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THÈSE
PRÉSENTÉE
DOCTORAT EN ÉDUCATION
PAR
ANDRÉA LAVIGNE
SEPTEMBRE 2021
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de cette thèse se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le
formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 – Rév.04-2020). Cette autorisation stipule que «conformément à
l’article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l’auteur] concède à
l’Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d’utilisation et de
publication de la totalité ou d’une partie importante de [son] travail de recherche pour
des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l’auteur] autorise
l’Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des
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que ce soit, y compris l’Internet. Cette licence et cette autorisation n’entraînent pas une
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intellectuelle. Sauf entente contraire, [l’auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
Je tiens d’abord à remercier les membres du jury qui ont accepté de participer à
l’évaluation de cette thèse. Je souhaite également remercier les organismes qui m’ont
soutenue financièrement tout au long de ma formation doctorale : le Fonds de
recherche société et culture du Québec (FRSCQ), l’Institut universitaire en DI et TSA,
l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs des services de garde et petite
enfance, la Fondation UQAM, l’ADEESE UQAM.
1
Prénoms fictifs
iii
humaine d’opérer dans ce monde universitaire. J’ai beaucoup d’admiration pour votre
travail et votre audace. Merci, Delphine, de m’avoir si bien accompagnée depuis ma
maîtrise et de m’avoir fait découvrir avec passion l’interaction dans la recherche.
Merci, Céline, de m’avoir aidée à développer ma rigueur et mon esprit de synthèse
dans ce travail colossal. J’ai vraiment eu la chance d’avoir à mes côtés deux modèles
extraordinaires.
travail dont j’avais besoin pour venir à bout de cette thèse. Enfin, merci Mamie pour
tous les merveilleux moments et les partages que nous avons eus.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ........................................................................................................ 1
ANNEXE H La structure des activités récurrentes dans la classe d’Audrey .......... 363
ANNEXE M Extrait d’analyse des séquences vidéo en vue de la sélection finale. 377
xi
RÉFÉRENCES.......................................................................................................... 488
LISTE DES FIGURES
Figure Page
Tableau Page
2.2 Description des gestes de la main d’après Ekman et Friesen (1972) ......... 44
3.1 Synthèse des six entretiens réalisés avec l’enseignante .............................. 100
3.3 Synthèse des quatre étapes d’analyse des données ..................................... 109
4.1 La structure des activités récurrentes des Bonjours et des ateliers ............. 126
4.3 Les objectifs visés pour la composante « comprendre un message » ......... 130
4.4 Les objectifs visés pour la composante « produire un message » ............... 132
4.5 Les stratégies de sollicitation pour attirer et gérer l’attention de l’élève .... 136
xiv
4.6 Les stratégies de sollicitation pour inciter l’élève à agir ............................ 139
4.7 Les stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : observer
et attendre .................................................................................................... 142
4.8 Les stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : imiter
l’élève ......................................................................................................... 143
4.9 Stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : répondre aux
préoccupations ou à l’intérêt de l’élève ...................................................... 145
4.10 Les stratégies de stimulation pour susciter l’intérêt de l’élève .................... 148
4.12 Les stratégies d’étayage langagier pour introduire le langage verbal ......... 154
4.13 Les stratégies d’étayage langagier pour enrichir le langage verbal ............ 156
AC Analyse conversationnelle
DI Déficience intellectuelle
EC Ethnographie de la communication
PROBLÉMATIQUE
1.1 L’arrivée à l’école maternelle : les défis langagiers généraux pour les enfants et
les enjeux propres aux élèves ayant un TSA
L’année en maternelle, qui correspond à la première année d’école pour les enfants 2
âgés de 4 à 5 ans dans la plupart des pays occidentaux, est une étape importante du
parcours scolaire. Il est question pour le nouvel élève d’intégrer les nouvelles règles
du groupe-classe et d’apprendre à vivre des activités de groupes guidées qui sont
davantage basées sur les connaissances scolaires qu’en milieu de garde et pour
lesquelles il a un appui de l’enseignante moins étroit (Fontil et al., 2019 ; Quintero et
McIntyre, 2011). L’enjeu de l’entrée à l’école concerne non seulement les savoirs
scolaires (prélecture, préécriture, etc.), mais aussi le développement social, les
comportements et la communication de l’enfant (Marsh et al., 2017).
2
Le masculin est utilisé pour alléger le texte. Les termes « enfant » et « élève » dans ce texte peuvent
désigner autant les garçons que les filles. Nous optons toutefois expressément pour le terme
« enseignante » qui représente la forte majorité du corps enseignant au préscolaire, ainsi que la
participante à la recherche.
7
Parmi les élèves en difficulté sur le plan langagier figurent les élèves ayant un TSA
qui sont fortement représentés parmi les élèves handicapés et en difficulté
d’adaptation et d’apprentissage selon les terminologies utilisées au Québec (Noiseux,
2017). Les TSA, antérieurement nommés « troubles envahissants du développement,
TED » (Guelfi et al., 2003), sont caractérisés par une altération de la communication
et des interactions sociales, de même que par des intérêts restreints et des activités et
des comportements répétitifs et stéréotypés. Ce diagnostic est complété par les
éléments suivants : niveau d’autisme relatif aux besoins d’accompagnement, présence
ou non d’une déficience intellectuelle (DI), présence ou non d’un trouble du langage
associé (American Psychiatric Association, 2013). Ainsi, depuis les nouveaux critères
diagnostiques établis par l’APA (2013), le niveau d’autisme est déterminé dans le
diagnostic selon les besoins d’accompagnement de la personne, la définition de
l’APA (2013) insistant sur l’importance du degré de soutien apporté à ces enfants
pour favoriser leur développement et diminuer la sévérité des symptômes associés à
leur trouble du spectre de l’autisme. De même, le trouble de langage est effectivement
un complément d’information dans le diagnostic de l’autisme et non un symptôme
déterminant. Qu’il y ait ou non un trouble de langage officiellement associé, le
8
Des études récentes pointent vers une prévalence mondiale actuelle d’un enfant
touché sur cent quarante-cinq (Fombonne et al., 2019). Au Québec, une forte
augmentation de 1999 à 2012 de l’incidence du TSA et de sa prévalence (Diallo et
al., 2018) est constatée. Plus récemment, les élèves ayant un TSA représentaient 14
429 élèves âgés de 4 à 17 ans au Québec en 2015-2016, faisant du TSA le trouble le
plus prévalent en milieu scolaire (Noiseux, 2017). Leur représentation est encore plus
importante dans certaines régions. Par exemple, les élèves ayant un TSA
représentaient 53 % des élèves déclarés handicapés (selon les critères du Ministère de
l’Éducation) en Montérégie pour l’année scolaire 2015-2016 (Noiseux, 2017), d’où la
pertinence de s’y intéresser.
Ainsi, bon nombre de ces élèves ayant un TSA ne maîtrisent pas le langage verbal
fluide attendu à l’entrée à l’école maternelle. Plus de la moitié de ces élèves4 ont un
langage verbal minimal ou ne s’expriment que par des mots isolés à l’âge scolaire
(Swanson, 2020). Aussi, bien que le lien entre les facteurs qui favorisent le langage
développé à l’âge scolaire et l’autisme soit encore trop peu connu (Thurm et al.,
2015), il a été démontré que le langage peut continuer d’évoluer durant l’âge scolaire
pour ces élèves (Kim et al., 2014). Contrairement aux autres enfants, un
3
Bien que les plusieurs défis liés aux caractéristiques cognitives et sensorielles, à la réciprocité
émotionnelle, etc. peuvent complexifier les interactions avec les personnes ayant un TSA, nous avons
choisi de retenir les informations liées au langage et à l’interaction qui demeurent observables pour
l’enseignante dans les séquences d’interaction.
4
Bacon et al. (2019) montrent toutefois la grande variété de cette proportion qui peut être revue à la
baisse, tout dépendamment des mesures employées et de la définition des catégories de niveau de
langage qui varient aussi beaucoup d’une recherche à l’autre qui est aussi critiquée par Norrelgen et al.
(2015).
9
développement atypique du langage pour les enfants ayant un TSA se traduit par un
« plateau non verbal » entre l’âge de 18 mois et 4-5 ans, suivi par une amélioration
drastique du langage verbal chez la majorité de ces enfants. Autrement dit, leur
développement langagier semble « stagner » avant l’âge de 4 ans, puis un progrès
s’en suit rapidement (Mottron, 2016). En raison de cette particularité, la période
préscolaire est particulièrement importante pour le développement langagier de
l’élève ayant un TSA.
En outre, les particularités des élèves ayant un TSA s’étendent à d’autres dimensions
du langage que la dimension verbale. En considérant le langage comme étant
multimodal5, c’est-à-dire comme se composant d’une dimension verbale (mots, sons
produits), non verbale (gestes, mouvements, mimiques, etc.) et paraverbale
(intonations, volume, etc.) (Kerbrat-Orecchioni, 2006 ; Sauvage, 2015 ; Vion, 1992),
force est de constater que ce sont ces trois dimensions qui sont touchées par
l’autisme. Du côté non verbal, les difficultés à pointer pour parler de quelque chose, à
utiliser/comprendre les gestes conventionnels et à regarder l’autre pour relever ses
attitudes peuvent aussi se manifester. Enfin, pour le volet paraverbal, elles
s’observent par exemple par la difficulté à utiliser l’intonation pour interpréter un
énoncé ambigu ou par un débit ou un volume de voix anormal (Eigsti et al., 2011).
5
Ces trois dimensions seront comprises lorsque nous évoquerons généralement le langage dans cette
recherche, puisque nous adopterons une vision multimodale de l’utilisation du langage.
10
Somme toute, le langage pour l’élève ayant un TSA, quoique très variable d’un enfant
à l’autre à 5 ans, est bien souvent encore à développer, puisque des difficultés
diverses persistent autant au niveau de la production que de la compréhension (Kim et
al., 2014). Force est de constater que les difficultés ne sont pas seulement langagières,
mais aussi interactionnelles et qu’elles touchent de ce fait les interactions dans la vie
de la classe et dans les activités d’enseignement-apprentissage. L’interaction, centrale
dans cette thèse, peut être brièvement définie comme la coconstruction de sens
11
Pour les enseignantes qui reçoivent les élèves en maternelle, qu’ils aient ou non un
diagnostic de TSA, le développement langagier, sa communication et son interaction
générale avec les adultes et les pairs sont des préoccupations qui surpassent les
savoir-faire scolaires (Wesley et Buysse, 2003). Le défi est double pour les
enseignantes de maternelle en ce qui a trait au langage et à l’interaction. D’abord,
l’enfant doit passer d’un langage de connivence, c’est-à-dire avec des adultes très
familiers, à un langage explicite dans un nouveau cadre (Florin, 2010). En outre,
l’école permet à l’enfant de diversifier davantage ses contextes d’utilisation (Plessis-
Bélair, 2010). Ensuite, le langage est aussi pour l’élève la porte d’entrée d’autres
apprentissages. Il est d’ailleurs reconnu que les capacités langagières sont liées à la
réussite scolaire de l’élève notamment en lecture (Duncan et al., 2007 ; Japel et al.,
2009).
6
Nous utiliserons les termes « participant » et « interactant » au sens général; ils incluent aussi les
participantes et les interactantes. Lorsque nous aborderons le cas de nos deux participantes à la
recherche, nous privilégierons la féminisation des termes.
12
fait donc de lui un outil indispensable au service de tous les autres apprentissages
(Odier-Guedj, 2010). Comme l’indiquent Chabanne et Bucheton (2002, p. 2) : « […]
c’est que savoir, en particulier à l’école, c’est savoir écrire et parler le savoir; que le
savoir ne peut s’isoler ni des formes sémiotiques qui l’expriment, ni des contextes où
ces formes sémiotiques sont produites […] » Autrement dit, le savoir se coconstruit
grâce au langage et dans le langage imbriqué dans un contexte d’enseignement-
apprentissage. Qu’advient-il donc lorsque l’élève présente un important retard
langagier à son entrée à l’école? De quels leviers dispose l’enseignante pour soutenir
son élève?
En ce qui a trait spécifiquement à l’élève ayant un TSA et compte tenu des difficultés
langagières et interactionnelles présentées ci-haut, l’apprentissage du langage et de
son utilisation en interaction se poursuit plus substantiellement pour lui avec son
enseignante. Au Québec, comme dans de nombreux pays ayant fait l’objet dans les
années 2000 d’une réforme centrée sur l’enseignement par compétences en éducation,
l’apprentissage de l’élève ayant un TSA est régulé, organisé et prescrit au sein du
Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) (Ministère de l’éducation du
Québec, 2006) basé sur le paradigme socioconstructiviste (Lafortune et Daudelin,
2001). Le Québec a en effet suivi la tendance mondiale en passant d’un programme
axé sur la pédagogie par objectifs à un programme axé sur les compétences. Alors
que l’objectif est le découpage des contenus d’apprentissages en plus petites unités
dont l’enseignement est successivement organisé de façon à atteindre l’objectif
terminal, la compétence est dynamique, interdisciplinaire, et située et centrée sur
l’apprenant. Une place centrale y est conséquemment accordée à cette interaction
avec la situation, le contexte (Jonnaert et al., 2006).
Difficile somme toute pour l’enseignante de déterminer les bons moyens pour aider
son élève et le faire progresser dans l’esprit du programme. Il semble manquer de
balises dans le PFEQ pour l’accompagner dans l’enseignement de l’oral et dans le
soutien à l’interaction, encore plus quand le langage ne se développe pas de la même
manière et que les difficultés interactionnelles persistent. Dès lors, il s’avère que le
15
flou est aussi palpable du côté de la recherche. En effet, nous n’avons pu recenser
aucune recherche dans le champ de la didactique de l’oral qui aborde la question des
élèves ayant un TSA en classe spécialisée et/ou ayant un langage verbal très peu
développé, que ce soit dans l’enseignement de l’oral en groupe ou en dyade
enseignante-élève. Les recherches identifiées se situent dans d’autres champs
touchant l’autisme (psychologie, psycholinguistique, anthropologie linguistique) et
n’ont pas de lien avec le programme de formation. Pour apporter un éclairage aux
problèmes ici soulevés, il est pertinent de se tourner vers les connaissances que nous
avons des rôles centraux de l’adulte dans le soutien langagier et interactionnel du
jeune enfant en dehors du milieu scolaire. Notamment, il sera expliqué dans la
prochaine section que l’adulte soutient l’enfant en adaptant le langage et les
différentes règles qui régissent la langue et l’interaction pour qu’ils soient à sa portée
(Maillart et al., 2011).
Tout compte fait, l’utilisation du langage en contexte réel est complexe. Le langage
produit en interaction n’est pas le fruit du hasard et n’est pas automatiquement
intelligible pour l’autre, que ce langage soit conventionnel et fluide ou non, comme
dans le cas d’un élève ayant un TSA en difficulté langagière. Parfois, l’enseignante
et/ou l’élève ne parviennent pas à formuler un énoncé suffisamment clair pour que
l’autre le comprenne.
Gumperz, 1989b). Comme l’explique Fillietaz (2006), les propriétés du contexte sont
complexes et évolutives, ce ne sont pas que des paramètres statiques qui cadrent
l’interaction en classe. Elles sont aussi élaborées et reélaborées au fur et à mesure par
les élèves et l’enseignante et sont essentielles à la compréhension de la coconstruction
de sens. D’ailleurs, pour Morgenstern et Parisse qui abordent les interactions avec des
enfants plus jeunes dont la prononciation est difficile, comme ceux ayant un TSA,
« hors contexte, toute interprétation est la plupart du temps impossible. » (2007 p.,
55). Dans le même sens, Swanson (2020) conclut que la meilleure manière d’étudier
le langage dans l’autisme est de faire de la recherche à partir du langage naturel en
contexte. Cette manière de faire élimine les biais liés à l’évaluation standardisée
utilisée hors contexte (Bacon et al., 2019). En guise d’illustration de l’importance de
la contextualisation, nous avons pu montrer dans nos travaux antérieurs que face à un
élève très peu verbal, les mots employés par l’élève ne sont pas suffisamment clairs
pour que l’enseignante puisse les interpréter. Elle se sert alors du contexte, de ce qui
se passe et de ce qu’elle connaît de l’élève pour attribuer du sens à ce qui se dit
(Lavigne, 2014 ; Lavigne et Odier-Guedj, 2016).
Somme toute, le défi est grand pour l’enseignante et l’élève qui doivent comprendre
mutuellement leurs énoncés et s’entendre sur le même sens alors que l’élève est en
aussi difficulté. Voilà pourquoi cela ne réussit pas toujours en réalité. Or, cet
ajustement qui pose un énorme défi pour l’enseignante est essentiel au bon
déroulement des activités et à la stimulation langagière de l’élève qui passe par
l’interaction, comme nous l’avons mentionné précédemment. Pour bien décrire le
soutien qu’apporte l’enseignante à son élève ayant un TSA lors des interactions en
dyade, il importe donc avant tout de rattacher les stratégies déployées par
l’enseignante à leur contexte d’apparition. Il y a lieu de bien comprendre le
fonctionnement l’interaction et l’enchaînement des indices de contextualisation sur
19
Dans les deux sections suivantes, nous traiterons d’abord de la littérature scientifique
concernant l’ajustement entre l’enseignante et l’élève en interaction, puis plus
particulièrement de celle portant sur les stratégies de l’enseignante.
7
Nous avons effectué notre recension dans sept bases de données en éducation et en linguistique
(ERIC EBSCO, ERIC Proquest, CAIRN, Erudit, Repères, Didactique et acquisition du français langue
maternelle [DAF], Linguistic and Language Behavior Abstracts [LLBA] de même que dans Sofia
bibliothèques UQAM). Nous avons utilisé dans notre recherche l’expression booléenne (autis* OR
TSA OR TED) AND (communi* OR oral* OR langu* OR intera*) AND (classe OR école OR
enseign* OR compétence OR maternelle OR préscolaire OR didactique OR stimul*). Nos critères
d’inclusions de départ étaient a) l’âge préscolaire des enfants; b) la présence d’un TSA chez les
participants; c) le déroulement en classe; d) l’interaction en dyade enseignante-élève. Y ont donc été
exclues les recherches pour lesquelles les séquences d’interaction (enchaînement de plusieurs tours de
parole) ne sont pas présentées ni même considérées pour les extraits analysés. Les détails des 21
articles retenus au final se trouvent l’Annexe A.
20
l’étayage et les adaptations spécifiques des adultes. Son étude se déroule en contexte
familial et en garderie ou en centre rééducatif, et elle présente plusieurs séquences
d’interaction finement analysées. Ensuite, Sterponi et De Kirby (2016) et Sterponi et
Shankey (2014) se situent davantage au niveau du développement langagier de
l’enfant en expliquant respectivement dans la séquence d’interaction l’apparition de
phénomènes langagiers particuliers à l’autisme (ex. écholalie) et l’utilisation
immédiate et différée de l’écholalie par l’enfant. Dans une perspective
anthropologique de l’autisme, Solomon (2004, 2008) et Ochs et al. (2004)
s’intéressent à la compétence socioculturelle et à la participation sociale des enfants
ayant un TSA en tant que membres appartenant à leur communauté (famille, école,
communauté) en étudiant les propriétés structurales et thématiques des interactions
pour décrire la participation, les narrations coconstruites et les habiletés et les défis
des enfants en interaction. Pour leur part, Fasulo et Fiore (2007) étudient le langage
en interaction comme base de l’intervention langagière en contexte de rééducation
thérapeutique. Enfin, toujours en contexte de thérapie du langage, Siegler (2007) fait
ressortir les compétences communicatives d’une enfant non verbale ayant un TSA
durant des interactions naturelles « réussies » et les interventions qui peuvent avoir un
impact positif ou négatif sur l’enfant. En somme, bien qu’elles donnent des
renseignements pertinents sur l’ajustement dans l’interaction, aucune de ces
recherches ne se rapproche d’un contexte de classe (ex. aucune activité
d’enseignement-apprentissage ou autres activités plus informelles faisant partie de la
vie de la classe). Un vide scientifique demeure donc dans le domaine scolaire.
Finalement, pour le dernier volet portant sur les interactions enseignante-élève tout-
venant au préscolaire, nous avons relevé quatre recherches. Concernant plus
particulièrement le préscolaire, Filliettaz (2014) analyse la manière dont la
planification d’un jeu de table de groupe en petite enfance est conduite auprès
d’enfants, plus particulièrement dans la mise en place du jeu dans les premiers tours.
22
Qu’en est-il à présent des stratégies déployées par l’enseignante en interaction pour
l’élève ayant un TSA dont le langage s’apparente dans une certaine mesure à celui
d’un enfant plus jeune? En plus de ce qui concerne le langage multimodal, quelles
sont les stratégies qui s’ajoutent à cet étayage langagier pour soutenir l’interaction
avec l’élève qui a également de nombreuses difficultés pragmatiques? Comme le
soutien prodigué par l’enseignante pour l’élève ayant un TSA et des difficultés
langagières et interactionnelles marquées est plus substantiel que pour les élèves
d’âge égal, nous avons concentré notre recension de littérature pour connaître les
stratégies langagières et interactionnelles déployées dans les interventions précoces
en autisme8. Notre but était triple, soit à la fois répertorier ce qui se faisait 1- en
8
Nous avons effectué notre recherche dans les bases de données ERIC EBSCO, ERIC Proquest,
CAIRN, Erudit, Repères, DAF), LLBA de même que dans Sofia bibliothèques UQAM à l’aide de
l’expression booléenne « autism OR ASD OR PDD AND "language intervention" OR interact* OR
communicat* OR scaffold* » (anglais) ou « (autis* OU TSA OU TED) ET (communi* OU oral* OU
langu* OU intera*) ET (classe OU école OU enseign* OU compétence OU maternelle OU préscolaire
OU didactique OU stimul*) » (français). Les détails des 24 articles retenus au final se trouvent à
l’Annexe B.
23
Plus finement, les recherches incluses devaient documenter les stratégies appliquées
par l’enseignante. Ainsi, nous ne nous intéressions pas aux interventions reconnues
ou aux programmes en intervention précoce (ex. Pivotal Response Training, Milieu
Teaching, etc.), mais bien aux stratégies décrites sous-jacentes. Conséquemment,
nous avons conservé les recherches les plus descriptives publiées essentiellement
dans les 15 dernières années en lien avec les interventions pour bien connaître les
stratégies et nous n’avons pas cherché à dresser une liste exhaustive de toutes les
recherches faites sur une intervention donnée, par exemple sur le Milieu Teaching.
À la lumière de cette recension, nous pouvons d’abord définir les interventions dites
naturalistes comme regroupant des stratégies variées qui se rapprochent de celles
mises en place dans des interactions typiques. Ces interventions sont mises en place
9
Treatment and Education of Autistic and Related Communication Handicapped Children.
24
en contexte naturel dans les routines et activités habituelles et ne perturbent donc pas
le cours des interactions en classe (Odom et al., 2010). Deux grandes approches
s’opposent dans les interventions dites naturalistes, soit les interventions naturalistes
béhaviorales et les interventions naturalistes interactionnistes. Enfin, nous avons
relevé quelques exemples d’approches naturalistes combinées. Nous présenterons
plus finement les stratégies détaillées dans le chapitre II. Du côté des approches
naturalistes béhavioristes, l’adulte supporte naturellement le langage de l’enfant par
l’incitation et le renforcement (Ingersoll, 2011) généralement de courtes séances
d’apprentissage sont insérées par l’enseignante à partir de ce que fait l’enfant
initialement (Sowden et al., 2011), puis l’adulte enseigne le langage visé. Dans les
approches interactionnistes, l’adulte interprète et répond aux intérêts de l’enfant par
son offre langagière accessible pour l’apprenant (Girolametto et al., 2007 ; Ingersoll,
2011). Dans cet esprit, lorsque Swanson (2020) aborde la conduite de l’intervenant
qui répond aux intérêts de l’enfant (« verbal responsiveness support »), la chercheuse
précise que l’attention de l’enfant est maintenue sur ce qui l’intéressait de prime
abord. L’adulte ne change alors pas le centre d’attention (focus), mais suit l’initiative.
En comparant les approches naturalistes dites béhaviorales ou interactionnistes, nous
constatons que nous nous retrouvons dans deux postures différentes qui sont de
l’ordre de la sollicitation (l’élève est généralement incité à répondre, à produire le
langage visé) pour les approches béhavioristes et de l’ordre de la stimulation (un
modèle langagier riche sans insistance est offert) pour les approches interactionnistes.
ces stratégies sont-elles donc appliquées dans le quotidien de l’enseignante? Sur quels
indices en cours d’interaction l’enseignante s’appuie-t-elle pour mettre en œuvre une
stratégie? Qui plus est, bien que ces recherches promeuvent l’interaction naturelle,
elles mettent en scène soit un élève décloisonné de sa classe habituelle dans le cadre
d’une rééducation, soit un enseignement prodigué par un éducateur spécialisé ou un
thérapeute du langage et non directement par l’enseignante. Il apparaît donc qu’un
vide scientifique conséquent persiste entourant les données sur les stratégies
déployées dans l’interaction enseignante-élève en dyade en contexte naturel de classe.
En guise de synthèse, rappelons tout d’abord que le langage est déjà généralement
bien maîtrisé par l’élève à son entrée en maternelle, mais que les compétences
langagières sont très inégales d’un élève à l’autre, et ce pour plusieurs raisons. Les
élèves ayant un TSA ont un développement langagier atypique et en plus de leurs
difficultés interactionnelles, certains d’entre eux ne maîtrisent pas encore le langage
oral à leur entrée à l’école, ce qui rend somme toute la transition vers la maternelle
encore plus complexe pour les enseignantes qui les accueillent. Conséquemment, il
apparaît que l’enseignante et son élève ayant un TSA font face à un défi
supplémentaire d’ajustement dans l’interaction et ce défi touche l’enseignement-
apprentissage et les compétences, dont celle portant sur la communication orale. Le
rôle de soutien du langage et de l’interaction de l’enseignante s’en trouve donc
également complexifié. À cet égard, le PFEQ n’offre pas de repères pour le travail sur
la communication orale d’élèves en plus grandes difficultés n’ayant pas un langage
verbal fluide.
À la lumière des trois conclusions qui précèdent, il y a lieu d’explorer les concepts 1-
d’interaction en contexte, 2- d’ajustement et d’indices de contextualisation et 3- de
stratégies de soutien à l’interaction et au langage destinées à l’élève ayant un TSA
pour mieux théoriser cet ajustement en dyade et pouvoir dégager des objectifs de
recherche.
CHAPITRE II
CADRE CONCEPTUEL
Dans ce chapitre, nous expliquerons plus en profondeur les concepts clés de notre
recherche. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le concept de
l’interaction qui est central dans la recherche. Nous exposerons ses conditions de
réalisation parmi lesquelles se trouve un autre concept central, celui d’ajustement
fortement lié à celui de contexte. Dans un second temps, nous approfondirons le
concept de l’ajustement en nous attardant cette fois aux indices de contextualisation
sur lesquels s’appuie l’interprétation des interactants, puis sur les concepts de
séquentialité et d’indexicalité. Dans un dernier temps, nous ferons un bref survol des
difficultés langagières et interactionnelles dans l’autisme pour en arriver aux
stratégies plus détaillées utilisées pour soutenir le développement langagier et
interactionnel de ces élèves ayant un TSA.
29
2.1 L’interaction
8
Pour éviter toute confusion, nous nous en tiendrons au terme « interaction », même si certains auteurs
ou certaines traductions utilisent celui de « situation de communication ». L’interaction correspond
donc à la communication telle que conçue dans les approches interactionnelles en linguistique.
30
rôle actif des participants et participantes qui font progresser le sens, ce sens n’était
pas « unique » et divisé en messages indépendants, mais progressivement coconstruit
par les deux interactants.
Plusieurs manières d’analyser coexistent dans la littérature lorsqu’il est question des
unités de sens qui évoluent dans l’interaction. Par exemple, les notions de
thème/rhème sont notamment utilisées en linguistique textuelle. Lorsqu’ils
interagissent, les deux interactants s’influencent pour développer un thème commun
pouvant être considéré comme un support général d’information. Au fil de l’échange,
ils vont spécifier ce thème et coconstruire de l’information à son sujet, soit des
rhèmes (Flament, 2007). En pragmatique du langage, certains auteurs mettent plutôt
de l’avant l’enchaînement des actes de langage, soit ce que font les interactants au
moyen du langage, des gestes, etc. : demander, affirmer, répondre, etc. (Austin,
32
Qu’est-ce que les interactants doivent faire pour que leur interaction se réalise
optimalement et qu’ils parviennent à coconstruire un sens partagé? Dans cette
section, nous présenterons les trois conditions à réunir pour la réussite de
l’interaction : l’engagement, la coopération et l’ajustement.
36
Avant même d’initier une interaction dans un contexte, les deux interactants doivent
d’abord se faire minimalement confiance mutuellement, c’est-à-dire se donner crédit
réciproquement sur leur capacité à interagir l’un avec l’autre et à coopérer. Chacun
doit ainsi supposer que l’autre est minimalement en mesure d’émettre des messages
pertinents et de prendre en compte le contexte, c’est-à-dire ce qui est implicite dans
ce qui sera dit (Blanchet, 2012). Concrètement, deux interactants qui s’engagent dans
une activité conjointe doivent choisir de s’y engager et d’y porter leur attention. Pour
revenir aux élèves ayant un TSA, l’engagement signifie aussi leur donner crédit dans
leur posture d’interactant : l’adulte doit supposer qu’ils sont capables d’interagir.
Fasulo et Fiore (2007) parlent de reconnaître mutuellement l’autre comme une
personne « valide. » Il doit également être supposé que ce qu’ils disent peut avoir du
sens malgré leurs importantes difficultés langagières et leurs productions d’énoncés
écholaliques ou répétitifs et leurs propos qui semblent hors contexte.
Une fois les deux interactants engagés dans l’interaction, ils doivent ensemble la
maintenir pour faire évoluer le thème qu’ils coconstruiront. Ils doivent par
conséquent coopérer et s’assurer de laisser de la place à l’un et à l’autre, de ne pas
s’interrompre en tout temps par exemple (Gumperz, 1989a). Pour ce faire, ils doivent
orchestrer adéquatement les tours de parole. Effectivement, en parlant, les interactants
s’échangent les tours de parole, c’est-à-dire qu’ils parlent en alternance, se cédant
successivement la parole, sans que leurs tours de parole aient absolument la même
durée. Un des participants peut donc parler plus que l’autre. Ce faisant, la gestion des
tours de parole est régie par certaines règles implicites : les interactants ont le devoir
37
11
« Contribuez à la conversation telle que requise au moment où votre contribution est requise, en lien
avec le but convenu de l’échange dans lequel vous êtes engagé. Ce principe se nomme le principe de
coopération. » (Grice, 1970, p. 43-44) [notre traduction]
38
les mêmes inférences (Skarakis-Doyle et al., 2014) et donc d’interpréter les propos
tenus de la même manière. Cet écart est particulièrement visible lorsque l’interaction
est fortement asymétrique, comme c’est le cas pour celle enseignante-élève. De
surcroît, le principe de Grice n’est pas explicite sur le fait que les interactants
coopèrent linguistiquement ou dans le partage d’un but social.
2.1.3.3 L’ajustement
Dans la section précédente, nous avons présenté la coopération des deux interactants
au regard de l’orchestration des tours de parole et de leur contribution respective à
l’interaction. Dans notre conception de l’interaction, le concept d’ajustement se
distingue de la coopération portant plus finement sur la coconstruction du sens plutôt
que sur la manière d’orchestrer les tours de paroles. Pour ajouter à cette confusion
possible entre ces deux concepts, il semble y avoir un manque de clarté dans
l’utilisation du terme « coopération » dans la littérature scientifique, tout comme les
termes de communication/interaction se confondent. Que ce soit dans les ouvrages
originaux en anglais ou dans les traductions françaises, « cooperation/coopération »
n’a pas du tout une définition univoque. Par souci de clarté, nous utiliserons les
termes distincts « coopération » et « ajustement. »
Pour bien concevoir l’ajustement, évoquons une fois de plus que pour que le sens soit
coconstruit en classe, il importe que les énoncés soient bien compris et formulés par
l’enseignante et l’élève dans l’interaction, et même si cette formulation n’est pas
grammaticale ou conventionnelle, elle doit être suffisante pour permettre d’interpréter
le sens voulu en regard du contexte. Or, rappelons que ce n’est pas toujours le cas
avec les élèves ayant un TSA. Parfois, l’enseignante et/ou l’élève ne parviennent pas
à formuler un énoncé verbal et/ou à poser une action non verbale suffisamment
39
intelligible pour que son sens soit adéquatement cointerprété, ce qui crée un bris dans
l’interaction (fin de l’interaction ou changement du thème de conversation) : il n’y a
alors pas d’ajustement. Plus subtilement, sans mener à une fin brusque de
l’interaction, un micro-problème d’ajustement peut se rectifier si les interactants le
perçoivent et y pallient. En somme, nous pourrions définir l’ajustement comme
l’ensemble des micro-ajustements que font progressivement les interactants au fil des
tours de parole à partir des indices de contextualisation qu’ils coproduisent et des
connaissances (historiques, sociales, linguistiques, culturelles et ressources
multimodales de la langue) qu’ils utilisent dans leur cointerprétation. Il s’agit dès lors
d’un processus continuel de remise en question des présuppositions sur ce qui est en
train de se passer. (Filliettaz, 2006 ; Filliettaz et Schubauer-Leoni, 2008 ; Gumperz,
1982 ; Vion, 1992). Comme l’ajustement s’effectue progressivement, un interactant
ne peut jamais prévoir précisément quel sera le déroulement de l’interaction, car il ne
sait pas par avance ce qui sera dit, montré, compris par l’autre participant. Nous
verrons à cet effet que le contexte de l’interaction change continuellement.
Nous verrons que toute interaction est absolument indissociable de son contexte
d’apparition, puisque d’une part, sa coconstruction en dépend en tous points, puis
d’autre part, qu’elle contribue ce faisant à la constante actualisation du contexte.
Voici donc ce qui le caractérise :
3- Une autre caractéristique du contexte est son caractère évolutif : il est flexible,
dynamique, même réflexif (Auer, 1992). Au fur et à mesure que l’interaction se
déroule et que les indices se cumulent, le contexte change pour inclure les nouveaux
indices d’interprétation. À cet égard, Filliettaz (2006, p. 73) soutient que « le contexte
n’est jamais donné mais au contraire construit. » Le processus est en mouvance
constante : les interactants construisent le contexte approprié à partir de leurs
ressources (leurs connaissances et leur langage multimodal), puis ils s’appuient
41
ensuite sur celui-ci pour rendre les messages verbaux bien interprétables (Auer,
1992 ; Filliettaz, 2006). La mouvance du contexte et le cumul des indices peuvent dès
lors rapidement rendre l’interprétation divergente lorsque ces indices ne sont pas
perçus au même titre par les interactants. À ce propos, la section suivante portera sur
les indices de contextualisation, puis sur les composantes de l’interaction dans
lesquelles peuvent se trouver ces indices.
les agençant et en les organisant. Ceux-ci sont construits, puis reconstruits par l’autre.
L’ajustement survient entre la construction et la reconstruction. D’après cette théorie,
tout interactant déconstruit un énoncé à l’aide des marqueurs, puis s’ajuste pour le
reconstruire dans l’énonciation. Cette construction constitue plus qu’une réaction à un
stimulus (Culioli, 2002).
Quels peuvent donc être ces marqueurs? Dans le langage verbal, il peut s’agir entre
autres du lexique (nom, verbe, adverbe, pronom, etc.), de marques morphologiques
(marques de genre, nombre, conjugaison), de constructions syntaxiques. Il peut aussi
s’agir de marqueurs divers ayant une fonction déictique, nommés déictiques ou
embrayeurs (pronoms, expressions spatio-temporelles), c’est-à-dire qui ancrent un
énoncé dans sa situation d’énonciation (Maingueneau, 2016) : ici, je, là, celui-ci,
demain pour ne nommer que quelques exemples. Somme toute, la théorie de
l’énonciation amène l’idée d’un passage entre le langage produit et le langage
interprété.
12
Tellier et Stam reprennent la typologie proposée par McNeill (1992 ; 2005).
43
Nous retenons pour la présente thèse les classes descriptives des gestes de la main de
Ekman et Friesen (1972) que nous élargissons aux mimiques, postures et
gestes/mouvements plus larges mobilisés par d’autres parties du corps. Le tableau 2.2
synthétise les trois types et les sous-types de gestes décrits par les auteurs [notre
traduction].
44
Tableau 2.2 Description des gestes de la main d’après Ekman et Friesen (1972)
Type de gestes et définition Sous-catégories et exemples
Gestes emblématiques/conventionnels :
Gestes pouvant généralement avoir une Exemples :
traduction verbale directe, dont le sens est « bonjour » de la main
conventionnel, connu par la majorité des
membres de la communauté culturelle. « oui »/« non » en hochant la tête
Utilisé consciemment pour envoyer ce
message précis et interprété aussi comme
étant conscient.
Gestes illustrateurs : Bâtons :
Gestes qui accompagnent généralement le accentuent un mot ou une phrase.
langage verbal dont le sens émerge dans
Idéographes :
un contexte particulier.
illustrent l’orientation de la pensée, un concept
N’ont pas une définition verbale aussi
abstrait.
précise et directe que les gestes
emblématiques/conventionnels Mouvements déictiques :
pointent une personne, un endroit ou un objet.
Mouvements spatiaux :
illustrent une relation spatiale.
Mouvements rythmiques :
illustrent le rythme d’une action, d’un événement.
Kinétographes :
illustration d’une action du corps ou d’un mouvement
non humain (ex. animal, monstre).
Pictographes :
dessinent la forme d’un objet auquel on se réfère (ex.
carré).
Mouvements emblématiques :
illustrent un énoncé verbal, le substituent ou le
répètent.
Gestes adaptateurs : Auto-adaptateurs, alter-adaptateurs :
Gestes inconscients n’ayant pas de lien manipulation de son propre corps (ex. se gratter le
direct avec le langage produit. Les nez).
adaptateurs servent de régulateurs
Adaptateurs avec objets :
émotionnels ou servent à maintenir
l’interaction avec l’autre participant. mouvement sans lien avec la fonction de l’objet, pour
se déstresser, par exemple.
45
Du côté du paraverbal, mentionnons tout d’abord que la prosodie porte sur l’aspect
sonore du langage, ce qui est perçu en le traduisant en indices. Y sont inclus donc
autant l’intonation (variations mélodiques), que la structuration rythmique (les
accents qui ressortent), l’ordre temporel (débit : pauses et allongements) et la qualité
de la voix (Portes, 2004). Pinard-Prévost (2010) retient quatre indices prosodiques : la
hauteur, l’intensité, la durée et les pauses. Ces quatre indices se décrivent ensuite
selon des paramètres : voix grave/aiguë, voix forte/douce, allongements, énoncé
fluide ou tronqué (Pinard-Prevost, 2010). L’intérêt de montrer ces indices dans
l’étude de l’interaction est de faire ressortir les indices qui sont pertinents dans
l’interprétation des interactants et non strictement d’étudier tous les indices (Pinard-
46
prosodie, les silences, le regard orienté vers le destinataire, les gestes, les mimiques,
les postures, la distance entre les interactants, les régulateurs ou signaux d’écoute, les
expressions, les objets, etc. Bref, ils regroupent tous les moyens par lesquels les
participants contextualisent le langage multimodal et orientent son interprétation
(Auer, 1992 ; Gumperz, 1982). Pour Gumperz (1992), même si en surface l’indice de
contextualisation prend une forme linguistique quelconque, il se détache de sa
substance phonétique et en dépend bien peu en fin de compte. Dès lors, le participant
à l’interaction est soutenu par tout son bagage de connaissances et ses expériences
interactionnelles passées. En ce qui a trait aux expériences personnelles du
participant, Vion (1992) nomme cette connaissance de l’autre et de la relation avec ce
dernier « l’histoire interactionnelle », soit l’ensemble des interactions auxquelles les
interactants ont participé ou assisté au cours de leur vie.
Selon Masquelier (2005), ce modèle est dit « étique », car il sert de première étape
pour le chercheur ou la chercheuse qui veut nommer les composantes de son objet
d’enquête orienté sur l’interaction. La dimension anthropologique de l’ethnographie
51
L’indexicalité s’avère être un défi pour les personnes ayant un TSA. Ochs et al.
(2004) identifient quatre volets de l’indexicalité qui pourraient causer des difficultés
d’interprétation pour ces personnes. Ainsi, en premier lieu, l’indexicalité demande
souvent pour la personne d’inférer le ressenti de l’autre, quelles sont ses émotions et
ses intentions à partir d’indices perçus chez l’autre (ex. mimique). En second lieu,
une forme indexicale donnée peut référer à plus d’un sens socioculturel, par exemple
un sens non littéraire. En troisième lieu, la personne doit pouvoir rapidement émettre
une hypothèse quant à un sens qui est cohérent dans le cours de l’interaction, et ce
considérant les changements rapides de tours de paroles et de thèmes. En dernier lieu,
54
Dans cette dernière section du cadre conceptuel, il sera plus spécifiquement question
du langage et de l’interaction de l’élève ayant un TSA et de son enseignante. En
premier lieu, nous effectuerons un survol des caractéristiques langagières et de
l’interaction chez l’enfant ayant un TSA. Pour aborder les stratégies de soutien au
55
Avant de procéder, nous tenons à préciser qu’il est maintes fois répété dans la
littérature scientifique que les profils langagiers des personnes ayant un TSA sont très
hétérogènes. Par conséquent, le bref survol que nous présenterons ci-après doit se lire
avec nuance et ne doit pas être compris comme une généralisation du développement
langagier de l’ensemble des élèves ayant un TSA, incluant les élèves participants à la
présente recherche. Nous conclurons d’ailleurs cette section des caractéristiques
langagières et interactionnelles par les principales critiques portées à l’égard des
recherches qui évaluent le profil langagier des personnes ayant un TSA.
langage fluide s’observent plus tard, vers 8 ans. À l’âge de 4 ans, il ne serait
cependant pas possible de prédire hors de tout doute l’évolution du langage de
l’enfant. De plus en plus de recherches pointent néanmoins vers un lien entre le
fonctionnement cognitif non verbal et le développement du langage verbal
(production et compréhension) (voir entre autres Brignell et al., 2018 ; Nevill et al.,
2019 ; Wodka et al., 2013). L’attention conjointe, soit un ensemble de conduites
menant au partage de l’attention sur un événement avec autrui pourrait prédire le
langage réceptif, tandis que la fréquence des vocalisations serait un indicateur de
développement langagier expressif plus tard (Nevill et al., 2019).
Pour ce qui est du langage non verbal, nous nous attarderons ici sur deux points : les
gestes conventionnels et les gestes de pointage. Nous aborderons ensuite l’orientation
du regard dans la section sur l’attention conjointe. Pour commencer, dans leur
recherche expérimentale, Perrault et al. (2019) ont étudié la compréhension chez les
enfants des gestes conventionnels (ex. : une action spécifique comme jouer de la
flûte) ou arbitraires (ex. lever les bras en l’air pour signifier qu’on ne sait pas) à partir
d’images non contextualisées. Ils ont comparé entre elles des cohortes d’enfants (âgés
de 3 à 10 ans) tout-venant, ayant un TSA et ayant un trouble de langage. Ils
concluent que les élèves ayant un TSA éprouvent plus de difficultés que les deux
autres groupes d’enfants dans l’interprétation des gestes conventionnels. De plus, ces
auteurs soulignent que lorsque le langage verbal est moins développé, il est attendu
que l’enfant puisse justement s’appuyer sur des gestes conventionnels, ce qui pourrait
donc s’avérer aussi une difficulté pour les enfants ayant un TSA.
58
En ce qui concerne les gestes de pointage, il est généralement reconnu que l’enfant
ayant un TSA utilise peu les pointages proto-déclaratifs (pour diriger le regard de
l’adulte) contrairement aux pointages proto-impératifs (pour faire des demandes à
l’adulte) (Guidetti et al., 2004). Récemment, Harbison, McDaniel et Yoder (2017) ont
aussi montré une utilisation moindre des pointages proto-déclaratifs chez les enfants
(âgés entre 12 et 30 mois) ayant un TSA comparativement aux enfants tout-venant ou
ayant un trouble du langage. De plus en plus d’études soulignent ce lien étroit entre
les mots produits par l’enfant et les gestes de pointage (Talbott et al., 2020), lien qui
existe d’ailleurs chez l’enfant tout-venant chez lequel une phase de pointage avec mot
précède l’association de deux mots. Cependant, Talbott et al. (2020) ont conclu que
l’apparition du pointage surviendrait plus tard, après les premiers mots de l’enfant
ayant un TSA.
L’écholalie, soit la reprise dans l’immédiat ou en différé des propos entendus dans
l’entourage, est souvent considérée comme un marqueur dans l’autisme (Kim et al.,
2014). Ceci étant dit, l’écholalie n’est pas un phénomène exclusif à l’autisme; elle fait
aussi partie du développement du langage de l’enfant qui répète des mots ou énoncés
entendus, surtout entre 18 et 30 mois (Beaud, 2010). Les reprises chez l’enfant ont
d’ailleurs été largement documentées (entre autres Bernicot et al., 2006 ; Bernicot et
Clark, 2010 ; Clark, 2006 ; Morgenstern, 2008) mais l’enfant sort de cette phase plus
rapidement que l’enfant ayant un TSA et ses écholalies disparaîtront. Contrairement à
ce qui est généralement observé, l’écholalie n’aurait pas comme fonction de
complexifier petit à petit la syntaxe chez l’enfant ayant un TSA (Eigsti et al., 2011).
Il ressort plutôt que l’enfant ayant un TSA peut prendre son tour de parole en
produisant des énoncés écholaliques et en se les appropriant en modulant sa voix par
exemple (Sterponi et Shankey, 2014), ce qui lui donnerait davantage une fonction
interactionnelle. Dans cet ordre d’idées, Sterponi et Fasulo (2010) arrivent à la
conclusion dans leur recherche qui s’intéresse à l’interaction mère-enfant ayant un
TSA, que les énoncés formulaïques ou écholaliques et les jeux verbaux imaginaires
de l’enfant reconnus comme valables par la mère s’inscrivent dans la progression de
la séquence et dans l’intercompréhension des interactants.
En plus des énoncés écholaliques, la difficulté qu’ont les enfants ayant un TSA à
répondre aux questions est largement mentionnée dans la littérature (Eigsti et al.,
2011 ; Kremer-Sadlik, 2004 ; Ochs et al., 2004 ; Wagner, 2017). Dans cet esprit,
apparaissent aussi des associations d’idées idiosyncrasiques qui semblent hors
61
contexte. Dans ce cas, l’enfant produit un énoncé ou utilise des mots qui semblent
avoir peu de liens avec la situation actuelle, mais qui pour lui, ont une signification
autre qui n’est pas évidente ou conventionnelle. Pour Ochs et Solomon (2005), la
relevance d’un énoncé peut se voir de deux manières : soit « localement » en liant son
énoncé à ce qui vient de se dire dans l’interaction (sans nécessairement être plus
largement lié au thème plus global), soit en intégrant une « connaissance objective »
(qui peut être décalée par rapport à ce qui vient juste de se dire dans la séquence). Ces
manières de créer du sens sont fortement liées aux principes de séquentialité et
d’indexicalité. Ainsi, des analyses interactionnelles montrent que la paire adjacente
peut être complétée par l’enfant ayant un TSA, mais avec de l’information jugée
asynchrone (Ochs et al., 2004 ; Wagner, 2017). Il est possible de penser dans ce cas
que l’information ainsi introduite ne s’appuie potentiellement pas sur la bonne
hypothèse à propos d’un sens cohérent à ce moment de l’interaction, ou encore que
certains indices indexicaux en cooccurrence n’ont pas été interprétés (Ochs et al.,
2004). En ce sens, Wagner (2017) montre que pour un jeune enfant de 4 ans ayant un
TSA, les réponses jugées asynchrones, non valides ou ayant une relevance proximale
peuvent s’appuyer sur d’autres types d’indices que le langage lui-même qui font sens
pour l’enfant, par exemple des indices visuels ou la connaissance de ce qui survient
plus loin dans un livre ou la connaissance de la prochaine activité promise.
2.3.1.6 Synthèse des critiques à l’égard des recherches portant sur le profil langagier
des personnes ayant un TSA et ouverture sur les recherches qui valorisent les
compétences en contexte
pour que la tâche parle d’elle-même, sans être accompagnée d’une explication
verbale, ce qui permet à l’élève de réaliser son travail de manière autonome et de
s’organiser dans l’enchaînement des différentes étapes (Odier-Guedj, 2010). Les
explications verbales qui entourent le soutien visuel sont pourtant de première
importance pour la compréhension et l’apprentissage comme le soulignent Odier-
Guedj et Gombert (2012). Dans ce sens, il ne faut pas perdre de vue que dans une
perspective interactionniste, le soutien visuel est en quelque sorte un médiateur entre
l’enfant et l’adulte qui prodigue des étayages langagiers autour de ce soutien (Wagner,
2017). Il n’a alors pas comme but de remplacer le langage verbal. Korkiakangas et
Rae (2013) montrent pour leur part que dans une activité d’enseignement-
apprentissage en dyade enseignante-élève, il y a lieu de s’intéresser à l’attention
visuelle particulière que porte l’élève aux objets environnants. Cette attention ne va
pas non plus de soi. En ce sens, l’enseignante peut combiner différentes stratégies en
observant finement les réactions de l’enfant pour s’assurer qu’il ou elle porte son
attention sur le bon matériel ou la bonne partie du matériel et comprenne aussi quelle
est son utilité à ce moment de l’interaction.
En second lieu, un autre élément avéré dans l’enseignement auprès d’élèves ayant un
TSA concerne les activités routinisées dont le déroulement structurel est prévisible.
Ces dernières sont reconnues comme des pratiques facilitant l’interaction auprès
d’élèves ayant un TSA. Ces pratiques sont notées autant dans les enseignements
structurés où par exemple, le travail ou le matériel sont structurés (Howley, 2015 ;
Odom et al., 2010) que dans les interventions naturalistes et interactionnistes. Dans
ces dernières, l’adulte est plutôt amené à exploiter les routines avec l’enfant pour
favoriser l’alternance des tours, l’approfondissement et le maintien du thème, puis la
variété (Girolametto et al., 2007). Même si les routines amènent une certaine
structure dans l’enseignement, ou un levier pour l’interaction, il est nécessaire de
considérer l’ouverture de ce que peut exprimer l’élève par rapport au cadre structurel
65
En guise de bref rappel, les interventions dites naturalistes regroupent des stratégies
variées qui se rapprochent de celles mises en place dans des interactions typiques.
Ces interventions ont lieu en contexte naturel dans les routines et les activités
habituelles et ne perturbent donc pas le cours des interactions en classe (Odom et al.,
2010). À l’exception de quelques exemples combinés, nous pouvons opposer deux
grandes approches dans les interventions dites naturalistes, soit les interventions
naturalistes béhaviorales et les interventions naturalistes interactionnistes. Dans les
approches naturalistes béhavioristes, l’adulte soutient naturellement le langage de
l’enfant par l’incitation et le renforcement (Ingersoll, 2011) et de courtes séances
d’apprentissage sont insérées par l’enseignant à partir de ce que fait l’enfant
initialement (Sowden et al., 2011), puis l’adulte enseigne directement le langage visé.
Dans les approches interactionnistes, l’attitude de l’adulte est dite « responsive »
(Girolametto et al., 2007 ; Swanson, 2020), puisqu’il interprète et répond aux intérêts
66
de l’enfant, suit son initiative en maintenant l’attention sur ce qui intéresse l’enfant,
tout en offrant un langage accessible pour l’apprenant (Girolametto et al., 2007 ;
Ingersoll, 2011). Tout compte fait, deux postures différentes découlent des approches
naturalistes dites béhaviorales ou interactionnistes, la sollicitation dans laquelle
l’adulte incite généralement l’élève à répondre (béhaviorale), à produire le langage
visé et la stimulation dans laquelle un modèle langagier étoffé et adéquat pour le
niveau de l’enfant est offert, sans insistance sur la forme ou la réponse
(interactionniste).
Pour commencer, les deux approches proposent des stratégies d’incitation (prompting
dans les approches béhaviorales) pour amener l’élève à prendre la parole et/ou à
exécuter une action attendue. Les principales stratégies répertoriées sont le modelage
(formulation totale ou partielle/ébauche d’un énoncé pour l’élève), la demande
(mand), la question et l’offre d’un temps de délai/l’attente. Dans les approches
béhaviorales (Andzik et al., 2016 ; Franco et al., 2013 ; Hart et Risley, 1975 ;
Ingersoll, 2011 ; Low et Lee, 2011 ; Odom et al., 2010 ; Smith, 2001 ; Sowden et al.,
2011 ; Stockall et Dennis, 2014), les modelages et les demandes sont renforcés par
l’objet qui est convoité par l’élève (ex. remise d’un objet à l’élève, interruption de
l’action de l’élève en train de jouer avec l’objet). De plus, il y a introduction d’un seul
antécédent (événement qui précède l’occurrence d’un comportement visé) qui est
d’abord isolé. Par la démonstration d’une posture d’attente (regard dirigé vers l’élève,
mimique, proximité), on cherche à laisser l’élève fournir une réponse et à voir la
portée de la stratégie utilisée. En cas d’erreur dans la réponse, ou d’absence de
réponse, certains programmes vont jusqu’à prédéterminer l’enchaînement des indices
donnés à l’élève pour l’inciter à répondre, tous entrecoupés d’un moment d’attente.
Dans cet esprit, on utilise une escalade des stratégies d’incitation et l’on vise
ultimement à estomper l’aide apportée à l’élève pour qu’il effectue l’action seul. Dans
les approches interactionnistes (Girolametto et al., 2007 ; Greenspan et Wieder,
2009), on privilégie les questions ouvertes et les choix de réponse lorsque l’on opte
pour cette stratégie. De manière générale, on exploite les routines auxquelles est
intégré le langage. La routine représente une bonne occasion de prendre son tour de
parole et d’attendre pour donner le temps à l’enfant de prendre le sien. Lorsque
l’enfant a de la difficulté à prendre son tour de parole dans l’interaction, on l’incite
par des indices explicites. Somme toute, il s’agit davantage d’inciter à prendre son
tour de parole par des moyens combinés, plutôt que d’insister sur une réponse.
68
À propos de l’alternance des tours, notons simplement que dans les approches
béhaviorales, on cherche à équilibrer les tours de parole (Kaiser et Trent, 2007). Cela
peut passer par l’enseignement à poser des questions (Kaiser et Trent, 2007 ; Stockall
et Dennis, 2014), à solliciter directement un tour de jeu (Sowden et al., 2011) ou à
inciter à répondre par divers indices que l’on cherche éventuellement à estomper
comme mentionné précédemment (Low et Lee, 2011). Du côté des approches
interactionnistes, on cible le mouvement continu dans l’interaction, toujours en
conservant une dimension ludique. Pour ce faire, on privilégie les activités dans
lesquelles l’enfant s’engage plus facilement (Mahoney et Powell, 1988), qu’il connaît
(routines) (Girolametto et al., 2007). L’alternance peut donc passer par des
changements de tours rapides (variation du rythme), par beaucoup d’expressivité
(gestes, bruits, sons) pour susciter l’alternance sans oublier l’attente qui est cruciale
pour laisser l’enfant prendre sa place de locuteur (Girolametto et al., 2007 ;
Greenspan et Wieder, 2009).
Ensuite, les deux approches proposent des stratégies d’organisation du matériel étant
relatives par exemple à son attrait pour l’élève, à son contrôle (remise par
l’enseignant), à son accessibilité en classe, aux choix offerts à l’élève, à sa réduction
pour éliminer les distractions et à la création de problèmes (matériel saboté). Le
matériel peut être organisé à l’avance, ou devant l’élève. Les deux approches
convergent sur l’importance de répondre aux intérêts de l’élève et à ce qui attire son
attention, ce à quoi l’adulte doit être attentif en lui laissant aussi des choix (Emerson
et Dearden, 2013 ; Girolametto et al., 2007 ; Kaiser et Trent, 2007 ; Koegel et al.,
2016 ; Stockall et Dennis, 2014). Toutefois, dans l’approche béhaviorale, le matériel
est de prime abord un prétexte à l’interaction (ex. susciter une demande de la part de
l’élève en éloignant le matériel) et un levier pour insister ensuite. Le matériel doit y
être attrayant, mais non distrayant afin d’éliminer les distractions (Smith, 2001). Dans
les approches interactionnistes, le matériel est davantage accessible (Ingersoll, 2011)
et il sert dans le jeu symbolique ou dans l’activité (créer un problème dans le jeu,
imiter l’enfant avec son jouet, offrir des choix à l’enfant). Il sert tout autant à joindre
l’élève dans son activité ou dans sa routine qu’à participer avec lui à l’interaction
(Girolametto et al., 2007 ; Greenspan et Wieder, 2009). Le matériel est accessoire
dans l’approche interactionniste, puisque le jeu peut aussi passer par des « people
games » basés sur les préférences sensorielles de l’enfant (jeu de coucou, jeu
d’attrape, jeu de chatouilles, etc.) (Girolametto et al., 2007).
l’exploiter ensuite (Koegel et al., 2016 ; Stockall et Dennis, 2014). Du côté des
stratégies d’imitation, nous n’avons pu dégager pour les approches béhavioristes que
la demande d’imitation adressée à l’enfant, par exemple d’un son chez Low et Lee
(2011), et l’imitation de ce que fait l’enfant directement comme conséquence à son
comportement (Franco et al., 2013). Les approches interactionnistes sont beaucoup
plus explicites pour ce regroupement de stratégies de suivre les intérêts de l’enfant et
d’imiter. On y parle notamment de l’importance d’observer finement l’enfant, son
attention, ses actions. La stratégie d’observation est fortement liée à l’attente pour
mieux ajuster la suite de l’interaction, partir de ce que l’enfant propose et ainsi le
joindre dans l’interaction (Emerson et Dearden, 2013 ; Girolametto et al., 1996,
2007 ; Greenspan et Wieder, 2009 ; Mahoney et Powell, 1988). Dans les programmes
d’approche interactionniste, l’adulte dépasse le choix de matériel de l’enfant et
l’attente de l’initiation, il suit tout au long du jeu les initiatives de l’enfant et répond à
ses intérêts. Tout est considéré comme faisant sens : les actions de l’enfant, ses
gestes, ses vocalisations; l’adulte répond à toutes ces formes d’initiatives
(Girolametto et al., 2007). En quelque sorte, l’enfant dirige le jeu et l’adulte joue avec
lui en enrichissant ce jeu, en y introduisant beaucoup de langage et en imitant l’enfant
(Girolametto et al., 2007 ; Mahoney et Powell, 1988). L’imitation de l’enfant (parole,
bruit, action, geste, etc.) est d’ailleurs considérée comme un bon vecteur d’interaction
(Caldwell, 2006 ; Girolametto et al., 2007 ; Ingersoll, 2011 ; Mahoney et Powell,
1988). Somme toute, les occasions de suivre l’intérêt de l’élève sont multiples : dans
le jeu symbolique, dans la routine, dans la conversation, etc.
Pour terminer ce condensé de notre revue de littérature sur les approches naturalistes
béhaviorales et interactionnistes, nous proposons une synthèse des stratégies
répertoriées en les classant dans trois macro-catégories : les stratégies de sollicitation,
les stratégies de stimulation et les stratégies d’étayage langagier qui sont, de par leur
nature, aussi des stratégies de stimulation (spécifiquement langagières).
73
Tableau 2.3 Synthèse des stratégies naturalistes regroupées pour soutenir le langage
et l’interaction de l’élève ayant un TSA
Dans ce chapitre, nous avons présenté les trois concepts centraux dans cette thèse, à
savoir l’interaction entre l’enseignante et l’élève en contexte, leur ajustement mutuel
s’opérant grâce à l’interprétation minutieuse d’indices de contextualisation et
finalement, les stratégies de soutien à l’interaction et au langage prodiguées par
l’enseignante. Considérant l’interaction profondément asymétrique au niveau des
compétences langagières et interactionnelles entre l’enseignante et son élève ayant un
TSA, cette thèse s’appuie sur l’idée que l’enseignante déploie ses stratégies au fil de
l’interaction en se basent sur les indices de contextualisation relevés, tout en aidant
l’élève à mieux interpréter ces indices de contextualisation. Ces stratégies ont aussi
pour but de stimuler le langage de l’élève. Comme l’interaction est un processus
hautement complexe, l’ajustement et les stratégies utilisées ne sont pas garantis et
peuvent se réaliser dans les faits d’une multitude de manières.
Compte tenu de ce qui précède, les objectifs de recherche sont les suivants :
MÉTHODOLOGIE
- au contexte extra-langagier pour une séquence donnée, mais aussi plus largement
(cadrage des activités en général, liens avec le PFEQ, vie de la classe, stratégies
utilisées par l’enseignante, liens entre les différentes activités, histoire
interactionnelle des participantes, etc.);
- à l’interaction naturelle de l’enseignante et de l’élève en dyade et à leur langage
multimodal;
- à l’enchaînement des tours de parole pour décrire l’ajustement et les stratégies; et
- au point de vue de l’interactante (vision émique des indices de contextualisation).
qui le forgent (Gumperz, 1982). Rappelons d’ailleurs que pour les ethnographes de la
communication, ces indices pertinents ne se trouvent pas seulement dans les tours de
parole qui précèdent et qui suivent un énoncé, comme le défend plutôt l’AC, mais
qu’ils dépassent le discours lui-même. L’AC, la branche la plus dure de
l’ethnométhodologie (de Fornel et Léon, 2000), se distingue globalement par sa
nécessité d’étudier le langage de très près, même notre propre langage, car s’y
trouvent des nouveautés, des aspects surprenants (Moerman, 1996). L’AC est donc ce
que nous interprétons comme la recherche de l’analyse la plus micro qui soit. Il lui est
d’ailleurs encore reproché d’être trop sectaire, de considérer le contexte et les
connaissances d’arrière-plan seulement comme internes au discours (Greco, 2015).
En définitive, nous partageons l’avis de plusieurs anthropologues linguistiques qui
voient davantage en l’AC un outil qui peut être entre autres combiné à l’EC. Utilisée
seule, elle nous apparaît trop limitée pour appréhender le contexte que nous
considérons à la fois comme interne et externe au discours. Parallèlement, l’EC nous
semble limitée pour mener une analyse fine d’une séquence d’interaction donnée,
d’où la pertinence de les combiner.
Voici les éléments méthodologiques pertinents qui ressortent dans la démarche des
dix-sept études qui répondent en partie ou en totalité à nos quatre critères, c’est-à-dire
l’accès au contexte extra-langagier, la multimodalité du langage, l’accès à
l’enchaînement des tours de parole et le point de vue émique des interactants (voir
Annexe A).
3.1.2 Des enregistrements vidéo complétés par des observations, des notes pour
décrire le contexte et par des entretiens pour obtenir le point de vue de participants
Dans notre étude de maîtrise (Lavigne, 2014), tout comme Wagner (2017), nous
avons eu recours à l’observation participante, aux entretiens ethnographiques et au
journal de terrain pour compléter notre corpus. Fasulo et Fiore (2007) et Solomon
(2008) complètent aussi leurs captations vidéo par des observations. Lavigne (2014),
Wagner (2017) et Bagatell (2012) mobilisent une partie de leur analyse à décrire le
contexte de leur corpus et des séances ciblées. Par cette description, elles portent un
regard externe sur le discours qui vient bonifier l’analyse du langage. Pour obtenir le
point de vue des participants, Sterponi et Shankey (2014) témoignent d’échanges
informels entre le chercheur et les parents, Filliettaz d’entretiens de planification des
activités, Odier-Guedj et Gombert (2012) et Lavigne (2014) effectuent des entretiens
semi-dirigés sous forme de récits de pratiques avec les enseignants. Pour leur part,
Sterponi et Shankey (2014) resoumettent l’information aux parents pour confirmation
et Samuelsson et Plejert (2015) font des entretiens de rétrospection semi-structurés
avec les participants sur les interactions visionnées.
Toutes les études qui s’intéressent aux interactions mettent de l’avant l’importance de
la transcription multimodale qui fait partie de l’analyse. Les transcriptions sont faites
à partir des enregistrements audio ou vidéo. Le recours à l’enregistrement est
incontournable pour pouvoir noter en détail le langage dans toutes ses dimensions.
Les séquences analysées durent de quelques secondes à quelques minutes, au plus
environ trois minutes pour Stiegler (2007). En ethnographie et en analyses
interactionnelles, Wagner (2017) utilise une transcription mixte orthographique et
80
grammaticale incluant aussi les indices paraverbaux, non verbaux et contextuels. Elle
ajoute à sa transcription du langage les transcriptions approximatives des énoncés de
l’enfant s’inspirant de Morgenstern et Parisse (2007), les actions conjointes
simultanées (d’après Goodwin [1995]), les indices de contextualisation (Gumperz,
1982; Auer, 1996), ainsi que les gestes (selon Ekman et Frisen; 1968, 1990). Elle
reprend donc des conventions de transcription propres à différents courants (AC, EC,
linguistique de l’acquisition) et y joint des captures d’écran des vidéos. Pour leur part,
Solomon (2004, 2008), Park (2017), Ochs et al. (2004) et Korkiakangas et Rae
(2013) exploitent les modalités de transcription de l’analyse conversationnelle de
Atkinson et Heritage (1984) ou de Jefferson (2004). Korkiakangas et Rae ajoutent
des schémas esquissant les participants, leurs actions principales et leur utilisation des
objets. Toujours en AC, Stiegler (2007) adapte les conventions proposées par Psathas
(1995). Enfin, Romain et Roubaud (2013) en linguistique de l’acquisition optent pour
le système édité par le Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe. En définitive, les
conventions de transcriptions sont soigneusement choisies et adaptées en fonction des
objectifs de recherche et des éléments précis à illustrer dans les séquences
d’interaction. Les détails des transcriptions et la profondeur de l’analyse sur le plan
linguistique permettent de comprendre le nombre réduit de participants et de
séquences analysées.
Hormis la transcription qui fait partie de l’analyse en tant que telle, quelques auteurs
parmi les dix-sept études décrivent leur démarche de réduction du corpus. Par
exemple, Lavigne (2014) a procédé à une classification des séquences en trois types,
soit libres, semi-libres et restreintes selon la liberté octroyée à l’élève et au
développement du thème de conversation. Dans le même ordre d’idées, Sterponi et
Shankey (2014) ont identifié les énoncés écholaliques de l’enfant tout en rejetant les
autres, puis raffinent en les séparant d’après leur caractère immédiat ou différé (à soi-
81
même, à l’autre, impersonnel). Pour sa part, Wagner (2017) a conservé les séquences
montrant des conversations à table ou des échanges avec un support visuel dans
lesquelles l’enfant était en tutelle avec l’adulte et dans lesquelles l’adulte faisait
beaucoup d’étayage. Enfin, Solomon (2004) a conservé les séquences narratives en
les classant selon qu’elles sont personnelles ou fictives. De toutes ces manières de
réduire le corpus ressort l’établissement de critères précis de catégorisation.
3.1.5 Des choix d’indices plus précis pour raffiner l’analyse et comprendre le
contexte interne du discours
Après avoir choisi des catégories plus générales d’analyse à partir des transcriptions,
les auteurs ont particulièrement recours à des indices très « fins. » En guise
d’exemple, l’analyse fine du paraverbal est la plus essentielle pour Sterponi et
Shankey (2014) et Sterponi et De Kirby (2016). Ils décortiquent les indices
paraverbaux (rythme, la hauteur de la voix pour certains mots ou partie de mots, etc.)
pour comparer deux énoncés en écho et analyser leur contexte d’apparition. Pour
Fasulo et Fiore (2007), les indices sont variés (mots, intonations, gestes), mais c’est
leur enchaînement d’un tour de parole à l’autre qui permet de voir comment il peut y
avoir confusion entre ce qu’attendent respectivement l’intervenant et l’enfant de
l’autre dans l’interaction en cours. De leur côté, Korkiakangas et Rae (2013) se
concentrent sur les mouvements impliquant des objets et sur les indices d’attention.
Enfin, Filliettaz (2014) relève les ressources multimodales qui mettent en évidence le
lien entre les actions. Somme toute, ces études montrent comment les indices servent
à dégager petit à petit le sens créé dans l’interaction. En résumé, les auteurs partent
d’un constat général (par exemple l’écholalie immédiate de l’enfant) pour ensuite
chercher à comprendre ce qui explique ce constat dans l’interaction grâce aux indices.
Cette démarche leur permet de vraiment nuancer leurs premières impressions ou
catégories et de les raffiner.
82
Le travail d’analyse dans l’AC et l’EC se base entre autres sur un corpus que le
chercheur lui-même doit constituer, c’est-à-dire d’un « ensemble d’interactions
présentant une certaine homogénéité qui peut provenir d’une unité de site […], ou de
l’application d’un même protocole » (Bruxelles et Traverso, 2002, p. 2). Les
interactions de notre corpus proviennent d’un même groupe-classe (maternelle
accueillant des élèves ayant un TSA). Ainsi, nous nous sommes intéressée à un seul
groupe-classe, à une seule enseignante et ultimement, nous nous sommes attardée
dans nos analyses aux interactions avec une seule de ses élèves. Nous avons donc
assumé le risque potentiel du retrait de l’une des participantes pour des raisons
contextuelles ou personnelles.
83
3.3 Participantes
Les critères de sélection de l’enseignante sont les suivants : 1- elle devait être titulaire
de la classe spécialisée dans laquelle l’élève est scolarisé; 2- travailler à temps plein;
3- utiliser des approches pédagogiques interactionnistes. Nous avons choisi le milieu
de la classe spécialisée pour des élèves ayant un TSA dans une école ordinaire en
raison des besoins particuliers des élèves qui y sont scolarisés. Ces élèves nécessitent
86
un soutien jugé plus substantiel que celui offert en classe ordinaire et un encadrement
plus spécifique de l’enseignante par un effectif d’élèves réduit (une enseignante pour
cinq élèves dans le cas de la classe choisie) (Gaudreau, 2010). De plus, comme nous
nous intéressons à l’interaction en dyade enseignante-élève, nous souhaitions
maximiser ces interactions en dyade adulte-enfant. Puisque les approches
interactionnistes valorisent une grande variété dans les interactions (Odier-Guedj,
2013) et que l’élève y est considéré comme pouvant d’emblée interagir en dépit de
son diagnostic (Fasulo et Fiore, 2007), le choix de l’enseignante était des plus
importants et s’est fait intentionnellement et de manière raisonnée pour répondre aux
objectifs spécifiques de recherche. Suivant ces objectifs, nous voulions entre autres
accéder à une grande variété d’interactions et rendre compte des stratégies de soutien
utilisées par l’enseignante dans cette interaction. À la suite de notre rencontre avec la
direction de l’école consécutive à l’obtention de notre certificat éthique, nous sommes
vite entrée sur le terrain. Nous avons rapidement obtenu les formulaires de
consentement de tous les élèves, de l’enseignante et des autres intervenants (voir
l’Annexe E pour la lettre de présentation du projet à la direction de l’école et les
formulaires de consentement des participantes principales).
L’enseignante ciblée (Audrey) est une enseignante ayant plus de vingt années
d’expérience en enseignement en adaptation scolaire. Depuis quelques années, elle
s’est spécialisée auprès d’élèves ayant un TSA au niveau préscolaire. Elle a fait un
certificat de deuxième cycle universitaire sur l’enseignement auprès des élèves ayant
un TSA où elle s’est initiée aux approches interactionnistes. Elle a aussi participé à
différents projets de recherche portant sur l’interaction depuis son passage au
certificat. Au moment de la collecte de données, elle avait entamé une recherche de
maîtrise portant sur la participation interactionnelle des élèves aux activités
collectives en classe. Il est important de noter qu’elle a utilisé une partie de notre
corpus vidéo comme corpus secondaire pour sa recherche. Tout au long de la collecte
87
de données, elle était intéressée par son interaction en dyade avec les élèves, mais elle
avait aussi en arrière-plan ses activités d’enseignement et ses propres questions de
recherche sur la participation au collectif. C’est dans notre collaboration avec Audrey
que notre double posture chercheuse-enseignante (la chercheuse ayant collecté les
données étant elle-même enseignante en adaptation scolaire de formation) s’est
véritablement décuplée. Au final, nous ne parlerions plus de la posture d’Audrey et de
la nôtre, mais plutôt de nos postures respectives qui se rejoignent dans l’interaction et
qui changent constamment : enseignante-enseignante, chercheuse-participante,
étudiante-étudiante, etc. (voir l’Annexe F pour un résumé de ces postures).
Au moment de la collecte de données, Audrey avait une classe de cinq élèves (Sacha,
Jason, Hamir, Keenan et Laura) et elle était soutenue par une éducatrice spécialisée
(TES, Aline) et une préposée aux élèves handicapés (PEH, Mylène). Au cours de la
collecte de données, Aline a été remplacée par Lucie pendant trois semaines. En ce
qui a trait à la sélection spécifique de l’élève principal effectuée après quatre
semaines d’observation, les critères sont les suivants : il ou elle devait fréquenter une
maternelle à temps plein; avoir un diagnostic établi de TSA; avoir un important retard
langagier et pouvoir participer à un maximum d’interactions en dyade avec
l’enseignante (ex. pas de sorties fréquentes de la classe en raison du comportement ou
autres). Notre choix s’est donc arrêté sur Laura qui avait un diagnostic d’autisme sans
déficience intellectuelle au moment de la collecte de données. Nous avons dressé le
portrait de Laura en combinant toutes les sources de données collectées, dont
certaines observations filmées. Ainsi, bien qu’entamé dès le début de la collecte de
données, nous avons pu étoffer notre portrait au fil des observations. Nous présentons
ici les éléments les plus pertinents dans l’interprétation des indices de
contextualisation ciblés, toujours dans l’optique de mieux comprendre l’ajustement
dans l’interaction enseignante-élève. Nous avons fait le choix d’écarter certaines
88
informations jugées personnelles à l’élève relatives à son vécu avant l’école, dans les
autres services de réadaptation et à son vécu familial. Nous avons seulement consulté
les documents scolaires les plus utilisés du point de vue de l’enseignante, soit
l’agenda de l’élève, ses bulletins scolaires, son plan d’intervention et son plan
d’intervention en orthophonie (orthophoniste scolaire).
Laura est une élève de cinq ans ayant commencé la maternelle cinq ans en septembre
2017 dans la classe d’Audrey. Elle bénéficie du programme de formation du
préscolaire avec des adaptations. Elle poursuivra également sa première année du
primaire avec Audrey. Auparavant, Laura fréquentait une garderie à temps partiel et
avait une accompagnatrice qui lui était attitrée. Outre sa fréquentation scolaire,
l’élève est aussi suivie en orthophonie, en ergothérapie et par le CRDITED 13 .
Certains de ces professionnels ont déjà communiqué avec Audrey et ils sont venus
observer Laura à l’école. La mère de Laura la reconduit et vient la chercher à l’école,
ce qui permet aux intervenantes et à la mère d’échanger quotidiennement. La
communication école-famille s’en trouve ainsi facilitée selon Audrey. Audrey et la
mère de Laura qualifient d’ailleurs toutes deux leur relation respective enseignante-
parent d’excellente.
13
Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement.
Nous n’avons pas consulté les rapports de ces différentes instances.
89
3.3.3.2 Encadrement
Pour les activités de groupe, Laura a besoin d’un encadrement un peu plus particulier
que pour la majorité des autres élèves du groupe, surtout pour l’art plastique selon
Audrey. Dans ce cas, Audrey va la voir régulièrement ou bien la TES la supervise.
Elle précise que le soutien qui lui est apporté vise surtout à maintenir son intérêt et
son attention tout au long de l’activité, de même qu’à assurer sa sécurité avec le
matériel de bricolage. L’attention de l’élève est d’ailleurs un enjeu qui forge plusieurs
stratégies de l’enseignante. L’une des manières observées de solliciter l’élève de
manière générale pour valider son besoin d’assistance se fait par une question
générale (ex. « ça va Laura? ») Cette question générale a été par exemple observée
lorsque Laura était susceptible de demander de l’aide ou lorsqu’elle réalisait une
tâche seule et qu’Audrey n’était pas intervenue depuis un petit moment, comme dans
90
le cas des activités en groupe ou en sous-groupe (entre autres vidéo jour 5 (J5),
extrait 91 (E91); J6, E153; J9, E204).
3.3.3.3 Profil de Laura selon les propos rapportés de l’enseignante et les observations
en classe
Dans les paragraphes qui suivent, nous présenterons plus en détail le profil scolaire de
l’élève en la structurant d’après les six compétences du programme au préscolaire.
Le principal défi de Laura dans la compétence « communiquer » est que son langage
verbal ne correspond pas à celui d’un enfant de 5 ans à l’entrée en maternelle. En
effet, Laura produit parfois des phrases simples de deux ou trois mots, mais jamais de
phrases complexes et même assez rarement des phrases. Elle utilise des gestes et des
holophrases (mot-phrase) couplés avec des gestes. Son lexique comprend plusieurs
prénoms et noms communs qui l’intéressent et qu’elle utilise couramment (ex.
« biscuit, zeière (lumières), kem acé (crème glacée), pain, cise (cerise), yogur
(yogourt), milk (lait), butterfly (papillon), ladybug (coccinelle), sun (soleil), kitty
(chaton), dodo, bébé, eye (œil), etc. ») et adverbes/adjectifs/pronoms (ex. « encore,
oui, non, me/my (moi), bonjour, chaud/hot, blue, yellow, pink, red, green, petit,
grand, etc. »). L’élève utilise aussi des locutions connues : « bin non/ bin oui »,
« boum/ouch big bobo », « esoin d’aide », « go go go », « bim bam boum » reprises
des adultes de son entourage et quelques verbes (ex. « fini, mange, draw (dessiner),
coupe (découper), etc. ») Les mots spontanés qu’elle verbalise à la maison comme à
l’école sont plus souvent en anglais qu’en français, Laura ayant choisi l’anglais plutôt
que le français comme première langue. Il est impossible de savoir si le choix de
l’anglais par l’élève et sa scolarité en français pourraient expliquer son faible usage
du langage verbal. Toutefois, l’élève ne verbalise pas davantage à la maison, ce qui
laisse croire que la langue de scolarisation ne serait pas un enjeu majeur, d’autant plus
91
qu’elle peut s’exprimer dans la langue de son choix à l’école comme à la maison.
Ainsi, l’enseignante accepte largement ce contexte bilingue, ayant elle-même parfois
recours à l’anglais pour faire comprendre des informations à l’élève. Au niveau de sa
prononciation, ce que veut dire l’élève n’est pas toujours clair, même si elle utilise un
mot conventionnel en anglais ou en français.
Pour Audrey, et d’après les observations, Laura comprend beaucoup mieux le langage
qu’elle ne peut l’exprimer. En général, son langage verbal est aussi est très peu
développé comparativement à son langage non verbal dominant et appuyé par
l’insertion d’interjections et onomatopées porteuses de sens dans l’interaction
(« ouch, hm, mmm, miaou, etc. »). Laura pointe aisément ce qu’elle veut, que ce soit
un objet, une photo ou un choix de pictogrammes. Bien qu’elle s’exprime plus
verbalement qu’en début d’année scolaire, il faut continuer de l’encourager à le faire
verbalement selon Audrey. Cette dernière aborde la sensibilisation à l’importance de
parler en entretien : « Je ne connais pas beaucoup le mutisme sélectif, mais je ne sais
pas si elle ne voit pas toujours l’intérêt de parler, l’importance, ou juste que c’est
difficile pour elle et les mots ne viennent pas. » (entretien 1, question 4;
transcription p.9) Autrement dit, Laura initie peu verbalement, tout en ayant de la
difficulté à répondre verbalement lorsque la parole lui est adressée, surtout pour
donner une réponse affirmative selon Audrey.
Toutes les fois où je vois ses petites mimiques, ses petits gestes, son attitude,
c’est vraiment, c’est corporel, puis c’est dans les mimiques du visage aussi.
Puis dans la gestuelle aussi. À chaque fois ça me surprend à quel point elle peut
être efficace pour communiquer des choses comme ça (entretien 1, question 8;
transcription p.19)
92
Au niveau de l’écrit, Laura sait maintenant identifier les noms écrits des élèves de la
classe et nomme tous les élèves. Elle écrit d’ailleurs son prénom et nomme toutes les
lettres en anglais.
En terminant, les jeux symboliques qui sont pour Audrey vecteurs du développement
du langage sont variés chez l’élève : fabrique de bonhommes de neige, chats
(fréquent), jeu du café, souris peintre, bébés qui se bercent ou pleurent, etc.
L’enseignante sait effectivement que Laura « embarque » dans les propositions de jeu
symbolique lorsqu’elles se présentent. D’ailleurs, Audrey explique en entretien que
Laura « a comme un petit côté imaginaire » (entretien 3, transcription p.78) et qu’elle
développe des jeux qui s’apparentent au faire semblant. À cet égard, Audrey précise
que le répertoire de jeux symboliques de l’élève est large, mais que ces jeux ne sont
pas variés, chacun d’entre eux ne va pas vraiment en profondeur et est plutôt répétitif.
Elle ajoute :
C’est drôle des fois c’est juste un petit truc, un petit élément qui déclenche tout
le petit scénario (entretien 3, transcription p. 78-79).
Concernant les interactions avec les autres, Laura entre en contact avec les autres
surtout physiquement (toucher, jeux de poursuite qu’elle adore). Elle aime montrer
les objets qu’elle rapporte de la maison. Elle participe à toutes les activités de groupe
durant au moins cinq à dix minutes, un temps qui peut s’allonger avec le soutien d’un
adulte. Elle se montre respectueuse de l’horaire de la classe et a besoin d’un horaire
structuré. À cet égard, l’utilisation de l’horaire de groupe lui suffit. Dans ses jeux,
Laura joue et utilise surtout le matériel en parallèle des autres, mais Audrey constate
qu’elle imite les autres malgré tout. Enfin, Laura demande parfois de l’aide (rarement
verbalement) et accepte l’aide des autres de manière variable.
C’est parfois dans ses mimiques que Laura montre sa compréhension du monde par
l’action qu’elle entreprend et son incompréhension. Elle ne nomme pas le matériel
dont elle a besoin spontanément. Elle exprime peu verbalement les liens qu’elle fait,
mais l’enseignante les devine parfois. Elle fait preuve d’imagination et d’originalité à
sa manière, mais cet aspect est à poursuivre entre autres au niveau de la variation de
ses jeux symboliques. En outre, Laura adore faire des blagues et comprend les
mimiques exagérées qui lui sont adressées. Ce point a d’ailleurs été discuté avec
l’enseignante lors du troisième entretien. Cette dernière pouvait rétroactivement
penser à plusieurs blagues ou mimiques exagérées employées par l’élève. En classe,
nous avons pu observer maintes fois l’élève faire de petites blagues, par exemple
saluer un ami lors des Bonjours en le désignant par un autre prénom volontairement
(ex. jour 13, extrait vidéo 294); faire semblant d’avoir le hoquet et s’excuser.
Pour la compétence portant sur la réalisation d’une activité ou d’un projet, l’élève
montre, selon Audrey, son intérêt pour une activité en s’y engageant. Elle commence
à prévoir le matériel dont elle a besoin et l’enseignante lui fait nommer verbalement.
L’élève vient un peu vers l’adulte lorsqu’elle a besoin d’aide et nomme parfois ce
besoin verbalement. Durant la réalisation d’un projet, elle perd parfois le but fixé
initialement (ex. bricolage d’une grue : jour 6 dans une activité de groupe, bricolage
des formes). Enfin, l’élève est très fière de ce qu’elle réalise et montre ses projets à
Audrey.
Sur le plan sensorimoteur, Laura est une enfant qui adore bouger, courir et jouer à
l’extérieur. Audrey note que Laura aime explorer le matériel qui lui est proposé et
l’utilise à sa manière, mais pas toujours dans un but précis, c’est-à-dire qu’elle ne
95
semble pas toujours avoir une intention claire dans ce qu’elle produit (ex. bricoler un
chat, un bonhomme) (entre autres entretien 4, extrait 6, transcription p.121;
entretien 6, extrait 1, p.197; entretien 6, extrait 3, p.209). Laura adore bricoler
librement et fait souvent ce choix dans les activités non didactiques libres. Elle doit
toutefois être supervisée pour réaliser les étapes d’un projet. Elle utilise tout le
matériel mis à sa disposition et à cet égard Audrey précise qu’elle doit le contrôler
pour ne pas que l’élève ouvre tout en même temps (entretien 6, extrait 1,
transcription p.191). Selon Audrey, Laura doit être supervisée lorsqu’elle se sert de
matériel de bricolage qui pourrait être dangereux. Enfin, Laura a une sensibilité au
bruit qu’elle pallie en allant chercher elle-même ses coupe-sons au besoin.
Néanmoins, Audrey précise qu’elle ne laisse pas Laura les porter en continu pour ne
pas la couper des interactions potentielles.
Nous avons précédé et jumelé les enregistrements à des observations en classe, ce qui
nous a permis d’accéder au contexte et aux connaissances des interactantes (réponse à
l’objectif 1 sur les indices de contextualisation). En moyenne, ces observations se
sont déroulées à une fréquence de deux ou trois matinées complètes par semaine.
Notre but était de pouvoir observer le déroulement des événements et des activités,
les interactions et le cadre matériel. Ultimement, nous cherchions à en faire ressortir
les éléments implicites endossés par l’enseignante et l’élève, ainsi que les enjeux dans
la classe (Beaud et Weber, 2010). Une des limites soulignées dans notre recension est
justement ce manque de liens entre les stratégies et les séquences d’interaction. Le
chercheur ignore alors les connaissances issues de l’histoire interactionnelle de
l’élève et de l’enseignante.
96
À l’instar de Bélisle (2001), nous avons identifié les éléments de notre réalité de
chercheuse qui sont intervenus dans la collecte de données pour comprendre nos
postures inattendues qui s’y sont révélées. Le contexte en classe pouvait rapidement
faire osciller la posture d’observatrice de la chercheuse vers celle d’enseignante :
indiquer le temps qu’il restait à une activité, interroger un comportement moins
sécuritaire et discuter du PFEQ ou des approches d’enseignement. Un autre statut
social insoupçonné qui a ressurgi en cours de collecte est celui de « surveillante ». À
plusieurs reprises, les intervenantes ont demandé si nous avions vu tel événement
(comment un élève avait renversé son jus, où le matériel avait été laissé, etc.). Durant
les enregistrements, nous partagions notre rôle entre l’observation participante et la
technique en enregistrement (rechargement des piles, déplacement de caméra, etc.
Quelques détails de ce qui se passait dans l’activité en cours nous échappaient donc.
97
La tenue d’un carnet de notes nous a permis de prendre du recul par rapport à notre
posture d’observatrice-participante ayant plusieurs statuts et de noter des éléments
contextuels et des conversations informelles hors enregistrements (réponse au premier
objectif sur la description des indices de contextualisation) : « La fonction centrale de
la prise de notes est de nous (les chercheurs) obliger à réfléchir à la manière dont
nous avons été transformés sur le terrain, ce qui nous confronte à l’enregistrement des
événements, et ce qui en découle dans nos pensées. » (Spicer et Le Houezec-
Jacquemain, 2002, p. 392). Nous avons donc pris soin de noter dans le carnet de notes
nos jugements lors d’événements et de rectifier constamment nos présupposés
(Bélisle, 2001). Pour faciliter la prise de notes, nous avons structuré le cahier
ainsi (Beaud et Weber, 2010) : numéroter toutes les pages et dater toutes les prises de
notes; prévoir des pages vides entre les semaines d’observation pour noter des
résumés de la semaine ou écrire les objectifs d’observation pour la semaine suivante;
conserver une trentaine de pages au début du cahier pour noter des informations
générales sur le contexte de la classe et pour faire le portrait de chaque élève; pour
consigner toutes les impressions et tous les faits observés, nous avons noté sur la page
de gauche les faits observés rapportés : ce qui se passe, où, quand, comment, qui,
quoi? Sur la page de droite figuraient les indications de recherche : questions, idées
d’analyse, hypothèses, doutes, sentiments, liens faits avec des lectures ou autre
événement (Beaud et Weber, 2010).
En vue de compléter les notes de terrain, nous avons photographié les documents
montrant les activités effectuées (copies des fiches d’activité et des bricolages),
l’environnement de la classe et certains outils visuels de l’enseignante. Nous avons
aussi numérisé les documents d’évaluation scolaire formels et informels (notes de
l’enseignante, bulletins, plan d’intervention) et les communications école-famille. Ces
98
documents nous permettent aussi en partie de répondre à notre premier objectif sur les
indices de contextualisation.
Les enregistrements audio et vidéo sont incontournables, car ils permettent de capter
et de revenir sur des détails des séquences d’interaction, parfois même difficilement
observables et notables à la volée (Mondada, 2007 ; Steinbach Kohler et al., 2008),
dans le contexte de la classe. En captant l’interaction réelle en détail, leur utilisation
nous permet de répondre en partie à nos trois objectifs de recherche. Ces
enregistrements sont d’ailleurs utilisés dans l’ensemble des recherches recensées dans
la section 3.1. Ils sont préalables aux transcriptions détaillées et multimodales. Les
captations vidéo qui se sont précisées au cours des semaines ont débuté à la
cinquième semaine d’observation et nous avons filmé au total dix-sept demi-journées.
Pour varier au maximum les angles de vue comme le suggèrent Beaud et Weber
(2010), nous avons choisi de filmer avec cinq caméras au total déplacées selon
l’horaire des activités. Les caméras ont été nommées en fonction de leur format et des
endroits où elles étaient disposées. Un plan de la classe avec ses différentes caméras
positionnées se trouve à l’Annexe G. Malgré des précautions prises pour assurer la
qualité technique des enregistrements (qualité du son et de l’image, vue du visage et
du corps des participants, vue d’ensemble sur l’activité et le matériel, etc.), les défis
des tournages dans l’action ont été nombreux : déplacements continus des acteurs;
nombre de participants et proximité les uns par rapport aux autres; et endroits de la
classe plus étroits complexifiant la prise de vue.
3.4.4 Les captations vidéo selon les activités récurrentes en dyade et la saturation des
données
activités récurrentes (voir Annexe H). Ainsi, nous avons pu éliminer rapidement les
activités les moins pertinentes ou qui posaient des défis techniques trop importants :
le déshabillage dans le corridor, les transitions comme le lavage des mains, l’activité
d’éducation physique « préscogym. » Il faut dire qu’au départ, nous captions tout,
même si les activités dirigées d’enseignements-apprentissage sont le point focal de la
thèse. En effet, observer l’ensemble des activités de la classe nous permettait de
comprendre le contexte général, la vie de la classe. Durant la 9e semaine, Audrey
nous a mentionné qu’elle trouvait moins pertinent de filmer au local de motricité pour
l’activité de groupe. Ses interactions avec les élèves étaient vraiment brèves et
relevaient plutôt du respect des règles de sécurité, d’où son malaise. Nous avons
respecté ses préférences à cet égard. La saturation est venue assez rapidement pour
les activités de jeux libres, puisque les interactions entre Audrey et Laura étaient plus
rares, ainsi que les activités de groupe qui représentaient des défis techniques trop
importants pour l’interaction en dyade. N’étant pas arrivée aussi vite à une saturation
des données pour les activités comme les ateliers et les Bonjours, nous avons cessé de
filmer en raison de l’approche de la fin de l’année scolaire.
Les entretiens sont arrivés plus tard dans notre collecte, car il était important de
d’abord nous familiariser d’abord avec le terrain et de collecter une grande variété de
séquences d’interaction. Le tableau 3.1 propose une synthèse des six entretiens avec
l’enseignante. Nous avons conduit trois entretiens semi-dirigés (enregistrement
audio) et trois de rétrospection (filmés) semi-dirigés auprès de l’enseignante. Les
entretiens visaient à dresser un portrait langagier et interactionnel plus fin de l’élève
dans ses différents milieux de vie (objectif 1 sur les indices de contextualisation), à
comprendre les indices importants et des stratégies du point de vue d’Audrey dans
son interaction avec son élève (dimension émique; objectifs 2 et 3 sur l’utilisation des
indices et des stratégies).
100
Les entretiens #2-5-6 avec Audrey sont des entretiens semi-dirigés, mais de type
rétrospection à l’image de Samuelsson et Plejert (2015). Pour ces dernières,
l’entretien de rétrospection réfère au visionnement par les participants de séquences
préenregistrées d’interventions et d’interactions du quotidien auxquelles ils prennent
part, soit des interactions en dyade en classe dans le cas d’Audrey. Ces autrices
qualifient leurs entretiens de semi-structurés, car elles ont sélectionné des séquences
clés et planifié des points spécifiques à aborder durant les séquences, ce que nous avons
également fait. Ensuite, lors de l’entretien, le participant était d’abord invité à indiquer
librement ses points d’intérêts durant le visionnement de la séquence, ce que nous
avons aussi fait.
Bien tu sais en même temps, attends, je vais le laisser finir (pointe la vidéo
qu’elle a redémarrée au début). En même temps elle [Laura] essaie de prendre
le crayon, puis après ça on dirait que c’est colle […] (Poursuite du
visionnement) […] Peut-être crayon qu’elle a dit, draw puis peut-être crayon.
Mais c’est une hypothèse. (entretien 6, extrait 1; transcription p. 194)
Le désir d’Audrey de fournir des éléments d’analyses, son intérêt pour l’interaction
vécue avec l’élève et le décalage temporel entre les entretiens et les séquences vécues
contribuent certainement à ce mélange entre le rappel de détails vécus et l’analyse de
nouveaux éléments. En effet, lors de l’entretien #2 et #5, nous avons présenté à
Audrey des vidéos enregistrées jusqu’à 45 jours avant. Après avoir commenté le 3e et
dernier extrait de l’entretien #5 datant de 16 jours, Audrey dit : « ça je m’en souviens
un petit peu plus de celle-là (en pointant l’écran sur lequel la vidéo apparaît). »
(Extrait de l’entretien #5; vidéo 5b à 10 min 20 s). Nous nous sommes donc réajustée
à l’entretien #6 en proposant des vidéos enregistrées au maximum 19 jours avant.
pour nous expliquer au fur et à mesure ce qu’elle pensait à ce moment-là dans son
interaction avec Laura. Nous avons également posé beaucoup de questions de relance
à Audrey pour valider notre compréhension de ce qu’elle nous expliquait.
Tout compte fait, notre démarche de recherche nous mène à une compréhension
profonde à partir d’une dyade enseignante-élève intentionnellement sélectionnée. À
l’instar de Wagner (2017), notre recherche ne vise d’aucune manière une
généralisation à l’ensemble des interactions dyadiques enseignante-élève, ni à celles
d’élèves ayant un TSA du préscolaire ou encore à celles de Laura ou d’Audrey dans
leurs interactions en général. Néanmoins, nous nous sommes assurée de la qualité de
la démarche interprétative (Gohier, 2004) en combinant la triangulation des sources,
en maintenant une description riche et rigoureuse du contexte tout au long de la
recherche qui laisse un parcours transparent facile à retracer et donc des conditions
méthodologiques qui peuvent être transférées. Nous avons aussi respecté le critère de
fiabilité en énonçant nos présupposés et en étant conscientes des liens que nous
établissions avec notre parcours personnel. Les entretiens avec l’enseignante amènent
une certaine validité aux données, puisque plusieurs informations contextuelles (et
non linguistiques) ont pu être corroborées avec la participante elle-même. Enfin, nous
avons recherché une certaine saturation des données et nous avons constitué un très
large corpus d’interaction en dyade (voir tableau 3.2). Comme nous considérons
chaque séquence d’interaction comme étant unique, nous aurions toutefois pu repérer
un enchaînement d’indices singulier par l’analyse d’autres séquences. À notre avis,
les séquences dont l’analyse sera détaillée dans la prochaine section dressent malgré
tout un portrait riche et diversifié de l’ajustement.
104
Avant de procéder à l’analyse, nous avons d’abord traité notre corpus en regroupant
nos données provenant de différentes sources. Cette mise en ordre a été faite durant la
collecte de données, nous permettant d’affiner notre collecte. En guise de synthèse, le
tableau 3.2 résume les sources de données, leur nombre, leur durée et le traitement
effectué avant les analyses.
105
Tableau 3.2 Synthèse de notre corpus : nombre, durée traitement effectué pour
chaque source de données
Pour commencer, chaque entretien avec Audrey a fait l’objet d’une première
transcription « de travail » peu détaillée (Beaud et Weber, 2010). Nous avons traité
l’information issue de chaque entretien à l’aide d’une grille (voir Annexe I) inspirée
de Beaud et Weber (2010) qui permet de dégager : a) les paroles sommaires de
l’enseignante ou un résumé de ce qui est dit/fait; b) nos premières impressions,
commentaires ou questions qui émergent; c) les faits qui ressortent; les pensées, les
jugements et les hypothèses d’Audrey. Suivant ce premier traitement, nous avons tout
de suite cerné les passages qui traitent de l’interaction et du langage de l’élève. Enfin,
nous avons effectué un bilan (aussi inspiré de Beaud et Weber, 2010) pour chaque
entretien. La grille de bilan utilisée comportait les thèmes suivants (voir exemple à
l’Annexe J) : le contexte et la dynamique de l’entretien; le but initial; la critique à
l’égard de l’entretien et l’atteinte (ou non) du but fixé; ce qui revient dans cet
entretien et ce qui lui est spécifique. Ces bilans critiques sur les premiers entretiens
nous ont servi à améliorer notre approche pour les entretiens suivants.
Le traitement des notes de terrain s’est opéré en trois temps. Dans un premier temps,
nous effectuions comme mentionné précédemment une relecture constante des notes
pour maintenir le fil des observations. Ces relectures menaient à des bilans
provisoires et des objectifs pour la semaine suivante et à des questions destinées à
Audrey durant les entretiens. Dans un second temps, à la fin de la collecte, nous
avons classé les notes par semaine en les numérisant, puis nous avons déterminé tout
ce qui était relatif aux interactions Audrey-Laura comme pour les entretiens en
inscrivant des mots-clés qui les résumaient pour faciliter l’analyse ultérieure. Dans un
troisième temps, nous avons entamé un nouveau carnet de notes en poursuivant la
107
numérotation précédente. Ce carnet nous a servi à noter au fur et à mesure ce qui était
fait dans l’analyse.
Bien que les analyses aient été entamées au moment même de la collecte de données
(Paillé et Mucchielli, 2016), puisque nous y avons fait durant nos quatorze semaines
sur le terrain trois cycles d’analyse sommaire de données (retour sur les données
collectées jusqu’ici – choix méthodologiques – nouveaux entretiens, observations,
documentation) elles se sont véritablement approfondies et révisées à la suite de la
collecte, en majorité sur « la table de travail » pour reprendre l’expression de Paillé et
Mucchielli (2016, p. 95). Séquentiellement, nous avons procédé d’abord à l’analyse
des entretiens et des documents complémentaires, puis à celle des vidéos pour les
réduire à nouveau, et finalement à celle des notes. Enfin, nous nous sommes
replongée dans les vidéos plus en profondeur en nous servant des informations issues
des notes, entretiens et documents complémentaires. Le tableau 3.3 propose une vue
d’ensemble de ces quatre étapes en y décrivant comment elles ont respectivement fait
progresser l’analyse et comment elles ont servi à répondre aux objectifs de recherche.
109
Nous avons d’abord procédé à des analyses individuelles thématiques des entretiens
et de tous les passages portant sur l’interaction enseignante-élève identifiés dans le
traitement initial. Pour Paillé et Mucchielli (2016), l’analyse thématique comme
opération centrale consiste à repérer, regrouper et sous-regrouper des thèmes
représentatifs du corpus qui émergent en lien avec l’orientation de la recherche (dans
notre cas, les indices de contextualisation). Pour Bardin (2013, p. 136), « le texte peut
être découpé en idées constituantes, en énoncés et propositions porteurs de
significations isolables. » Après cette première phase d’analyse des entretiens
séparément, il nous est rapidement apparu que les informations dans l’ensemble sous-
tendaient des observations à propos de l’élève, des objectifs, des stratégies ou des
enjeux. Nous avons conservé ces quatre catégories dans lesquelles nous avons
regroupé les thèmes ayant un caractère commun (Bardin, 2013) (voir Annexe K).
Dans notre analyse, nous concevons les observations comme les faits que rapporte
l’enseignante; ils orientent son évaluation des connaissances de l’élève et de ses
compétences (liées au PFEQ). De leur côté, les objectifs correspondent aux cibles
claires qui sont poursuivies dans l’apprentissage de l’élève. Pour leur part, les
stratégies sont les ressources mobilisées ou les moyens utilisés par l’enseignante,
consciemment ou non. Enfin, les enjeux sont les problèmes ou préoccupations
soulevés, et les questions que se pose Audrey dans l’interaction avec son élève.
littérature sur les stratégies de soutien à l’interaction et au langage dans les approches
d’intervention précoce naturaliste (voir le tableau 2.3 à la page 73 pour un rappel). En
dépit d’un système de catégories prédéfinies, nous nous étions gardé la possibilité de
créer de nouvelles catégories inductives au besoin. Par exemple, pour les objectifs
que nous avons liés au PFEQ, nous avons créé la sous-catégorie « sens général de la
composante » pour les éléments qu’il nous était impossible de répartir dans les sous-
catégories préexistantes.
3.6.2 Étape 2 : seconde réduction des vidéos à partir de critères issus des entretiens et
du plan d’intervention de l’élève
En gardant en tête notre second objectif de recherche sur l’utilisation des indices de
contextualisation par les interactantes dans l’ajustement, nous devions considérer les
principaux indices de contextualisation identifiés dans les entretiens, de même que ce
qui favorise l’ajustement du point de vue de l’enseignante. Nous avons donc d’une
part relevé des indices laissés en latence jusqu’à leur mise en lien avec ceux relevés
dans l’analyse fine des séquences d’interaction. D’autre part, nous avons ressorti les
incontournables dans l’interaction pour l’enseignante. En ce sens, il nous est apparu
tout d’abord que pour l’enseignante, les activités d’enseignement-apprentissage, dont
celles portant plus particulièrement sur l’oral, se réalisent dans l’interaction, ce qui
implique que la production et la compréhension du langage y sont indissociables.
Également, le plaisir d’interagir, l’attention et la disponibilité de l’élève et le travail
entourant la verbalisation de l’élève ressortent comme des incontournables pour
l’enseignante. Enfin, elle nomme aussi les activités dirigées comportant une tâche
pour l’élève (dont les rituels), les jeux de faire semblant, les activités dirigées sur la
phrase et plus généralement, le matériel pour appuyer le langage comme étant les plus
susceptibles de favoriser le maintien de l’interaction et/ou de stimuler le langage de
l’élève. En définitive, ces incontournables nous ont permis de dégager cinq critères
pour opérer la seconde réduction des vidéos :
112
Nous avons ensuite procédé à un codage systématique des 444 séquences obtenues à
l’occasion du traitement initial en fonction de la présence (codage présence/absence)
de nos cinq critères (Bardin, 2013). Après avoir retiré les séquences non utilisables
pour des raisons de qualités techniques, il restait 131 séquences.
Pour les notes de terrain, comme nous nous intéressions notamment à la description
des indices de contextualisation relatifs aux activités d’enseignement-apprentissage,
nous nous sommes d’abord penchée sur les thèmes regroupés sous les catégories
suivantes : l’aménagement des lieux, l’horaire de la classe, les regroupements et le
matériel généralement utilisé. Nous avons aussi classé les événements annotés selon
l’activité qui s’y déroule et les buts poursuivis par les interactantes.
113
Dans le traitement, nous avions déjà déterminé tous les extraits qui portaient sur
l’interaction. Nous avons donc ensuite systématiquement compilé tous ces extraits de
prise de note dans une grille présentée à l’Annexe L en détaillant pour chacun
essentiellement le contexte de l’activité en cours, les faits observés, les observations-
évaluations mentionnées par Audrey, les stratégies, les enjeux et le lien existant, le
cas échéant, avec un extrait filmé retenu. De ce portrait général des activités et de la
vie de la classe ont été extraits d’autres indices de contextualisation que nous avons
laissé en suspens jusqu’à l’analyse fine de nos sept séquences d’interaction.
3.6.4 Étape 4 : choix de sept séquences d’interaction pour une analyse en profondeur
Légende
Flèches bleues : Elles indiquent le tour de parole duquel ont été repérés les principaux
indices de contextualisation utilisés dans la production du nouveau tour de parole.
Cercle et pointillés : Les cercles indiquent un geste ou un objet important pour l’analyse.
Les pointillés indiquent l’orientation du regard.
Du côté des indices non verbaux, notre choix de transcription nous permet d’inscrire
des commentaires relatifs à l’usage d’indices mimo-posturo-gestuels, d’indices liés au
matériel et à l’environnement. Par souci de transparence et d’accessibilité, nous
intégrons aussi aux transcriptions des captures d’écran en entourant les indices
relevés dans l’esprit de Korkiakangas et Rae (2013), Wagner (2017) et Park (2017)
qui illustrent les actions principales. Pour le volet paraverbal du langage, nous nous
sommes arrêtée seulement à la notation d’indices flagrants de contours intonatifs
montants (lorsqu’une question est posée par exemple) ou descendants, de la hauteur
de la voix (aiguë ou grave), de son volume (fort ou faible), de sa durée (allongement
évident de sons et débit de parole) et des pauses (Pinard-Prevost, 2010).
Du côté du langage verbal, disons que bien que le langage du jeune enfant, ou dans le
cas de Laura, d’un enfant plus vieux ayant un retard langagier, soit très écarté d’une
transcription orthographique standard (Parisse et Morgenstern, 2010), nous avons tout
de même opté pour une transcription de type orthographique (Baude et al., 2006)
plutôt que phonétique. Le choix d’une transcription orthographique garantissait
d’abord une meilleure compréhension du lecteur. Ensuite, en cohérence avec nos
objectifs de recherche, peu importait la prononciation phonétique exacte de l’élève,
puisque c’est le sens que donnait l’autre interactante à l’énoncé de l’élève qui
importait dans l’analyse et vice-versa.
vérifié à partir des analyses préliminaires la fiabilité des transcriptions retenues et les
indices de contextualisation relevés. Pour l’opérationnalisation, nous avons utilisé les
regroupements des composantes de l’interaction S.P.E.A.K.I.N.G. proposés par
Hymes (2005) auxquels nous avons apporté des précisions afin de faciliter le repère.
Ces composantes et leurs détails opérationnels sont présentés dans le tableau 3.4.
Dans cette opérationnalisation du modèle, nous avons fait le choix de regrouper
l’instrument, le but et l’acte (I, E, A), car ils sont pratiquement indissociables.
L’instrument, se traduisant par le choix d’utiliser le langage verbal incluant tel type
d’indice lexical, phonologique, morphologique ou syntaxique, d’y joindre les gestes,
des indices prosodiques, de manipuler le matériel, etc., se trouve évidemment dans
tous les tours de parole. Lorsqu’un indice (I) marquant est mis en valeur, il
accompagne forcément un acte de langage et une action minimale (A). Il agit aussi
dans l’intérêt du but de l’interactant (E) qui fait ainsi évoluer la phase, la transaction
et l’épisode pour reprendre les structures praxéologiques de l’activité de Filliettaz
(2014). Nous avons d’ailleurs utilisé la base structurante (activité/incursion,
transaction, épisode, phase, action) de l’approche praxéologique des travaux genevois
(Filliettaz, 2014) pour décrire en général les activités de la classe et leur structure
habituelle et plus finement de faire ressortir des indices de contextualisation relatifs à
leur cadre (S) et à la progression des actions (A). En outre, les indices de la
composante « objectif/but » (E) ont été seulement identifiés quand le but d’un
interactant relatif à l’évolution de la phase dans la tâche était manifeste, comme le
suggère d’ailleurs Filliettaz (2014).
Pour l’instrument (I), nous avons précisé les typologies employées, à savoir celle de
Pinard-Prévost (2010) pour la dimension paraverbale du langage et celle d’Ekman et
Friesen (1972) pour le non verbal. Enfin, l’histoire interactionnelle (Vion, 1992) et
les connaissances sociales, culturelles, linguistiques et historiques peuvent être
118
relatives autant au cadre (S), qu’aux participants (P) qu’aux genres (G) ou encore
qu’aux normes (N), dépendamment des connaissances mobilisées.
Somme toute, bien que nous nous appuyons sur des catégories d’indices de
contextualisation en ayant recours à des typologies précises pour nous aider à les
décrire avec justesse, notre démarche est avant tout « top-down », c’est-à-dire que
nous avons considéré l’interaction dans son ensemble pour descendre vers le niveau
micro. Nous avons ensuite pu déterminer avec précision les indices interprétés de
manière convergente entre les deux interactantes en regard de l’ajustement dans
l’action. C’est aussi à cette étape que nous avons pu identifier où il y avait difficulté
d’ajustement, donc divergence dans l’interprétation des participantes et que nous
avons pu pointer les indices de contextualisation « divergents. »
scène psychologique : occasion particulière d’un certain type de scène, par exemple lors
Setting - cadre
d’un changement de scène entre deux participants qui restent dans le même « décor »
(Hymes, 2005);
scènes psychologiques déjà vécues (histoire interactionnelle) par les participants (Vion,
1992);
destinataires considérés (ex. adaptation dans le langage adressé à un enfant) (Hymes, 2005)
(Hymes, 2005)
buts
actions visées pour une tâche commune au niveau de l’activité (ex. atelier), de la
119
actes de langage, pragmatique, type d’action sur le réel : forme du message et contenu
Keys – indices de Acts – actes de
(Hymes, 2005)
langage
langage verbal, gestes, écriture, téléphone, registre de langue choisi, etc.; (Hymes, 2005)
*Le geste est redondant par rapport au langage, complémentaire ou supplémentaire (Batista
et Le Normand, 2010)
règles sociales en général et normes dans l’interaction : variété de langue, choses admises
ou non, rituels d’échange (Hymes, 2005)
Norms –
normes
normes attendues dans telle activité, situation didactique (histoire interactionnelle) (Vion,
1992)
types de discours régis par une convention langagière; il y a même des indices quand ça
Genres
genre scolaire « directif » et autres genres présents à l’école (Fasel Lauzon, 2014)
120
Avant tout, Audrey est d’avis que le mandat du préscolaire est de donner envie à
l’élève de collaborer avec l’adulte et d’apprendre, et que ceci marque la suite du
parcours scolaire de l’élève. Une bonne collaboration suppose nécessairement d’avoir
du plaisir, sans quoi aucun apprentissage au niveau de la communication orale ou de
l’interaction n’est possible, à son avis. Elle vise une meilleure collaboration de Laura
dans toutes les activités plutôt que la réussite de petites tâches spécifiques.
De prime abord pour Audrey, les méthodes ou approches choisies ne doivent pas
constituer la base de son enseignement; c’est véritablement le programme de
formation qui la guide dans ses choix (entretien 4, transcription p. 132). Dans ce
souci d’appliquer au mieux le PFEQ, et les visées qu’elle entrevoit pour le
préscolaire, se dessine la manière qu’a Audrey de conduire ses activités
d’enseignement-apprentissage et la structure spatio-temporelle qu’elle a choisie pour
sa classe. Ses choix dénotent de manière tangible qu’elle s’appuie concrètement sur
des approches interactionnistes, même si elles ne sont pas exclusives. En réponse à
notre question sur les activités mises en place pour stimuler le langage, la
communication et l’interaction de Laura, Audrey nous explique en entretien qu’elle a
le souci d’intégrer le tout aux activités que les élèves font tous en classe (entretien 1,
question 8, p.17).
des fins individuelles, mais plutôt pour les sous-groupes d’élèves. Chaque coin
comporte aussi du matériel accessible aux élèves et ces derniers n’ont pas de pupitre
attitré pour le travail individuel. Du côté de l’horaire, le temps est divisé en activités
communes : tous les élèves participent à la même activité en même temps et Audrey
valorise les temps de collectif dans l’optique de la socialisation encouragée au
préscolaire.
Les Bonjours se déroulent dans le coin dit « des Bonjours », c’est-à-dire à l’avant de
la classe (voir plan de la classe à l’Annexe G), face au tableau numérique interactif
(TNI). Les chaises des élèves placées côte à côte font face à l’écran et un seul élève à
la fois accompagné d’Audrey est appelé à l’avant. L’enseignante utilise l’outil visuel
de la bande-tâches pour montrer les différentes transactions illustrées de
pictogrammes et leur mandataire (prénoms écrits sous les pictogrammes). Plusieurs
transactions s’enchaînent toujours dans le même ordre : routine d’exercice de
l’astronaute (seulement pour le thème de l’espace); salutation de chacun des élèves de
la classe; écriture la date du jour au TNI; détermination des présences des élèves et
des intervenants au TNI (avec phase occasionnelle de dénombrement des personnes
présentes); dessin de la météo du jour au TNI; décompte des jours d’école restant à
l’aide d’un panneau de nombres; annonce de l’horaire du jour à partir de l’horaire-
classe; chanson ou visionnement de la vidéo du jour; récompense des élèves pour leur
arrivée et les bonjours en leur remettant un autocollant pour leur agenda; choix des
responsabilités (une fois par mois).
L’activité des ateliers est divisée en deux ateliers de vingt minutes. Les élèves sont
jumelés à un adulte différent par atelier (enseignante, TES, PEH ou orthophoniste) et
y travaillent individuellement ou avec un autre élève. Laura est majoritairement
jumelée avec Sacha ou travaille seule en dyade avec l’adulte. En dyade avec
l’enseignante, chaque atelier de vingt minutes est divisé en deux transactions : le
travail principal et la période de jeu éducatif, souvent au iPad. Les travaux sont
variés, mais très souvent liés au thème de la classe : les sports d’hiver, les légumes,
les cinq sens, les insectes, l’espace, les formes. Parmi les formats de travaux les plus
couramment observés, nous avons répertorié les jeux de table dirigés, les fiches
125
dirigées ou pages de cahier d’exercices dans lesquelles l’élève doit découper, coller,
tracer, colorier, les projets particuliers comme la prise de photos à partir d’une
construction de l’élève (pour le thème de l’espace).
126
Tableau 4.1 La structure des activités récurrentes des Bonjours et des ateliers
4.1.3 Les objectifs visés dans le travail en interaction en lien avec la compétence
« communiquer à l’aide des ressources de la langue »
établissant le contact visuel. Pour maintenir le contact, elle est amenée à montrer pour
mieux se faire comprendre. Laura imite aussi les autres et consulte les livres et les
albums échos produits en classe.
N.A. Laura n’est pas vraiment encore dans la « conversation » selon Audrey.
- Verbaliser.
- Montrer pour mieux se faire comprendre.
- Raconter à partir de photos.
- Faire preuve de cohérence entre le message et son action.
- Organiser le travail : nommer et choisir les outils nécessaires.
Sous-composante : utiliser un vocabulaire approprié
- Verbaliser.
- Utiliser le vocabulaire en français le plus possible.
- Demander de l’aide.
- Dire spontanément des mots en français.
- Répondre verbalement à une question posée.
- Verbaliser des mots couramment utilisés : chat, assis ou manger dans le cadre
d’activités.
Sous-composante : explorer les aspects sonores de la langue en jouant avec les mots
- S’exprimer par un langage non verbal que l’autre peut comprendre (gestes
naturels, mimiques, petits gestes, attitude, corporel, visage, gestuel, pictogrammes,
photos).
- Utiliser le français spontanément à l’école, sans que l’anglais soit refusé.
- Comprendre l’importance de parler.
133
Comme mentionné dans les chapitres précédents, nous avons effectué une recension
de littérature (voir le tableau 2.3 à la page 73 pour une synthèse et l’Annexe B pour
les détails de la recension) sur les stratégies de stimulation du langage et de soutien de
l’interaction en interaction naturelle (approches naturalistes béhaviorales et
interactionnistes). De cette recension découlent trois catégories de macro-
stratégies que nous distinguons et qui sont représentées dans la figure 4.1.
Dans cette section, nous soulignerons l’éclairage nouveau et les nuances qu’Audrey
amène dans son utilisation des stratégies par rapport à la littérature. Suivant cette
analyse de points qui ressortent, les micro-stratégies seront présentées dans les
tableaux 4.5 à 4.13. Dans ces tableaux, les stratégies issues de notre recension de
littérature constituent les titres de chaque section (lignes grises) et les stratégies
d’Audrey sont listées avec des tirets. Pour illustrer les stratégies d’Audrey le plus
concrètement possible, nous avons ajouté des exemples (colonne de droite, le cas
échéant). Parmi ces exemples, quelques-uns seront tirés des quatre séquences
analysées au chapitre V. Nous avons toutefois choisi d’autres exemples tirés de notre
corpus en vue de dresser un large portrait des stratégies. Enfin, notons que les
stratégies recensées dans la littérature proviennent de recherches sur des programmes
différents d’intervention. Quoique nommées dans les articles lus, ces stratégies n’y
sont que très rarement exemplifiées. Beaucoup de recherches se déroulent aussi hors
classe. Par conséquent, même si nous avons cherché à respecter le sens que donnent
les différentes recherches aux stratégies dans l’intervention, nos exemples en
montrent une interprétation élargie. Audrey utilise ces stratégies à sa manière, sans
qu’elles s’inscrivent dans un programme d’intervention donné. À notre avis, les
stratégies telles que présentées ici se démarquent de celles relevées dans la littérature
par l’appropriation personnelle qu’en fait Audrey et par leur application concrète en
classe.
(ex. « regarde »), il est intéressant de voir qu’elle prend aussi le temps de capter
l’attention de Laura en douceur de multiples manières comme en s’approchant d’elle,
en se plaçant à sa hauteur, etc. Elle restreint aussi les stimulations pour éviter les
distractions en retirant du matériel et en contrôlant son utilisation. Il ne s’agit
cependant pas d’épurer complètement l’environnement de travail de l’élève et de tout
retirer, mais bien de sélectionner le matériel le plus pertinent pour y concentrer
l’attention de Laura. En outre, Audrey reconnaît que certains matériels illustrés (ex.
jeux didactiques comme des cartes illustrées) amènent Laura à parler davantage et
elle en tire profit. Par contre, elle explique que son élève a l’habitude de nommer des
images lorsque pointées par l’adulte, ce qui peut créer des confusions dans ce qui est
attendu lorsqu’il s’agit de faire une autre action que de désigner (compter, comparer,
etc.). Enfin, Audrey s’est développé des moyens très personnels de soutenir
l’attention de Laura. Par exemple, elle s’assure de la relancer souvent dans son
activité par l’interaction sans que ce soit par des directives. Elle opte alors pour des
questions, des petits rappels de ce qui se passe, des commentaires. Elle mise aussi sur
la proximité physique avec l’élève. Ainsi, en s’assoyant près d’elle, elle peut la
relancer facilement et prolonger son investissement dans l’activité. Finalement, la
gestion de l’attention de Laura est pour Audrey un travail en continu. Elle explique
qu’elle travaille depuis le début de l’année scolaire à augmenter graduellement le
temps de travail (par rapport à un jeu plus ludique) pendant les ateliers, et ce sans
créer de frustration, puisque rappelons-le, la collaboration de l’élève est jugée
prioritaire.
136
Tableau 4.5 Les stratégies de sollicitation pour attirer et gérer l’attention de l’élève
Interpeller : nommer l’élève quand on s’adresse à elle
- Interpeller l’élève par son prénom selon la prononciation des phonèmes en anglais.
- Approcher un outil visuel de Laura, le pointer de loin ou l’amener Exemple tiré du corpus
près d’elle; montrer un pictogramme, une image, la bande-tâches.
En vue de comparer deux
- Restreindre les distractions pour orienter les actions de Laura pour piles de cartes, Audrey
qu’elle comprenne ce qui est attendu d’elle. demande à Laura quelle pile
est la plus grande en les
- Retirer, restreindre le matériel si on ne veut pas que Laura l’utilise pointant. Laura identifie
tout de suite; contrôler l’utilisation du matériel. l’image sur chaque pile.
Audrey retourne les cartes
- Utiliser du matériel visuel à visée didactique (ex. jeu avec des faces cachées pour éliminer
cartes illustratives) pour faire construire des phrases ou nommer la distraction des images,
des images à Laura. Ils attirent son attention et favorisent sa puis reformule sa question
verbalisation. en pointant les piles.
verbalisation ne doit pas être constante, mais plutôt relative au but de l’activité et au
temps qui s’écoule, à la fatigue et aux efforts de l’élève.
En outre, les questions sont utilisées pour pousser Laura à prendre la parole et à
rectifier une non-prise de parole ou une réponse jugée trop « faible. » Dans ce cas,
Audrey la questionne pour valider (fait également partie de la macro-stratégie
d’étayage langagier - compréhension) ou ajoute des choix de réponses par « oui ou
non? » pour inciter Laura. Elle exploite aussi le délai d’attente en partie pour solliciter
son élève (se rapprocher, aller la chercher), mais nous retrouvons cette stratégie
davantage dans la macro-stratégie de suivre l’intérêt de l’élève, puisqu’Audrey
l’utilise pour donner le temps à Laura de dire/faire quelque chose et de prendre sa
place dans l’interaction plutôt que pour la forcer à répondre. Dans le même ordre
d’idée, les indices fournis à Laura peuvent être utilisés pour l’inciter à répondre, mais
le sont principalement pour l’aider à comprendre (macro-stratégie d’étayage
langagier). Ces indices prennent des formes visuelles, verbales ou d’assistance
physique à degré variable, mais il est essentiel pour Audrey d’éviter de trop guider
l’élève. En effet, elle pense que Laura sait faire et comprend beaucoup plus que ne le
croyaient initialement les intervenantes : « Puis en fait moi j’ai compris qu’elle
comprend beaucoup plus que ce qu’elle donne l’impression. » (Entretien 3, extrait 4;
transcription p.76).
- Verbaliser pour Laura, c’est-à-dire lui faire une offre langagière Exemple tiré du corpus
appropriée en français, donner un modèle à répéter.
Pour une demande
- Utiliser une formulation habituelle pour que l’élève formule ensuite. d’aide, Audrey formule
« aide-moi; j’ai besoin
- À l’occasion, inverser les rôles. d’aide » et pour la fin
d’une activité, « c’est
fini ».
Demande
- Répéter le mot important pour que l’élève le reprenne. Au début d’un atelier,
Audrey demande
- Inciter Laura à parler lors d’une frustration en lui demandant beaucoup de
explicitement de le faire. verbalisations, puis au
fil de l’activité, insiste
- Ébauche pour demande à compléter (ex. « je veux… »). moins et modélise
plutôt le langage pour
- Faire dire mot à mot en demandant de répéter chaque mot, entre l’élève.
autres :
- Si Laura a une mauvaise perception des sons, ne pas trop répéter (ex.
« véhicule spatial » prononcé « védédé paï »).
Temps de délai, attente (attendre, s’approcher de l’élève, la regarder, mimique signifiant l’attente)
- Expliciter les indices visuellement (encercler, mettre en couleur, etc.). Exemple tiré du corpus
- Faire totalement ou partiellement l’action avec l’élève; offrir une Audrey prend la main
assistance physique minimale, partielle ou totale pour encourager de Laura et fait l’action
l’élève. avec elle; elle oriente la
main de Laura vers un
- Guider Laura juste assez, mais pas trop, et augmenter le temps endroit; elle touche sa
d’attente, quitte à se sentir parfois inutile. main ou son épaule.
Audrey enchaîne plusieurs stratégies pour atteindre son but, mais celles-ci ne sont pas
préordonnées, prévisibles, ni toutes de l’ordre de la sollicitation.
141
Tableau 4.7 Les stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : observer
et attendre
Accepter le changement de centre d’attention (focus) momentanément pour revenir plus tard à
l’exigence (hold)
- Regarder Laura pour trouver des indices sur l’action qu’elle fait, du produit fini qu’elle réalise, de
ce qu’elle veut dire, etc.
- Voir les signes multimodaux, chercher les indices, interpréter les actions de Laura en lien avec le
contexte spatio-temporel immédiat et les autres interactions passées vécues.
- Observer Laura pour confirmer une hypothèse d’interprétation qu’a Audrey.
- Observer Laura en action, ses actions confirmeront sa compréhension dans une activité.
Tableau 4.8 Les stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : imiter
l’élève
- Suivre l’initiative de Laura dans ses jeux symboliques, ses Exemple tiré du corpus
tâches scolaires, etc.
Lorsque Laura fait rouler une
- Imiter Laura : ses mimiques, ses interjections, ses actions. balle pour s’amuser dans un
atelier sur les formes, Audrey
- Redire verbalement, même si ce que dit Laura est s’adapte et fait rouler divers
incompréhensible. objets circulaires et carrés pour
les comparer.
- Exploiter l’avantage du ratio 1:1 avec Laura, puisque l’enseignement individuel est idéal pour
l’imiter et suivre son initiative le plus possible.
que prennent les jeux de faire semblant dans la stimulation et son souci de participer
avec Laura à ces jeux qui peuvent s’intégrer, se déclencher à tout moment dans
l’interaction. Pour ce qui est de la mise à disposition du vrai matériel, Audrey
explique l’enjeu du choix de ne pas ajouter systématiquement d’outils visuels
spécialisés (ex. pictogrammes) pour Laura, puisqu’elle mise sur le langage et les
gestes naturels, le matériel déjà présent dans l’environnement. Audrey tente de
considérer les idées de Laura lorsqu’elle construit du matériel pour elle, pour qu’elle
puisse s’approprier davantage l’activité. Elle explique aussi l’importance de saisir
l’intérêt momentané de Laura pour l’intégrer à l’activité en cours, par exemple
intégrer les bébés avec lesquels joue Laura à une activité de bricolage. Elle s’assure
ainsi de pleinement faire participer l’élève. Cette inclusion de l’élève se fait aussi par
l’entremise des activités de groupe, des tâches dans la classe. Pour Audrey, les
activités de groupe qui semblent parfois au-delà du niveau de Laura peuvent mener à
de belles surprises, puisque Laura réussit parfois et montre un potentiel insoupçonné.
Qui plus est, Audrey répond toujours à ce qu’initie Laura par le non verbal ou le
langage verbal. Elle nomme ce que fait Laura, l’explique et elle l’encourage à
compter, dénombrer, une visée figurant d’ailleurs dans le PFEQ. Lorsqu’il ne s’agit
pas d’un moment idéal pour interagir (ex. lorsqu’Audrey prépare du matériel, lors
d’une transition), Audrey répond tout de même à Laura même si elle limite
l’interaction à ce moment ou qu’elle fait un lien avec un autre élément vers lequel elle
la redirige. Tout compte fait, les tentatives d’interaction ne sont jamais ignorées ou
brisées, au contraire, elles sont encouragées au maximum dans la mesure du possible.
Enfin, la micro-stratégie de donner du sens à ce que dit/fait Laura est en constante
application. Nous la dénotons de manière flagrante lorsqu’Audrey interprète des sons,
gestes, déplacements et les mets en lien avec le contexte, avec ce qui se passe sur le
coup dans l’activité. Pour Audrey, il importe peu de savoir si ce que dit/fait Laura a
lieu parce qu’elle lui en a donné l’idée par son interprétation. Pour elle, tout ce que
145
fait Laura a un sens dans l’interaction et elle dégage ce sens en interprétant les
combinaisons de signes et en se référant à ses connaissances de son élève, de sa
famille et du contexte. À cet égard, Audrey précise qu’elle gagne à connaître chaque
jour Laura un peu plus grâce à leurs interactions quotidiennes.
Tableau 4.9 Stratégies de stimulation qui suivent les intérêts de l’élève : répondre aux
préoccupations ou à l’intérêt de l’élève
- Embarquer dans les jeux de faire semblant de Laura. Exemples tirés du corpus
- Cerner les déclencheurs : objet, déguisement, Audrey fait des bruits de chat ou fait le
chanson ou décor. Être attentive aux phases de bébé qui pleure lorsque Laura lui montre
Laura (ex. phase où elle joue constamment au chat) : une image ou un jouet. Elle personnifie des
personnages et poursuit le jeu.
- certains éléments du contexte « déclenchent » les
scénarios de faire semblant chez l’élève; Questionnée à propos de son dessin, Laura
pointe la fenêtre en disant « pluie. »
- un même objet peut devenir le déclencheur d’un L’enseignante entame un jeu de faire
autre scénario, d’où l’importance d’analyser le semblant en faisant mine de pleurer parce
contexte; que les élèves ne peuvent pas jouer dehors
en raison de la pluie.
- il s’agit de créer ces événements déclencheurs ou de
les saisir lorsqu’ils surviennent.
- Mettre à disposition le vrai matériel et les livres lus Exemples tirés du corpus
de littérature jeunesse pour que Laura puisse le
montrer, évoquer une idée. Dans l’activité collective des Bonjours,
alors que Laura doit écrire la date du jour,
- Créer du matériel à partir des idées de Laura, de ses Audrey lui permet d’utiliser le panneau des
choix de matériel, des photographies d’elle et de ses nombres comme modèle pour écrire les
productions. chiffres. Cette adaptation permet à Laura
d’identifier le bon nombre correspondant à
- Favoriser les activités collectives pour que Laura la date et d’écrire les chiffres au tableau.
participe à sa façon et montre sa compréhension.
Lors de l’activité lecture, Laura délaisse
- Impliquer Laura pour ne pas la laisser jouer son livre pour aller voir Audrey qui
146
Répondre à ce qui est dit/fait; répondre aux initiations verbales et non verbales de l’enfant et aux
écholalies comme porteuses de sens
Construire du sens
- Donner du sens aux sons, aux déplacements, aux Exemple tiré du corpus
gestes et mimiques, aux mots même non
conventionnels, aux combinaisons gestes-mots de Audrey interprète tous les signes dans le
Laura. langage multimodal de Laura. Par
exemple, pour demander de l’aide pour
- Donner du sens à ce que dit/fait Laura par rapport à ouvrir sa colle lors d’un atelier, l’élève crie
l’activité, donc toujours interpréter le langage fort et sort la langue, reprenant selon
multimodal en lien avec ce qui se passe dans Audrey, le mouvement du yoga des
l’interaction. animaux.
Introduire un changement
Nous n’avons pas observé de sabotage intentionnel ou d’éloignement volontaire du matériel. Audrey
semble davantage profiter des circonstances naturelles d’apparition des problèmes.
149
Matériel attirant, attrayant (nouveau pour l’élève, connu et qui intéresse l’élève)
- Tenir compte du fait que Laura est plus intéressée aux photos d’elle-même qu’aux photos d’autres
enfants.
- Exploiter le matériel qui plaît à Laura : des crayons, des yeux en plastique, des autocollants, des
chats, des personnages de livre jeunesse, du matériel texturé, etc.
Troisièmement, Audrey modifie les règles des jeux pour les simplifier ou truffe ses
explications de questions adressées à Laura pour présenter les explications
séquentiellement. À cet égard, les séquences de pictogrammes ont leur utilité en
permettant à Laura et Audrey de pointer et de comprendre étape par étape. La
structure récurrente des activités, comme celle d’un travail en atelier permet aussi à
Audrey d’ajouter des nouveautés dans un cadre connu de l’élève. De plus, Audrey
choisit son vocabulaire en fonction de Laura, que ce soit lors d’activités ou
lorsqu’elle cherche à exprimer le mot connu de l’élève, que ce dernier soit en français
ou en anglais (head bander, grass hopper, bébé chat, etc.). Enfin, comme mentionné
pour les stratégies de sollicitation, Audrey cherche très souvent à valider sa
compréhension (stratégie de recherche d’approbation/désapprobation) de ce que veut
dire Laura en requestionnant et en offrant les choix de réponse « oui/non. »
- Interpeller Laura par son prénom même une fois l’interaction engagée et son attention gagnée.
Combiner : compléter le langage avec des indices contextuels (matériel, gestes, mimes, etc.)/ des
aides visuelles à la compréhension
- Avoir recours aux soutiens visuels permettant d’identifier, Audrey simplifie certaines règles
de pointer successivement des pictogrammes. d’un jeu de table (rendre les cartes
visibles plutôt que cachées) ou
- Questionner Laura étape par étape et montrer un outil offre des options (deux options
visuel qui souligne les étapes (ex. bande-tâche dans d’actions dans son tour de jeu).
l’activité des présences/Bonjours).
Le pointage successif de
- Conserver une routine, une structure d’un travail en pictogrammes peut se faire sur
continu d’un atelier à l’autre comme point de repère, par l’horaire de la classe, sur la bande-
exemple l’enchaînement de deux travaux, suivis d’un jeu tâches qui montre la séquence des
plus ludique. étapes dans l’activité Bonjours,
sur la bande-ateliers qui montre la
succession des ateliers de l’élève.
152
- Même lors d’une activité où des mots-clés sont identifiés par des pictogrammes (séquence #3 de
la bande-phrase au chapitre V), Audrey privilégie l’insertion des mots visés dans des phrases.
- Énoncer séquentiellement et avec de courts énoncés les prochaines étapes : « ça, c’est fini » (en
montrant une fiche), « ferme » (en pointant la colle) et « on va prendre le jeu après ».
- Répéter les mots importants, voire même de manière isolée après les avoir dits dans une phrase
complète.
- Utiliser l’accentuation prosodique pour insister sur un mot important plutôt que de l’isoler
complètement des autres mots.
Parler lentement
- Ralentir pour pouvoir montrer au fur et à mesure les indices visuels par exemple.
- Selon Audrey, trouver le bon mot connu de Laura (en anglais au besoin) serait utile pour
désigner des objets utilisés de manière récurrente par l’élève.
- Choisir un vocabulaire pour Laura, qu’elle connaît, qui l’intéresse ou qu’elle utilise
fréquemment.
pour Audrey. Ainsi, cette dernière introduit des mots amusants par l’entremise de
blagues et fait varier sa voix (chantée, variation du ton, ton plus ludique) dans le
« réel » comme dans les jeux de faire semblant. Comme mentionné en parlant des
stratégies de sollicitation, le langage est aussi souvent introduit dans le souci d’offrir
un bon modèle à Laura (sans incitation immédiate) de même que pour commenter à
partir d’indices visuels et contextuels : dire ce qu’elle est en train de faire; expliquer
un lien avec un mot, un jeu; expliquer l’enchaînement d’actions, expliciter des
indices. Somme toute, nos observations pointent vers un langage verbal omniprésent
chez Audrey qui commente au fur et à mesure ce qui se passe dans l’interaction, les
étapes, ses pensées et les éléments du contexte qui apparaissent (aussi dans la macro-
stratégie de compréhension).
154
Tableau 4.12 Les stratégies d’étayage langagier pour introduire le langage verbal
- Utiliser les interjections et onomatopées pour ponctuer le langage (ex. « oh là là », « wow »).
Musicalité de la voix
- Après deux ou trois répétitions, changer de ton (plus ludique) par le paraverbal.
- Audrey modifie sa voix lorsqu’elle incarne des personnages, de sorte que le jeu symbolique soit
plus contrastant avec la réalité : un bébé qui pleure, un petit chat, un élève qui pleurniche, etc.
Formuler (modeler)
- Verbaliser pour Laura, c’est-à-dire lui faire une offre langagière appropriée en français, donner un
modèle à répéter (sans inciter l’élève à répéter).
Tableau 4.13 Les stratégies d’étayage langagier pour enrichir le langage verbal
- Dans un jeu de poupées, Audrey reprend le « bim bam boum » (« badaboum ») qu’exprime
Laura lorsqu’un bébé tombe par terre, puis renchérit en les faisant pleurer.
Expansion (enrichissement)
Répéter, reprendre (reprise seule, déclarative ou par reprise interrogation non inversée, etc.),
corriger/dire ce que l’enfant a fait/reformuler
- Reformuler en anglais ou en français. Lorsque Laura nomme une image sur une
carte de jeu (« a bee »), Audrey reformule
- Reformuler en rectifiant un mauvais vocabulaire simplement : « l’abeille » (reprise seule).
de Laura (ex. « cookie » utilisé pour « gâteau »).
Lorsque Laura dit « my tun (turn) » avant
son tour de jeu, Audrey reprend en
- Reformuler en mots à partir d’une interjection de
confirmant : « oui, c’est ton tour »
Laura (« euh » devient « non »).
(reprises déclaratives).
- Reformuler en mots à partir de gestes, d’actions de Après que Laura ait répondu « sandwich »
Laura pour donner un sens. à une question sur l’action du personnage,
Audrey reprend l’idée de Laura en
- Redire verbalement, même si ce que dit Laura est cherchant la confirmation : « il mange un
incompréhensible (ex. « do/co » confus sandwich? » (séquence #3 de la bande-
(« draw/crayon »)). phrase, chapitre V) (reprise par
interrogation non inversée).
- Lorsque Laura montre, partage ou fait un
commentaire, reformuler en français.
- Laura dit « that one » en pointant un pinceau que tient Audrey lors d’une activité de peinture.
Audrey la regarde, pointe le pinceau et dit en appuyant sa prononciation « le jaune. »
157
Dans ce chapitre, nous nous sommes particulièrement intéressée aux indices qui
façonnent l’interaction entre Audrey et Laura, et qui nous permettent de la
contextualiser, surtout du point de vue de l’enseignante. Nous retenons d’abord que
les indices de contextualisation prennent ancrage autant dans la structure des activités
de la classe, que dans les enjeux prioritaires de plaisir et de collaboration que met de
l’avant Audrey. Ils s’appuient aussi sur le choix de l’enseignante de s’inspirer des
approches interactionnistes, même si le PFEQ guide son enseignement. À cet égard,
les objectifs qu’elle a en tête pour Laura en ce qui a trait à la communication orale
teintent les interactions qu’elle a avec l’élève et l’importance qu’elle accorde à la
verbalisation. Nous retenons ensuite que toutes les connaissances qu’elle a de Laura
et de leur vécu lui sont extrêmement précieuses en cours d’interaction pour analyser
tous les indices que celle-ci lui donne. Ce sont donc aussi sur ces connaissances
détaillées et sur sa manière d’envisager l’interaction et le langage multimodal
qu’Audrey s’appuie pour mettre en place des stratégies de soutien à l’élève. Dans le
chapitre suivant, nous retrouverons ces indices de contextualisation généraux et ces
stratégies et en ajouterons d’autres en nous penchant cette fois sur leur utilisation au
fil du déroulement de l’interaction, par l’analyse approfondie de quatre séquences
d’interaction. Nous pourrons donc en préciser l’usage dans l’ajustement, notamment
en les liant directement au langage multimodal.
CHAPITRE V
des indices de contextualisation sur l’ajustement. Les résultats seront dévoilés dans
un premier temps séparément pour chaque séquence, puis nous proposerons en
synthèse une analyse transversale.
Pour chaque séquence, nous ne présenterons non pas les indices de manière
chronologique tels qu’ils apparaissent, mais nous les regrouperons par catégorie pour
en donner une meilleure vue d’ensemble. Dans notre processus d’analyse, ces indices
n’ont toutefois en aucun temps été détachés de leur contexte d’apparition et de
l’enchaînement des tours de parole. La première séquence (la pluie) sera présentée en
détail pour montrer les liens tissés entre les différents indices de contextualisation et
les stratégies dans l’analyse. Les encadrés correspondent aux stratégies déployées
dans l’interaction (symbole ). Pour les trois autres séquences, nous avons choisi de
dévoiler les indices de contextualisation saillants, tout en proposant au lecteur la
présentation complète des résultats pour les séquences 3 et 4 à l’Annexe N et la
présentation des stratégies pour les séquences 2, 3 et 4 à l’Annexe O.
160
Dans cette séquence, Audrey et Laura sont installées côte à côte et Laura y entame un
dessin libre entre les deux tâches principales de l’atelier. Audrey questionne Laura sur
les traits courts et saccadés qu’elle dessine : « qu’est-ce que tu dessines? » Laura
peine à répondre immédiatement et directement aux questions d’Audrey qui lui
octroie beaucoup de moments d’attente. À partir de la première réponse asynchrone
de Laura (de la pluie), Audrey propose un jeu de faire semblant dans lequel elle
incarne un personnage peiné de ne pas pouvoir jouer dehors. Le matin même, Laura
avait montré sa propre contrariété durant l’activité Bonjours lorsqu’elle avait compris
qu’en raison de la pluie, la récréation se déroulerait à l’intérieur. Avec le soutien
d’Audrey tout au long de la séquence, Laura développe ses idées à partir du dessin
qui sert de soutien pour le langage et pour le jeu symbolique. Elles en arrivent à une
solution pour solder le problème de la pluie, celle du dessin d’un gros soleil.
161
Dans cette séquence, de nombreux indices appartenant autant au cadre qu’à l’histoire
interactionnelle entre les interactantes montrent un ajustement parfait des références
contextuelles (sociales, culturelles, etc.) partagées par les interactantes. En premier
lieu, Audrey et Laura ont toutes deux vécu l’activité des Bonjours qui s’est déroulée
juste avant l’atelier. Comme mentionné précédemment, Laura s’est montrée peinée et
contrariée lorsqu’elle a constaté que la récréation se déroulerait à l’intérieur. Jointe à
l’indice contextuel de la pluie qui tombe dehors, cette connaissance de l’histoire
interactionnelle partagée permet à Laura d’évoquer en 4L la pluie à l’extérieur par un
pointage vers la fenêtre combiné à son énoncé verbal « e pluie » Audrey identifie
alors non seulement la pluie qui tombe, mais évoque aussi la déception vécue par
Laura en personnifiant la tristesse et en évoquant l’impossibilité de jouer dehors (5A).
163
Laura perçoit à merveille les indices des pleurs et la mimique de tristesse d’Audrey et
répond à cette émotion par un geste social de consolation en 6L-8L. Plus loin en 12L-
13A et 16L à 19A, Audrey et Laura partagent à nouveau leurs connaissances
communes sur l’émotion de la joie et celle du geste social conventionnel (bras dans
les airs) accompagné d’un cri de joie. Qui plus est, les deux interactantes partagent
leurs connaissances des représentations illustrées du soleil (et de sa couleur jaune), de
la pluie, de la joie (bonhomme sourire), tout en comprenant les enjeux de la météo
extérieure sur les activités des élèves.
5.1.3.2 La contrariété
Dans cette séquence, les rôles asymétriques d’experte du langage (enseignante) qui
guide l’élève novice sont visibles, puisque c’est Audrey qui prend majoritairement en
charge (sans exigence) la verbalisation des actions et des illustrations de Laura. Par
exemple, Audrey met en mots l’idée du soleil qui l’emporte sur la pluie en 27A. Cette
stratégie de mise en mots de ce que fait Laura, de formulation verbale par Audrey
contribue au développement des idées de l’élève et à l’ajustement.
Audrey guide aussi Laura à travers des stratégies issues des approches naturalistes
interactionnistes visibles dans cette séquence qui sous-tendent son enseignement. En
ce sens, elle suit les intérêts et initiatives de Laura en la laissant introduire des thèmes
à travers son dessin, comme celui de la pluie en 2-4L, et du soleil en 24-27L. Audrey
utilise une stratégie de jeu de faire semblant pour entrer en contact avec Laura (initié
en 5A) puisqu’une simple question (en 1A) ne mène à aucune réponse de l’élève
après 6 secondes d’attente. Audrey se base sur sa connaissance de Laura (son émotion
de tristesse et sa passion pour jouer dehors) pour introduire ce jeu. Pour Audrey,
varier les jeux symboliques constitue à la fois une visée et une bonne manière de
stimuler le langage verbal en interaction, tout en s’assurant que l’élève ait du plaisir
dans l’interaction. En dépit de la difficulté d’interprétation des mimiques de
contrariété, Laura et Audrey s’ajustent bien dans l’évolution du scénario de faire
semblant et Laura peut résoudre le problème émotif imaginaire par la venue du soleil
fictif.
Elle suscite son intérêt par l’inclusion de l’intérêt de Laura (thème introduit)
dans un jeu symbolique. Elle introduit aussi un problème en joignant l’idée de
l’élève, une émotion et une action.
Audrey suscite l’alternance des tours de parole dans le jeu (susciter l’intérêt de
l’élève) en reprenant par exemple son pleurnichage (7A) en vue de laisser
Laura prendre son tour de parole.
166
Dans le même ordre d’idées, Audrey adopte aussi la stratégie d’observer Laura,
d’attendre et d’être à l’écoute des indices qu’elle donne dans l’interaction, comme
lorsqu’elle cesse de dessiner et observe sa feuille en inclinant la tête en 22L. Pour
permettre à Laura de répondre à une question ouverte, Audrey lui laisse une longue
pause de six secondes après sa question en 1A et près de dix secondes de 23A à 27A
en enchaînant une question, une prise de matériel pour imiter Laura, puis une longue
observation statique de sept secondes. Toutes ces attentes ne sont pas toujours
immédiatement fructueuses : Laura ne fournit souvent pas immédiatement de réponse
à une question, un commentaire ou elle ne prend pas son tour de parole verbal (9A,
13A, 19A, 23A et 27A). Dans ces cas, Audrey opte pour la solution de la laisser aller
dans son dessin.
dessin.
Elle observe Laura pour mieux répondre à ses intérêts. Elle observe ce sur quoi
porte l’attention de Laura, soit par exemple les traits de pluie dessinés à un
rythme particulier.
5.1.5.2 L’observation
Audrey utilise le support dessin et son contenu pour entrer en contact avec Laura :
elle lie tous ses énoncés à la forme du dessin (représentations graphiques) ou à son
fond (les symboles qu’il évoque). Même lorsqu’elle demande à Laura si elle veut
colorier le dessin en jaune en 31A, Audrey évoque le soleil dessiné pour introduire sa
proposition. Comme mentionné précédemment, les questions ou commentaires
énoncés par Audrey ne trouvent pas souvent de réponse verbale immédiate chez
Laura qui maintient son attention sur le dessin qu’elle poursuit. Par contre, ces
moments d’attente sont tous féconds pour l’observation de détails réinvestis par
Audrey dans les tours de parole suivants. Ils lui permettent par exemple de voir que
Laura dessine de courts traits en 1A, deux paraboles jointes dont l’ouverture est
inversée (haut et bas) pointées par Laura avant son exclamation de joie en 12L, ainsi
qu’une forme arrondie dont émane de courts rayons tel un soleil en 24L et 26L.
Audrey met donc en mots dans le tour de parole suivant ses observations et ce faisant,
assure l’ajustement de l’interaction en réparant les lacunes de l’élève.
symbolisme du dessin est manifeste chez Laura. Tout compte fait, son regard oscille
tantôt entre son dessin, la fenêtre (4L), le visage d’Audrey (6L, 8L, 12L, 14L et 16L)
et le mur du côté opposé (12L et 30L). Audrey ajuste son regard à celui de Laura en
5A vers la fenêtre et elle interpelle directement en lui touchant l’épaule pour attirer
son attention en 31A. Plus subtilement, Audrey repère le regard de Laura orienté sur
son visage en 6L, puisqu’elle poursuit ses pleurs en 7A en ayant obtenu l’attention de
l’élève. Comme le montre l’extrait de transcription ci-après, en 17A et 19A, Audrey
manifeste qu’elle a saisi que Laura l’a désignée du regard en disant « happy »,
puisqu’elle fait deux reformulations énonciatives en employant l’impératif « sois » en
17A et le pronom « je » qui la désigne elle-même en 19A (voir figure 5.2). En 13A,
Audrey répond à l’adresse que lui fait Laura en la regardant brièvement en 12L avant
d’exécuter son geste de « victoire. »
12L ((cesse de dessiner, tourne la tête vers A., la regarde, puis se redresse et
regarde de l’autre côté en souriant))
AHEN :: ((lève les bras en l’air en forme de « V », sourit, grade la
pose*********))
Lorsque Laura se penche sur son dessin pour le poursuivre, Audrey observe,
attend et accepte le changement de centre d’attention (focus) momentané de
Laura (ex. lorsque celle-ci dessine des protocercles en 20L) ou total (lorsque
l’élève se remet à dessiner pour faire introduire un soleil en 24-26L).
De plus, au fil des tours de parole, elle intègre les intérêts observés à l’activité
en cours dans les tours de parole suivants. Elle cherche aussi à suivre l’intérêt
de Laura en imitant son action. Elle imite sa prise de matériel (feuille et crayon
en parallèle de l’élève pour dessiner) tout en maintenant son observation et en
attendant.
Audrey observe ce sur quoi porte l’attention de Laura par l’orientation de son
regard et se désigne comme interlocutrice lorsque Laura la regarde en
s’adressant à elle.
171
En outre, le pointage d’Audrey du dessin en 13A est redondant par rapport au geste
qu’elle imite de Laura et à sa mise en mots (bras en l’air et « hourra »). Pourtant, ce
pointage ajoute une information supplémentaire non fournie explicitement par Laura,
puisqu’il a aussi comme fonction de lier le dessin et la posture de « victoire » de
Laura, posture tout aussi cointerprétée par Audrey qui l’imite. Enfin, Audrey tend
aussi le crayon-feutre jaune à Laura en guise d’indice que le coloriage proposé se fait
avec ce crayon précisément. Laura s’ajuste en prenant le crayon immédiatement
(32L).
l’élève.
Ce faisant, Audrey introduit aussi le langage : elle désigne l’image par son
pointage, verbalise ce que Laura fait et demande l’approbation de Laura par
son contour intonatif montant.
Le but général de cette séquence « libre », qui est essentiellement d’interagir à partir
du support dessin, est atteint entre autres grâce aux nombreux indices multimodaux
donnés par les interactantes et verbalisés par Audrey. Comme mentionné
précédemment, le dessin de Laura, ce qu’il illustre, ce qu’elle pointe ou mime lui
permettent de se faire comprendre. Cependant, Laura transgresse maintes fois les
normes sociales en brisant le contact avec Audrey sans prévenir pour se pencher sur
son dessin, sans répondre aux questions ou commentaires. Elle ne verbalise pas non
plus son idée avant ou pendant son dessin, à l’exception de ses tours de parole 18L et
20L en décrivant des protocercles. Ce manque de transparence dans ses intentions
force en quelque sorte Audrey à prendre en charge le maintien de l’interaction et à
s’ajuster en donnant des délais supplémentaires à l’élève, et parfois même à
interpréter les esquisses (comme le soleil en 26L). Tout bien considéré, Audrey
173
récupère avec brio les difficultés liées aux normes sociales de l’élève, à l’absence de
verbalisation et s’ajuste en traitant le dessin comme une construction en progression.
Ce faisant, Audrey étaye le langage verbal de l’élève en reformulant ses actions, ses
gestes et ses énoncés verbaux, quoique minimaux. Ces reformulations contribuent à
faire évoluer le sens et à valider les idées de Laura. Ainsi, elle favorise l’ajustement
en mettant en mots chacune des idées principales de Laura : dessin de la pluie en 1A,
cri et geste de joie/victoire dessiné en 13A, dessin du soleil qui cache la pluie en 27A.
Chacune de ces reformulations est ponctuée d’un contour intonatif montant en fin
d’énoncé marquant une demande d’approbation en vue de valider son interprétation.
Ces demandes d’approbation sont bien interprétées par l’élève qui précise le lien avec
l’actuelle météo en 2A, maintient son geste de joie/victoire en 14L (au lieu de
répondre conventionnellement par « oui ») et s’exclame de joie et sautille en 28L.
Deux des reformulations d’Audrey ne se suivent toutefois d’aucune réponse verbale
de Laura et d’aucun regard dirigé vers Audrey, soit celle signalant la fin de la tristesse
pour son personnage et la venue de la joie en 17A et son auto-reformulation en 19A.
La reformulation en 17A a toutefois un contour intonatif descendant en fin d’énoncé,
traduisant un commentaire plutôt qu’une demande d’approbation.
Audrey reformule les actions, les gestes et le langage de Laura. Ses reformulations
offrent un enrichissement syntaxique, énonciatif, lexical.
Audrey reformule aussi son propre langage dans le but de l’enrichir et d’assurer la
compréhension de Laura par des énoncés courts, un débit lent et l’accentuation de mots
importants (ex. « je suis content »).
174
Au-delà du but général d’interagir à partir du dessin, Audrey poursuit trois buts
secondaires non décelés par Laura : ranger/organiser le matériel sur la table adjacente,
observer le dessin de Laura et imiter cette dernière en parallèle. Premièrement,
Audrey pose plusieurs gestes de déplacement du matériel comme la prise et le dépôt
du bloc en 1A et 11A et la prise du crayon de bois en 33A. Certains gestes
s’échelonnent sur plusieurs tours de parole comme lorsqu’elle s’étire vers la table
adjacente de 17A à 19A. Deuxièmement, Audrey observe le dessin de Laura pendant
de nombreuses secondes tout au long de la séquence. Troisièmement, elle prend une
feuille et un crayon en 25A et s’apprête à dessiner en parallèle de Laura après qu’elle
ait posé une question sans obtenir de réponse. En définitive, jamais Laura ne dirige
son regard en direction d’Audrey lorsqu’elle pose les actions traduisant ses trois buts
personnels qui se font sans langage verbal. Il n’y a conséquemment aucun ajustement
de l’élève relatif à ces actions qui demeurent en périphérie de l’interaction.
Les interjections et onomatopées revêtent une place importante dans cette séquence,
autant du côté d’Audrey que de Laura, et traduisent des tonalités émotives diverses.
Les onomatopées imitent le bruit rythmé du coup de crayon (« pic » en 1A), des
175
pleurs (« bou hou hou » en 5A et 7A) ou des enfants qui jouent (« you hou; ba hou »
en 18L et 20L). Les interjections traduisent les émotions de contrariété (« hm » 9A et
11A), de joie/réjouissance (« ahen » « hourra » et « yeah » en 12L, 13A, 28L et 29A),
d’admiration (« wow » en 27A), de déception (« ah non » en 5A), d’étonnement
(« woh; hoah en 1A et 3A) ou marquent la compréhension (« ah » en 17A). Leur
interprétation est d’ailleurs fortement influencée par les divers indices prosodiques
dont le volume et la hauteur de la voix, les allongements et les accentuations et par les
gestes combinés et les mimiques.
Au début, Audrey imite le bruit rythmé de l’action de Laura qui trace des coups
de crayon. Cette stratégie lui permet de s’introduire dans le jeu de Laura
lorsque cette dernière n’est pas engagée.
Audrey imite les gestes de Laura et sa prosodie telle quelle pour suivre ses
intérêts.
176
Ces onomatopées et interjections sont utilisées autant dans le jeu symbolique par la
voix des personnages que par les actrices. Leur enchaînement et l’imitation qu’en font
les participantes montrent qu’elles les cointerprètent bien. Par exemple, en 13A,
Audrey imite le cri de joie que Laura fait en 12L en le reformulant en interjection
conventionnelle (« hourra ») tout en imitant le volume et l’allongement. Plus loin en
29A, Audrey reprend l’expression « yeah » identique à Laura en imitant aussi la
tonalité et l’accentuation. Dans le même ordre d’idées, Laura cerne les pleurs
d’Audrey en début d’extrait puisqu’elle pose un geste de consolation. Pour sa part,
Audrey montre qu’elle comprend l’idée de Laura du personnage joyeux par son
interjection « ah » allongée en 17A. Elle montre aussi qu’elle s’intéresse à ce que fait
Laura en manifestant son étonnement « woh; hoah » et son admiration (« wow »).
Audrey accentue aussi plusieurs mots importants dans ses énoncés, ce qui contribue à
l’ajustement. Tout d’abord, elle fait une reprise énonciative et syntaxiquement
correcte de l’énoncé de Laura en 3A en accentuant l’idée principale, soit le mot
« pluie. » Elle utilise la même stratégie de reformulation en 17A en traduisant aussi le
mot « happy » en français, toujours en accentuant les mots qui traduisent l’idée de
Laura (« plus » rappelant que la tristesse est terminée et « joyeux »). Laura reprend à
son tour l’un des mots accentués (« jaune ») par Audrey en 32L en l’accentuant aussi,
marquant ainsi sa compréhension. Enfin en 27A, Audrey accentue l’idée principale
« caches + gros soleil », ce qui amène Laura à s’exclamer de joie en 28L.
177
attention en lui touchant l’épaule. Ensuite, elle lui tend le crayon au moment où elle
énonce sa proposition de colorier en jaune. En dépit de sa réponse non
conventionnelle de reprise, Laura comprend le sens de la question et de la
proposition, puisqu’elle offre une réponse multimodale; elle saisit le crayon (en 32L)
et se met en action pour colorier (en 34L). Somme toute, le langage verbal avec des
mots-clés accentués, la pleine attention de Laura par assistance physique (toucher
l’épaule) et la remise de nouveau matériel semblent engendrer un bon ajustement et
une réponse immédiate à la question, lorsque combinés.
Audrey incite Laura à répondre par une question fermée après s’être assurée
d’avoir obtenu son attention visuelle (en lui touchant l’épaule). Cette question
est combinée à un indice contextuel : geste de tendre le crayon en appui au
langage verbal.
5.1.9 Synthèse
En guise de synthèse, nous relevons dans cette séquence trois principales difficultés
d’ajustement : 1- celle de Laura de percevoir l’émotion de contrariété d’Audrey dans
le jeu de faire semblant 2- les actions simultanées divergentes de Laura et d’Audrey,
l’attention de l’élève étant fortement orientée vers son dessin; 3- la difficulté de Laura
à répondre immédiatement aux questions de son enseignante.
179
Les actions simultanées que veulent entreprendre les participantes sont d’abord
visibles à travers les nombreuses ruptures dans l’interaction lorsque Laura coupe
momentanément le contact avec son enseignante pour se pencher sur son dessin et le
poursuivre. Elles se repèrent aussi dans la non perception de l’élève des actions
connexes de son enseignante : ranger du matériel, imiter Laura qui dessine et
l’observer. Pour pallier ce problème d’ajustement, Audrey multiplie les observations
et les attentes plus longues après ses interventions pour donner le temps à Laura de
répondre et la sollicite en conservant toujours un lien avec le dessin.
avec émotion ce que Laura schématise et accentue les mots importants par la
prosodie.
Tout compte fait, les indices coanalysés qui font évoluer l’interaction avec des
ajustements sont ici les gestes de pointage (fenêtre, dessin), les gestes conventionnels
(lever les bras en l’air), les mimiques, accompagnés d’indices paraverbaux qui
marquent fortement les émotions dans les interjections et onomatopées, de même que
les nombreuses pauses accordées pour laisser Laura poursuivre son dessin et prendre
son tour de parole. En outre, le recours au jeu symbolique et les différentes allusions à
l’univers imaginaire du dessin ont permis à Audrey d’initier et de maintenir le fil
conducteur de cette interaction. Tous ces indices ne sont porteurs dans l’interaction
qu’à la condition qu’Audrey adhère aux intérêts de l’élève, à son imagination et que
celle-ci soit disponible, donc qu’elle ne soit pas en action en train de dessiner.
181
Avant l’ouverture de cette séquence d’atelier sur la constitution d’un abécédaire des
légumes (travail déjà bien connu de Laura), Laura a collé tous les mots-étiquettes et
images, ne lui restant plus que des petits papiers vierges. Se pose alors le problème
d’une case vide sur la fiche de l’élève pour l’une des lettres de l’alphabet (la lettre X).
Laura pointe donc le vide sur sa fiche et scrute tour à tour tous les papiers sur la table
à la recherche de mots-étiquettes pendant que l’enseignante l’observe. Laura perçoit
sa fiche comme incomplète et cherche à finir la tâche en collant absolument quelque
chose dans l’espace vide. Audrey tente de lui expliquer le vide, puis devant son
incompréhension, lui demande si elle souhaite tracer une croix « X » dans la case
vide. L’élève répond très subtilement, de sorte que l’enseignante repose sa question
en multipliant les indices. Audrey annonce le travail terminé après la réponse claire
de Laura. Cette dernière demande alors le jeu de table qui est bien en vue. Audrey
précise qu’elles doivent d’abord ranger, ce que les deux interactantes entreprennent.
182
Dans cette séquence, le matériel en tant que tel pose problème, puisqu’il y a une case
vide dans la dernière page. Contrairement à Laura, Audrey comprend
conceptuellement ce vide parce qu’elle en a l’expérience. Elle tente de l’expliquer à
Laura verbalement et grâce au soutien visuel du modèle en 2A et 4A. C’est
l’incompréhension manifeste de Laura qui amène Audrey à proposer une solution,
184
Dans cette séquence, Audrey exploite l’intérêt de Laura pour le dessin, l’écriture et le
matériel de bricolage (dont les crayons qu’elle nomme explicitement) en les
proposant dans la tâche (en 6A, 8A et 10A).
De plus, Audrey anticipe en amont l’usage que fera Laura du matériel en retirant ce
qui est excédentaire (papiers vierges et ciseaux en 8A et 12A), ce qui ajoute pour elle
aux indices de fin de tâche. Audrey voit aussi la nécessité d’insister sur la proposition
de tracer un « x » (en 8A et 10A) après la réponse jugée trop subtile de Laura qui
hoche la tête en signe de refus de manière à peine perceptible.
Laura sait qu’en fin de tâche son enseignante la félicite. Elle se sert de cette
connaissance pour reprendre l’une de ces félicitations/rétroactions typiques en 17L
(« oh wow! »). Pourtant, cette exclamation admirative paraît étrange alors que son
enseignante demandait une simple approbation en « oui/non » par sa question
implicite « ça c’est fini? » (montre la fiche et intonation montante en fin d’énoncé)
185
5.2.5.2 L’alignement du regard de Laura grâce aux directifs combinés aux pointages
Pour rectifier cette difficulté, Audrey attire l’attention de Laura sur un endroit précis
de la fiche [verbe impératif « regarde » + pointage déictique sur la fiche] en
reformulant. Généralement dans cette séquence, l’orientation du regard (en 5L, 7L et
9L, 15L) de Laura qui est aligné sur l’endroit précis de la fiche, la fiche en général et
les mains de A. indiquent ainsi l’attention qu’elle porte aux indices visuels donnés par
Audrey.
Audrey observe aussi l’orientation du regard de Laura pour déterminer l’objet de ses
propos verbaux et formule son énoncé suivant en fonction de ce regard. C’est le cas
lorsque Laura pointe et regarde le jeu en 13L pour solliciter à son tour l’attention de
son enseignante sur le jeu.
186
Enfin, l’absence de non verbal et l’inaction de Laura (tours de parole 5L à 10A) sont
aussi des indices d’interprétation forts pour Audrey qui induit alors
l’incompréhension de la proposition de faire un « x. » Rappelons que d’après Audrey,
il est possible de confirmer la compréhension de Laura par son action. Dans ce cas,
l’enseignante offre un délai et attend deux secondes avant de reposer sa question
(10A). Durant cette attente, Laura ne bouge absolument pas.
Dans cette séquence se dessine nettement, d’un tour de parole à l’autre, une évolution
des tentatives d’Audrey pour faire comprendre à Laura qu’il reste une case vide sur la
fiche dans laquelle aucune image ne sera collée et qu’ultimement, la tâche est
complète malgré ce vide sur la fiche : explication verbale initiale, puis reformulée;
proposition verbale alternative au vide (faire un « x ») appuyée par un pointage du
« x » sur la fiche modèle (en 6A et 8A); reformulation du langage en intégrant le
lexique « crayon » tout en retirant le matériel excédentaire (en 8A); octroi d’un délai
supplémentaire de deux secondes à l’élève; répétition de sa question initiale en
joignant cette fois un geste conventionnel de traçage du « x » pour clarifier, mais sur
la fiche de l’élève (en 10A). Ce n’est qu’à ce moment que l’élève offre une réponse
multimodale claire (en 11L). L’objectif de réponse à la question posée est alors
atteint. Il est intéressant de noter ici que malgré la difficulté de Laura, Audrey a
recours aux gestes naturels et au matériel disponible dans l’environnement proche
plutôt qu’à l’ajout d’autres pictogrammes, etc.
187
Le moyen ultime pour Audrey de faire comprendre à Laura que le vide est acceptable
et qu’il n’y a pas d’autres actions à entreprendre que de tracer un « x » (ce que
décline Laura) est non pas de multiplier les indices gestuels et matériels, mais de
simplement déclarer clairement verbalement que le travail est terminé (12A, 14A et
16A) : « bin on a fini » (12A). Cette déclaration semble avoir dénoué l’impasse, car
Laura se met immédiatement en action vers le prochain jeu (en 13L).
Audrey entame des actions subtiles de rangement en retirant les papiers (8A) et plus
tard les ciseaux (12A). Le retrait des papiers fait état de l’interprétation divergente
des deux interactantes. De son côté, Audrey marque implicitement la modification du
cadre par le début du rangement (en 8A), alors que Laura reprend ses ciseaux, comme
si elle anticipait une nouvelle phase de découpage (en 9L). Force est de constater que
les actions non verbales non combinées au langage verbal sont trop implicites et ne
permettent pas à l’autre interactante de comprendre les buts poursuivis.
188
Lorsqu’elle s’exprime verbalement, même avec très peu de mots, Laura sait donner
des indices explicites de son affectivité qui transparaît beaucoup dans sa combinaison
d’interjections courtes et isolées [« hm », « heu », « oh wow »], de postures (ex. bras
et épaules bas, relâchés le long de son corps) et de mimiques (ex. relever la tête en
signe de surprise ou baisser la tête pour se plaindre). De ce fait, Laura sait guider
Audrey dans l’interprétation de son émotion (surprise en 1L, plainte/panique en 3L,
empressement en 13L, exclamation admirative en 17L), liée aux éléments contextuels
qu’elle pointe ou regarde (papiers, jeu, fiche).
Audrey ponctue ses énoncés d’accentuations prosodiques en vue de faire ressortir ses
quatre idées principales, soit le vide, la proposition de tracer, la fin de la tâche, le
rangement. Ainsi, elle ne s’exprime pas uniquement au moyen de mots-clés, mais par
des « phrases complètes » simples. En guise d’exemple de ces accentuations, notons
l’adverbe « rien » (prononciation appuyée) en 4A, « faire un x » (augmentation de la
hauteur de la voix) en 6A, « on a fini » (hausse de la voix plus aiguë et enthousiaste)
en 12A et « ferme » (tronqué du reste de l’énoncé, prononciation appuyée) en 18A.
189
Dans cette séquence, Laura répond deux fois à la même question d’Audrey à propos
de la proposition de faire un « x » en 7L et 11L. La question posée est alors fermée,
donc sollicite une réponse oui/non de sa part. De surcroît, elle comporte deux indices
identifiés par Laura : l’expression « est-ce que » au début et le mouvement
prosodique de hauteur en fin d’énoncé.
La première réponse de Laura entièrement non verbale (hochement de tête très discret)
en 7L est trop subtile. L’enseignante cherche une réponse « claire » de sa part.
Après cette première réponse de Laura jugée trop « faible », Audrey cherche à
désambiguïser par une demande de validation/confirmation (8L-9A) : « non? »
Valider à ce moment la compréhension de Laura aurait permis un ajustement plus
rapide. Toutefois, Laura ne répond pas à cette demande de validation.
190
Comme Laura ne fournit pas de réponse, Audrey enchaîne avec une reformulation,
puis une répétition de la question en ajoutant un indice gestuel (mouvement
kinétographe de tracer un « x »). En 11L, Laura répond finalement par un « non »
verbal allongé, un hochement de tête évident et l’avancement de son torse incliné vers
Audrey.
5.2.9 Synthèse
En guise de synthèse, nous relevons dans cette séquence deux principales causes des
difficultés d’ajustement : 1- la connaissance du concept du vide dans la fiche à
remplir et 2- le caractère trop implicite des actions que veulent entreprendre les
participantes dans la tâche. De son côté, l’enjeu du vide est marqué principalement
par l’inaction de Laura, son regard insistant et ses indices de tonalité affective. Ce
problème du vide se solde non pas par les explications verbales d’Audrey ou par ses
propositions alternatives multimodales maintes fois reformulées, mais par la
déclaration verbale de la fin de la tâche, qui autorise Laura à un vide dans une fiche
complétée.
Au sujet du caractère trop implicite des actions que veulent entreprendre les
participantes, nous notons que la première réponse de l’élève par un hochement de
tête à la proposition de faire un « x » est trop subtile, quasi imperceptible alors
qu’Audrey cherche une réponse claire. Cet indice est contrastant par rapport à la
réponse multimodale [« non » verbal allongé + hochement de tête + inclinaison du
torse vers Audrey]. Le geste de toucher les ciseaux de Laura est aussi très subtil pour
191
L’atelier de la bande-phrase découle de quatre autres étapes préalables d’un projet sur
l’espace. Les phrases construites sous forme de séquence de pictogrammes ont
comme but de mettre en mots ce qu’illustrent les photos de la construction
personnelle qu’avait réalisée Laura. Sur chaque page est donc collée une photo à
décrire. Audrey souhaite ainsi partir des idées de Laura. Néanmoins, elle met à sa
disposition plusieurs pictogrammes qui représentent aussi des idées d’autres élèves et
non pas uniquement celles de Laura. Dès l’ouverture de la séquence, bien qu’Audrey
évoque le placement d’un dernier pictogramme avant le collage, Laura place plus de
pictogrammes que prévu. Audrey tente de l’arrêter et d’introduire une phase de
verbalisation, mais la laisse finalement poursuivre. Une fois tous les pictogrammes
disponibles placés par Laura dans un ordre précis, les deux interactantes passent
finalement à une phase de verbalisation formelle dans laquelle elles « redisent »
ensemble les deux phrases construites : « Le petit chat est assis dans le véhicule
spatial. Il mange de la pizza et un sandwich. » La séquence se clôt sur la proposition
d’Audrey de coller les pictogrammes.
193
placement des images. Constatant que Laura ajoute plusieurs pictogrammes, Audrey
s’ajuste, observe et intègre les nouveaux pictogrammes à ses énoncés.
Laura a une certaine habitude rapportée par Audrey (entretien 1, transcription p. 21;
entretien 3, transcription p.58) de verbaliser davantage lorsqu’elle peut s’appuyer sur
un soutien visuel à l’appui, comme des images ou des pictogrammes. Cette habitude
facilite l’ajustement, puisque Laura « redit la phrase » avec son enseignante (pour
reprendre l’expression d’Audrey au 6e entretien) tronçon par tronçon à partir du
modelage de l’adulte (tours de parole 17A à 24L), et ce sans qu’Audrey ait besoin
d’en expliciter la consigne.
La connaissance préalable du lexique et son utilisation sur une base quotidienne par
Laura (par exemple « petit », « chat ») ou par les intervenantes (« assis », « manger »)
facilitent l’ajustement. En entretien de rétroaction, Audrey explique que leur
connaissance par Laura contribue selon elle à la bonne identification des images et la
prononciation des mots et donc qu’il importe de bien les choisir le lexique. À
l’opposé, les mots comme « véhicule spatial » et « véhicule lunaire » ne sont pas
couramment utilisés par Laura. Dans les faits, elle ne verbalise pas spontanément en
6L « véhicule spatial » comme elle le fait pour « sandwich » et « mange » (8L et 10L)
et sa prononciation est plus tard très approximative (« vévédé paï » en 22L).
196
En 17A, Audrey exprime sa reconnaissance d’un trait de Laura qui la fait sourire : sa
tendance à épuiser tout le matériel disponible. Dans l’entretien de rétroaction, Audrey
nous explique le moment du retrait du pictogramme « fusée » (en 15A) en lien avec
ce plaisir qu’a Laura à explorer le matériel et à l’utiliser : « Puis c’est ça un moment
donné tu vois qu’elle, tu sais Laura est quand même, tant qu’il y a du matériel elle
l’utilise. Fait qu’un moment donné j’ai enlevé la fusée parce que je savais aussi que
j’avais une autre photo que ce serait pertinent. »
Le geste non verbal de retrait de la fusée en 15A par Audrey est interprété en
convergence par les deux interactantes. Préalablement, Laura prend l’image de la
fusée dans la main d’Audrey en 12L. Pour rectifier la situation, Audrey suit le
mouvement de Laura qui saisit le pictogramme, elle tourne sa paume vers le haut et
ouvre sa main dans le geste emblématique d’attente de remise d’un objet au creux de
sa main (voir figure 5.5). Or, Laura n’identifie pas ce geste et place l’image en
poursuivant son action déjà entamée de placer tous les pictogrammes sur le carton. En
seconde tentative, Audrey retire le pictogramme et le cache près d’elle en expliquant
verbalement son motif. Laura suit à ce moment le geste de retrait en superposant sa
main au bras d’Audrey. Elle ratifie le retrait du pictogramme par le retrait de sa main
au moment où Audrey a complètement retiré le pictogramme de la table et l’a caché
près de son corps.
197
Trois gestes de glissement de pictogrammes par Audrey sur la table sont aussi
coanalysés : 1- étendre d’une main les pictogrammes restants (3A); 2- glisser le
pictogramme « mange » vers Laura (9A); 3- glisser la bande-phrase vers Laura
(27A). Ces trois gestes sont porteurs dans la mesure où ils appuient le langage verbal,
que ce soit en étant redondant, en complétant ou en offrant une information
supplémentaire. Dans les trois cas, Laura s’ajuste parfaitement : 1- son regard passe
du bâton de colle aux pictogrammes, puis elle se met en action en choisissant son
premier pictogramme; 2- elle prend, identifie et place immédiatement le pictogramme
en 10L; 3- elle aligne son regard sur le carton déplacé et répond à la demande
d’approbation.
198
En contraste avec les gestes de glissement, les pointages d’Audrey ne sont pas
toujours suffisants pour assurer l’ajustement. En 5A et 11A, elle pointe un
pictogramme en verbalisant la signification de la phrase construite. Dans les deux cas,
Laura ne répond pas et enchaîne avec le placement d’un autre pictogramme. En
définitive, Audrey et Laura portent leur attention sur des buts (verbaliser vs placer des
pictogrammes) et du matériel divergents (pictogrammes placés sur le carton vs
pictogrammes sur la table), ce qui explique l’échec des pointages.
Les gestes de pointage lorsqu’Audrey et Laura orientent toutes deux leur regard sur la
bande-phrase et réalisent ensemble la phase de verbalisation (tours de parole 17A à
24L) sont beaucoup mieux perçus par Laura. Le pointage image par image d’Audrey
suit alors le débit lent et la troncation de la phrase qu’elle énonce. Laura oriente bien
successivement son regard sur chacune des images pointées et les verbalise. En
somme, les pointages sont dans cette séquence des indices bien cointerpétés à
condition que 1- Laura n’entreprenne pas une autre action simultanément et 2- que le
rythme soit ralenti pour lui laisser le temps d’aligner adéquatement son regard.
D’après moi elle comprend, parce qu’elle pointe en même temps, regarde
l’image, puis elle répète quand même assez clairement, puis en regardant
l’image. Je pense qu’elle sait que les mots, les sons qu’on est en train de dire ils
ont rapport avec l’image. Je suis pas mal certaine à cause des indices qu’elle
regarde, qu’elle pointe. Quand il n’y a pas de support visuel, c’est plus difficile
je pense pour elle et pour moi aussi d’avoir des indices qui vont me permettre
de le savoir.
Dans la phase de verbalisation, les pauses (0,5 seconde à 2 secondes) que fait Audrey
entre chaque segment d’énoncé verbalisé sont les indices paraverbaux dominants.
200
Laura s’ajuste bien à ces indices. Elle verbalise en général un mot par segment (sauf
pour « pizza » et sandwich » qui sont dits dans le même segment par Audrey). En
résumé, Laura s’ajuste au pointage de son enseignante en alignant bien son regard sur
chaque image en profitant du rythme ralenti offert par les nombreuses pauses. Elle
s’ajuste aussi au contenu des images, donc montre sa compréhension en verbalisant
exactement ce qu’elles représentent.
Dans cette séquence, Laura ne répond pas aux commentaires d’Audrey (5A-6L et
25A-27L). Cette dernière utilise la question et la demande d’approbation pour
dénouer ces difficultés d’ajustement en 7A, 9A et 27A et elle obtient pour chacune
une réponse de Laura.
En guise de synthèse, nous relevons dans cette séquence trois principales causes des
difficultés d’ajustement : 1- la méconnaissance du concept de « dernière » jumelée au
but implicite non partagé de reproduire le sens de la photographie liée à une étape
antérieure du projet de l’espace et à la quantité de matériel disponible; 2- les actions
202
De son côté, l’enjeu de la « dernière image représentée sur la photo » est marqué
principalement par l’action rapide répétée de Laura qui multiplie les gestes d’ajouts
de pictogrammes sur le carton sans tenir compte des interventions de son enseignante
qu’elle chevauche. Il est aussi marqué par l’absence de réponse de Laura aux
commentaires d’Audrey et à ses demandes d’approbation par oui/non. Ce problème
des multiples images ajoutées rapidement se solde non pas par les explications
verbales d’Audrey, commentaires et questions, mais par l’épuisement des
pictogrammes disponibles et par le retrait du dernier pictogramme de la fusée.
Au sujet des actions simultanées que veulent entreprendre les participantes, elles
traduisent les difficultés d’ajustement quant aux buts qu’elles visent respectivement.
Nous notons que Laura n’est pas disponible pour répondre aux commentaires et
demandes de son enseignante tant qu’elle n’a pas terminé l’ajout de pictogrammes.
Malgré les stratégies verbales, paraverbales et non verbales d’Audrey, Laura s’ajuste
partiellement aux sollicitations en plaçant les pictogrammes que lorsqu’Audrey glisse
vers elle un pictogramme. Laura oriente alors son attention sur ce pictogramme
glissé. Ce n’est donc qu’en adhérant au projet de Laura de placer les pictogrammes
sur la bande-phrase par son geste de déplacement du pictogramme qu’Audrey réussit
à orienter l’attention de son élève.
Tout compte fait, les indices coanalysés qui font évoluer l’interaction avec les
meilleurs ajustements sont ici les indices non verbaux de glissement du matériel, de
pointages successifs des pictogrammes, accompagnés d’indices paraverbaux forts
comme le ralentissement du rythme, la troncation de l’énoncé qui suit l’enchaînement
des pictogrammes et les nombreuses pauses accordées pour laisser l’élève prendre
adéquatement son tour de parole. Ces indices ne sont porteurs dans l’interaction qu’à
la condition que Laura soit disponible, donc ne soit pas en action. La multimodalité
apparaît aussi chez Laura par un alignement du regard et des mots isolés au rythme
des pointages et des modelages. Ces mots isolés identifient non seulement les
pictogrammes, mais reflètent aussi le sens de la phrase construite.
204
Cette séquence porte sur la l’épisode de « dire les présences » pour laquelle Laura est
mandatée ce jour-là. Au début, Audrey aide Laura qui ne considère pas les prénoms
écrits parmi les items à classer dans les colonnes « présents » ou « absents » sur le
TNI, les autres éléments étant des photos. Lorsque Laura termine son classement des
photos/prénoms des enfants et adultes de la classe, elle insiste pour rester au tableau
et demande les crayons. Audrey refuse, l’incite à retourner à sa place, puis lui
explique à l’aide de la bande-tâches que son travail de dire les présences est bel et
bien terminé. Laura revient alors à la charge en se redirigeant vers le tableau. C’est
alors qu’elle entame le dénombrement des personnes présentes, assistée par Audrey.
Enfin, elle retourne s’asseoir et Audrey explicite verbalement la fin des présences.
205
Bien j’essayais de lui faire voir que sa tâche était finie, parce que la tâche était
de mettre du monde à l’école et d’en mettre à la maison et que c’est fait. […]
Regarde, c’est réussi, c’est complet, mais là de toute évidence elle trouvait que
ce n’était pas bien réalisé (entretien 6, transcription p.223-224)
La structure du matériel crée une incompréhension chez Laura qui ne tient pas
compte des prénoms écrits dans le tableau, mais seulement des photos. Cette
difficulté amène Audrey à la guider physiquement deux fois pour qu’elle identifie et
déplace les mots écrits au tableau (1A-3A; 37A).
En entretien de rétroaction, Audrey explique que c’est donc l’insistance de Laura dont
le sens lui échappe (même si elle sait qu’il y a un sens) et son incompréhension de ce
qu’elle veut dire qui l’ont poussée à utiliser les stratégies d’observer et d’attendre.
Elle ne voyait pas clairement quel était le but exact de l’élève au début (entretien 6,
transcription entretiens, p.221) :
Mais tu sais là, le fait qu’elle insiste, qu’elle revient, je me dis il y a quelque
chose. J’ai-tu oublié quelque chose, il y a-tu un mot ou quelqu’un qu’elle veut
écrire ou que tu sais, c’est ça. Il y a vraiment quelque chose d’autre, puis je me
dis bien regarde, on va regarder, on ne perd rien à regarder ce qu’elle va faire.
Ça va peut-être nous donner un indice de qu’est-ce qu’elle veut, de ce qui n’est
pas clair pour elle ou qu’est-ce qui n’est pas complet pour elle.
208
Le vent tourne donc lorsque Laura se lève de sa chaise pour se diriger à nouveau vers
le tableau en levant les bras en l’air en s’exclamant (20L). À ce moment, elle saisit la
baguette et commence son dénombrement à voix haute. Audrey entame un geste de
monstration de la bande-tâches en l’accompagnant du directif « regarde » (23A)
auquel Laura ne s’ajuste pas (24L), puisqu’elle commence son dénombrement.
C’est alors qu’Audrey se ravise : elle ramène la bande-tâches vers son corps,
s’éloigne légèrement (25A) pour observer/attendre et dénombre à voix haute avec
Laura, suivant ainsi son initiative et son intérêt.
Vers la fin du dénombrement, alors qu’il ne reste que deux mots écrits et que les
photos de personnes présentes ont déjà été dénombrées, Laura se tourne vers les
photos des personnes absentes. Elle arrête soudainement son mouvement de pointage
vers une photo, recule sa baguette et redirige son regard vers le mot écrit que touche
Audrey dès que cette dernière énonce verbalement « neuf » en 35A. C’est alors par
son inaction que Laura montre sa compréhension et son ajustement dans l’interaction.
209
Dans cette séquence, Audrey interpelle maintes fois Laura par son prénom ou un
surnom dans le but : 1- d’attirer son attention (« Laura » + « regarde » accentué ou
avec intonation montante en 15A; 39A); 2- de renforcer son adresse (« ma belle » en
11A); 3- de souligner son rôle dans la transaction des présences (« Laura (accentué)
devait » et « merci Laura » 17A; 39A). En 39A, Audrey s’interrompt (« dire les pré -
») pour solliciter l’attention de Laura, puis reprend son énoncé du début étant
maintenant assurée de l’attention visuelle de l’élève. Tout compte fait, Audrey
n’hésite pas à interrompre son action qu’elle reprend plus tard pour valider l’attention
de Laura.
En fin de séquence, Audrey revient sur l’idée de souligner la fin de la transaction des
présences. Elle présente à nouveau à Laura l’outil visuel de la bande-tâches (39A-
41A). Elle interpelle directement Laura par son prénom, puis utilise une ébauche dans
le but de faire compléter son énoncé à l’élève : elle interrompt son énoncé (« dire les
présences c’est ») avant la fin de sa phrase et allonge « c’est » prononcé avec une
intonation montante. Tous ces indices contribuent à la prise de parole de Laura.
Oui, puis elle fait le fini. Elle ne le fait pas tout le temps d’emblée
spontanément ou même quand on va le faire si elle n’a pas vraiment fini ou
qu’elle ne veut pas vraiment arrêter. Ou même d’autres fois où elle pense peut-
être à d’autres choses. Elle ne le fera pas toujours aussi clairement consistant
que ça.
Au fil de la séquence, Audrey a recours à une escalade des moyens pour faire
comprendre à Laura que sa tâche de dire les présences est terminée. Après lui avoir
retiré la baguette et l’avoir félicitée, elle passe d’une explication plus spécifique sur la
non nécessité du crayon (11A), à une explication sur la fin de la tâche déclarée finie
(13A). Contrairement, aux séquences de l’abécédaire et de la bande-phrase, expliciter
l’enchaînement des actions ou déclarer la tâche finie ne suffit pas. Elle passe donc à
une explication encore plus globale sur en quoi consiste la responsabilité de « dire les
présences » en revenant en arrière sur ce qui a été réalisé (17A). Ce faisant, Audrey
insère entre les explications verbales des indices physiques et visuels : elle bloque le
geste de prise de crayon de Laura (11A); elle s’éloigne avec elle du tableau (15A);
elle prend un outil visuel et formule son intention « je vais te montrer » (17A); elle
fait un pointage déictique du tableau de présences (19A). Ces stratégies convainquent
temporairement Laura de retourner à sa place, sans pourtant être suffisantes pour qu’il
y ait interprétation convergente sur la complétude de la tâche.
211
Audrey a le souci d’inclure le groupe dans l’activité des Bonjours, même si elle
interagit ici en dyade avec Laura en particulier. Des indices implicites sont alors
inclus dans ses énoncés. Lorsqu’elle s’adresse à Laura sans inclure le groupe, elle
adopte un volume de voix faible et son corps est strictement orienté vers Laura ou le
tableau (ex. 11A). Au contraire, lorsqu’elle inclut le groupe, Audrey a un volume de
voix élevé et tourne son corps vers la rangée d’élèves devant elle (ex. 37A).
Audrey adopte une prononciation appuyée, ralentit son débit, accentue les mots
importants (ex. Laura, présences, école, maison) et tronque son énoncé lorsqu’elle
verbalise le lien avec l’outil visuel de la bande-tâches (17A et 19A) : « \ Laura devait
dire les présences\ » - « tu as dit qui est à l’école » - « et qui est à la maison↗ ». De
même, elle présente alors successivement en supplément la bande-tâches, une
colonne du tableau, puis l’autre colonne correspondant à chaque segment d’énoncé.
Laura aligne bien son regard sur les éléments successivement pointés.
212
Notre démarche de synthèse de nos résultats issus des quatre séquences est double.
Dans un premier temps, nous avons fait ressortir les points saillants pour chaque
séquence relativement aux indices de contextualisation dont l’interprétation par les
interactantes est convergence (C.) ou divergente (D.) (voir dans le tableau 5.5 chaque
colonne qui récapitule une séquence). Nous avons ensuite effectué une analyse
transversale des types d’indices de contextualisation décrits dans les quatre analyses
précédentes pour en faire ressortir ce qui est unique (indiqué u.) ou récurrent dans
plus d’une séquence (indiqué r. dans le tableau 5.5). Certains indices identiques (ex.
mise en action de Laura) peuvent parfois montrer une interprétation convergente et
parfois divergente dans l’interaction. Nous identifions ces indices dans le tableau 5.5
par le symbole ≠. C’est le cas par exemple de l’indice de la structure du matériel qui
induit des divergences d’interprétation de manière récurrente et nous en précisons la
nature dans le tableau 5.5 : case vide, utilisation prévue vs réelle du matériel, mots
écrits vs photos.
Dans un second temps, pour faciliter les mises en liens entre les différents indices et
leur variation, nous nous sommes appuyée sur le modèle S.P.E.A.K.I.N.G. (présenté
au chapitre III, p. 118) pour regrouper les indices et obtenir une vision d’ensemble.
Nous reprenons chacune des grandes catégories dans les pages suivantes. Enfin,
malgré le fait que nous dégagions des indices de contextualisation clé des séquences,
il importe de ne pas perdre de vue que ceux-ci se cumulent à de nombreux autres
indices et qu’ils n’ont du sens que parmi ces autres indices, dans leur contexte
d’énonciation, au moment où ils apparaissent dans l’enchaînement des tours de
parole. En définitive, même lorsque détachés des séquences d’interaction, il importe
de toujours garder en tête la contextualisation de ces indices, puisque notre but ultime
213
est d’en décrire l’utilisation « dans l’ajustement au fil des tours de parole » (deuxième
objectif de recherche).
214
Tableau 5.5 Synthèse des principaux indices de contextualisation qui orientent l’interprétation des interactantes pendant les
quatre séquences
Types d’indices Interprétation convergente (C.)/divergente (D.) des indices récurrents (r.) et uniques (u.) pour chaque séquence
de d’interaction
contextualisation
#1 Pluie #2 Abécédaire #3 Bande-phrase #4 Bonjours
2. Connaissances C. r. Intérêts de l’élève : Intérêts de l’élève : Intérêts de l’élève : Intérêt de l’élève : compter
de l’autre jeu symbolique, dessin dessin, écriture idées de l’élève
participante : ses
intérêts, sa Manière d’utiliser Idem
manière matériel au complet de
d’utiliser le l’élève
matériel, son Asymétrie des compétences Idem
langage, etc. langagières : choix de
stratégies interactionnistes
élève ne répond pas aux réponse d’abord trop élève ne répond pas aux
commentaires subtile de l’élève; commentaires
Dans cette catégorie d’indices, nous avons inclus le lieu et le moment de l’échange,
son environnement physique, mais aussi la scène psychologique. La scène
psychologique rappelons-le, se veut une occasion particulière d’un certain type de
scène, par exemple lors d’un changement de scène entre deux participants qui restent
dans le même « décor. » À ces éléments nous avons ajouté les scènes psychologiques
déjà vécues par les participantes, ainsi que les connaissances qu’elles ont du cadre
général de l’activité. Ces ajouts font partie de l’histoire interactionnelle des
participantes.
Pour commencer, il ressort des analyses que les interactantes se basent sur diverses
connaissances contextuelles pour interpréter les indices : météo à l’extérieur, action
de consoler quelqu’un, émotions exprimées chez l’autre, signification d’une
illustration, etc. Ces éléments contextuels agissent comme trame de fond et
permettent de comprendre le langage multimodal associé à un moment précis de
l’échange. Lorsque l’élève et l’enseignante partagent l’expérience d’une météo
pluvieuse décrite le matin même (séquence #1), il leur est aisé de se référer à cette
météo et de la mettre en lien avec la tristesse de ne pas pouvoir jouer dehors par
exemple.
Un autre indice identifié pour la composante cadre est celui de l’expérience de Laura
de l’appui du matériel dans une tâche de verbalisation. En effet, dans la séquence #3
de la bande-phrase, Laura se sert de cette expérience pour nommer sans directive
explicite de la part d’Audrey chacun des pictogrammes pointés, ce qui favorise son
ajustement. En contrepartie, la structure du matériel semble fréquemment causer des
difficultés d’ajustement dues à des incompréhensions conceptuelles de la part de
Laura. Elle a par exemple de la difficulté à comprendre un vide, à saisir le lien avec
220
une photo dans ses choix de pictogrammes en raison du matériel mis à disposition, à
se servir de la bande-tâches en appui à des explications sur ce qui a été déjà fait plutôt
qu’à ce qui doit se faire dans le moment présent.
Pour la composante des participantes, nous tenons pour acquis qu’une participante
était désignée comme telle dans l’échange avec ou sans sa prise de parole. Nous
avons aussi inclus les destinataires considérées, que nous relevons par exemple dans
l’adaptation faite dans le langage de l’adulte qui montre son adresse à l’enfant. Nous
avons également ajouté les connaissances d’une participante à propos de l’autre
participante (partie de l’histoire interactionnelle) et l’asymétrie dans les compétences
langagières.
Les connaissances d’Audrey sur son élève guident non seulement les nombreux liens
qu’elle fait en contexte par rapport à d’autres situations déjà vécues avec Laura, mais
221
l’aident aussi à cerner ce que Laura veut dire lorsqu’elle s’exprime en anglais et en
français ou que son langage verbal ou non verbal n’est pas clair. Nos résultats
montrent aussi que cette enseignante adapte le lexique employé pour y intégrer un
vocabulaire compris employé quotidiennement auprès de Laura, ce qui facilite la
compréhension et la prononciation de l’élève lorsqu’elle reprend ce lexique. En outre,
les connaissances à propos de Laura aident Audrey à comprendre les intérêts
manifestés par son élève par rapport à ses intérêts connus, à interpréter ses réactions
émotives et le déclenchement de jeux imaginaires, et à répondre ou anticiper à la
manière particulière qu’elle a d’utiliser le matériel mis à sa disposition. Autrement
dit, Audrey sait ce qui est « normal » ou surprenant chez son élève et sait que Laura
n’agit pas pour rien. Tout ce portrait de Laura qu’exploite Audrey l’aide chaque fois à
donner du sens à ce que dit et fait Laura (ou ce ne qu’elle dit ou ne fait pas, par
exemple en ne répondant pas à une question ou en ne se mettant pas en action). Elle
recherche donc des réponses multimodales claires chez son élève. Parallèlement,
l’analyse des séquences montre que Laura se sert aussi de sa connaissance de son
enseignante dans l’interaction. Elle sait ainsi repérer la familiarité de certaines
situations qui se répètent dans son expérience scolaire : manière de féliciter l’élève,
demande implicite de compléter une ébauche ou de nommer l’image pointée, etc.
5.5.3 L’atteinte des buts des interactantes par la multimodalité (actions et ends)
Dans ce type d’indices, nous avons considéré les buts personnels de chacune des
interactantes, leur but commun dans l’interaction et les résultats obtenus relativement
à ces buts. Nous avons aussi inclus les actions posées au moyen du langage
multimodal, la forme générale des messages et leur contenu, ainsi que les thèmes et
sous-thèmes développés et gérés dans l’interaction.
222
En premier lieu, nos analyses montrent que les gestes ou actions des interactantes
sont parfois trop subtils pour permettre à l’autre de bien saisir les buts visés, surtout
lorsqu’il n’y a pas de langage verbal pour les soutenir. C’est par exemple le cas pour
les actions de rangement du matériel, de retrait du matériel, d’imitation des actions de
l’élève par l’enseignante. Intégrer le langage verbal qui semble important pour bien
enchaîner les actions peut se faire pour l’enseignante en déclarant officiellement la
tâche « finie » (#2 abécédaire, #4 Bonjours), en interrompant l’action de l’élève (ex.
collage dans #3, prise du crayon dans #1 et #4) en expliquant verbalement
l’interruption, en félicitant, en remerciant l’élève ou encore en ramenant l’élève avec
un marqueur discursif (« alors », « ok »). Il faut surtout noter que pour atteindre les
buts fixés, Audrey combine plusieurs ressources multimodales : explications
verbales, gestes, questionnements, imitation, redisposition du matériel, etc.
D’autre part, nos analyses ont montré que Laura fait preuve d’une grande expressivité
et combine les indices mimo-posturo-gestuels à ses interjections. Elle s’exprime aussi
en reprenant des expressions de personnes familières qui ont du sens lorsqu’énoncées
en interaction. Elle appuie parfois un mot (ex. « fini ») d’un signe conventionnel des
mains animées, un « non » d’un hochement de tête conventionnel ou d’un balayage
de la main, etc. Ce faisant, Laura fournit à son enseignante des indices faciles à
interpréter.
Avant de procéder au rappel des indices non verbaux principaux, rappelons que dans
notre analyse, nous avions choisi de conserver la multimodalité dont fait allusion
Hymes dans sa description des instruments. Nous avons opté pour une précision des
indices du langage en nous appuyant sur diverses typologies. Nous avons recherché
des indices précis dans le langage : lexique (verbes, adjectifs, noms, adverbes),
223
déictique, morphologie, syntaxe. Pour la prosodie, nous avons conservé les quatre
paramètres proposés par Pinard-Prévost (2010). En ce qui touche les indices mimo-
posturo-gestuels, nous nous sommes basées sur la typologie des gestes des mains
proposée par Ekman et Friesen (1972) en précisant la nature de la relation geste-
langage verbal (Batista et Le Normand, 2010). Dans l’ensemble, nos analyses
pointent vers des indices forts dans le langage autant verbal, non verbal que
paraverbal. Ce n’est jamais un seul indice, mais souvent une combinaison
multimodale qui favorise l’ajustement.
Qui plus est, Audrey est à l’affût de l’orientation du regard de son élève et peut
formuler des énoncés relativement à l’objet regardé. De plus, Audrey sait prendre son
224
tour de parole lorsque l’élève la désigne du regard et sait cesser ses sollicitations et
attendre lorsqu’elle note que le regard de l’élève est orienté sur autre chose. Elle
réajuste alors sa propre action pour suivre plutôt l’initiative de l’élève. Elle sait aussi
prendre le temps de bien solliciter l’attention visuelle de Laura, quitte à recommencer
son intervention.
Enfin, du côté de l’élève, certains exemples tirés des séquences montrent qu’elle est
en mesure d’alterner son regard d’un objet vers son enseignante et vice-versa, comme
elle le fait pour le dessin (séquence #1 de la pluie). Elle suit aussi du regard ce que
fait Audrey, par exemple lorsque cette dernière pointe successivement les images.
Si l’orientation du regard de Laura sur le même matériel, et si la nécessité qu’il n’y ait
pas d’actions divergentes simultanées sont nécessaires à l’ajustement, la manière de
réaliser les gestes de pointage de l’enseignante le semble également. Nos analyses
montrent que Laura et Audrey s’ajustent mieux lorsque l’enseignante ralentit le
rythme, adopte un débit plus lent, fait plus de pauses pour donner à l’élève le temps
de s’aligner, et tronque même ses énoncés qui demeurent quand même complets. Les
pointages couplés au déplacement d’objets (glissement sur la table par exemple)
attirent aussi très bien l’attention de Laura.
Outre la multimodalité langagière qui accompagne les gestes de pointages qui servent
autant à compléter, à renforcer et à fournir des informations supplémentaires dans nos
analyses, Audrey demeure ouverte à recourir à un soutien comme le dessin auquel
elle se réfère pour coconstruire l’interaction avec son élève. En guise d’exemple, le
dessin, le tableau interactif des présences ou la bande-phrase sont des soutiens qui
225
permettent à Laura d’élaborer ses idées en construction par l’entremise de son action.
Audrey octroie alors du temps son élève pour agir et pointe des indices sur les
soutiens en les verbalisant.
de ce mot. Enfin, elle fait varier sa voix selon les personnages qu’elle incarne et les
émotions qu’elle personnifie.
Surtout dans les séquences #1 de la pluie, nous avons relevé une utilisation marquée
des interjections et onomatopées prononcées en faisant beaucoup varier les
paramètres prosodiques : volume de la voix, hauteur, allongement, accentuation,
débit, rythme. Les interjections et onomatopées, joints aux indices paraverbaux et aux
mimiques et gestes servent à bruiter les actions, exagérer les émotions véhiculées et à
favoriser la compréhension de l’autre. De plus, Laura sait se faire comprendre en
couplant gestes, mimiques et prosodie et ainsi pallier son langage verbal peu
développé.
5.5.6 Les questions et les réponses et le lien avec les normes (norms)
Pour la composante des normes, nous avons retenu les règles sociales en général et
les normes dans l’interaction. Nous avons aussi inclus les normes attendues dans une
activité donnée et en situation didactique entre l’enseignante et l’élève.
Dans nos analyses, nous avons constaté que Laura « brise » souvent le contact visuel
avec son enseignante pour poursuivre son action personnelle. Néanmoins, comme
décrit précédemment, lorsqu’elle désigne Audrey comme destinataire de ses paroles
ou de ses gestes, elle la regarde et l’enseignante s’ajuste parfaitement en prenant alors
son tour de parole. Dans le même ordre d’idée, Laura chevauche souvent le tour de
parole de son enseignante en posant une action divergente pendant la prise de parole
d’Audrey. Lorsque l’élève fait fi de ce que dit l’enseignante pour poursuivre son
action, l’élève peut briser plusieurs normes sociales en ne répondant pas aux
questions, aux commentaires ou aux demandes d’approbation qui lui sont adressées
ou en ne verbalisant pas ses intentions liées à sa propre action. Audrey doit alors
227
DISCUSSION
En premier lieu, nos résultats montrent que l’ajustement est facilité lorsqu’Audrey et
Laura explicitent verbalement l’action en cours, ainsi que l’enchaînement des actions
pendant la tâche. Au contraire, les gestes ou actions des interactantes sont parfois trop
subtils pour permettre à l’autre de bien saisir les buts visés, comme c’est le cas pour
les actions de rangement du matériel, de retrait du matériel et d’imitation des actions
de l’élève. Nos résultats rejoignent ceux de Filliettaz (2014) qui établissent qu’en
dépit d’un caractère prévisible de la macro-structure des activités d’enseignement (ex.
ateliers et les Bonjours dans notre cas), les unités d’action dites « intermédiaires »
apparaissent effectivement au fil de l’interaction alors qu’elles n’étaient pas prévues,
et sont alors plus ou moins mutuellement reconnues par les participantes (Filliettaz,
2014). Dans notre recherche, ces unités intermédiaires peuvent être par exemple la
nouvelle phase de l’explication du vide dans la séquence #2 de l’abécédaire, celle de
l’ajout de nouveaux pictogrammes non prévus dans la séquence #3 de la bande-
phrase ou celle du dénombrement dans la séquence #4 des Bonjours. Ces nouvelles
unités non planifiées qui apparaissent soutiennent ou complexifient l’ajustement des
interactantes au regard de leur but général, d’où la nécessaire explicitation verbale des
actions et multimodalité du langage pour bien les comprendre.
En plus de mettre en mots ses propres actions pour les rendre explicites, nous avons
montré qu’Audrey est souvent amenée à prendre en charge la verbalisation des
actions de l’élève et des illustrations qu’elle dessine, des pictogrammes qu’elle
choisit, du dénombrement qu’elle entreprend, etc., ce qui permet l’ajustement d’un
tour de parole à l’autre. Même lorsque Laura est très prise par sa propre action, son
enseignante maintient le contact avec elle en la sollicitant par des questions sur ses
actions, par des commentaires ou par une question plus générale (« ça va? »). Le
langage demeure prépondérant et en définitive, nous situons cette pratique générale
de l’enseignante de soutien par la multimodalité dans ce qu’Ochs et Solomon (2005)
appellent « l’interlocuteur généreux », soit la tendance qu’ont les proches de l’enfant
ayant un TSA de rendre leur langage compréhensible et intéressant, et d’interpréter le
langage multimodal de l’enfant comme étant riche de sens. Les proches ont aussi
tendance à bien gérer l’attention de l’enfant et à clarifier les malentendus, à compléter
les informations incomplètes et à généralement intéresser l’enfant dans l’interaction.
En deuxième lieu, nous mettons en lumière par nos résultats que les choix de mots
adaptés à la réalité de Laura en fonction de ses connaissances et des expériences
qu’elle a vécues conjointement avec son enseignante sont facilitateurs d’ajustement.
Au contraire, une difficulté d’ajustement peut survenir sans ce vocabulaire connu de
l’élève et associé à des bases de connaissances communes. Dans ce cas, Laura ne
231
comprend pas les concepts derrière les mots employés, ce que nous lions à la valeur
indexicale des mots : concepts de vide, dernière, trouver, marque morphologique
indiquant le passé. Rappelons que l’indexicalité traduit l’idée qu’un mot ou une
expression ne peut prendre son sens que dans les circonstances dans lesquelles ils
sont utilisés. La référence au contexte est donc cruciale pour interpréter adéquatement
l’expression (Duranti et al., 2003). Nos analyses montrent que ce n’est pas que Laura
n’attribue pas le même sens que son enseignante à un mot en particulier (Ochs et al.,
2004), mais plutôt que souvent, elle passe outre un mot qu’elle ne repère pas et agit
comme si Audrey ne lui avait jamais donné l’indice. Elle utilise alors d’autres
composantes du contexte pour interpréter ce qui se passe comme la présence de tous
les pictogrammes sur la table de travail dans la séquence #2 de l’abécédaire. Pourtant,
la considération de ces indices non repérés (vide, dernière, trouver, marqueur
morphologique du passé, etc.) pourrait changer complètement le déroulement d’une
séquence.
Pour Ochs et al. (2004), une des difficultés dans l’interprétation des formes
indexicales est de déceler tous les indices qui se passent en situation et de les lier
entre eux, tout en les faisant correspondre à leur valeur indexicale basée sur les
connaissances socioculturelles. Force est de constater que Laura ne prend pas en
compte tous les indices qui forment le tout en situation. Cette manière de procéder
l’amène à s’éloigner du sens que cherche à construire son enseignante. Pourtant,
comme le spécifie Auer (1992), les indices sont souvent cooccurrents, ce qui fait en
sorte que même si la participante en ratait certains, elle pourrait s’appuyer sur le
cumul des autres. Dans le cas de Laura, sa difficulté à comprendre les autres indices
périphériques (ex. les indices de négation « rien », « n’ plus » dans la séquence #2 de
l’abécédaire, le lien entre les pictogrammes et la photographie dans la séquence #3 de
232
la bande-phrase) ne lui permet pas toujours non plus de bien s’ajuster par ce cumul
des indices.
En dernier lieu, nous constatons que, bien que souvent laborieuse et se déroulant sur
plusieurs tours de parole, la recherche constante d’approbation/validation de la part
d’Audrey favorise l’ajustement, puisqu’elle maintient ainsi le flot interactionnel et
aide Audrey à valider ses hypothèses interprétatives. En contrepartie, nous notons
également que l’enchaînement question-réponse crée généralement des difficultés
d’ajustement dans les séquences analysées. En effet, nous relevons que Laura a de la
difficulté à répondre à aux différentes questions et à des demandes de validation. Elle
ignore les questions ou offre une réponse « inadéquate » ou « décalée » par rapport à
ce qui est attendu. Cette difficulté laisse croire que pour elle, la norme de la paire
adjacente question-réponse n’est pas toujours reconnue comme le notent entre autres
Kremer-Sadlik (2004) et Ochs et Solomon (2005). Tout comme le constate Wagner
(2017), nos analyses montrent que l’élève répond d’ailleurs plus facilement aux
questions de types oui/non (avec l’explicitation de l’indice « oui ou non? »).
chez (Ingersoll, 2011). En guise d’exemple, elle se retrouve chez Sowden et al.
(2011) pour le pointage de deux objets dans un choix de réponse. En outre, la
multimodalité accompagnant une question est aussi très minimale dans la littérature
lorsque l’intervenante est amenée à retenir un objet jusqu’à ce que l’élève réponde à
une question le concernant, par exemple chez Smith (2001). Retenir ainsi un objet ne
fournit pas d’indices sur la réponse attendue à la question au-delà de l’identification
de l’objet. Plus subtilement, la multimodalité est indirectement impliquée dans le cas
où la question constitue une demande de désignation relative à un objet montré (ex
« qu’est-ce que c’est? »), comme chez Smith (2001). Comme nous l’avons vu dans
nos analyses, ce type de demande répétitive de désignation d’objet, quoiqu’alliant
langage et geste relatif à l’objet, peut en contrepartie aussi amener l’élève à s’habituer
à nommer l’image vue dès que pointée et créer de la confusion dans l’utilisation de
l’indice visuel lorsque la question porte sur autre chose qu’une désignation. Au final,
nous avons montré dans notre corpus que les questions d’Audrey sont très variées et
portent sur des actions réelles, des choix, des objets, des actions de personnage
symbolique, etc. La multimodalité devrait donc fournir des indices à l’élève
relativement à cette variété de thèmes. En définitive, un certain vide scientifique
demeure quant à la documentation de la multimodalité pour les questions de toute
sorte adressées à l’élève ayant un TSA.
ayant un TSA : les activités routinisées dont le déroulement structurel est prévisible
sont considérées comme des pratiques facilitant l’interaction auprès d’élèves ayant un
TSA. Cette structure se retrouve autant dans les enseignements structurés où par
exemple le travail, le matériel est structuré (Howley, 2015 ; Odom et al., 2010) que
dans les interventions naturalistes et interactionnistes. Dans ces dernières, l’adulte est
plutôt amené à exploiter les routines avec l’enfant pour favoriser l’alternance des
tours, l’approfondissement et le maintien du thème, puis la variété (Girolametto et al.,
2007). Pour sa part, Audrey emprunte le caractère prévisible de la structure
temporelle de ses activités, tout en cherchant à maintenir l’interaction et la variété
avec l’élève conformément aux approches interactionnistes.
En contraste, nous constatons que l’élève peut également vouloir sortir du cadre
structurel d’une activité lorsqu’elle désire entreprendre de nouvelles actions, comme
c’est le cas avec le dénombrement dans la séquence #4 des Bonjours, ce qui crée des
divergences d’interprétation relatives au cadre entre les interactantes. Nous nous
éloignons alors de cette conception aidante dans l’interaction de la structure
documentée dans la littérature scientifique. De ce fait, par notre analyse de la
séquence #4, nous renchérissons plutôt sur les constats que faisait déjà Odier-Guedj
(2015). Elle concluait notamment à l’importance de l’ouverture de ce que peut
exprimer l’élève par rapport au cadre structurel de l’activité qui est très souvent
routinisé et surcadré dans l’enseignement aux élèves ayant un TSA. Somme toute,
comme le constate Filliettaz (2014), quoiqu’ayant une structure récurrente, de
nouvelles phases et actions sont susceptibles d’apparaître dans les interactions,
comme c’est le cas pour celles analysées entre Audrey et Laura. Ces nouveautés sont
acceptées par les interactantes. Qu’il s’agisse d’activités structurées, ritualisées ou
plus ouvertes, nos résultats soulignent aussi l’importance d’accorder une plus grande
236
Dans un autre ordre d’idées, nous montrons comment les soutiens/aides visuelles et le
matériel qui se retrouvent sous toutes les formes dans toutes les séquences analysées
(fiches d’activité, pictogrammes, photographies, dessin, tableau TNI, etc.) ne
« parlent » jamais d’eux-mêmes, c’est-à-dire de par leur simple présence dans
l’interaction. L’élève n’est pas d’emblée en mesure de les utiliser de la manière
convenue simplement parce qu’ils sont là. Dans les paragraphes suivants, nous
verrons comment nos résultats viennent en quelque sorte requestionner les soutiens
visuels abondamment utilisés dans l’enseignement auprès des élèves ayant un TSA,
notamment pour les horaires, pour la séquence des tâches à effectuer (Odom et al,
2010), mais aussi pour appuyer les explications verbales relatives au contexte, aux
émotions et aux séquences d’action (Girolametto et al., 2007).
Dans leur revue de littérature sur les soutiens visuels utilisés dans l’autisme (à la
maison et dans la communauté dans leur cas), Rutherford et al. (2020) les définissent
comme des ressources variables plus permanentes que le langage verbal, qui restent
donc en appui dans l’environnement comme référence au-delà de ce langage verbal
pour que l’élève s’y réfère lui-même. Les soutiens visuels prennent la forme
d’affiches ou d’objets et ont comme but de soutenir la compréhension de
l’environnement physique, social et de concepts abstraits (séquences d’événements,
temps, émotions). Ils peuvent également soutenir l’expression du langage verbal
[notre traduction]. D’autres chercheuses montrent que lorsqu’ils ont comme fonction
l’appui aux explications verbales, ces aides visuelles accompagnent le langage
237
(Odier-Guedj et Gombert, 2012). Lorsqu’ils sont plutôt vus comme des aides à
l’organisation (horaire, séquence de travail, matériel à préparer, etc.), ils remplacent
plutôt le langage et l’adulte dans le but de rendre l’élève plus indépendant et de
diminuer son anxiété (Foster-Cohen et Mirfin-Veitch, 2017).
En outre, nous retrouvons abondamment dans notre corpus d’autre matériel visuel à
visée didactique qui fait partie des activités d’enseignement-apprentissage de tous les
jours : le dessin de Laura dans la séquence #1 de la pluie, la fiche de l’abécédaire
(#2), le carton avec la photographie de l’espace (#3), le tableau des présences sur le
TNI (#4), etc. En définitive, le matériel visuel, qu’il s’agisse d’aides visuelles
238
En ce qui a trait à la structure du cadre, nos résultats nous orientent dans la pratique
vers l’importance d’accorder une plus grande liberté à l’élève qui passe par la relation
créée avec lui aussi pour lui permettre de s’exprimer dans le cadre habituel de
l’activité. À propos des soutiens visuels et du matériel, nous retenons qu’ils prennent
toujours une place considérable dans l’interaction et dans l’ajustement, et qu’ils font
partie de l’action. Ils sont manipulés, ils sont discutés et à cet égard, nous notons
239
qu’ils attirent beaucoup l’élève qui doit être guidée dans leur appropriation et dans
leur compréhension. Il y a lieu pour l’enseignante de s’intéresser d’emblée à la
disposition, à la quantité et au langage utilisé autour de l’ensemble des soutiens
visuels ou du matériel didactique qu’elle exploite dans les activités d’enseignement-
apprentissage, peu importe leur nature. Cela permettrait de déceler les indices
pouvant être difficiles à interpréter pour l’élève dans l’optique de favoriser un m
ajustement opérationnel.
Plus particulièrement du côté de l’action, dans nos analyses, des actions simultanées
différentes de la part des deux interactantes traduisent surtout une difficulté
d’ajustement. Pour leur part, l’action et l’inaction de Laura peuvent toutes deux aussi
bien être signe de cointerprétation que de divergence. Tout comme Audrey, nous
avons observé que lorsque Laura se met à la tâche, il est possible de voir si les actions
qu’elle entreprend sont alors conformes ou non à celles attendues. Néanmoins, elle
peut tout aussi bien se lancer dans une action qui diverge par rapport aux attentes
d’Audrey. Parallèlement, nos analyses montrent aussi à l’opposé que l’inaction de
Laura, le fait d’attendre et de regarder peuvent traduire une difficulté de
240
compréhension, tout comme l’attention qu’elle porte à ce que dit et fait Audrey, ou sa
compréhension qu’il est nécessaire par exemple d’attendre. Nous montrons somme
toute que d’autres indices contextuels sont dans tous les cas nécessaires pour bien
cerner l’ajustement.
Qui plus est, lorsque Laura est trop prise par sa propre action et que son regard est
orienté sur un autre objet, l’interruption de son geste, la sollicitation verbale directe,
l’interpellation ou les pointages que peut faire Audrey n’y changent rien tant que
Laura n’a pas terminé son action. Les longs délais d’attente que lui octroie Audrey
pour la laisser compléter son action et l’intérêt qu’elle porte à l’action de Laura sont
alors tout indiqués pour solder cette difficulté d’ajustement. À cet égard, nous
rejoignons les conclusions de Korkiakangas et Rae (2013) au sujet de l’orientation du
regard de l’élève sur le matériel. Ces chercheurs montrent aussi que lorsque l’élève
est concentrée sur un objet distinct, l’interpeller, utiliser un directif et la toucher ne
fonctionnent pas, tandis que questionner l’élève permet de capter momentanément
son attention, sans pour autant obtenir de réponse de sa part. Dans l’exemple qu’ils
décrivent, l’élève oriente brièvement son regard sur l’objet interrogé, puis le reporte
sur l’objet de son action personnelle entamée. Dans leur cas, une escalade des moyens
gestuels du plus subtil au plus direct s’effectue souvent et l’impasse se dénoue par
l’acceptation temporaire du changement de centre d’attention (focus) de l’élève (hold)
et par la participation de l’enseignante à ce qui intéresse l’élève avant de revenir à la
principale exigence. Elle se règle aussi par la désélection d’un objet, son retrait. Voilà
somme toute des stratégies qu’emploie aussi Audrey (sans nécessairement d’escalade
de la plus subtile à la plus directe) et qui ont mené dans les séquences analysées à un
ajustement opérationnel.
241
Tout bien considéré, l’orientation convergente du regard des deux interactantes est
essentielle à l’ajustement. Voilà un point de discussion qui semble tout à fait évident
et qui pourrait « aller de soi » : il est d’abord et avant tout nécessaire d’obtenir
l’attention de l’élève. Nous ne faisons pas référence ici à un problème d’engagement
ou de bris interactionnels. Ces difficultés d’un autre ordre n’ont pas été retenues dans
les séquences analysées. La difficulté semble plutôt de déceler le changement dans
l’attention de l’élève pour Audrey en interaction et de la recapter, car les deux
interactantes partagent bel et bien la même activité, le même matériel et enchaînent
des actions souvent similaires. Leur attention toutefois ne porte pas sur la même
action au même moment et une divergence apparaît souvent en une fraction de
seconde. Or, il ne suffit que d’un glissement vers des buts/actions personnels
divergents qui ne sont pas suffisamment explicités pour voir apparaître des difficultés
d’ajustement très fréquentes. À la lumière de nos analyses, c’est là qu’entre aussi en
jeu la place cruciale du langage verbal dans l’enchaînement des petites actions que
nous avons discutées précédemment. Il y aurait lieu de davantage expliciter ce que
l’on fait ou projette de faire de part et d’autre. Ce résultat du lien incontournable entre
la verbalisation et le geste ou l’action de l’enseignante se démarque de l’étude de
Korkiakangas et Rae (2013) dans laquelle il n’est pas discuté.
l’observent Leroy et Masson (2010) chez une très jeune enfant (jusqu’à 19 mois)
ayant un TSA. Même s’il ne s’agit pas de coupure complète/bris dans l’interaction
comme chez ces auteures, les cas montrés surtout dans notre séquence #1 de la pluie
ont pour conséquence de complexifier l’ajustement dans l’interaction.
Dans un deuxième temps, nos résultats appuient ce que montre entre autres Stiegler
(2007) en étudiant l’interaction entre un enfant ayant un TSA dit non verbal et son
thérapeute en rééducation langagière. Stiegler illustre par une analyse
conversationnelle adaptée des paires adjacentes que l’enfant est en mesure d’alterner
son regard par moment entre un objet et son interlocuteur, partageant ainsi l’attention
conjointe avec ce dernier sur l’objet. La chercheuse établit aussi que l’enfant peut
suivre du regard l’action du thérapeute, autre cas d’attention conjointe. Dans le cas de
Laura, nos résultats indiquent un regard dirigé vers l’adulte qui a aussi pour fonction
de la désigner comme destinataire du langage adressé, alors qu’au contraire,
lorsqu’elle parle pour elle-même ou qu’elle joue, Laura dirige son regard
exclusivement sur son matériel. Ce regard qui sollicite l’adulte est donc bel et bien
délibéré.
- formuler des énoncés en lien avec l’objet, le matériel, l’action de l’élève pour
expliciter ce qui se passe;
- prendre son tour de parole, lorsque désignée du regard par l’élève;
- cesser les sollicitations et attendre lorsqu’elle note le regard de l’élève orienté sur
autre chose;
- solliciter directement l’attention visuelle de l’élève et obtenir son attention avant de
poursuivre, quitte à recommencer l’intervention;
- observer l’action de l’élève qui peut être un signe de compréhension divergente ou
convergente, ou l’inaction de l’élève qui peut révéler une incompréhension ou une
manière de manifester son attention.
6.1.4 Synthèse
Pour clore cette première section de discussion, nous réitérons d’une part que d’après
nos analyses, le langage est prépondérant et qu’il accompagne même les indices de
contextualisation identifiés dans le langage non verbal et dans le cadre spatio-
temporel. D’autre part, l’ajustement nécessite de longs délais d’attente de la part de
l’enseignante dans l’interaction, que ce soit dans l’offre d’un délai pour fournir une
réponse, dans l’attente pour laisser l’élève agir librement et s’exprimer dans le cadre
habituel de l’activité ou dans l’observation de l’action de l’élève pour déceler si elle
est attentive et s’il y a compréhension ou incompréhension.
244
Dans cette deuxième section, nous reviendrons plus particulièrement sur notre second
objectif de recherche qui était de décrire l’utilisation des indices de contextualisation
par les interactantes dans le cadre des séquences d’interaction pour s’ajuster au fil des
tours de parole. À la lumière de nos analyses, force est de constater que la progression
de l’interaction n’est pas linéaire et que les interactantes doivent faire une foule de
micro-ajustements pour comprendre ce qui se passe et faire comprendre à l’autre et
ainsi parvenir à un ajustement global. Il faut un examen minutieux et séquentiel des
indices relevés pour déterminer où surviennent les micro-ajustements et difficultés
d’ajustement, et comment ils s’opèrent. Pour faire un retour sur notre analyse des
indices de contextualisation, nous présenterons trois principaux constats qui
alimentent notre compréhension de l’utilisation des indices dans l’ajustement : un
certain lien séquentiel entre les indices qui n’est pas linéaire, un tour de parole qui
s’appuie sur des indices dégagés et ayant toujours un sens, et une cooccurrence des
indices de contextualisation et leur caractère plus ou moins explicite.
6.2.1 La séquentialité
son attention, opportunités bien endossées par Audrey qui tente le plus possible de
suivre les initiatives de son élève (Girolametto et al., 2007) tout en conservant un
certain cadre à l’activité en cours. Ces détours, qui complexifient certes le
déroulement de l’activité, contribuent largement à la richesse de l’interaction et sont à
la fois source de difficulté (quelque chose qui attire l’élève et la détourne), source de
réparation (détour pour prendre le temps d’expliquer à l’élève) et levier d’ajustement
(détour nécessaire pour coconstruire du sens avec l’élève, comme consentir à un jeu
symbolique ou la laisser terminer son action).
Dans le même ordre d’idées, nous montrons qu’en dépit d’une organisation assez
séquentielle dans l’enchaînement des tours de parole où un tour de parole « répond »
aux actions posées dans le tour précédent (Schegloff, 2007), l’indice interprété peut
s’appuyer sur un tour de parole antérieur assez éloigné. C’est par exemple le cas
lorsque l’élève dessine un bonhomme heureux et s’exclame en 12L dans la séquence
#1 de la pluie alors que le personnage d’Audrey était triste et contrarié en 7A et 9A.
Dans les faits, la réponse de l’élève peut aussi se baser sur ses propres connaissances
du cadre (par exemple, l’élève qui manifeste le désir d’avoir le crayon dans la
séquence #4 des Bonjours), ou sur d’autres indices non verbaux. C’est le cas lorsque
l’élève répond en nommant l’image du sandwich dans la séquence #2 de l’abécédaire
sans répondre à la question portant sur une action. Parfois, l’élève utilise même les
indices produits dans l’un de ses propres tours de parole antérieurs, comme pour le
cas du dessin en 18L et 20L qui se basent sur son dessin entamé en 16L sans tenir
compte de ce que dit Audrey entre temps. Ce phénomène laisse en quelque sorte
l’élève « coincée » dans son idée. L’enseignante doit alors multiplier les efforts pour
maintenir le fil et ramener l’attention de l’élève sur la construction conjointe de sens
(dessin et jeu symbolique). Dans tous les cas énumérés, la réponse paraît alors
246
asynchrone par rapport à ce qui a été dit, mais elle n’est pourtant pas dénuée de sens
(Wagner, 2017).
6.2.2 La relevance
Un deuxième constat découlant du premier est justement que le tour de parole produit
s’appuie forcément sur les indices d’interprétation dégagés par la participante et n’est
donc jamais aléatoire. Chaque tour de parole a bel et bien un sens, même pour l’élève.
Autrement dit, un tour de parole peut sembler asynchrone, atypique, incongru,
proximal, mais n’est jamais hors de la signifiance. Nous abondons alors dans le sens
d’Ochs et Solomon (2005) qui abordent deux manières d’assurer la relevance : soit
« localement » en liant son énoncé à ce qui vient de se dire dans l’interaction (sans
nécessairement être plus largement lié au thème plus global) comme discuté au
paragraphe précédent; soit en intégrant une « connaissance objective » (qui peut être
décalée par rapport à ce qui vient juste de se dire dans la séquence). Nous rejoignons
plus particulièrement les conclusions de Wagner (2017) qui montre que les réponses
jugées asynchrones, non valides ou ayant une relevance proximale peuvent s’appuyer
sur d’autres types d’indices que le langage lui-même, par exemple visuels, la
connaissance de ce qui survient plus loin dans un livre, ou la connaissance de la
prochaine activité promise. Dans le cas de Laura qui a un langage verbal très peu
développé, les liens sont parfois difficiles à élucider pour l’adulte.
Un dernier constat est que l’indice est toujours interrelié à d’autres indices. Dans le
type d’analyses conduites où nous avons mis en relief la multimodalité de chaque
prise de parole, nous ne pouvons donc pas isoler complètement l’indice. La
cointerprétation des interactantes s’appuie sur le cumul d’indices-clés multimodaux
très particuliers à un moment précis de l’interaction tout comme l’évoquaient déjà
247
Gumperz (1989b) et Auer (1992). Qui plus est, les indices s’enchaînent rapidement
dans le flot de l’interaction, s’additionnent, se chevauchent et sont parfois très subtils.
Nos analyses nous montrent qu’ils ne sont également pas tous repérés comme celui
de la photographie liée aux pictogrammes dans la séquence #3 de la bande-phrase. Ils
ne sont pas non plus tous interprétés de la même manière (ex. le tableau étant vu
comme complété pour l’enseignante ou incomplet pour l’élève dans la séquence #4
des Bonjours). Ces interprétations divergentes se laissent voir par les actions des
interactantes et ne sont pas nécessairement toujours explicitées dans le langage.
6.2.4 Synthèse
En guise de synthèse, nous souhaitons mettre en lumière que d’après les analyses
conduites, la difficulté d’ajustement des interactantes réside dans les défis que pose
l’interprétation multifacettes de l’indice. Il s’agit dès lors à la fois de cerner les
mêmes indices au même moment (séquentialité et cooccurrence) et d’en faire une
248
Dans cette section, nous reviendrons sur notre troisième objectif de recherche qui
était de dégager les stratégies qu’utilise l’enseignante dans l’ajustement. Bien qu’une
petite partie de nos résultats concerne la didactique de l’oral par la mise en lumière
d’objectifs visés par l’enseignante sur l’oral qui font partie des indices de
contextualisation, nous avons choisi de ne pas nous référer à ce cadre pour plusieurs
raisons. D’abord, comme nous nous intéressons à la dyade enseignante-élève, les
stratégies qui s’adressent au groupe-classe sont d’emblée écartées. De plus, comme
l’élève participante est en difficulté langagière, les activités proposées et les objets de
l’oral étudiés dans la littérature scientifique au Québec s’éloignent beaucoup du
travail d’Audrey avec Laura en classe et des objectifs qu’elle vise pour elle. Ensuite,
bien qu’un autre champ connexe à nos travaux, celui de la linguistique de
l’acquisition, fasse ressortir une foule de stratégies d’étayage langagier intéressantes,
situer nos travaux exclusivement dans ce cadre serait restrictif puisque nos analyses
sont aussi au niveau de l’interaction plus globale et non seulement au niveau de la
formulation du langage. Nous allons donc situer nos résultats par rapport aux
stratégies décrites dans le champ des interventions précoces naturalistes dans
l’autisme, tout en enrichissant le volet étayage langagier d’après quelques apports de
la linguistique de l’acquisition.
Avant de poursuivre notre discussion, il est important de préciser que nos résultats
offrent un portrait de la variété de stratégies utilisées plutôt qu’une démonstration de
249
leur emploi redondant sur un large échantillon. De plus, nos analyses ne visent
aucunement à montrer les fréquences d’utilisation ou la prépondérance de certaines
stratégies sur d’autres, ni leur effet dans l’interaction. L’intérêt de ce point de
discussion d’après les analyses menées n’est pas de lister les stratégies appliquées et
non appliquées par l’enseignante, mais plutôt de discuter de la manière de les
appliquer en contexte et dont elles s’articulent dans des séquences où il y a
ajustement.
Nos constats généraux nous mènent premièrement vers un portrait très hétérogène,
mais aussi très concret des stratégies qui touchent les trois macro-catégories pour
toutes les séquences d’interaction analysées. Ce portrait est à notre avis fortement lié
à la tout aussi grande variété d’indices de contextualisation identifiés qui permettent
l’ajustement dans l’interaction. Rappelons que l’enseignante privilégie les approches
interactionnistes dans son enseignement, même si nos analyses montrent qu’elle
emprunte aussi des stratégies de nature plus béhaviorales. Cela étant dit, elle n’adhère
pas à un modèle exclusif d’intervention en particulier comme le « responsive
interaction/teaching » (ex. Kaiser et Trent, 2007), le programme du « Hanen Center »
ou des dérivés (ex. Girolametto et al., 2007), ou à plusieurs programmes combinés
(ex. Harjusola-Webb et Robbins, 2012). La grande variété des stratégies déployées
apparaît avant tout comme étant fortement liée à la vision profondément
interactionniste, socioconstructiviste des activités d’enseignement de l’enseignante
par rapport à ce qui se passe à un moment précis de l’interaction.
Deuxièmement, nos analyses montrent que les stratégies de sollicitation ne sont pas
garantes d’une plus grande verbalisation de l’élève. Bien évidemment dans nos
analyses, nous n’avons aucunement mesuré la fréquence d’apparition des stratégies ni
codé le résultat immédiat sur le tour de parole consécutif de l’élève. Notre échantillon
de sept séquences analysées en profondeur ne permet pas non plus de pointer vers un
lien direct possible et récurrent entre une stratégie et le tour de parole consécutif de
l’élève. Nous notons tout de même que l’élève verbalise aussi, même davantage
lorsqu’elle est soumise à une stimulation langagière interactionniste que lorsque son
enseignante exige qu’elle verbalise.
mais y répond en fournissant des explications, comme si elle avait produit un énoncé
« standard. » Audrey vise donc la compréhension du contexte et de la tâche dans
l’interaction. La seule demande directe de verbalisation adressée à l’élève se traduit
par une question fermée par deux fois répétée dans deux tours de paroles différents.
Dans chaque cas, l’enseignante reprend la réponse de l’élève dans son tour de parole
suivant.
En guise de dernier exemple, la séquence de la pluie est sans doute une illustration
phare des stratégies de stimulation qui peuvent pousser l’élève à verbaliser. Dans
cette séquence, ce ne sont effectivement pas les questions directes adressées à l’élève
ou les demandes d’approbation qui la poussent à répondre. Audrey doit s’y prendre
autrement pour initier et maintenir le contact avec l’univers imaginaire de Laura :
253
participer à un jeu symbolique, faire la voix des personnages, imiter l’élève et son
action, utiliser les mots amusants (onomatopées et interjections), commenter et mettre
en mots l’action de l’élève et ce qu’illustre le support dessin. Voilà somme toute un
exemple flagrant d’intégration de stratégies non directement sollicitantes, plutôt
stimulantes qui suivent l’intérêt de l’élève sans lesquelles l’interaction n’aurait sans
doute pas eu lieu ou n’aurait pas été aussi riche et maintenue.
Nos résultats vont donc dans le sens de Harjulosa-Webb et Robbins (2012) qui ont
observé l’effet de l’augmentation de stratégies mixtes (tirées d’approches naturalistes
béhaviorales et interactionnistes) comprenant des stratégies dites « responsives » aux
communications de l’enfant sur la communication expressive des élèves. Bien que
ces chercheuses ne puissent statuer des stratégies les plus prometteuses dans
l’ensemble des stratégies mélangées en situation et bien que leurs périodes
d’observation ne soient que par tranche de trente minutes, elles notent une
augmentation de la communication expressive des trois élèves participants. Ce
faisant, elles soulignent la faisabilité d’enseigner en interaction naturelle et
l’importance de répondre aux tentatives de communication des élèves. Girolametto et
al. (2007) concluent également à une augmentation des actes communicatifs observés
chez quatre jeunes enfants dont les parents ont mis en place des stratégies naturalistes
interactionnistes. Pour leur part, Fasulo et Fiore (2007) critiquent la tendance des
intervenants à trop questionner les enfants, à surcorriger les énoncés et à chercher à
orienter le thème de la conversation en perdant son sens. Elles prônent une
intervention où le projet interactionnel de l’enfant est respecté. Enfin, Wagner (2017)
conclut que le format sollicité près de la norme directement enseigné à l’enfant dans
des approches rééducatives comportementales l’amène à produire des énoncés plus
standards, mais qu’il peine à généraliser aux autres interactions de sa vie quotidienne.
254
Nos analyses montrent aussi que l’enseignante insiste parfois vraiment auprès de
l’élève par des stratégies de sollicitation : directif, ébauche à compléter, question
fermée de type oui/non, etc. Dans les cas analysés dans nos sept séquences, l’élève
peut aussi bien fournir une réponse qu’ignorer les questions/directifs. De plus, ses
réponses sont parfois erronées (ex. répondre par un nom plutôt qu’un verbe). Parfois
plusieurs reformulations d’Audrey ou répétitions sont nécessaires et dans les cas où
Laura offre une réponse rapide, la multimodalité de la sollicitation semble la clé (ex.
remettre un objet, le déplacer et le pointer en questionnant). Même si les stratégies de
sollicitation permettent par moment à l’enseignante d’inciter plus fortement Laura à
fournir une réponse sans nécessairement insister sur la forme de cette réponse (les
réponses non verbales sont parfois tout aussi acceptées), force est de constater que la
sollicitation directe mène bien souvent à une fin de l’interaction peu après : fin de la
fiche et rangement du matériel dans l’abécédaire, fin du rôle de l’élève dans les
bonjours. Bref, un ajustement par rapport à l’exigence de l’enseignante se voit, mais
pas beaucoup d’ajustement relativement au thème développé, coconstruit dans
l’interaction n’apparaît. Nous rejoignons à ce propos nos résultats antérieurs
(Lavigne, 2014) et ceux de Wagner (2017) qui présentent les séquences d’interactions
dites « fermées » entre l’adulte et l’enfant fortement teintés par des stratégies
sollicitantes de l’adulte (questions, directifs, modelage) comme permettant peu le
développement des rhèmes de l’enfant et menant à des réponses attendues de sa part,
voir même écholaliques.
Troisièmement, nos analyses montrent qu’une même stratégie peut tantôt se trouver
dans la catégorie « sollicitation » et tantôt dans la catégorie « stimulation/étayage »,
tout dépendamment de l’effet recherché chez l’élève. C’est le cas pour le modelage
langagier qui sert tantôt à offrir un modèle langagier riche à l’élève dans une optique
255
aucune confrontation, mais bien un besoin de multiplier les indices pour rectifier
l’ajustement.
6.3.5 Synthèse
Pour résumer cette section sur l’utilisation des stratégies, nous notons d’abord que
l’enseignante, quoiqu’adhérant fortement aux approches interactionnistes, n’hésite
pas à les allier à des stratégies plus directement sollicitantes dans son enseignement.
Bien que certains paramètres du contexte comme le type d’activités, leur structure
respective, le nombre d’élèves, etc. influencent généralement ses stratégies,
l’enseignante démontre avant tout de l’ouverture quant à ce que son élève peut
vouloir exprimer à un moment précis et aux besoins requis dans la situation pour qu’il
y ait ajustement. Ensuite, nous constatons que deux stratégies pouvant parfois être
nommées exactement de la même manière (ex. modelage), peuvent avoir deux
finalités différentes dans l’interaction de par le but recherché immédiat ou à plus long
terme. En ce sens, l’insistance à tout prix dans l’interaction et la pression directe pour
qu’il y ait verbalisation de la part de l’élève ne sont pas souvent les meilleures
solutions pour favoriser l’ajustement interactionnel. Au contraire, l’enseignante a
intérêt à prendre le temps d’observer et d’attendre, à accepter les détours qui
surviennent spontanément et à proposer des stratégies de stimulations à l’élève. Enfin,
nous retenons que la réussite d’une stratégie n’est non pas inhérente à la stratégie
258
elle-même ou aux caractéristiques de l’élève, mais plutôt fortement liée aux indices
de contextualisation interprétés dans l’interaction. Ce lien stratégie-indices explique
pourquoi l’enseignante doit toujours enchaîner plusieurs stratégies au fil des tours de
parole.
Dans cette dernière section, nous formulerons brièvement des recommandations pour
le soutien du développement langagier d’un enfant peu verbal à l’école. Nous
aborderons ensuite la démarche que peut entreprendre l’enseignante qui veut
s’intéresser aux indices de contextualisation. Finalement, nous traiterons des
stratégies (autres que celles présentées dans la section 6.1) que peut mettre en place
l’enseignante pour aller plus loin dans l’interaction et favoriser l’ajustement avec son
élève.
(MEQ, 2006) comme indissociables, comme c’est le cas dans les séquences que nous
avons analysées.
Les indices de contextualisation que nous avons relevés dans notre recherche sont
extrêmement variés, et nos résultats montrent qu’ils couvrent les huit grands
regroupements de composantes du modèle S.P.E.A.K.I.N.G. de Hymes (2005) : le
cadre, les participants, les buts, les actions, les tonalités affectives, les instruments, les
normes et les genres. Conséquemment pour l’enseignante qui se penche sur
260
l’interaction naturelle en classe avec son élève, il importe de décrire l’ensemble des
indices principaux pouvant être identifiés et non pas de se limiter à ceux dans le
langage, puisqu’ils ont tous une portée dans l’ajustement en interaction. Comme le
défendent Ochs et al. (2004, p. 171) qui adoptent une vision anthropologique de
l’autisme : « Persons with autism need to be viewed not only as individuals in
relation to other individuals but also as members of social communities who think
and act in relation to socially and culturally ordered situations in motion. » 14 En ce
sens, nos résultats laissent entrevoir que les connaissances contextuelles de l’élève
(sociales, culturelles, linguistiques, historiques, institutionnelles, etc.) jouent un rôle-
clé dans ses interprétations, et ce, même si l’élève est très peu verbale. Ainsi, ses
connaissances de prime abord « invisibles » sont déployées dans l’interaction par une
foule d’indices subtils et ce faisant, elles agissent comme trame de fond dans
l’ajustement et l’enseignante a tout intérêt à les mettre en lumière.
Pour ce faire, elle peut avant tout observer les constantes chez l’élève, les indices qui
semblent récurrents, tout en se gardant de détacher un indice identifié de ses
contextes d’apparition et d’y voir un signe « définitif. » En ce sens, analyser
profondément l’interaction implique de s’éloigner en quelque sorte d’une conception
des difficultés langagières comme inhérentes à la personne et comme étant des
manifestations directes de l’autisme (Sterponi et al., 2015). Il est plutôt question de
revoir le sens qu’il est possible de dégager même des productions atypiques dans le
langage naturel comme le proposent entre autres Sterponi et al. (2015), Sterponi et
Fasulo (2010) et comme nous l’avons nous-mêmes proposé (Lavigne, 2014 ; Lavigne
et Odier-Guedj, 2016). En outre, l’enseignante doit aussi, à notre avis, se laisser
14
Les personnes autistes doivent être vues non seulement comme des individus seuls en relation avec
d’autres individus, mais aussi comme des membres de la communauté sociale, qui pensent et agissent
en fonction des situations socialement et culturellement structurées qui évoluent. [notre traduction]
261
surprendre dans l’interaction avec son élève et remettre en question ses propres
stratégies, parce que dans cette conception, l’indice donné à travers une stratégie ne
peut plus être pré-étiqueté comme étant aidant ou nuisible dans l’interaction.
Rappelons qu’il s’agit en réalité du cumul des indices de contextualisation qui mènent
à la cointerprétation des interactantes (Auer, 1992 ; Gumperz, 1989b).
Guedj, 2016 ; Sterponi et Fasulo, 2010 ; Wagner, 2017). Comme nous en avons fait la
démonstration dans cette thèse, il ne suffit à un observateur immergé dans la réalité
de l’enseignante que de l’analyse de quelques séquences pour bien cerner les facilités
et les difficultés d’ajustement que rencontrent l’élève et l’enseignante dans
l’interaction. Les analyses sont d’autant plus approfondies en y joignant l’expérience
de l’enseignante dans l’interaction avec son élève accessible à partir d’entretiens de
rétrospection (Samuelsson et Plejert, 2015).
6.4.3 Les stratégies qui permettent d’aller plus loin dans l’interaction
les indices multiples en contexte qui peuvent être réinvestis dans des tours de parole
ultérieurs.
Parce que tu sais, c’est ça il y a un peu de, quand je te parlais qu’un moment
donné j’ai lâché l’idée de bon j’avais prévu faire ça comme ça à tout prix, mais
après l’objectif c’est quoi. Tu sais j’ai un peu lâché le comment on fait les
choses pour le pourquoi on va faire les choses.
264
Comme mentionné au point 6.1, les stratégies qui impliquent la multimodalité dans
laquelle le langage est en avant plan et entouré d’autres indices paraverbaux et non
verbaux sont aussi des stratégies de choix pour stimuler et soutenir l’interaction et le
langage auprès de l’élève. En effet, nous avons identifié une combinaison du langage
avec les pointages couplés aux déplacements d’objets (ex. glissement sur la table), de
même qu’une combinaison de pointages avec le ralentissement du rythme et du débit,
l’augmentation des pauses et les troncations d’énoncés en plusieurs segments.
Fiore (2007) qui montrent pour leur part comment l’accent mis sur la forme
(correction de l’énoncé de l’enfant, questionnements) a pour conséquence
d’interrompre le flux conversationnel ou rend les interactions sans intérêt, vides de
sens, par exemple quand l’adulte et l’enfant connaissent tous deux la réponse attendue
(Fasulo et Fiore, 2007).
Dans notre première section, nous avons fait un survol des principaux indices de
contextualisation que nous avons dégagés dans l’interaction enseignante-élève. Nous
avons d’abord vu l’importance de la multimodalité employée par l’enseignante et
décrite par Filliettaz (2014) pour expliciter les actions dans l’interaction. La
prépondérance du langage et sa multimodalité sont d’autant plus importantes que les
actions divergentes mènent systématiquement à des difficultés d’ajustement selon nos
résultats. Une fois l’élève prise par sa propre action, il est tout indiqué de suivre ses
intérêts (Girolametto et al., 2007) ou d’accepter le changement de centre d’attention
(focus), du moins temporairement (Korkiakangas et Rae, 2013). L’enseignante gagne
à observer et attendre (Girolametto et al., 2007) plutôt qu’à solliciter en continu
268
Qui plus est, notre discussion nous a permis de remettre en question le cadre
prévisible et structuré offert à l’élève ayant un TSA dans les activités et les aides
visuelles fournies. Contrairement à ce qui est généralement reconnu, nous illustrons
que la structure peut nuire à l’ajustement interactionnel lorsque l’élève souhaite
entreprendre une nouvelle action vue comme hors cadre. Pour les aides visuelles,
nous constatons que, contrairement à une partie de la littérature scientifique qui les
considère comme permanentes et comme augmentant l’indépendance de l’élève
(Foster-Cohen et Mirfin-Veitch, 2017), l’enseignante doit impérativement
accompagner l’utilisation de ces aides de langage pour favoriser l’ajustement
interactionnel. En ce sens, la seule présence des aides visuelles spécialisées ne
garantit en aucun cas la compréhension de ce qui se passe in situ dans l’interaction.
269
Parallèlement, nous avançons que le matériel général utilisé dans les activités
d’enseignement-apprentissage doit aussi faire l’objet d’une réflexion relative à
l’expérience qu’en a l’élève et aux difficultés d’ajustement qu’il peut créer par sa
quantité, sa disposition et par le langage qui l’accompagne. Nous n’avons pas
identifié de recommandation à cet égard dans la littérature scientifique.
Dans notre seconde section, nous sommes revenus sur notre deuxième objectif de
recherche sur l’utilisation des indices de contextualisation dans l’interaction en
discutant de leur enchaînement. Ce faisant, nous avons mis en lumière qu’il y a un
certain lien séquentiel entre eux (Schegloff, 2007) sans nécessairement que ce soit
dans le tour de parole précédent ou immédiatement consécutif. Nos résultats se
démarquent par l’illustration de tours de parole qui s’appuient toujours sur des indices
de contextualisation d’où leur relevance assurée, quoique parfois atypique ou
asynchrone (Wagner, 2017). Nous faisons également ressortir avec originalité que
pour l’élève, un tour de parole peut s’appuyer sur des indices hors langage (Wagner,
2017) ou dans ses propres tours de parole antérieurs. Dans un autre ordre d’idées, nos
résultats appuient la subtilité qu’entrevoit Gumperz (1982) dans l’utilisation des
indices de contextualisation, puisque nous établissons de nombreux indices non
perçus des interactantes. En même temps, nous amenons la nouveauté du caractère
explicite qu’ont les indices de contextualisation en les liant aux stratégies de
l’enseignante.
Dans notre troisième section, nous avons effectué un retour sur notre troisième
objectif de recherche portant sur l’utilisation des stratégies par l’enseignante dans son
ajustement interactionnel. Nous avons mis en relief la grande complexité de
l’enchevêtrement des multiples stratégies qu’elle met en œuvre, de même que sa
capacité fine d’observation requise dans l’interaction. À la différence de plusieurs
270
recherches qui tentent de comparer des regroupements de stratégies entre eux, notre
recherche montre surtout une hétérogénéité assumée et beaucoup d’analyses de la part
de l’enseignante en situation et après coup. Bien que provenant de fondements
diamétralement opposés, les stratégies que nous avons dégagées des approches
naturalistes béhaviorales et interactionnistes gagnent à notre avis à être mises côte à
côte sur un continuum, puisqu’elles ne sont pas nécessairement incompatibles. Nous
montrons avec originalité comment une stratégie peut avoir une finalité tantôt
sollicitante, tantôt stimulante. Quoique ce ne soit pas l’objet de notre travail, nous
établissons aussi que contrairement à la littérature scientifique qui sous-tend les
approches d’intervention naturalistes béhaviorales, les stratégies de sollicitation ne
sont pas nécessairement garantes d’un ajustement opérationnel et d’une verbalisation
immédiate assurée de l’élève. Dans cette optique, nous nous éloignons d’une
conception planifiée des stratégies (Andzik et al., 2016 ; Hart et Risley, 1975) et de la
quête du succès immédiat. Il est plutôt question pour l’enseignante de déterminer à
chaque moment précis de l’interaction quels sont les besoins de l’élève dans
l’interaction, quels sont les buts de l’activité et de quelle manière il est possible
d’amener l’élève plus loin dans l’interaction et dans son utilisation du langage.
TSA (Filliettaz et Schubauer-Leoni, 2008 ; Ochs et al., 2004). Enfin, au niveau des
stratégies à privilégier, nous avons discuté des stratégies qui suivent l’intérêt de
l’enfant, de la place de la prosodie et de la conduite incontournable de
surinterprétation de l’enseignante qui prend part à une interaction en dyade hautement
asymétrique.
Pour conclure cette discussion, nous retenons qu’il n’existe pas de procédure miracle
et séquentiellement applicable pour maximiser l’ajustement. Prévoir à l’avance
quelles stratégies utiliser et dans quel ordre trahirait le processus d’ajustement en
dénaturant à notre avis l’essence même de l’interaction et du contexte qui sont tous
deux en constante coconstruction (entre autres Auer, 1992 ; Filliettaz, 2006). Exiger
que l’élève réponde à un type déterminé de stratégies séquencées reviendrait à lui
demander de s’ajuster seul, puisque dès lors, les stratégies employées ne se baseraient
plus sur les indices de contextualisation précis perçus en contexte. Ce lien indices-
stratégies se trouve au cœur de notre travail sur l’ajustement dans l’interaction. En
définitive, nous réitérons que dans la quête vers l’ajustement, chaque mot, geste et
moment d’attente des interactantes compte. Tout se résume à considérer le contexte et
l’élève dans leur entièreté, à déceler les indices multimodaux, aussi subtils soient-ils,
à leur attribuer rapidement du sens, à rendre les indices ciblés dans l’activité les plus
explicites et clairs possibles pour l’élève et bien sûr, à se réajuster constamment pour
atteindre les buts fixés.
travailler le langage multimodal en interaction avec leurs élèves. Bien que nous ayons
abordé particulièrement à la compétence liée à la communication orale, notre
recherche montre aussi que l’interaction, le travail sur la verbalisation et la
compréhension transgressent toutes les activités et les autres compétences.
Deuxièmement, notre recherche rapproche la littérature scientifique en anthropologie
linguistique appliquée à l’autisme et celle en intervention précoce naturaliste.
Troisièmement, elle offre une manière singulière d’appréhender la transcription
multimodale qui amène des pistes intéressantes pour le travail sur le langage et
l’interaction de personnes ayant très peu de langage verbal. Finalement, elle offre un
portrait complet de l’interaction par son analyse interne/externe au discours en créant
un pont entre l’analyse conversationnelle appliquée à l’autisme et l’ethnographie de la
communication. Nous apportons d’ailleurs un éclairage nouveau par notre
opérationnalisation du modèle de Hymes (2005) et sa dimension plus émique. À notre
connaissance, hormis Wagner (2017), très peu de recherches en sciences de
l’éducation et dans le champ de l’autisme ont emprunté ce modèle aux fins d’analyses
« internes » du discours. Nos résultats indiquent que pour comprendre l’ajustement
qui passe par la micro-analyse des cointerprétations et des interprétations divergentes,
les indices dominants doivent être identifiés à chaque tour de parole et ils ne peuvent
donc pas servir à simplement introduire une séquence d’interaction, à la décrire
sommairement d’un point de vue externe.
L’accès à la grande variété des indices de contextualisation relevés entre autres grâce
à ce modèle nous amène à énoncer une seconde limite relative à notre présence en
classe et à notre observation participante. Cette participation nous a certes permis
d’accéder aux indices, tout en modifiant en soi le contexte de l’interaction. Toutefois,
la longue durée de notre collecte de données sur une période de quatre mois a
contribué à l’aisance des participants avec notre présence et avec l’équipement de
captation vidéo en classe, ce qui réduit à notre avis une partie des biais.
Une troisième limite que nous soulignons à propos de notre étude est la non-
généralisation possible des résultats ni à l’ensemble des interactions en dyade de
Laura et Audrey ni à d’autres dyades d’enseignantes-élèves. Le choix de restreindre
nos participantes principales à une seule enseignante et à une seule de ses élèves rend
impossibles les comparaisons. En outre, nous avons dû réduire notre corpus à
quelques séquences pour les analyses en profondeur. Malgré une apparente saturation
de données relatives aux activités de la classe, chaque séquence d’interaction est en
soi unique. Nous aurions donc potentiellement pu dégager d’autres indices de
contextualisation, un enchevêtrement différent et nous aurions pu constater d’autres
274
Une dernière limite est relative aux modalités choisies de transcription et aux codages
des stratégies. La forme des transcriptions et les marques choisies pour ponctuer le
discours ont orienté les résultats, puisque comme le mentionnent Traverso (2003) et
Jefferson (2004), il est impossible de tout montrer. Relativement au codage, notre
démarche aurait pu être bonifiée d’un accord inter-juges pour éviter les biais liés à la
transcription.
En terminant, nous dégageons aussi plusieurs pistes intéressantes pour des projets de
recherche futurs. Tout d’abord, au niveau des indices de contextualisation, il y a lieu
comme mentionné précédemment, de rendre encore plus opérationnel le modèle de
Hymes ou du moins, la manière de coder/catégoriser les indices de contextualisation
principaux et les rendre les plus mutuellement exclusives possible. De même, il serait
pertinent d’inclure la famille de l’élève dans le processus de recherche,
puisqu’Audrey a maintes fois évoqué ses connaissances du milieu familial de l’élève
et sa connaissance de l’interaction en dyade mère-élève. De plus, elle accordait une
grande importance à la collaboration école-famille. Ainsi, inclure dans l’analyse des
indices de contextualisation ceux fournis par le parent serait à notre avis d’autant plus
pertinent que l’enseignante pourrait aussi se ressaisir de ces indices dans sa pratique
pour mieux s’ajuster avec son élève. En ce qui a trait aux stratégies, notre recherche
ne s’est penchée que sur les stratégies utilisées par Audrey dans l’interaction. Or, il
275
nous apparaît que la considération des stratégies de l’élève pourrait compléter notre
compréhension de son ajustement en interaction et lui donner une voix de plus en tant
que participante à part entière à la recherche et à l’interaction. Dans un autre ordre
d’idées, une recherche future pourrait aussi inclure des participants de différents
niveaux de langage et de différents niveaux scolaires, ce qui nous permettrait alors
d’explorer comment s’opère l’ajustement dans l’interaction pour différentes dyades
enseignante-élève ayant tous leurs bagages de connaissances et leurs contextes de
classe. Élargir nos horizons quant aux participants de la recherche et à leur diversité,
voire même au groupe-classe nous amènerait aussi à considérer la mise en place d’un
projet de formation initiale ou continue pour les enseignantes. Ce projet leur
permettrait d’analyser leurs propres interactions avec leur élève à partir de quelques
séquences et d’entretiens, de comprendre les indices de contextualisation qui s’y
retrouvent et les stratégies qu’elles mettent ou pourraient mettre en place dans l’idée
de tendre vers un ajustement interactionnel opérationnel.
CONCLUSION
Notre recherche s’inscrit parmi les travaux émergents en anthropologie (Ochs et al.,
2004 ; Sterponi et al., 2015 ; Sterponi et Fasulo, 2010) qui visent non pas à décrire les
difficultés communicatives et interactionnelles vécues par la personne ayant un TSA,
mais plutôt à mettre en lumière son potentiel dans l’interaction contextualisée.
D’après cette posture, nous entrevoyons les difficultés comme étant liées à ce qui se
passe dans l’interaction à un moment précis, en lien avec le langage multimodal
déployé et avec le bagage de connaissances sociales, historiques, culturelles,
linguistiques, etc. de la personne. Nous ne les voyons pas comme étant strictement
des manifestations de signes cliniques de l’autisme ou du trouble de langage sous-
jacent. Notre recherche partage aussi la vision du langage et de l’interaction
qu’adoptent les études interactionnistes, qu’elles soient du côté de la linguistique de
l’acquisition (Canut et al., 2013 ; Romain et Roubaud, 2013) ou de l’intervention
spécialisée en autisme (Girolametto et al., 2007 ; Wagner, 2017). S’inscrivant
toujours dans l’interaction naturelle entre l’adulte et ses conduites étayantes
et responsive à l’enfant, ces recherches interactionnistes envisagent le rôle de l’adulte
en première ligne dans le développement langagier de l’enfant et dans sa
compréhension de la structure de l’interaction.
Dans notre recherche portant précisément sur l’ajustement d’une enseignante (Audrey)
et de son élève (Laura) dans leur interaction, nous nous sommes interrogée sur la
manière dont l’enseignante et son élève ayant un TSA s’ajustent lorsqu’elles
interagissent en dyade dans différentes activités d’enseignement-apprentissage. Pour
répondre à notre questionnement, nous avons fixé trois objectifs de recherche. Le
277
Pour répondre à notre question et à ces objectifs, nous avons allié l’ethnographie de la
communication et l’analyse conversationnelle, et nous avons constitué un large
corpus d’interactions naturelles filmées en classe de maternelle spécialisée dans
toutes les activités courantes d’enseignement-apprentissage. Nous avons ciblé une
dyade enseignante-élève ayant un TSA et un langage verbal peu développé. Dans nos
analyses, nous avons utilisé comme point de départ le modèle S.P.E.A.K.I.N.G. de
Hymes (2005) qui nous a permis de considérer l’éventail de possibilités relatives à la
nature des indices de contextualisation (liés au cadre, aux participantes, aux buts, etc.).
Concernant notre premier objectif, c’est par notre immersion ethnographique dans le
milieu et par nos entretiens semi-dirigés et de rétrospection avec l’enseignante que
nous avons décrit dans le détail les indices de contextualisation. Nous avons aussi pu
avoir accès à son point de vue émique sur l’interaction et sur les indices du contexte.
Nos résultats montrent que ces derniers sont d’ailleurs très variés, font intervenir des
indices multimodaux dans le langage lui-même, mais aussi une foule de
connaissances qu’ont les interactantes, une partie de leur histoire interactionnelle, de
même que la structure des activités qui régissent la vie de la classe. Concernant notre
second objectif, nous avons mis en relief par nos analyses conversationnelles très
micro de certaines séquences toute la complexité et la multimodalité de l’interaction
entre les interactantes et tous les micro-ajustements nécessaires au fil des tours de
278
paroles. Ces micro-ajustements sont ultimement liés aux indices extrêmement variés
qui se combinent. Les participantes peuvent s’appuyer sur des indices différents ou
sur les mêmes indices pour interpréter, et dans tous les cas, elles peuvent en faire une
lecture convergente ou divergente. Qui plus est, leurs interprétations des indices ne
sont ni prédéfinies, ni constantes, mais toujours tributaires du contexte. Enfin, la
multimodalité et l’explicitation verbale des indices de contextualisation sont en
général garantes d’un ajustement plus fructueux, même lorsqu’entrent en jeu des
aides visuelles. Finalement, en ce qui a trait à notre troisième objectif, nos analyses
laissent entrevoir un portrait très nuancé et hétérogène des stratégies de l’enseignante
où sont alternées au fil des tours de parole des stratégies de sollicitation, celles qui
suivent l’intérêt de l’élève et celles qui étayent le langage verbal, en dépit d’une
dominance des stratégies interactionnistes. Les stratégies employées sont combinées
de manière spontanée en cohérence avec les indices de contextualisation relevés au fil
des tours de parole. L’enseignante les réajuste donc constamment pour dénouer les
petites impasses.
Notre interprétation de ces résultats nous a menée à plusieurs constats que nous avons
liés à la littérature scientifique. Parmi ceux-ci, nous retenons la nécessité pour
l’enseignante de multiplier l’observation et les temps d’attente dans l’interaction pour
à la fois laisser le temps à l’élève de s’ajuster et de s’exprimer, mais aussi pour
relever les indices de contextualisation pertinents en vue d’ajuster les stratégies
employées et de réinvestir les indices en les explicitant dans les tours de parole
ultérieurs. Ainsi, dans cette interaction profondément asymétrique experte-novice du
langage, l’enseignante est amenée à émettre constamment des hypothèses qu’elle
cherche à valider pour élucider le sens construit. Ce point nous amène également à
considérer que tous les indices ont un sens pour les interactantes, même si ce sens
semble éloigné de ce de ce qui s’est passé dans le tour de parole précédent et de ce
279
qui se passe dans l’ici et maintenant. À cet égard, il n’y a pas lieu de sous-estimer les
nombreux liens que tisse l’élève avec ses connaissances et son imaginaire en dépit de
son TSA et de son niveau langagier.
Nous avons conclu cette thèse en énonçant ses forces et ses limites et en proposant
des idées de projets futurs en vue de poursuivre ce travail. Au niveau des forces, nous
avons souligné notre travail important et en profondeur sur l’interaction naturelle en
classe. Nous avons aussi mentionné notre contribution au rapprochement entre
l’anthropologie linguistique et l’éducation spécialisée à l’autisme. En outre, nous
avons fait valoir l’originalité de notre travail sur le discours interne et externe et sur
l’opérationnalisation du modèle de Hymes (2005). En ce qui concerne les limites
inhérentes à la méthodologie choisie, nous notons la difficulté d’exclusivité des
catégories du modèle de Hymes; les changements que notre présence sur le terrain a
pu créer dans l’interaction des participantes; la non-généralisation des résultats
explicable par le nombre restreint des participantes choisies intentionnellement, par le
nombre de séquences d’interactions analysées, par le caractère unique de ces
séquences, par les choix opérés dans les transcriptions et enfin par l’absence d’un
accord inter-juges. Pour terminer, nous avons proposé plusieurs pistes de réflexion
pour des recherches futures en continuité à celle-ci, notamment de considérer : la
famille dans le processus de documentation de l’ajustement interactionnel; les
stratégies interactionnelles de l’élève; la participation d’autres élèves et enseignantes
en dyade de tout âge et de tout niveau de langage; la mise en place d’un projet de
formation initiale ou continue sur l’ajustement interactionnel pour les enseignantes.
En définitive, poursuivre l’étude de l’ajustement dans l’interaction enseignante-élève
contribuerait à approfondir notre compréhension de ce processus au cœur des
enseignements-apprentissages, et plus largement de l’expérience scolaire de l’élève et
du travail de l’enseignante. Qui plus est, favoriser l’ajustement permettrait
280
Volet 1 : Études sur l’interaction en dyade enseignante-élève ayant un TSA au préscolaire, se déroulant en classe en milieu scolaire
Volet 2 : Études sur l’interaction en dyade enseignante-élève ayant un TSA, se déroulant en classe en milieu scolaire
Correspondance aux
critères de sélection des
études Correspondance aux critères
méthodologiques
enseignante-élève
naturelle/ langage
Interaction dyade
Extra-langagier/
Enchaînement
Point de vue
des tours de
multimodal
Préscolaire
Interaction
En classe
contexte
Type de
émique
parole
recherch Objet de la recherche et
TSA
Études e résultats Collecte de données et analyse
Odier-Guedj Recherch Objet : Collecte de données :
et Gombert e
qualitativ guidance de l’enseignante pour - volet québécois : + + + + + + + +-
(2012) e favoriser la collaboration pour la
compréhension des consignes. - enseignants (n = 16) et leurs Point de
collaborat élèves; vue
ive Résultats (à partir des deux général :
exemples de l’article) : - 2 enseignantes pour l’article;
entretiens
Interventi - accompagnement par la chercheuse de récits
ons et ses assistants durant 6 mois; de
d’accomp - séquence visuelle permettant le pratique
agnement repérage, couplée à des gestes, - au début, rencontres à fréquence
à du matériel 2D (marionnettes); d’une demi-journée par semaine,
orientatio puis espacée aux deux semaines.
n - matériel appuie le langage
clinique verbal. Analyses :
Volet 3 : Études sur l’interaction en dyade adulte-enfant ayant un TSA, se déroulant en contexte extrascolaire
Correspondance
aux
critères de sélection
des Correspondance aux critères
études méthodologiques
enseignante-élève
Interaction dyade
Enchaînement
Extra-langagier/
Point de vue
des tours de
multimodal
Préscolaire
Interaction
naturelle/
En classe
langage
contexte
émique
parole
Type de Collecte de données et
TSA
Études recherche Objet de la recherche et résultats analyse
Rendle- Pont entre Objet : Collecte de données :
Short l’analyse
(2019) conversation- - analyse méthodologique du processus - sous-corpus (corpus
nelle et la de codage quantitatif d’interactions constitué dans une recherche
naturelles : précédente); + - - - +- + + -
quantification
- codage des paires adjacentes : première et - corpus initial : enfants de 8
seconde partie de la paire. à 10 ans
Résultats : (n = 7) ayant le syndrome
d’Asperger;
- difficultés de codage liées à ce qui se
passe sur le plan non verbal, à l’ouverture - enregistrements vidéo à la
de nouvelles séquences d’interaction et à maison des activités
l’accord inter-juges nécessaire; quotidiennes pour 2
semaines (total de 8 heures
- codage restreint ne permettrait pas de tout de conversation).
élucider dans les transcriptions, même
lorsque le codage est précisé; Analyse :
- analyse qualitative permet de creuser - 1re catégorisation : codage
davantage et de mieux décrire la des premières et secondes
compétence dans l’interaction des parties de paires adjacentes;
participants ayant syndrome d’Asperger;
- 2e catégorisation :
286
compréhension des
attentes
socioculturelles);
3) mise en valeur de
pratiques dialogiques
réelles de la vie
quotidienne, montrant
l’inclusion des enfants
autistes dans leurs
différents milieux de
vie.
difficultés de la
personne autiste dans
l’approche théorique
des sociétés et cultures.
Résultats (pour 2e
objet) :
À partir de
transcriptions
multimodales,
les auteurs
montrent le :
- succès élevé dans la
prise des tours de
paroles et dans la
gestion de la
séquentialité en
conversation;
- succès moyen dans
l’articulation et la
reconnaissance de
scénarios situationnels;
- succès moindre dans
la compréhension des
inférences sociales, de
l’indexicalité
socioculturelle.
Solomo Ethnographie Objets : Collecte de données :
n Autism Project:
- introduction d’une - sélection (n = 14) des 16 participants au « Ethnography + - +- - + + + -
(2004)
Ethnographie narration vue comme Autism Project (3 filles, 11 garçons);
une coconstruction Dans les
Ethnométhodolo collaborative - partie du projet plus large « Ethnography autism
gie (analyse project. » : articles,
séquentiellement contexte
conversationnell organisée dans
e) - sous-corpus du corpus vidéo plus large des soupers interne
l’activité en famille et des enregistrements audio des déjeuners au
Anthropologie communicative et du transport vers l’école; discours
- continuité/
295
communicatif » de conversation);
l’autre, de le
reconnaître comme - transcription multimodale des séquences choisies.
valide/compétent et de 3 niveaux d’analyse :
lui donner crédit
comme interactant. - tellability : orientation du contenu de la conversation
qui a de l’importance pour au moins un participant;
- mise en lumière de
problèmes que créent - granularity : reconnaissance du niveau de détail requis
les thérapeutes dans la pour l’autre;
conversation selon les
3 niveaux d’analyse. - sequential orientation : attribution du sens relativement
à la position des tours de paroles
Stiegler Utilisation de Objets : Collecte de données :
(2007) l’analyse
conversation- - compétences - enfant ayant un TSA (n = 1) de 8 ans; + - - - +- + + -
nelle adaptée et communicatives d’une
enfant non verbale - 1 agent de correction du langage – chercheur;
de l’analyse Interne au
ayant un TSA durant discours
adaptée des actes - enregistrement vidéo d’une séance de réadaptation (du
de langage, car des interactions langage) de 50 minutes.
considération du naturelles « réussies »;
non verbal Analyses :
- récurrences dans les
interventions durant - analyse d’une séquence de 3 min. 21 sec. Comprenant
l’interaction qui 105 tours de parole;
peuvent avoir un
impact positif ou - transcription multimodale;
négatif sur l’enfant. - 1re catégorisation : détermination des actes
Résultats : communicatifs (actes de langage) et non communicatifs;
des paires adjacentes; récurrences dans les interventions;
- fréquence
d’apparition de chaque - fréquence de chaque type et des malentendus;
format de paires
adjacentes et de types - analyse des paires adjacentes : question-réponse,
d’actes de langage; demande/incitation-réponse, exigence-réponse [notre
identification de traduction].
l’initiateur et du
répondant;
- ces analyses mettent
en lumière des
compétences de
297
l’enfant qui
n’apparaissent pas
dans le rapport
d’évaluation du
langage.
298
Correspondance
aux
critères de sélection
des Correspondance aux critères
études méthodologiques
naturelle/ langage
Interaction dyade
Enchaînement
Point de vue
des tours de
Préscolaire
multimodal
langagier/
Interaction
En classe
ens.-élève
contexte
Type de
émique
parole
Extra-
TSA
Études recherche Objet de la recherche et résultats Collecte de données et analyse
Park Analyse Objets : Collecte de données :
(2017) conversa- - impact de la multimodalité en tant que
tionnelle - sous-corpus (à partir d’un corpus déjà existant, - - + +- +- + + -
ressource interactionnelle sur sous forme de DVD accessible aux enseignants
l’apprentissage d’anglais langue seconde); 2 Interne
- changements apportés à la pratique de
extraits au
l’enseignant. - enseignant (n = 1) en classe de langue;
sur 3 discours
Résultats : - élèves (n = 6) adultes;
- 3 extraits présentés;
- sélection d’une leçon de grammaire de type
- description et explication après la
questions (enseignant) – réponses (élèves);
transcription;
- importance de la disposition spatiale - point de vue de 2 caméras.
permettant aux étudiants de déployer des
gestes combinés au langage verbal; Analyse :
- gestes médiateurs permettant de - analyse de 3 extraits;
comprendre la désignation des tours de
parole; - transcription intégrale selon Jefferson; présentation
sous forme de transcription multimodale et captures
- importance des indices paralinguistiques
d’écran avec flèches (ex. main encerclée);
et non verbaux dans l’interprétation des
difficultés de l’élève. - mise en évidence des ressources multimodales.
299
Samuelsson Analyse Objets : Collecte de données :
et Plejert conversa- - utilisation de la - enfants ayant trouble du langage (n = - + - - +- + +- +
(2015) tionnelle rétrospection dans le cadre 4) de 4-5 ans; Dans Sens
l’article,
Entretiens
Utilisation de la d’une recherche en analyse - membres de la famille; trans-
donné à
de
certains
rétrospection conversationnelle; criptions
éléments rétrospec-
- thérapeutes du langage (n = non des
- conscientisation des rétrospe jugés tion semi-
spécifié); ctions impor-
comportements en non en dirigés
- enregistrements vidéo (total 535 dyade
tants par
interaction des participants heures) des interactions (enfant- certains
et exploitation de cette prise partici-
famille; enfant-thérapeute du langage; pants
de conscience dans
enfant en milieu scolaire); filmés à la
l’intervention auprès maison, en milieu clinique et à
d’enfant ayant un trouble du l’école;
langage.
- entretiens de rétrospection semi-
Résultats : structurés avec les participants sur les
- Présentation de 6 extraits interactions visionnées
d’interaction pour décrire (enregistrement audio);
les 4 catégories émergentes
- accès pour les participants aux
de la rétrospection; transcriptions des épisodes choisis
- commentaires très variés d’interaction;
des participants et - entretiens avec les participants;
pertinents pour
l’intervention sur différents Analyse :
problèmes touchant des - transcriptions des interactions
phénomènes dans (vidéos) et des rétrospections (audio)
l’interaction; (d’après Ochs, 1996);
- rétrospections permettent - catégories émergentes pour les
une reconstruction des rétrospections :
interactions vécues et sont à 1) observations des stratégies
utiliser en complément des d’interaction qui fonctionnent
analyses conversationnelles bien;
et non pour valider les 2) observations des stratégies
interprétations. Les d’interaction qui fonctionnent
participants peuvent pointer moins bien;
des éléments qui leur
3) évaluation d’une performance
apparaissent importants.
positive;
4) commentaires à propos
l’intervention.
300
Résultats :
- 4 transcriptions expliquées; Analyse :
ÉTUDES SUR L’INTERACTION ENSEIGNANTE-ÉLÈVE EN DYADE QUI NE RÉPONDENT PAS AUX CRITÈRES MÉTHODOLOGIQUES
Correspondance aux
critères de sélection
des Correspondance aux critères
études méthodologiques
enseignante-élève
Interaction dyade
Enchaînement
Point de vue
des tours de
multimodal
Préscolaire
Interaction
langagier/
naturelle/
En classe
contexte
Type de Objet de la recherche et
langage
émique
parole
Extra-
TSA
Études recherche résultats Collecte de données et analyse
But général : supporter l’utilisation du langage par l’incitation et le renforcement (prompting and reinforcement) (Ingersoll, 2011)
Kaiser et Milieu language teaching (MT) : Stratégies du Milieu teaching et du Enhanced milieu
Trent (2007) teaching (EMT):
- a pour but de faciliter le développement du langage à
travers des incitations systématiques à produire le langage - Aménagement de l’environnement :
ciblé dans les activités de tous les jours;
o sélectionner du matériel intéressant pour l’enfant;
- a d’abord été basé sur le modèle de l’enseignement
o arranger le matériel pour favoriser les demandes;
incident.
o faire le médiateur entre l’enfant et l’environnement;
o s’engager dans des activités avec l’enfant.
Stratégies d’interaction dites « responsives » (pour EMT) :
- Suivre l’initiative de l’enfant;
- équilibrer les tours de parole;
- maintenir le thème initié par l’enfant;
- modeler le langage lié linguistiquement ou thématiquement à ce
qui est dit;
- s’adapter au niveau de complexité langagière de l’enfant;
- faire des expansions et répéter les énoncés de l’enfant;
- répondre de manière communicative aux communications
verbales et non verbales de l’enfant.
Stratégies de base (milieu teaching) :
- modelage (model);
- demande de réponse ou modelage de la réponse (mand
modeling);
- délai d’attente (time delay);
- enseignement incident.
310
Prelinguistic milieu teaching (PMT) : Les stratégies du PMT sont très similaires à celles du EMT :
- intervention utilisée entre autres pour faciliter les - varier les taches et proposer des activités de maintien des tâches.
habiletés langagières, le jeu symbolique, le jeu Indices multiples :
dramatique d’enfants autistes.
- encourager l’apprentissage et la réponse par de multiples
indices.
Initier des réponses :
- enseigner à l’enfant à poser des questions.
Autorégulation :
- enseigner à l’enfant d’identifier ses propres comportements
pivots et la fréquence d’apparition ou l’absence de ces
comportements.
311
- par exemple, l’enfant peut demander : un objet que a) donner un indice pour attirer l’attention seulement ou
l’adulte a rendu inaccessible; de l’aide pour l’habillage; s’approcher de l’enfant, poser un regard interrogateur et
par un cri ou en interpellant l’adulte par son nom; du montrer que l’adulte est attentif;
matériel, un aliment ou une information;
b) indice pour attirer l’attention/montre l’attention conjointe en
- lorsque l’adulte répond à la demande de l’enfant s’en suit plus d’un indice verbal : dire l’énoncé à répéter au complet,
une série de décisions à prendre pour l’adulte concernant une ébauche et une consigne de le dire, dire de le dire tout
les incitations qu’il prodiguera. simplement ou donner un autre indice verbal.
4) prendre une décision concernant le degré d’indication à
utiliser :
a) maximal : une demande d’imitation : directe et complète
avec l’énoncé visé;
b) moyen : demande partielle d’imitation ou ébauche à
compléter;
c) minimal : demande de dire ce qui est visé en donnant un
indice de ce qui est attendu ou demander de le dire.
Koegel, Pivotal response training (PRT); pivotal behavior - choix de l’enfant : l’adulte ne tente pas de rediriger l’attention
Ashbaugh, de l’enfant sur un objet particulier, mais est plutôt attentif aux
Koegel Intervention qui vise à enseigner à l’enfant à rechercher et à objets qui intéressent et amusent l’enfant en se basant sur leur
(2016) répondre aux opportunités d’apprentissage naturelles recherche par l’enfant;
- modification de l’offre d’objets pour que ce soit toujours ceux
préférés de l’enfant qui soient utilisés pour rehausser et
maintenir la motivation de l’enfant;
- renforcement : renforcer toutes tentatives de l’enfant, même plus
éloignées de la cible (« shaping »);
- utilisation si possible d’un renforçateur directement relié à la
réponse ciblée chez l’enfant pour que l’enfant comprenne mieux
313
montrant;
- utiliser le temps de délai et interrompre le jeu de l’enfant pour
solliciter un tour de jeu, puis si l’enfant ne redemande pas le
jouet, l’inciter (avec incitation verbale, gestuelle ou physique).
- suivre les principes de l’enseignement incident, ce qui implique
de suivre l’initiative de l’enfant.
Odom, Odom, Rogers, McDougle, Hume, McGee; 2007 : Odom, Collet-Klingenberg, Rogers et Hatton (2010):
Rogers,
McDougle, Autres stratégies aussi utilisées indépendamment ou autres - analyse de tâche et enchaînement (task analysis and chainning);
Hume, interventions combinées (« package models »). Les auteurs
- incitation d’après la stratégie de l’antécédent;
McGee nomment brièvement plusieurs programmes
(2007) - renforcement pour la conséquence;
Low and Lee - incitation physique (ex. à se pointer, se désigner pour son tour
(2011) Suggestions de stratégies de thérapie du langage applicables de jeu), verbale (ex. « à qui le tour? »), jeu d’alternance des
par des enseignants tours (ex. rouler un ballon, prise en alternance de morceaux de
casse-tête; insertion en alternance d’objets dans une boîte) et
estompages des incitations;
- pairage d’images (faire pairer les images concrètes communes,
puis plus abstraites);
- demande avec une image (PECS);
- demande d’exécuter une consigne (stimulus verbal, consignes
316
durant le jeu);
- imitations vocales (demande d’imiter son et indice visuel image,
pictogramme).
Franco, Prelinguistic milieu teaching (PMT) - le choix de la routine de jeu ciblée est important pour cerner la
Davis, Davis motivation de l’enfant (suivent la recommandation des parents);
(2013) 3 comportements visés :
- aménager l’environnement pour susciter la communication de
a) vocalisations;
l’enfant (ex. mettre un objet hors de portée) ou interrompre son
b) contact visuel/orientation du regard;
jeu. Une fois la routine installée, faire un enseignement (1
c) gestes.
enseignement par minute est visé);
Le but est d’augmenter les habiletés de communication - incitation par indice verbal ou gestuel;
intentionnelle prélinguistique à l’intérieur de routines de jeu
qui apparaissent naturellement dans l’environnement de - offrir une pause après l’incitation pour donner le temps à
l’enfant. l’enfant de répondre;
- modelage des gestes ou de la vocalisation de la réponse
Les adultes utilisent des incitations et des réponses appropriée si l’enfant ne répond pas en quelques secondes;
naturelles pour encourager l’enfant à faire des demandes et
des commentaires par des moyens non verbaux. - éviter d’utiliser une incitation trop directe dans l’incitation,
poursuivre plutôt le jeu.
Liste des incitations, modelages, conséquences :
- incitations :
o indices verbaux (ex. « qu’est-ce que tu veux? »);
o indice gestuel (ex. ouvrir et lever les mains montrant son
interrogation);
- modelages :
o modelage gestuel;
o modelage langagier (ex. un son);
317
- conséquences naturelles :
o remise à l’enfant de l’objet indiqué par l’enfant;
o imitation immédiate;
o reformulation (ex. dire “balle” lorsque l’enfant le pointe).
318
But général : basées sur la description des interactions entre des enfants en apprentissage du langage et l’adulte, le parent, le but est d’augmenter la
« responsiveness » de l’adulte à l’enfant et d’établir l’équilibre entre l’adulte et l’enfant dans l’interaction en dyade. Il n’y a pas d’accent mis sur la
production, mais sur l’offre de modèles langagiers prodigués par l’adulte. Les stratégies principales y sont le modelage, l’expansion à partir de l’intérêt de
l’enfant (Ingersoll, 2011).
Les parents y apprennent à encourager la participation sociale de l’enfant à l’interaction par les interprétations et les réponses qu’ils font aux tentatives de
communication de l’enfant, comme si elles avaient du sens. L’augmentation de la production du langage de l’enfant n’est pas directement visée, mais
survient plutôt alors que l’adulte augmente ses étayages de type « responsive. » Les deux habiletés majeures visées y sont l’attention conjointe et les
habiletés pragmatiques de communication (Girolametto, Weitzman et Greenberg, 2007).
319
bien dans le jeu; donner un sens à ses tentatives; qui sont directes);
- quand l’enfant est engagé dans l’interaction : le o les mots traduisent des sentiments très globaux;
conduire vers de nouvelles sensations et de
o les mots traduisent des sentiments ressentis et qui peuvent conduire à
nouvelles expressions des sensations : en mettant
différentes actions (ex. avoir faim);
des mots, des onomatopées, des sensations sur ce
qui se passe. o les mots traduisent des émotions qui ne sont pas toujours attachées à une
action (ex. s’ennuyer).
Stratégies détaillées :
Stade 1 (viser l’attention conjointe) :
- trouver le style de chaque enfant (quels sons, quels types de touchers, quels
types de mouvements) à partir desquels jouer;
- viser à rendre la relation agréable;
- utiliser toutes les situations pour faire introduire de la variation qui captera
l’attention : utiliser une grimace de l’enfant, la changer, utiliser un
mouvement du bras, le déployer, etc.;
- utiliser des balancements, des gestes répétitifs ponctués de sons pour susciter
l’attente.
Stade 2 (viser l’engagement) :
- trouver le style de l’enfant et ses activités préférées à partir desquelles jouer;
- mettre en scène les jeux par des scénarios rigolos, bruiter les actions, mettre
des mots;
- trouver des activités ritualisées que l’enfant aime bien, y associer plaisir et
joie, pour qu’il s’engage à retrouver l’activité (danse, jeux de mains, bruit,
courses poursuites).
Stade 3 (viser l’alternance) :
- trouver les activités dans lesquelles l’enfant s’engage le plus facilement;
- mettre beaucoup d’animation et d’expressivité dans les gestes, les bruits, les
sons pour susciter l’alternance;
- penser aux jeux classiques du « coucou », des jeux de mains, etc.
Stade 4 (jeux sociaux) :
- créer des situations « catastrophe » : problème dans le jeu ex. la poupée a fait
322
Mahoney, Cognition functioning, Transactional intervention Stratégies que les auteurs empruntent à MacDonald et Gillette (1984) :
Powell (1988)
Turn-taking (pour établir l’équilibre des tours dans l’interaction) :
Programme TRIP - attendre que l’enfant agisse;
- imiter l’enfant;
Le but est de modifier les schémas récurrents - suivre l’initiative de l’enfant;
(patterns) d’interaction entre le parent et l’enfant
pour que le parent adopte un « responsive parenting - de temps à autre, élaborer l’activité de l’enfant.
style » Interactive match strategies :
- ajuster sa conduite pour qu’elle corresponde au rythme de l’enfant;
- s’engager dans des activités qui correspondent au niveau développemental
proximal de l’enfant et non de son potentiel;
- suivre et répondre aux intérêts de l’enfant.
Girolametto, Hanen Center: Programme More than words - Stratégies orientées vers l’enfant : observer l’enfant, suivre les initiatives de
Sussman, l’enfant, être en face à face.
Responsiveness pour promouvoir l’interaction
Weitzman
réciproque et les habiletés sociocommunicatives de - Stratégies d’incitations à l’interaction : utiliser des routines, prendre un tour
(2007)
l’enfant ayant un TSA : de jeu/parole et faire une pause pour attendre la réponse; donner des indices
explicites à l’enfant pour qu’il prenne son tour (main sur main, assistance
Bases générales : suivre l’initiative de l’enfant;
physique, modèle verbal à compléter, attendre + mimique, questions).
promouvoir les interactions sociales, modeler le
langage selon le niveau de l’enfant, inclure des mots - Stratégies de modelage langagier : interpréter les actions de l’enfant,
amusants, simplifier le langage, faire des expansions, nommer/désigner, faire des expansions (expand).
avoir des contacts physiques amusants; exploiter les
jeux de faire semblant et les routines où les tours sont
alternées.
324
événement/action.
- Appliquer toutes ces stratégies dans les lectures de livres et les jeux.
9 responsive stratégies pour les parents dans le jeu :
1. Utilisation des mots amusants
2. Simplification du langage
3. musicalité de la voix/parole
4. contacts physiques amusants
5. félicitations
6. jeux de faire semblant
7. rires et sourires
8. routines en alternance
9. imitations et expansions
Kaiser et Trent Responsive interaction (RI) : - imitation non verbale (mirroring) : l’imitation des comportements non
(2007) verbaux par l’adulte vu comme plus compétent. L’imitation favorise
l’alternance des tours et aide l’interactant à donner de la signification à
Intervention naturaliste basée sur le jeu dont le but est l’activité et à commenter ou à offrir des réponses à l’enfant durant
de favoriser la communication et l’interaction chez l’interaction.
les enfants ayant un trouble développemental. Il y a
- Réponse verbale (verbal responding) : l’adulte est « responsive », modélise
deux caractéristiques principales de cette
le langage en fonction des intérêts de l’enfant et du contexte; il offre des
intervention : l’imitation non verbale et la réponse
opportunités d’initier à l’enfant et de répondre en prenant son tour de parole.
verbale.
Caldwell (2006) Intensive interaction : - imitation (bruit, geste, faire de même en parallèle et capter regard);
elle a comme but d'imiter, de créer une interaction sur - introduire doucement du nouveau matériel dans l’imitation qui surprend (ex.
l’objet partagé par exemple. reprendre un bruit que l’enfant fait pour établir la communication);
- discontinuité : changer de mode d’imitation. Par exemple, passer du son au
toucher en tapant le son que l’enfant fait sur l’épaule;
- utiliser le langage de l’autre et l’incorporer à la conversation en
l’enrichissant, jeu.
327
5. Poser des questions et offrir des choix : ouvertes ou sollicitant une réponse
oui/non.
Soto, Clarke, Intervention basée sur la conversation : 1) reformuler + incitation à réparer comme un encouragement verbal ou un
Nelson, geste
- séances de 50-60 minutes 2 fois par semaine X 12
Starowicz et
semaines; ou
Savaldi-
Harussi (2020) - conversations dont le sujet est choisi par enfant; 2) reformulation seule.
étayage verbal comme la correction/reformulation,
Pour les reprises :
l’incitation, la question et le modelage;
- reprise déclarative;
- chaque intervention inclut au moins 5 mots
nouveaux et 2 déclinaisons temps verbe. - reprise par interrogation non inversée (ex. tu veux la pomme?);
- reprise avec choix interrogatif.
plutôt que consigne directe (escalade des moyens) : 1) ajuster les objets (ex.
glisser les morceaux vers l’élève; 2) ajouter une proposition verbale, prendre
un objet
- Attirer l’attention sur un objet en nommant l’élève + « regarde » avec
intonation montante sur regarde.
- Lorsque l’élève ne partage pas l’attention (ex. intéressé par un autre objet),
« hold » attendre et y revenir plus tard, s’intéresser à l’intérêt de l’élève et
participer avec l’élève.
- Féliciter l’élève.
ANNEXE C
Depuis le début de ses premiers travaux vers la fin du 18e siècle et le début du 19e
siècle, l’anthropologique linguistique a grandement évolué et a connu trois grands
paradigmes (voir tableau A de la page suivante pour une synthèse). Le premier
paradigme a eu comme but de décrire la langue et sa grammaire à partir de données
réelles et de rechercher une corrélation entre le langage et la race des individus (par
exemple en classant les individus indiens-américains selon leur langage) (Duranti,
2000; Duranti et al., 2003). Plus récemment, c’est-à-dire des années 1980 à nos jours,
le 2e paradigme a poursuivi son évolution de l’individuel au collectif, le langage
servant désormais à analyser les transformations individuelles, institutionnelles et de
la communauté. La relation au contexte est devenue cruciale. Les différents courants
336
se sont fractionnés, puis le 3e paradigme actuel s’est démarqué par des recherches qui
abordent le langage d’après des concepts issus d’autres domaines, son étude servant à
comprendre les enjeux dans d’autres sous-domaines de l’anthropologie (Duranti et
al., 2003), comme c’est le cas pour cette thèse en éducation. Pour illustrer ces
croisements entre l’éducation et des courants en anthropologie linguistique, nous
proposons dans le tableau B une synthèse des différents courants qui découlent de
l’anthropologie linguistique et nous les illustrons par un exemple de recherche actuel
en éducation. Nous avons retenu pour cette thèse l’ethnographie de la communication
et l’analyse conversationnelle.
Deux des caractéristiques auxquelles nous adhérons qui sont communes à l’EC et à
l’AC est l’importance qu’elles accordent à l’interaction disons « ordinaire et réelle »,
puis leur tournant actionnel (Boutet et Maingueneau, 2005 ; Filliettaz, 2014). Ainsi,
l’intérêt est le langage situé, naturel et authentique en face à face (approche
interactionniste) et cette interaction, voire le langage lui-même sont vus comme une
pratique, une activité conjointe (approche praxéologique). Ce faisant, ils attribuent
337
tous deux une valeur indexicale au langage (Duranti et al., 2003). Rappelons que
l’indexicalité du langage se traduit par le fait qu’un mot/une expression ne peut
prendre son sens que dans les circonstances dans lesquelles il est utilisé. La référence
au contexte est donc cruciale pour interpréter adéquatement l’expression (Duranti et
al., 2003). Or, un premier élément qui divise ces deux courants est justement cette
vision du contexte qui peut être interne (micro, AC) ou externe au discours (macro,
EC) comme vu au chapitre II. Pourtant, à la base, Gumperz avait tenté un
rapprochement entre l’analyse micro/macro (Greco, 2015). Dans la section suivante,
nous défendrons cette pertinence de rapprocher les deux finalités d’analyse
micro/macro.
C’est exactement ce que nous constatons dans l’étude de Korkiakangas et Rae (2013)
sur l’ajustement à travers l’utilisation d’objet d’élèves ayant un TSA à l’activité
éducative mise en place par leur enseignante respective. Pour commencer, le contexte
extra-langagier n’y est pratiquement pas décrit. La situation initiale est expliquée en
quelques lignes seulement, soit par exemple que l’élève termine une activité pour
laquelle une feuille et un cartable étaient placés devant elle. Le cartable est ensuite
écarté pour marquer le passage à la seconde activité. Dans cette analyse, les autrices
ne reviennent pas non plus sur ce contexte extra-langagier en cours de séquence.
Ensuite, la transcription de la séquence est multimodale et y est très détaillée (langage
verbal, et le non verbal surtout, chevauchements entre les tours de parole, schémas
pour illustrer les mouvements et déplacements d’objets). Puis, l’analyse porte sur
l’enchaînement de micro-détails (une orientation du corps, un regard, l’approche d’un
339
objet, etc.). Une fois mis en lien et cumulés, ces micro-détails/indices permettent de
voir comment la manipulation des objets influence l’attention de l’élève et son
engagement, comment elle appuie le langage de l’enseignante et comment
l’enseignante peut partager son attention visuelle entre l’objet et l’élève pour
déterminer son attention/engagement. Enfin, en dépit de l’analyse minutieuse qui
apporte un éclairage des plus pertinents à la dynamique de ces interactions atypiques,
l’analyse sert une séquence à la fois et les indices relevés ne sont pas rapportés au
cadre social et culturel que sont la vie de la classe, les activités antérieures et
ultérieures, les relations entre les interactants, etc., contrairement à ce que propose
l’EC.
Interactionnisme Goffman Étude des interactions dans les Points de vue des enseignants
Interactionnisme relations interpersonnelles et de de sciences sur des questions
symbolique la participation. socialement vives en lien avec
le vivant. (Mbazogue-Owono
et Bernard, 2016)
Sociolinguistique Labov Étude des variations culturelles Variations dans les accords du
variationniste de langue et des changements participe passé.
dans la langue. (Gaucher, 2015)
Méthodes essentiellement
quantitatives (Labov, 1972)
Ethnographie de la Hymes, Étude de la construction du Étude de la participation
communication/socio- Gumperz cadre d’interprétation des interactionnelle d’un enfant
linguistique acteurs sociaux dans les avec autisme sans déficience
interactionnelle/micro interactions contextualisées; intellectuelle lors des
ethnographie étude des façons de parler et de échanges en tutelle avec des
l’action langagière. adultes proches
Applicable à mon (Wagner, 2017)
objet d’étude
Ethnométhodologie Garfinkel Étude du point de vue des Point de vue d’enseignants de
Cicourel acteurs par l’analyse intrinsèque deux ordres d’enseignement
de leur discours. sur leur manière de faire des
mathématiques (Corriveau,
2013)
Analyse Sacks, Étude de la séquence Analyse multimodale de
conversationnelle Schegloff, d’interaction dans l’organisation de la parole en
Jefferson l’enchaînement des tours de classe : construction et de
Applicable à mon parole par l’analyse fine de négociation locale par les
objet d’étude mécanismes en jeux à participants des moments
l’intérieur de la conversation. d’émergence et de transition
de leurs cadres de
participation (intergroupe,
dirigée vers l’enseignant,
entre pairs, etc.). (entre autres
Korkiakangas et Rae, 2013;
Stiegler, 2007)
341
Philosophie du Austin, Étude des actes de langage dans le Actes de langage dans les
langage/pragmatique Searle discours, de ce que font les interactants interactions enseignante-
au moyen du langage. élève en classe
Partiellement Grice spécialisée
applicable à mon (Lavigne, 2014)
objet d’étude
Linguistique de Benvéniste Étude de la subjectivité du locuteur
l’énonciation Culioli dans sa prise de parole; de son acte Aucune recherche
individuel d’utilisation du langage. recensée
(André, 2006; Boutet et Heller, 2007; Kerbrat-Orecchioni, 1998; De Fornel et Léon, 2000; Greco,
2015)
ANNEXE E
Objet : Recherche de participants dans le cadre d’une recherche sur les interactions en classe
entre l’enseignant et ses élèves ayant un trouble du spectre de l’autisme.
Le but de cette présente lettre est de solliciter votre participation à un projet de recherche que
je mène dans le cadre de mon doctorat en éducation à l’UQAM. Mon projet porte
spécifiquement sur les interactions en classe et au sein de la famille des jeunes ayant un TSA
(préscolaire). Il s’inscrit dans un projet plus large qui s’intitule « La scolarisation des élèves
ayant un TSA entrant au premier cycle du primaire : expériences des enseignants et des
parents » dirigé par Céline Chatenoud, UQAM. Je suis donc à la recherche d’une école qui
accueille des élèves ayant un TSA qui serait prête à participer durant quelques mois pour
l’année scolaire en cours. Comme je ne recherche qu’une seule enseignante et qu’une seule
classe pour le projet, la classe (nom de l’enseignante) serait un milieu idéal. De plus, le projet
n’entraverait aucunement ses tâches d’enseignement et lui permettrait même de réfléchir à sa
propre pratique au niveau de ses interactions avec ses élèves, en plus de lui faire profiter
d’une expérience de plus en recherche, puisqu’elle s’y intéresse en complément à son travail
d’enseignante.
Après avoir terminé en avril 2010 mon baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire
et sociale (profil préscolaire-primaire), je me suis tout de suite inscrite à la maîtrise en
344
éducation (recherche). Durant les 4 années suivantes, j’ai enseigné en classe spécialisée dans
différentes écoles en Montérégie tout en conduisant mon projet de maîtrise que j’ai terminé
en avril 2014. J’ai ensuite suspendu ma carrière en enseignement pour me consacrer
davantage à la recherche et contribuer à la formation des futurs enseignants et des
enseignants qui interviennent déjà auprès d’élèves ayant une déficience intellectuelle et/ou un
TSA. À travers la recherche, je m’intéresse particulièrement au développement langagier des
élèves, à la compétence à communiquer oralement au programme de formation et aux
stratégies interactionnelles qu’utilisent les enseignants pour soutenir leurs élèves.
Présentation de la recherche
déroulera sur environ 3 mois et mes observations se feront surtout sur des demi-journées. Le
but y est d’observer le cours ordinaire des activités et des interactions. En milieu familial, les
données collectées à l’école seront complétées auprès d’un parent ciblé par un entretien semi-
directif, des captations vidéo qu’il aura filmées et par un questionnaire.
Si votre école accepte de participer à la recherche, il faudra tout d’abord solliciter les parents
d’élèves ayant un TSA de la classe maternelle spécialisée, de même que l’enseignante et les
autres intervenants. Des formulaires d’explication et d’autorisation sont prévus à cet effet et
les participants visés seront entièrement libres de participer ou non au projet et de se retirer
en tout temps.
Je vous remercie à l’avance de considérer cette demande. Je demeure disponible pour toute
question supplémentaire liée à ce projet de recherche.
Andréa Lavigne
lavigne.andrea@courrier.uqam.ca
Étudiante au doctorat en éducation, UQAM
Direction : Delphine Odier-Guedj, UQAM
Co-direction : Céline Chatenoud, UQAM
Titre du projet : L’ajustement dans l’interaction entre l’enseignant et son élève ayant un
trouble du spectre de l’autisme en contexte de classe maternelle spécialisée.
346
IDENTIFICATION
Cette recherche est reliée à une thèse de doctorat soutenue par Andréa Lavigne, sous
la direction de Delphine Odier-Guedj et de Céline Chatenoud (professeures à
l’Université du Québec à Montréal (UQAM) au département d’éducation et formation
spécialisées), au sein d’une recherche dirigée par cette dernière.
(page 1 de 6)
347
PROCÉDURES
Cette étude se penchera particulièrement sur un élève au sein de votre classe et dont
les parents acceptent également de participer à la recherche.
Votre participation consistera à :
- Accueillir dans la classe un chercheur étudiant qui observera et filmera pour
des périodes d'environ 3 heures (demi-journées) pour un total de 24 jours étalés
sur 3 mois, divisés approximativement comme suit : 1) 10 demi-journées (3
heures) consécutives ; 2) 2 demi-journées (3 heures) par semaine pour 7
semaines.
- Permettre que les séquences filmées fassent l'objet d'une analyse sur le plan
des interactions entre l'enseignant et ses élèves.
- Réaliser 4 entretiens semi-dirigés de 4 heures avec l'étudiant chercheur.
- Participer à un échange informel de 10-15 minutes par demi-journée
d'observation visant à compléter les données collectées au besoin.
- Permettre l'accès aux documents écrits en lien direct avec la scolarisation des
élèves (bulletin, copies de planifications effectuées, notes de l’enseignant
concernant le développement du langage, de même que des images du matériel
utilisé ou productions des élèves).
- Permettre la diffusion des résultats d'analyse des séquences d'interaction
filmées en classe dans le cadre de communications scientifiques et de
formation continue.
AVANTAGES et RISQUES
Votre participation contribuera à l’avancement des connaissances concernant le
soutien apporté aux élèves ayant un TSA.
Il n’y a pas de risque d’inconfort important associé à votre participation. Toutefois,
certains thèmes de l’entrevue peuvent toucher des aspects plus personnels ou
renvoyer à des réalités professionnelles complexes, ce qui peut être associé à un
sentiment de malaise ou d’inconfort. Durant les entrevues ou les captations audio et
vidéos faites en classe, vous pouvez refuser de répondre à une question ou exiger que
l’enregistreuse ou la caméra soient momentanément fermées si vous ne vous sentez
pas à l’aise avec une question en particulier. Vous serez libre d’arrêter à tout moment,
sans encourir de pénalité sous aucune forme. Vous pourrez aussi si vous ressentez
une forte détresse contacter la responsable de la recherche afin d’être dirigé(e) vers
des services d’aide appropriés.
(page 2 de 6)
348
Nous vous assurons par ailleurs que toute l’équipe de recherche fera le nécessaire
pour minimiser ces risques.
De plus, des précautions seront mises en place pour faire en sorte que personne ne
puisse porter un jugement ou critiquer votre pratique pédagogique. En effet, les
enseignants et les élèves ne seront pas identifiés individuellement lors de la diffusion
des résultats. Pour terminer, vos noms et prénoms n’apparaitront pas, ni aucune
caractéristique pouvant vous identifier et il sera impossible de reconnaitre les cas
concernés.
CONFIDENTIALITÉ
Confidentialité et anonymat: il est entendu que les renseignements que vous
partagerez avec les membres de l’équipe de recherche resteront strictement
confidentiels. Le contenu sera utilisé uniquement pour examiner votre expérience
relativement à la scolarisation des élèves ayant un TSA et pour mieux analyser les
séquences d'interaction filmées en classe. La confidentialité sera protégée
puisqu’aucune donnée individuelle ne sera transmise verbalement ou par écrit à une
autre personne.
Conservation des données : Le matériel de recherche (questionnaire, contenu
entretiens, enregistrements etc.), les formulaires de consentement ainsi que toutes les
données recueillies lors des rencontres seront conservés sous clé au laboratoire de la
chercheuse responsable pour la durée totale du projet. Toutes les données seront
sauvegardées et conservées sur un serveur sécurisé au sein de l’UQAM. Ensuite, ces
données seront détruites 5 ans après les dernières publications.
Diffusion des résultats : Par l’entremise d’écrits scientifiques ou de rapports de
recherche, certaines données seront dévoilées à la communauté scientifique ainsi qu’à
la communauté éducative, incluant à la fois des enseignants, des parents, mais
également d’autres personnes intéressées.
PARTICIPATION VOLONTAIRE
Votre participation à ce projet est volontaire. Cela signifie que vous acceptez de
participer au projet sans aucune contrainte ou pression extérieure, et que par ailleurs
vous être libre de mettre fin à votre participation en tout temps au cours de cette
recherche. Dans ce cas, les renseignements vous concernant seront détruits. Votre
accord à participer implique également que vous acceptiez que l’équipe de recherche
puisse utiliser, aux fins de la présente recherche (articles sous forme papier ou
électronique, conférences et communications scientifiques), les renseignements
recueillis à la condition qu’aucune information permettant de vous identifier ne soit
divulguée publiquement à moins d’un consentement explicite de votre part.
(page 3 de 6)
349
REMERCIEMENTS
Votre collaboration est essentielle à la réalisation du projet et l’équipe de recherche
tient à vous en remercier. Si vous souhaitez obtenir un résumé écrit des principaux
résultats de cette recherche, veuillez ajouter vos coordonnées ci-après.
(page 4 de 6)
350
SIGNATURES :
Je donne mon consentement afin que les entrevues soient enregistrées, que les
interactions en classe soient filmées et que les contenus ne soient utilisés qu’à des fins
de recherche et selon le respect de la confidentialité ; tout comme les autres données
issues des entretiens. J’accepte que les informations que je transmettrai lors des
entrevues soient utilisées dans cette recherche. J’ai l’assurance que l’information que
je partagerai restera strictement confidentielle.
NON
(page 5 de 6)
351
Coordonnées (facultatif) :
(page 6 de 6)
352
IDENTIFICATION
Cette recherche est reliée à une thèse de doctorat soutenue par Andréa Lavigne, sous
la direction de Delphine Odier-Guedj et de Céline Chatenoud (professeures à
l’Université du Québec à Montréal (UQAM) au département d’éducation et formation
spécialisées), au sein d’une recherche dirigée par cette dernière.
(page 1 de 6)
353
PROCÉDURES
Cette étude se penchera particulièrement sur les activités de la classe. L'enseignant
accepte également de participer à la recherche. Votre participation consistera à :
- Permettre à la responsable de la recherche de faire des observations des
différents contextes dans lesquels l'enseignant interagit avec ses élèves en
classe.
- Permettre à la responsable de la recherche un accès aux documents en lien
direct avec la scolarisation de votre enfant (bulletin, copies de planifications
effectuées, notes de l'enseignant concertnant le développement du langage, de
même que des images, du matériel utilisé ou productions de votre enfant).
- Remplir un questionnaire (voir formulaire initial)
- Réaliser jusqu'à 2 entretiens semi-dirigés avec la responsable à propos des
interactions vécues à la maison (1 X 1 heure).
- Photographier ou faire de courts enregistrements (sonores et/ou visuels) au
moins 4 fois durant la durée de la recherche, à l'aide d'un Ipod fourni par
l'équipe de recherche, des situations d'interaction à partager avec l'école pour
renseigner sur les habiletés interactionnelles de votre enfant. Ces
enregistrements seront utilisés uniquement comme support à la discussion et à
la compréhension de vos expériences et de celles de votre enfant.
Nous vous assurons par ailleurs que toute l’équipe de recherche fera le nécessaire
pour minimiser ces risques.
De plus, des précautions seront mises en place pour faire en sorte que personne ne
puisse porter un jugement ou critiquer vos pratiques parentales. En effet, les
enseignants, les élèves et vous ne serez pas identifiés individuellement lors de la
diffusion des résultats. Pour terminer, vos noms et prénoms n’apparaitront pas, ni
aucune caractéristique pouvant vous identifier et il sera impossible de reconnaitre les
cas concernés.
CONFIDENTIALITÉ
Confidentialité et anonymat: il est entendu que les renseignements que vous
partagerez avec les membres de l’équipe de recherche resteront strictement
confidentiels. Le contenu sera utilisé uniquement pour examiner votre expérience
relativement à la scolarisation des élèves ayant un TSA et pour mieux analyser les
séquences d'interaction filmées en classe. La confidentialité sera protégée
puisqu’aucune donnée individuelle ne sera transmise verbalement ou par écrit à une
autre personne.
Conservation des données : Le matériel de recherche (questionnaire, contenu
entretiens, enregistrements etc.), les formulaires de consentement ainsi que toutes les
données recueillies lors des rencontres seront conservés sous clé au laboratoire de la
chercheuse responsable pour la durée totale du projet. Toutes les données seront
sauvegardées et conservées sur un serveur sécurisé au sein de l’UQAM. Ensuite, ces
données seront détruites 5 ans après les dernières publications.
Diffusion des résultats : Par l’entremise d’écrits scientifiques ou de rapports de
recherche, certaines données seront dévoilées à la communauté scientifique ainsi qu’à
la communauté éducative, incluant à la fois des enseignants, des parents, mais
également d’autres personnes intéressées.
PARTICIPATION VOLONTAIRE
Votre participation à ce projet est volontaire. Cela signifie que vous acceptez de
participer au projet sans aucune contrainte ou pression extérieure, et que par ailleurs
vous être libre de mettre fin à votre participation en tout temps au cours de cette
recherche. Dans ce cas, les renseignements vous concernant seront détruits. Votre
accord à participer implique également que vous acceptiez que l’équipe de recherche
puisse utiliser, aux fins de la présente recherche (articles sous forme papier ou
électronique, conférences et communications scientifiques), les renseignements
recueillis à la condition qu’aucune information permettant de vous identifier ne soit
divulguée publiquement à moins d’un consentement explicite de votre part.
(page 3 de 6)
355
REMERCIEMENTS
Votre collaboration est essentielle à la réalisation du projet et l’équipe de recherche
tient à vous en remercier. Si vous souhaitez obtenir un résumé écrit des principaux
résultats de cette recherche, veuillez ajouter vos coordonnées ci-après.
(page 4 de 6)
356
SIGNATURES :
Je donne mon consentement afin que les entrevues soient enregistrées, que les
interactions en classe avec mon enfant soient filmées et que les contenus ne soient
utilisés qu’à des fins de recherche et selon le respect de la confidentialité ; tout
comme les autres données issues des entretiens. J’accepte que les informations que je
transmettrai lors des entrevues soient utilisées dans cette recherche. J’ai l’assurance
que l’information que je partagerai restera strictement confidentielle.
PARTICIPATION DU PARENT :
(page 5 de 6)
357
PARTICIPATION DE L’ENFANT :
NON
J'accepte que des extraits audio et vidéos captés en classe où apparaît OUI
mon enfant soient diffusés dans le cadre de rencontres
scientifiques et éducatives. NON
Coordonnées (facultatif) :
(page 6 de 6)
358
ANNEXE F
Réciproque
Par nos discussions et les vidéos visionnés, elle réfléchit sur ses
interactions et elle voit des détails qu’elle n’avait pas perçus.
≤
Partiellement asymétrique
Nous avons toutes deux des bases communes que nous discutons :
lectures faites, démarche de recherche, cours suivis à la maîtrise,
difficultés.
Étudiante à la Étudiante au
Nous parlons toutes les semaines des aspects techniques liés aux
maîtrise en doctorat en
enregistrements. Nous faisons régulièrement un bilan informel de
apprentissage : apprentissage :
notre corpus commun, de ce qu’il nous manque.
En construction Ayant réalisé une
Nous faisons toutes les deux des remarques sur ce qui pourrait
de son projet maîtrise
intéresser l’autre dans ce qui a été observé, puisque nous
connaissons nos intérêts de recherche respectifs.
<
Asymétrique
=
Égalitaire
QA: Caméra Q2 placée sur le rebord du tableau ardoise dans le coin arts plastiques
Qmotricité1: Caméra Q2 dans le coin le plus près du bureau TES, près des fenêtres
(n’est pas sur le plan)
Qmotricité2: Caméra Q2 dans le coin le plus éloigné du bureau TES, près des fenêtres
(n’est pas sur le plan)
Qmobile: Caméra Q2 mobile que nous déplaçons (mobile : pas sur le plan)
362
QA
Coin arts
QC
QE2
QE1
QB
QT
C1
Coin des Bonjours Grande table
Coin jeux
ANNEXE H
10 h 55 – Local de Tous les élèves Séance type au local de motricité: Pastilles de couleurs pour situer les élèves
11 h 20 motricité participent. dans l’espace
- Échauffement dirigé : les élèves suivent les
Gymnase de Audrey et TES mouvements annoncés et démontrés. Time-timer
l’école - Activité dirigée : jeu de bobsleigh en
groupe, course à relais, etc. Pictogrammes des étapes
Dans la - Jeux libres : chaque élève choisit une
classe : coin activité motrice: courir sur un parcours de Matériel sensoriel et de motricité
Bonjours tapis, sauter sur un matelas, lancer une
balle légère, jouer au basketball, faire du
ballon-sauteur, etc.
- Retour au calme : les élèves se couchent
par terre quelques minutes pour se
détendre.
ANNEXE I
EXEMPLE DU TRAITEMENT INITIAL DES ENTRETIENS (ENTRETIEN 1, TRANSCRIPTION P.3) INSPIRÉ PAR
BEAUD ET WEBER (2010)
368
Questions Résumé Premières Description d’Audrey Les pensées, les hypothèses, les
et minutage impressions : jugements d’Audrey
commentaires et Les faits qu’Audrey lie à la séquence
questions d’interaction
Je l’ai fait un peu au début, mais c’est plus une question de facilité, Les autres enfants sont aussi jumelés Question de facilité
les autres enfants sont aussi jumelés entre eux. ex. Jason-Hamir qui entre eux. Forces similaires
ont des forces similaires. Si je prends un élève, ça va avoir un K était parfois jumelé Si enfant aussi compétent
impact sur qui on va jumeler. Il y a eu une période où Keenan et
Sacha avaient moins de comportements. Keenan était parfois S. et L. sont jumelés. Interaction
jumelé. Cela dépendait de ce qu’on faisait dans l’activité, mais s’il individuelle Les facteurs qu’Audrey trouve
était aussi compétent dans l’activité, je le jumelais avec un autre importants
enfant. Les autres jumelages dépendent et
déterminent les autres jumelages
Comportements et compétences
déterminent jumelages
ANNEXE J
Contexte et dynamique de l’entretien C’est la première fois que je propose à Audrey de visionner des extraits et de les commenter. Je n’ai pas préparé de questions
spécifiques en lien avec les extraits.
But initial de cet entretien Soumettre à Audrey des séquences où elle n’interagissait pas nécessairement avec Laura, mais qui montrent différents moments et
différents contextes. Je m’attendais à ce qu’elle puisse faire des liens avec l’interaction.
Critique à l’égard de l’entretien (-) Je n’ai pas su faire faire le lien à Audrey entre les extraits et l’interaction. En effet, les commentaires d’Audrey ne sont pas tous à
propos de l’interaction.
(-) J’ai choisi des extraits où Audrey faisait parfois autre chose. Par ce choix, ai-je orienté l’entretien vers d’autres surjets que
l’interaction enseignante-élève?
(+) Je constate que pour chaque extrait, Audrey m’explique d’abord le contexte des extraits. Bien que cela paraisse de prime abord
loin du thème de l’interaction, cela me permet de faire des liens entre les différentes activités de la classe et d’obtenir le point de vue
d’Audrey comme enseignante organisatrice des activités de la classe.
370
Ce qui revient dans cet entretien Extrait 1 : Les thèmes amenés par Audrey Liens avec entretien #1
Arrivée-livres Nouveau thème
brocheuse Routine habituelle du matin
Organisation, gestion matériel, préparer les activités Gestion de classe
Communication école-maison École-maison
*souvenir vague
Autres intervenants
Intérêt de Laura pour les outils du prof
Rappel des séquences
Acceptation qu’elle prenne brocheuse brièvement
Matériel? (intérêt)
Limiter?
Imite les autres même si pas toujours l’air de regarder Imiter les autres
ou d’imiter, se laisse influencer Présupposés sur les capacités de l’élève
A demandé formes (pointage + « that one ») Demande, geste pointer, verbal, bilinguisme
Laura vient apporter des choses à l’adulte Gestion de classe (sécurité, déplacements, jouer assis,
Limitation des déplacements, contraintes de jouer assis tranquillité)
Prévention et tranquillité
Extrait 5 1 : 1 atelier
Atelier 1 (tâche papier, refaite sur plusieurs séances)
(impression de l’enseignante d’être inutile)
Sensoriel
(intérêt jeux colorés, textures)
Sécurité
(insister pour bonne position assise au début)
Niveau cognitif
(mémoire de travail, quelque chose se passe)
Compter (Audrey compte avec Laura)
Verbaliser
(parfois, Laura verbalise aussi les chiffres)
(Audrey verbalise pour Laura)
(Audrey fait une offre à Laura pour qu’elle verbalise)
Bilinguisme
373
Présupposés capacités
(Audrey sait que Laura sait compter)
Prise de contact
(faire le lion)
Imitation
(enfants placés en demi-cercle, se voient)
Ce qui est spécifique à cet entretien, ce que je Les liens principaux faits avec l’interaction :
retiens particulièrement :
- Le but recherché dans l’interaction : gestion du matériel/sécurité limite l’interaction
- Liens faits avec différentes activités en classe ou avec la maison
- Jeux de faire semblant : chat, café, souris, jus, poupées
- Imiter les autres
- Attendre, donner du sens, verbaliser : More than Words
- Pour chaque extrait, Audrey me parle tout d’abord du contexte
- Souvenir vague ou bon souvenir des séquences
374
ANNEXE K
Indices paraverbaux
Observations objectifs stratégies activités enjeux
Entretien 1 L. fait du bruit attirer attention Initier
E2 Laura chante « fait dodo » (hypothèse d’A.) Initier, prendre contact Atelier A. ne sait pas
Ce serait une manière de conscientiser pour L., pourquoi L. a fait
d’associer les idées. Motricité le lion à ce
(yoga) moment précis de
Ne chante pas souvent à l’école cet atelier.
E3 Répéter des mots vs répéter des sons Verbaliser Faire répéter/verbaliser L. L. répète, mais
sans
Tickle (« kickle ») A. a déjà entendu nécessairement
prononciation plus claire comprendre le
sens.
À l’extrait des fleurs, A. se demande si L.
chantait
E4 Pour A., c’est dans le ton de voix, le ton de la Verbaliser Stratégie de faire répéter (dans l’activité; en Difficulté à
séquence qu’elle saura si L. comprend ou ne fait alternance avec l’adulte, rythme saccadé nommer ce sur
que répéter syllabe par syllabe, ton de voix et débit quoi elle se fie
ralenti; ressenti au feeling) pour cerner
Dans « je t’aime bonne journée », L. répète compréhension
syllabe par syllabe et en alternance avec l’adulte de l’élève
à chaque syllabe
L. peut pleurer et rester prise dans son émotion L’aider à en sortir en lui disant que c’est fini.
E5 L. ne répond pas toujours lorsqu’elle est appelée. Jouer à un jeu de table Interpeller l’élève : stratégie de changer de atelier Terminer le jeu
Obtenir son attention ton (plus jeu après 2-3 répétitions en gardant
Répondre Interpelle en anglais l’intérêt de
l’élève
Implique l’élève
objectif
tâche (lien observation observation- enjeux enjeux soulevés extrait
page notes date activité action spécifique matériel entrevues) Andréa evaluation Audrey strategie categorie ex. strategie nommés par A. par Andréa filmé retenu
L. utilise-t-elle
L. nomme souvent le
les jours de panneau ou a-t-
la semaine. A. est étonnée elle vu quelqu'un
Trouve le de la l'utiliser? A. savait-
choisir 37 (au lieu connaissance elle à ce moment
jours nombre du 27) sur A. parle des mystères des nombres que L. connaissait
98 167 J7 bonjours semaine panneau panneau. du cerveau de L. ses chiffres? E164
A. dit
"glue" très
fort, A. dit "glue" très fort, montre ses
montre ses interpréter gestes yeux. A. lui dit qu'aujourd'hui, ils L. parle-t-elle de la
99 167 J7 atelier formes coller yeux de l'élève + mots ne colleront pas de yeux. colle liquide?
L. fabrique
roues en
100 167 J7 atelier formes coller carton
L. regarde A. me le fait
101 167 J7 atelier formes coller la minuterie remarquer E173
L. va
chercher
jeu de
boîtes et A. la voit et dit qu'elle
102 169 J7 jeux jeux libres animaux animaux est surprise
L. dit
encore
"glue". A.
lui donne
plus de Besoin de (-)
feuilles encadrement
pour interpréter mots L. dit encore "glue". A. lui donne collage? Aime
103 169 J7 activitegroupefleurs coller continuer de l'élève plus de feuilles pour continuer brico?
ANNEXE M
Critère 2:
Critère 3:
Critère 4:
Critère 5:
Nombre
tours de
matériel
6 tours
travail
total
pas
1 extrait minutages résumé activité activité action tâche spécifique matériel minutages extrait Qualité son vue élève Autre élément contexte quoi ver
3
2018-04- 2018-04- L. découpe les images de légumes, les pointe (A. les
demand
11_Annie_C 11_Annie_C QE1: vue face compte) et demande à A. d’ouvrir la colle.
atelier, demande d'aide, colle, coller, colle, ouvrir la
67 J4 60 P_atelier1_L 1 1 1 1 1 5 atelier abclégumes P_atelier1_L 24 60 bien bien profil profil L., dos A.; QE2 <10 (séquence vue avec Audrey)
papiers demander images grognem
eah_0 :42 – eah_0 :42 – dos L., face A. poursuite abécédaire légumes, dernière page. L. a de
"besoin
1 :05 1 :05 la difficulté à ouvrir sa colle
2018-04- 2018-04-
poursuite abécédaire légumes, dernière page. L. colle
11_Annie_C 11_Annie_C QE1: vue face réponse
avec indices de A. et modèle. L. pointe un endroit où
73 J4 66 P_atelier1_L 1 1 1 1 1 5 atelier, images, fiches, colle atelier coller abclégumes P_atelier1_L 21 66 bien bien profil profil L., dos A.; QE2 <10 verbalise
coller. A. verbalise et questionne L. A. lui montre le
eah_4 :24 – eah_4 :24 – dos L., face A. nommer
modèle.
4 :44 4 :44
"qué ci"
2018-04- 2018-04-
L. termine son abécédaire et cherche encore des grognem
11_Annie_C 11_Annie_C QE1: vue face
[10, papiers à coller. L. pointe la feuille et dit XX. Disussion pointant
74 J4 67 P_atelier1_L 1 1 1 1 1 5 atelier, images, fiches, jeu atelier réviser abclégumes P_atelier1_L 30 67 bien bien profil profil L., dos A.; QE2
20] autoir du XL. se rend compte que la case « est vide ». A ce que s
eah_5:45- eah_5:45- dos L., face A.
lui propose de mettre un X. Transition vers 2e jeu répondr
6:14 6:14
oui/non
suite
Nombre
tours de
liens notes,
Qualité image A.- vue autres comment travail Commentaires stratégies pouvant servir exemples;
vue élève Autre élément contexte quoi verbaliser liens objectifs mentionnés en entrevue enjeux, questions soulevées ajustement entretiens, thèmes
L. enseignante caméras verbalisation? autres commentaires
documents
L. fait-elle des liens avec
l’activité précédente (yoga
L. découpe les images de légumes, les pointe (A. les
demande d'aide pour mettre en mots gestes de Beaucoup reformulation: mettre en mots gestes de Communiquer, prendre contact: regarder + animaux)? Interpréter en
QE1: vue face compte) et demande à A. d’ouvrir la colle. compter, demander, yoga lion,
ouvrir la colle (après l'élève (compter), attendre la l'élève, indice (oh hisse), questionnement pour inciter autre, initier, demander, Compter à voix haute, faisant des liens avec d’autres entretien 2,
bien profil profil L., dos A.; QE2 <10 (séquence vue avec Audrey) oui attendre, interpréter en couplant
grognement, L. dit demande d'aide, à la demande, attendre et observer. Accepter que L. dénombrer en pointant (en cours d'atelier, pas activités vécues; Créer un extrait 5
dos L., face A. poursuite abécédaire légumes, dernière page. L. a de plusieurs indices
"besoin aide", compter questionner, commenter fasse lion ou autre pour exprimer prévu?), problème à résoudre (exploiter
la difficulté à ouvrir sa colle
un problème naturel qui se
présente)
questionner, dans cet extrait, Mettre mot gestes/actions de l'eleve, donner du sens;
poursuite abécédaire légumes, dernière page. L. colle A. tente de faire comprendre corriger, accepter non verbal, questionner oui/non, Refaire une tâche déjà travaillée
QE1: vue face réponse oui/non (L.
avec indices de A. et modèle. L. pointe un endroit où les lettres et l'association directive (regarde), confirmer, montrer modèle, antérieurement; Comprendre une tâche, Mettre plus de visuel plus vite?,
bien profil profil L., dos A.; QE2 <10 verbalise bin oui), oui non corriger l'élève
coller. A. verbalise et questionne L. A. lui montre le plutôt que de faire expliquer; utilisation d'un modèle visuel; dans cet Répondre à une question oui ou non, répondre modèle à l'appui;
dos L., face A. nommer les lettres (A.)
modèle. verbaliser. A. verbalise les extrait, A. tente de faire comprendre les lettres et à une question, nommer les lettres
lettres pour L. l'association plutôt que de faire verbaliser.
"qué ci" (quoi ici?), plusieurs stratégies: interpréter gestes de l'élève et
L. termine son abécédaire et cherche encore des grognement, non, eh (en mettre en mots, expliquer pointer, mimier geste, Verbaliser : Communications plus diversifiées,
QE1: vue face reformuler en mots dire et Coupler le verbal, non verbal et
[10, papiers à coller. L. pointe la feuille et dit XX. Disussion pointant); A. reformule questionner, reformulation, attendre et observer (voir plus nombreuses, mais peu de verbal, mettre un x, comparer, répondre à
bien profil profil L., dos A.; QE2 gestes de l'élève, paraverbal pour interpréter ce oui non
20] autoir du XL. se rend compte que la case « est vide ». A ce que se dit élève, que l'élève regarde encore les fiches, donc reprise Répondre à une question oui ou non; une question oui/non
dos L., face A. questionner, expliquer que veut dire l’élève
lui propose de mettre un X. Transition vers 2e jeu répondre question question avec autre indice visuel pour que l'élève comprendre une tâche.
oui/non comprenne, proposer action + directive
ANNEXE N
3. La séquence #3 de la bande-phrase
Mise en contexte
L’atelier de la bande-phrase découle de quatre autres étapes préalables d’un projet sur
l’espace. Les phrases construites sous forme de séquence de pictogrammes ont
comme but de mettre en mots ce qu’illustrent les photos de la construction
personnelle qu’avait réalisée Laura. Sur chaque page est donc collée une photo à
décrire. Audrey souhaite ainsi partir des idées de Laura. Néanmoins, elle met à sa
disposition plusieurs pictogrammes qui représentent aussi des idées d’autres élèves et
non pas uniquement celles de Laura. Dès l’ouverture de la séquence, bien qu’Audrey
évoque le placement d’un dernier pictogramme avant le collage, Laura place plus de
pictogrammes que prévu. Audrey tente de l’arrêter et d’introduire une phase de
verbalisation, mais la laisse finalement poursuivre. Une fois tous les pictogrammes
disponibles placés par Laura dans un ordre précis, les deux interactantes passent
finalement à une phase de verbalisation formelle dans laquelle elles « redisent »
ensemble les deux phrases construites : « Le petit chat est assis dans le véhicule
spatial. Il mange de la pizza et un sandwich. » La séquence se clôt sur la proposition
d’Audrey de coller les pictogrammes.
379
Dans cette séquence, quatre phases s’enchâssent, traduisant les buts communs
poursuivis par les interactantes : la construction de la bande-phrase (choix et
placement de pictogrammes) (1A à 16L), la verbalisation de la phrase (5A à 11A et
17A à 25A) et le collage (27A à 34L). Ces phases ne progressent pas de manière
linéaire et d’autres buts individuels divergents sont insérés en cours d’interaction.
Bien que Laura partage avec Audrey le vécu de verbalisation à partir d’un soutien
visuel, elle ne connaît pas d’emblée l’enchaînement des tâches que prévoit son
enseignante. Ainsi, elle introduit en premier lieu le thème de la colle, puisqu’elle
s’apprête à coller ses pictogrammes (en 1A) immédiatement après avoir placé son
image. Le collage est refoulé par Audrey qui interrompt Laura pour ne ressortir qu’en
27A.
Plus loin en 17A, Audrey enchaîne avec la tâche de verbalisation finale (tâche de
« redire la phrase ») à laquelle Laura adhère tout de suite. Nous reviendrons plus loin
sur les marqueurs qui favorisent cet ajustement instantané. En dernier lieu,
l’enseignante annonce la tâche de collage qui suit (27A) et qui fait un lien avec le
thème de la colle initié en début de séquence par l’élève. Encore ici, Laura consent
immédiatement. Cet enchaînement par Audrey suit l’absence de réponse de l’élève à
son commentaire (« oh là là il en fait des choses hein? »).
Tout compte fait, c’est Audrey qui dans son rôle d’organisatrice des tâches, dans
l’optique des rôles enseignante-élève asymétriques, statue de l’enchaînement des
actions à effectuer (placer les images, verbaliser, coller) et qui initie l’enchaînement
des phases. Laura s’ajuste bien au final en se mettant en action pour chacune des
phases, même si nous voyons dans l’ensemble que la connaissance de l’enseignante
de l’enchaînement des tâches de choisir le pictogramme, de le placer, de verbaliser la
phrase et de coller diverge par rapport à ce qu’anticipait Laura : choisir, placer, coller.
Cette divergence se perçoit aux tours de parole 1A (interruption de la prise de la
colle), 5A (verbalisation par l’enseignante de la phrase créée), et 26L/27A (absence
de réponse de l’élève et enchaînement de l’enseignante).
382
partir un peu de son idée même si c’est moi qui amène un peu l’organisation
dans les idées finales. […] quand j’impose des pictos tu sais je propose des
pictos, c’est que je propose un peu la phrase quand même, mais à partir de ses
idées quand même (entretien 6, p.213)
Tout en voulant inclure des pictogrammes issus des photos de Laura, Audrey choisit
de donner une certaine liberté au moment de l’activité à l’élève dans le choix des
pictogrammes. Conséquemment, un clivage se crée entre l’intention initiale d’Audrey
de faire mettre en mots l’image et la liberté de choix qu’elle octroie et dont profite
finalement l’élève pour sélectionner de nouveaux contenus. Ainsi, lorsqu’Audrey
explique à Laura « on en a une dernière à trouver » en 1A (ensuite reformulé en 3A),
elle exprime alors implicitement cette idée d’une seule image manquante (par
l’adjectif « dernière ») parmi celles à identifier dans la photo à laquelle elle réfère
383
(utilisation du verbe « trouver »). Les tours de paroles suivants de l’élève (2L à 14L)
montrent toutefois qu’elle ne s’ajuste pas à cette intention implicite qu’a en tête
Audrey de reproduire le sens vu sur la photo dans l’optique du projet de l’espace (lien
avec l’objectif de faire des liens avec les activités antérieures, d’associer des idées).
Elle ne choisit pas ses pictogrammes en fonction de la référence à la photo pré-collée
sur le carton. Il semblerait que l’adjectif ordinal « dernière » en 1A soit aussi
particulièrement un point de divergence dans les interprétations de l’élève et de
l’enseignante. Ainsi, même si Audrey accentue sa prononciation en 1A et 3A pour le
mettre en évidence, l’indice « dernière » (au singulier, précédé du déterminant
« une ») n’est pas compris par Laura en 1A et n’est potentiellement pas perçu en 3A,
puisqu’elle a alors déjà entamé son geste de placement du second pictogramme en
chevauchant le tour de parole de son enseignante (en 4A). Cette méconnaissance du
concept de « dernière », additionnée à l’attrait du matériel accessible sur la table,
résulte en un allongement des phases de choix et de placement des images. Voyant
que Laura poursuit ses actions de construction de la bande-phrase par l’ajout de
plusieurs pictogrammes, Audrey s’ajuste, observe et intègre les nouveaux
pictogrammes à ses énoncés.
Avant cet atelier, Laura n’a jamais participé à une telle constitution de bande-phrase.
Toutefois, elle a une certaine habitude rapportée par Audrey en entretien de verbaliser
davantage avec du soutien visuel à l’appui, comme des images ou des pictogrammes.
Laura est en quelque sorte accoutumée à cette manière de nommer chaque image en
les pointant une à la suite de l’autre et cette connaissance du contexte l’aide à bien
s’ajuster dans l’interaction pour la tâche de verbalisation. À cet égard, il est assez
remarquable qu’Audrey n’ait absolument pas besoin d’énoncer explicitement la
consigne de dire verbalement ce que les pictogrammes illustrent. En effet, Laura
« redit la phrase » avec son enseignante (pour reprendre l’expression d’Audrey au 6e
entretien) tronçon par tronçon comme elle a souvent l’habitude de le faire avec un
adulte qui modélise le langage (tours de parole 17A à 24L).
À l’opposé, bien que des mots comme « véhicule spatial » et « véhicule lunaire »
aient été utilisés récemment lors des constructions des élèves sur le thème de l’espace
et dans les livres, ces lexiques ne sont pas couramment utilisés par Laura. Leur
identification sur image et leur prononciation peuvent donc s’avérer plus difficiles.
Dans les faits, elle ne verbalise pas spontanément en 6L « véhicule spatial » comme
elle le fait en 8L (pour « sandwich ») et en 10L (pour « mange ») après qu’Audrey ait
désigné l’image. De plus, lorsqu’elle le répète en 22L, sa prononciation est très
approximative (« vévédé paï »).
Du côté de l’utilisation du matériel par Laura, nous relevons le petit rire d’Audrey en
17A après le placement du dernier pictogramme par l’élève en 14L. Ce rire exprime
sa reconnaissance d’un trait de l’élève qui la fait sourire, cette tendance qu’elle a à
épuiser tout le matériel disponible. Dans l’entretien de rétroaction, Audrey nous
explique le moment du retrait du pictogramme « fusée » en lien avec ce plaisir qu’a
386
Pour continuer avec le retrait de la fusée, il s’avère que ce geste non verbal de
contrôle du matériel est relevé comme indice de sens convergent par les deux
interactantes. Préalablement, après que Laura ait pris l’image de la fusée dans sa main
en 12L, Audrey tente un premier « rattrapage » (en 13A) non détecté par l’élève. Elle
suit le mouvement de Laura qui saisit le pictogramme, elle tourne sa paume vers le
haut et ouvre sa main dans le geste emblématique d’attente que soit déposé un objet
au creux de la main, que l’élève lui remette le pictogramme. Or, Laura contourne
plutôt ce geste de l’enseignante en ne semblant pas l’identifier et place l’image sur la
bande-phrase en poursuivant son action déjà entamée de placer tous les pictogrammes
sur le carton. En seconde tentative, Audrey retire alors le pictogramme et le cache
près d’elle en expliquant verbalement son motif. Laura suit à ce moment le geste de
retrait de l’enseignante en superposant sa main au bras d’Audrey. Elle ne retire sa
main que lorsqu’Audrey a complètement retiré le pictogramme de la table et l’a caché
près de son corps. Le retrait de sa main montre qu’elle ratifie finalement le rejet du
387
D’autres types de gestes de manipulation du matériel semblent avoir une aussi grande
portée dans la séquence et sont parfaitement coanalysés. C’est le cas pour les trois
gestes de l’enseignante qui glisse le matériel sur la table. Effectivement, en 3A, le
geste d’Audrey d’étendre d’une main les pictogrammes restants sur la table vient
parachever la verbalisation de l’action visée (mettre une dernière image), puisqu’il
indique l’information supplémentaire à l’élève que les images à placer sont parmi
388
En contraste avec les gestes de glissement, les pointages d’Audrey ne sont pas
toujours suffisants pour assurer l’ajustement des interactantes. En analysant plus en
profondeur leur contexte d’apparition, deux de ces gestes de pointage surviennent
alors que l’élève poursuit son action de placer des pictogrammes. D’abord, en 5A,
Audrey pointe le pictogramme du véhicule spatial que Laura vient de placer en
verbalisant la signification de la première phrase de la bande. Le but de verbalisation
de l’enseignante ressort alors. Bien que Laura oriente son regard sur la bande-phrase,
389
D’autres gestes de pointage de l’enseignante sont beaucoup mieux perçus par l’élève.
Il s’agit des gestes de pointage lorsqu’Audrey et Laura orientent toutes deux leur
regard sur la bande-phrase et réalisent ensemble la phase de verbalisation (tours de
parole 17A à 24L). Le pointage image par image d’Audrey suit alors le débit lent et la
troncation de la phrase qu’elle énonce. Laura oriente bien successivement son regard
sur chacune des images pointées et en verbalise quelques-unes. Tout compte fait, les
gestes de glissement attirent davantage l’attention visuelle de l’élève, tandis que les
gestes de pointage redondants par rapport aux images nommées sont bien cointerpétés
à condition que 1- l’élève n’entreprenne pas une autre action simultanément et 2- que
le rythme soit ralenti pour laisser à l’élève le temps d’aligner adéquatement son
regard.
390
Tout d’abord, rappelons que pour Audrey, la mise en action de l’élève marque sa
compréhension en général, comme elle le mentionne en entretien : « Laura on
confirme sa compréhension dans l’action » (transcription entretien, p.174); « des fois
je le vois [sa compréhension] parce qu’elle fait l’action par la suite » (transcription
entretien p.76). La compréhension de l’élève en action se constate en 2L (choix d’un
pictogramme par l’élève), en 10L (prise du pictogramme « mange ») et en 18L
(verbalisation des segments après l’enseignante). Il n’en reste pas moins que l’action
de l’élève en chevauchement à celle de son enseignante (en 4L, 6L, 12L et 14L) est
aussi porteuse d’une divergence et d’une nécessité de finaliser son projet entrepris.
L’élève bouge rapidement et ne tient alors pas compte des indices verbaux et gestuels
de son enseignante. En résumé, l’action de Laura est un indice d’ajustement en lien
avec les directives données plus ou moins explicitement par Audrey, mais peut toute
aussi traduire un empressement à agir sans tenir compte des marqueurs donnés par
l’autre participant et donc constituer un signe de difficulté d’ajustement.
Dans cet extrait, l’élève énonce verbalement quelques mots isolés. Elle répète aussi
beaucoup de mots à la suite de son enseignante. Lorsque questionnée en entretien à
propos de quel degré de compréhension avait Laura selon elle, Audrey nous explique
comment elle différencie une réelle compréhension de l’élève du sens de la phrase
d’une répétition de la forme (l’un des objectifs visés de la communication orale) :
391
D’après moi elle comprend, parce qu’elle pointe en même temps, regarde
l’image, puis elle répète quand même assez clairement, puis en regardant
l’image. Je pense qu’elle sait que les mots, les sons qu’on est en train de dire ils
ont rapport avec l’image. Je suis pas mal certaine à cause des indices qu’elle
regarde, qu’elle pointe. Quand il n’y a pas de support visuel, c’est plus difficile
je pense pour elle et pour moi aussi d’avoir des indices qui vont me permettre
de le savoir.
hein? »), l’élève n’offre encore une fois pas de réponse au commentaire malgré
l’intonation montante en fin d’énoncé et l’interjection « hein » jouant le rôle de
sollicitation d’approbation. Laura transgresse effectivement une norme de
l’interaction en ne donnant pas son accord, son tour de parole consistant simplement
en un geste auto-adaptateur (toucher son nez en 26L). Conséquemment, l’enseignante
enchaîne en annonçant la tâche de collage qui suit par une phrase déclarative avec
ajout de l’intonation montante en fin d’énoncé qui sollicite une réponse oui/non de
l’élève (« on va coller ça? »). Elle y joint le geste de pointage et déplacement du
carton. Cette fois, Laura offre une réponse multimodale claire à la question
(hochement de tête + interjection « hm hm »).
En définitive, il semblerait d’après cette séquence qu’à elles seules, sans autres
indices multimodaux, les demandes d’approbation ne sont pas relevées par l’élève,
comme c’est le cas en 13A/14L et en 25A/26L. De plus, la sollicitation directe par
questionnement favorise un ajustement opérationnel des deux interactantes que le
simple commentaire.
En guise de synthèse, nous relevons dans cette séquence trois principales causes des
difficultés d’ajustement : 1- la méconnaissance du concept de « dernière » jumelée au
but implicite non partagé de reproduire le sens de la photographie liée à une étape
antérieure du projet de l’espace et à la quantité de matériel disponible; 2- les actions
simultanées divergentes de l’élève et de l’enseignante; 3- la difficulté de l’élève
d’interpréter les commentaires et les demandes d’approbation.
395
De son côté, l’enjeu de la « dernière image représentée sur la photo » est marqué
principalement par l’action rapide répétée de l’élève qui multiplie les gestes d’ajouts
de pictogrammes sur le carton sans tenir compte des interventions de son enseignante
qu’elle chevauche. Il est aussi marqué par l’absence de réponse de l’élève au
commentaire de l’enseignante et à ses demandes d’approbation par oui/non. Ce
problème des multiples images ajoutées rapidement se solde non pas par les
explications verbales de l’enseignante, commentaires et questions, mais par
l’épuisement des pictogrammes disponibles et par le retrait du dernier pictogramme
de la fusée par l’enseignante.
Au sujet des actions simultanées que veulent entreprendre les participantes, elles
traduisent les difficultés d’ajustement quant aux buts qu’elles visent respectivement.
Nous notons que l’élève n’est pas disponible pour répondre aux commentaires et
demandes de son enseignante tant qu’elle n’a pas terminé ses ajouts de pictogrammes.
Malgré les stratégies verbales, paraverbales et non verbales de l’enseignante, l’élève
ne s’ajuste partiellement aux sollicitations de l’enseignante durant ses placements de
pictogrammes que lorsqu’Audrey glisse vers elle un pictogramme. L’élève oriente
alors son attention sur ce pictogramme glissé. Ce n’est donc qu’en adhérant au projet
de l’élève de placer les pictogrammes sur la bande-phrase par son geste de
déplacement du pictogramme que l’enseignante réussit à orienter l’attention de
l’élève.
Tout compte fait, les marqueurs coanalysés qui font évoluer l’interaction avec les
meilleurs ajustements sont ici les marqueurs non verbaux de glissement du matériel,
de pointages successifs des pictogrammes, accompagnés d’indices paraverbaux forts
comme le ralentissement du rythme, la troncation de l’énoncé qui suit l’enchaînement
des pictogrammes et les nombreuses pauses accordées pour laisser l’élève prendre
adéquatement son tour de parole. Ces marqueurs ne sont porteurs dans l’interaction
qu’à la condition que l’élève soit disponible, donc ne soit pas en action. La
multimodalité apparaît aussi chez l’élève par un alignement du regard et des mots
isolés au rythme des pointages et des modelages. Ces mots isolés identifient non
seulement les pictogrammes, mais reflètent aussi le sens de la phrase construite.
397
Mise en contexte
Cette séquence porte sur la l’épisode de « dire les présences » pour laquelle Laura est
mandatée ce jour-là. Au début, Audrey aide Laura qui ne considère pas les prénoms
écrits parmi les items à classer dans les colonnes « présents » ou « absents » sur le
TNI, les autres éléments étant des photos. Lorsque Laura termine son classement des
photos/prénoms des enfants et adultes de la classe, elle insiste pour rester au tableau
et demande les crayons. Audrey refuse, l’incite à retourner à sa place, puis lui
explique à l’aide de la bande-tâches que son travail de dire les présences est bel et
bien terminé. Laura revient alors à la charge en se redirigeant vers le tableau. C’est
alors qu’elle entame le dénombrement des personnes présentes, assistée par Audrey.
Enfin, elle retourne s’asseoir et Audrey explicite verbalement la fin des présences.
398
Dans cette séquence, Audrey et Laura connaissent les rôles des participants : une
personne est nommée par transaction pour effectuer les tâches, puis lorsque l’élève
désigné a terminé, il retourne s’asseoir sur sa chaise placée en ligne avec les autres
élèves pour la suite des bonjours. Laura montre cette connaissance lorsqu’elle
retourne à sa place en 16L et 38L.
Bien j’essayais de lui faire voir que sa tâche était finie, parce que la tâche était
de mettre du monde à l’école et d’en mettre à la maison et que c’est fait. […]
Regarde, c’est réussi, c’est complet, mais là de toute évidence elle trouvait que
ce n’était pas bien réalisé (transcription, entretien 6 p.223-224)
400
Cette séquence s’ouvre sur Audrey qui apporte son aide à Laura pour repérer,
identifier et glisser les prénoms écrits (1A à 4L), puisque Laura ne les considérait
d’emblée pas comme représentant des personnes à classer. Laura cherche donc les
photos et néglige les mots. Plus loin lors de sa phase de dénombrement, Laura ne
tient encore pas compte des mots écrits, ce qui l’amène à orienter son regard et
entamer un geste vers les photos de personnes absentes de l’école (34L). Audrey doit
encore une fois intervenir pour régler cette incompréhension liée à l’aspect physique
du matériel.
Une autre incompréhension survient en 17A à 19A lorsqu’Audrey relate les tâches
que l’élève a accomplies. Elle utilise alors une conjugaison de verbe à l’imparfait
« devait dire » et au passé composé « tu as dit. » Ces marqueurs morphologiques
indiquent que l’action est bel et bien terminée. Or, Laura s’élance à nouveau vers le
tableau en n’ayant visiblement pas saisi ces marqueurs, mais axant plutôt sur
l’incomplétude qu’elle y percevait.
Le vent tourne donc lorsque Laura se relève de sa chaise pour se diriger à nouveau
vers le tableau en levant les bras en l’air de en s’exclamant (20L). À ce moment,
Laura saisit la baguette et commence son dénombrement à voix haute. Audrey entame
un geste de monstration de la bande-tâches à l’endroit de l’élève en l’accompagnant
du directif « regarde » (23A). Pourtant, la stratégie d’observer et de laisser Laura agir
pour lui donner le temps de montrer des indices de ses intentions prennent le dessus
402
Mais tu sais là, le fait qu’elle insiste, qu’elle revient, je me dis il y a quelque
chose. J’ai-tu oublié quelque chose, il y a-tu un mot ou quelqu’un qu’elle veut
écrire ou que tu sais, c’est ça. Il y a vraiment quelque chose d’autre, puis je me
dis bien regarde, on va regarder, on ne perd rien à regarder ce qu’elle va faire.
Ça va peut-être nous donner un indice de qu’est-ce qu’elle veut, de ce qui n’est
pas clair pour elle ou qu’est-ce qui n’est pas complet pour elle.
Cette stratégie s’inscrit tout à fait dans les approches interactionnistes que prône
Audrey dans son enseignement contrairement à ces pratiques d’il y a quelques
années. Elle commente d’ailleurs : « Oui, bien tu sais je me dis elle insiste, sinon je
l’aurais, il y a quelques années, je lui aurais dit (prend une voix plus aiguë et plus
saccadée) va t’asseoir, retourne t’asseoir, c’est assez, je vais te mettre dans le jaune
(rire). » (entretien 6, transcription entretiens p.220)
Déjà là, elle était comme contrariée d’arrêter, elle va à sa place fâchée puis un
petit peu de peine et de misère puis là elle revient. C’est comme ok, elle a
quelque chose à faire là, il y quelque chose. […] Mais tu sais le fait qu’elle
403
insiste qu’elle insiste. C’est rare que, bien des fois elle va plus se mettre plus à
pleurer. Admettons que c’est juste qu’elle est vraiment contrariée puis que tu
sais regarde c’était non. Il n’y a pas rien à rajouter mais tu sais elle va plus
comme se mettre à pleurer, puis être résignée parce que - comprendre que bon,
il n’y a plus rien à faire, il n’y a plus rien à faire.
En appui aux propos d’Audrey, nous avons pu observer Laura pleurer lors d’une autre
journée d’observation lorsqu’elle s’est vue refuser un autocollant. Dans l’extrait ci-
haut, Laura tente d’introduire une autre tâche par la demande du crayon, alors que
dans le cas de l’autocollant, aucune autre phase à l’activité n’était possible.
404
Contrairement aux autres séquences, c’est à un moment par son inaction que Laura
montre son ajustement dans l’interaction. En effet, Laura arrête son mouvement de
pointage vers la photo d’Aline, recule sa baguette et redirige son regard vers le mot
écrit que touche Audrey dès que cette dernière énonce verbalement « neuf » en 35A.
Dans ce cas, Laura réalise que l’action de dénombrer se poursuit malgré la difficulté
qu’elle avait de ne plus avoir de photos à déplacer dans la colonne « à l’école. » Elle
perçoit donc immédiatement l’aide qu’apporte son enseignante. Cet ajustement par
l’interruption de son action et l’alignement de son regard n’est toutefois pas perçu par
Audrey qui sollicite verbalement son attention (« attends regarde ici » en 37A).
405
Dans cette séquence, Audrey interpelle maintes fois Laura par son prénom ou un
surnom dans le but 1- d’attirer son attention (« Laura » + « regarde » accentué ou
avec intonation montante en 15A; 39A); 2- de renforcer son adresse (« ma belle » en
11A); 3- de souligner son rôle dans la transaction des présences (« Laura (accentué)
devait » et « merci Laura » 17A; 39A).
Dans cette séquence, Audrey a recours à une escalade des moyens pour faire
comprendre à Laura que sa tâche est terminée. Après lui avoir retiré la baguette et
l’avoir félicitée, elle passe d’une explication plus spécifique sur la non-nécessité du
crayon (11A), à une explication sur la fin de la tâche déclarée finie (13A), puis à une
explication encore plus globale sur en consiste la responsabilité de « dire les
406
présences » et à revenir en arrière sur ce qui a été réalisé (17A). Ce faisant, Audrey
insère entre les explications verbales des indices physiques et visuels à l’élève :
blocage de son geste de prise de crayon, éloignement avec l’élève du tableau, prise
d’un outil visuel avec une formulation énonciative de son intention avec l’outil « je
vais te montrer » en 17A, pointage déictique du tableau de présences. Toute cette
escalade de stratégies parvient à convaincre temporairement l’élève de retourner à sa
place grâce à l’éloignement physique, mais l’enseignante ne parvient pas à faire
comprendre la complétude de la tâche. L’élève y voit alors le contraire : il reste
quelque chose à compléter lorsque l’enseignante pointe le tableau.
4.4.4 L’ébauche
Enfin, Audrey utilise une ébauche dans le but de faire compléter son énoncé à Laura
en 41A. Pour ce faire, elle interrompt son énoncé avant la fin de sa phrase et allonge
« c’est » prononcé avec une intonation montante. Tous ces indices contribuent à la
prise de parole de Laura qui a été désignée par son prénom pour répondre. Elle, saisit
parfaitement la demande implicite. Ce format d’ébauche est couramment utilisé par
l’enseignante pour inciter l’élève à verbaliser, l’élève est par conséquent en terrain
connu. Pour Audrey qui se sert de sa connaissance de l’élève, la compréhension de la
fin de la transaction par Laura est indéniable grâce à l’ajout du signe des mains
animées (entretien 6, transcription entretiens, p.225):
Oui, puis elle fait le fini. Elle ne le fait pas tout le temps d’emblée
spontanément ou même quand on va le faire si elle n’a pas vraiment fini ou
qu’elle ne veut pas vraiment arrêter. Ou même d’autres fois où elle pense peut-
être à d’autres choses. Elle ne le fera pas toujours aussi clairement consistant
que ça.
est strictement orienté vers l’élève ou le tableau (ex. 11A). Au contraire, lorsqu’elle
inclut le groupe dans son destinataire, Audrey a un volume de voix élevé et tourne
son corps vers la rangée d’élèves devant elle (ex. 37A).
Stratégies de sollicitation pour attirer et gérer Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
l’attention de l’élève
Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’abécédaire phrase Bonjours
Attirer/gérer l’attention par du matériel (réduire A. attire directement l’attention A. gère l’attention de Laura en
ou contrôler) de l’élève sur du matériel en retirant et contrôlant le matériel,
montrant le matériel (en le comme lors du retrait de la fusée en
- Approcher un outil visuel de Laura, le pointer de déplaçant) ou en le pointant + 15A. Son but est alors de réorienter
loin ou l’amener près d’elle; montrer un directive verbale (« regarde » ou l’attention de l’élève. Le retrait du
pictogramme, une image, la bande-tâches. « regarde ici ») (ex. 4A). matériel aide effectivement Laura à
orienter son attention sur la tâche
- Restreindre les distractions pour orienter les Les gestes sont complémentaires demandée (par exemple verbaliser
actions de Laura pour qu’elle comprenne ce qu’on à la directive verbale « regarde » la phrase). Dans cette séquence,
attend d’elle. pour indiquer visuellement cette stratégie s’utilise en aval de
l’endroit où regarder. l’action de l’élève plutôt qu’en
- Retirer, restreindre le matériel si on ne veut pas amont, c’est-à-dire qu’Audrey retire
que Laura l’utilise tout de suite; contrôler A. retire le matériel superflu le bâton de colle en 1A et le
l’utilisation du matériel. (papiers superflus et colle en 8A pictogramme de la fusée en 15A
et 12A) alors que l’élève avait après que Laura ait démontré
- Utiliser du matériel visuel à visée didactique (ex. porté son attention dessus. qu’elle voulait les utiliser.
jeu avec des cartes illustratives) pour faire
construire des phrases ou nommer des images à A. attire l’attention de l’élève sur le
Laura. Ils attirent son attention et favorisent sa matériel en le déplaçant (entre
verbalisation. autres en 3A et 31A avec la bande-
phrase et la colle). Ces
déplacements de matériel aident
immédiatement Laura à aligner son
regard sur l’objet souhaité.
Stratégies de sollicitation pour inciter l’élève à agir Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
Demande Elle l’incite aussi à Audrey incite Laura à prendre le bâton de En 5A, Audrey fait une
agir par un directif colle en 31A en lui tendant la colle (indice demande implicite à
- Directive directe ou demande de verbalisation directe. (consigne « ferme ») gestuel) et par une demande directe Laura de remise du
accompagné de « tiens. » Son geste de remise de la colle matériel par son action
- Répéter le mot important pour que l’élève le reprenne. l’action de lui combiné au langage agit comme indices de tirer sur la baguette
remettre le bouchon contextuels qu’à à la phase de collage que tient l’élève.
- Inciter Laura à parler lors d’une frustration en lui de la colle. Le geste + entamée. Il est fort intéressant de constater
demandant explicitement de le faire. matériel est qu’il s’agit là des deux seules incitations En 23A, Audrey
supplémentaire au verbales (retrait et prise de colle) à agir demande à Laura de
413
- Ébauche pour demande à compléter (ex. « je veux… »). langage (fermer le formulées sous forme de consigne directe. regarder la bande-tâches
bouchon + de la colle) « regarde », ce qui ne
- Faire dire mot à mot en demandant de répéter chaque mot, et fait appel aux fonctionne pas, puisque
entre autres : connaissances de Laura poursuit son action
l’élève sur entamée.
o dans une activité routinisée au langage prévisible l’utilisation d’un
que Laura connaît bien; bâton de colle (18A). Audrey formule
(introduction du
o lors de demandes de verbalisations non langage), modélise
routinisées dans les activités (ex. verbaliser une partiellement le langage
phrase construite avec des pictogrammes); tout en incitant l’élève à
agir par une stratégie
o en ralentissant le débit et en tronquant l’énoncé d’ébauche en 41A.
en plusieurs segments (mots, expression,
syllabes) que Laura répète au fur et à mesure en
alternance avec l’adulte.
Question (ouverte, choix, choix oui/non) A. incite l’élève à agir en lui En 7A, Audrey adresse une question
offrant le choix de poser une directe ouverte (« qu’est-ce qu’i
- Questionner (tous les types de questions). action (celle de faire un « x ») fait? ») à Laura qui offre
ou non (question fermée). immédiatement une réponse, quoique
- Questionner en donnant le choix « oui ou non? » syntaxiquement et lexicalement
explicite à la fin de la question. incomplète. L’enseignante renchérit
alors en utilisant une stratégie
- Valider en requestionnant Laura et en cas de doute d’étayage de reprise partielle sous
sur sa première réponse. forme d’interrogation non inversée et
sollicite ainsi l’approbation de
l’élève. Laura démontre une certaine
difficulté dans cette séquence à
donner son approbation comme
attendu.
Indice (verbal, gestuel, assistance physique) Audrey sollicite Laura à agir en En début de séquence,
interrompant physiquement le mouvement Audrey déplace les mots-
- Expliciter les indices visuellement (encercler, de prise de colle Laura en se saisissant de écrits avec Laura en
mettre en couleur, etc.). la colle en ajoutant la directive verbale l’assistant physiquement
« attends » en 1A. (main sur main).
Stratégies seules, combinées ou escalade des Une escalade est utilisée pour
incitations faire comprendre en quoi
consiste l’action de tracer un
Audrey enchaîne plusieurs stratégies pour atteindre « x » (voir section étayage).
son but, mais celles-ci ne sont pas préordonnées,
prévisibles, ni toutes de l’ordre de la sollicitation.
416
Stratégies de stimulation qui suivent les Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
intérêts de l’élève : observer et attendre
Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’abécédaire phrase Bonjours
Accepter le changement de centre d’attention Voyant ce qui attire l’attention de En 17A, Audrey prend le
(focus) momentanément pour revenir plus tard à Laura, Audrey accepte le temps d’expliquer à Laura
l’exigence (hold) changement de centre d’attention les raisons de son retour à
(focus)momentané de l’élève, par sa place.
- Laisser tomber un peu l’exigence et exemple lorsque celle-ci s’intéresse
observer/attendre lorsque Laura ne répond pas à à un deuxième pictogramme en 7A
une question, un commentaire ou lorsqu’elle ou au pictogramme de la fusée en
semble absorbée par sa propre action. 11A et non plus à l’ensemble de la
bande-phrase créée. Ce changement
- Aider Laura à sortir d’une émotion négative en la de centre d’attention est bien
consolant, puis en la réorientant rapidement vers accepté pour une durée limitée,
l’activité en cours. puisque l’enseignante ramène le
thème de la bande-phrase et de
- Ramener Laura à son intérêt pour l’inclure à l’exigence implicite de sa
l’activité en cours. verbalisation en 9A, puis en 17A.
Observer l’élève, ce sur quoi porte son attention A. suit l’intérêt de l’élève en En 5A, 7A, 11A et 13A, Audrey De 21A à 24L, Audrey
observant l’orientation du sait observer ce sur quoi porte observe ce que fait Laura et
- Regarder Laura pour trouver des indices sur regard de l’élève entre la fiche l’attention et l’action de Laura. Elle interrompt sa propre action de
l’action qu’elle fait, du produit fini qu’elle réalise, et le jeu (13L et 14A). repère donc le pictogramme chaque vouloir monter la bande-tâche
de ce qu’elle veut dire, etc. fois placé par l’élève. pour mieux observer ce que
fait l’élève.
- Voir les signes multimodaux, chercher les indices, Audrey se fie aux indices
interpréter les actions de Laura en lien avec le multimodaux comprenant la mise Elle combine les indices
contexte spatio-temporel immédiat et les autres en action de l’élève (placer des contextuels (activité, tâches
interactions passées vécues. pictogrammes) pour cerner sa habituelles, gestes et langage
compréhension. actuel de l’élève) à sa
- Observer Laura pour confirmer une hypothèse connaissance des réactions
d’interprétation. Audrey se fie aux indices habituelles de l’élève pour
multimodaux que sont le regard et interpréter la teneur de
- Observer Laura en action, ses actions confirmeront la répétition de segments avec une l’intention de l’élève.
sa compréhension dans une activité. prononciation assez claire lors de la
phase de verbalisation. Elle Elle interrompt sa propre
détermine ainsi si Laura répète action, observe pour déceler
machinalement ou s’il y a réelle l’obtention de l’attention de
compréhension. l’élève (ce sur quoi porte son
attention) avant de poursuivre
sa propre action en 39A
418
Attendre plus longtemps pour donner le temps de Au début, A. laisse l’élève Cette stratégie est surtout flagrante
répondre explorer les papiers restants et durant la phase de verbalisation
verbaliser sa préoccupation finale à travers les nombreuses
Attendre que Laura envoie un « signe » d’initiation concernant le vide. Elle pauses plus longues octroyées pour
ou de réponse ou qu’elle fasse un bout de la tâche. observe ainsi l’élève et attends laisser l’élève prendre ses tours de
qu’elle initie. parole. Ces délais dans l’attente de
réponse fonctionnent bien et
C’est en observant l’élève et rendent plus explicite à l’élève son
son inaction que l’enseignante rôle de remplir son tour de parole.
décide d’insister sur la
proposition de tracer un x (en
8A et 10A). Elle observe ainsi
l’élève.
Stratégies de stimulation qui suivent les Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
intérêts de l’élève : imiter l’élève
Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’abécédaire phrase Bonjours
Stratégies de stimulation qui suivent les Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
intérêts de l’élève : répondre aux
préoccupations et aux intérêts du moment de Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’élève l’abécédaire phrase Bonjours
Inclure la préoccupation ou l’intérêt de l’élève L’enseignante inclut l’intérêt Tout au long de la phase de choix et Audrey inclut l’intérêt de
dans l’activité en cours de l’élève à l’activité en cours placement des pictogrammes et Laura pour le
(écriture, crayon) par une même plus largement tout au long dénombrement dans
- Mettre à disposition le vrai matériel et les livres proposition d’action (tracer). du projet de l’espace, Audrey l’activité en cours.
lus de littérature jeunesse pour que Laura puisse le considère les intérêts de l’élève en
montrer, évoquer une idée. acceptant d’intégrer les choix de
l’élève (pictogrammes) à l’activité.
- Créer du matériel à partir des idées de Laura, de
ses choix de matériel, des photographies d’elle et Audrey introduit immédiatement
de ses productions. dans son énoncé verbal les
pictogrammes que choisit Laura (en
- Favoriser les activités collectives pour que Laura 5A et 7A). Ce faisant, elle introduit
participe à sa façon et montre sa compréhension. aussi le langage dans l’action non
verbale en cours.
- Impliquer Laura pour ne pas la laisser jouer
librement dans les transitions (routine d’arrivée,
rangement, périodes d’attente, etc.).
Répondre à ce qui est dit/fait; répondre aux L’enseignante répond (14A et Audrey répond spécifiquement en En 13A, Audrey répond à
initiations verbales et non verbales de l’enfant et 16) à l’intérêt de l’élève pour 1A et en 15A à ce que fait l’élève, la demande du crayon de
aux écholalies comme porteuses de sens le jeu (pointé, regardé) en lui c’est-à-dire à son intention Laura.
expliquant la séquence manifestée de manière non verbale
- Verbaliser, nommer et désigner les choses qui d’actions qui y mène. Elle de coller (en 1A) et celle d’inclure
intéressent Laura (qu’elle regarde, qu’elle pointe, répond ainsi à sa la fusée (en 15A). Plus loin en 33A,
qu’elle manipule, dont elle tente de dire quelque préoccupation. Audrey indique verbalement qu’il
chose). est maintenant le bon temps pour
avoir la colle (« tu peux avoir la
- Lorsque Laura montre, partage ou fait un colle ») et rend le matériel
422
Introduire un changement
Offrir des choix dont matériel Elle offre des choix parmi le
matériel (choix plus large de
- Placer des objets devant Laura pour qu’elle pictogrammes que ce qui est
exprime un choix, verbalement ou non (ex. colle, prévu).
424
ciseaux, crayon).
Stratégies d’étayage langagier pour soutenir Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
la compréhension de l’élève ou rectifier une
incompréhension Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’abécédaire phrase Bonjours
Elle modifie la
prosodie/musicalité de sa
voix pour solliciter Laura
personnellement ou le
groupe : volume de la voix
plus élevé pour inclure le
groupe. Elle combine aussi
son langage à l’orientation
de son regard et à sa
posture orientée plutôt vers
le groupe ou vers l’élève.
426
Combiner : compléter le langage avec des indices Dans cette séquence, A. En 31A, le geste d’Audrey de Audrey tente de rectifier
contextuels (matériel, gestes, mimes, etc.)/des accompagne en tout temps son remise de la colle combiné au une incompréhension en
aides visuelles à la compréhension langage verbal de gestes qui langage agit comme indice expliquant les indices
l’appuient pour soutenir la contextuel indiquant à la phase de contextuels à Laura tout en
Toutes ces stratégies s’accompagnent de langage compréhension de l’élève. Le collage entamée. les montrant. Elle élargit
verbal : langage conserve une place chaque fois son explication
centrale et est entouré de Il est à noter que dans le cas du verbale (escalade des
- approcher un outil visuel de Laura; ressources multimodales. Elle retrait de la colle comme dans le moyens). Elle utilise aussi
n’utilise jamais les gestes et le cas du retrait du pictogramme, les l’indice d’assistance
- montrer/fournir un outil visuel/pictogramme; matériel de manière isolée stratégies de contrôle du matériel physique complète en
dans ses énoncés. sont utilisées en combinaison avec s’éloignant du tableau avec
- utiliser un pictogramme ou une photo lorsque le le langage verbal. Audrey vise l’élève, ce qui amène
contenu est plus abstrait; Le matériel (fiche-modèle, alors la compréhension de l’élève effectivement l’élève à
bouchon de colle, jeu) et sa du retrait du matériel et justifie son agir, sans toutefois l’aider
- mimer un geste ou montrer graduellement ce qu’il monstration revêtent une acte par une explication verbale. Au à comprendre.
faut faire en faisant des mouvements, comme place centrale dans les contraire, le geste plus subtil
l’action de tracer un « x » dans la séquence de explications de l’enseignante conventionnel tenté en 13A se Elle utilise le TNI et la
l’abécédaire au chapitre V; pour faciliter la voulant un indice gestuel pour bande-phrase pour appuyer
compréhension de l’élève. inciter l’élève à remettre le ses explications verbales.
- utiliser des mimiques exagérées comme le fait la pictogramme n’est pas accompagné
mère de Laura; L’enseignante prodigue un de langage.
étayage langagier multimodal
- pointer un indice visuel (objet, outil, lieu) : en ayant recours à une Les gestes en 3A, 27A et 31A sont
escalade des stratégies porteurs dans la mesure où ils
o les pointages peuvent être visuelles liées à la fiche- appuient le langage verbal :
redondants par rapport aux mots modèle, alors que l’élève
dits, complémentaires ou semble « figée » par son o Audrey combine le pointage au
supplémentaires; incompréhension : langage dans une visée
complémentaire, comme
427
- expliciter les indices déjà présents visuellement; - La fiche-modèle est lorsqu’elle déplace le carton en
d’abord rapprochée de le désignant par le pronom
- rendre le matériel plus explicite, plus clair; l’élève (2A). démonstratif déictique « ça. »
- avoir recours aux photos en classe et envoyées à la - L’espace à observer est o Elle combine le langage au
maison pour soutenir la verbalisation. ensuite pointé sur la fiche- geste dans un usage
modèle (en complément supplémentaire au langage,
de la consigne) (4). comme lorsqu’elle étale les
pictogrammes sur la table en
- Le x est ensuite 3A pour indiquer où chercher
précisément désigné en les pictogrammes, ou qu’elle
redondance à sa glisse le pictogramme
désignation verbale (6A, « mange » vers l’élève en 9A
8A). pour lui indiquer implicitement
la pertinence de la placer sur la
- Le x est ensuite désigné et
bande-phrase.
tracé par le doigt sur la
fiche de l’élève en
o Elle combine à maintes reprises
supplément, ce qui précise
le langage avec des indices
l’action de « faire un x »
gestuels. Ces indices sont
nommée (10A).
souvent redondants avec le
La fiche est finalement rangée langage. Elle apporte un
devant l’élève et le bouchon soutien visuel par la
est remis à l’élève (actions désignation des pictogrammes
supplémentaires à la (par exemple en 5A pour
déclaration « ça c’est fini » et « véhicule spatial », en 9A pour
à la consigne « ferme ») (16A, « mange » et en 17, 19, 21, 23
18A). pour le pointage successif des
pictogrammes de la phrase
Enfin, le jeu est pointé en verbalisée).
même temps qu’il est nommé
verbalement (« le jeu » : 18A).
428
Présenter les instructions graduellement Lorsqu’elle statue de Audrey présente les instructions
l’enchaînement des actions, graduellement lorsqu’elles
- Ajuster les règles d’un jeu. l’enseignante présente les apparaissent nécessaires en
instructions graduellement proposant un seul objectif à la fois :
- Avoir recours aux soutiens visuels permettant pour montrer la séquence trouver un dernier pictogramme en
d’identifier, de pointer successivement des d’actions (bouchon, jeu) et (1A et 3A), retirer la fusée en 15A,
pictogrammes. rend ainsi le langage verbal puis coller en 27A. En 1A et 27A,
accessible (macro-stratégie Audrey introduit ainsi verbalement
- Questionner Laura étape par étape et montrer un d’étayage langagier). les phases et leurs actions
outil visuel qui souligne les étapes (ex. bande- impliquées.
tâche dans l’activité des présences/Bonjours).
Utiliser des phrases complètes avec des énoncés A. énonce séquentiellement et Audrey s’exprime verbalement
courts avec de courts énoncés les dans cette séquence en séparant
prochaines étapes : « ça, c’est bien chacun de ses mots et en ayant
- Même lors d’une activité où des mots-clés sont fini » (en montrant une fiche), une prononciation appuyée. Elle
identifiés par des pictogrammes (séquence #3 de la « ferme » (en pointant la allonge d’ailleurs les pauses entre
bande-phrase au chapitre V), Audrey privilégie colle) et « on va prendre le ses énoncés durant la phase de
l’insertion des mots visés dans des phrases. jeu après. » verbalisation (17A à 25A) pour
permettre à l’élève de s’ajuster.
- Énoncer séquentiellement et avec de courts L’enseignante s’exprime avec
énoncés les prochaines étapes : « ça, c’est fini » des « phrases complètes » Elle accentue en 13A sa
(en montrant une fiche), « ferme » (en pointant la courtes et accentue certains prononciation des mots « pizza et
colle) et « on va prendre le jeu après ». indices pour faciliter la sandwich » et choisit de terminer sa
compréhension : suivis d’une phrase même si elle constate que
courte pause, hauteur de la l’élève amorce son geste de saisie
voix, accentuation de certains du dernier pictogramme sur la table.
mots importants (« rien »,
Mettre l’accent sur les mots importants « ferme, » par exemple). Dans cette séquence, Audrey
s’exprime avec des phrases
- Répéter les mots importants, voire même de lorsqu’elle fournit des explications
manière isolée après les avoir dits dans une phrase à l’élève ou émet des
complète. commentaires. Comme en 1A et 3A
et 5A, elle opte plutôt pour
- Utiliser l’accentuation prosodique pour insister sur l’accentuation des mots importants
un mot important plutôt que de l’isoler par des indices paraverbaux
complètement des autres mots. (accentuation de « dernière »,
« assis » et « spatial ») plutôt que
leur isolation. Il en est de même
plus loin avec les mots « pizza »,
« sandwich », « petit » (première
430
Parler lentement Elle allonge les pauses entre ses Audrey surprononce et
énoncés durant la phase de parle lentement en
- Ralentir le débit de parole en expliquant pour verbalisation (17A à 25A) pour tronquant son énoncé
permettre à Laura de bien comprendre. permettre à Laura de s’ajuster. lorsqu’elle vise à rectifier
une incompréhension de
- Ralentir pour pouvoir montrer au fur et à mesure Les stratégies de pointer image par l’élève. Elle combine en
les indices visuels par exemple. image et de modeler le langage en supplément chaque
ralentissant le débit et en tronquant segment à un geste
- Ralentir pour faire des pauses entre les segments l’énoncé en plusieurs segments conventionnel de pointage
d’énoncé. séparés de longues pauses incitent vers le matériel lié.
l’élève à prendre son tour de parole
et à répéter les segments verbalisés
(stratégie de « faire répéter mot à
mot » telle que nommée en
entretien).
Introduire du vocabulaire visé/compris par Elle utilise des expressions Audrey introduit du vocabulaire
l’enfant que l’élève comprend : « ça compris par Laura, par exemple en
c’est fini » (en 16A). reformulant son propre énoncé en
- Selon Audrey, trouver le bon mot connu de Laura 3A dans lequel « trouver » devient
(en anglais au besoin) serait utile pour désigner « mettre » et « faire. » Dans
des objets utilisés de manière récurrente par l’ensemble, les mots de
l’élève. vocabulaires représentés par les
pictogrammes font aussi partie du
quotidien de l’élève et ont été
431
Chercher l’approbation/désapprobation pour Elle reprend les réponses de Après une réponse (8L) En 9A, Audrey demande
confirmer l’interprétation Laura en demandant syntaxiquement et lexicalement l’approbation de Laura par
l’approbation avec intonation incomplète de Laura à une première la locution « ok » avec une
- Valider en requestionnant et en cas de doute sur la montante (8A et 12A). question, Audrey renchérit en intonation montante.
première réponse de Laura. utilisant une stratégie d’étayage de
reprise partielle sous forme
- Demander « oui ou non? » lorsqu’il n’y a pas de d’interrogation non inversée et
réponse à la question. sollicite ainsi l’approbation de
l’élève. Comme mentionné, l’élève
démontre une certaine difficulté
dans cette séquence à donner son
approbation comme attendu.
Commenter à partir d’indice visuel (ex. objet), Audrey émet de courts En 17A, Audrey verbalise
courts commentaires commentaires sur le contenu des son intention « je vais te
images en réaction à ce montrer. »
- Verbaliser ce qu’elle (enseignante) fait (ex. « je qu’entreprend Laura. L’enseignante
vais te montrer »). introduit alors non pas le langage En 17A et 19A, Audrey
simplement dans une visée de met en mots ce que Laura
- Expliquer le lien entre un mot et une activité. désignation d’image, mais pour a fait, en revenant sur
commenter l’action du personnage chacune des étapes.
- Expliquer une séquence, un enchaînement principal. Elle introduit donc en
d’activités : la fin d’une activité, ce qui se passe partie le langage par le thème fictif
ensuite, les activités à l’horaire, etc. du petit chat. Ce faisant, elle prend
quand même le temps de nommer
- Expliciter verbalement des indices. chaque image plus d’une fois au fur
et à mesure de leur sélection par
- Faire un lien avec un autre jeu de Laura : lors d’un l’élève, mais toujours en lien avec
jeu de table où il y a des cartes imagées, Audrey le personnage.
fait un lien avec un jeu de pizza avec lequel jouait
Laura plus tôt.
Nommer, désigner, narrer L’enseignante met d’abord en Audrey introduit aussi le langage
- Présenter/désigner par l’expression « c’est » ou mots la préoccupation de dans l’action non verbale en cours
« ça ». l’élève pour le vide (2A et en verbalisant les pictogrammes
4A). choisis (5A, 7A).
- Verbaliser, nommer et désigner les choses.
435
Stratégies d’étayage langagier pour enrichir Exemples tirés des séquences 2 à 4 du chapitre V
le langage verbal
Séquence #2 de Séquence #3 de la bande- Séquence #4 des
l’abécédaire phrase Bonjours
CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION
Avant le début de l’extrait, Laura trace des formes circulaires à partir de trois objets
qu’elle choisit; elle dessine un peu autour. Elle compare ensuite les couleurs d’objets,
puis fait rouler des objets sphériques, ce qui amène Audrey à ressortir les objets de
forme carrée pour comparer leurs caractéristiques. Laura saisit alors un petit bloc et
Audrey lui remet une feuille vierge pour son nouveau traçage. L’élève délaisse par la
suite le bloc pour tracer sa main, puis commence à faire des traits courts et saccadés
sur sa feuille. La séquence s’ouvre donc sur une question d’Audrey à propos de ces
traits : « qu’est-ce que tu dessines? »
Dans cette séquence, la progression entre les phases de dessin libre à partir des objets
tracés, de verbalisation des dessins effectués et de mise en scène d’un scénario de
faire semblant déclenché par le dessin s’enchaînent et se répètent de manière cyclique
à mesure que le dessin évolue. D’ailleurs, ils sont liés aux trois macro-thèmes
principaux abordés dans cet extrait, soit le dessin, la pluie et l’enseignante. La
dernière phase de coloriage arrive plus tard vers la fin de la séquence. De plus, dans
cette séquence, l’interaction et la stimulation langagière prennent une place
importante, potentiellement en raison du caractère informel du travail de dessin en
cours. Plusieurs visées du travail sur la communication pour Laura peuvent y être
rattachées: avoir du plaisir en interagissant; exploiter et varier les jeux de faire
semblant; montrer pour se faire comprendre; comprendre une blague; faire des liens
avec les activités antérieures, associer des idées; être conscientisée à la verbalisation;
raconter à partir de photos (dessin).
441
22L (3 sec.)
Interprétation :
son propre dessin de traits
((se redresse, puis
faits en 20L
Production :
appuie ses deux
Arrêt de l’action de avant-bras sur la
dessiner et retrait du table et se penche 23A
crayon (I, A, E); vers le dessin de Interprétation :
mouvement de la tête et L.)) arrêt de l’action de
regard orienté sur le dessin dessiner et retrait du
marquant l’observation (I, 22L ((arrête de crayon par L. (I, A, E);
A, E) dessiner, relève mouvement de la tête et
son crayon et regard orienté sur le dessin
marquant l’observation de
penche brièvement
L. (I, A, E)
sa tête de côté en Production :
regardant son pauses montrant l’attente
dessin)) et l’observation par le
24L regard orienté sur le dessin
Interprétation : (1 sec) 23A de L. et montrant que le
son propre dessin de traits tour de parole est cédé à L.
faits en 20L qu’est-ce que (G, N); expression
Production : c’est? interrogative « qu’est-ce »
action d’ajuster sa prise de + démonstratif « c’est »
crayon et action de désignant ce que vient de
dessiner des traits autour
(1 sec.) dessiner L. (I, A, E) +
d’une forme (I, A, E) intonation montante
marquant la question
(ouverte) (I,A, E, N, G)
24L ((repositionne
son crayon [ et
entame le dessin
449
29A
Interprétation :
onomatopée « yeah »
prononcée par L. de
28L ((regarde son manière exclamative avec
dessin; sautille sur intensité + mouvement de
sa chaise en sautiller sur sa chaise (I,
30L s’exclamant)) K)
Interprétation : - yeah! ((excl.)) Production :
Production : reprise imitative de
distraction par orientation 29A l’onomatopée de L. en
du corps et du regard sur le
yeah :! ((excl.)) reproduisant la même
tableau à l’opposé de prosodie (K); mouvement
l’enseignante (I, E), ((s’étire vers la et geste de prise de crayon
transgression de la norme table d’à côté et (I, A, E)
de porter attention à l’autre prend un crayon-
interactante (N) feutre jeune)) 31A
Interprétation :
32L identification de la forme
Interprétation : dessinée du soleil (I, A, E,
30L ((se tourne vers le
verbe « colore » (accentué) P, S); réaction affective de
+ verbalisation de la tableau du côté réjouissance de L. lors de
couleur « jaune » opposé à A. et y la verbalisation du
(accentuée) en montrant le pointe son crayon; « soleil » (I, K);
crayon qu’elle tient (I, A, regarde le tableau)) orientation du corps et du
E) ; geste de A. de toucher regard de L. sur tableau à
l’épaule de L. pour l’opposé (I, E)
l’interpeller et attirer son Production :
attention (I, P) expression interrogative
Production : « est-ce que» + verbe
mouvement du corps pour « colore » (accentué) +
31A
s’orienter vers A. (P, N); verbalisation de la couleur
orientation du regard sur le est-ce que tu veux « jaune » (accentuée) en
crayon (I, A, E); ((touche l’épaule montrant le crayon qu’elle
verbalisation « en jaune » de l’élève et tient (I, A, E) + intonation
avec volume faible comme présente le montante marquant la
pour se parler à elle- crayon)) qu’on question (fermée) (I, A, E,
même; reprise « en jaune » N, G); geste de toucher
colore le [soleil en
et prise du crayon l’épaule de L. pour
marquent approbation de jaune? l’interpeller et attirer son
la proposition attention (I, P)
33A
32L [((se Interprétation :
identification de la forme
tourne légèrement dessinée du soleil + sa
vers A.; regarde le propre proposition de le
crayon que lui tend colorier en jaune + rappel
A. lorsque A lui
451
Avant cette séquence, Laura avait effectivement réalisé toutes les tâches préalables
pour en arriver finalement à avoir collé tous les mots-étiquettes et images, ne lui
453
restant plus que des petits papiers vierges. Se pose alors le problème d’une case vide
sur la fiche de l’élève pour l’une des lettres de l’alphabet. La séquence s’ouvre sur
l’élève qui pointe le vide sur sa fiche et scrute tour à tour tous les papiers sur la table
à la recherche de mots-étiquettes pendant qu’Audrey l’observe. Laura perçoit sa fiche
comme incomplète et cherche à finir la tâche en collant absolument quelque chose
dans l’espace vide. Audrey tente de lui expliquer le vide, puis devant son
incompréhension, lui demande si elle souhaite tracer une croix « X » dans la case
vide.
Aux objectifs initiaux prévus dans la réalisation de la fiche s’ajoutent donc des visées
que nous pouvons lier à la compétence à communiquer du programme de formation.
Pour reprendre les visées propres à Laura, il s’agirait de comprendre l’importance de
parler, de répondre (verbalement) aux questions; de comprendre la tâche, ce qui est
attendu dans l’activité; de comprendre à partir d’indices visuels; de verbaliser.
454
1L : 1L qué↗ ci : ↗
Production : question ((mouvement
marquée par intonation rapide latéral
montante; déictique « ici » répété de l’index
+ geste déictique de
et de la main au-
pointage (I, A, E); action
de retourner les papiers (I, dessus de sa
A, E) + interjection de fiche)) 2A :
surprise (K) Hm / Interprétation :
hm découverte du vide dans
l’action de retourner les
((retourne les deux papiers (I, A, E) +
autres papiers interjection de surprise
étiquettes sur la (hm) (K) + connaissance
table et relève le de la structure de l’activité
(papier à coller avec
menton
présence d’un vide) (S, E)
rapidement Production : mise en mot
lorsqu’elle du constat de vide (I) :
découvre le vide assertion employant une
de chaque papier locution adverbiale de
(surprise))) négation (n’ plus) (A, I)
il n’y en a plus 2A
3L : ((bouge la fiche-
Interprétation : réaction à modèle à côté de
sa propre action en 1L de celle de l’élève et
découverte du vide sur les la tient toujours))
papiers, car 4A :
3L heu :↘ heu : ↘ Interprétation : geste bras,
chevauchement entre ce ((baisse les bras;
que dit A. en 2A et 3L. mimique affective
mimique (découragement,
Production : geste bras,
mimique affective plaintive)) incompréhension,
(découragement, panique) + interjection
incompréhension, non regarde ici il y 4A (plainte) (I, K); L. n’aurait
panique) + interjection a rien pas compris la négation en
(plainte) (I, K) ((A. pointe 2A (I)
successivement la Production : directive de
regarder (regarde ici)
fiche de l’élève à
comprenant un déictique
l’endroit où la (ici) lié à un endroit sur la
case est vide et la fiche (I, G); auto
fiche-modèle reformulation de la
qu’elle tient où il y
455
19L:
Interprétation : pointage
et déplacement du 19L ((regarde le
bouchon de colle devant bouchon; prend le
elle + directive accentuée
(ferme) (G, I, A)
bouchon et le pose
Production : action de sur sa colle))
fermer la colle (I, A, E).
459
Avant le début de l’extrait, Audrey a placé avec Laura les pictogrammes « petit chat »
et « assis » sur le carton. Audrey a aussi distingué les pictogrammes du petit et du
gros chat. Ensuite, elle a demandé à Laura où était assis le petit chat en montrant les
choix parmi les pictogrammes restants, puis elle s’est levée pour aller récupérer un
pictogramme tombé par terre. Durant sa brève absence, Laura a placé le pictogramme
« pizza » sur la bande-phrase sans que son enseignante le remarque et a saisi un bâton
de colle à sa portée dans un petit panier contenant des colles. La séquence s’ouvre
donc sur Audrey qui revient en position dans l’activité et interrompt le geste de prise
de la colle de Laura. Audrey demande alors à Laura de placer un dernier
pictogramme.
Dans cette séquence, la progression entre les phases de choix d’un seul et dernier
pictogramme, de son placement, de la verbalisation et du collage progressent
lentement. En effet, de nombreuses phases d’ajouts et d’un retrait de pictogrammes
461
((revient s’asseoir, 1A 1A :
prend la colle dans Production :
la main de L. au- déplacement pour
dessus du panier s’asseoir et retour en
position à l’endroit où se
dans sa main
déroule l’atelier (S);
gauche)) action de retrait du bâton
de colle des mains de L. et
attends [on contrôle du matériel +
en a] une directive « attends » (I, A,
2L : der↗nière à E, P, G) + connaissance
Interprétation : de la structure de l’activité
trouver.
A. se rassoit sur sa chaise pour compléter la bande-
(S); action de retrait du phrase (S, E); utilisation
bâton de colle des mains ((garde la colle
près d’elle au- du pronom « on »
de L. + directive marquant l’activité
« attends » (I, E, A, G) dessus de sa
commune des
Production : cuisse)) participantes (E, P)
avorte sa prise de la colle 2L [((retire sa main
(I, G); orientation du de la colle, et
regard sur colle (I, E) ramène son bras
près de son
corps))]
((regarde la colle
que tient A.
brièvement)) 3A
Interprétation :
orientation du regard de
on a just’ à mettre 3A L. sur la colle (I, E)
- on va n’en faire Production :
- [on va mettre auto-reformulation de son
une der↗nière. énoncé en variant le verbe
« trouver/mettre/faire »
((regarde les accentuation de l’adjectif
« dernière » (I, A, E)
pictogrammes en
action de déplacer les
parlant; étend les pictogrammes sur la table
pictogrammes (en supplément au
restants sur la langage) (I, A, E);
table d’une main)) utilisation du pronom
« on » marquant l’activité
commune des participants
(E, P)
463
4L :
Interprétation :
action de déplacer les 4L ((L. regarde les
pictogrammes sur la table pictogrammes sur
+ verbe « mettre » (pas
nécessairement « faire »,
la table;
car chevauchement avant) [ prend une
(I, A, E) image, la glisse
Production : sur la table de sa
5A :
action de choisir et placer main droite pour Interprétation :
(S) le pictogramme la ramener au bord action de placer (S) le
« véhicule spatial » (I, A, de la table près pictogramme « véhicule
E) d’elle, puis la spatial » qui montre le
place sur la bande choix de L. (I, A, E)
de pictogrammes à Production :
coller)) Interjection « oh! »
montrant l’exclamation de
surprise soudaine (K);
5A pointage du pictogramme
ho :h! ((excl)) (1
« véhicule spatial »
sec.) \il est assis\ (redondant); expression de
dans] le vé↗hicule l’action du chat nommé
((A. pointe le par le pronom « il » (I, A,
pictogramme du E) en nommant
véhicule spatial explicitement en
que L. vient de détachant les mots et en
placer)) accentuant avec la
6L : prosodie « assis »,
[spa↗tial :
Interprétation : « véhicule » et spatial »
action de déplacer les ((chaque mot
que représentent les
pictogrammes sur la table prononcé de pictogrammes placés (I,
+ verbe « mettre » en 3A manière détachée; A, E).
(I, A, E). voix plus aiguë sur
Production : « véhicule
Poursuite de sa propre spatial »; regarde
action de placer les l’élève))
pictogrammes sur la
bande-phrase en plaçant
« sandwich » (I, A, E); 6L
regard orienté sur la
((suit le
bande-phrase (I, E) pictogramme du
véhicule spatial du
regard et maintient
son regard orienté
vers la bande-
phrase;
[ prend un autre
pictogramme
464
8L ((***touche
toujours le 9A :
pictogramme de la Interprétation :
bande-phrase; réponse de L. à la
question posée en
regarde la bande-
désignant le pictogramme
phrase)) « sandwich » + geste
déictique de la main sur le
san :dwich. pictogramme. offre une
réponse (I, E, N, G) sans
il mange un 9A toutefois verbaliser
((glisse un le l’action du chat. (I, E, A)
pictogramme de Production :
« manger » sur la reformulation
table du doigt vers interrogative de l’énoncé
10L de l’élève en modifiant la
Interprétation : L.)) sandwich↗ syntaxe et en ajoutant
désignation du verbe ((« sandwich (extension/expansion) le
« mange » + pointage et prononcé avec
465
utilisant le pronom « on »
qui marque le but
commun + désignation de
la bande-phrase par le
((tourne sa tête et déterminant déictique
28L
regarde vers « ça » et en touchant et
panier de colles)) glissant la bande-phrase;
demande de validation
28L : hm hm marquée par le contour
Interprétation : ((hochement de intonatif montant en fin
proposition d’action (de tête « oui »)) d’énoncé (I, A, E, N)
coller) (I, A, E); demande
de validation marquée par 29A :
le contour intonatif Interprétation :
montant en fin d’énoncé ok – (2,5 sec.) ((se 29A
réponse de L. à la
(N) recule et se tourne demande de validation de
Production : vers le panier de A. par un hochement
réponse à la demande de colle; transfère la conventionnel de la tête +
validation de A. par un colle qu’elle avait interjection « hm » +
hochement conventionnel dans sa main regard orienté vers les
de la tête + interjection droite dans sa bâtons de colle (I, A, E,
« hm » + regard orienté main gauche, N)
vers les bâtons de colle (I, Production :
manipule le
A, E, N) Ratification de la réponse
pictogramme de l’élève (ok) (N); se
30L : qu’elle avait gardé tourne vers les bâtons de
Interprétation : dans sa main)) colle (S) + geste alter-
geste alter-adaptateur de adaptateur de
manipulation du bâton de on va coller. manipulation du bâton de
colle que A tenait; 30L ((avance la main colle qu’elle tenait; auto
énonciation de l’action à vers la colle que reprise d’une partie de son
suivre (S, E). A. tient dans sa énoncé en 28A;
Production : énonciation de l’action à
main))
Amorce du geste de saisir suivre (I, A, E, S).
la colle (I, A, E,)
31A :
Interprétation :
amorce du geste de saisir
la colle (I, A, E); rôle de
tiens – ((tend la 31A contrôle du matériel (G,
colle vers L.)) (0,5 P)
sec) Production :
directive « tiens »
marquant la demande de
prise d’objet par l’élève
(I, G) + action de tendre la
colle vers la main de
470
Cette séquence se déroule 17 mai au 15e jour de durant l’activité des « Bonjours »,
plus particulièrement dans la transaction de « dire les présences. » Pour ce faire,
Laura utilise un tableau affiché sur le TNI qui est divisé en deux sections : « à la
maison » et « à l’école. » Laura a donc comme tâche principale de positionner les
photos des élèves et des intervenantes dans la bonne section du tableau. La séquence
dure 62 secondes. Audrey et Laura interagissent en dyade, mais les autres élèves et
adultes figurent parmi les participants sans prendre de tour de parole durant l’extrait.
Laura et Audrey sont généralement debout près du TNI, mais à deux moments de
l’extrait, Laura se dirige vers sa chaise et Audrey vers le tableau à côté du TNI.
L’activité/incursion (Bonjours) est divisée en neuf transactions que sont la routine des
exercices de l’astronaute, les bonjours, la date, la météo, les présences, le décompte
des jours d’école, l’horaire de la journée, la chanson/vidéo du jour et la remise des
agendas et des bandes-ateliers. Pour cette journée du 17 mai, Laura s’est vue attribuer
la transaction des présences qu’elle a maintes fois effectuée et observée depuis le
début de l’année scolaire. Elle en connaît donc les tâches.
La séquence vidéo cible la fin des présences. Les tâches comprises dans les présences
sont généralement d’identifier les photos et parfois les prénoms écrits, de nommer les
personnes (facultatif), de repérer la présence en classe ou l’absence d’une personne
représentée par ceux-ci sur le TNI, puis de placer chaque photo ou mot au bon endroit
dans le tableau et enfin occasionnellement de dénombrer les élèves ou les personnes
qui sont à l’école. Le matériel impliqué consiste en un petit banc d’appoint sur lequel
Laura grimpe, une baguette pour pointer et déplacer les images, un TNI et le tableau
472
Avant le début de l’extrait, Laura place les photos et nomme verbalement les élèves et
intervenantes. Audrey l’aide à maintenir son attention sur la tâche en l’encourageant
et en la sollicitant par des commentaires et des questions. Elle la joint au tableau alors
que Laura est concentrée à cacher les photos à l’écran. Juste avant l’ouverture de la
séquence, un élève vient interrompre la dyade et l’enseignante reprend ensuite où
elles étaient. À ce moment, il ne reste que les deux prénoms écrits à placer (Lucie et
Andréa). Audrey aide Laura à les identifier comme étant des mots à placer qui
représentent des personnes et à les placer au bon endroit. La séquence s’ouvre donc
sur Audrey qui tient la main de Laura en manipulant avec elle la baguette, tout en
désignant les prénoms écrits.
473
\alors ça c’est - 1A 1A
Lu↗cie\ Production :
embrayeur « alors »
((A. est placée marquant la reprise de la
tâche à compléter après
derrière L. et tient
l’interruption d’un autre
la main droite de élève (S); déterminant
l’élève avec sa démonstratif « ça » +
main droite pour l’expression « c’est » qui
la diriger; elles désigne le mot écrit pointé
2L pointent ensemble (pointage complémentaire
Interprétation : avec la baguette le au langage) (I, A, E);
mot écrit pointé et déplacé nom écrit de Lucie accentuation du prénom
(pointage complémentaire qui figure sur le représenté (I, E); action de
au langage) (I, A, E); TNI; toutes deux faire le mouvement avec
accentuation du prénom l’élève (G, P)
regardent en
représenté et prénom
nommé (I, E, S); action de direction du nom 3A
se laisser guider par A. en pointé********)) Interprétation :
main sur main (G, P) compréhension de la
Production : 2L °u [ cie° désignation du mot écrit
reprise partielle de par la reprise partielle de
l’énoncé de A. par le (( main de A. sur l’énoncé de l’enseignante
prénom désigné (Lucie) sa main; suit le par l’élève (« ucie ») (I,
(I, A, E, S); volume de la mot glissé regard A, E, S); déplacement du
voix faible (I); prénom avec l’aide de
le mot glissé))
déplacement du prénom l’enseignante et regard de
avec l’aide de A. et regard L. orienté sur le mot (I, A,
[ (( toujours 3A
orienté sur le mot (I, A, E, E, S, G)
S, G) dans la même Production :
position, déplacent déterminant démonstratif
le nom de Lucie « ça » + l’expression
sur le tableau)) (1 « c’est » qui désigne le
sec.) mot écrit pointé (pointage
complémentaire au
et ça c’est - langage) (I, A, E);
accentuation du prénom
An [::dré :a
représenté et allongement
qui suit le déplacement du
((déplacent mot (I, E); action de faire
avec la baguette le le mouvement avec L. (G,
nom d’Andréa sur P)
le tableau))
474
4L 5A
Interprétation : Interprétation :
action de se laisser guider 4L [ ((suit du placement des deux
par A. en main sur main regard le mot prénoms écrits placés
(G, P) dans la colonne « à
Production :
glissé)) l’école » (S);
déplacement du prénom ok – ((retire la 5A
connaissance de la tâche
avec l’aide de A. et regard baguette de sur le des présences : toutes les
orienté sur le mot (I, A, E, tableau, toujours personnes sont placées
S, G) en tenant la main dans le tableau, la tâche
de l’élève)) est donc finie (S).
6L Production :
Interprétation : elles sont à actions de retirer la
connaissance de la l’école.↘ /y a juste baguette du tableau et de
transaction des présences demander la baguette en
non conforme à ce qui est
↗Aline la tirant des mains de L.
présentement fait; actions (( pointe du doigt marquant la fin de son
de A. de retirer la baguette de la main gauche utilisation (I, A, E, S);
du tableau et de demander la photo d’Aline )) formulation verbale des
la baguette en la tirant des [ qui est ] pas là ce placements des personnes
mains de L. marquant la matin. / dans le tableau (I, A, E,
fin de son utilisation (I, A, S): pronom « elles »
E, S); accentuation du mot ((tire la baguette désignant Lucie et Andréa
« Aline » + pointage vers l’arrière)) + accentuation du mot
déictique redondant de sa « école »; accentuation du
photo + locution de 6L mot « Aline » + pointage
négation « pas »
[ ((regarde déictique redondant de sa
Production : brièvement la photo + locution de
orientation du regard vers photo d’Aline négation « pas »;
la photo d’Aline lorsque lorsque pointée))] accélération du débit de
pointée et nommée parole marque
verbalement par A. (I, A, [ ((tire la baguette 7A l’empressement (K);
E) que tient toujours intonation descendante en
L. fin d’énoncé marquant
une assertion.
8L
7A
[((résiste et ne la Interprétation :
pas la baguette; connaissance de la tâche
arque son dos, des présences : toutes les
puis lâche la personnes sont placées
8L baguette))] dans le tableau, le bilan a
Interprétation : été fait, la tâche est donc
connaissance de la °cayeu : °((pointe finie (S).
transaction des présences et touche les Production :
non conforme à ce qui est action de demander la
boutons sur le
présentement fait; action baguette en la tirant des
de A. de demander la
support crayon du mains de L. marquant la
TNI et [ balaye
475
l’empressement à arrêter
l’élève (I, K) + blocage du
12L non :: ((secoue sa geste de L. en lui
main droite saisissant le poignet de
(geste redondant par
rapidement de rapport à l’utilisation du
gauche à droite)) mot « crayon ») +
locution de négation « n’
°non c’est 13A
pas » (I, A, E, S, G)
terminé - [
regarde↘° 13A
12L ((regarde L. qui Interprétation :
Interprétation : est de profil à protestation de L.,
connaissance de la elle)) marqueur de
transaction des présences désapprobation par
non conforme à ce qui est l’adverbe « non »
présentement fait (S); accentué et allongé +
blocage de son geste de geste conventionnel de
prise du crayon par A. secouer rapidement la
(geste redondant par main latéralement en
rapport à l’utilisation du guise de négation (I, A, E,
mot « crayon ») + K); connaissance de la
locution de négation « n’ tâche des présences :
pas » (I, A, E, S, G) toutes les personnes sont
Production : placées dans le tableau, le
protestation, marqueur de 14L bilan a été fait, la tâche est
désapprobation par
e :euh :: ((regarde donc finie (S); L. ne
l’adverbe « non » vers le bas, vers semble pas comprendre la
accentué et allongé + le support crayon fin de la tâche (S)
geste conventionnel de du TNI; secousse Production :
secouer rapidement la dans tout son auto-reformulation de la
main latéralement en corps de bas en locution de négation
guise de négation (I, A, E, haut, puis de haut « non » indiquant
K) en bas ponctuée implicitement qu’elle
par la tête qui s’applique à la prise du
14L crayon; déclaration de la
hoche une fois
Interprétation : tâche « finie » par sa
connaissance de la
vigoureusement désignation « c’est » +
transaction des présences vers le haut et accentuation prosodique
non conforme à ce qui est vers le bas)) du verbe « terminé »;
présentement fait (S); volume de voix plus faible
blocage de son geste de montrant l’adresse
prise du crayon par A. en spécifique à L. (P);
11A; auto-reformulation demande d’action par
de la locution de négation l’emploi accentué du
« non » indiquant verbe « regarde » à
implicitement qu’elle l’impératif +
s’applique à la prise du prononciation appuyée +
477
« une » et du nom
40L 40L ((met les genoux « maison » marquant les
Interprétation : sur le banc de sa mots importants; volume
captation de l’attention de de voix élevé marquant
l’élève par le directif
chaise] se tourne l’inclusion de tous les
« regarde » + prénom de vers A. et la élèves + position du corps
l’élève avec intonation regarde; s’assoit orienté face aux élèves
montante (I, P, G) sur sa chaise)) (P); geste supplémentaire
Production : au langage de montrer la
position assise parmi les bande-tâches à L. dans le
autres élèves (P, G), but de rappeler la
regard orienté vers responsabilité de L. et
l’enseignante sur la l’enchaînement des tâches
bande-tâches (I, P, N) 41A (I, E, A, S); adverbe
((tend toujours la
« merci » + interpellation
bande-tâches de L. par son prénom
42L devant elle pour la marquant la fin de la
Interprétation : présenter à L.; contribution de l’élève (N,
geste de monter/tendre la regarde L., ajoute P, S); utilisation du verbe
bande-tâches vers L. en une petite « dire » + nom entamé
supplément au langage oscillation « présences » interrompu
(ajoutant de l’information verticale de la après la première syllabe
sur la responsable de la bande-tâche marquant la détection de
transaction et passage à la lorsqu’elle dit l’inattention de L. (I, A,
transaction suivante) (I, E, N, P); captation de
« dire les
A, E); geste illustratif de l’attention de L. par le
type « bâton » mettant présences »)) directif « regarde » +
l’accent sur la bande- prénom de L. avec
tâches en la bougeant dire les présences intonation montante (I, P,
lorsque nommée (I); c’est :↗- G) + accélération du débit
utilisation de l’expression marquant l’empressement
qui désigne la transaction 42L fini ((fait le signe à l’ajustement du regard
« dire les présences » des mains animées de L. (I, K)
utilisée par le groupe- simultanément à
classe (S P) + « c’est » qui 41A
« fini »))
reprend « dire les Interprétation :
présences » + interruption position de Laura assise
+ allongement en fin parmi les autres élèves (P,
d’énoncé avec intonation G), regard de L. orienté
montante marquant vers l’enseignante sur la
l’ébauche et l’attente de la bande-tâches (I, P, N);
prise du tour de parole par connaissance de
l’élève (G, N, P) l’utilisation par L. de
Production : l’adjectif « fini »
orientation du regard sur Production :
la bande-tâches; prise de geste de monter/tendre la
son tour de parole pour bande-tâches vers L. en
compléter l’énoncé (N, supplément au langage
486
43A
Interprétation :
orientation du regard sur
la bande-tâches; prise de
son tour de parole pour
compléter l’énoncé (N,
G); utilisation de l’adjectif
« fini » prononcée de
manière accentuée avec
en appui le geste
conventionnel « fini » des
mains animées qui est
redondant avec le langage
(I, A, E, N);
l’accentuation et le geste à
l’appui montrent la réelle
compréhension de la fin
de la transaction (S)
Production :
reprise de l’énoncé de
l’élève rappelant la
transaction terminée (S)
avec la même
accentuation et un
allongement en fin
487
d’énoncé marquant
l’exclamation + adjectif
« excellent » en guise de
renforcement (K) et
approbation de la réponse
de L. (G)
488
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