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Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne: Physiopathologie

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 13-006-D-25

Hémoglobinurie paroxystique nocturne


G. Socié, F. Sicre de Fontbrune, D. Michonneau, R. Peffault de Latour

L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est une maladie acquise rare caractérisée par l’association, à
des degrés divers, d’une pancytopénie de type aplasie médullaire et d’une anémie hémolytique à test de
Coombs négatif et par la propension à développer des thromboses, en particulier de type syndrome de
Budd-Chiari ou thrombose veineuse cérébrale. Son diagnostic est réalisé par cytométrie de flux. Il s’agit
d’une maladie de la cellule souche hématopoïétique de nature clonale, due à une mutation somatique
du gène PIG-A. Le traitement fait discuter la greffe de cellules souches hématopoïétiques pour les formes
graves, le traitement immunosuppresseur dans les formes aplasiques et l’éculizumab dans les formes
hémolytiques.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hémoglobinurie paroxystique nocturne ; Aplasie médullaire ; Molécules GPI ; PIG-A ; Complément

Plan différentes formes cliniques, dont les plus fréquentes sont une
forme hémolytique pure et le syndrome aplasie-HPN. La gravité
■ Introduction 1 de la maladie est liée aux complications thrombotiques.
■ Physiopathologie 1
Biologie cellulaire et moléculaire de l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne 1  Physiopathologie
Hémoglobinurie paroxystique nocturne, maladie clonale
non maligne 2 L’HPN a été décrite à la fin du XIXe siècle comme une hémoglo-
Physiopathologie des symptômes et des signes cliniques binurie intermittente accompagnée d’hémolyse intravasculaire.
de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne 2 L’HPN, ou maladie de Marchiafava-Micheli, est aujourd’hui
considérée comme une maladie clonale de la cellule souche héma-
■ Manifestations cliniques et complications 3 topoïétique. Les progrès de la cytométrie en flux puis de la biologie
Formes cliniques (données issues du registre français) 3 moléculaire ont permis de mieux comprendre la physiopatho-
Caractéristiques au diagnostic 3 logie de cette maladie rare (460 cas diagnostiqués en 50 ans en
Complications 3 France) [2] .
■ Pronostic 4
■ Diagnostic biologique 4
Biologie cellulaire et moléculaire
■ Traitements 5
Soins de support 5
de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne
Éculizumab 5 Dès la description initiale de l’HPN [2] , la sensibilité anormale
Traitements immunosuppresseurs 5 des globules rouges à l’action lytique du complément a été consi-
Greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques 6 dérée comme sa caractéristique principale. Elle est à la base des
Indications thérapeutiques 6 tests diagnostiques de Ham et Dacie et du test au sucrose. Cette
■ Conclusion 6 sensibilité anormale des globules rouges à l’action du complément
a fait évoquer un déficit membranaire impliquant un système de
régulation de la cascade d’activation du complément.
Les deux voies d’activation du complément, classique et alterne,
 Introduction se rejoignent en une voie effectrice commune conduisant à la
formation d’un complexe multimoléculaire appelé « complexe
L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) est une affec- d’attaque membranaire » (CAM). L’étape essentielle de la cas-
tion rare et sévère, caractérisée par une anémie hémolytique cade du complément est la formation de fragments activés de
corpusculaire intravasculaire acquise, un risque très élevé de la fraction C3 (C3b) par les C3 convertases respectives des deux
thrombose et une hypoplasie médullaire plus ou moins marquée. voies d’activations. Au début des années 1980, il a été mon-
L’HPN est due à l’expansion d’une ou de plusieurs cellules souches tré que deux protéines inhibitrices de l’action du complément
hématopoïétiques clonales présentant une mutation du gène PIG- n’étaient pas exprimées à la surface des globules rouges de patients
A, responsable d’un déficit d’expression des molécules ancrées à la atteints d’HPN. Ces deux molécules sont le decay accelerating
membrane des cellules du sang par l’intermédiaire d’une molécule factor (DAF) (CD55), qui agit au niveau des C3 et C5 conver-
glycosyl-phosphatidyl-inositol (GPI) [1] . Le mécanisme favorisant tases, et le membrane inhibitor of reactive lysis (MIRL) (CD59), qui
l’expansion de ce(s) clone(s) reste mal élucidé mais semble lié à bloque la formation du complexe d’attaque membranaire. Elles
l’hypoplasie médullaire sous-jacente. L’HPN peut se présenter sous sont essentielles pour protéger les globules rouges de la lyse par le

EMC - Hématologie 1
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1984(16)74184-7

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13-006-D-25  Hémoglobinurie paroxystique nocturne

complément [3–6] . Par la suite, un défaut d’expression d’un grand trouvés fréquemment mutés chez des patients présentant des
nombre de protéines aux fonctions hétérogènes (CD16a, CD14, cytopénies d’origine indéterminée, avec ou sans signes de dys-
CD58, CDw52, etc.) a été mis en évidence dans l’HPN. Le lien myélopoïèse [28] . Enfin, on retrouve ces mutations chez des sujets
entre toutes ces molécules est un élément structurel commun, indemnes de toute maladie hématologique et leur fréquence aug-
le GPI, qui assure leur ancrage à la membrane cellulaire. Du fait mente avec l’âge [29, 30] . Certains ont donc été tentés d’assimiler
d’un défaut de synthèse de l’ancre GPI, ces molécules sont syn- l’HPN avec les SMD. Selon les auteurs, il n’existe aucun argument
thétisées normalement dans les cellules HPN, mais ne sont pas scientifique pour corroborer cette hypothèse. L’HPN est une mala-
exprimées à leur surface. Le système GPI est une structure compor- die non maligne, dont l’évolution vers un SMD ou une leucémie
tant un phosphatidylinositol dont les acides gras pénètrent dans demeure exceptionnelle, et il n’existe pas d’argument scientifique
le feuillet lipidique externe de la membrane et qui est engagé par démontrant que ces mutations sont à l’origine de l’avantage de
une liaison peptidique avec la partie C-terminale de la protéine prolifération des cellules HPN.
ancrée. La molécule d’ancrage confère à la protéine des proprié-
tés mécaniques d’attache, mais aussi biochimiques (clivage par
des phospholipases spécifiques) et physiologiques particulières Physiopathologie des symptômes
(grande mobilité latérale). L’assemblage biochimique de l’ancre et des signes cliniques de l’hémoglobinurie
GPI a lieu dans le réticulum endoplasmique [7–9] . Dans l’HPN, le
déficit en GPI est dû à l’atteinte des premières étapes de sa biosyn- paroxystique nocturne
thèse [10] . Parmi les gènes identifiés, PIG-A a été démontré comme
La physiopathologie de l’HPN explique en grande partie les
responsable de l’immense majorité des formes hémolytiques
signes cliniques de la maladie.
d’HPN. Le gène PIG-A est situé sur le chromosome X : un seul allèle
est donc exprimé [11–14] . Ces découvertes et le séquençage du gène
PIG-A ont ouvert la voie de l’élucidation moléculaire de l’HPN. Hémolyse
Plusieurs équipes ont démontré que des altérations moléculaires L’hémolyse est la conséquence du défaut d’expression des molé-
du gène PIG-A sont présentes chez tous les patients atteints d’HPN. cules GPI, en particulier du CD55 et du CD59, qui se traduit
Les mutations décelées se situent sur l’ensemble du gène (exons par une sensibilité anormale des érythrocytes au complément
et introns), rendant en pratique clinique courante un diagnostic in vitro. Le mécanisme des crises hémolytiques est cependant
moléculaire irréalisable. Enfin, certains patients sont porteurs de moins bien connu. Il semble qu’à l’occasion d’une infection ou
plusieurs anomalies génétiques de PIG-A, affectant généralement d’un stress, les globules rouges des patients réexpriment à leur
des populations cellulaires différentes, suggérant que l’HPN pour- surface des antigènes cryptiques (du système Th). Les antigènes
rait être dans certains cas une maladie oligoclonale [15, 16] . Très Th sont alors reconnus par le système immunitaire, qui active le
récemment ont été décrites des altérations moléculaires d’autres complément, lequel n’est plus régulé par CD55 et CD59, ce qui
gènes PIG : PIG-M, responsable d’une encéphalopathie néonatale aboutit à une crise hémolytique. Cette hémolyse est responsable
mais ne s’accompagnant pas d’une anémie hémolytique et PIG-T, d’une hémoglobinémie aiguë, saturant les deux voies classiques
décrit chez un patient allemand atteint d’HPN. À la différence de d’élimination de l’hémoglobine libre : l’endocytose et la dégrada-
PIG-A, l’HPN liée à des mutations dans le gène PIG-T (qui est un tion par les macrophages (liaison à l’haptoglobine et oxydation en
autosome) implique l’existence d’une mutation germinale sur un méthémoglobine puis dégradation par le foie). Il en résulte une
des allèles et l’acquisition d’une mutation somatique des cellules hémoglobinurie [1] .
souches hématopoïétiques [17] .
Dystonie musculaire lisse
Hémoglobinurie paroxystique nocturne, L’hémoglobine libre en excès dans le plasma se lie de façon
maladie clonale non maligne irréversible à l’oxyde nitrique (NO). La lyse intravasculaire des
globules rouges provoque de plus l’élimination dans le plasma
L’HPN est caractérisée par la coexistence, chez la majorité des de l’arginase érythrocytaire, responsable de la métabolisation de
patients, de cellules normales et de cellules mutées (le « clone » la L-arginine en ornithine, diminuant la disponibilité de la L-
HPN). L’importance relative du clone HPN et de l’hématopoïèse arginine indispensable pour la synthèse de l’oxyde nitrique. Le
normale est variable d’un patient à l’autre et peut évoluer au cours déficit en oxyde nitrique entraîne une dysrégulation du tonus des
du temps. Ces éléments sont en faveur du modèle proposé par muscles lisses et les symptômes de dystonie (dysphagie, douleur
Rotoli et Luzzatto, selon lequel la population médullaire GPI- abdominale et dysfonction érectile) [31–33] .
négative (issue d’une ou de plusieurs cellules souches) possède
un avantage de croissance (ou de survie) face à un mécanisme
d’agression responsable d’une aplasie médullaire [6, 18] . Des tra-
Thromboses
vaux anciens avaient montré l’hétérogénéité des précurseurs La physiopathologie des thromboses dans l’HPN est pour
myéloïdes vis-à-vis de l’action lytique du complément et que l’instant mal connue mais plusieurs hypothèses [34] , non mutuel-
cette hétérogénéité était bien liée à la coexistence de populations lement exclusives, ont été proposées (Fig. 1). L’accumulation de
GPI-positive (normale) et négative (mutée). La population des l’hémoglobine libre pourrait jouer un rôle en activant les cel-
cellules souches médullaires (CD34+ ) exprime les molécules GPI lules endothéliales et les plaquettes, et possiblement en inhibant
suivantes : CD55, CD59 et Thy-1 (Cdw90). Chez un nombre limité l’ADAMTS13 (a disintegrin and metalloprotease with thrombospon-
de patients présentant une HPN, il a été démontré qu’il existe dans din type I repeats-13), enzyme responsable de la clairance des
la moelle osseuse et dans le sang périphérique des populations grands multimères du facteur von Willebrand. Le déficit en NO
CD34+ /CD59+ et CD34+ /CD59– . Par ailleurs, il a été montré que entraînerait une activation des cellules endothéliales, une vaso-
la mutation de PIG-A était nécessaire mais non suffisante pour constriction, une inflammation et la génération de thrombine.
entraîner une HPN, puisqu’elle est présente chez certains sujets Le déficit en protéines GPI-dépendantes (surtout le CD59) à la
sains [19–21] . Même dans les modèles murins d’invalidation (knock membrane cellulaire des plaquettes, des monocytes et des cellules
out) conditionnelle du gène où la maladie hémolytique peut être endothéliales serait responsable d’une activation directe par le
reproduite, il n’existe aucun avantage de prolifération des cellules complément, entraînant l’exposition membranaire du facteur tis-
PIG-A mutées [22–25] . sulaire et donc la génération de thrombine. Le complément induit
L’avènement des techniques de séquençage à haut débit a aussi la formation à partir des plaquettes de microvésicules circu-
récemment complexifié la problématique de la maladie clonale lantes, riches en phospholipides, très procoagulantes in vitro (leur
dans l’HPN. En effet, dans l’HPN (comme dans l’aplasie médul- concentration est forte dans le plasma des patients avec HPN).
laire) ont été récemment décrites [26, 27] des mutations somatiques Enfin, une diminution de l’expression du récepteur de l’urokinase
dans des gènes impliqués dans les syndromes myélodysplasiques type plasminogen activator (uPA), molécule GPI-dépendante, a été
(SMD) et les leucémies aiguës (BCOR, TET2, ASXL1, DMT3A, pour observée chez les patients atteints d’HPN, à la surface des mono-
ne citer que les plus fréquents). Ces mêmes gènes ont été aussi cytes, des plaquettes et des cellules endothéliales.

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Hémoglobinurie paroxystique nocturne  13-006-D-25

Figure 1. Arbre décisionnel. Schéma de synthèse théra-


HPN peutique. HPN : hémoglobinurie paroxystique nocturne ;
AA : aplasie médullaire ; mAA : aplasie médullaire modé-
rée ; sAA : aplasie médullaire sévère ; IST : traitement
immunosuppresseur.
HPN forme hémolytique
AA/HPN
Forme intermédiaire + hémolyse

mAA mAA pas sAA pas


hémolyse d’hémolyse d’hémolyse

Éculizumab IST Greffe

Prophylaxie
de
thrombose

Hypoplasie médullaire et une infection dans 15 % des cas. Près d’un quart des patients
D’autres aspects de la physiopathologie de l’HPN demeurent ayant une HPN ont, dans l’expérience des auteurs, un diagnostic
largement méconnus, en particulier le mécanisme de l’hypoplasie préalable d’aplasie médullaire et un clone HPN est diagnostiqué
médullaire et l’existence d’un éventuel déficit immunitaire (lym- après traitement immunosuppresseur pour une aplasie médullaire
phocytes GPI–, altération du chimiotactisme des polynucléaires chez 20 à 30 % des patients.
GPI–). Il est cependant admis que le mécanisme auto-immun L’hémogramme montre une anémie isolée dans un quart des
(médié par les lymphocytes T) des aplasies idiopathiques sous- cas, une bicytopénie (majoritairement anémie et thrombopénie)
tend le développement du clone HPN, qui serait un mécanisme chez 30 % des patients et une pancytopénie, généralement modé-
d’échappement à la destruction de cellules souches non mutées [1] . rée, dans 40 % des cas. Le myélogramme montre fréquemment
dans ce dernier cas une moelle non désertique. L’HPN fait donc
À côté des lymphocytes T classiques, certains auteurs ont aussi
partie des maladies à évoquer devant une « pancytopénie à moelle
décrit le rôle de lymphocytes T restreints par les molécules CD1d
riche ». Une dysérythropoïèse discrète est compatible avec le diag-
et reconnaissant l’ancre GPI [35] .
nostic mais la présence de signes de dysplasie des autres lignées
doit faire évoquer un syndrome myélodysplasique primitif ou
 Manifestations cliniques secondaire à une aplasie médullaire méconnue.

et complications Complications
Formes cliniques (données issues Les principales complications de l’HPN sont les thromboses,
du registre français) [36, 37] les douleurs abdominales et autres symptômes de dystonie, les
infections, l’aggravation des cytopénies et l’évolution vers une
La forme classique, la plus courante, est celle d’une ané- hémopathie myéloïde maligne.
mie hémolytique acquise d’origine corpusculaire intravasculaire,
apparaissant chez un adulte jeune, accompagnée d’urines foncées
Thromboses
le matin (hémoglobinurie) et parfois d’un ictère modéré. L’anémie
est accompagnée de signes de régénération modérés (réticulocy- Les thromboses sont le problème majeur des patients atteints
tose souvent plus basse que ne le voudrait le degré d’anémie) d’HPN, du fait de leur morbi-mortalité importante et de leur inci-
et souvent d’une leucopénie et/ou d’une thrombopénie généra- dence cumulative, qui atteint 30 % à dix ans. Les événements
lement non sévères. thrombotiques sont dans plus de 40 % des cas un syndrome de
En pratique clinique, le diagnostic d’HPN peut être posé dans Budd-Chiari, dans un tiers des cas une thrombose du système ner-
quatre circonstances : veux central, dans un quart des cas une thrombose des membres
• une maladie hémolytique et thrombogène, dite « forme clas- inférieurs et dans un quart des cas une thrombose d’un autre
sique », dénommée parfois HPN « primitive » ou « de novo » ; site. Les facteurs de risque de thrombose sont un âge de plus de
• la détection d’un clone HPN lors de l’exploration d’une aplasie 55 ans, un support transfusionnel, un antécédent de thrombose
médullaire ; au diagnostic et une prophylaxie par antivitamine K (AVK) : la pro-
• l’émergence d’un clone HPN chez un patient atteint d’aplasie phylaxie primaire par AVK ne diminue pas le risque de thrombose.
médullaire traité quelques mois ou années auparavant par
immunosuppression ; cette présentation est plus volontiers Douleurs abdominales et autres signes de dystonie
appelée « syndrome aplasie-HPN » ou « forme aplasique » ; Des douleurs abdominales souvent invalidantes, sans cause
• la découverte d’un clone HPN chez un patient présentant une identifiée, sont fréquemment retrouvées par l’interrogatoire lors
hémolyse associée à une hémopathie myéloïde (bien plus rare). du diagnostic, et sont signalées par plus de 30 % des patients au
En réalité, ces présentations sont très schématiques et didac- cours du suivi. La principale difficulté est de faire la part d’une dys-
tiques, et le polymorphisme clinique de cette maladie est tonie musculaire lisse et d’épisodes de thromboses mésentériques,
important. qui sont décelées chez un nombre croissant de patients grâce aux
techniques d’imagerie plus performantes. Les autres symptômes
de dystonie musculaire sont la dysphagie (attribuée aux spasmes
Caractéristiques au diagnostic œsophagiens) et la dysfonction érectile. La recrudescence de ces
La moyenne d’âge au diagnostic est de 34 ans (un quart des symptômes au moment des crises hémolytiques et la sensibilité
patients ont moins de 20 ans et 5 % moins de 16 ans). Les signes des signes de dystonie au sildénafil sont des arguments en faveur
cliniques au diagnostic sont un épisode de thrombose dans près de d’un trouble de la biodisponibilité du NO. Ces symptômes sont
10 % des cas, des douleurs abdominales chez un patient sur cinq sensibles au traitement par éculizumab (cf. infra.).

EMC - Hématologie 3

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Aplasie médullaire pendant la grossesse. En termes de complications, dix événe-


ments hémorragiques et deux thromboses sont rapportées. On
L’évolution d’une HPN classique vers une pancytopénie est
note enfin 22 naissances prématurées.
observée après dix ans d’évolution chez 20 % des patients environ
et il existe des arguments physiopathologiques pour penser que
l’expansion du clone HPN est reliée à une aplasie médullaire sous-
jacente chez tous les patients. Chez certains patients ayant une  Pronostic
HPN hémolytique pure, traitée ou non, des cytopénies peuvent
apparaître et persister sans nécessité de traitement si ces dernières La durée médiane de survie avant l’avènement de l’éculizumab
n’ont pas de conséquence clinique (infections, support transfu- était de 22 ans [36, 37] . Outre les douleurs abdominales et
sionnel). Une surveillance accrue de l’hémogramme incluant le les complications infectieuses (infections récurrentes de la
compte des réticulocytes est nécessaire chez ces patients. Une éva- sphère oto-rhino-laryngologique [ORL], pulmonaires en parti-
luation médullaire (myélogramme, examen cytogénétique de la culier), l’histoire naturelle de l’HPN peut être marquée par des
moelle et, si nécessaire, biopsie ostéomédullaire) est aussi impé- complications beaucoup plus sévères : les épisodes de thromboses
rative pour évaluer la richesse de la moelle et faire la part entre représentaient la première cause de décès, avant les complications
l’évolution vers un syndrome aplasie-HPN et une hémopathie infectieuses et la survenue d’hémopathies myéloïdes.
myéloïde. La prise en charge thérapeutique rejoint alors celle des Les facteurs influençant la survie des patients sont l’âge (plus de
patients ayant une aplasie médullaire idiopathique. L’indication 40 ans au diagnostic), l’anémie et la neutropénie au diagnostic, le
d’un traitement immunosuppresseur ou d’une allogreffe dépend délai avant mise en route d’un traitement (reflet de l’absence de
de la sévérité des cytopénies, de l’âge du patient, des comorbidités gravité de certains cas), et la survenue de complications : aplasie
et de l’existence d’un donneur human leucocyte antigen (HLA)- médullaire, hémopathies malignes et, surtout, les complications
identique. Les patients allogreffés pour un syndrome aplasie-HPN thrombotiques.
ont un bon pronostic comparativement aux patients ayant pré- La forme classique était grevée d’un moins bon pronostic
senté des thromboses, chez qui l’allogreffe est associée à une (médiane de survie de 18 ans alors que cette dernière n’était pas
toxicité trop importante (cf. infra). atteinte pour la forme aplasique). Les patients atteints d’HPN de
forme classique sont plus âgés (40 versus 30 ans) et ont plus fré-
Évolution vers une hémopathie myéloïde maligne quemment des douleurs abdominales. La taille du clone est plus
élevée (clone HPN > 50 % chez la moitié des patients). Durant
Le risque de développement d’un syndrome myélodysplasique l’évolution, environ 20 % des patients ayant une forme classique
ou d’une leucémie aiguë est classique mais rare : 5 et 2,5 % à dix développent une aplasie médullaire, témoignant de l’étroite rela-
ans, respectivement. tion entre HPN et aplasie médullaire. Si les thromboses sont une
complication connue de la forme classique, il ressort de l’étude
Grossesse et hémoglobinurie paroxystique française un risque élevé dans la forme aplasique (30 % à dix ans).
nocturne Concernant la forme aplasique, on retrouve un rôle protecteur du
traitement immunosuppresseur, illustrant le bénéfice de ce trai-
Le risque élevé de complications pendant et au décours de
tement dans la prise en charge des aplasies médullaires au sens
la grossesse chez les patientes atteintes d’HPN est décrit depuis
large.
le début des années 2000. Les principales complications sont
Ces éléments de pronostic doivent désormais être réévalués à
l’aggravation des cytopénies (transitoire ou non) ou la rechute
l’ère de l’éculizumab. Dans une étude française, les données de
d’une aplasie antérieurement traitée et les complications throm-
123 patients traités par éculizumab depuis 2005 ont été ana-
botiques, notamment au cours du post-partum. Le risque de décès
lysées et leur devenir a été comparé à celui de 191 patients
est évalué entre 8 et 12 % selon les études.
similaires de la cohorte historique [40] . Le taux de survie à six
Dans l’étude française (22 patientes et 27 grossesses) [38] , une
ans des patients atteints d’une forme hémolytique est de 92 %
aggravation des cytopénies a été observée dans 95 % des cas,
(intervalle de confiance [IC] à 95 % : 87–98) dans la cohorte
justifiant des transfusions dans plus de 50 % des cas, et une évo-
récente contre 80 % (IC 95 % : 70–91) dans la cohorte histo-
lution vers une aplasie sévère dans 8 % des cas au cours de la
rique (hazard ratio [HR] : 0,38 ; IC 95 % : 0,15–0,94 ; p = 0,037).
grossesse. Des complications lors de la délivrance ont été rap-
Cela est avant tout lié à une incidence moindre de thromboses
portées dans 12 % des cas (syndrome hemolysis, elevated liver
(4 versus 27 %).
enzymes, and low platelets [HELLP], hémorragie de la délivrance et
anémie nécessitant un support transfusionnel). Aucune compli-
cation thrombotique n’a été observée au cours de la grossesse
(deux tiers des patientes ont reçu une prophylaxie antithrombo-  Diagnostic biologique
tique) mais quatre épisodes de thrombose sont survenus pendant
le post-partum (un à cinq mois après la délivrance) : deux throm- Les tests de Ham et Dacie et au sucrose sont abandonnés et le
boses veineuses cérébrales, une thrombose veineuse mésentérique diagnostic repose désormais sur la cytométrie de flux. L’analyse
et un syndrome de Budd-Chiari. Tous les décès observés dans doit être réalisée sur les granuleux et les monocytes du sang
l’étude française sont la conséquence de thromboses survenant (l’hémolyse rend l’évaluation de la taille du clone sur les globules
dans le post-partum. Ces données, qui concernent des patientes rouges peu fiable et l’expression des molécules GPI est variable
non traitées par éculizumab au moment de la grossesse, sou- sur les lymphocytes). Il convient de souligner la nécessité absolue
lignent le risque majeur de complications de l’HPN au cours de la d’utiliser au moins deux anticorps reconnaissant deux molécules
grossesse et du post-partum, et la nécessité de réaliser une prophy- GPI différentes et d’étudier deux populations cellulaires diffé-
laxie par anticoagulant pendant et après la grossesse. La durée de rentes. Les résultats obtenus doivent être exprimés en pourcentage
cette prophylaxie n’est pas clairement définie (des complications de cellules négatives (importance relative du clone dans la popu-
thrombotiques sont observées jusqu’à neuf mois après la déli- lation étudiée) [41] . La sensibilité de la cytométrie varie de 1 à
vrance). 0,01 % selon la technique utilisée. En pratique, un déficit peut
Les complications fœtales sont fréquentes : prématurité dans être considéré comme significatif lorsque le pourcentage de cel-
30 % des cas et mortalité estimée entre 4 et 7 % (mort fœtale lules négatives est supérieur à 5 %. Lorsque les résultats sont
in utero due à l’ischémie placentaire ou néonatale due à la pré- d’interprétation difficile, il est recommandé de réaliser les ana-
maturité). Aucune complication n’a été observée après la période lyses dans un laboratoire de référence. La recherche de mutation
néonatale immédiate. du gène PIG-A n’a pas sa place dans le diagnostic d’HPN : l’analyse
Une étude internationale a montré l’impact majeur du traite- moléculaire est trop lourde et la seule identification d’une muta-
ment par éculizumab pendant la grossesse [39] . Soixante-quinze tion clonale de ce gène ne permet pas de poser le diagnostic
grossesses survenant chez 61 patientes ont été rapportées. Aucun d’HPN [1, 42] .
décès n’est à déplorer chez les patientes, mais comme précédem- Les situations cliniques pour lesquelles une recherche de clone
ment un certain nombre de patientes nécessitent des transfusions HPN est recommandée sont détaillées dans le Tableau 1.

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Tableau 1. du risque d’aggravation de la maladie et de complications sévères


Résumé des situations cliniques où la recherche d’un clone hémoglobinu- en cas de grossesse. Il est recommandé de recourir à une contra-
rie paroxystique nocturne (HPN) en cytométrie de flux est recommandée. ception n’augmentant pas le risque de thrombose [42, 43] .
Anémie hémolytique à test de Avec hémoglobinurie
Coombs négatif La recherche d’un clone HPN
Associée à des thromboses, des
Éculizumab
douleurs abdominales L’éculizumab est un anticorps monoclonal anti-C5 qui bloque
Associée à une carence martiale l’hémolyse des globules rouges HPN par le complément [44] . Il
En l’absence d’étiologie
se fixe spécifiquement et avec une forte affinité à la région qui
infectieuse et après avoir éliminé
contient le site de clivage du composant C5 par les C5 conver-
une anémie corpusculaire
tases, empêchant la formation du C5a, molécule hautement
congénitale
pro-inflammatoire, et du C5b, molécule indispensable à la for-
Thromboses En cas de syndrome de mation du complexe d’attaque membranaire. C’est un anticorps
Budd-Chiari, de thrombose
humanisé dont la partie constante a été remplacée par les régions
mésentérique
constantes d’immunoglobuline G (IgG) 2 (isotype ne se fixant pas
En cas de cytopénies associées
aux récepteurs Fc) et d’IgG4 (isotype n’activant pas la cascade du
En cas d’hémolyse
La recherche d’un clone HPN
complément).
n’est pas recommandée de façon Ce traitement a considérablement amélioré la qualité de vie des
systématique dans la recherche patients. Il s’agit néanmoins d’un traitement coûteux, qui ne peut
d’une thrombophilie en dehors de être interrompu (son effet est suspensif mais non curatif) et qui
ces situations ne prévient pas toutes les complications : le risque de thrombose
Aplasie/hypoplasie médullaire La recherche d’un clone HPN est
diminue grandement mais persiste, et les risques d’évolution vers
recommandée au diagnostic chez une forme aplasique et vers une hémopathie myéloïde (myélodys-
tout patient pour lequel une plasie et leucémie aiguë myéloïde) demeurent.
insuffisance médullaire qualitative L’efficacité et la tolérance de l’éculizumab ont été démontrées
a été diagnostiquée dans l’HPN au cours de deux essais cliniques de phase III (Triumph,
Myélodysplasies et autres La recherche d’un clone HPN est
87 patients, et Shepherd, 97 patients). Cent quatre-vingt-sept
hémopathies myéloïdes recommandée en cas d’hémolyse patients ont continué à participer à l’essai d’extension (jusqu’à
inexpliquée, et en particulier en quatre ans de suivi sous traitement) [45–49] . La posologie était
cas d’hémolyse associée à une identique dans les deux études, comportant des perfusions intra-
hémoglobinurie veineuses hebdomadaires de 600 mg pendant quatre semaines
puis de 900 mg à la cinquième semaine, suivies d’une perfusion
d’entretien de 900 mg toutes les deux semaines. Ces études ont
démontré le bénéfice de l’éculizumab, portant sur la réduction
des besoins transfusionnels (indépendance transfusionnelle chez
“ Point fort plus de la moitié des patients et réduction de 40 % des transfusions
chez les autres), l’atténuation de la fatigue et l’amélioration de la
qualité de vie (y compris dans le sous-groupe des patients tou-
• Maladie acquise et clonale de la cellule souche hémato- jours transfusés), la réduction de 85 % du nombre d’événements
poïétique due à une mutation du gène PIG-A. thrombotiques (y compris chez les patients sous anticoagulation).
• Polymorphisme clinique avec deux grandes formes de Des patients ayant un traitement anticoagulant curatif ont pu
présentation : la forme aplasique et la forme hémolytique l’interrompre sous éculizumab sans récidive de thrombose. La
et thrombosante. tolérance est bonne. Les effets indésirables les plus fréquents sont
• Le diagnostic repose sur la cytométrie de flux. des céphalées, prédominant lors des premières perfusions, et des
• Le traitement en milieu spécialisé fait discuter la greffe lombalgies. En dehors de la survenue de deux cas résolutifs de sep-
ticémie à méningocoque malgré la vaccination préalable, il n’y a
de cellules souches hématopoïétiques pour les formes pas eu d’augmentation des infections sous éculizumab et aucun
graves, le traitement immunosuppresseur pour les formes épisode d’hémolyse sévère n’a été observé chez les patients qui
aplasiques et l’éculizumab pour les formes hémolytiques. ont dû arrêter le traitement.
L’instauration d’un traitement par éculizumab impose la vac-
cination préalable par le vaccin conjugué tétravalent du ménin-
gocoque et une prophylaxie par phénoxy-méthyl-pénicilline
(Oracilline® ) ou amoxicilline. Le schéma thérapeutique actuel a
 Traitements été décrit ci-dessus ; l’intervalle de 14 jours entre deux perfusions
d’entretien doit être respecté afin d’éviter les rebonds hémoly-
La prise en charge des patients atteints d’HPN a considérable-
tiques.
ment évolué au cours de la dernière décennie grâce à l’utilisation
La persistance d’un besoin transfusionnel doit de principe
de l’éculizumab d’une part, et à la meilleure connaissance de cette
faire rechercher un syndrome inflammatoire ou infectieux ou
pathologie d’autre part.
l’évolution vers une forme aplasique, voire vers un syndrome
myélodysplasique (et donc faire envisager un myélogramme et un
Soins de support examen cytogénétique au moindre doute). Il est à noter de plus
que, pour des raisons de pharmacocinétique avant tout, le complé-
Les traitements de support sont essentiels dans la prise en
ment peut dans quelques cas se trouver insuffisamment bloqué
charge des patients HPN, traités ou non par éculizumab. Ceux-ci
sous éculizumab, ce qui nécessite un ajustement de la dose ou de
comportent l’administration systématique d’un supplément oral
l’espacement des perfusions [50] . Beaucoup plus rarement (patients
d’acide folique (5 mg/j) en cas d’hémolyse chronique, le dépistage
japonais), cette situation peut être liée à un variant génétique de
et la correction d’une carence en fer, la transfusion de concentrés
la fraction C5 du complément [51] .
de globules rouges déleucocytés et phénotypés, selon le seuil de
tolérance individuelle de l’anémie.
L’éducation des patients est primordiale : le risque de majo- Traitements immunosuppresseurs
ration de l’hémolyse et de l’anémie en cas d’infection, les
symptômes de mauvaise tolérance de l’anémie et surtout les symp- L’association de sérum antilymphocytaire et de ciclosporine
tômes évocateurs de thrombose doivent amener à consulter en est indiquée en cas de pancytopénie [42] . La combinaison avec
urgence. Les femmes en âge de procréer doivent être informées l’éculizumab n’a pas encore été évaluée. La prednisone n’a pas

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13-006-D-25  Hémoglobinurie paroxystique nocturne

d’efficacité démontrée dans l’HPN hémolytique et n’a donc pas sa complications hémorragiques. Le traitement curatif des throm-
place chez ces patients, y compris chez les patients dont le test de boses est identique en première intention à celui des patients
Coombs se positive sous traitement du fait des dépôts de C3b. n’ayant pas d’HPN. Une surveillance particulière est cependant
nécessaire en cas de thrombopénie associée, du fait du risque
hémorragique. Au vu du risque élevé de récidive, l’anticoagulation
Greffe allogénique de cellules souches orale est poursuivie à vie. Le développement d’une thrombose
hématopoïétiques malgré ce traitement est une indication à instaurer un traitement
par éculizumab.
La greffe de moelle osseuse allogénique a longtemps été consi- Au cours de la grossesse et du post-partum, une prophylaxie par
dérée comme le seul traitement curatif de l’HPN. Ses trois héparine de bas poids moléculaire est recommandée à partir du
indications classiques dans l’HPN sont l’aplasie médullaire, les début du deuxième trimestre et doit être poursuivie pendant le
complications thrombotiques répétées et les crises hémolytiques post-partum, qui semble être la période la plus à risque.
sévères récurrentes. Une étude européenne (European Society for
Blood and Marrow Transplantation [EBMT]) et française (Société
française d’hématologie [SFH]) a comparé 211 patients greffés
aux 402 patients non greffés de la cohorte française (non traités
 Conclusion
par éculizumab). Le taux de survie des patients allogreffés est de
L’HPN est une pathologie rare, de présentation hétérogène,
68 % à cinq ans. Le seul facteur ayant un impact sur la survie est
dont le pronostic est dominé par les complications thrombo-
l’indication de l’allogreffe. Ainsi après allogreffe, la survie à cinq
tiques. Le traitement des formes hémolytiques pures repose sur
ans est de 54 % quand l’indication de greffe est une complication
l’éculizumab, qui réduit les besoins transfusionnels et le risque de
thrombotique, de 69 % quand il s’agit d’une pancytopénie et de
thrombose. Ce traitement n’est pas curatif et ne diminue pas le
86 % quand l’indication est une hémolyse récurrente sans aplasie
risque d’évolution vers une forme aplasique ou une hémopathie
ni antécédent de thrombose. Les infections et la maladie du gref-
myéloïde. Il ne peut être interrompu et n’est pas disponible dans
fon contre l’hôte sont les principales causes de mortalité après
tous les pays. La prise en charge des syndromes aplasie-HPN repose
allogreffe. Aucune différence n’a été observée selon que le don-
sur le traitement immunosuppresseur ou l’allogreffe de cellules
neur était donneur apparenté ou non. Pour les patients ayant un
souches hématopoïétiques.
antécédent de thrombose, la survie est meilleure sans allogreffe.
Pour les patients ayant une aplasie sans antécédent de thrombose,
la survie n’est pas différente entre les patients allogreffés et non
Déclaration d’intérêts : G. Socié et R. Peffault de Latour déclarent : être consul-
allogreffés [52] . tants pour l’entreprise Alexion.
En résumé, les résultats de ces études suggèrent : Les autres auteurs n’ont pas transmis de liens d’intérêts en relation avec cet
• que les patients ayant un antécédent de thrombose ne tirent article.
pas de bénéfice de l’allogreffe ;
• que les patients ayant une aplasie-HPN peuvent représenter
une indication d’allogreffe s’ils sont jeunes et ont un donneur
HLA-identique, comme dans le cas de l’aplasie médullaire idio-  Références
pathique ;
• que les formes hémolytiques classiques doivent être traitées par [1] Brodsky RA. Paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Blood
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Dans la forme hémolytique classique [4] Rotoli B, Bessler M, Alfinito F, del Vecchio L. Membrane proteins
La prise en charge des formes hémolytiques classiques repose in paroxysmal nocturnal haemoglobinuria. Blood Rev 1993;7:75–86.
sur les soins de support et, quand il est disponible, sur [5] Rotoli B, Luzzatto L. Paroxysmal nocturnal haemoglobinuria.
l’éculizumab. Les indications de l’éculizumab sont : Baillieres Clin Haematol 1989;2:113–38.
• la nécessité d’un support transfusionnel régulier et/ou une [6] Rotoli B, Luzzatto L. Paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Semin
hémolyse chronique ; Hematol 1989;26:201–7.
• les facteurs de risque de thrombose : antécédent de thrombose, [7] Udenfriend S, Kodukula K. How glycosylphosphatidylinositol-
âge supérieur à 55 ans, clone HPN supérieur à 50 %. anchored membrane proteins are made. Annu Rev Biochem
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Hémoglobinurie paroxystique nocturne is synthesized on the cytoplasmic face of the endoplasmic reticulum.
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Chez un patient présentant une HPN hémolytique au décours [9] Yeh ET, Rosse WF. Paroxysmal nocturnal hemoglobinuria and
d’un traitement immunosuppresseur pour une aplasie médul- the glycosylphosphatidylinositol anchor. J Clin Invest 1994;93:
laire idiopathique, sans répondre aux critères thérapeutiques de 2305–10.
l’aplasie, la prise en charge est analogue à celle des formes hémo- [10] Ware RE, Howard TA, Kamitani T, Change HM, Yeh ET, Seldin
lytiques pures. MF. Chromosomal assignment of genes involved in glycosylphos-
phatidylinositol anchor biosynthesis: implications for the patho-
genesis of paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Blood 1994;83:
Syndrome aplasie-hémoglobinurie paroxystique 3753–7.
nocturne [11] Takahashi M, Takeda J, Hirose S, Hyman R, Inoue N,
Le choix du traitement dépend des facteurs cliniques (sévérité Miyata T, et al. Deficient biosynthesis of N-acetylglucosaminyl-
de l’hémolyse, risque de complications thrombotiques, sévérité phosphatidylinositol, the first intermediate of glycosyl phospha-
de l’aplasie, comorbidités et âge du patient) et de l’existence d’un tidylinositol anchor biosynthesis, in cell lines established from
donneur HLA-identique. patients with paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. J Exp Med
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[12] Takeda J, Miyata T, Kawagoe K, Iida Y, Endo Y, Fujita T, et al. Defi-
Thromboses
ciency of the GPI anchor caused by a somatic mutation of the PIG-A
En prophylaxie primaire (absence d’événement thrombotique gene in paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Cell 1993;73:703–11.
antérieur), il n’y a pas d’indication de traitement anticoagulant, [13] Miyata T, Takeda J, Iida Y, Yamada N, Inoue N, Takahashi M, et al.
quelle que soit la taille du clone HPN, du fait de l’absence de dimi- The cloning of PIG-A, a component in the early step of GPI-anchor
nution du risque de thrombose et de l’augmentation du risque de biosynthesis. Science 1993;259:1318–20.

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Hémoglobinurie paroxystique nocturne  13-006-D-25

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G. Socié, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service (gerard.socie@aphp.fr).


Service d’hématologie-greffe, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Vellefaux, 75010 Paris, France.
Université Paris-VII Denis-Diderot, 5, rue Thomas-Mann, 75013 Paris, France.
Unité Inserm UMR 1160, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Vellefaux, 75010 Paris, France.
F. Sicre de Fontbrune, Praticien hospitalier.
Service d’hématologie-greffe, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Vellefaux, 75010 Paris, France.
D. Michonneau, Chef de clinique assistant.
R. Peffault de Latour.
Service d’hématologie-greffe, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Vellefaux, 75010 Paris, France.
Université Paris-VII Denis-Diderot, 5, rue Thomas-Mann, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Socié G, Sicre de Fontbrune F, Michonneau D, Peffault de Latour R. Hémoglobinurie paroxystique
nocturne. EMC - Hématologie 2016;11(4):1-8 [Article 13-006-D-25].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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