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Psychologie Et Christianisme Extrait

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L A P S YC H O LO G I E E T

LE CHRISTIANISME

Cinq perspectives sur la relation entre la psychologie


moderne et la foi chrétienne

SOUS LA DIRECTION DE

ERIC L. JOHNSON

AV E C L E S C O N T R I B U T I O N S D E

DAV I D G .   M Y E R S l S TA N T O N L .   J O N E S l ROBERT C . ROBERTS

P A U L J .   W AT S O N l JOHN H. COE l TO D D W.   H A L L l DAV I D P O W L I S O N


AVANT- P RO P OS À
L A D E UXI È M E É D ITI O N

O n reconnaît généralement qu’au cours des quatre dernières décen-


nies, des pans entiers de la culture américaine ont été plongés dans
une bataille conceptuelle et politique à propos de visions différentes de
la moralité, des valeurs, de l’épistémologie et du rôle de la religion dans
la vie publique, une « guerre de la culture » d’une grande importance
aux yeux des évangéliques (Hunter, 1991). Mais on ignore généralement
qu’à l’intérieur même de la communauté évangélique se déroulaient des
luttes similaires, dont l’une concerne la relation entre la psychologie et
le christianisme.
Qu’est-ce qui a motivé ce conflit particulier ? On peut souligner au
moins deux facteurs. D’une part, la psychologie moderne était devenue
extrêmement influente dans notre culture et sur l’Église américaine. Et
d’autre part, depuis sa fondation qui remonte à 130 ans, la psychologie
moderne s’est largement affranchie de toute référence à la religion, et
adopte souvent une attitude hostile à l’égard de la religion, une position
qu’elle n’a adoucie que récemment. Face à cette dynamique, les chrétiens
ont adopté différentes positions quant à leur attitude à l’égard de la psy-
chologie moderne : les uns l’acceptant sans réserve, les autres la rejetant
avec une véhémence aussi catégorique, et beaucoup faisant le choix
d’une position intermédiaire. Les chrétiens n’ont guère eu d’occasions
de dialoguer publiquement concernant ces différences, la valeur de la
psychologie en général pour les chrétiens, les problèmes liés à l’étude
psychologique et à la pratique de la relation d’aide pour les croyants.

9
10 La psychologie et le christianisme

Ce livre offre une occasion de le faire ; c’est même un plaisir de par-


ticiper à ce dialogue. Je tiens à remercier de tout cœur les sept contribu-
teurs. Je mesure depuis longtemps la dette professionnelle que j’ai envers
tous pour leurs contributions dans les discussions sur ces questions ;
et j’y ajoute une dette personnelle pour les efforts qu’ils ont consentis
dans le cadre de ce projet.
Cette deuxième édition se différencie de la précédente par un chan-
gement survenu dans l’activité de Stanton Jones : passant de rédacteur de
l’édition précédente avec moi, il est devenu représentant du point de vue
de l’intégration, ce qui a eu pour résultat que je suis désormais l’unique
éditeur du livre que vous tenez entre vos mains. De plus, un autre point
de vue s’est mêlé au dialogue : la psychologie transformationnelle. Ce
modèle plonge ses racines dans la tradition de l’intégration, mais au
cours des vingt dernières années, et pour des raisons qu’ils expliqueront,
les différents défenseurs de ce point de vue ont élaboré une façon de
penser chrétienne nouvelle et distincte de la psychologie ; il convient
désormais de la prendre sérieusement en compte.
Je tiens enfin à remercier Sarah Tennant pour son aide dans la créa-
tion des index, ainsi que le personnel d’InterVarsity Press, en particulier
Andy Le Peau et Joel Scandrett, pour leurs conseils et leur soutien tout
au long des différentes étapes de ce projet.
Il me paraît approprié de dédier un livre de ce type à certains des
précurseurs notables qui ont contribué et, dans certains cas, participé à
la création des cinq positions de ce livre : Malcolm Jeeves (niveaux d’ex-
plication) ; Gary Collins, John Carter et Bruce Narramore (intégration) ;
C. Stephen Evans (psychologie chrétienne) ; David Benner (psychologie
transformationnelle) ; Jay Adams et Wayne Mack (counseling biblique) ;
et Larry Crabb (qui, au cours de sa carrière, a apporté sa contribution à
trois des points de vue présentés dans ce livre : l’intégration, la psycho-
logie chrétienne et la psychologie transformationnelle).
1

U N E B R È VE H I STO I R E D E S
C H R ÉTI E N S E N PSYC H O LOG I E

Er ic L. Johnson

L es disciples de Dieu se sont, de tout temps, intéressés à sa création.


Après avoir évoqué les étoiles dans le ciel, la pluie, la croissance des
végétaux et l’alimentation des animaux sauvages, le psalmiste s’écrie :
« Que tes œuvres sont en grand nombre, ô Éternel ! Tu les as toutes faites
avec sagesse. La terre est remplie de tes biens » (Ps 104.24). Pourtant,
de toutes les choses créées, celle qui revêt le plus grand intérêt pour
la plupart d’entre nous, c’est notre propre nature, car nous sommes
fascinés par le prodige que nous sommes. Comme l’écrit Jean Calvin,
un être humain est un microcosme de l’univers, « un exemple rare de
la puissance, de la bonté et de la sagesse de Dieu, qui contient… assez
de miracles pour occuper nos esprits » (1559/1560, p. 54). Il n’est donc
pas surprenant d’apprendre que, tout au long des siècles, des penseurs
chrétiens ont réfléchi profondément aux questions psychologiques, bien
avant la naissance de la psychologie moderne.
Cependant, l’intérêt des chrétiens pour la psychologie a littéralement
explosé au cours des cinquante dernières années. Les chrétiens ont publié
d’innombrables ouvrages qui décrivent notre personnalité, nos limites,
notre développement dysfonctionnel, nos relations et leurs problèmes,
comment éduquer nos enfants, et ainsi de suite. Or, au milieu de cette
explosion est apparue une crise intellectuelle à laquelle l’Église fait
face depuis plus longtemps encore : au cours des 140 dernières années,
on a vu proliférer un ensemble, complexe et riche, de connaissances

11
12 La psychologie et le christianisme

et de pratiques, avec une compréhension et une manière de traiter les


êtres humains qui s’éloignent considérablement des perspectives chré-
tiennes de la vie humaine. Comme cette psychologie moderne est lar-
gement séculière, elle a provoqué des désaccords : comment et dans
quelle mesure les théories et découvertes de ce type de psychologie
devraient-elles influencer, absorber l’esprit, voire transformer la manière
dont les chrétiens conçoivent les êtres humains ? Certains chrétiens ont
accepté les découvertes et les théories de la psychologie moderne avec
un engouement inconditionnel, croyant naïvement que ses textes sont
le reflet parfait de la réalité humaine. D’autres ont prétendu que toute
appropriation de la psychologie moderne est de la « psycho-hérésie »
puisqu’elle empoisonne les chrétiens qui s’en imprègnent (Bobgan et
Bobgan, 1987). Cet ouvrage n’examinera pas ces extrêmes, mais explo-
rera le vaste territoire entre eux – et plus particulièrement cinq thèses
solidement exposées par des évangéliques et qui exposent une façon
assez globale dont la plupart des chrétiens (même non évangéliques)
envisagent la psychologie et la relation d’aide à notre époque.
Avant de résumer ces cinq approches, je tiens à situer l’arrière-plan
historique et intellectuel du présent débat.

CHRISTIANISME ET SCIENCE

Nous devrions commencer par noter que les chrétiens ont généralement
considéré que l’ordre naturel est l’œuvre d’un Créateur sage qui continue
providentiellement de le guider et qui, de ce fait, possède une rationalité
et un ordre qui peuvent être sondés. La découverte de preuves de ce des-
sein glorifie Dieu, et son investigation continue est légitime (Hooykaas,
1972 ; McGrath, 2001 ; Stark, 2003). Ce sont d’ailleurs le plus souvent
des chrétiens du monde occidental qui sont à l’origine de la révolution
scientifique, et les principaux artisans des premiers développements des
sciences naturelles – astronomie, physique, chimie et biologie – étaient
des chrétiens de tous bords, comme Roger Bacon, Copernic, Kepler,
Galilée, Francis Bacon, Newton, Boyle, Pascal, Descartes, Ray, Linné
et Gassendi. Tout au long de l’histoire du christianisme, la science a
fondamentalement été considérée comme un don de Dieu.
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 13

CHRISTIANISME ET PSYCHOLOGIE

D’après la plupart des manuels d’introduction à la psychologie, à la


psychopathologie et à la relation d’aide (et même quelques manuels
d’histoire de la psychologie), la fondation de la psychologie s’est pro-
duite entre le milieu et la fin du xixe siècle. Mais comme nous le ver-
rons, cette date marque le début de la psychologie moderne. Il suffit de
creuser un peu plus pour se rendre compte qu’il existait déjà au cours
des siècles antérieurs, beaucoup de réflexion, d’écrits, de conseils, de
théories psychologiques et même de recherches (Brett, 1912 ; Klein,
1970 ; Leahey, 2003 ; Watson et Evans, 1991). La forme de cette psy-
chologie plus ancienne était incontestablement différente, à bien des
égards, de la psychologie orientée empiriquement et statistiquement
des siècles antérieurs. En revanche, cette psychologie plus ancienne
s’appuyait beaucoup plus sur la réflexion philosophique et théologique
des penseurs et serviteurs de Dieu. Il s’agissait néanmoins d’un travail
psychologique authentique et il imprègne l’histoire du christianisme
(et de toutes les grandes religions ; voir Olson, 2002 ; Thomas, 2001),
même si la majeure partie se caractérise par moins de complexité que
l’on trouve dans la psychologie moderne.
Les premières psychologies approfondies en Occident furent l’œuvre
des philosophes-médecins grecs comme Platon, Aristote et Épicure. Ils
tentèrent de décrire la nature humaine, y compris ses maux fondamen-
taux, et sa réparation, sur la base d’expériences personnelles et d’une
réflexion rigoureuse, à la lumière de la pensée antérieure (Nussbaum,
1994 ; Watson et Evans, 1991). Ces penseurs explorèrent des sujets comme
la composition et la structure « interne » des êtres humains – mémoire,
raison, sensation, appétit, motivation, vertus et vices, et différents idéaux
de la maturation humaine. L’Ancien et le Nouveau Testaments eux-
mêmes contiennent du matériau de grande importance psychologique
et, dans le cas de Paul, nous pourrions dire, avec Brett (1912), une
« proto-psychologie » fortement religieuse. Contrairement aux écrits
plus rigoureux de la science contemporaine, les réflexions contenues
dans la Bible appartiennent cependant à la catégorie de la « psychologie
populaire » ou de la « psychologie laïque », puisqu’elles ne constituent
pas une exploration systématique et globale de la nature humaine en vue
14 La psychologie et le christianisme

d’améliorer la connaissance humaine (Fletcher, 1995 ; Thomas, 2001).


Comme les chrétiens croient que la Bible est spécifiquement inspirée par
Dieu (2 Ti 3.16) et qu’elle révèle des sujets d’importance essentielle, les
chrétiens, pour la plupart, ont néanmoins accordé aux enseignements
bibliques sur la nature humaine une autorité unique quant à la façon
de concevoir les sujets psychologiques.
Après l’ère néotestamentaire, la Bible et les contributions intellec-
tuelles des Grecs ont, toutes deux, contribué à l’élaboration de la théorie
psychologique chrétienne pour les quatorze siècles suivants. Avec une per-
ception limitée de la valeur de l’étude empirique, les principaux maîtres et
auteurs de l’Église primitive et de la période médiévale étaient convaincus
que l’Écriture et la réflexion rigoureuse constituaient le chemin le plus
sûr vers la connaissance psychologique. Il n’est donc pas étonnant que
le meilleur travail psychologique accompli par les chrétiens résultait de
la réflexion biblique et philosophique sur l’expérience humaine.
Bien que largement intéressés aux questions de foi et de vie, des gens
comme les Pères du désert – Tertullien, Athanase, Cassin, Grégoire de
Nysse et Grégoire le Grand – ont écrit avec une perception profonde
de la nature de l’âme et de la cure d’âme. Toutefois, c’est Augustin avec
son intelligence impressionnante qui est largement reconnu comme le
premier grand « psychologue » chrétien (voir Watson et Evans, 1991).
Ancrée dans les Écritures et dans la pensée des premiers Pères de l’Église,
la connaissance qu’Augustin avait des êtres humains était aussi teintée
par la tradition philosophique d’inspiration platonicienne. Il n’empêche
que son œuvre sur l’amour, le péché, la grâce, la mémoire, l’illumination
mentale, la sagesse, la volition et l’expérience du temps constitue un
trésor de perception psychologique et de suggestions pour des investi-
gations supplémentaires.
Fortement influencé par Augustin, mais beaucoup plus systématique
(et, par conséquent, plus directement utile pour développer une théorie
psychologique), nous trouvons Thomas d’Aquin (Watson et Evans, 1991).
Ce penseur méticuleux a consacré sa vie à relier la foi chrétienne à la
pensée d’Aristote, un autre philosophe brillant mais essentiellement non
religieux. Aquin unifia le meilleur des traditions augustiniennes et aris-
totéliciennes pour aboutir à un système influent de pensée psychologique
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 15

couvrant les domaines des appétits, de la volonté, des habitudes, des


vertus et des vices, des émotions, de la mémoire et de l’intellect.
Il vaut la peine de souligner le fait que les deux plus brillantes
lumières intellectuelles des quinze premiers siècles de l’Église, Augustin
et Aquin, ont, dans leur œuvre théologique et psychologique, beaucoup
puisé dans les traditions philosophiques des deux plus grands philo-
sophes grecs (non chrétiens) – respectivement Platon et Aristote. Et les
approches distinctes d’Augustin et d’Aquin ont abouti à de véritables
différences de pensée et d’orientation, bien que ces différences aient par-
fois été exagérées (MacIntyre, 1990). Dans un sens très réel, les travaux
des deux constituent une intégration de la psychologie chrétienne et de
la psychologie non chrétienne, Aquin étant pourtant plus consciemment
engagé dans cette intégration qu’Augustin, qui soulignait plus explici-
tement les différences entre la pensée chrétienne et la pensée païenne
(entre la « Cité de Dieu » et la « Cité de l’humanité »).
En plus d’Aquin, de nombreux chrétiens médiévaux ont écrit sur
des sujets psychologiques et de cure d’âme, notamment Bernard de
Clairvaux, Syméon le Nouveau Théologien, Grégoire de Palamas,
Anselme, Bonaventure, Duns Scot, Walter Hilton, Julian de Norwich,
Guillaume d’Ockham et Thomas a Kempis. Les ouvrages des auteurs
plus enclins à la philosophie s’intéressaient davantage à la structure de
l’âme et à la connaissance, tandis que ceux des auteurs plus spirituels
avaient tendance à se focaliser sur l’amour et l’expérience de Dieu, et
le développement spirituel, auquel s’intéressaient plus spécialement
les moines et les prêtres ; quant à la cure d’âme, elle était considérée
comme essentielle à la mission de l’Église – bien avant l’apparition de
la psychothérapie moderne (McNeill, 1951 ; Oden, 1989).
La Renaissance, la Réforme et la Contre-Réforme ont fait naître dans
l’Église une nouvelle curiosité pour la psychologie. Ainsi, des réformateurs
comme Luther et Calvin ont médité profondément sur le péché, la grâce,
la connaissance, la foi et la nature de la vie chrétienne ; des catholiques
comme Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Ignace de Loyola ont décrit
le cheminement spirituel avec une clarté incomparable. Mais, comme
l’essentiel de l’œuvre des premiers chrétiens, ces écrits quasi psycholo-
giques poursuivaient un but de nature plus pastoral que scientifique : la
16 La psychologie et le christianisme

guérison et l’édification de l’âme chrétienne. D’après Charry (1997), il


était arétégénique, orienté vers la formation du caractère moral et spirituel
et l’amélioration de la relation du croyant avec Dieu ; dans certains cas, il
s’intéressait à ce qu’on pourrait appeler des questions « thérapeutiques »
aujourd’hui (comme le traitement de la « mélancolie » grave).
Dans les traditions réformées, cette psychologie pastorale atteignit
son apogée dans les mouvements puritains, piétistes et évangéliques. Des
auteurs comme Richard Baxter, John Owen, George Herbert, William
Law, John Gerhardt, John Wesley, Jonathan Edwards et John Newton
ont développé des compréhensions compliquées et nuancées de pro-
blèmes psycho-spirituels – comme le péché, la mélancolie, l’assurance
et les défections spirituelles – et la manière de favoriser une guérison
spirituelle et le développement en Christ.
Par ailleurs, des philosophes chrétiens postmédiévaux ont continué
à réfléchir attentivement sur la nature humaine dans des œuvres de
grande importance psychologique comme celles de sommités telles que
René Descartes, Giovanni Vico, John Locke, l’évêque George Berkeley,
Thomas Reid, l’évêque Joseph Butler, Gottfried Leibnitz et Blaise Pascal ;
certains d’entre eux sont reconnus comme des personnages qui ont
influencé les découvertes ultérieures de la psychologie moderne.
Il se peut toutefois que l’auteur chrétien le plus important pour la
psychologie, depuis le Moyen-Âge, soit Søren Kierkegaard, qui se sert du
vocable psychologie pour décrire certaines de ses œuvres, et qui a écrit
de profonds ouvrages psychologiques. En l’espace d’une décennie, il a
brillamment décrit (parfois de manière délibérément dérangeante) la
nature de la personnalité, le péché, l’angoisse et le désespoir, l’inconscient
(avant même la naissance de Freud !), la subjectivité, le développement
humain et spirituel, le tout dans une optique profondément chrétienne.
Kierkegaard est le seul penseur chrétien qui puisse être considéré comme
un père d’une approche moderne majeure de la théorie et de la thérapie
psychologiques – la psychologie existentielle (bien qu’il aurait vigou-
reusement rejeté son programme séculier).
Si nous définissons globalement la psychologie comme une étude
rigoureuse de la nature humaine, la recherche des moyens de traiter ses
problèmes et de promouvoir son bien-être, les chrétiens ont pratiqué
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 17

la psychologie depuis des siècles. Croyant que Dieu a révélé dans la


Bible les vérités les plus importantes concernant les êtres humains, ils
ont appris que Dieu a créé le monde et qu’il a choisi de créer les êtres
humains à son image. Ils ont aussi appris qu’il s’était passé quelque
chose de très grave et que les humains étaient désormais des pécheurs
qui ont besoin d’être délivrés de cette condition, dont ils sont respon-
sables. Comme les humains ont été créés à l’image de Dieu, ils ont été
doués de raison pour pouvoir saisir la vérité dans la Bible et dans l’ordre
créé. Dans la Bible, ils ont découvert les normes fixées par Dieu à leur
intention et son projet pour l’épanouissement de la vie humaine grâce
au salut obtenu par la foi en Christ, sur la base de sa vie, sa mort et sa
résurrection. Au moyen de cette vision du monde, les chrétiens furent en
mesure de participer de façon significative au développement nouveau
de concepts psychologiques dans des domaines comme la nature de la
raison, des sensations, de la mémoire, de l’attention, des appétits, des
émotions, de la volition, de l’inconscience et de l’expérience du temps
chez l’être humain. En outre, les chrétiens émirent des hypothèses sur
le développement moral, spirituel et caractériel ; sur le rôle de Dieu et
de la grâce dans le développement humain et spirituel ; sur la nature
et l’impact du péché ; sur les techniques pour triompher du péché et
du brisement (les disciplines spirituelles ainsi que des remèdes à base
d’herbes et de moyens de bon sens) ; sur la psychologie de la religion ;
sur le lien entre le libre arbitre et le déterminisme ; sur les origines bio-
logiques et sociales de la psychopathologie ; sur les relations entre corps
et âme ; et même sur certaines des bases de la recherche scientifique.
Les chrétiens avaient donc une tradition vaste et riche concernant la
compréhension des êtres humains et la façon de traiter leurs difficultés
bien avant l’apparition de la psychologie moderne.

LE MODERNISME RÉCENT ET LA
« NOUVELLE PSYCHOLOGIE »

On considère généralement le modernisme comme une vision occidentale


du monde (ou un cadre de pensée) apparue dans les années 1600, qui
a considérablement progressé dans les années 1800 et qui est devenue
dominante en Occident au cours du xxe siècle. À certains égards, il
18 La psychologie et le christianisme

représente une réaction aux conflits religieux qui ont secoué l’Europe
chrétienne depuis la Réforme et qui aboutirent au triste dénouement
de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Les principales hypothèses du
modernisme sont les suivantes :

1. La révélation spéciale et la tradition ne peuvent plus être considérées


comme des autorités suprêmes, car l’appui sur de telles sources ne
parvient visiblement pas à résoudre les graves conflits intellectuels,
religieux (et sociétaux) qui ébranlent l’Europe.
2. La connaissance humaine doit se fonder sur une base plus sûre, et
celle-ci est censée se trouver en particulier dans la raison humaine,
mais aussi dans la conscience et l’expérience humaines, c’est-à-dire
fondamentalement dans tous les aspects de l’ego individuel.
3. L’objectif de la connaissance humaine est la compréhension uni-
verselle, acquise par des moyens objectifs que toutes les parties
concernées peuvent utiliser, ne privilégiant ainsi aucune perspective
et garantissant une égalité épistémologique fondamentale à toutes.
4. Les sciences naturelles sont considérées comme le modèle pour la
compréhension de l’être humain, puisqu’elles démontrent le pou-
voir de la raison et de l’observation (expérience) humaines pour
l’acquisition d’une connaissance universelle. Les sciences naturelles
se caractérisent par une combinaison de l’investigation empirique
minutieuse et de l’application des mathématiques (l’un des outils
les plus puissants de la raison) capable de proposer des formules
qui correspondent aux relations causales dans le monde, comme l’a
magistralement démontré le Principia Mathematica, d’Isaac Newton.

On peut, en gros, diviser le modernisme en deux périodes. Les phi-


losophes Descartes, Locke et, plus tard, Kant (entre autres) ont été avant
tout les pionniers du modernisme primitif, caractérisé par les explorations
philosophiques fondées sur les hypothèses indiquées ci-dessus et aussi
leur adhésion à une certaine mesure de foi religieuse, généralement
chrétienne (Hume étant la principale exception).
Puis, vers le milieu des années 1800, le modernisme récent s’est
développé comme la résultante de quatre tendances intellectuelles
nouvelles, largement interconnectées. La plus importante pour notre
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 19

propos fut la sécularisation qui a commencé à se répandre largement en


Occident à cette période. Comme c’est le cas de tout concept complexe
et controversé, il existe différentes conceptions du sécularisme. D’après
le philosophe théiste Charles Taylor (2007), il comporte trois facettes :
(1) l’exclusion du discours religieux de l’espace public, notamment dans
ceux du gouvernement et de la science ; (2) la diminution de la croyance
et de la pratique religieuses ; (3) la viabilité accrue des autres visions du
monde. Smith (2003) prétend que la sécularisation n’était rien moins
qu’une révolution, déclenchée par une élite intellectuelle avide et de plus
en plus présente, qui considérait les attitudes courantes du christianisme
en matière de comportement et de doctrine comme régressives (c.-à-d.,
caractérisées par la censure, la répression morale et sa position opposée
à l’évolutionnisme et à l’intellectualisme). Elle était aussi encouragée par
de nombreux facteurs culturels et psychologiques, comme la théorie de
l’évolution, le positivisme, le réalisme de bon sens, une nouvelle classe
économique dirigeante, un changement des normes académiques, un
anticatholicisme et des divisions parmi les leaders protestants.
À la suite de telles dynamiques, le discours, les valeurs et les normes,
explicitement religieux, furent peu à peu évacués du discours public et
relégués aux institutions religieuses et à la sphère privée. Ce processus
n’est absolument pas achevé, et il rencontre de l’opposition, en particulier
au sud-est des États-Unis. Toutefois, d’après la plupart des rapports, cette
révolution a pris fin depuis plusieurs décennies (avec quelques îlots de
résistance « fondés sur la foi ») dans les centres du pouvoir intellectuel
et thérapeutique en Occident – les institutions éducatives, gouverne-
mentales, médicales, sociales, de santé mentale, et des communications
(Marsden, 1994 ; Smith, 2003 ; Taylor, 2007).
Les preuves que cette révolution est achevée abondent. Depuis plus
d’un siècle, la majorité des auteurs, penseurs, scientifiques et célébrités de
l’Occident les plus influents n’étaient plus religieux, et ceux qui l’étaient
ne l’affichaient pas en public. Au contraire, plusieurs de ceux qui ont
façonné la culture occidentale depuis plus d’un siècle ont publiquement
rejeté les perspectives religieuses traditionnelles (p. ex. Marx, Nietzsche,
Freud, H. G. Wells, John Dewey, Bertrand Russel, Jean-Paul Sartre,
Michel Foucault, Richard Rorty, Daniel Dennett, et Richard Dawkins).
20 La psychologie et le christianisme

L’exemple peut-être le plus frappant de cette révolution a été le glissement


des établissements universitaires supérieurs européens et américains, qui
ont abandonné leurs origines judéo-chrétiennes au profit de sensibilités
séculières. Les unes après les autres, les grandes écoles et les universités
ont abandonné leurs engagements initiaux à glorifier Christ et à pro-
clamer l’Évangile chrétien, au profit d’une définition sécularisée de leur
mission et de leur identité (Marsden, 1994 ; Smith, 2003).
Certes, la culture occidentale a profité de certains avantages secon-
daires que nous considérons comme acquis grâce au sécularisme qui
nous a affranchis de certaines restrictions culturelles religieuses. Ainsi
il a contribué à faire cesser les violents conflits religieux entre chrétiens
qui ont caractérisé le xviie siècle (mais qui continuent de sévir dans les
régions musulmanes du monde) ; il a rendu possible un système éducatif
commun ; il a permis aux membres de différentes communautés reli-
gieuses (chrétiens, juifs agnostiques) de se côtoyer, de travailler ensemble,
d’apprendre les unes des autres, de combattre ensemble en faveur des
objectifs culturels que ces croyances ont en commun, au lieu de se battre
pour ce qui les divise ; et ce qui est plus important pour l’Église, il a aidé
les chrétiens à différencier le christianisme simplement culturel de celui
qui est authentique. Il est vrai que certains prétendent que ces avantages
sont inhérents au christianisme lui-même (Stark, 2003).
De plus, la sécularisation n’aurait pas réussi par elle-même à exer-
cer une telle influence, si elle n’avait pas été associée, dans la pensée de
beaucoup, à un autre développement culturel significatif : l’application
de la méthode des sciences naturelles à l’étude des êtres humains et à
la résolution de leurs problèmes. L’observation minutieuse, l’utilisation
des mathématiques et, fréquemment, la manipulation expérimentale
des variables s’étaient révélées efficaces, au cours des siècles antérieurs,
dans les domaines de l’astronomie, de la physique, de la chimie et de la
biologie. À la fin du xixe et au début du xxe siècles, ces méthodes ont
commencé à être appliquées à l’étude de la société, de la conscience et
du comportement humains, de l’économie, des affaires et de l’éduca-
tion – avec des résultats notables. C’est le positivisme, une philosophie
de la science et de la connaissance, qui a été le ciment ayant rapproché
et maintenu uni le sécularisme et les méthodes des sciences naturelles.
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 21

En trois vagues successives, Auguste Comte (1798-1857), Ernst Mach


(1838-1916) et les positivistes logiques, Carnap, Schlick, Ayers, etc. (dans
la première moitié du xxe siècle), ont développé, en versions de plus en
plus sophistiquées, l’idée que la connaissance « positive » était la seule que
la recherche empirique pouvait vérifier. Les méthodes des sciences natu-
relles ont donc été considérées comme le seul moyen légitime d’acquérir
le savoir. D’après ce critère, les déclarations éthiques et métaphysiques
(à propos de la nature de l’être humain et de Dieu) n’entrent pas dans
le champ de la connaissance ; ce ne sont que des opinions qui n’ont pas
leur place dans la science. En Amérique, la « nouvelle psychologie » était
basée sur ce modèle de science (p. ex. James, 1890 ; Thorndike, 1905 ;
Watson, 1913 ; pour une discussion plus approfondie, voir Danziger,
1979 ; Klein, 1970 ; Leahey, 2003 ; Toulmin et Leary, 1992) et elle a
évolué jusqu’à son aboutissement logique dans le behaviorisme, qui a
dominé la psychologie moderne de 1930 à 1960, lorsque la plupart des
psychologues de recherche ont concentré leur recherche sur les animaux
et sur les études soigneusement contrôlées des stimuli environnementaux
et sur les comportements illicites. La conscience et la pensée humaines
étaient largement passées sous silence.
Avec le temps, des philosophes de la science (Kuhn, 1962 ; Suppe,
1977) ont totalement discrédité le positivisme. Dans les années 1960,
en tant que composante de la « révolution cognitive », la psychologie
moderne a entrepris une correction partielle, s’est éloignée du positivisme
radical du behaviorisme, et est revenue à l’étude des phénomènes men-
taux. Elle n’a cependant jamais rejeté le cadre général du positivisme ;
elle continue donc d’agir à l’intérieur de ce qu’on pourrait qualifier de
paradigme néopositiviste1.
La théorie de l’évolution a également façonné en profondeur le
modernisme récent. L’Origine des espèces, de Darwin, publié en anglais
en 1859, a été immédiatement accueilli favorablement par un nombre

1. Il existe cependant des signes montrant que le fondement positiviste commence à


se fissurer. Le mouvement de la psychologie positive, le travail de leaders comme Bandura
(2001) et d’autres (Baer, Kaufman et Baumeister, 2008 ; Martin, Sugarman et Thompson,
2003) sur l’agence humaine et morale, ainsi qu’une ouverture nouvelle sur la spiritualité
et la religion démontrent une volonté interne croissante de remettre en question certaines
des affirmations fondamentales du positivisme.
22 La psychologie et le christianisme

croissant d’intellectuels laïcs qui avaient besoin d’une « histoire des


origines » qui soit naturaliste – une sorte de méta‑narration moderne –
basée sur des recherches empiriques plutôt que sur la révélation et qui
devait permettre aux humains d’expliquer leur existence sans faire réfé-
rence à un Créateur. L’optimisme apparent de la théorie évolutionniste
à propos des progrès constants inévitables de l’humanité rejoignait
facilement l’impression de progrès communiquée par les révolutions
scientifiques et industrielles. Pour ce qui est de la psychologie, l’évolution
légitimait l’étude des animaux qui ont des caractéristiques communes
avec l’espèce humaine par leurs systèmes nerveux et leur faculté d’ap-
prendre. Cela déboucha sur la psychologie comparative et aboutit à
plusieurs découvertes notables en neuropsychologie, en développement
et apprentissage de l’enfant2.
Finalement, alors que la confiance dans la raison humaine était
incontestée dans les deux premiers siècles de l’ère moderne, atteignant
son apogée au siècle des Lumières (vers la fin des années 1700), elle a
commencé à être contestée par le Romantisme qui a abouti à une cri-
tique plus substantielle caractérisant le modernisme récent. À la suite
des questions adressées à la raison par Marx, Nietzsche et Freud (ainsi
que par Kierkegaard), c’est devenu une évidence que la raison peut se
tromper, et qu’on ne peut pas se fier sans réserve à ses conclusions. Elles
doivent être passées au crible – mais par qui ou par quoi ? Le moder-
nisme récent ne peut s’adresser qu’à la raison. Par conséquent, s’il faut
au moins reconnaître les limites de la raison, le modernisme récent n’a

2. Étant donné la notion élevée que le christianisme a des êtres humains en tant
qu’images de Dieu, il est peu probable que les chrétiens se seraient investis d’eux-mêmes
à ce point dans ce genre de recherches, sans y être encouragés par une autre vision du
monde. La recherche de la psychologie comparative a cependant abouti à des découvertes
importantes et fascinantes. Rétrospectivement, il faut reconnaître qu’il n’y a rien dans le
christianisme en soi qui puisse s’opposer à l’étude de la psychologie animale permettant
une meilleure compréhension de nous-mêmes. Les humains sont indéniablement une
espèce animale, et Dieu est certainement en droit d’utiliser le modèle neurologique fon-
damental de l’être humain pour l’appliquer à d’autres animaux. Les vrais chrétiens ne
s’entendent pas sur la compatibilité de l’évolution avec le christianisme, mais la plupart
des chrétiens reconnaissent l’existence d’une certaine évolution dans le monde biologique.
De même, la plupart des chrétiens admettent que l’évolution naturaliste – un processus
sans raison reposant simplement sur la sélection naturelle et la mutation génétique, sans
aucune implication de Dieu – est contraire à la foi chrétienne.
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 23

rien à proposer à sa place. Cette prise de conscience explique le relati-


visme du postmodernisme né à la fin du xxe siècle.
Tout au long des années 1800, le modernisme récent a accru son
influence culturelle, alors que la nouvelle psychologie s’affermissait en
même temps. Du début au milieu des années 1800, les études euro-
péennes sur le système neveux et l’expérience sensorielle ont démontré
que des aspects de la subjectivité humaine pouvaient être étudiés et mesu-
rés objectivement. La découverte qu’il existe des relations légitimes entre
les stimuli du monde et notre expérience que nous en faisons prouve que
les méthodes de la science naturelle pouvaient être appliquées utilement
au monde interne des êtres humains. Wilhelm Wundt, professeur de
psychologie physiologique, est considéré comme le père de la psycho-
logie moderne. En 1879, il fut le premier à créer un laboratoire dédié à
la psychologie pour étudier l’expérience humaine immédiate – repère
considéré généralement comme la date de naissance de la psychologie
moderne. En 1881, il publia un journal pour communiquer les résultats
de ses recherches, et il fonda le premier programme d’études supérieures
avec cette orientation. Plus simplement, Wundt fut le premier à faire de
la psychologie une discipline distincte et empirique, avec ses propres
spécialistes (Danziger, 1979). L’influence de Wundt fut considérable ; des
laboratoires semblables et des programmes d’études surgirent à travers
toute l’Europe et aux États-Unis. Au fur et à mesure que l’impulsion
pour transformer la psychologie en une science naturelle se développait
dans tout l’Occident, l’étude de la Bible et la réflexion philosophique
perdaient du terrain en tant que sources de connaissances de la nature
humaine au profit d’une investigation empirique des structures et des
mécanismes des sens, de la pensée, de la mémoire et du comportement
(Toulmin et Leary, 1992). Tellement différente, quant à sa méthode, de
ce qui existait auparavant, cette science sembla à beaucoup marquer le
début d’une discipline radicalement nouvelle.
L’établissement de cette discipline expérimentale en Amérique s’opéra
relativement vite avec William James en tant que précurseur américain. Il
devint professeur de physiologie à Harvard en 1872 et enseigna « Relations
entre psychologie et physiologie » en 1875. G. Stanley Hall fut le premier
professeur américain de psychologie, nommé à Johns Hopkins en 1884.
24 La psychologie et le christianisme

G. T. Ladd (1887) mena une enquête sur les recherches en cours sur le
système nerveux et l’expérience sensorielle dans Eléments of Physiological
Psychology. En 1889, Hall lança The American Journal of Psychology, pre-
mier journal en anglais consacré à cette nouvelle approche de la psycholo-
gie. Peu après, James (1890) acheva son survol classique et admirablement
écrit sur l’état des recherches dans ce domaine, Principles of Psychology.
L’American Psychological Association fut fondée en 1892 et, dès 1900,
il existait des départements de psychologie dans un certain nombre de
grandes universités. La psychologie moderne était bien lancée pour reven-
diquer « le monopole de la vérité psychologique » (Danziger, 1979, p. 28).
Parallèlement au développement de la recherche positiviste sur les
êtres humains, d’autres tentaient de traiter les problèmes psychologiques
selon les mêmes hypothèses. Contrastant singulièrement avec la cure
d’âme que pratiquaient les chrétiens et les Juifs depuis des siècles, la
psychothérapie et le travail de conseillers commencèrent à se pratiquer
sans référence à Dieu ou à une intervention surnaturelle ; et des pro-
grammes de formation virent le jour avec des niveaux universitaires
comparables à ceux des sciences. Le développement de la psychologie
clinique et les progrès en psychiatrie comblèrent le vide laissé par les
communautés religieuses qui, dans l’ensemble, abandonnèrent leur
vocation historique de soigner et guérir l’âme.
La psychanalyse freudienne, en particulier, propose un modèle de
traitement des problèmes mentaux, quelque peu perturbant, mais pro-
fond. Certains psychologues et psychiatres américains, sans compter la
culture au sens large, l’ont adoptée, en raison de son apparente sophis-
tication, son appui sur des bases empiriques et son examen séduisant
du mystérieux inconscient. Bien que de plus en plus critiquée durant
les décennies qui ont suivi, la psychanalyse était considérée à l’époque
comme compatible avec la nouvelle psychologie, parce qu’elle partageait
la plupart de ses présupposés.
La nouvelle psychologie promettait de présenter une base meilleure
pour comprendre la vie humaine et l’amélioration de l’humanité –
sans religion ; il n’est donc pas étonnant que plusieurs de ses premiers
promoteurs eussent grandi dans la foi chrétienne ou juive et que par la
suite, ils aient rejeté au moins les versions orthodoxes de ces doctrines
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 25

(un processus appelé déconversion ; Barbour, 1994)3. Le seul lieu de la


psychologie moderne où la religion était permise, c’était là où elle était
un objet d’étude, c’est-à-dire la psychologie de la religion. Vivant dans
une culture encore largement religieuse, certains psychologues laïcs
cherchèrent à étudier la religion comme si elle était un phénomène natu-
rel, apparemment sans se prononcer sur le phénomène lui-même. D’où
plusieurs études du comportement et du phénomène religieux qui furent
publiées à l’aube du xxe siècle, dont la plus influente fut The Varieties of
Religious Expériences, de William James (1903). Mais ce fut, au mieux, le
dernier souffle de religiosité parmi les psychologues modernes ; la marée
descendante emportait la croyance dans la métaphysique et le surna-
turel. Par conséquent, après la disparition de la première génération de
psychologues américains, peu de la génération suivante furent enclins à
étudier l’expérience religieuse, si bien que ce domaine fut pratiquement
abandonné pendant bien plus d’un demi-siècle.
La psychologie moderne a rapidement démontré sa valeur en amas-
sant un volume substantiel en matière de recherche et de théorie en l’es-
pace de quelques décennies sur des sujets qui n’avaient pas été examinés
avec autant d’attentions : sensation et perception humaines, relation
cerveau-esprit, mémoire, émotions, motivations inconscientes, condi-
tionnement comportemental, intelligence, personnalité et problèmes
mentaux – et en offrant un moyen séculier de traiter ces questions. Les
universités américaines embrassèrent cette nouvelle psychologie. Il en
résultat qu’en l’espace de deux générations, elle devint la seule version
officiellement acceptée dans les universités occidentales, proposant un
cadre alternatif au théisme pour comprendre les êtres humains, et cette
nouvelle psychologie laissait entrevoir un remède vraiment scientifique
aux maux de l’humanité, dans lequel tous les Américains modernes
avec un esprit ouvert pouvaient placer leur espoir4.

3. Cette trajectoire apparaît dans les vies de G. Stanley Hall, John Dewey, William
James, Joseph Jastrow, James Rowland Angell, James Mark Baldwin, J. B. Watson, William
McDougall, B. F. Skinner, Carl Rogers et Abraham Maslow, ainsi que chez des Européens
comme Freud, Jung et Piaget.
4. Comme John B. Watson l’a rêvé et prophétisé : « Je m’efforce de placer devant
vous un stimulus, un stimulus verbal qui, s’il est suivi, modifiera progressivement cet
univers. Car l’univers changera si vous élevez vos enfants ... dans une liberté comporte-
mentale... Ces enfants à leur tour, avec leurs meilleures façons de vivre et de penser, ne
26 La psychologie et le christianisme

Aujourd’hui, 140 ans après la naissance de la psychologie moderne,


l’application des méthodes de la science naturelle à l’étude des êtres
humains a énormément accru notre compréhension de ces êtres5. Et
compte tenu de leur foi dans le Créateur des êtres humains, les chré-
tiens devraient, en principe, se réjouir de toute connaissance acquise
concernant l’être humain à partir de quelque source légitime que ce soit.
Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, l’Église a, elle aussi,
sa longue et riche tradition de théorie et de pratique psychologique, une
tradition qui existait bien avant l’apparition de la psychologie moderne.
C’est ce qui a abouti à cette remarque souvent faite que « la psychologie
a un long passé, mais une histoire brève » (p. ex. Danziger, 1979). Une
grande partie de ce « long passé » appartient évidemment à l’Église, alors
que l’« histoire brève » appartient au modernisme récent. Le défi, pour
l’Église, a été que la psychologie moderne ne s’est jamais contentée de
décrire objectivement les faits ; elle a, à la fois, contribué à cette révolution
séculière qui a conquis le leadership intellectuel de l’Occident et elle en
a bénéficié (Johnson, 2007 ; Smith, 2003). La collision de ces deux tra-
ditions a provoqué la crise intellectuelle qui est au cœur de cet ouvrage.
nous remplaceront-ils pas en tant que société et n’élèveront-ils pas leurs enfants de manière
plus scientifique, jusqu’à ce que le monde devienne enfin un lieu digne de l’habitation
humaine ? » (Watson, 1930, p. 304.)
5. En même temps, les critiques ont, à juste titre, reconnu les limitations de l’utilisa-
tion de méthodes dérivées de l’étude du monde naturel (physique, chimie, biologie) pour
l’étude des êtres humains, étant donné que ceux-ci possèdent des caractères physiologiques
uniques, absentes dans le monde naturel (comme l’expérience de la conscience de soi, la
liberté, la moralité, les valeurs, la religiosité) (Martin, Sugarman et Thompson, 2003 ;
Van Leeuwen, 1982, 1985 ; Varela et Shear, 1999). Bien que certaines caractéristiques
particulières à la vie humaine aient été observées et mesurées (p. ex dans le mouvement
de la psychologie positive), les critiques ont prétendu que les méthodes de la science natu-
relle aboutissent inévitablement à un ensemble tronqué de l’investigation psychologique
puisqu’elles ne peuvent pas « détecter » ce qui est le plus distinctif chez les êtres humains
(la réalité de l’« intérieur »). C’est pourquoi d’autres méthodes ont été appelées à l’aide
pour augmenter la recherche de la science naturelle (p. ex. l’étude phénoménologique,
l’observation du participant, l’analyse du discours, la psychologie narrative), des méthodes
qui s’efforcent de tenir compte de la perspective subjective de la connaissance de soi de la
personne étudiée. Bien que ces méthodes soient de plus en plus utilisées (les chercheurs
féministes et postmodernes en sont particulièrement friands), la plus grande partie des
psychologues continue de privilégier les approches de la science naturelle. Les chrétiens
portent évidemment un intérêt particulier à ces questions puisque nous affirmons que les
adultes humains sont des personnes conscientes d’elles-mêmes, responsables, des êtres
moraux relativement libres et donc non de simples mécanismes ou des objets informatiques
(Van Leeuwen, 1982, 1985).
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 27

LA CRISE INTELLECTUELLE DE L’ÉGLISE À PROPOS DE


LA PSYCHOLOGIE

Depuis plus de trente ans, Alisdaire MacIntyre, le célèbre philosophe


contemporain (1984, 1989, 1990), a entrepris un exposé complet des
conflits qui ont surgi, à l’ère moderne, entre les philosophies occidentales
de l’éthique. Dans le déroulement de ses discussions, il a profondément
réfléchi à ce qui se produit lorsque des traditions intellectuelles s’af-
frontent. MacIntyre déclare que « les traditions, lorsqu’elles sont capitales,
incarnent des conflits continuels » (1984, p. 222). Ceux-ci se résument à
des désaccords permanents entre les membres de leur « communauté » –
des adhérents intelligents répartis tout au long de son existence. Il définit
une tradition vivante comme un « argument historiquement étendu
et socialement incarné, un argument partiel concernant les biens qui
constituent cette tradition » (1984, p. 222). Les « biens » en question sont
les croyances, les normes et les pratiques de la tradition.
Les croyances qui peuvent différencier une tradition d’une autre
incluent les conceptions de la vision du monde, ainsi que de la nature des
êtres humains et la manière de les interpréter (p. ex. les croyances quant à
l’origine de l’homme, sa composition métaphysique, l’humanité optimale
ou l’état mature et comment favoriser son développement, la psychopa-
thologie et la manière de l’aborder, ainsi que les croyances sur les sources
légitimes de la connaissance). Les normes d’une tradition désignent les
critères pour évaluer le bien-fondé de ses croyances et de ses pratiques,
de sa maturité et de sa sagesse. Enfin, les pratiques distinctives d’une tra-
dition (dans le cas qui nous intéresse) désignent les moyens utilisés pour
obtenir une information valable et utile concernant les êtres humains
(p. ex. bibliques, théologiques, spirituelles, philosophiques, empiriques,
scientifiques, expérimentales, morales), et favorisant un développement
humain adéquat ainsi que la réhabilitation de la psychopathologie.
Il existe plusieurs différentes sortes de traditions : artisanales, artis-
tiques, intellectuelles et religieuses, pour n’en citer que quelques-unes ; et
chacune peut se subdiviser en sous-traditions. Les traditions vivantes se
caractérisent par le conflit, car leurs membres s’interrogent constamment
sur leurs biens. Les traditions mortes n’ont plus d’adhérents vivants, ou
ceux qu’elles possèdent encore ne font que s’accrocher aux affirmations
28 La psychologie et le christianisme

du passé sans les remettre en question. Dans son exposition, MacIntyre


suggère finement qu’une tradition intellectuelle vivante inclut des esprits
perspicaces et curieux qui la font progresser à un niveau supérieur de
compréhension, au moyen des querelles résolues. Dans cette hypothèse,
l’un des événements les plus stimulants de l’histoire d’une tradition peut
être sa rencontre avec d’autres traditions, dont les points forts révèlent
les faiblesses de la tradition antérieure. Des adhérents attentifs peuvent
tirer profit de cette interaction critique et se servir des points forts de la
« nouvelle » tradition rivale pour enrichir la leur. Mais en même temps –
et c’est là où les choses deviennent compliquées et controversées – de
telles explorations (des pratiques qui ont elles-mêmes besoin d’être éva-
luées) courent le danger de diluer le caractère distinctif de la tradition.
Un emprunt trop important à une tradition étrangère peut conduire
à la désintégration, voire à la disparition de sa propre tradition. C’est
pourquoi la valeur de telles rencontres doit être évaluée pour savoir si
le résultat essentiel procure un bien-être à la tradition : son renouvelle-
ment et sa redynamisation par un investissement et une réarticulation
renouvelés contemporains de ses propres ressources.
Les rencontres entre traditions sont compliquées du fait que leurs
membres sont formés différemment. Certains peuvent être bien informés
sur les produits de leur propre tradition, alors que d’autres peuvent sur-
tout bien connaître les caractéristiques de la tradition rivale. MacIntyre
estime que les personnes les mieux qualifiées pour participer à des
débats entre traditions rivales sont celles qui connaissent le discours des
deux traditions. Ces individus « sont en quelque sorte des frontaliers
qui s’attirent la suspicion et l’incompréhension des membres des deux
parties rivales » (1990, p. 114) puisque ceux qui ne connaissent bien
qu’une seule tradition ne peuvent interpréter le travail de l’autre qu’en
termes de leur propre discours traditionnel et du point de vue de ses
biens – les croyances, normes et pratiques qu’ils ont déjà assimilées et
reconnaissent comme revêtues d’autorité – ce qui rend la communi-
cation (et même la confiance) difficile entre ceux qui sont en quelque
sorte « programmés » différemment. Ceux qui ne connaissent qu’« une
langue » sont tout simplement dépourvus d’assez de connaissances de
la tradition adverse pour bien saisir l’enjeu et les pièges du débat.
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 29

L’analyse de MacIntyre traite aussi de ce qui constitue une crise


pour une tradition. Elle se produit lorsqu’une tradition A rencontre
une tradition B dont les croyances, normes et pratiques sont tellement
irrésistibles que celles de la tradition A sont sérieusement remises en
question. MacIntyre (1989, 1990) déclare que la tradition A surmonte
sa crise en construisant à partir de la rencontre un récit comprenant
les éléments suivants : la rationalité et la légitimité fondamentales de la
tradition A ; la reconnaissance de ses faiblesses révélées par la tradition
rivale, et la manière dont elle les a abordées et révisées en conséquence ;
et l’exposé des faiblesses (plus) significatives qui sont restées sans solution
dans la tradition B, ce qui aboutit à un récit qui montre la supériorité
manifeste sur sa rivale de la tradition A corrigée.
MacIntyre souligne constamment que l’obstacle majeur qu’affrontent
les traditions qui s’engagent dans une interaction mutuelle bénéfique est
le fait que les croyances, les normes et les pratiques de chaque tradition
sont les moyens que l’adhérent utilise pour évaluer l’autre tradition ;
par conséquent, les moyens utilisés pour déterminer la supériorité et la
faiblesse rationnelles font eux-mêmes partie du débat. C’est pourquoi
quelquefois les traditions se méprisent et s’ignorent et ne s’engagent
dans un dialogue que si elles y sont forcées, soit par nécessité sociale,
soit par intégrité morale et intellectuelle.
Dans ce livre, notre intérêt se porte évidemment sur deux traditions
qui s’intéressent à la nature des êtres humains et à l’amélioration de leur
bien-être – deux communautés d’investigation et de thérapie, histori-
quement vastes et socialement incarnées – la communauté chrétienne
et la communauté moderne (récente). Comme nous l’avons indiqué
précédemment, le christianisme dispose de sa propre tradition subs-
tantielle de psychologie et de cure d’âme, qui plonge ses racines dans
la Bible et se prolonge au cours des deux millénaires suivants, avec de
nombreuses permutations au fil des générations, et qui se compose de
nombreuses sous-traditions de psychologie et de cure d’âme (catho-
lique, orthodoxe et protestante). La nouvelle psychologie constitue, elle
aussi, une tradition, bien qu’elle soit beaucoup plus récente. Pourtant, la
brièveté de son histoire est plus que compensée par sa vaste production
et le large éventail de sujets qu’elle a abordés (elle aussi se compose de
30 La psychologie et le christianisme

sous-traditions connues sous les noms de psychanalytique, comporte-


mentaliste, cognitive et ainsi de suite).
De plus, ce livre aborde la crise intellectuelle (et de cure d’âme) dans
laquelle elle est plongée depuis que la psychologie moderne est devenue
prééminente, une crise vraiment très sérieuse. Réfléchissons. Laquelle
de ces deux communautés exerce le plus d’influence dans notre culture
au sens large (ses universités, médias d’érudition, instituts de santé et de
thérapie mentales), et laquelle exerce la plus forte influence sur l’autre ? À
l’évidence, la plus forte influence est unidirectionnelle : la communauté
chrétienne a exercé très peu d’influence explicite et constructive sur la
scène psychologique moderne, et l’influence qu’elle a exercée l’a été en
adoptant les règles du modernisme récent et non en vertu de sa nature
explicitement chrétienne. Au contraire, la communauté psychologique
moderne a exercé une influence énorme sur la communauté chrétienne
au sein de centres de formation à la relation d’aide, dans ses propres col-
lèges et universités, dans certains de ses livres et même dans ses Églises.
Pourquoi cette crise s’est-elle produite ? Comme indiqué plus haut,
la psychologie moderne a amassé une quantité étonnante de découvertes
empiriques sur les êtres humains et a développé de nombreuses théories
psychologiques de grande complexité se servant de nouvelles méthodes
empiriques pour découvrir des aspects de la nature humaine inconnus
jusqu’alors, et donc jamais discutés dans la tradition chrétienne. De
plus, cette « nouvelle tradition » a développé une panoplie éblouissante
de systèmes et de techniques pour améliorer le bien-être psycholo-
gique humain, surclassant de loin l’œuvre de la tradition chrétienne.
Aujourd’hui, nous vivons dans une culture axée sur la science, et la
psychologie moderne est bien plus scientifique que n’importe laquelle
de ses prédécesseurs et des visions alternatives du monde. De plus, la
psychologie moderne a simplement fait ce que la majorité des intellectuels
(principalement modernistes) considèrent comme un cas convaincant,
à savoir que sa version des êtres humains est tout simplement meilleure
que toutes celles qui l’ont précédée : plus précise, plus complète et moins
déformée. Tout cela est à l’origine de la crise qui secoue l’Église.
Le christianisme est-il une tradition vivante ou morte en matière
de psychologie et de thérapie ? Il existe des preuves – certaines sont
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 31

incluses dans ce livre – qu’il est débordant de vie ! Il semble cependant


qu’il a fallu un certain temps aux chrétiens pour reconnaître la crise
intellectuelle en cours. Nous allons maintenant considérer les premiers
efforts des chrétiens pour répondre à la crise.

RÉACTIONS DES CHRÉTIENS À LA


« NOUVELLE PSYCHOLOGIE »

En fait, quelques chrétiens ont participé à la création de la psychologie


moderne. Des décennies plus tôt, certains phrénologues étaient chré-
tiens (Vande Kemp, 1998)6. Franz Brentano était un chrétien pieux mais
controversé (un ancien prêtre catholique) dont le concept « Psychologie
de l’intentionnalité » eut un impact significatif sur la psychologie euro-
péenne de l’époque (Watson et Evans, 1991), qui subit l’influence de
son enracinement dans la pensée catholique (et aristotélicienne). James
McCosh, le pieux président érudit de Princeton, publia des travaux sur
la connaissance et l’émotion qui, bien que fortement influencés par la
philosophie, prenaient au séreux le rôle de la physiologie dans la pensée
(voir Maier, 2005)7.
Cependant, parmi les leaders de la nouvelle psychologie en Amérique,
ceux qui conservaient une foi protestante penchaient vers une orientation
théologique plus libérale que McCosh. Séminariste égaré dans sa jeu-
nesse, G. Stanley Hall devint l’un des premiers personnages importants
de la psychologie moderne en Amérique. Il fonda le premier laboratoire

6. Née dans les années 1800, la phrénologie était une « faculté de la neuropsychologie »


simpliste qui a cependant contribué au développement de la neuropsychologie moderne.
Contenant à la fois de la vérité et de l’erreur, elle a tracé les régions censées correspondre
à la personnalité, au cerveau et au crâne.
7. Spilka (1987) a suggéré que son acceptation du Common Sense Realism (une
épistémologie influente approuvée par de nombreux savants et administrateurs évan-
géliques éminents des années 1800 ; Marsden, 1994 ; Noll, 1994) aurait favorisé l’intérêt
de McCosh pour les dernières recherches en physiologie. Cette philosophie qui remonte
à Thomas Reid, un philosophe chrétien du xviiie siècle, justifiait la confiance dans les
capacités humaines à connaître les vérités concernant l’ordre naturel. On estimait que
ces capacités étaient universellement répandues par le Créateur sur toutes les personnes ;
c’est pourquoi ses adeptes considéraient la science comme une alliée de la théologie en
donnant des preuves du dessein de Dieu (Spilka, 1987). Cette philosophie encouragea
donc les chrétiens à faire confiance aux recherches et théories d’alors des scientifiques,
chrétiens ou non, sans remettre en même temps en question les affirmations modernistes
sous-jacentes qui orientaient implicitement leurs travaux (Marsden, 1994).
32 La psychologie et le christianisme

officiel de psychologie aux États-Unis, créa le premier journal de langue


anglaise consacré exclusivement à la psychologie et fonda l’American
Psychological Association (APA) dont il devint le premier président
(Watson et Evans, 1991). G. T. Ladd (1887), un théologien devenu psy-
chologue, rédigea ce qui allait devenir pour les vingt années suivantes
l’ouvrage le plus important en anglais sur la psychologie physiologique ;
il devint également le deuxième président de l’American Psychological
Association (avant William James !). En fin de carrière, Ladd (1915,
1918) et Hall (1917) examinèrent la religion à la lumière de la psychologie
moderne et de la théologie libérale.
Au cours des quelques décennies suivantes, d’autres protestants
libéraux (notamment surtout Boisen [1936]) entreprirent d’explorer
la valeur pour l’Église des psychologies modernes de la profondeur.
Parallèlement, ils cherchèrent à contester le naturalisme envahissant,
berceau de la psychologie moderne, créant finalement un mouvement
important (p. ex. Clinebell, 1996 ; Hiltner, 1943 ; Oates, 1962) et parti-
cipant à la fondation du Clinical Pastoral Education (CPE) qui a formé
des milliers de pasteurs et d’aumôniers en soins pastoraux, à partir du
milieu du xxe siècle et jusqu’à nos jours. Toutefois, d’une façon générale,
les protestants libéraux se sont pour la plupart adaptés au modernisme
qu’ils s’efforçaient d’influencer – les psychologues modernes exercèrent
par leurs écrits une influence bien plus grande que l’Écriture. Le lien
entre la foi et la psychologie était largement unidirectionnel, aboutissant
à conférer à la foi une forme nouvelle par l’incorporation de valeurs
modernes (un plus grand individualisme, une morale personnelle atté-
nuée, et la raison/science revêtue de plus d’autorité que la révélation
biblique ; voir Holifield, 1983 ; Johnson, 2007, chap. 2 ; Oden, 1984)8.
Cette orientation générale s’est poursuivie jusqu’à présent, avec
une saveur plus postmoderne, mais avec une sophistication accrue
(Browning, 1991 ; Capps, 1990 ; Howe, 1995). Bien que certains aient

8. Les membres fondateurs du comité de rédaction de la revue issue de ce mouvement,


Pastoral Psychology, incluaient Rollo May et Carl R. Rogers, ainsi que Hiltner et Oates. Les
conceptions théologiques de May pouvaient très bien cadrer là (c’était un ami personnel de
Paul Tillich). Mais, compte tenu de son rejet total du christianisme orthodoxe, l’inclusion
de Rogers dans le comité démontre le genre d’« ouverture » et d’accommodement aux
tendances contemporains de la culture pour lesquelles la théologie libérale était connue
pendant tout le xxe siècle. (Les éditeurs sont énumérés dans Vande Kemp, 1984.)
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 33

accepté de critiquer le courant psychologique principal (p. ex. Browning


et Cooper, 2004), ils font preuve d’une plus grande ouverture aux valeurs
et à la pensée contemporaines, et d’un plus grand scepticisme à l’égard
de la Bible, que ne peut l’admettre le christianisme classique.
Les catholiques aussi se sont lancés dans la nouvelle psychologie.
Le Révérend Edward Pace a commencé à enseigner la psychologie à
l’Université catholique d’Amérique en 1891, après avoir étudié sous Wundt.
Pace fut également membre fondateur de l’APA (Misiak et Staudt, 1954 ;
Gillespie, 2001). Des catholiques ultérieurs ont peut-être été les premiers
chrétiens identifiables qui ont cherché à avancer des textes complétant
la littérature fondée sur la psychologie empirique, grâce à des discus-
sions d’inspiration religieuse sur la personne ou l’âme (bien que des voix
catholiques plus prudentes contestaient la nouvelle psychologie, Misiak et
Staudt, 1954, p. 4‑7). Cet activisme « de complémentation » s’expliquait
vraisemblablement, en partie, par le réveil thomiste qui avait commencé
dans les dernières décennies du xixe siècle et s’est poursuivi pendant la
première moitié du xxe siècle (Gillespie, 2001). Le fait que le corpus de
Thomas d’Aquin soit psychologiquement riche, explicitement ouvert à la
recherche empirique (à la Aristote), exigeant cependant l’usage de la phi-
losophie (ou de la raison) pour aborder la question de la nature humaine
dans sa plénitude a pu inciter les catholiques à augmenter la littérature
psychologique moderne de considérations philosophiques additionnelles,
y compris des sujets comme la volonté et les relations âme-corps9.
Contrairement aux catholiques et aux protestants libéraux, il y a peu
de preuves que les protestants conservateurs se soient beaucoup intéressés
à la psychologie au début du xxe siècle. Alors que la psychologie faisait de

9. Misiak et Staudt (1954), les historiens catholiques de la psychologie, défendent


cette approche, d’accord avec les divisions modernes de la discipline, et considèrent
la psychologie, la philosophie et la théologie comme méthodologiquement distinctes
tout en formant une hiérarchie de la connaissance. C’est pourquoi ils s’opposent à une
psychologie spécifiquement catholique (et chrétienne, par implication) : « Lorsque des
psychologues se limitent eux-mêmes à l’étude du comportement humain, tel qu’il peut
être étudié expérimentalement, ils ne font que restreindre leur champ d’études ; ils ne sont
pas nécessairement en train de nier l’existence de l’âme » (p. 13). Ils déclarent cependant
aussi que les catholiques « s’efforceront toujours d’associer la psychologie, la philosophie
et la théologie » (p. 14), mais comme ces trois disciplines recherchent toutes la vérité selon
des points de vue différents (la théologie par la révélation, la philosophie par la raison,
et la psychologie par l’observation), il n’y aura aucune véritable contradiction entre elles.
34 La psychologie et le christianisme

plus en plus partie intégrante du programme de base des sciences sociales


dans les principaux collèges et universités, un examen des catalogues des
cours dispensés dans les collèges d’arts libéraux chrétiens des années
1920 et 1930 (p. ex. Wheaton et Calvin) montre qu’ils ont également
commencé à proposer des cours de psychologie moderne à peu près à cette
même époque. Quelques chrétiens ont critiqué la nouvelle psychologie
en raison de son matérialisme et de son agnosticisme (p. ex. Wickham,
1928), et on trouve quelques travaux isolés qui prennent la psychologie
moderne au sérieux tout en prônant une perspective chrétienne (p. ex.
Murray, 1938 ; Norly, 1924). D’une façon générale, les conservateurs ont
néanmoins pris leur distance avec l’engagement intellectuel de la culture
au sens large qu’ils jugeaient spirituellement aveugle. C’était la grande
époque du fondamentalisme ; dans leur grande majorité, les fonda-
mentalistes ne s’intéressaient pas aux questions culturelles, aux études
supérieures et à l’érudition (Noll, 1994 ; Smith, 2003). De plus, ils étaient
axés sur les questions pratiques, voire anti-intellectuelles, plus intéressés
au salut des âmes et aux missions qu’à gagner la culture à Christ (Noll,
1994). Ils étaient pour la plupart séparatistes, soucieux d’éviter la conta-
mination par le monde (y compris le monde de la pensée impie ; p. ex.
les universités). Pour de nombreux fondamentalistes, la connaissance
de la Bible était le premier objectif des études supérieures (plutôt que
l’apprentissage de choses comme la psychologie). Il en résulta qu’à cette
période, ils commencèrent à fonder leurs propres institutions d’études
supérieures : leurs « Bible Colleges » (facultés bibliques).
Un autre facteur permet d’expliquer le manque d’intérêt à l’égard de
la psychologie et la cure d’âme : contrairement à leur héritage puritain
et piétiste, les chrétiens conservateurs de l’époque ne s’intéressaient pas
aux questions intérieures de l’âme et de son bien-être. Malgré quelques
indications du contraire (comme certains hymnes du mouvement), l’es-
sentiel de la littérature fondamentaliste se focalisait sur les croyances doc-
trinales (comme la prophétie de la fin des temps), les questions morales
et l’évangélisation. Elle s’intéressait peu à l’état de l’âme – en dehors
de savoir si l’individu était né de nouveau. C’est pourquoi, pendant des
décennies, la littérature de haut niveau relative aux soins pastoraux était
principalement l’œuvre des chrétiens plus libéraux.
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 35

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que les protestants


conservateurs ont commencé à sortir de leur ghetto culturel et à réfléchir
plus sérieusement à l’impact que leur foi pouvait avoir sur les sciences
et les arts. Un groupe de fondamentalistes commença à revendiquer
un rôle plus actif au sein de la culture et de l’érudition, en se désignant
d’évangéliques (Carpenter, 1997). Ce n’est que dans les années 1950
que l’on voit des évangéliques commencer à s’engager en psychologie
de manière concertée.

DÉBUT DE L’ACTIVITÉ ÉVANGÉLIQUE EN PSYCHOLOGIE

Difficilement penseur révolutionnaire, Hildreth Cross, chef du dépar-


tement de psychologie de l’Université Taylor, publia en 1952  An
Introduction to Psychology: An Evangelical Approach, qui présentait la
psychologie de façon positive mais « filtrée à travers la Parole de Dieu »
(préface). Bien que simpliste sous l’angle de nombreux critères, l’ouvrage
combine cependant une information sur la psychologie moderne avec
une interprétation et une évaluation chrétiennes. Opposé à la théorie de
l’évolution, il inclut de nombreuses citations de la Bible et une affirmation
quant à la réalité surnaturelle de la vie humaine, tout en exposant, de
manière quelque peu superficielle, certains des principaux sujets abordés
dans toute introduction à la psychologie d’alors. Le livre se conclut par
une étude de la « personnalité chrétienne dynamique », dans laquelle la
description de l’influence de la rédemption sur la personnalité humaine
porte une forte empreinte de l’Écriture et de la théologie.
Des chrétiens conservateurs, psychologues pratiquants issus prin-
cipalement de la tendance évangélique réformée, se rassemblèrent en
1954 et 1955 pour des conférences étudiant la relation entre la psycho-
logie, la psychiatrie et la religion. En 1956, ils constituèrent la Christian
Association for Psychological Studies (CAPS), laquelle continua à orga-
niser des conférences qui étudiaient comment la foi d’une personne
s’accordait avec les découvertes de la psychologie moderne, en insistant
notamment sur la relation d’aide. CAPS continue d’organiser des confé-
rences annuelles, bien que leur identité se soit considérablement élargie
au-delà du cercle de ses racines au sein de la communauté réformée.
36 La psychologie et le christianisme

Clyde Narramore était un psychologue praticien. En 1954, il lança un


programme radio, appelé « psychologie pour la vie de tous les jours », qui
finit par être retransmis par plus de deux cents stations chrétiennes sur le
plan national. Il publia par la suite un ouvrage influent (1960) présentant
une approche chrétienne de la thérapie qui associait une notion élevée
de l’Écriture à une forme christianisée de relation d’aide de Carl Rogers,
centrée sur la personne. Encore plus explicite que Narramore dans son
appréciation d’un modèle de thérapie né hors du christianisme, Tweedy
(1961) écrivit un livre critiquant Viktor Frankl mais toujours largement
favorable à la vision des personnes et à la thérapie retrouvée dans ses
travaux. De plusieurs manières, ces auteurs expliquaient que la psycho-
thérapie moderne peut contribuer au bien-être des chrétiens évangéliques.
Durant les années 1960, les travaux de Paul Tournier (1965), un méde-
cin psychothérapeute suisse, formé à l’école de Freud et de Jung, et converti
au christianisme vers le milieu de sa vie, furent traduits en anglais ; les
écrits de ce psychothérapeute chrétien sage et chevronné ouvrirent les yeux
de beaucoup d’évangéliques qui avaient faim d’une littérature proposant
une psychologie profonde dans une perspective chrétienne.
Finalement, plusieurs évangéliques commencèrent à ressentir le
besoin d’une formation avancée en psychologie qui soit façonnée par
une vision chrétienne du monde. Le séminaire théologique Fuller fut le
premier établissement scolaire évangélique à dispenser un enseignement
de niveau doctorat en psychologie clinique (1964), imité peu après (1968)
par Rosemead School of Psychology, fondé par Clyde Narramore et Bruce
Narramore, son neveu. Peu de temps après sa création, Rosemead édita
le Journal of Psychology and Theology (1973), offrant ainsi la première
plateforme pour les évangéliques en matière de psychologie. CAPS
commença à publier CAPS Bulletin en 1975 (nouveau titre en 1982 :
Journal of Psychology and Christianity). Par certains côtés, les années
1970 marquèrent un tournant pour les évangéliques en psychologie.
On vit paraître des ouvrages de plus en plus nombreux, écrits par des
évangéliques, qui abordaient les sujets psychologiques ou de relation
d’aide, appliquant les idées et les techniques dérivées de la psycholo-
gie moderne à des sujets comme l’éducation des enfants, le mariage,
l’estime de soi, le développement personnel et spirituel (p. ex. Collins,
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 37

1969 ; Dobson, 1970, Narramore, 1978). Toutefois, c’est aussi la décennie


durant laquelle ont commencé à s’exprimer de sérieuses réserves quant
aux dangers perçus dans l’adaptation de la tradition chrétienne à celle
de la psychologie moderne ; ce fut d’ailleurs le point de départ de la crise
intellectuelle à l’origine des cinq positions de ce livre.
Le point de vue du counseling biblique. Jay Adams, professeur de
théologie pratique au Westminster Theological Seminary, déclencha
la crise avec la publication de son ouvrage largement lu, Competent to
Counsel (1970), dans lequel il critique sévèrement la psychiatrie et la psy-
chothérapie modernes, les accusant d’être fondamentalement laïques. Il
leur reprochait d’être, tour à tour, déterministes dans leur compréhension
de la psychopathologie et centrées sur l’humain dans leur thérapie, et
fondamentalement opposées au christianisme. Adams exhorta vivement
les chrétiens à rejeter les méthodes de relation d’aide à dominante freu-
dienne et humaniste. Conformément à son propre modèle de « relation
d’aide nouthétique » (du grec noutheteo, « exhorter »), il enseignait que
la relation d’aide authentiquement chrétienne estime la Bible suffisante
pour répondre aux besoins spirituels du peuple de Dieu. En conséquence,
il expliquait que, dans la relation d’aide, les chrétiens devaient concentrer
leur attention en priorité sur la repentance du péché (puisque le péché est
à l’origine de la plupart des problèmes que la psychologie moderne tente
de résoudre) et sur Christ comme solution de Dieu à nos problèmes. Il
estimait que les pasteurs devaient être les principaux conseillers au sein
de la communauté chrétienne. Adams fonda le Christian Counseling
and Educational Foundation (CCEF) en 1968, ainsi que le Journal of
Pastoral Practice en 1977 pour aider l’Église à répondre bibliquement
aux besoins de la relation d’aide (Powlison, 2010).
Par ses nombreux ouvrages (p. ex. 1973, 1979 ; actuellement plus de
soixante-dix) et leur style énergique et prophétique, Adams incita de
nombreux chrétiens à conseiller les gens en stricte conformité à l’Écriture,
et à rejeter toute confiance dans la psychologie moderne ; lui et d’autres
devinrent de plus en plus critiques à l’égard des écrits et de la pratique
des conseillers chrétiens qui, selon eux, amalgamaient le christianisme et
la pensée séculière (voir Bobgan et Bobgan, 1987 ; MacArthur et Mack,
2005). Avec le concours de John Bettler, son collègue au CCEF, Adams
38 La psychologie et le christianisme

et d’autres, fondèrent la National Association of Nouthetic Counselors


en 1976. En plus du Westminster Theological Seminary, d’autres sémi-
naires commencèrent à dispenser des programmes de relation d’aide
centrés sur l’utilisation de la Bible dans la théorie et la pratique de la
relation d’aide (p. ex. The Master’s College and Seminary, en 1990).
Finalement, le mouvement rendit son accent principal plus clair en
remplaçant, dans son approche du problème, l’adjectif « nouthétique »
par « biblique » (apparu, en 1993, dans le changement de nom du Journal
of Pastoral Practice qui devint Journal of Biblical Counseling, ainsi que
dans les ouvrages comme celui de MacArthur et Mack, 2005). Le mou-
vement est loin d’être monolithique ; avec le temps sont apparues des
différences de méthodes et de substance, certains ont contesté des parties
des enseignements d’Adams (Powlison, 1988 ; Schwab, 2003 ; Welch,
2002) et se sont approprié de manière critique certaines des recherches
de la psychologie moderne (Welch, 1998, 2005). En signe de protestation,
Adams quitta le CCEF au milieu des années 1990 ; depuis, le CCEF est
devenu leader de cette réorientation de la vision originale (Lane et Tripp,
2006 ; Powlison, 2003, 2005 ; Welch, 2005). Par ailleurs sont apparus de
nouveaux groupes qui, de différentes manières, vont également au-delà
du modèle nouthétique d’Adams, tout en préservant les données fon-
damentales du mouvement ; c’est le cas de l’International Association
of Biblical Counselors et de l’Association of Biblical Counselors. Ces
changements ont, à leur tour, incité Adams et d’autres à lancer le Journal
of Modern Ministry en 2005 et l’Institute for Nouthetic Studies.
Toutefois, de nombreux chrétiens ne furent pas convaincus par la
critique formulée par le counseling biblique et prirent leurs distances.
Ainsi, les conseillers et thérapeutes qui s’occupaient de gens extérieurs à
l’Église, de gens ayant peu ou pas de foi religieuse et chargés de problèmes
que les Écritures ne traitent pas, ne le trouvaient pas appropriée. De plus,
les personnes plus instruites et formées dans des établissements d’études
supérieures profanes, en particulier les professeurs de psychologie et les
chercheurs qui avaient étudié la psychologie moderne en profondeur,
estimaient que la psychologie moderne avait plus de valeur que le sug-
géraient les conseillers bibliques. Il en résulta que certains qualifièrent le
mouvement du counseling biblique d’« anti-psychologie » (p. ex. Beck et
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 39

Banks, 1992). De plus, il se forma une prise de conscience croissante que


certaines Églises conservatrices faisaient un mauvais usage de la Bible et
causaient du tort aux gens dans leurs sous-cultures autoritaires (ce que
reconnaissaient parfois également les partisans du counseling biblique).
Ce genre d’abus incita certains chrétiens à se montrer plus sceptiques à
l’égard de la relation d’aide fondée sur la Bible, et plus enclins à soutenir la
relation d’aide qui se concentrait sur la dynamique psychologique plutôt
que sur le seul domaine spirituel. Dans le contexte de cette agitation des
années 1970, deux approches évangéliques plus favorables à la psychologie
moderne ont commencé à se présenter plus clairement.
Le point de vue des niveaux d’explication. Cette approche,
« levels-of-explanation » (LOE) suppose une distinction très nette entre
les disciplines (ou « niveaux ») de la psychologie et de la théologie (Jeeves,
1976, 1997 ; Myers, 1978). Influencés par le physicien Richard Bube (1971),
les partisans de cette approche affirment que tous les niveaux de la réalité
sont importants (le physique, le chimique, le biologique, le physiologique,
le social et le théologique), que chaque dimension ou niveau de la réalité
est accessible à l’étude au moyen des méthodes uniques appropriées
développées par la discipline correspondante, et que, par conséquent, les
frontières de chaque discipline ne doivent pas être floues. La confusion
de ces niveaux entraîne une incompréhension de la réalité en mélangeant
des concepts qui sont en fait très différents et qui ne cadrent pas vraiment
ensemble (par exemple, le péché et le dysfonctionnement du cerveau).
De plus, la compréhension de chaque niveau est censée offrir une pers-
pective distincte, essentiellement indépendante de la compréhension des
autres niveaux. C’est pourquoi cette approche a aussi été appelée « pers-
pectivalisme » (Evans, 1977). La théologie et la psychologie utilisent des
méthodes d’investigation différentes, ont des objets d’études différents
et répondent à des questions différentes. Les confondre déformerait
les deux (bien que les partisans de ce modèle encouragent le dialogue
interdisciplinaire, « en privé » pour ainsi dire, afin d’obtenir de la nature
humaine l’image la plus complète possible). Les effets du modernisme
profane sur la psychologie suscitent peu d’intérêt, car ses partisans sont
convaincus que si la science est bien menée, elle élimine de tels effets. Faire
40 La psychologie et le christianisme

intervenir les questions théologiques dans la science de la psychologie


saperait l’objectivité et l’intégrité de la méthode scientifique.
Remarquons que la plupart des défenseurs de l’approche du LOE ont
été des universitaires et des chercheurs, des chrétiens enseignant dans
des grandes écoles et universités chrétiennes et non chrétiennes. Certains
d’entre eux (comme Brown et Jeeves, 2009 ; Jeeves, 1976, 1997) ont effec-
tué des recherches en neuropsychologie où il est difficile d’imaginer une
approche distinctement chrétienne qui marquerait une différence. Ce
groupe craint au contraire que la science véritable soit compromise par
l’intrusion de croyances religieuses de toutes parts qui ne puissent être
prouvées empiriquement. La science ne peut se fonder que sur la base
d’une étude objective de la réalité, accessible à l’observation directe et
susceptible d’être reproduite par tout chercheur intéressé.
Il convient également de souligner qu’il n’est pas nécessaire d’ap-
prouver formellement cette approche pour la présumer implicite dans
le travail de quelqu’un (p. ex. dans son enseignement, ses écrits ou ses
conseils). Un certain nombre de chrétiens ont apporté une contribution
significative dans le domaine de la psychologie contemporaine de cette
manière-là ; par exemple en psychologie de la religion (Hood, Hill et
Spilka, 2009), en spiritualité (Plante, 2009), en recherche et en thérapie
du pardon (Worthington, 2005), sur le rôle des valeurs en psychothérapie
(Worthington, Kurusu, McCullough et Sandage, 1996) et en psychologie
positive (Emmons et McCullough, 2004). Ces travaux souscrivent aux
règles du discours psychologique moderne, tout en montrant que la
tradition chrétienne peut influencer la psychologie moderne indirecte-
ment, de l’intérieur.
Le point de vue de l’intégration. L’intégration est une approche
formulée également dans les années 70, plus ouverte à la psychologie
moderne que ne l’est le counseling biblique, mais généralement aussi
plus critique envers cette psychologie que l’approche des niveaux d’ex-
plication. Préoccupés par le naturalisme et l’humanisme séculier qui
ont façonné la psychologie moderne et la littérature de la cure d’âme,
les partisans de cette conception (souvent des conseillers et des théra-
peutes) reconnaissent que la foi chrétienne a quelque chose d’important
à proposer à la psychologie et à la relation d’aide modernes. Toutefois,
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 41

ils respectent aussi les mérites scientifiques de la psychologie telle qu’elle


existe aujourd’hui et, en conséquence, ils ont conclu que la foi chrétienne
et la psychologie contemporaine devaient être reliées d’une manière ou
d’une autre. La majorité défend « l’intégration interdisciplinaire », l’inté-
gration de la discipline de la psychologie et de la discipline de la théologie
chrétienne (p. ex. Beck et Demarest, 2005 ; Carter et Narramore, 1979 ;
Collins, 1977 ; Shults et Sandage, 2006).
Les intégrationnistes croient que, de manière différente, les deux
disciplines traitent de la nature des êtres humains, expliquent comment
ils se développent, ce qui est allé de travers pour eux, et comment répa-
rer ce qui a mal tourné. Ce chevauchement a toutefois suscité de nom-
breuses réactions. Narramore (1973) a prétendu que l’intégration vise à
« combiner la révélation spéciale de la Parole de Dieu avec la révélation
générale étudiée par les sciences et professions psychologiques » (p. 17).
Collins (1973) s’efforce, de manière plus radicale, de situer la psy-
chologie sur un fondement différent, qui soit « cohérent avec la Bible et
bâti sur elle », pour développer une « psychologie bibliquement fondée »
(p. 26). Les deux justifient la composition d’une littérature du mouve-
ment « intégration », distincte, (contrairement à la conception du LOE),
qui fusionne plus ou moins les deux disciplines, soit à travers le texte
(Collins, 1980 ; Crabb, 1977 ; McMinn et Campbell, 2007 ; McMinn,
2008 ; Narramore, 1984), soit dans des résumés de sections ou de cha-
pitres (voir Shults et Sandage, 2006 ; Beck et Demarest, 2005).
Jones et Butman (1991) proposent une autre approche de l’intégration
qui associe les croyances chrétiennes de la vision du monde à la science
et à la pratique de la psychologie, et non aux doctrines théologiques
(puisqu’elles font partie d’une autre discipline ; p. 19-20). Cette idée res-
semble superficiellement au LOE, mais elle implique une réinterprétation
exceptionnellement complète et critique de la littérature moderne en
matière de psychologie en termes de vision chrétienne du monde, tirée
de l’Écriture. Au cours de la décennie écoulée, de nouveaux travaux
d’intégration exemplaire sont parus, laissant entendre que cette approche
connaît un renouveau (Beck et Demarest, 2005 ; McMinn, 2008 ; McMinn
et Campbell, 2007 ; Shults et Sandage, 2006 ; Yarhouse et Sells, 2008).
42 La psychologie et le christianisme

Le mouvement d’intégration a eu un grand impact sur la communauté


évangélique. Les livres écrits par ce mouvement pour les laïcs chrétiens –
abordant toutes sortes de sujets psychologiques, y compris le mariage, la
guérison, les sujets relatifs au concept de soi et de famille d’origine – se sont
bien vendus. Certains programmes chrétiens diffusés à la radio par des
intégrationnistes comme Dobson, Minirth et Meier, et Cloud et Townsend
étaient très populaires. On trouvait à travers tous les États-Unis des centres
de relation d’aide et de traitement d’inspiration intégrationniste, gérés
parfois par des Églises locales. La tendance intégrationniste est l’orienta-
tion officiellement défendue par les programmes majeurs de formation
à la relation d’aide chrétienne (par exemple le programme de doctorat à
Wheaton College, à George Fox College, à Seattle Pacific University, Azusa
Pacific University et à Regent University, en plus des établissements Fuller
et Rosemead, déjà cités précédemment). L’organisation CAPS a récem-
ment fêté son cinquantième anniversaire et a rassemblé, pour l’occasion,
une collection décisive d’articles sur l’intégration (Stevenson, Eck et Hill,
2007) ; elle s’adresse tout particulièrement aux professionnels de la relation
d’aide de haut niveau (maîtrise et doctorat) et à ceux de l’enseignement
supérieur. Dans les années 1990, Gary Collins et Tim Clinton ont créé
l’American Association of Christian Counselors avec une position légè-
rement plus conservatrice que le CAPS et a littéralement explosé pour
devenir peut-être la plus importante association chrétienne au monde
(voir Clinton et Ohlschlager, 2002)10.
Le point de vue de la psychologie chrétienne. Tandis que le posi-
tivisme logique était en perte d’influence, la philosophie chrétienne a
connu, elle, un réveil spectaculaire au cours des dernières décennies, grâce
aux travaux de penseurs comme Alvin Plantinga (1984, 2000), Nicholas
Wolterstorff, William Alston et beaucoup d’autres depuis. Affichant une
indépendance de pensée marquée à l’égard des principaux courants
philosophiques, les philosophes chrétiens ont développé des positions
distinctement chrétiennes sur de nombreux sujets philosophiques cou-
rants et ont exploré bien d’autres sujets qui n’intéressaient que les théistes.
C. Stephen Evans (1989, 1990), l’un de ces philosophes, a partiel-
lement été inspiré par le psychologue et philosophe chrétien Søren

10. Collins n’est plus affilié à l’AACC.


Une brève histoire des chrétiens en psychologie 43

Kierkegaard et a expliqué que ce qui se passait récemment dans le champ


de la philosophie pouvait tout aussi légitimement affecter le champ
de la psychologie ; il a encouragé les chrétiens ancrés dans la psycho-
logie à développer leurs propres théories, recherches et pratiques qui
découlent des doctrines chrétiennes concernant les êtres humains – tout
en continuant à participer activement dans le domaine plus vaste. Nancey
Murphy (2005), un autre philosophe chrétien, a prôné le développement
d’un programme de recherche psychologique façonné par une perspec-
tive réformée radicale11. Sous un angle différent, les théologiens Ellen
Charry (1997), Ray Anderson (1990 ; Speidell, 2007) et Andrew Purves
(2004) ont étudié les ressources théologiques chrétiennes à propos de
la cure d’âme et montré qu’elles offrent un paradigme alternatif aux
modèles séculiers de thérapie.
Même quelques psychologues professionnels sont allés dans cette
direction. Van Leewen (1982, 1985) et Vitz (1987, 1994) ont anticipé cette
orientation par leurs nouvelles façons de conceptualiser les aspects ou
types de la psychologie, Vitz a continué de poursuivre ce programme
(1999, 2009 ; avec Felch, 2006). Johnson (2007) a tenté une reconceptua-
lisation semblable dans le domaine de la relation d’aide. P. J. Watson a
entrepris pendant plus de vingt-cinq ans un programme de recherche
de psychologie chrétienne (voir plus loin mon article de présentation
le concernant). La Société de psychologie chrétienne, une division de
l’AACC, a été fondée en 2004 pour soutenir ce programme, et publie le
journal Edification. Ajoutons que IGNIS, l’Institut de psychologie chré-
tienne, à Kitzingen, en Allemagne, développe une psychologie chrétienne
depuis plus de vingt-cinq ans. Entre-temps, la Faculté de l’Institut des
sciences psychologiques travaille sur une psychothérapie typiquement
catholique (Brugger, 2009).
Certains auteurs-conseillers chrétiens ont exercé, du moins impli-
citement, selon une orientation psychologique chrétienne. Larry Crabb
(1987, 2002), s’est éloigné de l’approche intégrationniste de ses premiers
ouvrages et a suivi une trajectoire plus théologique et ecclésiologique dans
ses écrits sur la croissance psychologique et spirituelle. De même, Dan

11. Dueck et Reiner (2009) ont développé une orientation semblable en psychothérapie,
mais d’une tonalité postmoderne plus soutenue.
44 La psychologie et le christianisme

Allender (2000), l’ancien collègue de Crabb, a écrit un certain nombre


de livres (souvent avec Tremper Longman III [p. ex. 1994], théologien de
l’Ancien Testament), qui explorent les questions psychologiques avec un
soutènement théologique exceptionnellement appuyé. Étant donné que ce
sont les considérations et les ressources chrétiennes, plus que la psycho-
logie moderne, qui fixent le programme de leur psychologie et de leurs
conseils, nous incluons Neil Anderson (1990), Diane Langberg (1997),
Leanne Payne (1995) et Sandra Wislson (2001) dans cette orientation.
Le point de vue de la psychologie transformationnelle. Au fil des ans,
de plus en plus d’intégrationnistes se sont demandé si l’accent principal
de l’intégration doit porter sur des sujets intellectuels, ou sur des sujets
personnels, éthiques, expérientiels et spirituels. Ils ont affirmé que la
manière dont les chrétiens vivent leur christianisme dans le domaine
de la psychologie et de la relation d’aide est au moins aussi importante
que le désir de comprendre les êtres humains de façon chrétienne (voir,
par exemple, Dueck, 1995 ; Farnsworth, 1985 ; Shults et Sandage, 2006 ;
Sorensen, 1996a, 1996b).
Dans la précédente édition de ce livre (2000), Stanton Jones et moi-
même pensions que ce genre de considérations ne méritait pas une
approche séparée (p. 244-246). Mais depuis, j’ai changé d’idée, car non
seulement ces préoccupations éthiques et morales ont été traitées de façon
plus satisfaisante (voir, p. ex. Coe, 1999 ; Shults et Sandage, 2006), mais
elles ont été reliées à l’intérêt récent des évangéliques pour la formation
et la direction spirituelles (Foster, 1978 ; Willard, 1998).
David Brenner (1988) fut le premier psychothérapeute évangélique
à encourager la référence à l’histoire de la spiritualité chrétienne pour
proposer un modèle de relation d’aide qui situe les préoccupations
chrétiennes au centre du programme du conseiller, et il a continué à
développer cette orientation (1999, 2003). Depuis, beaucoup d’autres ont
suivi une voie semblable, notamment Gary Moon (1996, 2004 ; et avec
Benner, 2004), Larry Crabb (2005, 2007), Siang-Yang Tan (2003) et Tan
et Douglas Gregg (1997), Terry Wardle (2003) et Sandra Wilson (1998).
Deux périodiques ont paru en faveur de cette approche : Conversations
(édité par Benner, Crabb et Moon) et le Journal of Spiritual Formation
and Soul Care (de l’Institut de formation spirituelle, de l’Université Biola).
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 45

Ce présent livre donne donc l’occasion de comprendre la crise intel-


lectuelle qui secoue l’Église dans le domaine touchant à la psychologie et
à la relation d’aide, et il le fait en analysant cinq positions évangéliques
majeures à propos du lien entre la psychologie et la foi chrétienne. Il
existe évidemment d’autres façons de comprendre cette relation, et cer-
tains chrétiens non évangéliques adoptent parfois d’autres termes pour
désigner les positions similaires. Par ailleurs, il y a beaucoup d’évan-
géliques qui ne cadrent pas parfaitement dans l’une ou l’autre de ces
cinq positions, et d’autres qui sont passés de l’une à l’autre au fil des
ans (comme Larry Crabb). Ces cinq conceptions semblent néanmoins
représenter les approches évangéliques les plus distinctives et les mieux
formulées en matière de psychologie et de relation d’aide à ce jour.

PRÉSENTATION DES AUTEURS

David G. Myers, professeur de psychologie au Hope College, est le repré-


sentant du mouvement des niveaux d’explication (LOE). Il a apporté une
contribution considérable à la psychologie contemporaine, surtout par
ses manuels d’introduction (2010, 9e édition) et de psychologie sociale
(2008, 9e édition), ainsi que par un certain nombre de résumés popu-
laires sur la recherche en psychologie. Ses réflexions sur le lien entre la
foi et la psychologie (1978, 1991, 1996 ; et avec Malcolm Jeeves, 1987)
revêtent une importance particulière pour ce livre.
Stanton L. Jones a été recruté comme représentant du mouvement
d’intégration. Après avoir défini le programme de doctorat en psycho-
logie au Wheaton College, il est devenu le doyen de ce College en 1996.
Il a longtemps été un leader de la deuxième génération d’intégration-
nistes (1986 ; avec Richard Butman, 1991) et il s’est efforcé d’orienter la
psychologie traditionnelle à partir de ce point de vue (1994, 2000). Il a
également laissé son empreinte dans les débats ecclésiaux et psycholo-
giques concernant l’homosexualité (avec Mark Yarhouse, 2000, 2007).
Robert C. Roberts, professeur émérite d’éthique à l’Université Baylor,
est l’un des auteurs représentant l’approche de la psychologie chré-
tienne. Philosophe remarquable qui a écrit ou édité dix livres et plus de
quatre-vingt-dix articles sur les vertus, les émotions, l’épistémologie et
Søren Kierkegaard (2003, en préparation), il a également écrit ou édité
46 La psychologie et le christianisme

un certain nombre de livres et d’articles très nettement en faveur de la


psychologie chrétienne (1987, 1993, 2001, 2007 ; avec Mark Talbot, 1997).
Il est rejoint par P. J. Watson, professeur de psychologie à l’Université
de la fondation Chattanooga, et qui occupe la chaire du département
de psychologie à l’Université de Tennessee-Chattanooga. Watson est
l’éditeur du Journal of Psychology et a publié plus de 150 études sur une
gamme étendue de questions psychologiques. Il a aussi dirigé des études
empiriques sur certains aspects de la psychologie chrétienne (avec Morris
et Hood, 1988a, 1988b ; avec Morris, Loy, Hamrick et Grizzle, 2007)
et sur les préjugés antireligieux présents dans une certaine psychologie
contemporaine (Watson, Morris et Hood, 1987 ; Watson, Milliron,
Morris et Hood, 1995). Il est aussi l’éditeur du journal Edification.
John H. Coe est un défenseur du mouvement le plus récent, le point
de vue de la psychologie transformationnelle. Depuis 1988, il est pro-
fesseur associé de théologie et de philosophie à Rosemead Graduate
School of Psychology, Université de Biola. Il est également directeur de
l’Institut de formation spirituelle et professeur associé de théologie et
de philosophie spirituelles, au Séminaire Théologique Talbot, Université
de Biola. Il a écrit deux articles (1999, 2000) et donné plusieurs présen-
tations annonciatrices de cette approche. Avec Todd W. Hall (2010), il
a récemment publié un livre qui développe davantage ce modèle.
Todd W. Hall est professeur associé de psychologie, lui aussi à l’École
de psychologie Rosemead ; il est, depuis 10 ans, l’éditeur du Journal of
Psychology and Theology. Hall est directeur de l’Institut de recherche
en psychologie et spiritualité. Il a publié de nombreux articles dans ces
domaines (p. ex. avec Edwards, 2002 ; avec Noffke, 2008) et édité une
œuvre importante avec Mark McMinn (2003).
Finalement, David Powlison représente le mouvement du counseling
biblique. En plus de sa fonction de conseiller au Christian Counseling
& Educational Foundation et d’enseignant au Séminaire théologique
Westminster depuis trois décennies, Powlison est également l’éditeur du
Journal of Biblical Counseling (JBC) depuis 1992. Il a écrit de nombreux
articles et chapitres de référence pionniers sur le sujet du counseling
biblique (1988, 1995, 2008) dont les plus importants ont été rassemblés
dans deux livres jusqu’à présent (2003, 2005), ainsi qu’une histoire et
Une brève histoire des chrétiens en psychologie 47

une analyse complètes des trente premières années du mouvement du


counseling biblique (2010).

POUR L’ÉTUDIANT : SUJETS QUI DIFFÉRENCIENT LES IDÉES


CHRÉTIENNES CONCERNANT LA PSYCHOLOGIE

Il y a au moins cinq grands sujets qui différencient les manières de


concevoir la psychologie et la relation d’aide exposées dans ce livre.
Voici quelques repères permettant à l’étudiant de savoir sur quoi porter
son attention particulière lors de sa lecture.

1. La question principale qui divise les cinq conceptions exposées


a trait aux sources possibles de la connaissance psychologique :
la recherche empirique, l’Écriture et la théologie, la philosophie,
l’expérience personnelle et l’histoire.
2. Une autre différence est celle-ci : quelle attitude les défenseurs des
cinq conceptions adoptent-ils dans leur interprétation de la psycho-
logie contemporaine : plus critique ou plus confiante ?
3. Autre différence : le but des chrétiens en matière de psychologie est-
il d’arriver à une compréhension distinctive de la nature humaine à
laquelle seuls les chrétiens pourraient souscrire, ou à une compré-
hension universelle que tous les psychologues, quelle que soit leur
vision du monde, pourraient accepter et défendre ?
4. Les auteurs diffèrent aussi quant à l’identité de leur allégeance en
matière de psychologie et de relation d’aide dans leur culture : est-ce
l’Église ou la communauté plus vaste des savants et des praticiens ?
5. Finalement, certains des représentants semblent considérer que la
première tâche de la psychologie est l’acquisition de connaissances
sur les êtres humains, tandis que d’autres semblent penser que c’est
la restauration des êtres humains et l’adoption d’un comportement
pieux, moral et aimant.

Le lecteur pourra tenter d’identifier les positions que les divers mou-
vements défendent sur ces points fondamentaux.
Imaginez-vous maintenant que vous êtes invité à converser avec
certains des chrétiens influents dans les domaines de la psychologie et
de la relation d’aide aujourd’hui.
48 La psychologie et le christianisme

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