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Geo Diff 2022 1

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Géométrie différentielle

Vincent GUEDJ

28 janvier 2022
2
Table des matières

1 Courbes de Rn 5
1.1 Paramétrisation par longueur d’arc . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2 Courbes planes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3 Courbes gauches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.4 Isométries euclidiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.5 Propriétés globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

2 Surfaces de R3 41
2.1 Espaces tangents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.2 Première forme fondamentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.3 Deuxième forme fondamentale, courbures . . . . . . . . . . . 59
2.4 Theorema Egregium de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
2.5 Surfaces à courbure constante . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
2.6 Propriétés métriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
2.7 Théorème de Gauss-Bonnet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
2.8 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

3 Variétés 103
3.1 Plongements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
3.2 Sous-variétés de Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
3.3 Formes différentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
3.4 Variétés abstraites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
3.5 Variétés complexes et groupes de Lie . . . . . . . . . . . . . . 143
3.6 Classifications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
3.7 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

4 Corrections des exercices 163


4.1 Courbes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
4.2 Surfaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
4.3 Variétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

Bibliographie 225

3
4 TABLE DES MATIÈRES
Introduction

Ce livre est une invitation à la géométrie différentielle, une discipline


mathématique qui se situe au carrefour de nombreux domaines (algèbre,
analyse, géométrie, topologie), et qui est devenue un outil de base de la
recherche moderne en mathématiques comme dans ses applications.
La théorie des courbes et des surfaces dans l’espace euclidien (bi ou tri-
dimensionnel) a constitué la base du développement de la géométrie diffé-
rentielle au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Depuis la fin du XIXe siècle,
le domaine s’intéresse plus généralement aux structures géométriques des
variétés différentiables. Ces objets sont des ensembles ayant une régularité
suffisante pour envisager la notion de dérivation, on peut donc y définir et
étudier les fonctions avec les moyens du calcul différentiel.
La géométrie différentielle est étroitement liée à la topologie différentielle
et aux aspects géométriques de la théorie des équations différentielles. Elle
a de nombreuses applications en physique, notamment dans la théorie de la
relativité générale où elle permet de modéliser la courbure de l’espace-temps.
Elle joue, plus récemment, un rôle croissant en imagerie médicale (représen-
tation des formes) et en intelligence artificielle (géométrie de l’information).
Le sujet est donc à la fois classique et avec des développements actuels
considérables. Il en résulte un nombre important de concepts souvent diffi-
ciles à assimiler au premier abord, et un aspect calculatoire un peu ingrat
qui rebute souvent les étudiants qui se doivent pourtant d’appréhender cet
outil fondamental.
Le but de ce livre, issu d’un support de cours dispensé par l’auteur en
Master 1, est modeste. Pour éviter aux étudiants de se noyer dans un flot
de concepts nouveaux difficiles à digérer en 24 heures, il progresse pas à
pas, en commençant par traiter en détail le cas des courbes et des surfaces.
La notion de variétés abstraites constitue le point d’orgue du livre, ainsi
qu’une invitation à poursuivre leur étude (géométrique et topologique) dans
un second temps.
Le livre contient plus d’une centaine d’exercices corrigés qui constituent
une part intégrante de la compréhension, ainsi que de nombreuses pistes
d’approfondissement pour les lecteurs les plus curieux.

1
2 TABLE DES MATIÈRES

Objectifs et prérequis
Ce livre est destiné aux étudiants de Licence (troisième année), de Mas-
ter (première année), ainsi qu’aux étudiants préparant l’agrégation externe
ou interne de mathématiques. Il couvre tout le programme de géométrie
différentielle de l’agrégation et contient une centaine d’exercices corrigés.
La géométrie différentielle utilise des techniques du calcul différentiel,
ainsi que du calcul intégral, de l’algèbre linéaire et de l’algèbre multilinéaire,
pour étudier des problèmes géométriques d’origines variées. Il présuppose
notamment une bonne familiarité avec :
• le calcul différentiel classique (niveau L3) ;
• l’algèbre multilinéaire (niveau L2).
L’objectif du livre est d’étudier quelques notions fondamentales à la base
de la géométrie moderne. On introduit certains invariants intrinsèques fon-
damentaux des courbes et des surfaces (longueur, distance intrinsèque, cour-
bure de Gauss). On y explore la notion de sous-variété différentielle de Rn
et on généralise le calcul différentiel dans ce cadre, en introduisant la notion
de forme différentielle et le calcul intégral associé. Ces outils permettent de
comparer les objets géométriques selon plusieurs échelles :
• infinitésimale, via l’algèbre (multi)linéaire ;
• locale, via le calcul différentiel ;
• globale, via l’interaction entre géométrie et topologie.
La mise en pratique du calcul différentiel et de l’algèbre multilinéaire de
Licence se fait notamment à travers :
• l’utilisation du théorème d’inversion locale pour dégager plusieurs dé-
finitions équivalentes des sous-variétés ;
• l’utilisation des formes quadratiques pour comparer la position rela-
tive d’une sous-variété avec son espace tangent ;
• le théorème de Stokes qui généralise l’intégration par parties.
Le livre aura rempli son principal objectif s’il permet aux étudiants in-
téressés par cette thématique de se familiariser avec les concepts de base
exposés ici, en leur donnant envie de poursuivre leur découverte avec des
ouvrages plus avancés.
Il existe en effet de nombreuses références qui traitent de ce sujet clas-
sique. Je me suis librement inspiré des livres indiqués dans la bibliographie,
notamment du livre historique [BerGos]. Pour compléter vos lectures, je vous
recommande tout particulièrement :
• [DoCarmo] pour approfondir l’étude des courbes et des surfaces ;
• [Lafontaine, Spivak] pour aller un peu plus loin sur les variétés ;
• [Warner] pour la cohomologie et la théorie de Hodge.
Le lecteur est encouragé à faire des dessins le plus souvent possible, et
à utiliser également l’un des nombreux sites qui recensent les propriétés re-
marquables des courbes et des surfaces, tel mathcurve.com.
TABLE DES MATIÈRES 3

Le menu
Le livre est divisé en trois chapitres distincts de longueurs inégales. Pour
le cours de Master 1 dont il était le support, le rythme du cours était de 2 à 3
séances de 2 heures pour le premier chapitre, 4 à 5 séances pour le deuxième
chapitre, et 4 à 5 séances pour le troisième et dernier chapitre.
Le premier chapitre développe l’étude des courbes de l’espace euclidien,
avec une attention particulière portée aux courbes planes et gauches. Ce
sujet est censé être pour partie connu des étudiants. On y aborde :
• la notion de longueur d’arc, de courbure et de torsion ;
• certaines propriétés des isométries euclidiennes ;
• la classification locale des courbes planes et gauches ;
• quelques propriétés globales des courbes planes.
La géométrie différentielle des surfaces contient un grand nombre des
idées et techniques clés du domaine. Il est donc naturel d’y consacrer du
temps, avant d’aborder les concepts plus abstraits qui se sont dégagés à la
suite de leur étude. Le chapitre 2 introduit notamment :
• les surfaces régulières plongées dans R3 ;
• les première et deuxième forme fondamentales ;
• les différentes notions de courbures ;
• le théorème remarquable de Gauss ;
• les géodésiques et la distance intrinsèque ;
• le théorème de Gauss-Bonnet.
Le troisième et dernier chapitre du livre étudie la notion de sous-variété
différentielle de l’espace euclidien, ainsi que le concept de variété différentielle
abstraite. Si le théorème de plongement de Whitney assure in fine que ces
deux notions coïncident, il est essentiel de développer l’étude des variétés
abstraites, de même qu’il est nécessaire de traiter la théorie générale des
R-espaces vectoriels de dimension finie, et pas uniquement celle des sous-
espaces vectoriels de Rn . Ce chapitre étudie notamment :
• les submersions, immersions, et plongements ;
• les formes différentielles et la différentielle extérieure ;
• les formes volumes et l’orientation des variétés,
• l’intégration des formes différentielles et la formule de Stokes ;
• l’abondance des difféomorphismes sur les variétés abstraites ;
• les variétés complexes et les groupes de Lie.
Il se termine par l’évocation des problèmes de classifications des variétés
différentielles compactes de petite dimension, un sujet de recherches actuelles
qui a connu des développements spectaculaires ces dernières années.
Chaque chapitre se termine par de nombreux exercices qui sont partie
intégrante du cours et qu’il est donc essentiel de faire. Des éléments succincts
de correction sont fournis en fin d’ouvrage ; ils sont là pour aider le lecteur,
mais ne constituent aucunement un modèle de corrigé.
4 TABLE DES MATIÈRES

Remerciements
La plupart des dessins ont été réalisés avec l’aide du logiciel gratuit
SAGE. Un grand merci à Christophe Besse d’avoir guidé mes premiers pas
dans son utilisation.
Mes collègues Yuxin Ge, Éveline Legendre et les étudiants du Master
ESR de Mathématiques de l’Université Paul Sabatier m’ont fait des retours
constructifs sur une version préliminaire de ce livre, je les en remercie.
Malgré tout le soin apporté à sa confection, le texte contient probable-
ment de nombreuses coquilles (typos, erreurs, imprécisions). N’hésitez pas à
me les signaler en m’écrivant : vincent.guedj@math.univ-toulouse.fr.

Bonne lecture !
Chapitre 1

Courbes de Rn

Introduction
Dans ce premier chapitre, nous nous intéressons à l’étude des courbes
plongées dans Rn . Nous étudions plus particulièrement les courbes planes
(n = 2) et les courbes gauches (n = 3).
Nous commençons par observer que toute courbe peut être localement pa-
ramétrée par longueur d’arc : toutes les courbes de Rn sont donc localement
isométriques, mais nous allons dégager des propriétés de rigidité globale.
Nous introduisons la courbure des courbes planes. Son importance est
illustrée par le « Théorème fondamental » (Théorème 1.2.12) qui affirme que
deux courbes planes qui ont même courbure sont images l’une de l’autre par
une isométrie globale de R2 . C’est un formidable résultat sur lequel il faut
nous arrêter un moment : une information de nature locale (la courbure)
suffit à classifier les courbes à équivalence globale près.
Pour les courbes gauches, les concepts fondamentaux sont ceux de cour-
bure et de torsion (la nouveauté par rapport aux courbes planes). Ils sont
introduits par l’intermédiaire d’un repère mobile, le repère de Frenet, qui est
bien adapté à l’étude des courbes gauches. L’importance de ces concepts est
mise en évidence par le Théorème 1.3.13 : deux courbes gauches ont même
courbure (non nulle) et même torsion si et seulement si elles sont images
l’une de l’autre par une isométrie globale de R3 .
Nous rappelons ensuite quelques propriétés des isométries de Rn , puis
nous mentionnons certaines propriétés globales des courbes fermées (nombre
d’enroulement, inégalité isopérimétrique).
Je vous incite à consulter le site mathcurve.com sur lequel vous trouverez
la représentation graphique de nombreuses courbes que nous rencontrerons
dans ce texte (et bien d’autres encore). Vous êtes vivement encouragés à
produire le plus de dessins possibles au fil de votre lecture.

5
6 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.1 Paramétrisation par longueur d’arc


1.1.1 Courbes paramétrées
Soit I un intervalle ouvert de R et ϕ : I 7→ Rn une application. On peut
l’écrire en coordonnées

ϕ(t) = (ϕ1 (t), . . . , ϕn (t)).

L’application ϕ sera dite lisse lorsque chacune des fonctions coordonnées ϕj


est infiniment dérivable.
Définition 1.1.1. On appelle courbe paramétrée de Rn la donnée d’une ap-
plication lisse ϕ : I 7→ Rn .
On dit qu’un point ϕ(t0 ) ∈ Γ est régulier si ϕ0 (t0 ) 6= 0, c’est-à-dire si ϕ
est une immersion au voisinage de t0 . Un point ϕ(t0 ) de Γ tel que ϕ0 (t0 ) = 0
est appelé un point singulier de Γ.
On dit que ϕ est une paramétrisation régulière si ϕ est une immersion
en tout point et si ϕ : I 7→ ϕ(I) est un homéomorphisme.
Une paramétrisation régulière s’appelle un plongement. Nous rappelons
des propriétés des immersions, submersions et plongements au Chapitre 3.
Définition 1.1.2. On appelle courbe géométrique régulière Γ ⊂ Rn , un en-
semble qui est localement l’image d’une paramétrisation régulière.
Il est important de distinguer les propriétés de la paramétrisation locale
des propriétés géométriques de Γ qui sont indépendantes du choix de la
paramétrisation. De fait, Γ est définie à un changement admissible local de
paramétrisation près :
Définition 1.1.3. Un changement admissible de paramétrisation de la courbe
géométrique Γ = ϕ(I) est la donnée d’une application lisse α : J → I surjec-
tive telle que α0 (t) 6= 0 pour tout t ∈ J.
Il résulte du théorème des valeurs intermédiaires que si α0 ne s’annule
pas sur l’intervalle J, alors soit α0 (t) > 0 pour tout t ∈ J et dans ce cas α
préserve l’orientation (ϕ et ϕ ◦ α définissent le même sens de parcours de Γ),
soit α0 (t) < 0 pour tout t ∈ J et dans ce cas α0 (t) change l’orientation.
Exemples 1.1.4.
1) L’application ϕ : I = R → R2 définie par ϕ(t) = (t, t2 ) a pour courbe
géométrique associée la parabole d’équation y = x2 . Cette paramétrisation
est régulière.
Observons que α : t ∈ R 7→ t3 ∈ R est un changement non admissible de
paramétrisation (puisque α0 (0) = 0). Cela signifie que la courbe géométrique
Γ2 donnée par la paramétrisation t ∈ R → (t3 , t6 ) est un objet géométrique
différent de Γ, bien que le support de ces deux courbes soit le même.
1.1. PARAMÉTRISATION PAR LONGUEUR D’ARC 7

2) L’application ϕ : R 7→ R2 définie par ϕ(t) = (t2 , t3 ) est une para-


métrisation de la courbe Γ d’équation y 2 = x3 . Cette courbe présente un
point singulier en (0, 0) appelé point de rebroussement de première espèce ou
« cusp » (en anglais). On dit aussi que Γ est une cubique cuspidale, dont
voici une représentation :

On vérifiera en exercice qu’il n’existe pas de courbe géométrique régulière


(i.e. sans point singulier) qui a le même support que Γ.
3) L’application θ ∈ R 7→ ϕ(θ) = (cos θ, sin θ) ∈ R2 définit une paramé-
trisation du cercle unité Γ = {(x, y) ∈ R2 / x2 + y 2 = 1} parcouru dans le
sens trigonométrique. L’application α : t ∈ R → −t ∈ R est un changement
admissible de paramétrisation qui inverse l’orientation : ϕ ◦ α parcourt le
cercle unité dans le sens des aiguilles d’une montre
4) Vous vérifierez dans l’Exercice 67 que la paramétrisation
f : t ∈] − 1, +∞[7→ (t2 − 1, t(t2 − 1)) ∈ R2
est une immersion injective qui n’est pas un plongement. Le problème a lieu
au voisinage du point (0, 0) = ϕ(1) = limt→−1 ϕ(t).

Tangente. Soit ϕ : I 7→ Rn une application lisse et Γ = ϕ(I) la courbe


géométrique associée. Soit p = ϕ(t0 ) ∈ Γ un point régulier de Γ (ϕ0 (t0 ) 6= 0).
Lorsque deux paramètres t 6= t0 convergent vers t0 , les droites passant par
ϕ(t), ϕ(t0 ) convergent vers une droite limite appelée tangente à Γ au point p.
On vérifie aisément qu’elle a pour vecteur directeur le vecteur ϕ0 (t0 ) et pour
équation paramétrique
t ∈ R 7→ (t − t0 )ϕ0 (t0 ) + ϕ(t0 ) ∈ Rn .
8 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.1.2 Paramétrisation par longueur d’arc


Longueur d’un arc
Soit ϕ : I → Rn une courbe paramétrée lisse et A = ϕ(J) ⊂ Γ = ϕ(I) un
arc fermé de la courbe géométrique Γ (i.e. J est un intervalle fermé).
Définition 1.1.5. La longueur de l’arc A est
Z
`(A) := ||ϕ0 (t)||dt
J
où || · || désigne la norme euclidienne dans Rn .
On vérifie sans peine que la longueur est égale à la limite des longueurs
des lignes polygonales inscrites dans l’arc lorsque le maximum de la longueur
de chaque segment de la ligne polygonale tend vers zéro. Ce deuxième point
de vue permet de définir la longueur d’arcs non lisses que nous ne considérons
pas dans ce cours.
Proposition 1.1.6. La longueur de l’arc A est indépendante de la paramé-
trisation. Elle est invariante par isométrie.
Démonstration. C’est une conséquence immédiate de la formule de change-
ment de variables.

Abscisse curviligne
Soit ϕ : I 7→ Rn une courbe paramétrée régulière, de sorte que ϕ0 (t) 6= 0
pour tout t ∈ I. Soit L ∈ R+ ∪ {+∞} la longueur de la courbe géométrique
Γ = ϕ(I) (c’est-à-dire le supremum des longueurs des arcs fermés de Γ).
Alors l’application
Z t
h : t ∈ I 7→ ||ϕ0 (x)||dx ∈ [0, L]
t0
est lisse et strictement croissante, de dérivée
dh
= ||ϕ0 (t)|| =
6 0 pour tout t ∈ I.
dt
Sa bijection inverse est donc lisse également. La paramétrisation
ψ := ϕ ◦ h−1 : [0, L] → Rn
est une paramétrisation admissible de Γ qui s’appelle paramétrisation par
l’abscisse curviligne (ou par longueur d’arc). Observons que le vecteur ψ 0 (t)
est unitaire quel que soit t :

0
0 −1 1
||ψ (t)|| = ϕ (h )(t) 0 −1
= 1.
||ϕ (h (t)||
On dira ainsi également que Γ est paramétrée à vitesse unité.
Cette propriété caractérise la paramétrisation par longueur d’arc :
1.1. PARAMÉTRISATION PAR LONGUEUR D’ARC 9

Proposition 1.1.7. Soit ϕ : I → Rn et ψ : J → Rn deux paramétrisations


d’une courbe géométrique Γ telles que ϕ0 (t), ψ 0 (x) sont des vecteurs unitaires
pour tout t, x ∈ I, J. Alors J = α(I) où α(t) = ±t + t0 .
Démonstration. Observons que ψ = ϕ ◦ α pour un changement admissible
α de paramétrisation. Le caractère unitaire de ϕ0 , ψ 0 assure que |α0 (t)| = 1
pour tout t. Il s’ensuit par connexité que soit α0 ≡ 1, soit α0 ≡ −1, d’où le
résultat.

1.1.3 Exemples
Exemple 1.1.8. La paramétrisation

ϕ : t ∈ [0, 2πR] 7→ (R cos(t/R), R sin(t/R)) ∈ R2

est la paramétrisation par longueur d’arc du cercle centré à l’origine et de


rayon R. Comme nous l’indique la proposition précédente, cette paramétri-
sation est unique une fois que l’on fixe le point ϕ(0) (ici le point (R, 0)) et
le sens de parcours (ici le sens trigonométrique).
Observons que la paramétrisation de l’Exemple 1.1.8 s’exprime au moyen
des fonctions transcendantes sin, cos. C’est le cas de la plupart des courbes
(excepté les droites, bien entendu).
Exemple 1.1.9. L’hélice circulaire de R3 est la courbe paramétrée

ϕ : t ∈ R 7→ (a cos t, a sin t, bt) ∈ R3 .

C’est une courbe tracée sur le cylindre {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 = a2 }. Sa


paramétrisation par longueur d’arc est donnée par
 
s s bs
ψ(s) = a cos √ , a sin √ ,√ .
a2 + b2 a2 + b2 a2 + b2
En voici deux représentations :
10 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.2 Courbes planes


1.2.1 Définitions équivalentes
Il existe de nombreux points de vue équivalents pour décrire une courbe
géométrique, comme nous l’expliquons ici dans le cas des courbes planes :

Proposition 1.2.1. Les propriétés suivantes sont localement équivalentes :


i) Γ ⊂ R2 est le graphe d’une fonction d’une variable ;
ii) Γ ⊂ R2 est une courbe paramétrée régulière ;
iii) il existe un difféomorphisme Φ : R2 → R2 tel que Φ({x = 0}) = Γ;
iv) il existe une submersion lisse F : R2 → R telle que Γ = F −1 (0).

Nous renvoyons le lecteur au début du chapitre 3 pour une description


similaire en toute dimension.

Démonstration. Si Γ = {(x, y) ∈ R2 ; y = f (x)} est le graphe d’une fonction


lisse, alors x 7→ (x, f (x)) ∈ R2 est une paramétrisation régulière de Γ, donc
(i) implique (ii). Réciproquement, si Γ = ϕ(I) admet la paramétrisation
régulière ϕ(t) = (x(t), y(t)), on se place au voisinage d’un point tel que
x0 (t) 6= 0 (quitte à interchanger les rôles de x et y). Le théorème d’inversion
locale assure que la fonction x est inversible au voisinage de ce point. On
peut donc réaliser Γ comme le graphe de la fonction y ◦ x−1 , d’où (ii) ⇒ (i).
Soit ϕ : t ∈ I 7→ (x(t), y(t)) ∈ R2 une paramétrisation régulière de Γ.
Le vecteur tangent ϕ0 (t) est non nul en tout point, on se place au voisinage
d’un point tel que y 0 (t) 6= 0 (on peut s’y ramener quitte à composer par le
difféomorphisme (x, y) 7→ (y, x)). Alors Φ : (s, t) 7→ (s + x(t), y(t)) ∈ R2 est
un difféomorphisme (local) tel que Φ({s = 0}) = Γ. Ainsi (ii) ⇒ (iii).
Réciproquement, si Γ = Φ({s = 0}) est l’image de l’axe {s = 0} par un
difféomorphisme Φ(s, t) = (α(s, t), β(s, t)), alors Γ admet la paramétrisation
régulière ϕ : t 7→ (α(0, t), β(0, t)), donc (iii) ⇒ (ii).
Considérons l’ensemble des points (x, y) d’un ouvert U de R2 tels que
F (x, y) = 0, où F : U → R est une fonction lisse. On suppose que la
différentielle dF ne s’annule pas en un point (x0 , y0 ) ∈ U . L’une au moins
des deux dérivées partielles ne s’annule pas, disons ∂F ∂y (x0 , y0 ) 6= 0 pour fixer
∂F
les idées. Par continuité, ∂y (x, y) 6= 0 ne s’annule pas pour (x, y) dans un
petit voisinage V de (x0 , y0 ). Le théorème des fonctions implicites assure alors
l’existence d’un voisinage V 0 ⊂ V de (x0 , y0 ) tel qu’il existe une fonction lisse
f telle que

{(x, y) ∈ V 0 / F (x, y) = 0} = {(x, y) ∈ V 0 / y = f (x)}.

Cela montre l’implication (iv) ⇒ (i).


Réciproquement, si Γ est le graphe d’une fonction f , alors Γ = F −1 (0)
où F (x, y) = y − f (x) est une submersion, donc (i) ⇒ (iv).
1.2. COURBES PLANES 11

Remarque 1.2.2. Ces propriétés ne sont pas globalement équivalentes. Par


exemple, le cercle unité S 1 ⊂ R2 peut s’exprimer comme l’image réciproque
F −1 (0) par la submersion F : (x, y) ∈ R2 \ {0} 7→ x2 + y 2 − 1 ∈ R, mais il
ne peut pas s’exprimer comme le graphe d’une (seule) fonction.
Exemple 1.2.3. Considérons la lemniscate de Bernoulli 1 dont l’équation
cartésienne dans le plan de coordonnées (x, y) ∈ R2 est donnée par

F (x, y) = (x2 + y 2 )2 − 2d2 (x2 − y 2 ) = 0

avec F : R2 → R submersive hors de l’origine. En voici une représentation :

On peut également la décrire par la paramétrisation


p
θ ∈ [−π/4, π/4] 7→ ϕ(θ) = d 2 cos(2θ)(cos θ, sin θ) ∈ R.

1.2.2 Courbure
Soit s ∈ I 7→ ϕ(s) ∈ R2 une courbe plane paramétrée par son abscisse
curviligne. Alors le vecteur vitesse trace une courbe s 7→ ϕ0 (s) sur le cercle
unité. Celle-ci possède un vecteur vitesse ϕ00 (s) appelé accélération. Au signe
près, la courbure est la norme de l’accélération :
Définition 1.2.4. La courbure de la courbe géométrique Γ = ϕ(I) paramé-
trée par sa longueur d’arc au point ϕ(s) est

κ(s) := ε(s)||ϕ00 (s)||

où le signe ε(s) ∈ {−1, +1} est positif si (ϕ0 (t), ϕ00 (t)) est une base directe
de R2 , négatif sinon.
Notons que les vecteurs ϕ0 (t) et ϕ00 (t) sont orthogonaux (dérivez la rela-
tion ||ϕ0 (t)||2 = 1). Une expression utile qui exprime la courbure est donc

κ(t) = det(ϕ0 (t), ϕ00 (t)).

La courbure ne dépend pas d’un choix de paramétrisation, seulement de


l’orientation de la courbe.
Comme l’abscisse curviligne n’est pas souvent calculable, il est utile d’ex-
primer la courbure en fonction d’une paramétrisation quelconque :
1. Jakob Bernoulli, mathématicien et physicien suisse (1655-1705), frère de Jean Ber-
noulli et oncle de Daniel Bernoulli et Nicolas Bernoulli.
12 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Proposition 1.2.5. Soit ψ : t ∈ I → (x(t), y(t)) ∈ R2 une paramétrisation


quelconque d’une courbe géométrique orientée Γ. Alors la courbure κ(t) de Γ
au point ψ(t) est donnée par

x0 (t)y 00 (t) − x00 (t)y 0 (t) det(ψ 0 (s), ψ 00 (s))


κ(t) := = .
[x0 (t)2 + y 0 (t)2 ]3/2 ||ψ 0 (s))||3

La valeur absolue de la courbure est invariante par les isométries de R2 .

Démonstration. Soit ϕ : J → R2 la paramétrisation par longueur d’arc nor-


malisée de sorte que ϕ(t) = ψ(s). Soit T (t) := ϕ0 (t) le vecteur unitaire
tangent à la courbe et N (t) le vecteur unitaire normal à T (t), c’est-à-dire
que (T (t), N (t)) forme une base orthonormée directe de R2 .
Comme ||T (t)||2 = 1, on obtient en dérivant que 2hT 0 (t), T (t)i = 0, donc
0
T (t) est proportionnel à N (t). Le facteur de proportionnalité est précisément
la courbure κ(t) de la courbe Γ. Autrement dit

ϕ00 (t) = T 0 (t) = κ(t)N (t).

Notons à présent α le changement admissible de paramétrisation tel que


ϕ(t) = ψ ◦ α(t). Alors

ψ 0 (s)
ϕ0 (t) = avec s = α(t).
||ψ 0 (s)||
Dérivons à nouveau cette expression. Il vient

ψ 00 (s)
ϕ00 (t) = + b(s)ψ 0 (s)
||ψ 0 (s)||2

pour une fonction b(s) que nous ne cherchons pas à calculer. On en déduit
1
κ(t) = det(ϕ0 (t), ϕ00 (t)) = det(ψ 0 (s), ψ 00 (s)).
||ψ 0 (s))||3

La formule annoncée en résulte, en remplaçant ψ 0 et ψ 00 par leurs coordonnées


euclidiennes.
Si F (p) = Ap + v et ψ̃ = F ◦ ψ est l’image de ψ par une isométrie F ,
alors ψ̃ 0 = Aψ 0 et ψ̃ 00 = Aψ 00 . Il vient donc

det(ψ̃ 00 , ψ̃ 0 ) = det A · det(ψ 00 , ψ 0 ) = ± det(ψ 00 , ψ 0 )

et ||ψ̃ 0 || = ||ψ 0 || puisque A est une rotation. Il s’ensuit que |κ̃| = |κ|.

Signe de la courbure. Si on change le sens de parcours, la courbure change


de signe. Celui-ci dépend aussi de l’orientation du plan. Une isométrie du
plan préservant l’orientation préserve la courbure des courbes, tandis qu’une
isométrie du plan renversant l’orientation change le signe de la courbure.
1.2. COURBES PLANES 13

Exemples 1.2.6.
1) La courbure d’un cercle de rayon R est constante. Elle vaut 1/R si le
cercle est parcouru dans le sens trigonométrique, −1/R sinon.
2) Au point (0, 0), la courbure de la parabole d’équation y = x2 , parcou-
rue dans le sens des x croissants, vaut 2.
3) L’ellipse ϕ : t ∈ R 7→ (a cos t, b sin t) ∈ R2 a pour courbure
ab
κ(t) = .
[a2 sin2 t + b2 cos2 t]3/2
Sous l’angle de la géométrie différentielle, les cercles et les droites ont
encore un statut particulier comme le montre le résultat qui suit.
Proposition 1.2.7. Les seules courbes dont la courbure est constante sont
les (portions de) droites et les cercles.
Démonstration. Nous montrons plus loin que la courbure caractérise les
courbes à isométrie globale près. Comme les cercles et les droites ont une
courbure constante (respectivement ±1/R ou 0), et comme leurs images par
une isométrie globale sont des cercles et des droites, le résultat découle du
Théorème 1.2.12.
Il est sans doute préférable ici d’adopter une démarche plus terre à terre.
Soit Γ ⊂ R2 une courbe géométrique de courbure constante. On peut para-
métrer Γ par sa longueur d’arc s 7→ ϕ(s). Si la courbure est nulle, il vient
ϕ” ≡ 0, il s’agit donc d’une (portion de) droite.
Supposons à présent que κ est une constante non nulle. Soit T (s) = ϕ0 (s)
le vecteur unitaire tangent et N (s) = T 0 (s)/κ le vecteur normal. Observons
que
N 0 (s) = −κT (s).
En effet, N est unitaire donc N 0 est orthogonal à N , donc proportionnel à
T . La constante de proportionnalité s’obtient en dérivant la relation d’ortho-
gonalité
d
0 = hT, N i = hT 0 , N i + hT, N 0 i,
ds
d’où hT, N 0 i = −κ.
Soit M (s) = ϕ(s) + κ1 N (s) le « centre de courbure » de Γ au point ϕ(s).
Le calcul précédent montre que M (s) = M0 est constant puisque
1 0
M 0 (s) = T (s) + N (s) = 0.
κ
Il s’ensuit que Γ est une portion du cercle de centre M0 et de rayon 1/|κ|.
En effet
1 1
kM0 − ϕ(s)k = kN (s)k =
|κ| |κ|
puisque N (s) est unitaire.
14 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.2.3 Cercles osculateurs


Soit Γ une courbe géométrique et ϕ : I → R2 une paramétrisation. On
note ϕ(t) = (x(t), y(t)) les coordonnées euclidiennes.
L’équation d’un cercle (x−α)2 +(y−β)2 = R2 dépend de trois paramètres
(α, β, R). On peut fixer la valeur de ces paramètres de sorte que le cercle
passe par le point ϕ(t) avec un contact d’ordre 3 au moins. En effectuant un
développement de Taylor-Young 2 au point ϕ(t) tel que (x(t) − α)2 + (y(t) −
β)2 = R2 , il vient

x00 (t)
x(s) − α = (x(t) − α) + x0 (t)(s − t) + (s − t)2 + o((s − t)2 )
2
et on a un développement similaire pour y(s) − β.
Le cercle a un contact d’ordre au moins 3 avec Γ au point ϕ(t) si

(x(s) − α)2 + (y(s) − β)2 − R2 = o((s − t)2 ).

On en déduit que cette condition est satisfaite exactement lorsque

 (x(t) − α)2 + (y(t) − β)2 − R2 = 0


(x(t) − α)x0 (t) + (y(t) − β)y 0 (t) = 0


(x(t) − α)x00 (t) + (y(t) − β)y 00 (t) + x0 (t)2 + y 0 (t)2 = 0

Les deux dernières équations permettent d’exprimer (x(t) − α) et (y(t) −


β) en fonction de x0 , y 0 , x00 , y 00 , à condition que (x0 y 00 − x00 y 0 )(t) 6= 0, c’est-
à-dire lorsque la courbure de Γ au point ϕ(t) n’est pas nulle, ce que nous
supposons dans la suite. On obtient alors

y 0 (x02 + y 02 ) x0 (x02 + y 02 )
x−α= et y − β = − .
x0 y 00 − y 0 x00 x0 y 00 − y 0 x00
En reinjectant dans la première équation, on obtient finalement

(x02 + y 02 )3/2 1
R= 0 00 0 00
= .
|x y − y x | |κ(t)|
Nous avons ainsi démontré le résultat suivant :

Proposition 1.2.8. Si la courbure κ(t) 6= 0 est non nulle au point ϕ(t) ∈ Γ,


alors il existe un cercle unique qui a un ordre de contact au moins trois avec
Γ au point ϕ(t). Ce cercle « osculateur » a pour rayon l’inverse de la valeur
absolue de la courbure.

Lorsque κ(t) = 0, on dit que la courbe admet un point d’inflexion. Dans


ce cas, la courbe Γ a un contact d’ordre deux avec sa tangente.
2. Brook Taylor, scientifique anglais (1685-1731) ; William Henry Young, mathémati-
cien anglais (1863-1942).
1.2. COURBES PLANES 15

1.2.4 Étude locale


Position par rapport à la tangente
On s’intéresse ici à l’allure d’une courbe plane paramétrée Γ, ϕ : I → R2
près d’un point régulier p = ϕ(t0 ). Un développement limité à l’ordre 2 s’écrit
(t − t0 )2 00
ϕ(t) = ϕ(t0 ) + (t − t0 )ϕ0 (t0 ) + ϕ (t0 ) + o((t − t0 )2 ).
2
Si ϕ0 (t0 ) et ϕ00 (t0 ) sont linéairement indépendants (courbure non nulle),
la courbe est située d’un seul côté de sa tangente, au voisinage de p : elle est
contenue dans le demi-plan délimité par la tangente et contenant ϕ00 (t0 ).
Lorsque ϕ00 (t0 ) est proportionnel à ϕ0 (t0 ) (courbure nulle), il faut pousser
le développement limité plus loin. Supposons que ϕ(j) (t0 ) est proportionnel
à ϕ0 (t0 ) pour tout 1 ≤ j ≤ s − 1 et ϕ(s) (t0 ) ne l’est pas ; on effectue alors un
développement limité à l’ordre s,
(t − t0 )s (s)
ϕ(t) = ϕ(t0 ) + Ps (t)ϕ0 (t0 ) + ϕ (t0 ) + o((t − t0 )s ),
s!
où Ps (t) est un polynôme de degré s − 1 qui s’annule en t0 et qui s’exprime
simplement en fonction du polynôme de Taylor de ϕ(t) en t0 . On en déduit
l’allure locale de Γ en fonction de la parité de s :
— si s est pair, la courbe est localement d’un seul côté de sa tangente,
— si s est impair, la courbe traverse sa tangente.
Il reste à comprendre le cas où tous les vecteurs dérivés ϕ(j) (t0 ) sont
proportionnels à ϕ0 (t0 ), pour tout j ∈ N. Si l’application ϕ est développable
en série entière au voisinage de t0 , cela signifie alors que l’application ϕ s’écrit
ϕ(t) = ϕ(t0 ) + (t − t0 )h(t)ϕ0 (t0 )
où h est une fonction réelle analytique. Dans ce cas, Γ est tout bonnement
la droite passant par ϕ(t0 ) et de vecteur directeur ϕ0 (t0 ) !
Lorsque ϕ est lisse mais n’est pas développable en série entière, on ne
peut pas conclure. Les exemples qui suivent montrent deux graphes qui ont
cette propriété. Dans un cas la courbe est d’un côté de sa tangente, dans
l’autre elle traverse sa tangente.
Exemple 1.2.9. On considère les fonctions f, g : R → R définies par
 exp(−1/x2 ) si x > 0


exp(−1/x) si x > 0
f (x) = et g(x) = 0 si x = 0
0 si x ≤ 0
− exp(−1/x2 ) si x < 0

Ces fonctions sont infiniment dérivables sur R avec toutes leurs dérivées
nulles en 0, elles ne sont donc pas développables en série entière en 0.
Nous laissons le lecteur vérifier que le graphe de f se situe au-dessus de
sa tangente en 0, tandis que le graphe de g traverse sa tangente en 0 (dans
les deux cas, cette tangente est l’axe des x).
16 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Points singuliers
Soit Γ une courbe géométrique donnée par une paramétrisation ϕ : I →
Rn . Nous considérons le cas d’un point singulier a = ϕ(t0 ), avec ϕ0 (t0 ) = 0.
Si les vecteurs dérivés ϕ(j) (t0 ) sont tous nuls, on ne peut rien dire de plus
sauf si ϕ est développable en série entière, auquel cas ϕ est une application
constante. Supposons donc que ϕ(p) (t0 ) est le premier vecteur non nul. Dans
ce cas, on appelle tangente à la courbe Γ en a la droite de vecteur directeur
ϕ(p) (t0 ) qui passe par le point a = ϕ(t0 ).
Si tous les ϕ(j) (t0 ) sont proportionnels à ϕ(p) (t0 ), soit ϕ est réelle-analytique
et alors Γ est la droite passant par ϕ(t0 ) et de vecteur directeur ϕ(p) (t0 ), soit
on ne peut rien dire de plus, comme on s’en rend compte en modifiant très
légèrement l’Exemple 1.2.9.
Supposons à présent qu’il existe j > p tel que les vecteurs ϕ(p) (t0 ) et
ϕ(j) (t0 ) sont linéairement indépendants. On note q le plus petit de ces entiers
j. Le comportement local de la courbe Γ dépend alors de la parité de p et q :

Définition 1.2.10.
Si p est impair et q pair : on parle de point de concavité, la courbe est du
côté de la tangente qui contient ϕ(q) (t0 ) ;
Si p est impair et q impair : on parle de point d’inflexion, la courbe
traverse sa tangente ;
Si p est pair et q impair : on parle de point de rebroussement de première
espèce, la courbe traverse sa tangente ;
Si p et q sont pairs : on parle de point de rebroussement de seconde espèce,
la courbe est d’un côté de sa tangente.

Exemple 1.2.11. Vous pouvez fabriquer des exemples de chacune de ces


situations en paramétrant la courbe géométrique définie par Γ := {(x, y) ∈
R2 / xa = y b } et en jouant sur la valeur des paramètres a, b ∈ N.

1.2.5 Rigidité globale


Nous avons déjà mentionné que les isométries directes du plan préservent
la courbure. Voici une réciproque importante à cette observation :

Théorème 1.2.12. Soit Γ1 et Γ2 deux courbes géométriques régulières dans


R2 qui ont la même courbure. Alors il existe une isométrie directe du plan
qui transforme Γ1 en Γ2 .

Démonstration. On peut supposer que Γ1 et Γ2 sont paramétrées par lon-


gueur d’arc ϕ1 et ϕ2 . On a donc

kϕ01 (t)k = kϕ02 (t)k = 1 et κ1 (t) = κ2 (t) pour tout t.


1.2. COURBES PLANES 17

Fixons t0 . Soit F l’isométrie du plan R2 composée d’une rotation qui


envoie le vecteur unitaire ϕ01 (t0 ) sur ϕ02 (t0 ) et d’une translation telle que
F (ϕ1 (t0 )) = ϕ2 (t0 ). On va montrer que F ◦ ϕ1 ≡ ϕ2 . Considérons
f (t) := k(F ◦ ϕ1 )0 (t) − ϕ02 (t)k2 .
On va montrer que f 0 ≡ 0. Comme f (t0 ) = 0, il s’ensuit que f est identique
à zéro, donc l’application t 7→ (F ◦ ϕ1 − ϕ2 )(t) est constante, donc nulle,
puisqu’elle est nulle en t0 .
Il reste donc à calculer la dérivée de f . Rappelons que comme ϕ01 (t) et
ϕ02 (t) sont des vecteurs unitaires, ϕ0j (t) et ϕ00j (t) sont orthogonaux. La diffé-
rentielle de F est égale à F 0 , sa composante rotationnelle qui préserve l’or-
thogonalité. Rappelons enfin que la différentielle d’une application linéaire
est égale à l’application linéaire elle-même, ainsi F 00 = F 0 . Il s’ensuit que
f 0 (t) = 2h(F ◦ ϕ1 )00 (t) − ϕ002 (t), (F ◦ ϕ1 )0 (t) − ϕ02 (t)i
= −2hF 0 ◦ ϕ001 (t), ϕ02 (t)i − 2hF 0 ◦ ϕ01 (t), ϕ002 (t)i.
Soit J la rotation d’angle π/2 dans la base canonique de R2 . Observons que
Jϕ01 (t) (resp. Jϕ02 (t)) est le vecteur normal direct à ϕ01 (t) (resp. ϕ02 (t)), ainsi
ϕ001 (t) = κ(t)Jϕ01 (t) et ϕ002 (t) = κ(t)Jϕ02 (t) puisque les deux courbes ont la
même courbure. Comme F 0 = A commute avec J et J +t J = 0, il vient
f 0 (t) = −2κhF 0 ◦ Jϕ01 , ϕ02 (t)i − 2κhF 0 ◦ ϕ01 (t), Jϕ02 (t)i
= −2κh(F 0 ◦ J +t J ◦ F 0 )ϕ01 , ϕ02 i = 0,
ce qui achève la démonstration.
Le théorème précédent fournit un résultat d’unicité : la courbure carac-
térise les courbes géométriques planes, à isométrie près. On peut également
montrer un résultat d’existence :
Théorème 1.2.13. Étant donnée une fonction lisse κ : I → R, il existe une
courbe géométrique plane dont κ est la courbure.
Démonstration. Nous allons utiliser le lien entre la courbure et la dérivée de
l’angle entre les vecteurs tangents. Fixons s0 ∈ I et posons
Z s Z s 
ϕ(s) = cos(θ(t)) dt, sin(θ(t)) dt
s0 s0
où Z s
θ(s) := κ(t) dt.
s0
La courbe plane Γ = ϕ(I) ⊂ R2
est paramétrée par longueur d’arc
puisque
ϕ0 (s) = (cos(θ(s)), sin(θ(s)))
et sa courbure est donnée par K(s) = κ(s) = θ0 (s) puisque
ϕ00 (s) = θ0 (s) (− sin(θ(s)), cos(θ(s))) = κ(s) (− sin(θ(s)), cos(θ(s))) .
18 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.3 Courbes gauches


1.3.1 Courbure et torsion
Paramétrisation par longueur d’arc
Soit Γ ⊂ R3 une courbe géométrique paramétrée par sa longueur d’arc
ϕ : I 7→ R3 . Rappelons que cela implique que pour tout s ∈ I, kϕ0 (s)k = 1.
On note
T (s) := ϕ0 (s), le vecteur tangent unitaire.
Comme T (s) est unitaire, le vecteur dérivé T 0 (s) est orthogonal à T (s).
On suppose dans la suite que T 0 (s) 6= 0 et on définit

T 0 (s)
N (s) := le vecteur normal principal unitaire.
kT 0 (s)k

Définition 1.3.1. La courbure κ(s) de la courbe Γ au point ϕ(s) est

κ(s) := kT 0 (s)k = kϕ00 (s)k.

Remarques 1.3.2.
1) Par définition, la courbure d’une courbe gauche est toujours positive.
Lorsque cette courbe est plane (i.e. vit dans un plan affine de R3 ), elle coïn-
cide avec la valeur absolue de la courbure définie précédemment.
2) Le vecteur normal unitaire n’est défini que lorsque la courbure ne s’an-
nule pas. Celle-ci ne peut pas trop s’annuler, à moins que la courbe soit une
droite : une courbe gauche est une (portion de) droite si et seulement si sa
courbure est nulle. En effet, dans ce cas ϕ00 (s) ≡ 0, donc s 7→ ϕ(s) est affine.

On a donc T 0 (s) = κ(s)N (s) par définition. Le vecteur binormal est

B(s) := T (s) ∧ N (s).

Il s’ensuit que {T (s), N (s), B(s)} est une base orthonormée directe de R3
qui bouge avec s et va être particulièrement adaptée à l’étude des propriétés
géométriques de la courbe Γ. On l’appelle le repère de Frenet 3 .
On cherche à présent à calculer les dérivées de ces vecteurs dans le repère
de Frenet . Par définition T 0 (s) = κ(s)N (s). Pour exprimer N 0 (s), observons
que N 0 (s) est orthogonal à N (s) puisque N (s) est unitaire. Notons également
qu’en dérivant la relation d’orthogonalité entre T (s) et N (s), on obtient

0 = (hT (s), N (s)i)0 = hT 0 (s), N (s)i + hT (s), N 0 (s)i.


3. Jean Frédéric Frenet, mathématicien, astronome et météorologue français (1816-
1900). Les formules de Frenet constituent une partie de sa thèse de doctorat qu’il a passé
à Toulouse en 1847. Il fut professeur à l’Université de Toulouse en 1848-49.
1.3. COURBES GAUCHES 19

Cela permet de déterminer la coordonnée de N 0 (s) dans la direction de T (s) :


hT (s), N 0 (s)i = −hT 0 (s), N (s)i = −κ(s).
La troisième coordonnée de N 0 (s), celle dans la direction de B(s), s’ap-
pelle la torsion.
Définition 1.3.3. La torsion τ (s) de la courbe Γ au point ϕ(s) est
τ (s) := hB(s), N 0 (s)i.
Déterminons enfin les coordonnées de B 0 (s). Comme précédemment, B 0 (s)
est orthogonal à B(s) (caractère unitaire). La coordonnée dans la direction
de N (s) est
hN (s), B 0 (s)i = −hN 0 (s), B(s)i = −τ (s).
Enfin, la coordonnée dans la direction de T (s) est
hT (s), B 0 (s)i = −hT 0 (s), B(s)i = 0.
Nous venons ainsi d’établir les formules de Frenet que nous résumons
sous forme matricielle dans la proposition suivante.
Proposition 1.3.4. Les dérivées du repère de Frenet sont données par
 0     
T (s) 0 κ(s) 0 T (s)
 N 0 (s)  =  −κ(s) 0 τ (s)  ·  N (s)  .
0
B (s) 0 −τ (s) 0 B(s)
Notons que le vecteur normal et le vecteur binormal ne sont bien définis
que lorsque la courbure ne s’annule pas. Dans ce cas, la torsion est (identi-
quement) nulle si et seulement si la courbe est plane :
Proposition 1.3.5. Une courbe gauche dont la courbure ne s’annule pas est
incluse dans un plan si et seulement si sa torsion est identiquement nulle.
Démonstration. Soit Γ ⊂ R3 une courbe gauche. Si elle est incluse dans un
plan, on peut composer par une isométrie pour que ce plan soit (z = 0). Une
paramétrisation de Γ est donc du type
ϕ(t) = (x(t), y(t), 0).
Il vient donc N 0 ∈ Vect{T, N} et τ ≡ 0.
Réciproquement, supposons que τ ≡ 0. On en déduit que le vecteur
binormal B(s) = B0 est constant puisque B 0 = −τ N . Il s’ensuit que la
courbe Γ est contenue dans le plan affine qui passe par ϕ(0) et qui est normal
à B0 : en effet, quitte à translater, on peut supposer que ϕ(0) = 0. Il vient
alors pour tout t,
hϕ0 (t), B0 i = 0
d’où hϕ(t), B0 i = 0 après intégration.
Remarque 1.3.6. Lorsque la courbure s’annule, il se peut que la torsion
soit identique à zéro là où elle est définie, sans que la courbe soit plane.
20 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Paramétrisation quelconque
Il est utile d’établir les expressions de la courbure et de la torsion lorsque
la courbe est donnée par une paramétrisation qui n’est pas nécessairement
la paramétrisation par longueur d’arc.

Proposition 1.3.7. Soit Γ une courbe géométrique régulière donnée par une
7 ϕ(t) ∈ R3 . La courbure de Γ au
paramétrisation quelconque ϕ : t ∈ I →
point ϕ(t) est donnée par

kϕ0 (t) ∧ ϕ00 (t)k


κ(t) = .
kϕ0 (t)k3

Démonstration. Le vecteur unitaire tangent T (t) est donné par ϕ0 (t) =


kϕ0 (t)kT (t). En dérivant une seconde fois, on obtient

ϕ00 (t) = kϕ0 (t)kT 0 (t) + a(t)T (t)

où a(t) est une fonction que nous ne cherchons pas à calculer.


Observons que T 0 (t) est orthogonal à T (t) puisque celui-ci est unitaire.
On a donc kT (t) ∧ T 0 (t)k = kT (t)k · kT 0 (t)k, d’où

kϕ0 (t) ∧ ϕ00 (t)k = kϕ0 (t)k2 kT (t) ∧ T 0 (t)k = kϕ0 (t)k3 κ(t).

Proposition 1.3.8. Soit Γ une courbe géométrique donnée par une paramé-
trisation quelconque ϕ : t ∈ I 7→ ϕ(t) ∈ R3 . La torsion de Γ au point ϕ(t)
est donnée par
det(ϕ0 (t), ϕ00 (t), ϕ000 (t))
τ (t) = .
kϕ0 (t) ∧ ϕ00 (t)k2
Démonstration. Soit ψ(s) la paramétrisation de Γ par son abscisse curviligne,
ψ = ϕ ◦ α, avec α0 (s) = kψ 0 (t)k−1 , t = α(s). Nous allons montrer que la
torsion de Γ au point ψ(s) est donnée par

1
τ (s) = det(ψ 0 (s), ψ 00 (s), ψ 000 (s)). (1.1)
κ(s)2

La formule annoncée en résultera, en observant que ϕ0 = α0 ψ 0 ◦ α,

ϕ00 = (α0 )2 ψ 00 ◦ α + Aψ 0 ◦ α et ϕ000 = (α0 )3 ψ 000 ◦ α + Bψ 00 ◦ α + Cψ 0 ◦ α,

où A, B, C sont des fonctions que nous ne précisons pas. Comme annoncé, il


résulte alors de la Proposition 1.3.7 et de (1.1) que

kψ 0 (t)k6 det(ϕ0 (s), ϕ00 (s), ϕ000 (s)) det(ψ 0 (t), ψ 00 (t), ψ 000 (t))
τ (t) = τ (s) = = .
kψ 0 (t) ∧ ψ 00 (t)k2 kψ 0 (t) ∧ ψ 00 (t)k2
1.3. COURBES GAUCHES 21

Il reste donc à établir (1.1), c’est-à-dire à exprimer la torsion en fonction


de ψ et ses dérivées, lorsque ψ est la paramétrisation de Γ par l’abscisse
curviligne. Rappelons que

τ (s) = hB(s), N 0 (s)i = −hN (s), B 0 (s)i.

Or B(s) = T (s) ∧ N (s), il résulte donc des propriétés du produit vectoriel


que
τ (s) = −hN (s), T (s) ∧ N 0 (s)i = det(T (s), N (s), N 0 (s)).
On conclut en observant que T (s) = ψ 0 (s), N (s) = κ(s)−1 ψ 00 (s) et

N 0 (s) = κ(s)−1 ψ 000 (s) + a(s)ψ 00 (s)

où a(s) est une fonction qui n’intervient pas dans le déterminant.

1.3.2 Tangente, plan normal, plan osculateur


Soit ϕ : t ∈ I 7→ ϕ(t) = (x(t), y(t), z(t)) ∈ R3 une courbe paramétrée Γ.
Les équations d’une droite affine de R3 dépendent de quatre paramètres, par
exemple
y = ax + b et z = cx + d.
On peut choisir ceux-ci de sorte que la droite ait un contact d’ordre deux
avec la courbe. Nous laissons le soin au lecteur de vérifier que cela conduit
aux équations suivantes pour la tangente à Γ :
Définition 1.3.9. La tangente en un point régulier (x, y, z) de Γ est donnée
par les équations

y 0 (X − x) = x0 (Y − y) et z 0 (Y − y) = y 0 (Z − z).

Il s’agit de la droite

ϕ(t) + Rϕ0 (t) = ϕ(t) + RT (t)

où T (t) désigne le vecteur tangent unitaire à la courbe Γ au point ϕ(t).


Définition 1.3.10. Le plan perpendiculaire à la tangente en un point régulier
est appelé plan normal et a pour équation

x0 (X − x) + y 0 (Y − y) + z 0 (Z − z) = 0.

C’est le plan ϕ(t) + Vect{N(t), B(t)} engendré par le vecteur normal et


le vecteur binormal unitaire.
L’équation d’un plan affine ax + by + cz + d = 0 dépend de trois para-
mètres (le plan reste inchangé si on multiplie l’équation définissante par une
constante non nulle) qui peuvent être choisis de manière à avoir un ordre
de contact d’au moins trois avec la courbe. Le plan correspondant (qui est
déterminé de façon unique) s’appelle le plan osculateur.
22 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Proposition 1.3.11. Le plan osculateur est donné par l’équation


 
X −x Y −y Z −z
det  x0 y0 z 0  = 0.
x 00 y 00 z 00

C’est le plan ϕ(t) + Vect{T(t), N(t)} engendré par le vecteur tangent et


le vecteur normal unitaire.

Démonstration. Soit aX + bY + cZ + d = 0 l’équation d’un plan. Ce plan


passe par le point ϕ = (x, y, z) si ax + by + cz + d = 0. En effectuant un
développement de Taylor-Young des fonctions coordonnées de ϕ(s) au point
ϕ(t) = (x, y, z)(t), il vient
x00 (t)

0 2 2
 x(s) = x(t) + x (t)(s − t) + 002 (s − t) + o((s − t) )

y (t)
y(s) = y(t) + y 0 (t)(s − t) + 2 (s − t)2 + o((s − t)2 )
00
z(s) = z(t) + z 0 (t)(s − t) + z 2(t) (s − t)2 + o((s − t)2 ).

Le plan a un ordre de contact au moins trois au point ϕ(t) si

ax(s) + by(s) + cz(s) + d = o((s − t)2 ).

On injecte les développements limités des fonctions coordonnées dans cette


équation pour obtenir le système de trois équations

 ax + by + cz + d = 0
ax0 + by 0 + cz 0 = 0
ax00 + by 00 + cz 00 = 0.

On retranche à la première équation aX + bY + cZ + d = 0 pour aboutir au


système homogène

 a(x − X) + b(y − Y ) + c(z − Z) = 0
ax0 + by 0 + cz 0 = 0
ax00 + by 00 + cz 00 = 0.

Pour que ce sytème admette une solution non nulle, il faut que le déterminant
de la matrice associée soit égal à zéro. Réciproquement, si on choisit a, b, c, d
de sorte que
 
X −x Y −y Z −z
aX + bY + cZ + d = det  x0 y0 z0  ,
x 00 y 00 z 00

on obtient bien que le plan {aX + bY + cZ + d = 0} a un contact d’ordre


trois (au moins) avec la courbe en ϕ(t).
Ce n’est pas toujours le seul plan avec une telle propriété (pensez au cas
où la courbe est une droite), mais c’est toutefois le cas génériquement.
1.3. COURBES GAUCHES 23

1.3.3 Rigidité globale


Proposition 1.3.12. La courbure et la valeur absolue de la torsion sont
invariantes par les isométries de R3 .

Rappelons que les isométries de R3 sont engendrées par les translations


et les matrices orthogonales. Il suffit donc de vérifier l’impact de ces deux
types de transformations sur la courbure et la torsion.

Démonstration. Il est clair que l’action d’une translation ne change ni la


courbure, ni la torsion. Soit A ∈ O(3, R) une matrice orthogonale, Γ ⊂ R3
une courbe paramétrée par son abscisse curviligne ϕ : I → R3 et Γ2 la courbe
paramétrée par ψ = A ◦ ϕ. Alors

kψ 0 (s)k = kAϕ0 (s)k = 1

puisque A est orthogonale. Donc Γ2 est également paramétrée par son abs-
cisse curviligne et T2 (s) = AT (s). En dérivant à nouveau, il vient

κ2 (s)N2 (s) = κ(s)AN (s).

Comme A est orthogonale, AN (s) est un vecteur unitaire, donc N2 (s) =


AN (s) et κ2 (s) = κ(s). Il s’ensuit que

B2 (s) = T2 (s) ∧ N2 (s) = AT (s) ∧ AN (s) = det A · A(T (s) ∧ N (s))

avec det A = +1 si A est une isométrie directe (qui préserve l’orientation) et


det A = −1 sinon (par exemple pour une réflexion). On a utilisé ici l’ortho-
gonalité de la matrice A (tA = A−1 ) en observant que pour tout w ∈ R3 ,

hAT ∧ AN, wi = det AhT ∧ N, A−1 wi = det AhA(T ∧ N ), wi.

Rappelons en effet que pour tout u, v, w ∈ R3 ,

hu ∧ v, wi = det(u, v, w).

On en déduit que
B2 (s) = ±AB(s)
où le signe est donné par det A. En dérivant cette égalité, on obtient, puisque
N2 (s) = AN (s),

τ2 (s) = τ (s) si det A > 0 et τ2 (s) = −τ (s) sinon.

Dans les deux cas, la valeur absolue de la torsion est préservée.

Le résultat suivant exprime un phénomène de rigidité des courbes gauches.


24 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Théorème 1.3.13. Soit Γ1 , Γ2 ⊂ R3 deux courbes géométriques paramétrées


par leur abscisse curviligne, dont la courbure ne s’annule pas. Si elles ont
mêmes courbure et torsion, alors il existe une isométrie directe de R3 qui
envoie une courbe sur l’autre.

Notons que lorsque la courbure s’annule, le repère de Frenet n’est pas


correctement défini et il peut se passer des phénomènes compliqués.
Comme nous l’avons observé dans la preuve de la proposition précédente,
une réflexion change le signe de la torsion et est donc interdite ici.

Démonstration. Soit ϕ1 , ϕ2 : I → R3 les paramétrisations par l’abscisse cur-


viligne de Γ1 , Γ2 . On peut supposer que 0 ∈ I. Comme le groupe orthogonal
O(3, R) est 3-transitif, on peut trouver une matrice A ∈ O(3, R) telle que

AT1 (0) = T2 (0), AN1 (0) = N2 (0), et AB1 (0) = B2 (0).

Comme les bases orthonormées {T1 (0), N1 (0), B1 (0)} et {T2 (0), N2 (0), B2 (0)}
sont toutes les deux directes, la matrice A est de déterminant 1.
Soit V = ϕ2 (0) − Aϕ1 (0) ∈ R3 et Ψ l’isométrie positive Ψ(X) = AX + V .
Posons Φ = Ψ ◦ ϕ1 . On va montrer que Φ ≡ ϕ2 , ce qui montrera que Γ2 est
l’image de Γ1 sous l’action de Ψ. On note T2 (s), N2 (s), B2 (s) le repère de
Frenet de Γ2 et T (s), N (s), B(s) celui de la courbe paramétrée par l’abscisse
curviligne Φ = Ψ ◦ ϕ1 . Les choix de A et de la translation V assurent que

Φ(0) = ϕ2 (0) et (T (0), N (0), B(0)) = (T2 (0), N2 (0), B2 (0)).

Il résulte de la proposition précédente (et de sa preuve) que la courbure


et la torsion de Φ sont égales à celles de Γ1 , Γ2 . On les note κ, τ . Soit

f (s) := hT (s), T2 (s)i + hN (s), N2 (s)i + hB(s), B2 (s)i.

On dérive f en utilisant les formules de Frenet. Il vient

f 0 (s) = T 0 · T2 + T · T20 + N 0 · N2 + N · N20 + B 0 · B2 + B · B20


= κ (N · T2 + T · N2 ) − κ (T · N2 + N · T2 )
+τ (B · N2 + N · B2 ) − τ (N · B2 + B · N2 )
= 0.

On a noté ici u · v = hu, vi le produit scalaire de deux vecteurs u et v.


On en déduit que f (s) est constante, égale à f (0) = 3. Or f (s) est somme
de trois termes qui valent tous au plus 1, c’est donc que chacun est égal à
1, ce qui impose les relations T (s) = T2 (s), N (s) = N2 (s) et B(s) = B2 (s)
pour tout s. En particulier, comme le vecteur tangent unitaire est la dérivée
de l’abscisse curviligne et comme ϕ2 (0) = Φ(0) (c’est là qu’on a besoin de la
translation), il vient Φ ≡ ϕ2 comme nous l’avions annoncé.
1.3. COURBES GAUCHES 25

Remarque 1.3.14. Le théorème précédent est un résultat d’unicité. On peut


également démontrer un résultat d’existence : étant données deux fonctions
lisses κ, τ : I → R avec κ > 0, il existe une courbe gauche Γ ⊂ R3 dont κ et
τ sont la courbure et la torsion.
La preuve consiste à démontrer l’existence d’un trièdre qui vérifie les re-
lations de Frenet. Celles-ci peuvent s’interpréter comme un système d’équa-
tions différentielles linéaires dont l’existence des solutions est garantie par le
théorème de Cauchy-Lipschitz. On intègre finalement le vecteur tangent pour
obtenir une courbe Γ solution (les autres solutions s’en déduisent par isomé-
tries directes). Nous invitons le lecteur à mettre en place cette démonstration,
il en trouvera les détails rédigés dans [DoCarmo, pp. 309-311].
Exemple 1.3.15. Considérons une hélice circulaire donnée par sa paramé-
trisation par longueur d’arc, comme indiquée dans l’Exemple 1.1.9,
 
s s bs
ψ(s) = a cos √ , a sin √ ,√
a2 + b2 a2 + b2 a2 + b2
où a > 0 et b ∈ R sont des paramètres fixés. Il s’agit d’une paramétrisation
à vitesse 1 pour laquelle
a
||ψ 0 ∧ ψ 00 || = 2
a + b2
tandis que
a2 b
det(ψ 0 , ψ 00 , ψ 000 ) = .
[a2 + b2 ]3
Il s’ensuit que la courbure et la torsion de cette courbe sont constantes, don-
nées par
a b
κ(s) = 2 2
et τ (s) = 2 .
a +b a + b2
Les hélices circulaires sont les seules courbes dont la courbure et la torsion
sont constantes. En effet, soit ϕ(s) la paramétrisation par longueur d’arc de
la courbe Γ et (κ, τ ) ∈ R+ × R les constantes déterminant la courbure et la
torsion. Si κ = 0, alors la courbe Γ est une droite (cf. Remarques 1.3.2),
c’est-à-dire une hélice dégénérée (cercle de rayon infini).
Supposons donc κ > 0 et fixons a, b ∈ R tels que
a b
κ= et τ = 2 .
a2 +b2 a + b2
Soit ψ(s) la paramétrisation par longueur d’arc de l’hélice H d’axe (0z) et de
paramètres (a, b) (ci-dessus). Alors ϕ et ψ ont même courbure et même tor-
sion. D’après le Théorème 1.3.13, ces deux courbes diffèrent l’une de l’autre
par l’action d’une isométrie F de R3 .
Nous laissons le lecteur vérifier qu’une telle isométrie envoie un cylindre
droit sur un cylindre droit et une hélice sur une hélice. Il s’ensuit que Γ est
une hélice circulaire d’axe F (Oz) et de paramètres a, b.
26 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.4 Isométries euclidiennes


Nous rappelons ici la définition des isométries de l’espace euclidien Rn .
Définition 1.4.1. Une application F : Rn → Rn est une isométrie (eucli-
dienne) si elle préserve la norme (euclidienne)

kF (p) − F (q)k = kp − qk, pour tout p, q ∈ Rn .

Proposition 1.4.2. Une application F : Rn → Rn est une isométrie si


et seulement si c’est la composée d’une translation et d’une transformation
orthogonale, c’est-à-dire qu’elle préserve le produit scalaire.
Une isométrie est donc constituée d’une partie linéaire (isométrie dite
vectorielle, qui fixe l’origine) et d’une translation (sa partie affine).
Rappelons qu’une transformation orthogonale admet pour matrice dans
la base canonique de Rn un élément A ∈ M (n, R) tel que t A = A−1 . Son dé-
terminant vérifie donc det A = ±1. Elle préserve l’orientation si et seulement
si son déterminant est 1.

Démonstration. Notons v = F (0). Quitte à remplacer F par G = F − F (0),


on se ramène au cas où F (0) = 0 (on vient de mettre de côté la partie
translation). Par hypothèse pour tout X, Y ∈ Rn , on a

kF (X) − F (Y )k2 = kX − Y k2 ,

en particulier ||F (X)||2 = ||X||2 puisque l’on s’est ramené au cas où F (0) =
0. Comme

kF (X) − F (Y )k2 = kF (X)k2 + kF (Y )k2 − 2hF (X), F (Y )i

et
kX − Y k2 = kXk2 + kY k2 − 2hX, Y i
on en déduit que
hF (X), F (Y )i = hX, Y i.
Soit (ej )1≤j≤n une base orthonormée. La relation précédente assure que
(F (ej ))1≤j≤n est également une base orthonormée. On peut donc décomposer
le vecteur F (X) dans cette base : il vient
n
X n
X
F (X) = hF (ej ), F (X)iF (ej ) = hej , XiF (ej ),
j=1 j=1

ce qui montre que F (X) dépend linéairement de X. Ainsi, F (X) = AX où


A ∈ O(n, R) est une matrice orthogonale puisqu’elle vérifie

ht AAX, Y i = hAX, AY i = hX, Y i, pour tout X, Y ∈ Rn .

d’où t A = A−1 .
1.4. ISOMÉTRIES EUCLIDIENNES 27

Voici quelques propriétés des isométries que vous devez connaître :


— l’ensemble des isométries de Rn forment un groupe Isom(Rn ) ;
— les isométries positives (celles qui préservent l’orientation) forment un
sous-groupe, elles sont parfois appelées « déplacements » ;
— le groupe orthogonal O(n, R) est compact (pour la topologie induite
2
par une norme sur Rn ' M (n, R) ⊃ O(n, R)) ;
— le sous-groupe O+ (n, R) est connexe, non commutatif pour n ≥ 3.

Proposition 1.4.3. Les réflexions engendrent le groupe Isom(Rn ).

Une réflexion est une symétrie orthogonale par rapport à un hyperplan.

Démonstration. Soit f une isométrie de Rn . Si elle n’a aucun point fixe, on


choisit O ∈ Rn et on note H l’hyperplan médiateur du segment [Of (O)].
Alors O est un point fixe de l’isométrie sH ◦ f , où sH désigne la symétrie
orthogonale par rapport à l’hyperplan H. On s’est ainsi ramenés au cas où
f admet un point fixe O que l’on peut choisir comme origine.
Il reste donc à montrer qu’une isométrie vectorielle est une composée
de réflexions. On observe que l’ensemble F ix(f ) des points fixes est un
sous-espace vectoriel. Nous allons raisonner par récurrence sur sa dimen-
sion. Si dim F ix(f ) = n, alors f = Id et il n’y a rien à faire. Supposons donc
dim F ix(f ) = j < n. Soit P ∈ Rn \ F ix(f ) et H l’hyperplan médiateur du
segment [P f (P )]. Le fait que f est une isométrie garantit que F ix(f ) ⊂ H.
On en déduit que l’isométrie g = sH ◦ f a un espace de points fixes F ix(g) de
dimension ≥ j + 1. On lui applique l’hypothèse de récurrence pour conclure.
Au final, nous obtenons ainsi qu’une isométrie vectorielle (resp. affine)
est la composée d’au plus n (resp. n + 1) symétries orthogonales.

Isométries de R2 .
— une isométrie plane est soit une translation, soit une rotation affine
(i.e. une rotation non nécessairement centrée à l’origine), soit une
réflexion, soit une symétrie glissée (composée d’une symétrie ortho-
gonale par rapport à une droite et d’une translation par un vecteur
de cette même droite) ;
— une symétrie (s ◦ s = Id) est soit une rotation d’angle 0 ou π, soit
une symétrie orthogonale par rapport à une droite (réflexion).
Isométries de R3 . Les isométries de R3 sont de six types :
— les translations ;
— les réflexions affines ;
— les symétries glissées orthogonales (composée d’une réflexion et d’une
translation par un vecteur du plan de la réflexion) ;
— les rotations (d’axe affine) ;
— les vissages (composées d’une rotation et d’une translation de l’axe) ;
— les antirotations (composées d’une rotation et d’une symétrie).
Nous renvoyons le lecteur au livre [Audin] pour plus de détails.
28 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

1.5 Propriétés globales


1.5.1 Courbes fermées
Soit a, b ∈ R avec a < b. Soit ϕ : [a, b] → Rn une courbe paramétrée telle
que ϕ(a) = ϕ(b). Pour que les deux branches de ϕ se raccordent de façon
lisse au point ϕ(a), on impose de plus que ϕ(j) (a) = ϕ(j) (b) pour tout j ∈ N.
On dit dans ce cas que Γ = ϕ([a, b]) est une courbe fermée.
Quitte à dilater et translater, on peut supposer que a = 0 et b = 2π et
prolonger ϕ par 2π-périodicité. En identifiant le cercle unité S 1 au quotient
R/2πZ via l’exponentielle complexe θ 7→ eiθ , on obtient une paramétrisation
f : S 1 → Rn
de la courbe fermée Γ, qui est donnée par une application lisse (on donnera au
chapitre 3 une définition convenable de la régularité de telles applications).
Définition 1.5.1. Une courbe fermée ϕ : [a, b] → Rn est simple si elle
n’a pas d’autres auto-intersections, i.e. ϕ(a) = ϕ(b) mais ϕ(t) 6= ϕ(s) pour
t, s ∈ [a, b[ avec t 6= s.
On s’intéresse ici au degré des applications du cercle S 1 dans lui-même,
qui apparaissent lorsque l’on étudie les vecteurs tangents de courbes fermées.

Relevés des applications


On note p : R → S 1 = R/2πZ la projection canonique de la relation
d’équivalence modulo 2πZ et on identifie S 1 au cercle unité par l’application
exponentielle complexe
θ ∈ R 7→ eiθ ∈ S 1 ⊂ C ' R2 .
Lemme 1.5.2. Soit I = [a, b] ⊂ R, f ∈ C ∞ ([a, b], S 1 ), et u ∈ p−1 (f (a)). Il
existe une unique application F ∈ C ∞ ([a, b], R) telle que
f =p◦F et F (a) = u.
Démonstration. Supposons que f = p ◦ F . En identifiant S 1 au cercle unité
par l’exponentielle complexe, cela revient à dire que
f (t) = eiF (t)
pour tout t ∈ I. Ainsi, F 0 (t) = −if 0 (t)/f (t), donc F est uniquement déter-
minée par intégration.
Notons que deux relevés diffèrent d’un multiple de 2π : si F et G sont
deux applications telles que p ◦ F = p ◦ G, alors il existe k ∈ Z tel que
F ≡ G + 2kπ.
Remarque 1.5.3. On peut étendre le lemme à des applications seulement
continues, mais il faut une preuve différente (voir par exemple la démonstra-
tion de [DoCarmo, Proposition 2, p. 376]).
1.5. PROPRIÉTÉS GLOBALES 29

Degré des applications


Soit f : S 1 → S 1 et p : R → S 1 = R/2πZ l’application de passage au
quotient. On note f˜ : R → S 1 l’application f˜ := f ◦p. En appliquant le lemme
précédent, on obtient une application F : R → R telle que f ◦ p = p ◦ F ,
f
S1 → S1

↑ % ↑
F
R → R
On dit que le diagramme commute.
Définition 1.5.4. On appelle degré de f le nombre
F (2π) − F (0)
deg(f ) := .

Notons que la définition ne dépend pas du choix du relevé (pourquoi ?).
L’exemple fondamental est celui de la fonction puissance
f : z ∈ S 1 7→ z k ∈ S 1
où k ∈ Z et où l’on a utilisé la notation complexe z = eiθ . Un relevé est
F : θ ∈ R 7→ kθ ∈ R
et le degré de f est donc k.
Proposition 1.5.5. Soit f, g : S 1 → S 1 deux applications. Alors
• deg(f ) ∈ Z ;
• ∀t ∈ R, deg(f ) = [F (t + 2π) − F (t)]/2π ;
• deg(f ◦ g) = deg(f ) · deg(g).
Démonstration. Comme f (2π) = f (0), il vient F (2π) − F (0) ∈ 2πZ, ce qui
assure que le degré est entier. Les autres points seront traités en exercice.

Proposition 1.5.6. Une application f : S 1 → S 1 de degré non nul est


nécessairement surjective.
Le degré d’une application f : S 1 → S 1 contient donc des informations
intéressantes sur celle-ci. Nous en verrons d’autres (existence de points pé-
riodiques) dans les exercices.

Démonstration. Soit F : [0, 2π] → R un relevé de f . On suppose que f est


de degré k non nul, F (2π) = F (0) + 2kπ. Pour fixer les idées, on suppose
que k > 0.
Soit z = eiθ ∈ S 1 . Comme l’intervalle [F (0), F (2π)] est de longueur
supérieure ou égale à 2π, on peut choisir θ dans cet intervalle. Le théorème
des valeurs intermédiaires assure qu’il existe θ0 ∈ [0, 2π] tel que F (θ0 ) = θ.
0
Cela signifie que f (eiθ ) = z, donc f est surjective.
30 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Homotopies
Définition 1.5.7. Soit c1 et c2 : S 1 → S 1 deux applications régulières. On
appelle homotopie de c1 en c2 une application régulière

H : [0, 1] × S 1 → S 1

telle que H(0, ·) ≡ c1 (·) et H(1, ·) ≡ c2 (·). On dit que c1 et c2 sont homotopes.

Il s’agit donc d’une déformation (continue) de c1 en c2 .

Théorème 1.5.8. Les applications de S 1 dans S 1 sont classifiées, à homo-


topie près, par leur degré.

Démonstration. Si H est une homotopie entre c1 et c2 , alors H(t, ·) est une


application régulière de S 1 dans S 1 . Son degré est une fonction continue de
t à valeurs dans Z, elle est donc constante. Ainsi deg(c1 ) = deg(c2 ).
Réciproquement, soit c1 et c2 deux applications de même degré k ∈ Z.
On les relève en deux applications F1 , F2 : [0, 2π] → R telles que

F1 (2π) − F1 (0) = F2 (2π) − F2 (0) = 2kπ.

Considérons, pour tout t ∈ [0, 1] et s ∈ [0, 2π],

F (t, s) = tF1 (s) + (1 − t)F2 (s).

On vérifie que F est une déformation continue entre F1 et F2 . Comme


F (t, 2π) = 2kπ pour tout t ∈ [0, 1], l’application passe au quotient et permet
de définir H : [0, 1] × S 1 → S 1 qui est une homotopie entre c1 et c2 .

1.5.2 Enroulement des courbes fermées


Il est utile, même lorsque l’on s’intéresse à des propriétés différentielles,
de considérer des invariants topologiques, i.e. des objets (nombres, groupes,
etc.) qui restent inchangés lorsque l’on déforme continûment la structure
étudiée.

Courbes planes
Définition 1.5.9. Soit f : S 1 → R2 une courbe fermée. Le nombre enroul(f )
d’enroulement de f est le degré de l’application τ : S 1 → S 1 , qui à t ∈ S 1
associe le vecteur unitaire tangent à la courbe au point f (t).

Proposition 1.5.10. Le nombre d’enroulement est indépendant du paramé-


trage (s’il préserve l’orientation). Il est invariant par déformation.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate de ce que le degré est


invariant par homotopie.
1.5. PROPRIÉTÉS GLOBALES 31

Remarque 1.5.11. Pour une courbe orientée, le nombre d’enroulement est


défini en choisissant une paramétrisation. Pour une courbe non orientée, il
est défini au signe près.
Théorème 1.5.12. Soit f : S 1 → R2 une courbe fermée paramétrée à vitesse
unité. Alors Z
1
κ(s)ds = enroul(f ).
2π S 1
Démonstration. Par définition, κ(s) est la vitesse (orientée) de variation du
vecteur unitaire tangent τ (s) par rapport à s. L’intégrale de κ est donc la
variation totale de τ , i.e. l’intégrale sur S 1 de κ(s) est égale à 2π fois le
nombre de tours effectués par τ .

On définit de façon analogue à ce qui a été fait précédemment l’homotopie


entre deux courbes fermées orientées.
Théorème 1.5.13. Les courbes fermées orientées sont classifiées à homoto-
pie près par leur nombre d’enroulement.
Démonstration. Deux courbes homotopes ont les mêmes nombres d’enroule-
ment par invariance du nombre d’enroulement par déformation.
Réciproquement, soit c1 , c2 deux courbes fermées orientées ayant le même
nombre d’enroulement n. On veut montrer qu’elles sont homotopes. Quitte
à effectuer une déformation homothétique, il suffit de montrer le résultat
lorsque c1 et c2 sont de longueur 2π.
On choisit des paramétrages f1 , f2 à vitesse unité. Quitte à translater, on
peut supposer que f1 (0) = f2 (0) = 0. On appelle τ1 , τ2 les vecteurs unitaires
tangents associés, ainsi deg(τ1 ) = deg(τ2 ) = n.
D’après le théorème de classification des applications de S 1 dans S 1 , il
existe une homotopie H : [0, 1] × S 1 → S 1 de τ1 sur τ2 . On pose alors, pour
t ∈ [0, 1] et s ∈ R,
Z s Z 2π
s
F (t, s) = H(t, u)du − H(t, u)du.
0 2π 0
Observons que F est une application régulière, 2π-périodique telle que
Z s Z 2π
s
F (0, s) = τ1 (u)du − τ1 (u)du = f1 (s)
0 2π 0
et Z s Z 2π
s
F (1, s) = τ2 (u)du − τ2 (u)du = f2 (s).
0 2π 0

De plus pour tout t ∈ [0, 1] et s ∈ S 1 ,


Z 2π
d 1
F (t, s) = H(t, s) − H(t, u)du 6= 0
ds 2π 0
32 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

R 2π
car 2π −1 0 H(t, u)du est dans le disque ouvert de centre 0 et de rayon 1,
comme barycentre de points de S 1 .
Il s’ensuit que F est bien une homotopie entre f1 et f2 .

Remarque 1.5.14. Il s’avère qu’une courbe fermée simple a pour nombre


d’enroulement 1 ou −1. Nous ne le démontrerons pas ici et renvoyons le
lecteur à [DoCarmo, Theorem 2, p. 396].

Théorie des noeuds


Les propriétés des courbes gauches fermées simples font l’objet de la
théorie des noeuds. Il s’agit de classifier les plongements de S 1 dans R3 à
isotopie près. Pour distinguer deux tels plongements, on cherche à construire
des invariants qui permettent de les distinguer (polynôme de Jones, etc.).
Nous renvoyons le lecteur au livre [Sossinsky] pour une belle introduc-
tion à cette théorie riche et difficile. Nous indiquons ici brièvement, sans
démonstration, quelques propriétés globales des courbes gauches.
Théorème 1.5.15 (Fenchel 4 ). Soit ϕ : S 1 → R3 une courbe fermée. Alors
Z
κ ≥ 2π.
S1

Il y a égalité si et seulement si ϕ est une courbe plane convexe.


La démonstration fait appel à la théorie des surfaces qui fait l’objet du
prochain chapitre. Le lecteur intéressé peut consulter les détails de ce résultat
célèbre dans [DoCarmo, Theorem 3, p. 399].
On peut améliorer sensiblement l’énoncé du résultat précédent.
Définition 1.5.16. On dit qu’une courbe fermée Γ ⊂ R3 est non nouée s’il
existe un plongement ϕ : ∆ → R3 du disque unité ∆ de R2 tel que

ϕ(∂∆) = Γ.

Une courbe est dite nouée dans le cas contraire.


On peut vérifier que le caractère noué est invariant par homotopie.
Théorème 1.5.17. Soit ϕ : S 1 → R3 une courbe fermée nouée. Alors
Z
κ ≥ 4π.
S1

Il s’agit là d’un résultat célèbre de Fary 5 et Milnor 6 , le lecteur en trouvera


une démonstration dans [DoCarmo, Theorem 4, p. 402].
4. Moritz Werner Fenchel, mathématicien danois d’origine allemande (1905-1988), un
des pionniers de l’analyse convexe.
5. Istvan Fary, mathématicien hongrois (1922-1984).
6. John Willard Milnor, mathématicien américain (1931-), médaille Fields en 1962.
1.5. PROPRIÉTÉS GLOBALES 33

1.5.3 Inégalité isopérimétrique dans R2


Le théorème de Jordan 7 assure que le complémentaire R2 \c d’une courbe
plane fermée simple régulière c a exactement deux composantes connexes,
notées cint et cext . Ce sont deux domaines de frontières communes

∂cint = ∂cext = c

où cint désigne la composante compacte. Nous renvoyons le lecteur au livre


de Berger-Gostiaux [BerGos, Théorème 9.2.1] pour une démonstration de ce
résultat classique et important.
Nous appelons dans la suite « aire de (la région délimitée par la courbe)
c » l’aire de la composante compacte cint .

Théorème 1.5.18. Soit c une courbe plane fermée simple régulière. Alors

Aire(c) Aire(D) 1
2
≤ 2
= ,
`(c) `(∂D) 4π

avec égalité si et seulement si c est un cercle.

Il s’agit de l’inégalité isopérimétrique dans le plan.

Remarque 1.5.19. Ce type de problème est connu depuis l’Antiquité. La


reine Didon, fondatrice de Carthage en 814 avant J.-C., obtient pour s’ins-
taller « autant de terre qu’il en pourra tenir dans une peau de boeuf. » Didon
fait découper cette peau en fines lamelles et les met bout à bout de façon à
délimiter le plus grand territoire possible (bordé par la mer) : sauriez vous
l’aider à résoudre ce problème isopérimétrique dans le demi-plan ?

Démonstration. La démonstration de l’inégalité isopérimétrique est une jolie


conséquence de l’inégalité de Wirtinger 8 (Lemme 1.5.20 ci-dessous).
On se ramène par homothétie à une courbe de longueur 2π, avec para-
métrisation à vitesse unité h : S 1 → R2 . On se ramène par translation au
cas où (0, 0) est le centre de gravité de c. Autrement dit, si h = (f, g), on
impose Z Z
f= g = 0.
S1 S1
Il vient alors Z
2 2
f 0 + g 0 = 2π = `(c),
S1
tandis que Z Z
0
Aire(c) = fg = − f 0 g.
S1 S1

7. Marie Ennemond Camille Jordan, mathématicien français (1838-1922).


8. Wilhelm Wirtinger, mathématicien autrichien (1865-1945).
34 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

On en déduit
Z Z Z
2 2 2
2(π − Aire(c)) = (f 0 + g 0 − 2f g 0 ) = (f 0 − f 2 ) + (f − g 0 )2 .
S1 S1 S1

Le lemme de Wirtinger assure que la première intégrale est positive donc

2π − 2Aire(c) ≥ 0.

Le cas d’égalité correspond à un cercle paramétré à vitesse unité.

Lemme 1.5.20. Soit f : R → R une fonction régulière 2π-périodique de


moyenne nulle. Alors
Z 2π Z 2π
2
2
f (t)dt ≤ f 0 (t)dt
0 0

avec égalité ssi f (t) ≡ acos(t) + bsin(t).

Démonstration. La fonction f (resp. f 0 ) est L2 , donc coïncide au sens L2 avec


sa série de Fourier. En intégrant par parties, on observe que les coefficients
de Fourier de f 0 vérifient
ck (f 0 ) = ikck (f ),
donc |ck (f )|2 ≤ |ck (f 0 )|2 si k 6= 0.
Or le coefficient c0 (f ) est supposé nul, d’où le résultat.

Remarque 1.5.21. La première preuve rigoureuse de l’inégalité isopérimé-


trique date seulement de la fin du XIXe siècle (par Weierstrass 9 ). La preuve
indiquée ci-dessus ne traite que le cas des courbes de classe C 1 . Une approche
alternative, plus géométrique, consiste à se ramener au cas d’un convexe com-
pact du plan, puis à l’approximer par des polygones.
L’inégalité isopérimétrique dans Rn , n ≥ 2, prend la forme suivante : si
Ω est un domaine borné (suffisamment régulier) de Rn , alors

[Vol(Ω)]n [Vol(Bn )]n [Vol(Bn )]n


≤ =
[Vol(∂Ω)]n−1 [Vol(∂Bn )]n−1 [Vol(Sn−1 )]n−1

où Bn (resp. Sn−1 ) désigne la boule (resp. sphère) unité de Rn .


Les théorèmes isopérimétriques sont actuellement l’objet de recherches
intenses (le problème est délicat en dimension supérieure et dans certains
espaces exotiques), en particulier en analyse fonctionnelle et en géométrie
convexe.

9. Karl Weierstrass, mathématicien allemand (1815-1897), le « père de l’analyse mo-


derne ».
1.6. EXERCICES 35

1.6 Exercices
Courbes planes
Exercice 1. Soit ϕ : R → R2 une application lisse avec ϕ(0) = (0, 0), dont
l’image Γ est incluse dans la cubique cuspidale

C := (x, y) ∈ R2 / y 2 = x3 .


Montrer qu’on a nécessairement ϕ0 (0) = (0, 0).

Exercice 2. Soit Γ une conique du plan R2 et A ∈ Γ. La droite D(t) de pente


t passant par A rencontre en général la conique Γ en un deuxième point noté
Mt de coordonnées (x(t), y(t)).
1) Montrer que l’application t 7→ ϕ(t) = (x(t), y(t)) ∈ R2 paramètre
Γ \ {1pt} par des fractions rationnelles.
2) Donner un paramétrage du cercle x2 + y 2 = 1 (privé d’un point) par
des fractions rationnelles.

Exercice 3. Soit a, b > 0. Déterminer le lieu géométrique défini par la


paramétrisation

1 − t2
 
2t
ϕ : t ∈ R 7→ a ,b ∈ R2 .
1 + t2 1 + t2

Exercice 4.
1) Soit ϕ : t ∈]0, +∞[7→ (t2 , t3 ) ∈ R2 . Montrer que la longueur d’arc
comptée à partir du point (0, 0) est la fonction algébrique
1 8
`(t) = (4 + 9t2 )3/2 − .
27 27

2) Savez-vous calculer le périmètre d’une ellipse ? Et son aire ?

Exercice 5. Donner une paramétrisation de la cubique nodale

Γ = {(x, y) ∈ R2 / y 2 = x3 + x2 }.

Tracer son graphe et calculer sa courbure.

Exercice 6. Soit ϕ : I → R2 une courbe paramétrée telle que ||ϕ(t) − ϕ(s)||2


est une fonction lisse de |t − s|2 . Montrer que la courbe géométrique associée
est une portion de droite ou de cercle.
36 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Exercice 7. Étudier, tracer et calculer la courbure de la tractrice


 
t
ϕ : t ∈]0, π[7→ a sin t, cos t + ln tan ∈ R2 .
2

Exercice 8. La développée d’une courbe plane Γ de paramétrisation ϕ(t)


est le lieu de ses centres de courbure (i.e. le lieu des centres des cercles
osculateurs). Elle admet la paramétrisation

1
ψ(t) = ϕ(t) + N (t)
κ(t)

où N (t) est le vecteur normal unitaire à Γ en ϕ(t).


1) Montrer que la tangente en ψ(t) à la développée est portée par la
normale en ϕ(t) à Γ.
2) Montrer que la développée de la parabole d’équation y = ax2 est la
courbe d’équation 27x2 = 16a(y − 1/2a)3 .

Exercice 9. Soit t 7→ D(t) une famille de droites du plan. On appelle enve-


loppe de cette famille une courbe Γ paramétrée t 7→ ϕ(t) telle que pour tout
t, Γ est tangente à D(t) en ϕ(t).
1) On suppose que pour tout t, D(t) est la droite passant par le point
M (t) de vecteur unitaire directeur u(t). Montrer que si u0 ne s’annule pas,
alors la famille D(t) admet une enveloppe.
2) Que signifie le fait que u0 ≡ 0 ?
3) Calculer l’enveloppe de la famille de droites D(t) d’équations

3tX − 2Y − t3 = 0.

4) Soit Γ ⊂ R2 une courbe géométrique paramétrée par son abscisse cur-


viligne s 7→ ψ(s). Montrer que si ψ n’a pas de point d’inflexion, la famille de
ses normales possède une enveloppe (la développée de Γ).

Exercice 10. Soit Γ une courbe plane fermée simple. On suppose que sa
courbure vérifie
0≤κ≤C
pour une constante C > 0. Montrer que

`(Γ) ≥ .
C
1.6. EXERCICES 37

Courbes gauches
Exercice 11. Soit Γ une courbe paramétrée par son abscisse curviligne ϕ :
I → R3 . Montrer que le plan osculateur à Γ en ϕ(s) est la limite lorsque
h, k → 0 du plan passant par les points ϕ(s), ϕ(s + h) et ϕ(s + k).

Exercice 12. Étudier la façon dont une homothétie transforme la courbure


et la torsion d’une courbe gauche.

Exercice 13. Calculer « l’appareil de Frenet », c’est-à-dire les vecteurs T, N


et B, la courbure κ et la torsion τ de la courbe paramétrée
p p
ϕ : t ∈ R 7→ ( 1 + t2 , t, ln(t + 1 + t2 )) ∈ R3 .

Exercice 14. Soit Γ ⊂ R3 une courbe gauche dont toutes les tangentes
passent par un même point. Montrer que Γ est une (portion de) droite.

Exercice 15. Une hélice généralisée est une courbe gauche dont la tangente
fait un angle constant avec une direction fixe. Montrer qu’une courbe gauche
est une hélice généralisée si et seulement si le quotient de sa courbure par sa
torsion est constant.

Exercice 16. Soit Γ ⊂ R3 une courbe paramétrée de courbure constante


κ > 0 et de torsion constante τ ∈ R. Montrer (par une preuve directe) que
Γ est une hélice.

Exercice 17. Soit Γ ⊂ R3 une courbe paramétrée par la longueur d’arc


ϕ : I → R3 . On suppose qu’il existe s0 ∈ I tel que kϕ(s)k ≤ kϕ(s0 )k pour
tout s dans un voisinage de s0 . Montrer que
1
κ(s0 ) ≥ .
kϕ(s0 )k

On pourra étudier la fonction f (s) = kϕ(s)k2 .

Exercice 18. Soit Γ une courbe gauche paramétrée par ϕ : I → R3 . Montrer


qu’il existe un unique cercle qui réalise un contact d’ordre trois (au moins)
avec Γ au point ϕ(t), qu’il est inclus dans le plan osculateur à Γ en ϕ(t), et
qu’il a pour rayon R = 1/κ(t) et pour centre le point ϕ(t) + κ−1 (t)N (t).
38 CHAPITRE 1. COURBES DE RN

Exercice 19. Soit t ∈ [a, b] 7→ X(t) ∈ R3 une fonction vectorielle lisse telle
que kX(t)k = 1 pour tout t. On suppose que les vecteurs {X(t), X 0 (t), X 00 (t)}
forment une base de R3 pour tout t, on fixe c ∈ R∗ et on considère
Z t
ϕ : t ∈ [a, b] 7→ ϕ(t) = c X(s) ∧ X 0 (s)ds ∈ R3 .
a

Montrer que la courbe géométrique Γϕ a une torsion constante = 1/c (on


pourra montrer que le vecteur binormal B(t) à Γ est proportionnel à X(t)).

Exercice 20. Soit ϕ : R → R3 définie par


2
 (t, 0, e−1/t )

si t>0
ϕ(t) = (0, 0, 0) si t=0
2
(t, e−1/t , 0)

si t < 0.

1) Montrer que ϕ est lisse et que Γ =pϕ(R) est régulière.


2) Montrer que κ(t) 6= 0 si t ∈
/ {0, ± 2/3} et vérifier que κ(0) = 0.
3) Montrer que le vecteur normal est discontinu en t = 0.
4) Montrer que τ ≡ 0 bien que Γ ne soit pas une courbe plane.

Exercice 21. Soit Γ une courbe régulière paramétrée par ϕ : I → R3 . Soit


π la projection orthogonale sur le plan osculateur à Γ en ϕ(t). Montrer que
la courbure en t de la courbe plane π ◦ ϕ(R) est égale à κ(t).

Exercice 22. Soit ϕ : s ∈ I → ϕ(s) ∈ R3 une courbe gauche Γ. On note


κ(s) et τ (s) la courbure et la torsion dont on suppose qu’elles ne s’annulent
pas. On note R = 1/κ et δ = 1/τ .
1) Montrer que si Γ est tracée sur une sphère, alors

R2 + (R0 )2 δ 2 ≡ constante.

On pourra supposer que la sphère est centrée à l’origine et dériver trois fois
l’identité ||ϕ(s)||2 ≡ constante.
2) On suppose réciproquement que R2 + (R0 )2 δ 2 ≡ constante. Montrer
que ϕ(s) + R(s)N (s) − R0 (s)δ(s)B(s) est constant, et en déduire que Γ est
tracée sur une sphère.
1.6. EXERCICES 39

Isométries et propriétés globales


Exercice 23. Montrer que la composée de deux rotations (affines) du plan
est soit une translation, soit une rotation (affine).

Exercice 24. On note O(n, R) l’ensemble des matrices orthogonales, et


SO(n, R) celles qui préservent l’orientation (i.e. de déterminant 1). Mon-
trer que :
1) O(n, R) est un groupe compact ;
2) SO(n, R) est un groupe connexe ;
3) SO(2, R) est commutatif, mais pas SO(n, R), n ≥ 3 ;
4) SO(n, R) agit transitivement sur la sphère S n−1 (n ≥ 2).

Exercice 25. Soit f : S 1 → S 1 une application et F un relevé de f . Montrer


que :
[F (t + 2π) − F (t)]
∀t ∈ R, deg(f ) = .

Exercice 26. Soit f : R 7→ R une fonction 2π-périodique et


g : t ∈ R 7→ g(t) = f (t) + t ∈ R.
Montrer que g induit une application G : S 1 → S 1 dont on calculera le degré.

Exercice 27. Soit f : S 1 → S 1 une application continue. Montrer que le


nombre P (f ) de points fixes de f vérifie
P (f ) ≥ | deg f − 1|.

Exercice 28. Soit f, g : S 1 → S 1 deux applications continues. Montrer que


deg(f ◦ g) = deg f · deg g.
En déduire que f a beaucoup de points périodiques si | deg f | ≥ 2.

Exercice 29. Soit Γ ⊂ R2 une courbe plane. On appelle sommet de Γ un


extremum local de la courbure de Γ.
i) Montrer que tout point d’un cercle est un sommet. Montrer qu’une
ellipse a quatre sommets.
ii) Montrer qu’une courbe fermée a toujours deux sommets, puis qu’une
courbe fermée simple convexe a au moins quatre sommets. 10

10. Il s’agit du théorème des quatre sommets, prouvé pour la première fois en 1909.
Pour un historique et une preuve de la réciproque, nous renvoyons le lecteur à [DoCarmo,
pp 37-41] ainsi qu’à l’article « The converse to the four vertex theorem » de B.Dahlberg,
Proceedings of the American Mathematical Society, Vol.133, no7 (2005), 2131-2135.
40 CHAPITRE 1. COURBES DE RN
Chapitre 2

Surfaces de R3

Introduction
Dans ce deuxième chapitre, nous étudions les propriétés métriques des
surfaces de R3 . On peut définir celles-ci à l’aide d’une paramétrisation ou par
une équation implicite, comme dans le cas des courbes. Le cas modèle est
celui des surfaces définies comme le graphe d’une fonction de deux variables.
Nous passons en revue les différentes façons de définir une surface et
étudions la notion de plan tangent dans la section 2.1, puis la première
forme fondamentale dans la section 2.2. Cette dernière n’est rien d’autre que
la restriction du produit scalaire euclidien de l’espace ambiant R3 .
Nous définissons ensuite l’application de Gauss qui joue un rôle fonda-
mental. Nous calculons sa différentielle, obtenant ainsi une nouvelle forme
quadratique sur l’espace tangent, c’est la deuxième forme fondamentale. On
en déduit les différentes notions de courbure. La notion la plus importante est
la courbure de Gauss, la plus délicate à manipuler est la courbure moyenne.
Nous démontrons dans la section 2.4 le célèbre Theorema egregium de
Gauss. Il assure que la courbure de Gauss est entièrement déterminée par
la première forme fondamentale. En particulier, deux surfaces localement
isométriques ont même courbure de Gauss. Ce résultat n’a pas d’analogue
dans le cas des courbes : toutes les courbes sont localement isométriques,
bien qu’elles n’aient pas nécessairement la même courbure.
Nous étudions dans la section 2.5 la structure d’espace métrique des
surfaces. Nous introduisons la notion de géodésique dont l’existence locale
résulte du théorème de Cauchy-Lipschitz. Nous montrons que les géodésiques
minimisent localement la distance intrinsèque et que l’application exponen-
tielle est un difféomorphisme local.
Nous introduisons ensuite la caractéristique d’Euler, et énonçons le théo-
rème de Gauss-Bonnet qui relie un invariant topologique (la caractéristique
d’Euler) à la valeur moyenne d’un invariant différentiel (la courbure de
Gauss). C’est un résultat splendide que nous ne faisons qu’effleurer.

41
42 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.1 Espaces tangents


2.1.1 Définitions équivalentes
Nappes paramétrées
Définition 2.1.1. Une nappe paramétrée est une application lisse injective
ϕ : U → R3
définie sur un ouvert U de R2 . Elle est dite régulière si la différentielle de ϕ en
chaque point de U est de rang 2 et si ϕ : U → ϕ(U ) est un homéomorphisme.
Deux nappes paramétrées (ϕ, U ) et (ψ, V ) sont équivalentes s’il existe un
difféomorphisme (lisse) f : V → U tel que ψ = ϕ ◦ f . Le lecteur vérifiera
qu’il s’agit bien d’une relation d’équivalence. Comme
Dψp = Dϕf (p) ◦ Dfp
avec Dfp inversible, les différentielles Dψ et Dϕ ont même rang.

Définition 2.1.2. On appelle nappe géométrique régulière une classe d’équi-


valence de nappes paramétrées régulières.
Une surface est une partie de R3 qui est, au voisinage de chacun de ses
points, une nappe géométrique régulière.
On fera souvent l’abus de langage de confondre une nappe et son support,
c’est-à-dire l’ensemble des points de R3 images d’une paramétrisation.
Exemple 2.1.3. Considérons le cône de révolution paramétré par
ϕ : (θ, z) ∈]0, 2π[×R 7→ (z cos θ, z sin θ, z) ∈ R3 .
La matrice de la différentielle de ϕ
 
−z sin θ cos θ
Dϕ(θ, z) =  z cos θ sin θ 
0 1
est de rang 2 si et seulement si z 6= 0, c’est-à-dire que le cône est une surface
régulière en tout point, sauf en son sommet.
Remarquons que si une nappe (ϕ, U ) est régulière en un point p =
(s0 , t0 ) ∈ U , alors les vecteurs
∂ϕ ∂ϕ
(s0 , t0 ) et (s0 , t0 )
∂s ∂t
sont linéairement indépendants.
Il est important de noter qu’on ne peut pas, en général, décrire une
surface (régulière ou non) à l’aide d’un seul paramétrage. C’est déjà le cas
de la sphère unité S 2 ⊂ R3 :
2.1. ESPACES TANGENTS 43

Exemple 2.1.4. La sphère unité S 2 est l’ensemble

S 2 := {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 + z 2 = 1}.

Nous voulons justifier que c’est une surface régulière. Par définition, il s’agit
de montrer que c’est une nappe géométrique régulière au voisinage de chacun
de ses points.
Soit p = (a, b, c) un tel point. Quitte à interchanger le rôle de a, b, c, on
peut supposer que c 6= 0. Posons U := {(x, y) ∈ R2 / x2 + y 2 < 1}. Si c > 0,
on considère
p
ϕ : (x, y) ∈ U 7→ (x, y, 1 − x2 − y 2 ) ∈ R3 .

C’est une paramétrisation lisse qui est le graphe d’une fonction lisse, elle
définit donc une paramétrisation régulière et on a p = ϕ(a, b) ∈ ϕ(U ).
Si c < 0, on considère à la place l’application
p
ψ : (x, y) ∈ U 7→ (x, y, − 1 − x2 − y 2 ) ∈ R3

pour conclure de façon similaire.

En procédant ainsi, il nous faut donc six applications pour paramétrer la


sphère unité ! Les coordonnées sphériques permettent de ne considérer que
deux applications, mais une seule paramétrisation ne suffit pas car la sphère
unité est compacte : comme nous imposons à une paramétrisation régulière
ϕ : U → ϕ(U ) d’être injective, elle réalise un difféomorphisme sur son image,
celle-ci ne peut donc pas être compacte.

Graphes de fonctions
De la même façon que les graphes de fonctions d’une variable réelle sont
les modèles locaux des courbes planes lisses, les graphes de fonctions de deux
variables réelles sont les modèles locaux des surfaces régulières de R3 .
Soit h : U → R une fonction lisse définie sur un ouvert U ⊂ R2 . Le
graphe de h est le lieu géométrique

Sh := {(x, y, z) ∈ U × R / z = h(x, y)}.

C’est donc une nappe géométrique paramétrée par

ϕ : (x, y) ∈ U 7→ (x, y, h(x, y)) ∈ R3 .

C’est toujours une immersion puisque la matrice de la différentielle de ϕ est


 
1 0
Dϕ =  0 1 
h0x h0y
44 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

où l’on a noté h0x = ∂h/∂x, h0y = ∂h/∂y.


Observons que le sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs ∂ϕ/∂x
et ∂ϕ/∂y (on verra plus tard qu’il s’agit de l’espace tangent à Sh ) ne contient
jamais l’axe des z.
Nous montrons à présent, à l’aide du théorème d’inversion locale, qu’une
surface régulière peut s’exprimer au voisinage de chacun de ses points comme
le graphe d’une fonction lisse, dans un système adéquat de coordonnées.
Proposition 2.1.5. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Alors pour tout point
p de S, il existe un système de coordonnées cartésiennes centré en p tel que
S s’exprime, au voisinage de p, comme le graphe d’une fonction lisse.
Démonstration. Soit ϕ : U → R3 une paramétrisation de S,

ϕ(u, v) = (α(u, v), β(u, v), γ(u, v))

où α, β et γ sont des fonctions lisses. On note αu , αv , βu , etc. les dérivées


partielles des fonctions α, β, γ par rapport à u, v. Par hypothèse, la matrice
de la différentielle dϕm au point m = (u0 , v0 ) tel que p = ϕ(m) est de rang
deux. Dans la base canonique, celle-ci est
 
αu (u0 , v0 ) αv (u0 , v0 )
 βu (u0 , v0 ) βv (u0 , v0 )  .
γu (u0 , v0 ) γv (u0 , v0 )

Quitte à permuter les coordonnées dans R3 , on peut supposer que le mineur



αu (u0 , v0 ) αv (u0 , v0 )

βu (u0 , v0 ) βv (u0 , v0 )

n’est pas nul. Considérons l’application

f : (u, v) ∈ U 7→ (α(u, v), β(u, v)) ∈ R2 .

Elle est de rang 2 en m = (u0 , v0 ). Le théorème d’inversion locale assure que


c’est un difféomorphisme local, c’est-à-dire qu’il existe un voisinage V de m
tel que f réalise un difféomorphisme de V sur son image W = f (V ).
Notons g = (f|V )−1 l’application inverse de ce difféomorphisme local, et
considérons ψ := ϕ ◦ g qui est bien définie dans W = f (V ). Alors

ψ : (x, y) ∈ W 7→ (x, y, h(x, y)) ∈ R3 avec h(x, y) = γ ◦ g(x, y)

est une paramétrisation de S au voisinage de p qui est du type recherché.

Exemple 2.1.6. Le paraboloïde hyperbolique (encore appelé « selle de che-


val » ou « col ») est la surface régulière S définie par la nappe géométrique

ϕ : (x, t) ∈ R2 7→ (x, 1 + t, x + tx) ∈ R3 .


2.1. ESPACES TANGENTS 45

Cette surface est décrite simplement par l’équation algébrique

S = {(x, y, z) ∈ R3 / z = xy},

c’est donc le graphe de la fonction h(x, y) = xy. En voici une représentation


graphique :

Elle admet une autre interprétation. Posons α(x) = (x, 1, x) ∈ R3 et


β(x) = (0, 1, x) ∈ R3 . La surface S est la réunion des droites passant par
α(x), de vecteur directeur β(x), lorsque x décrit R ; en coordonnées cela
revient à décomposer
ϕ(t, x) = α(x) + tβ(x).
Les surfaces qui s’obtiennent ainsi s’appellent des surfaces réglées.

Équations cartésiennes
De nombreuses surfaces sont définies par des équations algébriques, voire
comme surfaces de niveau d’une fonction de trois variables. Dans ce cas, il est
parfois peu commode d’utiliser des paramétrisations pour vérifier que l’on a
bien à faire à une surface régulière (cf. Exemple 2.1.4).
Nous donnons à présent un critère simple, conséquence du théorème des
fonctions implicites qui garantit que de tels ensembles sont bien des surfaces
régulières.

Proposition 2.1.7. Soit f : V → R une fonction lisse définie sur un ouvert


V de R3 . Soit p ∈ R3 un point tel que f s’annule en p et sa différentielle

Dp f : R3 → R

est surjective. Alors l’ensemble

S := {(x, y, z) ∈ R3 / f (x, y, z) = 0}

est une surface régulière au voisinage de p.

Notons que l’hypothèse est facile à vérifier : la différentielle de f au


point p est surjective si et seulement si elle n’est pas nulle puisque l’espace
d’arrivée est de dimension 1. Il s’agit donc de calculer les dérivées partielles
fx (p), fy (p), fz (p) et de vérifier que l’une d’entre elles n’est pas nulle.
46 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Démonstration. Puisque Dp f est surjective, l’une au moins des dérivées par-


tielles de f n’est pas nulle au point p. Quitte à permuter les coordonnées, on
peut supposer que
∂f
(p) 6= 0.
∂z
Le théorème des fonctions implicites garantit alors que l’équation f (x, y, z) =
0 se résout au voisinage de p : il existe un ouvert U de R2 et une fonction
lisse h définie sur U tels que l’on a l’équivalence

{(x, y) ∈ U et f (x, y, z) = 0} ↔ z = h(x, y).

Cela donne ainsi une paramétrisation régulière de S au voisinage de p.

Nous résumons les différents points de vue équivalents pour définir une
surface géométrique régulière :

Proposition 2.1.8. Les propriétés suivantes sont localement équivalentes :


i) S est une surface paramétrée régulière ;
ii) S ⊂ R3 est le graphe d’une fonction de deux variables réelles ;
iii) S = {(x, y, z) ∈ V | f (x, y, z) = 0} avec f : V → R une fonction lisse
dont la différentielle est surjective.
iv) S = Φ(z = 0) est l’image du plan de coordonnée (z = 0) ⊂ R3 par un
difféomorphisme Φ : R3 → R3 .

Démonstration. L’implication i) ⇒ ii) résulte de la Proposition 2.1.5, tandis


que iii) ⇒ i) résulte de la Proposition 2.1.7.
Supposons que S = {(x, y, z) ; z = h(x, y)} est localement le graphe d’une
fonction lisse. Alors S = f −1 (0) avec f (x, y, z) = z − h(x, y) submersive,
puisque ∇f = (−hx , −hy , 1). Cela montre que ii) ⇒ iii).
Si S = Φ(z = 0) est l’image du plan (z = 0) par un difféomorphisme
local de R3 , alors ϕ(x, y) = Φ(x, y, 0) est une paramétrisation régulière de
S. Réciproquement, si ϕ(x, y) = (α, β, γ) est une paramétrisation locale
régulière de S telle que αx βy − αy βx 6= 0, alors Φ(x, y, z) = ϕ(x, y) + (0, 0, z)
est un difféomorphisme local de R3 puisque

Jac(Φ)(x, y, z) = αx βy − αy βx 6= 0.

Cela montre que i) ⇔ iv) puisque Φ(z = 0) = S.

2.1.2 Surfaces spéciales


Nous décrivons ici trois types de surfaces particulièrement importantes
que nous rencontrerons tout au long de ce texte.
2.1. ESPACES TANGENTS 47

Quadriques
Ce sont les surfaces S = {(x, y, z) ∈ R3 / f (x, y, z) = 0} définies par
le lieu d’annulation d’un polynôme de degré deux. On peut les classifier en
réduisant la forme quadratique définie par la partie homogène de degré deux
du polynôme f , et montrer qu’une telle quadrique est, à conjugaison par une
isométrie globale de R3 près,
— soit vide :
f (x, y, z) = x2 + y 2 + z 2 + 1,
— soit un ellipsoïde :

x2 y2 z2
f (x, y, z) = 2
+ 2 + 2 − 1,
a b c
— soit un cône elliptique :

x2 y2 z2
f (x, y, z) = + − ,
a2 b2 c2
— soit un hyperboloïde à une nappe :

x2 y2 z2
f (x, y, z) = + − − 1,
a2 b2 c2
— soit un hyperboloïde à deux nappes (non connexe) :

x2 y2 z2
f (x, y, z) = + − + 1,
a2 b2 c2
— soit un paraboloïde hyperbolique :

x2 y2
f (x, y, z) = 2
− 2 − z,
a b
— soit un paraboloïde elliptique :

x2 y2
f (x, y, z) = + − z,
a2 b2
— soit un cylindre elliptique :

x2 y2
f (x, y, z) = + − 1,
a2 b2
— soit un cylindre hyperbolique :

x2 y2
f (x, y, z) = 2
− 2 − 1,
a b
— soit un cylindre parabolique :

x2
f (x, y, z) = − y,
a2
48 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Nous vous laissons démontrer ce résultat. Observez que l’équation propo-


sée pour le paraboloïde hyperbolique peut encore s’écrire z = x0 y 0 en posant
x y x y
x0 = − et y 0 = + ,
a b a b
ce qui correspond bien aux notations utilisées dans l’Exemple 2.1.6.
Voici une représentation graphique des deux hyperboloïdes.

Surfaces de révolution
On considère une courbe plane C et on la fait tourner autour d’une droite
D du plan qui la contient. La droite D s’appelle l’axe de révolution.
Si la courbe C est une droite, la surface obtenue est un cylindre (droit)
si les droites C et D sont parallèles, un plan si elles sont perpendiculaires et
un cône sinon.
Si la courbe C est un cercle, la surface obtenue est une sphère si la droite
D est un diamètre de C, un tore de révolution si D et C ne se coupent pas.
On peut supposer que le plan de référence est le plan de coordonnées
xOz et que la courbe C est paramétrée par sa longueur d’arc

s ∈ I 7→ (f (s), 0, h(s)) ∈ R3 ,

avec f 0 (s)2 + h0 (s)2 ≡ 1. En supposant également que l’axe de révolution est


l’axe de coordonnée Oz, la surface de révolution est alors paramétrée par

ϕ : (s, θ) ∈ I×]0, 2π[7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s)) ∈ R3 .

Observons que

ϕs = (f 0 (s) cos θ, f 0 (s) sin θ, h0 (s)), ϕθ = (−f (s) sin θ, +f (s) cos θ, 0)

et
ϕs ∧ ϕθ = f (s) −h0 (s) cos θ, −h0 (s) sin θ, f 0 (s) ,

2.1. ESPACES TANGENTS 49

donc la surface S est régulière là où f (s) 6= 0. Les points singuliers de


cette surface (s’il y en a) se situent donc à l’intersection entre C et l’axe de
révolution.

Définition 2.1.9. Les courbes correspondant à θ = constante s’appellent des


méridiens, celles correspondant à s = constante s’appellent des parallèles.

Exemple 2.1.10. Un tore de révolution est la surface obtenue en faisant


tourner un cercle autour d’une droite qui ne le rencontre pas. C’est un pneu
dont on ne considère que la surface. Il admet la paramétrisation

ϕ(u, v) = ([R + r cos u] cos v, [R + r cos u] sin v, r sin u), avec R > r.

Cette dernière condition assure que le cercle que l’on fait tourner autour de
l’axe (Oz) ne rencontre pas ce dernier. En voici une représentation :

Surfaces réglées
Ce sont les surfaces obtenues en faisant passer, par tout point d’une
courbe C, une droite qui dépend de façon lisse du paramètre. Si la courbe
C est paramétrée par t ∈ I 7→ α(t) ∈ R3 , la droite passant par α(t) peut
être définie par son vecteur directeur β(t) ∈ R3 . La surface admet ainsi la
paramétrisation
(t, s) ∈ I × R 7→ α(t) + sβ(t) ∈ R3 .

Lorsque le vecteur directeur β(t) ≡ β0 est constant, on obtient un cy-


lindre. Lorsque les droites Rβ(t) sont toutes concourantes, on obtient un
cône. Le paraboloïde hyperbolique est un autre exemple de surface réglée que
nous avons rencontré dans l’Exemple 2.1.6. Voici la représentation graphique
d’un conoïde, pour lequel les droites sont parallèles à un plan directeur :
50 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Un exemple particulièrement important est la surface obtenue en considé-


rant l’ensemble des tangentes à la courbe C. Supposons que C est paramétrée
par sa longueur d’arc. On obtient alors

α0 (t) = T (t) et α00 (t) = κ(t)N (t)

où κ(t) est la courbure de C et où {T (t), N (t), B(t)} désigne le trièdre de


Frenet (cf. chapitre 1), avec B(t) := T (t) ∧ N (t).
La surface réglée des tangentes à C s’obtient alors en prenant β(t) = α0 (t).
Il vient ainsi
∂ϕ ∂ϕ
(s, t) = β(t) = α0 (t) et (s, t) = α0 (t) + sα00 (t).
∂s ∂t
Le produit vectoriel
∂ϕ ∂ϕ
(s, t) ∧ (s, t) = sα0 (t) ∧ α00 (t) = sκ(t)B(t)
∂s ∂t
est donc non nul si κ(t) 6= 0 et s 6= 0.
Ainsi, la courbe C = {(t, s) ∈ I × R / s = 0} est (probablement) un lieu
de points singuliers pour cette surface réglée. Les autres points de la surface
sont réguliers, sauf (peut-être) ceux qui se situent sur une tangente à un
point en lequel la courbe est de courbure nulle.
Notons que si la courbe C est une droite, on obtient une situation dégé-
nérée puisque l’ensemble des tangentes coïncide alors avec la droite C.

2.1.3 Plan tangent


Définition
Soit S ⊂ R3 une surface régulière et ϕ : U ⊂ R2 → S une paramétrisation
(d’une partie) de S. On peut définir le plan tangent à S en un point p = ϕ(m)
de plusieurs façons équivalentes.
Définition 2.1.11. On appelle plan tangent à S en p = ϕ(m) le sous-espace
de R3 de dimension deux défini par

Tp (S) := Dϕm (R2 ).

Notons que la définition est indépendante du choix de la paramétrisation.


En effet, nous avons déjà observé qu’un changement de paramétrisation re-
vient à précomposer l’application linéaire Dϕm par un isomorphisme de R2 ,
ce qui ne change pas l’image Dϕm (R2 ).
Proposition 2.1.12. Le plan tangent Tp (S) := Dϕm (R2 ) est le plan ortho-
gonal au vecteur normal ϕu ∧ ϕv . Lorsque S = {z = h(x, y)} est le graphe
d’une fonction h, on obtient

Tp S = {(x, y, z) ∈ R3 , z = xhx + yhy }.


2.1. ESPACES TANGENTS 51

Démonstration. Lorsque S = {z = h(x, y)} est le graphe d’une fonction h,


la paramétrisation régulière ϕ(x, y) = (x, y, h(x, y)) fournit

ϕx = (1, 0, hx ), ϕy = (0, 1, hy ), et ϕx ∧ ϕy = (−hx , −hy , 1).

Il s’ensuit que le vecteur (x, y, z) est orthogonal à ϕx ∧ ϕy si et seulement si


z = xhx + yhy .

Proposition 2.1.13. Soit S = {(x, y, z) ∈ R3 , f (x, y, z) = 0} une surface


régulière définie par une application lisse f dont la différentielle D0 f est
surjective à l’origine 0 ∈ S (i.e. f (0, 0, 0) = 0). Le plan tangent en ce point
est
 
3 ∂f ∂f ∂f
T0 S = (x, y, z) ∈ R , x (0, 0, 0) + y (0, 0, 0) + z (0, 0, 0) = 0 .
∂x ∂y ∂z

Démonstration. Quitte à interchanger les rôles de x, y, z, on peut supposer


que fz (0, 0, 0) 6= 0. Il résulte du théorème des fonctions implicites que S peut
s’exprimer près de l’origine comme le graphe d’une fonction h(x, y). Comme
f (x, y, h(x, y)) = 0, on obtient hx = −fx /fz et hy = −fy /fz . Ainsi,

∂f ∂f ∂f
z = xhx + yhy ⇐⇒ x +y +z = 0.
∂x ∂y ∂z
La proposition 2.1.12 permet donc de conclure.

Lorsque la paramétrisation n’est pas injective, i.e. si ϕ(m1 ) = ϕ(m2 ) pour


deux points distincts m1 , m2 ∈ U , il se peut qu’on ait deux plans tangents
différents correspondants à m1 et m2 . En pratique on peut les considérer
séparément en réduisant la taille du domaine de chaque paramétrisation.
La situation est plus compliquée lorsque Dϕm n’est pas injective (i.e.
lorsque p = ϕ(m) est singulier). Dans ce cas, il est possible que les plans
tangents voisins n’aient aucune limite en p. Nous laissons ce cas de côté ici.

Remarque 2.1.14. En principe, le plan tangent devrait être défini comme


le plan affine p + Dϕm (R2 ) qui passe effectivement par p ! Il est cependant
courant de faire un abus de langage et de ne considérer que sa partie vec-
torielle (qui passe par l’origine de R3 ). Dans la suite, le contexte indiquera
clairement s’il faut prendre en compte la partie affine ou vectorielle.

Courbes tracées sur une surface


Soit Γ une courbe paramétrée tracée sur S, c’est-à-dire la composée d’une
courbe plane paramétrée dont l’image est dans U ⊂ R2 et de ϕ. Autrement
dit, si ϕ = ϕ(u, v), on dispose d’une paramétrisation

γ : t ∈ I 7→ ϕ(u(t), v(t)) ∈ S.
52 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Observons qu’un vecteur tangent à la courbe Γ en un point p = γ(t) est


du type
γ 0 (t) = Dϕ(u(t),v(t)) (u0 (t), v 0 (t)),
c’est donc un vecteur tangent à S en p. Réciproquement, soit
∂ϕ ∂ϕ
X=a (m) + b (m) ∈ Tp (S)
∂u ∂v
un vecteur tangent à S en un point p = ϕ(m). Considérons dans R2 l’inter-
section I de U avec la droite de vecteur directeur (a, b) et passant par m.
Soit Γ son image dans R3 sous l’action de ϕ : c’est une courbe paramétrée
tracée sur S dont la tangente en p = ϕ(m) est dirigée par X. Nous avons
ainsi démontré la proposition suivante.
Proposition 2.1.15. Le plan tangent à S en un point p est constitué des
vecteurs tangents en p aux courbes tracées sur S (qui passent par p).

Application tangente
Soit S ⊂ R3 une surface régulière et f : S → Rn une application. On dit
que f est lisse si pour toute paramétrisation ϕ : U → S d’une partie de S,
l’application f ◦ ϕ : U → Rn est lisse.
Notons que si cette propriété est satisfaite pour une paramétrisation lo-
cale, près d’un point p ∈ S, alors elle l’est pour toute autre paramétrisation
au voisinage de ce point. Nous laissons le lecteur vérifier ce fait.
De même que les applications lisses définies sur les ouverts de R2 ad-
mettent une différentielle, l’application lisse f : S → Rn admet une différen-
tielle Dfp en tout point p ∈ S. C’est l’application linéaire
Dfp : Tp (S) → Rn
définie comme suit : si ϕ : U → R3 est une paramétrisation de S au voisinage
de p = ϕ(u0 , v0 ) = ϕ(m0 ), alors tout vecteur X ∈ Tp (S) est l’image par
Dϕm0 d’un unique vecteur Y ∈ R2 . On pose alors
Dfp (X) = D(f ◦ ϕ)m0 (Y ).
Nous laissons le lecteur vérifier que cette définition est cohérente, c’est-
à-dire que Dfp (X) ne dépend pas du choix de la paramétrisation ϕ.
La différentielle Dfp est l’application linéaire qui approche le mieux l’ap-
plication f , elle est donc appelée également application tangente à f au point
p. Un cas particulièrement simple mais très important est le suivant :
Exemple 2.1.16. Soit S ⊂ R3 une surface régulière et F : R3 → R une
fonction lisse. Alors la différentielle de la restriction f de F à S est la res-
triction de DF à l’espace tangent à S. Autrement dit, pour tout p ∈ S,
Dfp = D(F|S )p = (DFp )|Tp (S) .
2.1. ESPACES TANGENTS 53

Position d’une surface par rapport à son plan tangent


Soit S une surface régulière de R3 . On fixe p un point de S et ϕ : U → S
une paramétrisation régulière telle que p ∈ ϕ(U ). On peut choisir un système
de coordonnées centré en p = (0, 0, 0) tel que S s’exprime comme un graphe
au-dessus du plan (x0y). ϕ est alors donnée par

ϕ(x, y) = (x, y, h(x, y))

où h est une fonction lisse telle que h(0, 0) = 0. Le plan tangent Tp (S) est
alors le plan engendré par les vecteurs

ϕx (0, 0) = (1, 0, hx (0, 0)) et ϕy (0, 0) = (0, 1, hy (0, 0)).

Notons qu’on peut effectuer un nouveau changement de coordonnées pour


se ramener au cas où le plan tangent est le plan (x0y), i.e. on peut supposer
hx (0, 0) = hy (0, 0) = 0, ce que nous ferons dans la suite de cette section.
Lemme 2.1.17. Le plan tangent à S en p est le plan affine de R3 qui passe
par p et approche ϕ à l’ordre 1.
Démonstration. Dans le système de coordonnées choisi ci-dessus, l’équation
d’un plan passant par p est celle d’un plan vectoriel :

aX + bY + cZ = 0.

Ce plan approche ϕ à l’ordre 1 en (0, 0) si

ax + by + ch(x, y) = o((x, y))

lorsque (x, y) tend vers (0, 0). Or, la différentielle de h est nulle en (0, 0) de
par notre choix de coordonnées, donc

ax + by + ch(x, y) = ax + by + o((x, y)) = o((x, y))

ssi a = b = 0, i.e. si le plan considéré est le plan (z = 0) = (x0y).

On pousse le développement limité un peu plus loin et on s’intéresse à


présent au contact d’ordre 2 pour déterminer la position de la surface S par
rapport à son plan tangent, au voisinage du point p. On pose
∂2h ∂2h ∂2h
r= (0, 0), s = (0, 0) et t = (0, 0),
∂x2 ∂x∂y ∂y 2
de sorte qu’un développement limité à l’ordre deux de h en (0, 0) est
1
h(x, y) = (rx2 + 2sxy + ty 2 ) + o(x2 + y 2 ).
2
Cette forme quadratique détermine la position de Tp S par rapport à S comme
nous l’expliquons plus loin.
54 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.2 Première forme fondamentale


Le produit scalaire euclidien de R3 induit naturellement un produit sca-
laire sur les plans tangents Tp (S) à une surface régulière S ⊂ R3 . Cette
« structure riemannienne » va nous permettre de faire des mesures sur la
surface et ses espaces tangents.

2.2.1 Définition
Définition 2.2.1. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. On note

Ip : Tp (S) → R

la forme quadratique sur l’espace tangent Tp (S) à S au point p, définie par

Ip (w) := hw, wip = kwk2 ≥ 0.

C’est la première forme fondamentale de la surface S.

Autrement dit, la première forme fondamentale reflète de quelle façon la


surface S hérite de la structure euclidienne de R3 . Cela va nous permettre
de mesurer la longueur des arcs tracés sur S, ainsi que les angles entre les
vecteurs tangents et l’aire des domaines dans S, sans faire référence à l’espace
ambiant.

Expression dans une paramétrisation


Soit ϕ : (u, v) ∈ U 7→ ϕ(u, v) ∈ R3 une paramétrisation de S. Un vec-
teur tangent w ∈ Tp (S) est associé à une courbe α : t ∈] − ε, ε[7→ α(t) =
ϕ(u(t), v(t)) ∈ R3 telle que α(0) = p et α0 (0) = w. Il vient ainsi

Ip (w) = hα0 (0), α0 (0)ip = hϕu u0 + ϕv v 0 , ϕu u0 + ϕv v 0 ip


= E(u0 )2 + 2F u0 v 0 + G(v 0 )2 ,

où on a noté ϕu (resp. ϕv ) la dérivée de ϕ par rapport à u (resp. v) calculées


en t = 0, et où

E = hϕu , ϕu ip , F = hϕu , ϕv ip et G = hϕv , ϕv ip

sont les coefficients de la première forme fondamentale dans la base {ϕu , ϕv }


de Tp (S) déterminée par la paramétrisation ϕ.

Exemple 2.2.2. Soit P ⊂ R3 le plan affine passant par le point a et dont


la partie vectorielle est engendrée par une base orthonormée w1 , w2 ∈ R3 . Il
admet la paramétrisation

ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ ϕ(u, v) = a + uw1 + vw2 ∈ R3 .


2.2. PREMIÈRE FORME FONDAMENTALE 55

Observons que ϕu = w1 et ϕv = w2 sont des fonctions vectorielles constantes,


indépendantes de u, v. Comme la base {w1 , w2 } est orthonormée, on en déduit
que
E ≡ 1 ≡ G et F ≡ 0
dans cette paramétrisation.

Exemple 2.2.3. Le cylindre droit

C = {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 = 1}

admet la paramétrisation

ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ ϕ(u, v) = (cos u, sin u, v) ∈ R3 .

Il vient ϕu = (− sin u, cos u, 0) et ϕv = (0, 0, 1), donc

E = G = 1 et F = 0.

Notez que le plan et le cylindre droit ont même première forme fonda-
mentale (dans ces paramétrisations). On dit qu’ils sont localement isomé-
triques (voir Définition 2.2.5). Les identités E = G et F = 0 traduisent
une propriété géométrique remarquable, comme nous l’indiquons plus loin
(paramétrisations conformes).

Exemple 2.2.4. L’hélicoïde est paramétré par

ϕ(u, v) ∈ R2 7→ (v cos u, v sin u, au) ∈ R3

où a > 0 est un paramètre fixé. On calcule ϕu = (−v sin u, v cos u, a) et


ϕv = (cos u, sin u, 0), donc

E = v 2 + a2 , F = 0 et G = 1.

En voici une représentation :


56 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.2.2 Angles et longueurs


Longueur d’un arc
Soit Γ une courbe tracée sur une surface régulière S. Soit ϕ : U → R3
une paramétrisation de S et γ : t ∈ I 7→ γ(t) = ϕ(u(t), v(t)) ∈ R3 une
paramétrisation de Γ. La longueur de la courbe Γ est
Z p
`(Γ) = Eu0 (t)2 + 2F u0 (t)v 0 (t) + Gv 0 (t)2 dt.
I

La distance intrinsèque sur une surface S est

dS (p, q) = inf{`(γ) | γ courbe tracée sur S t.q. γ(0) = p et γ(1) = q}.

Définition 2.2.5. Soit S1 et S2 ⊂ R3 deux surfaces.


On dit qu’elles sont isométriques s’il existe un difféomorphisme f : S1 →
S2 qui préserve les distances intrinsèques (on dit que f est une isométrie).
On dit qu’elles sont localement isométriques si tout point S1 admet un
voisinage isométrique à un sous-ensemble de S2 et si tout point S2 admet un
voisinage isométrique à un sous-ensemble de S1 .

Proposition 2.2.6. Deux surfaces sont localement isométriques si et seule-


ment si elles ont la même première forme fondamentale.

Démonstration. Soit S1 et S2 ⊂ R3 deux surfaces. Elles sont localement


difféomorphes. Quitte à réduire initialement les tailles de S1 et S2 , on peut
supposer qu’il existe un difféomorphisme global f : S1 → S2 (que l’on peut
étendre dans un voisinage). Soit ϕ : (s, t) ∈ U 7→ ϕ(s, t) ∈ S1 ⊂ R3 une
paramétrisation locale de S1 , alors ψ = f ◦ ϕ est une paramétrisation de S2 .
Si S1 et S2 ont la même première forme fondamentale, alors

hψs , ψs i = hDf · ϕs , Df · ϕs i.

Et de même, hψs , ψt i = hDf · ϕs , Df · ϕt i, hψt , ψt i = hDf · ϕt , Df · ϕt i. On


en déduit que Df réalise une isométrie entre les espaces tangents, donc f
préserve la longueur des courbes : c’est une isométrie.
Réciproquement, si S1 , S2 ⊂ R3 sont localement isométriques, alors f
préserve les variations à l’ordre 1 des longueurs des courbes, donc les pre-
mières formes fondamentales.

Angles
L’angle θ sous lequel deux courbes α : I → S et γ : I → S s’intersectent
en t = t0 est l’angle entre les deux vecteurs tangents α0 (t0 ) et γ 0 (t0 ). Il est
déterminé par
hα0 (t0 ), γ 0 (t0 )i
cos θ = 0
|α (t0 )| |γ 0 (t0 )|
2.2. PREMIÈRE FORME FONDAMENTALE 57

où |w| désigne la longueur


p du vecteur tangent w ∈ Tp (S), p = α(t0 ) = γ(t0 ),
c’est-à-dire |w| = Ip (w).
Définition 2.2.7. On dit qu’une paramétrisation ϕ(u, v) est conforme si les
angles dans le plan (uv) sont les mêmes que les angles correspondants dans
Tp S pour tout point p.
Lemme 2.2.8. Une paramétrisation ϕ est conforme si et seulement si
E = G et F = 0.
Démonstration. L’orthogonalité entre ϕ(t, 0) et ϕ(0, t) montre que F ≡ 0,
tandis que celle entre ϕ(t, t) et ϕ(t, −t) assure que E ≡ G.
Les paramétrisations du plan et du cylindre vues précédemment sont donc
conformes, mais pas celle de l’hélicoïde. Vous montrerez que la paramétrisa-
tion de la sphère unité par la projection stéréographique est conforme :
Exemple 2.2.9. La projection stéréographique est définie comme suit : la
droite passant par un point (x, y, z) ∈ S 2 de la sphère unité et par le pôle
nord N = (0, 0, 1) ∈ S 2 coupe le plan (xOy) en un unique point (u, v, 0). Le
système de coordonnées (u, v) permet de paramétrer S 2 \ {N } via
u2 + v 2 − 1
 
2 2u 2v
ϕ : (u, v) ∈ R 7→ , , ∈ R3 .
u2 + v 2 + 1 u2 + v 2 + 1 u2 + v 2 + 1
Cette paramétrisation est conforme, mais elle ne préserve pas les aires. Un
problème similaire se pose pour la projection de Mercator, régulièrement uti-
lisée, qui fait apparaître l’Afrique 14 fois moins grande qu’en réalité.

2.2.3 Aires
La première forme fondamentale permet de définir et calculer l’aire des
domaines « raisonnables » d’une surface régulière S ⊂ R3 . C’est un problème
délicat que de préciser convenablement la notion « raisonnable » (il n’est pas
possible de définir l’aire de n’importe quel ensemble, de même que dans Rn ,
on ne peut pas mesurer tous les ensembles à l’aide de la mesure de Lebesgue).
On peut néanmoins mesurer les ensembles qui sont obtenus par le biais
de constructions géométriques relativement simples. Les domaines réguliers
appartiennent à cette catégorie : ce sont les ouverts connexes de S dont le
bord est l’image du cercle unité S 1 = {(x, y) ∈ R2 / x2 + y 2 = 1} par un
homéomorphisme (bijection continue ainsi que son inverse) qui est lisse et
dont la différentielle ne s’annule qu’en un nombre fini de points.
Définition 2.2.10. Soit Ω ⊂ S ⊂ R3 un domaine régulier d’une surface
régulière S. Supposons que Ω ⊂ ϕ(U ) est contenu dans l’image d’une para-
métrisation ϕ : U → S. L’aire de Ω est le nombre positif
Z Z
Aire(Ω) = kϕu ∧ ϕv kdudv.
ϕ−1 (Ω)
58 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

La quantité kϕu ∧ ϕv k mesure l’aire du parallélogramme engendré par les


vecteurs tangents ϕu et ϕv . Observons que la définition proposée ne dépend
pas du choix de la paramétrisation car la quantité
kϕu ∧ ϕv kdudv
est invariante par changement de variables.
Rappelons que kϕu ∧ϕv k2 +hϕu , ϕv i2 = kϕu k2 kϕv k2 . Il s’ensuit que l’aire
peut s’exprimer en termes des notations précédentes :
Z Z p
Aire(Ω) = EG − F 2 dudv.

Notons que la restriction qui impose au domaine d’être inclus dans le
domaine de définition d’une paramétrisation n’est pas significative : de nom-
breuses surfaces admettent des paramétrisations qui couvrent toute la sur-
face, à l’exception de quelques courbes qui ne contribuent pas à l’aire.
Exemple 2.2.11. L’application
ϕ : (a, b) ∈ U 7→ (sin a cos b, sin a sin b, cos a) ∈ R3 ,
avec U = {(a, b) ∈ R2 / 0 < a < π, 0 < b < 2π}, définit une paramétrisation
régulière de la sphère unité S 2 privée du cercle S 2 ∩ (y = 0). On obtient
Z π Z 2π
2 2
E = 1, F = 0, G = (sin a) donc Aire(S ) = | sin a|da db = 4π.
a=0 b=0
Exemple 2.2.12. Calculons l’aire d’un tore T de révolution. Nous reprenons
les notations de l’Exemple 2.1.10 : la paramétrisation
ϕ(u, v) = ([R + r cos u] cos v, [R + r cos u] sin v, r sin u), avec R > r,
couvre le tore à l’exception de deux cercles (un méridien et un parallèle).
On vérifie que les coefficients de la première forme fondamentale sont
E = r2 , F = 0 et G = (r cos u + R)2 . Il s’ensuit que
Z 2π Z 2π
Aire(T) = r(r cos u + R)dudv = 4π 2 rR.
0 0
C’est le produit de la longueur du « petit cercle » par celle du « grand cercle ».
Exemple 2.2.13 (Surfaces tubulaires). Soit α : I → R3 la paramétrisation
par longueur d’arc d’une courbe gauche Γ dont la courbure ne s’annule nulle
part. Soit (T, N, B) le repère de Frenet et
ϕ : (s, θ) ∈ I × R 7→ α(s) + ε[cos θN (s) + sin θB(s)]
où ε > 0 est une constante positive. La paramétrisation ϕ définit une nappe
régulière appelée surface tubulaire Sε de la courbe gauche. Le vecteur normal
à la surface tubulaire Sε est
N (s, θ) = −[cos θN (s) + sin θB(s)].
On obtient que l’aire de Sε est 2πε`(Γ), `(Γ) désignant la longueur de Γ.
2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 59

2.3 Deuxième forme fondamentale, courbures


2.3.1 Application de Gauss, orientation
Soit S ⊂ R3 une surface paramétrée régulière et ϕ : U → S ⊂ R3 une
paramétrisation de S près d’un point p ∈ S. Les vecteurs ϕx (p) = ∂ϕ/∂x(p)
et ϕy (p) = ∂ϕ/∂y(p) engendrent le plan tangent Tp (S) à S au point p. Le
vecteur
ϕx (p) ∧ ϕy (p)
n(p) :=
kϕx (p) ∧ ϕy (p)k
est donc un vecteur unitaire normal au plan tangent Tp (S).

Définition 2.3.1. L’application n : S → S 2 qui, à tout point p de S, associe


« son » vecteur normal unitaire n(p), s’appelle l’application de Gauss.

Cette application dépend (pour l’instant) de la paramétrisation. Nous


expliquons plus loin que l’on peut obtenir une définition invariante de l’ap-
plication de Gauss 1 pour toute surface orientable.
L’application de Gauss contient énormément d’informations sur la géo-
métrie de la surface S. Voici quelques exemples particulièrement simples.

Exemple 2.3.2.
— lorsque la surface S est un plan, elle coïncide avec son plan tangent
en tout point, l’application de Gauss est donc constante ;
— lorsque la surface est un cylindre, le plan tangent est constant le long
de chaque droite du cylindre, l’application de Gauss envoie donc la
surface (cylindre) sur un équateur de la sphère unité ;
— lorsque S = S 2 est la sphère unité, l’application de Gauss est l’iden-
tité.

Exemple 2.3.3. Considérons l’hélicoïde paramétré par

ϕ : (u, v) ∈ R+ × R 7→ (u cos v, u sin v, bv) ∈ R3

où b > 0 est un paramètre fixé. Il vient

ϕu ∧ ϕv = (b sin v, −b cos v, u)

donc
1
n(ϕ(u, v)) = √ (b sin v, −b cos v, u).
u2 + b2
Soit S ⊂ R3 une surface régulière. On dit que S est orientable si on
peut choisir de façon continue une orientation de ses plans tangents : un
choix d’orientation de Tp (S) induit, par continuité, un choix d’orientation
1. Johann Carl Friedrich Gauss, mathématicien, astronome et physicien allemand
(1777-1855), considéré comme l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps.
60 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

des plans tangents voisins. Lorsque l’on recouvre S par une collection de
paramétrisations, il faut que ces choix d’orientation soient compatibles.
Fixons ϕ : (u, v) ∈ U 7→ ϕ(u, v) ∈ S une paramétrisation de S au voisi-
nage d’un point p. On fixe ainsi une orientation de Tp (S) en décrétant que
la base (ϕu , ϕv ) est une base directe de Tp (S). Si p appartient à une seconde
paramétrisation ψ : (x, y) ∈ V 7→ ψ(x, y) ∈ S, on obtient le même choix
d’orientation si et seulement si le jacobien du changement de coordonnées
ϕ−1 ◦ ψ est positif.

Définition 2.3.4. Une surface est dite orientable s’il est possible de la cou-
vrir par une famille de paramétrisations (coordonnées locales) telles que le
jacobien des changements de paramétrisations est toujours positif.
Le choix d’une telle famille est appelé une orientation de S. Lorsqu’un
tel choix n’est pas possible, on dit que S est non-orientable.

Bien entendu, toute surface est localement orientable. L’orientabilité d’une


surface est donc un problème global.

Proposition 2.3.5. Une surface S ⊂ R3 est orientable si et seulement s’l


existe une application continue N : S → R3 telle qu’en chaque point p de S,
le vecteur N (p) est un vecteur unitaire orthogonal à Tp S.

Comme va le montrer la démonstration, on peut imposer à N d’être


différentiable : c’est une application de Gauss globale.

Démonstration. Supposons une surface S orientable. On la recouvre par des


paramétrisations ϕ : U → S telles que les jacobiens des changements de
coordonnées sont positifs. On considère
ϕu ∧ ϕv
NU (ϕ(u, v)) :=
||ϕu ∧ ϕv ||

le vecteur normal unitaire orienté de la paramétrisation (ϕ, U ). Si (ψ, V ) est


une autre paramétrisation telle que ϕ(U ) ∩ ψ(V ) 6= ∅, on obtient, pour tout
point p = ψ(x, y) = ϕ(u, v) ∈ ϕ(U ) ∩ ψ(V ),

ψx ∧ ψy Jac(ϕ−1 ◦ ψ)(x, y) ϕu ∧ ϕv
NV (p) = = −1
· = NU (p)
||ψx ∧ ψy || |Jac(ϕ ◦ ψ)(x, y)| ||ϕu ∧ ϕv ||

puisque le jacobien est supposé positif. Ainsi, N définit une application conti-
nue
N : S → R3
qui, à tout point p ∈ S, associe un vecteur unitaire normal à S en p.
Réciproquement, supposons qu’une telle application N existe. Soit (ϕ, U )
une famille de paramétrisations qui couvrent S. On peut supposer que chaque
2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 61

ouvert U est connexe. On note NU le vecteur normal unitaire construit pré-


cédemment. Observons que

p 7→ fU (p) := hN (p), NU (p)i ∈ {−1, +1}

est une fonction continue sur l’ouvert connexe ϕ(U ). Comme ϕ(U ) est connexe,
on peut (quitte à intervertir les rôles de u et v) supposer que fU ≡ 1, c’est-
à-dire que N ≡ NU dans ϕ(U ). Il s’ensuit que les jacobiens des changements
de coordonnées sont tous positifs, donc S est orientable.

On obtient de nombreux exemples de surfaces orientables en considérant


des préimages de valeurs régulières d’une application différentiable :
Proposition 2.3.6. Soit f : R3 → R une application différentiable et a ∈ R
une valeur régulière de f , i.e. a = f (p) avec Dp f surjective. La surface

S := {(x, y, z) ∈ R3 | f (x, y, z) = a}

est une surface régulière orientable de R3 .


Ce critère s’applique notamment à la sphère unité

S 2 = {(x, y, z) ∈ R3 | f (x, y, z) = 0}

avec f (x, y, z) = x2 + y 2 + z 2 et a = 1. Notez que 1 est bien une valeur


régulière de f .

Démonstration. Le fait que S est une surface régulière résulte de ce que f est
une submersion (i.e. Dp f est surjective) au voisinage des points considérés.
Nous laissons le lecteur vérifier que le vecteur (fx , fy , fz ) est un vecteur
orthogonal à S. Il n’est jamais nul car f est une submersion. On peut donc
considérer
(fx , fy , fz )
N : p ∈ S 7→ ∈ S2.
||(fx , fy , fz )||
C’est un champ continu (et même différentiable) de vecteurs unitaires nor-
maux à S. Il résulte de la proposition précédente que S est orientable.

On peut montrer, réciproquement, que toute surface orientable de R3


est l’image inverse d’une valeur régulière d’une application différentiable. La
preuve est cependant délicate, le lecteur en trouvera les détails, dans le cas
des surfaces compactes, dans le livre de DoCarmo (pp. 109-114).
Remarque 2.3.7. Toute surface compacte S ⊂ R3 est orientable. On verra
par contre dans le prochain chapitre des exemples de surfaces compactes plon-
gées dans R4 qui ne sont pas orientables.
Exemple 2.3.8. Une surface qui est couverte par une seule paramétrisation
est orientable. C’est le cas en particulier de toutes les surfaces qui sont les
graphes de fonctions différentiables.
62 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Exemple 2.3.9. Si une surface peut être couverte par deux paramétrisations
ϕ : U → S et ψ : V → S telles que
— S ⊂ ϕ(U ) ∪ ψ(V ),
— ϕ(U ) ∩ ψ(V ) est connexe,
— le jacobien du changement de cartes ϕ ◦ ψ −1 est positif,
alors S est orientable. Cela s’applique en particulier à la sphère.

Exemple 2.3.10 (Le ruban de Möbius 2 ). On considère la surface M de R3


définie par la paramétrisation

ϕ(t, v) = ((1 + t cos v) cos(2v), (1 + t cos v) sin(2v), t sin v)

où v ∈ R et − 21 < t < 12 . Il s’agit d’une surface à bord connexe

∂M = {ϕ(1/2, v) |v ∈ [0, 2π]} = {ϕ(−1/2, v) |v ∈ [0, 2π]}

qui est homéomorphe à un cercle S 1 .


Nous laissons le lecteur vérifier que M est une réalisation de la surface
abstraite obtenue comme le quotient

M ' R × [−1, +1]/ ∼


(x, y) ∼ (x0 , y 0 ) ⇐⇒ ∃k ∈ Z, x0 = x + k & y 0 = (−1)k y.
Autrement dit, M est obtenue à partir d’une bande de papier (un rectangle)
en identifiant deux bords opposés du rectangle après avoir fait subir un demi-
tour à l’un d’entre eux. Découpez une telle bande de papier, collez de cette
façon deux bords opposés et vérifier que le bord de la surface ainsi obtenue
est bien un cercle. En voici une illustration :

Il est géométriquement clair que le ruban de Möbius n’est pas une surface
orientable : si vous suivez un vecteur normal unitaire le long du bord de M ,
il change d’orientation lorsque l’on parcourt une fois le bord de M .

2. August Ferdinand Möbius, mathématicien et astronome allemand (1790-1868).


2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 63

2.3.2 Deuxième forme fondamentale


Rappelons que si Φ : S → R3 est une application vectorielle et v ∈ Tp S un
vecteur tangent à S en p, on peut calculer la dérivée directionnelle Dv Φ(p)
de Φ en p dans la direction v en choisissant une courbe α :] − ε, +ε[→ S
tracée sur S telle que α(0) = p, α0 (0) = v et en calculant 3
Dv Φ(p) := (Φ ◦ α)0 (0) ∈ R3 .

Pour comprendre l’allure de la surface S au voisinage d’un point p ∈


S, il est tentant de considérer la courbure en p des courbes tracées sur S
qui passent par p. Il nous faut pour cela calculer et interpréter les dérivées
directionnelles de l’application de Gauss.
Lemme 2.3.11. Pour tout v ∈ Tp S, la dérivée directionnelle Dv n(p) de
l’application de Gauss n : S → S 2 ⊂ R3 est un vecteur tangent à S en p.
Démonstration. Soit α :] − ε, +ε[→ S une courbe telle que α(0) = p et
α0 (0) = v. Observons que n ◦ α est de norme constante égale à 1, donc
d||n ◦ α(t)||2
0= = 2hn ◦ α(0), (n ◦ α)0 (0)i = 2hn(p), Dv n(p)i.
dt |t=0

Cela montre que le vecteur Dv n(p) est orthogonal à n(p). Il appartient donc
à l’espace tangent à S au point p.
L’application suivante est donc bien définie :
Fp : Tp S → Tp S
v 7→ −Dv n(p).
C’est clairement une application linéaire. Le fait remarquable est le suivant.
Proposition 2.3.12. L’application Fp est symétrique : pour tout u, v ∈ Tp S,
hFp (u), vi = hu, Fp (v)i.
Démonstration. Soit ϕ : (x, y) ∈ U 7→ ϕ(x, y) ∈ S ⊂ R3 une paramétrisation
de S. Comme Fp est linéaire et h·, ·i est bilinéaire, il suffit de vérifier la
symétrie pour u = ∂ϕ/∂x(p) et v = ∂ϕ/∂y(p) qui constituent une base de
l’espace tangent Tp S.
Posons donc u = ∂ϕ/∂x(p), v = ∂ϕ/∂y(p) et dérivons, par rapport à x,
l’égalité hn, vi = 0 qui signifie que v ∈ Tp S. Il vient
∂2ϕ
0 = hDu n, vi + hn, i.
∂x∂y
On en déduit, en observant que ∂ 2 ϕ/∂x∂y = ∂ 2 ϕ/∂y∂x, que
hFp (u), vi = −hDu n(p), vi = hn, ∂ 2 ϕ/∂x∂yi = hn, ∂ 2 ϕ/∂y∂xi = hu, Fp (v)i.

3. La formule ne dépend pas du choix de α.


64 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Nous laissons le lecteur vérifier que l’opérateur Fp est nul en tout point
p ∈ S si et seulement si la surface S est plane. Lorsque S est une sphère
centrée à l’origine, on vérifie aisément que Fp est une homothétie.
Définition 2.3.13. La deuxième forme fondamentale est la forme quadra-
tique définie sur sur Tp S par
IIp (u, v) = hFp (u), vi.
On peut exprimer IIp sous forme matricielle, via
 
hϕxx , ni hϕxy , ni
IIp =
hϕxy , ni hϕyy , ni
où l’on a noté ϕxy = ∂ 2 ϕ/∂x∂y. La formule provient des calculs effectués
dans la démonstration de la proposition précédente. Cela explique au passage
pourquoi on a inclus un signe moins dans la définition de Fp .
Exemple 2.3.14. Soit f une fonction sur R2 qui s’annule avec ses deux
dérivées partielles en (0, 0). Soit
S := {(x, y, f (x, y)) ∈ R3 / (x, y) ∈ R2 }
le graphe de f . C’est une surface dont le plan tangent en O = (0, 0, 0) est le
plan des coordonnées (xOy). La fonction f admet un développement limité
à l’ordre 2 en (0, 0) de la forme
f (x, y) = px2 + 2qxy + ry 2 + o(x2 + y 2 ).
La forme quadratique (px2 + 2qxy + ry 2 ) sur le plan tangent est précisément
la seconde forme fondamentale IIO de S au point O.
Pour une surface paramétrée, la deuxième forme fondamentale se calcule
dans une paramétrisation comme suit :
Proposition 2.3.15. Soit ϕ : (x, y) ∈ U 7→ ϕ(x, y) ∈ S ⊂ R3 une surface
paramétrée. La seconde forme fondamentale IIp de S au point p = ϕ(x, y)
est la forme quadratique sur le plan tangent Tp S = V ect(ϕx , ϕy ) donnée par
IIp (aϕx + bϕy ) = a2 P + 2abQ + b2 R

det(ϕxx , ϕx , ϕy ) det(ϕxy , ϕx , ϕy ) det(ϕyy , ϕx , ϕy )
P = , Q= et R = .
||ϕx ∧ ϕy || ||ϕx ∧ ϕy || ||ϕx ∧ ϕy ||
Démonstration. Rappelons que le vecteur normal unitaire est donné par
ϕx ∧ ϕy
N (p) = .
||ϕx ∧ ϕy ||
On dérive hN, ϕx i = 0 par rapport à v = ϕx pour obtenir
hϕx ∧ ϕy , ϕxx i det(ϕxx , ϕx , ϕy )
P = −hDϕx N, ϕx i = hN, ϕxx i = = .
||ϕx ∧ ϕy || ||ϕx ∧ ϕy ||
Les autres relations s’obtiennent de façon similaire.
2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 65

2.3.3 Courbures
Définition 2.3.16. Les valeurs propres de Fp s’appellent les courbures prin-
cipales de S en p. Les vecteurs propres correspondants s’appellent les direc-
tions principales.
On dit qu’une courbe tracée sur S est une ligne de courbure si ses vecteurs
tangents sont tous des directions principales.
Rappelons qu’une matrice symétrique réelle est toujours diagonalisable,
dans une base orthonormée. En particulier, les directions principales sont
orthogonales.
Proposition 2.3.17 (Formule d’Euler 4 ). Soit e1 et e2 des vecteurs uni-
taires dans les directions principales, et soit k1 , k2 les courbures principales
correspondantes. Soit vθ := cos θe1 + sin θe2 . Alors
IIp (vθ , vθ ) = k1 cos2 θ + k2 sin2 θ.
Démonstration. C’est un calcul immédiat. Puisque Fp ei = ki ei , il vient
IIp (vθ , vθ ) = hk1 cos θe1 + k2 sin θε2 , cos θe1 + sin θε2 i = k1 cos2 θ + k2 sin2 θ
puisque les directions principales sont orthogonales.

Définition 2.3.18. Le produit des courbures principales s’appelle la courbure


de Gauss,
Kp := det Fp = k1 (p)k2 (p).
La moyenne des courbures principales s’appelle la courbure moyenne,
1 1
Hp := T r Fp = [k1 (p) + k2 (p)].
2 2
Il est important de souligner que la courbure de Gauss est invariante par
par déformation isométrique : c’est un invariant intrinsèque de la surface.
Ce n’est pas le cas de la courbure moyenne.
La courbure de Gauss et la courbure moyenne ont chacune une interpré-
tation géométrique :
— la courbure de Gauss est l’aire de l’image de la surface par l’applica-
tion de Gauss ;
— la courbure moyenne intervient dans l’aire des surfaces équidistantes ;
— la positivité de la courbure de Gauss traduit la convexité.
L’annulation de la courbure moyenne caractérise les surfaces minimales, qui
modélisent les films de savon.
Voici des formules générales qui permettent d’exprimer l’opérateur Fp et
la courbure de Gauss dans la base (non orthogonale) déterminée par une
paramétrisation fixée :
4. Leonhard Euler, mathématicien et physicien suisse (1707-1783), considéré comme
l’un des plus grands et prolifiques mathématiciens de tous les temps.
66 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Proposition 2.3.19. Soit ϕ : (x, y) ∈ U 7→ ϕ(x, y) ∈ S ⊂ R3 une surface


paramétrée. Les deux premières formes fondamentales Ip et IIp de S au
point p = ϕ(x, y) sont des formes quadratiques sur le plan tangent Tp S =
V ect(ϕx , ϕy ) données sous forme matricielle dans cette base par
   
E F P Q
Ip = et IIp = .
F G Q R

L’endomorphisme symétrique Fp dans cette base est donné par


 −1  
E F P Q
Fp = Ip−1 IIp = · ,
F G Q R

donc la courbure de Gausse s’exprime par

P R − Q2
Kp =
EG − F 2
et la courbure moyenne vaut

ER + GP − 2F Q
Hp = .
2(EG − F 2 )

Démonstration. Une base de Tp S est {ϕx , ϕy }. On note Ip , IIp et Mp les ma-


trices respectives de Ip , IIp et Fp dans cette base. Par définition, ces matrices
sont reliées par les identités
t
vIIp u = IIp (u, v) = hFp (u), vip =t vIp (Mp u),

valables pour tout u, v ∈ Tp S. On en déduit IIp = Ip Mp .


Le calcul de la courbure de Gauss s’en déduit aisément :

det IIp P R − Q2
Kp = det Mp = = .
det Ip EG − F 2

Celui de la courbure moyenne nécessite d’inverser une matrice de taille 2 :


   
1 G −F P Q
Mp = ·
EG − F 2 −F E Q R
 
1 GP − F Q GQ − F R
=
EG − F 2 EQ − F P ER − F Q

d’où
ER + GP − 2F Q
Hp = .
2(EG − F 2 )
2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 67

Exemple 2.3.20. La courbure de Gauss de la sphère unité est constante,


égale à +1. La courbure de Gauss d’un plan est constante, égale à 0.
La pseudosphère
 Z sp 
ϕ(s, θ) = es cos θ, es sin θ, 1 − e2t dt
0

courbure de Gauss constante égale à −1.


fournit un exemple de surfaceRà √
s
Posons f (s) = e et h(s) = 0 1 − e2t dt. Il vient (f 0 )2 + (h0 )2 ≡ 1,
s

ϕs = (f 0 (s) cos θ, f 0 (s) sin θ, h0 (s)) et ϕθ = (−f (s) sin θ, f (s) cos θ, 0).

Les coefficients de la première forme fondamentale sont donc

E = 1, F = 0 et G = f 2 (s) = e2s .

On dérive à nouveau pour obtenir ϕss = (f 00 (s) cos θ, f 00 (s) sin θ, h00 (s)), donc

det(ϕss , ϕs , ϕθ ) = f (f 0 h00 − f 00 h0 ) = −e3s (1 + e2s ).

Puis ϕsθ = (−f 0 (s) sin θ, f 0 (s) cos θ, 0) donne det(ϕsθ , ϕs , ϕθ ) = 0, et


ϕθθ = −(f (s) cos θ, f (s) sin θ, 0), donc
p
det(ϕθθ , ϕs , ϕθ ) = h0 f 2 = e2s 1 − e2s .

Enfin ϕs ∧ ϕθ = (−f h0 cos θ, +f h0 sin θ, f f 0 ) donc ||ϕs ∧ ϕθ || = |f | = e2s . On


en déduit les coefficients de la seconde forme fondamentale :
det(ϕss , ϕs , ϕθ ) f 00 es
P = = f 0 h00 − f 00 h0 = − 0 = − √ ,
||ϕs ∧ ϕθ || h 1 − e2s
det(ϕsθ , ϕs , ϕθ ) det(ϕθθ , ϕs , ϕθ ) p
Q= = 0 et R = = h0 f = es 1 − e2s .
||ϕs ∧ ϕθ || ||ϕs ∧ ϕθ ||
P R−Q2 00
La courbure de Gauss est donc K = EG−F 2
= − ff = −1.
Exemple 2.3.21. Considérons la surface « selle » d’expression

ϕ : (x, y) ∈ R2 7→ (x, y, xy) ∈ R3

qui est le graphe de la fonction (x, y) 7→ xy. On calcule aisément les deux
premières formes fondamentales Ip , IIp en p = ϕ(x, y). Nous les exprimons
sous forme matricielle, dans la base {ϕx , ϕy } par

1 + y2
   
xy 1 0 1
Ip = et IIp = p .
xy 1 + x2 1 + x2 + y 2 1 0
Dans cette même base, l’opérateur Fp est

−xy 1 + x2
 
1
Fp = Ip−1 IIp = .
[1 + x + y 2 ]3/2
2 1 + y 2 −xy
68 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Ne vous inquiétez pas : cette matrice n’est pas symétrique (sauf si x2 = y 2 ),


car la base ϕx , ϕy n’est pas orthogonale ! On calcule ses valeurs propres (qui,
elles, ne dépendent pas de l’orthogonalité de la base) :
p
−xy + (1 + x2 )(1 + y 2 )
k1 =
[1 + x2 + y 2 ]3/2
et p
−xy − (1 + x2 )(1 + y 2 )
k2 = .
[1 + x2 + y 2 ]3/2
Il vient donc
−1 −xy
K= et H = .
[1 + x2 + y 2 ]2 [1 + x2 + y 2 ]3/2

2.3.4 Points spéciaux


Définition 2.3.22. Soit k1 et k2 les courbures principales de S en p. On dit
que
— p est un point planaire lorsque k1 = k2 = 0 ;
— p est un ombilic lorsque k1 = k2 6= 0 ;
— p est un point parabolique lorsque K := k1 k2 = 0 avec p non planaire ;
— p est un point elliptique lorsque K > 0 ;
— p est un point hyperbolique lorsque K < 0.
Les notions de point parabolique, elliptique et hyperbolique sont reliées
à la position de la surface par rapport à son plan tangent. Celle-ci est en
partie déterminée par la seconde forme fondamentale.
On considère S = {(x, y, z) ∈ R3 , z = h(x, y)} donnée par le graphe
d’une fonction h. Quitte à translater et composer par une rotation, on sup-
pose que p = (0, 0, 0) (i.e. h(0, 0) = 0) et que le plan tangent à S en p est le
plan (xOy) (i.e. hx (0, 0) = hy (0, 0) = 0). Observons que ϕx (0, 0) = (1, 0, 0),
ϕy (0, 0) = (0, 1, 0) et

ϕxx (0, 0) = (0, 0, r), ϕxy (0, 0) = (0, 0, r), ϕxx (0, 0) = (0, 0, r)

où r = hxx (0, 0), r = hxy (0, 0) et t = hyy (0, 0). La fonction h admet donc le
développement limité en (0, 0) :

h(x, y) = rx2 + 2sxy + ty 2 + o(x2 + y 2 ).

Un vecteur tangent à S en p étant du type (x, y, 0) = xϕx (0, 0) + yϕy (0, 0),
la seconde forme fondamentale de S en p est précisément

IIp (x, y) = rx2 + 2sxy + ty 2 = P x2 + 2Qxy + Ry 2

avec les notations précédentes. Nous résumons cette discussion dans la pro-
position suivante :
2.3. DEUXIÈME FORME FONDAMENTALE, COURBURES 69

Proposition 2.3.23. La position de S par rapport à son plan tangent Tp (S) =


(xOy) est déterminée par la deuxième forme fondamentale

II(x, y) = rx2 + 2sxy + ty 2 .

1. Lorsque IIp est définie, c’est-à-dire lorsque K = rt − s2 > 0 (point


elliptique), la fonction h(x, y) admet un extremum strict à l’origine ;
la surface S reste du même côté de son plan tangent Tp (S).
2. Lorsque IIp est non dégénérée mais change de signe, c’est-à-dire si
K = rt − s2 < 0 (point hyperbolique), il y a des points de la surface
arbitrairement proche de p de chaque côté du plan tangent.
3. Lorsque IIp est dégénérée mais pas nulle, i.e. si K = rt − s2 = 0 mais
r, s et t ne sont pas tous nuls (point parabolique), la surface contient
des points arbitrairement proches de p, du même côté de Tp (S).
4. Lorsque IIp est nulle, tout peut arriver (point planaire).
On peut ordonner les courbures principales de sorte que k1 ≥ k2 .
Proposition 2.3.24. Les courbures principales k1 ≥ k2 dépendent continu-
ment de p ∈ S et sont lisses au voisinage d’un point qui n’est pas un ombilic.
Démonstration. C’est une propriété générale des familles lisses d’endomor-
phismes symétriques. Pour calculer k1 et k2 , on est amené à résoudre une
équation de degré 2 :
X 2 − 2HX + K = 0.
Les solutions dépendent continument des paramètres car elles s’expriment
à l’aide de la racine carrée du discriminant. De plus elles sont lisses là où
celui-ci ne s’annule pas (i.e. hors des points ombilics).

Les courbures principales ne sont pas lisses, en général, au voisinage d’un


ombilic comme le montre l’exemple de la matrice
 
1 t
t ∈ R 7→ S(t) =
t 1

qui a pour valeurs propres k1 (t) = 1 + |t| ≥ k2 (t) = 1 − |t|.


Exemple 2.3.25. Un ellipsoïde a en général quatre ombilics, tandis qu’un
tore de révolution n’en a pas. Pour ce dernier, les points « intérieurs » sont
hyperboliques, les points « extérieurs » sont elliptiques, et les points qui se
trouvent sur le cercle au sommet sont paraboliques.
Enfin, vous montrerez dans l’Exercice 52 la propriété suivante :
Exemple 2.3.26. Les surfaces dont tous les points sont des ombilics sont
des (portions de) plans ou des sphères.
70 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.4 Theorema Egregium de Gauss


Euler publie en 1767 Recherches sur la courbure des surfaces, une étude
des surfaces qui dépend de la façon dont celles-ci sont plongées dans R3 . La
naissance de la géométrie différentielle moderne se produit soixante ans plus
tard, lorsque Gauss publie en 1828 le mémoire Disquisitiones generales circa
superficies curvas 5 . Gauss y entreprend l’étude des propriétés intrinsèques
des surfaces et démontre le résultat remarquable (egregium en latin) que la
courbure (de Gauss), que nous venons de définir à l’aide de la seconde forme
fondamentale, ne dépend pas du plongement. Pour cela, Gauss établit la
formule complexe
1
E[Ev Gv − 2Fu Gv + G2u ]

K= 2
4(EG − F )
+F [Eu Gv − Ev Gu − 2Ev Fv + 4Fu Fv − 2Fu Gu ]
+G[Eu Gu − 2Eu Fv + Ev2 ] + 2(EG − F 2 )[−Evv + 2Fuv − Guu ] .

La courbure de Gauss ne dépend donc au final que des coefficients de la


première forme fondamentale (et de leurs dérivées).
Nous n’allons pas démontrer cette formule directement. Nous allons pro-
céder pas à pas en utilisant des quantités intermédiaires, les symboles de
Christoffel, qui jouent un rôle essentiel aujourd’hui.

2.4.1 Symboles de Christoffel


Soit S ⊂ R3 une surface régulière orientable. Soit ϕ : U → R3 une para-
métrisation de S au voisinage d’un point p. Les vecteurs ϕu , ϕv , N forment
une base de R3 . On peut exprimer leurs dérivées partielles dans cette base,

ϕuu = Γ111 ϕu + Γ211 ϕv + L1 N


ϕuv = Γ112 ϕu + Γ212 ϕv + L2 N
ϕvu = Γ121 ϕu + Γ221 ϕv + L02 N
ϕvv = Γ122 ϕu + Γ222 ϕv + L3 N

et

∂u N = a11 ϕu + a21 ϕv
∂v N = a12 ϕu + a22 ϕv ,

en observant que les dérivées de N sont orthogonales à N , car celui-ci est


unitaire. Nous avons déjà été amenés à calculer les coefficients Li en expli-
citant la deuxième forme fondamentale : en prenant le produit scalaire des
5. Recherches générales sur les surfaces courbes.
2.4. THEOREMA EGREGIUM DE GAUSS 71

quatre premières relations avec N , il vient

L1 = P, L2 = L02 = Q et L3 = R.

Les valeurs des coefficients de ∂u N, ∂v N sont fournies par la proposition


suivante.
Proposition 2.4.1.
QF − P G RF − QG
a11 = a12 =
EG − F 2 EG − F 2
P F − QE QF − RE
a21 = a22 =
EG − F 2 EG − F 2
Démonstration. Comme N est orthogonal au vecteur tangent ϕu , il vient
∂hN, ϕu i
0= = h∂u N, ϕu i + hN, ϕuu i = h∂u N, ϕu i + P.
∂u
On en déduit
a11 E + a21 F = −P.
On obtient de même a11 F + a21 G = −Q et il s’ensuit que
QF − P G P F − QE
a11 = 2
et a21 = .
EG − F EG − F 2
Les deux autres relations s’obtiennent de façon similaire.

Définition 2.4.2. Les coefficients Γijk s’appellent symboles de Christoffel 6 .


Comme ϕuv = ϕvu , on note les relations de symétrie

Γ112 = Γ121 et Γ212 = Γ221 .

En prenant le produit scalaire des dérivées secondes de ϕ avec ϕu et ϕv ,


on obtient
Γ11 E + Γ211 F = hϕuu , ϕu i = 21 Eu
 1

Γ111 F + Γ211 G = hϕuu , ϕv i = Fu − 21 Ev


Γ12 E + Γ212 F = hϕuv , ϕu i = 12 Ev
 1

Γ112 F + Γ212 G = hϕuv , ϕv i = 12 Gu


Γ22 E + Γ222 F = hϕvv , ϕu i = Fv − 21 Gu
 1

Γ122 F + Γ222 G = hϕvv , ϕv i = 12 Gv


Comme ces trois systèmes d’équations linéaires sont inversibles (puisque
EG − F 2 6= 0), on en déduit que les symboles de Christoffel ne dépendent
que de la première forme fondamentale :
Proposition 2.4.3. Les coefficients de Christoffel Γijk s’expriment en fonc-
tion des coefficients E, F, G et de leurs dérivées.
6. Elwin Bruno Christoffel, mathématicien et physicien allemand (1829-1900).
72 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.4.2 Le théorème remarquable


Rappelons que deux surfaces S1 , S2 ⊂ R3 sont localement isométriques
au voisinage d’un point s’il existe un difféomorphisme local (au voisinage de
ce point) qui envoie S1 sur S2 et qui préserve la longueur des courbes.
Préserver la longueur des courbes revient à préserver la première forme
fondamentale. De façon alternative, si ϕi : U → Si ⊂ R3 désignent deux
paramétrisations locales de S1 , S2 dans un ouvert U , ces surfaces sont iso-
métriques (dans U ) si et seulement si pour tout m ∈ U et u, v ∈ R2 ,

hd(ϕ1 )m (u), d(ϕ1 )m (v)i = hd(ϕ2 )m (u), d(ϕ2 )m (v)i.

Un cône, un cylindre et un plan sont des exemples de surfaces localement


isométriques. Observons qu’elles n’ont pas la même deuxième forme fonda-
mentale. Il est donc remarquable que leur courbure de Gauss soit la même.
Ce fait général, établi par Gauss, est conséquence du résultat suivant :
Théorème 2.4.4. La courbure de Gauss est entièrement déterminée par la
première forme fondamentale. Plus précisément, K peut être calculée à l’aide
de E, F, G et de leurs dérivées partielles premières et secondes.
Démonstration. Notons ϕ : U → S ⊂ R3 une paramétrisation de la surface
S. On note comme précédemment ϕu , ϕv les dérivées partielles de ϕ en un
point p ∈ S. Ces vecteurs engendrent l’espace tangent Tp S.
L’idée : en dérivant les expressions de ϕuu , ϕuv , ϕvu , ϕvv , ∂u N, ∂v N par rap-
port à u et v, et en utilisant les symétries

(ϕuu )v = (ϕuv )u , (ϕvv )u = (ϕuv )v et ∂v (∂u N ) = ∂u (∂v N ),

on obtient neuf relations linéaires. L’équation de Gauss est

∂u Γ212 − ∂v Γ211 + Γ112 Γ211 − Γ111 Γ221 − Γ211 Γ222 + Γ212 Γ212 = −EK.

Comme E ne s’annule pas, cette équation et la Proposition 2.4.3 assurent


que K ne dépend que de la première forme fondamentale. Pour l’établir, on
observe que ∂v ϕuu = ∂u ϕuv et on détermine le coefficient de ϕu pour obtenir

Γ111 Γ112 + Γ211 Γ122 + P a12 + ∂v Γ111 = Γ112 Γ111 + Γ212 Γ112 + Qa11 + ∂u Γ112 .

Les formules pour a11 et a12 vues dans la Proposition 2.4.1 conduisent alors
à
∂u Γ112 − ∂v Γ111 + Γ212 Γ112 − Γ211 Γ122 = KF.
L’équation de Gauss s’obtient de façon similaire, en déterminant le coefficient
de ϕv une fois qu’on a développé l’identité ∂v ϕuu = ∂u ϕuv .
Dans le détail, un cheminement un peu différent : on dérive deux fois les
coefficients de la première forme fondamentale pour obtenir

Fuv = hϕuv , ϕuv i + hϕuuv , ϕv i + hϕuu , ϕvv i + hϕu , ϕuvv i


2.4. THEOREMA EGREGIUM DE GAUSS 73

tandis que
1 1
Evv = hϕuv , ϕuv i + hϕvvu , ϕu i et Guu = hϕuv , ϕuv i + hϕuuv , ϕv i.
2 2
Il s’ensuit que hϕuu , ϕvv i − hϕuv , ϕuv i = Fuv − 21 Evv − 12 Guu .
Or hϕuu , ϕvv i = P R + A et hϕuv , ϕuv i = Q2 + A0 , où A, A0 sont des
expressions quadratiques en les symboles de Christoffel. Ainsi P R − Q2 , et
donc K, s’expriment en fonction de E, F, G et de leurs dérivées.

On en déduit que la courbure de Gauss ne dépend pas du plongement de


la surface dans R3 , c’est un invariant intrinsèque :
Corollaire 2.4.5. [Theorema egregium de Gauss]
Deux surfaces localement isométriques ont même courbure de Gauss.
Ce résultat n’a pas d’analogue dans le cas des courbes : toutes les courbes
sont localement isométriques bien qu’elles n’aient pas nécessairement la même
courbure. Le résultat de Gauss assure que deux surfaces qui n’ont pas la
même courbure (de Gauss) ne peuvent pas être localement isométriques.
Remarque 2.4.6. Deux surfaces peuvent être localement isométriques et ne
pas avoir la même deuxième forme fondamentale (e.g. le cylindre et le plan).
Notez que deux surfaces peuvent avoir la même courbure de Gauss sans
être localement isométriques.
Remarque 2.4.7. Le théorème de Gauss a des conséquences très pratiques.
Vous l’avez déjà utilisé en mangeant une part de pizza, en êtes vous conscient ?
Je vous incite à consulter à ce sujet le très joli article suivant : https:
// images. math. cnrs. fr/ Un-theoreme-et-une-part-de-pizza. html
En procédant comme ci-dessus, mais en déterminant à présent le coeffi-
cient de N dans les identités ∂v ϕuu = ∂u ϕuv et ∂u ϕvv = ∂v ϕuv , on obtient :
Proposition 2.4.8 (Équations de Mainardi-Codazzi 7 ). On a
∂u Q − ∂v P = −P Γ112 + Q(Γ111 − Γ212 ) + RΓ211
et
∂u R − ∂v Q = −P Γ122 + Q(Γ112 − Γ222 ) + RΓ212 .
Exemple 2.4.9. Lorsque F ≡ Q ≡ 0 on obtient la forme simplifiée
∂v P = P Γ112 − RΓ211 et ∂u R = −P Γ122 + RΓ212 .
En remplaçant les coefficients de Christoffel par leurs expressions en fonction
des coefficients de la première forme fondamentale, on obtient les égalités
∂v P = 21 E P R
 
+G  ∂v E .
(†) 1 P R
∂u R = 2 E + G ∂u G
7. Gaspare Mainardi (1800-1879) et Delfino Codazzi (1824-1873), mathématiciens ita-
liens.
74 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Notons qu’on peut toujours trouver une paramétrisation locale telle que
F ≡ Q ≡ 0 au voisinage d’un point qui n’est pas un ombilic :

Lemme 2.4.10. Si p n’est pas un point ombilic, alors il existe une paramé-
trisation régulière de S au voisinage de p telle que F ≡ Q ≡ 0. Dans ce cas,
la courbure de Gauss s’écrit
    
1 ∂u G ∂v E
K=− √ ∂u √ + ∂v √ .
2 EG EG EG
Nous laissons le lecteur démontrer ce fait.

Remarque 2.4.11. On peut montrer qu’il n’y a pas d’autres relations de


compatibilité entre les deux premières formes fondamentales autres que celles
de Gauss et de Mainardi-Codazzi : si on se donne des fonctions E, F, G, P, Q
et R qui vérifient les équations de Gauss et de Mainardi-Codazzi, avec E, G >
0 et EG − F 2 > 0, alors on peut localement trouver une surface paramétrée
régulière S ⊂ R3 (unique à isométrie globale près) qui a ces fonctions pour
coefficients de ses deux premières formes fondamentales. Nous renvoyons le
lecteur à [DoCarmo, pp. 236 et 311-314] pour plus de détails.

2.4.3 Invariance par isométries globales


Définition 2.4.12. Deux surfaces de R3 sont équivalentes si elles sont images
l’une de l’autre sous l’action d’une isométrie directe globale de R3 .

Rappelons qu’une isométrie globale de R3 est une application affine

u ∈ R3 7→ Au + b ∈ R3

où b ∈ R3 est un vecteur (translation) et A est une matrice 3 ∗ 3 orthogonale.


Observons qu’une translation ne modifie pas les dérivées partielles et
laisse donc inchangées les deux formes fondamentales. Une matrice orthogo-
nale préserve les longueurs et le produit scalaire, elle laisse donc également
inchangée la première forme fondamentale.
Une matrice orthogonale directe transforme le vecteur normal n en A · n
et laisse donc invariante la deuxième forme fondamentale de S (tandis qu’une
matrice orthogonale indirecte transforme n en −A · n et IIS en −IIS ).
Le résultat qui suit, parfois appelé « théorème fondamental de la théorie
locale des surfaces », constitue la réciproque à ce que nous venons d’observer :

Théorème 2.4.13. Deux surfaces de R3 sont équivalentes si et seulement


si elles ont mêmes première et deuxième formes fondamentales.

Nous renvoyons le lecteur aux références bibliographiques pour une preuve


détaillée (voir par exemple [DoCarmo, pp. 236 et 311-314]).
2.5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 75

2.5 Surfaces à courbure constante


Nous avons montré dans le chapitre 1 que les courbes planes à courbure
constante sont des objets géométriques remarquables : ce sont des (mor-
ceaux de) droites ou des cercles. Nous nous intéressons ici aux surfaces à
courbure constante. Nous étudions d’abord celles dont la courbure de Gauss
est constante, puis celles à courbure moyenne nulle (les surfaces minimales).

2.5.1 Courbure de Gauss constante


Surfaces compactes
Les surfaces compactes à courbure de Gauss constantes sont les sphères :

Théorème 2.5.1. Soit S ⊂ R3 une surface régulière compacte connexe à


courbure de Gauss constante. Alors S est une sphère.

Démonstration. Étape 1. On commence par montrer que la constante K est


nécessairement strictement positive. On considère les sphères qui contiennent
S. On en choisit une qui est de rayon minimal r > 0, elle touche nécessai-
rement S en un point p (considérez si vous préférez le point où la fonction
x 7→ ||x|| atteint son maximum sur S qui est compacte).
Soit γ une courbe tracée sur S qui passe par p. Soit ϕ : I → Γ ⊂ S une
paramétrisation à vitesse unité de γ avec 0 ∈ I et p = ϕ(0). La fonction lisse
t 7→ f (t) = ||ϕ(t)||2 atteint son maximum en 0, donc

f 00 (0) = 2||ϕ0 (0)||2 + 2hϕ(0), ϕ00 (0)i ≤ 0.

Or ||ϕ0 (0)|| = 1 (vitesse unité) et ϕ00 (0) = κγ (p)N (p), où N (p) désigne le
vecteur normal à la courbe γ au point p. En notant θ l’angle entre les vecteurs
ϕ(0) et N (p), on en déduit

||ϕ(0)|| · κγ (p) ≥ − cos θ ||ϕ(0)|| · ||ϕ00 (0)|| = −hϕ(0), ϕ00 (0)i ≥ 1.

Comme ||ϕ(0)|| = ||p|| = r > 0 par construction, il s’ensuit que

1
κγ (p) ≥ .
r
Puisque toutes les courbes tracées sur S et passant par p ont une courbure
au moins égale à 1/r en p, on en déduit que la courbure de S en p est au
moins égale à 1/r2 , en particulier elle est strictement positive.
Étape 2. Pour montrer que S est une sphère, il suffit de montrer que tous
ses points sont des ombilics (voir Exercice 52). Notons k1 ≥ k2 les valeurs
propres de l’opérateur Fp . Elles dépendent continûment de p et vérifient
K = k1 k2 =constante. Fixons p ∈ S tel que k1 est maximale (on utilise ici
76 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

la compacité de S). Comme k2 = K/k1 , la fonction k2 est minimale en p.


Supposons que le point p est un ombilic, i.e.

k1 (p) = k2 (p) = K.

Alors pour tout q ∈ S,


√ √
K = k2 (p) ≤ k2 (q) ≤ k1 (q) ≤ k1 (p) = K,

d’où tout point q est également un ombilic et S est une sphère.


Étape 3. Il reste donc à établir que le point p est un ombilic. Supposons
le contraire, i.e. supposons que k1 (p) > k2 (p). Il résulte du Lemme 2.4.10
que l’on peut trouver une paramétrisation de S au voisinage de p telle que
F ≡ Q ≡ 0. Dans une telle paramétrisation, la courbure de Gauss et la
courbure moyenne sont données par
PR 1 P G + RE
K= et H= .
EG 2 EG
Il s’ensuit (quitte à intervertir les notations) que
P R
k1 = et k2 = .
E G
Nous utilisons à présent la relation (†) de l’Exemple 2.4.9 pour obtenir

∂v P = 12 (k1 + k2 ) ∂v E


∂u R = 12 (k1 + k2 ) ∂u G
d’où
1 ∂v E 1 ∂u G
∂v k 1 = (k2 − k1 ) et ∂u k2 = (k1 − k2 ) .
2 E 2 G
Observons que k1 est maximale en p, donc de dérivée nulle. Comme on a
supposé k1 (p) 6= k2 (p), on en déduit ∂v E(p) = 0. De même, ∂u G(p) = 0. En
dérivant la première égalité par rapport à v et en injectant ∂v E(p) = 0, il
vient
∂ 2 k1
2
∂vv E(p) = 2E(p) vv (p).
k1 − k2
2 k (p) ≥ 0, d’où ∂ 2 E(p) ≥ 0.
Or k1 est maximale en p donc ∂vv 1 vv
De la même façon, on obtient
2
∂vv G(p) ≥ 0.

Or l’expression de la courbure de Gauss obtenue au Lemme 2.4.10 donne (en


tenant compte de l’annulation ∂v E(p) = ∂u G(p) = 0),
1 2 2

K(p) = − ∂uu G + ∂vv E ≤ 0,
2EG
ce qui contredit le fait que K(p) = K > 0.
2.5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 77

Surfaces de révolution
On considère une courbe plane C et on la fait tourner autour d’une droite
D du plan qui la contient. On peut supposer que le plan de référence est le
plan de coordonnées xOz et que la courbe C est paramétrée à vitesse 1,
s ∈ I 7→ (f (s), 0, h(s)) ∈ R3 , avec f 0 (s)2 + h0 (s)2 ≡ 1. On peut également
supposer que l’axe de révolution est l’axe de coordonnée Oz, la surface de
révolution est alors paramétrée par

ϕ : (s, θ) ∈ I×]0, 2π[7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s)) ∈ R3 .

Lemme 2.5.2. La courbure de Gauss est, lorsque f > 0,

f 00 (s)
K(s, θ) = − ·
f (s)
Démonstration. Le vecteur normal est donné par

N (s, θ) = (−h0 (s) cos θ, −h0 (s) sin θ, f 0 (s)).

En utilisant les notations et formules vues précédemment, on obtient, pour


les formes fondamentales :

E = 1, F = 0, G = f 2 et P = (−f 00 h0 + h00 f 0 ), Q = 0, R = f h0 .

On en déduit que
h0 [h00 f 0 − f 00 h0 ] f 00
K= =− ,
f f
en rappelant que f 0 (s)2 + h0 (s)2 ≡ 1, donc h0 h00 = −f 0 f 00 .

Exemple 2.5.3. Un tore de révolution est la surface obtenue en faisant tour-


ner un cercle autour d’une droite qui ne le rencontre pas. La paramétrisation
par longueur d’arc de ce « pneu » est donnée par

f (s) = R + r cos(s/r), h(s) = r sin(s/r), avec R > r.

Le calcul précédent donne donc


cos(s/r)
K(s, θ) =
r[R + cos(s/r)]

qui est positive pour s/r ∈ [− π2 , π2 ] (côté pneu) et négative sinon (côté jante).

Nous considérons à présent les surfaces de révolution à courbure de Gauss


constante :
Courbure constante nulle. C’est le cas le plus simple :

Proposition 2.5.4. Si K ≡ 0, alors S est un plan, un cylindre ou un cône.


78 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Démonstration. Dans ce cas f 00 ≡ 0, donc f 0 ≡ constante. Il s’ensuit que h0


est également constante, donc f et h sont affines, c’est-à-dire que C est un
morceau de droite.
On en déduit que S est du type annoncé, en fonction de la position
relative de la droite C par rapport à l’axe Oz (parallèles, perpendiculaires
√ ou
2
autres). Plus précisément, il vient f (s) = as + b et h(s) = ± 1 − a s + c,
où a ∈ [−1, 1] et b, c ∈ R. Quitte à changer d’origine, on se ramène aux trois
cas suivants :
1) f (s) = as, h(s) ≡ cst et a ∈ {−1, 1}, dans ce cas S est un plan ;

2) f (s) = as, h(s) = ± 1 − a2 s et a ∈ / {±1, 0}, alors S est un cône ;
3) f (s) = b, h(s) = s, et a = 0, dans ce cas S est un cylindre.

Courbure constante positive. Nous avons déjà observé que les sphères sont
des surfaces de révolution à courbure de Gauss constante positive. Supposons
que K est une constante positive. La fonction f vérifie donc f 00 + Kf ≡ 0,
d’où, après changement d’origine,
√ Z s q √
f (s) = a cos( Ks) et h(s) = ± 1 − a2 K sin2 ( Ku)du.
0
La fonction définissant h s’appelle une intégrale elliptique. On retrouve les
sphères lorsque a2 K = 1.
Courbure constante négative. Supposons à présent que la courbure de Gauss
K est une constante négative. Il vient
√ √ √ √
f (s) = a exp( −Ks) + b exp( −Ks) = c Ch( −Ks) + d Sh( −Ks)
où Ch et Sh désignent le cosinus et le sinus hyperboliques. La surface qui
correspond à Z sp
f (s) = es et h(s) = 1 − e2t dt
0
s’appelle la pseudosphère. En voici une représentation graphique :
2.5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 79

Elle a une courbure K ≡ −1 et possède de nombreuses propriétés remar-


quables. Notons que la courbe plane C que l’on fait tourner pour définir la
pseudosphère a été rencontrée au Chapitre 1, il s’agit de la tractrice.

Surfaces réglées
Ce sont les surfaces obtenues en faisant passer par tout point d’une courbe
C, une droite qui dépend de façon lisse du paramètre. Si la courbe C est para-
métrée par t ∈ I 7→ α(t) ∈ R3 , la droite passant par ϕ(t) peut être définie par
son vecteur directeur β(t) ∈ R3 . La surface admet ainsi la paramétrisation

(t, s) ∈ I × R 7→ α(t) + sβ(t) ∈ R3 .

Un exemple particulièrement important est la surface obtenue en consi-


dérant l’ensemble des tangentes à la courbe C.

Proposition 2.5.5. Les surfaces réglées sont à courbure de Gauss négative.

Tous les points d’une surface réglée sont donc hyperboliques ou paraboliques.

Démonstration. Rappelons que la courbure de Gauss est donnée par

P Q − R2
K= .
EG − F 2
Comme EG − F 2 ≥ 0 est toujours positif (inégalité de Cauchy-Schwarz 8 ),
il s’agit donc de contrôler le signe du numérateur. Or, si ϕ = ϕ(s, t) =
α(t) + sβ(t) désigne la paramétrisation ci-dessus, il vient ϕss ≡ 0. En notant
n le vecteur normal à la surface, on obtient donc

P = hϕss , ni = 0.

Le numérateur est donc égal à −R2 , d’où K ≤ 0.

2.5.2 Surfaces minimales


Définition 2.5.6. On dit qu’une surface est minimale lorsque sa courbure
moyenne est identiquement nulle.

Rappelons que l’annulation de la courbure de Gauss ne dépend pas du


choix de la paramétrisation, mais qu’il n’en est pas de même pour la courbure
moyenne.
Voici une représentation graphique de la surface minimale d’Enneper 9
 3 3

de paramétrisation ϕ(u, v) = u − u3 + uv 2 , v − v3 + vu2 , u2 − v 2 :

8. Augustin Louis Cauchy, mathématicien français (1789-1857) ; Hermann Amandus


Schwarz, mathématicien allemand (1843-1921).
9. Alfred Enneper, mathématicien allemand (1830-1885).
80 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Vous vérifierez en exercice qu’il s’agit bien d’une surface minimale. De


telles surfaces tiennent leur nom de la propriété suivante :
Théorème 2.5.7. Si une surface S minimise l’aire parmi les surfaces S 0
proches qui coïncident avec S hors d’un compact, alors sa courbure moyenne
est identiquement nulle.
Démonstration. Soit ϕ : U → R3 une paramétrisation de S. On note N (u, v)
le vecteur normal unitaire associé. Soit χ une fonction lisse à support compact
dans U . Pour t ∈ R petit, la paramétrisation
φt (u, v) = ϕ(u, v) + tχ(u, v)N (u, v)
définit une surface régulière St qui coïncide avec S hors du support de χ,
comme on le vérifie en calculant les vecteurs tangents
∂u φt = ϕu + tχu N + tχ∂u N et ∂v φt = ϕv + tχv N + tχ∂v N.
Rappelons que hϕu , N i = 0 et hϕu , ∂u N i = −P . On en déduit
Et = h∂u φt , ∂u φt i = E − 2tχP + O(t2 ).
Il vient de même Ft = F − 2tχQ + O(t2 ) et Gt = G − 2tχR + O(t2 ), donc
Et Gt − Ft = EG − F 2 − 2tχ(ER + GP − 2F Q) + O(t2 )
= (EG − F 2 )[1 − 4tχH + O(t2 )].
Ainsi, Z p
Aire(St ) = Aire(S) − 2t EG − F 2 χHdudv.
U

√ de S soit plus petite que celle de St pour tout t petit, il faut


Pour que Rl’aire
donc que U EG − F 2 χHdudv = 0 quelle que soit la fonction test χ, ce qui
nécessite que la courbure moyenne H s’annule identiquement.

L’étude des surfaces minimales est un sujet riche et classique qui a des
interactions fortes avec l’analyse complexe. Voici une connexion simple entre
ces deux domaines :
2.5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 81

Proposition 2.5.8. Soit ϕ : (u, v) ∈ U → (α(u, v), β(u, v), γ(u, v)) ∈ S ⊂
R3 une paramétrisation conforme. Alors S est minimale si et seulement si
chacune des fonctions coordonnées α, β, γ est harmonique.

Démonstration. Rappelons que la paramétrisation ϕ est conforme si et seule-


ment si E = G > 0 et F ≡ 0. On dérive la première égalité par rapport à u
et v pour obtenir

hϕu , ϕuu i = hϕv , ϕuv i et hϕu , ϕuv i = hϕv , ϕvv i.

En dérivant la seconde égalité on obtient

hϕu , ϕuv i = −hϕv , ϕuu i et hϕv , ϕuv i = −hϕu , ϕvv i.

En combinant ces relations, il vient

hϕu , ϕuu + ϕvv i = hϕv , ϕuu + ϕvv i = 0,

autrement dit le vecteur ϕuu + ϕvv est proportionnel au vecteur normal N .


Or hϕuu , N i = P et hϕvv , N i = R, tandis que

ER + GP − 2F Q P +R
H= 2
= .
2(EG − F ) 2E

Il s’ensuit que
(∆α, ∆β, ∆γ) = ϕuu + ϕvv = EHN.
Comme E > 0, la courbure moyenne est identiquement nulle si et seulement
si les fonctions coordonnées sont harmoniques.

Proposition 2.5.9. Les seules surfaces minimales (connexes) de révolution


dans R3 sont le plan et la caténoïde, qui peut être paramétrée par

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aCh s cos t, aCh s sin t, as) ∈ R3

où a est un paramètre réel positif.

Voici une représentation graphique de la caténoïde :


82 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Démonstration. Nous reprenons les notations de la preuve du lemme 2.5.2.


Nous cherchons une paramétrisation de S du type

ϕ : (s, θ) ∈ I×]0, 2π[7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s)) ∈ R3

avec (f 0 )2 + (h0 )2 ≡ 1. Nous avons obtenu

E = 1, F = 0, G = f 2 et P = (−f 00 h0 + h00 f 0 ), Q = 0, R = f h0 ,

ainsi donc
ER + GP − 2F Q f (h0 )2 − f 2 f 00
H= =
2(EG − F 2 ) 2h0 (EG − F 2 )
f
= 0
[1 − (f 0 )2 − f f 00 ].
2h (EG − F 2 )

Il s’ensuit que H ≡ 0 si et seulement si (f 0 )2 + f f 00 ≡ 1.


Cette équation différentielle s’intègre en remarquant que la fonction g =
f 2 vérifie√l’équation g 00 ≡ 2. On en déduit, quitte√ à translater en s, que
f (s) = s + a , avec a ≥ 0 (le cas f (s) = s2 − a2 est exclus car il
2 2

conduirait à (h0 )2 (s) < 0). Pour a = 0, on obtient |f 0 | ≡ 1 donc h0 ≡ 0, et S


est un morceau de plan. Pour a > 0, on obtient
a s
h0 (s) = √ =⇒ h(s) = aArgSh + c,
s 2 + a2 a
ce qui fournit la paramétrisation par longueur d’arc de la caténoïde.

Proposition 2.5.10. Les seules surfaces réglées minimales sont le plan et


l’hélicoïde qui admet la paramétrisation

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aSh s cos t, aSh s sin t, at) ∈ R3

où a est un paramètre réel positif.

Voici une représentation graphique de l’hélicoïde :

Nous renvoyons le lecteur intéressé à [DoCarmo, pp. 201-204] pour une


démonstration de ce dernier résultat.
2.6. PROPRIÉTÉS MÉTRIQUES 83

2.6 Propriétés métriques


2.6.1 Géodésiques
Définition 2.6.1. Une courbe lisse régulière γ : I → S est une géodésique
si et seulement si elle vérifie, pour tout t ∈ I,

πγ(t) γ 00 (t) = 0

où πγ(t) désigne la projection orthogonale sur le plan Tγ(t) (S), i.e. ssi le
vecteur accélération γ 00 (t) est orthogonal au plan tangent Tγ(t) (S).

Exemple 2.6.2.
1) Les (segments de) droites sont les géodésiques du plan. En effet, dans
ce cas πγ(t) est la projection orthogonale sur un plan fixe, l’équation se réduit
donc à γ 00 (t) ≡ 0, i.e. t 7→ γ(t) est affine.
2) Les grands cercles (intersection d’un plan passant par l’origine avec la
sphère) sont des géodésiques de la sphère.
3) Les hélices sont des géodésiques du cylindre droit : soit

ϕ(s, θ) = (cos θ, sin θ, s),

une courbe γ(t) = ϕ(s(t), θ(t)) est une géodésique si et seulement si

γ 00 (t) ⊥ ϕs (s(t), θ(t)) ⇐⇒ s00 (t) ≡ 0

et
γ 00 (t) ⊥ ϕθ (s(t), θ(t)) ⇐⇒ θ00 (t) ≡ 0.
4) Les géodésiques du tore se calculent à l’aide d’intégrales elliptiques,
vous en trouverez une représentation graphique à l’adresse suivante :
http ://www.mathcurve.com/courbes3d/lignes/geodesictore.shtml

Les géodésiques sont des courbes paramétrées à vitesse constante :

Proposition 2.6.3. Soit γ : I → S, alors t 7→ ||γ 0 (t)|| est constante.

Démonstration. Par définition, γ 0 (t) ∈ Tγ(t) S et γ 00 (t) est orthogonal au plan


Tγ(t) S, donc
d 0
||γ (t)||2 = 2hγ 0 (t), γ 00 (t)i = 0.
dt

L’existence en temps court des géodésiques est garantie par le théorème


de Cauchy-Lipschitz :

Théorème 2.6.4. Soit p ∈ S et v ∈ Tp S \ {0}. Il existe ε > 0 et une unique


géodésique γ :] − ε, +ε[→ S telle que γ(0) = p et γ 0 (0) = v.
84 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

L’existence en temps long (i.e. pour t ∈ R) des géodésiques est liée au


théorème de Hopf-Rinow (voir plus loin).
Démonstration. Soit ϕ : (x, y) ∈ U 7→ ϕ(x, y) ∈ S ⊂ R3 une paramétrisation
(régulière) de S et γ : t ∈ I 7→ ϕ(x(t), y(t)) ∈ S une courbe tracée sur S. La
courbe γ est une géodésique si et seulement si γ 00 (t) est orthogonal à Tγ(t) S
pour tout t. Or γ 0 = x0 ϕx + y 0 ϕy et
γ 00 = x00 ϕx + (x0 )2 ϕxx + 2x0 y 0 ϕxy + (y 0 )2 ϕyy + y 00 ϕy .
En utilisant l’expression de ϕxx , ϕxy , ϕyy en fonction des symboles de Chris-
toffel, on décompose γ 00 (t) dans la base {ϕx , ϕy , N }. Le vecteur accélération
γ 00 est orthogonal à Tγ(t) S si et seulement si ses composantes selon ϕx et ϕy
sont nulles, i.e.
x00 + Γ111 (x0 )2 + 2Γ112 x0 y 0 + Γ122 (y 0 )2 = 0
et
y 00 + Γ211 (x0 )2 + 2Γ212 x0 y 0 + Γ222 (y 0 )2 = 0.
L’équation des géodésiques est donc une équation différentielle non li-
néaire (et vectorielle) d’ordre deux. Si on note Z = (x0 , y 0 ), elle peut s’écrire
sous la forme Z 0 = F (Z), avec F lisse. Il résulte du théorème de Cauchy-
Lipschitz qu’elle admet des solutions en temps court (i.e. sur un petit in-
tervalle de temps ] − ε, ε[, ε > 0), pour toute donnée initiale de Cauchy
(p, v) ∈ S × Tp S.
On déduit de l’unicité que si γ(t, v) désigne cette géodésique, alors pour
λ 6= 0,
γ(t, λv) = γ(λt, v).
Pour tout vecteur v de norme assez petite, il s’ensuit que la géodésique
γ(·, v) est définie sur un intervalle de longueur au moins 2.
Définition 2.6.5. Pour v ∈ Tp (S) de longueur assez petite, on définit
expp (v) := γ(1, v).
Proposition 2.6.6. L’application exponentielle réalise un difféomorphisme
local d’un voisinage de 0 dans Tp (S) sur un voisinage de p dans S, avec
D expp = Id.
Démonstration. Le fait que expp soit lisse résulte du théorème de Cauchy-
Lipschitz : la solution γ(t, v) dépend de façon lisse des données initiales
(p, v) ∈ S × Tp S. Pour montrer que c’est un difféomorphisme local, il suf-
fit donc de vérifier que sa différentielle en p est l’identité. Cela résulte de
l’homogénéité déjà utilisée :
expp (tv) = γ(1, tv) = γ(t, v) = γ(0, v) + tγ 0 (0, v) + o(t) = p + tv + o(t).
2.6. PROPRIÉTÉS MÉTRIQUES 85

2.6.2 Distance intrinsèque


Rappelons que la longueur d’une courbe C 1 par morceaux γ : [0, 1] → S
tracée sur une surface S est
Z 1
`(γ) = ||γ 0 (t)||dt.
0

Elle ne dépend que de la première forme fondamentale.


Étant donnés deux points p et q sur S, on peut toujours trouver une
courbe tracée sur S qui les joint. Il est naturel d’essayer d’en construire une
qui soit de longueur minimale et de mesurer ainsi la distance entre p et q :

Définition 2.6.7. La distance entre deux points d’une surface régulière S ⊂


R3 est la borne inférieure de la longueur des courbes qui les joignent :

dS (p, q) = inf{`(γ) | γ courbe tracée sur S t.q. γ(0) = p et γ(1) = q}.

Notez que la définition ne prétend pas qu’il existe une courbe de longueur
minimale ! Cette distance ne coïncide pas avec la distance dans R3 , sauf
lorsque S est un plan. Pour la sphère unité, vous montrerez en exercice que

||p − q||
dS 2 (p, q) = 2 arcsin .
2
Notons que dS définit bien une distance sur S :

Proposition 2.6.8. La fonction dS : S × S → R+ vérifie


1. dS (p, q) = dS (q, p) ;
2. dS (p, q) ≤ dS (p, r) + dS (r, q) ;
3. dR3 (p, q) ≤ dS (p, q).
En particulier dS est une distance.

Démonstration. Il faut commencer par s’assurer que l’infimum ne vaut pas


+∞, c’est-à-dire qu’il existe au moins une courbe (C 1 par morceaux) qui
relie deux points donnés : c’est clair si les deux points appartiennent à une
même carte locale, sinon on peut concaténer des courbes qui passent par un
nombre fini de points intermédiaires appartenants aux ouverts d’intersection
des cartes : étant donnés r chemins γi : [0, 1] → S qui joignent pi à qi avec
p1 = p et qr = q, le chemin γ : [0, 1] → S défini par

i−1 i
γ(t) = γi (rt − (i − 1)) si ≤t
r r
est C 1 par morceaux et tel que γ(0) = p et γ(1) = q.
La relation de symétrie résulte de ce que la longueur d’un chemin γ reliant
p à q est le même que celle du chemin γ̃(t) := γ(1 − t) qui relie q à p.
86 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Si γ1 est un chemin C 1 par morceaux qui relie p à r, et γ2 est un chemin


C1 par morceaux qui relie r à q, alors

γ1 (2t) pour 0 ≤ t ≤ 1/2
γ(t) :=
γ2 (2t − 1) pour 1/2 ≤ t ≤ 1

définit un chemin C 1 par morceaux qui relie p à q. On a donc


Z 1/2 Z 1
dS (p, q) ≤ `(γ) = ||2γ10 (2t)||dt + ||2γ20 (2t − 1)||dt = `(γ1 ) + `(γ2 ).
0 1/2

On en déduit dS (p, q) ≤ dS (p, r) + dS (r, q) en faisant varier γ1 et γ2 .


Comme il y a plus de chemins joignant p à q dans R3 que sur S, la
distance dS domine la distance euclidienne.

Une propriété essentielle des géodésiques est qu’elles minimisent locale-


ment la distance dS :

Théorème 2.6.9. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Soit γ : [0, 1] → S


une courbe tracée sur S joignant p à q à vitesse constante. Si γ minimise la
distance, i.e. `(γ) = dS (p, q), alors γ est une géodésique.
Réciproquement, toute géodésique minimise localement la distance.

Démonstration. Soit γ une courbe qui minimise la distance dS entre deux


points p et q. On peut effectuer un changement admissible de paramétrisation
pour se ramener au cas où γ évolue à vitesse constante (cela ne modifie pas
la longueur bien sûr). Dans ce cas, γ minimise également l’énergie
Z 1
E(γ) := ||γ 0 (t)||2 dt
0

qui, elle, dépend de la paramétrisation. Il résulte en effet de l’inégalité de


Cauchy-Schwarz que si γ̃ est un autre chemin joignant p à q, alors

E(γ) = `(γ)2 ≤ `(γ̃)2 ≤ E(γ̃).

On va montrer qu’un chemin qui minimise E est nécessairement une géo-


désique. Considérons γs (t) = γ(s, t) une famille de chemins joignant p à q
tels que γ0 (t) = γ(t) est le chemin minimisant de départ. Observons que

∂γ
γs (t) = γ0 (t) + s (0, t) + o(s)
∂s
avec
∂γ ∂γ
(0, 0) = (0, 1) = 0
∂s ∂s
puisque les extrémités p, q sont fixes.
2.6. PROPRIÉTÉS MÉTRIQUES 87

On décompose

∂2γ
γs0 (t) = γ00 (t) + s (0, t) + o(s)
∂s∂t
pour obtenir
Z 1  
∂ ∂γ
E(γs ) = E(γ0 ) + 2s hγ00 (t), (0, t)idt + o(s).
0 ∂t ∂s

On souhaite intégrer par parties. Il ne faut pas oublier que le produit


scalaire dépend de t ! On peut décomposer en coordonnées en utilisant une
paramétrisation locale ϕ(u, v) de S : il vient γs (t) = ϕ(us (t), vs (t)) et

∂γ ∂u0 ∂v0
hγ00 (t), (0, t)i = hu00 ϕu + v00 ϕv , ϕu + ϕv i
∂s ∂s ∂s
= u00 ∂s u0 E + [u00 ∂s v0 + v00 ∂s u0 ] F + v00 ∂s v0 G.

On en déduit
∂ 0 ∂γ
(0, t)i = u000 E + v000 F + u00 ∂t E + v00 ∂t F ∂s u0

hγ0 (t),
∂t ∂s
+ u000 F + v000 G + u00 ∂t F + v00 ∂t G ∂s v0

 
0 ∂ ∂γ
+ hγ0 (t), (0, t)i.
∂t ∂s

On intègre à présent par parties en observant qu’il n’y a pas de partie


variationnelle car ∂γ ∂γ
∂s (0, 0) = ∂s (0, 1) = 0. Il vient ainsi

Z 1
E(γs ) = E(γ0 ) + 2s {A∂s u0 + B∂s v0 } dt + o(s).
0

Comme on peut choisir les vecteurs tangents ∂s u0 et ∂s v0 de façon arbitraire,


on en déduit que les quantités A et B sont identiquement nulles, i.e.

u000 E + v000 F + u00 ∂t E + v00 ∂t F = 0

et
u000 F + v000 G + u00 ∂t F + v00 ∂t G = 0.

Le lecteur vérifiera qu’il s’agit précisément de l’équation d’une géodésique.


On peut réciproquement montrer qu’une géodésique minimise localement
la distance. Cela résulte du « lemme de Gauss » qui affirme que l’applica-
tion exponentielle est une isométrie radiale. Nous renvoyons le lecteur aux
références pour une preuve.
88 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Notez bien que cette propriété n’est pas nécessairement vraie globale-
ment, comme vous vous en rendrez compte dans les exercices : une géodésique
« longue » ne minimise pas nécessairement la distance entre ses extrémités
(pensez aux arcs de grands cercles sur la sphère).
Soit p ∈ S et fixons ε > 0 petit. Pour tout v ∈ Tp S de norme 1, il
existe une géodésique γ(t, v) de S issue de p et de vecteur initial v. Lorsque v
parcourt l’ensemble des vecteurs unitaires de Tp S, les géodésiques {γ(t, v) | −
ε < t < ε} remplissent la boule BdS (p, ε) de rayon ε. De plus, γ est l’unique
plus court chemin qui relie ses extrémités. Bien que dS ne soit pas équivalente
à la distance induite par la distance euclidienne, on en déduit cependant que
ces deux distances induisent la même topologie.
Il est naturel d’essayer d’étendre le domaine de définition des géodé-
siques. Lorsque celui-ci est maximal (i.e. si une géodésique est définie sur
R), on se trouve dans une situation très particulière. Nous mentionnons sans
démonstration l’important résultat de Hopf-Rinow 10 :

Théorème 2.6.10. Soit S ⊂ R3 une surface. Il y a équivalence entre les


trois propriétés suivantes :
1. Il existe un p ∈ S tel que l’application exponentielle expp est définie
sur tout l’espace tangent Tp (S) ;
2. Pour tout point p ∈ S, l’application exponentielle expp est définie sur
tout Tp (S) ;
3. L’espace métrique (S, dS ) est complet.

Dans ce cas, toutes les géodésiques sont définies sur la droite réelle R et
on peut montrer que deux points sont toujours reliés par une géodésique qui
minimise la longueur.
Il en va ainsi de l’application exponentielle de la sphère en un de ses
points. Lorsque l’on identifie celle-ci au globe terrestre en prenant comme
point le pôle nord, on obtient la projection de Postel des cartographes.

Remarque 2.6.11. En poussant un cran plus loin l’étude des variations de


la longueur d’arc, il est possible de montrer le résultat suivant : si une surface
S complète est à courbure uniformément minorée positivement (K ≥ δ > 0),
alors S est compacte et le diamètre diam(S) de S vérifie
π
diam(S) ≤ √ .
δ
Nous renvoyons le lecteur au livre de DoCarmo (p. 352) pour une preuve de
ce magnifique théorème de Bonnet 11 .

10. Heinz Hopf, mathématicien allemand (1894-1971), pionnier de la topologie algé-


brique ; Willi Rinow (1907-1979) était son étudiant.
11. Pierre-Ossian Bonnet, mathématicien français (1819-1892).
2.7. THÉORÈME DE GAUSS-BONNET 89

2.7 Théorème de Gauss-Bonnet


2.7.1 Surface strictement convexe
Définition 2.7.1. On dit qu’une surface S ⊂ R3 est strictement convexe si
sa courbure de Gauss garde un signe constant.

La sphère est un exemple évident de surface strictement convexe, mais


vous en connaissez bien d’autres.

Théorème 2.7.2. Soit S ⊂ R3 une surface fermée strictement convexe.


Alors Z
K dσS = 4π.
S

On intègre ici K contre la mesure d’aire dσS qui est définie, dans une
paramétrisation ϕ : U → S par

ϕ∗ dσS = ||ϕu ∧ ϕv ||du ∧ dv.

Nous avons observé précédemment que dσS ne dépend pas du choix de la


paramétrisation.

Démonstration. Comme S est strictement convexe, l’application de Gauss


réalise un difféomorphisme de S sur la sphère S 2 , dont le jacobien est préci-
sément la courbure de Gauss. Il s’ensuit que
Z
K dσS = Aire(S2 ) = 4π.
S

Que se passe-t-il lorsque K change de signe ? Comme nous l’indiquons


ci-après, on dispose d’une formule analogue qui fait intervenir un terme topo-
logique (la caractéristique d’Euler de la surface) qui encode les changements
de signes de K.

2.7.2 Polyèdres convexes


Soit P ⊂ R2 un polygone convexe du plan, c’est-à-dire un ensemble
convexe compact du plan dont le bord est constitué d’un nombre fini d’arêtes
γi (i.e. des segments de droites). On appelle sommets les intersections γi ∩ γj ,
i 6= j, des arêtes et face l’intérieur du polygone.

Définition 2.7.3. Un polyèdre convexe de R3 est la généralisation naturelle


des polygones convexes en dimension trois. Ce sont des ensembles convexes
compacts de R3 dont le bord est constitué d’un nombre fini s de polygones
convexes (Pi )1≤i≤s tels que pour tout i 6= j, Pi ∩ Pj est soit vide, soit une
arête commune γ` à Pi et Pj .
90 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

On note
• S le nombre de sommets du polyèdre (intersections γi ∩γj 6= ∅, i 6= j),
• A le nombre d’arêtes,
• et F = s le nombre de faces.
Euler et Descartes ont observé une formule remarquable reliant ces quantités :
Proposition 2.7.4. Pour tout polyèdre convexe de R3 , on a
S − A + F = 2.
Nous laissons le lecteur démontrer cette très jolie formule.
Exemple 2.7.5. Un polyèdre convexe est dit régulier si
— toutes ses faces sont des polygones réguliers convexes isométriques ;
— aucune des faces ne se coupe excepté sur les arêtes ;
— le même nombre de faces se rencontrent en chacun des sommets.
On note p le nombre de sommets sur chaque face et q le nombre de faces se
rencontrant en chaque sommet. En observant que
pF = 2A = qS
et en utilisant la formule d’Euler ci-dessus, on montre qu’il y a exactement
cinq polyèdres convexes réguliers (les solides de Platon) :
1. le tétraèdre vérifie S = 4, A = 6, F = 4 et p = q = 3 ;
2. le cube (hexaèdre) vérifie S = 8, A = 12, F = 6 et p = 4, q = 3 ;
3. l’octaèdre vérifie S = 6, A = 12, F = 8 et p = 3, q = 4 ;
4. le dodécaèdre (régulier) vérifie S = 20, A = 30, F = 12, p = 5, q = 3 ;
5. l’icosaèdre vérifie S = 12, A = 30, F = 20 et p = 3, q = 5.
En voici une représentation historique :
2.7. THÉORÈME DE GAUSS-BONNET 91

Cette figure vous rappelle-t-elle quelque chose ?

Exemple 2.7.6. Un ballon de football est une approximation de la sphère


constituée d’un certain nombre de pentagones et d’hexagones. On note P le
nombre de pentagones, H le nombre d’hexagones, et S, A, F les caractéris-
tiques de la décomposition cellulaire qu’ils définissent. Nous allons montrer
que le nombre P de pentagones est nécessairement égal à 12.
Un pentagone comporte 5 arêtes, un hexagone en compte 6. Comme
chaque arête délimite deux faces, on en déduit que le nombre total d’arêtes
A vérifie
5P + 6H
A= .
2
De façon similaire, un pentagone comporte 5 sommets, un hexagone en compte
6. Dans une décomposition cellulaire, trois arêtes partent de chaque sommet,
on en déduit que le nombre total de sommets S vérifie
5P + 6H
S= .
3
Nous expliquons ci-après que la « caractéristique d’Euler-Poincaré » de
la sphère est égale à 2. On obtient ainsi
5P + 6H 5P + 6H P
2 = F − A + S = (P + H) − + = .
2 3 6
Il y a donc nécessairement 12 pentagones.
Le ballon de football « classique » est un icosaèdre tronqué dans lequel on
a placé un pentagone régulier aux 12 sommets de l’icosaèdre, obtenant ainsi
P = 12 et H = 20.
92 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.7.3 Caractéristique d’Euler


Définition 2.7.7. Soit S ⊂ R3 une surface. On appelle décomposition cel-
lulaire (lisse) de S la donnée d’une famille finie d’arcs lisses γi tracés sur S
(appelés arêtes) tels que
1. deux arêtes sont disjointes ou partagent une extrémité ;
2. pour chaque composante connexe Ω de S \ ∪γi , il existe un difféomor-
phisme Φ d’un ouvert de R2 sur un voisinage de Ω tel que Φ−1 (Ω)
soit un polygone convexe ;
3. si S a un bord, alors une face a au plus une arête dans le bord de S.
On appelle sommet les extrémités des arêtes et faces les composantes
connexes du complémentaire de la réunion des arêtes. Lorsque toutes les
faces sont des triangles, on parle de triangulation (lisse).
On note S le nombre de sommets, A le nombre d’arêtes et F le nombre
de faces d’une telle décomposition cellulaire C, et on définit la caractéristique
d’Euler-Poincaré 12 de C :

χ(C) := S − A + F.

Exemple 2.7.8. Considérons un disque plan S ⊂ R2 ⊂ R3 .


1) Une première décomposition cellulaire C1 consiste à découper le disque
en deux (par un diamètre). On obtient alors
— deux sommets (les extrémités du diamètre), S = 2 ;
— trois arêtes (le diamètre et les deux demi-cercles), A = 3 ;
— et deux faces (les deux moitiés du disque), F = 2.
Il vient ainsi χ(C1 ) = 2 − 3 + 2 = 1.
2) Une seconde décomposition cellulaire C2 consiste à découper le disque
en quatre (par deux diamètres). On obtient alors
— cinq sommets (les extrémités des diamètres, mais également leur in-
tersection), S = 5 ;
— huit arêtes (les quatre demi-diamètres et les quatre quarts de cercles),
A = 8;
— et quatre faces (les quatre quarts du disque), F = 4.
Il vient ainsi χ(C2 ) = 5 − 8 + 4 = 1.
3) On pourrait aussi considérer la décomposition cellulaire la plus simple
C3 , à un sommet, une arête et une face qui donne encore χ(C3 ) = 1 !
On admettra le résultat important suivant :
Théorème 2.7.9. Soit S ⊂ R3 une surface compacte. Elle admet des dé-
compositions cellulaires. Celles-ci ont toutes la même caractéristique d’Euler-
Poincaré, notée χ(S) et appelée caractéristique d’Euler-Poincaré de S.
12. Henri Poincaré, mathématicien, physicien, philosophe et ingénieur français (1854-
1912). Fondateur de l’étude qualitative des systèmes d’équations différentielles et de la
théorie du chaos ; il est considéré comme l’un des derniers grands savants universels.
2.7. THÉORÈME DE GAUSS-BONNET 93

Exemple 2.7.10. La décomposition cellulaire la plus simple C1 de la sphère


S 2 consiste à la découper le long d’un grand cercle. Il faut bien garder en tête
que le cercle est constitué d’un sommet et d’une arête, et remarquer qu’il y
a deux faces (les deux calottes sphériques) pour obtenir
χ(C1 ) = 1 − 1 + 2 = 2.
Si on découpe la sphère en quatre morceaux à l’aide de deux grands cercles,
on obtient une décomposition cellulaire C2 telle que que S = 2,A = 4 et
F = 4, d’où
χ(C2 ) = χ(C1 ) = χ(S 2 ) = 2.
Exemple 2.7.11. Vous vérifierez qu’un tore de révolution a une caractéris-
tique d’Euler-Poincaré nulle, tandis qu’un tore à 2 trous a une caractéristique
d’Euler-Poincaré égale à −2.

Somme connexe
La somme connexe S1 ]S2 de deux surfaces est obtenue en enlevant un
disque à chacune des surfaces et en les recollant le long du bord des disques
enlevés.
Proposition 2.7.12. La caractéristique d’Euler de S1 ]S2 est
χ(S1 ]S2 ) = χ(S1 ) + χ(S2 ) − 2.
Nous laissons le lecteur démontrer ce fait.
Remarquez que la sphère S 2 est un élément neutre pour cette opération.
En effet, si on enlève un disque à la sphère S 2 , on obtient un disque qui va
simplement remplacer celui qu’on a enlevé à la deuxième surface.
La somme connexe d’une surface S et d’un tore, revient à attacher un
anneau à S. On appelle tore à g trous la somme connexe de g copies d’un
tore. Lorsque g = 3, on parle également de Bretzel :
94 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

2.7.4 Gauss-Bonnet intrinsèque


Théorème 2.7.13. Soit S ⊂ R3 une surface régulière compacte. Alors
Z
KdσS = 2πχ(S).
S

Comme la sphère est la seule surface compacte de R3 dont la caracté-


ristique d’Euler est positive, une conséquence immédiate du théorème de
Gauss-Bonnet est le corollaire suivant.

Corollaire 2.7.14. Une surface compacte de courbure positive est homéo-


morphe à une sphère.

Nous énonçons sans la démontrer la proposition suivante :

Proposition 2.7.15. Soit T = (ABC) un triangle géodésique dans une


surface S et α, β, γ les angles intérieurs associés. On a
Z
K = α + β + γ − π.
T

Il résulte de cette observation que la somme des angles dans un triangle


géodésique est
1. égale à π si la courbure est nulle (géométrie euclidienne) ;
2. plus grande que π si la courbure est positive (géométrie sphérique) ;
3. plus petite que π si la courbure est négative (géométrie hyperbolique).

Nous renvoyons le lecteur curieux au chapitre 4 du livre de M. Audin


pour des preuves élémentaires de certaines des propriétés évoquées dans cette
dernière section. Pour une démonstration enrichie du théorème de Gauss-
Bonnet, nous recommandons le chapitre 8 du livre de J. Lafontaine.
2.8. EXERCICES 95

2.8 Exercices
Premiers exemples
Exercice 30. On pose U = {(a, b) ∈ R2 / 0 < a < π, 0 < b < 2π} et

ϕ : (a, b) ∈ U 7→ (sin a cos b, sin a sin b, cos a) ∈ R3 .

1) Montrer que (ϕ, U ) est une paramétrisation régulière d’une partie de


la sphère unité S 2 . Laquelle ?
2) Donner une deuxième application (ψ, V ) de sorte que la réunion de
ces deux nappes recouvre complètement S 2 .
3) Est-il possible de couvrir la sphère unité à l’aide d’une seule nappe ?

Exercice 31. Démontrer qu’une quadrique de R3 , c’est-à-dire le lieu d’an-


nulation d’un polynôme de degré deux en trois variables réelles, est conjuguée
par une isométrie de R3 à l’une des formes indiquées dans la section 2.1.2.

Exercice 32 (Conoïde de Plücker).


1) Pour quelles valeurs de (x, y) l’équation

z(x2 + y 2 ) = xy

définit-elle une surface régulière ?


2) Dessiner cette surface. Montrer que c’est une surface réglée.

Exercice 33. Soit 0 < r < R. On considère le tore T de révolution donné


par la paramétrisation

ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ ((r cos u + R) cos v, (r cos u + R) sin v, r sin u) ∈ R3 .

On considère la courbe gauche tracée sur T ,

γ : t ∈ R 7→ ϕ(at, bt) ∈ T .

1) Montrer que Γ = γ(R) est fermée ssi b/a ou a/b est rationnel.
2) Montrer que Γ est dense dans T ssi b/a est irrationnel.
96 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Espaces tangents
Exercice 34 (Parapluie de Whitney). On considère la surface paramétrée
par
ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ (uv, v, u2 ) ∈ R3 .

1) Montrer que la demi-droite (x = y = 0, z > 0) est une ligne de points


doubles et que l’origine est un point singulier.
2) Montrer que pour v 6= 0, le vecteur

N (u, v) = (−2u/v, 2u2 /v, 1)

est normal à la surface et n’admet pas de limite quand (u, v) tend vers (0, 0).

Exercice 35. On considère une fonction lisse f : R → R et la surface


régulière
S := {(x, y, z) ∈ R∗ × R2 / z = xf (y/x)}.
Montrer que tous les plans tangents à S contiennent l’origine (0, 0, 0).

Exercice 36. Soit S1 et S2 deux surfaces régulières de R3 qui s’intersectent


en un point p. On suppose que les plans tangents Tp S1 et Tp S2 sont distincts.
Montrer qu’au voisinage de p, l’intersection S1 ∩ S2 est une courbe dont la
tangente en p est l’intersection Tp S1 ∩ Tp S2 des deux plans tangents.

Exercice 37. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Montrer que si toutes les
droites normales à S sont concourantes, alors S est une portion de sphère.

Exercice 38. Soit S ⊂ R3 une surface régulière et F : R3 → R une fonction


lisse définie dans R3 . Montrer que la différentielle de la restriction f de F à
S est la restriction de DF à l’espace tangent à S. Autrement dit, ∀p ∈ S,

Dfp = D(F|S )p = (DFp )|Tp (S) .

Première forme fondamentale, orientabilité


Exercice 39. Expliciter les coefficients de la première forme fondamentale
du cylindre C, de la caténoïde C et de l’hélicoïde H définis par les paramé-
trisations suivantes :

C = {(R cos θ, R sin θ, s) ∈ R3 / (θ, s) ∈ R2 };

C := {(Ch u cos v, Ch u sin v, u) ∈ R3 / (u, v) ∈ R2 };


H := {(u cos v, u sin v, v) ∈ R3 / (u, v) ∈ R2 }.
2.8. EXERCICES 97

Exercice 40. Soit N : S → S 2 l’application de Gauss d’une surface régulière


S ⊂ R3 . Décrire l’image N (S) dans les cas suivants :
1) S = {(x, y, z) ∈ R3 / (x/a)2 + y 2 + z 2 = 1}, a > 0 ;
2) S = {(x, y, z) ∈ R3 / z = 0} ;
3) S = {(x, y, z) ∈ R3 / z = x2 + y 2 } ;
4) S = {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 − z 2 = 1} ;
5) S = {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 = (Ch z)2 }.

Exercice 41. Soit S une surface de révolution obtenue en faisant tourner


une courbe C autour de l’axe (Oz). On peut la paramétrer par
(s, θ) 7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s)).
On suppose que C est paramétrée par la longueur d’arc.
1) Montrer que les coefficients de la première forme fondamentale sont
E = 1, F = 0, G = G(s).
RL
2) Montrer que l’aire de S est Aire(S) = 2π 0 |f (s)|ds, où L désigne la
longueur de C. En déduire que l’aire de la sphère unité S 2 est Aire(S 2 ) = 4π
et retrouver l’aire du tore de révolution.

Exercice 42 (Surfaces tubulaires). Soit α : I → R3 la paramétrisation par


longueur d’arc d’une courbe gauche dont la courbure ne s’annule nulle part.
Soit (T, N, B) le repère de Frenet et
ϕ : (s, θ) ∈ I × R 7→ α(s) + ε[cos θN (s) + sin θB(s)]
où ε > 0 est une constante positive.
1) Montrer que le vecteur normal à la surface tubulaire est
N (s, θ) = −[cos θN (s) + sin θB(s)]
et en déduire que la surface tubulaire Sε = ϕ((0, `(Γ)) × (0, 2π)) est régulière
si ε > 0 est assez petit.
2) Calculer l’aire de la surface Sε .

Exercice 43. Soit S1 , S2 ⊂ R3 deux surfaces régulières et f : S1 → S2 une


application surjective différentiable qui est un difféomorphisme local en tout
point.
Montrer que S2 est orientable si S1 l’est. En déduire que l’orientabilité
est préservée par les difféomorphismes.

Exercice 44.
1) Montrer que le ruban de Möbius n’est pas une surface orientable.
2) Montrer que si une surface S a un ouvert difféomorphe au ruban de
Möbius, alors S n’est pas orientable.
98 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Deuxième forme fondamentale


Exercice 45. Soit N : S → S 2 l’application de Gauss d’une surface régulière
S ⊂ R3 . Soit α : I → S une courbe paramétrée régulière qui ne contient aucun
point planaire, ni aucun point parabolique. Montrer que

N ◦ α : I → S2

définit une courbe régulière de la sphère unité S 2 .

Exercice 46. Soit S ⊂ R3 une surface paramétrée.


1) Montrer que si l’opérateur Fp est nul pour tout p dans S, alors S est
incluse dans un plan.
2) Montrer que si S ⊂ R3 est une sphère alors Fp est une homothétie
dont on calculera le rapport. Que pensez-vous de la réciproque ?

Exercice 47. Soit t ∈ I 7→ γ(t) ∈ R3 une courbe Γ paramétrée. On considère


le cône C de sommet O ∈ / P s’appuyant sur Γ. En choisissant O comme
origine dans R3 , on peut paramétrer C par

(s, t) ∈ R × I 7→ ϕ(s, t) = sγ(t) ∈ R3 .

Montrer que le vecteur normal est indépendant de s. Quelle est la courbure


de Gauss en un point ϕ(s, t) du cône, avec s 6= 0 ?

Exercice 48. Soit S = {(x, y, z) ∈ R3 , z = h(x, y)} le graphe d’une fonction


lisse. Montrer que la courbure de Gauss est donnée par la formule

hxx hyy − h2xy


K= .
[1 + h2x + h2y ]2

Exercice 49. Soit S ⊂ R3 une surface régulière et p ∈ S avec K(p) 6= 0.


En utilisant le fait que la courbure de Gauss est le jacobien de l’application
de Gauss, montrer que
A0
K(p) = lim
A→0 A

où A est l’aire d’une région B ⊂ S contenant p, et A0 est l’aire de l’image


de A par l’application de Gauss (avec des restrictions naturelles sur la façon
de prendre la limite).
2.8. EXERCICES 99

Exercice 50. Soit a, b, c > 0. On considère l’ellipsoïde

x2 y 2 z 2
 
E = (x, y, z) ∈ R3 | 2 + 2 + 2 = 1 .
a b c

1) Pour p ∈ E, on note d la distance de 0 au plan tangent Tp (E). Montrer


que la courbure de Gauss de E au point p est donnée par

d4
K(p) = .
a2 b2 c2

2) Montrer que l’ellipsoïde et la sphère unité sont difféomorphes mais pas


isométriques si (a, b, c) 6= (1, 1, 1).

Exercice 51. Montrer qu’un tore de révolution n’a aucun ombilic (points en
lesquels les courbures principales coïncident).

Exercice 52. Soit ϕ : U ⊂ R2 → R3 une nappe régulière dont tous les points
sont des ombilics.
1) Montrer qu’il existe k ∈ R et v ∈ R3 tels que N = −kϕ + v.
2) Montrer que ϕ(U ) est un (morceau de) plan si k = 0, et que c’est une
(partie d’une) sphère centrée en v/k si k 6= 0.

Exercice 53.
1) Calculer la courbure de la surface de révolution S paramétrée par

ϕ : (t, θ) ∈ R∗+ × R 7→ (t sin θ, t cos θ, log t) ∈ R3 .

2) On considère l’hélicoïde H paramétré par

ψ : (t, θ) ∈ R2 7→ (t cos θ, t sin θ, θ) ∈ R3 .

Montrer que sa courbure est la même que celle de S.


3) Montrer que S et H ne sont pas localement isométriques.

Exercice 54. Soit a > 0. Montrer que la caténoïde

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aCh s cos t, aCh s sin t, as) ∈ R3

est une surface minimale.


100 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3

Exercice 55. Soit a > 0. Montrer que l’hélicoïde

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aSh s cos t, aSh s sin t, at) ∈ R3

est une surface minimale.

Exercice 56. On souhaite montrer que la surface d’Enneper

u3 v3
 
2 2
ϕ : (u, v) ∈ R 7→ u − + uv , v − + vu , u − v ∈ R3
2 2 2
3 3

est une surface minimale.


1) Calculer les coefficients de la première forme fondamentale.
2) Calculer les coefficients de la seconde forme fondamentale et les cour-
bures principales pour conclure.

Distance intrinsèque et géodésiques


Exercice 57. Soit N le vecteur normal à une surface régulière S ⊂ R3 . Soit
γ : I → S une courbe tracée sur S à vitesse constante. Montrer que γ est
une géodésique si et seulement si det(N, γ 0 , γ 00 ) ≡ 0.

Exercice 58. Soit γ : t ∈ [0, 1] 7→ (t2 , 0, 0) ∈ R3 une courbe tracée sur la


surface plane S = {(x, y, z) | z = 0}. Est-ce une géodésique ?

Exercice 59. Calculer les géodésiques de la sphère unité.

Exercice 60. On note ||p − q|| la distance euclidienne dans R3 . Montrer que
la distance intrinsèque de la sphère unité de R3 est donnée par

||p − q||
dS 2 (p, q) = 2 arcsin = arccoshp, qi,
2
où hp, qi désigne le produit scalaire euclidien.

Exercice 61. Soit f : (S 2 , dS 2 ) → (S 2 , dS 2 ) une isométrie de la sphère


unité munie de sa distance intrinsèque. Montrer que f est la restriction d’une
isométrie euclidienne de R3 .
2.8. EXERCICES 101

Exercice 62.
1) Calculer les géodésiques d’un cylindre droit.
2) Vérifier que deux points d’une génératrice sont joints par une hélice
et que celle-ci est une géodésique qui ne minimise pas la distance.

Exercice 63. Soit S une surface de révolution,

ϕ : (s, θ) 7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s))

avec (f 0 )2 + (h0 )2 6= 0 et f > 0, de sorte que S est régulière. Soit γ : t 7→


ϕ(s(t), θ(t)) une géodésique de S. Montrer la relation de Clairaut :

f 2 (s(t))θ0 (t) ≡ constante.

Exercice 64. Soit S ⊂ R3 une surface régulière définie localement par une
paramétrisation ϕ : U → R3 . On note n son vecteur normal unitaire.
Soit γ : I → S une courbe paramétrée à vitesse unité, tracée sur S. Le
vecteur t = γ 0 est donc un vecteur unitaire tangent à γ et à S. On note
g = n ∧ t : c’est un vecteur tangent à S qui constitue avec t une base de
l’espace tangent à S en p = γ(s).
Les vecteurs (t, g, n) constituent une base directe de R3 , le repère corres-
pondant (avec origine le point p = γ(s)) s’appelle le repère de Darboux.
1) Montrer qu’il existe des coefficients γn (courbure normale), γg (cour-
bure géodésique) et τg (torsion géodésique) tels que
 0    
t 0 γg γn t
 g 0  =  −γg 0 −τg   g  .
n0 −γn τg 0 n

2) Montrer que γ est une géodésique de S si et seulement si sa torsion


(en tant que courbe gauche) est égale à sa torsion géodésique.
102 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3
Chapitre 3

Variétés

Ce dernier chapitre est consacré à la généralisation des courbes et des


surfaces en dimension supérieure : les variétés.
Nous commençons par quelques rappels et compléments de calcul diffé-
rentiel, en décrivant notamment l’allure locale des immersions, des submer-
sions, et des hypersurfaces près d’une singularité non dégénérée.
Nous étudions ensuite les sous-variétés de Rn , leurs espaces tangents,
et introduisons quelques propriétés fondamentales des applications différen-
tielles entre sous-variétés (plongements, difféomorphismes).
Après quelques rappels d’algèbre multilinéaire, nous définissons les formes
différentielles et construisons la différentielle extérieure. Nous définissons l’in-
tégrale d’une forme volume sur une variété orientée, abordons la notion de
changement de variables et établissons la formule de Stokes.
Nous introduisons ensuite la notion de variété abstraite et de structure
différentiable. Une variété abstraite est, à une sous-variété de Rn , ce qu’un
espace vectoriel abstrait est à un sous-espace vectoriel de Rn : ce sont les
mêmes objets via un théorème de plongement de Whitney, mais avec un
point de vue plus intrinsèque qui s’avère très utile.
Nous passons en revue de nombreux exemples de variétés, orientables
ou non (sphères, tores, espaces projectifs, bouteille de Klein), ainsi que les
premiers exemples de variétés complexes (surfaces de Riemann).
Les groupes de Lie sont une source d’exemples particulièrement intéres-
sants pour la géométrie différentielle. Nous donnons des informations parcel-
laires sur les groupes les plus classiques (groupes linéaire et orthogonal).
Afin de vous inciter à compléter vos lectures en lien avec la recherche
récente, nous indiquons (sans démonstration) quelques éléments de la clas-
sification des variétés de basse dimension, à difféomorphisme près.
Ce chapitre est plus difficile que les précédents. Il s’agit d’un premier
contact avec des notions fondamentales que vous aborderez plus en pro-
fondeur dans un deuxième temps. Les exercices doivent vous aider à vous
familiariser avec ce formalisme qui va s’avérer extrêmement puissant.

103
104 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.1 Plongements
3.1.1 Rappels de calcul différentiel
On ne peut pas faire de géométrie différentielle sans une maîtrise mini-
male du calcul différentiel. Nous avons déjà fait appel dans les deux premiers
chapitres au théorème d’inversion locale et au théorème des fonctions impli-
cites, deux outils fondamentaux dont nous allons rappeler les énoncés précis.

Applications différentiables
Soit U ⊂ Rn un ouvert. Voici quelques propriétés de base que nous uti-
lisons dans ce texte :
• une fonction f : U → R est différentiable en a ∈ U s’il existe une
forme linéaire ` : Rn → R telle que f (a + h) = f (a) + `(h) + o(h);
∂f
• on note Da f := ` la différentielle de f au point a et ∂x i
: U → R les
Pn ∂f
dérivées partielles de f définies par Da f (h) = i=1 hi ∂xi (a) ;
• une fonction f : U → R est différentiable (dans U ) si elle est différen-
tiable en tout point a ∈ U ; elle est de classe C 1 si toutes ses dérivées
partielles sont continues ;
• par récurrence : une fonction f : U → R est de classe C k si elle est
différentiable, et si toutes ses dérivées partielles sont de classe C k−1 ;
• f : U → R est lisse (ou C ∞ ) si elle est de classe C k pour tout k ∈ N ;
• une application F : x ∈ U → (f1 (x), . . . , fp (x)) ∈ Rp est différen-
tiable (resp. C k , ou lisse) si et seulement si chacune de ses fonctions
coordonnées f1 , . . . , fp est différentiable (resp. C k , ou lisse).
Toutes les applications f que nous considérons dans ce texte sont lisses.

Difféomorphismes
Définition 3.1.1. Soit U ⊂ Rn et V ⊂ Rp des ouverts. Une application f :
U → V lisse est un difféomorphisme si elle est bijective, et si son application
inverse f −1 : V → U est également lisse.
On dit dans ce cas que les ouverts U et V sont difféomorphes. La défini-
tion nécessite que les différentielles Da f soient des isomorphismes.
Exemples 3.1.2.
1) Tout intervalle ouvert est difféomorphe à R : les intervalle bornés ]a, b[
sont difféomorphes entre eux via un difféomorphisme affine ; la fonction tan
réalise un difféomorphisme de ] − π2 , + π2 [ sur R.
2) L’application x ∈ R 7→ f (x) = x3 ∈ R est lisse et bijective, mais ce
n’est pas un difféomorphisme : sa différentielle en 0 est nulle (non inversible),
1
et son application inverse f −1 (x) = x 3 n’est pas différentiable en zéro.
x
3) L’application x ∈ B n 7→ 1−||x|| 2 ∈ R
n réalise un difféomorphisme de
n n
la boule unité B de R sur R . n
3.1. PLONGEMENTS 105

Théorème d’inversion locale


Théorème 3.1.3. Soit U ⊂ Rn un ouvert et f : U → Rp une application
lisse. On suppose que Da f est inversible en un point a ∈ U . Alors il existe
V ⊂ U un petit voisinage de a dans U tel que la restriction de f à V réalise
un difféomorphisme de V sur f (V ).
La preuve repose sur le théorème du point fixe, nous renvoyons le lecteur
à [Rouvière]. Attention, l’énoncé ne permet pas de conclure que f réalise
un difféomorphisme global de U sur f (U ), c’est d’ailleurs faux en général :
l’exponentielle complexe exp : z ∈ C ∼ R2 7→ ez ∈ C ∼ R2 est un difféo-
morphisme local en tout point z ∈ C, mais elle n’est pas injective et ne peut
donc pas être globalement inversible sur C.
Voici un critère simple qui permet de montrer que certaines applications
sont en fait des difféomorphismes globaux :
Proposition 3.1.4. Soit U ⊂ Rn un ouvert et f : U → Rn une application
lisse. Si f est injective et si Da f est inversible en tout point a ∈ U , alors
f (U ) est ouvert et f : U → f (U ) est un difféomorphisme.
Démonstration. Il résulte du théorème d’inversion locale que l’application f
réalise un difféomorphisme au voisinage de chaque point a ∈ U , on en déduit
que f (Ω) est ouvert.
Comme f : Ω → f (Ω) est bijective, l’application réciproque f −1 : f (Ω) →
Ω est globalement bien définie et coïncide avec les inverses locaux de f . On
en déduit que f −1 est lisse.

Théorème des fonctions implicites


Théorème 3.1.5. Soit U ⊂ Rn et V ⊂ Rp des ouverts, et f = (g, h) :
U × V → Rp une application lisse. Soit a = (b, c) ∈ U × V tel que f (a) = 0.
On suppose que Da h : Rp → Rp est inversible au point a ∈ U . Alors il
existe des ouverts U 0 ⊂ U, V 0 ⊂ V contenant b, c et une application lisse
τ : U 0 → Rn tels que
f (x, y) = 0 ⇐⇒ y = τ (x)
pour tout (x, y) ∈ U 0 × V 0 .
Démonstration. La preuve résulte assez simplement du théorème d’inversion
locale. Par hypothèse, l’application lisse φ(x, y) = (x, f (x, y)) a une diffé-
rentielle inversible au point a, elle induit donc un difféomorphisme local au
voisinage de a. On note φ−1 (x, y) = (x, α(x, y)) l’inverse local. On observe
alors que

f (x, y) = 0 ⇔ φ(x, y) = (x, 0) ⇔ (x, y) = φ−1 (x, 0) ⇔ y = τ (x)

avec τ (x) = α(x, 0). Nous renvoyons le lecteur à [Rouvière] pour plus de
détails.
106 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.1.2 Immersions et submersions


Immersions
Définition 3.1.6. Soit U ⊂ Rn un ouvert. Une application lisse f : U → Rp
est une immersion si sa différentielle est injective en tout point.
Notez que cela nécessite n ≤ p.
Théorème 3.1.7 (Allure locale d’une immersion). Soit U ⊂ Rn un ouvert
tel que 0 ∈ U et f : U → Rp une immersion. Alors il existe U 0 ⊂ U un
voisinage de 0 ∈ Rn , V un voisinage ouvert de f (0), W ⊂ Rp un voisinage
ouvert de 0 ∈ Rp et φ : W → V un difféomorphisme tel que, pour tout
x ∈ U 0,
f (x1 , . . . , xn ) = φ(x1 , . . . , xn , 0, . . . , 0).
Autrement dit, le modèle local d’une immersion est l’application d’inclu-
sion π : x ∈ Rn 7→ (x, 0, . . . , 0) ∈ Rp où n ≤ p.

Démonstration. On note f = (f1 , . . . , fp ) les coordonnées de f . Quitte à


permuter celles-ci, on peut supposer que la matrice
 
∂fi
A= (0)
∂xj 1≤i,j≤n

est inversible. On note (x1 , . . . , xn , yn+1 , . . . , yp ) des coordonnées dans Rp et


on considère

φ(x, y) = (f1 (x), . . . , fn (x), yn+1 + fn+1 (x), . . . , yp + fp (x)).

La différentielle de φ à l’origine est une matrice blocs du type


 
A 0
D(0,0) φ = ,
B Id
elle est donc inversible. Il résulte du théorème d’inversion locale que φ est un
difféomorphisme local au voisinage de l’origine tel que φ(x, 0) = f (x).

Submersions
Définition 3.1.8. Soit U ⊂ Rn un ouvert. Une application lisse f : U → Rp
est une submersion si sa différentielle est surjective en tout point.
Notez que cela nécessite n ≥ p.
Théorème 3.1.9 (Allure locale d’une submersion). Soit U ⊂ Rn un ouvert
tel que 0 ∈ U et f : U → Rp une submersion. Alors il existe U 0 ⊂ U un
voisinage de 0 ∈ Rn , W ⊂ Rn un voisinage ouvert de 0 et φ : W → U 0 un
difféomorphisme tel que φ(0) = 0 et pour tout x ∈ W

f ◦ φ(x1 , . . . , xn ) = (x1 , . . . , xp ).
3.1. PLONGEMENTS 107

Autrement dit, le modèle local d’une submersion est l’application de pro-


jection π : (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn 7→ (x1 , . . . , xp ) ∈ Rp où n ≥ p.
Démonstration. Par hypothèse, D0 f est surjective donc n ≥ p. On note
f = (f1 , . . . , fp ) les coordonnées de f . Quitte à permuter les coordonnées
x = (x1 , . . . , xn ), on peut supposer que la matrice
 
∂fi
A= (0)
∂xj 1≤i,j≤p

est inversible. On considère


ψ(x, y) = (f1 (x), . . . , fp (x), xp+1 , . . . , xn ).
La différentielle de ψ à l’origine est une matrice blocs du type
 
A B
D0 ψ = ,
0 Id
elle est donc inversible. Il résulte du théorème d’inversion locale que ψ est un
difféomorphisme local au voisinage de l’origine. On note φ = ψ −1 son inverse
et on observe que f ◦ φ(x) = (x1 , . . . , xp ).
Une application qui est à la fois une immersion et une submersion est un
difféomorphisme local. Nous avons indiqué plus haut un critère qui permet
de vérifier si l’application est un difféomorphisme global. Le même type de
préoccupation conduit à la notion importante de plongement.

Plongement
Définition 3.1.10. Soit U ⊂ Rn un ouvert. Une application lisse f : U →
Rp est un plongement si
• f est une immersion ;
• f induit un homéomorphisme de U sur f (U ).
Attention, il ne suffit pas que f soit injective pour que f induise un
homéomorphisme de U sur f (U ) : il faut également s’assurer que f −1 :
f (U ) → U est continue, ce qui n’est pas automatique. Vous vérifierez par
exemple que
f : t ∈] − 1, +∞[7→ (t2 − 1, t(t2 − 1)) ∈ R2
est une immersion injective qui n’est pas un plongement.
Un critère simple pour assurer la continuité de f −1 est de demander que
f : U → Rp soit propre (l’image réciproque d’un compact est un compact).
Attention, l’application
g : t ∈ R 7→ (t2 , t3 ) ∈ R2
est injective et propre, mais n’est pas un plongement car D0 g s’annule (vous
reconnaissez la cubique cuspidale rencontrée au chapitre 1).
108 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.1.3 Lemme de Morse


Soit F : Rn → R une application lisse. L’ensemble

HF = {x ∈ Rn , F (x) = 0}

est une hypersurface, i.e. un objet de dimension n − 1 ou de codimension


1, comme les hyperplans sont des sous-espaces vectoriels de codimension 1.
La terminologie généralise également le cas n = 3 qui correspond au cas des
surfaces plongées dans R3 , étudiées au chapitre 2.
On suppose que F (0) = 0 et on souhaite étudier le comportement de
l’hypersurface HF au voisinage de l’origine. Si D0 F est surjective, alors F
est une submersion au voisinage de l’origine, et HF est une hypersurface
régulière que nous allons étudier dans la suite de ce chapitre (on parlera de
sous-variété).
Si D0 F n’est pas surjective, c’est qu’elle est nulle : l’origine est alors un
point critique et
 il 2faut pousser
 le développement de Taylor un cran plus loin.
∂ F
La Hessienne ∂xi ∂xj (0) contient l’information à l’ordre 2, on la suppose
non dégénérée (i.e. de rang n) :

 2Soit (p,
Lemme 3.1.11.  q) la signature de la forme quadratique définie par
∂ F
la Hessienne ∂xi ∂xj (0) . Si p + q = n, alors il existe un difféomorphisme
φ : U → V entre deux voisinages de l’origine tel que φ(0) = 0 et
p
X n
X
F ◦ φ(y) = yi2 − yi2
i=1 i=p+1

pour tout y ∈ U .

Autrement dit, quitte à composer par un difféomorphisme local, l’hyper-


surface HF se comporte au voisinage de 0 comme
 
 Xp Xn 
y ∈ Rn , yi2 − yi2 = 0 ,
 
i=1 i=p+1

qui est une hyperquadrique.


Une fonction dont tous les points critiques sont non dégénérés est appelée
fonction de Morse 1 . La théorie de Morse relie l’étude de la topologie d’une
variété à celle des points critiques de ses fonctions de Morse. Nous renvoyons
le lecteur curieux au très beau livre de John Milnor [Milnor] sur ce sujet.

1. Harold Calvin Marston Morse, mathématicien américain (1892-1977), spécialiste de


calcul des variations et de topologie différentielle.
3.1. PLONGEMENTS 109

Démonstration. Comme F s’annule en 0, on obtient


Z 1 Z n
1X n
d ∂F X
F (x1 , . . . , xn ) = F (tx)dt = xi (tx)dt = xi fi (x)
0 dt 0 ∂xi
i=1 i=1
R1 ∂F
avec fi (x) = 0 ∂xi (tx)dt. Comme fi (0) = 0, on peut à nouveau décomposer
Z 1 Z n
1X n
d ∂fi X
fi (x) = fi (sx)ds = xj (sx)ds = xj hij (x)
0 ds 0 j=1 ∂xj
j=1

avec
1 1Z 1
∂2F
Z Z
∂fi
hij (x) = (sx)ds = (stx)tdsdt = hji (x).
0 ∂xj 0 0 ∂xj ∂xj
Pn 2
Ainsi, F (x) = i,j=1 xi xj hij (x) avec hij (0) = ∂x∂i ∂x
F
j
(0).
On peut effectuer un changement de base orthonormée pour se ramener
2F
à une matrice Hessienne ∂x∂i ∂x j
(0) diagonalisée, puis composer par des dila-
tations sur chaque coordonnée pour se ramener à des sommes et différences
de carrés. Dans la suite, on peut donc supposer que hij (0) = ±1.
Pour obtenir la forme annoncée dans tout un voisinage de l’origine, on
peut établir un théorème de réduction des formes quadratiques "en famille".
Nous allons procéder de façon directe en utilisant des factorisations succes-
sives. On commence par mettre sous forme canonique la partie quadratique
de F en x1 . Il vient
n
X X
F (x) = x21 h11 (x) + x1 xj h1j (x) + xi xj hij (x)
j=2 i,j≥2
 2
n n
X h1j (x) X
xi xj h˜ij (x)
p
= ± x1 |h11 (x)| + xj p  +
j=2
2 |h 11 (x)| i,j=2

où le signe est celui de h11 (0) si x reste proche de l’origine. L’application


 
n
p X h1j (x)
x 7→ φ1 (x) = x1 |h11 (x)| + xj p , x2 , . . . , xn 
j=2
2 |h11 (x)|

a une différentielle inversible en x = 0. Il résulte donc du théorème d’inversion


locale qu’elle réalise un difféomorphisme au voisinage de l’origine tel que
n
X
F◦ φ−1
1 (x) = ±x21 + xi xj ĥij (x).
i,j=2

On poursuit et conclut la preuve par récurrence.


110 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.1.4 Partitions de l’unité


Fonctions plateau
Nous laissons le lecteur vérifier que la fonction
(  
exp − t21−1 si |t| < 1
f : t ∈ R 7→
0 si |t| ≥ 1

est lisse sur R, identiquement nulle Rhors de l’intervalle [−1, 1]. On en déduit
t
f (s)ds
que la fonction lisse g : t ∈ R 7→ R −∞
+∞ ∈ [0, 1] est nulle pour t ≤ −1
−∞ f (s)ds
et identique à 1 pour t ≥ 1. La fonction lisse h : t ∈ R+ 7→ g(2 − t) ∈ [0, 1]
vérifie enfin h ≡ 1 sur [0, 1] et h ≡ 0 hors de [0, 3].
On peut à présent considérer des compositions h◦||x−a||2 pour construire
des fonctions lisses dans Rn à valeurs dans [0, 1], égales à 1 sur une boule de
rayon 1 autour du point a ∈ Rn et identique à zéro hors d’une autre boule
concentrique. En dilatant, en additionnant, et en renormalisant, on obtient
le résultat suivant :
Lemme 3.1.12. Étant donnés deux ouverts V ⊂ U ⊂ Rn avec V ⊂ U , on
peut construire une fonction lisse χ ∈ [0, 1] telle que
• χ ≡ 1 au voisinage de V ;
• χ ≡ 0 hors d’un compact de U .
Démonstration. On recouvre V par un nombre fini de petites boules ouvertes
Bi . Pour chaque Bi on considère une boule concentrique Bi0 telle que Bi ⊂ Bi0
et Bi0 ⊂ U , et une fonction χi lisse à support dans Bi0 telle que χi ≡ 1 sur Bi .
On observe alors que χ := 1−Πi (1−χi ) remplit les conditions souhaitées.

Doubles recouvrements
Soit {Ui } un recouvrement ouvert localement fini de Rn .
Définition 3.1.13. On appelle partition de l’unité subordonnée au recouvre-
ment {Ui } une collection de fonctions lisses χi ∈ C ∞ (M, R) telles que
• χi ≡ 0 hors d’un
P compact Ui ;
• 0 ≤ χi ≤ 1 et i χi ≡ 1.
Il existe de nombreuses partitions de l’unité. On peut trouver en effet un
second recouvrement ouvert localement fini {Vi } tel que Vi est relativement
compact dans Ui , i.e. Vi ⊂ Ui . Il résulte alors du Lemme 3.1.12 que l’on peut
trouver des fonctions lisses θi à valeurs dans [0, 1] telles que
• θi ≡ 1 au voisinage de Vi ;
• θi ≡ 0 horsPd’un compact de Ui .
La fonction θ = i θi est une fonction lisse bien définie, puisque la somme
est localement finie. Il s’ensuit que χi = θθi définit une partition de l’unité.
3.2. SOUS-VARIÉTÉS DE RN 111

3.2 Sous-variétés de Rn
Dans la suite, Vp (resp. Wp ) désigne un voisinage ouvert d’un point p
dans Rn et on note B n la boule unité de Rn .

3.2.1 Définition
Définition 3.2.1. Soit M un sous-ensemble de Rn . Une paramétrisation
régulière f : B d → M ⊂ Rn d’une partie de M est un plongement, i.e. une
immersion de la boule unité B d dans Rn qui induit un homéomorphisme sur
son image f (B d ) ⊂ M .
On dit que M est une sous-variété de Rn dimension d si, pour tout p ∈ M ,
il existe une paramétrisation régulière f : B d → M telle que p ∈ f (B d ).

Comme nous l’avons déjà réalisé dans le cas des courbes et des surfaces,
il y a plusieurs façons équivalentes de définir les sous-variétés de Rn .

Proposition 3.2.2. Soit M un sous-ensemble (non vide) de Rn et 1 ≤ d ≤


n. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. Pour tout p ∈ M , il existe une paramétrisation régulière f : B d →
Vp ∩ M de la boule unité de Rd sur un voisinage Vp ∩ M de p dans
M.
2. Pour tout p ∈ M , il existe une application h : B d → Rn−d différen-
tiable et un voisinage ouvert Vp ∩ M de p tels que

Vp ∩ M = {(x, y) ∈ B d × Rn−d | y = h(x)} ∩ Vp .

3. Pour tout p ∈ M , il existe une submersion g : Vp → Rn−d définie


dans un voisinage Vp ⊂ Rn de p, telle que

Vp ∩ M = g −1 (g{p}).

4. Pour tout p ∈ M , il existe un difféomorphisme f d’un ouvert V ⊂ Rn


à valeurs dans un voisinage Wp ⊂ Rn de p, tel que

f (V ∩ Rd × {0}) = Wp ∩ M.

Démonstration. La démonstration est une conséquence du théorème d’inver-


sion locale et du théorème des fonctions implicites, de même que dans le cas
des courbes et des surfaces.
Si M admet une paramétrisation régulière f : B d → M avec f (0) = p,
alors D0 f est de rang d. Quitte à changer l’ordre des fj , on peut supposer que
la matrice [∂fi /∂xj (0)]1≤i,j≤d est inversible. Le théorème d’inversion locale
assure que
φ : x ∈ B d 7→ (f1 (x), . . . , fd (x)) ∈ Rd
112 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

est inversible au voisinage de 0. On peut alors, au voisinage de p, exprimer


M comme le graphe de
h : x ∈ B d (ε) 7→ (fd+1 ◦ φ−1 (x), . . . , fn ◦ φ−1 (x)) ∈ Rn−d .
Cela montre que (1) ⇒ (2). Réciproquement, si M est le graphe d’une
telle application h, alors
f : x ∈ B d 7→ (x1 , . . . xd , h(x)) ∈ Rn
est une paramétrisation régulière de M , donc (2) ⇒ (1).
Supposons à nouveau que M admet une paramétrisation régulière f :
B d → M avec f (0) = p et que la matrice [∂fi /∂xj (0)]1≤i,j≤d est inversible.
Le théorème d’inversion locale assure que
φ : (x, y) ∈ Rd × Rn−d 7→ f (x) + (0, y) ∈ Rn
est un difféomorphisme local puisque la différentielle à l’origine
" #
∂fi ∂fi
D0 φ = ∂xj ∂xj
0 In−d
est inversible. Comme φ(y = 0) = M , on en déduit (1) ⇒ (4).
Réciproquement, si M = φ(y = 0) est localement l’image du sous-espace
(y1 = . . . = yn−d = 0) par un difféomorphisme φ, alors
f : x ∈ B d 7→ φ(x, 0) ∈ M ⊂ Rn
est une paramétrisation régulière de M , donc (4) ⇒ (1).
Soit g : x ∈ V ⊂ Rn 7→ (gd+1 (x), . . . , gn (x)) ∈ Rn−d une submersion telle
que p ∈ M = g −1 (0). Puisque Dp g est surjective, on peut supposer (quitte à
changer l’ordre des xj ) que la matrice [∂gi /∂xj (0)]d+1≤i,j≤n est inversible. Il
résulte du théorème des fonctions implicites qu’il existe une application lisse
h : B d → Rn−d telle que g −1 (0) = {(x, y) ∈ Rn ; y = h(x)}, donc (3) ⇒ (2).
Réciproquement, si M est le graphe de h : B d → Rn−d alors M = g −1 (0)

g : (x, y) ∈ Rn 7→ (y1 − h1 (x), . . . , yn−d − hn−d (x)) ∈ Rn−d
est une submersion. Il s’ensuit que (2) ⇒ (3).
Exemple 3.2.3. Soit n ∈ N∗ . La sphère unité
n+1
( )
X
S n = x ∈ Rn+1 | x2i = 1
i=1

est une sous-variété de Rn+1 de dimension n. Vous pouvez le justifier en


vérifiant par exemple que 1 est une valeur régulière de la fonction
f : x ∈ Rn+1 7→ ||x||2 ∈ R.
Donc S n = f −1 (1) vérifie le troisième item de la Proposition 3.2.2.
3.2. SOUS-VARIÉTÉS DE RN 113

Exemple 3.2.4. L’ensemble des matrices symétriques réelles

Sym(n, R) := {A ∈ M(n, R) | t A = A}
2
est une sous-variété de dimension n(n+1)/2 de Rn ' M(n, R). Cela résulte
aisément du premier item de la Proposition 3.2.2 puisque Sym(n, R) admet
la paramétrisation linéaire qui associe aux n(n + 1)/2 coefficients

aij , 1 ≤ i ≤ n, i ≤ j ≤ n

la matrice (aij ), dont les coefficients pour j < i sont définis par aij = aji .
Plus généralement, tout sous-espace vectoriel de dimension d de Rn est
une sous-variété de dimension d.

Remarque 3.2.5. La cubique cuspidale C = {(x, y) ∈ R2 , y 2 = x3 } rencon-


trée au chapitre 1 n’est pas une sous-variété de R2 de dimension 1. L’origine
est un point singulier qui pose problème, on peut observer par exemple que le
seul vecteur tangent à C à l’origine est le vecteur nul.

3.2.2 Espaces tangents


L’espace tangent à une sous-variété de Rn en un point p est défini comme
pour le cas des courbes et des surfaces par :

Définition 3.2.6. Soit M ⊂ Rn une sous-variété et p ∈ M . On note Tp M


l’espace tangent à M en p, constitué des vecteurs p + v ∈ Rn tels qu’il existe
une courbe γ :] − ε, +ε[→ M tracée sur M avec

γ(0) = p et γ 0 (0) = v.

L’espace tangent Tp M est un sous-espace affine de Rn de dimension égale


à celle de M . Nous laissons le lecteur vérifier ce fait dans l’Exercice 69, en
établissant qu’il peut également être défini ainsi :

Proposition 3.2.7. Soit M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d et g :


Vp → Rn−d une submersion définie dans un voisinage Vp de p ∈ M , telle que
Vp ∩ M = g −1 (g{p}). Alors

Tp M = p + ker Dp g.

Étant donnée M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d, on note

T M = ∪p∈M Tpvect M = {(p, v) ∈ M × Rn | v ∈ Tpvect M }

où Tpvect M désigne la partie vectorielle de Tp M .

Lemme 3.2.8. L’ensemble T M est une sous-variété de Rn × Rn de dimen-


sion 2d. On l’appelle le fibré tangent.
114 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Démonstration. Le fibré tangent est le sous-ensemble de Rn × Rn défini par

T M = {(p, v) ∈ Rn × Rn | p ∈ M et v ∈ Tpvect M }.

Écrivons localement M sous-forme d’un graphe,

M ∩ Vp = {(x, y) ∈ B d × Rn−d | y = h(x)}

où h = (h1 , . . . , hn−d ) est une application lisse des d variables x = (x1 , . . . , xd ).


L’espace tangent Tpvect M au point p = (x, h(x)) est l’espace vectoriel engen-
dré par les d vecteurs tangents
   
∂h1 ∂hn−d ∂h1 ∂hn−d
1, 0, . . . , 0, ,..., , . . . , 0, 0, . . . , 1, ,..., .
∂x1 ∂x1 ∂xd ∂xd

En notant T1 (x), . . . Td (x) ces vecteurs tangents, on en déduit une paramé-


trisation locale régulière de T M ,

T M ∩ (Vp ∩ Rn ) = ϕ(B d × Rd )


d
!
X
d d
ϕ : (x, λ) ∈ B × R 7→ x, h(x), λi Ti (x) ∈ Rn × Rn .
i=1

Vous étudierez en topologie différentielle la notion de fibré vectoriel sur


une variété. Il s’agit d’une famille d’espaces vectoriels de dimension d pa-
ramétrée par la variété, qui est localement isomorphe au produit cartésien
d’un ouvert de la variété et de Rd , mais dont la structure globale est plus
riche que le simple produit cartésien.
Le fibré tangent et son dual, le fibré cotangent, sont les exemples les plus
importants. Les sections du premier, i.e. les applications différentiables

X : M → TM

qui associent à chaque p ∈ M un élément X(p) de son espace tangent Tp M ,


sont les champs de vecteurs. Les sections du second

ω : M → T ∗M

sont les 1-formes différentielles que nous étudierons dans la section 3.3.
3.2. SOUS-VARIÉTÉS DE RN 115

3.2.3 Applications différentiables


Différentielle
Définition 3.2.9. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés et f : M1 →
M2 une application continue. On dit que f est différentiable si, pour toute
paramétrisation locale ϕ : U ⊂ Rd → M1 , la fonction

f ◦ ϕ : U → Rm

est différentiable.

Il est clair que la définition ne dépend pas du choix de la paramétrisa-


tion locale (ϕ, U ). Une définition alternative utile est fournie par le résultat
suivant :

Lemme 3.2.10. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés. Une appli-


cation continue f : M1 → M2 est différentiable si et seulement si elle est
localement la restriction d’une application différentiable F : V ⊂ Rn → Rm .

Démonstration. Écrivons localement M1 sous forme du graphe d’une fonc-


tion de d variables, à valeurs dans Rn−d ,

M1 ∩ Vp = {(x, y) ∈ B d × Rn−d | y = h(x)}.

On lui associe la paramétrisation locale

x ∈ B d 7→ ϕ(x) = (x, h(x)) ∈ Rn .

Si f est (localement) la restriction à M1 d’une application différentiable


F d’un ouvert de Rn à valeurs dans Rm , alors

x 7→ f ◦ ϕ(x) = F (x, h(x))

est différentiable, comme composée de fonctions différentiables.


Réciproquement, on écrit localement M1 comme l’image (d’une partie)
du plan de coordonnées (xd+1 = · · · = xn = 0) par un difféomorphisme local
ψ. On note p la projection sur les d premières coordonnées,

p : (x1 , . . . , xn ) 7→ (x1 , . . . , xd , 0, . . . , 0),

et P = ψ◦p◦ψ −1 la projection correspondante sur M . L’application F = f ◦P


est une extension différentiable de f .

On vérifie que la différentielle d’un tel prolongement F au voisinage d’un


point p ∈ M1 envoie un vecteur tangent v ∈ Tp M1 linéairement sur un
vecteur tangent de Tf (p) M2 , de façon indépendante du choix de l’extension.
Cela permet de définir ainsi la différentielle de f en p :
116 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Définition 3.2.11. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés, et f :


M1 → M2 une application différentiable. La différentielle de f en p ∈ M1
est l’application linéaire

Dp f : v ∈ Tp M1 7→ Df (p) F (v) ∈ Tp M2

où F : V → Rm est n’importe quelle extension différentiable locale de f .


Exemple 3.2.12. Considérons

M1 = {(x, y, z, t) ∈ R4 , x2 + y 2 = z 2 + t2 = 1} ∼ S 1 × S 1

et
M2 = {(x, y, z, t) ∈ R4 , x2 + y 2 + z 2 + t2 = 1} = S 3 .
Ce sont deux sous-variétés différentielles de R4 , de dimension dim M1 = 2
et dim M2 = 3. Pour p = (1, 0, 1, 0) et q = √12 (1, 0, 1, 0), on calcule

Tp M1 = R(0, 1, 0, 0)⊕R(0, 0, 0, 1) et Tq M2 = {(x, y, z, t) ∈ R4 , x+z = 0}.

L’application différentiable
1
f : (x, y, z, t) ∈ M1 7→ √ (x, y, z, t) ∈ M2
2
est la restriction à M1 de l’homothétie √1 Id qui envoie p sur q. La différen-
2
tielle de f en p = (1, 0, 0, 1) est donc
v
Dp f : v ∈ Tp M1 7→ √ ∈ Tq M2 .
2

Difféomorphismes
Définition 3.2.13. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés et f :
M1 → M2 une application différentiable. On dit que f est un difféomorphisme
si f est bijective et admet un inverse différentiable.
Vous vérifierez en exercice que la quadrique

Q = {(x, y) ∈ Rn × Rp ; ||x||2 − ||y||2 = 1}

est une sous-variété de Rn × Rp qui est difféomorphe à S n−1 × Rp via


p
Φ : (u, v) ∈ S n−1 × Rp 7→ (u 1 + ||v||2 , v) ∈ Q.

Notons que si f : M1 → M2 est un difféomorphisme, alors M1 et M2 ont


même dimension et, pour tout p ∈ M1 , Dp f est un isomorphisme de Tp M1
sur Tp M2 . Mais faites attention : la réciproque est fausse.
Toutes les notions de calcul différentiel s’étendent au cadre des sous-
variétés différentielles de Rn , par exemple :
3.2. SOUS-VARIÉTÉS DE RN 117

Définition 3.2.14. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés. Une


application différentiable f : M1 → M2 est
• une immersion si, pour tout p ∈ M1 , Dp f est injective ;
• une submersion si, pour tout p ∈ M1 , Dp f est surjective ;
• un plongement si c’est une immersion qui induit un homéomorphisme
sur son image.
Lorsque f : M1 → M2 est un plongement, l’ensemble image f (M1 ) ⊂ M2
est une sous-variété de Rm qui est difféomorphe à M1 . On dira un peu plus
loin que f (M1 ) est une sous-variété de M2 .
Vous étudierez dans les exercices des exemples, ainsi que des critères pour
établir qu’une application est un plongement.

Points critiques et valeurs régulières


Définition 3.2.15. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés et f :
M1 → M2 une application différentiable. On dit que
1. p ∈ M1 est un point critique si Dp f n’est pas surjective ;
2. q ∈ M2 est une valeur critique de f si c’est l’image d’un point cri-
tique ;
3. p ∈ M1 est un point régulier si Dp f est surjective ;
4. q ∈ M2 est une valeur régulière de f si ce n’est pas une valeur critique.
Notez que la définition n’est intéressante que lorsque dim M1 ≥ dim M2 .
Lemme 3.2.16. Soit M1 ⊂ Rn et M2 ⊂ Rm des sous-variétés telles que
dim M1 ≥ dim M2 , et f : M1 → M2 une application différentiable. La
préimage de toute valeur régulière de f est une sous-variété de dimension
dim M1 − dim M2 .
Il s’agit d’une généralisation de l’item iii de la Proposition 3.2.2.

Démonstration. Soit p ∈ M1 un point régulier de f et q = f (p) ∈ M2


une valeur régulière. On note di = dim Mi et on fixe une paramétrisation
ϕ : U ⊂ Rd1 → M1 de M1 au voisinage de p = ϕ(0).
On fixe également ψ : (M2 , q) → (Rd2 , ψ(q)) un difféomorphisme local au
voisinage de q. Alors ψ(q) est une valeur régulière de

F := ψ ◦ f ◦ ϕ : U ⊂ Rd1 → Rd2 .

Il résulte de la Proposition 3.2.2 que F −1 (F (0)) est une variété de dimension


d1 − d2 . Il en va de même de

f −1 (q) = f −1 (f (p)) = ϕ(F −1 (F (0))).


118 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.3 Formes différentielles


3.3.1 Champs de vecteurs
Soit Ω un ouvert connexe de Rn .

Définition 3.3.1. Un champ de vecteurs

X : x ∈ Ω ⊂ Rn 7→ (X1 (x), . . . , Xn (x)) ∈ Rn

est une application (lisse) qui, à un point x de l’ouvert Ω, associe un vecteur


X(x). On le note traditionnellement
n
X ∂
X= Xi .
∂xi
i=1

Dérivations
Cette notation provient de ce que X définit une dérivation :

Définition 3.3.2. Une dérivation D sur un ouvert Ω ⊂ Rn est un endo-


morphisme de l’algèbre C ∞ (Ω, R) qui vérifie la règle de Leibnitz 2 , i.e. tel que
pour tout f, g ∈ C ∞ (Ω, R), on a

D(f g) = f D(g) + gD(f ).

On note LX la dérivation associée à un champ de vecteurs X (appelée


dérivée de Lie du champ X), elle est définie par
n
X ∂f
LX : f ∈ C ∞ (Ω, R) 7→ Xi ∈ C ∞ (Ω, R).
∂xi
i=1

On vérifie aisément qu’il s’agit bien d’une dérivation. Réciproquement :

Proposition 3.3.3. Soit D une dérivation sur un ouvert Ω ⊂ Rn . Alors il


existe un unique champ de vecteurs X tel que D = LX .

Démonstration. On peut supposer sans perdre de généralité que Ω est convexe.


Soit f ∈ C ∞ (Ω, R). Rappelons que
n Z 1 n
X ∂f X
f (x) − f (y) = (xi − yi ) (t(x − y) + y)dt = (xi − yi )hi,y (x)
0 ∂xi
i=1 i=1

avec
∂f
hi,y ∈ C ∞ (Ω, R) et hi,x = (x).
∂xi
2. Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe, scientifique, mathématicien, logicien, diplo-
mate, juriste, bibliothécaire et philologue allemand (1646-1716).
3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 119

Soit D une dérivation et posons Xi := D(xi ). Comme D annule les


fonctions constantes, il vient
n
!
X
Df (x) = D(f − f (y))(x) = D (xi − yi )hi,y (x)
i=1
n
X n
X
= Xi (x)hi,y (x) + (xi − yi )Dhi,y (x).
i=1 i=1

En particulier, pour y = x on obtient


n n
X X ∂f
Df (x) = Xi (x)hi,x (x) = Xi (x) (x) = LX f (x).
∂xi
i=1 i=1

Remarque 3.3.4. Notez que la composée de deux dérivations n’est pas une
dérivation (donnez un exemple).

Crochet de Lie 3
Soit X et Y deux champs de vecteurs. Observez que LX (LY f ) et LY (LX f )
ne sont pas nécessairement égaux. Le crochet de Lie [X, Y ] mesure ce défaut
de commutativité. L’observation remarquable est que le crochet de Lie est
encore un champ de vecteurs (i.e. une dérivation) :
Lemme 3.3.5. L’application LX LY − LY LX est une dérivation. On note
[X, Y ] le champ de vecteurs correspondant.
Démonstration. L’application

f 7→ LX (LY f ) − LY (LX f )

est clairement un endomorphisme de C ∞ (Ω, R). Il s’agit de montrer qu’il


vérifie la règle de Leibnitz.
Soit f et g deux fonctions lisses. On calcule

LX (LY (f g)) = f LX (LY g) + LX f LY g + LX gLY f + gLX (LY f )

et

LY (LX (f g)) = f LY (LX g) + LY f LX g + LY gLX f + gLY (LX f )

d’où

(LX LY − LY LX )(f g) = f (LX (LY g) − LY (LX g)) + g(LX (LY f ) − LY (LX f )),

ce qui montre que LX LY − LY LX est une dérivation.


3. Sophus Lie, mathématicien norvégien (1842-1899).
120 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Pn ∂ Pn ∂
Si X = i=1 Xi ∂xi , Y = j=1 Yj ∂xj et f est une fonction lisse, il vient
 
n n
!
∂ 
X X ∂f  X ∂ X ∂f
(LX LY − LY LX )(f ) = Xi Yj − Yj Xi
∂xi ∂xj ∂xj ∂xi
i j=1 j i=1
X  ∂Yj ∂f ∂Xi ∂f

= Xi − Yj
∂xi ∂xj ∂xj ∂xi
i,j
 
X ∂Yi ∂Xi ∂f
= Xj − Yj .
∂xj ∂xj ∂xi
i,j

Il s’ensuit que les coordonnées du crochet de Lie sont


X  ∂Yi ∂Xi

[X, Y ]i = Xj − Yj .
∂xj ∂xj
j

Exemples 3.3.6.
1) Si X et Y sont à coefficients constants, alors [X, Y ] = 0 (on dit que
les champs de vecteurs commutent).
2) Pour X = x2 ∂x∂ 1 et Y = ∂x∂ 2 , on obtient [X, Y ] = − ∂x∂ 1 .
∂ ∂
3) Pour X = ∂x1 et Y = ∂x2 + x1 ∂x∂ 3 , on obtient [X, Y ] = − ∂x∂ 3 .

Identité de Jacobi 4
Proposition 3.3.7. Soit X, Y, Z trois champs de vecteurs. Alors

[X, [Y, Z]] + [Z, [X, Y ]] + [Y, [Z, X]] = 0.

Démonstration. La preuve est une simple vérification en adoptant le point


de vue dérivation.

Champs tangents à une surface


Soit X et Y deux champs de vecteurs sur R3 qui sont en chaque point
linéairement indépendants. Les champs de vecteurs X, Y, [X, Y ] sont, en gé-
néral, également linéairement indépendants (voir Exemple 3.3.6.3). Ce n’est
pas le cas dans une situation bien précise que nous vous laissons caractériser
en exercice :
Proposition 3.3.8. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. En tout point [X, Y ] ∈ Vect(X, Y).
2. Au voisinage de tout point m ∈ R3 , il existe une surface S ⊂ R3
contenant m et dont le plan tangent contient X et Y .

4. Carl Gustav Jakob Jacobi, mathématicien allemand (1804-1851).


3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 121

3.3.2 Formes multilinéaires alternées


Soit E un espace vectoriel sur R de dimension n ∈ N∗ et k ∈ [1, n] ∩ N.
Rappelons qu’une application α : E k → R est dite k-linéaire si elle est
linéaire en chacun de ses facteurs.

Formes k-linéaires et déterminant


On note Σk le groupe symétrique sur k éléments.
Définition 3.3.9. On note Λk (E) l’espace des formes k-linéaires alternées.
Ce sont les applications k-linéaires α : E k → R telles que
α(x1 , . . . , xk ) = ε(σ)α(xσ(1) , . . . , xσ(k) )
pour toute permutation σ ∈ Σk , où ε est la signature de σ ∈ Σk .
On notera dans la suite deg α = k le degré de α. Voici quelques propriétés
élémentaires que vous devez connaître :
• pour k = 1, la condition d’antisymétrie est vide. L’espace des formes
1-linéaires alternées est simplement Λ1 (E) = E ∗ .
• une 2-forme linéaire α est alternée si et seulement si α(x, y) = −α(x, y)
pour tout x, y ∈ E, ou encore si et seulement si α(x, x) = 0.
• une k-forme linéaire α est alternée si et seulement si α(x1 , . . . , xk ) = 0
dès qu’il existe deux indices i 6= j tels que xi = xj .
une base de E. Si α ∈ Λk E, on obtient en décom-
Soit B = {e1 , . . . , en } P
posant les vecteurs xj = ni=1 aij ei dans la base B,
n
X
α(x1 , . . . , xk ) = ai1 1 · · · aik k α(ei1 , . . . , eik )
i1 ,...,ik =1

avec α(ei1 , . . . , eik ) = 0 si deux indices sont égaux, et α(ei1 , . . . , eik ) =


ε(σ)α(ei01 , . . . , ei0k ) sinon, en réordonnant les indices de façon strictement
croissante i01 < i02 < · · · < i0k grâce à la permutation σ ∈ Σk . On en dé-
duit le résultat suivant :
 
k n
Lemme 3.3.10. L’espace Λ (E) est de dimension . En particulier,
k
l’espace Λn (E) est de dimension 1.
Notez qu’il n’existe pas de k-forme alternée non nulle lorsque k ≥ n + 1.
Pour k = n, la forme α est entièrement déterminée par sa valeur sur B :
X
α(x1 , . . . , xn ) = ε(σ)aσ(1)1 · · · aσ(n)n α(e1 , . . . , en ).
σ∈Σn
Vous retrouvez ici la définition originale du déterminant par rapport à une
base fixée : c’est l’unique forme n-linéaire alternée det ∈ Λn (E) telle que
det(e1 , . . . , en ) = 1.
Définition 3.3.11. Orienter l’espace vectoriel E, c’est choisir l’une des deux
composantes connexes de Λn (E) \ {0}.
122 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Produit extérieur
Définition 3.3.12. On définit Λ : Λk (E) × Λ` (E) → Λk+` (E), le produit
extérieur de formes multilinéaires alternées par
X ε(σ)
α∧β(x1 , . . . , xk+` ) = α(xσ(1) , . . . , xσ(k) )β(xσ(k+1) , . . . , xσ(k+`) ).
k!`!
σ∈Σk ×Σ`

La forme α ∧ β ainsi obtenue est une forme (k + `)-linéaire alternée.


Par récurrence, on peut considérer le produit extérieur de plusieurs formes
multilinéaires alternées en posant α ∧ β ∧ γ := (α ∧ β) ∧ γ. Voici quelques
propriétés qui découlent simplement de la définition :
• Le produit extérieur est associatif (α ∧ β) ∧ γ = α ∧ (β ∧ γ).
• On a la relation d’anticommutativité β ∧ α = (−1)deg α·deg β α ∧ β.
• Lorsque k = ` = 1 et α et β sont deux 1-formes linéaires, on obtient

α ∧ β(x, y) = α(x)β(y) − α(y)β(x).

• Le produit de formes 1-linéaires alternées est donné par


X
α1 ∧ · · · ∧ αk (x1 , . . . , xk ) = ε(σ)α1 (xσ(1) ) · · · αk (xσ(k) ).
σ∈Σk

• Soit (e1 , . . . , en ) une base de E et e1 , . . . , en sa base duale. Les formes


ei1 ∧ · · · ∧ eik , 1 ≤ i1 < · · · < ik ≤ n, constituent une base de Λk E.
• Le produit extérieur correspond au produit vectoriel lorsque E = R3 .
Vous pourrez montrer que le produit extérieur α ∧ α est nul si deg α est
impair. Ce n’est pas vrai pour une forme de degré pair : si, par exemple,
α1 , . . . , α4 sont des 1-formes linéaires, alors la 4-forme

(α1 ∧ α2 + α3 ∧ α4 ) ∧ (α1 ∧ α2 + α3 ∧ α4 ) = 2α1 ∧ α2 ∧ α3 ∧ α4

est non nulle en général (si n ≥ 4). Notez que la relation d’anticommutativité
assure que les formes de degré pair commutent entre elles.
Si f est un isomorphisme de E, la transposée de f agit sur les formes
linéaires par composition via f ∗ α(x1 , . . . , xk ) = α ◦ (f (x1 ), . . . , f (xk )). Si
α ∈ Λk E, on a également f ∗ α ∈ Λk E. Cette opération de « tiré en arrière »
(pull-back) commute avec le produit extérieur :

f ∗ (α ∧ β) = f ∗ α ∧ f ∗ β.

Exemple 3.3.13. Lorsque E = Rn , on note dx1 , . . . , dxn la base duale de la


base canonique. Toute forme n-linéaire alternée est un mutliple de la n-forme
dx1 ∧ · · · dxn . Si f : Rn → Rn est une application linéaire, alors

f ∗ (dx1 ∧ · · · dxn ) = det f · dx1 ∧ · · · dxn .


3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 123

3.3.3 Formes différentielles


Tirés en arrière
Soit U ⊂ Rn un ouvert de Rn . Une forme différentielle α de degré k dans
U est la donnée en tout point x ∈ U d’une k-forme linéaire alternée, qui
dépend de façon lisse de x. Concrètement,
X
α= αi1 ...ik dxi1 ∧ · · · ∧ dxik

où les αi1 ...ik sont des fonctions lisses. Par convention, les formes différen-
tielles de degré 0 sont les fonctions lisses.
Soit à présent M une sous-variété différentielle de Rn .
Définition 3.3.14. Une forme différentielle α de degré k sur M est la don-
née, sur chaque espace tangent Tx M d’une k-forme linéaire alternée, qui
dépend de façon lisse de x.
On note Ωk (M ) l’espace des k-formes différentielles sur M . L’espace
Ω (M ) = C ∞ (M, R) est l’ensemble des fonctions lisses sur M .
0

On définit le produit extérieur α ∧ β de formes différentielles, en considé-


rant le produit extérieur α(x) ∧ β(x) des formes multilinéaires alternées sur
les espaces tangents Tx M .
De même, si f : N → M est une application lisse entre deux sous-variétés
différentielles, et si α ∈ Ωk (M ), on définit f ∗ α ∈ Ωk (N ) par

f ∗ α(x)(v1 , . . . , vk ) = α(f (x))(Dx f (v1 ), . . . , Dx f (vk ))

où v1 , . . . , vk ∈ Tx N et Dx f (v1P
), . . . , Dx f (vk ) ∈ Tf (x) M . Lorsque f = (f1 , . . . , fm )
avec M ouvert de Rm et α = I αI dyi1 ∧ · · · ∧ dyik , on obtient
X
f ∗α = αI ◦ f dfi1 ∧ · · · ∧ dfik
I
Pn ∂fi
en notant dfi = j=1 ∂xj dxj la différentielle de la fonction coordonnée fi .

Proposition 3.3.15. Le produit extérieur α ∧ β d’une k-forme différentielle


α et d’une `-forme différentielle β sur M est une (k + `)-forme différentielle.
Si γ est une troisième forme différentielle, alors :
1) α ∧ β = (−1)deg α·deg β β ∧ α ;
2) (α ∧ β) ∧ γ = α ∧ (β ∧ γ) ;
3) si f : N → M est une application lisse, alors

f ∗ (α ∧ β) = f ∗ α ∧ f ∗ β.

Démonstration. Ces propriétés résultent des propriétés correspondantes pour


les applications multilinéaires.
124 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Exemple 3.3.16. Si f : U → V est un difféomorphisme entre deux ouverts


de Rn , alors

f ∗ (dx1 ∧ · · · ∧ dxn ) = Jac(f )dx1 ∧ · · · ∧ dxn


h i
∂fi
où Jac(f ) = det ∂xj est le jacobien de l’application f .

Champs de vecteurs et 1-formes différentielles


Une 1-forme différentielle α sur un ouvert Ω ⊂ R n

Pn est la donnée de n
fonctions lisses a1 , . . . , an ∈ C (Ω, R) telles que α = i=1 ai (x)dxi .
Un cas particulier est celui où α = df est la différentielle d’une fonction
lisse f : Ω → R. On a alors ai = ∂f /∂xi puisque
n
X ∂f
df = dxi .
∂xi
i=1

Dans ce cas, le théorème de Schwarz assure que pour tout i, j,

∂ai ∂2f ∂2f ∂aj


= = = .
∂xj ∂xi ∂xj ∂xj ∂xi ∂xi

Le lemme de Poincaré (voir Lemme 3.3.27) assure réciproquement que cette


condition est localement suffisante.

Lemme 3.3.17. Étant donnée α une 1-forme différentielle sur Ω, il existe


un unique champ de vecteurs X sur Ω tel que, pour tout (x, h) ∈ Ω × Rn ,

α(x)(h) = hX(x), hi.

Lorsque α = df , le champ de vecteurs X est le gradient de f , noté ∇f .

Démonstration. L’application ω(x) : h ∈ Rn 7→ ω(x)(h) ∈ R est une forme li-


néaire continue. Il résulte du théorème de Riesz qu’il existe un unique vecteur
X(x) ∈ Rn tel que α(x)(h) = hX(x), hi. Les coordonnées Xj (x) = α(x)(ej )
dépendent de façon lisse de x, puisque c’est le cas pour x 7→ α(x).

Pour comprendre ces concepts sur les variétés, il faut savoir effectuer des
changements de coordonnées.
Pn Cela revient à savoir composer une 1-forme
différentielle α = i=1 ai (y)dyi sur Ω par une application lisse Φ : Ω0 → Ω.
On obtient ainsi, pour x ∈ Ω0 et y = Φ(x) ∈ Ω,
n n
( n )
X X X ∂Φi
Φ∗ α(x) = ai ◦ Φ(x) dΦi = ai ◦ Φ(x) (x) dxj .
∂xj
i=1 j=1 i=1
3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 125

Formes volumes et orientation


Définition 3.3.18. Une sous-variété différentielle M ⊂ RN est orientable
si elle admet une forme volume, i.e. une forme différentielle de degré dim M
qui ne s’annule nulle part.
La définition est cohérente avec le point de vue adopté au chapitre 2 :
Proposition 3.3.19. Une variété M est orientable si et seulement si on peut
la définir par une famille de paramétrisations (ϕi , Ui ) dont les applications
de transition ϕi ◦ ϕ−1
j préservent l’orientation.
Démonstration. Supposons M orientable et soit ω une forme volume. Soit
ϕi : Ui ⊂ Rd → Vi ⊂ M ⊂ RN des paramétrisations régulières de M , telles
que les Vi sont des ouverts connexes et ∪i Vi = M . La forme ϕ∗i ω est de degré
d dans Ui ⊂ Rd et ne s’annule pas. On a donc
ϕ∗i ω = fi dx1 ∧ · · · ∧ dxd
avec fi lisse qui est soit strictement positive, soit strictement négative. Notez
que changer x1 en −x1 sans changer les autres coordonnées change fi en −fi .
On peut donc supposer que chaque fonction fi est positive ; les fonctions de
transition ont alors comme jacobien le quotient de fi par fj qui est positif.
Réciproquement, étant donné des paramétrisations (ϕi , Ui ) avec fonctions
de transition
P de jacobien positif, on considère ωi = (ϕ−1 ∗
i ) dx1 ∧ · · · ∧ dxd et
ω = i χi ωi où {χi } est une partition de l’unité associée au recouvrement
de M par les ouverts Vi = ϕi (Ui ). Le facteur de proportionnalité entre les
formes ωi est positif puisque le jacobien de ϕi ◦ ϕ−1 j est positif. Il s’ensuit
que ω est une forme volume.
Si M est une variété orientable connexe de dimension d munie d’une
forme volume ω, toute forme différentielle α de degré d s’écrit de façon unique
α = f ω avec f ∈ C ∞ (M, R), comme on le vérifie dans des paramétrisations
locales.
En particulier deux formes volumes ω1 , ω2 diffèrent d’une fonction lisse f
qui est de signe constant. On dit qu’elles induisent la même orientation si f
est positive. Il y a donc deux orientations possibles pour une variété donnée.
Pn+1 2
Exemple 3.3.20. La sphère unité S n = {x ∈ Rn+1 , i=1 xi = 1} est
orientable. Considérons en effet la restriction à S n de la forme différentielle
n+1
X
ω= (−1)i+1 xi dx[1,n+1]\{i}
i=1
où dxI = dxi1 ∧ · · · ∧ dxin si I = {i1 , . . . , in }. Observons que si {v1 , . . . , vn }
est une base de Tx S n , alors
ωx (v1 , . . . , vn ) = det(x, v1 , . . . , vn )
ne s’annule pas sur S n , donc ω est une forme volume.
126 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.3.4 Différentielle extérieure


Construction

Soit M une sous-variété différentielle de Rn .

Proposition 3.3.21. Il existe une application linéaire d : Ω• (M ) → Ω• (M )


unique telle que
1. d envoie Ωk (M ) sur Ωk+1 (M ) ;
2. d : Ω0 (M ) → Ω1 (M ) coïncide avec la différentiation des fonctions ;
3. ∀(α, β) ∈ Ωk (M ) × Ω` (M ), d(α ∧ β) = dα ∧ β + (−1)k α ∧ dβ ;
4. d ◦ d = 0.

Démonstration. On commence par observer qu’une telle application est né-


cessairement locale : si α est une forme qui s’annule dans un ouvert U , alors
dα s’annule dans U . En effet, soit χ une fonction lisse identique à 1 à l’ex-
térieur de U et qui s’annule au voisinage d’un point x ∈ U . Alors α = χα,
donc la propriété (3) implique dα = dχ∧α+χdα, ce qui implique dα(x) = 0.
On peut donc travailler dans une carte
P et se ramener à la construction
de d dans un ouvert de Rn . Soit α = αi1 ...ik dxi1 ∧ · · · ∧ dxik une forme
différentielle de degré k. Les propriétés (3) et (4) impliquent
X
dα = dαi1 ...ik ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik .

Le terme de droite étant déterminé de façon unique par la propriété (2), on


en déduit l’unicité de d.
Nous montrons à présent l’existence de d. La formule précédente définit
dα dans n’importe quelle carte, donc globalement puisque d est une appli-
cation locale. Les deux premières propriétés sont clairement satisfaites. Par
linéarité, il suffit de vérifier (3) pour des formes α = f dxi1 ∧ · · · ∧ dxik et
β = gdxj1 ∧ · · · ∧ dxjk . Comme

α ∧ β = f g dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjk ,

la règle de Leibnitz donne

d(α ∧ β) = d(f g) ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjk


= (gdf + f dg) ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjk
= df ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ∧ g dxj1 ∧ · · · ∧ dxjk
+ (−1)k f dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ∧ dg ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjk
= dα ∧ β + (−1)k α ∧ dβ.
3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 127

Il suffit également de démontrer la propriété (4) pour une forme α =


f dxi1 ∧ · · · ∧ dxik . Il vient, en notant fj = ∂f /∂xj et fj` = ∂ 2 f /∂xj ∂x` ,
n
X
d2 α = d(df ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik ) = d (fj dxj ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik )
j=1
n
X
= d (fj ) ∧ dxj ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik
j=1
Xn
= fj` dx` ∧ dxj ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik
j,`=1
Xn
= − fj` dxj ∧ dx` ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxik = 0,
j,`=1

puisque dxj ∧ dx` = −dx` ∧ dxj tandis que fj` = f`j .

Définition 3.3.22. L’unique application linéaire de la Proposition 3.3.21


s’appelle la différentielle extérieure.
Exemple 3.3.23. On considère la 1-forme différentielle
y x
α(x, y) = − 2 2
dx + 2 dy = P (x, y)dx + Q(x, y)dy
x +y x + y2
dans M = R2 \ {(0, 0)}. Un calcul immédiat donne
y 2 − x2
 
∂P ∂Q ∂P ∂Q
= 2 = donc dα = − + dx ∧ dy = 0.
∂y (x + y 2 )2 ∂x ∂y ∂x
Proposition 3.3.24. La différentielle extérieure commute avec le tiré en
arrière : si α ∈ Ωk (N ) et f : M → N , alors f ∗ (dα) = d(f ∗ α).
Démonstration. L’égalité f ∗ (dg) = d(f ∗ g) lorsque α = g est une fonction
lisse se réduit au théorème de dérivation des fonctions composées.
Lorsque α est une forme de degré 1 il suffit, par linéarité, de traiter le
cas α = gdh où g, h sont des fonctions lisses. Comme f ∗ commute avec le
produit extérieur ∧, il vient
f ∗ (dα) = f ∗ (dg ∧ dh) = f ∗ (dg) ∧ f ∗ (dh) = d(f ∗ g) ∧ d(f ∗ h)
= d(f ∗ g d(f ∗ h)) = d(f ∗ (gdh)) = d(f ∗ α),
la troisième égalité provenant du cas de degré zéro. Plus généralement,
f ∗ (d(α ∧ β)) = f ∗ (dα ∧ β + (−1)k α ∧ dβ)
= f ∗ (dα) ∧ f ∗ β + (−1)k f ∗ α ∧ f ∗ (dβ)
= d(f ∗ α) ∧ f ∗ β + (−1)k f ∗ α ∧ d(f ∗ β)
= d(f ∗ (α ∧ β)).
On peut donc conclure par récurrence sur le degré k de α.
128 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Exemple 3.3.25. On considère à nouveau la 1-forme différentielle


y x
α(x, y) = − dx + 2 dy = P (x, y)dx + Q(x, y)dy.
x2 + y 2 x + y2

Soit f (r, θ) = (r cos θ, r sin θ) le changement de coordonnées polaires. Il vient

dx = cos θdr − r sin θdθ et dy = sin θdr + r cos θdθ,

donc f ∗ α = dθ. On en déduit une nouvelle preuve de ce que dα = 0, puisque


f ∗ dα = d(f ∗ α) = d2 θ = 0.

Définition 3.3.26. Une forme différentielle α est fermée si dα = 0. Elle est


dite exacte s’il existe une forme différentielle β telle que α = dβ.

Toute forme exacte est fermée puisque d ◦ d = 0. Le lemme de Poincaré


fournit une réciproque partielle, en assurant que toute forme différentielle
fermée est localement exacte :

Lemme 3.3.27 (Poincaré). Soit α une k-forme différentielle fermée dans


un ouvert U convexe de Rn . Alors il existe une (k − 1)-forme différentielle β
dans U telle que α = dβ.

Démonstration. On ne perd rien en supposant que U contient l’origine. Nous


ne traitons que le cas des formes de degré k = P
1 (le cas k > 1 est similaire
mais techniquement plus compliqué). Soit α = ni=1 ai dxi telle que dα = 0,
∂ai ∂a
i.e. ∂xj
= ∂xji . On pose

n
X Z 1
f (x) := xi ai (tx)dt.
i=1 0

Observons que
Z 1 n Z 1
∂f X ∂ai
= aj (tx)dt + xi t (tx)dt
∂xj 0 0 ∂xj
i=1
Z 1 n Z 1
X ∂aj
= aj (tx)dt + xi t (tx)dt
0 0 ∂xi
i=1
Z 1 Z 1
d
= aj (tx)dt + t (aj (tx))dt = aj (x)
0 0 dt

où la deuxième égalité provient de dα = 0, tandis que la dernière résulte


d’une intégration par parties.
On peut obtenir une formule explicite également dans le cas des k-formes
différentielles, nous renvons le lecteur aux références bibliographiques.
3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 129

3.3.5 Intégration des formes différentielles


Intégration des 1-formes différentielles
Soit M une variété différentielle et α ∈ Ω1 (M ) une 1-forme différentielle.
Si x ∈ M , alors α(x) ∈ Tx∗ M est une forme linéaire qui associe un scalaire
α(x)·v à un vecteur tangent v ∈ Tx M . Soit γ : I → M une courbe paramétrée
régulière tracée sur M .

Définition 3.3.28. L’intégrale de α le long de γ est


Z Z
α := α(γ(t)) · γ 0 (t)dt.
γ t∈I

Il est entendu ici que l’on intègre sur un intervalle compact, ou bien que
l’on prend la limite (au sens de l’intégrale de Lebesgue) des intégrales sur
une suite exhaustive de compacts.
Lorsque α = df est la différentielle d’une fonction lisse, on obtient
Z
df = f ◦ γ(b) − f ◦ γ(a)
γ
R
si γ : [a, b] → M , en particulier γ df = 0 si γ est fermé.

Lemme 3.3.29. Soit φ : J → I un difféomorphisme croissant, i.e. un chan-


gement admissible de paramétrisation qui préserve le sens de parcours de la
courbe Γ = γ(I). Soit γ̃ = γ ◦ φ : J → M . Alors
Z Z
α = α.
γ̃ γ

Démonstration. C’est une conséquence de la formule de changement de va-


riables. Comme γ̃ 0 (t) = γ 0 (φ(t))φ0 (t), il vient
Z Z Z
0 0 0
α(γ̃(t))·γ̃ (t)dt = α(γ(φ(t)))·γ̃ (φ(t))φ (t)dt = α(γ(t))·γ 0 (t)dt.
t∈J t∈J t∈I

Notez par contre que le signe de l’intégrale change si l’on changeRle sens
de parcours de la courbe Γ = γ(I). On peut donc définir l’intégrale Γ α de
α le long d’une courbe géométrique compacte orientée Γ.

Définition 3.3.30. Une courbe géométrique Γ est orientée si l’on choisit de


façon continue une orientation de Tp Γ, p ∈ Γ.

Lorsque Γ est paramétrée, fixer une orientation revient à fixer un sens


parcours de la courbe. Toutes les courbes (sous-variétés de dimension 1) sont
130 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

orientables. Il n’en est pas de même en dimension plus grande, comme nous
l’avons indiqué auR chapitre précédent, dans le cas des surfaces.
Pour définir Γ α, on utilise une partition de l’unité : on fixe un recou-
vrement de Γ par un nombre fini d’ouverts (Ui )1≤i≤s tels que Γ ∩ Ui est
paramétrée. On considère une Ps famille (χi ) de fonctions lisses à support com-
pact dans les Ui telles que i=1 χ ≡ 1 et on pose
Z s Z
X
α := χi α.
Γ i=1 Γ∩Ui

Nous laissons le lecteur vérifier que cette définition est indépendante du


choix des Ui et des χi .

Exemple 3.3.31. On considère encore la 1-forme différentielle


y x
α(x, y) = − dx + 2 dy
x2 +y 2 x + y2

dans M = R2 \ {(0, 0)}. Son intégrale le long du cercle ΓR centré à l’origine


et de rayon R (orienté dans le sens trigonométrique) vaut 2π.
Soit en effet γ : t ∈ (0, 2π) 7→ (R cos t, R sin t) ∈ R2 une paramétrisation
de ΓR . Il vient γ 0 (t) = R(− sin t, cos t), donc
Z Z 2π  
R sin t R cos t
α= − (−R sin t) + (+R cos t) dt = 2π.
ΓR 0 R2 R2

La 1-forme α est donc fermée mais pas exacte. Notez que R2 \ {(0, 0)}
n’est pas convexe.

Intégration des formes volumes


Soit f : M → N une application lisse entre deux variétés différentielles.
Soit α une n-forme différentielle sur N . Rappelons que f ∗ α est une n-forme
différentielle sur M définie par

(f ∗ α)p (v1 , . . . , vn ) := αf (p) (dp f (v1 ), . . . , dp f (vn )).

Définition 3.3.32. Soit V est une variété de dimension n admettant la


paramétrisation régulière ϕ : U ⊂ Rn → V . Soit α une n-forme différentielle
sur V . On définit
Z Z Z
α := αϕ(x) (dx ϕ(e1 ), . . . , dx ϕ(en ))dx = ϕ∗ α
V U U

où (e1 , . . . , en ) désigne les vecteurs de la base canonique de Rn .


3.3. FORMES DIFFÉRENTIELLES 131

L’intégrale U ϕ∗ α est bien (dé)finie si la forme ϕ∗ α est à support compact


R

dans l’ouvert U ⊂ Rn , ce que nous supposerons dans la suite pour simplifier.


Une n-forme différentielle dans un ouvert U de Rn s’écrit

h(x1 , . . . , xn )dx1 ∧ · · · ∧ dxn

où h est une fonction lisse. Si f : U 0 → U est un difféomorphisme, alors

f ∗ (h(x1 , . . . , xn )dx1 ∧ · · · ∧ dxn ) = Jac(f ) · h ◦ f dx1 ∧ · · · ∧ dxn

où Jac(f ) désigne le jacobien de f . Lorsque ce dernier est positif, la formule


de changement de variables dans Rn assure ainsi que
Z Z

ϕ α= (ϕ ◦ f )∗ α,
U U0
R
c’est-à-dire que, comme dans le cas des 1-formes, V α dépend de l’orientation
de V mais pas de la paramétrisation ϕ :
Définition 3.3.33. Soit V une variété différentielle orientée de dimension
n et soit α une n-forme différentielle sur V à support compact. Soit (Ui )
un recouvrement ouvert fini tel que Ui ∩ V est paramétrée, et soit (χi ) une
partition de l’unité. On pose
Z XZ
α := χi α.
V i V ∩Ui

Nous laissons le lecteur vérifier que cette définition ne dépend pas des
choix qui ont été faits. La formule de changement de variables s’exprime à
présent ainsi :
Théorème 3.3.34. Soit M et N deux variétés différentielles orientées de
dimension n. Soit f : M → N un difféomorphisme qui préserve l’orientation.
Soit α une n-forme différentielle sur N , alors
Z Z
f ∗α = α.
M N

Formule de Stokes
Soit I = [a, b] ⊂ R un intervalle compact. Le théorème d’intégration par
parties assure que
Z Z b Z
df = f 0 (t)dt = f (b) − f (a) = f
I a ∂I

dés que f est suffisamment régulière. Notez que l’on impose implicitement
un sens de parcours de l’intervalle I et un sens de parcours induit de son
bord ∂I = {b} − {a} (qui n’est pas connexe). On souhaite généraliser cette
formule aux sous-variétés de dimension arbitraire.
132 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Définition 3.3.35. On dit qu’un ouvert Ω ⊂ M d’une sous-variété M de


dimension n est à bord lisse si, pour tout point p du bord ∂Ω, il existe une
paramétrisation régulière ϕ : B n → U ⊂ M avec ϕ(0) = p, telle que
U ∩ Ω = ϕ({x ∈ B n , x1 < 0}) et U ∩ ∂Ω = ϕ({x ∈ B n , x1 = 0}).
Nous laissons le lecteur vérifier que ∂Ω hérite d’une structure de sous-
variété différentielle de dimension (n − 1).
On suppose que M est orientée et on fixe ω une forme volume sur M .
Si η est une (n − 1)-forme différentielle sur ∂Ω, on dira que η est positive
si localement dx1 ∧ η = f ω avec f positive. Cela permet de définir une
orientation de ∂Ω, on parle de l’orientation induite par celle de M .
La formule de Stokes est la généralisation du théorème d’intégration par
parties, c’est un des outils les plus importants de l’analyse moderne :
Théorème 3.3.36. Soit Ω ⊂ M un ouvert à bord lisse d’une variété diffé-
rentielle orientée de dimension n. Soit η une (n − 1)-forme sur M à support
compact. Alors Z Z
dη = i∗ η.
Ω ∂Ω
Le bord ∂Ω est ici muni de l’orientation induite par celle de M , et on a
noté i : ∂Ω → M l’application d’inclusion.
Démonstration. En utilisant une partition de l’unité, on se ramène au cas où
Ω = {x1 < 0} est un ouvert à bord lisse de Rn et η est à support compact
dans Rn . On écrit
n
X
η= ηi (x)dx1 ∧ · · · ∧ dx
ci ∧ · · · ∧ dxn
i=1

où ηi est une fonction lisse à support compact, et la notation dx


ci signifie que
le terme dxi ne figure pas. Il vient
n
X ∂ηi
dη = (−1)i+1 dx1 ∧ · · · ∧ dxn
∂xi
i=1
et
i∗ η = η1 (0, x2 , . . . , xn )dx2 ∧ · · · ∧ dxn .
La formule d’intégration par parties et le fait que ηi est à support compact
assurent que, pour i ≥ 2,
Z Z
∂ηi ∂η1
dxi = 0 tandis que dx1 = η1 (0, x2 , . . . , xn ).
xi ∈R ∂xi {x1 <0} ∂x1
Il résulte donc du théorème de Fubini que
Z Z Z Z
∂η1
dη = dx1 = i∗ η.
Ω x0 {x1 <0} ∂x1 ∂Ω
3.4. VARIÉTÉS ABSTRAITES 133

3.4 Variétés abstraites


Les sous-variétés différentielles de Rn sont les analogues non-linéaires
des sous-espaces vectoriels de Rn . Comme en algèbre linéaire, il est très
utile de s’affranchir de l’espace ambiant et de définir la notion de variétés
différentielles abstraites, même si celles-ci peuvent (au final) être plongées
dans Rn .

3.4.1 Variétés topologiques


Définition 3.4.1. Un espace topologique séparé M à base dénombrable est
une variété topologique de dimension n si tout point p ∈ M a un voisinage
ouvert Vp homéomorphe à un ouvert de Rn .

On parle également de variété C 0 , ou d’espace localement euclidien. Rap-


pelons qu’une base d’un espace topologique est une collection d’ouverts telle
que tout ouvert de l’espace s’écrit comme réunion des éléments de la base.
Cette hypothèse a de nombreuses conséquences.
On appelle dimension topologique de M l’entier n. Elle est bien définie
(i.e. Vp ne peut pas être homéomorphe à un ouvert de Rp , p 6= n) grâce au
théorème de Brouwer 5 .
Nous listons sans démonstration quelques-unes des propriétes d’une va-
riété topologique M :
1. il y a, au plus, un nombre dénombrable de composantes connexes ;
2. la topologie est métrisable ;
3. il existe des partitions continues de l’unité ;
4. tout ouvert de M est une variété topologique de même dimension ;
5. M est connexe si et seulement si elle est connexe par arcs ;
6. M est localement compacte.

Définition 3.4.2. Un couple (U, ϕ), où U est un ouvert de M et ϕ : U → Rn


est un homéomorphisme de U sur un ouvert de Rn , s’appelle une carte de
M.
Une collection de cartes (Ui , ϕi ) qui recouvrent M est appelée un atlas
(topologique) de M .

Définition 3.4.3. Soit M une variété topologique. Si (U, ϕ) et (V, ψ) sont


deux cartes telles que U ∩ V =
6 ∅, l’application

ψ ◦ ϕ−1 : ϕ(U ∩ V ) → ψ(U ∩ V )

est un homéomorphisme appelé changement de carte, ou fonction de transi-


tion.
5. Luitzen Egbertus Jan Brouwer, mathématicien hollandais (1881-1966).
134 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.4.2 Variétés différentielles


Définition 3.4.4. On dit qu’un atlas est différentiable si les changements
de cartes sont des difféomorphismes.

On dit qu’une carte (U, ϕ) est compatible avec un atlas différentiable


(Ui , ϕi ) si les changements de coordonnées ϕi ◦ ϕ−1 et ϕ ◦ ϕ−1
i sont différen-
tiables sur leurs domaines de définition.
On dit que deux atlas différentiables sont compatibles si chaque carte de
l’un est compatible avec l’autre atlas. Notez que la réunion de deux atlas
différentiables compatibles est encore un atlas différentiable. Chaque atlas
différentiable est donc contenu dans un unique atlas différentiable maximal
(la réunion de tous les atlas différentiables compatibles avec lui).

Définition 3.4.5. Une structure différentiable sur une variété topologique


M est la donnée d’un atlas différentiable maximal.
Une variété différentielle de dimension n est une variété topologique de
dimension n munie d’une structure différentiable.

Exemple 3.4.6.
1) L’exemple modèle est bien entendu Rn muni de l’atlas à une carte
(R , ϕ) où ϕ : x ∈ Rn 7→ x ∈ Rn est l’identité. Tout ouvert de Rn est
n

également une variété différentielle de dimension n.


2) Toute surface régulière de R3 munie de l’atlas associé à une famille de
paramétrisations régulières est une variété différentielle de dimension 2. Plus
généralement, toute sous-variété différentielle de Rn de dimension d munie
de ses paramétrisations régulières définit une variété de dimension d.
3.4. VARIÉTÉS ABSTRAITES 135

3) On considère M = R muni des deux atlas à une carte (R, ϕ1 ) et (R, ϕ2 )



ϕ1 : x ∈ R 7→ x ∈ R et ϕ2 : x ∈ R 7→ x3 ∈ R.
Ces deux atlas ne sont pas compatibles, ils induisent donc deux structures
différentiables distinctes pour R. Celles-ci sont cependant difféomorphes (voir
Exercice 91).
Exemple 3.4.7. Un ouvert de Rn est une variété différentielle (pour la
structure différentielle canonique). Le groupe linéaire

GL(n, R) := {A ∈ M(n, R) | det A 6= 0}


2
est un ouvert de Rn ' M(n, R), c’est donc une variété différentielle de
dimension n2 .
Plus généralement, toute sous-variété de Rn (telle que définie plus haut)
est une variété différentielle.
Exemple 3.4.8. L’espace projectif Pn (R) est l’ensemble des droites de Rn+1
qui passent par l’origine. Une telle droite est définie par un vecteur directeur
non nul (x0 , . . . , xn ) ∈ Rn+1 \ {0}. La droite est alors l’ensemble

{(tx0 , . . . , txn ) ∈ Rn+1 | t ∈ R}.

Deux vecteurs directeurs d’une même droite sont équivalents pour la relation
d’équivalence « multiplication par un réel non nul ». On note

[x0 : · · · : xn ] := {(tx0 , . . . , txn ) ∈ Rn+1 | t ∈ R∗ }

la classe d’équivalence correspondante : c’est la droite privée de l’origine. Il


s’ensuit que l’espace projectif réel est un quotient

Pn (R) = {[x]} = Rn+1 \ {0}/R∗ .

On le munit de la topologie quotient : un ensemble U de Pn (R) est ouvert


ssi π −1 U est ouvert dans Rn+1 \ {0}, où π : Rn+1 \ {0} → Pn (R) est la
projection canonique. Nous laissons le lecteur vérifier que cette topologie est
métrisable, et qu’ainsi Pn (R) est une variété topologique de dimension n.
On définit un atlas différentiel comme suit. On recouvre Pn (R) par (n+1)
cartes (Ui , ϕi ), 0 ≤ i ≤ n, où

Ui = {[x] ∈ Pn (R) | xi 6= 0}

et
ϕi : [x] ∈ Ui 7→ (x0 /xi , . . . , xi−1 /xi , xi+1 /xi , . . . , xn /xi ) ∈ Rn .
Le lecteur vérifiera sans peine que les fonctions de transition ϕi ◦ ϕ−1
j sont
lisses (là où elles sont définies) : leurs fonctions coordonnées sont des frac-
tions rationnelles simples dont les dénominateurs ne s’annulent pas.
136 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.4.3 Espace tangent, différentielle


Tout le calcul différentiel local peut être transféré aux variétés, en com-
posant avec des cartes locales (à la source et au but).

Applications différentiables
Soit M et N deux variétés différentielles de dimension m et n, et f :
M → N une application continue. Soit p ∈ M , et (U, ϕ) et (V, ψ) des cartes
de M, N au voisinage de p, f (p). L’application

ψ ◦ f ◦ ϕ−1 : ϕ(U ) ⊂ Rm → Rn

est différentiable si et seulement s’il en est de même de toute autre application


ψ̃ ◦ f ◦ ϕ̃−1 associée à des cartes (Ũ , ϕ̃) et (Ṽ , ψ̃) : cela résulte aisément de
ce que les changements de carte sont des difféomorphismes.

Définition 3.4.9. Soit M et N deux variétés différentielles de dimension


m et n, et f : M → N une application continue.
L’application f est différentiable si ψ ◦ f ◦ ϕ−1 est différentiable pour
toutes les cartes (U, ϕ) et (V, ψ) de M et N .

Lorsque N = R, on parle de fonction différentiable. Lorsque M ⊂ R est


un intervalle, on obtient la notion de courbe (paramétrée) tracée sur N .
De la même façon, on dira qu’un sous-ensemble V d’une variété différen-
tielle M (de dimension n) est une sous-variété différentielle, si et seulement
si pour toute carte (U, ϕ) de M , ϕ(U ∩ V ) est une sous-variété de Rn .

Exemple 3.4.10. Soit M et N deux variétés différentielles munies des atlas


respectifs {(Ui , ϕi )}, {(Vj , ψj )}. Alors {(Ui × Vj , (ϕi ), ψj )} définit un atlas
différentiel pour M × N , et les applications de projection π1 : M × N → M
et π2 : M × N → N sont différentiables.

Fibré tangent et champs de vecteurs


Définition 3.4.11. Soit M une variété différentielle et p ∈ M .
1) Deux courbes γ1 , γ2 :] − ε, +ε[→ M telles que γ1 (0) = γ2 (0) = p sont
dites équivalentes si, pour toute carte (ϕ, U ) de M au voisinage de p ∈ M ,
on a (ϕ◦γ1 )0 (0) = (ϕ◦γ2 )0 (0). On appelle vecteur tangent à p en M la classe
d’équivalence de telles courbes.
2) L’espace tangent Tp M est l’ensemble des vecteurs tangents à M en p.

Notez qu’il suffit de vérifier l’égalité (ϕ ◦ γ1 )0 (0) = (ϕ ◦ γ2 )0 (0) pour une


seule carte (U, ϕ). Une telle carte identifie Tp M à Rn , où n = dim M . Un
changement de carte donne une identification qui diffère de la première par
un isomorphisme (la différentielle du changement de carte), ainsi Tp M a une
structure d’espace vectoriel réel de dimension n.
3.4. VARIÉTÉS ABSTRAITES 137

Soit M et N deux variétés différentielles, et f : M → N une application


différentiable. Si γ :] − ε, ε[→ M est une courbe tracée sur M passant par
p = γ(0), et si ψ : Vf (p) → Rn est une carte de N au voisinage de f (p),
l’application ψ ◦ f ◦ γ :] − ε, ε[→ Rn est différentiable et sa différentielle en
zéro approxime f (p) dans la direction v = γ 0 (0) à l’ordre 1, ce qui motive la
définition suivante :
Définition 3.4.12. Soit M et N deux variétés différentielles, et f : M → N
une application différentiable. L’application linéaire tangente à f en p ∈ M ,
notée Dp f : Tp M → Tf (p) N , est l’application obtenue par passage au quotient
de γ 7→ ψ ◦ f ◦ γ. Elle est appelée la différentielle de f en p.
Cette définition est un peu lourde ; en pratique on utilise des cartes locales
au but et à la source pour faire des calculs et établir les propriétés désirées.
Définition 3.4.13. Une application différentiable f : M → N est
• une immersion si, pour tout p ∈ M , Dp f est injective ;
• une submersion si, pour tout p ∈ M , Dp f est surjective ;
Lemme 3.4.14. Soit f : M → N une application différentiable.
1) Si f est une immersion surjective, alors ∀p ∈ M , Tf (p) N = Im Dp f.
2) Si f est une submersion, alors pour tout q ∈ f (M ), Mq := f −1 (q) est
une sous-variété de M telle que pour tout x ∈ Mq , Tx Mq = ker Dx f.
Notez en particulier que si V ⊂ M est une sous-variété de M , alors Tp V
s’identifie à un sous-espace vectoriel de Tp M .
Vous vérifierez que les fibres f −1 (q) d’une submersion sont des variétés
(lorsque q est dans l’image de l’application f ) et qu’une immersion envoie
un petit voisinage ouvert sur une variété.
Démonstration. On utilise des cartes locales pour M au voisinage d’un point
p, et N au voisinage de f (p) pour se ramener au cas des sous-variétés de Rm
(resp. Rn ) qui a déjà été traité.
Nous avons observé que la réunion T M des espaces tangents à une sous-
variété M de dimension n de RN est une sous-variété de R2N de dimension
2n. Il en va de même pour une variété abstraite M . Considérons
a
T M := Tp M = {(p, v) | p ∈ M et v ∈ Tp M }
p∈M

et π : (p, v) ∈ T M → p ∈ M la projection canonique sur M .


On munit le fibré tangent T M d’une structure différentielle comme suit.
Si (ϕ, U ) est une carte pour M , on considère la carte (Dϕ, π −1 U ) de T M
définie par
Dϕ(p, v) = (ϕ(p), Dp ϕ(v)).
Nous laissons le lecteur vérifier que les fonctions de transition de l’atlas
correspondant sont bien lisses.
138 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Définition 3.4.15. Soit M une variété différentielle. Un champ de vecteurs


est une section lisse du fibré tangent T M , i.e. une application différentiable
X : M → T M telle que π ◦ X = Id.
Autrement dit, pour tout p ∈ M , X(p) ∈ Tp M est un vecteur tangent à
M en p, et l’application p 7→ X(p) est lisse.

Plongements
Définition 3.4.16. Soit M et N deux variétés différentielles. Une applica-
tion différentiable f : M → N est un plongement si c’est une immersion et
un homéomorphisme sur son image.
Théorème 3.4.17. Toute variété différentielle abstraite compacte M de di-
mension d ∈ N se plonge dans Rn pour n assez grand.
Ce célèbre résultat de Whitney assure que toute variété abstraite peut
être réalisée comme une sous-variété de Rn : s’il existe un plongement f :
M → Rn , alors f (M ) est une sous-variété de Rn et la variété abstraite M
est difféomorphe à f (M ).
Démonstration. Soit {Ui , ϕi ), 1 ≤ i ≤ s} un atlas différentiel fini de M . On
peut trouver des ouverts Vi et des fonctions lisses χ ∈ C ∞ (M, R) telles que
• Vi ⊂ Ui et les ouverts Vi recouvrent encore M ;
• χi ≡ 1 sur Vi et χi ≡ 0 hors de Ui .
Une telle famille de fonctions est appelée P
partition de l’unité subordonnée au
recouvrement {Ui } si on impose de plus i χi ≡ 1 et 0 ≤ χi ≤ 1.
On peut prolonger les applications ϕi χi par 0 dans M \Ui et obtenir ainsi
des applications lisses à valeurs dans Rd . On vérifie alors que l’application
Φ : x ∈ M 7→ (χ1 , . . . , χs , ϕ1 χ1 , . . . , ϕs χs ) ∈ Rs(d+1)
est un plongement. En effet, Φ est lisse par construction et
• Φ une immersion car Dx Φ contient un bloc injectif Dx ϕi si x ∈ Vi ;
• Φ est injective : si Φ(x) = Φ(y) alors χi (x) = χi (y) pour tout i, donc
x, y appartiennent à un même Vi , et ϕi (x) = ϕi (y) =⇒ x = y.
On conclut en observant qu’une immersion injective définie sur une variété
compacte est automatiquement un homéomorphisme sur son image, donc un
plongement (voir Exercice 66).
On peut composer un plongement Φ : M → Rn avec une projection
orthogonale générique πH sur un hyperplan de Rn . Tant que n ≥ 2d + 1, un
lemme de Sard assure que la composée πH ◦ Φ est encore un plongement ; on
peut ainsi plonger M dans R2d+1 . On peut même la plonger dans R2d , mais
la preuve est plus difficile et requiert des techniques très différentes.
La borne sur la dimension est optimale, on verra des exemples de surfaces
compactes (bouteille de Klein, plan projectif réel) qui ne peuvent pas être
réalisées comme des surfaces compactes de R3 .
3.4. VARIÉTÉS ABSTRAITES 139

Difféomorphismes
Définition 3.4.18. Soit M et N deux variétés différentielles de dimension
m, n. Une application f : M → N lisse est un difféomorphisme si elle est
bijective et si f −1 : N → M est lisse.
Lorsque N = M , on note Diff(M ) l’ensemble des difféomorphismes de M ,
c’est un groupe pour la composition. Il existe beaucoup de difféomorphismes :
Théorème 3.4.19. Soit M une variété connexe de dimension d. Le groupe
Diff(M ) agit transitivement sur M .
Démonstration. On décompose la preuve en deux temps.
Étape 1. Pour toute boule B de Rd , on note Diff 0 (B) l’ensemble des difféo-
morphismes de Rd qui sont égaux à l’identité hors de la boule. On commence
par montrer que Diff 0 (B) agit transitivement sur la boule B(r0 ) de rayon
r0 > 0 pour une constante absolue r0 > 0.
Quitte à dilater et translater, on peut supposer que B est la boule unité.
Soit χ : R → R une fonction lisse à support compact, avec 0 ≤ χ ≤ 1,
χ = 1 sur l’intervalle [− 12 , + 21 ] et χ = 0 hors de l’intervalle [−1, 1] (fonction
plateau). La dérivée d’une telle fonction est uniformément bornée par une
constante M0 > 0. On pose r0 = (2M0 )−1 et on considère l’application lisse
φ : x ∈ Rd 7→ (x1 + r0 χ(x1 )χ(x22 + · · · + x2d ), x2 , . . . , xd ) ∈ Rd .
Observons que φ(0) = (r0 , 0, . . . , 0), φ est l’identité hors de B, et
• φ est bijective car x1 7→ x1 + λr0 χ(x1 ) est une fonction strictement
croissante pour tout λ ∈ [0, 1] de par notre choix de r0 ;
• Jac(φ) = 1 + r0 χ0 (x1 )χ(x22 + · · · + x2d ) > 0, donc l’application φ est
localement inversible.
Il résulte du théorème d’inversion locale que φ ∈ Diff 0 (B).
En précomposant φ−1 avec une rotation, on obtient la propriété de tran-
sitivité annoncée, puisque O(d, R) agit transitivement sur les sphères.
Étape 2. Soit a ∈ M et (U, ϕ) une carte de M telle que ϕ(a) = 0 ∈ Rd . On
fixe une boule B ⊂ ϕ(U ) et on considère φ ∈ Diff 0 (B). L’application
 −1
ϕ ◦ φ ◦ ϕ dans ϕ−1 (B)
F =
Id dans M
est un élément de Diff 0 (ϕ−1 (B)) ⊂ Diff(M ). Il résulte de plus de l’Étape 1
que Diff 0 (ϕ−1 (B)) agit transitivement dans un petit voisinage du point a.
Un point b ∈ M étant fixé, on considère
Ω = {x ∈ M, ∃F ∈ Diff(M ) tel que F (b) = x}.
L’ensemble Ω est un ouvert non-vide d’après ce qui précède. Il est également
fermé : si xj ∈ Ω → a ∈ M , alors xj ∈ ϕ−1 (B) pour j assez grand, et la
construction montre que l’on peut envoyer xj sur a par un difféomorphisme,
donc b sur a par composition. On conclut par connexité que Ω = M .
140 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.4.4 Formes différentielles et orientabilité


Fibré cotangent
Le fibré cotangent est l’ensemble des espaces tangents duaux :

Définition 3.4.20. Soit M une variété différentielle de dimension d. Le


fibré cotangent est
T ∗ M := ∪p∈M Tp∗ M.

Nous laissons le lecteur vérifier que T ∗ M admet une structure de variété


différentielle de dimension 2d. On note

π̃ : (p, ξ) ∈ T ∗ M 7→ p ∈ M

la projection canonique.

Définition 3.4.21. Soit M une variété différentielle de dimension d. Une


section lisse α : M → T ∗ M de π̃ est une 1-forme différentielle.
On note Ω1 (M ) l’espace des 1-formes différentielles.

Nous laissons le lecteur vérifier que cette définition coïncide bien avec
celle utilisée dans le cadre des variétés plongées dans Rn . Si f : M → R est
une fonction lisse, alors pour tout p ∈ M , la différentielle

dp f : Tp M → R ' Tf (p) R

est une forme linéaire sur l’espace tangent Tp M , donc

df : p ∈ M 7→ dp f ∈ Tp∗ M ⊂ T ∗ M

est une section lisse de T ∗ M .

Définition 3.4.22. Une 1-forme différentielle est exacte si c’est la différen-


tielle d’une fonction lisse f : M → R.

Une 1-forme différentielle α fermée n’est pas nécessairement exacte. Toute


1-forme différentielle fermée est localement exacte (lemme de Poincaré).
L’être mathématique qui décrit l’obstruction pour une 1-forme différentielle
fermée d’être globalement exacte est un groupe : c’est le premier groupe de
cohomologie de de Rham 6 de la variété M .
On peut étendre au contexte des variétés abstraites le produit, la dif-
férentielle extérieure, et toutes les opérations rencontrées dans le cadre des
variétés plongées. Nous noterons Ωk (M ) les formes différentielles de degré k.

6. Georges de Rham (1903-1990), mathématicien et alpiniste suisse, spécialiste de to-


pologie différentielle.
3.4. VARIÉTÉS ABSTRAITES 141

Variétés orientables
On définit l’orientabilité d’une variété abstraite de la même façon que
pour les sous-variétés différentielles de RN :
Définition 3.4.23. Soit M une variété différentielle. On dit que M est
orientable s’il existe une forme volume, i.e. une n-forme différentielle sur M
qui ne s’annule nulle part.
De façon équivalente, M est orientable si et seulement si on peut choisir
un atlas différentiel dont les changements de cartes ont un jacobien positif
(i.e. préservent l’orientation). C’est également équivalent au fait de pouvoir
choisir de façon continue une orientation des espaces tangents.
Exemple 3.4.24. Soit F : Rn → R une submersion propre et H = F −1 (0).
On sait que H est une hypersurface compacte de Rn telle que, pour tout
p ∈ H, Tp H = ψ + {v ∈ Rn , hv, ∇F i = 0}. Une telle hypersurface est
orientable. Soit en effet ω = dx1 ∧ · · · ∧ dxn la forme volume canonique de
Rn , on définit une (n − 1)-forme différentielle sur H en posant
α(p)(v1 , . . . , vn−1 ) = ω(v1 , . . . , vn−1 , ∇F ).
Si {v1 , . . . , vn−1 } est une base de Tp H, alors {v1 , . . . , vn−1 , ∇F } est une base
de Rn , donc ω(v1 , . . . , vn−1 , ∇F ) 6= 0, α est donc une forme volume.
Vous vérifierez qu’un produit de variétés différentielles admet une struc-
ture de variété différentielle et qu’un produit de variétés orientables est orien-
table. Comme le cercle unité S 1 est orientable, on en déduit que le tore
Rn /Zn ' (S 1 )n
est une variété compacte orientable de dimension n.
Proposition 3.4.25. Le plan projectif P2 (R) n’est pas orientable. Plus gé-
néralement, les espaces projectifs P2k (R) ne sont pas orientables.
Démonstration. Rappelons que Pn (R) est l’ensemble des droites passant par
l’origine dans Rn+1 \ {0}. Une telle droite intersecte la sphére unité S n en
deux points antipodaux, on a ainsi une application lisse surjective
π : S n → Pn (R) ∼ S n /{σ}
qui permet de considérer Pn (R) comme le quotient de S n par le groupe à
deux éléments engendré par l’involution antipodale σ.
Soit ω une forme volume sur Pn (R) que l’on suppose orientable. Alors
π ∗ ω est une forme volume sur S n , donc π ∗ ω = f ωS n où ωS n désigne une
forme volume sur S n et f est une fonction lisse de signe constant.
Notons que σ ∗ ω = ω car π ◦ σ = π, tandis que σ ∗ ωS n = (−1)n+1 ωS n . On
en déduit, pour n pair, que f ◦ σ = −f , ce qui contredit que f est de signe
constant. C’est donc que les espaces P2k (R) ne sont pas orientables.
142 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

On représente un point du cercle unité S 1 par un angle θ ∈ [0, 2π[ (pas-


sage au quotient pour la relation d’équivalence θ ∼ θ + 2π). Le quotient du
tore produit S 1 × S 1 par le groupe à deux éléments engendré par l’involution

(θ, ϕ) 7→ (−θ, ϕ + π)

est une surface compacte non orientable appelée bouteille de Klein 7 .


Le plan projectif et la bouteille de Klein ne peuvent pas être réalisés
(plongés) dans R3 , puisque toute surface compacte de R3 est orientable. On
considère, à la place, des immersions pour les représenter dans R3 . Voici un
exemple pour la bouteille de Klein :

Et voici la surface de Boy, immersion du plan projectif P2 (R) dans R3 :

La surface de Boy peut être vue comme une sphère dont on a recollé deux
à deux les points antipodaux. On peut également la construire en recollant
le bord d’un disque sur le bord d’un ruban de Möbius.
Ces surfaces peuvent être plongées dans R4 (comme promis par le théo-
rème de Whitney). Vous vérifierez par exemple que l’application

(yz, zx, xy, x2 + 2y 2 + 3z 2 )


f : [x : y : z] ∈ P2 (R) 7→ ∈ R4
x2 + y 2 + z 2

est un plongement du plan projectif dans R4 .


7. Felix Christian Klein, mathématicien allemand (1849-1925). Il a énoncé le très in-
fluent programme d’Erlangen, qui ramène l’étude des différentes géométries à celle de leurs
groupes de symétrie respectifs.
3.5. VARIÉTÉS COMPLEXES ET GROUPES DE LIE 143

3.5 Variétés complexes et groupes de Lie


Nous considérons à présent deux grandes classes d’exemples de variétés
qui ont des propriétés remarquables.

3.5.1 Variétés complexes


Soit M une variété différentielle de dimension paire 2n. On identifie R2n à
Cn pour un choix de structure complexe. Un atlas (Ui , ϕi ) est alors constitué
d’ouverts Ui recouvrant M , et d’homéomorphismes

ϕi : Ui → Vi ⊂ Cn

à valeurs dans Cn .
Définition 3.5.1. On dit que l’atlas {(Ui , ϕi )} est holomorphe si les change-
ments de carte ϕi ◦ϕ−1
j sont des biholomorphismes, i.e. des difféomorphismes
holomorphes.
Une application f = (f1 , . . . , fn ) : U ⊂ Cn → Cn définie sur un ouvert U
de Cn est holomorphe si chacune de ses fonctions coordonnées fi : U → C
est une fonction holomorphe, i.e. vérifie les équations de Cauchy-Riemann
∂fi
= 0, 1 ≤ i, j ≤ n.
∂z j
Définition 3.5.2. Une variété complexe M de dimension complexe n =
dimC M est une variété topologique de dimension (réelle) 2n munie d’un
atlas holomorphe maximal.
Exemple 3.5.3. Les ouverts de Cn et les sous-variétés complexes de Cn
sont des exemples de variétés complexes.
Exemple 3.5.4. L’espace projectif complexe Pn (C), ensemble des droites
complexes de Cn+1 passant par l’origine, est une variété complexe compacte
de dimension complexe n :

Pn (C) = Cn+1 \ {0}/C∗ .

Lorsque n = 1, on obtient la sphère de Riemann 8 : P1 (C) ' S 2 .


Lemme 3.5.5. Toute variété complexe de dimension complexe n est une
variété différentielle réelle de dimension réelle 2n qui est orientable.
Démonstration. La preuve se résume à observer que les jacobiens réels des
changements de carte sont tous positifs : ce sont les modules au carré des
jacobiens complexes.

8. Georg Friedrich Bernhard Riemann, mathématicien allemand très influent (1826-


1866).
144 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Réciproquement, toute surface différentiable réelle orientable admet une


structure complexe (un atlas holomorphe maximal) : on parle alors de surface
de Riemann.

Surfaces de Riemann compactes


Toute l’analyse complexe se transporte au cas des surfaces de Riemann,
en pré/post-composant par les cartes locales. Les fonctions holomorphes f :
S → C vérifient par exemple le principe du maximum, il n’y a donc aucune
fonction holomorphe non constante si S est compacte :

Proposition 3.5.6. Soit f : S → S 0 une application holomorphe entre deux


surfaces de Riemann. Si S est compacte, alors
— soit f est constante,
— soit f est surjective et S 0 est également compacte.

Démonstration. Si f n’est pas constante, alors c’est une application ouverte


et f (S) est un ouvert de S 0 . Si S est compacte, il en va de même de f (S)
(image continue d’un compact), donc f (S) est à la fois non-vide, ouvert
et fermé dans S 0 qui est connexe, donc S 0 = f (S) est compacte et f est
surjective.

Les surfaces de Riemann compactes sont classifiées topologiquement par


leur genre (nombre de « trous ») ; leur classification à biholomorphisme près
fait l’objet de la théorie des espaces de module, un sujet de recherches ac-
tuelles. Nous indiquons à présent trois exemples fondamentaux.

Droite projective P1 (C)


La droite projective complexe P1 (C) est l’ensemble des droites complexes
de C2 passant par l’origine. Une telle droite a pour équation affine

{(w0 , w1 ) ∈ C2 , z0 w1 = z1 w0 }

où (z0 , z1 ) ∈ C2 \ {(0, 0)}. L’équation de la droite est inchangée si on rem-


place (z0 , z1 ) par (λz0 , λz1 ) avec λ ∈ C∗ . Réciproquement, (z0 , z1 ) et (z00 , z10 )
définissent la même droite si et seulement s’il existe λ ∈ C∗ tel que (z00 , z10 ) =
(λz0 , λz1 ). Ainsi
P1 (C) = C2 \ {(0, 0)}/ ∼
où (z0 , z1 ) ∼ (z00 , z10 ) s’il existe λ ∈ C∗ tel que (z00 , z10 ) = (λz0 , λz1 ). On note
[z0 : z1 ] la classe d’équivalence correspondante et on appelle coordonnées
homogènes les « coordonnées » (z0 , z1 ) d’un point [z0 : z1 ] ∈ P1 (C).

Proposition 3.5.7. P1 (C) est une surface de Riemann compacte simplement


connexe, homéomorphe à la sphère S 2 ' C.
3.5. VARIÉTÉS COMPLEXES ET GROUPES DE LIE 145

Démonstration. On obtient presque toutes les droites complexes passant par


l’origine en considérant les équations w1 = zw0 avec z ∈ C ; il s’agit des
droites pour lesquelles z0 6= 0, et il manque uniquement la droite d’équation
w0 = 0 qui correspond au point [0 : 1]. On note

U0 := {[z] ∈ P1 (C), z0 6= 0}.

Cet ouvert est isomorphe à C via l’application

φ0 : [z0 : z1 ] ∈ U0 7→ z = z1 /z0 ∈ C.

L’application réciproque est φ−1 1


0 : z ∈ C 7→ [1 : z] ∈ U0 ⊂ P . On définit de
1
même U1 := {[z] ∈ P (C), z1 6= 0}. Cet ouvert est isomorphe à C via

φ1 : [z0 : z1 ] ∈ U1 7→ z = z0 /z1 ∈ C

dont l’application réciproque est

φ−1 1
1 : z ∈ C 7→ [z : 1] ∈ U1 ⊂ P (C),

il contient toutes les droites passant par l’origine sauf celle d’équation w1 = 0.
L’ouvert d’intersection U0 ∩ U1 a pour image C∗ par φ0 et φ1 . On a ainsi
défini un atlas {(U0 , φ0 ), (U1 , φ1 )} de P1 (C) dont les changements de cartes
1
φ0 ◦ φ−1 ∗
1 : z ∈ C 7→ ∈ C∗
z
et φ1 ◦ φ−1 1
0 (z) = 1/z sont des biholomorphismes. Ainsi P (C) est une surface
de Riemann. Observons enfin que l’application

(z0 , z1 ) ∈ S 3 = {(z0 , z1 ) ∈ C2 , |z0 |2 + |z1 |2 = 1} 7→ [z0 : z1 ] ∈ P1 (C)

est continue et surjective, donc P1 (C) est compacte, et l’application

z ∈ C ∼ U0 7→ φ−1 1
0 (z) = [1 : z] ∈ P (C) = U0 ∪ {[0 : 1]} ' C ∪ {∞}

s’étend en un homéomorphisme de C sur P1 (C) en posant φ−1


0 (∞) = [0 : 1].
Il s’ensuit que P1 (C) ' S 2 est simplement connexe.

Tores complexes
Soit V un espace vectoriel réel de dimension finie n.

Définition 3.5.8. Un sous-groupe Γ ⊂ V est discret si, pour tout compact


K de V , l’ensemble K ∩ Γ est fini.

Le sous-groupe Zn de Rn est discret. Si on fixe une norme sur V , Γ est


discret si et seulement s’il ne contient qu’un nombre fini de vecteurs de norme
au plus 1. Nous vous laissons démontrer la caractérisation suivante.
146 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Proposition 3.5.9. Un sous-groupe {0} = 6 Γ ⊂ V est discret si et seulement


s’il existe r ∈ [1, n] ∩ N et des vecteurs e1 , . . . , er linéairement indépendants
sur R tels que
Γ = Ze1 + · · · + Zer .
L’entier r s’appelle le rang de Γ, c’est la dimension du sous-espace vec-
toriel de V engendré par Γ.
Définition 3.5.10. Un réseau est un sous-groupe discret de rang maximal,
i.e. égal à la dimension de V .
On munit l’espace quotient V /Γ de la topologie quotient : un ensemble
est ouvert si et seulement si son image réciproque par la projection canonique
π : V → V /Γ est un ouvert de V . La proposition précédente montre, lorsque
Γ est un réseau, que V /Γ est un compact homéomorphe à (S 1 )n .
On suppose à présent que V est un espace vectoriel complexe de dimen-
sion complexe N (sa dimension réelle est donc 2N ) et Γ est un réseau de
V (sous-groupe discret de rang 2N ). Le tore X = V /Γ est une variété com-
plexe compacte de dimension complexe N . Pour N = 1, on obtient donc une
surface de Riemann.
Proposition 3.5.11. Le tore X = C/Γ admet une structure complexe qui
en fait une surface de Riemann compacte non simplement connexe, homéo-
morphe à S 1 × S 1 .
Démonstration. On obtient une structure complexe en considérant la famille
de cartes fi : z ∈ Ui 7→ π(z) ∈ π(Ui ), où {Ui , i ∈ I} est un recouvrement de
V par des ouverts qui ne rencontrent aucun de leurs translatés (non nuls).
Les changements de carte sont des translations par des éléments de Γ,
ce sont bien des fonctions holomorphes là où elles sont définies. On obtient
ainsi une variété complexe compacte de dimension complexe N , en particulier
X = C/Γ est une surface de Riemann compacte homéomorphe à S 1 × S 1 .
Il existe donc de nombreux chemins lisses fermés que l’on ne peut pas
déformer sur un point, ils sont tous engendrés par les deux lacets correspon-
dants à chaque cercle S 1 .

Une fonction f : U → C est holomorphe si et seulement si f ◦ π :


π −1 (U ) → C est holomorphe et Γ-périodique. En particulier, f : X = C/Γ →
C est holomorphe si et seulement si f ◦ π : C → C est holomorphe et dou-
blement périodique, elle est donc constante.
Il existe par contre de nombreuses fonctions f : X → P1 méromorphes,
elles correspondent aux fonctions F : C → P1 méromorphe doublement
périodiques. Un exemple célèbre est la fonction P de Weierstrass que vous
étudierez dans les exercices.
La métrique euclidienne étant invariante par translation, elle passe au
quotient et définit sur X = C/Γ une métrique plate (courbure de Gauss
nulle) et une distance qui ressemble à la distance euclidienne.
3.5. VARIÉTÉS COMPLEXES ET GROUPES DE LIE 147

Surfaces de Riemann hyperboliques


Soit g ∈ N \ {0, 1}. Soit D ⊂ R2 le disque unité fermé et D1 , . . . Dg des
disques deux à deux disjoints contenus dans D,

Di = {(x, y) ∈ R2 | (x − ai )2 + (y − bi )2 ≤ ri2 }.

On considère

f : (x, y) ∈ R2 7→ (1 − [x2 + y 2 ])Πgi=1 (x − ai )2 + (y − bi )2 − ri2 ∈ R




et
S = {(x, y, z) ∈ R3 | z 2 = f (x, y)}.
C’est une sous-variété compacte et connexe de R3 qui n’est pas simplement
connexe : elle a g trous.
On peut montrer que M admet une structure de surface de Riemann
compacte et que son revêtement universel est le disque unité ∆, ce qui per-
met de réaliser S comme un quotient du disque unité par un sous-groupe
d’automorphismes de Aut(∆).

Les trois géométries


Le théorème d’uniformisation de Riemann affirme que :

Théorème 3.5.12. Soit Ω ⊂ P1 un domaine simplement connexe. Alors


— soit Ω = P1 ;
— soit Ω = P1 \ {a} est biholomorphe à C ;
— soit Ω est biholomorphe au disque unité.

Il y a donc trois types de domaines simplement connexes Ω sur la sphère


de Riemann. Chacun est muni d’une distance (sphérique, euclidienne, hyper-
bolique) invariante par le groupe Aut(Ω). Le théorème d’uniformisation se
généralise et montre que le revêtement universel de toute surface de Riemann
appartient à l’un des trois types ci-dessus.
Les surfaces de Riemann compactes sont classifiées, à difféomorphisme
près, par leur genre (nombre de trous). La classification à difféomorphisme
holomorphe près s’exprime en termes de la trichotomie déjà rencontrée :
— toute surface de Riemann de genre g = 0 est biholomorphe à la sphère
de Riemann P1 (C), c’est la seule surface de Riemann simplement
connexe ;
— une surface de Riemann de genre g = 1 est biholomorphe à un tore
complexe C/Z[τ ], où =(τ ) > 0 (on parle de courbe elliptique) ;
— les classes d’équivalence de surfaces de Riemann de genre g ≥ 2 sont
très nombreuses ; leur géométrie très riche fait l’objet de travaux ac-
tuels (en géométrie hyperbolique, géométrie algébrique, etc.).
148 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.5.2 Groupes de Lie


Définition 3.5.13. Un groupe de Lie est une variété G munie d’une struc-
ture de groupe différentielle, i.e. telle que les opérations de multiplication

(g1 , g2 ) ∈ G × G 7→ g1 · g2 ∈ G

et d’inversion
g ∈ G 7→ g −1 ∈ G
sont lisses.
Exemples 3.5.14.
1. Le groupe général linéaire GL(n, R) est l’ensemble des matrices réelles
2
inversibles de taille n. C’est un ouvert de M(n, R) ' Rn (image
réciproque de R∗ par l’application déterminant qui est lisse), donc une
variété réelle de dimension n2 . L’application (A, B) 7→ A · B est lisse
sur M(n, R) donc sur GL(n, R) également ; l’application A 7→ A−1
est lisse sur GL(n, R) puisque l’inverse s’exprime de façon lisse par
t ComA
A−1 =
det A
où ComA désigne la matrice des cofacteurs de A.
2. De façon analogue, le groupe GL(n, C) est un groupe de Lie qui est
2
une sous-variété réelle de R4n de dimension 4n2 ; c’est également une
variété complexe de dimension complexe n2 .
3. Le groupe orthogonal O(n, R) est le sous-groupe fermé de M(n, R)
défini par les conditions At A = Id. Vous vérifierez dans l’Exercice 75
que c’est une sous-variété réelle de M(n, R) de dimension n(n−1)2 .
4. Le groupe unitaire U (n, C) est le sous-groupe fermé de M(n, C) défini
par les conditions At A = Id. C’est une sous-variété réelle de dimen-
sion n2 (mais attention ce n’est pas une sous-variété complexe).
Dans la suite nous noterons K en lieu et place de R ou C, pour éviter
des répétitions inutiles.
Proposition 3.5.15. Un groupe de Lie est une variété orientable.
Démonstration. Soit G un groupe de Lie, on note e son élément neutre. On
choisit une n-forme linéaire η sur Te G non nulle. La translation à droite
de vecteur g, h ∈ G 7→ h + g ∈ G, est un difféomorphisme qui induit un
isomorphisme g ∗ : Tg G → Te G entre espaces tangents. La n-forme linéaire
g ∗ η est non nulle et fournit une orientation de Tg G.
Il s’ensuit que g 7→ g ∗ η est une n-forme différentielle sur G qui ne s’annule
nulle part et fournit donc une orientation de G. Notez que cette forme est
invariante par translation. C’est la généralisation du cas G = Rn muni de
η(x) = dx1 ∧ · · · ∧ dxn .
3.5. VARIÉTÉS COMPLEXES ET GROUPES DE LIE 149

Proposition 3.5.16. Le groupe spécial linéaire

SL(n, R) := {A ∈ M(n, R) | det A = 1}

des matrices carrées de taille n et de déterminant 1 est une sous-variété de


2
dimension n2 − 1 de Rn ' M(n, R). Son espace tangent en Id est

TId SL(n, R) = {H ∈ M(n, R) ; trH = 0}.

Démonstration. Le lecteur vérifiera dans l’exercice 68 que

det(A + H) = det A + tr tComA · H + o(H).




La forme linéaire DA det(H) = tr tComA · H est non nulle si et seulement




si la comatrice de A n’est pas nulle. Il s’ensuit que det est une submersion au
voisinage de chaque matrice A de rang ≥ n − 1, en particulier au voisinage
de A = Id. La Proposition 3.2.2 assure donc que SL(n, R) = det−1 det({Id})
est une hypersurface.

Décomposition polaire
Un résultat classique d’algèbre linéaire stipule que toute matrice inver-
sible A ∈ GL(n, R) se décompose de façon unique comme produit A = O · S
d’une matrice orthogonale O ∈ O(n, R) et d’une matrice symétrique définie
positive S ∈ Sym+ (n, R) : c’est sa décomposition polaire. Nous montrons ici
que cette décomposition est également très régulière :

Théorème 3.5.17. L’application

ψ : (O, S) ∈ O(n, R) × Sym+ (n, R) 7→ O · S ∈ GL(n, R)

est un difféomorphisme.

Démonstration. On décompose la preuve en deux temps.


Étape 1. Notons que l’ensemble Sym+ (n, R) des matrices symétriques dé-
finies positives est un ouvert de l’ensemble Sym(n, R) des matrices symé-
triques, qui est un sous-espace vectoriel (donc une sous-variété) de dimen-
2
sion n(n+1)
2 de M (n, R) ∼ Rn . L’espace tangent TS Sym+ (n, R) en un point
S ∈ Sym+ (n, R) s’identifie à Sym(n, R).
On commence par observer que l’application

φ : S ∈ Sym+ (n, R) 7→ S 2 ∈ Sym+ (n, R)

est un difféomorphisme. En effet, l’application φ est


• bien définie (le carré d’une matrice symétrique est symétrique) ;
• bijective comme on le voit en diagonalisant en base orthonormée ;
• lisse comme restriction de l’application lisse A 7→ A2 sur M (n, R) ;
150 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

• localement inversible car φ(S + H) = φ(S) + (HS + SH) + o(H) et


DS φ : H ∈ Sym(n, R) 7→ HS + SH ∈ Sym(n, R) est bijective.
Pour justifier ce dernier point, on peut observer que si {ei } désigne une base
de vecteurs propres de S associés aux valeurs propres λi > 0, la condition
HS + SH = 0 se traduit par SHei = −λHei , donc Hei = 0 pour tout i (les
valeurs propres de S sont toutes positives), d’où H = 0.

Étape 2. Si A = O · S avec O orthogonale et S symétrique définie positive, on


observe que t AA = S 2 = φ(S) donc S = φ−1 (t AA). Par ailleurs, pour toute
matrice inversible A ∈ GL(n, R), on vérifie que la matrice O = Aφ−1 (t AA)
est orthogonale. Ainsi ψ : (O, S) ∈ O(n, R)×Sym+ (n, R) 7→ O·S ∈ GL(n, R)
est lisse, bijective et d’inverse lisse ψ −1 : A 7→ (Aφ−1 (t AA), φ−1 (t AA)). Il
s’ensuit que ψ est un difféomorphisme.

Application exponentielle
Étant donnée A ∈ M(n, K), on pose

X Aj
exp A := .
j!
j≥0

Cette série converge normalement sur toute partie bornée de l’espace de


Banach M(n, K) muni d’une de ses normes. En effet, comme celles-ci sont
toutes équivalentes (dimension finie), on peut en choisir une qui est matri-
cielle, i.e. vérifie ||A · B|| ≤ ||A|| · ||B||. Il s’ensuit que ||Aj || ≤ ||A||j donc

X ||Aj || X ||A||j
≤ = exp ||A|| < +∞.
j! j!
j≥0 j≥0

Le théorème de Cayley 9 -Hamilton 10 assure que An s’exprime en fonction


des Aj , 0 ≤ j ≤ n − 1. L’exponentielle exp A est donc en fait un polynôme de
degré n − 1 en la matrice A. Attention cependant : les coefficients de ce poly-
nôme dépendent bien sûr de la matrice A ! Quelques propriétés importantes
de l’exponentielle de matrice sont rappelées dans l’exercice 77.

Sous groupes fermés de GL(n, K)


On commence par s’intéresser aux sous-groupes à un paramètre de GL(n; K),
i.e. aux morphismes continus du groupe additif R dans GL(n, K).

Proposition 3.5.18. Les sous-groupes à un paramètre de GL(n; K) sont les


t 7→ exp(tX), où X ∈ M(n, K).
9. Arthur Cayley (1821-1895), mathématicien anglais.
10. Sir William Rowan Hamilton (1805-1865), physicien irlandais.
3.5. VARIÉTÉS COMPLEXES ET GROUPES DE LIE 151

Démonstration. Soit ϕ : t ∈ R 7→ ϕ(t) ∈ GL(n, K) un sous-groupe à un


paramètre. Supposons ϕ différentiable. Comme ϕ(s + t) = ϕ(s) · ϕ(s), on
obtient ϕ(0) = Id, et pour tout t ∈ R,
ϕ0 (t) = ϕ(t) · ϕ0 (0).
Posons X = ϕ0 (0). Alors t 7→ exp(−tX)ϕ(t) est constante et vaut Id en
t = 0, donc ϕ(t) = exp(tX). Il reste à justifier que ϕ est différentiable. Soit
ρ : R → RR une fonction lisse à support compact concentré près de l’origine,
telle que R ρ = 1. La convolée ϕ ∗ ρ est une application lisse qui vérifie
Z Z
ϕ ∗ ρ(t) = ρ(t − s)ϕ(s)ds = ρ(s)ϕ(t − s)ds = A · ϕ(t)
R R
R
avec A = R ρ(s)ϕ(−s)ds. Comme ϕ est continue et ϕ(0) = Id, on en déduit
que A est inversible si le support de ρ est suffisamment proche de l’origine.
Il en résulte que ϕ(t) = A−1 ϕ ∗ ρ(t) est lisse.
Théorème 3.5.19. Soit G un sous-groupe fermé de GL(n, K). Alors G est
une sous-variété réelle de GL(n, K) dont l’espace tangent en Id est
G := {X ∈ M(n, K) ; exp(tX) ∈ G pour tout t ∈ R}.
Tout sous-groupe fermé de GL(n, K) est donc un groupe de Lie. C’est le
cas, plus généralement, de tout sous-groupe fermé d’un groupe de Lie.
Démonstration. L’ensemble
G := {X ∈ M(n, K) ; exp(tX) ∈ G ∀t ∈ R},
s’appelle l’algèbre de Lie du groupe G. C’est un sous-espace vectoriel de
M(n, K) qui est stable par le crochet de Lie (X, Y ) 7→ [X, Y ] := XY − Y X,
comme vous le vérifierez.
Le point clef de la démonstration est de montrer, lorsque G est fermé,
qu’il existe un voisinage V de la matrice nulle dans G et un voisinage W de
Id dans G, tels que l’application exponentielle réalise un homéomorphisme
entre V et W . C’est l’analogue du résultat démontré au chapitre précédent
dans le cas des surfaces plongées dans R3 .
Le théorème d’inversion locale assure que l’exponentielle réalise un dif-
féomorphisme entre un voisinage V 0 de 0 dans M(n, K) et un voisinage W 0
de Id dans GL(n, K), puisque nous avons calculé D0 exp = Id. On pose
V = V 0 ∩ G et W 0 = W ∩ G. On obtient bien ainsi des voisinages ouverts
de 0 et Id dans G et G. De plus, exp envoie bien G dans G donc V dans W .
La difficulté est de montrer le caractère surjectif de cette restriction. Nous
renvoyons le lecteur à [Warner, chapitre 3].
Exemple 3.5.20. Le groupe SO(n, R) est un sous-groupe fermé, c’est donc
2
une sous-variété de Rn . Son espace tangent en Id est l’ensemble des matrices
antisymétriques, comme le lecteur le vérifiera.
152 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.6 Classifications
Nous évoquons sans démonstration quelques résultats qui vous donneront
une petite idée de recherches récentes en topologie et géométrie différentielle.

3.6.1 Structures différentielles


Une question fondamentale en topologie différentielle est de classer toutes
les structures différentiables non difféomorphes existant sur un espace topo-
logique donné. S. Donaldson 11 a démontré en 1985 qu’il existe une infinité de
telles structures sur R4 . Celles qui ne sont pas difféomorphes à la structure
différentiable usuelle de R4 sont appelées structures différentiables exotiques.
Ce travail lui a valu la médaille Fields en 1986. Pour n 6= 4, il existe une
unique structure différentiable sur Rn , à difféomorphisme près.
J. Milnor a démontré en 1956 qu’il existe 28 structures différentiables
distinctes sur la sphère S 7 . Ces travaux lui ont valu la médaille Fields en 1962.
E. Brieskorn 12 a montré en 1966 que l’on peut retrouver ces 28 structures
en considérant l’intersection de la variété complexe
{z ∈ C5 ; z12 + z22 + z32 + z43 + z56k−1 = 0},
1 ≤ k ≤ 28, avec une petite sphère centrée à l’origine. Ces sphères sont
appelées sphères de Brieskorn.
C’est un problème encore ouvert aujourd’hui de déterminer le nombre de
structures différentiables de la sphère S 4 .
Le théorème de plongement de H. Whitney assure que toute variété dif-
férentielle de dimension n peut être plongée dans R2n . L’astuce que Whitney
inventa pour démontrer ce résultat en 1936 a joué un rôle important dans la
preuve de Smale de la conjecture de Poincaré en dimension n ≥ 5.

3.6.2 Topologie de basse dimension


Courbes
Comme nous l’avons entraperçu au chapitre 1, il existe une seule variété
compacte sans bord de dimension 1, c’est le cercle unité :
Théorème 3.6.1. Toute variété compacte connexe de dimension (réelle) 1
est difféomorphe au cercle S 1 .
On peut bien entendu se poser d’autres questions plus fines, en imposant
au difféomorphisme de préserver une métrique, etc. Nous renvoyons le lecteur
au chapitre 1, où il a été démontré que deux courbes planes sont globalement
isométriques si et seulement si elles ont même courbure. Un résultat similaire
a également été démontré pour les courbes gauches.
11. Sir Simon Kirwan Donaldson, mathématicien britannique (1957-).
12. Egbert Valentin Brieskorn (1936-2013), mathématicien allemand.
3.6. CLASSIFICATIONS 153

Surfaces

Théorème 3.6.2. Toute variété compacte connexe orientable de dimension


(réelle) 2 est difféomorphe
— soit à la sphère S 2 ,
— soit à un tore à g trous, où g = genre(X).

Rappelons qu’un tore à g trous peut être défini comme une somme
connexe de g copies d’un tore de révolution. Un tore à deux trous peut être
réalisé comme un épaississement de la lemniscate de Bernoulli. L’exercice 70
vous propose une construction d’un tore à g trous.
Les surfaces compactes non orientables sont difféomorphes à une somme
connexe de g copies de l’espace projectif P2 (R).
Il s’ensuit que toute surface compacte (connexe, sans bord) est donc
déterminée, à homéomorphisme (ou difféomorphisme) près, par deux infor-
mations : sa caractéristique d’Euler et son orientabilité.

Variétés de dimension trois

Théorème 3.6.3 (Perelman 2003). Toute variété compacte simplement connexe


(sans bord) de dimension trois est homéomorphe à la 3-sphère.

Cet énoncé fut proposé par H. Poincaré en 1904 et a fait l’objet de travaux
considérables tout au long du XXe siècle, où il fut connu sous le nom de
conjecture de Poincaré.
On peut plus généralement se demander si toute variété compacte de
dimension n qui est homotopiquement équivalente à la sphère unité est ho-
méomorphe à la sphère unité . Cet énoncé a été démontré
— en dimension n ≥ 5 par S. Smale 13 (médaille Fields en 1966) ;
— en dimension n = 4 par M. Freedman 14 (médaille Fields en 1986).
Le cas n = 3 a resisté très longtemps et suscité plusieurs preuves incor-
rectes. La preuve de Perelman 15 est un tour de force et une surprise : alors
que le problème relève de la topologie, la démonstration utilise une ma-
chinerie analytico-géométrique spectaculaire : l’étude du flot de Ricci, une
approche initiée par R. Hamilton 16 .
La médaille Fields a été décernée à Perelman (qui l’a refusée) en 2006
pour ses travaux, qui démontrent également la conjecture de géométrisation
de Thurston 17 (médaille Fields en 1982), ce qui achève la classification des
variétés de dimension trois.
13. Stephen Smale, mathématicien américain (1930-).
14. Michael Hartley Freedman, mathématicien américain (1951-).
15. Grigori Iakovlevitch Perelman, mathématicien russe (1966-).
16. Richard S. Hamilton, mathématicien américain (1943-).
17. William Paul Thurston, mathématicien américain (1946-2012).
154 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

3.6.3 Variétés complexes


Il est probablement illusoire de penser un jour classifier les variétés dif-
férentielles réelles de dimension quatre. Une approche raisonnable est d’im-
poser des conditions restrictives qui limitent le champ d’investigation.
On peut par exemple se limiter aux variétés qui admettent une structure
complexe. Toutes les surfaces réelles orientables admettent une telle struc-
ture, ce sont les surfaces de Riemann.
Les surfaces de Riemann (i.e. variétés complexes de dimension 1) com-
pactes sont classifiées, à difféomorphisme près, par leur genre. Il est plus na-
turel de les classifier à difféomorphisme holomorphe près (biholomorphisme).
On obtient alors, comme on l’a déjà partiellement indiqué :
— toute surface de Riemann de genre g = 0 est biholomorphe à P1 (C) ;
— une surface de Riemann de genre g = 1 est biholomorphe à un tore
complexe C/Z[τ ], où =(τ ) > 0 ;
— il y a de très nombreuses classes d’équivalences de surfaces de Rie-
mann de genre g ≥ 2, elles forment une variété complexe de dimension
3g − 3.
La classification des surfaces complexes compactes (i.e. les variétés dif-
férentielles réelles compactes de dimension quatre qui admettent une struc-
ture complexe) a été entreprise par les géomètres algébristes italiens au XIXe
siècle, puis complétée par les écoles russes (notamment O. Zariski 18 ) et ja-
ponaises (notamment K. Kodaira 19 , médaille Fields en 1954).
Une classe particulière de surfaces reste encore mystérieuse, ce sont les
« surfaces de la classe V II0 ». Elles occupent les recherches passionnées de
mathématiciens actuels.
En dimension (complexe) supérieure à trois, les choses se compliquent
et on se restreint parfois à considérer les variétés complexes compactes pro-
jectives, i.e. celles qui peuvent se plonger dans un espace projectif complexe
Pn (C). Ces variétés ont une structure plus riche et se situent au carrefour de
l’analyse (complexe), de la géométrie différentielle et de la géométrie algé-
brique, permettant un joyeux mélange des points de vue et des techniques.
La classification de ces variétés en dimension (complexe) trois a été un
tour de force du mathématicien japonais S. Mori 20 (médaille Fields en 1990).
L’extension de ces résultats en dimension plus grande fait l’objet de re-
cherches actuelles 21 , redoutables et passionnantes.

18. Oscar Zariski, mathématicien russe (1899-1986) très influent dans le domaine de la
géométrie algébrique.
19. Kunihiko Kodaira, mathématicien japonais (1915-1997), fondateur de l’école japo-
naise de géométrie algébrique.
20. Shigefumi Mori, mathématicien japonais (1951-).
21. Caucher Birkar, mathématicien iranien (1978-), a obtenu la médaille Fields en 2018
pour ses contributions sur ce sujet.
3.7. EXERCICES 155

3.7 Exercices
Plongements
Exercice 65. On considère l’application

f : (x, y) ∈ R2 \ {(0, 0)} 7→ (x2 − y 2 , 2xy) ∈ R2 \ {(0, 0)}.

Montrer que f est une application surjective qui est un difféomorphisme


local au voisinage de chacun des points de R2 \ {(0, 0)}, mais que ce n’est pas
un difféomorphisme global.

Exercice 66. Soit U ⊂ Rn et V ⊂ Rp deux ouverts, et soit f : U → V une


application lisse. On suppose que f est une immersion injective et propre.
Montrer que c’est un plongement.

Exercice 67.
1) Montrer que l’application

f : t ∈] − 1, +∞[7→ (t2 − 1, t(t2 − 1)) ∈ R2

est une immersion injective qui n’est pas un plongement.


2) Montrer que l’application

g : t ∈ R 7→ (t2 , t3 ) ∈ R2

est injective, propre, mais n’est pas un plongement.

Exercice 68.
1) Montrer que l’application déterminant
2
det : A ∈ Rn ' M(n, R) 7→ det A ∈ R

est telle que

det(A + H) = det A + tr tComA · H + o(H)




où ComA désigne la comatrice de A.


2) Vérifier que det est une submersion au voisinage de chaque matrice
A de rang ≥ n − 1, en particulier au voisinage de A = Id.
156 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Sous-variétés de Rn
Exercice 69. Soit M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d et g : Vp →
Rm−d une submersion définie dans un voisinage Vp de p ∈ M , telle que
Vp ∩ M = g −1 g{p}. Montrer que

Tp M = p + ker Dp g.

En déduire que Tp M est un sous-espace affine de dimension d.

Exercice 70. Soit g ∈ N∗ . Soit D ⊂ R2 le disque unité fermé et D1 , . . . Dg


des disques disjoints deux à deux, contenus dans D,

Di = {(x, y) ∈ R2 | (x − ai )2 + (y − bi )2 ≤ ri2 }.

On considère

f : (x, y) ∈ R2 7→ (1 − [x2 + y 2 ])Πgi=1 (x − ai )2 + (y − bi )2 − ri2 ∈ R.




1) Montrer que

M = {(x, y, z) ∈ R3 | z 2 = f (x, y)}

est une sous-variété compacte et connexe de R3 . Représentez-la.


2) Vérifier que M n’est pas simplement connexe. Combien a-t-elle de
trous ?

Exercice 71.
1) Soit S 2 la sphère unité. Montrer que l’application

f : (x, y, z) ∈ S 2 7→ (−x, −y, −z) ∈ S 2

est un difféomorphisme.
2) Montrer que le paraboloïde P = {(x, y, z) ∈ R3 | z = x2 + y 2 } est
difféomorphe à un plan.
3) On considère dans Rn × Rp la quadrique

Q = {(x, y) ∈ Rn × Rp ; ||x||2 − ||y||2 = 1}.

Montrer que Q est difféomorphe à S n−1 × Rp .

Exercice 72. On note S n la sphère unité de Rn+1 et on considère

f : x ∈ S n 7→ xn+1 ∈ R.

Montrer que les points critiques de f sont précisément les pôles Nord et Sud.
3.7. EXERCICES 157

Exercice 73. Soit L : Rn → R une application linéaire et


n
X
H = {x ∈ Rn , aij xi xj + L(x) = 1}
i,j=1

où A = (aij ) est une matrice symétrique inversible.


Montrer que H est soit vide, soit un cône, soit une sous-variété lisse de
dimension n − 1, difféomorphe à S k × Rn−1−k , où k est le nombre de valeurs
propres positives de A.

Exercice 74. Soit M ⊂ Rn une sous-variété, v ∈ Rn \ {0} et

f : x ∈ M 7→ hx, vi ∈ R.

Montrer que p ∈ M est un point critique de f si et seulement si v ∈ Np M .


Retrouver ainsi les résultats de l’exercice 72.

Exercice 75. Montrer que le groupe orthogonal

O(n, R) = {A ∈ M(n, R) | At A = Id}

et le groupe spécial orthogonal

SO(n, R) = {A ∈ M(n, R) | At A = Id et det A = 1}


2
sont des sous-variétés de Rn dont on précisera la dimension.

Exercice 76. Montrer que l’espace tangent à SO(n, R) en Id est l’espace


des matrices antisymétriques.

Exercice 77. Montrer que l’application A ∈ M(n, K) 7→ exp A ∈ M(n, K)


est une application différentiable telle que D0 exp = Id, qui vérifie :
1) exp(A + B) = exp A · exp B si AB = BA ;
2) exp(−A) = exp A−1 ;
3) exp(t A) =t exp A ;
4) det exp A = exp(trA) ;
5) exp M(n, C) = GL(n, C) ;
158 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Formes différentielles
Exercice 78. Soit X, Y et Z trois champs de vecteurs. Montrer l’identité
de Jacobi :
[X, [Y, Z]] + [Y, [X, Z]] + [Z, [Y, X]] = 0.

Exercice 79. On considère le champ de vecteurs X = ni=1 xi ∂x ∂


P
i
. Montrer
qu’un polynôme P ∈ R[x1 , . . . , xn ] est homogène de degré k si et seulement
si LX P = kP .

Exercice 80. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Le gradient d’une fonction


lisse f : S → R est une application lisse ∇f : p ∈ S → ∇f (p) ∈ Tp S ⊂ R3
telle que
h∇f (p), vip = Dfp (v)
pour tout v ∈ Tp (S).
1) Montrer que si E, F et G sont les coefficients de la première forme
fondamentale dans une paramétrisation ϕ : U ⊂ R2 → S, alors
fu G − fv F fv E − fu F
∇f = 2
ϕu + ϕv .
EG − F EG − F 2
2) On fixe p ∈ S tel que ∇f (p) 6= 0 et on laisse varier v dans le cercle
unité de Tp (S) (|v| = 1). Montrer que Dfp (v) est maximal si et seulement si
∇f
v= .
|∇f |

3) Si ∇f 6= 0 pour tout point de la courbe C = {q ∈ S | f (q) = c},


montrer que C est régulière et que ∇f est normal à C en tout point de C.

Exercice 81. Soit S ⊂ Rn une hypersurface et q ∈ Rn \ S. Montrer que

f : p ∈ S 7→ ||p − q|| ∈ R

est différentiable, et vérifier que p ∈ S est un point critique de f si et seule-


ment si la droite joignant p à q est normale à S au point p.

Exercice 82. Soit E un R-espace vectoriel de dimension n ∈ N∗ et 1 ≤ p ≤


n. On dit qu’une forme p-linéaire alternée ϕ : E p → R est décomposable s’il
existe des formes linéaires ϕ1 , . . . , ϕp telles que ϕ = ϕ1 ∧ · · · ∧ ϕp .
1) Montrer que toute forme n-linéaire alternée est décomposable.
2) Montrer que toute forme (n − 1)-linéaire alternée est décomposable.
3) Montrer que si α, β, γ et δ sont des formes linéaires indépendantes,
alors la 2-forme η = α ∧ β + γ ∧ δ est indécomposable.
3.7. EXERCICES 159

Exercice 83. Trouver une application φ : R → R lisse vérifiant φ(0) = 0 et


telle que la forme différentielle
2xy
ω(x, y) = dx + φ(x)dy
(1 + x2 )2

soit exacte sur R2 . On calculera les primitives de ω.

Exercice 84. Résoudre dans R3 l’équation dα = ω pour les 2-formes ω


suivantes :
1) dx1 ∧ dx2 ;
2) x2 dx2 ∧ dx3 ;
3) (x21 + x22 ) dx1 ∧ dx2 ;
4) cos x1 dx1 ∧ dx2 .

Exercice 85. Soit p, n ∈ N∗ avec 2p ≤ n. On considère

ω = dx1 ∧ dx2 + dx3 ∧ dx4 + · · · + dx2p−1 ∧ dx2p .

Montrer que ω p = p! dx1 ∧ · · · ∧ dx2p et ω p+1 = 0.

Exercice 86. Soit ω = f (x)dx1 ∧ · · · ∧ dxn une n-forme différentielle lisse


dans Rn . On pose Z x1
g(x) = f (t, x2 , . . . , xn )dt.
0

Montrer que ω = dα où α = g(x)dx2 ∧ · · · ∧ dxn .

Exercice 87. Soit f : x ∈ R3 7→ (x1 x2 , x2 x3 , x33 ) ∈ R3 . Calculer f ∗ ω lorsque


1) ω = x2 dx3 ;
2) ω = x1 dx1 ∧ dx3 ;
3) ω = x1 dx1 ∧ dx2 ∧ dx3 .

Exercice 88. On considère le changement de coordonnées sphériques

F (r, θ, ϕ) = (r cos ϕ cos θ, r cos ϕ sin θ, r sin ϕ).

Montrer que xdx + ydy + zdz = rdr.


160 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Exercice 89. On note Vn le volume de la boule unité de Rn , λ la mesure de


R +∞
Lebesgue, et Γ(s) = 0 ts−1 e−t dt pour s > 0.
2
1) Montrer que Rn e−||x|| dλ(x) = π n/2 .
R

2) En utilisant l’homogénéité de la fonction volume, montrer que


Z 1
π n/2
Z
2
e−||x|| dλ(x) = Vn (− ln t)n/2 dt et Vn = .
Rn 0 Γ(n/2 + 1)

3) Montrer par récurrence que Vn = π k /k! si n = 2k et

2k+1 π k
Vn = si n = 2k + 1.
1 · 3 · 5 · · · (2k + 1)

Exercice 90. Montrer que la 2-forme différentielle


dx ∧ dy
η(x, y) =
π[1 + x2 + y 2 ]2

définit sur R2 une mesure de probabilité qui s’étend en une forme volume
lisse sur la sphère S 2 .

Variétés abstraites
Exercice 91. On considère M = R muni des deux atlas à une seule carte
(R, ϕ1 ) et (R, ϕ2 ) où

ϕ1 : x ∈ R 7→ x ∈ R et ϕ2 : x ∈ R 7→ x3 ∈ R.

1) Montrer que ces deux atlas ne sont pas compatibles.


2) Montrer que les deux structures différentiables correspondantes sont
difféomorphes.

Exercice 92. Soit M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d. Montrer que


M admet une structure différentiable (autrement dit que les sous-variétés de
Rn sont bien des variétés « abstraites »).

Exercice 93. On note M = R/Z le quotient de R par la relation d’équiva-


lence
x0 ∼ x ⇐⇒ ∃k ∈ Z, x0 = x + k.

1) Définir un atlas différentiel sur M .


2) Montrer que la fonction F : x ∈ R 7→ 2x ∈ R induit une application
lisse f : M → M telle que f ◦ π = π ◦ F , où π : R → M désigne la projection.
3.7. EXERCICES 161

Exercice 94.
1) Montrer que le produit de deux variétés différentiables est une variété
différentiable, de dimension la somme des dimensions.
2) Montrer que le tore Rn /Zn admet une structure différentiable qui en
fait une variété différentielle compacte, difféomorphe à (S 1 )n = S 1 ×· · ·×S 1 .

Exercice 95. Soit P ∈ R[x0 , . . . , xn ] un polynôme homogène tel que Dx P 6=


0 si x 6= 0. Montrer que

HP = {[x] ∈ Pn (R) | P (x) = 0}

est une hypersurface de Pn (R).

Exercice 96. Montrer que P1 (R) est difféomorphe à S 1 .

Exercice 97.
1) Montrer que P2 (R), l’ensemble des droites de R3 qui passent par l’ori-
gine, admet une structure de variété réelle compacte de dimension deux.
2) Montrer que l’application

(yz, zx, xy, x2 + 2y 2 + 3z 2 )


f : [x : y : z] ∈ P2 (R) 7→ ∈ R4
x2 + y 2 + z 2

est un plongement du plan projectif dans R4 .

Exercice 98 (Homographies). On identifie P1 (C) avec C ∪ {∞}. Une ho-


mographie est une fraction rationnelle de degré 1,
 
az + b a b
z 7→ fA (z) = où A = ∈ GL(2, C).
cz + d c d

1) Montrer que les homographies forment un sous-groupe Hom du groupe


des homéomorphismes de C et que A ∈ (GL(2, C), ·) 7→ fA ∈ (Hom, ◦) est
un morphisme surjectif de groupes dont on calculera le noyau.
2) Montrer que Hom agit de façon 3-transitive sur C.
3) Montrer que Hom est engendré par les transformations affines et par
l’inversion z 7→ 1/z.
4) Montrer que Hom préserve la famille des quasi-cercles (cercles et
droites).
162 CHAPITRE 3. VARIÉTÉS

Exercice 99. Étant donnés deux grands cercles C1 , C2 ⊂ S 2 = C, montrer


qu’il existe une unique homographie f telle que f (C1 ) = C2 .

Exercice 100. Soit D ⊂ C le disque unité. Montrer que le groupe des biho-
lomorphismes de D est
 
iθ z − a
Aut(D) = z 7→ e ; a ∈ D and θ ∈ [0, 2π] ' D × S 1 .
1 − az

Exercice 101. Soit p ≥ 3. On se donne ω1 , ω2 ∈ C∗ deux nombres complexes


linéairement indépendants sur R.
1) Montrer que
X 1
z 7→ f (z) =
[z − (jω1 + kω2 )]p
j,k∈Z

définit une fonction méromorphe doublement périodique dont le groupe des


périodes est le réseau Λ = Zω1 + Zω2 .
2) Montrer que f induit une application holomorphe f : X = C/Λ → P1 .

Exercice 102. Soit Γ un réseau de C et X = C/Γ. On suppose qu’il existe


a ∈ C∗ tel que aΓ ⊂ Γ.
1) Montrer que z 7→ az induit une application holomorphe f : X → X.
2) Donner des exemples de tels a pour Γ = Z[i] et Γ = Z[j], où j = e2iπ/3 .
Chapitre 4

Corrections des exercices

4.1 Courbes
Courbes planes
Exercice 1. Soit ϕ : R → R2 une application lisse avec ϕ(0) = (0, 0), dont
l’image Γ est incluse dans la cubique cuspidale

C := (x, y) ∈ R2 / y 2 = x3 .


Montrer qu’on a nécessairement ϕ0 (0) = (0, 0).


Les coordonnées de ϕ(t) = (x(t), y(t)) doivent vérifier y(t)2 = x(t)3 . Un dévelop-
pement limité à l’ordre 2 fournit [y 0 (0)]2 t2 + o(t2 ) = o(t2 ), donc y 0 (0) = 0. En
poussant à l’ordre 3 on obtient o(t3 ) = [x0 (0)]3 t3 + o(t3 ), d’où x0 (0) = 0. 

Exercice 2. Soit Γ une conique du plan R2 et A ∈ Γ. La droite D(t) de pente


t passant par A rencontre en général la conique Γ en un deuxième point noté
Mt de coordonnées (x(t), y(t)).
1) Montrer que l’application t 7→ ϕ(t) = (x(t), y(t)) ∈ R2 paramètre
Γ \ {1pt} par des fractions rationnelles.
2) Donner un paramétrage du cercle x2 + y 2 = 1 (privé d’un point) par
des fractions rationnelles.
1) Rappelons qu’une conique est le lieu géométrique d’annulation d’un polynôme de
degré deux en deux variables, Γ = {(x, y) ∈ R2 / P (x, y) = 0} avec P polynôme de
degré deux. Quitte à translater, on peut supposer que A = (0, 0), ce qui revient à
dire que le terme constant de P est nul, i.e. P (x, y) = ax2 + bxy + cy 2 + dx + ey.
La droite D(t) = R(1, t) = {(λ, λt), λ ∈ R} rencontre Γ lorsque P (λ, λt) = 0, ce qui
correspond à λ = 0 ou, lorsque a + bt + ct2 6= 0,

d+e·t
λ = λ(t) := − .
a + bt + ct2

163
164 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

On obtient donc une paramétrisation ϕ(t) = (λ(t), tλ(t)) (d’une portion) de Γ par
des fractions rationnelles. Tel qu’on s’y est pris, il manque en général le point
d’intersection de Γ avec l’axe des ordonnées (pente infinie).
2) Dans le cas du cercle unité {x2 + (y − 1)2 = 1} centré en (0, 1) de sorte que
l’origine A = (0, 0) appartienne au cercle, on obtient
2t2
 
2t
ϕ(t) = , .
1 + t2 1 + t2
Le cercle unité S 1 
centré à l’origine
 s’obtient par translation ; on obtient la
2t t2 −1
paramétrisation ψ(t) = 1+t 2 , 1+t2 qui couvre S 1 privé du point (0, 1). 

Exercice 3. Soit a, b > 0. Déterminer le lieu géométrique défini par la


paramétrisation
1 − t2
 
2t
ϕ : t ∈ R 7→ a ,b ∈ R2 .
1 + t2 1 + t2
On observe que la courbe ϕ(R) est incluse dans l’ellipse
E := {(x, y) ∈ R2 / (x/a)2 + (y/b)2 = 1}.

Réciproquement, on vérifie que tout point de cette ellipse (sauf le point (−a, 0) est
atteint par la paramétrisation, donc ϕ(R) = E \ (−a, 0). 

Exercice 4.
1) Soit ϕ : t ∈]0, +∞[7→ (t2 , t3 ) ∈ R2 . Montrer que la longueur d’arc
comptée à partir du point (0, 0) est la fonction algébrique
1 8
`(t) = (4 + 9t2 )3/2 − .
27 27
2) Savez-vous calculer le périmètre d’une ellipse ? Et son aire ?
1) La longueur est la moyenne du vecteur vitesse, il vient
Z T Z T p
[4 + 9t2 ]3/2 − 8
`(T ) = ||ϕ0 (t)|| dt = t 4 + 9t2 dt = .
0 0 27
Il est très rare que la longueur d’une courbe soit une fonction algébrique du para-
mètre.
2) On peut paramétrer (après une translation) une ellipse par ϕ(t) = (a cos t, b sin t),
où a, b > 0. Son périmètre est donc
Z 2π p
`(E) = a2 sin2 t + b2 cos2 tdt.
0

Il s’agit d’une intégrale elliptique, elle ne s’exprime pas simplement à l’aide des
par E. C’est le
fonctions « classiques ». On peut par contre calculer l’aire entouréep
double de l’aire située sous le graphe de la fonction y = f (x) = b 1 − (x/a)2 . Il
vient donc Z +a p
Aire(E) = 2 b 1 − (x/a)2 dx = πab
−a
en utilisant le changement de variable x = a sin t. 
4.1. COURBES 165

Exercice 5. Donner une paramétrisation de la cubique nodale

Γ = {(x, y) ∈ R2 / y 2 = x3 + x2 }.

Tracer son graphe et calculer sa courbure.


La courbe est donnée par une équation cartésienne, on en cherche une paramétri-
sation. Cette courbe passe par l’origine avec multiplicité deux, une droite passant
par l’origine intersectera Γ en un « troisième point » (car Γ est de degré trois).
Pour t ∈ R, on considère donc l’intersection de la droite d’équation y = tx avec
Γ. Les coordonnées du point d’intersection ϕ(t) = (x(t), y(t)) différent de l’origine
vérifient y(t) = tx(t) et x(t)3 + x(t)2 − t2 x(t)2 = 0, d’où

ϕ(t) = (t2 − 1, t3 − t).

Pour étudier Γ, il faut s’intéresser aux quantités suivantes :


• Points singuliers. On calcule x0 (t) = 2t et y 0 (t) = 3t2 − 1. Un point est dit
singulier lorsque la différentielle de ϕ s’annule, i.e. lorsque x0 (t) = y 0 (t) = 0. On
vérifie qu’il n’y en a aucun ici : la courbe est partout régulière. On dresse le tableau
des variations des fonctions coordonnées

x(−∞) = +∞ x(+∞) = +∞
& %
x(0) = −1

et
2/33/2 y(+∞) = +∞
% & %
y(−∞) = −∞ −2/33/2
Les dérivées s’annulent aux extrema, ce qui correspond à des tangentes horizontales
lorsque y 0 = 0 et verticales lorsque x0 = 0. Notez également que x(t) ≥ −1 pour
tout t, la courbe Γ va donc se situer à droite de la droite verticale (x = −1).
• Points doubles. On cherche à savoir si ϕ(s) = ϕ(t) pour deux valeurs dis-
tinctes s 6= t du paramètre. Ici, il vient x(s) = x(t) ⇒ t2 = s2 , donc soit s = t
(la solution évidente), soit s = −t. Dans ce dernier cas, la seconde identité y(s) =
y(t) = y(−t) implique t ∈ {0, ±1}. La seule paire solution non triviale est donc
{t, s} = {+1, −1}. Ainsi, l’origine (ϕ(1) = (0, 0) = ϕ(−1)) est un point double de
la courbe Γ : on doit voir sur le dessin que la courbe passe deux fois par l’origine.
• Symétries. Lorsque l’on change t en −t, x reste inchangé tandis que y(−t) =
−y(t). Cela signifie que Γ est invariante par la symétrie d’axe (Ox). C’est la seule
symétrie apparente.
• Courbure. La courbure κ se calcule par

x0 y 00 − x00 y 0 6t2 + 2
κ(t) = = .
[(x0 )2 + (y 0 )2 ]3/2 [4t2 + (3t2 − 1)2 ]3/2

Elle est strictement positive, la courbe est donc convexe (attention au sens de par-
cours).
• Branches infinies. On observe que kϕ(t)k → +∞ uniquement lorsque t →
−∞ et t → +∞. Dans ce cas, x(t) ' t2 et y(t) ' t3 , donc x(t)/y(t) → 0. La
166 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

courbe Γ n’admet pas d’asymptote, on dit qu’elle admet une branche asymptotique
de direction l’axe (Oy). On a en réalité une information bien plus précise : la courbe
Γ est asymptotiquement proche de la courbe x = y 2/3 .
Il ne reste plus qu’à tracer la courbe ! Pour cela, il faut déterminer les valeurs
de quelques points particuliers de ϕ(t) en considérant notamment (mais pas unique-
ment) les valeurs
√ spéciales du paramètre. Vous pouvez ici considérer par exemple
t = ±1, 0, ±1/ 3, ±2, 5, etc.

Exercice 6. Soit ϕ : I → R2 une courbe paramétrée telle que ||ϕ(t) − ϕ(s)||2


est une fonction lisse de |t − s|2 . Montrer que la courbe géométrique associée
est une portion de droite ou de cercle.
Il s’agit de montrer que la courbure κ est constante. Par hypothèse, il existe une
fonction lisse F telle que pour tout s, t ∈ I,

(†) [x(s) − x(t)]2 + [y(s) − y(t)]2 = F ([s − t]2 ).

On utilise un développement limité de x, y, F en s = t à l’ordre 2, il vient

ε2 00
x(s) = x(t) + εx0 (t) + x (t) + o(ε2 )
2
et on obtient une expression similaire pour y et F . On a posé ici s = t + ε. Notons
que le développement limité du terme F ([s − t]2 ) ne comporte pas de terme en ε3 ,

ε4 00
F ([s − t]2 ) = ε2 F 0 (0) + F (0) + o(ε4 )
2
et observons que F (0) = 0. En injectant dans l’équation (†) et en identifiant les
termes d’ordre 2,3 et 4, on obtient

(x0 )2 + (y 0 )2 = cste, x0 x00 + y 0 y 00 = 0 et (x00 )2 + (y 00 )2 = cste.


4.1. COURBES 167

En dérivant cette dernière égalité, on obtient de plus x00 x000 + y 00 y 000 = 0. Couplée à
l’égalité x0 x00 + y 0 y 00 = 0, on en déduit
x0 y 000 = y 0 x000 .
Finalement rappelons que la courbure est donnée en coordonnées cartésiennes
par
x0 y 00 − x00 y 0
κ= .
[(x0 )2 + (y 0 )2 ]3/2
Le dénominateur est constant d’après ce que l’on a observé. La dérivée du numéra-
teur est égale à x0 y 000 − x000 y 0 = 0, donc κ0 = 0, i.e. κ est constante. 

Exercice 7. Étudier, tracer et calculer la courbure de la tractrice


 
t
ϕ : t ∈]0, π[7→ a sin t, cos t + ln tan ∈ R2 .
2
1) Vous devez mener à bien une étude de courbe paramétrée. On calcule
 
0 0 1
x (t) = a cos t et y (t) = a − sin t + .
sin t
On en déduit le tableau des variations de x, y. On observe notamment que ϕ(π/2) =
(a, 0) est le seul point singulier de la courbe (i.e. t = π/2 est la seule valeur de t
pour laquelle ϕ0 (t) est le vecteur nul).
Il faut également étudier la position de la courbe par rapport à sa tangente,
(le signe de) la courbure (voir question suivante), les branches infinies. L’axe des
ordonnées est une asymptote double à la courbe, lorsque t → 0+ et lorsque t → π − .
2) Pour calculer la courbure, on peut utiliser la formule
x0 y 00 − x00 y 0
κ= .
[(x0 )2 + (y 0 )2 ]3/2
Nous avons calculé x0 et y 0 à la question précédente, on en déduit
cos2 t
(x0 (t))2 + (y 0 (t))2 = a2 cos2 t + a2 (− sin t + 1/ sin t)2 = a2 .
sin2 t
On calcule de même x00 et y 00 , et on obtient
cos2 t
x0 (t)y 00 (t) − x00 (t)y 0 (t) = −a2 .
sin2 t
La courbure est donc κ(t) = −| tan t|/a.
3) Il reste à tracer la courbe (avec une légère distorsion) :
168 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 8. La développée d’une courbe plane Γ de paramétrisation ϕ(t)


est le lieu de ses centres de courbure (i.e. le lieu des centres des cercles
osculateurs). Elle admet la paramétrisation

1
ψ(t) = ϕ(t) + N (t)
κ(t)

où N (t) est le vecteur normal unitaire à Γ en ϕ(t).


1) Montrer que la tangente en ψ(t) à la développée est portée par la
normale en ϕ(t) à Γ.
2) Montrer que la développée de la parabole d’équation y = ax2 est la
courbe d’équation 27x2 = 16a(y − 1/2a)3 .
1) Rappelons que

x0 y 00 − x00 y 0 1
κ(t) = et N (t) = (−y 0 , x0 ).
[(x0 )2 + (y 0 )2 ]3/2 [(x0 )2 + (y 0 )2 ]1/2

On en déduit l’expression de ψ(t) = (X(t), Y (t)) dans une telle paramétrisation,

(x0 )2 + (y 0 )2 0 (x0 )2 + (y 0 )2 0
X(t) = x − y et Y (t) = y + x.
x0 y 00 − x00 y 0 x0 y 00 − x00 y 0

Supposons ici que ϕ soit la paramétrisation par longueur d’arc. Alors le vecteur
tangent T (t) = ϕ0 (t) est unitaire, donc ϕ00 (t) = κ(t)N (t). Comme N (t) est unitaire,
le vecteur dérivé N 0 (t) est orthogonal à N (t), donc proportionnel à T (t). En dérivant
l’égalité hT (t), N (t)i = 0, on obtient que la constante de proportionnalité est −κ(t),
i.e. N 0 (t) = −κ(t)T (t). Ainsi

1 κ0 (t) κ0 (t)
ψ 0 (t) = ϕ0 (t) + N 0 (t) − N (t) = − N (t),
κ(t) κ(t)2 κ(t)2

la tangente en ψ(t) à la développée est donc bien portée par N (t).


2) Considérons la paramétrisation

ϕ(t) = (t, at2 ).

La formule obtenue dans la question 1) permet de calculer une paramétrisation de


la développée de cette parabole, on obtient (après calculs)
 
1
ψ(t) = −4a2 t3 , + 3at2 .
2a

Une équation algébrique de cette développée est

27 2
(Y − 1/2a)3 = X .
16a

4.1. COURBES 169

Exercice 9. Soit t 7→ D(t) une famille de droites du plan. On appelle enve-


loppe de cette famille une courbe Γ paramétrée t 7→ ϕ(t) telle que, pour tout
t, Γ est tangente à D(t) en ϕ(t).
1) On suppose que pour tout t, D(t) est la droite passant par le point
M (t) de vecteur unitaire directeur u(t). Montrer que si u0 ne s’annule pas,
alors la famille D(t) admet une enveloppe.
2) Que signifie le fait que u0 ≡ 0 ?
3) Calculer l’enveloppe de la famille de droites D(t) d’équations

3tX − 2Y − t3 = 0.

4) Soit Γ ⊂ R2 une courbe géométrique paramétrée par son abscisse cur-


viligne s 7→ ψ(s). Montrer que si ψ n’a pas de point d’inflexion, la famille de
ses normales possède une enveloppe (la développée de Γ).
1) On cherche ϕ(t) = M (t) + a(t)u(t) où a est une fonction inconnue. Pour que la
tangente à Γ en ϕ(t) soit donnée par M (t) + Ru(t), il est nécessaire que les vecteurs
ϕ0 (t) et u(t) soient colinéaires. On obtient donc

ϕ0 (t) = M 0 (t) + a(t)u0 (t) + a0 (t)u(t) = b(t)u(t).

Comme u est unitaire, les vecteurs u et u0 sont orthogonaux. On en déduit, si u0 6= 0,


que
hM 0 , u0 i
a(t) = − .
||u0 ||2
Réciproquement, on vérifie sans peine que la courbe définie par ϕ(t) = M (t) +
a(t)u(t) est l’enveloppe des droites D(t) pour ce choix de fonction a(t).
2) La fonction u0 est identiquement nulle ssi les droites D(t) sont toutes parallèles.
Il n’y a pas d’enveloppe dans ce cas, sauf si M (t) est constante également.
3) La droite d’équation cartésienne {3tx − 2y − t3 = 0} peut s’écrire M (t) + Ru(t)
avec M (t) = (0, −t3 ) et u(t) = [4 + 9t2 ]−1/2 (2, 3t). La formule obtenue dans la
question 1) conduit à

3t2 (4 + 9t2 )
ϕ(t) = (0, −t3 ) + (2, 3t).
4 + 81t2

4) Soit ϕ(t) = ψ(t) + κ−1 (t)N (t) la développée C de Γ (ensemble des centres
de courbure). On observe que ϕ0 (t) = −κ0 (t)κ−2 (t)N (t) puisque ψ 0 (t) = T (t) et
N 0 (t) = −κ(t)T (t). Les normales à Γ sont les droites ψ(t) + RN (t), la tangente à
C en ϕ(t) est

ϕ(t) + Rϕ0 (t) = ψ(t) + κ−1 (t)N (t) − Rκ0 (t)κ−2 (t)N (t) = ψ(t) + RN (t),

ce qui montre que la développée C est bien l’enveloppe des tangentes à Γ. 


170 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 10. Soit Γ une courbe plane fermée simple. On suppose que sa
courbure vérifie
0≤κ≤C
pour une constante C > 0. Montrer que


`(Γ) ≥ .
C

Le théorème de Jordan assure que Γ décompose R2 en deux parties connexes.


On note Ω l’intérieur de Γ, i.e. la composante connexe bornée de R2 \ Γ. L’inégalité
isopérimétrique donne
4πAire(Ω) ≤ `(Γ)2 .
Soit p ∈ Γ un point qui réalise le maximum de la courbure κ de Γ. Le cercle
osculateur de Γ en p est entièrement contenu dans Ω. Il est de rayon r = 1/κmax ≥
1/C. On en déduit que

`(Γ)2
πr2 = Aire(D(p, r)) ≤ Aire(Ω) ≤

d’où

`(Γ) ≥ 2πr ≥ .
C


Courbes gauches
Exercice 11. Soit Γ une courbe paramétrée par son abscisse curviligne ϕ :
I → R3 . Montrer que le plan osculateur à Γ en ϕ(s) est la limite lorsque
h, k → 0 du plan passant par les points ϕ(s), ϕ(s + h), ϕ(s + k).
Le plan passant par les points ϕ(s), ϕ(s+h), ϕ(s+k) a pour équation cartésienne

X − x(s) Y − y(s) Z − z(s)

det X − x(s + h) Y − y(s + h) Z − z(s + h) = 0.
X − x(s + k) Y − y(s + k) Z − z(s + k)

On effectue un développement limité de ϕ(s + h) à l’ordre 1 et de ϕ(s + k) à l’ordre


2, et on utilise le caractère 3-linéaire alterné du déterminant pour obtenir que cette
équation se réécrive

X − x(s) Y − y(s) Z − z(s)
det x (s) + o(1) y 0 (s) + o(1) z 0 (s) + o(1) = 0.
0
x00 (s) + o(1) y 00 (s) + o(1) z 00 (s) + o(1)

Lorsque h et k tendent vers zéro, on obtient ainsi l’équation du plan osculateur. 


4.1. COURBES 171

Exercice 12. Étudier la façon dont une homothétie transforme la courbure


et la torsion d’une courbe gauche.
Soit ϕ une paramétrisation par longueur d’arc d’une courbe gauche Γ, et soit ψ(s) =
λϕ(s) son image par une homothétie de rapport λ ∈ R∗ . Il vient

||ψ 0 ∧ ψ 00 || λ2 ||ϕ0 ∧ ϕ00 || κϕ


κψ = = = .
||ψ 0 ||3 |λ|3 ||ϕ0 ||3 |λ|
De même, la torsion s’obtient via

det(ψ 0 , ψ 00 , ψ 000 ) λ3 det(ϕ0 , ϕ00 , ϕ000 ) τϕ


τψ = 0 00 2
= 4 0 00 2
= .
||ψ ∧ ψ || λ ||ϕ ∧ ϕ || λ


Exercice 13. Calculer « l’appareil de Frenet », c’est-à-dire les vecteurs T, N


et B, la courbure κ et la torsion τ de la courbe paramétrée
p p
ϕ : t ∈ R 7→ ( 1 + t2 , t, ln(t + 1 + t2 )) ∈ R3 .

On calcule  
0 t 1
ϕ (t) = √ , 1, √ .
1 + t2 1 + t2

Ce vecteur est de norme constante
√ égale à 2, il s’agit donc d’un multiple constant
du vecteur unitaire tangent 2T (t) à la courbe. On obtient de même

T 0 (t) (1, 0, −t)


N (t) = = √
||T 0 (t)|| 1 + t2
et
1 p
B(t) = T (t) ∧ N (t) = √ √ (−t, 1 + t2 , −1).
2 1 + t2
1
La courbure est ainsi κ(t) = √
2[1+t2 ]
et la torsion s’obtient en dérivant N ,

1
τ (t) = hB, N 0 i = − √ .
2[1 + t2 ]


Exercice 14. Soit Γ ⊂ R3 une courbe gauche dont toutes les tangentes
passent par un même point. Montrer que Γ est une (portion de) droite.
Soit ϕ : I → Γ ⊂ R3 une paramétrisation de Γ. La tangente à Γ en ϕ(t) est

Dt := {ϕ(t) − λϕ0 (t) | λ ∈ R}.

Quitte à translater, on suppose que toutes ces tangentes passent par l’origine.
On en déduit que pour tout t ∈ I, il existe λ(t) ∈ R tel que

ϕ(t) = λ(t)ϕ0 (t).


172 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

On peut supposer que Γ est paramétrée à vitesse unité, il s’ensuit que t 7→


|λ(t)| = ||ϕ(t)|| est continue. Notons que λ n’est pas identiquement nulle sinon Γ
serait réduite à un point. On l’étudie sur un sous-intervalle J où elle ne s’annule
pas. Quitte à changer de sens de parcours, on peut donc supposer que λ > 0 sur
J ⊂ I. Soit g une primitive de 1/λ. L’équation différentielle vectorielle ϕ0 = ϕ/λ
se résout donc en
ϕ(t) = eg(t) ϕ(t0 ), où t0 ∈ J.
On en déduit que ϕ(J) ⊂ Rϕ(t0 ), i.e. Γ est une (portion de) droite. 

Exercice 15. Une hélice généralisée est une courbe gauche dont la tangente
fait un angle constant avec une direction fixe. Montrer qu’une courbe gauche
est une hélice généralisée si et seulement si le quotient de sa courbure par sa
torsion est constant.
Supposons que la courbe est paramétrée par sa longueur d’arc ϕ(s). Soit T (s) =
ϕ0 (s) le vecteur tangent unitaire. Supposons qu’il existe un vecteur fixe unitaire
V0 tel que hT (s), V0 i = cos θ est constant. En dérivant cette équation, on obtient
κ(s)hN (s), V0 i = 0. En dérivant à nouveau, il vient, d’après les formules de Frenet,

h−κ(s)T (s) + τ (s)B(s), V0 i = 0.

Comme V0 est orthogonal à N (s), il appartient au plan engendré par T (s) et B(s).
Puisqu’il est unitaire, on a hB(s), V0 i = ± sin θ, et l’équation précédente montre
donc que
κ(s)
= ± tan θ est constant.
τ (s)
Réciproquement, supposons que κ(s)/τ (s) = tan θ est constant et posons

V (s) := cos θT (s) + sin θB(s).

On obtient en dérivant V 0 (s) = (κ(s) cos θ − τ (s) sin θ)N (s) = 0, donc V (s) = V0
est un vecteur unitaire constant et la tangente T (s) fait un angle constant avec V0
puisque hT (s), V0 i = cos θ. 

Exercice 16. Soit Γ ⊂ R3 une courbe paramétrée de courbure constante


κ > 0 et de torsion constante τ ∈ R. Montrer (par une preuve directe) que
Γ est une hélice.
Soit ϕ une paramétrisation à vitesse 1 de la courbe. D’après l’exercice précédent,
le vecteur unitaire tangent ϕ0 (s) fait un angle constant avec une direction fixe que
l’on peut supposer égale à (0, 0, 1), i.e.

ϕ0 (s) = (x0 (s), y 0 (s), c) avec (x0 )2 + (y 0 )2 + c2 ≡ 1.

On peut réécrire cette identité sous la forme


 
a a b
ϕ0 (s) = √ sin θ(s), √ cos θ(s), √
a2 + b2 a2 + b2 a 2 + b2
4.1. COURBES 173

avec a, b ∈ R.
Comme ϕ00 = κN avec κ constante, on obtient que θ0 ≡ d est constant. Soit
d = 0, alors κ ≡ 0 et Γ est un segment de droite, soit d 6= 0 et on intègre pour
obtenir (après translation en s)
 
a a b
ϕ(s) = √ cos(ds), √ sin(ds), √ s ,
d a2 + b2 d a2 + b2 a2 + b2

ce qui est bien la paramétrisation d’une hélice (d’un cercle si b = 0). 

Exercice 17. Soit Γ ⊂ R3 une courbe paramétrée par la longueur d’arc


ϕ : I → R3 . On suppose qu’il existe s0 ∈ I tel que kϕ(s)k ≤ kϕ(s0 )k pour
tout s dans un voisinage de s0 . Montrer que

1
κ(s0 ) ≥ .
kϕ(s0 )k

On pourra étudier la fonction f (s) = kϕ(s)k2 .


On peut supposer sans perte de généralité que s0 = 0. En effectuant un déve-
loppement limité de ||ϕ(s)||2 en s = 0, il vient
||ϕ(0)||2 ≥ ||ϕ(s)||2 = ||ϕ(0) + sϕ0 (0) + s2 ϕ00 (0) + o(s2 )||2
= ||ϕ(0)||2 + 2shϕ(0), ϕ0 (0)i + s2 {||ϕ0 (0)||2 + hϕ(0), ϕ00 (0)i} + o(s2 ).

On en déduit que hϕ(0), ϕ0 (0)i = 0 et ||ϕ0 (0)||2 + hϕ(0), ϕ00 (0)i} ≤ 0. Or


ϕ est paramétrée par longueur d’arc, donc ||ϕ0 (0)|| = 1, ϕ00 (0) = κ(0)N (0), et
hϕ(0), ϕ00 (0)i = κ(0)||ϕ(0)|| cos θ ≤ −1 en notant θ l’angle entre ϕ(0) et ϕ00 (0). Il
vient ainsi
|hϕ(0), ϕ00 (0)i| 1
κ(0) = ≥
||ϕ(0)||| cos θ| ||ϕ(0)||
puisque | cos θ| ≤ 1. 

Exercice 18. Soit Γ une courbe gauche paramétrée par ϕ : I → R3 . Montrer


qu’il existe un unique cercle qui réalise un contact d’ordre trois (au moins)
avec Γ au point ϕ(t), qu’il est inclus dans le plan osculateur à Γ en ϕ(t), et
qu’il a pour rayon R = 1/κ(t) et pour centre le point ϕ(t) + κ−1 (t)N (t).
Les équations d’un cercle C dans R3 dépendent de 7 paramètres. On note (α, β, γ)
son centre, R son rayon et (u, v, w) les coordonnées d’un vecteur normal au plan
qui contient le cercle. Les équations de C sont alors

(X − α)2 + (Y − β)2 + (Z − γ)2 − R2 = 0



.
u(X − α) + v(Y − β) + w(Z − γ) = 0

Soit Γ une courbe gauche paramétrée par ϕ : t ∈ I 7→ (x(t), y(t), z(t)) ∈ R3 .


Le cercle C a un contact d’ordre trois avec Γ au point ϕ(t) si et seulement si les
174 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

équations suivantes sont satisfaites

(x − α)2 + (y − β)2 + (z − γ)2 − R2 = 0 (A)


x0 (x − α) + y 0 (y − β) + z 0 (z − γ) = 0 (B)
x00 (x − α) + y 00 (y − β) + z 00 (z − γ) + x02 + y 02 + z 02 = 0 (C)
u(x − α) + v(y − β) + w(z − γ) = 0 (D)
ux0 + vy 0 + wz 0 = 0 (E)
00 00 00
ux + vy + wz = 0 (F )

Les trois dernières équations montrent que le centre du cercle (α, β, γ) appartient
au plan osculateur, puisque

x−α y−β z−γ
x0 y0 z 0 = 0.

(G)
x00 y 00 z 00

Les équations (B), (C) et (G) forment un système linéaire de trois équations en
les trois inconnues x − α, y − β, z − γ. Pour le résoudre, il est commode de poser

A = (y 0 z 00 − z 0 y 00 ) , B = (z 0 x00 − x0 z 00 ) , C = (x0 y 00 − y 0 x00 ).

On obtient alors
x02 + y 02 + z 02
x − α = (Cy 0 − Bz 0 ) ,
A2 + B 2 + C 2

x02 + y 02 + z 02
y − β = (Az 0 − Cx0 ) ,
A2 + B 2 + C 2
et
x02 + y 02 + z 02
z − γ = (Bx0 − Ay 0 ) .
A2 + B 2 + C 2
Cela détermine les coordonnées du centre du cercle osculateur. On en déduit
facilement son rayon :

p (x02 + y 02 + z 02 )3/2
R= (x − α)2 + (y − β)2 + (z − γ)2 = √ .
A2 + B 2 + C 2

Observons que A, B et C sont les coordonnées du vecteur ϕ0 ∧ ϕ00 . Il s’ensuit


que le rayon du cercle osculateur est l’inverse de la courbure à Γ. On peut de même
exprimer les coordonnées du centre du cercle osculateur de façon vectorielle, il vient

kϕ0 k2
(α, β, γ) = ϕ− ϕ0 ∧ (ϕ0 ∧ ϕ00 )
kϕ0 ∧ ϕ00 k2
kϕ0 k2
−hϕ0 , ϕ00 iϕ0 + kϕ0 k2 ϕ00

= ϕ+ 0
kϕ ∧ ϕ00 k2
= ϕ(t) + κ−1 (t)N (t).


4.1. COURBES 175

Exercice 19. Soit t ∈ [a, b] 7→ X(t) ∈ R3 une fonction vectorielle lisse telle
que kX(t)k = 1 pour tout t. On suppose que les vecteurs {X(t), X 0 (t), X 00 (t)}
forment une base de R3 pour tout t, et on considère
Z t
ϕ : t ∈ [a, b] 7→ ϕ(t) = c X(s) ∧ X 0 (s)ds ∈ R3
a

où c ∈ R∗ . Montrer que la courbe géométrique Γϕ a une torsion constante


= 1/c (on pourra montrer que le vecteur binormal B(t) à Γ est proportionnel
à X(t)).
Nous allons (pour changer un peu) travailler dans la base orthogonale directe
X, X 0 , X ∧X 0 . Attention, cette base n’est pas orthonormée (le premier vecteur est de
norme 1, les deux autres de norme ||X 0 ||). On décompose X 00 = αX +βX 0 +γX ∧X 0
dans cette base, et on observe pour la suite que X et X 0 étant orthogonaux (puisque
X est unitaire), on a

(hX, X 0 i)0 = 0 =⇒ α = hX, X 00 i = −||X 0 ||2 .

Nous allons utiliser la formule


det(ϕ0 , ϕ00 , ϕ000 )
τ=
||ϕ0 ∧ ϕ00 ||2
pour calculer la torsion.
Il vient ϕ0 = cX ∧ X 0 et ϕ00 = cX ∧ X 00 = −cγX 0 + cβX ∧ X 0 . On en déduit
que ϕ0 ∧ ϕ00 = c2 γ||X 0 ||2 X, d’où ||ϕ0 ∧ ϕ00 ||2 = c4 γ 2 ||X 0 ||4 , et

det(ϕ0 , ϕ00 , ϕ000 ) = −c2 γ det(X ∧ X 0 , X 0 , ϕ000 ).

Il reste donc à calculer le coefficient hϕ000 , Xi de ϕ000 par rapport à X. Il vient

hϕ000 , Xi = h(−cγX 0 + cβX ∧ X 0 )0 , Xi = −cγhX 00 , Xi = −cγα = +cγ||X 0 ||2 .

On obtient ainsi det(ϕ0 , ϕ00 , ϕ000 ) = c3 γ 2 ||X 0 ||4 et τ = 1/c. 

Exercice 20. Soit ϕ : R → R3 définie par


2
 (t, 0, e−1/t ) si

t>0
ϕ(t) = (0, 0, 0) si t=0
 −1/t 2
(t, e , 0) si t < 0.

1) Montrer que ϕ est lisse et que Γ =pϕ(R) est régulière.


2) Montrer que κ(t) 6= 0 si t ∈
/ {0, ± 2/3} et vérifier que κ(0) = 0.
3) Montrer que le vecteur normal est discontinu en t = 0.
4) Montrer que τ ≡ 0 bien que Γ ne soit pas une courbe plane.
1) Pour montrer que les fonctions coordonnées sont lisses, on calcule les dérivées à
gauche et à droite de zéro à tout ordre, et on montre que celles-ci tendent vers zéro.
Cela implique, grâce au théorème des valeurs intermédiaires, que ces fonctions sont
lisses en zéro avec dérivées nulles à tout ordre. Ces fonctions (infiniment plates en
176 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

zéro) sont des exemples de fonctions lisses qui ne sont pas développables en séries
entières. Comme la première composante de ϕ0 (t) est 1, celui-ci ne s’annule jamais,
donc Γ = ϕ(R) est régulière .
2) On effectue les calculs pour t > 0, les autres valeurs s’en déduisent par symétrie
et prolongement. Il vient ϕ0 (t) = (1, 0, 2t−3 exp(−t−2 )) et ϕ00 (t) = (0, 0, 2t−6 (2 −
3t2 ) exp(−t−2 )), donc

κ(t) = 2|t|3 |2 − 3t2 | exp(+t−2 )


p
s’annule en t = 0, ± 2/3.
3) On calcule, pour t > 0, T (t) = ϕ0 (t)/||ϕ0 (t)|| puis

N (t) = [1 + 4t−6 exp(−t−2 )]1/2 −2t−3 exp(−t−2 ), 0, 1 .




Ainsi N (t) → (0, 0, 1) lorsque t → 0+ . Par symétrie, il vient N (t) → (0, 1, 0)


lorsque t → 0− .
4) Le vecteur binormal est égal à B(t) = (0, −1, 0) pour t > 0 et B(t) = (0, 0, 1)
pour t > 0. Il s’ensuit que la torsion est identique à zéro, bien que la courbe ne soit
pas plane. 

Exercice 21. Soit Γ une courbe régulière paramétrée par ϕ : I → R3 . Soit


π la projection orthogonale sur le plan osculateur à Γ en ϕ(t). Montrer que
la courbure en t de la courbe plane π ◦ ϕ(R) est égale à κ(t).
On peut supposer que Γ est paramétrée à vitesse 1. Rappelons que le plan os-
culateur à Γ en ϕ(t) est engendré par T (t) = ϕ0 (t) et N (t) = ϕ00 (t)/κ(t). Quitte
à translater et composer par une rotation, on peut travailler en un point t = 0 et
supposer que ϕ(0) = 0 et que T (0), N (0), B(0) est la base canonique.
On note ψ(t) = (x(t), y(t)) la projection orthogonale de ϕ(t) = (x(t), y(t), z(t))
sur le plan osculateur en t = 0. La courbure de π(Γ) en ψ(t) est

x0 y 00 − x00 y 0
κψ (t) = 3/2
.
[(x0 )2 + (y 0 )2 ]

Or T (0) = (1, 0, 0) et N (0) = (0, 1, 0), donc x0 (0) = 0, y 0 (0) = 0, x00 (0) = 0 et
y 00 (0) = κ(0). On en déduit que κψ (0) = κ(0). 

Exercice 22. Soit ϕ : s ∈ I → ϕ(s) ∈ R3 une courbe gauche Γ. On note


κ(s) et τ (s) la courbure et la torsion dont on suppose qu’elles ne s’annulent
pas. On note R = 1/κ et δ = 1/τ .
1) Montrer que si Γ est tracée sur une sphère, alors

R2 + (R0 )2 δ 2 ≡ constante.

On pourra supposer que la sphère est centrée à l’origine et dériver trois fois
l’identité ||ϕ(s)||2 ≡ constante.
4.1. COURBES 177

2) On suppose réciproquement que R2 + (R0 )2 δ 2 ≡ constante. Montrer


que ϕ(s) + R(s)N (s) − R0 (s)δ(s)B(s) est constant, et en déduire que Γ est
tracée sur une sphère.
1) Quitte à translater et reparamétrer, on peut supposer que ϕ évolue à vitesse 1 sur
une sphère centrée à l’origine. En décomposant ϕ dans la base de Frenet, il vient

ϕ(t) = b(t)N (t) + c(t)B(t).

Il n’y a pas de composante selon T (t) puisque ||ϕ(t)||2 = cst, donc hϕ, ϕ0 i ≡ 0. En
dérivant à nouveau cette relation d’orthogonalité, on obtient

hϕ, ϕ00 i + ||ϕ0 ||2 = 0 et hϕ, ϕ000 i + 3hϕ0 , ϕ00 i = hϕ, ϕ000 i = 0.

La première relation fournit b = −1/κ puisque ||ϕ0 || = 1 et ϕ00 = κN est orthogonal


à ϕ0 . Pour utiliser la seconde relation, on observe que ϕ000 = (κN )0 = −κT + κ0 N +
τ B, ainsi
bκ0 κ0
hϕ, ϕ000 i = bκ0 + cτ = 0 ⇒ c = − =+ .
τ κτ
On utilise enfin les identités ||ϕ||2 = cst et R0 = −κ0 /κ pour conclure à R2 +
(R0 )2 δ 2 ≡ cst.
2) On suppose à nouveau que ϕ est paramétrée par longueur d’arc et on pose
1 κ0
ψ(s) := ϕ(s) + R(s)N (s) − R0 (s)δ(s)B(s) = ϕ(s) + N (s) + 2 B(s).
κ κ τ
On dérive ψ pour obtenir
0 ( 0 )
κ0 κ0 κ0 κ0
 
0 1 τ
ψ = T − 2 N + {−κT + τ B} − 2 τ N + B= + B.
κ κ κ τ κ2 τ κ κ2 τ

On vérifie que cette quantité s’annule lorsque R2 + (R0 )2 δ 2 ≡ cst, ce qui montre que
ψ ≡ O est constante. Il s’ensuit que

||ϕ(s) − O||2 = ||ϕ(s) − ψ(s)||2 = ||RN + R0 δB||2 = R2 + (R0 )2 δ 2 = cst,

donc Γ est tracée sur une sphère centrée au point O. 

Isométries euclidiennes et propriétés globales


Exercice 23. Montrer que la composée de deux rotations (affines) du plan
est soit une translation, soit une rotation (affine).
Soit R1 (resp. R2 ) la rotation de centre z1 (resp. z2 ) et d’angle θ1 (resp. θ2 ).
L’action sur le plan complexe s’écrit en coordonnée Rj (z) = eiθj (z − zj ) + zj . On
en déduit
R1 ◦ R2 (z) = ei(θ1 +θ2 ) (z − z2 ) + eiθ1 (z2 − z1 ) + z1 .
On obtient une translation si θ2 = −θ1 mod [2π], sinon une rotation d’angle θ1 + θ2
et de centre w où
z1 + eiθ1 (z2 − z1 ) − ei(θ1 +θ2 ) z2
w= .
1 − ei(θ1 +θ2 )

178 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 24. On note O(n, R) l’ensemble des matrices orthogonales, et


SO(n, R) celles qui préservent l’orientation (i.e. de déterminant 1). Mon-
trer que :
1) O(n, R) est un groupe compact ;
2) SO(n, R) est un groupe connexe ;
3) SO(2, R) est commutatif, mais pas SO(n, R), n ≥ 3 ;
4) SO(n, R) agit transitivement sur la sphère S n−1 (n ≥ 2).
1) L’application Φ : M ∈ M (n, R) 7→ tM M ∈ M (n, R) est continue. O(n, R) =
2
Φ−1 (Id), image réciproque
p d’un singleton, est donc un fermé de M (n, R) ' Rn .
Soit N (M ) = Tr(tMM), c’est une norme euclidienne sur M (n, R) associée au
t
produit scalaire (N, M ) 7→ T r(√ N M ) . L’ensemble O(n, R) est inclus dans la boule
centrée à l’origine et de rayon n pour cette norme, c’est donc un ensemble borné.
2
Les compacts de Rn étant les fermés bornés, il s’ensuit que O(n, R) est compact.
2) Pour montrer que SO(n, R) est connexe, il suffit de relier une matrice arbitraire
A ∈ SO(n, R) à Id par un chemin continu de matrices dans SO(n, R). Il résulte
de la théorie de réduction des endomorphismes que A est semblable à une matrice
diagonale par blocs, avec des blocs de dimension 1 (ayant des 1 ou des −1 sur la
diagonale) et de dimension 2 de la forme
   
cos θ − sin θ − cos θ sin θ
Aθ = ou A0θ = .
sin θ cos θ sin θ cos θ

Le chemin s’obtient par exemple en considérant Atθ et A0tθ , 0 ≤ t ≤ 1 pour se


ramener à une matrice qui n’a que des 1 et des −1 (en nombre pair) sur la diagonale.
On traite ces derniers deux par deux en les considérant comme une matrice de
rotation d’angle π et en déformant continument l’angle sur zéro.
3) On vérifie aisément que l’application z = eiθ ∈ S 1 7→ A(z) = Aθ ∈ SO(2) est
un isomorphisme de groupes, il en résulte que SO(2, R) est commutatif. Notez par
contre que AB 6= BA pour
   
−1 0 0 1 0 0
A =  0 −1 0  et B =  0 0 1  .
0 0 1 0 −1 0

On montre de même que SO(n, R) n’est pas commutatif pour n ≥ 4.


4) Soit x, x0 ∈ S n−1 . On complète en deux bases orthonormées directes x1 =
x, x2 , . . . , xn et x01 = x0 , x02 , . . . , x0n . La matrice A de passage entre ces deux bases
appartient à SO(n, R). 

Exercice 25. Soit f : S 1 → S 1 une application et F un relevé de f . Montrer


que
[F (t + 2π) − F (t)]
∀t ∈ R, deg(f ) = .

Comme F est un relevé de f , il existe j = j(t) ∈ Z tel que F (t + 2π) =
F (t) + 2πj(t). L’application t ∈ R 7→ d(t) := [F (t+2π)−F

(t)]
∈ Z est continue, donc
d’image connexe, donc constante puisque Z est discret. Par définition, d(0) = deg f
donc d(t) ≡ deg f . 
4.1. COURBES 179

Exercice 26. Soit f : R 7→ R une fonction 2π-périodique et

g : t ∈ R 7→ g(t) = f (t) + t ∈ R.

Montrer que g induit une application G : S 1 → S 1 dont on calculera le degré.


Pour tout t ∈ R et k ∈ Z, on a g(t + 2kπ) = g(t) + 2kπ, donc g induit bien une
application G : S 1 → S 1 qui est de degré 1 puisque deg G = g(2π)−g(0)
2π = 1. 

Exercice 27. Soit f : S 1 → S 1 une application continue. Montrer que le


nombre P (f ) de points fixes de f vérifie

P (f ) ≥ | deg f − 1|.

On représente les points de z ∈ S 1 ⊂ C en notation complexe. Soit g : z ∈


S 7→ f (z)
1
z ∈ S 1 . On note F : R → R un relevé de f ; c’est une application lisse
telle que pour tout (θ, k) ∈ R × Z, il existe k 0 ∈ Z tel que F (θ + 2kπ) = F (θ) + 2k 0 π.
Observons que G : θ ∈ R 7→ F (θ) − θ ∈ R est un relevé de g puisque

G(θ + 2kπ) = F (θ + 2kπ) − (θ + 2kπ) = G(θ) + 2(k 0 − k)π.

Le degré de g est donc égal à G(2π)−G(0)


2π = deg f − 1.
Un point z ∈ S 1 est point fixe de f si et seulement s’il vérifie g(z) = 1. la
preuve de la proposition 1.5.6 montre que cette équation admet au moins | deg g|
solutions, il s’ensuit que P (f ) ≥ | deg f − 1|. 

Exercice 28. Soit f, g : S 1 → S 1 deux applications continues. Montrer que

deg(f ◦ g) = deg f · deg g.

En déduire que f a beaucoup de points périodiques si | deg f | ≥ 2.


Soit F : R → R (resp. G : R → R) un relevé de f (resp. g). On observe que
F ◦ G est une relevé de f ◦ g. Il résulte de l’exercice 25 que

F (G(2π)) = F (G(0) + 2π deg g) = F (G(0)) + 2π deg g deg f,

ainsi
F ◦ G(2π) − F ◦ G(0)
deg f ◦ g = = deg g · deg f.

On note f n = f ◦ · · · ◦ f (composée n fois). Il résulte de l’exercice précédent que
le nombre de points périodiques de f de période ≤ n (i.e. les solutions de f n (z) = z)
vérifie
]F ix(f n ) ≥ | deg(f n ) − 1| = |(deg f )n − 1| ≥ | deg f |n − 1.

Ainsi, ]F ix(f n ) croît exponentiellement vite avec n si | deg f | ≥ 2. 


180 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 29. Soit Γ ⊂ R2 une courbe plane. On appelle sommet de Γ un


point critique de la courbure de Γ.
i) Montrer que tout point d’un cercle est un sommet. Montrer qu’une
ellipse a quatre sommets.
ii) Montrer qu’une courbe fermée a toujours deux sommets, puis qu’une
courbe fermée simple convexe a au moins quatre sommets.
i) Le cas du cercle est clair puisque la courbure est constante. La courbure de
l’ellipse t 7→ ϕ(t) = (a cos t, b sin t) est

ab
κ(t) = 2 .
(a2 sin t + b2 cos2 t)3/2

Ses points critiques correspondent aux quatre points t = kπ/2, k ∈ {0, 1, 2, 3}, qui
sont bien les quatre « sommets » de l’ellipse.
ii) La courbure d’une courbe fermée admet toujours un minimum et un maxi-
mum par compacité, il y a donc au moins deux points critiques pour la courbure.
Supposons à présent la courbe Γ simple et convexe. On note ϕ une paramétrisa-
tion à vitesse 1 de Γ et L sa longueur. Supposons par l’absurde qu’il n’y a que deux
ou trois sommets p1 , p2 , p3 . Quitte à changer le sens de parcours, on peut supposer
que κ0 est positive entre p1 et p2 , puis négative entre p2 et p3 , et entre p3 et p1 .
On choisit un repère orthonormé (e1 , e2 ) tel que (p1 p2 ) = Re1 et p3 (s’il existe) se
trouve dans le demi-plan supérieur. Il résulte de la convexité de Γ que hϕ, e2 i < 0
entre p1 et p2 , tandis que hϕ, e2 i > 0 entre p2 et p1 .
On rappelle à présent que ϕ0 = T est le vecteur unitaire tangent à Γ, et que le
vecteur normal unitaire N = iT est reliè à T par la relation T 0 = κN . On intègre
par parties pour obtenir
Z L Z L Z L Z L
0 0
κ (t)ϕ(t)dt = − κ(t)ϕ (t)dt = +i κ(t)N (t)dt = T 0 (t)dt = 0,
0 0 0 0

puisque ϕ(0) = ϕ(L), ϕ0 (0) = ϕ0 (L) et κ(0) = κ(L). Il s’ensuit que


Z L Z p2 Z p1
0= κ0 (t)hϕ(t), e2 idt = κ0 (t)hϕ(t), e2 idt + κ0 (t)hϕ(t), e2 idt < 0,
0 p1 p2

ce qui fournit une contradiction. 


4.2. SURFACES 181

4.2 Surfaces
Premiers exemples
Exercice 30. On pose U = {(a, b) ∈ R2 / 0 < a < π, 0 < b < 2π} et

ϕ : (a, b) ∈ U 7→ (sin a cos b, sin a sin b, cos a) ∈ R3 .

1) Montrer que (ϕ, U ) est une paramétrisation régulière d’une partie de


la sphère unité S 2 . Laquelle ?
2) Donner une deuxième application (ψ, V ) de sorte que la réunion de
ces deux nappes recouvre complètement S 2 .
3) Est-il possible de couvrir la sphère unité à l’aide d’une seule nappe ?
1) On calcule ϕa = (cos a cos b, cos a sin b, − sin a) et ϕb = (− sin a sin b, sin a cos b, 0),
donc
ϕa ∧ ϕb = (sin2 a cos b, sin2 a sin b, sin a cos a).
Puisque ϕa ∧ ϕb ne s’annule jamais pour (a, b) ∈ (0, π) × (0, 2π), on en déduit que
ϕ est une paramétrisation régulière. On obtient ainsi tous les points de la sphère
unité, sauf ceux qui se trouvent sur le demi-cercle {(x, 0, z), x2 + z 2 = 1 et x ≥ 0}
(qui correspondent à b = 0).
2) On peut considérer la paramétrisation ψ définie sur (0, π) × (0, 2π) par ψ(a, b) =
ϕ(a, b − π). La réunion de ces deux nappes régulières couvre S 2 .
3) On ne peut pas couvrir S 2 par une seule nappe ϕ : U → S 2 car S 2 est compacte :
l’application ϕ−1 : S 2 → U est continue, donc son image U = ϕ−1 (S 2 ) devrait être
compacte. 

Exercice 31. Démontrer qu’une quadrique de R3 , c’est-à-dire le lieu d’an-


nulation d’un polynôme de degré deux en trois variables réelles, est conjuguée
par une isométrie de R3 à l’une des formes indiquées dans la section 2.1.2.
Soit Q = {(x, y, z) ∈ R3 , f (x, y, z) = 0}, où f est un polynôme de degré 2 en
(x, y, z). La classification se fait en discutant selon la signature de la forme qua-
dratique définie par la partie homogène de degré deux du polynôme f ,

fhom (x, y, z) = αx2 + βy 2 + γz 2 + δxy + εxz + ϕyz.

Pour une signature (3, 0), un changement affine de coordonnées permet de se


ramener à
x2 y2 z2
f (x, y, z) = 2 + 2 + 2 + κ
a b c
avec κ ∈ R : on commence par effectuer un changement de base orthonormée pour
réduire la forme quadratique et se ramener à

f (x, y, z) = (x/a)2 + (y/b)2 + (z/c)2 + dx + ey + f z + g,

puis la translation (x, y, z) 7→ (x+ad/2, y +be/2, z +cf /2) élimine la partie linéaire.
Si κ > 0, l’ensemble est vide ; si κ = 0, la quadrique est réduite à un point ; si κ < 0,
on obtient un ellipsoïde.
182 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Le cas de signature (0, 3) se déduit du précédent en changeant f en −f . Les


autres cas se traitent de façon similaire. Le cas de signature (2, 1) (ou (1, 2)) conduit
au cône elliptique et aux hyperboloïdes. Celui de signature (1, 1) conduit au parabo-
loïde et au cylindre hyperbolique, celui de signature (2, 0) conduit au paraboloïde et
au cylindre elliptique. Enfin, le cas de signature (1, 0) conduit au cylindre parabo-
lique. 

Exercice 32 (Conoïde de Plücker).


1) Pour quelles valeurs de (x, y) l’équation

z(x2 + y 2 ) = xy

définit-elle une surface régulière ?


2) Dessiner cette surface. Montrer que c’est une surface réglée.
1) Soit f (x, y, z) = z(x2 + y 2 ) − xy. La surface C = {f (x, y, z) = 0} est régulière
hors du lieu d’annulation du gradient ∇f = (2xz − y, 2yz − x, x2 + y 2 ), i.e. hors de
l’axe (Oz) = (x = y = 0).
Pour (x, y) 6= (0, 0), on peut également exprimer C comme le graphe de la
fonction lisse z = h(x, y), où h(x, y) = xy/(x2 + y 2 ). Il s’ensuit que C est lisse hors
de l’axe (0z). Les points de cet axe sont des points singuliers.
2) La surface est invariante par λ 7→ (λx, λy, z). On peut paramétrer C \ (Oz) par
 
t
(λ, t) ∈ R2 7→ ϕ(λ, t) = λ, λt, ∈ R3 .
1 + t2

La décomposition ϕ(λ, t) = λ(1, t, 0) + (0, 0, t/(1 + t2 )) montre que C est une surface
réglée.

En voici une représentation. 


4.2. SURFACES 183

Exercice 33. Soit 0 < r < R. On considère le tore T de révolution donné


par la paramétrisation
ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ ((r cos u + R) cos v, (r cos u + R) sin v, r sin u) ∈ R3 .
On considère la courbe gauche tracée sur T ,
γ : t ∈ R 7→ ϕ(at, bt) ∈ T .
1) Montrer que Γ = γ(R) est fermé ssi b/a ou a/b est rationnel.
2) Montrer que Γ est dense dans T ssi b/a est irrationnel.
1) La courbe γ(R) est fermée s’il existe une période non nulle T ∈ R∗ telle que
γ(T ) = γ(0). Cela signifie qu’il existe p, q ∈ Z tels que aT = 2πq et bT = 2πp, d’où
b/a ∈ Q ou a/b ∈ Q.
2) Supposons à présent a et b linéairement indépendants sur Q. Alors le groupe
2πaZ + 2πbZ est un sous-groupe additif dense de (R, +). Soit (x, y) ∈ R2 . On peut
donc trouver (pj , qj ) une suite de couples d’entiers relatifs tels que 2πpj b + 2πqj a →
bx − ay. Il vient donc
     
x − 2πpj bx − 2πpj b bx − 2πpj b − 2πqj a
γ = ϕ x − 2πpj , = ϕ x, → ϕ(x, y),
a a a
ce qui montre que γ(R) est dense dans ϕ(R2 ). 

Espaces tangents
Exercice 34 (Parapluie de Whitney). On considère la surface paramétrée
par
ϕ : (u, v) ∈ R2 7→ (uv, v, u2 ) ∈ R3 .
1) Montrer que la demi-droite (x = y = 0, z > 0) est une ligne de points
doubles et que l’origine est un point singulier.
2) Montrer que pour v 6= 0, le vecteur
N (u, v) = (−2u/v, 2u2 /v, 1)
est normal à la surface et n’admet pas de limite quand (u, v) tend vers (0, 0).

1) La demi-droite (x = y = 0, z > 0) est une ligne de points doubles car ϕ(± z, 0) =
(0, 0, z). Calculons une base de vecteurs tangents,
∂ϕ ∂ϕ
= (v, 0, 2u) et = (u, 1, 0).
∂u ∂v
Ce sont des vecteurs linéairement indépendants, sauf lorsque u = v = 0 : l’origine
est un point singulier et c’est le seul point singulier de cette surface.
2) On vérifie aisément que N · ∂ϕ ∂ϕ
∂u = N · ∂v = 0. Lorsque u et v tendent vers zéro,
N (u, v) n’admet pas de limite : si par exemple u = λv, où λ est un paramètre fixé
et v → 0, on obtient
N (u, v) = N (λv, v) = (−2λ, 2λ2 v, 1) → (−2λ, 0, 1).
Les plans tangents n’ont donc pas de limite au point singulier. 
184 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 35. On considère une fonction lisse f : R → R et la surface


régulière
S := {(x, y, z) ∈ R∗ × R2 / z = xf (y/x)}.
Montrer que tous les plans tangents à S contiennent l’origine (0, 0, 0).
La surface S est régulière, comme tout graphe d’une fonction lisse. Soit ϕ :
(x, y) ∈ R2 7→ (x, y, xf (y/x)) ∈ R3 ) une paramétrisation de S. Cela revient à dire
que les vecteurs
∂ϕ  y  ∂ϕ
= 1, 0, f (y/x) − f 0 (y/x) et = (0, 1, f 0 (y/x))
∂x x ∂y
sont linéairement indépendants.
On observe que tous les plans tangents à S contiennent l’origine (0, 0, 0). Faites
attention : le plan tangent Tp S à S en p ∈ S est le sous-espace affine de R3 de
dimension deux qui passe par p et qui est tangent à S, ce n’est pas (en général) un
sous-espace vectoriel. Il est donné par
 
∂ϕ ∂ϕ
Tp (S) = p + V ect , .
∂x ∂y
Il suffit donc d’observer que pour tout x, y ∈ R, on a
∂ϕ ∂ϕ
ϕ(x, y) − x (x, y) − y (x, y) = (0, 0, 0);
∂x ∂y
cela montre que l’origine appartient à chaque Tp S. 

Exercice 36. Soit S1 et S2 deux surfaces régulières de R3 qui s’intersectent


en un point p. On suppose que les plans tangents Tp S1 et Tp S2 sont distincts.
Montrer qu’au voisinage de p, l’intersection S1 ∩ S2 est une courbe dont la
tangente en p est l’intersection Tp S1 ∩ Tp S2 des deux plans tangents.
Choisissons un repère centré en p, dont le troisième vecteur n’appartient ni à Tp S1 ,
ni à Tp S2 . On peut alors exprimer localement S1 et S2 comme des graphes de
fonctions lisses au-dessus du plan (x0y),

z = fi (x, y) avec fi (0, 0) = 0.

L’intersection S1 ∩ S2 est ainsi définie comme l’image, par l’une des paramé-
trisations, de la courbe définie de façon implicite par l’équation

f (x, y) = f1 (x, y) − f2 (x, y) = 0.

Il suffit donc de vérifier que la différentielle de f en (0, 0) n’est pas nulle : l’ensemble

{(x, y) / f (x, y) = 0}

définira ainsi une courbe plane régulière et son image par la paramétrisation sera
une courbe gauche régulière traçée sur S1 et S2 . Or l’annulation de Df(0,0) se traduit
par
∂f1 ∂f2 ∂f1 ∂f2
(0, 0) = (0, 0) et (0, 0) = (0, 0),
∂x ∂x ∂y ∂y
4.2. SURFACES 185

ce qui signifie que les plans tangents Tp S1 et Tp S2 sont les mêmes.


Notons C la courbe régulière qui est l’intersection de S1 et S2 au voisinage de p.
Notons que la tangente D à C en p est contenue dans Tp (S1 ) puisque C est traçée sur
S1 . La droite D est, de même, contenue dans Tp S2 , c’est donc en fait Tp S1 ∩ Tp S2
puisque ces deux plans se coupent le long d’une droite. 

Exercice 37. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Montrer que si toutes les
droites normales à S sont concourantes, alors S est une portion de sphère.

Quitte à composer par une rotation, on peut supposer que S est (localement)
le graphe d’une fonction S = {z = f (x, y)}. Quitte à translater, on peut supposer
que les normales se rencontrent à l’origine. La normale à S en p est la droite
p + R(fx , fy , −1). Elle passe par l’origine ssi il existe λ = λ(x, y) ∈ R tel que
p = λ(fx , fy , −1), ce qui conduit aux équations

∂f ∂f
x = y , x = −f fx et y = −f fy .
∂y ∂x

On passe en coordonnées polaires F (r, θ) = f (r cos θ, r sin θ), ce qui donne

∂F ∂f ∂f
= −r sin θ (r cos θ, r sin θ) + r cos θ (r cos θ, r sin θ) = 0.
∂θ ∂x ∂y
p
Ainsi, f (x, y) ne dépend que de r = x2 + y 2 . De plus,

∂f 2 ∂f 2
= −2x et = −2y =⇒ f 2 (x, y) + (x2 + y 2 ) = cst,
∂x ∂y

donc z 2 + x2 + y 2 = cst, i.e. S est une portion de sphère. 

Exercice 38. Soit S ⊂ R3 une surface régulière et F : R3 → R une fonction


lisse définie dans R3 . Montrer que la différentielle de la restriction f de F à
S est la restriction de DF à l’espace tangent à S. Autrement dit, ∀p ∈ S,

Dfp = D(F|S )p = (DFp )|Tp (S) .

Il s’agit de dérouler la définition : soit ϕ : U ⊂ R2 → S une paramétrisation


régulière de S au voisinage de p = ϕ(m). Un vecteur tangent X ∈ Tp S est l’unique
image X = Dϕm (Y ) d’un vecteur Y ∈ R2 . La règle de dérivation des applications
composées donne D(F ◦ ϕ)m (Y ) = DFp (X). Or F ◦ ϕ = f ◦ ϕ et on a précisément
défini Dfp (X) := D(f ◦ ϕ)m (Y ). 
186 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Première forme fondamentale, orientabilité


Exercice 39. Expliciter les coefficients de la première forme fondamentale
du cylindre C, de la caténoïde C et de l’hélicoïde H définis par les paramé-
trisations suivantes :

C = {(R cos θ, R sin θ, s) ∈ R3 / (θ, s) ∈ R2 };

C := {(Ch u cos v, Ch u sin v, u) ∈ R3 / (u, v) ∈ R2 };


H := {(u cos v, u sin v, v) ∈ R3 / (u, v) ∈ R2 }.

Des calculs simples donnent :


1) E = R2 , F = 0, G = 1 (cylindre) ;
2) E = (Ch u)2 , F = 0, G = (Ch u)2 (caténoide) ;
3) E = 1, F = 0, G = 1 + u2 (hélicoide). 

Exercice 40. Soit N : S → S 2 l’application de Gauss d’une surface régulière


S ⊂ R3 . Décrire l’image N (S) dans les cas suivants :
1) S = {(x, y, z) ∈ R3 / (x/a)2 + y 2 + z 2 = 1}, a > 0 ;
2) S = {(x, y, z) ∈ R3 / z = 0} ;
3) S = {(x, y, z) ∈ R3 / z = x2 + y 2 } ;
4) S = {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 − z 2 = 1} ;
5) S = {(x, y, z) ∈ R3 / x2 + y 2 = (Ch z)2 }.
1) On peut utiliser une paramétrisation par coordonnées sphériques

ϕ(u, v) = (a cos u, sin u cos v, sin u sin v).

Le vecteur normal ϕu ∧ ϕv /||ϕu ∧ ϕv || vaut

(cos u, a sin u cos v, a sin u sin v)


N (ϕ(u, v)) = p .
cos2 u + a2 sin2 u
Comme a 6= 0, l’application
p
u ∈ [0, 2π] 7→ x(u) = cos u/ cos2 u + a2 sin2 u ∈ [−1, 1]

est surjective. On vérifie ensuite que, pour x(u) ∈ [−1, 1] fixé, l’ensemble des valeurs
prises par N (ϕ(u, v)) lorsque v décrit [0, 2π] est le cercle {y 2 + z 2 = 1 − x(u)2 }. On
a donc N (S) = S 2 .
2) La paramétrisation ϕ(x, y) = (x, y, 0) montre que N (S) = (0, 0, 1) est réduite à
un point.
3) La paramétrisation ϕ(x, y) = (x, y, x2 + y 2 ) donne

(2x, 2y, −1)


N (ϕ(x, y)) = p
1 + 4(x2 + y 2 )
4.2. SURFACES 187

dont l’image est la demi-sphère S 2 ∩ (z < 0).


4) La paramétrisation ϕ(u, v) = (cos u Ch v, sin u Ch v, Sh v) conduit à

(cos u Ch v, sin u Ch v, − Sh v)
N (ϕ(u, v)) = p .
1 + 2 Sh2 v

On obtient dans ce cas N (S) = {(x, y, z) ∈ S 2 , |z| < 1/ 2}.
5) La paramétrisation ϕ(θ, z) = (cos θ Ch z, sin θ Ch z, z) conduit à

(cos θ, sin θ, Sh v)
N (ϕ(u, v)) = ,
Ch z

d’où N (S) = S 2 \ {poles}. 

Exercice 41. Soit S une surface de révolution obtenue en faisant tourner


une courbe C autour de l’axe (Oz). On peut la paramétrer par

(s, θ) 7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s)).

On suppose que C est paramétrée par la longueur d’arc.


1) Montrer que les coefficients de la première forme fondamentale sont

E = 1, F = 0, G = f (s)2 .

2) Montrer que l’aire de S est


Z L
Aire(S) = 2π |f (s)|ds
0

où L désigne la longueur de C. En déduire que l’aire de la sphère unité S 2


est Aire(S 2 ) = 4π et retrouver l’aire du tore de révolution.
1) Il vient ϕs = (f 0 (s) cos θ, f 0 (s) sin θ, h0 (s)) et ϕθ = (−f (s) sin θ, f (s) cos θ, 0),
d’où
E = (f 0 )2 + (h0 )2 = 1, F = 0, et G = f (s)2 .

2) On en déduit que
Z 2π Z L p Z L
Aire(S) = 2
EG − F ds dθ = 2π |f (s)|ds.
0 0 0

On calcule l’aire de la sphère unité S 2 avec f (s) = sin s, 0 < s < π = L, et on


retrouve l’aire d’un tore de révolution avec f (s) = R + r cos(s/r), h(s) = r sin(s/r),
L = 2πr. 
188 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 42 (Surfaces tubulaires). Soit α : I → R3 la paramétrisation par


longueur d’arc d’une courbe gauche dont la courbure ne s’annule nulle part.
Soit (T, N, B) le repère de Frenet et

ϕ : (s, θ) ∈ I × R 7→ α(s) + ε[cos θN (s) + sin θB(s)]

où ε > 0 est une constante positive.


1) Montrer que le vecteur normal à la surface tubulaire est

N (s, θ) = −[cos θN (s) + sin θB(s)]

et en déduire que la surface tubulaire Sε = ϕ((0, `(Γ)) × (0, 2π)) est régulière
si ε > 0 est assez petit.
2) Calculer l’aire de la surface Sε .
1) On calcule
ϕs = T (s) + ε [cos θN 0 (s) + sin θB 0 (s)]
et
ϕθ = ε [− sin θN (s) + cos θB(s)] .
Les formules de Frénet donnent N 0 = κT + τ B et B 0 = −τ N. Par ailleurs,
T ∧ N = B ; T ∧ B = −B ∧ T = −N et N ∧ B = T, il vient donc

ϕs ∧ ϕθ = −ε [1 − κ(s)ε cos θ] [cos θN (s) + sin θB(s)] .

Ce vecteur n’est jamais nul si ε > 0 est assez petit, donc Sε est régulière.
2) L’aire de la surface Sε est donnée par
Z `(Γ) Z 2π
Aire(Sε ) = ||ϕs ∧ ϕθ ||ds ∧ dθ
0 0
Z `(Γ) Z 2π
= ε [1 − κ(s)ε cos θ] ds ∧ dθ
0 0
= 2πε`(Γ).

Exercice 43. Soit S1 , S2 ⊂ R3 deux surfaces régulières et f : S1 → S2 une


application surjective différentiable qui est un difféomorphisme local en tout
point.
Montrer que S2 est orientable si S1 l’est. En déduire que l’orientabilité
est préservée par les difféomorphismes.
Soit {Ui , i ∈ I} un recouvrement de S1 tel que les changements de cartes ont un
jacobien positif (choix d’une orientation de S1 qui est supposée orientable). On peut
diminuer la taille des Ui (et augmenter celle de I) en préservant cette propriété, et
donc supposer que f|Ui : Ui → f (Ui ) est un difféomorphisme.
4.2. SURFACES 189

Le recouvrement de S2 par les ouverts Vi = f (Ui ) est tel que les changements
de cartes sont encore à jacobien positif : cela résulte de ce que

Φ−1
Vi ◦ ΦVj = (f ◦ ΦUi )
−1
◦ (f ◦ ΦUj ) = Φ−1
Ui ◦ ΦUj .

Il s’ensuit que S2 est orientable.


Lorsque f est un difféomorphisme global, on peut renverser le raisonnement et
obtenir ainsi que S1 est orientable si et seulement si S2 l’est également. 

Exercice 44.
1) Montrer que le ruban de Möbius n’est pas une surface orientable.
2) Montrer que si une surface S a un ouvert difféomorphe au ruban de
Möbius, alors S n’est pas orientable.
1) Le ruban de Möbius M est la surface à bord connexe de R3 paramétrée par

ϕ(t, v) = ([1 + t cos v] cos(2v), [1 + t cos v] sin(2v), t sin v)

avec t ∈] − 1/2, 1/2[, v ∈ R et

∂M = {ϕ(1/2, v), v ∈ R} = {ϕ(−1/2, v), v ∈ R} ∼ S 1 .

Cette paramétrisation est 2π-périodique en v, avec de plus ϕ(t, π/2) = ϕ(−t, −π/2).
On calcule
ϕt = (cos v cos(2v), cos v sin(2v), sin v)
et

ϕv = (− sin v cos(2v)−2[1+t cos v] sin(2v), − sin v sin(2v)+2[1+t cos v] cos(2v), t cos v).

En particulier

ϕt (t, π/2) = (0, 0, 1), ϕv (t, π/2) = (1, −2, 0) et ϕt ∧ ϕv (t, π/2) = (2, 1, 0),

tandis que

ϕt (−t, −π/2) = (0, 0, −1), ϕv (−t, −π/2) = (−1, −2, 0)

et
ϕt ∧ ϕv (−t, −π/2) = (−2, 1, 0).
Il y a donc un changement discontinu de direction pour tout vecteur normal uni-
taire : si N : M → S 2 est une application normale unitaire continue, alors
ϕt ∧ ϕv
N =ε
||ϕt ∧ ϕv ||

avec ε surjective à valeurs continues dans {−1, +1}, contradiction.


2) Le même raisonnement produit une contradiction dès que S a un ouvert difféo-
morphe au ruban de Möbius. Il suffit de composer N avec le difféomorphisme si
celui-ci est conforme, sinon on peut se contenter du changement de signe. 
190 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Deuxième forme fondamentale


Exercice 45. Soit N : S → S 2 l’application de Gauss d’une surface régulière
S ⊂ R3 . Soit α : I → S une courbe paramétrée régulière qui ne contient aucun
point planaire, ni aucun point parabolique. Montrer que

N ◦ α : I → S2

définit une courbe régulière de la sphère unité S 2 .


Il résulte de la définition de l’opérateur de forme que
d(N ◦ α)
Fα(t) (α0 (t)) = −Dα0 (t) N (α(t)) = − (t).
dt
Comme α est régulière, le vecteur tangent α0 (t) est non nul pour tout t. On en
déduit que vecteur tangent (N ◦ α)0 (t) de la courbe N ◦ α ne s’annule pas si le noyau
de Fα(t) est réduit à zéro, i.e. si K(α(t)) 6= 0, i.e. si S ne contient aucun point
planaire ou parabolique. 

Exercice 46. Soit S ⊂ R3 une surface paramétrée.


1) Montrer que si l’opérateur Fp est nul pour tout p dans S, alors S est
incluse dans un plan.
2) Montrer que si S ⊂ R3 est une sphère, alors Fp est une homothétie
dont on calculera le rapport. Que pensez-vous de la réciproque ?
1) Soit ϕ une paramétrisation locale de S. La matrice de l’opérateur de forme dans
la base ϕx , ϕy de Tp S est donnée par Ip−1 · IIp , où Ip , IIp désignent les matrices
des deux premières formes fondamentales dans cette base. Comme Ip est définie
positive, Fp ≡ 0 si et seulement si IIp = 0, i.e. lorsque P = Q = R = 0. Or

∂x N = a11 ϕx + a21 ϕy et ∂y N = a12 ϕx + a22 ϕy

avec (cf. Proposition 2.4.1)


QF − P G RF − QG P F − QE QF − RE
a11 = , a12 = , a21 = et a22 = .
EG − F 2 EG − F 2 EG − F 2 EG − F 2
On en déduit que ∂x N = ∂y N = 0, i.e. N est constant, donc S est un morceau de
plan.
2) On peut supposer la sphère centrée à l’origine. Une paramétrisation d’un morceau
de Sr est  p 
ϕ : (x, y) ∈ Dr 7→ x, y, r2 − (x2 + y 2 ) ∈ R3 .
−x −y
Il vient ϕx = (1, 0, √ ), ϕy = (0, 1, √ ) et
r 2 −(x2 +y 2 ) r 2 −(x2 +y 2 )

ϕx ∧ ϕy 1 p  1
N (x, y) = = x, y, r2 − (x2 + y 2 ) = ϕ(x, y).
||ϕx ∧ ϕy || r r
Il s’ensuit que P = −h−∂x N, ϕx i = −E/r, Q = −F/r et R = −G/r, donc Fp est
une homothétie de rapport −1/r.
4.2. SURFACES 191

Réciproquement, si Fp = λId est une homothétie de rapport λ ∈ R∗ (le cas λ = 0


a été traité à la question 1)), alors IIp = λIp donc ∂x N = λϕx et ∂y N = λϕy ,
donc N − λϕ = w0 est un vecteur constant. Il s’ensuit que

||ϕ − w0 /λ|| = ||N/λ|| = |λ|−1 ,

donc S est un morceau de la sphère centrée en w0 /λ, de rayon |λ|−1 . 

Exercice 47. Soit t ∈ I 7→ γ(t) ∈ R3 une courbe Γ paramétrée. On considère


le cône C de sommet O ∈ / P s’appuyant sur Γ. En choisissant O comme
origine dans R3 , on peut paramétrer C par

(s, t) ∈ R × I 7→ ϕ(s, t) = sγ(t) ∈ R3 .

Montrer que le vecteur normal est indépendant de s. Quelle est la courbure


de Gauss en un point ϕ(s, t) du cône, avec s 6= 0 ?
Il vient ϕs = γ(t) et ϕt = sγ 0 (t). Cette paramétrisation est régulière lorsque γ(t)
et γ 0 (t) ne sont pas colinéaires. S’ils le sont tout le temps, c’est que Γ est une
droite. Dans ce cas, C est un plan et il faut utiliser une autre paramétrisation.
Nous laissons ce cas de côté ici et supposons que γ(t) ∧ γ 0 (t) 6= 0. On obtient alors
que
ϕs ∧ ϕt γ(t) ∧ γ 0 (t)
N= =
||ϕs ∧ ϕt || ||γ(t) ∧ γ 0 (t)||
est indépendant de s. Il vient ϕss = 0, donc P R = 0 tandis que ϕst = ϕ0 (t), donc

det(ϕst , ϕs , ϕt ) = det(γ 0 (t), γ(t), γ 0 (t)) = 0.

Ainsi Q = 0 et la courbure de Gauss est nulle K = 0. 

Exercice 48. Soit S = {(x, y, z) ∈ R3 , z = h(x, y)} le graphe d’une fonction


lisse. Montrer que la courbure de Gauss est donnée par la formule

hxx hyy − h2xy


K= .
[1 + h2x + h2y ]2

La paramétrisation ϕ(x, y) = (x, y, h(x, y)) conduit à

ϕx = (1, 0, hx ), ϕy = (0, 1, hy ) et ϕx ∧ ϕy = (−hx , −hy , 1).

On en déduit E = 1 + h2x , F = hx hy , G = 1 + h2y donc EG − F 2 = 1 + h2x + h2y . Il


vient
hxx
ϕxx = (0, 0, hxx ) =⇒ det(ϕxx , ϕx , ϕy ) = hxx =⇒ P = q ,
1 + h2x + h2y
192 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

hxy hyy
et on calcule de même Q = √ , R= √ . Il s’ensuit que
1+h2x +h2y 1+h2x +h2y

P R − Q2 hxx hyy − h2xy


K= = .
EG − F 2 [1 + h2x + h2y ]2
 
2 hxx hxy
L’opérateur h 7→ hxx hyy − hxy = det est le déterminant de la
hyx hyy
matrice hessienne de h. Il s’appelle l’opérateur de Monge-Ampère et intervient dans
de nombreux problèmes d’analyse et de géométrie. 

Exercice 49. Soit S ⊂ R3 une surface régulière et p ∈ S tel que K(p) 6= 0.


En utilisant le fait que la courbure de Gauss est le jacobien de l’application
de Gauss, montrer que
A0
K(p) = lim
A→0 A
où A est l’aire d’une région B ⊂ S contenant p, et A0 est l’aire de l’image
de A par l’application de Gauss (avec des restrictions naturelles sur la façon
de prendre la limite).
Lorsque K(p) 6= 0, l’application de Gauss N : S → S 2 réalise un difféomorphisme
local d’un petit voisinage Uε ⊂ S de p sur un voisinage Vε = N (Uε ) ⊂ S 2 de N (p).
Les formes volumes dσS 2 et dσS sont reliées par

N ∗ dσS 2 = KdσS .

La formule de changement de variables donne donc


Z Z Z
Aire(Vε ) = dσS 2 = N ∗ dσS 2 = KdσS .
Vε Uε Uε

Comme K est continue au point p, on obtient


Z
KdσS = K(p)Aire(Uε )[1 + o(1)],

d’où
Aire(Vε )
K(p) = lim .
ε→0 Aire(Uε )


Exercice 50. Soit a, b, c > 0. On considère l’ellipsoïde


2 y2 z2
 
3 x
E = (x, y, z) ∈ R | 2 + 2 + 2 = 1 .
a b c
1) Pour p ∈ E, on note d la distance de 0 au plan tangent Tp (E). Montrer
que la courbure de Gauss de E au point p est donnée par
d4
K(p) = .
a2 b2 c2
4.2. SURFACES 193

2) Montrer que l’ellipsoïde et la sphère unité sont difféomorphes mais pas


isométriques si (a, b, c) 6= (1, 1, 1).
1) Considérons la paramétrisation ϕ(u, v) = (a cos u, b sin u cos v, c sin u sin v), avec
0 < u < π et 0 < v < 2π. Il vient ϕu = (−a sin u, b cos u cos v, c cos u sin v) et
ϕv = (0, −b sin u sin v, c sin u cos v), donc F = 0. Notons que
ϕu ∧ ϕv = (bc cos u sin u, ac sin2 u cos v, ab sin2 u sin v)

a pour norme ||ϕu ∧ ϕv || = ||ϕu || · ||ϕv || = EG, puisque F = 0.
Le vecteur ϕ(u, v) se décompose dans la base {ϕu , ϕv , N } en ϕ = aϕu +bϕv +cN ,
avec
ϕu ∧ ϕv abc| sin u|
d = dist(0, Tp E) = |c| = hϕ, √
i = √ .
EG EG
On calcule à présent la courbure de Gauss. Il vient ϕuu = −ϕ, donc


cos u − sin u 0

det(ϕuu , ϕu , ϕv ) = −abc sin u cos v cos u cos v − sin u sin v = −abc sin u.
sin u sin v cos u sin v sin u cos v

On en déduit que P = −abc sin u(EG)−1/2 . Des calculs similaires donnent Q = 0


et

0 − sin u 0
sin3 u

det(ϕvv , ϕu , ϕv ) abc sin u = − abc

R= √ =− √ cos v cos u cos v − sin u sin v √ .
EG EG sin v cos u sin v sin u cos v
EG

On en déduit que la courbure de Gauss de l’ellipsoïde est


PR a2 b2 c2 (sin u)4 d4
K= = = .
EG E 2 G2 a2 b2 c2

2) Lorsque a = b = c = r, la distance de 0 à Tp E est égale à r et on obtient que


la courbure de Gauss de la sphère de rayon r est constante, égale à r−2 . Lorsque
a, b, c ne sont pas tous les trois égaux, K n’est pas constante, donc l’ellipsoïde et la
sphère unité ne sont pas isométriques, bien qu’ils soient images l’un de l’autre par
le difféomorphisme affine (x, y, z) ∈ R3 7→ (x/a, y/b, z/c) ∈ R3 .
Voici une représentation graphique de l’ellipsoïde :


194 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 51. Montrer qu’un tore de révolution n’a aucun ombilic (points en
lesquels les courbures principales coïncident).
Une paramétrisation d’un tore de révolution est donnée par

ϕ(u, v) = ([ρ + r cos u] cos v, [ρ + r cos u] sin v, r sin u).

Il vient ϕu = (−r sin u cos v, −r sin u sin v, r cos u) et ϕv = (−[ρ + r cos u] sin v, [ρ +
r cos u] cos v, 0), donc ||ϕu ∧ ϕv || = r[ρ + r cos u] et

E = r2 , F = 0, et G = [ρ + r cos u]2 .

On obtient ϕuu = (−r cos u cos v, −r cos u sin v, −r sin u), donc

det(ϕuu , ϕu , ϕv )
det(ϕuu , ϕu , ϕv ) = r2 [ρ + r cos u] et P = = r.
||ϕu ∧ ϕv ||

On calcule de même Q = 0 et R = cos u[ρ + r cos u]. Ainsi,


 1 
−1 r 0
Fp = Ip · IIp = cos u .
0 ρ+r cos u

Il n’y a aucun ombilic car r cos u 6= ρ + r cos u. 

Exercice 52. Soit ϕ : U ⊂ R2 → R3 une nappe régulière dont tous les points
sont des ombilics.
1) Montrer qu’il existe k ∈ R et v ∈ R3 tels que N = −kϕ + v.
2) Montrer que ϕ(U ) est un (morceau de) plan si k = 0, et que c’est une
(partie d’une) sphère centrée en v/k si k 6= 0.
1) Tous les points sont des ombilics signifie qu’il existe λ = λ(p) ∈ R tel que
Fp = λ(p)Id. Notons que p 7→ λ(p)2 = K(p) est une fonction lisse de p. Il en va de
même de p 7→ λ(p) si on se place au voisinage d’un point p tel que λ(p) 6= 0.
Lorsque λ(p) ≡ 0, le vecteur normal est constant et S est un morceau de plan.
On suppose donc dans la suite qu’il existe p tel que λ(p) 6= 0, et on travaille au
voisinage de ce point. Soit ϕ = ϕ(x, y) une paramétrisation locale de S. On en
déduit que
∂x N = λ(x, y)ϕx et ∂y N = λ(x, y)ϕy .
On dérive ces relations pour obtenir
2
∂xy N = λy ϕx + λϕxy = λx ϕy + λϕxy =⇒ λy ϕx = λx ϕy .

Or S est une surface régulière, donc ϕx et ϕy sont linéairement indépendants. Il


s’ensuit que λx = λy = 0, i.e. λ 6= 0 est indépendant de p. Le vecteur v = N − λϕ
est donc constant, ainsi N = −kϕ + v avec k = −λ ∈ R et v ∈ R3 .
2) Le vecteur N = v est constant si k = 0, dans ce cas S est un morceau de plan.
Lorsque k 6= 0, on obtient

||ϕ − v/k|| = ||N/k|| = |k|−1

donc S est un morceau de la sphère de rayon |k|−1 centrée en v/k. 


4.2. SURFACES 195

Exercice 53.
1) Calculer la courbure de la surface de révolution S paramétrée par

ϕ : (t, θ) ∈ R∗+ × R 7→ (t sin θ, t cos θ, log t) ∈ R3 .

2) On considère l’hélicoïde H paramétré par

ψ : (t, θ) ∈ R2 7→ (t cos θ, t sin θ, θ) ∈ R3 .

Montrer que sa courbure est la même que celle de S.


3) Montrer que S et H ne sont pas localement isométriques.
1) On calcule les dérivées premières

ϕt = (sin θ, cos θ, 1/t) et ϕθ = (t cos θ, −t sin θ, 0),

puis les coefficients de la première forme fondamentale

E = 1 + t−2 , F = 0 et G = t2 .

On calcule ensuite

ϕtt = (0, 0 − t−2 ), ϕtθ = (cos θ, − sin θ, 0) et ϕθθ = (−t sin θ, −t cos θ, 0),

d’où les coefficients de la seconde forme fondamentale

1 t
P = √ , Q = 0, R = − √ .
t 1+t 2 1 + t2

On en déduit que la courbure de Gauss est

P R − Q2 1
K= =− .
EG − F 2 (1 + t2 )2

2) Des calculs similaires donnent

E = +1, F = 0 et G = 1 + t2

ainsi que
1
P = 0, Q = − √ et R = 0,
1 + t2
d’où
1
K=− .
(1 + t2 )2

3) Ces deux surfaces ont même courbure de Gauss, mais elles n’ont pas les mêmes
premières formes fondamentales. Elles ne sont pas localement isométriques. 
196 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 54. Soit a > 0. Montrer que la caténoïde

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aCh s cos t, aCh s sin t, as) ∈ R3

est une surface minimale.


On peut supposer sans perte de généralité que a = 1 (la condition de courbure
moyenne nulle est préservée par une homothétie). On calcule

ϕs = (Sh s cos t, Sh s sin t, 1) et ϕt = (−Ch s sin t, Ch s cos t, 0).

On en déduit E = G = Ch2 s, F = 0 et ||ϕs ∧ ϕt || = Ch2 s. Il vient également

ϕss = (Ch s cos t, Ch s sin t, 0)

donc
cos t Sh s cos t − sin t
2 = −Ch2 s.

det(ϕss , ϕs , ϕt ) = Ch s sin t Sh s sin t cos t
0 1 0
On calcule de même

ϕst = (−Sh s sin t, Sh s cos t, 0) = Ths ϕt

et
ϕtt = −(Ch s cos t, Ch s sin t, 0) = −ϕss ,
donc Q = 0 et R = −E. Ainsi, H = (ER + GP − 2F Q)/(2EG − 2F 2 ) = 0. 

Exercice 55. Soit a > 0. Montrer que l’hélicoïde

ϕ : (s, t) ∈ R2 7→ (aSh s cos t, aSh s sin t, at) ∈ R3

est une surface minimale.


On peut supposer sans perte de généralité que a = 1. On calcule

ϕs = (Ch s cos t, Ch s sin t, 0) et ϕt = (−Sh s sin t, Sh s cos t, 1).

On en déduit E = G = Ch2 s, F = 0 et ||ϕs ∧ ϕt || = Ch2 s. Il vient également

ϕss = (Sh s cos t, Sh s sin t, 0),

donc
cos t Ch s cos t − sin t
det(ϕss , ϕs , ϕt ) = Sh2 s sin t Ch s sin t = +Sh2 s

cos t
0 0 1
On calcule de même

ϕst = (−Ch s sin t, Ch s cos t, 0) = Coths ϕt

et
ϕtt = −(Sh s cos t, Sh s sin t, 0) = −ϕss ,
donc Q = 0 et R = −E. Ainsi, H = (ER + GP − 2F Q)/(2EG − 2F 2 ) = 0. 
4.2. SURFACES 197

Exercice 56. On souhaite montrer que la surface d’Enneper

u3 v3
 
2 2
ϕ : (u, v) ∈ R 7→ u − + uv , v − + vu , u − v ∈ R3
2 2 2
3 3

est une surface minimale.


1) Calculer les coefficients de la première forme fondamentale.
2) Calculer les coefficients de la seconde forme fondamentale et les cour-
bures principales pour conclure.
1) On calcule ϕu = (1 − u2 + v 2 , 2uv, 2u), ϕv = (2uv, 1 − v 2 + u2 , −2v). On en déduit

E = G = (1 + u2 + v 2 )2 et F = 0,

ainsi que
ϕu ∧ ϕv = [1 + u2 + v 2 ](−2u, 2v, 1 − u2 − v 2 ).
Notons que ||ϕu ∧ ϕv || = [1 + u2 + v 2 ]2 .
2) Il vient ϕuu = (−2u, 2v, 2), donc det(ϕu u, ϕu , ϕv ) = 2[1 + u2 + v 2 ]2 (on peut
faire apparaître plusieurs zéros dans le déterminant via des opérations élémentaires
sur les lignes ou les colonnes, par exemple L2 7→ L2 − v · L3). Les calculs de
det(ϕuv , ϕu , ϕv ) et det(ϕvv , ϕu , ϕv ) sont similaires et aboutissent à

P = 2, Q = −2 et R = 0.

On en déduit que les courbures principales sont

2 2
k1 = , k2 = − ,
(1 + u2 + v 2 )2 (1 + u2 + v 2 )2

donc la courbure moyenne H est identiquement nulle. 

Géodésiques
Exercice 57. Soit N le vecteur normal à une surface régulière S ⊂ R3 . Soit
γ : I → S une courbe tracée sur S à vitesse constante. Montrer que γ est
une géodésique si et seulement si

det(N, γ 0 , γ 00 ) ≡ 0.

Si γ est une géodésique, alors γ 00 = λN est proportionnel au vecteur normal, donc


det(N, γ 0 , γ 00 ) ≡ 0. Réciproquement, supposons que det(N, γ 0 , γ 00 ) ≡ 0. On peut
supposer que γ est paramétrée par longueur d’arc. Ainsi γ 00 = λN + w avec w ∈
Tγ(t) S orthogonal à γ 0 (t). Il vient det(N, γ 0 , γ 00 ) = det(N, γ 0 , w) = ±||w||, donc
w = 0, i.e. γ est une géodésique. 
198 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 58. Soit γ : t ∈ [0, 1] 7→ (t2 , 0, 0) ∈ R3 une courbe tracée sur la


surface plane S = {(x, y, z) | z = 0}. Est-ce une géodésique ?
Le support γ([0, 1]) est un segment de droite, mais il n’est pas parcouru à vitesse
constante, donc γ n’est pas une géodésique. 

Exercice 59. Calculer les géodésiques de la sphère unité.


Soit γ : I 7→ S 2 une géodésique. Le vecteur γ(t) est normal au plan tangent à S 2
en γ(t). La courbe γ est donc une géodésique si et seulement s’il existe λ(t) ∈ R tel
que γ 00 (t) = λ(t)γ(t).
On dérive deux fois la relation ||γ(t)||2 = 1 pour obtenir

λ(t) = hγ, γ 00 i = −||γ 0 ||2 = −c2

car une géodésique évolue à vitesse constante. Quitte à renormaliser en temps (t 7→


t/c), on peut supposer c = 1. Il vient alors, si 0 ∈ I,

γ(t) = cos t γ(0) + sin t γ 0 (0),

i.e. γ(I) est un arc du grand cercle de S 2 obtenu en intersectant la sphère avec le
plan engendré par γ(0) et γ 0 (0). 

Exercice 60. On note ||p − q|| la distance euclidienne dans R3 . Montrer que
la distance intrinsèque de la sphère unité de R3 est donnée par
||p − q||
dS 2 (p, q) = 2 arcsin = arccoshp, qi,
2
où hp, qi désigne le produit scalaire euclidien.
Nous savons que les géodésiques minimisent (localement) la distance. Il résulte de
l’exercice précédent que les géodésiques sont les arcs de grands cercles de S 2 . Quitte
à composer par une rotation, on peut supposer que p et q sont dans le plan (x0y)
avec p = (1, 0, 0) et q = (cos θ, sin θ, 0), de sorte que dS 2 (p, q) = θ. On observe enfin
que
 2
θ
||p − q||2 = (1 − cos θ)2 + (sin θ)2 = 4 sin ,
2
d’où θ = 2 arcsin ||p−q||
2 . On obtient la seconde formule en observant que ||p − q||2 =
2 − 2hp, qi et en utilisant les relations trigonométriques sur les angles moitié. 

Exercice 61. Soit f : (S 2 , dS 2 ) → (S 2 , dS 2 ) une isométrie de la sphère


unité munie de sa distance intrinsèque. Montrer que f est la restriction d’une
isométrie euclidienne de R3 .
On définit F : R3 → R3 par F (0) = 0 et F (x) = ||x||f (x/||x||) lorsque x 6= 0.
Comme f préserve le produit scalaire des vecteurs de norme 1 (cf exercice précé-
dent), on obtient pour x, y 6= 0, x0 = x/||x|| et y 0 = yk|y||,

hF (x), F (y)i = ||x||||y||hf (x0 ), f (y 0 )i = ||x||||y||hx0 , y 0 i = hx, yi,


4.2. SURFACES 199

i.e. F préserve le produit scalaire euclidien (la propriété est claire lorsque l’un des
deux vecteurs est nul). Nous avons expliqué au chapitre 1 que cela entraîne que F
est linéaire, associée à une matrice orthogonale de R3 . 

Exercice 62.
1) Calculer les géodésiques d’un cylindre droit.
2) Vérifier que deux points d’une génératrice sont joints par une hélice
et que celle-ci est une géodésique qui ne minimise pas la distance.
1) On ne perd rien à supposer que l’axe du cylindre est (Oz) et que le rayon vaut
1. Une paramétrisation de ce cylindre C est ϕ(θ, z) = (cos θ, sin θ, z). Notons que

N = ϕθ ∧ ϕz = (− sin θ, cos θ, 0) ∧ (0, 0, 1) = (cos θ, sin θ, 0).

Une courbe γ(t) = ϕ(θ(t), z(t)) tracée sur C vérifie

γ 00 = (−θ00 sin θ − (θ0 )2 cos θ, θ00 cos θ − (θ0 )2 sin θ, z 00 ),

donc γ 00 est proportionnel à N ssi θ00 = z 00 = 0. On obtient des cercles si z = cst,


des droites (génératrices du cylindre) si θ = cst, et des hélices dans tous les autres
cas.
2) Deux points distincts p, q d’une génératrice du cylindre sont joints par un segment
de droite le long de cette génératrice. Ils sont également joints par un morceau
d’hélice (qui est donc une géodésique non minimisante) : supposons par exemple
que p = (1, 0, 0) et q = (1, 0, a), alors

γ(t) = (cos 2πt, sin 2πt, at)

est une hélice telle que γ(0) = p et γ(1) = q. 

Exercice 63. Soit S une surface de révolution,

ϕ : (s, θ) 7→ (f (s) cos θ, f (s) sin θ, h(s))

avec (f 0 )2 + (h0 )2 6= 0 et f > 0, de sorte que S est régulière. Soit

γ : t 7→ ϕ(s(t), θ(t))

une géodésique de S. Montrer la relation de Clairaut :

f 2 (s(t))θ0 (t) ≡ constante.

On note γ(t) = ϕ(s(t), θ(t)) une courbe tracée sur S. Il peut être utile de travailler
dans la base orthonormée u = (cos θ, sin θ, 0), v = (− sin θ, cos θ, 0), w = (0, 0, 1).
Ainsi
ϕs = f 0 u + h0 w, ϕθ = f v et N = −h0 u + f 0 w
est un vecteur normal à la surface. On calcule

γ 00 = s00 ϕs + θ00 ϕθ + (s0 )2 ϕss + 2s0 θ0 ϕsθ + (θ0 )2 ϕθθ .


200 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Or ϕss = f 00 u + h00 w, ϕsθ = f 0 v et ϕθθ = −f u, donc


γ 00 = Au + [θ00 f + 2s0 θ0 f 0 ]v + Cw.
Par définition, γ est une géodésique si et seulement si γ 00 est constamment
proportionnel au vecteur normal. Comme celui-ci est orthogonal à v, on en déduit :
θ00 f + 2s0 θ0 f 0 ≡ 0.
Cette équation différentielle peut (partiellement) s’intégrer en multipliant par f , il
vient f 2 (s(t))θ0 (t) ≡ constante. 

Exercice 64. Soit S ⊂ R3 une surface régulière définie localement par une
paramétrisation ϕ : U → R3 . On note n son vecteur normal unitaire.
Soit γ : I → S une courbe paramétrée à vitesse unité, tracée sur S. Le
vecteur t = γ 0 est donc un vecteur unitaire tangent à γ et à S. On note
g = n ∧ t : c’est un vecteur tangent à S qui constitue avec t une base de
l’espace tangent à S en p = γ(s).
Les vecteurs (t, g, n) constituent une base directe de R3 , le repère corres-
pondant (avec origine le point p = γ(s)) s’appelle le repère de Darboux.
1) Montrer qu’il existe des coefficients γn (courbure normale), γg (cour-
bure géodésique) et τg (torsion géodésique) tels que
 0    
t 0 γg γn t
 g 0  =  −γg 0 −τg   g  .
n0 −γn τg 0 n
2) Montrer que γ est une géodésique de S si et seulement si sa torsion
(en tant que courbe gauche) est égale à sa torsion géodésique.
1) Le vecteur t0 est orthogonal à t (puisque t est unitaire), il se décompose donc en
t0 = γg g + γn n
où γg et γn sont deux fonctions qu’on appelle respectivement courbure géodésique et
courbure normale. De même, g 0 = at + bn pour certaines fonctions a, b. En dérivant
la relation d’orthogonalité hg, ti = 0, il vient
0 = hg 0 , ti + hg, t0 i = a + γg ,
donc a ≡ −γg . On définit la torsion géodésique τg par τg := −b.
Enfin, n0 = αt+βg. On dérive les relations d’orthogonalité hn, ti = 0 et hn, gi =
0 pour obtenir
α = −γn et β = τg .
2) Par définition, la courbe γ est une géodésique si et seulement si γ 00 est partout
proportionnel à n. Or γ 00 = t0 = γg g + γn n, une condition nécessaire et suffisante
est donc que la courbure géodésique γg soit identiquement nulle. En tant que courbe
gauche, t0 = κN , où κ est la courbure de γ et N est le vecteur normal à γ dans
R3 . On en déduit que γ est une géodésique ssi n ≡ N et κ = γn . C’est également
équivalent à ce que B ≡ g et τ ≡ τg , où τ désigne la torsion de γ (en tant que
courbe gauche). 
4.3. VARIÉTÉS 201

4.3 Variétés
Plongements
Exercice 65. On considère l’application

f : (x, y) ∈ R2 \ {(0, 0)} 7→ (x2 − y 2 , 2xy) ∈ R2 \ {(0, 0)}.

Montrer que f est une application surjective qui est un difféomorphisme


local au voisinage de chacun des points de R2 \ {(0, 0)}, mais que ce n’est pas
un difféomorphisme global.
L’application f se comprend mieux avec des notations complexes. Si on note z =
x + iy, alors f (z) = z 2 . Elle est donc bien surjective (passez par des coordonnées
polaires).
La différentielle de f est
 
2x 2y
Df (x, y) = ,
−2y 2x

le jacobien 4(x2 + y 2 ) ne s’annule pas dans R2 \ {(0, 0)}. Il résulte du théorème


d’inversion locale que f réalise un difféomorphisme local au voisinage de chaque
point de R2 \ {(0, 0)}. Ce n’est bien sûr pas un difféomorphisme global puisque f
n’est pas injective (f (−x, −y) = f (x, y)). 

Exercice 66. Soit U ⊂ Rn et V ⊂ Rp deux ouverts, et soit f : U → V une


application lisse. On suppose que f est une immersion injective et propre.
Montrer que c’est un plongement.
Il s’agit de montrer que f réalise un homéomorphisme de U sur son image f (U ).
Montrer que f −1 : f (U ) → U est continue équivaut à montrer que f : U → V est
fermée. Soit donc F ⊂ U un fermé. On considère (yj ) ∈ f (F )N une suite d’éléments
de f (F ) qui converge dans V vers b ∈ V . On veut montrer que b ∈ f (F ). Soit xj
l’unique point de F tel que f (xj ) = yj (f est injective) et

K = {yj , j ∈ N} ∪ {b}.

L’ensemble K est compact dans V , donc f −1 (K) est compact dans U car f est
propre. On peut donc extraire une sous-suite convergente de la suite (xj ) ∈ f −1 (K)N .
Quitte à renuméroter, on a donc xj → a ∈ U . Notons que a ∈ F car F est fermé.
Comme f est continue, on obtient alors f (a) = lim f (xj ) = lim yj = b, donc
b = f (a) ∈ f (F ). 

Exercice 67.
1) Montrer que l’application

f : t ∈] − 1, +∞[7→ (t2 − 1, t(t2 − 1)) ∈ R2


202 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

est une immersion injective qui n’est pas un plongement.


2) Montrer que l’application
g : t ∈ R 7→ (t2 , t3 ) ∈ R2
est injective, propre, mais n’est pas un plongement.
1) On observe que f (s) = f (t) implique t2 = s2 et t(t2 − 1) = s(s2 − 1) = s(t2 − 1).
Soit t2 = s2 = 1 et alors t = s = 1 puisqu’on travaille sur ] − 1, +∞[, soit t2 − 1 6= 0
et la deuxième équation donne t = s. L’application f est donc injective. C’est une
immersion car f 0 (t) = (2t, 3t2 − 1) ne s’annule jamais.
L’application f n’est pas propre comme on le voit en traçant son graphe : on
considère
K = {f (−1 + 1/n), n ∈ N∗ } ∪ {(0, 0)}.
C’est un ensemble discret qui a pour seul point d’accumulation l’origine, car f (−1+
1/n) → (0, 0), donc K est un compact de R2 . Or
f −1 (K) = {−1 + 1/n, n ∈ N∗ } ∪ {1}
n’est pas compact dans ] − 1, +∞[ puisque les points −1 + 1/n convergent vers −1.
2) L’application g est clairement injective et propre, mais ce n’est pas une immer-
sion car le vecteur tangent g 0 (t) = (2t, 3t2 ) s’annule en t = 0. 

Exercice 68.
1) Montrer que l’application déterminant
2
det : A ∈ Rn ' M(n, R) 7→ det A ∈ R
est telle que
det(A + H) = det A + tr tComA · H + o(H)


où ComA désigne la comatrice de A.


2) Vérifier que det est une submersion au voisinage de chaque matrice
A de rang ≥ n − 1, en particulier au voisinage de A = Id.
1) Rappelons que l’ensemble des matrices inversibles est dense. Par continuité, il
suffit donc d’établir cette identité lorsque A ∈ GL(n, R). Nous laissons le lecteur
vérifier que
det(Id + K) = 1 + tr(K) + o(K).
Comme
det(A + H) = det A · det(Id + A−1 H) et A−1 = (det A)−1 tComA,
il vient
det A 1 + tr det A)−1 tComA · H + o(H)
 
det(A + H) =
= det A + tr tComA · H + o(H).


2) La différentielle du déterminant en A est donc H 7→ tr (tComA · H). Cette forme


linéaire est surjective si et seulement si elle est non identiquement nulle, i.e. lorsque
t
ComA 6= 0. Cela revient à dire que l’un des mineurs de A d’ordre n − 1 est non
nul, i.e. A est de rang n − 1 ou n. 
4.3. VARIÉTÉS 203

Sous-variétés de Rn
Exercice 69. Soit M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d et g : Vp →
Rm−d une submersion définie dans un voisinage Vp de p ∈ M , telle que
Vp ∩ M = g −1 g{p}. Montrer que

Tp M = p + ker Dp g.

En déduire que Tp M est un sous-espace affine de dimension d.


On peut supposer que p = 0 ∈ Rn et g(p) = 0 ∈ Rn−d . Le modèle linéaire est celui
d’une projection

π : (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn 7→ (xd+1 , . . . , xn ) ∈ Rn−d

pour lequel π −1 (0) = {(x1 , . . . , xd , 0, . . . , 0)} est un sous-espace vectoriel de dimen-


sion d.
On décompose x = (x0 , x00 ) avec x0 = (x1 , . . . , xd ) ∈ Rd et x0 = (xd+1 , . . . , xn ) ∈
n−d
R . Comme Dp g est surjective on peut, quitte à changer l’ordre des coordonnées,
supposer que la matrice [∂gj /∂xi )]d+1≤i,j≤n est inversible. Le théorème d’inversion
locale assure que l’on peut composer avec un difféomorphisme ϕ au voisinage de
l’origine 0 ∈ Rn−d pour se ramener à

g(x) = x00 − h(x0 )

de sorte que
 
∂gj
= Idn−d et ker Dp g = Vect(e1 , . . . ed ).
∂xi d+1≤i,j≤n

Notons que e1 = γ 0 (0) où

γ(t) = (t, 0 . . . , 0, h(t, 0, . . . , 0)).

Il en va de même de e2 , . . . , ed , donc Tp M = ker Dp g. 

Exercice 70. Soit g ∈ N∗ . Soit D ⊂ R2 le disque unité fermé et D1 , . . . Dg


des disques disjoints deux à deux contenus dans D,

Di = {(x, y) ∈ R2 | (x − ai )2 + (y − bi )2 ≤ ri2 }.

On considère

f : (x, y) ∈ R2 7→ (1 − [x2 + y 2 ])Πgi=1 (x − ai )2 + (y − bi )2 − ri2 ∈ R.




1) Montrer que

M = {(x, y, z) ∈ R3 | z 2 = f (x, y)}

est une sous-variété compacte et connexe de R3 . Représentez-la.


2) Vérifier que M n’est pas simplement connexe. Combien a-t-elle de
trous ?
204 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

1) On pose h(x, y, z) = z 2 − f (x, y) et on observe que ∇h(x, y, z) 6= (0, 0, 0) si


z 6= 0. Lorsque z = 0, on observe que (x, y, z) ∈ M si et seulement si f (x, y) = 0,
i.e. (x, y) ∈ ∂D ou (x, y) ∈ ∂Di , 1 ≤ i ≤ g.
Dans le premier cas, fx = −2x et fy = −2y ne peuvent pas s’annuler en même
temps. Dans le deuxième cas, fx = 2(x − ai ) et fy = 2(y − bi ) ne s’annulent qu’au
centre du disque Di . On en déduit que M = h−1 (0) est une surface régulière de R3 .
Montrons que M est bornée. Notons que si ||(x, y)|| est suffisamment grand,
alors (x − ai )2 + (y − bi )2 − ri2 ≥ 1 tandis que 1 − [x2 + y 2 ] ≤ −1, donc f (x, y) ≤ −1
et (x, y, z) ne peut pas appartenir à M puisque f (x, y) = z 2 devrait être positif. Il
existe donc C > 0 telle que

M ⊂ {(x, y, z) ∈ R3 , ||(x, y)|| ≤ C}.

On en déduit que la troisième coordonnée est également bornée :


p
(x, y, z) ∈ M ⇒ |z| ≤ |f (x, y)| ≤ C 0 ,

comme f est continue donc bornée sur la boule compacte {||(x, y)|| ≤ C}.
Comme M est également un fermé de R3 , on en déduit que M est une surface
compacte plongée dans R3 .
Pour montrer que M est connexe, il suffit de savoir relier chaque point (x, y, z) ∈
M à un point (x0 , y 0 , 0) ∈ M par une courbe tracée sur M . Par symétrie, il suffit
de savoir traiter le cas où z > 0.
La partie M + = M ∩ p {z > 0} de M s’exprime près de M + comme le graphe de
la fonction lisse (x, y) 7→ f (x, y). Elle admet pour paramétrisation
p
(x, y) ∈ D \ ∪i Di 7→ ϕ(x, y) = (x, y, f (x, y)) ∈ M +

Un point (x0 , y 0 , 0) appartient à M si et seulement si (x0 , y 0 ) ∈ ∂D ∪ ∪i ∂Di . Obser-


vons que
tx0 + (1 − t)x, ty 0 + (1 − t)y ∈ D \ ∪i Di
pour 0 ≤ t < 1, donc

γ : [0, 1] 7→ ϕ(tx0 + (1 − t)x, ty 0 + (1 − t)y) ∈ M

est une courbe tracée sur M qui joint γ(0) = (x, y, z) ∈ M + à γ(1) = (x0 , y 0 , 0) ∈
M ∩ (z = 0). Cela montre que M est connexe.
2) Lorsque g = 1 et (a1 , b1 ) = (0, 0), la surface M est un tore de révolution,
rencontré à de nombreuses reprises au chapitre 2. La surface n’est pas simplement
connexe car le chemin

γ : θ ∈ [0, 2π] 7→ (cos θ, sin θ, 0) ∈ M ∩ (z = 0)

n’est pas homotope à un point. Les chemins

γi : t ∈ [0, 2π] 7→ (ai + ri cos t, bi + ri cos t, 0) ∈ M ∩ (z = 0)

ne peuvent pas non plus être déformés sur un point en restant sur M . Il y a g
« trous » dans M .
En voici une approximation graphique lorsque g = 9 :
4.3. VARIÉTÉS 205

Exercice 71.
1) Soit S 2 la sphère unité. Montrer que l’application
f : (x, y, z) ∈ S 2 7→ (−x, −y, −z) ∈ S 2
est un difféomorphisme.
2) Montrer que le paraboloïde P = {(x, y, z) ∈ R3 | z = x2 + y 2 } est
difféomorphe à un plan.
3) On considère dans Rn × Rp la quadrique
Q = {(x, y) ∈ Rn × Rp ; ||x||2 − ||y||2 = 1}.
Montrer que Q est difféomorphe à S n−1 × Rp .
1) L’application f est lisse (restriction d’une application lisse de R3 dans R3 ),
bijective, et d’inverse f −1 = f qui est lisse. C’est donc un difféomorphisme.
2) L’application ϕ : (x, y) ∈ R2 7→ (x, y, x2 + y 2 ) ∈ P est une application lisse,
bijective, dont l’application réciproque est la projection
ϕ−1 : (x, y, z) ∈ P 7→ (x, y) ∈ R2
sur les deux premières coordonnées. C’est une application lisse, donc ϕ est un dif-
féomorphisme.
3) Considérons
p
F : (u, y) ∈ S n−1 × Rp 7→ ( 1 + ||y||2 u, y) ∈ Q.
C’est une application lisse (restriction d’une application lisse de Rn × Rp dans
Rn ×Rp ) qui réalise une bijection de S n−1 ×Rp sur Q, comme on le vérifie aisément.
L’application réciproque
!
−1 x
F : (x, y) ∈ Q 7→ p , y ∈ S n−1 × Rp
1 + ||y||2
est également lisse (restriction d’une application lisse Rn × Rp dans Rn × Rp ). Ceci
montre que Q est difféomorphe à S n−1 × Rp . 
206 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 72. On note S n la sphère unité de Rn+1 et on considère

f : x ∈ S n 7→ xn+1 ∈ R.

Montrer que les points critiques de f sont précisément les pôles Nord et Sud.
On cherche à déterminer les points p ∈ S en lesquels Dp f est identiquement
nulle (une forme linéaire n’est pas surjective si et seulement si elle est nulle).
L’application f est la restriction à S n de F : x ∈ Rn+1 7→ xn+1 ∈ R. La
différentielle de f est donc la restriction à Tp S de la différentielle Dp F . Comme le
gradient de F en p est
∇p F = (0, . . . , 0, 1),
on obtient DFp |Tp S = 0 si et seulement si Tp S est orthogonal au vecteur (0, . . . , 0, 1),
ce qui se produit exactement aux pôles Nord et Sud. 

Exercice 73. Soit L : Rn → R une application linéaire et


 
 Xn 
H = x ∈ Rn , aij xi xj + L(x) = 1
 
i,j=1

où A = (aij ) est une matrice symétrique inversible.


Montrer que H est soit vide, soit un cône, soit une sous-variété lisse de
dimension n − 1, difféomorphe à S k × Rn−1−k .
On commence par effectuer un changement de base orthonormée pour se rame-
ner à ( )
Xn
0 n 2
H = y∈R , λi yi + L2 (y) = 1
i=1


λ1 ≥ · · · ≥ λk > 0 > λk+1 ≥ · · · ≥ λn ∈ R∗

Pn propres (non nulles) de la matrice symétrique inversible A = (aij )


sont les valeurs
et L2 (y) = i=1 µi yi une nouvelle forme linéaire.
On met chaque terme de degré 2 en yi sous forme canonique
!2
p µi µ2i
λi yi2 + µi yi = ε(λi ) |λi |yi + p − ε(λi )
2 |λi | 4|λi |

où ε(λi ) = ±1 est le signe de λi , pour se ramener à


( k n
)
X X
00 n 2 2
H = z∈R , zi − zi = c
i=1 i=k+1

Pk µ2i Pn µ2i
|λi |yi + √µi
p
où zi = et c = 1 + i=1 4|λi | − i=k+1 4|λi | .
2 |λi |
4.3. VARIÉTÉS 207

Les ensembles H et H 0 (resp. H 0 et H 00 ) sont difféomorphes puisqu’ils sont


images l’un de l’autre par une application linéaire (resp. affine) inversible.
Il faut discuter selon la valeur de la constante c :
• lorsque c = 0, on obtient un cône (éventuellement réduit à un point, son
sommet) ;
• on obtient par exemple H 00 = ∅ (resp. H 00 réduit à un point) lorsque k = 0
et c > 0 (resp. c = 0) ; √
• lorsque k = n, on a c > 0 et la dilatation t ∈ S n 7→ ct ∈ H 00 fournit un
difféomorphisme de S n−1 sur H 00 .
On suppose à présent 1 ≤ k ≤ n − 1 (donc n ≥ 2) et c 6= 0. Quitte à multiplier
l’équation par −1 et changer k en n − k, on peut supposer que c > 0. On vérifie
alors que  p 
F : (u, v) ∈ S k−1 × Rn−k 7→ u c + ||v||2 , v ∈ H 00

est un difféomorphisme de S k−1 × Rn−k sur H 00 .


Notez que k est donc soit le nombre de valeurs propres positives, soit le nombre
de valeurs propres négatives de la matrice A (cela dépend du signe de c). 

Exercice 74. Soit M ⊂ Rn une sous-variété, v ∈ Rn \ {0} et

f : x ∈ M 7→ hx, vi ∈ R.

Montrer que p ∈ M est un point critique de f si et seulement si v ∈ Np M .


Retrouver ainsi les résultats de l’exercice 72.
L’application f est la restriction à M de

F : x ∈ Rn 7→ hx, vi ∈ R.

Un point p ∈ M est critique si et seulement si Dp f = 0 car Dp f est une forme


linéaire. On obtient pour tout p ∈ M , ∇p F = v, donc DFp |Tp M = 0 si et seulement
si Tp M est orthogonal au vecteur v, i.e. si v ∈ Np M .
Lorsque v = (0, . . . , 0, 1) et M est la sphère unité, on retrouve le résultat de
l’exercice 72. 

Exercice 75. Montrer que le groupe orthogonal

O(n, R) = {A ∈ M(n, R) | At A = Id}

et le groupe spécial orthogonal

SO(n, R) = {A ∈ M(n, R) | At A = Id et det A = 1}


2
sont des sous-variétés de Rn dont on précisera la dimension.
208 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

2
On identifie Rn et l’ensemble M(n, R) des matrices carrées de taille n, et on
note
Sym(n, R) = {S ∈ M(n, R), t S = S}
l’ensemble des matrices symétriques réelles de taille n : c’est une sous-variété li-
néaire de M(n, R) de dimension n(n + 1)/2. On note In l’identité. Considérons

f : A ∈ M(n, R) 7→ AtA ∈ Sym(n, R).

C’est une application différentiable telle que

O(n, R) = f −1 (In ).

On vérifie que In est une valeur régulière : c’est l’image de In = f (In ), or

DIn f : H ∈ M(n, R) 7→ H +tH ∈ Sym(n, R)

est une application (linéaire) surjective puisque son noyau est constitué des matrices
antisymétriques, donc

rang DIn f = n2 − dim Antisym(n, R) = dim Sym(n, R).

On en déduit que O(n, R) est une sous-variété de dimension

dim O(n, R) = n(n − 1)/2 = dim Antisym(n, R).

La variété O(n, R) est fermée (image réciproque d’un fermé par une application
continue) et bornée car si A = [aij ] ∈ O(n, R), alors
n
X
tr(AtA) = a2ij = tr(In ) = n ;
i,j=1

elle est donc compacte. Elle n’est pas connexe car l’application continue

det : O(n, R) 7→ {−1, +1}

est surjective comme on le vérifie aisément.


Le groupe SO(n, R) est la composante connexe de l’identité de O(n, R), c’est
2
donc également une sous-variété de dimension de Rn de dimension n(n − 1)/2. 

Exercice 76. Montrer que l’espace tangent à SO(n, R) en Id est l’espace


des matrices antisymétriques.
Soit f : A ∈ M(n, R) 7→ AtA ∈ Sym(n, R). Il résulte de la propositon 3.2.7 et de
l’exercice précédent que

TId SO(n, R) = TId O(n, R) = Id + ker DId f.

Or DIn f : H ∈ M(n, R) 7→ H +tH ∈ Sym(n, R), donc ker DId f est l’ensemble des
matrices antisymétriques. 
4.3. VARIÉTÉS 209

Exercice 77. Montrer que l’application A ∈ M(n, K) 7→ exp A ∈ M(n, K)


est une application différentiable telle que D0 exp = Id, qui vérifie :
1) exp(A + B) = exp A · exp B si AB = BA ;
2) exp(−A) = exp A−1 ;
3) exp(t A) =t exp A ;
4) det exp A = exp(trA) ;
5) exp M(n, C) = GL(n, C) ;
L’exponentielle dépend clairement de façon lisse de A. En développant
j−1
X
(A + H)j = Aj + Aj−1−` HA` + o(H)
`=0

on obtient une formule (un peu) compliquée pour la différentielle de l’exponentielle.


Celle-ci se simplifie lorsque A et H commutent, par exemple lorsque A = 0 : il vient
dans ce cas (0 + H)j = H + o(H) si j = 1, et = o(H) si j ≥ 2, donc
exp(0 + H) = Id + H + o(H).
On en déduit que D0 exp = Id. L’exponentielle réalise donc un difféomorphisme
d’un voisinage de 0 dans M(n, K) sur un voisinage de Id.
Plus généralement, si A et B commutent, la formule du binôme s’applique
j j
X A` B j−`
1 X 1 j
(A + B)j = ( )A` B j−` =
j! j! ` `! (j − `)!
`=0 `=0

d’où
exp(A + B) = exp A · exp B.
On en déduit que l’exponentielle d’une matrice A est une matrice inversible,
avec exp A · exp(−A) = exp(A − A) = exp 0 = Id donc (exp A)−1 = exp(−A).
On montre de façon similaire que exp(t A) =t exp A et que pour toute matrice
de changement de bases P ∈ GL(n, K), on a
P · exp A · P −1 = exp(P · A · P −1 ).
On peut donc trigonaliser A pour établir
det exp A = exp(trA).

Il reste à établir la surjectivité de l’exponentielle sur GL(n, C) (elle n’est pas


injective, par exemple exp(2iπ Id) = exp(0) = Id). Étant donnée B ∈ GL(n, C), il
s’agit de construire A ∈ M(n, C) telle que exp A = B. On peut décomposer B =
D + N avec D diagonalisable inversible, N nilpotente et DN = N D (décomposition
de Dunford). On peut réecrire cette décomposition B = D · (Id + N 0 ) avec N 0 =
D−1 N nilpotente. En diagonalisant, on trouve une matrice ∆ telle que exp ∆ = D.
Il reste donc à trouver une matrice nilpotente n qui commute avec ∆ telle que
exp n = Id + N 0 . On peut encore réduire N 0 pour se ramener au cas d’un bloc de
Jordan. Nous laissons le soin au lecteur d’exhiber n dans ce cas. 
210 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Formes différentielles
Exercice 78. Soit X, Y et Z trois champs de vecteurs. Montrer l’identité
de Jacobi :
[X, [Y, Z]] + [Z, [X, Y ]] + [Y, [Z, X]] = 0.

Une dérivation D est un endomorphisme de C ∞ (R3 , R) qui vérifie la règle de


Leibnitz : pour toutes f, g ∈ C ∞ (R3 , R) :

D(f g) = f D(g) + gD(f ).


P3 ∂
Un champ de vecteur X = i=1 Xi ∂x i
définit une dérivation via

3

X ∂f
DX : f ∈ C (R , R) 7→3
Xi ∈ C ∞ (R3 , R).
i=1
∂xi

Réciproquement, nous avons montré précédemment que toute dérivation D est asso-
ciée à un champ de vecteurs. On observe que DX ◦DY −DY ◦DX est une dérivation,
et on note [X, Y ] le champ de vecteurs correspondant. Il vient alors

D[X,[Y,Z]] = DX DY DZ − DX DZ DY − DY DZ DX + DZ DY DX ,

D[Z,[X,Y ]] = DZ DX DY − DZ DY DX − DX DY DZ + DY DX DZ ,
D[Y,[Z,X]] = DY DZ DX − DY DX DZ − DZ DX DY + DX DZ DY .

L’identité de Jacobi en résulte aisément. 

Exercice 79. On considère le champ de vecteurs X = ni=1 xi ∂x ∂


P
i
. Montrer
qu’un polynôme P ∈ R[x1 , . . . , xn ] est homogène de degré k si et seulement
si LX P = kP .
Supposons P homogène de degré k, i.e. P (λx) = λk P (x). En dérivant cette
égalité par rapport à λ, on obtient
n
X ∂P
xi (λx) = kλk−1 P (x),
i=1
∂xi

ce qui fournit LX P = kP pour λ = 1.


Réciproquement, supposons que LX P = kP et considérons, pour x ∈ Rn fixé,
l’application différentiable λ ∈ R+
∗ 7→ f (λ) = P (λx) ∈ R. Il vient

n
X ∂P k
f 0 (λ) = xi (λx) = f (λ).
i=1
∂xi λ

Cette équation différentielle s’intègre en f (λ) = cλk avec c = f (1) = P (x), donc P
est homogène de degré k. 
4.3. VARIÉTÉS 211

Exercice 80. Soit S ⊂ R3 une surface régulière. Le gradient d’une fonction


lisse f : S → R est une application lisse ∇f : p ∈ S → ∇f (p) ∈ Tp S ⊂ R3
telle que
h∇f (p), vip = Dfp (v)
pour tout v ∈ Tp (S).
1) Montrer que si E, F et G sont les coefficients de la première forme
fondamentale dans une paramétrisation ϕ : U ⊂ R2 → S, alors
fu G − fv F fv E − fu F
∇f = 2
ϕu + ϕv .
EG − F EG − F 2

2) On fixe p ∈ S tel que ∇f (p) 6= 0 et on laisse varier v dans le cercle


unité de Tp (S) (|v| = 1). Montrer que Dfp (v) est maximal si et seulement si
∇f
v = |∇f |.
3) Si ∇f 6= 0 pour tout point de la courbe C = {q ∈ S | f (q) = c},
montrer que C est régulière et que ∇f est normal à C en tout point de C.
1) Par définition, ∇f = aϕu + bϕv avec

aE + bF = h∇f (p), ϕu ip = Dfp (ϕu ) = fu

et
aF + bG = h∇f (p), ϕv ip = Dfp (ϕv ) = fv .
On inverse ce système linéaire de dimension 2 pour obtenir
fu G − fv F fv E − fu F
a= et b = .
EG − F 2 EG − F 2

2) L’inégalité de Cauchy-Schwarz assure que

||Dfp (v)|| ≤ ||∇f (p)|| · ||v|| ≤ ||∇f (p)||

avec égalité si et seulement si v et ∇f (p) sont colinéaires, i.e. lorsque v = ∇f /||∇f ||.
3) Lorsque ∇f 6= 0 au voisinage de C = {q ∈ S | f (q) = c}, l’application f est
une submersion au voisinage de C, donc C est une courbe régulière. Si γ : I → C
désigne une paramétrisation locale, on a f ◦ γ(t) = c, donc

df ◦ γ
0≡ = Dγ(t) f (γ 0 (t)) = h∇f (γ(t)), γ 0 (t)ip ,
dt
i.e. ∇f est normal à C en tout point de C. 

Exercice 81. Soit S ⊂ Rn une hypersurface et q ∈ Rn \ S. Montrer que

f : p ∈ S 7→ ||p − q|| ∈ R

est différentiable, et vérifier que p ∈ S est un point critique de f si et seule-


ment si la droite joignant p à q est normale à S au point p.
212 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

La norme || · || est une application différentiable sur Rn \ {0} ; comme p − q 6= 0


pour tout p ∈ S, on en déduit que l’application

f : p ∈ S 7→ ||p − q|| ∈ R

est différentiable sur S. Un développement limité de f au voisinage de p ∈ S donne,


pour h ∈ Tp S,
p
f (p + h) = ||(p − q) + h|| = ||p − q||2 + 2hp − q, hi + o(h)
hp − q, hi
= f (p) + + o(h)
||p − q||
= f (p) + Dp (f )(h) + o(h),

donc p ∈ S est un point critique de f (i.e. Dp (f ) ≡ 0) si et seulement si la droite


joignant p à q est normale à S au point p. 

Exercice 82. Soit E un R-espace vectoriel de dimension n ∈ N∗ et 1 ≤ p ≤


n. On dit qu’une forme p-linéaire alternée ϕ : E p → R est décomposable s’il
existe des formes linéaires ϕ1 , . . . , ϕp telles que ϕ = ϕ1 ∧ · · · ∧ ϕp .
1) Montrer que toute forme n-linéaire alternée est décomposable.
2) Montrer que toute forme (n − 1)-linéaire alternée est décomposable.
3) Montrer que si α, β, γ, δ sont des formes linéaires indépendantes, alors
la 2-forme η = α ∧ β + γ ∧ δ est indécomposable.
1) Toute forme n-linéaire alternée ϕ est proportionnelle au déterminant det =
e∗1 ∧ · · · ∧ e∗n dans une base B = {e1 , . . . , en }.
2) Soit α une (n − 1)-forme linéaire alternée. Si θ ∈ E ∗ est une forme linéaire,
alors α ∧ θ est une n-forme linéaire alternée, proportionnelle à det (en fixant une
base). La forme α induit donc une forme linéaire ϕα : θ ∈ E ∗ 7→ λ(θ) ∈ R, où λ(θ)
est le facteur de proportionnalité, α ∧ θ = λ(θ) det.
Le noyau de ϕα est de dimension n − 1 ou n. Soit θ1 , . . . , θn−1 une famille libre
du noyau, que l’on complète avec θn pour avoir une base de E ∗ . On décompose α
dans la base engendrée par les hi ,
X
α= aI hI , avec hI = hi1 ∧ · · · hin−1 ,
|I|=n−1

où I = (i1 , . . . , in−1 ) avec i1 < · · · < in−1 . Notons que pour tout 1 ≤ i ≤ n,

hi ∧ α = ±aJ h1 ∧ · · · ∧ hn

où J = [1, n] \ {i}. L’information hi ∧ α = 0 pour 1 ≤ i ≤ n − 1 se traduit donc par


le fait que α est proportionnelle à h1 ∧ · · · ∧ hn−1 , elle est donc décomposable.
3) On suppose implicitement ici que n ≥ 4. On calcule η ∧η = 2α∧β ∧γ ∧δ 6= 0.
Or si η = `1 ∧ `2 était décomposable, on aurait η ∧ η = 0. 
4.3. VARIÉTÉS 213

Exercice 83. Trouver une application φ : R → R lisse vérifiant φ(0) = 0 et


telle que la forme différentielle
2xy
ω(x, y) = dx + φ(x)dy
(1 + x2 )2
soit exacte sur R2 . On calculera les primitives de ω.
Pour que ω = P dx + Qdy soit exacte il faut qu’elle soit fermée, i.e.
2x ∂P ∂Q
= = = φ0 (x).
(1 + x2 )2 ∂y ∂x
1
On en déduit φ(x) = − 1+x 2 . Pour trouver les primitives de ω on intègre les équa-
tions
∂f 2xy ∂f 1
= et =− ,
∂x (1 + x2 )2 ∂y (1 + x2 )
ce qui donne
y y
f (x, y) = − + α(y) et f (x, y) = − + β(x),
(1 + x2 ) (1 + x2 )
y
d’où f (x, y) = − (1+x 2 ) à constante additive près. 

Exercice 84. Résoudre dans R3 l’équation dα = ω pour les 2-formes ω


suivantes :
1) dx1 ∧ dx2 ;
2) x2 dx2 ∧ dx3 ;
3) (x21 + x22 ) dx1 ∧ dx2 ;
4) cos x1 dx1 ∧ dx2 .
1) On observe que α = x1 dx2 convient. Il y a plusieurs solutions puisque l’on
peut ajouter une 1-forme différentielle fermée à α. Par exemple, −x2 dx1 convient
également, ce qui revient à dire que la forme x1 dx2 − x2 dx1 est fermée.
2) La forme α = 21 x22 dx3 convient.
3) La forme α = 13 x31 dx2 − x32 dx1 convient.


4) La forme α = sin x1 dx2 convient. 

Exercice 85. Soit p, n ∈ N∗ avec 2p ≤ n. On considère


ω = dx1 ∧ dx2 + dx3 ∧ dx4 + · · · + dx2p−1 ∧ dx2p .
Montrer que ω p = p! dx1 ∧ · · · ∧ dx2p et ω p+1 = 0.
Lorsque l’on développe ω p par multilinéarité, le caractère alterné assure que
les seuls termes non nuls s’obtiennent en prenant exactement une fois chacun des
produits dx2i+1 ∧ dx2i+2 . Comme les doubles produits dx1 ∧ dx2 ∧ dx3 ∧ dx4 =
dx3 ∧ dx4 ∧ dx1 ∧ dx2 commutent deux à deux, chaque produit restant est égal à
dx1 ∧· · ·∧dx2p . Il y a p! façons de procéder, on en déduit donc ω p = p! dx1 ∧· · ·∧dx2p .
Lorsque l’on considère ω j avec j ≥ p + 1, on développe par multilinéarité et
on retrouve au moins deux fois chaque terme dx2i+1 ∧ dx2i+2 , il résulte donc du
caractère alterné que ω j = 0. 
214 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 86. Soit ω = f (x)dx1 ∧ · · · ∧ dxn une n-forme différentielle lisse


dans Rn . On pose Z x1
g(x) = f (t, x2 , . . . , xn )dt.
0
Montrer que ω = dα où α = g(x)dx2 ∧ · · · ∧ dxn .
La forme α = g(x)dx2 ∧ · · · ∧ dxn est saturée en dx2 , . . . , dxn donc

∂g(x)
dα = dx1 ∧ dx2 ∧ · · · ∧ dxn = f (x)dx1 ∧ dx2 ∧ · · · ∧ dxn = ω.
∂x1


Exercice 87. Soit f : x ∈ R3 7→ (x1 x2 , x2 x3 , x33 ) ∈ R3 . Calculer f ∗ ω lorsque


1) ω = x2 dx3 ;
2) ω = x1 dx1 ∧ dx3 ;
3) ω = x1 dx1 ∧ dx2 ∧ dx3 .
1) On obtient f ∗ (x2 dx3 ) = x2 x3 d(x33 ) = 3x2 x33 dx3 .
2) Il vient f ∗ (x1 dx1 ∧dx3 ) = x1 x2 d(x1 x2 )∧d(x33 ) = x1 x22 dx1 +x21 x2 dx2 +3x1 x2 x23 dx3 .
3) On obtient f ∗ (x1 dx1 ∧ dx2 ∧ dx3 ) = x1 x2 Jac(f )dx1 ∧ dx2 ∧ dx3 = 3x1 x22 x33 dx1 ∧
dx2 ∧ dx3 . 

Exercice 88. On considère le changement de coordonnées sphériques

F (r, θ, ϕ) = (r cos ϕ cos θ, r cos ϕ sin θ, r sin ϕ).

Montrer que xdx + ydy + zdz = rdr.


On peut effectuer le calcul de dx, dy et dz en fonction de dr, dθ etpdϕ pour obte-
nir la formule demandée. On peut également partir de la relation r = x2 + y 2 + z 2
pour en déduire que
∂r ∂r ∂r
rdr = r dx + r dy + r dz = xdx + ydy + zdz
∂x ∂y ∂z
∂r
en observant que ∂x = xr . 

Exercice 89. On note Vn le volume de la boule unité de Rn , λ la mesure de


R +∞
Lebesgue, et Γ(s) = 0 ts−1 e−t dt pour s > 0.
2
1) Montrer que Rn e−||x|| dλ(x) = π n/2 .
R

2) En utilisant l’homogénéité de la fonction volume, montrer que


1
π n/2
Z Z
−||x||2
e dλ(x) = Vn (− ln t)n/2 dt et Vn = .
Rn 0 Γ(n/2 + 1)
4.3. VARIÉTÉS 215

3) Montrer par récurrence que Vn = π k /k! si n = 2k et


2k+1 π k
Vn = si n = 2k + 1.
1 · 3 · 5 · · · (2k + 1)
2 2
1) L’intégrale est à variables séparables car e−||x|| = Πni=1 e−xi . On obtient
Z Z n
2 2
e−||x|| dλ(x) = e−y dy = π n/2 .
Rn R
2 √
Rappelons que le calcul de l’intégrale de Gauss R e−y dy = π peut se faire en
R

étudiant le cas n = 2 via un passage en coordonnées polaires.


R
2) Rappelons que pour une densité positive intégrable, on a X f (x)dλ(x) =
R +∞
0
µ(f > t)dt. En appliquant ceci à f (x) = exp(−||x||2 ) ∈ [0, 1] on obtient
Z Z 1 Z 1
2
e−||x|| dλ(x) = λ(||x|| < (− ln t)n/2 )dt = Vn (− ln t)n/2 dt
Rn 0 0
puisque la mesure de Lebesgue d’une boule
R 1 de rayon R vaut Rn Vn . Le changement
n/2
de variable y = − ln t assure enfin que 0 (− ln t) dt = Γ(n/2 + 1).
3) Une intégration par parties montre que pour tout x > 0, Γ(x+1) = xΓ(x). La
formule donnant le volume de la boule unité se déduit donc de la question précédente
par récurrence, en observant, dans le cas impair, que
Z +∞ √ √
1 +∞ −y2
Z
−t π
Γ(1/2) = te dt = e dy = .
0 2 0 4


Exercice 90. Montrer que la 2-forme différentielle


dx ∧ dy
η(x, y) =
π[1 + x2 + y 2 ]2
définit sur R2 une mesure de probabilité qui s’étend en une forme volume
lisse sur la sphère S 2 .
On passe en coordonnées polaires pour observer que
Z +∞
dx ∧ dy
Z
rdr
2 + y 2 ]2
dx ∧ dy = 2π = 1.
R2 π[1 + x 0 π[1 + r 2 ]2
On munit à présent la sphère de Riemann S 2 ∼ P1 (C) = {[z0 : z1 ]} de sa
structure différentiable holomorphe à deux cartes U0 = {z0 6= 0} = R2 = C et
U1 = {z1 6= 0} ∼ C. Le changement de cartes est l’inversion z 7→ φ(z) = 1/z. Les
notations complexes z = x + iy, z = x − iy étant plus commodes, observons que
i i idz ∧ dz
dz ∧ dz = (dx + idy) ∧ (dx − idy) = dx ∧ dy donc η(x, y) = .
2 2 2π[1 + |z|2 ]2
La conclusion provient de ce que la forme η est invariante par l’inversion φ, car
|z|4
     
dz dz dz ∧ dz 1 1
φ∗ dz ∧ dz = − ∧ − = et φ∗ = = .
z2 z2 |z|4 [1 + |z|2 ]2 2
[1 + |1/z| ] 2 [1 + |z|2 ]2

216 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Variétés abstraites
Exercice 91. On considère M = R muni des deux atlas à une seule carte
(R, ϕ1 ) et (R, ϕ2 ) où

ϕ1 : x ∈ R 7→ x ∈ R et ϕ2 : x ∈ R 7→ x3 ∈ R.

1) Montrer que ces deux atlas ne sont pas compatibles.


2) Montrer que les deux structures différentiables correspondantes sont
difféomorphes.
1) Il y a deux changements de cartes à considérer. Le changement

ϕ2 ◦ ϕ−1 3
1 : x ∈ R 7→ x ∈ R

est différentiable, mais le changement

ϕ1 ◦ ϕ−1
2 : x ∈ R 7→ x
1/3
∈R

n’est pas différentiable en zéro. Les deux atlas ne sont donc pas compatibles.
2) Pour éviter toute confusion, on note M1 = (R, ϕ1 ) et M2 = (R, ϕ2 ). L’application

f : x ∈ M2 7→ x3 ∈ M1

est un homéomorphisme qui vérifie

ϕ1 ◦ f ◦ ϕ−1
2 (x) = ϕ1 ◦ f (x
1/3
) = ϕ1 (x) = x

et
ϕ2 ◦ f −1 ◦ ϕ−1
1 (x) = ϕ2 ◦ f
−1
(x) = ϕ2 (x1/3 ) = x.
Il s’ensuit que f et f −1 sont différentiables, donc M1 et M2 sont difféomorphes. 

Exercice 92. Soit M ⊂ Rn une sous-variété de dimension d. Montrer que


M admet une structure différentiable (autrement dit les sous-variétés de Rn
sont bien des variétés « abstraites »).
On utilise le point de vue paramétrique : pour tout point p ∈ M , il existe un voisi-
nage U = U ∩ M de p dans Rn et une application

f : B ⊂ Rd → U ⊂ Rn

qui est une paramétrisation régulière, i.e. un difféomorphisme de la boule unité B


de Rd sur U .
Cette paramétrisation définit une carte locale ϕ = f −1 : U → B. Si g : B 0 → V
est une paramétrisation qui rencontre U , le changement de carte ψ ◦ ϕ−1 = g −1 ◦ f
est un difféomorphisme de B ∩ f −1 (U ∩ V ) sur B 0 ∩ g −1 (U ∩ V ).
Les cartes {(ϕ, U )} définissent ainsi un atlas différentiel de M qui en fait une
variété différentiable de dimension d. 
4.3. VARIÉTÉS 217

Exercice 93. On note M = R/Z le quotient de R par la relation d’équiva-


lence
x0 ∼ x ⇐⇒ ∃k ∈ Z, x0 = x + k.

1) Définir un atlas différentiel sur M .


2) Montrer que la fonction F : x ∈ R 7→ 2x ∈ R induit une application
lisse f : M → M telle que f ◦ π = π ◦ F , où π : R → M désigne la projection.
1) On note π : x ∈ R → x ∈ M = R/Z l’application de passage au quotient et
on munit M de la topologie quotient qui en fait un espace topologique compact. On
considère les ouverts

U = π(]0, 1[) et V = π(]1/2, 3/2[).

On obtient un atlas différentiable à deux cartes

ϕ−1 : x ∈]0, 1[7→ x ∈ U et ψ −1 : x ∈]1/2, 3/2[7→ x ∈ V.

L’intersection U ∩ V est égale à

W = π(]0, 1/2[∪]1/2, 1[) = π(]1/2, 1[∪]1, 3/2[)

et les changements de cartes sont des difféomophismes (affines par morceaux). On


vérifie par exemple que

−1 x si x ∈]1/2, 1[
ψ ◦ ϕ : x ∈]0, 1/2[∪]1/2, 1[7→ ∈]1/2, 1[∪]1, 3/2[.
x + 1 si x ∈]0, 1/2[

2) L’application F : x ∈ R 7→ 2x ∈ R vérifie

F (x + k) = F (x) + 2k pour tout k ∈ Z.

Elle envoie donc tout représentant de x sur un représentant de F (x), ce qui permet
de définir une unique application f : x ∈ M 7→ F (x) ∈ M telle que f ◦ π = π ◦ F .
Pour vérifier que f est lisse, il faut vérifier que les applications ϕi ◦ f ◦ ϕ−1
j sont
lisses pour chaque carte (ϕi , Ui ) de M . L’atlas considéré ici a deux cartes, il s’agit
donc de vérifier que les quatre applications ϕ ◦ f ◦ ϕ−1 , ψ ◦ f ◦ ϕ−1 , ϕ ◦ f ◦ ψ −1 et
ψ ◦ f ◦ ψ −1 sont lisses. C’est le cas car chacune de ces applications est affine : on
obtient
si x ∈]0, 12 [

2x
ϕ ◦ f ◦ ϕ−1 : x ∈]0, 1[7→
2x − 1 si x ∈] 21 , 1[
et
x ∈]0, 14 [

 2x + 1 si
−1
ψ◦f ◦ϕ : x ∈]0, 1[7→ 2x si x ∈] 14 , 34 [
2x − 1 si x ∈] 34 , 1[

Les expressions de ϕ ◦ f ◦ ψ −1 et de ψ ◦ f ◦ ψ −1 sont similaires. 


218 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 94.
1) Montrer que le produit de deux variétés différentiables est une variété
différentiable, de dimension la somme des dimensions.
2) Montrer que le tore Rn /Zn admet une structure différentiable qui en
fait une variété différentielle compacte, difféomorphe à (S 1 )n = S 1 ×· · ·×S 1 .
1) Si {(ϕ, U )} est un atlas différentiable d’une variété M de dimension m et {p, V )}
un atlas différentiable d’une variété N de dimension n, alors les ouverts produit
U × V forment un recouvrement du produit M × N , et les applications

f : (x, y) ∈ U × V 7→ (ϕ(x), ψ(y)) ∈ Rm × Rn

sont des homéomorphismes de U × V sur ϕ(U ) × ψ(V ). Les changements de carte


sont des difféomorphismes, produit des changements de carte de N et de M . On
obtient donc ainsi un atlas différentiable qui fait de M ×N une variété différentiable
de dimension m + n.
2) En utilisant la question précédente, il suffit de comprendre que le quotient
M = R/Z peut être muni d’une structure différentiable qui en fait une variété
différentielle compacte difféomorphe à S 1 . On note π : R → M = R/Z l’application
de passage au quotient, et on munit M de la topologie quotient qui en fait un espace
topologique compact. On considère les ouverts

U = π(]0, 1[) et V = π(]1/2, 3/2[).

On obtient un atlas différentiable à deux cartes

ϕ−1 : x ∈]0, 1[7→ x ∈ U et ψ −1 : x ∈]1/2, 3/2[7→ x ∈ V.

L’intersection U ∩V est égale à l’ouvert W = π(]0, 1/2[∪]1/2, 1[) = π(]1/2, 1[∪]1, 3/2[)
et les changements de cartes sont des difféomophismes (affines par morceaux). On
vérifie par exemple que

x si x ∈]1/2, 1[
ψ ◦ ϕ−1 : x ∈]0, 1/2[∪]1/2, 1[7→ ∈]1/2, 1[∪]1, 3/2[.
x + 1 si x ∈]0, 1/2[

Exercice 95. Soit P ∈ R[x0 , . . . , xn ] un polynôme homogène tel que Dx P 6=


0 si x 6= 0. Montrer que

HP = {[x] ∈ Pn (R) | P (x) = 0}

est une hypersurface de Pn (R).


On commence par observer que HP est un sous-ensemble bien défini de Pn (R) :
l’annulation de P (x) ne dépend pas du représentant x de la classe d’équivalence [x].
On fixe un point [a] ∈ HP . On peut supposer (quitte à changer l’ordre des
coordonnées) que a0 6= 0, i.e. [a] ∈ U0 . Près de ce point, HP est définie par

{[1 : x1 : · · · : xn ] ∈ U0 | P (1, x1 , . . . , xn ) = 0},


4.3. VARIÉTÉS 219

i.e. est l’image réciproque de 0 par l’application

f : [1 : x1 : · · · : xn ] ∈ U0 ' Rn 7→ P (1, x1 , . . . , xn ) ∈ R.

Cette application est une submersion car, par hypothèse,

∇f = (∂P/∂x1 , . . . , ∂P/∂xn )(1, x1 , . . . , xn ) 6= 0.

Lorsque d = 1, on vérifie que HP est difféomorphe à Pn−1 (R).


On peut montrer un résultat similaire pour les hypersurfaces de Pn (C). 

Exercice 96. Montrer que P1 (R) est difféomorphe à S 1 .


Nous identifions S 1 ∼ R/2πZ et notons π1 : R → S 1 l’application de passage
au quotient. De même, on peut identifier P1 (R) et R/πZ en repérant une droite
passant par l’origine de R2 par l’angle (dans [0, π[) qu’elle fait avec une droite de
référence. On note π2 : R → P1 (R) l’application de passage au quotient.
L’application θ ∈ R 7→ 2θ ∈ R respecte ces relations d’équivalence et induit une
application f : P1 (R) → S 1 dont on vérifie que c’est un difféomorphisme. 

Exercice 97.
1) Montrer que P2 (R), l’ensemble des droites de R3 qui passent par l’ori-
gine, admet une structure de variété réelle compacte de dimension deux.
2) Montrer que l’application

(yz, zx, xy, x2 + 2y 2 + 3z 2 )


f : [x : y : z] ∈ P2 (R) 7→ ∈ R4
x2 + y 2 + z 2

est un plongement du plan projectif dans R4 .


1) Une droite qui passe par l’origine est définie par un vecteur directeur non nul
(x0 , x1 , x2 ) ∈ R3 \ {0} : la droite est alors l’ensemble

{(tx0 , tx1 , tx2 ) ∈ R3 | t ∈ R}.

Deux vecteurs directeurs d’une même droite sont équivalents pour la relation d’équi-
valence « multiplication par un réel non nul ». On note

[x0 : x1 : x2 ] := {(tx1 , tx1 , tx2 ) ∈ R3 | t ∈ R∗ }

la classe d’équivalence correspondante : c’est la droite privée de l’origine. Il s’ensuit


que le plan projectif réel P2 (R) est un quotient

P2 (R) = {[x]} = R3 \ {0}/R∗ .

On le munit de la topologie quotient : un ensemble U de P2 (R) est ouvert ssi


−1
π U est ouvert dans R3 \ {0}, où π : R3 \ {0} → P2 (R) est la projection canonique.
Cette topologie est métrisable et P2 (R) est ainsi une variété topologique de dimen-
sion 2. Notons qu’il y a deux représentants particuliers d’une droite passant par
l’origine, il s’agit de l’intersection de la droite avec la sphère unité S 2 de R3 . Ces
220 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

deux vecteurs directeurs sont opposés ; ils montrent que l’on peut également identi-
fier P2 (R) et le quotient de S 2 par le groupe fini à deux éléments. Par conséquent,
P2 (R) est compacte.
On définit un atlas différentiel en recouvrant P2 (R) par les trois cartes (Ui , ϕi ),

Ui = {[x] ∈ P2 (R) | xi 6= 0}

où 0 ≤ i ≤ 2, et
ϕ0 : [x] ∈ U0 7→ (x1 /x0 , x2 /x0 ) ∈ R2 ,

ϕ1 : [x] ∈ U1 7→ (x0 /x1 , x2 /x1 ) ∈ R2 ,

ϕ2 : [x] ∈ U2 7→ (x0 /x2 , x1 /x2 ) ∈ R2 .

On vérifie que les fonctions de transition ϕi ◦ ϕ−1 j sont lisses (là où elles sont
définies). Par symétrie, il suffit de traiter le cas de i = 1 et j = 0. On observe que

ϕ−1 2 −1
0 : (y1 , y2 ) ∈ R 7→ [1 : y1 : y2 ] ∈ U0 et ϕ0 (y1 , y2 ) = [1 : y1 : y2 ] = [1/y1 : 1 : y2 /y1 ]

si y1 6= 0, i.e. si ϕ−1
0 (y1 , y2 ) ∈ U0 ∩ U1 . Ainsi,

ϕ1 ◦ ϕ−1 ∗ ∗
0 : (y1 , y2 ) ∈ R × R 7→ (1/y1 , y2 /y1 ) ∈ R × R

est bien un difféomorphisme.


2) Rappelons qu’un plongement est une immersion lisse qui est un homéomorphisme
sur son image. Comme P2 (R) est compacte, il suffit de vérifier que f est une im-
mersion injective et lisse.
On vérifie aisément que les applications f ◦ ϕ−1 i sont lisses, 0 ≤ i ≤ 2. Par
exemple
(yz, z, y, 1 + 2y 2 + 3z 2 )
f ◦ ϕ−1
0 (y, z) = ∈ R4
1 + y2 + z2
et la matrice de sa différentielle est donnée par

z(1 − y 2 + z 2 ) 1 + z2 − y2 2y(1 − z 2 )
 
2 2 2 −1 −2yz
[1+y +z ] Df ◦ϕ0 (y, z) = .
y(1 + y 2 − z 2 ) 1 + y 2 − z 2 −2yz 2z(2 + y 2 )

On vérifie enfin que cette matrice est bien de rang 2 en tout point, ce qui assure
que f est une immersion lisse (sur l’ouvert U0 , les autres ouverts se traitent de
façon similaire).
Il reste à s’assurer que f est injective. Soit [x : y : z] et [a : b : c] deux points de
P2 (R) tels que f [x : y : z] = f [a : b : c]. On peut supposer, sans perte de généralité,
que x2 + y 2 + z 2 = a2 + b2 + c2 = 1. Il vient donc

xy = ab; yz = bc, zx = ca et y 2 + 2z 2 = b2 + 2c2 .

On en déduit que soit (x, y, z) = (a, b, c), soit (x, y, z) = −(a, b, c). Dans les deux
cas, [x : y : z] = [a : b : c], donc f est injective. 
4.3. VARIÉTÉS 221

Exercice 98 (Homographies). On identifie P1 (C) avec C ∪ {∞}. Une ho-


mographie est une fraction rationnelle de degré 1,
 
az + b a b
z 7→ fA (z) = où A = ∈ GL(2, C).
cz + d c d

1) Montrer que les homographies forment un sous-groupe Hom du groupe


des homéomorphismes de C et que A ∈ (GL(2, C), ·) 7→ fA ∈ (Hom, ◦) est
un morphisme surjectif de groupes dont on calculera le noyau.
2) Montrer que Hom agit de façon 3-transitive sur C.
3) Montrer que Hom est engendré par les transformations affines et par
l’inversion z 7→ 1/z.
4) Montrer que Hom préserve la famille des quasi-cercles (cercles et
droites).
1) Si c = 0, alors a 6= 0 et fA s’étend en un homéomorphisme de C en posant
fA (∞) = ∞. Si c 6= 0, alors fA s’étend en posant fA (∞) = a/c et fA (−d/c) = ∞.
On vérifie aisément que fA ◦fB = fAB et que le noyau de ce morphisme surjectif
est constitué des homothéties de rapport non nul ' C∗ , cf. fλId = Id pour tout
λ ∈ C∗ .
2) Étant donnés trois points distincts z0 , z1 , z2 ∈ C, et trois autres points distincts
w0 , w1 , w2 ∈ C, il s’agit de montrer qu’il existe une unique homographie f ∈ Hom
telle que
f (z0 ) = w0 , f (z1 ) = w1 , et f (z2 ) = w2 .
Il suffit de traiter le cas où w0 = 0, w1 = 1 et w2 = ∞. Soit z0 , z1 , z2 ∈ C des
points deux à deux distincts. La transformation homographique
z − z0 z 1 − z 2
Φ(z) = · .
z − z2 z 1 − z 0

est telle que Φ(z0 ) = 0, Φ(z1 ) = 1 et Φ(z2 ) = ∞.


Si ψ est une autre homographie avec les mêmes propriétés, alors

az + b
f (z) = Φ ◦ ψ −1 (z) =
cz + d
est une homographie qui vérifie
• f (0) = 0 donc b = 0 ;
• f (∞) = ∞ donc c = 0 ;
• f (1) = 1 donc a/c = 1.
Il s’ensuit que f = Id, donc ψ = Φ.
3) On note τd (z) = z+d la translation de d ∈ C, j(z) = 1/z l’inversion, et δa (z) = az
la dilatation par a ∈ C.
Soit f (z) = (az + b)/(cz + d) une homographie. Si c = 0, alors f (z) = ad z + db =
a z + b0 = τb0 ◦ δa0 (z). Si c 6= 0, alors on décompose
0

a0 z + b0 0 b0 − a0 d0
f (z) = = a + = τa0 ◦ δb0 −a0 d0 ◦ j ◦ τd0 (z).
z + d0 z + d0
222 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

4) L’équation d’un cercle ou d’une droite peut s’écrire dans C

λ|z|2 + µz + µz + δ = 0

avec λ, δ ∈ R et µ ∈ C (le cas λ = 0 correspondant aux droites).


Pour vérifier que cette famille d’équations est préservée par les homographies, on
traite séparément le cas des générateurs du groupe Hom. Une translation z 7→ z + b
préserve clairement cette famille (changer µ en µ + b et δ en δ + |b|2 + µb + µb). Une
dilatation z 7→ az également (changer µ en µ/a et δ en δ/|a|2 ). Il reste à vérifier
que la famille est invariante par l’inversion z 7→ 1/z : c’est le cas en interchangeant
les rôles de δ et λ, et en changeant µ en µ. 

Exercice 99. Étant donnés deux grands cercles C1 , C2 ⊂ S 2 = C, montrer


qu’il existe une unique homographie f telle que f (C1 ) = C2 .
Commençons par observer que le groupe des homographies est engendré par les
translations, les dilatations et l’inversion z 7→ 1/z : on note en effet τd (z) = z + d
la translation de d ∈ C, j(z) = 1/z l’inversion, et δa (z) = az la dilatation par
a ∈ C. Soit f (z) = (az + b)/(cz + d) une homographie. Si c = 0, alors f (z) =
a b 0 0
d z + d = a z + b = τb ◦ δa (z). Si c 6= 0, alors on décompose
0 0

a0 z + b0 0 b0 − a0 d0
f (z) = = a + = τa0 ◦ δb0 −a0 d0 ◦ j ◦ τd0 (z).
z + d0 z + d0

L’équation d’un cercle ou d’une droite peut s’écrire dans C

λ|z|2 + µz + µz + δ = 0

avec λ, δ ∈ R, µ ∈ C (le cas λ = 0 correspondant aux droites). Nous souhaitons


vérifier que cette famille d’équations est préservée par les homographies. Une trans-
lation z 7→ z + b préserve clairement cette famille (changer µ en µ + b et δ en
δ + |b|2 + µb + µb). Une dilatation z 7→ az également (changer µ en µ/a et δ en
δ/|a|2 ). Il reste donc à vérifier que la famille est invariante par z 7→ 1/z : c’est le
cas en interchangeant les rôles de δ et λ, et en changeant µ en µ.
Étant donnés trois points distincts de S 2 , il existe un unique cercle de S 2 qui
passe par ces trois points. Étant donnés deux cercles C1 et C2 , la proposition précé-
dente assure qu’il existe une unique homographie f telle que f (C1 ) = C2 . 

Exercice 100. Soit D ⊂ C le disque unité. Montrer que le groupe des biho-
lomorphismes de D est
 
iθ z − a
Aut(D) = z 7→ e ; a ∈ D and θ ∈ [0, 2π] ' D × S 1 .
1 − az

Soit a ∈ D. Considérons
z−a
ga (z) = .
1 − az
4.3. VARIÉTÉS 223

C’est une fonction holomorphe dans D telle que


|1 − az|2 − |z − a|2 (1 − |z|2 )(1 − |a|2 )
1 − |ga (z)|2 = 2
= .
|1 − az| |1 − az|2
On en déduit que ga (D) ⊂ D. Par ailleurs, pour z, w ∈ D,

ga (z) = w ⇐⇒ z(1 + aw) = a + w ⇐⇒ z = g−a (w),

donc ga ∈ Aut(D) avec ga−1 = g−a . Si on compose ga avec la rotation d’angle θ, on


z−a
obtient un nouvel automorphisme de D qui est z 7→ eiθ 1−az . On a donc montré que
 
z−a
z 7→ eiθ ; a ∈ ∂ and θ ∈ [0, 2π] ⊂ Aut(D).
1 − az
Réciproquement, soit f ∈ Aut(D) et a = f (0) ∈ D. Alors h = ga ◦ f est un
automorphisme de D qui envoie 0 sur 0. Le lemme de Schwarz assure que |h(z)| ≤
|z|, ce même lemme appliqué à h−1 assure que |h(z)| ≥ |z|, donc h est une rotation,
i.e. f (z) = eiθ g−a (z). 

Exercice 101. Soit p ≥ 3. On se donne ω1 , ω2 ∈ C∗ deux nombres complexes


linéairement indépendants sur R.
1) Montrer que
X 1
z 7→ f (z) =
[z − (jω1 + kω2 )]p
j,k∈Z

définit une fonction méromorphe doublement périodique dont le groupe des


périodes est le réseau Λ = Zω1 + Zω2 .
2) Montrer que f induit une application holomorphe f : X = C/Λ → P1 .
1) Observons que (x1 , x2 ) ∈ R2 7→ |x1 ω1 + x2 ω2 | ∈ R+ définit une norme sur
R2 : toutes les propriétés (homogénéité, inégalité triangulaire) sont claires, sauf
peut-être la propriété d’annulation, qui résulte de ce que ω1 et ω2 sont linéairement
indépendants sur R. p
Cette norme est donc équivalente à la norme euclidienne x21 + x22 . On en
déduit que le nombre d’éléments du réseau Λ contenus dans un disque est fini. Si
|z| ≤ R, il s’ensuit que pour tout λ ∈ Λ, |λ| ≥ 2R ⇒ |z − λ| ≥ |λ|/2. La convergence
de la série se ramène ainsi à la convergence de la série de Riemann
X 1
|(j, k)|p/2
(j,k)∈Z2 \{(0,0)}

qui converge effectivement dès que p > 2. On obtient ainsi une fonction méromorphe
avec des pôles d’ordre p en chaque point du réseau.
2) La série étant invariante par changement de couples d’indices dans Z2 , le groupe
des périodes contient Λ. Elle induit donc une fonction méromorphe sur le quotient
X = C/Λ. Il reste enfin à réaliser que les fonctions méromorphes f : X → C sont
exactement les fonctions holomorphes de X vers la sphère de Riemann P1 . 
224 CHAPITRE 4. CORRECTIONS DES EXERCICES

Exercice 102. Soit Γ un réseau de C et X = C/Γ. On suppose qu’il existe


a ∈ C∗ tel que aΓ ⊂ Γ.
1) Montrer que z 7→ az induit une application holomorphe f : X → X.
2) Donner des exemples de tels a pour Γ = Z[i] et Γ = Z[j], où j = e2iπ/3 .
1) Observons que si z 0 = z +γ est Γ-équivalent à z, alors az 0 = az +aγ = az +γ 0 est
équivalent à az puisque aΓ ⊂ Γ. La multiplication par a induit donc une application
f sur le quotient X = C/Γ. Pour vérifier que cette application est holomorphe, il
faut post/pré-composer avec des cartes d’un atlas holomorphe que nous exhibons à
présent.
On peut toujours se ramener à un réseau Γ = Z[τ ], où τ ∈ C est un nombre
complexe de partie imaginaire positive =(τ ) > 0. On note π : z ∈ C 7→ π(z) ∈ X =
C/Γ la projection canonique et on considère l’atlas à deux cartes

ϕ−1 : z ∈ Ω = {z = a + bτ ∈ C, 0 < a < 1 et 0 < b < 1} 7→ π(z) ∈ U

et

ψ −1 : z ∈ Ω0 = {z = a + bτ ∈ C, 1/2 < a < 3/2 et 1/2 < b < 3/2} 7→ π(z) ∈ U 0 .

L’application ψ ◦ ϕ−1 est holomorphe dans l’ouvert

Ω ∩ ϕ(U ∩ U 0 ) = {z = a + bτ ∈ C, a ∈]0, 1/2[∪]1/2, 1[ et b ∈]0, 1/2[∪]1/2, 1[ },

car


 z si z = a + ib avec a ∈]1/2, 1[ et b ∈]1/2, 1[
z + 1 si z = a + ib avec a ∈]0, 1/2[ et b ∈]1/2, 1[

ψ ◦ ϕ−1 (z) =

 z + i si z = a + ib avec a ∈]1/2, 1[ et b ∈]0, 1/2[
z+1+i si z = a + ib avec a ∈]0, 1/2[ et b ∈]0, 1/2[

est holomorphe sur chacune des quatre composantes connexes de l’ouvert Ω ∩ ϕ(U ∩
U 0 ). Il en va de même pour le second changement de carte (i.e. ϕ ◦ ψ −1 est holo-
morphe dans Ω0 ∩ ψ(U ∩ U 0 )), l’atlas considéré est donc un atlas holomorphe.
On vérifie enfin que les applications ψ ◦ f ◦ ψ −1 , ψ ◦ f ◦ ϕ−1 , ϕ ◦ f ◦ ψ −1 et
ϕ ◦ f ◦ ϕ−1 sont toutes holomorphes, ce qui assure que f : X → X est holomorphe.
2) La multiplication par a = k ∈ Z∗ convient toujours (et c’est la seule pour un
réseau générique). Lorsque Γ = Z[i], on peut également prendre a = i ; lorsque
Γ = Z[j], on peut également prendre a = j ou a = j 2 = j. 
Bibliographie

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Géométrie.
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[BerGos] M. Berger et B. Gostiaux.
Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces.
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University press, Princeton (1963).
[Rouvière] F. Rouvière
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Cassini (2014), 4ème édition.
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[Warner] F. Warner
Foundations of differential manifolds and Lie groups.
Graduate Texts in Mathematics, 94. Springer-Verlag (1983).

225
Index

équation de Gauss, 72, 74 forme différentielle, 123, 124, 127, 129,


équations de Mainardi-Codazzi, 73, 159, 160
74 forme exacte, 128, 140, 159
forme multilinéaire, 121
application exponentielle, 84, 88 forme volume, 125, 130, 141
atlas différentiable, 134, 160 formule de Stokes, 131, 132
bouteille de Klein, 142
géodésique, 83, 84, 86, 100, 101
caractéristique d’Euler, 92, 93 groupe de Lie, 148, 151
cercle osculateur, 14
champ de vecteurs, 114, 118–120, 124, hélice, 25, 37
136, 158 homographie, 161
changement de carte, 133, 136 homotopie, 30–32
courbe fermée, 28, 30, 31, 33
immersion, 106, 107, 117, 137, 155
courbe géométrique, 6–14, 16–18, 20
inégalité de Wirtinger, 33, 34
courbure, 11–14, 16, 18, 19, 23
inégalité isopérimétrique, 33, 34
courbure de Gauss, 65, 67, 98, 99
isométrie, 8, 12, 16, 23, 24, 26, 27, 39,
courbure moyenne, 65
74, 100
courbures principales, 65
cubique cuspidale, 35, 107, 113
lemme de Poincaré, 124, 128
dérivation, 118, 119 longueur d’arc, 8, 18, 56
degré, 28–30, 39
deuxième forme fondamentale, 59, 63, noeud, 32
64, 66, 69, 98, 100
ombilic, 68, 69, 74, 99
difféomorphisme, 56, 97, 99, 104, 105,
107, 108, 116, 124, 129, 131, paramétrisation conforme, 57, 81
136, 139, 149, 155–157 partition de l’unité, 110, 138
différentielle extérieure, 126, 127 plan osculateur, 21, 22, 37, 38
distance intrinsèque, 85, 86, 88, 100 plan projectif, 141, 142
espace projectif, 135, 143 plan tangent, 50–53, 96, 99
espace tangent, 113, 136 plongement, 107, 117, 138, 155
polyèdre convexe, 89, 90
fibré cotangent, 114, 140 première forme fondamentale, 54–57,
fibré tangent, 113, 114, 136, 137 66, 67, 96, 100
fonction de Morse, 108 produit extérieur, 122, 123

226
INDEX 227

quadrique, 44, 47, 95, 108, 156

repère de Frenet, 18, 19, 24, 25, 37


ruban de Möbius, 62, 97

sous-variété, 111, 113, 125, 136, 156,


157
structure différentiable, 134, 160, 161
submersion, 106, 107, 117, 137, 141,
155
surface à courbure constante, 75, 77,
78
surface de Boy, 142
surface de révolution, 48, 49, 77, 81,
95, 97, 99, 101
surface de Riemann, 144, 147
surface minimale, 79–82, 99, 100
surface orientable, 59–61
surface réglée, 49, 79, 82, 95
surface tubulaire, 58, 97
symboles de Christoffel, 70, 71, 73

théorème d’inversion locale, 105, 111


théorème de Gauss-Bonnet, 89, 94
théorème de Jordan, 33, 170
théorème de plongement de Whitney,
138, 152
théorème des fonctions implicites, 105,
111
théorème des quatre sommets, 39
theorema egregium, 70, 72, 73
tore complexe, 145
torsion, 19, 20, 23, 24, 37, 38, 101

variété complexe, 143


variété topologique, 133

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