. Evidemment, une telle coı̈ncidence ne suffirait pas
à faire surgir un tel secteur économique.
I D’une façon très simplifiée, les acteurs de la finance vont donc permettre la mise
en relation, dans les meilleures conditions possibles de financeurs et de porteurs
de projets d’investissement qui ne se connaissent pas directement.
I Cette mise en relation nécessite des moyens techniques (par exemple des
plateformes électroniques d’échanges d’actifs financiers), légaux (un cadre
juridique est nécessaire pour la mise en place et le suivi des contrats), humains
(des personnes formées aux techniques et aux produits financiers)
I Dans la pratique, les échanges financiers même s’ils sont effectués sur des
marchés boursiers sont assez éloignés du cas théorique d’un marché de
concurrence pure et parfaite.
I Par exemple, dans les tarifs et les modalités d’un prêt bancaire peuvent donner
lieu à une négociation entre l’établissement de crédit et son futur débiteur.
I Enfin, une grande partie des marchés financiers concernent la revente c’est-à-dire
qu’il s’agit de marchés d’occasion.
I Pour prendre un autre exemple, le placement de la dette publique de la France est
négociée sur des marchés spécialisés dont le fonctionnement ressemble beaucoup
à celui des marchés publics (mise aux enchères, opérateurs spécialisés,...)

49
Finance désintermédiée vs intermédiée
I La littérature économique et de gestion distingue la finance désintermédiée
–marchés boursiers, par exemple– et la finance intermédiée – établissements de
crédit, gestionnaires d’épargne.
I Cette distinction recouvre une certaine réalité. Par exemple, un ménage qui
contracte un prêt à la consommation ne va pas le faire directement sur un marché
mais auprès d’une banque. Mais à l’autre extrême on voit mal le ministère du
budget déléguer des fonctionnaires pour négocier des prêts dans des agences
bancaires ! La dette publique est donc majoritairement placée sur des marchés
financiers.
I La collecte des dépôts du public et l’octroi de crédit sont encadrés par des textes
juridiques spécifiques (En France, c’est l’Autorité de Contrôle Prudentiel et
Régulation qui agrée les banques). Il en est de même pour un gérant de SICAV
(en France, il faut un agrément de l’Autoriété des Marchés Financier). On peut
donc donner un fondement juridique à la notion d’intermédiaire financier.
I Cependant, il peut-être difficile de tracer une frontière nette entre finance
intermédiée ou désintermédiée. En effet
1. Les intermédiaires financiers (banques et gestionnaires de fonds) sont les plus gros
acteurs des marchés financiers. Le poids des particuliers –même richissimes– est
négligeable.
2. les sites de financement participatif (crowdfunding en anglais) ont popularisé
l’investissement direct des particuliers. Mais ils reposent sur des plateformes qui sont ...
des intermédiaires financiers (certains sont d’ailleurs détenus par des banques).
3. Les prêts des ménages peuvent être revendus en bloc sur des marchés financiers
(titrisation).

50
Quelques ordres de grandeurs

I Il est très difficile, même pour un spécialiste de se faire une idée raisonnable des
ordres de grandeur relatifs.
I Tout ce que l’on peut dire c’est que la somme globale des actifs financiers est
gigantesque.
I Voici une infographie qui tente de comparer cela à des éléments réels.
I En voici une seconde plus centrée sur les marchés financiers et notamment sur
l’énorme masse des produits dérivés (nous verrons plus loin de quoi il s’agit et
pourquoi nous en sommes là).
I Les chiffres de la Banque Mondiale paraissent moins spectaculaires, mais ils sont
à jour (ce qui n’est pas le cas des deux infographies précédentes).
I Retenez que l’écrasante majorité de ces sommes concerne quelques zones
géographiques/pays bien précis qui représentent 60% de la population mondiale
et plus de 95% du PIB (notez l’absence totale de l’Afrique).
I A l’intérieur de ces pays, l’activité financière est très concentrée :

surface (en h) % du PIB national


La Défense (F) 160 10
City (UK) 290 13
Financial District (US) 117 7.5

51
Acteurs : Banques Centrales
I Toute la monnaie -au sens étroit du terme- est créée par des banques centrales.
Celles-ci sont de création récente, surtout dans leur mode de fonctionnement
actuel.
I Attention une très faible part existe sous forme de pièces et de billets. Presque
tout est dématérialisé8 :

I Les banques centrales ont pour mandat la production et le contrôle des moyens
de paiements. Elles sont également en charge de la politique monétaire ce qui
implique notamment
1. Le contrôle de la parité externe: c’est-à-dire des taux de change
2. le contrôle de la parité interne : c’est-à-dire la lutte contre l’inflation OU la déflation.
I Les banques centrales n’interviennent pas directement auprès des ménages mais
soit comme prêteurs auprès des banques commerciales, soit directement sur les
marchés financiers (politique dite d’open market).
8
Et pour cause : il faudrait consacrer plus de 1000 ans de la production mondiale de coton pour transformer le
bilan de la BCE en billets de 200 euros ! 52
Acteurs : Banques commerciales
I Nous traitons en détail des banques commerciales dans la prochaine séance. Mais
nous pouvons dors et déjà fixer quelques points importants
I A quelques exceptions près, les banques commerciales sont désormais de grands
groupes, parfois présents à l’échelle mondiale (de ce point de vue les banques
françaises sont grande à l’échelle européenne, mais plus petites que les plus
grandes banques US ou chinoises (les 4 plus grandes banques du monde sont
désormais chinoises voir ici).
I Même quand elles sont généralistes (comme les 4 grandes françaises BNP, CA,
SG et BPCE) les banques sont organisés en départements selon le types de
métiers/clients considérés
1. Banque de détail (retail): gestion des moyens de paiements, des dépôts, produits
d’épargne et crédit à destination des ménages et des TPE/PME
2. Banque d’affaire (corporate): services financiers pour les grandes entreprises
3. Institutionnels : relation avec les grands fonds de placements, les assureurs, les états.
I Les banques utilisent beaucoup de main d’œuvre. L’emploi dans les banques
françaises diminue très légèrement depuis 2011, mais il augmente au niveau cadre
(2/3 des embauches), et plus de deux embauches sur trois sont faites en CDI,
dans des diplômes très variés (finance, droit informatique, gestion, mathématique,
RH,...)

53
Acteurs : Gestionnaires de fonds
I Si les banques sont majoritairement des organismes de crédit, la gestion de
l’épargne (qui être l’autre face du marché) est très majoritairement confiée à des
professionnels. Rares sont les ménages, les trésoriers d’entreprise, les
administrations publiques qui gèrent directement leur épargne.
I Si les ”stars” de l’épargne sont évidemment les asset managers, les métiers de la
gestion d’épargne sont bien plus diversifiés: apporteurs d’affaires, analystes
économiques et financiers, informaticiens, peuvent travailler dans des sociétés de
gestion.
I Les sociétés de gestion travaillent sous un mandat qui délègue aux gestionnaires
le soin de réaliser des opérations de vente et d’achat dans l’intérêt des épargnants.
I Ce mandat définit les possibilités de gestion ainsi que les moyens mis en œuvre.
Dans la pratique, les fonds destinés au grand public sont très encadrés et ne
peuvent investir que sur des actifs peu techniques et suffisamment sûrs. Les
investisseurs qui désirent accéder à des produits plus élaborés/spéculatifs doivent
être renseignés et le gestionnaire doit s’assurer au préalable qu’ils connaissent
suffisamment les produits.
I Les plus grosses sociétés de gestions du Monde ont désormais des tailles de bilan
qui dépassent celle des grandes banques (plusieurs trillions de UDS d’actifs sous
mandat). Les trois plus grandes sont américaines : Blackrock (5.3 T), Vanguard
(4.9 T) State Street (2.3 T), Fidelity (2 T). Les plus grands en France sont
Amundi (1.4 T) et le groupe Natixis (0.8 T).
I Beaucoup de ces sociétés sont plus ou moins affiliées à des groupes bancaires, ou
à des compagnies d’assurance.
54
Acteurs : Autorités de tutelles et de supervision
I L’activité des marchés et les acteurs financiers sont assez régulièrement visées par
des audits et des enquêtes. Au-delà des obligations usuelles à tous les groupes
(publications des comptes, rapports d’activité) les acteurs de la finance sont
soumis à des supervisions administratives et/judiciaires spécifiques.
I Il y a trois justifications principales à cela. Tout d’abord les banques fournissent
des services à un grand nombre de ménages qui ne possèdent pas toujours une
grande expertise. Il faut donc protéger le public pour asseoir la confiance qui est
le principal capital symbolique d’une banque.
I Ensuite, en cas de faillite, dans beaucoup de pays, les finances publiques peuvent
être -et sont- mises à contribution pour renflouer des comptes. Il convient donc
de vérifier que les acteurs n’utilisent pas cette garantie —implicite ou explicite–
pour prendre des risques inconsidérés.
I Enfin les opérations financières peuvent être utilisées pour recycler dans le circuit
légal les bénéfices d’opérations qui ne le sont pas (financement du crime organisé,
du terrorisme, de la fraude fiscale).
I En France les trois principales instances sont
1. Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (qui chapeaute banques et compagnies
d’assurance en collaboration avec la BCE et l’European Banking Agency)
2. L’Autorité des Marchés Financiers qui supervise les acteurs des marchés et agréé les
contrats définissant les produits (en lien avec l’European Security Market Agency)
3. TRACFIN (MEF), le PNF (Justice), OCLCIFF (Intérieur) sont les trois instances en
charge de lutte contre la fraude, le blanchiment, le financement illégal, la corruption.
4. Les autorités de supervision sont compétentes sur le territoire ont les infractions
peuvent être commises. Les banques françaises ont ainsi des rapports réguliers avec les
autorités américaines, britanniques, (et paient parfois des amendes dans ces pays).
55
Importance de la Dette publique
I Dans la plupart des pays développés, la part des dépenses publiques (directes ou
assimilables) dans le PIB se situe entre 40% et 60% (la moyenne dans l’OCDE
légèrement inférieure à 50%)
I Comme ces dépenses ne sont pas intégralement financées par les revenus du
patrimoine public ou par l’impôt, beaucoup d’Etats ont accumulé une dette
publique importante.
I Jusqu’au début des années 1980, cette dette était majoritairement distribuée par
le réseau bancaire auprès d’épargnants. Depuis, une grande partie de cette dette
est directement négociable sur les marchés financiers. Ce mouvement –initié par
les USA– a plusieurs conséquences importantes.
I Tout d’abord il permet à l’Etat d’éviter de dépendre des réseaux de distribution
bancaires (cela augmente la clientèle et diminue les coûts de distribution par euro
émis).
I Par ailleurs, cela implique pour l’épargnant que les titres de dette sont
renégociables. Ils sont donc plus liquides.
I Enfin ceci rend publiques les évolutions de prix, qui sont un signal de la confiance
que les épargnants placent dans cet actif financier.
I Dans beacoup de pays, la marchandisation de cette dette a été accompagnée
d’innovations financières importantes (notamment la création d’actif dérivés) qui
jouent désormais un rôle central en finance. Dans certains pays -dont la France-
ces innovations avaient une origine publique.
I La marchandisation de la dette publique ne présente pas que des avantages.
Notamment, elle rend bien plus difficile le suivi des bénéficiaires des versements
d’intérêt (on rappelle que l’anonymat est une condition importante d’efficacité
des marchés). Elle peut aussi conduire à une politique d’endettement
déraisonnable (Cf Grèce).
56
Autres acteurs
I Comme on l’a dit en début de cours, la finance englobe une très grande variété de
métiers. Il existe donc d’autres acteurs importants que ceux décrits plus haut.
I Il y a tout d’abord tout ce qui concerne les ”métiers du chiffre” :
(expert)-comptables, et commissaires aux comptes, analyse financière. Ces métier
sont exercés par de toutes petites strucures (profession libérale), mais aussi par de
très grands groupes internationaux ( les ”big four”: KMPG, EY, Deloitte, PwC).
La taille dépend évidemment du client (depuis un magasin de centre-ville à la
multinationale).
I La finance se nourrit également d’informations trsè spécialisées. Il y a donc des
journalistes et des spécialistes de communication financière. Mais il faurt
également mettre dans cette catégorie tous les opérateurs sur marchés financiers
(Bloomberg, Reuter, Markit).
I Il y a également des spécialistes des fonctions juridiques et policières qui traitent
des institutions et transactions financières (AFA, TRACFIN, OCLIFF pour ce qui
est de la France).
I Enfin, comme d’autres secteurs, la finance emploie des informaticien.nes, des
spécialistes de Ressources Humaines, des juristes, des technicien.nes d’une grande
variété de spécialités (statisticien.nes, archivistes, community managers,
fiscalistes, avocats,..).
I Depuis déjà plusieurs années, les fonctions et métiers ”annexes” sont externalisées
dans les grands établissements financiers. Ce mouvement qui a d’abord touché les
fonctions ”annexes” (nettoyage, transport de fonds,...) atteint désormais des
fonctions autrefois moins exposées (comptabilité, communication, recrutement,...)
57
5 : Elements d’économie bancaire

58
Introduction
I Les banques partagent avec toutes les entreprises de nombreux points communs:
elles embauchent et forment des employé.es 9 elles utilisent du capital (siège
sociaux, agences, matériel informatiques...) pour produire (du crédit, des conseils,
des moyens de paiements,...)
I Le fonctionnement du secteur est également comparable à d’autres avec quelques
très gros établissements (BNP, Crédit Agricole, BPCE, Société Générale)
d’envergure mondiale, d’autres qui opérent à l’échelle nationale (Crédit Mutuel,
Banque Postale). Beaucoup de petits établissements sont désormais réliés à ces
groupes importants. Il existe aussi des acteurs très spécialisés (BPI, Agence
France Locale,...)
I Ces établissements sont en concurrence et ils affrontent aussi des nouveaux venus
étrangers (HSBC, Ing Bank...) ou provenant d’autres secteurs (Orange,...).
L’activité est également profondément dépendante à court terme des cycles
économiques et à long terme des effets de la croissance et du développement
(Finetch, néo-banques,...)
I Les banques ont cependant des caractéristiques très particulières ...
1. l’activité est réglementée (en France, par le code monétaire et financier 10 )
2. elles sont liées d’une façon cruciale à une structure publique (la Banque Centrale)
3. elles sont en contact avec toutes les autres entreprises, l’immense majorité des ménages,
et de très nombreuses structures publiques (du fait de leur activité de gestion des
moyens de paiements)
I ... qui induit des mécanismes économiques particuliers
1. potentiellement présence de rente (en tout cas de concurrence imparfaite)
2. dépendance aux décisions politiques
3. enjeux de surveillance et de collecte des données
9
Plus de 300.000 personnes travaillent en France dans un établissement bancaire soit environ un quart du
secteur Finance, Assurance, Immobilier.
10
...et marginalement par le code de la Mutualité. 59
Bilan synthétique d’une banque
I Une banque traite, par nature, des opérations financières. La distinction entre le
résultat opérationnel et le résultat financier est donc parfois mal aisée. Mais ce
qui caractérise surtout une banque c’est la structure et les évolutions de son bilan.
Actif Passif
Immobilisations Capitaux Propres
Créances Dette
Trésorerie Dépôts
I La première différence importante concerne donc les dépôts. Ceux-ci sont des
engagements pris vis-à-vis de la clientèle (vous avez le droit de vider votre
compte) qui ne sont ni des dettes (pas d’échéance prévue de remboursement) ni
des actions (possèder un compte chez BNP ne vous donne pas de droit de vote ni
de versement de dividende).
I Quand une banque octroie un crédit par exemple à un ménage, elle va augmenter
le poste ”créances” de son bilan (comme toute autre société) mais elle va
également augmenter le poste dépôt.
I En effet un ménage qui emprunte 1000 euros va réclamer cette somme puisqu’il
en a besoin dans un délai assez bref (sinon pourquoi contracter un crédit ?). La
banque va donc lui ouvrir un compte (ou plus souvent augmenter le montant
d’un compte préexistant) de 1000 euros.
I Au remboursement de la dette, la créance est éteinte et la somme initiale ayant
quitté le dépôt du ménage, le bilan change aussi.
I Donc pour résumer : lors d’un octroi de crédit le bilan d’une banque augmente et
lors d’un remboursement, il diminue.
60
Production d’une banque et sources de profit
I Au dela de cette première spécificité -sur laquelle nous reviendrons- il faut
souligner qu’une banque est un intermédiaire.
I Les demandes de crédit ne sont pas faites sans projet initial (accession à la
propriété, achat important, investissement pour une entreprise).
I A côté des crédits, une banque propose également des services d’épargne plus ou
moins sophistiqués.
I Pour les particuliers, cela peut aller du simple compte à vue jusqu’à des
conseillers particuliers en gestion de fortune.
I Pour ce qui est des entreprises, associations, et certains services publics, les
banques proposent des dépôts -rémunérés en fonction des conditions de marché-
mais aussi de l’épargne salariale, de la gestion d’actifs, etc.
I Une banque collecte donc des ressources financières (dépôts, compte d’épargne)
auprès des apporteurs de fonds puis elle les transforme en ressources financières
pour des emprunteurs.
I Sans surprise, les gains proviennent des écarts entre le coût de ressources et les
intérêts versés.
I Les coûts comprennent une part variable -la rémunération des comptes des
épargnants- mais également une part fixe -la maintenance des moyens techniques
et humains nécessaires à la collecte et à la gestion de l’épargne.
I Les recettes dépendent elles des taux consentis, mais également de leur capacité
à rembourser les crédits.

61
Le refinancement bancaire et la création monétaire

I Comme toute entreprise, une banque investit sur des projets de production sans
avoir l’entiéreté des moyens de financement.
I Dans le cas qui nous concerne, cela implique que la banque ne va pas attendre de
disposer de 1000 euros de nouvelles ressources avant de les prêter c’est-à-dire de
les investir sur un nouveau projet.
I Ceci implique tout d’abord que la banque va devoir trouver les ressources
manquantes ailleurs. Par exemple en s’endettant ... auprès d’une autre banque.
I Donc en faisant crédit la banque crée de la monnaie. En effet, supposons qu’elle
ne dispose en ressources propres que de 100 euros déjà disponibles pour financer
un prêt de 1000 euros. Comme le montant de la créance est de 1000 et que la
banque va augmenter le dépôt de 1000, il y a donc création nette de 900 euros
(en fait, bien plus, comme nous le verrons tout de suite après).
I Notons qu’au remboursement du prêt, cette monnaie créée est détruite puisque la
créance et le dépôt supplémentaires disparaissent.
I Sans capacité de refinancement, la banque ne pourra tout simplement pas prêter
sans ressources propres, mais si elle attend des ressources propres suffisantes alors
il s’agit d’une simple opération financière interne à la banque et pas d’une
production.
I Il est donc vital pour une banque de pouvoir se refinancer. Si elle ne le peut plus
c’est ce qu’on appelle une crise de liquidité et c’est ce qui a causé la perte de
Lehman Brothers le 15 septembre 2008.

62
Refinancement par la Banque Centrale

I Revenons donc à la question centrale : ”Auprès de qui la banque va-t-elle


chercher les 900 euros qui manquent ?”
I La réponse la plus simple est qu’elle va le faire auprès de la Banque Centrale. En
effet, le porteur initial de projet a besoin d’euros pour payer ses factures tant que
le projet n’est pas encore rentable.
I Or si la banque crée de la monnaie en octroyant le crédit comme nous venons de
le voir, elle n’a pas le droit d’imprimer des euros. Ceci est le privilège de la
Banque Centrale, c’est-à-dire du pouvoir central.
I L’écriture comptable à laquelle procède la banque quand elle octroie le crédit ne
crée pas des euros qui sont une créance auprès de la banque centrale, mais une
créance privée, commerciale dont elle endosse la responsabilité. Une banque
commerciale crée donc de la monnaie... commerciale.
I En pratique, la Banque Centrale n’a pas d’obligation de créer les 900 euros encore
nécessaires. Elle va le faire moyennant un taux d’intérêt et sous réserve de
garanties fournies par la banque commerciale.
I Une de ces garanties peut justement être la dette que la banque a octroyée. On
dit alors que la Banque Centrale endosse la créance. Economiquement, cela
revient à une revente de la dette privée à la Banque Centrale en échange de
monnaie banque Centrale.
I Nous verrons un peu plus loin que cet aspect est l’un des leviers importants de la
politique monétaire.

63
Refinancement sur le marché interbancaire
I Le plus souvent, les prêts accordés par les banques sont remboursés. Comme la
production de prêts est régulière, il y a donc pour une banque donnée, des dates
auxquelles les remboursements d’anciens prêts l’emportent sur les octrois de
nouveaux prêts. La banque en question est alors brièvement en excès de trésorerie.
I Un marché de prêts de court terme peut alors se créer entre les banques ayant
des besoins et celles ayant des excès temporaires de liquidités. C’est ce que l’on
appelle le marché interbancaire.
I Ce marché est une source importante de refinancement des banques quand elles
ne sollicitent pas la Banque Centrale (elles peuvent évidemment solliciter les deux
types de refinancement).
I Comme tout marché, le marché interbancaire produit des échanges mais aussi un
prix d’équilibre. Ici, ce sont des taux d’intérêt que les banques vont négocier,
pour chaque type de durée de prêt (en pratique, du très court terme à un an).
I Le niveau des taux sur ce marché est une variable très importante pour les
acteurs de la finance. En effet, quand le taux augmente, cela signifie qu’il y a
plus de banques en besoin qu’en offre de liquidité, ce qui signale que les prêts
• vont être moins rentables pour les banques si les conditions ont été fixées à l’avance
• vont être plus onéreux si les taux sont fixés en fonction du taux interbancaire
I Dans les deux cas, la production de prêts va se ralentir, l’investissement avec, ce
qui va entrainer, si la situation perdure, une récession.
I La production de prêts ayant diminué, les remboursements des emprunteurs vont
finir par dépasser les nouveaux octrois, ce qui met le marché interbancaire en
excès de liquidité entrainant une baisse des taux interbancaires.
64
Multiplicateur bancaire

I Reprenons notre exemple initial. La banque A décide d’octroyer un prêt de 1000


euros à l’entreprise Machin. Si les conditions actuelles de refinancement sont
intéressantes sur le marché interbancaire, elle va se financer en empruntant 90%
de cette somme –mettons– sur le marché interbancaire.
I Ceci crée donc mécaniquement un prêt de 900 euros auprès d’une autre banque,
B. Qui elle aussi va refinancer une partie de ce prêt sur le marché interbancaire.
Si elle en refinance encore 90%, cele créé un nouvel emprunt de 810 euros, et
ainsi de suite.
I Au final, les 1000 euros initiaux ont créé

1000 + 900 + 810 + . . . + 1000 × 0.9i + . . . = 1000/(1 − 0.9) = 1000/0.1 = 10.000

euros de prêts.
I Plus les banques financent une faible part de leurs prêts sur leurs propres
ressources plus ce multiplicateur est élevé. De façon générale, si les banques
financent une proportion 0 < τ < 1 de leurs prêts sur fonds propres, la quantité
de prêts total générée par n’importe quel projet en provenance de l’économie
”réelle” est multiplié par 1/τ.
I Ce mécanisme fonctionne en sens inverse lors du remboursement, puisque tous les
prêts successifs sont remboursés.

65
Multiplicateur bancaire et risque

I Ce mécanisme permet donc de lever des sommes très importantes à partir de


ressources individuelles assez limitées. Mais il présente un gros risque.
I En effet, en cas de défaut de paiement, c’est l’ensemble de la chaı̂ne des prêteurs
qui est affectée. Si le défaut est lié à un seul emprunteur initial les choses
peuvent en rester là car le système bancaire a quand même mobilisé

100 + 81 + . . . 1000 × 0.1i+1 . . . = 0.1 × 1000/0.1 = 1000

euros de ressources propres, soit l’entièreté de la demande initiale (il n’y a pas de
miracle, il faut quand même trouver cette somme).
I Mais si les difficultés se généralisent, toutes les banques vont se retrouver en
demande de liquidité en même temps, donc celles qui doivent rembourser alors
que leurs contreparties ont fait défaut peuvent alors se retrouver elles-même en
défaut.
I On voit donc que ce mécanisme peut rapidement créer une crise bancaire majeure
qui amplifiera (à cause du multiplicateur et du nombre de banques concernées) le
choc ”réel” initial.
I Le problème est qu’aucune banque n’a avantage à limiter de son propre chef la
création de crédit car c’est la source principale de ses profits. Il faut donc un
mécanisme de régulation.

66
La banque centrale prêteur ”en dernier ressort”
I Le premier de ces mécanismes est celui de prêteur en dernier ressort. La banque
centrale va prêter aux banques qui en font la demande les sommes dont elles ont
besoin.
I Attention, ce prêt ”d’urgence” n’est pas gratuit (en général il est consenti à un
taux élevé), il n’est accordé que si la banque est –jugée...– solvable et il
s’applique souvent pour une durée limitée. Enfin, comme nous l’avons vu plus
haut, la Banque Centrale va demander des garanties dites collatérales (ou, pour
simplifier, ”du collatéral”).
I Pour la zone euro, les choses sont un peu plus compliquées, car chaque banque
centrale nationale joue ce rôle pour son propre marché, sous la supervision
générale de la BCE (les détails sont ici).
I Ce rôle de prêteur en dernier ressort a été vivement critiqué car il fait surgir un
problème d’aléa moral, connu dans le domaine bancaire sous le nom de ”too big
to fail”. Les banques, sachant qu’elles peuvent bénéficier d’une couverture en cas
de problème pourraient décider d’octroyer des prêts sans limite et surtout sans
examen approfondi des conditions de remboursement.
I Elles ont d’ailleurs avantage à être les plus grosses possibles de façon à ce que la
menace que leur éventuelle mise en faillite ferait peser sur l’ensemble du marché
force la décision des autorités centrales.
I Ce problème est apparu de façon particulièrement visible pour le grand public lors
de la crise financière de 2008, mais les autorités n’avaient pas attendu cette date
pour tenter de le circonscrire.

67
Réserves Obligatoires et Réglementations dites ”Bâle”
I Tout d’abord, les banques commerciales ne peuvent faire appel au refinancement
Banque Centrale que si elles possèdent un compte alimenté auprès de celle-ci.
I Le niveau minimal (strictement positif !) de ce compte est fixé par la Banque
Centrale. De plus, il s’ajuste avec la production de la banque 11 . Ce mécanisme
”mord” donc sur la rentabilité de la banque quand elle octroye des prêts, mais il
permet également, en cas de besoin, de disposer de garanties suffisantes.
I Le niveau des réserves obligatoires est régulièrement revu, en fonction des
décisions de politique monétaire. En cas de relance monétaire, les taux de réserve
diminuent (c’est l’inverse en cas de resserrement de la politique monétaire).
I Au-delà de leurs réserves en Banque centrale, les banques sont également tenues
de disposer de fonds propres en proportion du niveau et de la qualité de leur
production. Cette seconde contrainte pèse donc maintenant sur le passif de la
banque.
I Cette demande minimale en fonds propres résulte des accords dits de ”Bâle”
(parce qu’ils sont issus d’un comité international de réflexion sur les
réglementations bancaires qui se réunit à Bâle -en Suisse-).
I Les premiers accords –dits Bâle I– remontent au début des années 1980. Nous en
sommes désormais en Europe à la troisième version de ce texte.
I A chaque nouvelle révision de ces accords, les conditions d’encadrement des
productions de crédit par les banques se sont renforcées. Les derniers accords
réclament plus de fonds propres, de meilleure qualité et une incitation plus forte à
contrôler la qualité des prêts accordés.
11
Le détail en ce qui concerne la BCE est ici 68
Les marchés privés de prêts peuvent-ils s’autoréguler ?
I Ces réglementations qui ne s’appliquent qu’au secteur bancaire sont
potentiellement sources de nombreuses imperfections de marché : elles limitent
les entrées compétitives, elles font interférer les mécanismes décentralisés de
fixation des prix avec un monopole public -celui de la Banque Centrale-, elles
peuvent créer de l’incertitude –au lieu de la limiter– si la politique monétaire est
mal comprise12 ,...
I On peut donc se demander si le marché interbancaire pourrait parvenir à
s’autoréguler. C’est particulièrement douteux pour au moins deux raisons.
I Tout d’abord le niveau du multiplicateur est une décision individuelle (la banque
décide du montant de fonds propres consacrés) qui a des implications sur les
autres acteurs. Plus le montant de fonds propres est faible, plus il y a de
contreparties engagées pour des montants élevés. Nous sommes donc en présence
d’une externalité.
I Ensuite, si les besoins du secteur bancaire augmentent par rapport aux rentrées,
le taux du marché interbancaire va augmenter, ainsi que nous l’avons vu. Cette
augmentation va favoriser les projets risqués.
I En effet, supposons que l’on ait le choix entre deux projets de montant initial égal
gain si succès perte si échec
projet 1 100 -50
projet 2 200 -100
Si les taux font monter les charges financières au delà de 100 seul le second projet
est rentable. La hausse des taux produit une modification de la qualité des prêts,
on parle d’antisélection.
12
” if I turn out to be particularly clear, you’ve probably misunderstood what I said” A. Greenspan (1988) 69
Les paniques bancaires
I Les crédits ne sont pas les seuls risques supportés par les banques. En effet, les
dépôts à vue peuvent être demandés à tout moment par les clients. Or ceux-ci
constituent également des ressources financières pour les banques. Les banques
vont donc en utiliser une part pour leurs crédits.
I Plus cette part est importante, plus le multiplicateur est faible (ce qui limite le
risque de crédit) mais en cas de défaut, ce sont les dépôts des épargnants qu’ils
faut reconstituer et ceux-ci vont peut-être tenter de retirer leurs économies si la
banque n’inspire plus confiance.
I Un mécanisme particulièrement pernicieux peut alors se mettre en route. Même
les clients qui pensent que la banque pourrait faire face ont intérêt à demander de
retirer leurs avoirs car si ce n’est pas le cas, ils perdent tout. Ce faisant ils
précipitent la faillite.
I Cette possibilité n’est pas du tout théorique, de nombreuses banques ont été
poussées à la faillite par des ruées au guichets (la dernière grande en date étant
Northern Rock au Royaume Uni en 2008).
I Pour éviter ces paniques, il existe dans beaucoup de pays des fonds de garantie
publics alimentés par les banques elles-mêmes.
I Actuellement c’est le FGDR qui joue ce rôle. Le montant total du FGDR était
d’environ 4.7 Milliards d’euros fin 2019 (dernier chiffre disponible). Le montant
des dépôts sur les livret A était fin septembre 2020 de presque 319 milliards
d’euros. Tous les dépôts ne peuvent donc clairement pas être remboursés par le
FGDR. Les garanties sont donc plafonnées à 100.0000 euros par compte à vue,
moyennant des conditions.
70
Les limites des régulations centralisées

I Comme nous venons de le voir, laissées à elles-mêmes, les interactions


marchandes entre banques commerciales ont peu de chances d’aboutir à une
quantité et une qualité optimale de crédits. Elles engendrent par ailleurs de
nombreux risques. Cela ne signifie pas pour autant que la régulation centralisée
soit toujours couronnée de succès.
I Les réflexions actuelles sur ce sujet sont complexes mais elles peuvent être
brièvement présentées en guise de conclusion.
I Tout d’abord les fonctions de la Banque Centrale peuvent entrer en conflit entre
elles. L’exercice de la fonction de prêteur en dernier ressort peut pousser à offrir
trop de monnaie ce qui peut engendrer de l’inflation. Le contrôle des réserves
obligatoires pour éviter trop de prise de risque peut mettre en péril la solvabilité
bancaire.
I Les mesures de la banque centrale doivent pousser les acteurs économiques à
modifier leurs décisions. Mais si cette politique n’est pas jugée crédible, ils ne
feront peut-être pas. Cela peut conduire la banque centrale à se ”lier les mains”
c’est-à-dire à interdire certaines opérations pour que les acteurs économiques
soient convaincus qu’elles ne seront pas mises en œuvre.
I Dans la même veine, la crédibilité de la banque centrale peut-être mise à mal par
les liens qu’elle entretient avec le pouvoir. Pour éviter cela, beaucoup de BC sont
désormais indépendantes du pouvoir, mais cela interdit également de faire
sanctionner leurs erreurs par des votes démocratiques.

71
Rentabilité des banques
I Le mécanisme de multiplicateur bancaire pourrait faire penser que les banques
sont des entreprises super rentables car elles produisent à partir de rien, donc à
des coûts nul.
I C’est faux pour plusieurs raisons. D’une part, elles ont des coûts fixes
(personnels, bâtiments, infrastructures informatiques,...). Mais nous avons
également vu qu’une banque doit se refinancer. Donc le taux auquel elle le fait
est une source de coût (variable cette fois-ci).
I On pourrait alors se dire qu’actuellement, les Banques Centrales pratiquant des
taux très bas, les banques commerciales peuvent se financer à un taux très faible,
ce qui devrait améliorer leur rentabilité. Or vous savez peut-être que c’est loin
d’être le cas actuellement.
I Il faut en effet tenir compte de deux autres effets : la concurrence et
l’augmentation des coûts fixes. Si la baisse des coûts de production améliore
indéniablement la profitabilité d’un monopole, elle exacerbe la concurrence. Les
taux de refinancement dictent en situation concurrentielle le niveau des profits.
I Quand le taux de refinancement est élevé, les banques prêtent à un prix élevé qui
reflète principalement le niveau des coûts variables. Mais si le refinancement est
peu cher, les coûts fixes jouent unr rôle important. Pour les amortir, il faut
beaucoup produire, ce qui nécessite d’être très concurrentiel: il faut donc tailler
dans les marges commerciales.
I Qui plus est, certains coûts fixes ont beaucoup augmenté récemment, notamment
en Europe du fait de la mise en place des réglementations.

72
6 : Elements de finance de marché

73
Introduction

I Les marchés financiers sont sans doute l’image la plus répandue que le grand
public se fait de la ”finance”. Cette image, notamment véhiculée par les médias
non spécialisés (journaux, cinéma,...) a tendance à surestimer le rôle des marchés
financiers.
I Il convient en effet de rappeler que ces marchés ne recouvrent qu’une petite
partie des mécanismes et échanges financiers.
I Selon les décomptes de la Banque Mondiale, il y a 457 entreprises côtées, en
France (entre 40.000 et 45.000 dans le Monde) et ce chiffre a été divisé par deux
depuis le ”pic” de l’an 2000.
I Cependant, en France, ces entreprises concentrent plus du tiers des emplois en
Equivalent Temps Plein et des investissements, plus du quart du Produit Intérieur
Brut, la moitié des exportations et plus de 40% des profits (source Insee). Il faut
aussi rappeler que ces entreprises sont également des donneurs d’ordre de très
nombreuses entreprises plus petites.
I Par ailleurs, l’intérêt des marchés financiers est loin de se limiter au secteur
marchand. Sur les 2300 Milliards de dette de l’Etat français, environ les trois
quarts sont négociables sur les marchés. Cette situation relativement récente a
considérablement changé le rapport politique à la ”Bourse.”13

13
Si le ”Général” pouvait encore affirmer que ”la politique de la France ne se fait pas à la corbeille”, les
”adversaires de la finance”sont désormais rapidement rattrapés par la réalité. 74
Quelques rappels sur le marché

I Les bourses sont tout d’abord des marchés. Il faut donc rappeler quelques
propriétés et modalités des marchés.
I Un marché est une institution reposant sur quelques principes importants
• l’anonymat des acteurs
• la publicité des échanges
• libre accès aux échanges
I Même quand le premier théorème du bien être ne s’applique pas 14 le marché est
un mécanisme d’allocation des ressources qui présente de nombreux avantages
• participation volontaire des acteurs
• nombre de participants et quantités échangeables illimitées
• coût de fonctionnement très faibles
• Culture commune minimale (pas de barrière de langues, ni même physique)
• Informations nécessaires très réduites
I Il faut également rappeler que le marché n’est pas une institution sans règles.
Contrairement à une opinion répandue, les marchés financiers sont réglementés
(en tout cas dans la plupart des pays développés). Cette réglementation est en
évolution constante depuis 2008 et les contrôles ont été considérablement
renforcés... avec sanctions à la clé.

14
Nous avons donné dans la séquence précédente des raisons pour lesquelles ce résultat ne s’applique
vraisemblablement pas au marché interbancaire 75
Un peu d’histoire et de géographie
I Les marchés financiers existent depuis le tout début du capitalisme. Ils se sont
développés principalement en Angleterre, aux Pays Bas, en Italie avant de
s’entendre peu à peu à l’ensemble du monde développé, notamment au cours du
XIX ème siècle.
I Bien plus qu’une question de pays, les places financières sont d’abord attachées à
des villes précises (New York, Londres, Paris, Francfort mais aussi Hong Kong,
Shangaı̈ et Tokyo). Certaines mégalopoles n’ont pratiquement aucune activité
boursière (Pékin, Rio, New Dehli, Berlin, Los Angeles).
I La plus grande place boursière mondiale est sans aucun doute New York (avec les
deux plus gros marchés de la planète : NYSE et NASDAQ). A elle toute seule,
cette place concentre plus de la moitié de la capitalisation mondiale et 40% des
échanges.
I Derrière elle, la place de Londres est probablement la plus importante,
notamment grâce à un marché obligataire particulièrement actif15 .
I Les autres places importantes sont en Asie (Tokyo, ShangaÏ et Hong-Kong) ou en
Europe continentale (Francfort, Paris).
I On trouve des places boursières d’importance moyenne dans quelques pays
émergents (Brésil, Chine, Mexique), mais pratiquement aucune en Afrique et pas
grand’chose en Inde ni en Asie centrale.
I Enfin, il existe quelques places très spécialisées (notamment Chicago pour les
contrats sur marchandises agricoles, Anvers pour le diamant, Aalsmeer pour les
fleurs, Genève pour le pétrole...)
15
La plupart des dettes publiques négociables sont côtées et/ou émises à Londres 76
Utilités d’un marché boursier (vs financement bancaire)

I L’accès à un marché boursier présente deux intérêts majeurs à la fois pour


l’émetteur d’actifs et pour l’investisseur:
1. Au moment de l’émission, les titres peuvent être placés auprès d’un grand nombre
d’investisseurs qui partagent une information commune.
2. A tout moment, les titres peuvent être revendus à un prix renégociable.
I Ces deux possibilités contrastent assez fortement avec ce qui se passe pour un
financement bancaire qui se traduit souvent par une relation d’exclusivité.
I La possibilité de renégocier, jointe à la publicité des prix permet également de
réviser fréquemment les anticipations des investisseurs concernant l’actif – y
compris celles de ceux qui ne le possèdent pas. La publicité des prix mais aussi
des quantités échangées est donc cruciale.
I Le marché offre aussi à l’investisseur un certain anonymat. Cette garantie est très
importante car elle permet d’éviter les relations d’exclusivité qui peuvent
engendrer des traitements discriminatoires.
I Il faut toutefois signaler que cet anonymat n’est que partiel car il faut pouvoir
prouver la propriété individuelle d’un titre:
• lors d’une revente
• lors d’une Opération Sur Titre (paiement d’un coupon, d’un dividende, participation à
une assemblée générale, à une augmentation de capital)
• pour des raisons fiscales (calcul d’abattement, perception d’avoir fiscal,...)
• lors de transmission patrimoniale

77
Contraintes pour l’émetteur
I Comme nous l’avons rappelé, en pratique, seuls de très gros emprunteurs
structurels (notamment l’Etat) émettent des titres négociables en Bourse. Ce
type de financement s’accompagne en effet de contraintes pour l’émetteur.
I La première de ces contraintes est évidemment la possible perte de contrôle
politique de la société cotée. Si plus de 50% du capital est négociable, un
investisseur peut racheter les titres et prendre le contrôle. Sans aller jusque là, il
est possible de voir ”surgir” un actionnaire très important en voix ne partageant
pas les options de l’actuelle direction.
I Ceci peut conduire même à des utilisations stratégiques : rachat en Bourse d’un
concurrent, d’une société ”stratégique”, pression sur les orientations
opérationnelles, financières (notamment le montant des dividendes) voire morales
(finance ”verte”, ESG)...
I On peut éviter cela en limitant la quantité de capital négociable, mais certaines
entreprises de marché –notamment les plus grosses– exigent un quantité minimale
pour garantir de bonnes conditions de revente/rachat.
I On peut également constituer un noyau d’investisseurs ”fidèles” mais encore
faut-il les convaincre d’entrer au capital ... et de résister en cas d’Offre Publique
d’Achat alléchante.
I Enfin on peut également émettre des titres dépourvus de leurs droits de vote mais
il y a alors des contreparties (souvent des dividendes plus importants).
I Dans le cas de la dette publique, le problème de perte de contrôle juridique ne se
présente pas, mais l’anonymat interdit de savoir qui bénéficie des intérêts de la
dette –qui sont une charge pour le budget de l’Etat–.
78
Contraintes pour l’émetteur (suite)
I Nous avons également vu que les marchés boursiers visent à diffuser l’information
pertinente concernant les titres et à traduire celle-ci en évolution des prix.
I Les évolutions des prix notamment à la baisse peuvent donc engendrer chez les
investisseurs une perte brutale de confiance qui peut mettre en péril la survie de
la société.
I Ceci est particulièrement sensible pour des sociétés dont les cours subissent de
fortes variations car le risque associé à la détention des leurs actifs étant fort,
elles ont des primes de risques plus élevées, ce qui augmente le coût du capital.
I Pour éviter d’amplifier l’impact de mauvaises nouvelles, l’entreprise peut racheter
ses propres titres. Mais cette pratique est
• encadrée et soumise à déclaration (pour éviter les manipulations de cours)
• coûteuse;
• limitée (sinon le capital négociable devient trop faible);
I L’entreprise doit donc communiquer de façon très efficace pour satisfaire les
demandes d’informations des investisseurs. Dans le cas d’investisseurs
internationaux, cela engendre des coûts importants (traduction, calculs
comptables selon plusieurs normes,...)
I Cette communication est très encadrée, car il faut éviter que certains investisseurs
usent d’informations privilégiées (délit d’initié), ce qui implique des contrôles
efficaces.
I Enfin, il faut se soumettre à un grand nombre d’enregistrements techniques et
comptables auprès des autorités de tutelles, des opérateurs de marché,...

79
Evaluation des prix de marché
I Si l’on se place maintenant du côté des investisseurs, l’inconvénient majeur des
marchés financiers semble être le risque de fluctuation des cours. Il faut donc se
pencher sur la valeur des actifs.
I Considérons un titre XYZ qui promet les versements suivants : 10 euros dans un
an, 20 euro dans deux ans, 5 euros dans trois ans, et supposons que j’observe sur
le marché aujourd’hui, les trois prix suivants:
1. un titre qui verse un euro dans un an s’échange aujourd’hui à 0.97 euros
2. un titre qui verse un euro dans deux ans (et rien d’autre) s’échange aujourd’hui à 0.93
euros
3. un titre qui verse un euro dans trois ans (et rien d’autre) s’échange aujourd’hui à 0.9
euros
I On va alors démontrer que le prix du titre XYZ est

0.97 × 10 + 0.93 × 20 + 0.9 × 5 = 9.7 + 9.3 + 9.3 + 4.5 = 32.8


I Si le prix de l’actif était de 32.5 euros, on pourrait emprunter 10 euros à un an,
20 euros à 2 ans et 5 euros à trois ans. Ceci me rapporterait tout de suite la
somme de 0.97 × 10 + 0.93 × 20 + 0.9 × 5 soit exactement 32.8 euros, et si le
prix de l’actif XYZ était de 32.5, je pourrais l’acheter en ayant un bilan
aujourd’hui strictement positif de 0.3 euros.
I Dans un an, je dois 10 euros du fait de mon premier emprunt, mais la possession
du titre XYZ me permet de recevoir exactement dix euros, donc mon bilan dans
un an est équilibré. Dans deux ans: je dois 20 euros, qui me sont versés par
l’émetteur du titre XYZ. Et pour finir dans trois ans je reçois et je verse 5 euros.
I Le montage précédent s’appelle un arbitrage. Il permet sans aucun risque et
sans aucun investissement initial de dégager un bénéfice immédiat.
80
Evaluation des prix de marché (suite)
I Si le prix de l’actif XYZ est 33 euros, alors il suffit de faire le montage inverse.
On vend l’actif (attention, on ne le produit pas, donc on le vend... sans l’avoir,
nous expliquons tout de suite comment le faire) et on place 10 euros à un an, 20
euros à deux ans et 5 euros à trois ans. Cela va nous coûter
0.97 × 10 + 0.93 × 20 + 0.9 × 5 soit exactement 32.8 euros, et il me reste 0.2
euros en poche.
I Dans un an je dois 10 euros puisque j’ai vendu le titre (donc j’ai les mêmes
engagements vis-à-vis de mon acheteur que si j’avais émis le titre), mais je reçois
exactement ces 10 euros puisque c’est ce que j’ai placé à un an, et ainsi de suite
pour les autres dates.
I Dès que le prix de XYZ dévie de 32.8 euros vers le haut ou le bas, on pourrait
créer un arbitrage, et donc créer de la valeur à partir de rien.
I Mais c’est évidemment impossible car tout le monde voudrait le faire. Dans le
premier cas, tout le monde voudrait acheter XYZ et il n’y aurait pas de vendeur,
dans le seconde ce serait l’inverse. L’existence d’une offre ET d’une demande non
nulles exigent que le prix soit exactement 32.8 et rien d’autre.
I Cette méthode de calcul des prix est dite évaluation par arbitrage. Elle est à la
base des calculs de prix de très nombreux actifs (les dérivés, mais aussi les
obligations).
I Elle repose sur les hypothèses suivantes
• possibilité de vente -à découvert- et d’achat sans coût de transaction
• existence de suffisamment de titres pour pouvoir reproduire tous les flux
• Connaissance à l’avance des montants versés.

81
Un exemple : calcul d’un taux zéro coupon

I Supposons qu’actuellement le taux pour un emprunt in fine à un an sans coupon


est de 15% (actif 1) alors que celui pour un emprunt in fine avec coupon annuel
est de 20% (actif 2).
I Cela signifie que si je place 1 euro aujourd’hui à un an j’aurai 1.15 euro dans un
an. Mais si je place une euro aujourd’hui dans deux ans, j’aurai la séquence de
flux suivante

1.2 euro

1 euro

I On peut combiner les actifs 1 et 2 pour obtenir le taux auquel on peut placer un
euro dans deux ans sans coupon intermédiaire. En effet, si je vends 0.2/0.95
unités de l’actif 1 et que j’achète 1 + 0.2/0.95 unités de l’actif 2,
1. le coût net à la date 0 est
(1 + 0.2/0.95) × 1 − 0.2/0.95 × 1 = 1euro
2. Dans un an, le flux net est de −0.2/0.95 × 1.15 + (1 + 0.2/0.95) × 0.2 = 0
3. Dans deux ans je recevrai (1 + 0.2/0.95) × 1.2 soit environ 1.4526.
Le taux zero-coupon dans deux ans est donc, par arbitrage, égal à 45.26 % (soit
45.26/2 = %22.63 en base annuelle)

82
Autres méthodes d’évaluations

I La méthode d’évaluation esquissée ci-dessus est bien plus puissante qu’il n’y
parait (en particulier, Arrow et Debreu ont montré dans les années 50 comment
on pouvait l’adapter à des situations risquées).
I Notons qu’elle est spécifique de la finance de marché, parce qu’elle repose sur le
fait que les actifs peuvent être combinés sans coût de production (en tout cas à
un coût marginal nul).
I Pour autant, cette technique n’est pas toujours applicable. Tout d’abord les
monnaies ne donnant lieu à aucun versement, leur valeur selon cette méthode
devrait être nulle. il faut donc recourrir à des évaluations par comparaison interne
(in/déflation) ou externe (taux de change).
I Ensuite, tous les actifs ne sont pas nécessairement répliquables (par ex.
introduction en bourse de nouvelles sociétés). On utilise alors dans ce cas une
méthode déjà rencontrée dans la première partie qui implique que les rendements
d’un actif quelconque peuvent se décomposer en deux parties : une liée au
rendement d’un actif sans risque, l’autre au rendement d’un portefeuille de
marché, représentatif de l’ensemble des placements risqués disponibles.
I Les évolutions des cours de l’actif sont, en première approximation,
proportionnelles à celle du portefeuille de marché. On appelle ce coefficient de
proportionnalité le ”beta” de l’actif. Un actif tel que β > 1 verra son cours
amplifier -à la hausse comme à la baisse- les évolutions du marché. C’est l’inverse
si 0 < β < 1.

83
Conséquences de l’évaluation

I Toutes les méthodes d’évaluation que nous avons considérées jusqu’ici présentent
un point commun important : elles relient intrinsèquement les évolutions du cours
d’un actif à celles d’autres actifs négociables sur le marché.
I Ceci a pour conséquence que les marchés financiers sont souvent sujets à des
fluctuations coordonnées (à la hausse et à la baisse) des cours. C’est ce qui, en
première analyse, permet de resteindre leur étude à celle du portefeuille de
marché (ou, plus exactement, d’une approximation au moyen d’indices).
I La seconde conséquence porte sur le lien avec le rendement de l’actif sans risque.
Le cours d’une obligation calculé par arbitrage est en fait strictement identique à
celui de la VAN (en fait, la VAN est une technique d’évaluation par arbritage).
I Donc si le taux sans risque diminue, la valeur des actifs qui versent des montants
positifs (et éventuellement nul mais jamais négatif) va monter.
I Ce taux sans risque est directement relié, nous l’avons vu aux conditions de
(re)financement, soit sur le marché interbancaire, soit auprès de la banque
centrale. La politique monétaire a donc un impact très fort sur les marchés
financiers.
I En cas de baisse des taux, le cours des actifs financiers risqué augmente. Mais
ceci ne reflète pas nécessairement une amélioration à due proportion des
perspectives économiques des entreprises. Cette amélioration résulte d’un effet de
concurrence entre les actifs. C’est parce que les actifs sans risque sont moins
attractifs que le cours des actifs risqués augmente.

84
Marchés financiers et politique monétaire : un peu de conjoncture

I Nous venons donc de voir que la politique monétaire entraine des effets dits de
richesse assez forts sur les marchés financiers: si les taux diminuent le patrimoine
financier voit sa valeur augmenter et sa rentabilité diminuer.
I Une politique de taux bas peut donc alimenter une stratégie d’achat de titres à
des conditions de financement avantageuses dans le seul but de les revendre à un
prix plus élevé si les taux ne remontent pas.
I Une politique monétaire accomodante, initialement destinée à favoriser les crédits
pour financer de nouveaux projets, peut donc nourrir des placements spéculatifs
favorisant des actifs déjà existants.
I A l’inverse, une politique monétaire plus restrictive peut engendrer une cascade
de ventes de la part d’investisseurs craignant des moins-values importantes en cas
de hausse des taux.
I Dans le contexte actuel, il est donc particulièrement délicat de continuer des
politiques monétaires très accommodantes qui risquent de nourrir la spéculation
sur des placements peu productifs, mais il est également difficile d’en sortir car les
revenus et surtout le patrimoine des ménages (notamment les plus âgés) serait
très affecté par une baisse brutale des cours.
I La solution pourrait se trouver avec un retour de l’appétit pour des financements
nouveaux mais ceux-ci sont, presque par essence, plus risqués. Or la population
des pays développés est vieillissante et donc peu encline aux aventures...

85
Marchés et gestion des risques
I Nous venons de voir comment les évolutions des prix sur les marchés financiers
peuvent être ”auto-entretenues” ce qui est l’un des mécanismes à l’origine des
crises financières. Nous avons également mentionné que ces fluctuations peuvent
amplifier des chocs réels.
I Mais les marchés offrent aussi des possibilités très efficaces de diminution des
risques. La première est évidemment la diversification. Contrairement à ce qui se
passe lors d’une négociation bancaire (où la réponse est du type oui/non) on peut
décider des montants à placer (et à déplacer) d’un actif à l’autre.
I La seconde méthode des gestions des risques est intimement liée à la liquidité,
c’est-à-dire à la possibilité de revente d’un actif.
I Si je suis un importateur européen de produits américains et que je suis livré dans
trois mois, je cours le risque de voir la facture en équivalent euros s’alourdir en
cas d’évolution défavorable du taux de change. C’est la même chose -dans l’autre
sens- pour mon fournisseur si le marché est conclu en euros.
I Mais il existe des produits financiers qui permettent de couvrir ce risque: ils
consistent à acheter à terme les dollars à un cours fixé à l’avance.
I Le problème est alors déplacé sur le vendeur de ce produit. Pourquoi accepte-t-il
de prendre ce risque à ma place ? La réponse est que le marché de ce produit à
terme est liquide. Il peut revendre le contrat à tout moment. Or, à très court
terme, les évolutions du taux de change sont bien plus faibles qu’à trois mois.
I La liquidité permet donc elle aussi une diversification, dynamique celle-là, des
risques.

86
Conséquences des méthodes de gestions de risques financiers
I Les deux méthodes présentées ci-dessus ont des conséquences profondes sur le
fonctionnement et l’organisation des marchés financiers.
I En ce qui concerne la diversification, celle-ci requiert un décloisonnement des
marchés, y compris à l’international. Ceci impose l’existence de normes
(communication, comptabilité, transfert de titres, fiscalité) à une échelle globale.
I Cela augmente aussi les interdépendances entre les marchés, et donc la
transmission des chocs d’un acteur, d’un segment de marché et aussi d’un pays à
l’autre.
I En ce qui concerne la liquidité, cela impose des moyens de transferts des titres
qui soient rapides et peu coûteux, tout en restant sûrs.
I La gestion des risques (en particulier de change mais aussi d’inflation) par la
liquidité implique aussi que les échanges financiers vont se développer beaucoup
plus vite que les échanges réels. Or les échanges financiers ont des contreparties
monétaires. Les Banques Centrales doivent donc injecter énormément de cash, car
l’augmentation de la vitesse de circulation finit par se heurter à des contraintes
physiques et complique considérablement le suivi des chocs sur les marchés.
I Ces injections de masses monétaires uniquement destinées à maintenir la liquidité
ne sont cependant pas sans conséquence car elles menacent en cas de retour sur
l’économie réelle d’engendrer une inflation considérable.
I La stratégie des BC consiste donc actuellement à tenter d’atteindre en même
temps un objectif de contrôle des risques de marchés pris par les différents acteurs
tout en ne nuisant pas à l’efficacité de leurs méthodes de couverture.

87
7 : Les nouvelles solutions de financement

88
Introduction

I Nous avons vu que la majeure partie des financements des PME/PMI/TPE


passent par les banques. Pour ce qui concerne les entreprises de plus grande taille
et les projets plus importants, les banques et les marchés financiers se partagent
les financements (plus côté marché aux USA et UK plus côté banques en Europe
continentale).
I Or les banques sont –10 ans après la chute de Lehman Brothers– très contrôlées
dans leurs activités de marché et d’octroi de crédit, ce qui pèse sur leurs coûts.
I Par ailleurs, nous avons vu que la majeure partie de l’épargne -soit celle des
ménages et des entreprises domestiques soit celle des étrangers- est investie via
des fonds.
I Ceux-ci sont confrontés à une triple contrainte
1. l’évolution démographique les oblige à trouver des sources de rendement
2. Dans un contexte -sans doute durable- de taux bas, il faut donc investir sur des projets
bien plus risqués
3. Les projets potentiellement les plus prometteurs émanent d’entreprises qui débutent qui
ne peuvent pas offrir des garanties -côté bancaire- et des flux d’information -côté
marché- suffisants pour couvrir les risques et les coûts fixes.
I D’où l’idée d’offrir des modalités nouvelles de financement susceptibles de
satisfaire la demande des fonds à des coûts raisonnables et avec des garanties de
liquidité suffisantes.

89
Les besoins
Ces nouvelles solutions de financements doivent contenir des fonctionnalités spécifiques
nouvelles que ni les banques ni le ”marché” ne peut offrir facilement et à bas coût. On
peut les présenter d’une façon conforme à la ”chronologique typique” d’un projet
1. ”Pitch”: il faut pouvoir intéresser les investisseurs à la nature du projet de façon
compréhensible et fiable
2. ”Business model” : quelle(s) est (sont) les cibles, les obstacles, les modalités de
valorisation, à quel terme...
3. ”Financial Plan” : montants à lever, durée, devises, nature des droits des
partenaires pressentis, type de garantie, retour sur investissement attendu,...
4. ”KYC”: enregistrements légaux d’activité (registre commercial, CCI,...), présence
de protections (brevets,...), apports, collatéral, personnalités des porteurs, de
partenaires éventuels, coordonnées bancaires, physiques (sièges sociaux,
bâtiments, lieux d’exercice) et immatérielles (mails, serveurs,...), dépôts de
signatures
5. ”news”: Gestion de l’actualité du projet progression du financement, de la mise
en production, des retours clientèle, tableau de marche effectif vs anticipé,
réévaluations...
6. ”dropout” : possibilités de sortir avant le terme prévu, modalités,
revente-transferts, abandon/ré-orientation/ re-calibrage du projet
7. ”Corporate action”: versement de dividendes, de coupons, assemblées générales,
nantissement, gage, hypothèque, mise sous sequestre
Par ailleurs, il est évidemment souhaitable que ces fonctionnalités puissent s’affranchir
de la distance physique.
90
Les risques

I Il est assez clair à la lecture de la liste précédente que les technologies reposant
sur internet (réseaux sociaux, serveurs, could computing, messagerie
”instantanées”) vont jouer un rôle central. Cependant, cela fait courir des risques
nouveaux.
I Tout d’abord l’ensemble des garanties vont être dématérialisées, ce qui expose à
des vols, des destructions ou des pertes de données (pas nouveau, mais pire
qu’avant) mais aussi à des problèmes de mises à jour du contenu (pas nouveau
mais plus compliqué de fait de la latence du reséau) et des protocoles d’accès et
de transferts (nouveau et réellement problématique).
I Ensuite, on delà du transferts des titres, garanties, nantissements, hypothèque il
faut permettre des transferts de monnaie. Ceci nécessite donc une interface avec
un compte ”cash” traditionnel ou bien une monnaie spécifique.
I Dans le premier cas, il faut donc prendre garde aux possibilités de blanchiment,
dans le second à la fraude et au contrôle des évolutions de la parité de cette
monnaie.
I Enfin ces enregistrements doivent être -en partie au moins- authentifiés/ables
pour éviter les usurpations (côté porteur de projet ou côté financeur)

91
Solution de type ”néo”
I On voit que les risques listés ci-dessus sont habituellement –en partie du moins–
portés par des ”tiers de confiance” : notaires et/ou avocats, banques,
dépositaires centraux (cash et/ou titres).
I Un premier type de solution est donc de proposer ces services de façon
dématérialisée et en ligne par des acteurs traditionnels.
I Du côté des banques on trouve donc des offres ”néo” plus ou moins développées.
Beaucoup se contentent pour l’instant de proposer des services de paiements en
ligne sécurisés –pour les pros et les clients– et/ou de transferts d’argents
internationaux plus rapide et moins chers que les solutions ”traditionnelles”
(Money Gram, Western Union ou correspondant banking).
I Du côté des métiers juridiques, il existe aussi des solutions de dématérialisation,
mais elles restent elles aussi pour l’instant cantonnées aux enregistrements les
plus simples. Mais il faut tenir compte des évolutions introduites en France par
les modifications du registre des professions réglementées.
I Du côté des dépositaires titres, les évolutions sont pour l’instant limitées. Elles
concernent par exemple les possibilités de vote à distance pour les assemblées
générales, et aussi des procédures d’enregistrements simplifiées.
I Enfin du côté des dépositaires cash (banques Centrales) elles ont toutes mis en
place des moyens très développés de paiements sécurisés dématérialisés (SEPA en
zone Euro) dont l’incitation est à la fois commerciale (moins cher) et juridique
(contrôles renforcés sur le cash physique). Par ailleurs plusieurs groupes de travail
sur une hypothétique ”cashless society” existent.

92
Les plateformes
I Ces solutions sont des interfaces web permettant la diffusion d’information, les
négociations, les paiements et échanges de titres.
I Elles se sont tout d’abord développées sur les marchés financiers. La plupart
d’entre eux (à l’exception notable du New York Stock Exchange) sont désormais
accessibles uniquement sous forme de plateformes.
I Elles se démocratisent maintenant pour des solutions de financement bien plus
modestes et ponctuelles. Les plus connues sont dites de financement ’participatif’
en français (ou crowdfunding en anglais).
I Elles procurent –ou visent à procurer– tous les services mentionnés plus haut.
Mais les sommes qu’elles permettent de lever (même si elles sont en forte
croissance) restent pour l’instant confidentielles.
I Par ailleurs le contrôle des risques (fraude, blanchiment, abus de confiance,
préservation de l’anonymat, KYC) reste balbutiant et clairement très en-dessous
des garanties qui sont proposées par les canaux traditionnels. Par ailleurs, leur
dépendance aux protocoles informatiques (et donc à leurs évolutions) reste
problématique.
I Les évaluations demeurent d’une qualité assez faibles et reposent principalement
sur des ”avis” émanant de personnalités pas forcément très diligentes ni
informées, peu/mal/pas authentifiées et qui demeurent sans valeur d’engagement.
I Si elles diminuent indéniablement les coûts, la question de l’utilité économique
des sites de financement participatifs reste posée: pression concurrentielle, qualité
de l’information, rentabilité des projets, liquidité du marché secondaire,
I On peut enfin mentionner que plusieurs plateformes sont désormais affiliées ou
ont été rachetées par des banques (Kisskissbankbank par la Banque Postale, par
exemple).
93
Les crypto-actifs
I Cette catégorie de solutions de financement et de paiement repose sur une
technologie (le protocole de Nakamoto aka ”Blockchain”) qui a été proposée fin
2009.
I Cette technologie permet notamment d’éviter le recours à un tiers de confiance
pour gérer les transactions (enregistrement et authentifications) sur un réseau
pair à pair.
I Initialement proposées comme mode de gestion d’un système de paiement
(Bitcoin) ces technologies se développent très rapidement sur le plan
technologique pour permettre des opérations sur des titres plus complexes.
I L’un des développements récent les Initial Coin Offering (ou ICO) consiste à
proposer des services équivalent à ceux d’une introduction en bourse, à ceic près
que la levée de fonds s’effectuent dans une crypto–monnaie.
I Les applications réelles demeurent pour l’instant confidentielles mais elles sont
regardées de très près par l’ensemble des acteurs de la finance car elles sont
susceptibles de modifier profondément les rapports concurrentiels entre plusieurs
acteurs
• banque Centrale: cash et les paiements internationaux
• Fisc: assiette fiscale (TVA notamment)
• banques commerciales/ dépositaires/ notaires-avocats
• GAFA (Libra...)
I Les enjeux sont énormes...
• traçabilité des transactions
• accès à des paiements sécurisés à bas coûts dans les PVDs
• désintermédiation ”réelle”

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Un bilan d’étape (calmons-nous un peu...)

I La plupart des solutions ”nouvelles” présentées ci-dessous peinent à trouver leur


public (euphémisme) et pratiquement aucune n’est rentable (certaines ont
d’ailleurs fait faillite (Lendix).
I Les difficultés techniques demeurent très importantes. Pour ce qui concerne les
crypto-actifs, la question du contrôle de la parité interne et des parités externes
est complètement ouverte. On ne peut pas faire de crédit en crypto-monnaie. La
transparence totale (pseudo-nymat mis à part) est problématique juridiquement
et économiquement.
I Les obstacles légaux sont légion : KYC, statuts juridiques, contrôles fiscaux,
authentifications, contrôle des conflits d’intérêts, RGPD, annulation...
I La question de la pérennité technique notamment des protocoles et de leur
évolution (en particulier pour les solutions entièrement décentralisées) mais aussi
des support (serveurs, bases de données) fait peser d’important risques
patrimoniaux.
I Enfin, tout ce qui touche à la monnaie est un pouvoir. Il est donc douteux que les
autorités centrales (BC, services fiscaux, autorités administratives, policières,
judiciaires) laissent des questions aussi vitales se régler sans intervenir (témoin les
difficultés de Fb avec Libra).

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