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Petite Et Grande Mythologie - Séance Introductive - Compte Rendu

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Université de Reims Champagne Ardenne

CRIMEL (EA 3311) Axe 1 « Transmission des modèles »


karin.ueltschi-courchinoux@univ-reims.fr

Séminaire « Grandes et Petites Mythologies »


4 octobre 2018

Séance introductive : thématique, enjeux épistémologiques, état des lieux


Karin Ueltschi

Le projet
Si la « grande » mythologie, l’olympienne pour résumer, est depuis toujours l’enfant
chéri des savants, il n’en va pas de même de la « petite » mythologie (niedere Mythologie, le
terme est des Frères Grimm), volontiers « boudée » comme un « sous-genre », tout juste
bonne pour les enfants et les gens sans instruction, alors qu’en réalité elle constitue une
mémoire mythique et poétique aussi précieuse que la grande ; la sphère des traditions orales
est un vivier inépuisable de motifs que l’on peut, la plupart du temps, relier à ceux exploités
par la « grande » mythologie classique.
Notre objectif principal est donc d’établir des ponts entre ces deux continents, à
tort séparés par une frontière déclarée infranchissable par une manière de coutume. Il s’agira
de montrer à la fois les originalités et les « coïncidences » profondes qui existent d’un
continent à l’autre. En effet : Mélusine et les pédauques sont les cousines « populaires » des
sirènes ; le géant ou le nain, le cheval ou le chien charrient une mémoire indo-européenne que
les Grecs et les Romains ne sont pas les seuls à avoir su exploiter ; les marelles ne sont que
des dédales en miniature, et Cendrillon est une créature vénérable et très antique dont on
trouve des traces dans les premiers témoignages littéraires en notre langue ; c’est en
particulier une cousine de la Reine Berthe, celle au(x) grand(s) pied(s), qui descend elle-
même des antiques Parques Ŕ bref, le champ est vaste, inspirant, inépuisable ; toutes les
spécialisations littéraires peuvent potentiellement apporter leur pierre à l’édifice.
On l’aura compris : il ne s’agit pas tant de traiter de la grande ou de la petite
mythologie que d’établir des relations entre les deux domaines, même si naturellement, les
investigations pourront privilégier plutôt l’un ou l’autre : les sujets porteront toujours en eux
la tension dialectique fondamentale, l’empreinte de notre entreprise. Ainsi, le géant
mythologique « classique », cyclope ou autres, sera mis en relation avec les figures
gigantesques chez Chrétien de Troyes par exemple, ou chez les frères Grimm. À l’inverse, on
mettra en perspective la figure de l’homme oiseau ou du loup-garou médiéval non seulement
avec les nombreuses traditions populaires, mais aussi, bien entendu, avec les attestations

1
classiques et antiques. Enfin, la dimension diachronique permettra de souligner des
« fusions » ou « contaminations sympathiques » des motifs analysés.
Le sujet représente une gageure à plus d’un titre. Le domaine des « traditions
populaires » n'entre que très timidement dans l'université ; la dimension pluridisciplinaire
pose des défis méthodologiques majeurs, enfin, la délimitation de corpus constituera une
interrogation permanente.

Voici quelques axes autour desquels articuler les sujets possibles :


Créatures et Figures : le géant et le nain, la Lorelei, saint Nicolas, Cendrillon,
Diane, le juif errant…
Espace et Temps : la montagne, le fleuve, le Paradis, chute et ascension, la forêt,
le pays de Cocagne…
Signes et emblèmes : l’anneau, la cape, un nombre, des couleurs, trois gouttes de
sang dans la neige (ou sur un mouchoir…)
Motifs : épine dans la patte, le labyrinthe, la chasse sauvage, la cruentation, le mort
reconnaissant, Mme Putiphar …
Mythologies au pluriel : mythologie chrétienne, celtique, norroise…
Approches critiques : théories, questions « génériques », écoles, véhicules…
Poétiques de la recomposition : réminiscences mythiques dans les Miracles de Notre Dame,
la Légende Dorée, notre propre travail sur la chasse sauvage…

→ Nous sommes face à un immense continent comportant de nombreux chantiers épars, la


plupart du temps à peine ouverts et surtout sans lien entre eux, vivier de sujets de thèse
novateurs, avec cependant à la clef une gageure méthodologique majeure qu’il faudra relever
dans chaque cas particulier.

I. QUESTIONS EPISTEMOLOGIQUES

1. Grande et petite mythologie


La critique littéraire universitaire a l’habitude de définir ses champs
d’investigation essentiellement par rapport aux héritages classiques et écrits qui lui
fournissent ses repères, ses écoles, enfin une logique de filiation que l’évidence chronologique
ne peut que valider. - Parentes pauvres, les traditions dites populaires, orales, voire
« folkloriques » sont restées pendant bien longtemps à l’extérieur des temples du savoir et de
la recherche, même si les choses ont commencé à changer. Il est par exemple significatif que
les programmes de français des classes de 6 e consacrent régulièrement un volet au conte,
même si cet héritage Ŕ appelons-le « second » sinon secondaire, ou marginal, - est encore loin
d’occuper, dans les manuels d’histoire littéraire, une place véritable. Et pourtant, c’est par le
conte que l’enfant, que l’homme « entre en » littérature. C’est par le conte qu’on peut
approcher plus particulièrement les enfances de nos traditions, qui se nouent au Moyen Âge,
ce splendide Moyen Âge qui a osé se nourrir, en dehors de la mémoire classique et savante,
d’un ailleurs diffus, brumeux et inquiétant par plus d’un aspect, enfin, certainement
essentiellement oral. Il y a donc ici un discours comparatif à bâtir, une tension dialectique à
exploiter plus systématiquement, un comparatisme à rebours.
Voici un exemple très concret : on trouve chez Anatole Le Braz (1859-1926 ;
« mémorialiste » des traditions bretonnes et professeur de lettres) l’histoire suivante :

2
Un jeune homme de Trézélan était allé conduire [ses chevaux] aux prés. Comme il s’en revenait
en sifflant, dans la claire nuit, car il y avait grande lune, il entendit venir à l’encontre de lui, par
le chemin, une charrette dont l’essieu mal graissé faisait : Wik ! wik !
Il ne douta pas que ce ne fût karriguel ann Ankou (la brouette de la Mort).
- À la bonne heure, se dit-il, je vais donc voir enfin de mes propres yeux cette charrette dont on
parle tant !
Et il escalada le fossé où il se cacha dans une touffe de noisetiers. De là il pouvait voir sans être
vu.
La charrette approchait.
Elle était traînée par trois chevaux blancs attelés en flèche. Deux hommes l’accompagnaient,
tous deux vêtus de noir et coiffés de feutres aux larges bords. L’un d’eux conduisait par la bride
le cheval de tête, l’autre se tenait debout à l’avant du char.
Comme le char arrivait en face de la touffe de noisetiers où se dissimulait le jeune homme,
l’essieu eut un craquement sec.
- Arrête ! dit l’homme de la voiture à celui qui menait les chevaux. Celui-ci cria : Ho ! et tout
l’équipage fit halte.
- La cheville de l’essieu vient de casser, reprit l’Ankou. Va couper de quoi en faire une neuve à
la touffe de noisetiers que voici.
- Je suis perdu ! pensa le jeune homme qui déplorait bien fort en ce moment son indiscrète
curiosité.
Il n’en fut cependant pas puni sur-le-champ. Le charretier coupa une branche, la tailla,
l’introduisit dans l’essieu, et, cela fait, les chevaux se remirent en marche.
Le jeune homme put rentrer chez lui sain et sauf, mais, vers le matin, une fièvre
inconnue le prit, et le jour suivant, on l’enterrait. (« Le Char de la mort1»)

Or, 700 ans auparavant, on trouve chez un moine anglo-normand et historien, Orderic Vital (ý
1141), dans son Historia Ecclesiastica, un texte à tout point comparable. Certes, il est plus
long, en latin, et certains détails comme le nombre des chevaux change, tandis que les
noisetiers y sont des néfliers. Mais ce qui importe, c’est la fidélité des deux scénarios.
Cependant, il est très peu probable que les paysans bretons aient lu l’histoire d’Orderic. Nous
avons affaire à deux canaux de transmission distincts dont nous ne pouvons qu’admirer les
stupéfiantes coïncidences ; sans doute les deux voies se sont-elles croisées régulièrement et se
sont nourries mutuellement dans un commerce ou échange délicat à retracer mais effectif,
nous y reviendrons.
Il y a donc une prise de conscience progressive de ce que l’apport « populaire »,
loin d’être une « sous-production », mérite toute l’attention des érudits ; les poètes, au sens
large, eux, n’ont jamais cessé de s’en inspirer. Les frères Grimm sont parmi les pionniers à
affirmer haut et fort la valeur de cet héritage. Ces linguistes ou plutôt philologues, comme on
disait alors, se sont mis à collectionner les traditions populaires à partir de 1806, et ont
qualifié les fruits de leur recherche, les Märchen und Sagen, de « petite mythologie » (niedere
Mythologie2), à la fois pour distinguer ces productions de la « grande » mythologie mais aussi
pour les comparer aux mythes « savants » - les Argonautes, Icare, la prise de Troie etc. Ŕ en
vue de mettre en évidence les nombreux points de recoupements. « Petite » mythologie, mais
mythologie tout autant ! Il est significatif qu’ils aient donné à leur recueil le titre de Kinder-
und Hausmärchen, « Contes pour les enfants et le foyer » : nous restons résolument cantonnés
dans la sphère privée ! Cependant, une « archéologie » de ces traditions est née dès les XVIIe
et XVIIIe siècles ; elle sort progressivement de la chambre des nourrices et se répand dans la
sphère publique ; peu à peu, on prend au sérieux ces histoires incongrues, aux images fortes et
à la cohérence du rêve.
1
La légende de la mort, in Magies de la Bretagne, éd. F. Lacassin, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 1994, t. 1, p. 150.
2
C. Lecouteux, Au-delà du merveilleux. Des croyances au Moyen Age, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne (Cultures et
civilisations médiévales XIII), 1993, p. 7.

3
À partir du XXe siècle, la démarche acquiert si on peut dire ses lettres de noblesse
grâce aux travaux notamment de James George Frazer ou d’Arnold Van Gennep, tandis que
les collections de « mémorats » se multiplient, avec un souci accru désormais de ne pas altérer
le témoignage originel, donc de le transcrire tel quel. Les travaux et collections de Sébillot, de
Seignolle ou encore, pour le domaine spécifiquement celtique, de Pierre-Yves Lambert, ou
plus récemment, de Charles Joisten3 sont de plus en plus souvent interrogés par la critique
littéraire traditionnelle et en particulier les médiévistes dont ils enrichissent souvent de
manière décisive les recherches. Enfin, on ne cesse de chercher des outils adaptés à l’analyse
de ce matériau particulier. On connaît notamment les approches structuralistes et les
typologies établies par un Vladimir Propp (classification à travers les fonctions) ou encore
d’Aarne et Thompson4 qui cherchent à cerner au plus près l’élément oral « invariable » dans
nos traditions et qui ont abouti au fameux Motif-Index, répertoriant et classifiant des contes-
types récurrents dans les traditions européennes et, ponctuellement, au-delà. À ce point, on est
certain de la contamination des deux sphères « savantes » et « populaires ».
Par ailleurs, on a défini plusieurs angles d’approche pour appréhender ces
traditions. La notion de « motif » semble féconde. Elle a donné lieu à des recherches
approfondies notamment chez les médiévistes5 mais qui ont mis à jour de profondes
divergences de vue aussi. Une question délicate se pose en effet à l’explorateur de motifs
mythiques : comment déceler à l’intérieur d’un texte les fragments mythiques venus
d’ailleurs ? Les problématiques posées par la notion de « motif » sont par ailleurs très
inconfortables parce qu’un motif est tout à la fois universel et foncièrement instable. Cette
instabilité est réductible, en grande partie, aux aléas de la transmission orale, mais aussi au
processus permanent, bien défini désormais, qui va du motif traditionnel à sa rationalisation
(« démythologisation ») lorsqu’il devient élément littéraire, puis sa « ré-oralisation » et « re-
mythologisation » lorsque les sphères populaires s’en emparent. Joseph Bédier a bien posé, il
y a un siècle déjà, que les traditions populaires orales ne sont pas obligatoirement
« antérieures » aux influences savantes, mais qu’il y a de perpétuels va-et-vient entre ces deux
foyers de culture et de mémoire. Ainsi lit-on dans Les Légendes épiques6 (Bédier est en train
d’explorer sur le terrain les traces de héros épiques, Gormond et Isembard en l’occurrence) :

Je me suis fait un devoir de leur apprendre [aux habitants du bourg de Saint-Riquier] que la
femme d’Isembard s’appelait Moargot dans la chanson de geste du XIII e siècle, et par là
peut-être ai-je réintroduit à Saint-Riquier une « légende populaire ». Les vieilles pierres
n’auraient pas d’histoire, si les « clercs » n’y prenaient peine7.

3
J.G. Frazer, Le rameau d’or (1911-1915), éd. Fr. N. Belmont et M. Izard, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1981-1984 ; Folk-Lore in the
Old Testament, London, Macmillan and Co., 1919, 3 vol. Arnold Van Gennep, Le folklore français, Paris, Robert Laffont, « Bouquins »,
1999 (1937-1958), 4 tomes. Ch. Joisten, Êtres fantastiques. Patrimoine narratif de l’Isère, Grenoble, Musée dauphinois, 2005. C. Seignolle,
Contes, Récits et Légendes des pays de France, Presses de la Renaissance, 2004, 4 tomes (paru de 1974 à 1980 sous le titre de Contes
populaires et légendes). P. Sébillot, Le Folk-Lore de France, Paris, G.P. Maisonneuve et Larose, (1904-1909) 1968, 4 tomes. P. Delarue, M.-
L. Ténèze, Le conte populaire français. Catalogue raisonné des versions de France, Paris, Maisonneuve & Larose, 2002 (éd. en un volume
des quatre tomes publiés entre 1976 et 1985).
4
W. Propp, Morphologie du conte, Paris, Éditions du Seuil (1965), « Points », 1970.A. Aarne, The Types of Folktale. A classification and
bibliography (1928), translated and enlarged by St. Thompson, Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, FF Communication, 184, 1961
(repr. 1987). T. Thompson, Motif-Index of Folk-Literature, Copenhague, Rosenkilde and Bagger, 6 vol., 1955-1958.
5
Voir notamment J.-P. Martin, Les motifs dans la chanson de geste, définition et utilisation (discours de l’épopée médiévale), Centre
d’études médiévales et dialectales, Université de Lille-III, 1992. J.-Ch. Payen, Le motif du repentir dans la littérature médiévale (des
origines à 1230), Genève, Droz, 1967. A.-M. Cadot, « Le motif de l’Aître Périlleux : la christianisation du surnaturel dans quelques romans
du XIII e siècle », in Mélanges Charles Foulon, t. 2, La Marche romane, Mediaevalia 80, 1980, p. 27-35. J. H. Grisward, « Le motif de l’épée
jetée au lac », in E. Baumgartner (dir.), La Mort le Roi Artu, Paris, Klincksieck, 1994, p. 57-75. W. Propp, Morphologie du conte, Paris,
Éditions du Seuil (1965), « Points », 1970. J. Courtés, « Motif et type dans la tradition folklorique : problème de typologie », in Littérature,
45, 1982, p. 114-127 ; Le Conte populaire : poétique et mythologie, Paris, PUF, 1986. C. Brémond, « Comment concevoir un index de
motifs », in Bulletin du groupe de recherches sémio-linguistiques, 16, 1980, p. 15-29. B. Bricout, « Pour une étude ethno-littéraire du
motif », in M. Zink et X. Ravier (éd.), Réception et identification du conte depuis le Moyen Age, Actes du colloque de Toulouse, 1986,
Service des Publications de Toulouse-Le Mirail, 1987, p. 91-111. J.-J. Vincensini, Motifs et thèmes du récit médiéval, Paris, (Nathan, 2000),
Armand Colin 2005.
6
J. Bédier, Les Légendes épiques, Paris, Honoré Champion, 1908-1913, t. IV, p. 91.
7
Cité dans A. Corbellari, Joseph Bédier…, op. cit., p. 361.

4
Les savants cherchent parfois à contourner la difficulté en inventant de nouveaux termes.
Ainsi, Jean-Jacques Vincensini propose de remplacer le terme de « motif » par « traces
mémorielles » « que se plaisent à réécrire », constamment, les récits » ou plutôt « séquences
stéréotypées8 ». Claude Lecouteux pour sa part parle de « mémorats », et on pourrait allonger
la liste. La notion d’image (au sens propre du terme, et non pas métaphorique) semble
particulièrement féconde dans ce domaine ; elle a été développée par Gaston Bachelard, puis
est reprise par l’école de Grenoble ; cette notion est au cœur des théories sur l’imaginaire qui
y sont formulées.
On sait que pendant longtemps, on a dénié à la littérature toute composante orale (et,
pour le Moyen Âge, l’apport celtique, alors que « les textes arthuriens ne s’expliquent pas en
dehors de la transformation de thèmes mythologiques celtiques en thèmes littéraires
européens9. » Ainsi, « au cours des années 50… , plusieurs médiévistes découvrirent
l’existence de la poésie orale. (…) », dit Michel Zumthor10 et cela déclencha comme une
tempête dans un vers d’eau, ajoute-il. « Que de tel texte du XIIe siècle, on pût prouver
(supposons-le) que son mode d’existence avait été principalement oral, cela nuisait
gravement, vers 1960-1965 encore, en France du moins, à son prestige. De tel texte admiré,
tenu pour ‘chef-d’œuvre’, un préjugé très fort interdisait à la plupart des lecteurs érudits
d’admettre qu’il eût pu ne point être écrit 11. » Peu à peu, une « méthode de dépistage de
l’oralité12 » se constitue, aux conclusions parfois empiriques il est vrai, ce qui montre la
difficulté du chantier.
De fait, et nous y avons fait allusion il y a un instant, il y a des allers-retours constants
de l’un à l’autre, - oral, rationalisation/démythologisation, puis réoralisation Ŕ comme l’ont
mis en évidence les chercheurs qui se consacrent désormais entièrement à ce champ, Claude
Lecouteux ou Jean-Jacques Wunenburger notamment 13 qui évoque comme « dialectique
créatrice » la démythologisation, puis la remythification d’un motif ou conte donné.

Le mythe constitue une matrice archétypale à partir de laquelle l’imagination recrée,


régénère, reconstruit de nouvelles histoires (…) La vitalité de la sphère mythique ne se
mesure donc jamais mieux qu’à travers les changements de mythes 14.

Quant à Daniel Poirion, il évoque dans ses Résurgences cette « chaîne lecture-mémoire-
écriture », indéfiniment répétée dans l’histoire de la littérature15.
On a par ailleurs commencé à repérer et à distiller les résurgences orales dans un texte
en prenant en compte de la dimension diachronique : les héritages populaires, mythiques,
oraux de nos anciens monuments littéraires sont repérables grâce à leur confrontation à des
traditions vivantes encore aujourd’hui. Le postulat a fait ses preuves depuis quelque temps
maintenant dans le domaine des traditions celtiques des Mabinogion et les travaux de Pierre-
Yves Lambert16.

Pour conclure ce premier volet définitoire, posons ces « équations » qui synthétisent
les recherches menées à ce jour dans le domaine de la petite mythologie :
8
J.-J. Vincensini, Motifs et thèmes du récit médiéval, Paris, (Nathan, 2000), Armand Colin 2005, p. 41 et 32.
9
Ph. Walter, Gauvain, le chevalier solaire, Paris, Imago, 2013, p. 38.
10
P. Zumthor, La lettre et la voix. De la « littérature » médiévale, Paris, Le Seuil, 1987, p. 7.
11
Ibid., p. 8.
12
Ibid., p. 16.
13
« « Oralité, écrit puis ré-oralisation, telles sont les étapes de la transmission ». C. Lecouteux, Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au
Moyen Age, Paris, Imago, 1999, p. 9.
14
J.J. Wunenburger, « Création artistique et mythique», in D. Chauvin, A. Siganos et Ph. Walter, Questions de Mythocritique, Dictionnaire,
Paris, Imago, 2005, p. 79-80.
15
D. Poirion, Résurgences, Paris, PUF, 1986, p. 8.
16
Les Quatre Branches du Mabinogi et autres contes gallois du Moyen Age, trad. et prés. P.-Y. Lambert, Paris, Gallimard, 1993.

5
- la mémoire orale est mémoire mythique ;

- le conte dit « populaire » en est le véhicule par excellence ;

- le Moyen Âge est un vivier privilégié de ces anciennes mémoires puisqu’il les a souvent
fixées pour la première fois sur le parchemin 17.

Abordons à présent une deuxième question méthodologique :

2. Autour de la mythocritique : mythe et littérature


L’épigraphe qui surplombe l’Introduction au Décor Mythique de la Chartreuse de
Parme de Gilbert Durand dit ceci ;

Rien n’indique le plus souvent que le mythe ait été le moins du monde présent à l’esprit conscient
du poète… Mais tout se passe comme si le mythe montait spontanément des profondeurs de
l’inconscient et s’accrochait au contenu manifeste par tous les détails qui y donnent prise ; il y
détermine des incidences et des incidents que l’action avouée ne nécessite ou ne justifie pas, mais
qui apparemment accessoires dans le contenu manifeste, ne reçoivent leur sens que d’une référence
au mythe18.

G. Durand donne, au début des années 60, le nom de « décor » à cette mémoire
inhérente et implicite à toute œuvre :

Ce que cherche le grand romancier, c’est à travers l’épaisseur sémiologique et banale du


langage, à toucher au cœur du lecteur ces grands ressort archétypaux qui / structurent en secret
les désirs, la rêverie et les préoccupations les plus intimes. Le décor est donc, autant qu’il se
peut, subjectif, mais d’une subjectivité universalisable transcendantale19.

Ces premiers travaux de l’érudit mettent en évidence que plus que jamais, il est nécessaire de
doter les approches de l’imaginaire en articulation avec l’œuvre littéraire, et avec l’œuvre
d’art plus généralement, d’une nomenclature méthodologique. Ce sera l’objet d’un ouvrage
devenu depuis un classique, de GD, les Structures anthropologiques de l’imaginaire 20 où il
pose que « l’imagination est dynamisme organisateur, et ce dynamisme organisateur est
facteur d’homogénéité dans la représentation21 ».
Gilbert Durand affine continuellement son approche22, en s’appuyant notamment sur
les travaux de Mircea Eliade et surtout de Gaston Bachelard. À l’exemple de la phonologie et
de la sémantique, la méthode d’analyse qui peu à peu émerge repose sur la définition d’une
unité minimale, un « fragment de sens » appelée « mythème » ; le mythe peut donc être
défini comme « un récit (…) mettant en scène des personnages, des situations, des décors (…)
fragmentables en séquences ou plus petites unités sémantiques ». Une nouvelle discipline naît,
et de nouvelles terminologies.

17
M. Zink et X. Ravier (éd.), Réception et identification du conte depuis le Moyen Age, Actes du colloque de Toulouse, 1986. Voir en
particulier M. Stanesco, « Le conte de fées et le merveilleux romanesque », p. 11-19.
18
Cité, en épigraphe de l’introduction, par G. Durand, Le décor mythique de la Chartreuse de Parme. Les structures figuratives du roman
stendhalien, Paris, José Corti, 1961 (2 e édition 1971), p. 9. Elle est extraite de extraite d’un ouvrage qui propose de mesurer les acquis de la
psychanalyse à la littérature et intitulé Le Triomphe du Héros de C. Baudouin (1952)
19
G. Durand, Le décor mythique de la Chartreuse de Parme, op. cit., p. 13-14.
20
G. Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas / Dunod, (1969) 1984.
21
Ibid., p. 20.
22
G. Durand, Figures mythiques et visages de l’œuvre, de la mythocritique à la mythanalyse, Paris, Berg International éditions, 1979.

6
On a alors opposé mythanalyse et mythocritique, la première s’appliquant à l’étude
de mythes classiques et traditionnels (la « grande mythologie » donc), la seconde intéressant
la présence de mythes ou plutôt de mythèmes dans la littérature, ainsi que leurs
transformations dans le temps. Si la mythanalyse fournit à la mythocritique certaines de ses
conclusions (notamment sa collection de thèmes redondants), il s’agit de deux démarches bien
distinctes par la spécificité de leur objet respectif. - Après Gilbert Durand, des chercheurs
spécialisés dans le domaine de l’imaginaire comme Joël Thomas 23, ou des comparatistes
comme Pierre Brunel24 ont continué à baliser le domaine et à en définir des méthodes
d’analyse.
C’est à l’instigation de Gilbert Durand qu’a été fondé en 1966 le Centre de
Recherche sur l’Imaginaire (CRI) à Grenoble, que Philippe Walter a dirigé ensuite, dont la
vocation est résolument pluridisciplinaire (littérature française et comparée, sociologie,
psychologie, anthropologie, ethnologie, philosophie).
Le nombre des groupes d’étude et de laboratoires de recherche sur l’imaginaire ne
cesse de grandir, citons-en quelques uns seulement à côté du CRI et de l’ERLIMA :
- l’Université d’Angers a crée « Écritures et Cultures » (CERIEC) ;
- À Bordeaux, le Laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l’imaginaire appliqué à la
littérature (L.A.P.R.I.L.);
- Le Centre de recherche sur l’imaginaire (CRI-IRSA) à Montpellier.
À l’étranger, le nombre des centres de recherche sur l’imaginaire se multiplie également, et
l’on observe une réelle volonté de collaboration à l’échelle mondiale de leurs membres
respectifs.
- L’Université Catholique de Louvain-la-Neuve possède son Centre de Recherches sur
l’Imaginaire ;
- La Roumanie est particulièrement active dans notre domaine et ne compte pas moins de trois
Laboratoires : à Alba Iulia le Centre de Recherche de l’Imaginaire « Speculum » ; à Craiova,
le Centre de Recherche sur l’Imaginaire et la Rationalité Mircea Eliade et à Bucarest le Centre
d’histoire de l’imaginaire ;
- le Centro europeo di Studi su Mito e Simbolo de Messine;
- le Seminario interdisciplinario de investigación sobre lo imaginario de Mexico;
- le Nucleo interdisciplinar de estudos sobre o imaginario de Recife, Brésil.

Enfin, des chercheurs se distinguent par leurs travaux devenus désormais sinon des
« classiques » du moins représentatifs : ainsi Philippe Walter, déjà plusieurs fois évoqué dans
ce travail, a consacré sa thèse de doctorat à la « La mémoire du temps » fixée à travers le
calendrier et les saints qu’il fête25 ; Canicule explore en particulier cette « raison du temps »
en tant que force structurante sous-jacente dans Yvain26. Autre pionnier, Claude Lecouteux
s’est plus particulièrement attaché à explorer le grand continent des monstres ; l’apport de son
œuvre dépasse très largement sa discipline de spécialité, les études germaniques. Ainsi, les
figures à la fois étranges et familières que sont les nains et les géants 27, les fées et autres

23
J. Thomas (dir.), Initiation aux méthodologies de l’imaginaire, Paris, Ellipses, 1998.
24
P. Brunel, Mythocritique, Théorie et Parcours, Paris, P.U.F., 1992. Citons aussi les travaux de Pierre Gallais, La Dialectique du récit
médiéval, Amsterdam, Rodopi, 1982 ; L’imaginaire d’un romancier français de la fin du XII e siècle. Description raisonnée, comparée et
commentée de la Continuation-Gauvain (Première suite du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, Amsterdam, Rodopi, 1989.
25
Ph. Walter, La Mémoire du Temps. Fêtes et calendriers de Chrétien de Troyes à La Mort Artu, Paris, Champion, 1989.
26
Ph. Walter, Canicule. Essai de mythologie sur Yvain de Chrétien de Troyes, Paris, SEDES, 1988.
27
C. Lecouteux, Les nains et les elfes au Moyen Age, Imago, 1988/1997.

7
loups-garous et sorcières28 sont explorées à travers leurs terres d’origine puis placées dans le
milieu littéraire médiéval dont ils permettent d’explorer bien des dimensions originales : les
mondes parallèles ou l’ailleurs 29 sont bien le terreau de la « petite mythologie » mais qui n’a
jamais coupé les ponts avec la grande : c’est ce qui ressort dans tous ces travaux.
Ces avancées ont donné naissance à une toute une nouvelle génération de chercheurs.
Sans prétendre à l’exhaustivité, Claudine Marc explore l’influence du mythe du Roi des
poissons sur la production littéraire du Moyen Âge 30. Marc-André Wagner, disciple de Claude
Lecouteux, a consacré un important travail au cheval dans les croyances germaniques 31 et
Guillaume Issartel a soutenu sa thèse, La Geste de l’ours (direction Philippe Walter 32), et
Corinne Le Cornec a travaillé sur l’imaginaire du poisson dans les sciences et l’imaginaire
sous la direction de Claude Thomasset33.
En conclusion de cet état des lieux, évoquons une notion féconde, celle de « mythe
littéraire » qui pourrait constituer une résolution du problème épistémologique entre l’univers
strictement littéraire et le continent de l’imaginaire mythique et donc les traditions savantes et
populaires. Ce n’est pas par hasard qu’on a appliqué cette notion plus particulièrement à ce
« genre » littéraire qu’est le conte. Les relations entre conte et mythe ont en effet à leur tour
suscité d’ardents débats34, et d’illustres savants, de Dumézil35 à Eliade36, de Propp37 à
Saintyves38 ont apporté leur contribution à la discussion. On est même allé jusqu’à se
demander s’il existe « un mythe non littéraire 39 ».
Dominique Boutet établit une distinction utile entre mythe ethno-religieux et mythe
littéraire ; ce dernier « n’existe que par la littérature, œuvre unique ou processus cumulatif,
fondé sur la réécriture, l’intertextualité, et duquel la stéréotypie (…) peut être un solide
auxiliaire. Même s’il reprend des éléments du mythe ethno-religieux, il ne remplit plus, stricto
sensu, de fonction socio-religieuse40 ». Et de citer les exemples de Prométhée, d’Œdipe, de
Don Juan, autant de mythes qui doivent donc leur existence à la littérature. Philippe Sellier 41
pose trois « ingrédients » indispensables pour définir un mythe littéraire : la saturation
symbolique, l’éclairage métaphysique et ce qu’il appelle le « tour d’écrou », c’est-à-dire une
trame ou organisation serrée et récurrente.
Régis Boyer 42 propose une autre définition du « mythe » dans la perspective de son
articulation avec le conte et plus largement les œuvres littéraires. Il pose lui aussi trois
« ingrédients » de base : une image, « puissamment symbolique », une histoire exemplaire
fournissant un « paradigme » à cette image, histoire possédant « une valeur atemporelle »
universelle, et ce qu’il appelle « un esprit de force de vie » qui permet de comprendre « notre
fureur de vie et notre acceptation de la mort ». Pour Régis Boyer, la fonction essentielle,
fondamentale de la littérature, c’est d’exprimer, voire de fabriquer des mythes.

28
C. Lecouteux, Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Age, Paris, Imago, 1992.
29
C. Lecouteux, Mondes parallèles. L’Univers des croyances du Moyen Age, Paris, Champion, 1994, rééd. 2007. Au-delà du merveilleux.
Des croyances au Moyen Age, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne (Cultures et civilisations médiévales XIII), 1993.
30
C. Marc, Le Fils du Roi des Poissons, étude comparative du Conte A.T. 303 et de récits médiévaux, Thèse de Doctorat, Grenoble III, 2000
(direction Philippe Walter).
31
Le cheval dans les croyances germaniques. Paganisme, christianisme et traditions, Paris, Champion, 2005.
32
La Geste de l’ours. L’épopée romane dans son contexte mythologique, XII e-XIVe siècles, à paraître chez Champion.
33
C. Le Cornec Rochelois, Le poisson au Moyen Âge : savoirs et croyances, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, octobre 2008
(direction Claude Thomasset).
34
Ph. Walter, « Conte, légende et mythe », in D. Chauvin, A. Siganos et Ph. Walter, Questions de Mythocritique, op. cit., p. 59-68. E.
Mélétinsky, « Du mythe au folklore », in Diogène, n° 99, 1977, p. 117-142.
35
G. Dumézil, Du mythe au roman, Paris, PUF, 1970.
36
M. Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963.
37
W. Propp, Morphologie du conte, Paris, Éditions du Seuil (1965), « Points », 1970.
38
P. Saintyves, Les contes de Perrault et les récits parallèles (leurs origines), Paris, Robert Laffont, (1931) 1987 ; En marge de la Légende
dorée : songes, miracles et survivances, Paris, Robert Laffont, (1931) 1987, p. 495-896.
39
R. Boyer, « Existe-t-il un mythe qui ne soit pas littéraire », in Mythes et Littératures, textes réunis par P. Brunel, Paris, Presses de
l’Université de Paris-Sorbonne, 1994, p. 153-164.
40
D. Boutet, Charlemagne et Arthur, ou le roi imaginaire, Paris, Champion, 1992, p. 11.
41
Ph. Sellier, « Qu’est-ce qu’un mythe littéraire? », in Littérature, 1984, p. 112-126.
42
R. Boyer, art. cit., p. 153-164.

8
Enfin, nous devons une des réponses les plus précises et stimulantes dans ce domaine
à Jean-Jacques Wunenburger qui analyse la dialectique entre œuvre artistique Ŕ littéraire en
particulier Ŕ et mythe. Cet auteur pose que pour passer du mythe traditionnel ou religieux au
mythe littéraire il faut l’intervention de ce qu’il appelle une « dialectique créatrice », à savoir
la démythologisation, puis la remythification d’un mythe de départ. « Le mythe constitue une
matrice archétypale à partir de laquelle l’imagination recrée, régénère, reconstruit de
nouvelles histoires (…) La vitalité de la sphère mythique ne se mesure donc jamais mieux
qu’à travers les changements de mythes 43. »
Le monumental Dictionnaire des Mythes littéraires, publié sous la direction de Pierre
Brunel, offre une typologie de ce domaine, ainsi que des méthodes d’analyse fécondes. Il
traite ainsi côte à côte, tout simplement selon l’ordre alphabétique les émanations de la
« grande » et de la « petite » mythologie, ou de la « grande » et de la « petite » littérature,
traite côte à côte les fileuses et Hamlet, Mélusine et Dionysos, le Juif errant et Phèdre,
Abraham et Médée, Œdipe et la Lorelei. C’est à mon sens la « transgression » catégorielle la
plus féconde opérée ces dernières années, transgression dans ce sens où elle traite au même
niveau doublets savants et doublets populaires en les confrontant dans une démarche
comparative. Approprions-la-nous ; c’est exactement ici que nous souhaitons nous placer. - Et
rappelons que « si Platon s’occupe encore des mythes, Aristote affirme que ceux qui
s’occupent des mythes sont indignes qu’on s’occupe d’eux44 » ; nous sommes aujourd’hui
dans une situation comparables aujourd’hui, nous autres « littéraires » face une société où
dominent sinon les sciences dures du moins la technocratie. Faisons-la mentir et ne cessons de
ressusciter cette mémoire Ŕ en commençant par les petits mythes justement, que nous avons
reçus en héritage, la plupart du temps encore, dans notre chambre d’enfance.

II. EXEMPLES
Nous allons donner maintenant quelques exemples concrets de ces liens entre grande
et petite mythologie, en suivant grosso modo les principales catégories évoquées en
introduction :

1. La présence diffuse de motifs mythologiques dans une œuvre littéraire ;


2. Une figure ancestrale ;
3. Quelques emblèmes.

1. La présence diffuse de motifs mythologiques dans une œuvre littéraire


Dans une étrange pièce d’Adam de la Halle (127645), le Jeu de la Feuillée, une scène
centrale (v. 557-875) voit l’arrivée de trois fées qui se réunissent pour un repas, Morgue,
Maglore et Arsile. Ce n’est pas anodin qu’un trio de fées : il renvoie aux antiques Parques. La
critique a d’ailleurs pu faire de la Fata Morgana une « réincarnation tardive de deux déesses
celtiques », Morrigan et Modron ; cette dernière est une des trois Matronae vénérées dès les
premiers siècles de l’ère chrétienne 46. Mais dans notre texte, on assiste à un beau brouillage de
registres, un décalage qui est source de comique. Car le dialogue s’engage après des politesses
d’usage qui étonnent ici : Diex beneï vous et lui ! (v. 618). Mais surtout : alors qu’on était en
droit d’attendre un échange relevant du merveilleux entre ces personnages si marqués par une
gravité ancestrale, sacrée, voilà qu’éclate une querelle on dirait de ménagères ! Maglore, en

43
J.J. Wunenburger, « Création artistique et mythique», in D. Chauvin et al., op. cit., p. 79-80.
44
Cité par J.-N. Vuarnet, Le philosophe-artiste, Paris, éditions Lignes & Manifestes, L. Scheer, 2004, p. 10.
45
Adam de la Halle, Œuvres Complètes, éd. P.Y. Badel, Le Livre de Poche, coll. Lettres Gothiques, 1995.
46
C. Ginzburg, Le Sabbat des Sorcières, Gallimard, (1989) 1992, p. 121.

9
prenant place pour manger, constate qu’on a négligé de lui donner un couteau, ce qui l’offense
profondément Ŕ on ne peut pas manger sans couteau au Moyen Âge.
Comment lire cet épisode ? À première vue, il s’agit d’une allusion à une pratique
superstitieuse et que pourfend l’évêque de Worms, Burchard, qui écrit au XI e siècle dans son
Decretum ou Pénitentiel :

As-tu agi comme certaines femmes à certaines époques de l’année : quand elles préparent la
table, les aliments et la boisson, elles placent trois couteaux sur la table pour que les trois sœurs
que les anciens dans leur sottise ont appelé les Parques puissent se restaurer. Ces femmes
dénient la puissance à la bonté divine et l’attribuent au diable ! As-tu cru que ces trois sœurs,
comme tu dis, pouvaient t’être de quelque secours maintenant ou plus tard ? Si oui : un an de
jeûne au pain et à l’eau, aux jours officiels47.

Ainsi donc, deux couteaux seulement, et une fée fâchée, ce qui nous rappelle autre chose
encore, la suite le confirme : Morgue et Arsile, en (bonnes) fées qu’elles sont, se mettent à
distribuer généreusement leurs dons aux mortels qui les entourent, de l’argent, de l’amour, le
talent de chanteur. Mais la troisième fée, Maglore, la fée vexée, celle qui est privée de
couteau, fait un mauvais don, une malédiction donc : bref, on aura reconnu le scénario de la
Belle au Bois Dormant, des siècles avant les Frères Grimm (et Perrault) : la treizième fée,
vexée d’avoir été oubliée parmi les invitées, ou fâchée de ne pas avoir de gobelet d’or comme
les autres (cela dépend des versions) enchante la pauvre princesse et la condamne à mort : à
son 15e anniversaire, la princesse se piquera à une quenouille et mourra. Fort heureusement
ici, Maglore ne va pas faire un don si tragique, - quoique :

Je di que Riquiers soit pelés


Et qu’il n’ait nul cavel devant.
De l’autre, qui se va vantant
D’aler a l’escole a Paris,
Voeil qu’i soit si atruandis… (v. 682-686).

Elle souhaite donc à un clerc, déjà tonsuré au demeurant, d’être pelé, sans doute par le
truchement d’une pelade, sorte de teigne, donc d’être entièrement privé de cheveux, ce qui est
une manière drolatique de porter atteinte à la dignité du personnage; elle souhaite à Adam,
clerc marié qui veut reprendre ses études et laisser les plaisirs du mariage, de s’oublier à
nouveau dans les bras de sa femme. Ce texte en effet joue de manière jubilatoire non
seulement avec des références de tous horizons Ŕ il contient d’ailleurs une des plus anciennes
attestations du nom de Hellequin, le chasseur sauvage dont on va dire un mot dans un instant,
mais également avec les registres. On a bien affaire à une superstition immémoriale que la
littérature colporte et stylise en se l’incorporant, et dont les traces sont facilement identifiables
du Moyen Âge à nos jours.
Voyons maintenant un second angle d’approche possible : on peut aborder le sujet de
la grande et de la petite mythologie par le biais d’une figure.

2. Figures emblématiques : l’exemple du Chasseur sauvage et de Berthe aux grands


pieds
Le Chasseur sauvage, que le Moyen Âge a appelé Hellequin, et dont l’origine remonte
in illo tempore Ŕ on en trouve des manifestations dans l’Antiquité, dans la mythologie
germanique (Odin/Wotan y est parfois assimilé…) Ŕ le chasseur sauvage a traversé les siècles
jusqu’à nous ; il ne s’agit pas tant de filiations que de cousinages et autres alliances. Pour
47
Burchard de Worms, Corrector sive Medicus, Decretum, livre XIX, PL 140, coll. 951-976. Traduction in C. Vogel, Le pécheur et la
pénitence au Moyen Age, Paris, le Cerf, 1969, p. 105.

10
synthétiser, le canal oral aboutit à des figures comme l’Ankou en Bretagne ou l’Hérode en
Isère, aboutit à la figure ambiguë du Chasseur vert dans l’univers du conte germanique, et
dont d’innombrables traditions sont toujours vivantes de nos jours. La voie littéraire
« savante », elle, nous conduit à Don Juan, à Faust, au Juif errant, au Hollandais volant, au
Roi des Aulnes. Ronsard, Victor Hugo, Mérimée, Verlaine, Alfred Jarry, Michel Butor, Ernst
Jünger, Jean-Loup Trassard etc. le connaissent et l’exploitent. En plus, il existe ici un canal de
transmission supplémentaire, que sans doute la dimension théâtrale de notre figure a
grandement favorisé : on retrouve Hellequin non seulement en Arlequin, mais aussi dans la
représentation iconographique à travers cette réalisation tout à fait originale qu’est la danse
macabre.
Mais développons surtout l’exemple de Berthe Ŕ au grand(s) pied(s). C’est un
personnage historique. Éginhard a transmis à la postérité la profonde vénération que vouait
Charlemagne à sa mère : voici peut-être la source de la multitude de légendes ou petites
mythologies qui vont jaillir autour de Berthe, pratiquant parfois des fusions avec d’autres
traditions grâce à des faisceaux mythémiques communs. Mais la reine alimente aussi des
trames littéraires. Une vingtaine de textes médiévaux relativement tardifs Ŕ le plus ancien date
de la fin du XIIe siècle Ŕ nous ont conservé des variantes d’une histoire relatant le mariage de
Berthe et de Pépin. Celle d’Adenet le roi (XIII e siècle) présente une version particulièrement
développée (3486 vers) : Berte as grans piés. Au fil du temps et des générations d’écrivains,
la particularité de Berthe, ses grands pieds, inspirent davantage encore les poètes, peut-être
parce qu’une croyance largement répandue veut qu’un grand pied de femme soit un indice de
fécondité48, ce qui explique pourquoi on le trouve dans tant d’histoires d’alliance et de
mariages. Ainsi donc, sa popularité croissante aidant sans doute, la caractéristique de Berthe
se trouve comme renforcée et voici que Berthe « aux grands pieds » devient Berthe « au grand
pied » ! Du coup, le signe particulier devient une véritable curiosité morphologique : Berthe a
des pieds dépareillés, elle a un grand pied, un pied plus long que l’autre : « Un pié que Berte
avoit plus grant que l’autre et pource fut elle de puis appellee Berthe au grant pié49 » ; elle est
porteuse d’une dissymétrie remarquable, la rapprochant des mythiques fileuses mais aussi de
ces créatures à la patte d’oie qu’on appelle les Pédauques - et qui ont certainement un lien
avec l’expression « les contes de ma mère l’oie ». D’ailleurs, il existe des versions de la
légende de Berthe qui font état d’un pied non pas « grand » mais « plat ». L’imaginaire s’en
donne à cœur joie.
De fait, Berthe avec son grand pied perpétue la mémoire d’anciennes divinités. Elle prend
place au cœur du cercle de ces figures syncrétiques appelées les bonnes dames qui ont
volontiers un grand pied, parfois deux, ou d’autres particularités morphologiques
remarquables. On peut en rencontrer encore aujourd’hui, par exemple au solstice d’hiver et les
douze jours ; des créatures comme la Tante Arie ou la Befana qui peuplent toujours certains
ciels de Noël en sont des exemples bien vivants 50. Jacob Grimm les a bien identifiés en disant
qu’elles sont essentiellement considérées comme des divinités maternelles qui sillonnent
l’espace, qui entrent dans les maisons, et qui enseignent aux humains les affaires et l’art du
ménage comme de l’agriculture : filer, tisser, garder le foyer, semer et récolter. Ces
occupations apportent au pays la tranquillité et la paix 51.
Or, parfois, Berthe ne s’appelle pas Berthe, mais Percht Ŕ on remarque qu’il s’agit
d’une simple variante phonétique52 ; c’est la maîtresse des fileuses.

48
Handwörterbuch des deutschen Aberglaubens, art. « Fuss », col. 225.
49
Histoire de la Reine Berthe et du Roy Pepin, Mise en prose d’une chanson de geste, éd. P. Tylus, Genève, Droz, 2001, p. 132, li 301-303.
50
Voir K. Ueltschi, Histoire véridique du Père Noël, Paris, Imago, 2012, not. p. 76.
51
Cf. Deutsche Mythologie, Graz, Akademische Druck- u. Verlagsanstalt, 1968, 1, p. 207.
52
Brüder Grimm, Deutsche Sagen, München, Winkler Verlag, 1981, d’après la troisième édition de 1891 (première édition 1816 et 1818), n°
268: „Frau Berta oder die weisse Frau“ (p. 267) et nþ 269: „Die wilde Berta kommt“ (p. 268).

11
Percht possède elle aussi un grand pied, on dit que c’est parce qu’elle est fileuse tout
comme l’une des trois héroïnes du célèbre conte des Grimm, et tout comme Berthe ! Il y a
pléthore d’histoires très anciennes sur Percht. Dans un texte du XIIIe siècle, le Tractatus de
septem vitiis, l’auteur s’en prend aux parents dont les enfants ne savent pas réciter un Ave
Maria alors qu’ils chantent des chansons sur Madame Percht (ante sciunt cantare de domina
Perchta quam diciere Ave Maria53). Les croyances à son sujet restent vivantes aux XIVe et
XVe siècles : les ménagères continuent à lui dresser une table afin d’attirer sur la maison sa
bienveillance et donc l’abondance54. Percht conduit une armée d’âmes, essentiellement
composée d’enfants morts sans baptême. Elle apprécie les sacrifices de céréales qu’on lui
présente de préférence sur le toit. Une tradition rapportée par Jacob Grimm veut que comme
Holda, Percht surveille les fileuses et elle gâte ce qui n’est pas filé le dernier jour de l’année.
Pour sa fête, il faut lui donner de la bouillie et du poisson. Elle est volontiers une variante
d’Abundia et de Satia, dont les noms disent assez la fonction nourricière et maternelle, mais
pour Jacob Grimm, Percht est plus particulièrement la face nocturne de Frau Holle.
Tout comme Berthe, dame Holle possède dans certaines traditions deux grands et
larges pieds55. Son nom évoque à la fois la débonnaireté (hulde) et l’enfer (Hölle). Meneuse
de la chasse sauvage comme Percht, elle punit et récompense, comme le raconte le très joli
conte des Frères Grimm. C’est à elle que l’on doit la neige sur terre, les pommes mûres, le
pain bien chaud et une maison bien rangée. Tout comme Berthe et Perchta, elle vient inspecter
les maisons pendant les Douze Jours et vérifie si on y a bien filé mais aussi que pendant ces
nuits sacrées on laisse reposer la quenouille pour s’attabler devant des mets de fête ;
d’ailleurs, dans bien des contrées, dans l’attente de sa visite, les femmes lui dressent une belle
table pour qu’elle puisse se restaurer. Si les maisons sont bien tenues, elle dépose des
friandises et accorde à la maison sa bénédiction. Autrement, elle gâte le fil et le chanvre, si
bien que dans certaines régions, en Suisse notamment, on avait coutume de vider les fuseaux
la veille de Noël. Il arrive même, quand la ménagère est particulièrement négligente, qu’elle
lui ouvre le ventre, siège de la fécondité donc, avec un outil tranchant 56 ! Elle passe le reste de
l’année dans une grotte et s’adonne aux travaux ménagers : elle fait la lessive, cuit son pain,
file la quenouille Ŕ et secoue vigoureusement les édredons. De fait, ces figures remontent à
d’anciennes divinités préposées notamment à la régulation des saisons. C’est particulièrement
visible dans le Conte de Frau Holle.
« Du temps où la reine Berthe filait » : l’expression est légendaire, l’expression
renvoie au temps jadis sinon précisément à l’ère de Charlemagne, renvoie à cette époque
lointaine où les bonnes fées maternelles s’occupaient de vêtir, de nourrir et de protéger les
enfants et veillaient sur la bonne marche du monde ; l’expression renvoie à cet âge où tout
était encore comme il faut Ŕ et surtout, dont sourd la substance de toutes nos histoires. Ŕ
Enfin, on pourrait aussi aborder notre problématique en l’abordant par le biais de
« symboles ».

3. Quelques emblèmes
Le poisson d’abord : le syncrétisme des traditions est ici particulièrement parlant. On
connaît le beau conte de Pinocchio, ce pantin en bois qui a été proprement réveillé à la vie
après un séjour prolongé dans le ventre d’une baleine ; il est vrai que dans l’œuvre originale
de Carlo Collodi, c’est un requin (un pesce-cane) qui a avalé Pinocchio 57 ; mais la plupart des
adaptations ont imposé la baleine, riche d’une longue histoire et d’un important symbolisme, à

53
E. Timm, Frau Holle, Frau Percht und verwandte Gestalten, Stuttgart, S. Hirzel Verlag, 2003, p. 42-43.
54
Cf. C. Lecouteux, Dictionnaire de Mythologie germanique, Paris, Imago, 2005.
55
Handwörterbuch des deutschen Aberglaubens, art. Fuss, col 225.
56
Cf. E. Timm, op. cit.,, p. 9.
57
C. Colodi, L’aventure de Pinocchio. Storia di un burattino, Florence, Felice Paggi, 1883.

12
commencer par l’histoire vétérotestamentaire de la baleine qui a englouti Jonas, qui l’a gardé
pendant trois jours dans son ventre et qui pour finir l’a déposé sur la côte de Syrie (Livre de
Jonas). Le Nouveau Testament fera de l’histoire de Jonas un « signe » (cf. Luc 11, 29-32)
renvoyant en particulier à la résurrection : « Car tout comme Jonas fut dans le ventre du
monstre marin, trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’Homme sera dans le cœur de la Terre
trois jours et trois nuits » (Matt., 12, 39). Le poisson figure le processus de régénération. Le
Christ, qui apparaît volontiers comme pêcheur ou du moins comme adjuvant de pêcheurs,
possède lui-même le symbole du poisson qu’étaie un jeu de mots ou plutôt de lettres à partir
du grec ichtus qui constitue l’idéogramme (Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur : Jesu Kristus
Theou Uios Sôter58) ; ainsi le poisson deviendra-t-il le symbole des premiers chrétiens.
L’image du poisson renvoie donc à une sorte de matrice qui « enfante » quasiment
l’homme ou le fragment d’homme, à l’instar du conte de la Manekine59 dont la main tranchée
est tombée dans la rivière passant sous les cuisines du château où l’amputation a eu lieu. Un
providentiel esturgeon a englouti la main et l’a conservée dans sa mulette pendant plus de sept
ans. Puis, comme le Christ, l’esturgeon sera sacrifié ; il est découpé et consommé par
l’assemblée. Dans la Chronique dite Saintongeaise se trouve une histoire qui relate comment
un maître- queux de Charlemagne découvre les yeux du pape dans un poisson qu’il est en
train de vider dans la cuisine ! C’est l’empereur lui-même qui replace les yeux dans les orbites
du saint homme60. Enfin, le poisson n’est pas seulement apte à servir de réceptacle de
conservation ; il peut se conserver lui-même miraculeusement, comme le souligne la Vie de
saint Corentin, vénéré tout particulièrement en Bretagne 61 : s’étant retiré à Plomodiern dans le
Finistère, Corentin pêchait chaque jour dans une fontaine un poisson dont il coupait une
tranche, mais qui se reconstituait aussitôt ; le poisson restait donc toujours entier. Une
variante de cette légende évoque un poisson que l’ermite sert à un roi et à sa suite, qui grossit
tant qu’il parvient à nourrir tout le monde 62. Le lien entre le poisson et la thématique de la
(ré)génération et la fertilité est exploité aussi bien par la littérature que le conte, à l’instar du
célèbre conte des frères Grimm, Le pêcheur et sa femme (Von dem Fischer un syner Fru, Le
Pêcheur et sa femme), ou encore de toutes les histoires autour de la figure du Roi des
Poissons.

Finissons cette séance d’introduction par une réminiscence des plus universelles
véhiculée aussi bien par les témoignages antiques, mythologiques , littéraires et
« folkloriques » pour utiliser une dernière fois ces « grosses » catégories dont justement nous
voudrions amoindrir l’épaisseur des cloisons séparatrices : il s’agit de la palette chromatique
de base depuis l’Antiquité et qui réunit trois couleurs : le blanc, le noir et le rouge. Les
médiévistes penseront naturellement immédiatement à la merveilleuse scène du ravissement
de Perceval qui « muse » devant trois gouttes de sang dans la neige, et qui proviennent d’une
oie blessée par un oiseau de proie qu’on imagine naturellement noir. On pense aussi
immédiatement à la belle scène qui ouvre Blanche-Neige : cette reine qui coud à la fenêtre,
face à un paysage d’hiver, qui se pique et qui contemple le tableau des gouttes de sang
tombées dans la neige, sur le rebord de la fenêtre au cadre d’ébène : elle « conçoit »
proprement cette petite fille, rouge comme le sang, blanche comme la neige et à la chevelure
noire comme l’ébène de la fenêtre. La Gardienne d’oie des Frères Grimm, débordant de

58
La plus ancienne attestation de cet acrostiche remonte à Clément d’Alexandrie (ý 220) qui demande aux chrétiens de graver un poisson sur
leur sceau en signe de reconnaissance (Paedagog., III, IX). Voir aussi saint Augustin, La cité de Dieu, dans Œuvres, Desclée de Brouwer,
1960, t. 36, p. 557.
59
Philippe de Rémi, Le Roman de la Manekine, éd. M.-M. Castellani, Paris, Champion classiques, 2012.
60
F.W. Bourdillon, éd. Tote Listoire de France (Chronique saintongeaise), Londres, 1897, p. 66.
61
La Cathédrale de Quimper est consacrée à Saint Corentin. Au bas-côté nord du chœur, une chapelle lui est plus particulièrement dédiée
dont le vitrail et les peintures murales rapportent sa légende ; l’épisode du poisson est mis en rapport avec la multiplication des pains et des
poissons. Sur l’autel enfin, un reliquaire est consacré à sa mémoire.
62
Bénédictins de Paris, Vies des saints et des bienheureux, Letouzey, 1959, t. 12, p. 383-387.

13
réminiscences mythiques, réunit également ces couleurs, ainsi que Schneeweiss und Rosenrot
: un rosier blanc, un rosier rose ont donné leur nom respectif aux deux héroïnes. Or, un ours
survint, un ours noir bien sûr. Enfin, le Père Noël réunit lui aussi ces couleurs, mais cela, c’est
une autre histoire !

14
Éléments de bibliographie

Sources
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Outils
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