Corrigé Parcours 2nde
Corrigé Parcours 2nde
Corrigé Parcours 2nde
Corrigé
Comprendre
1. L’histoire des mœurs telle que Balzac l’envisage se distingue de celle écrite par les histo-
riens, dans la mesure où ces derniers l’ont toujours négligée (« l’histoire oubliée par tant
d’historiens, celle des mœurs »). Ces derniers, en effet, se sont limités à une approche
conventionnelle de l’histoire, pour des civilisations aussi brillantes que « Rome, Athènes,
Tyr, Memphis, la Perse, l’Inde ».
2. Le projet d’écriture de Balzac consiste à écrire une « histoire oubliée », en prenant en
considération des domaines très divers (« en dressant l’inventaire des vices et des vertus,
en rassemblant les principaux faits et passions, en peignant les caractères », etc.). Autre-
ment dit, il s’agit de porter sur la société un regard d’écrivain et l’analyse d’un historien,
et de mélanger les deux approches (« immense assemblage de figures et d’événements »).
Ce projet est difficile pour deux raisons. D’abord, parce qu’il représente un travail tita-
nesque (les données à rassembler sont immenses), ensuite parce qu’il implique une analyse
très fouillée de l’ordre mystérieux qui lie ces différentes données ensemble (« surprendre
le sens caché »). À la fois écrivain et historien, Balzac s’engage donc sur une voie que
personne avant lui n’avait tracée.
Analyser
Dans le deuxième paragraphe, Balzac énumère les différentes fonctions que doit assumer
l’écrivain (« peintre plus ou moins fidèle… conteur des drames de la vie intime… archéo-
logue du mobilier social… nomenclateur des professions… enregistreur du bien et du
mal »). Ces rôles ne s’éloignent pas de celui qui est, a priori, celui de l’écrivain, à savoir :
figurer le monde tel qu’il est. Or, l’ambition de Balzac ne se cantonne pas à la représenta-
tion de la société : ce qu’il souhaite, c’est expliquer son fonctionnement (« étudier les raisons
ou la raison de ces effets sociaux, surprendre le sens caché dans cet immense assemblage
de figures, de passions et d’événements »). Un roman peut faire comprendre le sens caché
d’une époque à partir du moment où son ambition ne se borne pas à offrir une simple
reconstitution. En choisissant des personnages emblématiques, en détaillant leur compor-
tement, en rendant compte de leurs pensées les plus intimes, il peut en revanche expliquer
véritablement une époque aussi bien que le ferait un historien, et avec l’agrément qu’ap-
porte la littérature. Tel est le projet de Balzac.
Écrire
La difficulté de l’exercice provient du choix de l’interlocuteur (un écrivain ou un cinéaste
« que vous nommerez »). Il s’agit donc, préalablement, de vérifier que les élèves auront
des noms à citer, et qu’il pourront mettre ces noms en rapport avec des œuvres précises.
Si les élèves manquent d’idées, on peut leur proposer d’interviewer un auteur réaliste ou
naturaliste cité dans l’ouvrage (Flaubert, Maupassant ou Zola).
111
Exemple rédigé © Dix questions à Émile Zola :
1. Quels sont les milieux que vous étudiez ?
2. Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à eux ?
3. Quel message voulez-vous faire passer ?
4. Pourquoi avoir choisi la forme romanesque pour parler de ces milieux ?
5. Quels sont les milieux que vous n’avez pas encore représentés ?
6. Pourquoi n’avoir pas encore représenté ces milieux ?
7. De quels autres écrivains vous sentez-vous proche ?
8. Pour qui écrivez-vous ?
9. Sur quelle documentation vous appuyez-vous ?
10. Vous considérez-vous comme un écrivain ou un historien ?
Corrigé
Comprendre
1. Les personnages ont en commun d’être des idéalistes, décidés à se mettre au service de
l’humanité souffrante. Dans le premier texte, il s’agit de se mettre au chevet des paysans,
en devenant « une sœur de charité pour tout un pays » ; dans le deuxième, il s’agit d’aider
des ouvriers en grève, en devenant « [un] chef de bande… [un] apôtre apportant la vérité ».
Leurs différences résident dans leur condition (Bénassis appartient initialement à la bour-
geoisie ; Étienne Lantier est un ouvrier), leur caractère (le docteur Bénassis privilégie l’ac-
tion individuelle ; Étienne Lantier est un meneur d’hommes) et dans le type d’action qu’ils
accomplissent (le docteur Bénassis vient en aide aux malheureux; Étienne Lantier les pousse
à la révolte).
2. Le but du docteur est d’adoucir la vie, particulièrement rude, des paysans dans la région
desquels il est venu s’installer.
3. Dans ce discours, Lantier énumère les formes que prend l’exploitation des ouvriers de
la mine : la « faim », le « tarif du boisage », et, plus généralement, les conditions de travail.
Au sens large, c’est un système qu’il dénonce : la « tyrannie du capital ».
Écrire
Une revue de la presse économique pourra être intéressante pour rédiger cet exercice. Les
élèves y découvriront quelles formes prend la crise dans le domaine industriel, et comment
réagissent ceux qu’elle concerne au premier chef.
Exemple rédigé © MENACES DE DÉLOCALISATION
Face à la crise, l’usine de micromécanique de Beudry-sur-Groingne (Eure) a mis son
personnel devant un choix : soit une amputation de 40 % du salaire, soit la déloca-
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lisation de la chaîne de montage en Moldavie. Les ouvriers ont trouvé un porte-
parole en la personne de leur délégué syndical. Voici son discours :
« Alors quoi ! Depuis un mois, on en aurait bavé pour rien ! On retournerait sur la
chaîne la tête basse et la galère continuerait ! Franchement, il vaut mieux tout fiche
en l’air – nous y compris – plutôt que supporter plus longtemps de se faire exploiter
cyniquement par des actionnaires sans scrupules ! Non mais, sans blague : toujours
trimer, s’abrutir au boulot, est-ce que notre vie doit se résumer à ça ? Et puis
regardez-vous : est-ce qu’on doit toujours être ceux qui prennent en pleine figure la
mondialisation ? Est-ce qu’on doit toujours être ceux qui se serrent la ceinture dès
que la conjoncture est mauvaise, alors qu’on a déjà à rembourser la maison, la
voiture, et qu’on se prive de tout dès le 15 du mois ! La concurrence, je veux bien,
mais on ne doit quand même pas être les seuls à en faire les frais, car vu le prix de
revient de la société, on est encore rentables ! Alors, je dis non au chantage : la baisse
de salaire qu’on nous propose n’est rien d’autre qu’une économie déguisée, qui
permet aux actionnaires de nous voler trois heures de travail par jour ! Donc, non,
camarades : c’est trop cette fois, le temps vient où la France du bas, poussée à bout,
fera justice ! »
LECTURE
Vautrin, un personnage inquiétant (page 196)
Objectifs
• Découvrir l’un des personnages principaux de la Comédie humaine.
• Apprendre par quels procédés un auteur parvient à susciter l’intérêt de son lecteur pour
un personnage.
Durée de la séance : 1 heure.
Mise en œuvre : vous pourrez commencer par lire aux élèves les fameux conseils de Vautrin
à Eugène de Rastignac (« Savez-vous comment on fait son chemin ici ?», etc.). Les commen-
taires oraux que ce texte suscitera pourront être complétés par des représentations de
Vautrin tirées des pages illustrées de la Comédie humaine.
Corrigé
Comprendre
1. Les qualités de Vautrin sont résumées à la fin du texte (« bonhomie… complaisance…
gaieté ») et illustrées dans la première partie (« si quelque serrure allait mal, il l’avait bientôt
démontée… si quelqu’un se plaignait par trop, il lui offrait aussitôt ses services… il avait
prêté plusieurs fois de l’argent à Mme Vauquer et à quelques pensionnaires »). Elles lais-
sent donc apercevoir un personnage d’apparence ouverte et de caractère généreux.
2. Le personnage est inquiétant pour deux raisons. Sa forte constitution fait de lui un person-
nage intimidant (« épaules larges… buste bien développé… muscles apparents »), et la
description de ses mains ouvre la voie à toutes sortes d’hypothèses (« mais épaisses, carrées,
et fortement marquées aux phalanges ») ; on pourrait dire qu’il a des mains d’assassin. On
inclura dans le physique la description de son visage, dont l’« air bonhomme » est tempéré
par « des signes de dureté ». Son comportement, ses aptitudes, ses connaissances univer-
selles (« il connaissait tout ») et son emploi du temps (« décamper toute la soirée… rentrer
vers minuit ») font de lui un être mystérieux et profondément énigmatique.
3. Les conversations de Vautrin (« il connaissait tout, les vaisseaux, la mer, la France,
l’étranger, les affaires, les hommes, les événements, les lois, les hôtels, et les prisons ») lais-
sent deviner plusieurs vies antérieures : une expérience cosmopolite, dans des milieux
divers, avec une certaine expérience de la justice, y compris pénitentiaire. L’homme n’a
donc pas toujours été fréquentable.
Analyser
On peut considérer que la phrase « comme un juge sévère, son œil semblait aller au fond
de toutes les questions, de toutes les consciences, de tous les sentiments » résume la person-
113
nalité de Vautrin. Elle rend compte de son esprit diaboliquement pénétrant, de sa connais-
sance intime de la nature humaine, et fournit une allusion subtile au monde de la justice,
que le personnage connaît bien, pour en avoir subi les rigueurs.
Écrire
Exemple rédigé © Tout en lui était fait pour engendrer le malaise. Bien qu’il fût de très
haute taille, son dos particulièrement voûté amenait au niveau de votre visage son
visage scrutateur, dont les yeux semblaient vous percer jusqu’au fond de l’âme. Peu
bavard, il préférait entendre les autres parler de leurs propres histoires, ce qu’il faisait
en regardant par en-dessous, soulignant ses hochements de tête par des ricanements
dont on ne savait s’ils exprimaient la moquerie cynique ou l’approbation. Au reste,
les bruits les plus fous couraient sur cet homme, qui semblait connaître jusqu’aux
moindres secrets de chacun, comme il le laissait occasionnellement entendre au
détour d’une phrase, à son interlocuteur éberlué. Et lorsqu’on lui demandait d’où
tout cela lui venait, il se contentait de son petit ricanement qu’il vous infligeait, avec
l’air d’en savoir très long. Avait-il été espion, policier, ou autre chose encore ? On
ne l’a jamais su. Et si on l’interrogeait sur ce point, il vous tournait le dos, et éloi-
gnait sa grande carcasse voûtée loin de votre vue.
LANGUE
Discours rapportés, la focalisation (page 197)
Exercice 1
a) Le texte 1 apporte des informations sur l’apparence des personnages, et le texte 2 nous
apprend quelles sont les pensées d’Antoinette. Le texte 3 est celui qui apporte le plus d’in-
formations : il nous apprend quelles sont les pensées de Jean-Pierre, l’âge précis de ce
dernier, sa profession, les circonstances de la rencontre, certains détails physiques concer-
nant Antoinette, ainsi que le titre du journal dont elle s’est munie.
b) Ces trois textes sont des exemples des trois différentes focalisations : externe (texte 1),
interne (texte 2), zéro (texte 3).
Exercice 2
Du style direct au style indirect :
a) Il lui ordonna de le laisser tranquille.
b) Il s’exclama qu’il y avait bien dix ans qu’il n’avait pas fait de ski.
c) Il lui ordonna de ne surtout pas oublier de le réveiller à 5 heures.
Du style indirect au style direct :
d) « Deux et deux font quatre, non huit et demi. »
e) « Levez les yeux au ciel chaque fois que vous aurez mal. »
f) « Tu n’a pas cessé de regarder mes invitées, pendant toute la cérémonie ! »
Exercice 3
a) Il se dirigea alors vers une lourde porte qu’il aperçut dans un coin […]. Cette porte était
ouverte et donnait accès à un couloir aux murs de pierre qui lui-même conduisait à un esca-
lier en colimaçon fort abrupt. Il descendit en prenant beaucoup de précautions, car l’esca-
lier n’était éclairé que par deux meurtrières pratiquées dans l’épaisse maçonnerie. Arrivé à
la dernière marche, il se trouva dans un nouveau couloir obscur, un vrai tunnel où régnait
une odeur âcre qui évoquait la mort : l’odeur de vieille terre que l’on vient de remuer. […]
Alors, il examina les lieux plus minutieusement encore. Il descendit même dans les caveaux
où parvenait une faible lumière, encore que son âme elle-même y répugnât.
b) Jonathan Harker avait reconnu le comte Dracula en personne ! L’aristocrate, allongé
dans un cercueil de chêne doublé de satin rouge, semblait dormir ; mais Harker trouva
l’extrême pâleur de son visage extrêmement inquiétante ; et le jeune Anglais frissonna, car
la froide humidité de l’endroit transperçait l’étoffe de sa veste de tweed. De plus, il était
incommodé par la forte odeur de salpêtre. Harker, qui était un jeune homme généreux et
plein de bon sens, se dit qu’il était de son devoir d’aller chercher dans sa valise le plaid en
114
laine des Shetland dont sa tante Martha l’avait pourvu. Il se dit qu’il était encore temps
d’agir, sinon le pauvre homme risquait d’attraper froid.
Corrigé
Comprendre
1. Georges Duroy est un homme séduisant (« il portait beau ») qui a l’orgueil de ceux qui
savent qu’ils plaisent aux femmes (« les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites
ouvrières, une maîtresse de musique… et deux bourgeoises »). Aussi prend-il la pose quand
il est au milieu d’un public féminin (« il cambra sa taille, frisa sa moustache… jeta […] un
de ces regards de joli garçon »).
2. La fin du roman nous montre qu’il n’a pas changé : son orgueil est identique (« il ne
pensait qu’à lui »), même s’il a cette fois des raisons objectives d’être satisfait : il est effec-
tivement parvenu à satisfaire sa soif de pouvoir (« il sentait sur sa peau […] ces frissons
froids que donnent les immenses bonheurs… »). On peut ajouter que son goût très
prononcé pour les femmes ne l’a pas quitté, même au milieu de ses propres noces (« sa
pensée revenait maintenant [à] l’image de Mme de Marelle »).
3. L’avant-dernier paragraphe, qui nous décrit les pensées du personnage nous montre
qu’après être parvenu à devenir un patron de presse, il ambitionne à présent une carrière
politique. L’expression « il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de la Made-
leine au Palais Bourbon » évoque à la fois le lieu où il se marie (l’église de la Madeleine, à
Paris), et la Chambre des députes (le Palais Bourbon). Les deux monuments étant assez
proches, il semble à Georges Duroy que le pouvoir politique est dans le prolongement
(chronologique et géographique) de son mariage.
Écrire
Il s’agit de passer d’un roman écrit à la troisième personne à un roman écrit à la première ;
autrement dit, de changer de focalisation. On s’efforcera de « coller » le plus possible au
texte de départ, sans ajouter ni soustraire quoi que ce soit.
Exemple rédigé © Je repris le bras de Suzanne pour retraverser l’église. Elle était pleine
de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de nous voir passer ensemble.
J’allai lentement, d’un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie enso-
leillée de la porte. Je sentais sur ma peau courir de longs frissons, ces frissons froids
que donnent les immenses bonheurs. Je ne voyais personne. Je ne pensais qu’à moi.
Lorsque je parvins sur le seuil, j’aperçus la foule amassée, une foule noire, bruis-
sante, venue là pour moi, pour moi Georges Du Roy. Le peuple de Paris me contem-
plait et m’enviait. Puis, relevant les yeux, je découvris là-bas, derrière la place de la
Concorde, la Chambre des députés. Et il me sembla que j’allais faire un bond du
portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon.
Je descendis avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de specta-
teurs. Mais je ne les voyais point ; ma pensée maintenant revenait en arrière, et
devant mes yeux éblouis par l’éclatant soleil flottait l’image de Mme de Marelle
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rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits
au sortir du lit.
Corrigé
Comprendre
1. Les conditions de vie des vendeuses sont très dures. En journée, leur horaire est parti-
culièrement long (« treize heures de travail »), et hors du magasin, le soir, leur maigre paie
les condamne à vivre dans l’inconfort (« promiscuité de caserne… filles souvent peu
soignées… linges sales ») ; enfin, leur temps de repos est insuffisant (« endormies encore,
mal réveillées… fatigue… maussaderie éreintée »).
2. L’amitié est impossible entre vendeuses du magasin, car il règne entre elles une concur-
rence perpétuelle (« les rayons de confection et de lingerie [étaient] en guerre… Denise
n’avait pas d’amie »). Cette ambiance de travail irrespirable est voulue par la direction,
car elle exacerbe l’instinct de compétition des vendeuses, dont le magasin est le premier à
tirer profit.
3. Les vendeuses se voient interdire l’accès à leur chambre pendant la journée pour n’avoir
pas la tentation d’abandonner leur poste en journée. Les patrons de l’époque ont donc
une conception quasi-esclavagiste des employées sur lesquelles ils règnent.
Écrire
– Respecter les codes de communication de la lettre.
– Réinvestir les données (voire les mots) fournies par le texte de départ.
– Décrire la condition des ouvrières dans ce qu’elle a de plus âpre, afin de rester fidèle à
l’esprit du texte.
Exemple rédigé ©
Chère Berthe,
Je profite des dernières gouttes d’huile dans ma lampe et du peu de temps qu’il me
reste pour t’écrire ce court message. Sache, en effet, que je partage ma chambre avec
une mercière et une modiste et que toutes deux me sont très hostiles : elles ne peuvent
souffrir la moindre lumière, dès qu’elles ont regagné leur lit ; par ailleurs, le gardien
d’étage va bientôt passer pour nous ordonner d’éteindre. S’il me prend, ce sont trente
sous retenus sur ma prochaine paie. Paris n’est pas à la hauteur de mes attentes, car
c’est une ville bien triste et bien grise : le vacarme permanent de ces grandes avenues
encombrées, le dédale de ces rues qui n’en finissent jamais, et l’effronterie des cochers
me fait regretter amèrement notre bonne ville de Rouen. Seul le climat ne me dérange
pas, car la pluie est continuelle, comme dans notre belle Normandie. Le travail, ma
chère Berthe, n’est guère moins rude ici que dans la filature de coton où tu travailles
depuis la mort de ta tante. Le lever se fait à six heures, et il me faut jouer des coudes
pour faire ma toilette et retrouver mon broc, car les souillons qui travaillent ici l’au-
ront sans doute utilisé pour nettoyer leur pot de chambre ; enfin, il me faut sortir
de dessous mon matelas le costume sombre qui est de rigueur ici : c’est le moyen
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que j’ai imaginé pour le maintenir sans pli car si ce n’est le cas, c’est encore une
retenue sur la paie. Je ne te dirai rien de mes journées de travail, qui sont plates
comme des trottoirs de rue ; sache seulement qu’il me faut rester toute la journée
debout comme une grue, et répondre avec patience aux mille questions que me
posent les élégantes d’ici, dont l’odieux caractère vient cruellement démentir leur
brillante allure. Le soir, il me faut retourner dans mon galetas, qui tient plus d’une
caserne ou d’une auberge que d’un dortoir, et endurer les commérages d’eaux de
toilette et de linges sales, et toute cette aigreur qui se dépense en brouilles et raccom-
modements continuels. Apprends enfin que je ne mets pas de côté autant d’argent
que je souhaiterais ; la vie, ici, n’est guère bon marché.
LEXIQUE
Connecteurs spatiaux et temporels, lexique de l’action (page 201)
Exercice 1
J’aurais pu alors rejoindre ma patrie, si tous les éléments (vents, vagues, courants) ne
s’étaient ligués contre nous au passage du cap Malée. Pendant neuf jours, des vents de
mort nous poussèrent et, le dixième, nous débarquâmes chez les Lotophages. J’envoyai
mes compagnons s’informer des habitants de ce rivage. Oh, les Lotophages ne leur firent
aucun mal, non ! Ils leur donnèrent seulement à manger du lotus, une plante délicieuse,
qui fait tout oublier. Mes compagnons oublièrent aussitôt le but de leur voyage. Leur seule
envie était désormais de rester à manger le lotus. On dût utiliser la force pour les ramener
à bord, criant et gémissant. Nous repartîmes, de peur qu’un autre ne goûte à cette plante
fatale
Exercice 2
Verbes d’action : « écorchaient… soulevant… trouaient, labouraient… cassaient... s’en-
fonçaient… crevaient… se remuer. »
Exercice 3
On avait été chercher un pâtissier à Yvetot, pour les tourtes et les nougats. Comme il débu-
tait dans le pays, il avait soigné les choses ; et il apporta, lui-même, au dessert, une pièce
montée qui fit pousser des cris. À la base, d’abord, c’était un carré de carton bleu figurant
un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches
constellées d’étoiles en papier doré ; puis se tenait au second étage un donjon en gâteau de
Savoie, entouré de menues fortifications en angélique, amandes, raisins secs, quartiers
d’oranges ; et enfin, sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il y avait
des rochers avec des lacs de confitures et des bateaux en écales de noisettes, on voyait un
petit Amour, se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient
terminés par deux boutons de rose naturels, en guise de boules, au sommet.
Exercice 4
– Verbes d’action (soulignés) : « Pangloss disait quelquefois à Candide : Tous les événe-
ments sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin si vous n’aviez pas
été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de
mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’inquisition, si vous n’aviez pas
couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous
n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici
des cédrats confits et des pistaches. Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver
notre jardin. »
– Connecteurs (en gras) : Pangloss disait quelquefois à Candide : Tous les événements sont
enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin vous avez été chassé d’un beau
château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde,
puis vous avez été mis à l’inquisition, par la suite vous avez couru l’Amérique à pied,
ensuite vous avez donné un bon coup d’épée au baron, ultérieurement vous avez perdu
tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, et donc vous mangez ici des cédrats confits et
des pistaches. Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.
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GROUPEMENT DE TEXTES (B) © LE PERSONNAGE, REFLET D’UNE ÉPOQUE
Le roman boursier, reflet de l’essor du capitalisme financier (page 202)
Objectif : comprendre comment un personnage peut être le reflet de son époque.
Durée de la séance : 1 heure.
Mise en œuvre : avant la lecture, on discute avec les élèves de l’intérêt d’un roman (il en
existe) consacré à un trader. Quel peut être le projet d’un écrivain qui choisi de camper
un tel personnage ? s’agit-il de stigmatiser le capitalisme ? de tirer profit de la force narra-
tive d’un destin forcément très aléatoire ?
Puis on fera lire le texte et répondra aux questions. Au-delà du travail sur le texte, on
pourra faire chercher d’autres exemples de personnages, reflets de notre époque.
Corrigé
Comprendre
1. Ils ont en commun de porter des traces physiques de leurs options financières, Pillerault
est fiévreux ; Moser est rongé par une maladie de foie et Salmon l’expert est vigoureux et
d’une imposante stature.
2. Outre leur aspect physique, chacun des spéculateurs place son argent en fonction de
son caractère : le haussier est exubérant, le baissier est plaintif et l’expert est discret, voire
même secret.
3. Le coup du célèbre Amadieu est la preuve même de l’absence même de démarche ration-
nelle à la Bourse. Zola présente en effet ce spéculateur admirer comme un « fou », comme
une « brute », comme un imbécile chanceux.
Écrire
Zola fait une peinture au vitriol du milieu boursier, de son irrationalité, de son cynisme
et de ses excès. Il présente les spéculateurs comme des êtres pathologiques.
Les élèves devront analyser précisément cette critique de la Bourse puis montrer qu’elle
n’a rien perdu de son actualité.
Corrigé
Comprendre
1. Emma Bovary est exaspérée par son mari : il est inélégant (« la casquette enfoncée sur
les sourcils »), a quelque chose de déjà vieux dans sa physionomie, qui n’est pas attirante
(« ses deux grosses lèvres tremblaient »), aussi a-t-il l’air « stupide ». Cette stupidité va
jusqu’à contaminer ses vêtements (« elle […] trouvait étalée sur sa redingote toute la plati-
tude du personnage »).
2. Léon est désirable car tout, chez lui, est à l’opposé de M. Bovary : si ce dernier a l’air
« stupide », on peut voir sur le visage du jeune homme de la « langueur » ; Bovary est
engoncé dans ses habits, Léon reste élégant, en dépit du froid (« le col de sa chemise, un
peu lâche, laissait voir la peau de son cou ») ; enfin, il est jeune.
3. Qu’Emma Bovary puisse être « irritée » par le « dos tranquille » de son mari signifie que
sa seule silhouette suffit à lui rappeler sa nullité en tant qu’homme, époux et praticien.
Son dégoût en vient donc à contaminer tout ce qui touche, de près ou de loin, le pauvre
Charles.
118
Écrire
Pour répondre à cette question, dans un paragraphe argumenté, les élèves doivent :
– définir le héros romantique (il est passionné et peut être mélancolique, il est plein d’en-
thousiasmes mais aussi souvent déçu par la médiocrité de son sort) ;
– confronter cette définition avec le regard qu’Emma pose sur Léon : langueur, douceur,
œil ardent, levé vers le ciel.
Les élèves observeront aussi que la comparaison qui clôt le texte fait aussi référence à la
nature romantique.
HISTOIRE LITTÉRAIRE
Le réalisme (page 205)
Selon Maupassant, l’écrivain réaliste ne doit pas se contenter de montrer, platement, la
réalité telle qu’elle est (« non pas à nous montrer la photographie banale de la vie ») ; au
contraire, il ne doit choisir que les éléments réels les plus significatifs (« n’employer que
des faits d’une vérité irrécusable… ») et rechercher, par l’écriture, la plus grande vraisem-
blance, c’est-à-dire « faire vrai » (« corriger les événements au profit de la vraisemblance…
donner […] la vision plus complète […] que la réalité même »).
ATELIER CINÉMA
Madame Bovary à l’écran (pages 206-207)
Emma et Charles
Les images du film de Claude Chabrol sont particulièrement fidèles au texte de Flaubert.
Outre la qualité de la scrupuleuse reconstruction historique, on admirera notamment le
physique à la fois veule et mou de Charles Bovary (Jean-François Balmer), et le visage
fermé, insatisfait et buté d’Emma (Isabelle Huppert). Par ailleurs, on se rappellera que
cette adaptation (1991) est encore considérée par les spécialistes comme l’une des plus
fidèles ayant jamais été tournée.
Emma et Rodolphe
1. Emma est au centre d’un groupe d’hommes, qui partagent tous pour elle la même admi-
ration, voire la même concupiscence. Dans cette scène, son air distrait et vaguement revêche
est celui qui convient à une femme jouant avec les sentiments de ses admirateurs. Elle
suscite le désir de ses soupirants, en s’efforçant de passer pour une femme indifférente et,
de là, inaccessible.
2. Le sourire que l’on aperçoit sur le visage de Rodolphe (au centre, au second plan) est
celui d’un homme qui ne se fait pas d’illusion sur ses talents de séducteur, et jouit par
avance de la proie qu’il s’apprête à conquérir.
Emma et Léon
1. Le spectateur peut lire sur les visages des personnages les sentiments qu’ils éprouvent
l’un pour l’autre : contentement, satisfaction de soi de la part de Léon (qui n’a pas l’habi-
tude qu’une femme de cette qualité lui cède) ; et attitude implorante de la part d’Emma
(qui souhaiterait entendre de sa part des protestations d’amour éternel, passionné, etc.).
2. Claude Chabrol fait jouer cette scène à ses acteurs en insistant sur le contraste qu’il y
a entre les deux amants. D’un côté Léon, qui reste malgré tout assez détaché par rapport
à la situation, de l’autre, Emma, qui s’y investit pleinement, au point d’avoir l’impression
de vivre une scène de passion lue dans ses romans de jeunesse.
ŒUVRE INTÉGRALE
Un bandit corse (pages 208-210)
Objectifs
• Comprendre comment fonctionne un récit.
• Découvrir le rôle du discours et du récit.
• Être capable de définir le genre de la nouvelle.
119
Durée : 1 h 30.
Mise en œuvre : l’actualité récente (affaire Colonna, affaire du gang de la Brise de Mer,
etc.), ou la bande dessinée humoristique (L’Affaire corse, de Pétillon) pourront éventuel-
lement fournir une première approche des réalités décrites par Maupassant.
Corrigé
1. Le paysage joue un rôle important pour deux raisons. Tout d’abord, c’est l’admiration
du narrateur pour la beauté du paysage qui amène son interlocuteur à évoquer le rôle du
maquis dans le banditisme local ; ensuite, c’est dans ce cadre que le personnage de Sainte-
Lucie peut trouver refuge, après son premier crime, et là qu’il peut poursuivre, dans les
meilleures conditions, sa carrière d’assassin (« le lendemain, il était dans la montagne »).
2. Le personnage évolue vers une cruauté grandissante. Au début de la nouvelle, rien dans
son apparence ne peut laisser deviner ce qu’il sera (« c’était un garçon faible et timide,
petit, souvent malade, sans énergie aucune ») ; puis on se rend compte que son apparente
faiblesse de caractère cache un tempérament bouillant (« je ne sais pas ce que j’ai eu ; ç’a
été comme une chaleur dans mon sang ; j’ai bien senti… que… je ne pourrai résister »), et,
en même temps, froidement calculateur (« j’ai été cacher le fusil dans le maquis sur la route
de Corte »). L’énumération des victimes qui clôt le texte (« il tua tous les parents, tous les
alliés de la famille ennemie. Il massacra en sa vie quatorze gendarmes »), et certains détails
(« lui brisa le crâne… leur arracha les yeux ») montrent en définitive un individu maladi-
vement sanguinaire.
Le revirement est préparé et provoqué par la réprobation que suscite de façon générale et
même chez sa sœur, sa passivité.
3. Le récit est réaliste car il a pour cadre un pays et un paysage existants, comme l’attes-
tent les nombreux toponymes (« la forêt d’Aïtône… monte Cinto… le petit village
d’Albertacce »). Si le réalisme réside dans l’analyse des caractères (honneur de la famille,
instinct sanguinaire du personnage), il apparaît surtout dans la dimension ethnographique
de la nouvelle, qui est également un reportage sur les coutumes corses, en relation avec le
code d’honneur (« alors, suivant la vieille coutume corse… “Quelle terrible coutume que
celle de votre vendetta !” »). L’utilisation du discours direct permet ainsi de confondre la
nouvelle avec un véritable témoignage («“Parlez-moi donc de vos bandits”… “Que voulez-
vous, on fait son devoir” »).
Écrire
Consignes : l’élève s’inspirera autant que possible des noms, du cadre et des caractères
décrits dans la nouvelle. Il sera attentif à mettre en scène un débat aux contours clairs,
entre les deux personnages, chacun devant incarner une position particulière.
SAINTE-LUCIE. – Voilà, cette crapule d’Ange Paoletti est mort. L’honneur de la famille est
sauf !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – Bien, Mais es-tu sûr de ne pas avoir été vu ? Il m’a semblé
qu’il était suivi par les neveux Cerquiglini, ceux qui habitent à Corte.
SAINTE-LUCIE. – J’ai réussi à en avoir un; mais l’autre a fui. Il courait plus vite qu’un cochon
sauvage mordu par une vipère !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – J’espère que tu vas faire de même. Tu devrais aller dans la
bergerie de l’oncle Damasio, dans la gorge de Santa Berta.
SAINTE-LUCIE. – Donc, je te laisserais seule ! Avec tous les hommes du village qui te tour-
nent autour, et toi qui n’as que dix-huit ans !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – Je sais me défendre ; pense à te cacher pendant qu’il en est
encore temps !
SAINTE-LUCIE. – Tu imagines que je n’ai pas remarqué ton petit manège avec le petit Vincen-
sini ! Il ne te quittait pas des yeux ! Tu traînes l’honneur de la famille dans la boue !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – Le petit Vincensini ! Mais il n’a que neuf ans !
SAINT-LUCIE. – Je ne fais pas de différence. Je sens la vendetta monter en moi !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – Écoute, voilà ce que je te propose : fuis dans le maquis, avant
qu’il ne soit trop tard. Une fois que tu seras là-bas, je te donnerai, tous les jours, en t’appor-
120
tant le pain, la liste de ceux qui m’ont manqué de respect. Tu pourras ainsi régler leur
compte aux Cerquiglini, aux Vincensini, sans oublier les Fumaroli. Ainsi, l’honneur de la
famille sera sauf !
SAINT-LUCIE. – Ça me va !
LA-SŒUR-DE-SAINTE-LUCIE. – Adieu !
(Sainte-Lucie décroche une carabine et une cartouchière, et s’en va).
Prolongement
La lecture de la nouvelle pourra être suivie d’une activité de mise en scène du dialogue de
Sainte-Lucie avec sa sœur. On choisira la meilleure production d’élève sur ce thème et on
la fera jouer.
ANALYSE D’IMAGE
La mort du dernier bandit corse (page 211)
1. Le paysage représenté dans cette image est en tous points conforme à celui que décrit
Maupassant dans sa nouvelle, quelques années plus tôt. On peut voir un panorama de
montagne, et la végétation assez sèche typique de l’endroit.
2. Ce paysage est favorable aux agissements des bandits corses, car ces derniers peuvent
y trouver un asile (ils connaissent le terrain) ainsi que de la nourriture (gibier, fruits, etc.).
En outre, ils peuvent y être ravitaillés par les habitants du cru. On notera que les gendarmes
(au second plan, partie droite de l’image), s’avancent à grand-peine, et avec une maladresse
apparente, dans ce terrain rocailleux.
3. L’affrontement apparaît comme une bataille rangée entre gendarmes et bandits locaux.
Ces derniers, pour qui la montagne n’a aucun secret, s’abritent derrière de gros blocs de
pierre pour tirer ; les autres s’avancent imprudemment en terrain découvert. L’un d’entre
eux a réussi à viser l’homme au premier plan.
4. Le réalisme de cette scène apparaît dans la qualité du dessin, mais également dans la
fidèle reconstitution des costumes traditionnels. Ceux des bandits corses, pour commencer
(cartouchière, bonnet de laine ou chapeau de chasse, veston sombre, barbe, et fusil de
chasse à deux coups), et enfin ceux de la maréchaussée (uniforme bleu marine, képi, brode-
quins, et fusil Lebel à tir rapide).
5. Pour dramatiser la scène, le dessinateur insiste sur la détermination des adversaires
(bandits corses/gendarmes), au cours de cet accrochage. Si parmi les derniers, situés au
second plan, on retrouve plus ou moins un ordre de bataille (manœuvre alignée en terrain
découvert), on retrouve dans les seconds une détermination qui s’exprime par leurs gestes
(personnage à gauche, au dernier plan) et leur application au tir (personnage au second
plan, de profil).
Écrire
L’élève pourra s’inspirer soit du texte de Maupassant (arrestation ou mort de Sainte-Lucie),
soit de l’illustration de la page 211. On recommande fortement de situer la scène à la fin
du XIXe ou au début du XXe siècle. L’article pourrait éventuellement être signé Guy de
Maupassant, auteur de plusieurs articles sur la Corse, pour les journaux de son temps ;
on peut également citer le titre du journal dont il est tiré.
Exemple rédigé ©
MORT D’UN HOMME D’HONNEUR
Hier mercredi, l’existence aventureuse d’Antoine Santa-Lucia s’est terminée tragi-
quement, après plusieurs années de semi-clandestinité dans le maquis de Monte
Cinto. Santa-Lucia, fils du célèbre bandit autrefois immortalisé par Maupassant,
avait, rappelons-le, fui son village à la suite du meurtre de Marc-Antoine Fumaroli,
soupçonné d’avoir dénoncé son père à Dominique Vincensini. La famille de ce
dernier s’étant vengée en mettant le feu à la bergerie de Damasio Santa-Lucia, Ange
Cerquiglini, propriétaire d’une demi-douzaine de brebis carbonisées dans le sinistre,
avait trouvé prétexte pour dénoncer Fumaroli, et entraîner ce cycle de vengeances
121
qui viennent, hélas !, trop souvent ensanglanter les beaux paysages de cette Île de
Beauté, qui a vu naître Napoléon, et que nous aimons tant. Quoiqu’il en soit, c’est
après une longue traque dans la castaniccia que trois brigades de gendarmerie
mobiles venues du continent, guidées par Serge Fumaroli, neveu du défunt, sont
parvenues à isoler le fugitif, réfugié dans un ancien poste de douaniers, où il s’est
retranché, dès l’arrivée des forces de l’ordre. Aux généreuses propositions de la
gendarmerie, attentives à respecter l’homme d’honneur qu’était Antoine Santa-
Lucia, ce dernier a répondu par un feu nourri, apparemment décidé à porter physi-
quement atteinte à nos braves représentants de l’ordre républicain. C’est au cours
de l’audacieux assaut qui s’en est suivi, que l’homme a été retrouvé mort, vraisem-
blablement tué suite à une mauvaise manipulation de son arme. Gageons que sa
perte rendra à la région la pacifique prospérité dont les nombreuses vendetta la
privaient depuis longtemps.
Le Courrier de Nice, 15 août 1902.
ÉVALUATION 1
Scène de la vie rurale (page 212)
Corrigé
Compétences de lecture (10 points)
1. Cet extrait contient trois personnages : un fermier, une fermière, et le père (mourant)
de cette dernière.
2. Les traits dominants de ces personnages (père mourant excepté) sont au nombre de
deux. La dureté, d’abord : face au vieil homme, ils ne montrent pas de signe d’attendris-
sement (« leur œil placide et résigné ») ; l’indifférence, ensuite : ils ne songent pas à soulager
l’agonie du vieil homme (« une respiration dure, râlante, sifflante, avec un gargouillement
d’eau comme celui que fait une pompe brisée ») – au contraire, ils poursuivent leurs tâches
quotidiennes.
3. Maupassant essaie de traduire le langage d’une classe sociale (le monde paysan) et d’un
lieu particulier (la Basse-Normandie). Les phrases sont abrégées, la syntaxe est simplifiée
et altérée, de manière à en rendre le caractère oral (« Comment qu’y va ?.… M’sieu l’ curé
dit que c’est la fin, qu’il n’ passera point la nuit… C’te fois, c’est fini ; i n’ira pas seulement
à la nuit… C’est d’puis midi qu’i gargotte comme ça »)
4. Ce texte relève d’une peinture réaliste de la société, pour trois raisons. D’abord, en
raison du langage utilisé, qui reflète la «parlure» des paysans de Basse-Normandie; ensuite,
par la description scrupuleuse de l’endroit où habitent les personnages («la chambre, basse,
noire, à peine éclairée par un carreau, devant lequel tombait une loque d’indienne
normande. Les grosses poutres du plafond, brunies par le temps, noires et enfumées, traver-
saient la pièce de part en part, portant le mince plancher du grenier »), enfin, par les person-
nages eux-mêmes, qui semblent saisis « sur le vif » (« Une jupe grise, trop courte, tombait
jusqu’à la moitié des jambes, cachées en des bas bleus, et elle portait aussi des sabots pleins
de paille. Un bonnet blanc, devenu jaune, couvrait quelques cheveux collés au crâne, et
sa figure brune, maigre, laide, édentée, montrait cette physionomie sauvage et brute qu’ont
souvent les faces des paysans »).
5. Ce texte est représentatif de la dureté de la vie dans les campagnes françaises au
XIXe siècle. Les paysans mènent une vie particulièrement âpre, et l’inconfort caractérise
leur quotidien. La quasi-indifférence qu’ils affichent vis-à-vis du vieil homme mourant
n’est donc pas à mettre sur le compte de la méchanceté, mais elle est inhérente à la préca-
rité de leur existence.
Compétences d’écriture (10 points)
On évitera de faire un tableau trop noir de la condition paysanne ; à ce titre, on s’écartera
du modèle offert par Maupassant, pour en privilégier une vision plus « moderne ».
122
ÉVALUATION 2
Coelio un amoureux romantique (page 213)
Corrigé
Compétences de lecture (10 points)
1. Coelio se plaint de l’indifférence de la belle Marianne (« Jamais elle n’a paru à sa fenêtre ;
jamais elle n’est venue appuyer son front charmant sur sa jalousie […]. Tous les moyens
que j’ai tentés pour lui faire connaître mon amour ont été inutiles »).
2. Deux types d’obstacles s’opposent aux projets de Coelio. D’abord, la fidélité de
Marianne à son mari (« elle aime son mari et respecte ses devoirs ») ; ensuite, le fait qu’elle
ne sorte pas de chez elle (« Sa porte est fermée à tous les jeunes gens de la ville, et personne
ne peut l’approcher »).
3. La folie amoureuse de Coelio se vérifie dans les détails suivants : il a perdu le sommeil
(« Il me manque le repos, la douce insouciance »), il ne peut plus se concentrer ni travailler
(« Mon cabinet d’étude est désert ») ; enfin, il éprouve un véritable trouble physique dès
qu’il voit Marianne (« Quand je la vois, ma gorge se serre et j’étouffe, comme si mon cœur
se soulevait jusqu’à mes lèvres »). C’est pour ces différentes raisons qu’il appelle son ami
à son aide.
4. Le portrait de Marianne est particulièrement succinct (« Deux yeux bleus, deux lèvres
vermeilles, une robe blanche et deux blanches mains ») : de très nombreuses femmes pour-
raient se reconnaître dans cette vague description. Elle permet néanmoins d’insister sur
les éléments suivants : pureté, jeunesse et noblesse.
5. L’importance qu’il accorde à l’expression de son moi tourmenté fait du personnage un
réel héros romantique. L’amour est en effet pour lui source de souffrance (« l’amour…
trouble ma vie entière »), et ce qui devrait le rendre heureux le fait au contraire tomber
dans d’infinis tourments (« Pourquoi ce qui te rendrait joyeux… me rend-il triste et immo-
bile ? »). Enfin et surtout il montre avec une complaisance certainement narcissique – mais
tout à fait représentative du personnage romantique – les effets de cette passion sur lui
(« Vingt fois j’ai tenté de l’aborder ; vingt fois j’ai senti mes genoux fléchir en approchant
d’elle »).
Compétences d’écriture (10 points)
Les élèves devront tenir compte de la psychologie de Coelio et de ce qu’il a exprimé dans
sa tirade. Octave répond en rassurant son ami mais en développant aussi une argumen-
tation précise.
123
Le vrai, le faux : le rideau de scène (page 214)
Corrigé
1. Dans la mythologie grecque, il s’agit de Pégase, de l’entourage des Muses, qui, au
Parnasse ne prête son dos qu’aux poètes. Symbole de liberté d’inspiration, à lui seul, il
indique que la scène représentée est allégorique.
2. Le rideau possède donc un caractère symbolique, il annonce le caractère artificiel de la
représentation. On y distingue deux Arlequins, une Colombine, un marin, un torero, une
jeune fille, un noir ; ils regardent tous une fée, perchée sur Pégase, qui tend la main à un
singe assis sur une échelle. Tous ces personnages font partie de l’imagerie populaire. Ils
sont traités en larges aplats colorés. Des représentations de rideaux (fictifs donc) sont
peints sur ce rideau (bien réel). Le rouge domine, produisant une impression de solennité.
124
Sur le site www.nrp-lycee.fr,
des ressources disponibles gratuitement en ligne pour les abonnés.