Auto Anticorps
Auto Anticorps
Auto Anticorps
Auto-anticorps :
quand les demander ?
Leur recherche doit être motivée par un contexte clinico-biologique évocateur.
C
e sont des anticorps synthétisés par
l’organisme et dirigés contre les
Deux types d’auto-anticorps
auto-antigènes (antigènes du soi),
principalement des acides nucléiques et des • Les auto-anticorps spécifiques d’organes (tableau 2) retrouvés dans
protéines (encadré 1). Ces auto-antigènes les maladies auto-immunes spécifiques d’organes, comme les anticorps
peuvent être spécifiques ou non spécifiques antithyroïdiens dans les thyroïdites auto-immunes ou les anticorps antifacteur
d’organes, dirigés contre un antigène présent intrinsèque dans la maladie de Biermer (tableau 1).
dans de nombreux tissus. • Les auto-anticorps non spécifiques d’organes, comme les anticorps
antinucléaires ou les anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA),
■
présents dans les maladies systémiques, comme le lupus érythémateux
Quand les demander ? systémique ou les vascularites. Les plus utilisés sont les anticorps antinucléaires,
les anticorps antiphospholipides et les ANCA.
Devant un tableau clinico-biologique
d’emblée évocateur d’une maladie auto-
immune particulière (p. ex., une femme laboratoire ; enfin, un déficit immunitaire antithyroïdiens chez un patient sans signe
jeune ayant des arthralgies inflammatoires constitutionnel ou acquis (comme l’infection de dysthyroïdie peuvent précéder l’appari-
et un vespertilio, faisant suspecter un lupus par le VIH ou un traitement par corticoïdes) tion d’une hypothyroïdie, il en est de même
érythémateux) pour conforter le diagnostic. peut les masquer. pour les anticorps antinucléaires anticipant
Devant des manifestations systémiques, Leur présence ne signe pas une maladie un lupus ou les anticorps anti-CCP vis-à-vis
dont l’ensemble n’oriente pas vers une mala- auto-immune, on peut les retrouver dans de la polyarthrite rhumatoïde. Dans ce cas,
die auto-immune spécifique (arthralgies et certaines inflammations non spécifiques, on propose une surveillance clinique régu-
myalgies diffuses associées à une altération comme une infection virale par le VIH ou lière et des contrôles biologiques répétés.
de l’état général et un syndrome inflamma- le parvovirus B19, au cours des néoplasies
■
toire chez un homme d’âge moyen). et des hémopathies. Ils peuvent être induits
Systématiquement dans certains bilans par certains médicaments et sont plus fré- Anticorps antinucléaires
étiologiques : hypothyroïdie de la femme quents après 60 ans (tableau 1).
jeune, où les anticorps antithyroïdiens orien- En l’absence de manifestations cliniques Deux méthodes sont habituellement utilisées
tent vers une thyroïdite auto-immune ; ano- caractéristiques, ils sont parfois détectés plu- pour les rechercher : l’immunofluorescence
malies des tests hépatiques inexpliqués où sieurs mois ou années avant une véritable indirecte (IFI), et l’Enzyme Linked Immuno-
les anticorps antimitochondries font évoquer maladie auto-immune. Ainsi, des anticorps Sorbent Assay (ELISA).
une cirrhose biliaire primitive ; thromboses
récidivantes chez un sujet jeune où des anti-
corps antiphospholipides sont en faveur d’un PATHOLOGIES POUVANT ÊTRE ASSOCIÉES À DES ANTICORPS
syndrome des antiphospholipides. TABLEAU 1 ANTINUCLÉAIRES
Leur absence n’exclut pas le diagnostic de Infections virales VIH ; VHC ; parvovirus B19 ; mononucléose infectieuse
la maladie auto-immune suspectée, notam- Cancers – Lymphomes ; LLC ; Waldenström
ment au début de l’affection. En outre, ils ne – Leucémies aiguës
sont pas constants dans toutes les maladies – Cancers ; syndrome myéloprolifératif
auto-immunes ; leur détection dépend de la
Médicaments -bloquants, isoniazide, procaïnamide, interféron, anti-TNF, minocycline
technique utilisée et du seuil de chaque
Sujets sains Âge > 60 ans
Maladies auto-immunes Connectivite mixte (SHARP) ; syndrome de Gougerot-Sjögren ; myosites
non spécifiques d’organes inflammatoires ; sclérodermie ; LES ; vascularites systémiques
* Service de médecine interne,
hôpital Jean-Verdier, université Paris 13,
Maladies auto-immunes Thyroïdites auto-immunes ; myasthénie ; cirrhose biliaire primitive ;
93140 Bondy. spécifiques d’organes hépatites auto-immunes ; sclérose en plaques
arsene.mekinian@jvr.aphp.fr
➜ La détection d’un auto-anticorps est importante pour le diagnostic d’une maladie auto-immune,
mais, négative, elle ne l’exclut pas.
➜ Par ailleurs, leur présence n’est pas synonyme de maladie auto-immune.
➜ On en distingue 2 types : les auto-anticorps spécifiques d’organes et les non spécifiques d’organes
comme les anticorps antinucléaires ou les anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA),
présents dans les maladies systémiques, comme le lupus érythémateux systémique ou les vascularites.
L’IFI, méthode très sensible, mais peu spé- PRINCIPAUX AUTO-ANTICORPS SPÉCIFIQUES D’ORGANES
cifique, est utilisée comme test de dépistage. TABLEAU 2 (LISTE NON EXHAUSTIVE)
La fluorescence observée en IFI peut avoir
Affections spécifiques d’organes Auto-anticorps spécifiques d’organes
différents aspects (homogène, moucheté ou
nucléolaire) qui correspondent à diverses Maladies digestives et hépatobiliaires
spécificités (cibles) des anticorps. Par exem- Maladie de Biermer Anticellules pariétales gastriques
Antifacteur intrinsèque
ple, la fluorescence homogène est typique-
Maladie cœliaque Antitransglutaminase
ment associée aux anticorps anti-DNA
Antigliadine
(évocateur d’un lupus érythémateux systé- Cirrhose biliaire primitive Antimitochondries M2
mique), alors que, mouchetée, elle corres- Hépatite auto-immune Anti-LKM1
pond à des auto-anticorps anti-antigènes Anti-actine
nucléaires solubles (anti-ECT) qu’on trouve Cytopénies auto-immunes
dans plusieurs maladies auto-immunes Purpura thrombopénique immunologique Antiplaquettes (MAIPA /Dixon)
(tableau 3). Le seuil de positivité pour les Anémie hémolytique auto-immune Antiglobules rouges (Coombs)
anticorps antinucléaires habituellement
Pemphigoïde bulleuse Antimembrane basale cutanée
retenu est supérieur à 1/160, et la caractéri-
sation de l’anticorps sera alors complétée Maladies endocriniennes
pour déterminer le type précis, le plus sou- Maladie d’Addison Antisurrénaliens
vent à l’aide d’ELISA. Contrairement à l’IFI, Diabète insulinodépendant Anti-îlots de Langerhans
les résultats obtenus avec ELISA sont quan- Anti-GAD II
Thyroïdite de Hashimoto Antithyroglobuline/antithyropéroxydase
titatifs.
Thyroïdite de Basedow Antirécepteur de la TSH
■
Maladies neurologiques
Myasthénie Antirécepteur de l’acétylcholine
ANCA Polyradiculonévrite aiguë Antiganglioside (MI GDIa GM2)
Polyneuropathie chronique Antiganglioside (GDIb GD2 GD3 GTIb)
Ils sont dirigés contre des antigènes localisés
Antimyéline (MAG)
dans le cytoplasme des polynucléaires neu- Encéphalite limbique Anti-Hu
trophiles. Leur recherche est habituellement
motivée par un contexte clinico-biologique
(encadré 2) et fait appel le plus souvent à
l’IFI et ELISA. L’IFI, plus sensible mais TABLEAU 3 ASPECT DES ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES SUR CELLULES HEP-2*
moins spécifique qu’ELISA, est utilisée pour
dépister. L’aspect en fluorescence est de Aspect (IFI) Auto-anticorps (après caractérisation) Maladie auto-immune associée
deux types : cytoplasmique (c-ANCA) et péri- Homogène Anti-DNA natif Lupus
nucléaire (p-ANCA). Les c-ANCA correspon- Antihistones Lupus induit
dent habituellement en ELISA à des anti- Antinucléosomes Lupus
corps antiprotéinase 3 (anti-PR3), et les Moucheté Anti-Sm Lupus
p-ANCA à des anticorps antimyélopéroxi- Anti-RNP Syndrome de Sharp/lupus
dase (anti-MPO). Anti-SSA/SSB Syndrome de Sjögren/lupus
Les ANCA sont utiles au diagnostic et Anti-Scl70 Sclérodermie diffuse
au suivi des vascularites systémiques Nucléolaire Anti-Pmscl Scléromyosite
ANCA-positives, parmi lesquelles la polyan- Anti-ARNpolymérase I Sclérodermie diffuse
géite avec granulomatose (anciennement Centromérique Anticentromères Sclérodermie limitée (CREST)
granulomatose de Wegener), la polyangéite
microscopique, la glomérulonéphrite pauci- * L’aspect nucléaire à l’IFI permet de s’orienter vers la spécificité de l’anticorps et la maladie associée
immune isolée, le syndrome de Churg-
Strauss. avec granulomatose, les p-ANCA anti-MPO avec un syndrome de Churg-Strauss. Les
Les c-ANCA anti-PR3 sont présents chez plus chez 60-75 % des malades avec une poly- ANCA sont en revanche habituellement
de 90 % des patients ayant une polyangéite angéite microscopique et 40 % des patients absents dans la périartérite noueuse.
■ Anticorps
antiphospholipides
Il faut les rechercher dans les situations évo-
gement par l’adjonction de plasma témoin) ;
– anticorps anticardiolipines (IgG et/ou IgM)
présents à au moins 2 reprises, à un titre
intermédiaire ou élevé (> 40 UGPL ou MPL,
suffisent pas pour poser le diagnostic de
SAPL. Cela peut être considéré comme un
portage asymptomatique.
RÉFÉRENCES
catrices d’un syndrome des antiphospholi- ou > 99e percentile, ELISA) ; 1. Arnaud L, Amoura Z. Conduite à tenir devant une
pides (SAPL primaire ou associé, encadré 3). – anticorps anti-bêta2GP1 (IgG et/ou IgM) pré- recherche positive d’anticorps antinucléaires. In:
Rousset H, Vital Durand D, Dupont JL, Pavic M, eds.
Plusieurs techniques : sents à un titre > au 99e percentile, à au moins Diagnostics difficiles en médecine interne, 3e éd.
– sérologie syphilitique : TPHA-VDRL, avec 2 reprises, à 12 semaines d’intervalle (ELISA). Paris: Maloine; 2008.
un VDRL positif et un TPHA négatif (fausse Du fait de l’hétérogénéité des antigènes 2. Ruiz-Irastorza G, Crowther M, Branch W, Kha-
sérologie syphilitique positive) ; au cours du SAPL, ces différents tests sont mashta MA. Antiphopholipid syndrome. Lancet
2010;376:1498-509.
– test fonctionnel à la recherche d’un anticoa- complémentaires et doivent être associés.
gulant circulant lupique (temps de céphaline Des anticorps antiphospholipides isolés en Les auteurs déclarent n’avoir aucun
conflit d’intérêts.
activée allongé et pas de correction de cet allon- l’absence de manifestations cliniques ne