Reponses Theologiques A Quelques Questions D Actualite
Reponses Theologiques A Quelques Questions D Actualite
Reponses Theologiques A Quelques Questions D Actualite
Edouard H U G O N
Dfcs 1KLHE> PIIH U E L R 8
MAI! l i t EN SU.RÉE THÉOLÛblK
Réponses théologiques
A QUELQUES QUESTIONS D'ACTUALITÉ
La Notion de Hiérarchie
dans r Église de J.-C.
L'Analyse de l'Acte de FoL
Foi et Révélation.
Les Concepts dogmatiques»
L'État des Ames séparées.
P. TÉQUI, éditeur
Biblio!èque Saint Libère
http://www.liberius.net
© Bibliothèque Saint Libère 2009.
Toute reproduction à but non lucratif est autorisée.
Réponses théologiques
DU MÊME AUTEUR
Librairie P. Lethielleux
Librairie P. Téqui
Vu et approuvé.
r
Rijckholt, Limbourg hollandais, 1* janvier 1908.
F r . BARNABE AUGIER, O . P . ,
Maître en Sacrée Théologie.
PERMIS D'IMPRIMER
1
La Notion de Hiérarchie
L A NOTION D E H I É R A R C H I E SUPPOSE
UNE SOCIÉTÉ INÉGALE
1
ICor., xn, la, ss.
— 9—
notre corps. La tête sans les pieds n'est rien,
et les pieds sans la tête ne sont rien. Les
membres les plus humbles sont nécessaires à
tout le corps, tous conspirent et agissent de
concert pour le maintenir sain et sauf. C'est
ainsi que par une mutuelle dépendance des
fidèles se conserve le corps mystique dans le
1
Christ Jésus... »
II y a plus que diversité des membres avec
échange de services; la notion de hiérarchie
suppose une société essentiellement inégale.
Dans nos gouvernements démocratiques, bien
que les diverses charges ne soient pas confiées
à tous, les citoyens restent égaux devant la
loi; l'autorité n'est pas exercée par la multi-
tude, mais celle-ci nomme, au premier ou au
second degré, ses gouvernants : l'élection
suffit pour faire les représentants officiels du
peuple. De nombreux hérétiques se sont cons-
truit une conception analogue de l'Eglise
de Jésus-Christ. Les G nos tiques des premiers
1
S. CLEM. ROM., Epist. 1 Cor., ce. xxxvn et
xxxvin, P. G., I, 284. — Pour saint Clément, comme
pour les autres Pères apostoliques, l'édition à con-
sulter est celle de FUNK, mais, les quelques textes que
nous leur empruntons se trouvant aussi dans MIGNE,
nous donnons les références pour cette édition.
IO
1
MATTU., XXVIII, 18-20.
2
// Cor., x, 6, xiii, io.
A
Act. xv.
9
4
Act., xiv,22; 1 Tira., 1; Tit. 1,
9 5.
Apôtres par Jésus-Christ. Les Apôtres, à leur
tour, ont choisi les évoques et les diacres des
croyants à venir, et ils ont prescrit que, après
la mort de ces evèques et de ces diacres, des
hommes éprouvés leur succéderaient dans
1
leur charge .» Saint Ignace d'Antioche si-
gnale à maintes reprises la divine autorité du
corps pastoral. « L'évêque est le centre de
l'Eglise; là où il est doit se trouver la com-
munauté chrétienne, comme là où est le Christ
2
se trouve aussi l'Eglise . »
La doctrine est désormais si clairement
établie que saint Cyprien peut écrire : « A
travers les vicissitudes des âges et des évé-
nements, l'économie de Tépiscopat et laçons-
titution de l'Eglise se déroulent de telle sorte
que l'Eglise repose sur les évoques et que
3
toute sa vie active est gouvernée par eux . »
Tous les échos de la Tradition redisent ce
même enseignement, que le concile de Trente
va enfin canoniser et définir. On y déclare
que les fidèles ne sont pas tous égaux entre
1
S . G L E M . ROM., / Cor., XLII, XLIV, P. G., I , 292,
296.
2
S . IGNAT., Smyrn.* vin, P. G., V, 713.
3
S . CYPRIAN., Epist.2j (al. z8)ad lapsos,i, P. L. 9
iv, 298.
- i4 -
eux quant au pouvoir spirituel, que les prê-
tres sont de droit divin supérieurs aux laïcs,
que l'élection humaine ne suffît point pour
établir le sacerdoce, mais qu'il faut un sacre-
1
ment institué par Jésus-Christ lui-même .
Pie X , dans son immortelle encyclique du
i l février ij)o6 au clergé et au peuple fran-
çais, rappelle en termes énergiques ce dogme
capital : « L'Eglise est par essence une société
inégale, c'est-à-dire une société comprenant
deux catégories de personnes, les Pasteurs et
le troupeau, ceux qui occupent un rang dans
les différents degrés de la hiérarchie et la
multitude des fidèles. Et ces catégories sont
tellement distinctes entre elles que dans le
corps pastoral seul résident le droit et l'auto-
rité nécessaire pour promouvoir et diriger
tous les membres vers la fin de la société ;
quant à la multitude, elle n'a pas d'autre de-
voir que celui de se laisser conduire, et, trou-
peau docile, de suivre ses Pasteurs. »
Tel est le premier élément que réclame
l'idée de hiérarchie ecclésiastique:une subor-
dination essentielle des gouvernés aux gou-
1
CONC. TRENT., sess. XXIII, ce. i et 4< et can. i-3.
IO
1
Act., X X , 20, 21.
CHAPITRE II
L A H I É R A R C H I E D* O R D R E
1
teurs . Ce presbytérat primitif était l'enve-
loppe originelle de la hiérarchie ; il disparut
comme une forme simplement préparatoire.
Et le mot seul s'en conserva pour désigner
les prêtres, c'est-à-dire les épiscopes subor-
2
donnés à l'évêque souverain .
Les diacres ont un rôle particulier se rap-
portant à l'Eucharistie, et un rôle extérieur ;
ils sont trésoriers, et parfois le ministère de
la parole leur est confié. Les évêques .exer-
cent une fonction liturgique et une fonction
sociale, de gouvernement et de prédication.
L'épiscopat à l'origine est plural, comme le
diaconat. Mais l'épiscopat plural disparait au
moment où les apôtres disparaissent et se
démembre pour donner naissance à l'épis-
copat souverain de l'évêque et au sacerdoce
3
subordonné des prêtres .
1
« L'autorité se concentrait dans le corps des
prêtres-évêques ; l'un d'entre eux l'incarnait plus
spécialement et l'administrait. Entre ce président
et l'évêque unique des siècles suivants il n'y a pas
de diversité spécifique. » MGR DUCHESNE, Histoire
ancienne de VEglise, t. I , p. 90.
2
MGR BATIFOL, Etudes ^histoire et de théologie
positive, I, p. a65.
3
MGR BATIFOL, op. ci*., p. 266. — Voir, au sujet
de l'épiscopat collégial et de l'épiscopat unitaire,
La hiérarchie s'organise donc définitive-
ment avec ses trois termes : évèques, prêtres,
diacres. Nous les trouvons déjà tous les trois
dans Tépitre de saint Clément. L'auteur men-
tionne les évêques et les diacres qui furent
institués par les Apôtres, et il proclame
bienheureux les prêtres qui, après avoir
fourni leur course, sont arrivés à une fin
1
fructueuse et parfaite . Saint Ignace d'An-
tioche a mis en complet relief cette trinité
hiérarchique: évêque, presbyterium, diacres.
L'évêque a la suprématie : un seul évêque
commande à tout le corps des prêtres et aux
diacres-. Tout le monde est tenu de lui
obéir, même les prêtres: ils doivent lui rester
3
attachés comme les cordes à la lyre . A leur
tour, les prêtres sont supérieurs aux diacres ;
ceux-ci sont toujours nommés en troisième
lieu *. L'évêque tient la place du Père, les
prêtres celle du sénat apostolique, les diacres
1
S. IGNAT., Magnes., vi, P. G., V, 668.
- S. POLYCARP., Philippe subscript., et v, P. G.,
V, iooo, 1009.
3
TERTULL., De Baptismo, c. 17, P. Z., I , 1218;
De fuga in persecutione, c. 1 1 , P. Z., II, n 3 .
* S. CYPRIAN., Epist. 9, P . L., IV, a5o; Epist. 1 1 ,
P. L., IV, 257.
— 23 —
1
« Nihilominus erant omnes prœdictae potestates,
sed implicite, in una diaconi potestate. Sed postea
ampli a tu s est cultus divinus, et Ecclesia quod im-
plicite habebat in uno ordine, explicite tradidit in
diversis. » S. THOMAS, Supplem., q. 3?, a. a, ad a.
2
CONC. TRIDENT., sess. X X I I I , c. a.
3
Sess. X X I I I , can. a, 3, 6,7.
- 2 4 -
surnaturel, imprimant dans l'âme le sceau
éternel que rien ne pourra effacer ni souiller,
ni la persécution des tyrans ni même l'apos-
tasie de ceux qui le portent.
Quoiqu'il en soit du sous-diaconat et des
ordres mineurs *, il est certain que le diaconat
est un sacrement et imprime le caractère.
S'il est vrai que l'évêque ne dit pas en vain :
5
« Recevezle Saint-Esprit », on doit conclure
que le diacre, auquel ces paroles sont adres-
sées, reçoit, avec l'investiture du céleste
Paraclet, la grâce sanctifiante et la marque
indélébile, effet propre de l'ordination. II est
de foi que le sacerdoce est un sacrement.
C'est ici, pour le moins, que doit se vérifier
la définition du concile de Trente : L'ordre
ou l'ordination est un sacrement institué par
Jésus-Christ et qui donne la puissance de
consacrer, d'offrir le Corps et le Sang du
3
Seigneur et de remettre les péchés .
Quanta l'épiscopat, confère-t-il un carac-
tère entièrement nouveau, ou bien est-il sim-
1
Pour saint THOMAS ce sont de vrais sacrements,
puisqu'ils sont des parties authentiques détachées
du diaconat.
2
CONC. TRIDENT., sess X X I I I , can. 4-
* laid., can. i et 3.
plement l'extension et l'ascension du carac-
tère sacerdotal ? L'Église a laissé ce point à
1
la libre discussion des théologiens ; mais il
est admis par tous que c'est un sacrement,
qu'il donne la grâce et ajoute au caractère
une telle excellence que c'est désormais la
plénitude de l'ordre. En vertu de son sacre,
l'évêque devient hiérarque parfait, de droit
divin supérieur aux prêtres, qu'il surpasse
par son triple pouvoir de consacrer, de con-
firmer, d'ordonner *. Comme il possède la vie
sacerdotale au suprême degré, il peut la
transmettre à d'autres, et il acquiert ainsi le
titre glorieux de générateur du sacerdoce \
Tous les membres de la hiérarchie, minis-
tres, prêtres et évêques sont donc les christs
du Seigneur; ils ont reçu pour le temps et
pour l'éternité cette onction d'allégresse qui
les rend coopérateurs de Dieu et leur com-
munique, en quelque sorte, les traits et la
figure de Jésus-Christ : Per characterem ipsi
Christo CONFIGURAMUR La puissance des
1
Cf. S. THOMAS,Supplem., q. 4<>, a. 5 ; BENOITXIV,
Conslit. In Supremo, 20 octob. 1706, n. 17.
2
GONG. TRIDENT., sess. X X I I I , can. 7.
3
Cf. P . MONSABRÉ, 8 3 conférence.
E
1
GONC. TRIDENT., sess. X X I I I , cap. 4.
CHAPITRE III
L A H I E R A R C H I E D E JURIDICTION
1
Bouix {De principiis juris canonici, p. 5i4)citeet
approuve cette définition des Conférences d'Angers :
a La hiérarchie est une principauté ou magistrature
spirituelle, composée de divers ordres de ministres
subordonnés les uns aux autres, que Jésus-Christ a
institués pour le gouvernement et le service de son
Eglise, et qu'il a revêtus d'une autorité correspon-
dante au rang qu'ils y tiennent, avec promesse des
secours nécessaires pour bien remplir l'office qu'il
leur a coniié, et conduire les fidèles dans les voies
du salut. » — La délinition est exacte, mais elle n'a
pu signaler en détail tous les éléments qui entrent
dans la notion de la hiérarchie.
RÉPONSES THÉULiH.lyL't» 3
CHAPITRE IV
L A NOTION D E L ' E G L I S E E T L A H I E R A R C H I E
1
GROTIUS, Via ad pacem Ecclesiœ, tit. V I I .
— 36 —
1
Des canonistes se sont demandé si la hiérarchie
dans l'Eglise était une ou multiple. Cf. PHILIPS,
Droit ecclésiast., x x x n , xxxvi, LXXVII. — Nous
n'avons pas à entrer dans ces détails. En reconnais-
— 38 —
L E S R A P P O R T S DU P E U P L E AVEC L A H I E R A R C H I E
A U S U J E T D E S ELECTIONS E T DU GOUVERNE-
MENT D E L ' É G L I S E .
1
Epist. synod. ad clerum et plebem
S . CYPRIAN.,
Hispaniariun* iv, P. L., III, 1020.
3
IDEM, P. L. t I I I , 1027.
- 4i -
m
1
CONC. NIC<EN. I I I , can. 3; DKNZINGER, 2^6.
-43 -
violera cette loi sainte des élections ecclésias-
1
tiques .
L'Église fut obligée de renouveler et
d'aggraver ces peines à l'époque néfaste des
investitures, et notamment au concile' de
Latran en iia3. A paftir de Clément V, les
nominations sont réservées au Souverai n
Pontife, sans exclure cependant la présenta-
2
tion par le pouvoir civil . On sait comment,
de nos jours, à propos du Nobis nominavit, le
Saint-Siège a dû rappeler le principe théolo-
gique que, si le gouvernement séculier désigne
et présente le candidat, le Pape seul peut le
3
nommer .
Pour nommer, au sens rigoureux du mot,
un membre de la hiérarchie, il faut pouvoir
lui conférer la puissance d'ordre ou la puis-
sance de juridiction, ou du moins pouvoir
juger de ses aptitudes canoniques. Quel
homme d'État soutiendra que l'ordre sacré ou
l'autorité spirituelle puissent jamais dériver
ou dépendre de son consentement? De
même, « qui osera dire que le gouvernement
1
CONC. ŒCUMEN., V I I I , can. 22; DENZIXGER, 278.
2
Cf. Extrav. Ad regimen, eod. tit.
8
Cf. Livre blanc du Saint-Siège, ce. vi et vu.
- 44 -
est compétent pour décider de l'orthodoxie
de la foi, de la doctrine théologique et cano-
nique, du zèle, de l'intégrité, des mœurs et
de la piété telles qu'elles sont requises dans
un évêque ' ? » La hiérarchie seule a qualité
pour instituer ses membres et les faire coopé-
rateurs de Dieu.
Quant au fonctionnement intérieur de
l'Eglise, le peuple n'a qu'un devoir, obéir
avec docilité : Multitudinis officium sit gu-
bernari se pati et rectorum sequi ductiim
obedienter*. La hiérarchie, établie parfaite
par Jésus-Christ, a toute puissance pour
enseigner, sanctifier et régir. Ce pouvoir,
étant de droit divin supérieur à celui des
gouvernements humains, en reste toujours
indépendant : les lois de l'Eglise, les consti-
tutions, les décrets apostoliques, obligent
tous les chrétiens, et les individus et les
sociétés, lors même que l'Etat s'opposerait à
l
leur promulgation . Les anathèmes les plus
graves frappent quiconque essaiera d'usurper
ce domaine du spirituel ou qui troublera
1
Livre blanc du Saint-Siège, c. v u .
- PIE X, Encyclique du n février 190G.
A
PIE IX, Encyclique Quanta cura, 8 déc. 1864.
45
directement ou indirectement l'exercice de
la juridiction ecclésiastique. La malédiction
divine pèsera sur les législateurs, les magis-
trats complices et tous les autres sectaires
1
qui violent les droits de l'Epouse du Christ .
Les Papes condamneront inexorablement
toute loi civile, toute prescription, tout règle-
ment, qui soumettraient à un Conseil d'Etat
ou les questions de doctrine, ou les choses
du culte, ou même seulement les affaires de
discipline et d'administration. Société par-
faite par la volonté de Jésus-Christ, l'Eglise
doit posséder librement tout ce qui est néces-
saire à sa dignité, à sa sécurité même exté-
rieure, tout ce dont elle a besoin pour assu-
rer sou existence temporelle et la célébration
publique du service divin. Elle pourra donc
avoir ses richesses à elle; ses droits sur les
édifices sacrés resteront imprescriptibles.
Excommunié quiconque porte la main sur les
2
propriétés ecclésiastiques . Pie X a tenu à
1
Cf. Constitut. Apostolicœ Sedis, excommunie.
6, 7, 8 de la série spécialement réservée au Souve-
rain Pontife.
2
11 y a ici trois sortes d'excommunications : i°Une
excommunication spécialement réservée au Souve-
rain Pontife contre ceux qui osent usurper ou sé-
- 4 0 -
affirmer nettement ce droit de la hiérarchie
sur les biens ecclésiastiques, particulièrement
1
sur les édifices sacrés .
Indépendance absolue de la hiérarchie à
l'égard des pouvoirs humains pour tout ce qui
est de l'ordre spirituel, obéissance complète
des fidèles aux évèques et à l'évéque des
évoques : voilà l'économie de l'Eglise.
On est trop porté à oublier, même dans
certains milieux catholiques, que la société
spirituelle repose tout entière sur l'épiscopat.
Il faut que les fidèles et les prêtres restent
attachés à leurs évèques comme les cordes à la
lyre, selon la belle expression de saintlgnace
d'An tioche. Dieu ne bénira pas les œuvres
questrer les biens et les revenus qui appartiennent
aux personnes ecclésiastiques à raison de leurs
églises ou de leurs bénéfices. Constit. Apostoîicœ
Se dis, première série, n° 11. — a° Une excommuni-
cation spécialement réservée au Souverain Pontife
contre ceux qui envahissent, usurpent, détiennent
les biens de l'Eglise romaine. Même Constitution,
même série, n° 12. — 3° L'excommunication du con-
cile de Trente contre les violateurs de tous autres
biens ecclésiastiques, de quelque nature que soient
ces biens. Même Constitution, seconde série, n" 19.
1
Encyclique du 10 août 1906. — Voir, au sujet des
biens ecclésiastiques, l'instruction du Saint-Siège du
21 septembre 1907, avec la lettre du cardinal Merry
del Val du 24 septembre 1907.
-47 -
qui seraient tentées en dehors des règles de la
hiérarchie. Voilà pourquoi « la démocratie
chrétienne a l'obligation très étroite de
1
dépendre de l'autorité ecclésiastique ». Une
entreprise qui est soustraite aux influences
de la hiérarchie ne sera pas utile à l'Eglise :
c'est pourquoi « il est préférable qu'une
œuvre ne se fasse pas que de se faire en
2
dehors ou contre la volonté de l'évêque ».
Si la hiérarchie est aimée et écoutée, si les
catholiques marchent au combat sous sa direc-
tion, ils peuvent, en dépit de toutes les
menaces et malgré toutes les puissances de
l'enfer, compter encore sur des victoires... Ils
réaliseront, en tout cas, la fin suprême qu'à
voulue Jésus-Christ en instituant la hiérar-
chie, c'est-à-dire consammatlo sanctorum,
deiformitas; la sanctification de leurs âmes,
la ressemblance avec Dieu, dont ils revêti-
ront même dès ici-bas la forme et la perfec-
l
'ion .
1
PIE X, Motu proprio du 18 décembre 1903.
* Lettre du Cardinal secrétaire d'Etat, 28 juill. 1904*
3
Au sujet de la hiérarchie on peut consulter le
livre du P . SEMEKÏA, barnabite, Dogme, hiérarchie
et culte dans VEglise primitive, traduit de l'italien
par l'abbé RICHERMOZ. (Librairie Lethielleux.)
It'AJÏAItYSE DE It'ACTE DE fOI
IlCl'ltN-fc.*. IHÉOLOUiJl E *
4
L'Analyse de l'flete de Foi
1
Cap. 3, de Fide.
2
S. THOMAS, I I I , Dis t., q. i, a. 2 , ad i.
3
Nous n'avons pas à expliquer ici comment se lait
Ja révélation ni comment elle se distingue de la toi.
Voir à ce propos le remarquable article du T. R. P.
GARDEIL, Revue Thomiste, mars-avril 1904, et notre
étude suivante : Foi et révélation.
— 56 —
* *
1
Chez Lethielleux, Paris.
09 —
1
ChiltT Rarold, c. m, st. 'i.
- 6 4 -
haine : ceux-là ont eu la lumière et ils luttent
1
ouvertement contre elle . Puis, les vrais incré-
dules, qui n'ont jamais essayé une étude loyale
des dogmes : ils n'ont pas l'évidence, ils sont
réellement dans les ténèbres, mais parce
qu'ils ne veulent pas chercher la lumière et
qu'ils se complaisent puissamment dans la
nuit : Dilexerunt tenebras magis quant lu-
â
cem .
Il y aies indifférents, qui reposent molle-
ment sur l'oreiller du doute : ces question ne
les intéressent point, ils ne se les posent
même pas, absorbés qu'ils sont par les
affaires et les plaisirs. Ils restent dans les ténè-
bres, non pas qu'ils détestent la lumière, mais
parce qu'ils ne s'en soucient point.
Ensuite» les sympathiques dontnous avons
parlé, qui ont fait des efforts, essayé des
recherches, qui sont déjà impressionnés par
l'ensemble imposant des motifs de crédibilité,
mais non encore convaincus et subjugués. Ils
1
C'est à ces esprits qu'on peut prêter sans calom-
nie la parole prononcée, dit-on, par Benjamin Cons-
tant : « J'avais réuni pour prouver ma thèse plus de
quatre mille faits : quand j'ai changé d'avis, ils ont
tous fait volte-face à mon commandement. »
A
J O A N . , I I I , 19.
avouent : C'est croyable; ils ne confessent
pas : C'est certain, nous voyons qu'il faut
croire.
Un examen plus approfondi leur parait
superflu, d'autres études les captivent, les
distractions mondaines en traînent ailleurs leur
activité, et ils continuent à flotter à tout vent
de doctrine. S'il y avait encore un chemin de
Damas, ils iraient, disent-ils, se promener sur
ce chemin. En attendant, ils se jugent dispen-
sés d'aller plus loin, et ils prétendent avoir
fait beaucoup parce qu'ils se sont montrés
sympathiques au christianisme. Il ne tient
qu'à eux d'être entièrement éclairés, et, s'ils
n'arrivent pas au plein jour, c'est pour n'avoir
pas assez ardemment désiré et cherché la
lumière. Dieu ne la refuse pas à qui la
demande.
Devant eux marche le groupe que nous
avons déjà étudié. Ils ont considéré les
diverses faces du problème, ils connaissent la
solution, la lumière est faite ; ils voient qu'il
faut croire. Ce qui les arrête, c'est l'idole ; ce
qui leur manque, c'est la force. Ceux-là,
comme d'ailleurs tous ceux qui doutent, sont
des tourmentés, car c'est une vraie torture
— 66 —
1
« Le doute et l'incertitude sont le plus grand
tourment de l'esprit humain, le vrai poison de la
vie. » MAINE DE BIRAN, Pensées, p. 333.
2
AUGUSTE NICOLAS, L'Art de croire, t. H, p. 9.
_ 6 7 _
am
1
Cf. MEDINA, Comm. in l II", q. 17, a. 3.
- 6 9 -
L A C R É D I B I L I T É , L A CRËDEND1TÉ, L ' A C T E D E F O I
1
Nous employons ce mot (crédendité de creden-
dum, comme crédibilité de credibilé), parce qu'il
commence à devenir usuel et qu'il exprime très
exactement la réalité théologique.
quement qu'il faut croire. La crédendité
implique le jugement certain, définitif et
pratique : Tout pesé, il fautcroire, hic et nunc
est credendum, et le commandement efficace :
Crois donc !
Le jugement de crédibilité est d'ordre
naturel, peut être le résultat d'un raisonne-
ment, syllogisme ou induction, et être imposé
par l'évidence. La grâce peut bien aider
l'intelligence à le produire, et nous admet-
tons que, en fait, le secours divin ne man-
quera pas, bien qu'il ne soit pas absolument
nécessaire; mais ce précieux appoint n'est
pas un élément nouveau de certitude, les
motifs ont l'évidence par eux-mêmes, et il est
naturellement évident qu'il faut croire. Tout
le monde n'arrive pas à cette évidence, car
celle-ci ne nécessite pas l'esprit à la manière
d'une vérité de géométrie : mais, bien qu'elle
soit de l'ordre moral, elle a de quoi ravir un
assentiment infaillible. De là ces assertions
des théologiens, Gonet, Billuart, etc. : Mjs-
teria fidei sunt E V I D E N T E R credibilia. Nous
avons expliqué tout cela dans un autre tra-
vail. La foi, qui est immuable, ne peut
reposer sur une base mouvante ; elle ne sera
ni vraiment prudente ni vraiment certaine si
les raisons de croire ne sont que de très fortes
probabilités. Voilà pourquoi le concile du
1
Vatican appelle ces motifs des signes très
certains de la révélation, dwinœ revelationis
2
signa GERTISSJMA, et Léon X I I I , des argu-
ments certains d'une vérité certaine, tanquam
C E R T I S CERT-Œ veritatis argumentis. Le décret
du Saint-Office, 3 juillet 1907, condamne celte
proposition : « L'assentiment de foi se fonde
en définitive sur une accumulation de pro-
3
babilités . » Gomme cette certitude est anté-
rieure à la foi, elle ne peut venir que de
l'évidence.
L'assentiment de crédendité est un acte
libre, imposé par la volonté qui se détermine
elle-même, qui applique l'intelligence, qui
fait dire : Il faut croire, crois donc ! Nous
avons montré, en effet, que ce qui retient tant
d'hommes sur les hauteurs spéculatives de la
simple crédibilité, c'est la volonté, le cœur;
ce qui les fait descendre à la conclusion pra-
tique, c'est une volonté généreuse. Gomme
1
Const. Dei Filius, cap. 3.
2
Const. Mterni Patris.
3
Propos. a5.
-73
1
« Si quis, sicut augmentum, ita etiam initium
fldei, ipsumque credulitatis affectum, quo in eu ni
credimus qui justiiicat impium et ad regeneratio-
nem sacri baptismatis pervenimus, non per gratia?
donum, id est, per inspirationem Spiritus Sancti
corrigentem voluntatem nostrani ab inlîdelitate ad
fidelitatem, ab impietate ad pietatem, sed naturali-
ter nobis inesse dicit, apostolicis dogmatibus adver-
sarius comprobatur. » CONC. A R A U S I C , 11, can. 5.
8
Cf. JOAN. A S. THOMA, Cursus theologicus, édit.
Vives, tom. V I , p. 562-763.
- -A-
inséparable du jugement de crédendité. C'est
déjà aimer la foi, c'est avoir le commence-
ment du salut que de se commander prati-
quement : C'est fait, je suis décidé, il faut
croire, hic et nunc est credendum ; crois
donc! La nature est incapable de donner cet
élan et ces bonnes dispositions ; le Saint-
Esprit est donc miséricordieusement venu à
notre aide.
Quant à la foi ou créance, il est absolu-
ment certain que cet acte est libre et surna-
turel. L'objet révélé restant toujours obscur,
rien ne peut ravir l'assentiment de l'esprit, si
la volonté ne vient pas faire intimer ses
ordres et imposer une adhésion inébranlable.
D'autre part, cet acte, qui est la base et l'ori-
gine du salut, est intrinsèquement surnaturel,
et il doit être le fruit de la grâce : c'est ici
surtout qu'interviennent l'illumination et
l'inspiration dont nous avons parlé.
x
Le concile du Vatican à la suite du second
s
2 3
concile d'Orange et du concile de Trente ,
a défini ces deux points : et que l'assenti-
* De Fide, can. 5.
2
Can. 6.
3
Sess. VI, can. 3 .
ment de la foi est libre, et que la grâce
est nécessaire pour tout acte de foi, même
quand la foi n'est pas accompagnée de la
charité.
Saint Thomas n'a pas ignoré la différence
qui sépare les actes de crédibilité des actes de
crédendité. « Celui qui croit a des motifs
suffisants pour croire : il y est engagé par
l'autorité divine confirmée par les miracles. »
Voilà bien la crédibilité. L'on est convaincu
spéculativementque, non seulement les mys-
tères sont croyables, mais qu'on doit les
croire, qu'en agissant ainsi on fera acte de
prudence : non leviter crédit. « A ces
lumières de la révélation externe s'ajoutent
les secours de la grâce intérieure, l'invitation
de Dieu. » Mais tout cela, pour saint Thomas,
n'est pas encore capable d'arracher l'assenti-
ment : non habet sufflciens induetimm.
Même quand l'intelligence, aidée surnaturel-
lement par Dieu, voit qu'il faut croire, même
après qu'on a reconnu l'invitation divine, le
dernier mot n'est pas dit. On est toujours
dans la théorie. Saint Thomas insinue qu'il
faut encore d'autres actes, qui dépendent
d'une volonté libre et généreuse et dans les-
quels se trouve le mérite Ces actes consti-
tuent la crédendité. Ce sont et le jugement
pratique : En tait et tout pesé, il faut croire,
et le commandement efficace : Crois donc!
lequel est suivi infailliblement de l'acte de foi
lui-même.
COMPLÉMENT E T CONCLUSION
1
Nous signalerons un excellent article de Y Ami
du Clergé sur le jugement de crédendité, 7 juil-
let 1904. Voir aussi dans la Revue du Clergéfrançais
une discussion au sujet de la foi, entre M. Dubois et
er ER
M. Auffret, i5juin, i5août, i septembre, I novem-
bre 1904. Lire surtout l'élude magistrale du P . GAR-
DEIL, La Crédibilité. Paris, Lecoffre, 1907.
— 88 —
1
CHAPITRE PREMIER
1
S . THOMAS, QQ. Dispp. de Magistro, a. i.
— 97 —
1
Cf. P. ZANECCHIA, O. P., Inspiratio sacrarum
Scripturarum, n. 8 8 .
2
Cf. CONC. ARAUSIC. I I , can. 7, DENZINGER, n. i5o;
Coxc. TRIDENT., sess. V I , can. 3, DENZINGER, n. 695.
RÉPONSES THÉOLOMUL'ES 7
- 9 8 -
1
Cf. DENZINGEU, I5O, 6Û5, 1661.
Nous expliquions tout à l'heure que l'illu-
mination n'est pas la révélation proprement
dite; il nous faut observer maintenant que
l'illumination de la foi doit s'ajouter à la
révélation. Voici un prophète qui lit claire-
ment dans l'avenir; il a conscience que Dieu
lui parle, il est inondé de sa lumière : ce n'est
pas encore la foi. Il faut qu'une nouvelle
touche agisse sur son intelligence, qu'une
nouvelle grâce ébranle sa volonté. Pour
nous aussi, même après la perception très
nette de la révélation, rien n'est encore fait,
nous pourrions rester incrédules : Dieu doit
intervenir pour nous aider à former le der-
nier jugement efficace, emporter la détermi-
nation définitive, suivie de l'acte salutaire : J e
crois.
Ainsi, l'illumination surnaturelle, selon les
divers points de vue, est moins et plus que la
révélation. Elle est moins dans ce sens qu'elle
peut se produire et se répéter sans apprendre
du nouveau, éclairer nos données acquises
sans introduire d'autres notions; elle est
plus dans un autre sens, puisque, même
quand la révélation nous a appris l'inconnu,
l'extraordinaire, le divin, l'esprit n'est pas
— io5 —
P A S D E F O I SANS KEVELATION
2
Voir, pour l'opinion cVANDRÉ VÉGA, son ouvrage
De Justijicatione, t. XV, 1. 7; pour celle de RIPALDA,
son traité De ente supernaturali, disp. X X et
disp. LXIII.
— io7 —
Ma contigit justificatio \
Saint Thomas avait déjà établi ces principes
et tiré ces conclusions : « Le moyen en vertu
1
De Fide, can. a, DENZINGER, I658.
S
DENZINGER, I638.
8
Ibid. 164a.
%
duquel la foi adhère aux divers articles est
unique : on croit à cause de la Vérité pre-
mière proposée à nous dans la sainte Écriture
selon la doctrine de l'Eglise. Quiconque
manque de ce motif est absolument incapable
d'avoir la foi. Et ideoqui ab hoc medio decidit
totaliter fide caret . » La Vérité ainsi propo-
1
1
S . THOMAS, loc. cit.
R E P O S E S THEni.Or.lQUES *
- II4 -
1 a ae
Cf. S. THOMAS, ll Il , q. i, a. 5 : Utrum ea
quœ sunt fidei possint essescita.
2
C'est ce que nous exposons dans l'élude sui-
vante : Les concepts dogmatiques.
CHAPITRE III
GER, 1642.
I20
1
vérité . Saint Thomas croit aussi que, dans
l'ancienne loi, des révélations furent ména-
gées aux Gentils par l'intermédiaire des
anges*. Pourquoi ce ministère aurait-il cessé à
l'égard des païens actuels, dont le nombre
est, hélas! si considérable? SaintThomas sera
bien loin de le nier, puisque, selon lui, Fac-
tion des anges sur l'intelligence humaine
rentre dans le plan de la Providence et con-
3
court à l'exécution du gouvernement divin .
Nous ne prétendons pas que ces interven-
tions soient très fréquentes; mais un théolo-
gien a le droitde les prévoiret de les signaler,
et on serait mal venu à leur opposer une fin
absolue de non-recevoir. Elles sont d'autant
plus vraisemblables que chaque homme,
même parmi les infidèles, est confié par Dieu
à un ange gardien
Le moyen le plus efficace, qui peut rem-
placer tous les autres, c'est l'action souve-
raine de la Providence, qui atteint le plus
1
Cœlest. Hierarch., c. iv, P. G., 111,180.
- III Sent., dist. 20 q. 2, a. 2. sol. 2.
3
C'est, en effet, dans le traité De Gubernatione
rerum que saint Thomas examine iitrum angélus
possit illuminare hominem. 1P., q. m , a. 1.
* Cf. S . THOM-, I P . , q. n 3 , a. 4.
123 —
1
Sent., dist. a5, q. 2, a. a, sol. 2.
des divers cultes ne peuvent être comparées
à l'adorable Trinité; mais il y a là des élé-
ments que la vertu révélatrice peut élever et
transformer, et dont elle peut se servir pour
produire dans ces intelligences grossières
l'idée et la notion des célestes réalités.
Cette solution devient encore plus vrai-
semblable dans la théorie que soutiennent
M. Vacant et surtout M. F . Schmid : ils
pensent que certains restes de la révélation
primitive persistent toujours dans la plupart
des religions et que c'est la voie ordinaire
dont Dieu se sert, dans les contrées idolâtres,
pour amener tes âmes à la foi surnaturelle.
Que resle-t-il, en fait, de la révélation
divine dans ces religions multiples, il est bien
1
difficile de le démêler ; mais, quoi qu'il en
soit de l'origine de certaines croyances, nous
comprenons qu'il puisse y avoir là des données
utilisables, que la lumière céleste corrigera
et transformera et qui aideront à la concep-
tion des vérités surnaturelles nécessaires au
salut.
1
Cf. P . LAGRANGE, Religions sémitiques, Intro-
duction; P . PRAT, La Science de la religion et la
Science du langage.
Ce qui est certain, c'est que Dieu, dont la
miséricorde et les ressources sont inépui-
sables, ne refusera jamais sa grâce à quicon-
que ne s'en rend pas indigne.
Il semble que c'est surtout à l'heure de la
mort que le Rédempteur se présente et frappe
à la porte des âmes, et leur offre sa lumière
pour la dernière fois. L'esprit alors est plus
apte à saisir la clarté divine, parce qu'il est
plus abstrait, plus indépendant du corps:
préludant, en quelque sorte, à l'existence de
l'au-delà, il peut plonger dans les secrets du
ciel un regard plus épuré et plus libre. C'est
la remarque qu'avaient faite saint Grégoire le
1
Grand et saint Thomas . Nous aimons à pen-
ser que beaucoup de mourants ouvrent avec
joie ces yeux de l'âme et les fixent avec per-
sistance dans cette lumière qui les inonde;
que beaucoup répondent aux sollicitudes de
la Bonté infinie, qui leur dit : Voulez-vous
1
« Aliquando autem exiturae de corpore anima;
per revelationem ventura cognoscunt. Aliquando
vero, dum jam juxta sit ut corpus deserant, divini-
tus afflatœ in sécréta cœlestia incorporeum mentis
oculum mittunt... Vis anima? aliquando suhtilitate
sua ea quœ sunt ventura cognoscit. » S . GREG. MAGN.,
IVDialog., c. xxvi, P.L., LXXV1I,35;. — Cf. S.THO-
a ac
MAS, I l l l , q. 179, a. i, ad 1.
de moi? et terminent leur vie dans un acte
de foi et de charité.
Remarquons, en effet, que les actes d'in-
telligence et de volonté, surtout dans l'état
d'abstraction où nous supposons l'âme hu-
maine qui est sur le point de quitter ce
monde,ne sont pas longs à se produire ; plus
rapides encore que la vision du regard, ils
peuvent s'accomplir en un instant: Subito
enim et in instanti perficitur operatio intel-
lectus et voluntatis, multo magis quant visio
corporalis, eo quod intelligere, celle et sen-
tire, non est motus imperfecti, quod succes-
sive perficitur, sed est actus jam perfecti*.
Si cette suprême illumination peut sauver
le païen, nous comprenons mieux encore
qu'elle puisse réveiller et ressusciter dans les
chrétiens apostats les croyances premières
depuis longtemps éteintes, assoupies ou frap-
pées de mort.
Voilà la consolante perspective que notre
théologie ouvre sur l'au-delà... Cette doctrine
jette un jour très pur sur le mystère de l'ago-
nie: elle nous donne une idée de cette misé-
1
S. THOMAS, III P., q. 34, a. 2.
— 138 —
R É P O \ < F S THÉoi.nf.HJUE*'
Les Concepts dogmatiques
que i
les Etudes fondées par les Pères Jésui-
1
3
tes , la Revue Thomiste etc.
%
9
1
S . THOM., I P., q. 84, a.
— i35 —
1
d'avoir recours à elle pour se justifier . »
L'objet de notre esprit c'est donc l'idéal»
mais tiré du réel; c'est l'intelligible, l'imma-
tériel, le nécessaire, mais exploré dans le con-
tingent et le sensible; c'est l'abstrait, mais
regardé dans le concret et justifié dans l'expé-
rience. Il y a ainsi une sorte de proportion et
d'égalité entre l'Ame humaine et l'objet pro-
pre de noire entendement. Notre âme n'est
ni une substance matérielle ni un pur esprit;
c'est un esprit dans la matière, sans les con-
ditions de la matière, car elle les domine et
les dépasse comme à l'infini. De même, l'ob-
jet de notre intelligence n'est point le maté-
riel ou le sensible pur, ni l'immatériel absolu;
c'est le spirituel puisé dans la matière, mais
sans les conditions de la matière; l'idée tirée'
du phénomène empirique est au-dessus de
toute la portée du sensible, car elle repré-
sente le nécessaire, l'universel.
On voit par là la différence entre l'enten-
dement humain et l'entendement angélique.
L'ange est une nature entièrement affranchie
des sens, qui doit exister sans le corps, réa-
1
T. R. P. G A R D E I L , Revue Thomiste, t. XI, p. 646.
— i36 —
1
Cf. S. THOM., 1 P., q. 55, a. 2 .
- i3 7 -
1
Cf. 1 P., q. 84, a. ;
— i38
1
Nous avons exposé cette théorie dans notre
livre : La Mère de Grâce, pp. fo-fa, 117-121.
2 a ae
Cf. S . THOM., ll ll , q. 173, a. 2 et 3; et QQ.
Disp, de VeriL, q. 12, a. 7.
Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, des premiers
hommes qui furent chargés de communiquer
les mystères à l'humanité, et lors même qu'ils
auraient eu des visions intellectuelles, comme
1
on le pense pour Adam , il est manifeste que
le commun des croyants n'arrive aux vérités
de la foi que par le témoignage extérieur et,
partant, par le ministère des sens. Nous
n'avons de nos dogmes pas d'autres concepts
que ceux que nous formons nous-mêmes
par le procédé de l'abstraction. L'acte d'adhé-
sion que nous accordons à ces vérités est
bien surnaturel, puisqu'il procède de la
grâce et qu'il suppose dans l'intelligence
l'illumination, et dans la volonté l'inspi-
ration du Saint-Esprit-: mais les idées qui
les expriment sont naturelles et acquises.
La lumière divine pénètre au fond de
ces concepts et leur donne de devenir le
principe d'un assentiment surnaturel, sans
1
« Secundum quod intellectus intelligit Deum per
aliquas inlelligibiles iinniissiones, quod est proprie
angelorum; et sic fuit extasis Adœ. » De Verit*,
q. i3, a. 2, ad 9.
-Cf. CONC, ARAUSICAN., H , can.7,DENZINGER, I5O;
CONC. TRIDENT., can. 3, DENZINGER, 696; CONC. V A T I -
CAN., cap. 3, de Fide, DENZINGER, 16^0.
modifier leur mode et leurs conditions.
Quand je fais l'acte de foi : J e crois un seul
Dieu en trois personnes, la notion de Dieu et
la notion de personne ne me sont point infu-
sées, ce sont celles-là mêmes que je me suis
procurées par l'abstraction: seulement la
touche du Saint-Esprit, qui est tombée sur
mon intelligence, descend aussi sur elles
pour leur prêter un jour surnaturel. De même
que dans la prophétie la lumière divine, sans
infuser des représentations nouvelles, utilise
les images des choses que le prophète a déjà
vues, les dispose et les combine de la manière
qui convient pour désigner l'événement fu-
1
tur ; de même, et à plus forte raison, la
lumière de la foi n'introduit en nous aucun
concept particulier, mais elle éclaire les con-
cepts déjà formés, elle fortifie l'esprit pour
qu'il voie, juge, donne son assentiment.
Fécondée par ces idées acquises qui ont été
illuminées ainsi par le Saint-Esprit, ennoblie
elle-même et élevée par celte grâce, notre
1
« Ularum rerum quas propheta vidit non oportet
ut ei denuo species infundantur; sed ex speciebus
reservatis in thesauro virtutis imaginativse ûat
qusedam aggregatio ordinata, conveniens désigna-
tioni rei prophetandse. » Q. 12. de Verit., a. 7, ad i$.
RÉPONSE-^ THhOLOM«jUES lU
i46 —
intelligence fait un acte d'adhésion surnatu-
relle, elle exprime et dit ses conceptions dans
un verbe mental qui est le couronnement du
procédé intellectuel. Ce verbe est sans doute
surnaturel, puisqu'il est le produit et le terme
d'une connaissance surnaturelle, mais il n'est
pas plus intuitif que l'idée tirée du phéno-
mène empirique. L'esprit ne parle ses objets
qu'à la manière dont l'abstraction les lui
représente, c'est-à-dire par la voie de l'ana-
logie, laquelle, avons-nous dit, comporte le
double travail de comparaison et d'élimina-
tion.
CHAPITRE III
1
Q. a3. De Verit., a. 7, ad 9
— Ï5O —
1
1 P., q. 12, a, i, ad 4-
— T O I
1
« Est quasi organicum instrumentant quod con-
stat ex parle movente et ex parte niota, sicut in
viventibus una pars movet aliam. » JOANNES A S .
8,
THOMA, Logica, I P . , q. a. 4-
i56 —
1
C'est, du moins, ce qu'enseignent les Thomistes
avec le plus grand nombre des théologiens. Cf. JEAN
DR S . THOMAS, Cursus Théologiens, q, 1* Primae Par-
tis, disput. II, a. V .
implicitement. Ainsi, supposée l'union hypos-
tatique, nous aurions pu déduire nous-mê-
mes ce que l'Evangile nous apprend, que
Jésus-Christ est plein de grâce et de vérité;
Targumentationaussi aurait pu,endémontrant
que Notre-Seigneur a une volonté et des opé-
rations humaines, établir diverses vérités
qui sont cependant contenues dans la révé-
lation et que l'Eglise a pu définir contre les
monothéliles. Mais, quand la proposition est
une conclusion strictement théologique, et
que le secours du raisonnement est Y unique
moyen de la découvrir, elle n'est pas et ne
peut pas être l'objet de la foi divine; car le
motif qui nous y fait adhérer n'est point l'au-
torité de Dieu révélateur, mais Y évidence du
lien qui rattache le conséquent à l'antécé-
dent.
Même quand l'Eglise donne son approba-
tion aux théories des théologiens, elle ne les
érige pas en dogmes. Parfois, elle les adopte
comme plus probables et plus conformes à la
1
tradition et il est alors manifeste que cespré-
1
« Opinionem quae dicit tara parvulis quani adul-
tis conferri in baptisino informantem gratiain et
virtutes tanquam probabiliorem et dictis sanctorum
— i5o —
férences ne nous imposent pas l'obligation ab-
solue de croire; parfois elle les fait siennes et
lesproclame certaines, attendu que la négation
de cet enseignement aboutirait logiquement à
la négation d'un point défini. Nous croyons ces
vérités d'une foi ecclésiastique, et il y aurait
témérité grave à les révoquer en doute, parce
que nous devons admettre que l'Eglise est
assistée par le Saint-Esprit pour protéger et
défendre toute la doctrine surnaturelle ; mais
ces conclusions ainsi canonisées par le magis-
tère infaillible ne sont point les définitions,
objet de la foi, vertu théologale.
On voit que l'évolution de la théologie est
plus profonde et plus vaste que celle du
dogme. Le progrès théologique comporte
tout un développement doctrinal, qui explore
scientifiquement et en tout sens le contenu
de la révélation, qui, combinant les principes
de la foi avec les vérités naturelles, utilisant
les ressources de l'analyse et de la synthèse,
arrive à des conséquences entièrement nou-
velles, que les premiers siècles n'avaient ni
1
clarté . » Cependant les spéculations théolo-
giquesontédiûédenombreux systèmes. «Cette
vérité n'apas toujours été expliquée de la même
manière, ni comprise avec une égale intel-
ligence. A côté de la foi identique il y a place
8
pour une théologie progressive et variée . »
Voici le dogme de la consubstantialité du
Verbe.
Le terme n'est pas dans l'Ecriture, et il fut
vivement combattu par l'arianisme au qua-
trième siècle ; mais cette vérité : le Christ est
consubstantiel au Père, delà même substance
que le Père, est contenue équivalemment
dans d'autres affirmations des saintes Lettres,
par exemple : Le Christ est un avec le Père,
Ego et Pater unum sumus*: le Christ est
4
créateur comme Dieu ; le Christ est l'égal de
3
Dieu ; le Christ est le Dieu béni dans tous les
siècles : Ex quitus (Israelitis) est Christus
secundum carnem, QUI E S T S U P E R OMNIA D E U S
6
BENEDICTUS IN S ^ C U L A .
1
J . RIVIÈRE, Le Dogme de la Rédemption, p. 489.
2
P.
490.
3
JOAN., X , 30.
* Coloss., I , l3-20.
3
Philipp., ii, 6.
fi
Rom., ix, 5. — Sur la portée de ce texte, voir le
— i6p -
1
S . JUSTIN., 1 Apolog., 6, P . G., V I , 33?.
même nature que le Père : Gommunionem
substantiœ esse cum Filio...* unius substan-
tiœ*.
Les expressions dont il se sert font « con-
2
clure qu'il admet le consubstantiel strict ».
Tertullien aussi a touché au consubstantiel
proprement dit, et en a trouvé la formule
définitive, très personœ, una substantiel, celle
qui restera la formule de l'Eglise latine, bien
qu'il ne s'en soit pas rendu entièrement maitre
3
et n'en ait pas compris toute la portée .
Au quatrième siècle, l'arianisme oblige les
docteurs catholiques à faire la lumière com-
plète. Toutes les équivoques sont dissipées,
et, maintenant qu'il est bien établi que le
terme de consubstantiel exprime exactement
la doctrine révélée, l'Eglise le canonise au
concile de Nicée : il est désormais immortel.
Le concept s'est donc précisé peu à peu, il
s'est illuminé de la clarté croissante des
siècles, il n'a pas signifié une réalité diffé-
rente de celle qui fut enseignée à l'origine.
* P . G., X I V , i3o8.
2
J . TIXEROXT, Histoire des Dogmes, la Théologie
anténicéenne, p. 287.
3
IDEM, p. 338.
— IJ'2
P r e n o n s l e s dogmes s a c r a m e n t a i r e s .
M. Pourrat conclut ainsi son étude : « Si
Ton excepte certains points secondaires,
comme les réordinations du haut moyen âge,
l'historien est obligé de reconnaître qu'il y a
entre les définitions du concile de Trente et
l'usage que l'Eglise a fait des sacrements,
depuis leur origine jusqu'à nous, une confor-
mité substantielle de nature à satisfaire qui-
conque n'est pas de parti pris. Sans doute, la
manière dont l'Eglise a administré ses sacre-
ments a varié, mais ces variations n'atteignent
jamais le fond des choses. La signification
essentielle des rites sacramentels et l'usage
qu'on en doit faire n'ont subi aucune altéra-
tion »
La doctrine de l'ImmacuIée-Gonception est
une de celles dont l'évolution a été la plus
remarquable et la plus profonde. Le passage
de l'implicite à l'explicite, lent et laborieux,
%
1
POURRAT, La Théologie sacramentaire,j>. 365.
- 173 -
4
PIE IX, Bull Inejffabilis.
— 174 —
Pie I X , pour l'établir, fait appel à l'Écri-
ture, à la Tradition, au sens catholique :
Quant divina eloquia, veneranda traditio,
perpetuus Ecclesiœ sensus, mirifice illustrant
atque déclarant . 1
Saint Hippolyte de Rome
atteste la croyance de la primitive Eglise lors-
qu'il affirme l'incorruptibilité et l'impecca-
bilité de la Vierge Marie. « Son témoignage
sur l'absence de toute faute en Marie est
d'autant plus remarquable que, venantcomme
une simple observation incidente, il exprime
3
plus naïvement la foi de l'époque . »
Lors des grandes discussions contre le
pélagianisme, 'saint Augustin, l'intrépide
champion des dogmes de la grâce et du péché
originel, a bien soin de déclarer que partout
où il est fait mention du péché, il faut abso-
lument exclure la sainte Vierge Marie :
Excepta itaque sancta Virgine Maria, de
qua propter honorem Domini nullam pror-
sus, cum de peccatis agitur, haberi vola
1
Bull. Ineffabilis. — Pour le développement de
chacune de ces preuves, scripturaires, liturgiques,
patristiques, etc., voir Dom LAURENT JANSSENS, De
Deo-Homine, t. Il, Dissert. De Inimac. Concept.
2
B A R O E N H E W E K , Les Pères de l'Eglise, t.I, § a5,
traduct. GODET et VERSCHAFFEL.
quœstionem . Or, d'où peut venir cette
1
1
NEWMAN, par H . BREMOND, p. 18,19.
L'ÉTAT DES AjBES SÉPARÉES
Ii'État des Urnes séparées
1
VALKR. MAXIM., Il, 6, 10.
Les Romains non plus n'avaient pas attendu
de connaître Pythagore et Platon pour être
assurés que l'homme ne meurt pas tout entier.
Cicéron nous dit qu'aussi haut qu'on remonte
dans l'histoire de Rome, on trouve des traces
de cette croyance, qu'elle existait déjà à
l'époque où l'on " s'avisa de faire les plus an-
ciens règlements civils et religieux, et qu'on
ne comprendrait pas sans elle les cérémonies
des funérailles et les prescriptions des pon-
1
tifes au sujet des tombeaux . »
La mythologie et la poésie grecques avaient
devancé les Romains. « Il est donc vrai,
s'écrie Achille dans l'Iliade, que jusque dans
les demeures d'Hadès il subsiste quelque
reste de vie M » Le X I chant de Y Odyssée a
e
1
La Bible et les découvertes, t. III, i3^-i3g.
— IC)I —
1
S. JUSTIN., A polo g., I, 8, P. 67., VI, 33?.
— 199 —
1
P . MONSABRB, 94 e
conférence.
- if>3 -
1
EcclL, XI, 28-29.
2
L U C , XVI, 22.
3
S . HILA-RIUS, Tract, in Psalm., I I , n. 48, P . L.,
I X , 290.
13
— if)4 —
1
S . AUGUSTIN., De Anima et ejus origine, lib. li
n. 8, P. L., XLIV, 498-499-
2
S . GHEGOR. MAGN. , Homil. i3 in Evang., n. 3,
P . L . , LXXVI, xxa4.
0
a Certitudes sur le paradis.
1
S . IREN., Adv. Hœres.j lib. V , c. xxxi, P. G.,
V I I , 1209.
2
LACTANT., Divin, lnstit., lib. V I I , c. xxi, P. Z,.,
V I , 802-803.
- içfi -
1
Ad Philipp., c. ix, P. G., V, IOI3
2
S. CYPRIAN., Ad Fortunatum, i3, P. IV,
675*676. — Cf. TERTULL., De Resarrect. corn., 43»
P. £.,11,856.
3
C'est déjà la doctrine des Pères grecs, que saint
Thomas, à la suite de saint Augustin, expliquera
d'une manière plus complète Cf. S . GREGOR. NA-
ZIANZ., Orat. ao, P. G., XXXVI, loi ; S. EPIPHAN.,
Hœres., 77, n. 35, P. G.,XL1L, 696; S. THOM.,111 P.,
q. 5a, a. 5.
— xp8 —
1
obtenu la dignité et la sécurité des anges .
Saint Ambroise console les fils de Théodose
en leur montrant leur père dans la cité du
bonheur. Les anges et les archanges viennent
à sa rencontre et lui demandent: Qu'avez-
vous fait sur la terre? Il répond : J'ai aimé.
Il est introduit dans la paix, dans ce repos
dont il est dit: Venez, les bénis de mon Père,
possédez le royaume qui vous a été préparé
dès l'origine du monde. Il s'est hâté d'entrer
dans la Jérusalem céleste. C'est là qu'on
trouve la vraie gloire, qu'on possède cet em-
pire qui faisait dire à l'Apôtre : J e consens à
être loin de mon corps pour être présent de-
vant Dieu. Il jouit déjà, Théodose, fruitur
nunc, il jouit maintenant de la lumière éter-
nelle, de la tranquillité durable; et, pour les
travaux qu'il a supportés ici-bas, il goûte les
fruits de la divine récompense. Il est dans la
2
lumière et dans la compagnie des saints .
1
Orat., n.
18, 4,
P. G., XXXV, 989; Cf. Orat.zÇ,
n. 19, P . G., XXXV, 1193.
2 is
De Obitu Theodosii, n 18, 28, 3o, 3i, 32, P. L.,
XVI, 1392-1398. — Quoi qu'il en soit de ses autres
écrits, saint Ambroise professe ici très clairement
que l'entrée au ciel est immédiate, que la récom-
pense des justes n'est pas différée jusqu'à la résur-
— 199 —
A l'époque de saint Grégoire le Grand,
cette croyance est très répandue; l'illustre
docteur invoque l'autorité de saint Paul pour
prouver que les âmes sans tache voient Dieu
1
aussitôt après la mort .
Devenue désormais universelle, cette doc-
trine va être définie par l'Eglise. Le concile
de Lyon, en 1274* déclare que les âmes puri-
2
fiées sont reçues au ciel sans délai ; mais,
comme quelques théologiens prétendent en-
core qu'elles peuvent aller en paradis sans
jouir de la vision béatifique, Benoit XII met
fin à toutes les controverses par sa célèbre
constitution Benedictus Dem> du 29 jan-
vier i336. Les âmes justes, qui n'ont rien à
expier, aussitôt après leur mort, et celles qui
ont à expier, dès que leur purification est
achevée, sont admises au ciel avec Jésus-
1
S. HILARIUS, Tract, in Ps., Il, n. 48, P. L., IX,
290.
2
S . AMBROS., De obitu Theodos., n. 39, P. Z - ,
XVI, Ï3Q8.
— 203 —
même donc que la béatitude réjouit les élus,
ainsi faut-il que le feu brûle les réprouvés du
jour même de leur mort: Necesse est quod A
1
DIE E X I T U S IGNIS reprobos exurat . »
L'Eglise sanctionnera officiellement l'ensei-
gnement de ses docteurs: « Nous définissons,
dit Benoit XII, que, selon la loi commune
établie par Dieu, les Ames de ceux qui meu-
rent dans le péché mortel vont aussitôt après
leur mort en enfer, où elles endurent leur
supplice, et que néanmoins tous les hommes
au jugement dernier devront comparaître
avec leurs corps au tribunal du Christ, pour
rendre compte des œuvres bonnes ou mau-
vaises accomplies dans leurs corps sur celte
2
terre . Lésâmes de ceux qui meurent dans
le péché mortel, redit le concile de Florence,
descendent en enfer aussitôt après la mort et
de même celles qui ont quitté ce monde avec
le seul péché originel, mais la peine de
5
celles-ci est bien différente . »
Un autre document ecclésiastique, le sym-
1
S. GREGOR. M., IV Dialog., c. xxvui, P. L.,
LXXV1I, 365.
2
DENZINGER, 456.
* IDEM, 588.
— 204 —
bole dit de saint Alhanase, que l'Eglise a fait
1
sien et qu'elle oblige ses clercs à réciter ,
enseigne dans un même article de foi l'éter-
nité des peines et des récompenses. « Qui
bona egerunt, ibunt in çitam œternam; qui
çero mala, in ignem œternum. » Le V concile e
U
4 Certitudes sur le purgatoire.
1
MATTH., XII, 3a.
2
« Neque enim de quibusdam veraciter diceretur
quod non eis remittatur neque in hoc sœculo neque
in futuro, nisi essent quibus, etsi non in isto, tanien
remittetur in futuro. » De Civit. Dei, lib. X X I , c. xxiv,
P . L., X L I , 738.
3
TERTULIAN., DeCorona Militis, c. m, P . L., Il,79.
— 20S —
1
Sess. V I , can. 3o, DENZINGER,
l Sess. X X V , DENZINGER, 856.
a
Sess. X I I , cap. II, DENZINGER, n. 617.
4
IDEM, n. 866.
212
1
Cf. S . TUOM., De Veritate, q. 19, a. 1.
— 217 —
elles persistent donc avec elle dans la vie
d'outre-tombe.
S'il est prouvé, au contraire, que l'âme
s'unit substantiellement au corps, que la sen-
sation requiert un sujet matériel comme les
objets extérieurs qui agissent sur lui, il
devient manifeste que le règne des émotions
organiques se termine à la mort. L'âme est la
racine de toutes ses puissances, elle les porte
en germe dans ses profondeurs, elle ne se
conçoit pas entièrement sans elles, et elle ne
fait point valoir toutes ses richesses et toute
sa vertu quand elle ne joue plus le rôle de la
forme végétative et de la forme sensitive.
Mais, pour réaliser toutes ces capacités, il
faut un instrument et un support; ce sujet
immédiat, c'est l'organisme animé, composé
vivant de matière et d'âme. La catastrophe
finale Ta brisé; donc impossible l'épanouis-
sement des facultés mixtes : plus d'impres-
sions nerveuses, plus de ces douleurs qui
proviennent du déchirement ou de la sépara-
tion violente des parties; plus de sensation.
Cependant, puisqu'elle est la racine de ces
facultés, elle les conserve virtuellement et
comme retirées au dedans d'elle-même, et, si
un jour elle est réunie à son corps, elle
pourra aussitôt, sans création nouvelle et
sans miracle particulier, les déployer à Taise
dans l'organisme rétabli.
Elle doit garder en plein exercice les puis-
sances dont elle est la base et le sujet
uniques. Même durant l'état d'union elle avait
à son sommet des énergies exquises, une
intelligence et une volonté qui ne furent ja-
mais mêlées à la matière. Elles vivaient en
dehors et au-dessus du terrestre et du sen-
sible, alors que l'âme communiait à notre
monde ; cesseraient-elles donc, quand l'âme
communie au royaume des esprits? Elles
persistent sans aucun doute; mais comment
agiront-elles, puisque leur travail, tout en
restant en dehors de la matière, requérait en
cette vie le concours préalable de l'imagina-
tion et des sens? — Ce qui est essentiel à
l'opération intellectuelle, c'est d'atteindre un
objet spirituel : il y a connaissance lorsque
l'esprit immatériel et l'intelligible immatériel
se rencontrent, se touchent et s'unissent.
Comment cet objet arrivera-t-il jusqu'à l'intel-
ligence? Dans la vie présente, il n'y pénètre
qu'après un laborieux voyage et comme par
— 210
1
Cf. B. ALBERT.* De Natura et origine Animas,
tract. II; S . THOMAS, De Unitate Intellectus contra
Averroem; P. COCONNIER, L Ame humaine, p. 349 ss.
- Cf. I P., q. 89, a. 1.
221
1
nuit . La nuit des sens, dit le P. Poulain :
i° est une aridité; 2° avec cette particularité
que l'âme ne trouve de facilité qu'à un souve-
nir unique, celui de Dieu ; 3° elle a aussi un
désir unique, celui de posséder Dieu davan-
tage; enfin, 4° cette orientation se fait d'elle-
même...
L'ennui résulte de cette aridité. Les facul-
tés s'exaspèrent d'être ainsi désœuvrées. Elles
voudraient du mouvement, de la variété; or,
les voilà sans cesse condamnées à l'immobi-
lité, à une occupation monotone!... La se-
conde nuit, ou second purgatoire, est la nuit
de l'esprit, parce que les facultés intellec-
tuelles sont dans l'obscurité divine, éprouvent
de grandes souffrances à cause de leur inac-
tion*. M. Dubois estime que les opérations
de l'âme séparée ont quelque chose d'ana-
logue ; qu'on peut appeler « Jeu spirituel,
cette peine très réelle qui résulte pour les
âmes du purgatoire du mode defonctionne-
ment anormal de leurs facultés »; que la
peine du sens « ne résulte pas de l'action
1
Revue du Clergé français, t. XXXII, p. 277.
* Cf. P . POULAIN, Les Grâces d'Oraison, deuxième
p a r t i e , ch. xi et ch. xvi.
— 2^4 —
1
Revue du Clergéfrançais, t. XXXII, p. 28a, note.
— M5 —
1
Revue du Clergé français, t. XXXII, p. 281-982.
— ZIJ —
1
« Secundum modum essendi segregata& sunt a
conversatione viventium, et conjunctœ conversât-
ioni spiritualium substantiarum, quœ sunt acorpore
separalae. » S . THOM., I P . , q. 89, a. 8.
— 228 —
1
« O prseclarum diem, quum ad illud divinum
aniiuoruxn concilium cœtumque proflciscar, quura-
que ex hac turba et colluvione discedam ! » GICERO,
De Senectute, 84«
— 229 —
4
Cf. I P . , q . 58, aa. 3 et 4.
— a33 —
1
« L'essence des esprits et celle des corps nous
sont inconnues, avoue Th. REID. NOUS connaissons
certaines propriétés des uns et certaines opérations
des autres, et c'est par là seulement que nous pou-
10
2^2 —
1
« Si haberent plenitudinem intellectualis luminis,
sicut angeli, statim in primo aspectu principiorum
totam viriutem eorum comprehenderent, intaendo
quidquid ex eis syllogizaripotest.» 1 P., q. 58, a. 3.
â
« Le travail intellectuel accélère le cœur, aug-
mente la pression sanguine dans les artères péri-
phériques, donne lieu à des phénomènes de vaso-
— 246 —
1
1 P., q. 89, a . 8, a d i .
CHAPITRE V
1
Nous savons, en effet, que les anges furent créés
en même temps que la nature corporelle ; « Simul
ab initio temporis utramque de nihilo condidit crea-
turam, spiritualem et corporaîem, angelicani videli-
cet et mundam ; ac deinde humanam, quasi com-
rauneiu ex spiritu et corpore constitutam. » Goxc.
LATER., I V , cap. Firmiter, DENZINGEK, 355. Il est éga-
lement certain que rien ne sera jamais anéanti :
« Simpliciter dicendum est quod nih.il omaino in
nihilum redigetur. » S . THOMAS, I P . , q. io4, a. 4-
3
Cf. I P., q.8, a. 2, q. 5a, aa. i et 2.
206 —
1
La S. C. de l'Index, dans un décret approuvé par
Pie IX, le io juin i855, obligea M. Bonnetty à sous-
crire cette proposition : Ratiocinatio... animœ spiri-
tualitatem cum certitudîne probare potest. DENZIN-
GER, 1006. — La S. C des Evêques et Réguliers lit
promettre à M. Bautain ce de ne jamais enseigner
qu'avec la raison toute seule on ne puisse démon-
trer la spiritualité et l'immortalité de l'âme ». Cf.
D E RÉGNY, UAbbé Bautain, pp. 333-338.
2
Cf. Epist. Pu IX ad Archiep. Colon*, i5 juin
i855, DENZINGER, i5og.
HEPoN-E» lHLnltn l'„>U-
17
— a58 —
1
Cf. S . THOMAS, Supplem., q. 69.
2
« Nonne omnes sunt administratorii spiritus, in
ministerium missi propter eos qui haereditatem
capient salutis? » Heb., 1, 14.
— a5p —
1
Cf. S. THOMAS, q. 16, De Malo, a. i, ad 14, et
Opusc. 11, a. 3.
2
« Substantia angeli non est subdita loco ut con-
tenta, sed est superior eo ut continens; unde in
potestate ejus est applicare se loco, prout vult, vel
per médium vel sine medio. » I P., q. 53, a. a.
3
S. THOMAS, Supplem., q. 69, a. 3.
— 260 —
1
RIBET, La Mystique divine, ch. ix.
261
1
111 P., q. 45, a. 3, ad a.
— u66 —
1
« Porro si et magi phantasmata edunt, et jatn
defunctorum infamant animas; si pueros in eloquium
oraculo elidunt, si multa miracula circulatoriis
prœstigiis ludunt, si et somnia immittunt habentes
semel invitatorum angelorum et dœmonum assis-
tenteni sibi potestatem, per quos et caprœ et mensœ
divinare consueverant. » TERTULL., Apolog., c. a3,
P. L. f I , 410-411.
2
LeviU, x, 6.
3
Coxc. BALTIM., I I , n. 4**
CHAPITRE VI
RÉSUMÉ ET CONCLUSION
1
S . THOMAS, II Cont. Gent., c . 79.
- aG 9 -
PRÉFACE,
CHAPITRE PREMIER
LA NOTION DE HIÉRARCHIE SUPPOSE
UNE SOCIÉTÉ INÉGALE
CHAPITRE II
LA HIÉRARCHIE D*ORDRE
CHAPITRE III
LA HIÉRARCHIE DE JURIDICTION
CHAPITRE IV
LA NOTION DE L'ÉGLISE ET LA HIÉRARCHIE
CHAPITRE V
LES RAPPORTS DU PEUPLE AVEC LA HIÉRARCHIE POUR
LES ÉLECTIONS ET L E GOUVERNEMENT DE L'ÉGLISE
CHAPITRE PREMIER
LES DIVERSES ÉTAPES QUI MÈNENT A I.'ACTE DE FOI
CHAPITRE II
LA CRÉDIBILITÉ, LA CRÉDENDITÉ, L'ACTE DE FOI
CHAPITRE III
COMPLÉMENT ET CONCLUSION
Foi et Révélation
Les concepts exprimés par ces deux mots sont-
ils identiques? — Théories de M. Loisy et de
M. Gutberlet 91
CHAPITRE PREMIER
NOTION DE LA RÉVÉLATION DIVINE. — COMMENT ELLE
SE DISTINGUE DE L'ILLUMINATION SURNATURELLE ET
DE LA FOI.
CHAPITRE III
COMMENT DIEU ACCORDE A TOUTES LES AMES DE BONNE
VOLONTÉ LA CONNAISSANCE DE LA RÉVÉLATION
SURNATURELLE.
CHAPITRE PREMIER
COMMENT SE FORMENT NOS CONCEPTS
DES VÉRITÉS NATURELLES
CHAPITRE II
COMMENT SE FORMENT NOS CONCEPTS
DES VÉRITÉS RÉVÉLÉES
CHAPITRE III
L'IMPERFECTION ET L'EXACTITUDE DANS NOS CONCEPTS
DES VÉRITÉS SURNATURELLES
CHAPITRE IV
LA STABILITÉ ET L E PROGRÈS DANS NOS CONCEPTS
DES VÉRITÉS SURNATURELLES
CHAPITRE V
QUELQUES EXEMPLES QUI NOUS FONT VOIR L E PROGRÈS
DANS L A STABILITÉ
CHAPITRE VI
RÉSUMÉ E T CONCLUSION
CHAPITRE PREMIER
LA QUESTION MORALE : RÉTRIBUTION IMMÉDIATE KT
DÉFINITIVE APRÈS LA MORT. — L E S CERTITUDES DE
LA FOI.
CHAPITRE II
L A QUESTION PSYCHOLOGIQUE. — E T D'ABORD L E S
OPÉRATIONS NATURELLES DE L'AME S É P A R É E .
CHAPITRE III
L E S DIVERS MODES NATURELS DE CONNAISSANCE DANS
L A V I E FUTURE. — L E LANGAGE DES E S P R I T S
CHAPITRE IV
CE QUE SAVENT L E S AMES SÉPARÉES
CHAPITRE V
L E MOUVEMENT DES AMES SÉPARÉES.
LES APPARITIONS.
CHAPITRE VI
RÉSUMÉ E T CONCLUSION
R. P. Edouard HUGON
O. P . , MAÎTRE EN SACRÉE THÉO LOGIS