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Voltaire Candide

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Voltaire Candide

Sommaire
page
1 LE XVIIIE SIÈCLE___________________________________________________________________1
1.1 Histoire et société 1
1.2 Rationalisme et sensibilité 1
1.3 La langue française 1
1.4 Les principales tendances de la littérature 1
1.5 La vie artistique 2
1.6 Le progrès des sciences 2
2 LE SIÈCLE DES LUMIÈRES__________________________________________________________2
2.1 Introduction 2
2.2 Caractéristiques 2
3 LES IDÉES DE VOLTAIRE___________________________________________________________2
3.1 La métaphysique 2
3.2 Religion et morale 3
3.2.a L’existence de Dieu______________________________________________________3
3.2.b Le déisme voltarien_______________________________________________________3
3.2.c La tolérance____________________________________________________________3
3.3 Idéal politique 3
3.4 La civilisation 4
3.4.a La paix________________________________________________________________4
3.4.b La liberté et la justice_____________________________________________________4
3.4.c Le bien-être et le luxe_____________________________________________________4
3.4.d Les arts et les lumières____________________________________________________4
4 LE RÉSUMÉ DE CANDIDE___________________________________________________________5
5 LES PERSONNAGES________________________________________________________________8
5.1 Candide 8
5.2 Cunégonde 8
5.3 Cacambo 8
5.4 Jacques (l’anabaptiste) 8
5.5 Martin 8
5.6 La Vieille 8
5.7 Paquette 8
5.8 Giroflée (Frère) 9
5.9 Inquisiteur (le Grand) 9
5.10 Issachar (Don) 9
5.11 Pococurante 9
5.12 Pangloss 9
5.13 Jardinier turc 9
5.14 Le baron de Thunder-ten-Tronckh 9
5.15 Le jeune baron de Thunder-ten-Tronckh 9
5.16 Vanderdendur 9
6 ANALYSE EN CLASSE DU RÔLE DE CERTAINS PERSONNAGES_________________________9
Voltaire Candide
6.1 Martin 9
6.2 La vieille 10
6.2.a La fonction narrative____________________________________________________10
6.2.b La fonction philosophique________________________________________________10
6.3 Candide et le frère de Cunégonde 11
7 BIOGRAPHIE DE VOLTAIRE________________________________________________________11
8 CANDIDE : LE CONTE PHILOSOPHIQUE_____________________________________________12
9 L’OPTIMISME_____________________________________________________________________12
9.1 Définition 12
9.2 La pensée de Leibniz 12
9.3 Voltaire et Leibniz 13
10 LES EXTRAITS____________________________________________________________________14
10.1 Chapitre premier, première partie 14
10.1.a L’ironie chez Voltaire____________________________________________________14
10.1.b Le texte et l’analyse_____________________________________________________15
10.2 Chapitre premier, deuxième partie 20
10.3 Chapitre 18, première partie 22
10.4 Chapitre 18, deuxième extrait 25
10.5 Chapitre 21 28
10.6 Chapitre 25, premier extrait 28
10.7 Chapitre 25, deuxième extrait 30
10.8 Chapitre 30 30
Voltaire Candide
1 Le XVIIIe siècle
1.1 Histoire et société
- Déclin progressif de la monarchie,
- mort de Louis XIV en 1715,
- ensuite régence du duc d’Orléans, règne personnel de Louis XV, règne de Louis
XVI,
- période révolutionnaire,
- 1789-1792 : révolution française Première République
- 1799-1904 : coup d’état de Napoléon Bonaparte Consulat
- la Cour décroît au niveau politique et culturel,
- cosmopolitisme : la France s’ouvre aux échanges, aux influences étrangères, elle
brille de part ses idées et de part sa brillante civilisation,
- prospérité économique. Progrès de l’agriculture, naissance de l’industrie,
développement du commerce,
- circonstances favorables influence des philosophes : stimulation du goût des
plaisirs et du luxe.
1.2 Rationalisme et sensibilité
- domination de la pensée des lumières (Montesquieu, Diderot, Voltaire…),
- valeurs : souveraineté de la raison et de l’expérience, nécessité d’aborder tous
les problèmes avec l’esprit critique, foi dans les progrès de la civilisation, respect
de la liberté individuelle, idéal de tolérance religieuse, de paix, de justice sociale,
- l’Encyclopédie (où l’esprit des Lumières y apparaît entièrement) est dirigée par
Diderot et d’Alembert. 1750-1760 marque un tournant décisif : retour à la
sensibilité, à la spiritualité, au sentiment religieux, au mysticisme, aux sciences
occultes (ces tendances s’épanouiront avec le romantisme.)
1.3 La langue française
- la tradition classique se perpétue, la langue continue à se fixer,
- évolution importante : vocabulaire (grâce aux contacts avec l’étranger), style
(rhétorique plus souple, plus naturelle)
1.4 Les principales tendances de la littérature
- continuation puis déclin de l’esthétique classique,
- naissance d’une sensibilité (= préromantisme)
- la littérature déborde sur la philosophie, la politique, les sciences, les arts,
l’histoire… elle devient utile, elle exerce une grande influence morale et sociale,
- la poésie est en crise, elle renaîtra avec le romantisme,
- au théâtre : la tragédie classique s’éteint, la comédie reste à l’honneur,
- la réflexion philosophique, la peinture des mœurs contemporains, l’expression
des sentiments… prend la place de l’analyse psychologique du classicisme,
- seconde moitié du siècle : apparition de la critique d’art, du conte philosophique,
du poème en prose…

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1.5 La vie artistique


- richesse et diversité de la peinture : scènes champêtres, pastorales, sujets
mythologiques, natures mortes, portraits…
- l’architecture prend de l’importance dans les villes,
- sous Louis XV fleurit le style rocaille ou rococo,
- décoration : style pompadour, mais on reste aussi fidèle au style classique,
- la sculpture se libère de l’architecture,
- musique : l’orchestre de chambre devient un orchestre symphonique
1.6 Le progrès des sciences
- la science progresse ( médecine, géométrie…)
- Newton, Monge, Buffon, d’Alembert
2 Le siècle des Lumières
2.1 Introduction
- Mouvement intellectuel européen qui a dominé le XVII e siècle, se développant
sous l’impulsion des philosophes.
- Les Lumières sont à la fois les facultés de l’esprit humain et les idées, les savoirs
qui éclairent l’humanité.
- La philosophie des Lumières est avant tout une idéologie.
- Façon de repenser la société autour de deux nouvelles valeurs : l’utilité et le
bonheur individuel.
- Négation de la transcendance divine ou hiérarchique au profit d’un pluralisme
politico-religieux (=concept d’égalité).
2.2 Caractéristiques
- La suprématie de la raison = raison critique, raison scientifique et raison
rationnelle qui s’appuie sur les faits pour en tirer des lois objectives.
- La foi dans le progrès = les progrès scientifiques convainquent le philosophe que
le progrès peut s’étendre à toutes les dimensions de la vie humaine. Cette foi
s’accompagne d’une critique de l’autorité et de la tradition. Le principe du libre
examen (= chacun est libre d’appliquer sa raison critique) joue un rôle dans le
domaine religieux (opposition au dogmatisme, au fanatisme et au pouvoir de
l’Eglise). L’idée que l’on peut progresser aussi dans le domaine des institutions
politiques prépare et légitime les aspirations révolutionnaires.
- Le nouvel humanisme = pour le philosophe, l’homme ce sont les hommes mais
aussi le monde planétaire auquel il appartient : le philosophe se sait membre de
l’Humanité en marche. Il adhère le plus souvent au cosmopolitisme. Les valeurs
humaines fondamentales fondent un humanisme nouveau, laïque, centré sur les
réalités terrestres, visant la libération de l’Humanité et la construction de
l’Homme.
3 Les idées de Voltaire
3.1 La métaphysique
- Voltaire combat la métaphysique,

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- selon lui, toutes ses questions dépassent notre intelligence mieux vaut nous
tenir en doute et nous tourner vers le monde physique puisque nous le
connaissons par nos sens,
- la métaphysique présente deux dangers graves : Le premier est le fanatisme car
la métaphysique divise les hommes et les conduit à des excès religieux, et le
second est la sagesse car elle tient l’homme dans l’angoisse devant des
problèmes insolubles et le détourne de la vie.
3.2 Religion et morale
3.2.a L’existence de Dieu
- elle s’impose à notre raison car le monde est une machine admirable, donc il y a
dans le monde une intelligence admirable,
- elle est utiles à la société car la crainte d’un Dieu est le meilleur fondement de la
morale pour les esprits simples. Quant aux philosophes, ils peuvent s’en passer :
leur raison suffit à les maintenir dans la morale.
3.2.b Le déisme voltarien
- critique des religions révélées car, selon Voltaire, elles reposent surout sur des
impostures. Il critique leurs fondements et surtout les textes bibliques. Sous une
forme burlesque, il tend à un but sérieux : montrer que, dans la diversité de leurs
dogmes et de leurs rites, les religions sont purement humaines et usurpent le
respect dû aux choses divines,
- son scepticisme l’empêchait de mener à bien une étude objective des religions. Il
ne comprend rien à la foi et au mysticisme,
- pour lui, les religions sont d’accord sur l’essentiel : l’existence de Dieu qui nous
est garantie par la raison, qui fait l’accord entre les hommes religion naturelle,
culte de l’être suprême,
- il veut désabuser les hommes de l’esprit de secte et des mystères
incompréhensibles ; il combat la superstition qui attache le salut à des croyances
et des cérémonies particulières, et non à la morale qui est universelle. Il rejette
même l’idée de la prière, qui lui paraît méconnaître la toute puissance divine,
- pour Voltaire, c’est la morale qui importe : la religion n’est instituées que pour
maintenir les hommes dans l’ordre et leur faire mériter les bontés des Dieu par la
vertu. La morale est la base de la société et est le trait d’union entre les hommes.
Il n’en existe pas deux, toutes sont les mêmes.
3.2.c La tolérance
- la tolérance est ce qui a fait connaître Voltaire,
- le fanatisme empêche les hommes de s’aimer,
- Voltaire dénonce l’enthousiasme qui ramène tout à une unique pensée au lieu de
voir le juste milieu des choses,
- seule la philosophie peut favoriser l’esprit de tolérance. En insistant sur
l’incertitude de nos croyances, il nous invite à tolérer, par humilité, celles des
autres hommes aussi persuadés que nous de détenir la vérité.
3.3 Idéal politique
- Voltaire considère les hommes comme naturellement libres et égaux, il fait donc
l’éloge de la démocratie. Cependant, il pense comme Rousseau, donc qu’elle

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n’est applicable qu’aux petits Etats. Il ne croit pas aux droits divins mais il a rêvé
d’un despote éclairé qui rendrait ses peuples heureux,
- il préfère le régime constitutionnel anglais car il garantit la liberté et lmite le
pouvoir royal, contrôlé par les élites sociales,
- il n’est donc pas révolutionnaire. Il souhaite que le roi choisissent ses ministres
parmi les hommes éclairés et leur demande de rendre ses sujets heureux par une
sage politique, celle qui conduit à la civilisation.
3.4 La civilisation
- Voltaire ne croit ni à la bonté primitive de l’homme, ni à la chute originelle, il
considère l’être humain comme passable, à l’image du monde qu’il habite,
- il attend rien de la Providence (volonté divine idée chrétienne, donc refus),
- comme l’au-delà est un mystère, Voltaire nous invite à organiser notre bonheur
terrestre avec les moyens à notre portée combat pour un idéal de civilisation.
3.4.a La paix
- la grande ennemie de la civilisation est la guerre : c’est une boucherie héroïque
qui ruine les Etats et détruit le vainqueur comme le vaincu,
- le devoir de l’Etat est d’empêcher les disputes théologiques de troubler la société,
en subordonnant les religions au gouvernement et en faisant respecter la
tolérance.
3.4.b La liberté et la justice
- Voltaire revendique la liberté des personnes, par l’abolition du servage et de
l’esclavage, la liberté individuelle par la suppression des lettre de cachet et
l’institution d’une sorte d’habeas corpus, la libre disposition pour chacun de ses
biens et de son travail, la liberté de parler et d’écrire et la liberté de conscience,
- quant aux garanties que doit offrir la justice, elles l’ont entraînée dans des luttes
qui l’ont rendu célèbre.
3.4.c Le bien-être et le luxe
- le luxe est la consécration même de la civilisation : le superflu, chose très
nécessaire rend heureux les hommes qui en jouissent et améliore la vie des
autres, en stimulant l’industrie, l’agriculture et le commerce,
- son programme économique repose sur l’idée de le commerce, source de bien-
être et de prospérité générale, fait la force et la richesse des nations.
3.4.d Les arts et les lumières
- la civilisation trouve son couronnement dans les beaux-arts et l’activité
intellectuelle,
- Voltaire méprise la canaille qui vit dans l’ignorance et la superstition. Il compte sur
l’élite éclairée pour conduire la société à sa plus grande perfection.

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4 Le résumé de Candide
Le jeune Candide, dont le nom traduit à la fois la naïveté et la crédulité vit dans le
meilleur des mondes possibles chez son oncle, le baron de Thunder-ten-Tronckh.
Enfant naturel, Candide mène une existence heureuse dans cet univers idyllique : Le
baron et la baronne de Thunder-ten-Tronckh possèdent en effet le plus beau des
château. Candide est ébloui par la puissance de son oncle, et par les sophismes
lénifiants du docteur Pangloss, le précepteur. Il admire également Cunégonde, la fille
du baron. Tout bascule le jour des premiers ébats de Candide et de Cubégonde. La
réaction du baron est brutale, Candide est banni et chassé de cet Eden. Il se
retrouve dans le vaste monde.
Candide est pris dans une tempête de neige et connaît la faim et le froid. Il est enrôlé
de force comme soldat de l’armée bulgare. Il prend la fuite. Capturé, il est condamné
à recevoir quatre mille coups de bâton. Il échappe de justesse à la mort. Il assiste
alors à la guerre et à ses massacres : c’est un boucherie héroïque. Candide déserte
et fuit jusqu’en Hollande. Il y découvre l’intolérance, et notamment l’hypocrisie
sectaire d’un prédicateur huguenot. Il retrouve Pangloss rongé par la vérole. Son
ancien précepteur a des allures de gueux. Il lui apprend que le beau château du
baron de Thunder-ten-Tronckh a été détruit et que Cunégonde a été violée et
éventrée par les soldats bulgares. L’armée bulgare a également tué le baron, la
baronne et leur fils. Candide et Pangloss sont recueillis et embauchés par Jacques,
un bon anabaptiste qui les emmène au Portugal où le réclame son commerce. Hélas,
au large de Lisbonne, leur navire connaît une horrible tempête. Le bateau du
généreux négociant est englouti et ce dernier périt dans le naufrage. Candide et
Pangloss en réchappent par miracle. Dès leur arrivée à Lisbonne, se produit un
épouvantable tremblement de terre. Candide et Pangloss participent aux opérations
de sauvetage, mais nos deux héros sont arrêtés pour propos subversifs et déférés à
l’Inquisition. Pangloss est pendu et Candide flagellé. Une vieille dame le soigne et le
mène de nuit dans une maison isolée. Il est présenté à une superbe femme :
Cunégonde. Elle lui confirme qu’elle a été violée et éventrée, et que c’est par miracle
qu’elle est encore en vie : on ne meurt pas toujours de ces deux accidents.
Cunégonde est devenue à la fois la maîtresse de Don Issachar, un banquier juif et
du grand inquisiteur de Lisbonne. Menacé par ses deux rivaux, le doux Candide
parvient à les tuer. Candide, Cunégonde et la vieille dame s’enfuient alors en
direction de Cadix. Ils y arrivent au moment où un bateau s’apprête à partir en
Amérique latine. Son équipage est chargé d’aller y combattre la rébellion qui règne
contre les rois d’Espagne et du Portugal. Candide parvient à se faire engager. Il
embarque Cunégonde, la vieille dame et deux valets. Lors de la traversée, la vieille
dame raconte son aventure. Fille d’un pape et d’une princesse, elle a grandi en
beauté, en grâces, en talents, au milieu des plaisirs, des respects et des
espérances… Puis elle a connu une suite épouvantable de malheurs :
l’empoisonnement de son fiancé, l’enlèvement de sa mère, sa vent à des marchands
d’esclaves. Elle s’est retrouvée prisonnière dans un fort, puis elle est devenue
l’esclave d’un seigneur moscovite qui l’a battue. Elle finira par devenir la servante de
Don Issachar qui la met à disposition de Cunégonde à qui elle se lie.
Suite à ce récit, la vieille dame demande aux autres passagers de raconter leur
histoire. Les récits s’enchaînent, plus noirs les uns que les autres. Candide
commence à prendre conscience que le mal existe sur cette terre.

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A peine arrivés à Buenos Aires, Candide et Cunégonde sont à nouveau séparés. La


vieille dame conseille en effet à Cunégonde de rester auprès du gouverneur qui s’est
épris d’elle et à Candide de fuir l’Inquisition qui a retrouvé sa trace. Candide part
avec son valet Cacambo se réfugier chez les jésuites du Paraguay. Ils y retrouvent le
frère de Cunégonde, lui aussi miraculeusement rescapé. Le baron évoque son
miracle : alors qu’on allait l’enterrer, le battement de sa paupière l’a sauvé. On l’a
soigné et guéri. Sa beauté, fort appréciée, lui a valu une grande fortune. Mais le
jeune baron refuse qu’un bâtard puisse épouser sa sœur et frappe Candide du plat
de son épée. Celui-ci se défend et le tue d’un coup d’épée.
Candide et Cacambo reprennent la fuite et se retrouvent dans un pays inconnu. Ils
sont faits prisonniers par les indigènes et sont à deux doigts d’être mangés. Ils ne
doivent leur salut qu’à la verve et à l’habileté de Cacambo. Ils sont graciés.
Ils se dirigent alors vers Cayenne, à la recherche de la colonie française. Ils souffrent
de la faim. Un jour, ils découvrent un canot sur un rivière. Ils montent à bord et se
laissent porter par le courant. Le canot emprunte une voûte secrète. Candide et
Cacambo se retrouvent sous terre dans un magnifique contrée, l’Eldorado, le pays
où tout va bien : un pays où les repas sont délicieux, les mœurs pacifiques, la
population heureuse, la religion tolérante et le souverain humaniste. Mais nos héros
sont trop vaniteux pour se satisfaire de set univers idéal. Ils souhaitent revenir en
Europe avec l’espoir d’éblouir Cunégonde et le monde entier de leur récit et de leur
richesse. Le souverain du royaume en effet les laisse partir avec cent moutons
chargés de nourriture, de pierres précieuses et d’or. Il les met aussi en garde : le
bonheur ne se trouve ni dans les pierres précieuses ni dans l’or.
Candide et Cacambo retrouvent le monde. Pendant plus de trois mois, ils marchent
dans les marais, les déserts et au bord des précipices. Leurs moutons meurent les
uns après les autres. Lorsqu’ils arrivent à Surinam, ils n’ont plus que deux moutons.
Ils rencontrent alors un esclave noir atrocement mutilé. Ceci révolte Candide et
l’amène à donner une autre définition de l’optimisme : la rage de soutenir que tout
est bien quand on est mal.
Nos deux héros se séparent : Candide envoie Cacambo racheter Cunégonde au
gouverneur de Buenos Aires, tandis qu’il ira l’attendre à Venise.
Mais Candide se fait duper et voler par un marchand qui lui prend ses deux derniers
moutons et s’embarque pour Venise sans l’attendre. Il parvient finalement à trouver
un vaisseau en partance pour Bordeaux et s’embarque en compagnie d’un pauvre
savant persécuté à qui il paye son voyage. Il a l’espoir que ce compagnon puisse le
désennuyer durant la traversée.
Sur le bateau qui les emmène à Bordeaux, Candide et Martin discutent du bien et du
mal et de la nature de l’homme. Martin lui indique qu’il est convaincu de la
prédominance du Mal sur le Bien. Et comme pour illustrer son propos, ils assistent à
un combat entre un navire espagnol et un navire hollandais. Ce dernier coule et une
centaine d’hommes se noient. Ce combat est pour martin l’illustration des rapports
humains de la façon dont les hommes se traitent les uns les autres.
Après son arrivée à Bordeaux, Candide préfère se rendre à Paris qu’à Venise. Il n’y
connaît qu’amertume et déception : un abbé retors et des fausses marquises et une
fausse Cunégonde qui se révèlent être de vraies voleuses. Il se fait même
injustement arrêter et ne parvient à s’enfuir qu’en soudoyant un officier de police.

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Il embarque alors en compagnie de Martin pour l’Angleterre. Il assiste à l’éxecution


d’un amiral condamné pour n’avoir pas fait tuer assez de monde. Finalement, il
refuse de débarquer en Angleterre et demande au capitaine du bateau de l’emmener
à Venise.
A Venise, il ne retrouve ni Cacambo, ni Cunégonde mais tombe sur Paquette,
l’ancienne suivante de la baronne de Thunder-ten-Tronckh. Elle vit en compagnie
d’un moine, Giroflée. Ses confidences et celles du moine font apparaître à Candide
des misères cachées. Candide décide alors de rendre visite ai seigneur Pococurante
qui a la réputation de n’avoir jamais eu de chagrin.
Le jeune héros s’émerveille de l’univers et de la personnalité de son hôte. Pourtant
celui-ci évoque a demi-mot le dégoût et la lassitude du blasé. Candide ressort
pourtant de cet entretien avec l’impression que le seigneur Pococurante est le plus
heureux des hommes, car affranchi des biens matériels. Martin, lui, est plus
pessimiste, il estime que ce seigneur est écoeuré de tout ce qu’il possède.
Au milieu d’un souper de carnaval, alors que Candide dîne avec six malheureux
anciens rois qui ont perdu leur royaume, il retrouve Cacambo qui est devenu
esclave. Il lui apprends que Cunégonde l’attend sur les bords de la Propontide, près
de Constantinople. Elle aussi est devenue esclave et est devenue très laide.
Candide se rend à Constantinople. Sur la galère, il croit reconnaître parmi les
galériens le docteur Pangloss et le jeune baron (tous deux mal tués). Il les rchète au
capitaine du navire.
Les deux anciens galériens racontent leurs aventures, mais le récit de leurs palheurs
ne perturbe pas Candide qui est toujours convaincu que tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes.
Candide retrouve Cunégonde, et il est saisi d’horreur à la vue de cette femme
hideuse et défigurée. Il la rachète ainsi que la vieille. Il ne l’aime plus, mais l’épouse
par bonté malgré le refus répété de son frère.
Candide se débarrasse du jeune baron en le renvoyant aux galères. Il achète avec
ses derniers diamants une modeste métairie où viennent se réfugier Paquette, le
frère Giroflée, Pangloss, Martin, Cunégonde et Candide. Un sage vieillerd leur
conseille le travail qui éloigne de nous trois grands maux, l’ennui, le vice et le besoin.
Candide en arrive à cette conclusion qui receuille l’assentiment de tous ses
compagnons : il faut cultiver son jardin.

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5 Les personnages
5.1 Candide
Protagoniste du conte. Fils illégitime d’un gentilhomme du voisinage et de la sœur du
baron westphalien de Thunder-ten-Tronckh, sa bâtardise le place au dernier rang de
la hiérarchie familiale. Elevé dans le château du baron, il a approximativement l’âge
de Cunégonde, qu’il aime en silence. Il est, comme son nom l’indique, naïf et
crédule, il reflète une admiration aveugle pour l’enseignement de son précepteur
Pangloss. Il est transparent : sa physionomie annonçait son âme et donc simple
d’esprit. Il croit dur comme fer à la doctrine de Pangloss et ne l’abandonnera qu’à la
fin du récit où il sera le seul à reprendre ses esprits et à se mettre au travail.
5.2 Cunégonde
Fille du baron de Thunder-ten-Tronckh, elle a dix-sept ans au début du récit. Cette
ingénue libertine lance involontairement l’action : le baiser qu’elle donne à Candide
fait chasser le jeune homme du château. Son nom suggère qu’elle attire plus pour
ses attraits sexuels que pour son intelligence. C’est d’ailleurs pour sa beauté que
Candide l’aime, une fois devenue laide, il ne l’aime plus.
5.3 Cacambo
Valet engagé par Candide à Cadix, qui devient progressivement le guide et le
compagnon de son maître. Né d’un métis et d’une indienne du Paraguay. Cacambo
a été successivement, en Amérique du Sud et en Espagne, enfant de cœur,
sacristain, matelot, moine, facteur, soldat et laquais, avant de mettre au service de
candide sa fidélité, son habileté et ses qualités d’homme d’action. Il est la seule
personne avec la vieille et Martin à avoir les pieds sur terre.
5.4 Jacques (l’anabaptiste)
Négociant hollandais vertueux et généreux, membre d’une secte protestante
charitable, qui recueille Candide et Pangloss, puis les emmène au Portugal. Il
incarne l’humanisme qui malgré ses bonnes intentions est la victime de la société.
On peut voir que l’absence de réalisme de ce personnage peut être mortelle.
5.5 Martin
Savant pauvre exploité par les libraires d’Amsterdam. Candide le rencontre à
Surinam et fait son compagnon de ce philosophe manichéen pessimiste. Il est très
terre à terre à cause de ses expériences malheureuses. Candide aime débattre avec
Martin, malgré leurs divergences d’opinions.
5.6 La Vieille
Fille du pape Urbain X et de la princesse de Palestrine, elle a connu tous malheurs
imaginables avant de s’attacher à Cunégonde, auprès de laquelle elle joue un rôle
de servante et d’entremetteuse.
5.7 Paquette
Femme de chambre de la baronne de Thunder-ten-Tronckh. Très éveillée, elle
devient dès le premier chapitre la maîtresse de Pangloss à qui elle communique la
vérole.

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5.8 Giroflée (Frère)


Devenu à quinze ans moine théatin contre son gré, il rencontre Paquette à Venise.
5.9 Inquisiteur (le Grand)
Chef suprême à Lisbonne de l’Inquisition, c’est-à-dire du tribunal ecclésiastique
chargé de lutter contre les hérésies, il partage avec le banquier juif don Issachar les
faveurs de Cunégonde

5.10 Issachar (Don)


Juif portugais introduit à la Cour du Portugal, dont il est le banquier. C’est lui qui
achète Cunégonde au capitaine bulgare.
5.11 Pococurante
Grand seigneur vénitien et blasé qui reçoit Candide et Martin dans son palais.
5.12 Pangloss
Précepteur au service de la famille Thunder-ten-Tronckh, ce philosophe allemand
enseigne la métaphysico-théologo-cosmolonigologie et professe un optimisme béat,
répétant d’après Leibniz que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Son nom – en grec tout en langue – reflète son bavardage impénitent et le vide de
ses constructions verbales.
5.13 Jardinier turc
Bon vieillard rencontré par Candide aux abords de Constantinople. Il vit heureux
avec ses quatre enfants du produit de son modeste jardin.
5.14 Le baron de Thunder-ten-Tronckh
Un des plus grands seigneurs de Westphalie, oncle supposé de Candide. Voltaire
attribue un nom imprononçable et en fait le symbole des prétentions de la noblesse
allemande.
5.15 Le jeune baron de Thunder-ten-Tronckh
Frère de lait de Candide, il n’a pas de prénom propre et se contente d’hériter de tous
les défauts paternels, auxquels Voltaire ajoute l’homosexualité.
5.16 Vanderdendur
Infâme négociant hollandais qui vit de l’esclavage.
6 Analyse en classe du rôle de certains personnages
6.1 Martin
L’apprentissage de Martin dans le récit se fait à un moment crucial pour Candide.
Ayant quitté Eldorado, il a perdu la majorité de ses richesses et s’est fait voler celle
qui lui restaient. De plus, il a du se séparer de Cacambo, son fidèle serviteur mais
aussi son ami, afin de pouvoir délivrer Cunégonde à Buenos Aires
Candide se retrouve donc seul à Surinam, à la recherche d’un compagnon de
voyage et d’un vaisseau qui partirait en direction de Venise. Cependant, sa
désillusion et sa déception face à la cruauté et à l’égoïsme des hommes vont
fortement influencer son choix : il décide d’engager, contre payement, l’homme le

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Voltaire Candide
plus dégoûté par sa vie et le plus malheureux de la province afin de se convaincre de
la fausseté de la théorie de Pangloss, qu’il n’arrive malgré tout, pas à rejeter.
C’est ainsi que martin fait son entrée dans la vie de Candide. Inévitablement, de par
les critères de son choix, Candide est tombé sur l’opposé de Pangloss. Martin est un
manichéen convaincu : il considère que le monde est soumis à la constante lutte
entre le Bien et le Mal. A la suite de ses mésaventures, il a donc opté pour une
position pessimiste profonde. Il ne voit que le pire, donc le Mal, dans toute situation.
Contrairement à Pangloss, la philosophie de Martin ne découle pas d’une théorie
mais de son vécu. Il n’a donc pas besoin d’adapter la réalité à une théorie pour la
prouver, puisque ses expériences découlent de l’expérience pratique. Candide
cherchera à contredire Martin pas la théorie leibnizienne, mais ne parviendra pas à le
convaincre. Au contraire, tout au long du récit, le pessimisme de Martin lui paraîtra
de plus en plus évident. Martin joue donc ici le rôle d’initiateur. Il va montrer à
Candide la laideur et la dureté de la réalité. Sans jamais atteindre le degré de
pessimisme de Martin, Candide perd, grâce à lui et à ses expériences, une bonne
partie de sa naïveté.
Ses idoles, dont Pangloss, perdent de leur magie ; son rêve, Cunégonde, devient un
cauchemar ; et Candide se plie à l’inévitable cours des choses : il grandit.
Désillusionné et pourtant heureux, ses dernières paroles seront : il faut cultiver notre
jardin.
6.2 La vieille
La jeune femme est heureuse d’entendre sa langue maternelle. Elle conte à l’homme
les expériences difficiles qu’elle a vécues, bien qu’elle soit très faible physiquement.
Ce dernier lui offre de l’héberger et de la nourrir et lui promet de la ramener en Italie.
Une promesse qu’il ne tiendra pas puisque la jeune femme est conduite à Alger et
vendue au dey ; un personnage puissant. A peine la vieille arrivée, la peste ravage la
ville. Une fois cette épouvantable maladie calmée, les esclaves du dey sont vendus.
L’héroïne est déplacée et achetée à plusieurs reprises, pour finalement se trouver à
Constantinople. Elle appartient à une figure d’élite de l’armée turque : un aga des
janissaires, qui est appelé à se battre contre les Russes. Il emmène tout son sérail,
dont la vieille. Attaqués par les Russes, les soldats sont affamés et se voient
contraints de manger les femmes. Un imam les persuade de ne pas tuer ses
dernières, mais de juste leur couper une fesse, ce qu’ils effectuent. Les Russes
débarquent sur des bateaux plats, et aucun janissaire ne survit à cet affrontement.
La vieille poursuit son récit en faisant part de son expérience de vie à Cunégonde et
Candide et exprime combien sa vie a été difficile.
6.2.a La fonction narrative
C’est un récit intégré dans le récit principal, il marque une pause dans l’histoire de
Candide.
L’importance est mise sur un autre personnage que Candide, il n’est donc plus
acteur mais spectateur.
La vieille va avoir l’idée de conter ses malheurs sur un bateau. Celui-ci représente la
transition. Il y a une transition dans le texte ; l’accent n’est plus mis sur Candide . De
plus, il y a un changement dans sa vie après ce passage : Candide se sépare de la
vieille et de Cunégonde.
6.2.b La fonction philosophique

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Voltaire Candide
Elle est pessimiste, comme Martin, ayant eu un passé douloureux. Elle est en
désaccord avec la vision optimiste de Candide et contribuera à son initiation, car elle
constitue un élément de doute et contradictoire à la philosophie de Pangloss.
Elle est désillusionnée et représente les malheurs de la vie de femme. En effet, tout
comme Cunégonde et Paquette, elles s’enlaidissent et ont une condition des plus
difficiles.
La vieille expose une fois de plus le problème du mal. Ce passage est situé entre le
paradis terrestre et l’Eldorado. Candide commence à se séparer de la doctrine de
Pangloss et même à se questionner. Il rencontre la vieille et elle suscite en lui des
doutes et des contradictions.
6.3 Candide et le frère de Cunégonde
Candide vient de retrouver le frère de Cunégonde, qui est maintenant colonel et
prêtre. Ils se serrent l’un et l’autre dans leurs bras et pleurent, dans un esprit
fraternel. Candide dit au jeune baron que sa sœur ne se trouve pas loin, chez le
gouverneur de Buenos Aires. Le jeune baron veut aller la reprendre avec Candide et
entrer dans la ville en vainqueur. Mais Candide lui avoue qu’il veut épouser
Cunégonde et pense la mériter. Le baron, qui pensait inconcevable que sa sœur se
marie avec un bâtard tel que Candide, sort son épée et donne un grand coup sur le
visage de Candide. Ce lui-ci sort son épée à son tour et l’enfonce dans le ventre du
frère de Cunégonde
Dans ce livre, Voltaire fait une sorte de contre-inventaire de l’optimisme de Leibniz  : il
illustre les différents sortes de maux tel que la souffrance, le désordre, la violence…
Ce deuxième meurtre a pour fonction d’ouvrir un peu plus les yeux de Candide sur la
réalité : donc que tout n’est pas toujours le mieux.
7 Biographie de Voltaire
- 20 février 1694 : Naissance de François-Marie Arouet à Chatenay. L’enfant aurait
comme père réel un ancien officier, ami de la famille et poète à ses heures. La
mauvaise santé du nouveau-né ne lui donne pas une longue espérance de vie.
- Etudes au collège jésuite où il acquiert une solide culture classique. Son parrain
l’introduit dans les mouvements libertins et dans la société du Temple.
- Inscription à la faculté de droit. Voltaire veut devenir poète.
- Il est exilé à Sully-sur-Loire pour des vers satiriques sur le Régent.
- Arouet le jeune devient par anagramme Voltaire, il travaille à deux important
projets ( à une épopée à la gloire de la tolérance et à une tragédie ).
- Altercation entre le jeune poète sûr de lui et le chevalier de Rohan-Chabot.
Voltaire est embastillé, puis autorisé à partir pour l’Angleterre.
- Voltaire devient un philosophe (Les Lettres anglaises devenues les Lettres
philosophiques (1734))
- Opérations financières (Voltaire deviendra très riche).
- Voltaire ne correspond pas à l’idéal classique : changeant sans cesse de visage
et de couleur.
- Voltaire accepte une mission diplomatique exploratoire.
- Voltaire, poète officiel, devient historiographe de France, chantre de La Bataille
de Fontenoy, membre de l’Académie française, gentilhomme ordinaire de la
Cour.
- Liaison avec une nièce devenue veuve, Mme Denis.

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Voltaire Candide
- Nouveau genre : le conte.
- Voltaire cède aux promesses de Frédéric II. Il quitte Paris pour Berlin, les conflits
ne tardent pas à surgir. Rupture. Voltaire s’enfuit.
- Il s’installe avec Mme Denis près de Genève.
- Tremblement de terre à Lisbonne (1755)
- Poème sur le désastre de Lisbonne (en fonction de la Providence) auquel
Rousseau répond par sa Lettre sur la Providence. (Candide serait une réponse à
cette lettre)
- Scandale causé par un article de l’Encyclopédie qui critique le rigorisme
protestant. Voltaire, accusé d’avoir inspiré d’Alembert est inquiété.
- 1759 : Voltaire publie Candide : le conte est condamné mais il rencontre un grand
succès auprès du public. Le philosophe lance ces pamphlets anticléricaux.
- Voltaire s’installe définitivement à Ferney où il fait construire une église.
- Voltaire prend la défense de protestants : il lance l’affaire Calas. Il lance le slogan
Ecrasez l’infâme.
- Publication du Dictionnaire philosophique portatif, ouvrage qui vise à répandre
l’idée des Lumières.
- Voltaire feint l’agonie pour recevoir les sacrement de Pâques.
- Voltaire retourne à Paris mais meurt le 30 mai 1778 . L’Eglise tente d’empêcher
son enterrement et interdit toute manifestation publique en sa mémoire. Son
corps doit quitter clandestinement la capitale pour être inhumé à l’abbaye de
Seillières en Champagne.
8 Candide : Le conte philosophique
- Voltaire est connu surtout pour ses contes philosophiques, où il a su y développer
ses idées d’une façon alerte et amusante : éloge de la tolérance, défiance à
l’égard des religions révélées, apologie du déisme, goût du bonheur…
- Forme brève. Ce ne sont pas des romans. Ils défendent des idées ou une thèse
en les mettant à l’épreuve. Ils critiquent certaines position (Leibniz pour Candide).
- But : le conte n’a pas pour but de raconter une histoire mais plutôt de démontrer
quelque chose.
- Les personnages du conte représentent des idées. L’évolution de Candide se fait
au niveau intellectuel, philosophique (=à plus ou moins un roman
d’apprentissage). Les personnages n’ont pas de psychologie.
- Sources : romans d’amour qui se terminent bien = retardement de l’amour.
Voltaire parodie cette forme dans Candide. Romans pittoresques (voir p.20)
9 L’optimisme
9.1 Définition
A. Primitivement, doctrine de Leibniz, suivant laquelle le monde actuel est le meilleur
et le plus heureux des mondes possibles. Par suite se dit de toute opinion d’après
laquelle le monde pris dans l’ensemble, et malgré la réalité du mal, est une
œuvre bonne, préférable au néant, et dans laquelle le bonheur l’emporte sur le
malheur.
B. Au sens absolu, doctrine suivant laquelle tout ce qui est, est bon.
9.2 La pensée de Leibniz

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Voltaire Candide
La réflexion de Leibniz, chrétienne dans son fondement, part de la nécessité d’une
explication rationnelle du mal qui permette d’en écarter toute volonté de Créateur :
Nous, (chrétiens) qui dérivons tout être de Dieu, où trouverons-nous la source du
mal ?
Leibniz, Essai de Théodicée, 1710
La question ainsi formulée situe bien le sens de la recherche : éclaircir l’origine du
mal. Une théodicée est un traité sur l’origine de Dieu. Cette réflexion se ramène à
trois point :
1. L’homme est imparfait. Par nature, la créature ne peut se vouloir légale du
Créateur, elle est donc imparfaite selon l’essence, même avant le péché.
La différence de degré dans l’être entre Dieu et sa créature explique donc
sans scandale les faiblesse et les souffrances de l’homme.
2. Le mal n’est presque rien. Les maux de la condition humaine ne sont que
des ombres dans le vaste tableau de la création ; on les jugera comme
modestes imperfections, si on les rapporte aux dimensions infinies de
l’univers.
3. L’univers est globalement harmonieux. Les malheurs individuels ne sont
pas la marque de l’indifférence de Dieu ; car du fait de la cohérence d’un
monde où tout se tient, Dieu ne saurait accorder un bien particulier si cela
vient en contradiction avec l’exigence d’un plus grand bien de l’univers
infini. On retiendra de cette vision qu’elle relativise l’importance des
souffrances si vivement ressenties par les hommes en les replaçant dans
la perspective d’une création immense et globalement harmonieuse. Dieu
a donc tout géré, globalement, et pour l’éternité au mieux. Il n’a donc pas
puni.
9.3 Voltaire et Leibniz
La position de Voltaire dans ce débat entre le bien et le mal, le bonheur, la
Providence, le juste et l’injuste, a d’abord été celle de l’optimisme raisonnable.
Il a conscience du mal : Voltaire a toujours été sensible à l’existence du mal sous sa
forme sociale. Il en a dénoncé certains aspects dans les Lettres philosophiques :
orgueil des aristocrates, querelles religieuses, despotisme de la monarchie,
privilèges et préjugés, tout cela est indirectement critiqué par l’éloge du modèle
anglais. Ses travaux d’historien l’ont amené à considérer le développement des
sociétés humaines sus leur plus mauvais jour, comme un tissu de massacres,
d’injustices, de misères et de trahisons : un amas de crimes, de folies et de
malheurs, telle est sa vision de l’histoire.
Esprit positif, sensible à la réalité des faits, il ne se berce pas d’illusions, ni sur le
passé, ni sur ses contemporains.
Il refuse le désespoir de Pascal : Cependant, Voltaire est une nature trop positive
pour s’abandonner à une vision pessimiste de la condition de l’homme. Il combat les
Lettres philosophiques celle que Pascal a exposé dans ses Pensées.
- Selon Pascal, la nature de l’homme est double, mélange de grandeur par son
esprit, apte à comprendre le monde, et de petitesse par sa place infime au sein
de l’univers. Cette contradiction fait son tourment. C’est le péché originel qui l’a
fait déchoir de sa première noblesse, dont il porte en lui la nostalgie douloureuse.
Alors il se voit égaré et démuni dans un recoin de l’immense univers, condamné à
savoir borné, et cette ignorance des choses, de soi, et de ce qu’il deviendra après
la mort doit le réduire au désespoir.

- 13 -
Voltaire Candide
- Voltaire affirme au contraire que l’homme est heureux en cette vie, non pas exilé
dans l’univers, mais à l’aise dans les cités terrestres aménagées par son activité ;
et il doit lui être indifférent de pénétrer les desseins du Créateur et les fins
dernières de la vie.
Il aime les raffinements de l’art :refusant l’idée religieuse d’une vie future, Voltaire
présente les jouissances terrestres comme la seule forme de bonheur accessible à
l’homme.
Il refuse le mythe de l’homme naturel : Voltaire est un homme parfaitement à l’aise
dans la société de son temps, qu’il aime assez pour jouir des avantages qu’elle offre,
pour en dénoncer les tares et œuvrer avec passion aux réformes utiles. Il a nourri
longtemps un optimisme critique et raisonné.
10 Les extraits
10.1 Chapitre premier, première partie
10.1.a L’ironie chez Voltaire
 Définition
Art de se moquer de quelqu’un ou de quelque chose en disant le contraire de ce
qu’on veut faire entendre. La figure centrale de l’ironie serait donc l’antiphrase. Le
propre de l’ironie est bien de dire le contraire de ce qu’on pense, mais sans tomber
dans le mensonge, puisqu’il s’agit non pas de tromper, mais de faire partager l’ironie
à tout ou partie de l’auditoire. L’ironie, à la différence du mensonge, est faite pour
être perçue, mais elle est par nature ambiguë, sujette à l’interprétation et mauvaise
réception, selon qu’on prend ou non ce qui est dit au pied de la lettre.
 L’ironie verbale
Elle dit une chose pour en faire entendre un autre en établissant une différence entre
deux niveaux sémantiques.
 L’ironie non verbale
Elle établit une contradiction entre deux réalités rapprochées.
 Les indices de l’ironie
Ils éveillent le soupçon du lecteur ou de l’auditeur : l’intonation, les guillemets ou
l’italique, les points d’exclamations, les points de suspension, le contexte linguistique
(=on sait rapidement que, dans Candide, Voltaire se moque de ses personnages et
tire sur tout ce qui bouge.), le contexte extra-linguistique (=ce que le lecteur sait de la
réalité dont parle le texte ; ce qu’il sait de l’auteur.).
 Les modalisateurs intensifs
Par exemple : bien sûr, évidemment, en effet, certes, bien entendu… Ils servent
d’indices.
 L’antiphrase
Elle veut faire comprendre un autre sens que le sens littéral, apparent.
 L’hyperbole
C’est une figure de style qui consiste à forcer les termes, à employer des mots
exprimant plus que la pensée, pour produire une forte impression.
 La litote
Elle consiste, au contraire, à dire moins pour faire entendre plus.

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Voltaire Candide
 Le pastiche
C’est l’imitation d’un peintre, d’un écrivain, d’un musicien, d’un chanteur, du style
d’une époque, d’un pays, d’une profession.
 La parodie
C’est l’imitation satirique d’une œuvre le plus souvent sérieuse
10.1.b Le texte et l’analyse

COMMENT CANDIDE FUT ÉLEVÉ


DANS UN BEAU CHATEAU, ET
COMMENT IL FUT CHASSÉ D'ICELUI.

Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à


qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le
jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple ; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait
Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu'il était fils de la soeur de monsieur
le baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais
épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre
généalogique avait été perdu par l'injure du temps.

Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une
porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les chiens de ses
basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le
vicaire du village était son grand aumônier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il
faisait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande
considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus
respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse,
appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était
l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de
son caractère.

Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a


point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur
le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin,
tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter
des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être
chaussées, et nous avons des chausses.

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Voltaire Candide
Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un
très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant
faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année : par conséquent, ceux qui ont avancé
que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »

Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement
belle, quoiqu'il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le bonheur d'être né baron
de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la
voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la
province, et par conséquent de toute la terre.

Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit
entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la
femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme Mlle Cunégonde avait
beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont
elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s'en
retourna tout agitée, toute pensive, toute remplie du désir d'être savante, songeant qu'elle pourrait
bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.

Elle rencontra Candide en revenant au château, et rougit ; Candide rougit aussi ; elle lui dit bonjour
d'une voix entrecoupée, et Candide lui parla sans savoir ce qu'il disait. Le lendemain après le dîner,
comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde
laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa, elle lui prit innocemment la main, le jeune homme
baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute
particulière ; leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s'enflammèrent, leurs genoux tremblèrent,
leurs mains s'égarèrent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa auprès du paravent, et voyant
cette cause et cet effet, chassa Candide du château à grands coups de pied dans le derrière ;
Cunégonde s'évanouit ; elle fut souffletée par madame la baronne dès qu'elle fut revenue à elle-même
; et tout fut consterné dans le plus beau et le plus agréable des châteaux possibles.

 La situation de l’extrait
Tout début du livre. Se passe dans le château de Thunder-ten-tronckh. Ce chapitre
se place juste avant que Candide rencontre l’armée bulgare après avoir été chassé
du château.
 L’enjeu du texte
Ce chapitre remplit une fonction précise d’exposition en apportant au lecteur les trois
données indispensables à la mise en route de l’œuvre : des informations sur le
personnage central Candide, d’autres sur le milieu social, celui de l’aristocratie
engluée dans ses préjugés, d’autres enfin sur le thème directeur, la critique de
l’optimisme incarné par Pangloss. Si l’on ajoute qu’un certain ton est adopté, qui sera
maintenu jusqu’à la fin, on aura cerné l’enjeu multiple de ce début.
 Résumé de l’extrait
Le jeune Candide, un garçon doux et naïf, a été élevé dans le château de Thunder-
ten-tronckh. Il écoute les leçons du précepteur Pangloss qui enseigne qu’il n’y a point
d’effet dans cause et que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais
un jour, Candide est chassé de ce merveilleux château pour avoir essayé
d’embrasser Mademoiselle Cunégonde, la fille du baron et de la baronne, pourtant
consentante.
 Analyse du titre du chapitre
Comment Candide fut élevé dans un beau château, et comment il fut chassé d’icelui.
Le nom du protagoniste, Candide, constitue la première indication utile fournie par le
titre : l’accent est mis sur Candide, son éducation et sa mésaventure ; il est donc

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Voltaire Candide
désigné comme le personnage essentiel. En revanche, rien n’est dit de Pangloss,
son maître, dont la présence s’entrevoit seulement à l’arrière-plan : si Candide fut
élevé, il lui a bien fallu un précepteur.
Le ton ironique de l’œuvre est sensible dès le titre : c’est en apparence celui d’une
belle histoire d’autrefois, cela va se passer dans un beau château, avec une
affectation d’archaïsme dans l’expression icelui. Cette impression du titre sera
confirmée par les premiers mots du texte, Il y avait en Westphalie…, qui rappellent le
Il était une fois…, début obligé des contes de fées, et sonnent comme la promesse
d’une jolie légende pour bercer l’imagination. L’ironie du ton se perçoit déjà et
contribue à dénoncer un univers à n’en pas croire ses yeux, ce trop beau château
enfermé dans les préjugés d’un autre temps.
 Candide, personnage central un peu simplet
Il est dépeint déjà par son nom, qui est un de ces noms-portraits dont l’étymologie,
les sonorités ou les connotations sémantiques annoncent un caractère. Le héros se
retrouve dans les syllabes qui le désignent et qui tracent les linéaments de son
caractère.
Sur le plan moral, Candide est un adolescent paisible et inoffensif, il a les mœurs les
plus douces : l’expression le dépeint tranquille, incapable de faire le mal, ni le bien
d’ailleurs, désarmé donc, on le verra, face aux violences du monde. C’est aussi une
figure transparente, incapable de duplicité, de dissimulation : sa physionomie
annonçait son âme ; sa sincérité, sa franchise confinent à la naïveté, on le sent né
pour être dupe.
Sur le plan de l’esprit, il est ingénu mais pas sot : il avait le jugement assez droit,
avec l’esprit le plus simple ; l’expression le montre capable d’éducation et de
progrès, doué d’un peu de bon sens, non pas intelligent ni borné, mais perfectible,
apte à distinguer les choses dans leur réalité, mais à la longue. Il lui faudra du temps
en effet pour voir un peu clair dans la grande bousculade du monde.
Sur le plan social, Candide est en porte à faux dans le château du baron, et tant
mieux pour lui. Car il n’appartient pas vraiment à l’aristocratie et son handicap
d’enfant naturel non reconnu lui confère un statut marginal. Il y a finalement quelque
avantage à être tenu à l’écart d’une caste nobiliaire sur le déclin, d’être dépourvu de
préjugés, nullement enfermé dans la certitude inébranlable d’une supériorité. Ainsi,
dès les premières phrases, le narrateur a fixé l’attention sur la simplicité naturelle de
son personnage, sa naïveté ; personnage central plutôt que principal, on devine déjà
que son absence de relief l’empêchera de jouer un rôle moteur dans l’intrigue.
 La satire de l’aristocratie
La critique des préjugés de la caste aristocratique constitue l’un des thèmes
importants du conte, dont il apparaît ici la première expression. Aux yeux de Voltaire,
la noblesse allemande, plus encore que la française, est affectée de deux tares
majeures, l’une entraînant l’autre : l’orgueil des origines et la pauvreté.
Imbue de ses préjugées nobiliaires jusqu’au ridicule, cette classe se fait un culte de
l’ancienneté de son nom, un nom risibles et prétentieux : Thunder-ten-tronck, un nom
où il y a du tonnerre et la rudesse de sonorités frustres. Elle nourrit des prétentions
généalogiques exorbitantes, témoin l’indignité du gentilhomme qui n’avait pu prouver
que soixante et onze quartiers, qui font des siècles pourtant ! Le rythme même d’une
longue phrase (Les anciens domestiques… par l’injure du temps), l’accumulation de
quatre subordonnées, alourdies par la répétition des que, tout cela suggère les
arguties et tâtonnements de ces nobles empoussiérés, perdus dans les ramifications
de leurs arbres généalogiques.

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Voltaire Candide
Cette classe à demi ruinée est si ignorante et si coupée du monde qu’elle a la sottise
de se croire encore riche. Le recours à l’ironie permet de démasquer le vide des
prétentions, l’ironie consistant en un éloge apparent (discours valorisant) à travers
lequel le narrateur laisse entendre qu’il dénonce ce qu’il loue. Ansi le baron vit sur
l’illusion de son ancienne importance, persuadé de son opulence car son château
avait une porte et des fenêtres. Et s’il prétend maintenir les signes du bon goût dans
le désert de ses appartements, c’est que sa grande salle même était ornée d’une
tapisserie, l’objet de décoration le plus banal étant admiré comme la marque d’un
luxe exorbitant. Pour préserver les apparences, il continue de chasser à courre, mais
avec des garçons d’écurie au lieu de piqueurs ; et faute d’un aumônier attaché au
château, il honore de ce titre le rustique curé du village : le vicaire du village était son
grand aumônier.
Cette classe est tombée dans la vulgarité : elle ne présente que des apparences
physiques très roturières, et plus aucun vestige d’une ancienne distinction
aristocratique. La tournure des femmes, mère et fille, est des plus communes, et
même un peu moins.
La mère, baronne-matrone, semble un personnage de farce, ou de baraque foraine.
Le mécanisme de l’ironie est monté contre elle : un éloge apparent, la très grande
considération, a été dévalorisé au préalable par le poids de la dame : Madame la
baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là une très grande
considération.
La fille, Cunégonde est d’abord discréditée par ce prénom moyenâgeux, celui d’une
lointaine ancêtre sans doute, mais qui commence fâcheusement, et se termine par
une sonorité de corpulence ronde. Elle se voit affublée ensuite de quelques épithètes
en apposition qui la réduisent aux apparences d’un animal bien nourri, et
comestible : haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Ainsi définie par sa
seule présence de chair et de peau, elle sera tout au long du conte traitée selon ce
physique prédestiné, optimiste pourtant et pas mécontente de son sort.
 La foi dans l’optimisme
En introduisant le personnage de Pangloss, le narrateur aborde la thèse centrale du
conte, qui peut se résumer en une diatribe cinglante contre les chantres de la
philosophie optimiste. Mais d’abord, u’est-ce que l’optimisme ? Le système de
l’optimisme, qui est inspiré de la réflexion de Leibniz, philosophe allemand, peut se
ramener à deux principes :
Le monde des hommes est le meilleur possible, tel est le premier principe. Il faut bien
comprendre que cette affirmation ne proclame pas naïvement la perfection terrestre.
En effet, l’univers créé par Dieu est reconnu imparfait par nécessité, puisque
dégradation de l’être suprême ; la perfection n’existe qu’en Dieu, pas parmi les
hommes. Néanmoins, ce monde où nous vivons pourrait être bien pire encore ; s’il
ne l’est pas, c’est par choix de la bonté de Dieu, qui l’a rendu tout de même
habitable, et sinon parfait, puisque la perfection est un attribut divin et relève d’un
autre ordre, en tout cas le moins mauvais, et même le meilleur possible. Les
optimistes remercient donc le créateur qui nous a donné un bonheur relatif, le plus
entier qui soit compatible avec les limites de notre nature.
L’idée de causalité sert de fondement rationnel à tout le système ; elle postule une
logique des événements qui s’enchaînent toujours selon des relations de cause à
effet dans lesquelles le hasard ne peut intervenir. Car le hasard ne saurait exister, il
introduirait l’arbitraire dans un monde où rien n’arrive jamais sans cause ou sans
raison déterminante ; et c’est grâce à cet enchaînement inéluctable que le résultat
atteint est toujours le meilleur possible. La succession des causes et des effets ayant

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Voltaire Candide
un caractère de nécessité, le monde évolue vers un équilibre positif, qui est
l’harmonie parfaite.
 La critique de Voltaire
Voltaire voit dans l’optimisme une philosophie complètement coupée du réel, et il le
montre de plusieurs façons.
Un nom dépréciatif, celui de Pangloss, est infligé au porte-parole de la doctrine. Ce
nom formé sur deux racines grecques, signifie Tout-langue ; il désigne un être qui n’a
d’autre consistance que celle de ses discours, d’autre existence que ses théories, et
que domine la passion du verbiage. En effet, les mots de Pangloss sont vides de tout
poids de réalité, le monde tel qu’il est va son chemin d’un côté, de l’autre s’étale
l’analyse de Pangloss, et les deux ne coïncident jamais. L’inadaptation des propos
de Pangloss au réel, leur constante distorsion par rapport aux faits, constitue le
thème fondamental de Candide.
En faisant son philosophe désincarné, le narrateur le rend plus abstrait. Il ne le décrit
pas, il l’ampute de toute présence physique, il ne le donne pas à voir. Privé pour le
moment de substance corporelle, Pangloss se réalise dans le discours pur, il se
contente de penser, mais mal. Un corps lui sera tout de même infligé par la suite, un
corps de désir et de maladie qui lui jouera de vilains tours.
Un nom dévalorisant est forgé pour caricaturer a doctrine, devenue la métahysico-
théologo-cosmolonigologie. L’agglomération burlesque de ces trois termes collés
bout é bout suggère assez les obscurité et les abstractions d’une pensée toute
verbale, synthèse de plusieurs disciplines, et doctement satisfaite de la pompe des
mots.
Des exemples caricaturaux sont inventés qui ridiculisent la théorie de la causalité. Le
raisonnement optimiste est dénaturé dans des relations de cause à effet
fantaisistes : les jambes sont dites instituées pour être chaussées, d’où le port des
pantalons, et les nez sont faits pour porter des lunettes, d’où la présence des
lunettes. Suprême distorsion, la demi-misère, qui oblige à avaler toujours du porc, se
transforme en un vrai délice de causalité : les cochons étant faits pour être mangés,
nous mangeons du porc toute l’année ! La raillerie frappe ici l’abus du principe de
causalité, qui établit entre des phénomènes des lien indémontrables. Le recours à
l’ironie de préférence à la démonstration consiste à énoncer la thèse adverse avec
un tel excès dans l’éloge que le lecteur en perçoit l’absurdité. Ainsi : il prouvait
admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause…
 Conclusion
Cette première page, en même temps qu’elle pose les jalons du récit, présente
l’enjeu de l’œuvre et fait apparaître la méthode critique de l’auteur : l’ironie.
Un page d’exposition. Elle remplit bien sa fonction d’exposition en présentant le
thème majeur du conte : l’absurdité de la doctrine optimiste. Sont introduits
également les deux personnages principaux, Candide et Pangloss. A l’arrière-plan se
profile aussi la satire de l’aristocratie, qui prendra pour support le fils du baron,
personnage intermittent.
D’autres thèmes à découvrir. Peut-on dire pour autant que l’exposition soit achevée ?
Elle l’est, puisque l’action va commencer immédiatement par la rupture de cet
équilibre initial au sein duquel se complaît Candide. Mais elle ne l’est pas totalement
si l’on considère d’autres thèmes, qui n’ont pas été annoncés et feront leur apparition
plus tard : la guerre, les catastrophes naturelles, le fanatisme religieux, l’exposition
économique.

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Voltaire Candide
La relation du maître à l’élève est marquée par l’autorité péremptoire du premier, fort
de certitudes dogmatiques lourdement affichées, et par la docile soumission du
second, béatement admiratif et dépourvu d’esprit critique. Ce rapport évoluera
lentement, et la très progressive émancipation intellectuelle de Candide constitue l’un
des centres d’intérêt du conte.
La méthode critique de Voltaire est en place dès ce début : refusant de s’engager
dans un combat d’arguments qui opposerait une autre thèse à celle des optimistes, il
choisit l’arme de l’ironie, qui feint d’approuver pour mieux discréditer : il ridiculise ses
adversaires en reprenant leur vocabulaire et leurs modes de raisonnement et en les
transportant dans des registres inadéquats.
10.2 Chapitre premier, deuxième partie
 Situation de l’extrait
Cet extrait s’inscrit dans la suite immédiate de l’exposition et juste avant que Candide
soir embarqué dans l’armée bulgare.
 Enjeu du texte
Il est d’orienter l’œuvre dans la voie du récit : l’exposé de la doctrine est clos, place à
l’action ; en racontant le choc infligé à Candide par la surprise de l’amour et par le
coup de pied qui en résulte, le narrateur pose la double dynamique de tout le récit,
fondée sur la fuite passive d’un héros sans cesse persécuté, puis, à partir de
l’Eldorado, sur sa poursuite active d’un idéal amoureux trop perdu.
 L’art du conteur
Dans la stratégie du narrateur, l’action constitue le support essentiel du conte
philosophique, c’est elle qui porte la morale.
Vivacité du récit : L’action démarre donc en flèche et le signal est donné par un
repère chronologique : Un jour, Cunégonde, puis par l’abandon de l’imparfait pour le
passé simple, temps de narration : Un jour, Cunégonde… vit entre des
broussailles… ; et voilà lancé le récit qui rebondira follement d’un pays à l’autre, au
rythme même de la folie du monde, jusqu’à la halte finale, le fameux jardin du
chapitre 30, celui qu’il faut cultiver.
Les phases du récit sont perceptibles clairement dans l’histoire de Pangloss avec
Paquette ; chacune est contenue dans le cadre d’une phrase unique, parfois d’une
certaine étendue, dont le verbe principal est toujours au passé simple. Voici ces cinq
phrases, relevées successivement. La première : Un jour, Cunégonde… vit entre les
broussailles… ; la deuxième : Comme mademoiselle Cunégonde avait… elle
observa sans souffler… ; la troisième : Elle rencontra Candide… ; la quatrième : Le
lendemain,… Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent… ; la
cinquième : M. le baron passa auprès du paravent… Ce relevé montre que le récit
progresse par juxtaposition dans le temps de séquences narratives brèves inscrites
chacune dans la structure d’une phrase complexe.
La précipitation des événements dans l’autre partie du récit, la rencontre Candide-
Cunégonde, tient à la brièveté des propositions juxtaposées, le mouvement étant
porté par les verbes ; un effet d’accélération et de crescendo est mis en place en fin
de phrase dans une série haletante de propositions réduites au groupe sujet et au
verbe.
Le narrateur a donc mis en œuvre deux techniques du récit tout à fait différentes.
 Un image dépréciée de l’amour

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Voltaire Candide
Le thème de l’amour est introduit ici dans le conte par le biais du récit : d’abord le
spectacle des ébats de Pangloss et Paquette surpris par Cunégonde, puis la trop
brève aventure du héros surpris par le baron. Cette vision de l’amour est dépréciée
par les émois burlesques des quatre personnages.
Les choix lexicaux sont révélateurs dans la représentation physique de l’amour. A
travers un registre très orienté, la relation de Pangloss avec Paquette apparaît
comme un rapport purement mécanique, une agitation déshumanisée exposée dans
le vocabulaire inattendu des sciences physiques, entre un maître et deux élèves,
dont l’une est spectatrice. On trouve le docteur Pangloss qui donnait un leçon de
physique expérimentale… Mlle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les
sciences… les expériences réitérées… toute remplie du désir d’être savante. Le
recours à un vocabulaire inadapté sert à tourner la relation amoureuse en dérision.
Les émotions partagées du couple Candide-Cunégonde sont traitées par la
moquerie. D’abord le narrateur insiste sur les conventions : la jeune fille rougi et
Candide rougit aussi ; puis en véritable héroïne d’un feuilleton sentimental, elle laissa
tomber son mouchoir. Le jeu des adverbes, avec la répétition de innocemment, puis
l’excès dans l’exaltation des sentiments, une vivacité, une sensibilité, une grâce toute
particulière, manifestent la distance ironique du narrateur. Enfin, en mimant
l’exaspération d’un délire des sens, la fin de phrase endiablée : leurs bouches se
rencontrèrent, leurs yeux s’enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains
s’égarèrent amuse comme une parodie.
Les lieux de l’amour ne contribuent guère à revaloriser le sentiment : un coin du
jardin au milieu des broussailles, l’abri fragile d’un paravent, autant de refuges
clandestins pour des désirs furtifs, un peu honteux et qui seront punis, Pangloss par
la maladie et Candide par le renvoi.
Sanction immédiate et vulgaire, les coups de pied, châtiment d’une parfaite trivialité,
apportent une dérision supplémentaire : Le baron… chassa Candide du château à
grands coups de pied dans le derrière. La bâtard Candide est traité comme un valet,
son désir puni comme une faute de domestique, et quelle mœurs de palefrenier chez
un grand seigneur !
Ce premier récit introduit donc une image dévalorisée de l’amour, qui sera
constamment maintenue jusqu’au terme du conte.
 La doctrine optimiste ridiculisée
On saisit ici de quelle façon un conte peut devenir philosophique : à travers le récit,
le narrateur inscrit en filigrane le thème de réflexion déjà annoncé, et jamais oublié,
celui de la sottise de l’optimisme.
Les petitesses de l’homme servent à discréditer le philosophe : maître Pangloss, si
docte en son enseignement, se cache comme un collégien pour ses ébats
érotiques ; on le soupçonne d’hypocrisie, il fait de beaux discours sur l’harmonie du
monde et le voilà pris en flagrant délit d’inconduite, il culbute la petite bonne au fond
du jardin. L’homme étant réduit à des amours de domestique, sa doctrine se trouve
par là même dévalorisée. Comment continuer à prendre au sérieux ce docteur en
physique expérimentale raisonneur et trousseur de jupons !
Le détournement du vocabulaire optimiste hors de son emploi naturel incite à la
moquerie : les termes révérés de la doctrine sont utilisés et compromis dans un
contexte érotique qui les dégrade :
Elle vit clairement la raison suffisante du docteur… songeant qu’elle pourrait bien être la raison
suffisante du jeune Candide… Le baron… voyant cette cause et cet effet… tout fut consterné dans le
plus beau et le plus agréable des châteaux possibles.

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Voltaire Candide
 Conclusion
On retiendra de ce récit trois points essentiels :
Sur le plan de l’action, ce récit donne l’impulsion initiale qui met le conte en
mouvement en propulsant Candide hors du château. L’innocent jeune homme subit
une frustration qu’il traînera jusque dans le jardin final, et qui sera utilisée comme l’un
des éléments dynamiques de la narration : hanté par le souvenir de son Eve perdue,
il en poursuivra la quête à travers les désordres des deux continents.
Sur le plan thématique, le récit a pour fonction d’amorcer l’illustration maintes fois
reprise des malheurs de l’amour : la scène de séduction interrompue au chapitre 1
ne recevra aucun couronnement heureux, et surtout pas dans le mariage forcé du
chapitre 30.
Sur le plan de la technique du conte, on saisit sur un exemple comment la critique
philosophique, le refus de la doctrine optimiste, peut s’intégrer à un récit sans
l’alourdir, et même contribuer à sa drôlerie.
10.3 Chapitre 18, première partie
La conversation fut longue ; elle roula sur la forme du gouvernement, sur les moeurs, sur les femmes,
sur les spectacles publics, sur les arts. Enfin Candide, qui avait toujours du goût pour la
métaphysique, fit demander par Cacambo si dans le pays il y avait une religion.

Le vieillard rougit un peu. " Comment donc, dit-il, en pouvez-vous douter ? Est-ce que vous nous
prenez pour des ingrats ? " Cacambo demanda humblement quelle était la religion d'Eldorado. Le
vieillard rougit encore. " Est-ce qu'il peut y avoir deux religions ? dit-il ; nous avons, je crois, la religion
de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu'au matin. - N'adorez-vous qu'un seul Dieu ? dit
Cacambo, qui servait toujours d'interprète aux doutes de Candide. - Apparemment, dit le vieillard, qu'il
n'y en a ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde font des questions
bien singulières. " Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard ; il voulut savoir
comment on priait Dieu dans l'Eldorado. " Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage ;
nous n'avons rien à lui demander ; il nous a donné tout ce qu'il nous faut ; nous le remercions sans
cesse. " Candide eut la curiosité de voir des prêtres ; il fit demander où ils étaient. Le bon vieillard
sourit. " Mes amis, dit-il, nous sommes tous prêtres ; le roi et tous les chefs de famille chantent des
cantiques d'actions de grâces solennellement tous les matins ; et cinq ou six mille musiciens les
accompagnent.

- Quoi ! vous n'avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui
font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? - Il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard ;
nous sommes tous ici du même avis, et nous n'entendons pas ce que vous voulez dire avec vos
moines. " Candide à tous ces discours demeurait en extase, et disait en lui-même : " Ceci est bien
différent de la Westphalie et du château de monsieur le baron : si notre ami Pangloss avait vu
Eldorado, il n'aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu'il y avait de mieux sur la
terre ; il est certain qu'il faut voyager. "

 La situation de l’extrait
Ce chapitre se trouve juste après la fuite de Buenos-Aires où Candide et Cacambo
sont pris pour des jésuites et juste avant leur arrivée en Guyane. Ils sont donc à
l’Eldorado, un endroit qui représente une étape très importante de l’évolution de
Candide. C’est le cœur de l’œuvre, le ballon d’oxygène où il vient puiser les vraies
valeurs jusqu’alors absentes du monde qu’il a parcouru.
 L’enjeu du texte
Après les critiques virulentes formulées dans les précédents extraits, la fonction de
ce texte est de présenter une religion conforme à la raison telle que la conçoit
Voltaire. Elle se résume en deux articles essentielles : croyance en un dieu unique,
inutilité et disparition du clergé. Ainsi se trouvent écartés toute menace d’intolérance
et tout risque de conflit avec d’autres croyances.

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Voltaire Candide
 La forme dialoguée
La mise en dialogue de cet exposé religieux constitue une caractéristique majeure.
Elle adopte le mode d’un échange fait de questions-réponses, approche vivant qui
évite la démonstration didactique propre par exemple aux articles du Dictionnaire
philosophique. La recours au dialogue constitue aussi une bonne façon d’intégrer le
jeu des idées dans la trame de l’action, puisqu’il sollicite l’intervention d’un
personnage familier comme médiateur.
Le personnage du vieillard est valorisé ; son nom n’est pas donné, il reste le vieillard,
appellation qui connote la sagesse et l’expérience. Il devient ensuite ce bon vieillard,
puis le bon et respectable sage, enfin le bon vieillard. La qualité morale ainsi
reconnue au détenteur de la parole est un facteur important dans sa fonction
persuasive.
Les protagonistes s’impliquent affectivement à plusieurs reprises dans le dialogue.
Ainsi les réactions du vieillard sont-elles porteuses de sens : le vieillard rougit un
peu… le vieillard rougit encore… des questions bien singulières… le bon vieillard
sourit… il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard. Et les surprises de Candide,
son enthousiasme sont transcrits également : Candide ne se lassait pas de faire
interroger… Candide eut la curiosité… Candide à tous ces discours demeurait en
extase. Ces interventions affectives des personnages, étonnement de l’un,
approbation de l’autre, viennent renforcer indirectement la thèse du narrateur.
Le rôle de Candide dans le dialogue. Placé en situation d’auditeur attentif, voire
admiratif, il n’apporte ni informations, ni arguments ; ses propos revêtent la forme
interrogative quelquefois par la bouche de Cacambo : Cacambo demanda
humblement… N’adorez-vous qu’un seul dieu… Candide ne se lassait pas de faire
interroger… Candide eut la curiosité de voir des prêtres… Quoi ! Vous n’avez point
de moines qui enseignent… ? Le personnage est là uniquement pour transformer en
un dialogue attrayant, puisqu’il s’agit d’un conte, ce qui aurait pu devenir un exposé
doctrinal un peu lourd. D’ailleurs, le narrateur oublie les limites intellectuelles de son
héros, il lui arrive de se substituer à lui, et dans la phrase suivante en particulier,
c’est Voltaire polémiste qui interroge, et non pas le naïf Candide :
Quoi ! Vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent et qui
font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ?

 La croyance en un dieu unique


Dans ce dialogue à visée argumentative, où il s0agit de démontrer l’excellence d’une
certaine conception de la religion, la force persuasive repose paradoxalement sur
l’absence de toute argumentation. Les idées à démontrer sont en effet présentées
comme des certitudes préalablement adises, des évidences échappant à toute
contestation, des affirmations si péremptoires pour l’esprit qu’elles peuvent, comme
les vérités révélées, se passer d’arguments.
Première certitude, Dieu existe. L’athéisme n’es pas pour Voltaire, une position
tenable. A la question sur l’existence d’une religion, la réponse du vieillard est des
plus nettes, présentée comme un fait d’évidence, qui s’impose à la conscience, une
affaire de décence, de dignité humaine :
Le vieillard rougit un peu. Comment donc ! dit-il ; en pouvez-vous douter ? Est-ce que vous nous
prenez pour des ingrats ?
Il y aurait de la honte à ne pas croire en Dieu. La fois débouche sur le devoir de
gratitude : Dieu a crée le monde, l’homme lui doit reconnaissance pour le bienfait de
la vie, qu’il tient de lui. En outre, ce Dieu répond à l’exigence de voltaire, c’est Dieu
horloger qui fonde l’existence et l’équilibre physique de l’univers, et qui mérite à ce
titre l’admiration des esprits éclairés.

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Voltaire Candide
Deuxièmes évidence, il ne peut exister qu’un seul dieu. C’est encore un article de foi,
sans aucune nécessité de démonstration : apparemment… qu’il n’y a ni deux, ni
trois, ni quatre. Cette vérité repose sur l’adhésion universelle, c’est la religion de tout
le monde. En douter révèle une absence élémentaire de bon sens : les gens de votre
monde font des questions bien singulières.
Le déisme de Voltaire. Des éclaircissements sur le déisme de Voltaire sont ici
nécessaires. Ce Dieu principe explicatif, créateur et grand architecte, est unique
inévitablement. Il fallait à l’édification de ce grand ouvrage que constitue l’harmonie
des mondes une intelligence unificatrice et un pouvoir infini ; la toute-puissance ne
se partage pas. Adoratrices du même Dieu, les religions ne présentent dans leur
diversité que des variations mineures, des modalités secondaires fabriquées par
l’esprit humain. D’où l’inanité des querelles de dogmes, vides de substance puisque
les hommes sont d’accord su l’essentiel.
Troisième affirmation, la prière est un acte de reconnaissance  :
Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage ; nous n’avons rien à lui demander, il nous a
donné tout ce qu’il nous faut ; nous le remercions sans cesse.
Cette sagesse se conçoit aisément en Eldorado, le pays où l’on a tout. Mais elle
reste fondée même chez les nations moins bien pourvues. La prière dénonce en
effet, selon Voltaire, une tendance à l’anthropocentrisme, elle procède de l’illusion
que l’homme est au centre du monde et que Dieu va infléchir le cours de la nature
pour accéder à ses petits désirs inconstants et contradictoires. Elle est signe de
présomption, car elle place Dieu au service de chacun. Il est naïf d’imaginer que la
procession de quelques fidèles incitera le Dieu de tous les mondes à se pencher sur
la sécheresse du village ! C’est donc la réflexion sur l’immensité de l’univers qui
permet de conclure à l’insignifiance de l’homme et à la vanité de la prière.
 La disparition du clergé
Dans la religion selon son cœur, Voltaire voit une relation personnelle de chacun
avec son Dieu, qui rend inutiles ces intermédiaires intolérants, ennemis de la liberté
de conscience, que sont les prêtres.
Les prêtres sont dépossédés du culte, leur monopole immémorial. En Eldorado, la
pratique religieuse ne relève plus de l’Eglise érigée en institution, concessionnaire du
sacré pour l’éternité ; elle devient l’affaire de la collectivité des citoyens, elle est donc
exercée par chacun et par tous. Cette opinion est exposée avec une certaine gravité
en une longue phrase alourdie par les sonorités sourdes des allitérations en a :
Le roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d’actions de grâces solennellement tous les
matins et cinq mille musiciens les accompagnent.
Il n’est donc nul besoin d’intercesseurs officiels entre les hommes et Dieu, et la
réunion des chefs de famille se substitue à la cohorte des prêtres dans le
cérémonies.
L’action néfaste des prêtres, que l’on a bannis d’Eldorado, passe par une phrase
fragmentée et bondissante de Candide, qui a souffert à cause d’eux et qui, relayé par
le narrateur, dit leur immixtion intolérable dans tous les domaines de la vie :
Vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, et qui font brûler les gens
qui ne sont pas de leur avis ?
Le conte nous a fourni maintes raisons de ce rejet virulent ; on y a vu à l’œuvre les
bénisseurs de massacres chantant des Te Deum, les fauteurs de persécutions que
sont les Inquisiteurs, les jésuites pourfendeurs des populations indigènes qui se
taillent des royaumes l’épée et la croix à la main.
 Conclusion

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Voltaire Candide
On retiendra que ce texte, à la différence d’autres passages de l’oeuvre consacrés à
la religion, n’est pas une simple dénonciation de ses méfaits ; il présente une
méditation plus positive sur ce que pourrait être la religion idéale.
Un modèle de religion. La religion du sage se présente comme l’exemple qui exprime
les aspirations sincères de Voltaire, une vision non contaminée par l’utopie
dominante de l’Eldorado, un idéal accessible, pour lequel il importe de lutter.
Un dieu unique, un clergé inutile. La formule essentielle de cet idéal réside dans la
croyance en un dieu unique, garant de la paix religieuse, et dans la mise à l’écart des
fonctionnaires de Dieu, qui se sont appropriés les aspirations de l’âme humaine à
des fins matérielles de plaisir, de puissance et d’intérêt. Ce sont les représentants de
la religion, nullement la religion elle-même, qui sont mis en cause pour leur
intolérance et exclus de la communauté sociale.
10.4 Chapitre 18, deuxième extrait
En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de
mille colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de
sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui
répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour
de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y
avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut
le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de
mathématique et de physique.
Après avoir parcouru, toute l'après-dînée, à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez
le roi. Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne
fit meilleure chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait
les bons mots du roi à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout
ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna le moins.
Ils passèrent un mois dans cet hospice. Candide ne cessait de dire à Cacambo : " Il est vrai, mon ami,
encore une fois, que le château où je suis né ne vaut pas le pays où nous sommes ; mais enfin Mlle
Cunégonde n'y est pas, et vous avez sans doute quelque maîtresse en Europe. Si nous restons ici,
nous n'y serons que comme les autres ; au lieu que si nous retournons dans notre monde seulement
avec douze moutons chargés de cailloux d'Eldorado, nous serons plus riches que tous les rois
ensemble, nous n'aurons plus d'inquisiteurs à craindre, et nous pourrons aisément reprendre Mlle
Cunégonde. "
Ce discours plut à Cacambo : on aime tant à courir, à se faire valoir chez les siens, à faire parade de
ce qu'on a vu dans ses voyages, que les deux heureux résolurent de ne plus l'être et de demander
leur congé à Sa Majesté.
" Vous faites une sottise, leur dit le roi ; je sais bien que mon pays est peu de chose ; mais, quand on
est passablement quelque part, il faut y rester ; je n'ai pas assurément le droit de retenir des étrangers
; c'est une tyrannie qui n'est ni dans nos moeurs, ni dans nos lois : tous les hommes sont libres ;
partez quand vous voudrez, mais la sortie est bien difficile. Il est impossible de remonter la rivière
rapide sur laquelle vous êtes arrivés par miracle, et qui court sous des voûtes de rochers. Les
montagnes qui entourent tout mon royaume ont dix mille pieds de hauteur, et sont droites comme des
murailles ; elles occupent chacune en largeur un espace de plus de dix lieues ; on ne peut en
descendre que par des précipices. Cependant, puisque vous voulez absolument partir, je vais donner
ordre aux intendants des machines d'en faire une qui puisse vous transporter commodément. Quand
on vous aura conduits au revers des montagnes, personne ne pourra vous accompagner ; car mes
sujets ont fait voeu de ne jamais sortir de leur enceinte, et ils sont trop sages pour rompre leur voeu.
Demandez-moi d'ailleurs tout ce qu'il vous plaira. - Nous ne demandons à Votre Majesté, dit
Cacambo, que quelques moutons chargés de vivres, de cailloux, et de la boue du pays. " Le roi rit. "
Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens d'Europe ont pour notre boue jaune ; mais emportez-en
tant que vous voudrez, et grand bien vous fasse. "

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Voltaire Candide

Il donna l'ordre sur-le-champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes
extraordinaires hors du royaume. Trois mille bons physiciens y travaillèrent ; elle fut prête au bout de
quinze jours, et ne coûta pas plus de vingt millions de livres sterling, monnaie du pays. On mit sur la
machine Candide et Cacambo ; il y avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur servir
de monture quand ils auraient franchi les montagnes, vingt moutons de bât chargés de vivres, trente
qui portaient des présents de ce que le pays a de plus curieux, et cinquante chargés d'or, de pierreries
et de diamants. Le roi embrassa tendrement les deux vagabonds.
Ce fut un beau spectacle que leur départ, et la manière ingénieuse dont ils furent hissés, eux et leurs
moutons, au haut des montagnes. Les physiciens prirent congé d'eux après les avoir mis en sûreté, et
Candide n'eut plus d'autre désir et d'autre objet que d'aller présenter ses moutons à Mlle Cunégonde.
" Nous avons, dit-il, de quoi payer le gouverneur de Buenos- Ayres, si Mlle Cunégonde peut être mise
à prix. Marchons vers la Cayenne, embarquons- nous, et nous verrons ensuite quel royaume nous
pourrons acheter. "

 Situation de l’extrait
Cet extrait se situe juste après la longue discussion entre le vieillard, Cacambo et
Candide au sujet de la religion.
 Enjeu de l’extrait
Voltaire souligne la vanité de ses deux héros : c’est celle qui constitue le facteur
déterminant de leur départ. Une nouvelle illusion relance l’action : incapable de jouir
de sa fortune dans l’Eldorado où l’or ne vaut rien, Candide part pour un ailleurs où
ses richesses se rétréciront comme une peau de chagrin.
Pourtant, le départ de Candide, après un mois d’inertes félicités, apparaît comme un
retour à la vie et à l’action quotidienne. L’utopie eldoradienne ne tend pas à tracer
dans le détail ni un programme, mais un mythe ouvert, qui propose avant tout une
réconciliation de la vie et de l’humanisme voltarien : L’épisode d’Eldorado n’est pas
une conclusion dérisoire : c’est une étape de la conquête de l’homme par lui-même.
Grâce à lui un modèle a été entrevu : première certitude. Sa réalité sera celle que lui
conféreront les personnages en le faisant entrer plus ou moins dans les faits.
De plus, la visite d’Eldorado introduit une pause dans un récit dont le rythme était
jusque-là rapide et trépidant. A la frénésie du début succède le repos, et à l’action la
description. Cet épisode, par la place qu’il occupe au centre du roman, joue un rôle
capital dans l’évolution de Candide.
 Vocabulaire : définition de l’utopie
L’Eldorado appartient au genre utopique. Qu’on la fasse remonter ou pas à
l’Antiquité, l’utopie moderne a une date du de naissance et un père connu : Thomas
More, le créateur du mot et du genre (Il écrira L’Utopie en 1516.). Le mot a une
double étymologie grecque : il peut venir de eutopie = le pays où tout est parfait,
mais aussi de outopie = le pays qui n’existe pas.
De quoi s’agit-il sous l’Ancien Régime ? De la description d’une cité idéale, d’un Etat
parfait, où une organisation rationnelle résout les plus graves difficultés des sociétés
réelles. L’utopie oppose donc, au monde tel qu’il est, une construction imaginaire de
la raison, cadre commode pour les idées peu orthodoxes. Du XVI au XVIII siècle, en
effet, on assiste en France à une croissance spectaculaire de la production d’utopies.
L’utopie peut prendre différentes formes, se mouler dans différents genres : récits de
voyage, roman, théâtre… On peut distinguer deux modes principaux de la narration
utopique : le récit autonome et le récit inséré dans une fiction qui le déborde
(Candide).
L’utopie de l’Ancien Régime est toujours politique. (En allemand, utopie se dit
Staatsroman)

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Voltaire Candide
 La description d’une utopie
Ce type de composition, où un voyageur découvre peu à peu un monde nouveau, est
celui des livres, nombreux à l’époque, qui décrivent une utopie. D’ailleurs, l’ouvrage
de Thomas More rapporte le récit d’un voyageur qui a visité un pays imaginaire où
un régime politique idéal gouverne un peuple heureux. Tout est passé en revue dans
le moindre détail : institutions, mœurs, religion, organisation du travail… Or Eldorado
répond à ce schéma, et il est possible d’en dégager les grands traits.
Politiquement, le pays est gouverné par une monarchie de type libéral, c’est-à-dire
favorable à la libre expression des pensées politiques, religieuses ou philosophiques.
Le roi n’a rien d’un souverain autoritaire et les rapports de hiérarchie sont assouplis  :
il est facile de l’aborder et de s’entretenir avec lui. Il reçoit les voyageurs avec toute
la grâce imaginable. Par ailleurs, il ne fait peser aucune tyrannie sur ses sujets,
puisque palais de justice et prisons n’existent pas. Cela veut dire aussi absence
d’antagonisme sociaux et donc de délits.
L’harmonie règne en effet entre les gens : pas de nobles et pas de différence entre
les sexes. Une grande place est accordée aussi à la vie sociale et à la courtoisie : le
roi invite aussitôt ses hôtes à souper. La complicité et la gaieté des habitants se
manifestent encore dans la pratique du bon mot, plaisanterie subtile qui nécessite la
complicité des interlocuteurs.
L’utopie d’Eldorado apparaît en outre comme une civilisation essentiellement
urbaine. Le principe est, comme il est dit au chapitre 17, de joindre l’utile et
l’agréable. Pour cela, l’espace est agrandi par de longues perspectives.
Sur le plan culturel, Eldorado consacre de grands moyens à la science et à la
recherche.
Cette civilisation atteint donc une forme de perfection. Elle permet en fait à Voltaire
d’exprimer, par le moyen de la fiction, ses propres aspirations : monarchie libérale,
urbanisme et urbanité, développement des sciences. Une partie de l’idéal de la
philosophie des Lumières s’y trouve rassemblée.
La description de cette utopie n’est cependant pas gratuite, et il importe pour
conclure de se demander quelle en est la fonction.
 Fonction de l’utopie d’Eldorado
Cette utopie a d’abord une fonction critique : en présentant un monde idéal, elle met
indirectement en évidence les insuffisances et les imperfection de la société du
XVIII : c’est une façon pour Voltaire d’attaquer cette société et de la remettre en
question. Il s’élève d’abord en faisant le portrait d’un souverain libéral, contre la
monarchie absolue des rois de France, qui représente pour lui une tyrannie
insupportable. Eldorado, où règnent la justice et la générosité, où tribunaux et
prisons n’existent pas, révèle en creux l’arbitraire et le fanatisme de la justice royale.
Par sa longue description de la ville, ce texte est par ailleurs une amusante critique
de l’urbanisme anarchique de paris. En soulignant enfin le plaisir de Candide au
palais des sciences, Voltaire rappelle qu’il est un défenseur acharné de la culture et
du progrès ; associé aux écrivains de L’Encyclopédie, il s’insurge contre toutes les
formes d’obscurantismes.
Reste à nous interroger sur le sens de cette fiction dans l’évolution intellectuelle de
Candide. Sa place au milieu du roman montre déjà qu’elle n’est pas un
aboutissement, mais seulement une étape. Par ailleurs, l’utopie d’Eldorado n’est
qu’esquissée, on n’a sur cet endroit des que des indication très vagues. Cette
imprécision prouve que Voltaire n’a pas voulu proposer un système directement
applicable, mais plutôt des valeurs.

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Voltaire Candide
10.5 Chapitre 21
- Mais à quelle fin ce monde a-t-il donc été formé ? dit Candide. - Pour nous faire enrager, répondit
Martin. - N'êtes-vous pas bien étonné, continua Candide, de l'amour que ces deux filles du pays des
Oreillons avaient pour ces deux singes, et dont je vous ai conté l'aventure ? - Point du tout, dit Martin ;
je ne vois pas ce que cette passion a d'étrange ; j'ai tant vu de choses extraordinaires, qu'il n'y a plus
rien d'extraordinaire. - Croyez-vous, dit Candide, que les hommes se soient toujours mutuellement
massacrés comme ils font aujourd'hui ? qu'ils aient toujours été menteurs, fourbes, perfides, ingrats,
brigands, faibles, volages, lâches, envieux, gourmands, ivrognes, avares, ambitieux, sanguinaires,
calomniateurs, débauchés, fanatiques, hypocrites et sots ? - Croyez-vous, dit Martin, que les éperviers
aient toujours mangé des pigeons quand ils en ont trouvé ? - Oui, sans doute, dit Candide. - Eh bien !
dit Martin, si les éperviers ont toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes
aient changé le leur ? - Oh ! dit Candide, il y a bien de la différence, car le libre arbitre... " En
raisonnant ainsi, ils arrivèrent à Bordeaux.

 Situation de l’extrait
L’extrait se situe entre Surinam et Bordeaux. C’est juste le moment de l’accostage.
 L’enjeu de l’extrait
C’est un chapitre de transition correspondant à une durée très restreinte, qui permet
de souligner l’évolution du héros au moment où il revient en Europe.
 La présence de Voltaire
Les souvenirs parisiens de Martin sont ceux de Voltaire, et c’est aussi lui qui fait
allusion à la querelle des coquilles marines par la bouche de Martin.
 L’évolution de Candide
Les dispositions d’esprit de Candide, à l’approche de l’Europe, n’ont plus rien de
commun avec ce qu’il était lors de sa fuite su Portugal vers l’Amérique. Le héros
remet en cause les vérités acquises dans les livres. Il dresse un véritable catalogue
des vices répandus dans une humanité où il a découvert des menteurs, fourbes,
perfides, ingrats, brigands, faibles…, fanatiques, hypocrites et sots. Sa dernière
question confirme qu’il admet l’existence du mal et qu’il s’oriente vers une recherche
des possibilités pour l’homme de lutter contre le mal.
Cette évolution est liée à l’influence de Martin qui apparaît de plus en plus désabusé.
C’est un personnage revenu de tout, qui a tant vu de choses extraordinaires qu’il
n’existe pour lui plus rien d’extraordinaire. Mais ce n’est pas un nouveau Mentor au
sens où Pangloss dirigeait Candide en confisquant toute velléité de réflexion : son
scepticisme et son réalisme conduisent Candide à s’ouvrir au monde, à poser des
questions et à refuser les solutions toutes faites : le voyage de Candide se
transforme en enquête.
10.6 Chapitre 25, premier extrait
Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Je ne lis que pour moi ; je n'aime que ce qui est à mon
usage. " Candide, qui avait été élevé à ne jamais juger de rien par lui-même, était fort étonné de ce
qu'il entendait ; et Martin trouvait la façon de penser de Pococuranté assez raisonnable.

" Oh ! voici un Cicéron, dit Candide ; pour ce grand homme-là, je pense que vous ne vous lassez point
de le lire ? - Je ne le lis jamais, répondit le Vénitien. Que m'importe qu'il ait plaidé pour Rabirius ou
pour Cluentius ? J'ai bien assez des procès que je juge ; je me serais mieux accommodé de ses
oeuvres philosophiques ; mais, quand j'ai vu qu'il doutait de tout, j'ai conclu que j'en savais autant que
lui, et que je n'avais besoin de personne pour être ignorant.
- Ah ! voilà quatre-vingts volumes de recueils d'une académie des sciences, s'écria Martin ; il se peut
qu'il y ait là du bon. - Il y en aurait, dit Pococuranté, si un seul des auteurs de ces fatras avait inventé
seulement l'art de faire des épingles ; mais il n'y a dans tous ces livres que de vains systèmes et pas
une seule chose utile.

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Voltaire Candide

 Situation de l’extrait
Cet extrait se passe à Venise chez Pococuranté. Auparavant, Candide et Martin ont
débarqué à Venise pour retrouver Cunégonde, mais à la place, ils rencontrent
Paquette, l’ancienne maîtresse de Pangloss, accompagnée d’un moine, frère
Giroflée. Candide et Martin décident d’aller voir un homme qui prétend n’avoir jamais
eu de chagrin (Pococuranté). Il les reçoit dans son somptueux palais. Candide
s’émerveille de tout, mais le sénateur le prend constamment à contre-pied. Sa façon
de démontrer le conformisme des modes artistiques ou littéraires, ses jugements à
l’emporte-pièce, son désintérêt pour l’opinion des autres apprennent à Candide, qui
avait été élevé à ne jamais juger de rien par lui-même, que l’on peut douter des idées
reçues. Candide sort de la réception convaincu que leur hôte est le plus heureux de
tout les hommes car il est au-dessus de tout ce qu’il possède.
 Pococuranté et le bonheur
Il ressort de son portrait que Pococuranté, ayant usé de tous les plaisirs, est devenu
incapable de trouver quelque nouveau piment dans l’existence. Voltaire prépare ainsi
une des conclusions du conte : l’ennui est un des trois grands maux que l’homme
doit vaincre. Pour Pococuranté, tout se vaut, et il se retrouve sur ce plan avec
martin : l’un et l’autre ont fait table rase de leurs illusions, mais comme ils n’ont plus
de véritable raison de vivre, leur détachement est devenu à son tour illusoire.
Pococuranté = qui se soucie de peu de choses. C’est l’homme de goût dont la
culture à force de raffinement a perdu tout centre d’intérêt. Il est au-dessus de tout ce
qu’il possède, mais en réalité, il ne possède rien. Sans aucune pise sur la vie, il
existe moins qu’il ne se regarde exister.
 La fonction de Pococuranté
Intelligent, homme de goût, comblé par la vie, Voltaire peut se permettre, tellement il
est vrai, de mettre dans leur bouche un certain nombre de ses propres jugements
moraux ou esthétiques, mais pas tous. Et il nous laisse pas moins juger avec
pertinence de son caractère. Blasé, sans scrupules, la franchise orgeuilleuse d’un
homme fier qui n’a jamais été contraint de biaiser, libéral par conviction et aussi par
une espèce de dédain, amateur de femmes, mais les méprisant trop pour connaître
l’amour, amateur d’art mais trop à l’écart de la vie pour pouvoir créer, sans chagrin
peut-être sans joie non plus, Pococuranté ne peut pas être heureux puisqu’il met son
plaisir à n’avoir pas de plaisir.
 L’ennui
Notre ennemi le plus grand, c’est l’ennui.
Voltaire ne condamne pas le divertissement par système comme Pascal, mais il sait
et il montre combien peut être vide, sinistre l’existence des mondains, des oisifs, des
faibles, de tous ceux qui n’ont pas le courage d’âtre vraiment eux-mêmes, onsectes
sans lumière intérieure qui se précipitent au-devant de n’importe qu’elle lampe
allumée pour tenter de jouir-, pour brûler, pour périr.
Même le seigneur Pococuranté, fin, intelligent, disert, ayant usé tous les plaisirs, est
devenu incapable de trouver des choses nouvelles qui lui plaisent.

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10.7 Chapitre 25, deuxième extrait


Au reste, je dis ce que je pense, et je me soucie fort peu que les autres pensent comme moi. "
Candide était affligé de ces discours ; il respectait Homère, il aimait un peu Milton. " Hélas ! dit-il tout
bas à Martin, j'ai bien peur que cet homme-ci n'ait un souverain mépris pour nos poètes allemands. - Il
n'y aurait pas grand mal à cela, dit Martin. - Oh, quel homme supérieur ! disait encore Candide entre
ses dents, quel grand génie que ce Pococuranté ! rien ne peut lui plaire. "
Après avoir fait ainsi la revue de tous les livres, ils descendirent dans le jardin. Candide en loua toutes
les beautés. " Je ne sais rien de si mauvais goût, dit le maître : nous n'avons ici que des colifichets ;
mais je vais dès demain en faire planter un d'un dessin plus noble. "
Quand les deux curieux eurent pris congé de Son Excellence : " Or çà, dit Candide à Martin, vous
conviendrez que voilà le plus heureux de tous les hommes, car il est au-dessus de tout ce qu'il
possède. - Ne voyez-vous pas, dit Martin, qu'il est dégoûté de tout ce qu'il possède ? Platon a dit, il y
a longtemps, que les meilleurs estomacs ne sont pas ceux qui rebutent tous les aliments. - Mais, dit
Candide, n'y a-t-il pas du plaisir à tout critiquer, à sentir des défauts où les autres hommes croient voir
des beautés ? - C'est-à-dire, reprit Martin, qu'il y a du plaisir à n'avoir pas de plaisir ? - Oh bien ! dit
Candide, il n'y a donc d'heureux que moi, quand je reverrai Mlle Cunégonde. - C'est toujours bien fait
d'espérer ", dit Martin.

 L’initiation involontaire de Pococuranté


Pococuranté, sans le vouloir, va apprendre des choses importantes à Candide.
Premièrement, qu’on ne forme un jugement que à partir de soi, de ce qu’on
comprend, et non à partir du jugement d’autrui. Pococuranté n’est donc pas comme
Pangloss, il réfléchit et a un esprit critique.
On peut comprendre par ce passage que la sagesse est entre Pangloss, optimiste
dépourvu d’esprit critique, et Pococuranté, qui lui en est arrivé à un tel point, qu’il n’a
plus aucun plaisir à vivre.
De plus, Pococuranté initiera Candide à la littérature.
10.8 Chapitre 30
Pendant cette conversation, la nouvelle s'était répandue qu'on venait d'étrangler à Constantinople
deux vizirs du banc et le muphti, et qu'on avait empalé plusieurs de leurs amis. Cette catastrophe
faisait partout un grand bruit pendant quelques heures. Pangloss, Candide et Martin, en retournant à
la petite métairie, rencontrèrent un bon vieillard qui prenait le frais à sa porte sous un berceau
d'orangers. Pangloss, qui était aussi curieux que raisonneur, lui demanda comment se nommait le
muphti qu'on venait d'étrangler. " Je n'en sais rien, répondit le bonhomme, et je n'ai jamais su le nom
d'aucun muphti ni d'aucun vizir. J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez ; je présume
qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils
le méritent ; mais je ne m'informe jamais de ce qu'on fait à Constantinople ; je me contente d'y
envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive. " Ayant dit ces mots, il fit entrer les étrangers dans sa
maison : ses deux filles et ses deux fils leur présentèrent plusieurs sortes de sorbets qu'ils faisaient
eux-mêmes, du kaïmac piqué d'écorces de cédrat confit, des oranges, des citrons, des limons, des
ananas, des pistaches, du café de Moka qui n'était point mêlé avec le mauvais café de Batavia et des
îles. Après quoi les deux filles de ce bon musulman parfumèrent les barbes de Candide, de Pangloss
et de Martin.
" Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? - Je n'ai que vingt arpents,
répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux :
l'ennui, le vice, et le besoin. "

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Voltaire Candide

Candide, en retournant dans sa métairie, fit de profondes réflexions sur le discours du Turc. Il dit à
Pangloss et à Martin : " Ce bon vieillard me paraît s'être fait un sort bien préférable à celui des six rois
avec qui nous avons eu l'honneur de souper. - Les grandeurs, dit Pangloss, sont fort dangereuses,
selon le rapport de tous les philosophes : car enfin Églon, roi des Moabites, fut assassiné par Aod ;
Absalon fut pendu par les cheveux et percé de trois dards ; le roi Nadab, fils de Jéroboam, fut tué par
Baaza ; le roi Éla, par Zambri ; Ochosias, par Jéhu ; Athalia, par Joïada ; les rois Joachim, Jéchonias,
Sédécias, furent esclaves. Vous savez comment périrent Crésus, Astyage, Darius, Denys de
Syracuse, Pyrrhus, Persée, Annibal, Jugurtha, Arioviste, César, Pompée, Néron, Othon, Vitellius,
Domitien, Richard II d'Angleterre, Édouard II, Henri VI, Richard III, Marie Stuart, Charles Ier, les trois
Henri de France, l'empereur Henri IV ? Vous savez... - Je sais aussi, dit Candide, qu'il faut cultiver
notre jardin. - Vous avez raison, dit Pangloss : car, quand l'homme fut mis dans le jardin d'Éden, il y
fut mis ut operaretur eum, pour qu'il travaillât, ce qui prouve que l'homme n'est pas né pour le repos. -
Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. "

Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite
terre rapporta beaucoup. Cunégonde était à la vérité bien laide ; mais elle devint une excellente
pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n'y eut pas jusqu'à frère Giroflée qui ne
rendît service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss disait
quelquefois à Candide : " Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes
possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau château à grands coups de pied dans
le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez
pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez
pas perdu tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et
des pistaches. - Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.

 Situation de l’extrait
Cet extrait se trouve à la fin du conte. Auparavant, Candide a épousé Cunégonde qui
est devenue laide et aigrie. Il a acheté une petite Métairie près de Constantinople et il
s’y est installé avec ses amis. Très vite, l’ennui gagne chacun d’eux. Un jour, ils vont
consulter un derviche. Ils lui demandent la raison de l’existence de l’homme. Le
derviche raconte une histoire, dit à Pangloss de se taire et il leur ferme la porte au
nez.
 Le résumé de l’extrait
Pangloss, Candide et Martin, en retournant à la Métairie, rencontrent un bon vieillard.
Pangloss lui demande le nom du muphti qui vient d’être étranglé à Constantinople.
Le turc répond qu’il n’en sait rien et qu’il ne s’occupe pas des affaires publiques. Le
vieillard dit qu’il cultive sa terre avec ses enfants et il ajoute que le travail éloigne de
nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. Cette dernière phrase laisse
Candide songeur. Pangloss, pendant qu’il fait une énumération est interrompu par
Candide qui dit, il faut cultiver notre jardin. Martin propose donc à ses amis de
travailler sans résonner. Cunégonde devient une excellente pâtissière. Tout le
monde travaille mise à part Pangloss qui ne cesse de parler. Il dit à Candide, que
toute son aventure s’est enchaînée dans le meilleur des mondes possibles. Candide
répète qu’il faut cultiver son jardin.
 L’enjeu de l’extrait
Cet épisode apporte une solution léthargique où croupit la petite communauté. Ni
Candide ni Pangloss n’ayant été capable de trouver une vois dans la vie, le narrateur
leur fournit une issue par le moyen d’une double rencontre : celle du derviche les
incite à une réforme de leur pensée, puis celle du vieillard les oriente vers la vie
pratique. Autant dire qu’à travers ce texte essentiel, c’est toute la conclusion du
conte qui est mise en place.
Il faut que les personnages décident de la suite pratique à donner aux deux visites
qu’ils viennent de faire : se taire et travailler.

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Voltaire Candide

 Le bon vieillard, une leçon de vie pratique


La deuxième rencontre suit immédiatement celle du derviche : en retournant à la
petite métairie, ils rencontrèrent un bon vieillard… ; la Providence sert les
questionneurs errants, l’heure des solutions est venue et le narrateur-conteur veut
arriver vite à se conclusion. Les clés de la vie heureuse proposées par le sage qui
les invite chez lui sont au nombre de trois :
La retraite. Le bon vieillard enseigne une position de retrait face aux affaires
publiques, il refuse de se mêler de politique ; c’est dangereux, mieux vaut
prudemment se tenir à l’écart des charges et fonctions. Il va encore plus loin dans
son désintérêt : je ne m’informe jamais de ce qu’on fait à Constantinople. Cette
prudence apporte certes la sécurité, mais elle paraît un peu courte et timorée ; elle
privilégie un repliement sur soi frileux ; elle entraîne un rétrécissement de la sphère
des intérêts et des engagements, un abstentionnisme craintif. Voltaire n’a pas vécu
ainsi.
L’aisance. Enfin voilà un homme comblé : il est hospitalier, épanoui dans ses
affections familiales, généreux envers ses hôtes, sachant produire les biens simples
que dispense la nature, des oranges, des citrons, des ananas… du café de moka…
L’effet d’accumulation de la phrase énumérative traduit son contentement. On n’avait
pas admiré une telle profusion depuis l’hôtellerie de l’Eldorado. Cet équilibre
champêtre est pimenté d’une pointe de malice : les deux filles de ce bon musulman
parfumèrent les barbes de Candide… Ce tableau gentiment idyllique n’aurait pas
déplu à Rousseau.
La labeur. Le secret de ce bonheur réside dans la famille et le travail. Apparaît ici
une éthique de la communauté familiale, source de prospérité, la seule image de la
famille dans Candide depuis la destruction du château. Et l’effort porte ses fruits,
même sur une petite terre ; donc l’aisance est à la portée de chacun si l’on donne la
peine de la conquérir.
Le vieillard résume toute sa conception de la vie en une formule qui constitue
l’apologie des effets positifs du travail : le travail éloigne de nous trois grands maux :
l’ennui, le vice et le besoin. Il est le remède aux maux essentiels, le message le
mieux adapté aux besoins de la communauté.
Après l’autorité cassante du derviche, les visiteurs, du moins Candide, ne pouvaient
qu’être séduits par la sagesse souriante du vieillard.
 La sclérose de Pangloss
Tout le prouve dans ce texte : Pangloss est un bavard qui n’a rien compris.
L’observation des temps de parole de chacun suffit à montrer que Pangloss, qui
parle longuement, n’a rien compris. Peu importe ce qu’il dit, il produit du discours, et
par cela seul il manifeste qu’il persévère dans le vice du verbalisme : il est plus que
jamais Pangloss, monsieur Tout-en-discours.
Quant au contenu des propos, c’est du Pangloss à l’état pur : une énumération de
noms propres censée démontrer que les grandeurs… sont fort dangereuses, leçon
de philosophie historique totalement hors situation. Ensuite, il reprend son
argumentation familière : Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des
mondes possibles ; car enfin…, et il récapitule l’enchaînement des faits depuis le
château jusqu’au repas chez le vieillard.

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Voltaire Candide

Il se révèle donc incapable de se corriger, prisonnier des mêmes idées fausses,


enfermé dans son système de pensée. Il figure un phénomène de conversation
mental, emmuré dans sa langue de bois, comme le fils du baron, un dinosaure
qu’aucune expérience n’a fait évoluer.
 Le bon sens de Candide
Contrairement à Pangloss, Candide est capable de bon sens, et même de progrès.
Le portrait initial montrait un esprit réceptif : Il avait le jugement assez droit, avec
l’esprit le plus simple. On a vu Candide au fur et à mesure de ses aventures remettre
en cause les certitudes de son éducation. Avoir l’esprit simple, c’est aussi garder les
yeux ouverts et candide a su voir ; la leçon de vie donnée par le vieillard était
concrète, son bonheur visuellement perceptible, les effets positifs du travail
vérifiables. La capacité de percevoir le réel s’est éveillée chez lui peu à peu, et cette
fois il est prêt à en faire usage
L’influence de ce spectacle est déterminante ; il voit clair et il ose à deux reprises
formuler contre Pangloss l’exigence du travail. Une première fois, il rétorque à son
maître : Je sais, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin. Ensuite, confonté à
l’obstination phraseuse du philosophe, et renonçant à le convaincre, il édicte la
sentence qui constitue l’ultime phrase du conte : Cela est bien dit, répondit Candide,
mais il faut cultiver notre jardin.
Il formule là une valeur positive encore étrangère au groupe : il n’est plus le jeune
garçon du début, soumis à la pensée du maître ; il a pris de l’assurance, acquis une
sorte de certitude, un début de sagesse laborieuse.
La portée du propos est sujette à débat. Cette affirmation de soi est trop tardive et
trop brièvement énoncée pour que l’on puisse parler d’un parcours d’apprentissage
du héros. Elle n’est après tout que le simple constat d’une nécessité ; les réfugiés de
la métairie n’ont guère le choix de faire autrement, et le travail paraît une issue
imposée pour se tirer de la galère d’ennui et de misère où ils ramènent tous depuis
leur installation.
 Interpréter le jardin
Deux analyse opposées sont possibles de cette philosophie du jardin :
Le jardin dresse un constat d’échec, il propose la vision d’une existence bornée, où
l’on se tapit à l’écart pour se protéger des malheurs du monde. Tous les
personnages se confinent dans un exil loin de leur patrie et s’accommodent d’un bien
modeste destin. Cette vision étriquée montre le renoncement des gens épuisées par
trop de courses, et dont l’ambition et les forces se limitent à survivre dans le
désordre ambiant. Après avoir arpenté le vaste théâtre du monde pour en finir dans
un coin perdu à cultiver des légumes, quelle dérision en effet !
Mais la solution du jardin devient positive si l’on insiste sur les effets bénéfiques de
l’activité aussi bien pour les personnages que pour les denrées produites. Après tant
d’échecs et de désillusions, les héros trouvent un équilibre, sauvés de l’agitation, de
la pauvreté, de l’ennui et des vertiges de l’idéologie. Ils peuvent aussi, comme le
vieillard exemplaire, parvenir au bonheur.
Et plus largement, le jardin peut se lire comme le symbole d’une planète à mettre en
valeur, il est l’appel aux responsabilités humaines et à l’action civilisatrices ; il
formule une philosophie de l’action qui incite à l’aménagement du séjour terrestre, et
qui annonce la période dynamique de Ferney.

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Voltaire Candide

 Conclusion
On laissera le dernier mot à Flaubert, qui a vu dans le jardin l’image même de la vie :
La fin de candide est pour moi la preuve criante d’un génie de premier ordre. La griffe du lion est
marquée dans cette conclusion tranquille, bête comme la vie.

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