Les Créoles, Problèmes de Genès
Les Créoles, Problèmes de Genès
Les Créoles, Problèmes de Genès
28 | 1997
La contextualisation de l'oral
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/praxematique/3074
DOI : 10.4000/praxematique.3074
ISSN : 2111-5044
Éditeur
Presses universitaires de la Méditerranée
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 1997
Pagination : 220-223
ISSN : 0765-4944
Référence électronique
Catherine Détrie, « Guy Hazaël-Massieux, Les créoles, problèmes de genèse et de description », Cahiers de
praxématique [En ligne], 28 | 1997, document 15, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 25
septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/praxematique/3074 ; DOI : https://doi.org/
10.4000/praxematique.3074
Guy HAZAËL-MASSIEUX
Les créoles, problèmes de genèse et de description, Publications de l'Université
de Provence 1996, (374 p.)
H.-M. a non seulement lu mais analysé tous les écrits de la colonisation des
Antilles, qu'il s'agisse des textes liés à leur évangélisation, des récits de voyages
de l'époque, des textes administratifs : les représentations du (des) créole(s) que
les discours ont construites, les commentaires directement épilinguistiques, les
écrits référant aux pratiques linguistiques des esclaves et de la société coloniale
ont été sollicités, les pièces versées au dossier figurant en fin d'article : l'analyse
que G. H.-M. effectue de tous ces témoignages anciens montre excellemment
comment le créole est né d'une situation où la diversité des langues africaines,
empêchant l'évangélisation des esclaves dans leur langue maternelle, va per-
mettre le surgissement de variétés de langue qui ne sont peut-être pas encore du
créole, mais qui révèlent du moins des processus de créolisation.
On ne peut évoquer tous les articles (le recueil en regroupe 21), et il est
difficile d'en sélectionner un plutôt qu'un autre, ce qu'on fera pourtant pour
tenter de montrer l'originalité de la méthode de G. H.-M.
Par exemple, pour ce qui est de la genèse de l'expression de la détermina-
tion dans le créole de la Caraïbe (pp. 185-205), G. H.-M., à partir d'un écrit du
Père Jacques Bouton datant de 1640 (Relation de l'establissement des françois
depuis l'an de 1635 en l'isle de Martinique), dans lequel le missionnaire
constate que les Antillais « disent quelques mots sans les articles », va tenter de
dégager comment s'est progressivement manifestée la détermination dans les
créoles caraïbes entre le XVIIème s. et aujourd'hui, en sollicitant comme corpus
des témoignages écrits qui tentent de reproduire des phrases attribuées à des
Caraïbes, ou des textes des enseignements dispensés par les missionnaires aux
candidats au baptême. Ce sondage d'écrits anciens, en parallèle avec l'observa-
tion des exigences du français populaire de l'époque, lui permet de constater
que la ruine du système des marques de détermination du français a été très
rapide, alors que l'émergence de marqueurs proprement créoles a lieu au XVIIIe
siècle. Un actualisateur défini postposé -la apparaît avant 1760, tout en gardant
une valeur encore déictique (c'est au départ une forme sans doute issue de ce…-
là) et qui ne porte pas de distinction de genre. L'ancien article est alors absent,
ou défonctionnalisé ou encore réduit, pour le pluriel, à une consonne de liaison
/z/ qui généralement s'agglutine au mot qui suit. Progressivement la va s'impo-
ser comme article au détriment de sa valeur initiale de déictique. Dès lors le
système créole est acquis.
La démarche de G. H.-M. est la même pour toutes les contributions. S'ap-
puyant simultanément sur la diachronie et la synchronie, elle vise chaque fois
l'explication de phénomènes, leur description étant toujours sous-tendue par une
volonté de compréhension des processus : la description ne fait sens que par
rapport à cette genèse reconstituée, permettant ainsi de mettre en perspective le
fonctionnement actuel du créole. Cette mise en perspective montre ex-
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Non seulement les praxématiciens, qui considèrent les langues comme l'ex-
pression linguistique de praxis humaines diverses, mais aussi tous ceux qui
exercent leur curiosité dans les domaines de la linguistique historique, des
cultures créoles… ou du français « ordinaire » ne peuvent qu'être intéressés par
les recherches têtues de G. H.-M. sur les créoles, langues qui rejouent dans leur
matérialité même et plus visiblement que d'autres la dialectique du Même et de
l'Autre, en s'appropriant les mots, en trouvant une syntaxe, une prononciation, à
partir de matrices autres, les reculturalisant, travaillant les représentations anté-
rieures, les déplaçant : toute la dynamique précisément de la production de
sens.
Catherine DÉTRIE
Praxiling)