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07 Public Financial Management FR

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N° 07

La gestion des finances publiques


CENTRE POUR L’INTÉGRITÉ DANS LE SECTEUR DE LA DÉFENSE

Le Centre pour l’intégrité dans le secteur de la défense (CIDS) favorise l’intégrité, les mesures de lutte
contre la corruption et la bonne gouvernance dans le secteur de la défense. En collaboration avec ses
partenaires norvégiens et internationaux, il a pour but de renforcer les compétences, de sensibiliser l’opinion
et de fournir des moyens pratiques afin de limiter les risques de corruption. Le CIDS a été créé en 2012 par
le ministère de la Défense norvégien.

À PROPOS DES AUTEURS

Aleksandra Rabrenović est chargée de recherche Jelena Kostić est chargée de recherche à l’Institut
à l’Institut de droit comparé de Belgrade (Serbie). de droit comparé de Belgrade (Serbie). Elle a rejoint
Depuis 2003, Mme Rabrenović a travaillé en tant cet institut après avoir travaillé comme experte as-
que consultante pour la réforme du secteur public sociée et auditrice interne au secrétariat financier
dans plusieurs pays (Serbie, Monténégro, Rouma- de l’Administration de la ville de Belgrade. Avant
nie, Tadjikistan, République de Moldova, Mongolie, cela, Mme Kostić a travaillé en tant que consultante
Kirghizistan et Bosnie-Herzégovine) et pour diffé- pour l’Organisation pour la sécurité et la coopéra-
rentes organisations internationales de développe- tion en Europe et pour le CIDS, ainsi que sur des
ment telles que la Banque mondiale, le Fonds des projets financés par l’Union européenne. Ses prin-
Nations Unies pour le développement, le Soutien à cipaux domaines d’expertise sont la gestion des
l’amélioration des institutions publiques et des sys- dépenses publiques et la prévention de la corrup-
tèmes de gestion et l’Organisation de coopération tion. Mme Kostić a publié, en anglais et en serbe,
et de développement économiques. Elle a égale- plusieurs articles consacrés à ces questions. Elle a
ment travaillé pour l’Union européenne, le Conseil obtenu un master à la Faculté de droit de l’Universi-
de l’Europe et le CIDS, et sur plusieurs projets fi- té de Belgrade, et un doctorat en droit à l’Université
nancés par l’Union européenne. Ses principaux do- de Niš (Serbie).
maines d’expertise sont la gestion des ressources
humaines et la gestion des dépenses publiques.
Mme Rabrenović a publié, en anglais et en serbe,
plusieurs articles consacrés à la réforme du secteur
public. Elle a obtenu un master à la London School
of Economics and Political Science, et un doctorat
en droit à l’Université de Glasgow.
AVANT-PROPOS
Les guides de bonne gouvernance du Centre pour dans la manière dont les ressources publiques sont
l’intégrité dans le secteur de la défense (CIDS) ont gérées.
pour vocation première de présenter les questions
clés intéressant la bonne gouvernance. Les guides Je souhaiterais également remercier l’éditeur du
sont en général concis, mais ils évitent de simplifier CIDS, Bård Bredrup Knutsen, et notre coordonna-
à l’extrême les questions abordées. trice des publications, Åse Marie Fossum, pour leurs
contributions au présent guide.
Dans ce septième livret, destiné aux fonctionnaires
et au personnel militaire, les auteurs présentent le Le CIDS espère que le présent ouvrage intéresse-
concept de gestion des finances publiques. Ils ex- ra un grand nombre de lecteurs, non seulement au
pliquent ce qu’est et à quoi sert la gestion des fi- sein de la défense et du secteur public, mais aus-
nances publiques, présentent une analyse des prin- si de l’ensemble de la population. C’est en effet
cipaux acteurs, et décrivent les différentes phases aux contribuables que le gouvernement est censé
de la gestion budgétaire. Une attention particulière rendre compte de la façon dont l’argent public est
est accordée à la préparation, à l’exécution et au utilisé et dépensé.
contrôle du budget. Dans la dernière partie du do-
cument, les caractéristiques tout à fait uniques des Si vous avez des observations sur le guide, n’hésitez
budgets classifiés sont expliquées. pas à en faire part au CIDS.

Le présent guide a été écrit par Aleksandra Rabre- Oslo, le 22 mai 2018
nović and Jelena Kostić, toutes deux chargées de
recherche à l’Institut de droit comparé de Belgrade.
Je tiens à les remercier pour leur contribution à
l’étude de cet aspect fondamental de la bonne gou-
vernance. Pour qu’une démocratie fonctionne bien, Per Christensen
il est capital que l’opinion publique ait confiance Directeur
«Gento ommolut velentium untis qui intiorent
facipid ut as nones dolora di vel illaudiorpos vo-
luptios nullace aquatat laccum sit ommossundel

TABLE DES MATIÈRES


magnit, sedit eseceaque prepe natur»

1. INTRODUCTION............................................................................................. 3

1.1 La gestion des finances publiques : définition et fonction............ 4

1.2. Le budget et les principes budgétaires .............................................. 4

2. LE CADRE INSTITUTIONNEL...................................................................... 8

2.1. Le rôle du pouvoir exécutif................................................................... 8

2.2. Le rôle de l’assemblée législative


(parlement assemblée nationale).......................................................10

2.3. Le rôle des institutions supérieures de contrôle des finances


publiques.................................................................................................11

3. LE CYCLE BUDGÉTAIRE..............................................................................13

3.1. La planification budgétaire..................................................................15

3.2. L’approbation du budget......................................................................22

3.3. L’exécution du budget..........................................................................23

3.4. Le contrôle du budget..........................................................................25

4. CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES RELATIVES


AUX BUDGETS CLASSIFIÉS.......................................................................30
2
1. Introduction
Le présent guide s’adresse aux fonctionnaires et au Le présent document comprend quatre grandes
personnel militaire des ministères de la Défense qui parties. La première décrit succinctement ce qu’est
désirent développer ou approfondir leurs connais- et à quoi sert la gestion des finances publiques et
sances dans le domaine de la gestion des finances fournit des explications sur la notion de budget et
publiques. Il répond aussi bien aux besoins des les principes budgétaires clés. La deuxième, qui offre
nouveaux agents intégrant le secteur et souhaitant une analyse des principaux acteurs de la gestion des
se familiariser avec les notions théoriques propres finances publiques, souligne les rôles particuliers
à la gestion des finances publiques qu’à ceux des joués par le pouvoir exécutif, le parlement et les ins-
responsables financiers qui aspirent à étendre leurs titutions supérieures de contrôle des finances pu-
compétences dans ce domaine. Ce guide peut tou- bliques dans le cycle budgétaire. La troisième partie
tefois servir à d’autres fonctionnaires s’intéressant apporte des éclairages sur les différentes phases de
aux questions touchant à la gestion des finances la gestion budgétaire, l’accent étant mis en particu-
publiques. lier sur la préparation, l’exécution et le contrôle du
budget, tandis que la quatrième examine les carac-
téristiques spécifiques aux budgets classifiés.

3
1.1 LA GESTION DES FINANCES
PUBLIQUES : DÉFINITION Le cycle budgétaire, important volet de la gestion
des finances publiques, est destiné à garantir que les
ET FONCTION dépenses publiques sont bien planifiées, approuvées,
La gestion des finances publiques recouvre un exécutées et comptabilisées.
éventail complet d’activités auxquelles la plupart
des fonctionnaires et agents militaires se trouvent
1.2. LE BUDGET ET LES
confrontés à un moment donné de leur carrière.
PRINCIPES BUDGÉTAIRES
Lorsqu’un agent participe à la préparation du bud-
Le budget est un document de politique essentiel
get d’un programme, propose une commande, exa-
pour la gouvernance. Bien que l’observateur exté-
mine un rapport sur les dépenses ou élabore un do-
rieur puisse y voir une simple illustration technique
cument qui sera soumis à l’examen de vérificateurs
de chiffres financiers, le budget renvoie à une réali-
internes ou externes, il/elle réalise une étape du
té bien plus large. Dans une démocratie, le budget
processus de gestion des finances publiques.
concrétise la façon dont le gouvernement répond
aux besoins et aux priorités des citoyens. Ces be-
D’un point de vue professionnel, la gestion des fi-
soins sont déclinés en objectifs de politique géné-
nances publiques comprend plusieurs grandes acti-
rale, qui peuvent être présentés en termes qualita-
vités : mobilisation de recettes, allocation des fonds
tifs (par exemple, accroître la capacité sécuritaire du
obtenus à diverses activités et comptabilité des cré-
pays) ou en termes quantitatifs (par exemple, cor-
dits budgétaires. Dans le présent document, nous
riger les déséquilibres des marchés). La plupart des
ne nous intéresserons pas à la gestion des recettes,
objectifs fixés pour la politique de l’État nécessitent
car ce volet important de la gestion des finances
l’apport de deniers publics, que celui-ci ne peut fi-
publiques suppose à lui seul un vaste travail d’ana-
nancer que par la fiscalité. Les ressources étant dis-
lyse différencié1. Nous nous pencherons donc sur
ponibles en quantités finies, les dépenses prévues
les deuxième et troisième activités :
au budget illustrent la façon dont le gouvernement
entend hiérarchiser et financer les activités menées
▪▪ l’allocation des crédits budgétaires à différentes pour concrétiser ses objectifs annuels et plurian-
activités, aspect qui englobe la planification, l’ap- nuels par l’investissement des ressources de l’État.
probation et l’exécution des dépenses ;
Les pratiques budgétaires varient sensiblement d’un
▪▪ la comptabilité des crédits budgétaires. pays à l’autre, en fonction des pratiques politiques,
juridiques, constitutionnelles, institutionnelles et
Les différents processus de gestion des finances pu- culturelles en vigueur. Les pays ont tout intérêt à
bliques sont structurés autour du cycle budgétaire. définir et à gérer leurs cadres nationaux en fonc-
Ce cycle annuel vise à garantir que les dépenses pu- tion de leurs propres circonstances, compte dûment
bliques sont bien planifiées, approuvées, exécutées tenu de certains principes et orientations budgé-
et comptabilisées. taires de niveau supérieur.

Le cadre de gestion du budget de l’État est généra-


lement régi par une législation budgétaire détaillée,
parfois appelée « loi organique du budget » ou en-
core « loi organique relative aux lois de finances ».
La loi organique détermine le cadre applicable à
1 Il convient de garder à l’esprit que la gestion des recettes est
étroitement liée à la gestion des dépenses, en particulier dans le toutes les phases du processus budgétaire, englo-
processus de définition de l’enveloppe financière disponible et de
gestion des flux de trésorerie au cours de l’exercice budgétaire. bant la préparation, l’approbation, l’exécution et le

4
contrôle du budget. Elle précise également les prin- 7. Exhaustivité – Le budget de l’État concernant les
cipes clés qui régissent la gestion budgétaire. divers aspects du secteur de la sécurité doit être
exhaustif et complet. Aucune dépense ne doit être
La préparation et l’exécution du budget devraient oubliée : budgets de tous les services de sécurité,
s’appuyer sur les principes budgétaires approuvés à savoir l’armée et les autres structures militari-
au plan international. Ces principes nous offrent un sées, les services de la police et de renseignement,
aperçu des meilleures pratiques internationales en vi- ainsi que les sociétés militaires privées recrutées
gueur et peuvent orienter toutes les phases du cycle par le gouvernement.
budgétaire. Dans le présent livret, nous nous concen-
trerons particulièrement sur le secteur de la sécurité. 8. Publicité – Chaque citoyen (individuellement ou
collectivement) doit avoir la possibilité de se faire
une opinion, voire de l’exprimer, sur le budget.
PRINCIPES BUDGÉTAIRES : GROS PLAN Cette règle implique des documents budgétaires
SUR LE SECTEUR DE LA SÉCURITÉ lisibles et susceptibles d’être lus dans n’importe
1. Autorisation préalable – Le Parlement doit au- quelle région du pays (par exemple, en envoyant
toriser le gouvernement à effectuer la dépense. des exemplaires aux bibliothèques locales).
2. Unité – Toutes les dépenses et recettes doivent 9. Homogénéité – Des liens clairs doivent être éta-
être présentées au Parlement en un seul docu- blis entre les politiques, les plans, les entrées et les
ment budgétaire consolidé. sorties budgétaires.
3. Périodicité – Le gouvernement est tenu de res- 10. Moyens et objets – L’explication budgétaire doit
pecter un calendrier régulier pour présenter le permettre une compréhension claire des objectifs
budget, chaque année, au Parlement. La périodi- du budget en termes a) d’entrées de ressource;
cité implique aussi un calendrier pour la dépense b) d’objectifs de performance ou de capacité à at-
des fonds alloués. teindre et c) de résultats mesurables par rapport
4. Spécificité – Le nombre et la description de aux plans. Un budget souple permet de modifier
chaque poste budgétaire doivent donner un n’importe lequel de ces trois paramètres.
aperçu clair des dépenses du gouvernement. Par
conséquent, la description des postes budgétaires Source : UIP, DCAF, Contrôle parlementaire du secteur de

ne doit pas être trop vague et les fonds consacrés la sécurité, 2003.

à un poste budgétaire ne doivent pas être trop


larges.

5. Légalité – Toutes les dépenses et les activités


doivent respecter la loi.

6. Structure lisible – Le gouvernement est tenu de


soumettre au Parlement un plan des dépenses es-
timées qui soit gérable et compréhensible pour un
public aussi divers que celui qu’on peut trouver
dans un parlement.

5
Dans les pays où la gouvernance est bonne, le prin- La spécificité budgétaire et la lisibilité du budget –
cipe fondamental de la gestion financière est que le en bref, la transparence – revêtent une importance
pouvoir exécutif n’est autorisé à exiger de l’argent cruciale pour garantir la bonne gouvernance. Au
du contribuable ou à dépenser l’argent ainsi per- cours des dix dernières années, un certain nombre
çu qu’avec l’autorisation de l’assemblée législative d’organisations internationales et de think tanks se
agissant en sa qualité d’organe représentatif des sont attachés à faire appliquer le principe de trans-
citoyens2. Le parlement approuve généralement les parence budgétaire dans les pays du monde entier3.
dépenses dans le cadre d’une loi, la loi de finances On estime que la transparence budgétaire ouvre la
annuelle, comme nous le verrons plus en détail voie à un renforcement de l’obligation de rendre
dans l’analyse présentée ci-après. des comptes et à un emploi optimal des fonds pu-
blics, en particulier dans les secteurs qui dépensent
Le principe de l’unité du budget est également une part importante des ressources de l’État, tels
essentiel, car il garantit la couverture exhaustive que le secteur de la défense4.
et la transparence de toutes les dépenses (et de
toutes les recettes). Bien que certaines spécificités Pour garantir l’emploi cohérent et transparent des
s’appliquent au secteur de la défense, il est indis- deniers publics, de nombreux pays ont opté pour la
pensable de respecter le principe d’unité et d’évi- budgétisation par programme, pratique qui est de
ter l’instauration de budgets supplémentaires, de plus en plus reconnue comme une norme de bonne
dépenses et recettes hors budget ou encore d’une gouvernance. La budgétisation par programme est
quelconque forme de traitement préférentiel qui une méthode d’organisation et de classement du
s’écarterait des principes généraux régissant les dé- budget qui se fonde, non pas sur les lignes admi-
cisions budgétaires. Ce principe garantit également nistratives ou lignes d’entrées, mais sur le regrou-
une transparence totale et exclut tout apport de pement des programmes partageant des objectifs
fonds externes à l’insu du parlement. communs. L’approche par programme se centre
sur les sorties plutôt que sur les entrées. L’un des
Le principe de périodicité garantit la mise en place premiers budgets par programme établis pour le
d’un calendrier régulier fixant les périodes aux- secteur de la défense a été introduit aux États-Unis
quelles le budget est préparé, puis présenté au par- dans les années 1960, comme nous l’expliquons
lement. Bien que les budgets soient généralement plus en détail ci-dessous.
approuvés pour une année, ils doivent également
fournir des prévisions pluriannuelles. Nombre de
projets et programmes sont mis en œuvre sur une
période supérieure à un an ou sont susceptibles 3 Des organisations internationales telles que l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), l’OTAN et
d’avoir des incidences financières futures. Les prévi- l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont
établi leur propres manuels afin de promouvoir le renforcement de la
sions pluriannuelles sont généralement présentées transparence budgétaire et de proposer des méthodes d’analyse, de
dans un cadre budgétaire élargi à moyen terme, qui conseil et d’évaluation destinées à aider les pays à mener à bien leurs
réformes. L’Organisation des Nations Unies offre un important espace
définit sur un horizon à moyen terme les priorités d’échanges sur la transparence du budget de la défense, à travers son
instrument de publication internationale normalisée des dépenses
en matière de dépenses et les restrictions budgé- militaires, adopté en 1980. Le think tank international IBP (International
Budget Partnership) effectue des enquêtes annuelles périodiques sur la
taires précises au regard desquelles les plans secto- transparence des budgets approuvés partout dans le monde. Transparency
riels peuvent être établis et affinés. International a également introduit récemment un système d’évaluation de
la transparence budgétaire. Voir Transparency International UK (2011), The
Transparency of National Defence Budgets - an Initial Review, Transparency
International UK, Defence and Security Programme.
4 Transparency International a également introduit récemment un
système d’évaluation de la transparence budgétaire qui s’applique
exclusivement au secteur de la défense. Voir Transparency International
2 S. Schiavo-Campo, « The Budget and its Coverage », dans A. Shah, UK (2011), The Transparency of National Defence Budgets - an Initial
Budgeting and Budgetary Institutions, Governance and Accountability Review, Transparency International UK, Defence and Security
Series, Banque mondiale, p. 53. Programme.

6
SYSTÈME DE PLANIFICATION, DE En outre, la définition et la mesure de la performance
PROGRAMMATION ET D’ÉTABLISSEMENT occupent une place de plus en plus importante dans
DU BUDGET
la gestion budgétaire et il n’y a aucune raison que le
« ... Le système de planification, de programmation
secteur de la défense fasse exception à la règle. S’il
et d’établissement du budget (PPPB) a été intro-
est vrai qu’il est plus difficile de définir et de mesu-
duit pour la première fois aux États-Unis [au début
rer la performance dans le secteur de la défense par
des années 1960] pour l’élaboration du budget de
rapport à nombre d’autres secteurs, il a été montré
la défense [et est aujourd’hui en vigueur dans de
qu’une utilisation ciblée de la préparation/capacité
nombreux autres pays] ... . Un cycle de PPPB stan-
comme indicateur de performance contribuait à défi-
dard comprend une phase initiale de planification,
nir le rôle, la structure, les performances et les besoins
au cours de laquelle l’environnement de sécurité,
de même que les intérêts nationaux et les menaces, en ressources de la défense5.
sont analysés pour déterminer les tâches, la com-
position et la structure des forces armées. Une fois Comme le secteur de la défense partage de nom-
ces impératifs pris en compte, les programmes sont breuses caractéristiques avec d’autres secteurs, le
élaborés. Le programme, forme de plan d’activi- processus budgétaire de la défense devrait s’intégrer
té, précise les objectifs concrets à atteindre. C’est au système global de planification, d’élaboration des
un maillon essentiel dans le cycle budgétaire, car politiques et de budgétisation du gouvernement, tout
il permet de mettre en relation les objectifs défi- en permettant le contrôle démocratique et civil des
nis et les ressources financières. Ainsi, le système forces de défense. Dans n’importe quel pays, les ci-
PPPB s’écarte de la pratique consistant à allouer toyens ont tout à gagner à ce que le secteur de la
les ressources en fonction des besoins énoncés et défense soit comptable de son action devant les au-
se fonde sur les contraintes budgétaires données torités civiles démocratiques et soumis au même en-
et prévues pour planifier et programmer les activi- semble général de règles et procédures que les autres
tés. Par conséquent, il importe que les programmes secteurs. Dans la mesure où la sécurité revêt légitime-
soient formulés selon le principe de priorité, qui ment le rang de priorité de niveau supérieur dans tout
permet de répondre aux besoins les plus pressants gouvernement et met souvent en jeu des questions
des forces armées. L’appréciation des risques asso- qui sont en rapport avec d’autres États, le secteur de
ciés à la non-réalisation d’objectifs donnés peut être la défense devrait être autorisé à conserver un cer-
utilisée pour fixer les priorités. Le cycle s’achève par tain niveau de confidentialité dans le traitement des
une phase de mesure des performances, au cours informations concernant les questions sensibles pour
de laquelle le ministère compétent et la société la sécurité nationale. Il importe toutefois de veiller à
dans son ensemble peuvent déterminer dans quelle ce que le besoin réel d’une certaine confidentialité
mesure les objectifs ont été atteints à la fin de ne soit pas pris comme prétexte pour contourner les
l’exercice. Une distribution efficiente des ressources règles et procédures générales de bonne gestion fi-
peut alors être assurée... » nancière6. Le non-respect des principes et des bonnes
pratiques de gestion financière peut engendrer des
Source : Defence Budget Transparency on the Internet, conséquences néfastes et compromettre la capacité
Kate Starkey et Andri van Meny, Information & Security,
des forces de défense à s’acquitter de leurs missions
Vol. 5, 2000. C4 in Defence of Reengineering ; UIP, DCAF,
Contrôle parlementaire du secteur de la sécurité, 2003 statutaires de protection de l’État et de ses citoyens.

5 N. Ball, M. Holmes, Integrating Defence into Public Expenditure Work,


UK Department for International Development, 2002..
6 Ibid.

7
2. Le cadre institutionnel
Les responsabilités des différents acteurs partici- 2.1. LE RÔLE DU POUVOIR EXÉCUTIF
pant à la préparation du budget et à l’élaboration 2.1.1. LE CONSEIL DES MINISTRES
des politiques doivent être clairement définies. (GOUVERNEMENT OU CABINET)
Dans les démocraties parlementaires, conformé- Le conseil des ministres (aussi appelé gouverne-
ment au principe de séparation des pouvoirs, le ment ou cabinet dans certains pays) est l’organe
budget est élaboré par le pouvoir exécutif, mais doit suprême de l’exécutif dans les régimes parlemen-
être approuvé par le pouvoir législatif, à savoir le taires. Il se compose des ministres de plein exercice,
parlement ou l’assemblée nationale. L’autorisation dont le ministre de la Défense, et est présidé par le
des dépenses (et des mesures fiscales) par le par- premier ministre, aussi appelé président du conseil
lement, ce que la tradition constitutionnelle britan- ou président du conseil des ministres dans certains
nique appelle le « power of the purse » (contrôle des pays. Le conseil des ministres prend en principe
cordons de la bourse), est une obligation centrale ses décisions de manière collégiale. Il doit trouver
participant au pouvoir du parlement de demander le juste équilibre entre les besoins et les priorités
des comptes au gouvernement. Si cette autorisa- des ministres et des secteurs relevant de leur por-
tion est refusée, le gouvernement n’a pas, au plan tefeuille et les besoins collectifs du gouvernement
constitutionnel, le droit d’engager des dépenses et dans son ensemble, tout en respectant la politique
peut, si le budget national dans sa totalité est en globale décidée par ce dernier.
cause, être contraint de démissionner. En cas d’au-
torisation, le parlement confie des deniers publics En ce qui concerne la gestion des finances pu-
au gouvernement, à qui il incombe de faire en sorte bliques, le conseil des ministres remplit deux fonc-
que les fonds soient utilisés conformément à ce qui tions clés. Premièrement, si un différend survient
a été convenu, avec efficience et efficacité. entre plusieurs ministres concernant l’allocation des
ressources pour l’année à venir, le conseil des mi-
nistres a le pouvoir de trancher. Deuxièmement, il
approuve le projet de loi de finances qui doit être
soumis au parlement, les ministres n’étant pas auto-
risés à se présenter directement devant l’assemblée
législative pour demander des crédits budgétaires.
Il est normal que les ministres montrent une préfé-
rence pour une augmentation des dépenses dans
leur propre secteur, ce qui peut aller à l’encontre

8
de la volonté collective du conseil de réduire les 2.1.2. LE MINISTÈRE DES FINANCES
dépenses et les recettes totales, par exemple en Le ministère des Finances a généralement un rôle
maintenant une fiscalité allégée et en évitant un très central à jouer dans la gestion du cycle budgé-
recours excessif à l’emprunt. Durant le processus taire. Il ne se contente pas d’assembler mécanique-
de préparation du budget, le conseil des ministres ment des chiffres, comme c’était généralement le
joue un rôle important, puisqu’il veille à équilibrer cas à l’époque de la planification étatique centrali-
l’action publique globale et les besoins ou ambitions sée dans les régimes communistes. Dans la plupart
financiers des différents secteurs. des pays, le ministère des Finances dispose souvent
de solides pouvoirs lui permettant de fixer le pla-
Un rôle important revient à une institution centrale fond des dépenses et de négocier les priorités et
au sein du gouvernement (secrétariat général du les propositions de financement avec les différents
gouvernement, chancellerie d’État ou ministère des ministères. Il joue donc un rôle charnière dans le
Finances), qui aide le conseil des ministres à coor- processus budgétaire.
donner les priorités financières et la formulation des
politiques sur les questions liées à la gestion des Le ministère des Finances joue un rôle de pre-
finances publiques. Cette institution coordonne le mier plan à toutes les étapes du cycle budgétaire.
travail mené pour l’ensemble des portefeuilles mi- D’abord, il fixe les orientations relatives à la prépa-
nistériels, ce qui englobe l’établissement des prio- ration du budget, lesquelles sont communiquées
rités, la planification stratégique, l’articulation entre à tous les ministères, y compris le ministère de la
politiques et ressources, le contrôle de la qualité Défense. Après avoir reçu les demandes de crédits,
des propositions présentées et, une fois que les le ministère des Finances entame des négociations
décisions ont été arrêtées, le suivi de leur mise en avec les autres ministères, en veillant à l’adéquation
œuvre. Il est très important que les différents minis- globale du projet de budget avec la politique géné-
tères, dont le ministère de la Défense, coopèrent de rale de l’État et ses objectifs macroéconomiques.
façon étroite et constructive avec l’administration Le ministère des Finances est officiellement chargé
centrale qui coordonne la gestion financière. d’élaborer un projet de loi de finances et de pré-
parer les arguments clés et les justifications finan-
cières qui seront présentés devant le parlement.
Dans le processus budgétaire, la coordination entre Une fois que la loi de finances est adoptée, le mi-
les institutions centrales du gouvernement, chargées nistère des Finances doit en coordonner l’exécution
de la gestion financière, revêt une très grande impor-
et la mise en œuvre efficiente et efficace dans les
tance. Des règles formelles et des lignes de commu-
nication claires s’imposent pour que ces acteurs se délais prescrits.
coordonnent et se concertent de façon systématique.
Le service central du budget, situé au sein du mi-
nistère des Finances, devrait être doté des com-
pétences et des capacités requises pour évaluer
la pertinence de toutes les demandes de crédits, y
compris celles émanant du ministère de la Défense.
À cet égard, il est important que le ministère des
Finances soit en mesure de procéder à une éva-
luation critique des programmes de sécurité, tout
comme il devrait être capable d’analyser les autres
programmes publics. Le ministère des Finances
devrait évaluer les propositions de dépenses an-

9
nuelles, guidé par un cadre budgétaire à moyen À l’instar des autres ministères de tutelle, le minis-
terme, et veiller à la parfaite articulation entre la tère de la Défense est aussi chargé de l’exécution
planification stratégique, la planification de la dé- du budget, dans le respect des contrôles régle-
fense et les budgets de la défense. S’il est impéra- mentaires fixés par le ministère des Finances. Le
tif de respecter le plafond budgétaire donné, il est ministère de la Défense est comptable de l’action
aussi crucial de veiller à ce que les objectifs de la menée pour améliorer la productivité de la fonction
défense, les décisions d’achat et les objectifs de via- publique, au sein de son domaine de compétence
bilité à long terme soient réalisés. et dans tous les cas où c’est possible, y compris en
recensant les domaines où des économies peuvent
2.1.3. LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE être réalisées sans incidence négative sur la capaci-
Les ministères de tutelle, y compris le ministère de la té opérationnelle des forces armées.
Défense, sont chargés d’élaborer leurs programmes
sectoriels et leurs projets de budget, en s’alignant 2.2. LE RÔLE DE L’ASSEMBLÉE
sur les orientations de politique générale et le cadre LÉGISLATIVE (PARLEMENT
financier décidés par le gouvernement/conseil des OU ASSEMBLÉE NATIONALE)
ministres. Le ministère de la Défense devrait veiller Comme indiqué plus haut, l’organe délibérant joue
à l’allocation équilibrée des ressources entre les dif- un rôle fondamental dans l’autorisation des dé-
férentes entités du secteur de la défense, conformé- penses de l’État et s’assure que le gouvernement
ment aux priorités convenues pour l’action publique. rend compte de l’emploi des fonds publics. Étant
Il devrait aussi s’assurer que le budget contribue au donné que le secteur de la sécurité et de la défense
développement durable du secteur tout entier, à sa- absorbe une bonne part du budget de l’État, il est
voir que les moyens disponibles correspondent aux essentiel que le parlement approuve des mesures
objectifs de politique générale. de contrôle et tienne le gouvernement comptable
des dépenses publiques engagées.
Au sein du ministère de la Défense, les fonctionnaires
chargés des finances servent d’intermédiaire entre le Le parlement a un rôle important à jouer dans les
ministère des Finances et les différentes agences de différentes phases du cycle budgétaire : approba-
défense placées sous la tutelle de la Défense pour tion, exécution et contrôle. Lors de la phase d’ap-
que le budget global respecte les plafonds financiers probation du budget, il convient d’associer le par-
arrêtés pour le cycle budgétaire annuel. Sachant que, lement à un débat approfondi sur les orientations
dans la plupart des pays, le ministère de la Défense prioritaires de politique générale, qui détermineront
s’occupe d’un secteur assez large, décliné en un cer- la répartition des ressources allouées au secteur de
tain nombre d’unités organisationnelles, il importe la défense. Au cours de la phase d’exécution du
que celui-ci diffuse ses orientations budgétaires au budget, le parlement devrait observer attentive-
plus tôt, afin que les unités sous tutelle aient suffi- ment l’action du gouvernement en examinant les
samment de temps pour définir leurs priorités internes rapports sur les dépenses, en posant des questions
et élaborer un projet de budget correspondant à leur critiques et en mettant en œuvre d’autres moyens
propre domaine de compétence. Une fois que le cadre de contrôle et de vigie parlementaires, afin de ren-
du budget de la défense est arrêté (par le conseil des forcer la transparence et la reddition des comptes.
ministres et le ministère des Finances), le ministère de Au cours de la phase finale de contrôle, le parle-
la Défense dirige l’établissement des prévisions bud- ment devrait s’assurer que le budget alloué au mi-
gétaires préliminaires en collaboration avec les diffé- nistère de la Défense est dépensé conformément
rents services et agences de défense : armée de terre, aux crédits approuvés et aux principes d’économie,
marine, armée de l’air, renseignement, etc. d’efficience et d’efficacité (optimisation des res-

10
sources). Souvent, le parlement confie cette fonc- public et les médias puissent accéder aux débats et
tion à une institution nationale de contrôle des aux audiences parlementaires.
finances publiques, qui lui fait directement rapport.
2.3. LE RÔLE DES INSTITUTIONS
Pour assurer ce rôle avec efficacité, le parlement SUPÉRIEURES DE CONTRÔLE
nomme généralement des commissions parlemen- DES FINANCES PUBLIQUES
taires dont l’organisation traduit plus ou moins celle Dans les démocraties parlementaires, le contrôle
des ministères. Chaque commission s’occupe d’un externe des finances publiques constitue un méca-
domaine distinct de la gestion financière. Le plus nisme clé mis en œuvre au nom du contribuable
souvent, la commission du budget et des finances pour examiner les dépenses engagées par le gou-
examine les recettes et les dépenses dans tous les vernement sur les crédits inscrits au budget et
secteurs, y compris au sein du secteur de la dé- tenir ce dernier comptable de son action. Des or-
fense, tandis que les commissions permanentes ganismes nationaux de vérification sont créés et
sectorielles, par exemple la commission de la sécu- mandatés pour examiner la légalité et l’efficience
rité et de la défense, s’intéressent aux orientations de l’emploi des fonds publics et transmettre leurs
et au budget propres à leurs secteurs respectifs. constatations à l’institution de contrôle de niveau
Une bonne pratique consiste à confier le contrôle supérieur, en général le parlement. Bien que les dis-
de l’utilisation comptable des finances publiques à positions et pratiques organisationnelles puissent
une commission distincte chargée d’examiner les différer d’un pays à l’autre, traduisant la pluralité
rapports de vérification des comptes établis pour des cultures et traditions administratives, les ins-
la totalité du budget national, y compris celui de la titutions de contrôle remplissent toutes la même
défense. Une telle commission est investie d’une fonction : elles peuvent, au titre de la compétence
mission de supervision et de contrôle législatifs et organisationnelle et financière indépendante dont
coopère étroitement avec l’institution supérieure de elles jouissent, décider de leur propre programme
contrôle des finances publiques. de travail et elles ont le droit de rendre librement
compte de leurs constatations.
Le parlement devrait avoir accès à tous les docu-
ments et données budgétaires nécessaires et me- Il incombe à chaque institution supérieure de
ner ses activités en toute transparence. L’assemblée contrôle des finances publiques de fixer ses priori-
législative et ses différentes commissions devraient tés concernant la conduite des différents types de
pouvoir faire appel à des experts indépendants pour vérifications prévues au titre du programme qu’elle
assurer l’examen rigoureux du budget et avoir ac- aura elle-même arrêté et conformément au cadre
cès à toutes informations des ministères de tutelle juridique en vigueur. L’institution supérieure de
qu’elles jugent pertinentes, y compris celles émanant contrôle des finances publiques devrait avoir accès
du ministère de la Défense. Celui-ci devrait, si la de- à tous les dossiers et documents relatifs à la gestion
mande lui en est faite, présenter au parlement des financière et avoir le pouvoir de demander, à l’oral
rapports parfaitement documentés concernant les ou à l’écrit, toute information nécessaire à la réali-
dépenses engagées sur les crédits qui lui ont été al- sation de ses tâches.
loués. En outre, sachant que le parlement a vocation
à représenter les intérêts et les préoccupations des
Les institutions supérieures de contrôle des fi-
citoyens, il est essentiel d’assurer la transparence de
nances publiques sont généralement autorisées à
la conduite du débat parlementaire sur les questions
vérifier la légalité de la gestion financière et à pro-
de sécurité, dans la limite du respect des exigences
céder à des audits de performance particuliers. Les
de sécurité essentielles et des obligations interna-
contrôles de légalité visent à garantir que les fonds
tionales de l’État. Il est aussi très important que le

11
publics sont dépensés conformément à la législa- Le parlement et/ou la commission qu’il a désignée,
tion en vigueur et aux règlements, principes et pro- en général une commission des comptes publics,
cédures applicables. Les crédits approuvés peuvent devraient avoir l’obligation d’examiner sérieusement
être utilisés aux seules fins prévues par l’autorité les rapports de l’institution supérieure de contrôle
budgétaire – le parlement au niveau national – gé- des finances publiques et le gouvernement devrait,
néralement par le biais d’une loi de finances an- pour sa part, être tenu de répondre officiellement
nuelle et d’autres décisions pertinentes. Quant aux et publiquement aux constatations qu’il contient. Il
audits de performance, ils sont destinés à examiner importe d’assurer un suivi efficace des recomman-
l’économie, l’efficience et l’efficacité de l’emploi des dations de l’institution supérieure de contrôle et de
fonds publics. L’évaluation de l’économie des dé- veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre comme il
penses a pour but de déterminer si les dépenses se doit. La responsabilité qui est celle du parlement
nécessaires à la conduite d’une activité donnée ont à cet égard est un aspect fondamental du système
été réduites au minimum, tandis que le contrôle de démocratique de contre-pouvoirs, qui investit le
l’efficience permet de mesurer si les résultats obte- parlement d’un rôle de contrôle du pouvoir exécutif,
nus à l’aide de moyens donnés ont été maximisés à savoir le gouvernement.
(dépenser bien). L’efficacité nous renseigne sur le
degré de réalisation d’objectifs donnés de politique Le secteur de la défense et de la sécurité n’est pas
générale (dépenser judicieusement). toujours placé sous la supervision générale de l’ins-
titution supérieure de contrôle. Une enquête me-
L’institution supérieure de contrôle est en principe née par Transparency International (2011) a montré
habilitée à rendre compte de ses constatations de que dans près d’un quart des pays étudiés (22 sur
façon indépendante et d’en faire rapport annuelle- 92), le secteur de la sécurité n’était soumis à au-
ment au parlement ou à une autre institution gou- cun contrôle régulier ou faisait l’objet d’un contrôle
vernementale compétente. Conformément à la lé- partiel, excluant les agences de renseignement ou
gislation sur la transparence de la vie publique, les d’autres organismes du secteur de la sécurité. En
rapports ainsi établis devraient être rendus acces- outre, dans la plupart des pays, l’institution supé-
sibles au public. Une telle mesure assure une large rieure de contrôle ne disposait pas de suffisamment
diffusion des constatations de l’institution et en- de personnel qualifié pour procéder à des vérifica-
courage le débat public sur les carences ou les abus tions efficaces dans le secteur de la défense7. Sur le
observés dans l’emploi des fonds publics. Ce der- plan de la bonne gouvernance, cette faiblesse doit
nier point rend d’autant plus nécessaire le suivi des être corrigée.
constatations de l’institution supérieure de contrôle.

7 Voir Transparency International UK (2011), The Transparency of


National Defence Budgets - an Initial Review, Transparency International
UK, Defence and Security Programme.

12
3. Le cycle budgétaire
Le cycle budgétaire s’articule autour de quatre approuvé ne peut pas être correctement exécuté
phases clés étroitement imbriquées : la planifica- s’il a été mal planifié. Enfin, le contrôle de l’exécu-
tion, l’approbation, l’exécution et le contrôle. Si tion budgétaire ne peut être efficace si le budget
ces phases s’enchaînent clairement de manière n’a pas été bien préparé, en toute transparence et
séquentielle, la planification du budget intervenant sur la base d’arguments fondés. C’est pourquoi tous
avant son approbation et ainsi de suite, elles sont les ministères de tutelle, y compris le ministère de
généralement interdépendantes. Par exemple, l’ap- la Défense, doivent porter une attention diligente à
probation du budget ne peut être efficace que si la phase de planification de la gestion des finances
le budget est préparé de manière transparente et publiques. Cette fonction de contrôle est aussi très
lisible, ce qui permet aux parlementaires d’apprécier importante parce qu’elle nous renseigne sur l’effi-
les objectifs et les motifs avancés pour en justifier cacité du budget précédent, ce qui devrait éclairer
les différents éléments et de les examiner et, s’il y a la planification de la période budgétaire suivante.
lieu, de les amender utilement. En outre, le budget

13
1. PLANIFICATION
DU BUDGET

4. CONTRÔLE 2. APPROBATION
DU BUDGET DU BUDGET

3. EXÉCUTION
DU BUDGET

quand une personne (généralement à la tête de l’ins-


L’efficacité de l’exécution et du contrôle des crédits titution) jouit d’un pouvoir financier excessif, ce qui
budgétaires suppose une bonne planification des dé- l’empêche de se concentrer sur la politique straté-
penses. gique et les questions de gestion et génère des gou-
lets d’étranglement dans le processus décisionnel.
Toutes les institutions qui emploient des fonds
publics, dont le ministère de la Défense, devraient On entend par délégation de pouvoirs le fait de dé-
préciser clairement les chaînes de responsabili- léguer un ensemble défini de responsabilités à des
té, de reddition des comptes et de délégation de unités de rang inférieur dans la hiérarchie institu-
pouvoirs applicables dans le processus budgétaire. tionnelle – à des fonctionnaires occupant des postes
C’est particulièrement important dans le secteur de non politiques. Comme pour toutes les fonctions pu-
la défense, où le contrôle démocratique qui s’exerce bliques, une attention particulière devrait être por-
sur les forces armées est essentiel et où les fonc- tée à l’évaluation, pour toute personne délégataire
tionnaires du ministère de la Défense assurent la de pouvoirs financiers spécifiques, des éventuels
supervision et le contrôle des forces armées pour le conflits d’intérêts la concernant. Les fonctionnaires
compte de leur ministre. concernés seront tenus, comme pour toute fonction
publique, de s’acquitter des tâches qui leur ont été
La délégation de pouvoirs constitue un important déléguées conformément à la législation applicable.
mécanisme et garde le secteur d’une centralisation
excessive des pouvoirs, qui, dans de nombreux pays, La mise en place de dispositifs appropriés de ges-
tendent à converger à l’échelon politique le plus éle- tion financière – notamment pour la délégation de
vé du ministère. On en observe les effets négatifs pouvoirs et l’obligation de reddition des comptes

14
des gestionnaires – sera en principe envisagée dans légation de pouvoirs applicables dans le processus
le contexte de la réforme plus large de l’administra- budgétaire de leur organisation. Les processus budgé-
tion publique. Pour attribuer davantage de respon- taires et les relations entre les acteurs devraient être
sabilités aux fonctionnaires occupant des postes définis plus en détail dans le règlement intérieur de
non politiques, il faut bien distinguer le rôle et les l’institution (par exemple, dans des orientations sur la
attributions des membres de l’équipe politique et gestion budgétaire).
ceux des fonctionnaires et membres du person-
nel administratif. Là où l’équipe politique doit se 3.1. LA PLANIFICATION
concentrer sur les orientations et la stratégie glo-
BUDGÉTAIRE
bale, la seconde catégorie de personnel devrait s’at-
3.1.1. INTRODUCTION
tacher à réaliser des tâches davantage spécialisées,
La planification du budget se décline en plusieurs
telles que la prestation de services ou l’exécution
phases : i) préparation du cadre macroéconomique ;
d’activités conformes aux priorités et aux objectifs
politiques donnés. ii) élaboration d’une circulaire budgétaire, énonçant
les orientations à respecter pour la préparation des
Le secrétaire général ou d’autres fonctionnaires dési- budgets sectoriels et les plafonds de dépenses par
gnés qui sont délégataires de pouvoirs financiers au secteur ; iii) établissement du budget des ministères
sein du ministère de la Défense devraient être tenus de tutelle, conformément aux orientations pré-
comptables de la légalité de leur travail et de l’utilisa- citées ; iv) négociation des budgets entre les mi-
tion optimale des ressources publiques. Les fonction- nistères de tutelle et le ministère des Finances ; v)
naires concernés devraient rendre compte de la mise établissement de la version définitive du projet du
en œuvre et de l’utilisation des crédits budgétaires budget ; et vi) dépôt du texte devant l’assemblée lé-
devant la direction du ministère de la Défense, mais gislative8. La définition du cadre macroéconomique,
aussi auprès des organismes placés sous sa tutelle. l’élaboration de la circulaire budgétaire et l’établis-
Ces rapports devraient être transmis à des orga- sement du projet de budget final relevant de la res-
nismes de contrôle externe, tels qu’une institution ponsabilité du ministère des Finances, nous nous
supérieure de contrôle des finances publiques, ainsi concentrerons ici sur la préparation des plans finan-
qu’aux commissions parlementaires compétentes. ciers des ministères de tutelle et mettrons particu-
lièrement l’accent sur le ministère de la Défense.
La délégation de pouvoirs et toutes les autres
questions afférentes à la gestion du budget d’une Pour les ministères de tutelle, y compris le minis-
institution devraient être soumises à des règles et tère de la Défense, le premier enjeu de la phase
procédures internes (par exemple, des orientations de planification du budget est de permettre la libre
sur le budget ou la gestion financière), afin que circulation de l’information au sein du ministère. La
les chaînes de responsabilité et de reddition des planification et la gestion des finances s’articulent
comptes soient clairement établies pour les diffé-
efficacement au sein d’une organisation dès lors que
rents acteurs du cycle budgétaire. C’est particu-
les systèmes d’information sont fiables et permettent
lièrement important dans les grands secteurs, qui
à toutes les unités concernées d’échanger des infor-
comptent plusieurs institutions ou d’autres unités,
mations de manière rapide et précise. Il faut donc
ainsi qu’un effectif assez important, comme c’est le
que tous les services et organismes sous la tutelle du
cas au ministère de la Défense.
ministère de la Défense coopèrent étroitement. La
planification financière étant, par nature, une activi-
té continue interne à une institution, le succès de la
Les institutions qui emploient des fonds publics, dont
le ministère de la Défense, devraient préciser claire-
ment les chaînes de reddition des comptes et de dé- 8 R. Allen, D. Tommasi (2001), Managing Public Expenditure – a
Reference Book for Transition Countries, éditions OCDE.

15
planification (et de l’exécution) financière sera fonc- long terme clairement formulée, il est impossible
tion de la coopération étroite de tous ses services. d’élaborer un budget approprié précisant la façon
dont les fonds seront alloués annuellement pour
Le deuxième enjeu clé de la planification financière répondre aux besoins du secteur de la défense sur
consiste à s’assurer que les dépenses planifiées sont un horizon à long terme.
raisonnables et inférieures au plafond budgétaire
arrêté. Puisque la santé économique à long terme Toutefois, le processus de planification du budget
d’un pays dépend grandement de conditions d’équi- du ministère de la Défense doit aussi tenir compte
libre macroéconomique durables, il est essentiel de des objectifs globaux – politiques et stratégiques
respecter les limites budgétaires globales fixées à – du gouvernement, tels que l’instauration d’une
l’ouverture du cycle budgétaire par le conseil des stabilité macroéconomique ou l’introduction accé-
ministres. Une fois que le cadre du budget de la lérée et le respect des exigences associées aux pro-
défense a été arrêté par le ministère des Finances, cessus d’adhésion à l’UE ou à l’OTAN. Le budget de
le ministère de la Défense devrait diriger l’établis- la défense n’est, après tout, qu’un élément du plan
sement des prévisions budgétaires préliminaires budgétaire plus large de l’État.
en collaboration avec les différents services, selon
les besoins (armée de terre, marine, armée de l’air,
renseignement, etc.). Tous les secteurs relevant du Au sein du ministère de la Défense, la planification
ministère de la Défense seront en concurrence pour financière doit se fonder sur les priorités gouverne-
mentales inscrites dans la politique et stratégie de
obtenir des financements au cours de la phase d’éla-
défense.
boration du budget, la situation étant évaluée sur la
base des priorités stratégiques et de la performance
passée. Pour maintenir le budget consolidé dans les 3.1.2. LA PLANIFICATION FINANCIÈRE
PLURIANNUELLE ET ANNUELLE
limites de l’enveloppe financière totale accordée, les
De plus en plus, les gouvernements sont tenus
différents services se livrent généralement à un bras
de présenter l’information budgétaire au sein d’un
de fer et doivent faire des compromis.
cadre à moyen terme et de définir des objectifs
budgétaires à moyen terme. C’est particulièrement
Le dernier enjeu de la planification budgétaire, et
le cas dans les pays candidats (potentiels) à l’adhé-
c’est peut-être le plus important, concerne la né-
sion à l’UE. En effet, une fois membres, ces pays
cessité d’aligner le budget sur les priorités et la
devront respecter l’obligation de stabilité financière
politique de défense définies à l’échelon politique
et les critères de convergence financière, autant
– par le ministère de la Défense et le gouverne-
d’éléments qui supposent la mise en place d’une
ment. Comme pour la plupart des autres secteurs
composante importante : un cadre budgétaire à
publics, la préparation du budget de la défense de-
plus long terme9.
vrait s’inscrire dans le prolongement d’une stratégie
sectorielle, définie par exemple dans une revue de
La planification financière, qu’elle soit pluriannuelle
défense stratégique et un plan de développement
ou annuelle, est coordonnée par une autorité finan-
à long terme des forces armées. Ces documents
cière centralisée au niveau national, généralement
stratégiques visent à recenser les besoins et les
le ministère des Finances. Ce dernier énonce, dans
principaux objectifs du secteur de la défense et
une circulaire annuelle, l’approche globale, le calen-
les missions particulières que les forces de défense
drier et les hypothèses qui sous-tendent et étayent
pourraient être appelées à entreprendre, ainsi que
les prévisions budgétaires des diverses institutions
les besoins connexes en équipement, personnel
et autre. En l’absence de politique de défense à
9 Ibid.

16
publiques, y compris le ministère de la Défense. nant le niveau de financement à moyen terme. Cet
Ainsi, le ministère de la Défense doit respecter la engagement devrait de préférence être soutenu
circulaire budgétaire du gouvernement et trans- par le ministère des Finances et s’accorder avec les
mettre au ministère des Finances des prévisions priorités politiques du conseil des ministres. Cette
exhaustives, précises et transparentes. Lors de la conception commune des priorités de la défense
planification du budget annuel, les prévisions sont permettra d’améliorer la prévisibilité et la stabilité
fournies pour l’exercice budgétaire à venir. Si la pla- à moyen terme du processus de planification finan-
nification est pluriannuelle, les prévisions portent cière dans le secteur de la défense. Elle jettera aussi
sur l’exercice à venir et, généralement, sur deux à les bases de décisions d’investissement et d’achat
quatre exercices budgétaires ultérieurs. de meilleure qualité. Néanmoins, le ministère de la
Défense aura toujours besoin de plans de circons-
La planification budgétaire pluriannuelle se fonde tance pour le cas où son plan de développement à
sur l’hypothèse que des objectifs stratégiques à long terme de forces armées ne pourrait être appli-
moyen terme ont été arrêtés, comme indiqué dans qué comme prévu.
les documents sectoriels, les estimations des coûts
étant intégrées aux prévisions budgétaires à moyen Au cours de la planification du budget annuel, les
terme10. En d’autres termes, il est très important responsables des finances doivent s’intéresser de
que le ministère de la Défense dispose d’une poli- près au programme de travail annuel du ministère de
tique de défense à moyen terme clairement définie, la Défense, qui devrait être intégré au projet de bud-
complétée par des plans d’acquisition et d’activité get annuel. Même si le programme de travail annuel
opérationnelle chiffrés et adaptés, qui pourront du ministère de la Défense est en principe établi en
s’insérer dans la planification budgétaire à moyen étroite adéquation avec les documents étayant sa
terme. Une telle politique se fonde normalement stratégie de défense à plus long terme, la survenue
sur une revue de défense stratégique et un plan de d’événements inattendus et l’évolution des circons-
développement à long terme, qui comprennent les tances peuvent ponctionner les ressources en per-
coûts futurs des activités existantes et les coûts es- sonnel et les crédits budgétaires à sa disposition. Par
timatifs des nouvelles actions prioritaires qui seront conséquent, le ministère de la Défense aura beau
mises en œuvre sur un horizon à moyen terme. Pour fixer des objectifs de travail annuels, assortis chacun
financer ces nouvelles priorités, il peut être néces- d’un échéancier propre – qui précise les méthodes
saire de soumettre des demandes de financement et activités à mettre en œuvre pour atteindre les ob-
supplémentaires, à moins que les nouveaux coûts jectifs et les ressources financières requises –, il y
soient compensés par des mesures d’économie, par aura toujours un risque que les plans doivent être
exemple dans le cadre d’une restructuration. adaptés au moment de leur exécution. Sachant qu’il
existe une possibilité que le budget ne soit pas suf-
Le cadre budgétaire à moyen terme peut aussi re- fisant pour concrétiser tous les objectifs énoncés, il
couvrir des coûts à plus long terme associés à des est nécessaire de hiérarchiser les priorités pour tenir
investissements qui seront réalisés au-delà de la compte de l’incertitude et des résultats qui peuvent
période considérée11. être raisonnablement obtenus au cours d’un exer-
cice budgétaire donné.
Le document budgétaire à moyen terme devrait
également être entériné par le parlement et mar-
quer l’engagement politique de ce dernier concer-

10 SIGMA/OCDE (2014), Principes d’administration publique, éditions


SIGMA/OCDE.
11 Ibid.

17
3.1.3. LA PLANIFICATION DES tion des dépenses courantes et inversement. Par
DÉPENSES D’INVESTISSEMENT exemple, si le ministère de la Défense achète un
ET DES DÉPENSES COURANTES
nouvel équipement militaire, il l’imputera à son
La planification du budget s’articule autour de deux
budget d’investissement, mais, étant donné que cet
grands postes, les dépenses d’investissement et les
achat occasionnera des frais de fonctionnement et
dépenses courantes, par exemple les charges d’ex-
de maintenance continue, ceux-ci seront affectés
ploitation. La planification des immobilisations ou
aux opérations ou au budget des dépenses cou-
des investissements sert à évaluer les investisse-
rantes. Pour cette raison et dans un souci de trans-
ments susceptibles d’être réalisés à des fins spéci-
parence et de gestion budgétaires, les procédures
fiques ou en faveur de projets particuliers. Lorsque
en vigueur pour la préparation du budget courant
le ministère de la Défense envisage des dépenses
et du budget d’investissement devraient être inté-
d’investissement, il prévoit habituellement d’acheter
grées.
un bien spécifique – bâtiments, systèmes d’armes,
autres équipements militaires, etc. Tantôt l’objectif
La planification des investissements
est de remplacer ou de moderniser des équipe- (dépenses d’investissement)
ments obsolètes ou un bien immobilier daté, tan- La planification des investissements mérite une
tôt il s’agit d’investir dans un nouveau projet. Les attention particulière dans le processus de planifi-
dépenses d’investissement englobent les achats cation financière, dans la mesure où elle revêt un
d’équipements dont la durée de vie attendue s’éten- caractère prospectif et ne se limite pas au report
dra au-delà de l’exercice budgétaire en cours. La pla- de dépenses de fonctionnement d’un exercice sur
nification des dépenses courantes permet à l’inverse l’autre. La préparation d’un plan d’investissement
de suivre les charges récurrentes appelées à inter- est une tâche spécialisée assez complexe. En règle
valles réguliers, que la périodicité soit mensuelle, générale, les dépenses d’investissement visent à
trimestrielle, semestrielle ou annuelle. Ces charges répondre aux besoins futurs associés aux priori-
englobent toutes les dépenses associées aux opé- tés touchant à la modernisation de la défense et
rations en cours – postes tels que les salaires, les aux autres priorités politiques et opérationnelles
ressources humaines, les services publics, les four- des forces armées du pays. Ces investissements se
nitures de bureau, les loyers ou frais de location, y planifient et s’exécutent normalement sur une plus
compris les frais de maintenance. Elles s’étendent longue période de temps et sont destinés à pro-
aussi aux frais d’exploitation récurrents associés aux duire des effets utiles sur une période prolongée
activités militaires telles que la formation, l’entraîne- s’étendant sur des années, voire des décennies. Par
ment, les exercices et les opérations militaires. conséquent, la planification des investissements
doit s’envisager sur un horizon à long terme. À ce
titre, les éventuels frais courants de fonctionne-
Au cours du processus de planification financière, il est ment, de maintenance, de formation et entraîne-
particulièrement important d’assurer une répartition
ment du personnel et autres devraient être inclus
adéquate des fonds entre le budget d’investissement
dans le plan, en sus des dépenses d’investissement
et le budget courant. Au sein du budget courant, il est
initiales. Dans la planification militaire moderne, on
aussi important de trouver le juste équilibre entre les
utilise généralement le terme coût du cycle de vie,
dépenses de personnel, les salaires, la formation et les
qui comprend les futurs frais de mise au rebut de
autres aspects associés, d’une part, et les autres dé-
penses d’exploitation et de maintenance, d’autre part. l’équipement à la fin de sa durée de vie utile.

Au plan budgétaire, la planification des dépenses Parfois, l’investissement répond à des besoins plus
d’investissement influe souvent sur la planifica- immédiats dictés par les circonstances. Toutefois, les
investissements militaires s’inscrivent généralement

18
dans un plan exhaustif et chiffré pour les forces ar- concrétisent ces engagements au titre de leurs pro-
mées, s’étendant par exemple sur les quatre années cessus budgétaires et de planification de défense.
suivantes. Il arrive fréquemment que ces plans soient Par exemple, l’OTAN prévoit que les États membres
établis sur un horizon à plus long terme, pouvant me- de l’Alliance investissent au moins 20 % du budget
ner jusqu’à la décennie suivante ou même au-delà. annuel total de la défense dans la modernisation.
Depuis le sommet de l’OTAN tenu en 2016 au pays
Ce type de planification de défense relève généra- de Galles, l’objectif à long terme de l’Alliance est que
lement de ce que l’on appelle dans la terminologie chaque pays membre porte son budget de défense
OTAN une revue de défense stratégique. L’objectif à 2 % du produit intérieur brut (PIB). Ainsi, pour
ici est d’envisager les futurs investissements à injec- les pays membres de l’OTAN, la revue de défense
ter dans les capacités militaires dans un cadre élargi stratégique revêt aussi une importante dimension
et selon un calendrier défini. Par cadre élargi, on en- internationale, laquelle s’ajoute aux considérations
tend le fait que l’examen des dépenses d’investis- nationales qui demeureront toujours essentielles.
sement tient compte des répercussions futures sur
les frais de personnel, les coûts de maintenance et Les demandes d’investissement des forces armées
les autres dépenses d’exploitation associées. La re- devraient systématiquement préciser les motifs
vue de défense stratégique doit aboutir à un projet justifiant la dépense, y compris l’objectif de l’inves-
équilibré pour l’avenir des forces de défense, opérant tissement, les besoins opérationnels, le calendrier
selon des coûts raisonnables et capable de réaliser souhaité de mise en œuvre, les phases d’exécution
les tâches et objectifs fixés par le gouvernement. et d’autres informations. Comme indiqué ci-dessus,
La revue de défense stratégique est normalement il convient d’établir un plan d’acquisition incluant le
concrétisée par un plan de développement à long calendrier des dépenses budgétaires, une évalua-
terme, qui précise le calendrier de chaque inves- tion des coûts d’exploitation et maintenance et les
tissement, les conséquences budgétaires annuelles autres coûts du cycle de vie de l’investissement.
des investissements réalisés sur plusieurs années, les
coûts prévus de maintenance et autres frais d’exploi- Le plan d’investissement comprend généralement
tation, etc. En matière de planification budgétaire, il les informations suivantes : type d’investissement ;
serait par exemple peu judicieux d’investir dans des construction, achat, etc. ; informations élémen-
équipements que les forces armées n’auraient pas taires liées à un investissement particulier ; calen-
les moyens d’exploiter une fois l’achat concrétisé ou drier d’exécution ; financement total de l’investis-
pour lesquels son personnel ne serait pas formé. sement ; et façon dont l’investissement proposé
s’insère dans le cadre plus large à long terme des
La revue de défense stratégique se fonde générale- investissements de la défense. Cette dernière pré-
ment sur les demandes d’investissement initiales des cision influe souvent beaucoup sur l’obtention des
différentes composantes des forces armées, auxquels fonds demandés. Il sera aussi important de prendre
s’ajoutent les orientations politiques et les priori- en compte les engagements internationaux réali-
tés fixées par le gouvernement. Ces orientations sables sur le plan social et économique et les autres
peuvent par exemple contenir des recommandations mesures à adopter pour assurer la bonne réalisation
financières pour les futurs budgets de la défense. de l’investissement.

En principe, les pays membres de l’OTAN prennent La planification des dépenses courantes
certains engagements concernant l’acquisition de La planification des dépenses courantes s’articule
capacités militaires spécifiques, dans le cadre du autour de deux composantes principales : 1) la pla-
processus OTAN de planification de défense. Ils nification des effectifs et 2) la planification des res-

19
sources matérielles (par exemple, les frais de mainte- et du taux de rotation attendu au cours de la ou des
nance et autres frais d’exploitation). Il est important années à venir. Ensuite, les informations analysées
de trouver un juste équilibre entre ces composantes. devraient être examinées au regard des besoins fu-
Si les dépenses de personnel sont excessives, il y turs, tels que définis dans la revue de défense stra-
aura moins de ressources disponibles pour la main- tégique et le plan de défense à long terme, ce qui
tenance et les autres besoins d’exploitation, ce qui correspond en bref aux objectifs du ministère de la
peut mettre gravement en péril l’efficacité du sec- Défense énoncés dans la politique de défense et
teur de la défense. De même qu’il faut équilibrer la politique budgétaire, ainsi qu’au développement
dépenses d’investissement et dépenses courantes, il futur des forces armées.
est essentiel d’opérer les bons arbitrages entre dé-
penses de personnel et frais d’exploitation annuels. Les frais d’exploitation et de maintenance des ins-
tallations et équipements existants constituent un
La planification des effectifs permet à l’institution de autre élément important à prendre en compte dans le
prendre des décisions viables sur le nombre, la com- processus de planification des dépenses budgétaires
position et la répartition de ses effectifs au sein de sa annuelles. Pour procéder à cet exercice, il convient
structure organisationnelle (le ministère de la Défense, d’analyser l’état des installations et équipements exis-
les agences sous tutelle et les forces armées à propre- tants pour déterminer l’état de fonctionnement et la
ment parler). La capacité de l’institution à atteindre durée de vie prévue des ressources de base à la dis-
ses objectifs devrait être au cœur de toutes les activi- position du ministère de la Défense, ainsi que leurs
tés de planification des effectifs, qui englobent diffé- coûts d’exploitation. Le degré de détérioration des
rents aspects de la gestion des ressources humaines, moyens disponibles, les besoins en matière de main-
dont le recrutement, l’avancement professionnel, le tenance régulière et la nécessité de remplacer les
perfectionnement professionnel, le redéploiement de consommables et d’acheter des pièces de rechange
ressources, le système de retraite et le licenciement sont d’importants éléments à examiner. Cet exercice
du personnel excédentaire. C’est pourquoi il convient de planification fait partie intégrante de la prépara-
de confier au service des ressources humaines du mi- tion des budgets annuels des opérations en cours.
nistère de la Défense tous les aspects liés au proces-
sus de planification des effectifs. Les achats sont aussi une importante composante de
la planification des dépenses courantes (opérations
en cours) et des dépenses d’investissement. La plani-
La planification des effectifs suppose 1) d’analyser le fication des achats consiste à déterminer quoi ache-
potentiel humain existant et la rotation attendue du ter (quantité et qualité), quand acheter et, parfois,
personnel du ministère de la Défense, et 2) de définir les auprès de qui acheter. Les règles générales des mar-
effectifs et les compétences nécessaires pour satisfaire chés publics s’appliquent à tout achat sans vocation
aux besoins futurs et aux objectifs de politique générale. militaire prédéfinie. Les besoins et les objectifs de la
sécurité nationale sont susceptibles de s’appliquer
Pour que le secteur soit viable et s’appuie sur une aux achats à vocation militaire et de déterminer la
vision à long terme, une coordination étroite du source d’approvisionnement. Les procédures d’acqui-
processus de planification de défense (revue de dé- sition dans le secteur de la défense ont leurs propres
fense stratégique) est indispensable. La planification particularités, qui s’expliquent par la nature même
des effectifs devrait permettre de cerner le nombre de la défense nationale, certaines informations étant
d’agents jugés nécessaires, ainsi que leur profil pro- par exemple classifiées pour des motifs de sécurité
fessionnel et la gamme de compétences attendues. nationale, et par la volonté de préserver une certaine
Ce processus devrait commencer par une analyse capacité de production ou certains moyens tech-
approfondie des ressources humaines disponibles

20
nologiques au niveau national. Les exceptions aux
procédures et règles courantes régissant les marchés
publics ne doivent toutefois pas faire l’objet d’une in-
terprétation extensive. La passation des marchés pu- Plan
blics est en soi un domaine d’action très complet qui
mérite une attention particulière. Elle ne sera donc - Planification des
pas abordée en détail dans le présent livret. investissements
- Planification des effectifs
- Planification des ressources
3.1.4. LA PRÉPARATION D’UN PLAN FI- matérielles
- Planification des achats
NANCIER
- PLAN DE TRAVAIL

La préparation du plan financier du ministère de la - POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DÉFENSE


Défense devrait s’appuyer sur tous les processus - PRIORITÉS STRATÉGIQUES DU GOUVERNEMENT
(planifications à long terme)
mentionnés précédemment, entrepris au sein du
- Accords et engagements internationaux
ministère lui-même et des institutions sous tutelle :

▪▪ Planification des investissements ; Le plan financier doit se fonder sur les nomencla-
tures budgétaires approuvées, lesquelles com-
▪▪ Planification des effectifs (dans le cadre de la prennent généralement plusieurs catégories de
planification des dépenses courantes) ; dépenses administratives, économiques et fonc-
tionnelles. Si la nomenclature administrative struc-
▪▪ Planification des ressources matérielles (dans ture les dépenses selon l’entité chargée de gérer les
le cadre de la planification des dépenses cou- fonds publics concernés (en l’occurrence, le minis-
rantes) ; tère de la Défense), la nomenclature économique
précise le type de dépense engagée, par exemple,
▪▪ Planification des achats (qui englobe la planifica- les dépenses salariales, les biens et services ou les
tion des investissements et des dépenses cou- dépenses d’équipement. La nomenclature fonc-
rantes). tionnelle organise les activités du gouvernement
par objectif ou finalité (éducation, sécurité sociale,
Les différentes phases de planification indiquées défense, etc.) 12. Dans le cas du ministère de la
ci-dessus constituent une bonne base pour prépa- Défense, son plan financier relève de la catégorie
rer le plan financier global du ministère de la Dé- « Défense ».
fense. Ce plan devrait s’inscrire en cohérence avec
la politique de sécurité et de défense du pays, la 3.1.5  ES NÉGOCIATIONS AVEC LE
L
planification de défense à long terme, les autres do- MINISTÈRE DES FINANCES ET LA
cuments d’orientation pertinents, le plan de travail PRÉPARATION D’UN PROJET DE
annuel du ministère de la Défense, et la législation BUDGET
nationale et les accords internationaux pertinents. Le plan financier du ministère de la Défense devrait
Il faut accorder une attention particulière à la com- être négocié avec le ministère des Finances selon
plémentarité entre les projets d’équipement à long un calendrier généralement défini par la loi orga-
terme et la planification des dépenses courantes. nique du budget. Avant d’être officiellement soumis
Les tendances passées sont aussi susceptibles au ministère des Finances, le projet de plan finan-
d’éclairer la préparation du plan financier.
12 D. Jacobs, J. Helis, D. Bouely, « Budget Classification », notes et
manuels techniques du FMI, décembre 2009.

21
cier préparé par le service du budget de la Défense Lorsque le parlement examine le projet de bud-
est en principe examiné à titre officieux avec le get et les priorités politiques du gouvernement, il
ministère des Finances, ce qui permet de résoudre exerce son influence la plus notable en faisant valoir
avant le dépôt du texte les éventuels points prêtant son droit d’amendement, au titre duquel il peut no-
à controverse. Si les observations du ministère des tamment ajouter de nouveaux postes budgétaires.
Finances sont acceptées et que le plan financier est Dans les démocraties occidentales, où prévaut un
conforme aux instructions émises par ce dernier, système de contre-pouvoirs caractérisé par une
le ministère de la Défense (au plus haut échelon séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judi-
politique ou administratif) l’adopte et le soumet of- ciaire, le parlement détient généralement le pouvoir
ficiellement au ministère des Finances. En cas de suprême d’autorisation budgétaire (on dit souvent
désaccord, des discussions s’engagent normalement qu’il « tient les cordons de la bourse »). En d’autres
au niveau ministériel pour résoudre les points en termes, le budget national doit être approuvé par le
souffrance. parlement, ce qui lui confère un pouvoir politique
considérable. Dans la pratique, cependant, le vé-
Le ministère des Finances est chargé de combiner ritable rôle du parlement peut dépendre des tra-
les propositions financières de tous les secteurs ditions observées dans le pays, du rôle des partis
au sein du projet de budget annuel national qu’il politiques, du fait que le gouvernement bénéficie
élabore. Une fois que le projet de budget est fina- ou non du soutien de la majorité parlementaire, etc.
lisé, il est présenté au conseil des ministres pour
adoption. Après approbation du projet en conseil En règle générale, le parlement examine le projet
des ministres, le gouvernement dépose le texte au de budget national du gouvernement par l’intermé-
parlement pour examen et approbation finale. diaire de ses commissions permanentes avant que
le budget soit débattu et voté en session plénière.
3.2. L’APPROBATION DU BUDGET Cela signifie que le budget du ministère de la Dé-
Le gouvernement/conseil des ministres soumet le fense sera rigoureusement examiné par la commis-
projet de budget annuel au parlement dans les dé- sion permanente parlementaire chargée de la sécu-
lais prescrits, afin que ce dernier ait suffisamment rité et de la défense, ou des affaires internationales
de temps pour évaluer et débattre les priorités po- et de la défense, ou de fonctions équivalentes. Ain-
litiques et les diverses propositions de dépenses et si, le plan financier du ministère de la Défense peut
pour voter le budget avant le début du nouvel exer- faire l’objet d’un examen approfondi et détaillé,
cice financier. Dans la plupart des pays, l’exercice car les membres des commissions de défense ont
budgétaire correspond à l’année civile, mais dans généralement une connaissance plus experte des
d’autres, la définition de l’exercice budgétaire peut questions de politique générale qui concernent le
s’en écarter. Dans les pays dits « en transition », le secteur. Selon la pratique courante, la commission
projet de budget est parfois soumis au parlement du budget et des finances examine les recettes et
peu avant la date limite d’approbation finale du do- les dépenses de tous les secteurs, y compris la dé-
cument (généralement la fin de l’année). Dans la plu- fense, pour s’assurer que le budget total est viable
part des cas, cela renvoie à une tradition politique au plan financier.
antérieure dominée par le pouvoir exécutif. Dans les
démocraties plus matures, en particulier celles où Enfin, il convient de noter que, lorsque le parle-
un système parlementaire régit la vie politique, les ment discute le projet de budget national, le droit
délais officiels fixés pour la soumission des projets d’amendement, qui lui permet de changer librement
de budget sont en principe strictement respectés. et en profondeur le budget, est restreint dès lors
Le parlement n’aime pas être ignoré ou considéré qu’il touche aux dépenses obligatoires (par exemple,
comme acquis à la cause du gouvernement.

22
le remboursement de la dette nationale, les traite- en détail dans un certain nombre de lois distinctes,
ments des fonctionnaires, les programmes de pres- portant par exemple sur les marchés publics, la
tations sociales, telles que les pensions, les contrats fonction publique, les forces armées, etc.
d’acquisition signés les années précédentes, etc.).
Ces dépenses, qui représentent généralement une Pour respecter le principe de légalité, le ministère
très grande part du budget national, ne peuvent de la Défense doit aligner son plan financier sur
être modifiées qu’à long terme. Les nouvelles priori- les crédits budgétaires autorisés par le parlement.
tés de la politique stratégique de défense, inscrites Au cours de l’exécution budgétaire, les dépenses
dans la revue de défense stratégique, illustrent bien imputées au budget de la défense doivent être
que, lorsque l’on souhaite apporter des modifica- conformes aux fins visées par ledit budget et en
tions à plus long terme au budget de défense, il respecter les limites. S’il est nécessaire de modifier
peut être nécessaire de les planifier et de les intro- le budget en cours d’exercice, comme c’est souvent
duire sur plusieurs années. le cas lorsque les circonstances évoluent, le ministre
de la Défense doit se présenter à nouveau devant
3.3. L’EXÉCUTION DU BUDGET le parlement et demander la modification du budget
Lorsque le budget de la défense – comme les autres approuvé. Dans la plupart des pays, des procédures
budgets sectoriels – est exécuté, le principal ob- sont établies à cette fin. Les crédits approuvés
jectif est de veiller à ce que les ressources soient qui n’ont pas été consommés à la fin de l’exercice
employées de façon légale, efficiente et efficace, doivent être restitués, à moins que les décisions
conformément aux décisions budgétaires approu- budgétaires du parlement autorisent expressément
vées par le parlement. Il faut donc suivre et éva- le report des crédits inutilisés à l’exercice suivant.
luer avec soin la performance des opérations, au
sein du ministère de la Défense, des forces armées La deuxième obligation clé s’appliquant aux dé-
et des différentes agences sous tutelle du secteur penses engagées sur les crédits budgétaires
de la défense. Si c’est le ministre de la Défense qui concerne le respect du principe d’optimisation des
porte la responsabilité politique dans les démocra- ressources : économie, efficience et efficacité de
ties parlementaires, les officiers militaires comme l’emploi des fonds publics,
les fonctionnaires peuvent voir leur responsabilité
engagée à raison des dépenses effectuées sur les
fonds publics à leur disposition. • Économie – le fait de réduire à un minimum les
ressources utilisées ou perçues – dépenser moins.
La première obligation clé associée à l’exécution Le principe d’économie peut être mis à mal si, par
exemple, l’institution est en sureffectif, emploie du
du budget tient au fait que les crédits approuvés
personnel surqualifié ou utilise des installations
doivent être utilisés conformément au principe de trop coûteuses.
légalité. Dans les pays où le parlement arrête ses • Efficience – le rapport entre les résultats produits
décisions par le biais d’une loi de finances spéci- (fournitures ou services) et les moyens mis en
fique, le principe de légalité signifie automatique- œuvre pour y parvenir – dépenser bien. Le prin-
ment que les crédits alloués doivent être dépensés cipe d’efficience vise à garantir le meilleur rapport
conformément à ladite loi de finances. Toutefois, possible entre les résultats obtenus et les moyens
cette obligation est aussi valide dans les pays où le mis en œuvre à cet effet ou à réduire au minimum
le niveau de ressources à consacrer pour obtenir
budget national est approuvé par le parlement dans
un niveau de résultat donné.
le cadre d’une procédure budgétaire indépendante. • Efficacité – le rapport entre les résultats souhai-
Quelle que soit la façon dont le parlement ap- tés et ceux effectivement obtenus à l’aide des
prouve ses décisions budgétaires, le cadre juridique dépenses de l’État – dépenser judicieusement. Le
régissant l’emploi des fonds publics est défini plus principe d’efficacité nous indique si les résultats

23
souhaités ont effectivement été obtenus, indé- En règle générale, la mise en paiement doit se faire
pendamment des moyens utilisés pour y parvenir.
 conformément à des procédures spécifiques. Avant
de procéder à la mise en paiement, l’agent financier
Les informations relatives à l’exécution du budget compétent devrait vérifier que : a) une personne
devraient être exactes, fiables et communiquées qualifiée a vérifié que les biens ont été reçus ou que
dans les délais prescrits. Le service financier du mi- le service attendu a été fourni conformément aux
nistère de la Défense doit être informé comme il termes du contrat (vérification des biens/services
se doit par les autres services ou les forces armées fournis), et b) la facture et les autres documents vi-
des contrats signés ou des engagements juridiques sant le paiement de la prestation sont complets (vé-
souscrits imposant des obligations financières à rification des factures). Il convient de noter que bien
l’institution. Le service financier devrait aussi être que l’autorisation des paiements incombe au service
informé rapidement des avenants apportés aux financier, les autres services concernés devraient être
contrats signés, par exemple lorsque le montant du associés au processus de vérification décrit ci-dessus.
contrat ou les clauses et conditions de paiement Une fois la vérification achevée, il est possible d’au-
sont modifiés. Le service des ressources humaines toriser le paiement, c’est-à-dire de signer l’ordre de
du ministère de la Défense devrait également trans- paiement. Il convient de vérifier promptement toutes
mettre au service financier des informations à jour les factures après réception et d’enregistrer en bonne
sur les dépenses de personnel du ministère. et due forme toutes les opérations financières. Des
règles et procédures concrètes devraient régir le pro-
cessus, comme illustré ci-dessous :

Vérification des fournitures


et des prestations de Ordre de paiement et Enregistrement des
services selon les termes Vérification des factures
transfert de fonds opérations financières
du contrat à exécuter

La réaffectation des crédits doit se faire conformé-


Le ministère de la Défense devrait élaborer des procé- ment à la législation nationale et aux procédures
dures internes propres à garantir la crédibilité, la fia- établies à cet effet. Les procédures détaillées ré-
bilité et la validation juridique des documents avant gissant les modalités de réaffectation et les limites
l’exécution des paiements imputés à son budget.
autorisées, permettant par exemple de modifier la
destination des dépenses prévues au budget, de-
Un inventaire de tous les biens à la charge du minis-
vraient être encadrées par les règlements internes
tère de la Défense devrait être établi et mis à jour
de l’institution. Comme indiqué ci-dessus, en cas
chaque année. La situation réelle des biens devrait
de modification substantielle du budget approuvé,
être répercutée dans les registres comptables. Les
il peut être nécessaire de demander l’autorisation
incidences budgétaires, telles que les besoins en
du parlement.
matière de maintenance ou de modernisation, de-
vraient être consignées en cours d’exercice, en vue
Les états financiers devraient être préparés selon le
de la préparation du nouveau budget.
calendrier prescrit par la législation. Les modalités
et le calendrier d’établissement des états financiers

24
du ministère de la Défense peuvent être définis une composante du système de contre-pouvoirs
plus en détail dans ses propres règlements. assurant l’équilibre entre les trois pouvoirs de l’État.
Le contrôle interne est un instrument utilisé par
Toutes les activités financières devraient être trans- la haute direction d’une institution pour s’assurer
parentes et toute mesure prise devrait être dûment que les différentes unités placées sous sa respon-
documentée et notifiée. Toute mesure ayant des sabilité mènent leurs activités dans le respect de
incidences financières devrait être soumise à véri- la loi, du budget alloué et des règles et procédures
fication et examen par un professionnel indépen- applicables. Nombre de réformes engagées récem-
dant et impartial. Les fonctionnaires du ministère ment dans le domaine du contrôle budgétaire sont
de la Défense devraient étudier avec soin les re- axées sur l’amélioration de la gestion des différents
commandations émises par les auditeurs internes et risques de corruption. Il s’agit notamment de ren-
externes, en gardant à l’esprit qu’il peut être néces- forcer les bonnes pratiques de gestion et de pallier
saire d’améliorer les règles et procédures du minis- les déficits au niveau de l’efficience, ainsi que de
tère. Sauf motif légitime, le ministère de la Défense réduire l’utilisation du secret lorsqu’il n’est pas né-
devrait se conformer aux recommandations issues cessaire et les autres pratiques non transparentes.
de l’audit interne comme externe. En bref, le contrôle du budget constitue un élément
important de la bonne gouvernance, dans le secteur
3.4. LE CONTRÔLE DU BUDGET de la défense et de la sécurité, ainsi que dans le
Le contrôle du budget s’articule autour d’un sys- secteur public en général.
tème institutionnel de vérification des dépenses
publiques, qui sont examinées au regard de leur Ci-dessous, nous nous intéresserons de plus près
légalité, ainsi que des principes d’économie, d’effi- aux trois composantes du contrôle budgétaire : 1)
cience et d’efficacité. Il comprend des mécanismes l’information financière, 2) le contrôle interne finan-
redditionnels aussi bien internes qu’externes. Le cier, qui comprend la gestion financière, le contrôle
contrôle externe est en principe assuré pour le financier et l’audit interne, et 3) les mécanismes
compte du parlement, doté du pouvoir d’autori- d’examen externe, tels que l’examen parlementaire
sation budgétaire, et peut être considéré comme et l’audit externe.

Gestion de l’insti-
Gestion et contrôle des tution
Audit interne Examen externe
finances publiques
Information finan-
cière

Le ministère de la Défense devrait élaborer des procé- 3.4.1. L’INFORMATION FINANCIÈRE


dures internes propres à garantir la crédibilité, la fia- L’information financière est un instrument de
bilité et la validation juridique des documents avant contrôle utile ; elle jette les bases de l’évaluation
l’exécution des paiements imputés à son budget. des opérations et des performances du gouverne-
ment dans l’ensemble du secteur public. La produc-
tion de l’information financière suppose d’extraire

25
des données du système comptable et de les pré- performances dans le secteur de la défense et dans
senter sous des formats facilitant l’analyse. Les rap- le secteur public dans son ensemble.
ports financiers devraient être détaillés et présenter
des informations exactes et à jour sur l’exécution du 3.4.2. LE CONTRÔLE INTERNE
budget. Ils devraient contenir des informations sur FINANCIER
tous les postes de dépenses, y compris les salaires Les contrôles internes financiers s’organisent autour
et traitements, les équipements, les ventes et les de trois composantes essentielles à l’emploi effi-
cessions de biens. cient et efficace des ressources publiques au sein
des institutions de l’État :
Les rapports financiers devraient être transparents
et répondre aux besoins des différents utilisateurs ▪▪ les systèmes de gestion et de contrôle financiers ;
(le parlement, le grand public, les responsables des
budgets, les décideurs, etc.). Aujourd’hui, la plupart ▪▪ l’audit interne ;
des rapports sont publiés (ou le devraient) sur le
site web de l’institution concernée, pendant l’exer- ▪▪ l’unité centrale d’harmonisation, qui met au point
cice financier et à la fin de celui-ci, rendant l’infor- les méthodologies et les normes applicables aux
mation directement accessible au public. Tous les deux premières composantes, y compris à la com-
rapports devraient être mis à la disposition du par- munication de l’information.
lement et de l’institution nationale supérieure de
contrôle des finances publiques. La première composante a trait au système de ges-
tion et de contrôle financiers. Ce système peut être
Parmi les rapports habituellement produits, citons défini comme l’ensemble des politiques et des pro-
les rapports journaliers de trésorerie, les rapports cédures propres à l’institution, qui contribuent à ga-
mensuels sur l’exécution du budget, les états des rantir que les différents programmes institutionnels
recettes, les rapports à mi-année et les états finan- atteignent les résultats escomptés, que les moyens
ciers annuels ou les rapports financiers. Ce sont là mis en œuvre pour exécuter ces programmes sont
les exigences minimales reconnues au plan interna- suffisants pour atteindre les objectifs fixés et que
tional pour la communication de l’information finan- les programmes de l’institution sont protégés des
cière et c’est sur cette base que l’institution supé- risques de gaspillage, de fraude et de mauvaise ges-
rieure de contrôle des finances publiques procédera tion.
à la vérification annuelle des comptes.
Le système de gestion et de contrôle du ministère
Un autre élément clé s’est ajouté ces dernières dé- de la Défense devrait prévoir l’examen rigoureux
cennies aux rapports financiers, à savoir le recours des éléments suivants :
à des indicateurs de performance couvrant la to-
talité des opérations du gouvernement, y compris ▪▪ tous les domaines pertinents se rapportant aux
dans le secteur de la défense. L’information sur la activités du ministère de la Défense, tels que les
performance est une composante importante dans dépenses, les achats et la gestion des recettes ;
l’évaluation de l’optimisation des crédits budgétaires
– principes d’économie, d’efficience et d’efficacité.
Elle étaye également les améliorations à apporter
▪▪ toutes les grandes étapes du cycle de gestion et
d’achat des biens immobiliers, y compris la pla-
aux politiques et le processus de planification po- nification, l’exécution, la notification, l’archivage
litique et budgétaire. Cette tendance générale ap- et le suivi.
pelle à mettre davantage l’accent sur la mesure des

26
La gestion et le contrôle financiers postulent l’exis- est de déterminer si le système, dans sa concep-
tence de politiques et de procédures au sein de l’ins- tion comme dans la pratique, a un fonctionnement
titution pour la détection des fraudes, du gaspillage, conforme aux normes et principes de bonne ges-
des abus ou des erreurs. tion financière reconnus au niveau international
(voir les normes précitées). Le service d’audit in-
Pour qu’un système efficace de gestion et de terne devrait être situé dans une unité séparée, au
contrôle fonctionne comme prévu, il est nécessaire sein du ministère de la Défense.
de disposer de règles et de procédures claires régis-
sant l’utilisation des ressources budgétaires, comme
expliqué plus haut. En cas de délégation de pouvoirs, Le service d’audit interne analyse le fonctionnement
il convient de préciser les limites (le champ d’applica- pratique du système de gestion et de contrôle finan-
tion) de la délégation, les objectifs sous-jacents et les ciers. Il évalue les éventuels risques systémiques et
informations à communiquer en routine. émet des recommandations en vue de leur atténua-
tion.
La deuxième composante du contrôle interne finan-
cier a trait à l’établissement d’un mécanisme d’audit Bien que la fonction d’audit interne relève de la
interne indépendant au plan fonctionnel, doté d’un direction du ministère, il convient dans toute la
mandat et d’une mission pertinents. L’audit interne, mesure possible d’organiser le service sous forme
idéalement situé à l’échelon administratif le plus d’unité indépendante au plan fonctionnel. L’indé-
élevé de l’institution, est axé sur l’évaluation de la pendance organisationnelle implique que le ser-
performance institutionnelle et de gestion, en plus vice d’audit interne soit indépendant des activités
du contrôle de la conformité législative. L’audit in- soumises à vérification interne, c’est-à-dire qu’il ne
terne ne couvre pas forcément tous les domaines peut être intégré à aucune unité organisationnelle.
de l’administration publique dans les pays où il est En outre, le service d’audit interne devrait rendre
en vigueur. Des normes d’audit interne sont pro- directement compte à la haute direction du minis-
gressivement élaborées, en particulier à l’initiative tère de la Défense. L’indépendance fonctionnelle,
de l’Institut des auditeurs internes13. Les normes quant à elle, implique que le service d’audit interne,
de contrôle interne du Committee of Sponsoring selon son évaluation des risques et des problèmes
Organisations of the Treadway Commission (COSO) potentiels, choisisse les secteurs qui seront sou-
et de l’Organisation internationale des institutions mis à un audit indépendant, la manière d’auditer
supérieures de contrôle des finances publiques et les modalités de rapport. Les auditeurs internes,
(INTOSAI) sont aussi en train d’évoluer. Tandis que qu’ils soient nommés pour un mandat limité dans le
la gestion et le contrôle financiers sont un type de temps ou non, doivent pouvoir accéder librement à
contrôle ex ante, l’audit interne est une forme de l’information et aux décideurs. La législation natio-
contrôle ex post. nale devrait définir et protéger l’indépendance de
l’audit interne et faire obligation à l’auditeur de se
montrer objectif et de respecter des normes strictes
Le service d’audit interne du ministère de la Dé-
de déontologie.
fense recueille, vérifie et analyse des informations
que l’on peut classer en deux catégories : 1) infor-
mations sur la conception du système de gestion L’audit interne n’est pas synonyme d’inspection fi-
et de contrôle financiers du ministère, et 2) infor- nancière. Les auditeurs vérifient que les systèmes
mations sur son fonctionnement pratique. Le but en place sont en adéquation avec les principes
d’économie, d’efficience et d’efficacité. Ils ont pour
rôle principal de diligenter les missions d’audit in-
13 https ://na.theiia.org/standards-guidance/mandatory-guidance/ terne, le but étant de mettre en évidence les éven-
Pages/Standards.aspx.

27
tuelles carences susceptibles de mettre en péril la L’institution supérieure de contrôle des finances pu-
réalisation des objectifs de l’institution. Les recom- bliques offre un mécanisme clé au titre duquel une
mandations qui s’en dégagent devraient contribuer institution nationale, au nom du contribuable, passe
à améliorer la gestion financière de l’institution, à à la loupe la façon dont le gouvernement dépense
réduire les risques de corruption et d’autres pra- les crédits budgétaires approuvés par le parlement
tiques contraires à l’éthique et à éliminer – si pos- et s’assure ainsi qu’il rend compte de son action. La
sible – les utilisations abusives des crédits bud- configuration et le fonctionnement des dispositifs
gétaires ou d’autres biens. En bref, l’audit interne d’audit externe échappent aux prérogatives du pou-
devrait contribuer à faire en sorte que la direction voir exécutif. Cela dit, leur efficacité et leur impact
de l’institution puisse contrôler la façon dont les de- dépendent de la coopération engagée avec le gou-
niers publics et autres biens sont gérés. vernement et ses diverses institutions. Il est crucial
que, par exemple, les différents ministères, y compris
La troisième composante du contrôle interne réside le ministère de la Défense, communiquent à l’institu-
dans la mise en place d’une unité centrale d’harmo- tion supérieure de contrôle des finances publiques
nisation, chargée de guider, de coordonner et de des informations exhaustives, exactes et opportunes
superviser les dispositifs de gestion et de contrôle sur les dépenses, les recettes et les autres décisions
financiers, y compris l’audit interne, des différents financières et économiques, et qu’ils soumettent of-
organismes publics (ministères, agences, etc.). Il ficiellement, publiquement et dans des délais raison-
s’agit donc de confier à une entité particulière le nables, leurs réponses aux observations et aux rap-
soin de proposer des règlements et de coordonner ports émis par l’institution centrale de contrôle. De
et harmoniser la mise en application de la gestion son côté, l’institution supérieure de contrôle des fi-
et du contrôle financiers ainsi que de l’audit interne nances publiques devrait mener ses activités de ma-
dans tout le secteur public, y compris pour ce qui nière indépendante, comptable et transparente. Elle
concerne les informations à communiquer et les a aussi un rôle important à jouer, en veillant à ce que
pratiques à observer. Cette entité peut également le contrôle interne financier soit efficient et s’articule
mettre en place et coordonner des activités de for- parfaitement avec la gestion et le contrôle financiers,
mation, et s’insère généralement dans la structure ainsi qu’avec les audits de performance des pouvoirs
du ministère des Finances. L’objectif est de confé- publics. Le suivi efficace des recommandations de
rer une cohérence aux systèmes de contrôle interne l’institution supérieure de contrôle est indispensable
financier du secteur public, d’assurer la diffusion et relève normalement de la fonction de contrôle du
des meilleures pratiques et d’émettre de nouvelles parlement.
orientations améliorées.
L’institution supérieure de contrôle devrait vérifier
3.4.3. LES MÉCANISMES D’EXAMEN régulièrement les comptes du ministère de la Dé-
EXTERNE fense, de même que ceux des forces armées et des
Les mécanismes clés d’examen externe peuvent autres agences de défense sous tutelle. La vérifi-
prendre une multitude de formes, notamment faire cation des comptes devrait porter non seulement
appel à la société civile. Toutefois, au niveau ins- sur la légalité de l’emploi des fonds publics, mais
titutionnel, les principaux mécanismes sont ceux aussi sur l’optimisation des ressources et l’atteinte
mis en œuvre par les institutions supérieures de des objectifs donnés. La vérification par l’institution
contrôle des finances publiques et les organismes supérieure de contrôle de l’utilisation optimale des
de contrôle parlementaire. Ce point ayant déjà été ressources devrait aider le secteur de la défense à
abordé dans le présent guide, le lecteur en trouvera porter une attention ciblée à l’efficience et à l’effi-
ci-dessous un rappel. cacité financières.

28
Les résultats devraient être présentés en temps dans les autres secteurs publics, la façon dont les
voulu au parlement. L’un des meilleurs moyens crédits budgétaires sont dépensés sera toujours un
de pallier les défauts d’efficience constatés est de indicateur clé.
s’assurer que le parlement est directement asso-
cié au suivi des recommandations de l’institution
supérieure de contrôle des finances publiques. La Le rôle dévolu au parlement en matière de contrôle du
commission de la défense et/ou la commission secteur de la défense et du gouvernement dans son
ensemble peut être grandement facilité par le travail
des comptes publics du parlement devraient par-
de l’institution supérieure de contrôle des finances
ticiper aux discussions et exiger des fonctionnaires publiques. De son côté, l’institution supérieure de
du ministère de la Défense qu’ils rendent compte contrôle a elle aussi besoin du plein soutien du par-
de l’emploi des crédits budgétaires. Par ailleurs, les lement. Elle peut faire bénéficier le parlement de sa
audiences parlementaires sur les rapports d’audit connaissance experte et approfondie des questions
devraient être ouvertes au public et couvertes par d’audit, tandis que le parlement peut aider l’institu-
les médias de sorte à atteindre un public aussi large tion supérieure de contrôle à faire en sorte que ses
que possible au sein de la société. Les membres de constatations et recommandations soient pleinement
actées et suivies d’effet. Ensemble, le parlement et
la commission de défense devraient faire l’objet
l’institution supérieure de contrôle des finances pu-
d’une enquête de sécurité avant de pouvoir accé- bliques peuvent forger une alliance spéciale et robuste
der aux informations classifiées liées à la sécurité pour tenir le gouvernement comptable de l’emploi des
nationale et au renseignement militaire, lorsque ces fonds publics.
informations ne sont pas de nature à pouvoir être
divulguées publiquement14.

Étant donné que les organismes du secteur de la


défense consomment une part importante du bud-
get de l’État, il demeure essentiel que le parlement
puisse contrôler l’utilisation faite des ressources
finies de l’État. Il est crucial que le parlement re-
çoive des informations exhaustives, exactes et op-
portunes sur les intentions et les décisions du gou-
vernement concernant les questions de sécurité et
le secteur de la sécurité. Le parlement ne sera pas
en mesure d’assurer sa fonction constitutionnelle si
le gouvernement ne l’informe qu’une fois ses déci-
sions finales arrêtées. Dans les démocraties parle-
mentaires, le parlement ne devrait pas être mis de-
vant le fait accompli et se borner à approuver ou à
rejeter les décisions du gouvernement. L’institution
supérieure de contrôle des finances publiques peut
se révéler une importante source d’informations et
de compétences pour le parlement et donc émettre
des avis sur la façon d’exiger des comptes au gou-
vernement. Dans le secteur de la défense, comme

14 Transparency International (2011), Buidling Integrity and Countering


Corruption in Defence and Security, Transparency International UK.

29
4. Considérations particulières relatives
aux budgets classifiés
Dans tous les pays démocratiques – les pays en le besoin de confidentialité – par exemple, la trans-
transition comme les démocraties plus matures –, parence pourrait mettre en péril d’importants objec-
trouver le juste équilibre entre le principe de trans- tifs stratégiques, comme la protection de l’intégrité
parence budgétaire et la nature particulière de la territoriale de l’État contre une menace extérieure,
sécurité nationale pose souvent problème. Dans la configuration d’un système défensif adéquat, etc.
la plupart des administrations à travers le monde, Il convient de mettre en place une procédure in-
la tendance est à la classification en masse des in- terne précisant les mécanismes exacts permettant
formations en rapport avec la sécurité nationale, y de décider s’il faut classifier ou non des dépenses15.
compris celles portant sur les dépenses de défense.
En particulier dans les situations caractérisées par En dépit de leur caractère confidentiel, les budgets
l’incertitude et où le contexte sécuritaire est mar- classifiés ne devraient pas être dispensés d’examen,
qué par l’apparition de défis, risques et menaces et encore moins d’examen parlementaire. Une fois
nouveaux ou émergents, on observe une tendance que le projet de budget du gouvernement est dé-
à soustraire l’information du regard du public. Les posé au parlement, l’on peut envisager de distin-
raisons qui l’expliquent sont sans doute justifiées, guer les propositions de budget ordinaires de celles
mais si elles sont invoquées trop souvent et de ma- classifiées en raison de leur nature particulière. Par
nière automatique, l’absence de transparence qui exemple, les postes classifiés pourraient être pré-
en découle peut compromettre le fonctionnement sentés sous forme de chiffres agrégés, tandis que les
démocratique de la société. postes non classifiés pourraient être décrits de ma-
nière beaucoup plus détaillée. L’exemple sud-coréen,
La principale difficulté, lorsque l’on a affaire à un présenté dans l’encadré ci-dessous, est souvent cité
budget classifié, consiste à garantir que le secret pour illustrer la façon dont les budgets classifiés
n’est invoqué que dans la mesure où il est stricte- peuvent être approuvés.
ment nécessaire. Le principal critère encadrant la
confidentialité des dépenses de défense est l’exis-
tence de motifs concluants susceptibles de justifier

15 Transparency International UK (2011), “The Transparency of National


Defence Budgets- an initial review”, Transparency International UK,
Defence and Security Programme.

30
Le gouvernement de la Corée du Sud divise son bud- Les postes classifiés figurant dans les états finan-
get de la défense en trois catégories, correspondant ciers du ministère de la Défense devraient être
à trois niveaux de secret. Les postes budgétaires de vérifiés par l’institution supérieure de contrôle des
catégorie A sont présentés pour examen à l’assemblée finances publiques, qui pourra publier un rapport de
nationale sous forme agrégée ; les postes de catégorie
vérification classifié.
B sont présentés aux membres de la commission de la
défense nationale, nommée par l’assemblée nationale,
sous forme non agrégée et détaillée ; les postes de ca- Ce rapport devrait également être remis au par-
tégorie C sont désagrégés plus avant et présentés à lement, afin de préserver le mécanisme démocra-
la commission de la défense nationale. Auparavant, tique charnière de reddition des comptes qui per-
les membres de l’assemblée législative n’avaient accès met d’exiger de l’exécutif une gestion comptable de
qu’au montant de la dotation forfaitaire pour débattre
l’emploi des fonds publics.
du budget.

Source : Chul Choi, Jong (1998), « Chapter Six: South Korea »


in Pal Singh, Ravinder (ed.), Arms Procurement Decision
Making Volume I: China, India, Israel, Japan, South Korea and
Thailand, http://books.sipri.org/product_info?c_product_
id=156#contents; TI UK (2011), The Transparency of
National Defence Budgets - an initial review, Transparency
International UK, Defence and Security Programme.

31
Collection des guides de bonne gouvernance

N° 01 N° 02 N° 03

Professionnalisme et intégrité Lutter contre les conflits Politiques et organismes


dans la fonction publique d’intérêts dans le secteur public de lutte contre la corruption

32
N° 04 N° 05 N° 06

Accès à l’information et Gestion des risques de Équilibre entre transparence


limites de la transparence corruption et de fraude et confidentialité dans le secteur

vis-à-vis du public immobilière dans le secteur de la défense : enseignements tirés


de la défense des bonnes pratiques internationales

33
Les Guides de bonne gouvernance sont une série de petits livrets dédié
chacun à un thème spécifique important pour la bonne gouvernance dans
le secteur de la défense. Ils s’adressent aux personnes qui souhaitent en
apprendre davantage sur un ou plusieurs sujets présentant un intérêt di-
rect pour la bonne gouvernance dans le secteur de la défense, ou dans
le secteur public en général. Ils peuvent également être utilisés à des fins
pédagogiques.

La reproduction totale ou partielle des livrets est autorisée à condition que le


nom complet de la source (en l’occurrence le Centre pour l’intégrité dans le sec-
teur de la défense (Oslo, Norvège) soit mentionné et que la nouvelle publication
ne soit pas, pour tout ou partie, commercialisée ou incorporée à des ouvrages
destinés à être commercialisés.

Publié par : Centre pour l’intégrité dans le secteur de la défense


Infographie : www.melkeveien.no
Traduction : Service Traduction du Secrétariat international de l’OTAN

1069-16 NATO GRAPHICS & PRINTING-FR

www.cids.no

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