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Ecole Des Hautes Etudes en Sciences Sociales (E.H.E.S.S) - Paris

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ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES (E.H.E.S.

S)
-PARIS-
0.R.8.T.O.M. UR: M8A

Formation Doctorale
- Socio-économie du développement -
Doctorat nouveau régime

par

Francis Augustin Akindès


Directeur de thèse: Monsieur Jean Coussy

Jury :

Mrs M. Augé : Directeurde recherche à l'E.H.E.S.S., Paris

J. Coussy: Maître de Conférence à l'E.H.E.S.S., Paris

1. Sachs: Directeurde recherche à l'E.H.E.S.S., Paris

R. Mahieu: Maître de Conférence à Paris 1

Juin 1990
REM E R CIE MEN T S

Toute ma gratitude va au Professeur Jean COUSSY qui a


bien voulu diriger cette thèse.

Cette étude s'inscrit dans le cadre des programmes


d'activité de l'UR: MSA (Maîtrise de la Sécurité Alimentaire) de
l'ORSTOM que dirige G. COURADE à qui je sais gré de m'avoir
accordé sa confiance, l'encadrement scientifique ainsi que l'ap-
pui matériel et financier nécessaires à la réalisation de ces
travaux ..

Je tiens également à exprimer ma sincère reconnaissance


à MM. Jean ROCH (CIRES-ORSTOM), Jacqueline PELTRE-WURTZ Moriba
TOURE (lES), Michel SCHlRAY (MSH-CIRED-CNRS), Papa Samba NDAW
(CIRES), Daniel Mianno KADJA (lES) et aux Professeurs G.
NIANGORAN BOUAH (lES), F. Nguessan KOUAKOU (lES), S. CALABRE
(Fac. de Sciences Economiques de Grenoble), Alice ODOUNFA
(Ministère du Plan. Service des Statistiques) qui, à un stade ou
à un autre, ont suivi ce travail et m'ont apporté leurs
suggestions.

Que Cl. VIDAL et M. Le PAPE, qui m'ont proposé ce sujet


et apporté leurs critiques et conseils au cours de leurs brèves
missions, soient assurés de ma très profonde gratitude.

Enfin, mes remerciements vont aux collègues et amis de


l'ORSTOM Petit-Bassam, particulièrement à MM. Ori BOIZO, P.
LIVENAIS, Abdou TOURE, Ibo GUEHI, AFFOU Yapi, Ernest OTTE et à J.
GOVOETCHAN qui a assuré la mise en forme de ce document.
A

Monsieur Marc AUGE ...

Président de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Paris
Aux
Familles AKINDES et SEZAN ...
A
mon Epouse et à mon Fils ...
SOM MAI R E

INTRODUCTION 10

1°) De la problématique générale du secteur informel à sa

projetion dans les filières agro-alimentaires 11


2°) Problématique et objectifs de l'étude 22

3°) Techniques et méthodes d'approche 31

40 ) Plan de l'étude 37

Chapitre l - Dépendance alimentaire, mimétisme et urbanisation

en Côte-d'Ivoire 41

Section 1 - Dépendance alimentaire et urbanisation état

des lieux 42

Section 2 - Côte-d'Ivoire: "La ville plaide non coupable" 50

Section 3 - Secteur informel alimentaire et résistance


au mimétisme dans la dépendance 65

CONCLUSION PARTIELLE 70

Chapitre II - Croissance urbaine et développement de l'alimenta-

tian extérieure 71

Section 1 - Etapes de l'urbanisation et processus d'ivoiri-

sation de l'informel alimentaire 72

Section 2 - Structures de consommation et catégories d'ali-

ments vendus 84

Section 3 - Quelques contraintes à la création des unités de

production 102

Chapitre III - Production alimentaire et participation

communautaire 109

6
Section 1 - Caractéristiques socio-démographiques des micro-

négociants 11 a
Section 2 - Analyse des caractéristiques de la main-d'oeuvre
de l'informel alimentaire 119

Section 3 - Structures familiales immédiates des micro-

négociants 124

CONCLUSION PARTIELLE 134

Chapitre IV - Stratégies d'investissement et rationalité des

micro-négociants 136

Section 1 - De la décision d'entreprendre à la constitution

du capi tal 1 37

Section 2 - Evaluation et répartition du capital initiale-

ment investi 149

Section 3 - Investissement économique et rationalité des

acteurs de l'informel alimentaire 157

CONCLUSION PARTIELLE 164

Chapitre V - Circuits et· pratiques d'approvisionnement dans

l'informel alimentaire 166

Section 1 - Ravitaillement en produits intermédiaires 167

Section 2 - L'attiéké et le riz: de l'approvisionnement à

la consommation 1 72

Section 3 - Pratiques liées à l'approvisionnement auprès des

circuits "informels" 182

CONCLUSION PARTIELLE 186

7
Chapitre VI - Demande alimentaire informelle et stratégie des
prix à la consommation 188
Section 1 Espace alimentaire et rapports offreurs-
consommateurs 1 89

Section 2 - Nature, mesure et prix des plats consommés .... 199

CONCLUSION PARTIELLE 213

Chapitre VII - Rentabilité des opérations commerciales,


comportement de consommation et d'épargne dans le
secteur informel alimentaire 214
Section 1 - Appréciation du revenu net par catégorie de
restaurant 215
Section 2 - Analyse des données sur la consommation des
ménages d'acteurs 223
Section 3 - Les comportements d'épargne dans l'informel
alimentaire "... 241

CONCLUSION PARTIELLE 246

Chapitre VIII - Importance socio-économique de l'informel alimen-


taire " 249

Section 1 - Contribution de l'informel alimentaire


.
a

l'économie urbaine 250

Section 2 - Place de l'informel alimentaire dans le système


alimentaire urbain 253
Section 3 - Conditions macro-économiques de survie de
l'informel alimentaire 261

CONCLUS l ON GENERALE 270

8
INTRODUCTION GENERALE

9
La question alimentaire fait depuis quelques années

dans les pays du Tiers-monde et plus particulièrement en Afrique

sub-saharienne, l'objet d'une attention particulière de la part

des organisations internationales et des instances de décisions


politiques, en vue d'une meilleure maîtrise de son évolution.
Bien qu'en Côte-d'Ivoire, ne se posent pas de graves problèmes

alimentaires telle que la famine, la problématique alimentaire

n'est pas absente des politiques économiques. Malgré cet intérêt

affiché de part et d'autre, l'analyse du système alimentaire

présente des disparités. Par rapport aux études consacrées à la


production et à la distribution, celles relatives à la consomma-
tion finale restent très marginales. Pourtant la croissance démo-
graphique, couplée à la forte urbanisation, compliquent ce pro-

blème de consommation alimentaire qui, devenu le noeud gordien de

la politique sociale des pays en développement, mériterait plus

de suivi afin que les évolutions et les modifications qu'elles

peuvent entraîner puissent être maîtrisées surtout en ces pé-


riodes d'ajustement où l'alimentation est une corde sensible.

C'est dans ce cadre général des relations entre crois-

sance urbaine et alimentation des populations que nous situons

notre étude intitulée "Urbanisation et développement du secteur

informel alimentaire en Côte-d'Ivoire: l'exemple d'Abidjan".

Notre objet d'étude appartenant à deux grandes familles

de questions actuelles (secteur informel et système alimentaire),

nous nous arrêtons à ce niveau pour situer, à partir de considé-


,
rations théoriques, leurs points d'articulation par rapport a
notre problématique.

10
1°) De la problématique générale du secteur informel à sa
projection dans les filières agro-alimentaires.

a) Considérations générales sur le secteur informel

Le concept "secteur informel" est à l'origine, depuis


deux décennies, d'une abondante littérature sur les pratiques
sociales et le travail dans les villes du tiers-monde. A ce
...
titre, il a fait l'objet de débats épistémologiques quant a
l'adoption même du concept pour caractériser l'économie urbaine
marginale. Comme le souligne Cl. De Miras, "La montée du thème
est sans doute à rapprocher de l'évolution récente des sociétés
urbaines du tiers-monde dans lesquelles la dégradation de l'éco-
nomique appelle une extension massive des stratégies de survie
des milieux populaires et un recul du niveau de vie des classes
moyennes" (1).
Cette notion de secteur informel est strictement liée
au phénomène d'urbanisation accélérée et au chômage. Elle est
apparue au début des années 70 avec le lancement du Programme
Mondial de l'Emploi par le Bureau International du Travail
(B.I.T.) et la publication du rapport sur le Kenya qui mettait en
évidence le fait que l'exode rural et la croissance urbaine qui
en est une conséquence n'entraînaient pas automatiquement un taux
de chômage élevé mais plutôt le développement de petites acti-
vités qui permettaient aux migrants ruraux et aux citadins
n'ayant pu avoir accès aux emplois de vivre et de survivre. Les

(1) Claude De Miras, Le "secteur informel" : une notion forte ou


un concept mou? La fausse guestion. Doc. ronéo, ORSTOM,
Quito, août 1988; p. 2.

11
travaux de terrains et autres investigations qui se succèderont
après ce fameux rapport sur le Kenya mettront évidemment l'accent
sur l'importance du secteur informel en termes d'emploi.
Sur la dénomination de cette frange d'économie urbaine
des pays en voie de développement, plusieurs concepts s'affron-

tent dans le champ de la production littéraire relative au déve-


loppement "économie non officielle", "économie souterraine"
"parallèle", "secteur de subsistance", "petite production mar-
chande" , "économie officieuse". Bien que le débat n'ait pas été
tranché, l'usage du concept "secteur informel" tend à se généra-
liser pour la simple raison que les organisations internationales
aient rapidement adopté cette appellation malgré la dysharmonie

entre cette dernière et la réalité (1). Mais la persistance de


l'usage de ce concept depuis quelques années aura balayé son
"insuffisance analytique" et l'ambiguité même de son utilisation.
L'accoutumance qui en résulte lui confère ainsi toute sa légiti-
mité. A en juger par sa place dans les discours politiques, le
caractère "opérationnel" de ce concept n'est plus à remettre en
question. Même dans le champ du descriptif, il a acquis droit de

cité. A titre d'exemple, par rapport à la publication de Vivre


et survivre dans les villes africaines, IEDES, PUF 1922 et du nO

82 de la Revue Tiers-Monde consacré aux activités économiques


marginales, la livraison du nO 114 de la même revue n'offre plus

le moindre doûte sur l'usage généralisé de ce concept. Si dans


les deux premières publications il y avait encore place pour un

(1) F. Akindès, Réflexions sur les concepts "informel" et "non


structuré in Secteur informel ou non structuré: des appel-
lations contestées, Abordage nO 2, Amira, Paris déc. 1986;
p. 2.

12
débat, le principe de l'adoption du concept semble être acquis
dans le dernier. Comme le fait remarquer Cl. De Miras (1), sous
des titres aussi divers que "Relations industrielles et indus-
trialisation" (G. C~aire), "La transnationalisation, la crise du
développement et la fin du Tiers-Monde" (5. Latouche) "La déséta-
tisation en Afrique sub-saharienne" (P. Jacquemot) et "En
Algérie, une "nouvelle" valeur, l'auto-emploi" ? (C. Bernard), la
référence à l'informel est constante, que ce soit pour:
- expliquer sa place dans les relations industrielles
(syndicalisation, fragmentation du maché du travail, participa-
tion ... ) (G. Caire), en précisant que la distinction entre formel
et informel est "terminologiquement malheureuse sans doute" (p.
238) ;
- affirmer que, à propos de la transnationalisation du
réseau de la croissance, "une des formes de réaction les plus
flagrantes est l'économie informelle comprise ici comme auto-
organisation pour la réalisation d'objectifs de survie ( .... )"
(5. Latouche; p. 268);
- montrer comment le recul de l'intervention de l'Etat
dans les nations subsahariennes se traduira en ville par
"l'informalisation de nombreuses activités économiques" qui
"prendra une ampleur grandissante avec la perte des emplois liés

à l'Etat et surtout avec la perte des activités de production


nationale, de moins en moins protégées par les barrières
douanières et contingentaires et de moins en moins soutenues par
le régime des subventions" (P. Jacquemot, p. 291);

(1) Cl. De Miras, Le "secteur informel" ... op. cit. p.S.

13
- envisager comment la petite production marchande,
dont la libéralisation croissante restait en principe contrôlée
par l'Etat algérien, risque d'osciller "entre la réglementation
et la clandestinéité" (p. 317). L'auteur rappelle, au passage,
qu'en général, "ces activités ont été intégrées dans un champ
d'investigation vaste (parfois aux contours flous), le "secteur"
non structuré, dont la petite production marchande est le coeur"

(C. Bernard, p. 296).


Si la dénomination des économies non réglementées sem-
ble se cristaliser dans le concept "secteur informel", son champ
définitionnel reste partagé entre trois théories économiques
- La théorie classique de la concurrence,
- La théorie structuraliste et dans une moindre mesure
le keynésianisme .

. La première tendance, qui a orienté l'analyse du


secteur informel à partir des définitions multi-critères et fonc-
tionnelles, tire sa légitimité de la théorie classique de la

concurrence; celle-ci y a vérifié les hypothèses d'atomicité,


d'homogénéïté et de fluidité, de transparence et de mobilité.

Pour ces auteurs, le secteur informel est une illustration de


l'économie de marché "pure et parfaite", mais segmentée, c'est-à-

dire non connectée au marché formel. La plus connue de ces défi-


nitions est celle proposée par le rapport du BIT sur le Kenya qui

comprend sept critères facilité d'entrée, marchés de concur-

rence non réglementée, utilisation de ressources locales, pro-


priété familiale des entreprises, petite échelle des activités,

technologies adaptées à forte intensité de travail, formation


acquise en dehors du système scolaire.

14
. La théorie structuraliste récupérera la faiblesse des
"classiques" qui réside essentiellement dans la non prise en
compte des interrelations entre les secteurs (formel et informel)
que l'analyse semblait dissocier. C'est plutôt le rôle joué par
le secteur informel périphérique par rapport au capitalisme qui
commandera l'élaboration de sa définition. Le secteur informel
est alors défini comme un produit du sous-développement. Il est
une réserve de main-d'oeuvre dans laquelle le secteur moderne
puise la force de travail nécessaire à sa reproduction. L'excé-
dent de main-d'oeuvre non utilisée permet alors d'exercer une
pression à la baisse sur le niveau des salaires .
. Les keynésiens et les monétaristes, quant à eux, ne
semblent pas avoir élaboré d'analyse particulière du phénomène.
Tout ce que l'on peut dire en la matière est que le secteur
informel est identifié par le planificateur comme "les sables
dans lesquels se perdent les effets du multiplicateur: en cela
il n'émousse pas l'efficacité des mesures interventionnistes,
mais il est la cause d'une mauvaise appréciation du niveau requis
des interventions de l'Etat" (1).
Le problème des définitions proposées par les trois
écoles de pensée est qu'elles ne font pas la distinction entre

conception idéologique et caractéristiques objectives du secteur


informel ce qui, empiriquement les fait tourner en rond. Comment
peut-on mesurer le phénomène à partir de ces multiples critères
des classiques? Où est la ligne de partage entre le "formel" et
l'informel" que les dépendantistes se proposent d'articuler ?

(1) J. Charmes, Débat actuel sur le secteur informel, Revue


Tiers-Monde t. XXVIII, nO 112, Oct.-Déc. 1987; p. 858.

15
Aussi les différences d'approche du phénomène en Afrique et en
Amérique Latine où le phénomène a été plus largement étudié n'a
pas aidé à l'articulation de l'empirique au théorique. Si en
Amérique Latine l'accent est mis sur le ménage, en Afrique
l'unité de production semble être privilégiée.
Mais au fur et à mesure que les travaux de terrain se
poursuivent les tentatives de définition se bâtissent autour des
critères tels que le non enregistrement administratif et le non
enregistrement statistique.
Les définitions les moins contestées sont celles selon
lesquelles le secteur informel urbain est "constitué par l'en-
semble des activités non agricoles à ne pas être enregistrées
régulièrement et distinctement par les enquêtes statistiques
classiques" (1).
L'artisanat alimentaire d'une façon générale étant
partie intégrante de ce secteur, il est susceptible de se voir
appliquer ces schémas d'analyses théoriques. Il occupe également
une position particulière par rapport au système alimentaire dans
son ensemble, car il est un maillon de la filière agro-

alimentaire.

b) La part de l'''informel'' dans les filières agro alimentaires


Dans une intéressante étude sur l'industrie agro-
alimentaire analysée en terme de filière, Ph. Hugon (2) faisait
ressortir la complexité du système agro-alimentaire des pays
(1) J. Charmes, op. cit . . . . . p. 859.
(2) Ph. Hugon. L'industrie agro-alimentaire. Analyse en termes de
filières, Revue Tiers-Monde t. XXIX, nO 115, juillet-sept.
1988.

16
africains au sein duquel il distingue quatre principales filières
selon leur mode d'organisation, de régulation et leur dimension

spatiale

- les filières a" régulation domestique (locales)

- les filières a" régulation marchande (régionales)


- les filières a" régulation étatique (nationales)

- les filières a" régulation capitaliste.


Ce schéma théorique sera pratiquement appliqué par les

chercheurs du groupe Altersial (ENSIA-ClRAD-GRET) à leur étude

sur la problématique de la valorisation des céréales locales où

il était question de "mettre en évidence à quel niveau de chaque

filière peuvent se situer les politiques de valorisation et sur

quels facteurs elles doivent jouer" (1).


Que ce soit au niveau de l'analyse théorique de Hugon

que dans l'étude du groupe Altersial, c'est dans la "filière

artisanale à régulation marchande" que le secteur informel trou-

vera sa projection. Celle-ci a été définie comme "l'ensemble des

activités à petite échelle organisée selon des relations non

salariales, où les techniques sont simples et où le capital

avancé est faible mais où il y a circulation monétaire et jeu de

prix ... [avec] ... le produit alimentaire ... [comme] ... mar-

chandise (2). Cette filière, plus communément appelée artisanat

alimentaire, est monétisée et se caractérise par une division du

travail ou" interviennent une multitude de petits producteurs,

(1) D. Sautier, M. Odèye avec coll. de N Bricas et M. Odeyé, Mil,


maïs sor ho. Techni ues et alimentations au Sahel, O.C.D.E.,
Altersial, CILSS, L Harmattan Pusaf, Paris 1989; p. 120.

(2) Ph. Hugon op. cit.; p. 679.

17
transformateurs, transporteurs, distributeurs qui travaillent à
l'acheminement des produits vivriers vers les espaces urbains.
Cette filière artisanale est aussi très diversifiée et

regroupe
la production vivrière paysanne
- les activités de petite transformation
- la fourniture de services liée aux activités de

fabrication et de vente
les activités de micro-commerce dont la petite

restauration.
Cette dernière forme d'artisanat, projection même du
secteur informel dans la filière agro-alimentaire, est partagée
entre la production, la transformation et la distribution, ce qui
justifie la distinction faite par le groupe Altersial entre
artisanat de première transformation (décorticage, petite trans-
formation (exemple de l'attiéké), monture) et celui de seconde
transformation à laquelle appartient le secteur informel alimen-
taire ou la petite restauration, qui, quel que soit le pays, se
développe "sans la moindre mesure incitative d'aucun organisme

public, sans la moindre assistance technique d'aucun expert in-

ternational". Il s'est également "constitué comme la seule fi-

lière capable de fournir au marché de façon durable et à un prix


modéré, des produits élaborés" (1). Dans le Sahel, l'étude du

groupe Altersial montrera sa place dans la valorisation des


céréales locaux. Cette même étude soulignait qu'il était le

premier secteur à s'adapter à l'évolution des styles alimentaires

urbains sans pour autant provoquer des bouleversements. Par ail-


(1) Ph. Hugon op. cit. p. 679.

18
leurs les travaux de l'IFPRI (Institut International de Recherche
sur les Politiques Alimentaires) sur lesquels nous reviendrons,
montre à Ouagadougou l'importance des gargottes dans la substi-

tution des céréales locales par les céréales importés en alimen-


tation extérieure et les risques que courent les politiques
alimentaires burkinabés en ne prenant pas en compte les modèles
alimentaires que véhiculent ces gargotes (1).
En Asie du sud-est les études d'EPOC (Equity Policy
Center) ont fortement mis en exergue l'importance de cette
filière dans les systèmes alimentaires urbains.

En Côte-d'Ivoire, les résultats des Enquêtes Budget-


Consommation (EBC) réalisées en 1979 au cours desquelles les
aspects de la consommation alimentaire ont été
.
exam~nes
,
aussi
bien au niveau des ménages qu'en partie en dehors de ceux-ci
(consommation extérieure) évaluaient à 23 % du budget alimentaire
à Abidjan, la part de l'alimentation hors domicile. A. Odounfa et
Requier Desjardins notent aussi l'importance de ce type de res-

tauration fortement liée à l'intensité de l'urbanisation puisque


selon les mêmes résultats de l'EBC 79, le pourcentage de la

strate "autre ville" est de moitié inférieur à celui de la


"strate Abidjan" où le phénomène est en net renforcement. "Il est
regrettable - ajoutèrent-ils - que pour l'instant il soit
difficile d'identifier les modifications du modèle alimentaire

que véhicule le développement de ce type d'alimentation. On sait

en effet que l~alimentation extérieure et collective est un

(1) Cf. : C. L. Delgado, A. Reardon, T. Tchiombiano, L'importance


des céréales non traditionnelles dans la consommation des
riches à Ouagadougou in Economie Rurale nO 190, mars-avril
1989.

19
vecteur essentiel de la modification des habitudes alimentaires.

Mais si on peut l'admettre a priori pour la Côte-d'Ivoire encore

faudrait-il cerner l'impact des formes spécifiques que prend dans

ce pays ce secteur d'activité. Ceci devrait constituer un axe de

recherche important pour l'étude de l'alimentation

ivoirienne" (1).

L'intérêt de ce mode alimentaire étant ainsi révélé par

l'E.B.C.79, la connaissance de ses structures reste incertaine.

Quelques efforts d'approche quantitative comme le recensement des

activités urbaines effectué en 1976 et le Plan 1981-85, ont

essayé de faire ressortir l'importance de ces structures. Mais

faute de critères objectifs de recensement (2), les enquêtes

n'ont donné, à notre avis, que des résultats - quelque peu

biaisés - par voie d'estimation en ce qui concerne la ville

d'Abidjan. Néanmoins l'intérêt de ces deux approches par approxi-

mation a été de dégager l'importance quantitative de l'artisanat

alimentaire 55,6 % des activités non sédentaires à Abidjan

(Recensement Chateau 1976) et 61,3 % des 350.000 emplois (Plan

1981-85).

Toutes ces données semblent s'accorder sur l'importance

de ce mode d'alimentation que nous appelons, dans le cadre de

notre étude, secteur informel alimentaire.

(1) A. Odounfa et D. Requier Desjardins: L'évolution des modèles


alimentaires en Côte-d'Ivoire in Les cultures vivrières:
Elément stratégigue du développement agricole ivoirien. Actes
du Séminaire, Tome 2, CIRES, Abidjan, 1983; p. 508.

(2) D. Requier Desjardins : Quelgues éléments de réflexion sur la


nature et le rôle de l'artisanat alimentaire en Côte-d'Ivoire.
Université d'Abidjan, doc. UNCI ronéo; pp. 3-4.

20
Nous parlons de secteur informel alimentaire - ou res-
tauration populaire selon le sens commun - par opposition aux
restaurants officiels intégrant aussi bien les cantines d'éta-

blissements publics que les restaurants de standing et les hôtels


soumis à des obligations déclaratives fiscales et sociales sous
le contrôle du Ministère du Commerce. Les seconds éliminent de
leur clientèle une part importante de la population à cause de la
cherté des repas et de la non correspondance entre les menus

présentés et les coutumes alimentaires locales. La restauration


populaire a le mérite de ne pas faire cette ségrégation et tend à
intégrer dans sa clientèle des individus issus de différentes
couches sociales visant différents objectifs: quête d'une bonne
cuisine africaine, nécessité de manger hors de chez soi, souci de
paraître avec des amis, rapport qualité-prix, etc ...
Même, lorsque l'importance quantitative de ce mode
alimentaire est relevée, l'impact de l'environnement macro-

économique sur son évolution de ce mode alimentaire est

complètement ignorée ou sous-estimée. Même les débats actuels sur


la problématique agro-alimentaire en période de crise semble
faire une impasse sur ce secteur alors qu'il est un vecteur
irremplaçable du système alimentaire.

La spécificité de sa dynamique n'autorise d'ailleurs

aucun usage de schémas explicatifs habituellement avancés à pro-

pos de l'alimentation dans les villes du Tiers-monde.

Aussi, la complexité même de notre objet d'étude prove-

nant du fait qu'il peut être abordé sous deux angles différents
(l'offre alimentaire ou la consommation alimentaire), voudrait
que nous explicitons l'orientation de notre développement.

21
Nous précisons d'ores et déjà que notre intérêt se
porte ici sur la structure de l'offre alimentaire informelle et
les stratégies socio-économiques qui la sous-tendent. Néanmoins,
certains éléments concernant la consommation alimentaire pour-
raient intégrer cette analyse de l'offre.
Traitant d'un sous-système alimentaire qui est, elle-
même, une catégorie du secteur informel, nous nous situons dans
le prolongement de recherches qui ont été conduites en Côte-
d'Ivoire, tant sur la consommation alimentaire que sur le secteur
informel. Mais, au lieu de partir des définitions convention-
nelles, sources de polémiques et de vaines querelles sémantiques,

nous dégagerons les caractéristiques objectives qui font la spé-


cificité du secteur informel alimentaire (I.A.).
Font donc partie du secteur informel alimentaire
(I.A.) toutes les activités se limitant essentiellement au micro-
commerce des produits vivriers bruts d'origine animale et/ou
végétale - importés ou non - transformés en mets immédiatement
comestibles et non enregistrés dans les cadres classiques de la
comptabilité nationale.

Puisque la meilleure définition que l'on puisse donner


a priori du secteur informel est essentiellement descriptive et
typologique (1), la classification que nous ferons dans les
chapitres à suivre complètera cette définition globale et nous
,
aidera a fixer les grandes catégories qui entrent dans notre
analyse de l'informel alimentaire (I.A.).

(1) (J.) Charmes: Ii Méthodes et résultats d'une meilleure évalua-


tion des ressources humaines dans le secteur non structuré
d'une économie en voie de développement". Cahiers ORSTOM, Sc.
Hum., vol. XIX, nO 1; 1983, pp. 93-106.

22
2°) Problématique et objectifs de l'étude

Les études sur le secteur informel ont connu ces der-

ni ères années un développement considérable aussi bien au niveau

général que sur le cas particulier de la Côte-d'Ivoire. Mais

l'actualité du thème par rapport à la conjoncture économique (1)


mérite qu'on s'y attarde. Ceci pourrait justifier quelque peu

notre intérêt pour la filière informelle alimentaire qui, pour

deux raisons, présente de grands atouts par rapport aux poli-

tiques économiques

1 - Du point de vue de l'emploi: dans le contexte

africain, elle constitue l'essentiel des petites activités mar-

chandes urbaines au niveau des effectifs (2) et reste le prin-

cipal domaine d'intervention économique des femmes considérées

comme "groupe vulnérable" dans les définitions des cibles devant

bénéficier de politiques sociales en période d'ajustement. La

moindre recherche d'allègement de l'impact social des mesures

d'ajustement sur les femmes en milieu urbain doit nécessairement

passer par la connaissance de cette filière.

2 - Du point de vue de l'alimentation elle détient

dans toutes les capitales africaines le quasi-monopole de la

restauration hors domicile. Aussi, sa place dans l'alimentation

de la pauvreté urbaine est-elle déterminante. A ce titre, sa

connaissance doit être une donnée constante des politiques ali-

mentaires des pays sub-sahariens. D'ailleurs, les travaux de

(1) Banque Mondiale, L'Afrique subsaharienne. De la crise à une


croissance durable. Etude de prospective à long terme. Banque
Mondiale, Washington D.C. 1989; pp. 165-169.

(2) Ph. Hugon op. cit. p. 681.

23
l'IFPRI (1) à Ouagadougou montrent assez bien comment la fai-
blesse des études en la matière pourrait présenter d'importantes

conséquences pour la définition des politiques céréalières dans

les pays du Sahel.


L'objectif de la présente étude est donc d'analyser les

facteurs socio-économiques de développement de l'informel alimen-


taire et la dynamique des habitudes de consommation dont il est
porteur pour enfin le situer par rapport au rôle économique qu'on

voudrait faire jouer au secteur informel en général en ces pé-

riodes de crise économique.

Par rapport à cet objectif et à la lumière de nos


résultats empiriques, trois hypothèses seront examinées

1 - Depuis quelques années les économistes de l'alimen-

tation débattent des liaisons qu'il pourrait avoir entre urbani-


sation et le diptyque mimétisme alimentaire - dépendance alimen-

taire .. Les principales argumentations sont généralement cons-

truites autour de la croissance des importations alimentaires qui

est l'indice de la dépendance et l'intégration des produits

importés dans les modèles de consommation alimentaire.

En Côte-d'Ivoire, quelques auteurs, à partir des

Enquêtes-Budget-Consommation, ont testé la thèse de l'urbanisa-

tion comme facteur déterminant de la tendance au mimétisme ali-

mentaire. Bien que l'augmentation du poids des importations ali-

mentaires ait été constaté, les analyses - sous forme comparative

- des modèles ruraux et urbains de consommation et l'étude de

l'évolution des styles alimentaires ont infirmé dans le contexte

abidjanais cette thèse du mimétisme alimentaire. Pour ce qui est

de l'alimentation extérieure, l'administration de la preuve du

24
non-mimétisme est que l'essentiel dans ce type d'alimentation est
constitué de produits transformés issus de filières artisanales
utilisant une technologie traditionnelle.
Nous montrerons dans notre développement que si les

conclusions de ces études, renforcées par une histoire de l'ali-

mentation extérieure que nous présenterons, reste une antithèse

intéressante de la théorie de Malassis et de Padilla relative


..
a

la question, elle mérite toutefois nuance compte tenu du fait que


l'informel alimentaire se développe de plus en plus sur les bases

de la politique alimentaire ivoirienne centrée sur l'importation.

Ces constats ressortant de l'analyse de la dynamique de l'alimen-

tation extérieure n'autorisent donc guère un parallèle entre

maintien des habitudes alimentaires locales - dont il est porteur


- et indépendance alimentaire car la croissance de la consomma-

tion des produits importés tels que le riz et la viande par son
biais met en évidence sa sensibilité au facteur prix relevant des

stratégies agro-exportatrices offensives sur les marchés


mondiaux.

2 - Le caractère irremplaç~ble de l'informel alimen-

taire dans le système alimentaire urbain ne pouvant plus être

remis en cause, il est donc nécessaire de comprendre les facteurs

de son développement qui s'articulent autour du prix de consomma-


tion appelant une analyse du calcul économique des acteurs.

D'une façon générale, l'observation des comportements

économiques concrets en Afrique réveille un vieux débat entre


"holistes" et "individualistes" ouvert aussi bien dans le champ

de la théorie économique entre néo-classiques orthodoxes et mar-

25
ginalistes que dans le champ de l'analyse sociologique avec d'un

côté Bourdieu et de l'autre R. Boudon (individualisme méthodolo-


gique). Le débat, lui-même, tourne autour de la notion de ratio-
nalité. Mais au lieu d'un rejet dos à dos des deux tendances qui
s'affrontent, il semble que les données concrètes appellent

plutôt un dépassement des querelles idéologiques sous-jacentes

pour un rapprochement en vue d'une meilleure approche des pro-

blèmes économiques. Les travaux de Th. Veblen, de Ph. d'Iribarne

sur les motivations à la consommation et de J. Baudrillard pour


ne citer que quelques-uns, ont ouvert la voie dans ce sens.

Les pratiques économiques et les calculs qui les sous-


tendent dans les sociétés africaines sont à ce titre un bon

terrain d'observation compe tenu du fait que leur développement

se fait dans un contexte d'hybridisme culturel avec juxtaposition

des cultures "communautaire" et "individualiste".

Si nous partons des principes même de l'analyse micro-

économique qui intéresse au premier chef les décisions indivi-

duelles, nous sommes en droit de privilégier dans ces sociétés

africaines de plus en plus monétisées les trois postulats de base

de la théorie néo-classique - les individus ont des comporte-

ments rationnels; - chaque individu recherche ce qui est utile à

son plaisir; - les choix sont avant tout des choix individuels.

Par rapport au terrain africain, la reconnaissance de

l'influence de la société sur ces choix d'utilité introduite par

les néo-marginalistes, appelle la nécessité d'un input anthropo-

logique pour déceler la hiérarchie des valeurs propres à chaque

société. Le but premier des théoriciens de la science économique

qui est de fonder l'élaboration des instruments conceptuels et

26
d'analyse d'une science au champ parfaitement autonomisé du reste
de la réalité apparaît de moins en moins réaliste face à ces
complexités. Le "monoéconomisme" que dénonçaient G. Myrdal, F.
Perroux, Kalecki et avec eux Hirschmann et I. Sachs semble ici ne
plus faire récette et appelle une
~ .
necessa~re "symbiose
disciplinaire".
R. Mahieu aura donc raison, de tenter une théorisation
des principes économiques propres aux sociétés africaines en
s'appuyant sur le modèle des économies subsahariennes et en
intégrant les acquis anthropologiques. Dans la perspective des
théories du déséquilibre qui selon lui, "permet de styliser
l'instabilité entre les transferts étatiques et les transferts
communautaires", il fera remarquer que "Le calcul économique en
Afrique repose sur un ordre lexicographique entre le calcul
communautaire sur les droits et les obligations d'une part et le
calcul économique individuel de type utilitariste d'autre
part" (1). Il souligne également la relation déséquilibrée qui
existe entre les droits et les obligations quand il note: "Pra-
tiquement droits et obligations sont de nature très différente.
Les obligations sont matérialisées par des flux effectifs. Les
droits restent potentiels comptabilisés dans la mémoire communau-

taire. L'équilibre ne peut ainsi être strictement individuel et


dépend à tout instant de la relation du ressortissant avec sa
communauté" (2 ) • Sans pour autant rejeter de
. ..
man~ere absolue

(1) F. R. Mahieu, Principes économiques et société africaine.


Doc. ronéo, Faculté des sciences économiques. Université
d'Abidjan, 1989, p. 1.
(2) F.R. Mahieu, idem. p. 8.

27
cette "aventure théorique"-de l'auteur qui présente un intérêt

certain pour l'analyse des comportements économiques dans la

société globale en Afrique, nous sommes donc conduits à mettre en


doute l'hypothèse du déséquilibre entre droits et obligations par
rapport à certaines pratiques urbaines. Le déséquilibre entre la
matérialité des obligations et le caractère idéel des droits tel
que le présente Mahieu connaît une profonde mutation. Celle-ci

s'explique par une stratégie des agents économiques urbains con-

sistant à capitaliser leurs droits et parfois leurs obligations

par le biais des petites activités marchandes afin de pouvoir

continuer à faire face aux obligations communautaires et à sup-


porter la baisse du pouvoir d'achat.

Nous montrerons dans notre développement que la capa-

cité qu'ont les acteurs de l'informel alimentaire à supporter la


forte concurrence par la compression du coût de production tient,

entre autres, aux stratégies de reconversion des droits et obli-

gations contenus dans les pressions communautaires en capitaux

économiques. Il s'agit plutôt d'une reconversion des droits (-


droit de demander un fonds de commerce aux aînés obligé de donner
...
satisfaction conformément à la "procédure de redistribution a

l'africaine", - droit d'usage d'une partie de la concession fami-

liale comme local de production; - droit de demande d'assistance

à un compatriote sous forme d'octroi de facilité d'approvisionne-


ment; - droit de disposer du capital technique disponible au

niveau familial) et de certaines obligations communautaires


(transformation d'un hébergement ou d'un tutorat en droit d'usage

sous forme de main-d'oeuvre) en facteur de production.

28
Tout comme la disponibilité des denrées de base
importées, l'utilisation de ces facteurs de production que

constituent ces inputs communautaires pèsent fort lourdement dans


l'analyse du système de production et de la consommation à bas
prix qu'offre l'informel alimentaire.

3 - Marginalisé qu'il était, le secteur informel a vu

s'accroître son importance au fil de l'application progressive

des mesures d'ajustement des économies en développement. Dans

tous ces pays, les nouvelles politiques économiques d'inspiration


néo-classique voudraient alors en faire la base de la "compatibi-

lisation" des politiques d'ajustement et de leurs conséquences


sociales en surestimant ses capacités de génération d'emplois et

de redistribution de revenus.

Dans les pays latino-américains tels que la Colombie,

le pérou et le Brésil, face à l'impasse économique, il apparaît

à certains comme la solution "miracle" pour que les effets sur


l'emploi et les politiques d'ajustement soient socialement

supportables (1).

Sous la houlette des institutions internationales ce

discours s'élargit à l'Afrique subsaharienne. L"ampleur du phéno-

mène dans ces pays a fait muter les "politiques anti-artisanales

(1) Cf. J. Jorge, Urban poverty, labor markets and regional


development the case of Brazil, mimeo, University of
Wisconsin, Madisson, Spring, 1986; p. 6.
H. Soto, El otro sendero, la revolucion informaI, Ed. Oveja
Negra, 1987.
Nous pouvons également lire une critique de l'ouvrage de
Hernando de Soto dans "Les notes de lecture de Ignacy Sachs.
Un autre sentier in IFDA - Dossier nO 66, July-August 1988,
pp. 55-56.

29
de fait" (1) en perspectives de mesure de soutien avec la béné-
diction de la Banque Mondiale, du PNUD et du BIT ... et ce, dans

l'esprit de soutien du pouvoir d'achat des catégories

défavorisées.
En Côte-d'Ivoire, le secteur informel est aussi identi-
fié comme structure pouvant compenser les pertes d'emplois et de
revenus engendrées par l'ajustement déflationniste entamé depuis

1980 à la suite du ralentissement de la croissance économique et


de la détérioration des termes de l'échange en 1978-79. Depuis

une dizaine d'année il est regardé comme un secteur vital d'em-

ploi en lui-même car il est de fait le secteur important dont la


croissance est la plus rapide. Selon une récente publication de

la Banque Mondiale, le Ministère du Travail ivoirien, estime que


le secteur informel, outre qu'il compte près de 20 % du total des

emplois et connaît le taux de croissance le plus élevé (8,5 % par

an) de toutes les composantes du PIB, contribue à celui-ci à


hauteur d'entre 12 et 20 % d'où la nécessité de sa redynamisation

par la création de facilités bancaires pour couvrir ses besoins à


l'instar de la BNDA (Banque Nationale de Développement Agricole)
pour les activités liées à l'agriculture (2).

(1) G. Barthélémy, Artisanat et développement, Ed. Gret, Paris,


1986, p. 157 "Il s'agit d'actions qui, même si elles ne
découlent pas d'une volonté affirmée d'éliminer l'artisanat,
au nom du sens inéluctable de l'histoire économique ou du
libre jeu des forces de la concurrence, font implicitement le
deuil d'une forme de production considérée comme une
structure archaïque, destinée à céder peu à peu la place à
l'industrie, symbole de modernité".
(2) Banque Mondiale. Côte-d'Ivoire: document de travail sur les
ressources humaines. Banque Mondiale, janv. 1989; p. 17 ..

30
A défaut d'études plus globales et systématiques comme
dans les pays latino-américains ou en Tunisie pouvant permettre
un discours globalisant, on pourrait néanmoins vérifier l'hypo-
thèse sur certaines activités parmi lesquelle l'informel alimen-
taire qui, comme nous le mentionnions, concentre le plus d'em-
plois en milieu urbain.
Initialement stratégie d'insertion à l'économie

urbaine, l'informel alimentaire est de plus en plus identifié


comme branche du secteur pouvant encore générer des emplois. Nous
nous attacherons à montrer qu'étant donnée l'ouverture de son

marché qui échappe à toute réglementation, et du fait de l'afflux


de nouveaux candidats et de la forte concurrence qui en découle,
l'informel alimentaire atteint son point de saturation. On cons-
tatera certes une croissance du volume de l'emploi mais la vente

d'aliments est de moins en moins lucrative et se caractérise a


priori par une stagnation voire une décroissance des revenus.

3°) Techniques et méthodes d'approche


a) Approche historique et opération de comptage

La phase de terrain de nos travaux a effectivement


débuté par une enquête anthropologique sur le secteur informel

alimentaire afin de cerner son évolution dans le temps. C'est

après cette étape que nous avons procédé à une opération exhaus-
tive de recensement.

En fait de structures de consommation du secteur


informel alimentaire, nous avons distingué cinq types de restau-

rant qui se complètent et se font concurrence dans leurs


pratiques commerciales.

31
- Les restaurants en établissement
- Les restaurants sur tables mobiles
- Les espaces-restaurants
- Les restaurants spontanés
- Les restaurants ambulants.
Pour apprécier l'importance quantitative de ce secteur,
nous avons tenté un recensement. Ce comptage approximatif effec-
tué entre le 16 décembre 1986 et le 30 janvier 1987 nous a été
suggéré par la non-correspondance de notre conception théorique
et typologique du secteur informel alimentaire et l'esprit du

recensement des activités urbaines effectué en 1976.


Dans ce recensement dit "Chateau" (1), seul l"'informel
le moins informel" avait suscité l'intérêt des statisticiens pour
d'éventuelles actions de promotion et d'assistance. Les activités
hors des marchés ou "dans la rue" n'ont pu faire l'objet que
d'une simple estimation (2).

Pour des raisons de transparence méthodologique, nous


avons différencié l'informel alimentaire des rues de l'informel
alimentaire établi sur les places du marché. Du second, nous
avons totalement fait abstraction puisqu'il fait partie d'une
autre sphère géo-commerciale les marchés.

(1) ( J . P.) Cha teau Recensement général des activités en milieu


urbain - 1976. Ministère du Plan 1977, vol. 1; 40 p. + 3
annexes.

(2) Nous trouvons des critiques de ce recensement dans Marc Le


Pape: "De l'indigène à l'informel" in Cahiers d'Etudes Afri-
caines, Tome XXIII (1-2) nO 89-90, 1983; pp. 189-197 et D.
Requier Desjardins: Quelques éléments de réflexion sur la
nature et le rôle de l'artisanat alimentaire en Côte-
d'Ivoire, doc. ronéo, Université d'Abidjan, 1985; pp. 3-4.

32
Un exposé plus détaillé de la méthodologie de l'enquête
anthropologique et du recensement précèdera l'analyse des

données dans le chapitre 1.

b) Dispositif d'enquête socio-économique


C'est au sein de la "population-mère", approximative-
ment constituée à partir du recensement, que nous avons ciblé la
population auprès de laquelle nous avons recueilli les données .
. Le choix de l'échantillon ...
Le principe du choix raisonné a orienté cet échantil-

lonnage. Le critère de représentativité statistique n'était pas


pour nous une priorité. Nous retenions systématiquement les chefs
d'unité de production-vente (UPV), qui, dès la prise de contact,
manifestaient le désir de formuler des réponses complètes et
cohérentes aux questions que nous leur suggérerions. Ce critère
d'éligibilité reposant essentiellement sur la qualité des rap-
ports avec les enquêtés ne préjugeait en rien du contenu' des
réponses, mais était une condition sine qua non des enquêtes
socio-économiques approfondies telles que nous les voulions.
Hormis ce premier critère, nous avons veillé à la

représentativité qualitative et catégorielle lors de la constitu-

tion de l'échantillon. Les cinq catégories composant la

structure de l'informel alimentaire étaient représentées. Le


tableau nO 1 présente la répartition des 281 enquêtés représen-
tant chacun une unité de production.

Le recueil des informations a été assuré par


questionnaire.

33
· Le questionnaire ....
Il a été conçu autour de cinq thèmes centraux à
savoir
Thème 1 - Renseignements d'ordre général sur les restaurateurs
éléments de démographie humaine, motivations des ac-
teurs, description de leur environnement familial. La
rubrique des "questions spécifiques" que comporte ce
thème concentre une série de questions valables pour
certaines catégories de restaurant et non pour d'autre.
La question 1.14 (cf.: annexe P ~t>t ) qui est une "ques-
tion-rappel", suggérera à l'enquêteur si les questions
qui suivent sont valables pour le type de restaurant
devant lequel il se trouve. Les mentions "A remplir
pour "lui servent d'indication. Il faudra donc
entendre par Sp, restaurant spontané, Er, espace-res-
taurant, par R et, restaurant en établissement, par tm,
restaurant sur table mobile et par amb, restaurant
ambulant. Toutes ces instructions sont contenues dans
un "Guide d'enquête" que détenait chaque enquêteur.

Thème 2 - De l'esprit d'entreprise. Création et gestion du sys-


tème de production : investissements initiaux, rentabi-
lité économique, comportement d'épargne, rationalité de
l'entrepreneur.

Thème 3 - Pratiques commerciales et climat social rapports


entre offreurs et demandeurs à travers certaines
pratiques sociales et commerciales notamment le crédit.

34
Tableau nO 1 Répartition de la population enquêtée par type de

restaurant et par quartier

1 Restaurants en établissement J
1 1 Restau- Espace Restau- 1 Restau-
------------1-------------------------------- rant suri restau- rant 1 rant am-!
1 Coornunes 1 Maquis Kiosques !Res.Sénég. table 1 rant spontané 1 bulant
1 d'Abidjan' 1 mobile 1
1 1 1 1
1 Abobo 1 4 2 1 2 4 4 2 1 3
1 Adjamé 4 3 1 3 8 4 3
1 Treichvi 11e l 8 3 3 3 4 6 3
1 Cocody 2 3 2 5 13 5 2
1 Port-Bouët 5 3 1 6 7 4 2
1 Attécoubé 4 4 4 3 5 3 l
1 Marcory 5 1 l 7 9 4 2
1 Koumassi 3 2 2 9 13 4 2
1 Yopougon 5 3 2 9 9 8 3
1 Plateau 1 2 0 4 6 3 1
1
85 53 78 43 22

Thème 4 - structures de consommation des ménages. Analyse de la

répercussion sociale de leurs activités économiques


.
a

travers quelques postes de consommation.

Thème 5 - Analyse du système d'approvisionnement: produits ache-

tés, quantité, lieu d'approvisionnement, périodicité,

mode de paiement, moyen de stockage éventuel, problèmes

majeurs en matière d'approvisionnement.

Les questions nécessitant des réponses sous forme énu-

mérative ont fait l'objet de fiches.

F.1.26 - Fiche des personnes travaillant avec le restau-

rateur

F.1.30 - Fiche de l'environnement familial du micro-

négociant

35
F.2.3 - Fiche des instruments utilisés par les restaura-
teurs
F.3.1 - Fiche des mets offerts
F.4.6 - Fiche des prix et produits consommés dans la
famille des restaurateurs
F.S.1 - Fiche d'approvisionnement des restaurateurs.

L'enquête consistait à passer une seule fois auprès de

chaque enquêté. L'interview durait entre 1 H 30 et 2 H à cause


,
des intermittences avec des extrêmes allant d'une heure a 3

heures.
Même choisis en fonction de la disponibilité à répon-
dre, les enquêtés n'ont pas manqué de nous poser certains
problèmes

- ajournement des rendez-vous,


- refus de réponse à certaines questions, particulière-
ment celles touchant aux revenus,
,
- réponses fantaisistes. Quatre facteurs expliquent, a
notre avis, cette situation :
· le fait que la population abidjanaise soit sur-

enquêtée

· la confusion de notre enquête avec une investiga-


tion policière malgré le long travail de mise en confiance

· l'inévitable longueur de notre questionnaire


· le mythe qui entoure les questions de revenu en
Afrique.
Aussi, avons-nous appuyé ce recueil quantitatif de

données par une approche biographique (récits ou histoires de

36
vie) et le suivi des acteurs; ceci corrige que~que peu le carac-
tère partiel des biais de réponses recueillies grâce au question-
naire fermé.
Au terme de cette introduction générale, il nous semble
opportun de préciser la manière dont nous comptons présenter les

résultats de nos travaux.

4°) Plan de l'étude


Cette présentation se fera en sept chapitres :
1 - Dépendance alimentaire, mimétisme et urbanisation
en Côte-d'Ivoire. La liaison mécanique faite entre croissance des
importations, mimétisme alimentaire et urbanisation relevant de

la théorie dépendantiste montre ses limites dans le contexte


ivoirien où la ville plaide non coupable. Quand bien même elle
reste le principal bénéficiaire des politiques alimentaires

nationales, elle garde fortement les habitudes alimentaires


traditionnelles qui constituent ses modèles dominants.
L'originalité de l'informel alimentaire dans ce système est

d'avoir contribué au maintien de ces modèles alimentaires


traditionnels en se donnant ses prop~es moyens d'auto-régulation

tout en intégrant les données de base dont la disponibilité est

assurée par le biais des importations.


2 - Croissance urbaine et développement de l'informel
alimentaire. L'état actuel du secteur informel alimentaire marque

un changement considérable par rapport aux structures artisanales


des années 30. La. non-transparence de cette dynamique de l'infor-

mel alimentaire semble masquer à la fois tout l'effort de renver-

sement des habitudes alimentaires imputable aux femmes ivoi-

37
riennes et le paradoxe entre la croissance des importations
alimentaires et l'absence de mimétisme en alimentation exté-
rieure. Mais si cette métamorphose est un constat majeur, l'in-
terrogation des acteurs nous montre les conditions le plus sou-
vent difficiles dans lesquelles elle s'opère.
3 - Production alimentaire et participation communau-
taire. Il est certes difficile de faire une distinction entre

l'unité de production et l'unité familiale des acteurs tant les


deux s'imbriquent l'une dans l'autre. Les réseaux communautaires
sont, ici, capitalisés et utilisés comme force de production, ce
qui justifiera un premier niveau de reconversion des atouts
communautaires relatifs aux droits des acteurs en capital
économique.
4 - stratégies d'investissement et rationalité des

micro-négociants. L'analyse de la décision d'entreprendre montre


la mutation de la nature même de l'informel alimentaire. Initia-
lement stratégie économique d'intégration à la vie urbaine, il se
révèle comme pratique économique de crise et mieux comme initia-
tives populaires d'ajustement des revenus à la baisse du pouvoir

d'achat.

Au regard des différents objectifs que les artisans se

sont fixés et de l'usage qu'ils font de leur revenu, les résul-

tats, économiques peuvent être différemment interprétés. Cela ne


semble pas autoriser tout de suite une classification en termes
de "reproduction simple" et "élargie", classification qui n'a de

sens que pour le planificateur et non pour l'acteur. Par rapport

aux agents du secteur informel alimentaire, il existe plusieurs


raisons pratiques que les statisticiens et les planificateurs

38
semblent rapporter uniquement aux règles de maximisation du
profit.
L'I.A. se révèlera plus que tout comme une économie de
subsistance.
S - Circuits et pratigues d'approvisionnement dans
l'informel alimentaire.
Tout comme dans le cas de la main-d'oeuvre, la
souplesse des structures d'approvisionnement qui est un autre
niveau d'intervention de structures communautaires pourrait en-
trer en ligne de compte dans l'explication des stratégies de
production à bas prix des artisans de l'I.A .. L'exercice de
l'activité favorise la création de réseaux d'approvisionnement
dans lesquels se meuvent les acteurs. Toutefois il faut signaler
en matière de ravitaillement la part croissante de certains
produits importés qui justifie l'articulation de l'I.A. aux rela-
tions extérieures contractées par les pouvoirs publics.
6 - Demande alimentaire informelle et stratégies des
prix à la consommation.
L'artisan du secteur informel alimentaire est avant
tout un agent économique adaptant son comportement aux situations
du marché, surtout aux comportements alimentaires des consomma-
teurs. Tout se joue ici dans les prix - des plats vendus - qui se
forment sous l'influence à degré variable de plusieurs facteurs à
savoir le coût des matières premières, la situation géo-
spatiale des points de vente, les motivations sociales des con-
sommateurs et les niveaux de consommation de la clientèle.
Les inputs communautaires et l'utilisation des denrées importées

39
sont déterminantes dans l'ajustement des coûts de production aux
revenus des consommateurs dans un contexte de forte concurrence.
7 - Analyse de la rentabilité des opérations commer-
ciales, du comportement d'épargne et de consommation dans le
secteur informel alimentaire.
Au-delà de la raison pratique motivant le comportement
commercial de chaque acteur, une analyse des résultats écono-
miques peut être faite sous l'angle des revenus. Ceci constitue
une passerelle nécessaire qui nous permettra de mesurer l'impact
de l'I.A. en tant qu'activité économique sur la vie sociale des

acteurs. A cet effet, les comportements d'épargne et de consomma-


tion de ces derniers semblent aussi d'excellents indicateurs pour
montrer que l'informel alimentaire est une activité de subsis-
tance qui ne saurait longtemps supporter les effets de la crise
économique.

8 - Importance socio-économique de l'informel

alimentaire.
L'importance de l'I.A. peut être appréciée tant au
niveau de l'économie nationale (emploi - revenu - droits fiscaux
perçus par les municipalités - poids dans l'importation alimen-
taire) que du système de sécurité alimentaire (marché des pro-

duits vivriers locaux - nombre de points de vente - valeur nutri-


tionnelle des plats vendus). Aussi une meilleure appréciation du

rôle socio-économique de la femme en milieu urbain pourrait être

également tentée à travers cette étude.

40
Chapitre l

DEPENDANCE ALIMENTAIRE, MIMETISME ET URBANISATION

EN COTE-D'IVOIRE

La situation alimentaire en Côte-d'Ivoire semble intro-

duire une double relativité dans la thèse de la liaison mécanique


entre dépendance alimentaire et urbanisation.

Plus que les nouveaux comportements alimentaires engen-

drés par l'urbanisation, la richesse nationale et surtout la

volonté des pouvoirs publics de tirer profit du surplus des

marchés mondiaux restent déterminantes dans l'explication de

l'envolée des importations alimentaires. Nous essaierons de

montrer dans ce chapitre que le mimétisme alimentaire n'a pas été


la cause de la croissance des importations, il n'en constitue non

plus l'effet. Néanmoins, le processus de maintien des habitudes

alimentaires traditionnelles qui a été jusqu'ici remarquable, ne

résistera guère au facteur prix des produits de grande consomma-

tion lié aux guerres commerciales que se livrent les grands

producteurs mondiaux. La conséquence ultime de cette ouverture

sur les marchés extérieurs est la substitution progressive des

denrées importées aux denrées de base locales avec un coup porté

au coeur même des modèles alimentaires dominants tout au moins en

alimentation extérieure.

L'originalité de l'informel alimentaire abidjanais dans

ce contexte aura été de digérer la dépendance contractée par les

pouvoirs publics tout en poursuivant sa résistance au mimétisme

alimentaire.

41
Section I. DEPENDANCE ALIMENTAIRE ET URBANISATION ETAT DES
LIEUX

A - Cadre théorique sous-jacent aux débats

Bien que les questions sur l'origine du mal- développe-

ment ne soient plus tellement d'actualité, l'analyse de certains

paramètres des crises actuelles oblige à un passage obligé par

certaines théories qui ont été le creuset de formation de récents


schémas explicatifs. C'est le cas de la théorie de l'extraversion

économique; celle-ci, fortement reliée à la fameuse formule de

AoGo Frank sur "le développement du sous-développement", a donné

le ton aux recherches de l'école structuraliste de la croissance

de laquelle naîtra la théorie de la domination et de la


dépendance. Les aspects de la dépendance économique que souli-
gnaient le plus fréquemment les auteurs de ce groupe sont

- une forte pénétration du capital étranger;

- l'emploi de technologies étrangères avancées, forte-

ment capitalistiques, dans un secteur industriel relativement

étroit;

- la spécialisation dans l'exportation de marchandises

primaires ou de produits d'industries fortement utilisatrices de

main-d'oeuvre;

- les normes de consommation des élites, influencées

par celles des pays avancés;

- l'''échange inégal", en des sens variés (1)0

(1) Eo Hagen, Economie du développement, Edo Economica, Paris


1982, p. 1150

42
Ces thèses ont trouvé un écho favorable dans les diffé-
rentes résolutions adoptées par la Conférence des Nations-Unies
sur le Commerce et le Développement depuis sa formation en 1964,

les déclarations du Comité des 24 à l'intérieur de la Banque


Mondiale, et du Comité des 77 au sein de l'Assemblée Générale des

Nations Unies, ainsi que nombre de résolutions adoptées par

l'Assemblée Générale des Nations Unies. On les retrouve dans les

écrits de nombreux économistes de la croissance tels que Osvaldo


Sunkel, Celso Furtado, Arghiri Emmanuel ... pour ne citer que

quelques-uns. Selon E. Pisani qui a aussi adopté cette théorie,


"tout se passait comme si existait un modèle unique de développe-

ment, applicable au Nord comme au Sud, théoriquement neutre à


l'égard de tout système culturel. Ce schéma a conduit à classer

les diverses régions du monde en fonction de leur degré d'identi-

fication ... [aux sociétés industrialiséesl. Il a provoqué nombre


de jugements de valeurs discriminatoires: le sentiment de supé-

riorité chez les uns, mimétisme ou rejet chez les autres. Ainsi

la dépendance économique, financière, technique du Tiers Monde

plonge-t-elle ses racines alors dans cette dépendance culturelle

décisive" (1).

Ainsi le mal développement alors compris comme "l'imi-

tation servile d'un modèle industriel nordique qui s'explique en

partie par sa propre force d'entrainement" aura été dénoncé pour

sa "déraison du mimétisme" par plusieurs auteurs (2).

(1) E. Pisani, La main et l'outil, Ed. Robert Laffont, Paris


1984, pp. 175~176.
(2) Cf. R. Lenoir, Le Tiers-Monde peut se nourrir. Rapport au
Club de Rome, Ed. Fayard, pp. 46-57.
A. Tévoédjrè, La pauvreté richesse des peuples, Ed. Ouvrières,
Paris 1978, p. 43.

43
Par rapport aux carences des politiques agricoles et à

son pendant, la croissance des importations alimentaires,

l'application de cette théorie a été particulièrement fructueuse.

Il a surtout été en toile de fond dans le tirage de la sonnette

d'alarme en ce qui concerne l'épineux problème de la dépendance

alimentaire qui menace les économies du Sud. Dans le rapport de

R. Lenoir au Club de Rome, on pouvait lire : "Le sol ne nourrit

plus les hommes. L'alimentation de plus d'un milliard d'hommes

dépend aujourd'hui de bateaux céréaliers qui sillonnent les o-

céans. L'importation de produits alimentaires par habitant aug-

mente en moyenne de 5,5 % par an dans le Tiers-Monde. En Afrique,

en l'espace de dix ans - de 1963 à 1972 - les importations de

céréales sont passées de 1,6 à 4,2 millions de tonnes; le mouve-

ment n'a' fait que se poursuivre: elles se sont élevées à 16

millions de tonnes en 1980. Les importations d'aliments font 28 à

30 % de la consommation de la Côte-d'Ivoire. L'Algérie consacre

environ 17 % de ses revenus pétroliers et le Nigéria 50 % des

siens, à l'achat d'aliments. Selon la F.A.O., la production

alimentaire a fléchi de 10 % en Afrique durant la dernière décen-

nie. En Amérique Latine de 1969 à 1978, les importations de

céréales ont triplé, passant de 5,5 à 17,3 millions de tonnes. La

dépendance alimentaire de tous les pays latino-américains, sauf

trois (Argentine, Uruguay et Guyane) s'est aggravée; les importa-

tions d'aliments représentent 21 % de la consommation au Brésil,

47 % au Chili, 34 % en Bolivie, 43 % en Equateur et 46 % au

Pérou" (1).

(1) R. Lenoir, op. cit . . . . , pp. 60-61.

44
Le procès de l'urbanisation (1) a été déterminant dans
cette critique de la dépendance du Sud parce qu'elle était consi-
dérée comme le principal vecteur de diffusion des modèles
importés. A. Touré a fait une critique du modèle d'occidentalisa-
tion dont elle est porteuse dans son ouvrage, "Civilisation
quotidienne en Côte-d'Ivoire". Suivant le même schéma un autre
auteur parlera d'''urbanisation mimétique". L'urbanisation a été
encore remis sur la sellette dans l'analyse que font Dalia Maimon
et Ademar Romeiro de l'expérience brésilienne de croissance et de
modernisation. Selon ces auteurs, "l'expansion de "la société de

consommation" a été facilitée par l'urbanisation et la métropoli-


sation accélérée, qui ont beaucoup changé les concepts de qualité
de vie de la population brésilienne. En milieu urbain, les effets
de démonstration ont permis l'intégration sociale par les compor-
tements de consommation ... " (2).
Projeté dans le champ alimentaire, cette thèse de la
liaison entre dépendance et urbanisation aura surtout été défen-
due par L. Malassis dans ses traités d'économie agro-alimentaire.
L'auteur part du principe selon lequel, "Dans une société donné,
à un moment donné, existent des forces sociales convergentes qui

(1) Nous adoptons ici la définition de M. Castells selon laquelle


"Le terme d'urbanisation se réfère à la fois à la
constitution de formes spatiales spécifiques des sociétés
humaines, caractérisées par la concentration significative
des activités et des populations sur un espace restreint,
ainsi qu'à l'existence et à la diffusion d'un système
culturel particulier, la culture urbaine", La question urbai-
ne, Ed. F. Maspéro, Paris 1972, p. 32.
(2) D. Maimon et A. Romeiro, L'expérience brésilienne in
Histoire, culture, styles de développement. Brésil et Inde
(sous la dire de) C. Comeliau et I. Sachs, Ed. L'Harmattan,
Paris 1988, p. 76.

45
conduisent à la formation d~un modèle de consommation alimentaire

(MCA) dominant ... et aussi des forces divergentes qui conduisent

à la différenciation du MCA" (1). Si selon les analyses de

Malassis, le MCA "agro-industriel" est dominant dans la société

industrielle, le caractère transitionnel et le manque d'informa-

tions
,
necessal.res
. à une approche des MCA des pays en voie de
développement ne permettent pas de dégager concrètement le type

de MCA qui y est prépondérant. Toutefois, l'auteur décèle dans le

jeu des variables du changement social (élevation du taux de

croissance démographique, accélération de l'urbanisation, crois-

sance des revenus par tête, changement structurel des activités

économiques) la formation dans les villes, creuset du changement

alimentaire, d'un modèle "dominant" aux traits encore mal définis

qu'il convient d'appeler MCA de transition.

L'effet de l'urbanisation dans l'évolution des MCA est

ici déterminant. Il intervient "non seulement par le changement

radical des conditions de vie et le passage de l'économie d'auto-

consommation à l'économie alimentaire marchande, mais par d'au-

tres voies dont les concentrations urbaines constituent des lieux

privilégiés d'aboutissement: effet de l'internationalisation de

l'économie alimentaire, lieux d'applications privilégiées des

politiques alimentaires, centres de brassages sociaux et

culturels, etc." (2). Ainsi défini comme lieu d'aboutissement des

filières internationales, la ville par l'ouverture qu'elle fait

aux MCA occidentaux, est réputée accroître la dépendance

(1) L. Malassis, M. Padella, Economie agro-alimentaire, tome 3,


Ed. Cujas, Paris 1986, p. 225.

(2) Malassis, idem p. 319.

46
alimentaire.
En Afrique sub-saharienne, cette relation entre urbani-
sation et dépendance alimentaire fera l'objet de vives contro-
verses. Plusieurs tendances s'affrontent quand il s'agit de déga-
ger les différentes responsabilités dans l'envolée des importa-
tions alimentaires généralement considérée comme indice de la
dépendance alimentaire.

B - Controverses sur le cas de l'Afrique sub-saharienne

L'Afrique sub-saharienne est une zone de fort décalage


entre l'offre et la demande alimentaire locale. Selon les estima-
tions de la F.A.O., la décennie 70 qui a vu éclore les grands
débats sur l'alimentation se caractérise par un déséquilibre mis
en évidence par les indicateurs d'urbanisation de production et
d'importation alimentaire. Alors que la population augmentait de
2,7 % et la population urbaine de 5,9 %, la production vivrière
locale ne progressait que de 1,5 %. Dans le même temps, les
seules importations céréalières ont plus que triplé pour attein-

dre les 21 millions de tonnes en 1980 alors qu'elles n'étaient

que de 6 millions en 1970. A la lumière du tableau que présente

l'évolution des statistiques brutes relatives à la population


notamment urbaine, à la production agricole commercialisée et aux
importations de produits alimentaires, suivant le modèle de
Malassis, la thèse de la liaison entre urbanisation et dépendance

semble fortement accréditée.


Cette thèse de l'urbanisation comme élément inducteur

de la dépendance alimentaire et financière de l'Afrique sub-

saharienne, mesurable par les flux en valeur et la croissance en

47
volume des importations agro-alimentaires, a été partagée par
plusieurs institutions internationales telles que l'OCDE, la
Banque Mondiale et même la F.A.O. (1); celles-ci voient dans la
croissance des importations de céréales et la chute des produc-
tions agricoles locales, les effets de l'urbanisation et des
nouveaux comportements alimentaires qu'elle a engendrés. Cette
argumentation a pris force de loi au regard de ce que l'on ob-
serve actuellement dans le Sahel où le phénomène de dépendance
est particulièrement inquiétant vu le paradoxe alimentaire dans
lequel cette sous-région se trouve. Par exemple en 1989, le Sahel
par sa production disponible localement pour l'alimentation,
pourrait s'autosuffire. Pourtant il aurait importé 1.115.000
tonnes de riz et de blé parce que dans leur modèle de consomma-
tion, les sahéliens ont privilégié ces deux types de céréale
qu'ils ne produisent pas encore en quantité suffisante (2).
Ce lien qui semble de plus en plus établi entre urbani-
sation et dépendance alimentaire a été remis en question à partir
des études économiques et statistiques du Centre d'Etude et de
Recherche en Economie du Développement (CERED) qui montreront
que la réalité est plus nuancée.
Cette relativité vient du fait que, face aux deux
variables (population et importation alimentaire) on note une
(1) Cf. FAO, La situation mondiale de l'alimentation et de l'a-
griculture, 1978, Rome 1979.
Bird, Le développement accéléré en Afrique au sud du Sahara,
Washington 1981.
OCDE, Etude des tendances de l'offre et de la demande mondia-
le des principaux produits agricoles, Paris 1976.
(2) C.E. Seye: Sahel: la nécessaire mais difficile promotion
des céréales locales in Le courrier nO 114, mars-avril 1989,
p. 71.

48
répartition des pays de l'Afrique subsaharienne en plusieurs
groupes à l'intérieur desquels les corrélations entre les impor-
tations agro-alimentaires et le volume de la population urbaine
ne sont pas toujours établies. Ainsi, pour la plupart des Etats
composant cet espace géographique, les relations entre les deux
phénomènes sont moins évidentes. Le croisement des taux annuels
moyens de croissance du volume des importations totales et de
croissance de la population urbaine entre 1970 et 1980 aurait
montré d'après les travaux du CERED que "pour les 34 pays
d'Afrique sub-saharienne de plus d'un demi-million de citadins,
la corrélation est quasi nulle (R = 0,0467) du fait de l'extrême
diversité des situations. La liaison n'est vérifiée, selon les
auteurs, que pour un nombre limité de pays parmi lesquels le
Nigéria, le Sénégal et la Côte-d'Ivoire qui nous intéresse ici.
Selon ces études, c'est le niveau du revenu national qui semble
jouer un rôle déterminant. Les résultats macro-économiques res-
sortant des analyses économétriques "viennent largement infirmer

les thèses tendant à relier mécaniquement la dépendance alimen-


taire à la croissance des villes. Si l'urbanisation peut être,
dans certains cas, un facteur influençant le niveau des importa-
tions et/ou la production vivrière, d'autres variables, notamment
la richesse nationale, semblent de loin plus déterminantes" (1).

(1) O.Sudrie, Dépendance alimentaire et urbanisation en Afrique


sub-saharienne : une relation controversée in Revue Tiers-
Monde, tXXVI, nO 104, Oct.-déc. 1985; p. 877.
Cet article, duquel nous tirons les éléments de réfuta-
tion de la thèse de la liaison mécanique entre urbanisation
et dépendance alimentaire emprunte sa problématique à la
recherche sur la question menée par l'auteur en collaboration
avec J. Coussy, Ph. Hugon au Centre d'Etude et de Recherche
en Economie du Développement (CERED).

49
Tout comme la richesse et toujours dans le même con-
texte subsaharien, la pauvreté peut également être considérée
comme facteur de dépendance alimentaire. Les politiques alimen-
taires des pays sahéliens, du Tchad et des pays de la Corne de
l'Afrique sont à ce propos très éloquents. Il faut aussi faire
remarquer la part des erreurs, d'accidents ou des catastrophes
dans cette envolée des importations alimentaires.
D'autres études notamment le rapport Courade (1), sans nier
l'influence de la richesse nationale, semble de plus en plus
mettre l'accent sur la volonté politique de tirer profit des

surplus enregistrés ces dernières années sur les marchés mondiaux


de céréales. Nous verrons dans la section suivante la traduction
de tous ces paramètres dans l'évolution des importations alimen-
taires en Côte-d'Ivoire.
Ces thèses n'ont en fait rien de contradictoire.
D'un contexte économique à un autre, les causes majeures de la

dépendance alimentaire varient. Elle peut soit résulter de la


croissance d'une demande urbaine dans une situation de concentra-
tion de croissance de la population dans les villes, soit s'ex-
pliquer par la volonté des pouvoirs d'assurer tout simplement une
sécurité alimentaire, de parer à des besoins d'urgence ou d'amé-

liorer les recettes fiscales ou tout simplement être analysé


comme la conséquence économique du mimétisme culturel, notamment

alimentiare. Parfois l'explication de la croissance des importa-


tions alimentaires par l'une de ces raisons n'annule pas les

autres, qui restent toutefois secondaires.


,
Dans le cas abidjanais par exemple, on peut lire a
travers l'envolée des produits alimentaires importés la crois-

50
sance de la demande urbaine de produits adaptés au mode de vie
citadine. Cette demande d'importation a certes été exarcerbée par

les pouvoirs publics dont les mains sont de plus plus visibles
dans le choix de la dépendance alimentaire. La Côte-d'Ivoire fait
partie des pays qui ont accepté le principe de l'ajustement tout

en poursuivant une politique massive d'importation alimentaire

destinée aux villes et aux planteurs. Les raisons de cette crois-

sance sur lesquelles nous reviendrons en détail peuvent être

attribuées à une volonté de maximisation des recettes fiscales


publiques via un taux de protections élevé mais insuffisant pour
réduire les importations.

Section 2. COTE-D'IVOIRE "LA VILLE PLAIDE NON COUPABLE Il

La Côte-d'Ivoire et l'un des pays d'Afrique sub-saha-


rienne où l'hypothèse de la relation entre urbanisation, dépen-
dance et mimétisme alimentaire a été le plus discuté. Les données

de sa croissance démographique que l'on correle généralement à


l'évolution des importations alimentaires dans sa balance commer-

ciale autorise un tel débat dont les conclusions tendent plutôt

vers une confirmation de l'hypothèse d'une évolution des importa-

tions alimentaires sans mimétisme et vers une perception de

l'enjeu alimentaire et du jeu des pouvoirs publics dans l'ajuste-

ment de l'offre à la demande alimentaire.

A - Croissance démographique, urbanisation et évolution des

importations alimentaires

Lors du recensement de 1975, la Côte-d'Ivoire comptait

51
6.700.000 habitants. Les estimations relatives à la population en
1985-86 varient entre 9,4 et 10,8 millions. D'après les estima-
tions actuelles de la Banque Mondiale, la population s'élèverait
à 11.430.000 habitants en 1988 (1). Entre 1960 et 1980, la Côte-
d'Ivoire aurait avancé, du point de vue du nombre d'habitants, du
18e au 12e rang parmi les 47 pays de l'Afrique au Sud du Sahara.
Les estimations de la croissance démographique au cours de la
dernière décennie varient également, allant de 3,4 à 4,4 % par
an.
Les taux de croissance démographique enregistrés dans
le passé permettent de tirer d'importantes conclusions concernant
l'augmentation future de la population. S'il a fallu 35 ans pour

que la population ivoirienne double (entre 1920 et 1955), il a


suffi de 20 ans pour qu'elle double de nouveau (entre 1955 et
1975) et selon les projections, il ne faudra que 17 ans pour
qu'elle double une fois de plus (entre 1975 et 1991). Même en
supposant que l'immigration étrangère qui contribue à sa crois-

sance à 1,3 % diminue, on estime que le pays comptera 17 millions


d'habitants d'ici l'an 2000, c'est à dire dans 10 ans seulement.

Les différents mouvements qui affectent la répartition

de la population se traduisent par des taux de croissance démo-

graphique dissemblables entre régions. Par exemple, la population


d'Abidjan semble s'être accrue en moyenne de 6,6 % par an entre
1976 et 1985; durant la même période, celle des forêts occiden-
tales, des forêts orientales et de la savane n'ont progressé

( 1 ) Il serait toujours possible de réviser les estimations et


projections actuelles dès que les résultats définitifs du
recensement général de la population de 1988 seront
disponibles.

52
respectivement que de 4,9 %, 2,8 % et 1,3 %.
L'urbanisation en Côte-d'Ivoire est surtout un phéno-
mène affectant les zones forestières du sud où la population est
concentrée dans les grandes villes. Avec 45 %, la Côte-d'Ivoire
enregistre le plus fort taux d'urbanisation de l'Afrique de
l'Ouest. En 1975 sur 2,2 millions de citadins, 1,7 million soit
80 % vivaient dans des centres urbains de la forêt, y compris
Abidjan et 36 % dans des villes autres qu'Abidjan mais également
dans la forêt. Les tendances depuis 1975 en ce qui concerne les
caractéristiques de l'urbanisation ne pourront être connues avec
précision qu'après le dépouillement du recensement de 1988. Tou-
tefois Abidjan est de loin non seulement la ville la plus impor-
tante (elle est plus de cinq fois plus peuplée que Bouaké qui
vient au deuxième rang) mais aussi celle qui se développe le plus

rapidement, le taux d'accroissement annuel moyen de sa population


ayant été de l'ordre de 10 à 13 % pendant les années 1960-70.
Selon les estimations de la Banque Mondiale, la seule ville
d'Abidjan comptait plus de 1,8 million d'habitants en 1986 (soit
18,5 % de la population totale et plus de 40 % de la population

urbaine) (1). On estime en 1987, qu'elle compte environ 2,5

millions d'habitants soit deux fois et demie de plus qu'en 1975.

Ainsi environ la moitié de la population urbaine du pays ou près


d'un quart de sa population totale habiterait à Abidjan.

Cette croissance urbaine est généralement corrélée avec


,
les dépenses d'importations alimentaires en forte croissance a
partir du milieu de la décennie 70. Le tableau 1 retrace

(1) Banque Mondiale, Côte-d'Ivoire: analyse du système de santé


et financement de son fonctionnement. Banque Mondiale,
Abidjan, Mars 1988, p. 5.

53
l'évolution des importations de produits alimentaires (produits
d'origine animale dont produits laitiers, produits d'origine
végétale dont céréales et produits des industries alimentaires
dont sucres et sucreries) dans les statistiques du commerce
extérieur à partir des déclarations en douanes des marchandises.

Tableau nO 2 Evolution des importations de produits alimentaires


par rapport au total des importations

1 Total des importations 1 Importations des produits alimentaires


1 1 _
1 Tonnage 1 Valeur 1 Tonnage 1 Progres-I Valeur 1 Progres- Part dansl
1----------- ----------- ----------- sion 1----------1 sion les im-
1 milliers milliards milliers 1 milliardsl ports
1 de tonnes de F.CFA de tonnes 1 de F.CFA 1 %
1 1 _
1197513.126.843 241.393 255.362 100 1 23.832 100 9,8
1 1 1
11976 1 3.486.384 311.607 282.609 111 1 25.691 lOS 8,2
1 1
11977 1 4.259.588 429.566 474.938 186 1 39.047 163 9,0
1 1 1
11978 1 4.627.414 522.502 482.032 189 1 41.621 174 7,9
1 1 1
11979 1 5.095.579 528.850 563.258 221 51.607 216 9,7
1 1 1
11980 1 4.980.410 631.899 674.238 264 72.998 306 11,5
1 1
11981 1 4.697.515 653.321 823.655 323 101.338 425 15,5
1
11982 1 4.187.197 1 718.594 759.707 297 100.801 423 14,0
1 1
11983 1 3.815.617 1 704.249 868.337 340 129.939 545 18,4
1 1
11984 1 3.180.898 1 658.569 813.328 318 127.452 534 19,3
1 1
11985 1 3.945.245 1 772.987 676.344 265 116.580 489 15,0
1 1 1
11986 1 5.022.591 1 709.044 916.906 359 126.563 531 17,8
1 1 1 1
11987 1 5.275.314 1 673.899 1. 106.067 433 .136.303 1 571 20,2
1 -----------------------

Source : Statistiques du c:omnerce extérieur.


Recomposition faite par nous.

54
L'analyse des données du tableau permet de dégager

trois phases de profil de croissance des valeurs.

- La premiire phase (1975-1979) se caractérise par une

croissance forte et réguliire par rapport à la tendance de la

premiire décennie de l'indépendance marquée plutôt par une lente

progression en francs constants selon l'analyse de J. Roch (1) de

la période considérée. De 255.362 tonnes en 1975, la quantité

d'aliments importés est passée à 563.258 tonnes en 1979 soit un

taux de progression de 221 % en 4 ans. En francs constants cette


,
croissance était de l'ordre de 216 % dans une fourchette de 24 a
52 milliards de francs CFA.

- La deuxiime phase (1980-1984) voit une accélération

de la croissance des années précédentes. En début des années 1981

on notait une brutale élévation du niveau des importations avec

évolution en dents de scie à l'intérieur de la séquence. En fin

de période le taux de progression de la quantité importée a été

de 318 % tandis qu'il atteignait 534 % en valeur. Toujours en

1984, la part des produits alimentaires dans le total des impor-

tations qui n'était que de 9,8 % en valeur et 8,1 % en tonnage

est passée respectivement à 19,3 % et à 25,5 %. Même la crise

économique sévire des années 1980 qui a contraint le gouvernement

ivoirien à s'engager dans un processus d'ajustement structurel

n'a pu inverser cette tendance amorcée depuis le milieu de la

décennie 70.

- La troisiime séquence qui débute en 1985 a vu le

niveau des importations s'effondrer brutalement pour recommencer

(1) J. Roch, Le role des importations dans la consommation ali-


mentaire en Côte-d'Ivoire, ORSTOM, Abidjan 1987, p. 5.

55
sa courbe ascendante l'année suivante. En 1987, en tonnage
(1.106.067) comme en valeur (136.303 milliards de F.CFA), l'im-

portation alimentaire est à son niveau jamais atteint dans la


balance commerciale ivoirienne.
Comme le montrent ces données statistiques tant sur la
croissance démographique que sur l'évolution des importations, la
croissance des indicateurs qu'illustrent ces séries statistiques
peuvent suggérer une mise en corrélation des deux variables.
Généralement, les indicateurs économiques pour corro-

borer le lien entre urbanisation et dépendance alimentaire sont

les statistiques brutes concernant les importations des produits


tels que le riz et le blé (considérés comme symbole de l'extra-
version de la consommation) souvent mises en rapport avec la
production agricole commercialisée et la croissance de la popula-

tion citadine. Dans le contexte ivoirien, l'importance de ces


deux céréales stratégiques dans l'alimentation urbaine est varia-

ble. Pour les besoins de l'analyse, nous nous pencherons surtout


sur le cas du riz car même si le pain - dont le blé sert à la
fabrication est un produit stratégique dans l'alimentation
urbaine, il reste marginal selon les données de E.B.C. 79. Il est

surtout consommé en alimentation extérieure et seulement - selon

nos enquêtes - dans une unité de production-vente (UPV) sur six;

ceci confirme d'ailleurs les propos de o. Requier-Desjardins


selon lesquels il n'est pas à proprement parler un produit de

base de l'alimentation urbaine en Côte-d'Ivoire (1).

(1) o. Requier Desjardins. L'alimentation en Afrigue, Ed.


Karthala - Pusaf, Paris 1989, p. 103.

56

A l'appui de la thèse de la dépendance et pour la suite
de notre développement, la lecture des statistiques d'importation
de blé dans la balance commerciale ne nous intéresse donc pas.
Outre la problématique de l'importation du riz, notre
intérêt se portera également sur l'approvisionnement en protéïne

animale et plus précisément sur la viande bovine que la trop


grande importance accordée aux céréales a masqué. Pourtant sa

place reste déterminante dans la problématique de la dépendance


et en alimentation extérieure.

1°) Evolution de la consommation du riz


La consommation du riz en Côte-d'Ivoire a vu la part de
son importation s'accroître au fur et à mesure que le marché
mondial rizicole s'innonde (1). Le tableau retraçant l'évolution
de son importation et de sa consommation nous fait distinguer
trois phases dans le processus d'inversion de la structure de
l'approvisionnement du pays malgré une croissance non négligeable
de la production intérieure (2).
- La première phase part de 1960 à 1972. En cette

période, la consommation de riz blanchi ou non était de l'ordre


de 118.000 tonnes, dont 83.000 tonnes fournies par la production

nationale (70 %) et 35.000 tonnes importées. Malgré des fluctua-


tions sensibles, les importations ne représentaient en moyenne

que 20 à 30 % de la consommation apparente.

- 1973-1976 plus brève, cette période reflète les

(1) Cf. dossier: Riz: un marché stratégique, La lettre de


Solagral, nO 86 Novembre 1989, pp. 7-17 ..
(2) R. Hirsch, La riziculture ivoirienne : diagnostic et condi-
tions préalables d'une relance, CCCE, Paris 1984, p. 7.

57
tensions observées sur le marché mondial. En effet le prix mon-
dial du riz, multiplié par 4 entre 1971 et 1974, incita les

autorités ivoiriennes à importer massivement en 1973 pour se


prémunir contre la hausse des cours prévus pour 1974. Pour la

première fois, les importations dépassent 100.000 tonnes et le


taux d'autosuffisance apparent tombe à 54 %. Les années
suivantes, la hausse des prix intérieurs à la production et à la
consommation d'une part freina sensiblement la consommation tout
en provoquant un engorgement des capacités de stockage (et des
pertes non négligeables) et, d'autre part, stimula la production
intérieure, ce double phénomène entraîna un arrêt quasi-total des

importations en 1975 et en 1976 (respectivement 1.600 et 2.300

tonnes) .
Cette autosuffisance apparente, qui fut alors présentée
comme l'un des résultats positifs de la politique menée par la
SODERIZ, peut (et doit) cependant être interprêtée de
. ..
manl.ere
plus nuancée. Il n'ya eu autosuffisance que parce que les consom-
mateurs se sont détournés massivement du riz, dont le prix de

détail était passé de 50 à 125 F.CFA/kg (+ 150 % en deux ans et


parce que les disponibilités intérieures (importations anticipées

plus production nationale) rendaient inutile tout recours à l'ex-


térieur. Phénomène lié à la fois aux prix et à une conjoncture
exceptionnelle,. "l'équilibre" entre l'offre et la demande ne

devait pas durer.


- 1977-1987. Cette dernière période qui couvre dix ans

vit tout d'abord un retour à la normale. Les surplus ayant été

écoulés grâce, en partie, à une baisse du prix du détail ramené à


100 F.CFA/kg dès mai 1975, les importations étaient revenues à

58
Tableau nO 3 LI influence des prix sur les importations et la

consommation de riz

1 IMPORTATIONS (1) 1 PRIX INTERIEURS (F.CFA/kilo) 1


A 1-------------------------------------1----------------------------------------1 CONSOM-
N 1 Valeurs 1 Quantités 1 Prix CAF à 1 Prix de gros 1 Prix de détai 1 MATION
N I(milliards 1 (milliers 1 1'import. 1 (F.CFA courants)I----------------------1 PAR
E 1 F.CFA) 1 de tonnes) 1 (F.CFA/kil0 (2) 1 (F.CFA (F.CFA 1 TETE
E 1 1 1 1 courants constants 1 (kilos)
S 1 1 1 1986) 1
1 1 1 1
1970 1 2,0 78,7 1 26 49,6 (23,6) 1 SO 208,6 1 45,5
1971 1 2,2 97,3 1 23 41 (18) 1 SO 203,7 1 54,3
1972 1 2,2 77,1 1 29 41 (12) 1 SO 197,0 1 39,2
1973 8,6 147,9 1 58 63 (5) 1 63 226,2 1 SO,3
1974 8,2 73,0 1 113 116 (3) 125 358,4, 42,0
1975 0,2 1,6 1 134 87 (-47) 106 274,7 33,7
1976 0,4 2,3 1 161 87 (-74) 100 238,0 30,2
1977 8,6 121,4 1 71 87 (16) 100 198,5 52,8
1978 9,3 125,7 1 74 87 (13) 100 181,5 52,0
1979 13,6 197,6 1 69 87 (18) 100 162,5 57,3
1980 24,1 252,7 1 95 87 (-8) 100 152,3 56,0
1981 35,1 335,3 1 105 100 (-5) 110 158,1 59,2
1982 34,3 356,7 1 96 118 (22) 130 170,1 60,7
1983 36,6 382,6 1 96 118 (22) 130 157,6 59,7
1984 34,2 320,1 1 107 147 (40) 160 182,0 59,5
1985 17,2 161,9 1 106 147 (41) 160 168,0 53,5
1986 27,9 351,4 1 77 147 (70) 160 160,0 56,7
1987 32,0 478,0 1 67 147 (80)* 160 160,0 58

* De cette marge il faut déduire une taxe de 20 F.CFA\kil0.

Note: Les maxima sont soulignés

(1) Données disponibles sur 11 mois seulement en 1986.

(2) Le niveau du prélèvement effectué par l'Etat figure entre parenthèses. Il est obtenu par la
différence entre prix de gros et prix à l'importation.

Source: Recomposition de J. Roch à partir des données des statistiques douanières, du Ministère du

développement rural et du Journal officiel.

Quelques corrections et les données de 1987 tirées des rapports de la 8anque Mondiale ont

été apportées par nous.

59
leur niveau d'avant la "crise" (35 à 37 % de la consommation en
1977 et 1978) démontrant ainsi le caractère conjoncturel, sinon
artificiel, du pseudo-équilibre des années 1975 et 1976. A partir
de 1979, les importations croissent brutalement passant de
197.566 tonnes à 382.625 tonnes en 1983. soit une progression de
193 % en 4 ans. Approchant les 400.000 tonnes en 1983 et plafon-
nant à 478.000 tonnes en 1987, les importations de riz qui repré-
sentaient en valeurs 3,7 % des importations totales en 1980 sont
passées à 4,7 % en 1987. Des 37,5 % qu'elles représentaient dans
les importations alimentaires en 1980 elles sont passées à 43,2 %
en 1987, ce qui semble traduire un accroissement des consomma-
tions individuelles aussi bien en milieu urbain qu'en milieu
rural. Les recentes évolutions montrent également l'influence des
prix bas pratiqués sur le plan mondial sur les importations et la

consommation. Nous observons le même phénomène au niveau de


l'approvisionnement en protéïne animale.

2°) Evolution de l'approvisionnement national en viande


Dans l'analyse de l'état de dépendance alimentaire dans

laquelle la Côte-d'Ivoire se trouve, un autre phénomène remar-

quable qui, nous le verrons, aura un impact sur le développement

de l'informel alimentaire, est l'envolée des importations de


produits animaux; cette croissance résulte du déséquilibre entre
les trois sources d'approvisionnement national (-production des
élevages nationaux - importation d'animaux vivants à partir des
pays voisins - importation de viande d'origine extra-africaine)

en viande depuis ces trente dernières années. La trop grande

attention portée aux céréales a occulté la croissante et progres-

60
sive dépendance vis à vis de l'extérieur pour l'approvisionnement
en viande alors que dans la balance commerciale ivoirienne, la

valeur des produits animaux représente presque le double de la


valeur des céréales. Les importations de celles-ci atteignaient

respectivement 33, 45 et 33 milliards F.CFA en 1980, 1982 et 1985


tandis que, pour les produits animaux, le montant s'élève pour
les mêmes années à 58, 70 et 71 milliards F.CFA (1).

Bien avant l'indépendance et de 1960 à 1975, l'approvi-


sionnement en viande de la Côte-d'Ivoire a été pour l'essentiel

assuré grâce à l'importation d'animaux vivants en provenance des


pays sahéliens largement excédentaires en bovins. Mais les effets
conjugués de la sécheressè au Sahel qui a duré de 1969 à 1973 et

l'augmentation de la demande qui a fait passer le taux d'autosuf-

fisance de 42 % en 1960 à 35,7 % en 1973 ont nécessité à partir

de 1975, la mise en place d'une politique de production nationale

en vue de réduire la dépendance qui rendait aléatoire la sécurité


alimentaire des populations.
Cette détermination a favorisé des records de
production qui ont propulsé la Côte-d'Ivoire au 1er rang pour

l'accroissement de la production de l'élevage par habitant

évaluée à 42 % en 10 ans (période 1975-1985 voir tableau nO 4).

(1) J. Roch, ... p. 11.

61
Tableau nO 4 Evolution de la disponibilité nationale en viande
bovine

! Consommation ! Nbre de kilos! Production! Import Import !


! nationale de ! par habitant ! ! en vif en mort !
! viande T.E.C*! ! ! !
! ! ! ! !
1975 ! 66.290 ! 9,9 ! 35,7 ! 53,3 11 ,0 !
! ! ! ! ! !
1980 ! 102.200 ! 12,5 ! 38,2 ! 49,7 ! 12,1 !
! ! ! ! ! ! !
! 1984 ! 96.690 ! 10,8 ! 41,6 ! 44,8 ! 13,6 !
! ! ! ! ! ! !
! 1985 ! 109.810 ! 11 ,8 ! 38,4 ! 42,7 ! 18,9
! ! ! ! ! !
! 1986 ! 119.640 ! 12,5 ! 36,4 ! 33,0 ! 30,6
! ! ! ! ! !
1987 120.420 ! 12,1 ! 37,1 ! 28,9 34,0
! !
1988 136.920 ! 13,3 ! 33,8 22,1 44,0

* T.E.C. . Tonne équivalent carcasse .

Source .. C. Sapor, p . 5.

Comme le fait remarquer C. Sapor, "En dépit des efforts


consentis et des résultats remarquables obtenus, [il faut] noter

que du fait de la croissance démographique, de l'urbanisation, de


l'élevation du niveau de vie et de l'augmentation de la

consommation qui en a résulté, le taux d'autosuffisance n'a pas

suivi l'augmentation spectaculaire de la production" (1). Mais

entre 1975 et 1988 la politique de disponibilité protidique va


provoquer une radicale mutation du système d'approvisionnement

avec quatre caractéristiques majeures :

- croissance de la demande de consommation nationale;

(1) C. Sapor, ·Note synthétique relative à la protection de la


production nationale de viandes en Côte-d'Ivoire et de la
création d'un fonds de développement de l'élevage. Ministère
de la production animale, Abidjan, 1989, p. 4.

62
- baisse - à partir de 1984 - de la part de production
locale du fait de la croissance des viandes extra-africaines dans
la structure de l'approvisionnement
- effondrement des importations en vif
- augmentation brutale à partir de 1985 des importa-
tions de viande extra-africaines du fait d'un excédent de viande
au niveau des pays de la CEE accompagnée de facteurs d'incitation
suffisamment puissant pour aguicher l'intérêt de la grande masse
des consommateurs africains pour la viande congéleé (1).

Cette situation qui perdure n'a guère manqué d'avoir


des incidences sur les habitudes de consommation. On constate par

exemple que la consommation moyenne de viande par habitant qui


avait commencé par chuter s'est accrue de 12 % depuis 1984 (2).
Cette habitude d'une plus grande consommation de viande à bas
.prix artificiellement acquise est fortement constatable en ali-
mentation extérieure.
A la première lecture de toutes ces données statis-
tiques, la thèse des liaisons entre croissance urbaine et évo-
lution des importations alimentaires semble confirmée a priori.

Mais les récents travaux (3) sur le rôle des importations dans

l'approvisionnement comme dans l'orientation et le niveau de la

demande semblent déceler la main de l'Etat qui devient de plus en

(1) Voir à ce propos l'intéressant dossier de Solagral. "Les sur-


plus alimentaires et le partage nord-sud de la production a-
gricole, Paris 1988.
(2) C. Sapor, idem., p. 7.

(3) Cf. G. Courade, l Droy, D. Harre, avec la coll. de J. Roch,


D. Nicklauss, F. Akindès, Evaluation des habitudes à la
consommation des produits alimentaires en Côte-d'Ivoire,
ORSTOM-MSA, Paris 1988.

63
plus visible. Maintenant, il faudra pouvoir évaluer la part de
responsabilité de la demande urbaine et celle de la volonté des
puissances publiques consistant à tirer profit des surplus enre-
gistrés ces dernières années sur les marchés mondiaux dans cette
envolée des importations.

Mais si, dans le contexte ivoirien il y a une réelle


dépendance alimentaire, contrairement aux schémas généralement
appliqués, la croissance des importations dont on devrait logi-
quement attendre une modification des modèles alimentaires, n'a
pas fondamentalement changé les habitudes alimentaires urbaines.

B - Le paradoxe de la dépendance alimentaire sans mimétisme

L'évolution de l'analyse des modèles alimentaires a


renforcé l'hypothèse de la corrélation entre urbanisation et
dépendance alimentaire dans l'optique des théoriciens de la dé-
pendance qui conçoivent la formation d'une culture urbaine péri-
phérique comme production mimétique interne à l'extraversion

économique. L'alimentation urbaine a toujours supporté ce modèle

d'analyse fortement contesté dans le contexte ivoirien où

plusieurs auteurs, grâce aux résultats des EBC 79, ont montré ses

limites. Quelle que soit la méthode utilisée pour analyser les


modèles alimentaires, le constat du non-mimétisme s'impose. L'ap-
plication d'autres théories, notamment celle de la marchandise

alimentaire de R. Mahieu reposant sur l'approche socio-historique


de l'accumulation primitive et privilégiant le processus d'ap-

parition des "aliments-services" pour la consommation alimen-


taire, ne permet guère de déboucher sur le mimétisme quant au cas

64
ivoirien (1).
Cette hypothèse de l'urbanisation comme facteur de
modification des modèles alimentaires a connu un large développe-
ment dans les travaux de D. Requier-Desjardins (2) qui, aussi
bien à travers la comparaison des modèles ruraux et des modèles
urbains de consommation qu'à travers une analyse des "styles
alimentaires" urbains incluant l'alimentation extérieure, en a

testé la validité pour ensuite aboutir à son infirmation.

Par rapport à la consommation au sein des ménages, cinq


arguments tirés de l'analyse de l'évolution des modèles urbains
de consommation supportent, selon l'auteur, la thèse du tradi-
tionnalisme alimentaire urbain :

1 - L'impossibilité d'identifier franchement les effets


de valorisation des symboles d'occidentalisation

tels que le riz et le pain chez les consommateurs


au pouvoir d'achat relativement plus élevé (cadre
et employés des secteurs modernes)
2 - L'attachement des consommateurs urbains à des habi-
tudes alimentaires "traditionnelles" d'où la con-

clusion que l'origine socio-culturelle est un fac-

teur de différenciation plus important que les


variables "revenu" ou "catégories sociales".
3 - L'émergence de facteurs d'évolution qui coexistent

avec d'autres, plutôt susceptibles de favoriser le

(1) R. Mahieu, "Marchandise alimentaire et système capitaliste,


in Economie 79, Perpignan 1979, pp. 155-208.
(2) D. Requier-Desjardins, L'alimentation en Afrigue, Ed.
Karhala-Pusaf, Paris 1989; pp. 91-105.

65
maintien des formes de sociabilité alimentaire
héritées des zones rurales.

4 - La prépondérance des moyens de cuisson tradition-


nelle qui permettent encore la préparation des
plats ruraux et
5 - Des constats de substitutions qui n'ont rien à voir
avec un quelconque bouleversement des habitudes
alimentaires.
Pour ce qui est de l'alimentation extérieure, l'admi-

nistration de la preuve du non mimétisme selon l'auteur est que


dans ce type d'alimentation, l'essentiel est constitué par des

produits transformés issus de filières artisanales utilisant une


technologie "traditionnelle" (1).
Si pour la réfutation de l'hypothèse du mimétisme, la
démonstration de Requier Desjardins à propos à la consommation
alimentaire au sein des ménages ne souffre d'aucune faiblesse,

celle relative à l'alimentation extérieure mérite quelques


nuances sur lesquelles portera la dernière section.

Section III - SECTEUR INFORMEL ALIMENTAIRE ET RESISTANCE AU MIME-


TISME : LA NECESSITE DE RELATIVITE

A - Les limites de l'argumentation

Déplaçant la problématique de la consommation alimen-

taire du terrain de la ration ou de budget alimentaire pour la


resituer comme "élément d'un ensemble de pratiques sociales",
Requier Desjardins en arrive à la conclusion que l'idée d'un lien

(1) D. Requier Desjardins, op. cit ... p. 103.

66
mécanique entre urbanisation et extraversion des modèles alimen-
tàires en ville, doive être quelque peu révisée" (1). Des ar-
guments puisés de l'analyse des 'modèles de consommation intra-
domestiques comme extra-domestiques pour soutenir ses propos ne
manquent pas. Pour l'auteur la part de l'alimentation extérieure
dans cette résistance au mimétisme tient au fait que l'essentiel,
dans ce type d'alimentation, est constituée par des produits
transformés issus des filières artisanales utilisant une techno-
logie "traditionnelle". Cette thèse développée par l'auteur
depuis déjà quelques années a eu un écho favorable dans bien
d'autres travaux sur l'alimentation, notamment ceux d'Alice
Odounfa (2) et d'Alain Dubresson (3). Mais force est de remarquer
que si l'alimentation extérieure, à l'analyse des modèles de
consommation qu'elle véhicule, n'est pas effectivement un vecteur
du mimétisme alimentaire, l'argumentation de Requier Desjardins,
reprise par les auteurs précités à l'appui de cette thèse, pré-
sente quelques faiblesses liées à notre avis
..
a deux raisons
majeures
- La première semble provenir du fait que, pour sa
démonstration, l'auteur reste trop attaché aux données de l'EBC79
dont beaucoup d'éléments ne correspondent pratiquement plus au-
jourd'hui aux réalités de la consommation alimentaire urbaine et

(1) D. Requier Desjardins, op. cit. p. 92.


(2 ) A. Odounfa, Caractéristiques de la consommation alimentaire
dans les villes de Côte-d'Ivoire à partir de l'Enquête Budget
Consommation 1979 : le cas d'Abidjan, Direction de la
Statistique Abidjan 1987.
(3) A. Dubresson, Urbanisation et consommation alimentaire
citadine en Côte-d'Ivoire, Economie Rurale, nO 190, Mars-
Avril 1989, pp. 3-8.

67
rurale de plus en plus influencées par les stratégies d'ajuste-
ment entre offre et demande alimentaire en période de crise

économique aiguë et de remise en question du pouvoir d'achat des


consommateurs.

- La seconde tient au fait de ne s'être pas interrogé


sur les limites possible de la résistance au mimétisme dans une
situation de croissance des importations.

On pourrait supposer en suivant Requier Desjardins dans


son raisonnement que si l'essentiel de ce type d'alimentation est

constitué de produits transformés issus de filières artisanales,

l'informel alimentaire ne prend presque pas part à la destruction

finale de la quantité de produits alimentaires massive~ent impor-


tée hormis le pain qui est une dérivée du blé. De là est vite
franchi le pas de la proclamation d'une indépendance alimentaire

qui est loin d'être le cas de l'alimentation hors domicile.

Ces remarques faites, la poursuite de l'analyse du non

mimétisme dans l'informel alimentaire mérite une mise en exergue

de l'originalité de ce secteur.

B - L'originalité de la résistance au mimétisme dans la


dépendance

L'informel alimentaire abidjanais présente la spécifi-

cité d'avoir généré une forme de standardisation introvertie qui

fait obstacle au mimétisme tout en ouvrant un espace de substi-

tution fortement intégrateur de produits importés.

Abidjan n'étant homogène ni socialement, ni culturelle-


ment, on devrait s'attendre à observer une forte différenciation
des modèles alimentaires qu'auraient historiquement constitués

68
les complexes ethniques et culturels. Autrement dit, la forte
coexistence des ethnies et des nationalités à Abidjan devrait
s'accompagner de coexistence de différents modèles de consomma-
tion alimentaire. A l'instar de la consommation en ménage et
comme l'a montré l'EBC 79, on devrait retrouver en alimentation
extérieure les prégnances des acquis d'ordre socio-culturel

orientant les consommateurs vers des tropismes: les krou et les


mandé du nord vers le riz et les akan vers les tubercules. Mais
la logique de la consommation en alimentation extérieure ne
semble guère respecter ce principe. L'hypothèse d'interprétation
du "modèle de consommation alimentaire dominant" dans le contexte

de l'alimentation extérieure à Abidjan est assez peu ordinaire et


reste très liée d'une part au processus de formation de l'espace

social informel alimentaire lui-même et d'autre part à un certain


nombre de variables de changement socio-politique sur lesquelles

nous reviendrons dans le chapitre suivant. Le modèle alimentaire


dominant en alimentation extérieure semble être le produit d'une
standardisation plutôt introvertie.
La standardisation introvertie, contrairement à celle,

extravertie, qui se développe sous l'effet de l'internationalisa-

tion des comportements alimentaires induite par la puissance des


industries agro-alimentaires, est la diffusion et la prédominance

d'un modèle alimentaire local sur les autres.


En ménage et à l'extérieur, les consommateurs urbains
se comportent différemment face à la nourriture. Comparativement

à ce qui a été observé dans les ménages où l'origine socio-


culturelle constituait un facteur de différenciation, l'informel

69
alimentaire n'a pas favorisé l'attachement des consommateurs à
des habitudes alimentaires propres à leur ethnie d'origine. La
culture gastronomique et culinaire akan semble peser de tout son
poids dans la formation du modèle alimentaire dominant. La stan-

dardisation s'est progressivement faite autour du modèle alimen-


taire akan qui est dans l'état actuel de l'informel alimentaire,
le modèle dominant. L'anthropologie de l'alimentation extérieure
que nous ferons dans le chapitre à suivre montrera comment s'est
historiquement constitué la spécificité du cas abidjanais.

Cette standardisation introvertie qui constitue la


principale barrière au processus mimétique souvent interprêté

comme facteur d'accroissement de la dépendance alimentaire a


pourtant ouvert une brèche aux produits importés, et ce à la
faveur des stratégies d'ajustement des coûts de production aux
revenus des consommateurs. Cette ouverture de l'informel alimen-
taire aux importations se lit à travers le processus de substi-
tution dans la composition des plats de base. Ces substitutions
dépassent le simple cadre des ingrédients tels que le piment, la

tomate et l'oignon qui ne sont en fait que des symboles d'évolu-

tion des modes de préparation à l'intérieur d'un cadre défini par

la combinaison typique entre plat et sauce, pour s'attaquer au


coeur même de l'alimentation c'est-à-dire les denrées de base que
sont le riz et la viande. Le riz bénéficiant particulièrement
d'une valeur symbolique dans l'analyse de l'extraversion alimen-

taire, sa croissance en alimentation extérieure ne peut être

comprise comme une conséquence du mimétisme. Ces données qui


feront l'objet du chapitre V montre plutôt que le secteur infor-
mel alimentaire, tout en maintenant fortement les habitudes ali-

70
mentaires traditionnelles, pourrait peser dans la croissance de
la dépendance ivoirienne en "matière d'alimentation par la place
de plus en plus grande qu'il accorde aux denrées de base impor-
tées tels que le riz et la viande dont les poids respectifs ne

sont guère négligeables dans la balance commerciale. On ne sau-


rait donc comprendre cette mutation progressive en isolant ce
phénomène de substitution de la politique alimentaire nationale

elle-même dansant au rythme de la valse des tendances du marché


mondial des produits alimentaires. Sans bousculer la résistance
au mimétisme alimentaire, la force du marché agro-alimentaire
aura infiltré les modèles alimentaires traditionnels.

CONCLUSION PARTIELLE

Si la dépendance de la Côte-d'Ivoire vis-à-vis de l'ex-


térieur pour son approvisionnement des villes est établie, la
croissance des importations qui en est une conséquence influence
l'évolution des habitudes alimentaires extérieures mais pas dans
le sens d'un mimétisme sous forme d'adoption de modèles de con-

sommation extérieurs. L'impact est plutôt ressenti sous forme de

substitution. Ceci nous amène à conclure que résistance au mimé-

tisme n'est pas synonyme d'indépendance alimentaire. Dans le


chapitre suivant, nous analyserons concrètement le processus de
mise en place de la standardisation introvertie dont nous parle-
rons et la structure des styles alimentaires propres à l'alimen-

tation extérieure à Abidjan.

71
Chapitre II

CROISSANCE URBAINE ET DEVELOPPEMENT DE L'ALIMENTATION EXTERIEURE

L'histoire du secteur informel alimentaire ne peut être


séparée de celle de la croissance d'Abidjan. L'espace alimentaire
qui s'est ainsi constitué au fil du temps reste partagé entre
plusieurs modèles culturels. La part belle faite aux habitudes de
consommations locales est le résultat d'un long processus
historique fait de luttes sociales, économiques et symboliques.

Aussi, l'état actuel de cette structure alimentaire et


la dynamique qui la caractérise doivent être appréciés au regard

de toutes les difficultés que rencontrent les acteurs dans


l'exercice de leur métier.
Section l - ETAPES DE L'URBANISATION ET PROCESSUS D'IVOIRISATION
DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE

Comme toutes les capitales africaines, Abidjan a connu


depuis sa "création" une évolution significative qui s'est tra-

duite par son extension géographique et sa croissance démogra-

phique. Cette importance croissante de la métropole ivoirienne

n'a pas manqué de poser quelques problèmes, notamment celui de


l'alimentation.

La Côte-d'Ivoire a changé trois fois de capitale


Grand-Bassam en 1893, Bingerville en 1900 et Abidjan à partir de

1934.

Bien avant de devenir l~ capitale en 1934, Abidjan

existait comme ville, concentrant environ 3 % de la population du

pays. Mais, ce n'est qu'entre 1930 et 1950 que la ville changea

d'échelle.

AI Etapes de la croissance d'Abidjan et nécessité d'une alimenta-

tion extérieure

Si nous nous référons à la typologie spatio-temporelle

de Philippe Haeringer, on pourrait distinguer trois phases dans

la croissance de la ville d'Abidjan (1) :

- L'espace initial ou ville coloniale (1930-1950);


- Le second périmètre ou ville'portuaire (1950-1970);

- Le nouveau périmètre ou la troisième extension en

cours (1970-1990).

(1) Cf. Ph. Haeringer Abidjan, pour y croire. Ed. ORSTOM, Paris
1984.

73
L'espace initial est celui du Plateau concentrant tout
le dispositif administratif, commercial, résidentiel européens et
des "deux villes noires" (1) Adjamé et Treichville, la première

séparée du Plateau par la ceinture protectrice des camps mili-

taires et la seconde par la lagune Ebrié. Les 50 à 60.000 âmes


inégalement réparties constituaient la réalité démographique de

ces 3 sites de 600 hectares (2). La mise en eau du canal reliant

la lagune à l'océan et l'ouverture du port en 1950 donneront un

nouvel élan au paysage économique abidjanais. Les grands travaux

liés à la construction du port et à l'aménagement de l'espace

urbain, le développement des activités portuaires (stockage,

manutention, commerce de redistribution dans la ville et à l'ex-


térieur), l'effet cumulatif de la croissance sur les services, la

production d'énergie et les premiers établissements industriels

ont largement contribué à créer un important marché de travail,

vers lequel afflue de plus en plus une masse de ruraux, nationaux

et étrangers (3). Cet afflux entraînera le surpeuplement des

cités africaines. La solution de désengorgement sera la création


du "second périmètre" matérialisé par 2 nouveaux quartiers

Koumassi et Port Bouët. Parallèlement, sur la rive continentale,

le plateau de Cocody élargissait les besoins résidentiels de haut

niveau socio-économique. Ce "second périmètre" a été le prolonge-

ment de l'espace initial saturé.

(1) G. Balandier: Sociologie des "Brazzavilles noires". Ed.


Presse de la FNSP, Paris 1985.

(2) Ph. Antoine, A. Dubresson, A. Manou-Savina Abidjan "coté


cours". Ed. Karthala - ORSTOM, 1987, p. 116.

(3) Ph. Antoine, A. Dubresson, A. Manou-Savina ... idem. p. 21.

74
En 20 années, l'espace urbain aurait été multiplié par

20 tandis que la population décuplait pour s'élever autour de 70

à 800.000 habitants.
La "troisième extension", amorcée 5 ans plus tôt dans

le cas particulier d'Abobo, date des années 70 et se caractérise

par la conjugaison

- des financements de l'habitat et de l'équipement des

terrains urbains par les sociétés d'Etat,

- la réalisation d'un vaste réseau routier par les

concours financiers internationaux et

- les stratégies d'aménagement des zones péri-urbaines.

Cette extension complète les structures pré-existantes

(Plateau, Treichville, Adj amé , Koumassi, Port-Bouët, Cocody,

Marcory) par quelques autres et favorise la création de nouveaux

quartiers à savoir Abobo, Yopougon, Attiécoubé. Le tableau ci-

dessous nous montre l'évolution de la population dans les trois

périmètres.

Tableau nO 5 Evolution de la population selon les trois

périmètres

1 1936 1 1955 1 % 1 1963 1 % 1 1973 ! % 1 1978 1 % 1 1984 1 %1


1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 Ville coloniale 1 17.0001 98.3001 82 1 174.9001 671 228.3001 291 284.0001 221 255.0001 161
1 Ville portuaire 1 - 1 21.200117,51 80.5001 311 310.6001 391 405.0001 321 474.0001 291
1 Nouveau périmètre 1 - 1 6001 0,51 6.0001 21 250.0001 321 580.0001 461 910.0001 551
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 TOTAL 1 17.0001 120.0001 1001 261.40011001 788.90011001 1.269.00011001 1.693.0001 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 à 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1.800.0001 1
1

Source: Ph. Antoine, A. Dubresson, A. Manou-Savina (1987), p. 124.

75
Cette population évaluée à 1.800.000 habitants en 1984
s'élève aujourd'hui aux environs de 3.000.000 d'habitants avec un
taux de croissance de 10-11 % par an.
A cette expansion démographique et spatiale correspond
une croissance des besoins socio-économiques, notamment
alimentaires.

Cet élargissement de l'espace vécu conjugué au rythme


de vie urbain et à la faiblesse des moyens de transport, enlève-
ront aux travailleurs la possibilité de prendre leur repas à
domicile, faisant ainsi de l'alimentation extra-domestique une
nécessité que viendront satisfaire les différentes structures de
l'artisanat alimentaire. Mais avant de présenter les structures

de production-vente du secteur informel alimentaire, intéressons-


nous à son évolution dans le temps.

BI A coeur du processus de l'ivoirisation de l'informel alimentaire

Il convient de préciser tout de suite que dans le cas


abidjanais, l'I.A. existait bien avant le transfert de la capi-
tale, puisqu'il était la principale structure de restauration des

Africains qui travaillaient sur le chantier du chemin de fer

(1904), dans les factoreries (1908) et dans l'administration

comme subalternes.
L'afflux de nouveaux migrants attirés par la demande

de main-d'oeuvre et le manque de cantines d'établissement accroî-


tront cette importance du réseau informel d'alimentation qui ne
cesse de s'élargir. Les enquêtes budget-consommation de 1979

évaluaient déjà à 37 % l'importance des plats consommés sur les


lieux de travail par rapport aux 22 % que représentent les repas

76
pris hors domicile à Abidjan.
Plus qu'aux caractéristiques du . régime alimentaire
extra-domestique, nous nous sommes intéressé au mode d'apparition
et d'évolution de cette pratique commerciale née des besoins
croissants de l'alimentation de masse.
Si la période d'apparition de l'informel alimentaire
est à peu près certaine, les opinions de nos informateurs diver-
geaient quant à la paternité de l'activité. Trois hypothèses ont
commandé l'analyse de l'antériorité ethnique ou nationale de
l'informel alimentaire:
- la première attribue aux femmes baoulé et
appoloniennes, l'antériorité dans ce secteur;
- la seconde hypothèse, plus vraisemblable, tend à
préciser que l'activité était l'apanage des immigrés sénégalais;
- la troisième hypothèse pose le problème de
l'antériorité sous forme de concurrence entre femmes baoulé et
femmes dahoméennes (originaires de l'actuel Bénin).
Les travaux sur les migrations urbaines observent ef-
fectivement un déplacement par vagues des femmes baoulé vers
Abidjan depuis que la ville est devenue un pôle important d'at-
traction économique. D'ailleurs les recensements de 1955, dénom-
brant chez les Baoulé 6.636 femmes pour 4.690 hommes présents à
Abidjan, l'attestent.
La raison majeure de ces mouvements vers Abidjan était
que ce dernier constituait pour elles, "Un refuge contre les
contraintes traditionnelles (en particulier dans le cas des fian-
çailles prépubertaires); de ce milieu "neutre", elles espèrent

77
ainsi obtenir leur indépendance économique en faisant le commerce
de vivriers, de services domestiques (cuisine) et sexuels auprès
de cette population constituée en grande partie de céliba-
taires" (1). Certains auteurs (Mona et Pierre Etienne, 1967)
situent cette migration autour de 1950 alors que l'informel
alimentaire est apparu cinq décennies avant. Aussi, J.P.
Chauveau, dans son analyse historique de l'effectif de population
et de la domination ethnique, insiste sur la précocité de l'exode

de jeunes filles et de jeunes femmes vers les agglomérations


coloniales et la Basse-Côte dans les années 1913-1915 selon les
rapports d'archives (2).

Historiquement, il est plus vraisemblable que les fem-


mes baoulé aient pris part à une activité déjà établie dont "les
ficelles leur ont été données par des femmes dahoméennes", selon

A.~. M... , 68 ans, habitant Treichville depuis 1936. Cette thèse


sera confortée par les avis quasiment unanimes de trois autres

informateurs (de 40, 33 et 32 années de citadinité) avec qui nous


avons eu des entretiens ouverts sur la question.
Conjointement aux entretiens et à la recherche documen-
taire, nous avons pensé que l'ordre d'apparition chronologique

des spécialités culinaires pourrait nous servir de repère histo-

rique. Nous avons, à cet effet, eu avec nos informateurs, de


longs entretiens sur leurs habitudes de consommation alimentaire

d'antan; lesquelles habitudes tournaient essentiellement autour


(1) P. Etienne, Les baoulé face au fait urbain. ORSTOM - Petit
Bassam, Abidjan 1970, p. 4.
( 2 ) J.P. Chauveau, La part baule. Effectif de population et
domination ethnique une perspective historique, Cahiers
d'Etudes Africaines, Tome XXVIII (1-2), 105-106, Paris 1987,
p.141.

78
des plats comme le riz-gras sénégalais, le yassa, le tiep-djen,
l'akassa-sauce légume et l'ablo-sauce graine. Parmi ces plats les
plus populaires, les 3 premiers relevaient de la logique culi-
naire sénégalaise tandis que les 2 derniers étaient des
spécialités togolo-dahoméennes. Les plats ivoiriens n'étaient
presque pas représentés, ce qui confirmerait l'absence des femmes
Baoulé dans la restauration à ces premières heures de la gesta-
tion d'Abidjan. La prégnance de· ces spécialités togolo-
dahoméennes et sénégalaises nous a relancé sur la piste
dahoméenne que nous suggérait A.M ... , une de nos informatrices,
ancienne restauratrice.
A Treichville et plus précisément dans le quartier
Appolo, nous avons rencontré deux autres anciennes restauratrices
des années 25 dont les témoignages ont éclairci ce problème
d'origine de l'alimentation informelle à Abidjan. De l'aveu de
ces dernières, les toutes premières structures informelles d'ali-
mentation extra-domestique étaient le fait de femmes dahoméennes
et togolaises qui servaient des plats de riz ou pâtes de maïs
sauce autour des administrations et des factoreries comme celles
de la CFCI (Compagnie Française de Côte-d'Ivoire) et de la CFAO
(Compagnie Française de l'Afrique de l'Ouest) en 1904-1905. Con-
traints par la distance qui séparait leur domicile de leur lieu
de travail, ces fonctionnaires, de surcroit célibataires pour la
plupart, s'alimentaient auprès des gargotières.
Restées pendant longtemps seules dans la pratique de
cette activité, les femmes dahoméennes et togolaises seront re-
jointes par des restaurateurs sénégalais autour des années 30.

79
Ceux-ci, propriétaires des "restaurants-bars", avaient une longue
pratique du métier dans leur pays d'origine. Les structures
sénégalaises d'offre alimentaire installées surtout dans les deux
cités africaines (Adjamé, Treichville) donnaient aux autochtones
l'occasion de s'essayer au snobisme et d'imiter les manières de
table du "maître blanc", symbole du modèle dominant. Toutefois
cette forme de restauration gardait une importance marginale par

rapport aux installations des femmes dahoméennes et togolaises.


Sociologiquement, cette hypothèse de la paternité daho-
togolaise et sénégalaise de l'activité semble plus convaincante
quand on se souvient qu'aux premiers appels d'offre d'emplois
lancés en Côte-d'Ivoire, les tout premiers africains non ivoi-
riens ayant répondu étaient en priorité les Dahoméens, les

Togolais et ensuite les Sénégalais, Guinéens etc.

Les Sénégalais migrant en célibataires, ont conservé


leurs habitudes alimentaires pour le plus grand profit de leurs
compatriotes restaurateurs. Les Dahoméens s'étaient déplacés avec
leurs femmes, qui, elles, s'adonnent traditionnellement au com-

merce d'aliments.
Les influences nationales n'ont pas manqué d'imprimer
leur marque culturelle à la gastronomie abidjanaise d'avant 1950.

Du côté sénégalais, on pouvait manger :


- du tiep djen: riz blanc - poisson préparé avec des

légumes
du yassa : riz blanc accompagné de sauce préparée
..
a

l'oignon et au citron

- du Tangana thé de kinkélibah ou nescafé au lait

concentré servi souvent avec de la tartine de pain beurré, petit

80
déjeuner typique dans les familles sénégalaises de classe moyenne
- du moni : bouillie de mil
des brochettes: viande grillée avec des oignons,
servie en sandwich dans du pain
- du couscous aliment à base de mil consommé avec de
la sauce (tière) ou consommé avec du lait caillé (trachri)
- du acara beignets de niébé (haricots) servis avec
de la sauce pimentée
- des beignets boulettes de pâtes de farine de blé
frites et saupoudrées de sucre
- des pâtes alimentaires le macaroni et les
spaghetti pour ne citer que quelques-uns des repas servis.
Les femmes dahoméennes et togolaises, quant à elles,
servaient
du riz-sauce (tomate, légume, graine arachide)
- du "akassa" pâte acide de maïs accompagnant la
sauce au poisson ou à la viande
- du "ablo" : pâte de maïs légèrement salée et sucrée
- du "owo" pâte de maïs consommée avec de la sauce à la
viande ou au poisson.
Pour confectionner ces menus étrangers, on utilisait
principalement les produits vivriers énumérés dans le tableau
suivant.

81
Tableau nO 6 Principaux produits vivriers utilisés dans la
restauration populaire avant 1950

Produits 1 Produits agro- 1


Produits animaux 1 Végétaux 1 industriels 1
1 1 1
. viande de boeuf et 1 . Légumes 1 .tomate concentrée 1
1 ! 1 1
1 ! ! .produits à base de 1
1 1 1 blé. 1
1 1 1 pâtes alimentaires 1
1 .de mouton 1 .mil 1 pain, couscous !
! 1 1 1
1 1 .maïs 1 .riz 1
1 1 1 1
1 1 ! . beurre 1
1 1

On comprend à la lecture de ce tableau, quelle place


occupaient les produits importés dans les modèles alimentaires
"imposés" par les restaurateurs sénégalais et les femmes togolo-
dahoméennes.
Cette situation d'antan, caractérisée par le monopole
des allochtones sur l'informel alimentaire évoluera jusqu'en

1950, date à laquelle les femmes du groupe culturel akan - plus


précisément les appoloniennes et les baoulé - descendront par
petits groupes sur Abidjan (Treichville) en quête de refuge
contre les contraintes du milieu rural et à la recherche d'indé-

pendance économique. Elles s'initieront aux pratiques commer-

ciales informelles (1) et, favorisées par le rapatriement des

Dahoméens en 1958, récupèreront presque totalement le secteur,


faisant des restaurateurs sénégalais, les survivants du système
alimentaire extra-domestique d'avant l'Indépendance.

(1) Cl. Vidal: Portrait d'Abidjan avec dames in Cahiers Interna-


tionaux de sociologie, vol. LXIX, 1980, p. 307.

82
Si dans la première décennie de l'indépendance, l'ivoi-
risation a été particulière~ent négligée du haut et ne consti-
tuait ni un objectif économique ni un enjeu politique, elle se
manifestera plutôt par le bas et cela, même avant l'indépendance.

A la différence de celle qui s'organise politiquement dans l'ad-

ministration publique en se ménageant le temps de se donner une

relève effective, elle sera, comme dans le cas des activités

informelles, très spontanée. L'histoire de l'alimentation exté-


rieure et à travers elle les contradictions internes aux rapports
entre autochtones et étrangers expriment assez bien la récupéra-

tion d'un secteur économique et d'une identité alimentaire par le

bas.

A cette récupération du secteur par les femmes autoch-

tones, correspond un changement des habitudes à la consommation

alimentaire induit par la revalorisation du modèle culinaire

akan.
- -
La reconversion de leur "infortune" en stratégie économique de

quête d'autonomie aurait favorisé l'ivoirisation d'une filière du

système agro-alimentaire national qui ne souffrait d'aucune con-

currence et qui d'ailleurs constituait alors un enjeu "méconnu"

des politiques agricoles et alimentaires.

On peut constater même aujourd'hui que l'ivoirisation

du secteur informel alimentaire a fait une plus grande place à


des produits vivriers locaux comme

- le manioc
l'igname

- la banane plantain

- les viandes de brousse et d'élevage

83
le poisson

- les légumes.

Ce changement des habitudes alimentaires constitue sans


aucun doute un facteur dynamisant pour la production
. . ...
vl.vrl.ere
locale.

Tableau nO 7 Menu de la restauration populaire autochtone

! Accompagnement Riz, attiéké, placali, foufou, foutou


!
! Sauces Arachide, Djoungblé, Tomates, Aubergines
1
1 Grillades poissons braisés, poulets braisés, brochettes!
1
------------------------------------ !
Ce retour aux modèles alimentaires autochtones induit

par l'ivoirisation du secteur informel ne doit, pour autant, pas

entretenir l'illusion d'un recouvrement total des besoins alimen-

taires par la production vivrière locale. La réalité de l'alimen-

tation extra-domestique et, à travers elle, la croissance de la

consommation de certains produits comme le riz et la viande de

boeuf n'autorise guère cette parallèle. Certaines structures

d'alimentation extérieure restent les vecteurs de consommation

des produits agro-alimentaires comme le blé, le lait, l'arome

maggi. Nous reviendrons sur cet aspect dans les chapitres

suivants.

On ne saurait comprendre la spécificité de la restaura-

tion informelle et la problématique de l'identité alimentaire

qu'elle sous-tend sans faire référence à cette anthropologie de

l'alimentation extérieure faite de luttes politique et symbo-

84
lique. La revalorisation des habitudes traditionnelles de consom-
mation qui en résulte est à mettre à l'actif des femmes ivoi-
riennes qui ont ainsi spontanément renoué nécessité alimentaire
et exigence de la culture urbaine en tenant compte d'un certain
nombre de comportements d'où la hiérarchie des lieux de
consommation.

Section 2 STRUCTURES DE CONSOMMATION ET CATEGORIES D'ALIMENTS

VENDUS

Loin de présenter un caractère absolu de neutralité, le


mode alimentaire informe~ reflète, à. travers ses structures de
consommation et le style alimentaire qu'il a engendré, la diver-
sité des situations historiques et socio-économiques qui ont fait
de lui un champ autonome de consommation. Au plan structurel
comment se présente donc ce champ ?

AI Structures de consommation de l'informel alimentaire

On distingue dans le cas abidjanais cinq sortes de


restaurants qui se complètent et se font concurrence dans leurs
pratiques commerciales. Le lieu d'implantation et le procédé de

vente ont permis la classification suivante

2.1. Les établissements-restaurants il s'agit du style de

restaurant dont le local a été conçu à cet effet et portant


parfois une enseigne. Ils regroupent aussi bien les "maquis", les
"restaurants-bars" que les "kiosques". Comme nous le précisions
dans l'historique de l'informel alimentaire, la préséance reve-
nait aux "restaurants-bars" dont les tenanciers étaient pour la

85
plupart des Sénégalais et Guinéens. Mais, dans l'état actuel des
choses, ce type de restauration, relégué au second plan, semble
faire place aux "maquis". Par "maquis", il faut entendre un lieu
de restauration - autrefois à édifice sommaire et aujourd'hui de
plus en plus modernisé - conçu pour répondre aux besoins d'une
clientèle ponctuelle.
Nos investigations corroborent celle d'Abdou Touré qui

situe l'apparition des "maquis" autour des années 64-65 (1). Sa


maternité pourrait être attribuée à une femme ghanéenne qui
aurait été la première à ouvrir à Treichville, aux alentours de
l'avenue 10, un restaurant à l'intérieur d'une cour. Mais ce sont
les femmes baoulé et appoloniennes qui populariseront ce mode de

restaurant. Le maquis - dans le langage populaire, par analogie


au sens étymologique, est un refuge pour les propriétaires et

leurs clients. Les premiers échappent ainsi à tout contrôle


fiscal, et les seconds au coût élevé de la vie abidjanaise (pos-
sibilité de consommer à bas prix).
Par rapport aux restaurants-bars dont le menu n'avait
hérité en rien de la tradition alimentaire locale, les maquis

pourraient se définir comme une prise en charge - par les femmes

ivoiriennes de l'alimentation informelle extra-domestique


..
a
partir de mets typiquement nationaux (tableau nO 4).

Ces deux premiers types de restaurants, symboles de la

concurrence entre les hommes immigrés et les femmes autochtones


au sommet de la hiérarchie de l'informel alimentaire, se parta-
gent l'offre alimentaire du midi et du soir.

(1) A. Touré: Les petits métiers à Abidjan. L'imagination au se-


cours de la conjoncture. Ed. Karthala, 1985, p. 89.

86
Aux maquis et aux restaurants-bars, se joignent les
kiosques qui, à la différence des deux premiers, se sont spécia-
lisés dans l'offre des plats consommables à la sauvette: café au
lait, tartines, omelettes, pâtes alimentaires. Contrairement aux
maquis, ce mode de consommation donne une plus grande prépondé-
rance aux produits alimentaires industriels. On pourrait même
avancer que les kiosques sont, de toutes les structures du sys-
tème informel alimentaire, le principal vecteur de consommation
des produits de l'industrie agro-alimentaire comme le lait con-
centré, le café, le cacao en boîte, le pain et les pâtes alimen-
taires. Ce type d'offre alimentaire fait des kiosques les parte-
naires privilégiés de l'industrie agro-alimentaire locale (1).
La fréquence d'apparition de ces différentes catégories
de restaurant est variable d'un quartier à un autre. Le tableau
·nO·S nous en donne une vue générale.
Ce tableau met en exergue la prépondérance numérique

(70,5 %) des maquis sur les 2 autres types de restaurant


(restaurants-bars: 11,3 %, kiosques: 16,7 %) et le changement
des habitudes alimentaires renforcé par la multiplication des

premiers, offrant essentiellement des mets ivoiriens. D'appari-

tion relativement récente (1974), les kiosques dont la croissance

est moins rapide que celle des maquis, surclassent les

restaurants-bars. Si le relatif succès des kiosques peut

s'expliquer par l'offre de plats consommés rapidement, l'impact


des restaurants-bars reste très limité. D'ailleurs, ils ne doi-

(1) D. Requiers - Desjardins: "Industrie agro-alimentaire et mo-


des de consommation. Eléments d'analyse à partir du cas de la
Côte-d'Ivoire". Economie et Humanisme nO 296, juillet-août
1987; p. 33.

87
vent leur survie qu'à l'introduction de quelques plats ivoiriens

dans leur menu, ce qui suppose une adaptation de l'offre à la

situation actuelle de la Demande dominée par un retour aux

habitudes de consommation locale.

Tableau nO 8 Répartition des établissements restaurants sur


la ville d'Abidjan

1 1 Maquis Resto-bars Kiosques 1 Total 1


1 Communes 1 nb % nb % nb % 1 nb %1
1 1 1 1
1 Port-Bouët 1 124 9,7 1 10 0,7 1 22 1,7 1 156 12, 11
1 Koumassi 1 89 6,9 1 7 0,5 1 18 1 ,4 1 114 8,81
1 Marcory 1 120 9,3 1 19 1 ,4 1 12 0,9 1 151 11 ,61
1 Treichville 1 132 10,3 1 62 4,8 1 57 4,4 1 251 19,51
1 Plateau 1 4 0,3 1 1 3 0,2 1 7 0,51
1 Cocody 1 12 0,9 1 3 0,2 1 6 0,4 1 21 1 ,51
1 Adjamé 1 105 8,2 1 11 0,8 1 28 2,1 1 144 11 , 1 1
1 Yopougon 1 116 9,0 1 12 0,9 1 32 2,5 1 160 12,41
1 Abobo 1 122 9,5 1 15 1, 1 1 21 1 ,6 1 158 12,21
1 Attiécoubé 1 83 6,4 1 12 0,9 1 20 1 ,5 1 115 9,81
1 1 1 1 1 1
TOTAL 1 907 70,5 1 151 11,3 219 16,7 11 .277 1
1

2.2. Les restaurants sur tables mobiles. Ce sont les

restaurants qui n'ont pas besoin d'un local de production-vente.

Cette restauration se pratique le long des artères de circulation

et ne nécessite généralement qu'une table, des bancs et quelques

ustensiles de préparation.

Ils sont aussi objets de concurrence entre hommes

immigrés et femmes autochtones. Les hommes se sont spécialisés

dans l'offre de brochettes de viande grillée et dans la vente du

"café complet". Les femmes exercent leur talent culinaire en

métier; dans ce type de restaurant, elles servent des mets comme

l'attiéké-poisson, l'alloko (bananes frites), l'igname frit, les

88
sauces (arachides, djoungblé, gombo, aubergine, tomate) accompa-
gnées de riz, attiéké, placali, foufou (pâte de manioc, d'igname
ou de banane plantain).

Toutes catégories confondues, nous avons dénombré


12.186 unités de vente sur tables mobiles se répartissant inéga-
lement sur les 10 quartiers.

Tableau nO 9 Répartition des unités de vente sur table mobiles

1 ISEXEIRESTAU-IRESTAU-IRESTAU-IRESTAU-l TOTAL 1
1 Communes 1 1 MATIN 1 MIDI 1 SOIR 1 JOUR 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1
1 PORT-BOUET 1 H 28 3 1 25 1 0 1 56 1
1 1 F 1 719 1 401 1 204 1 7 1 1.331 1
1-------------1----1-------1-------1-------1-------1--------1
1 KOUMASS I L H 1 16 1 4 1 17 1 0 1 37 1
1 1 F 1 602 1 503 1 191 1 4 1 1.300 1
1-------------1----1-------1-------1-------1-------1--------1
1 MARCORY 1 H 1 37 1 0 1 35 1 0 1 72 1
1 1 F 1 432 1 342 1 212 1 8 ! 994 1
1-------------1----1-------1-------1-------1-------1--------1
1 TREICHVILLE 1 H 1 56 1 12 1 58 1 0 1 126 1
1 1 F 1 849 1 498 1 177 1 12 1 1 .536 1
1-------------1----1-------1-------1-------1-------1--------1
1 PLATEAU 1 H 1 4 1 0 1 8 1 1 1 13 1
1 1 F 1 230 281 1 21! 4 1 536 1
1-------------1----1-------1-------1-------1-------1--------1
! COCODY 1 H 1 12 1 0 1 14 1 0 1 26 1
1 1 F 1 182! 278 183 1 1 1 644 1
1-------------1----1-------1------- -------1-------1--------1
1 ADJAME 1 H 1 27 1 7 12 1 0 1 46 1
1 1 F 1 704 1 432 191 1 2 1 1.329 1
1-------------1----1-------1------- -------1-------1--------1
1 YOPOUGON 1 H 1 21 1 3 19 1 1 1 44 1
1 1 F 1 705 1 378 199 1 4 1 1.286 1
1-------------1----1-------1------- -------1-------1--------1
1 ABOBO 1 H 1 32 1 8 35 1 0 1 75 1
1 1 F 1 761 1 672 212! 3 1 1.648 1
1-------------1----1-------1------- -------1-------1--------1
1 ATTIECOUBE 1 H 1 24 1 7 25 1 0 1 56 1
1 1 F 1 512 1 3511 1631 5 1 1.0311
1------------------1-------1-------1-------1-------1--------1
1 TOTAL 1 5. 953 1 4 . 180 1 2. 001 1 52 1 1 2 . 1 86 1
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _-:--_1

89
Les activités des restaurants sur tables mobiles va-
rient en fonction des différents moments de la journée, quel que
soit le quartier. La matinée et la mi-journée semblent être les
moments d'intense activité. A ces moments de la journée, res-
pectivement 48,8 % et 34,3 % des unités de vente offrent leurs
services; ceci est quantitativement significatif par rapport à la
proportion des unités de vente qui ne fonctionnent que le soir
(16,4 %). Les offres alimentaires sur tables mobiles, tout au
long de la journée sont quasi inexistantess (0,4 %). L'élément
nouveau dans ce type de restauration y est introduit par les
"boat-people" (réfugiés viet-namiens) qui, depuis les années
1970, demandent de plus en plus asile en Côte-d'Ivoire. Avec eux,
apparaît un mode de restauration rapide dont le menu est fait
essentiellement de nems, beignets aux crevettes, de mets
asiatiques consommables à la sauvette. La commune du Plateau,
compte tenu de l'affÎuence qu'elle connaît aux heures ouvrables,
reste le lieu privilégié de telles pratiques commerciales.
2.3. Les espaces-restaurants. Il s'agit de superficies amé-
nagées ou occupées spontanément par des micro-négociants dans un
but de répondre à un besoin alimentaire massif. Ils se présentent
sous forme de cantine improvisée aux abords des écoles, des
services administratifs, des hôpitaux ... bref, des services
publics. Ils sont constitués d'un ensemble de vendeurs sur tables
mobiles. Parfois même à des heures de pointe, les vendeurs ambu-
lants s'y arrêtent pour proposer aussi leurs produits, ce qui
fait la grande hétérogénéité des plats servis sur les espaces-

restaurants.

90
Leur répartition spatiale se présente C9mme suit

Tableau nO 10 Répartition des espaces-restaurants sur la ville


d'Abidjan

1 1 RESTAURANT 1 RESTAURANT 1 Total 1


1 Communes 1 SERVICE PUBLIC ! DISTRACTION ! 1
1 1 1 1 !
1 Port-Bouët 1 33 ! 3 1 36 1
1 Koumassi 1 21 1 1 22 1
1 Marcory 1 19 1 1 20 1
1 Treichville 1 37 2 1 39 1
1 Plateau 1 18 0 1 18 1
1 Cocody ! 13 2 ! 15 !
1 Adjamé 16 3 19 1
1 Yopougon 22 3 25 1
1 Abobo 16 1 1 17 1
1 Attiécoubé 1 12 1 2 1 14 1
1 1 ! 1 !
1 TOTAL 1 207 .1 18 1 225
1

On distingue ici deux types d'espaces-restaurants:


a) les espaces-restaurants à existence conditionnée par

la proximité d'un service public. Ils fonctionnent en tenant

compte des heures d'ouverture du service dont ils assurent l'ali-


mentation; d'une façon générale, leurs activités cessent aux
environs de 17 H 30, heure de fermeture des bureaux et des
écoles. On peut y manger toutes les combinaisons possibles de

sauces (arachides, gombo, aubergine, djoungblé, graine) et d'ac-

compagnement (riz, foutou, foufou, placali).

b) Les espaces-restaurants aux fonctions essentiel-


lement distractives. Ces derniers ne fonctionnent généralement en
moyenne qu'à partir de 17 H. Les grillades, l'igname frit et
l'alloko y sont les plats les plus servis.

91
Il faut préciser que chaque espace-restaurant concentre
en moyenne 15 unités de vente tenues à 90 % par les femmes.

2.4. Les restaurants spontanés : Ils sont constitués par des


attroupements de micro-négociants qui se créent à l'ouverture des

chantiers ou à l'occasion des festivités et qui disparaissent

avec la fin des travaux ou des manifestations. Ils proposent


presque les mêmes plats cuisinés que les espaces-restaurants à
existence conditionnée par la proximité d'un service public. Ce
dernier est cependant permanent tandis que les premiers sont

mobiles.

Au cours de nos opérations de comptage, nous n'avons

retenu que les restaurants spontanés agglutinés autour des grands


chantiers de construction. Nous avons délibérément omis le recen-

sement de ceux, improvisés à l'occasion de festivités à cause de

leur fluidité exceptionnelle qui ne nous garantit aucune fiabi-

lité des résultats. Les données du recensement nous indiquent

donc que les 10 quartiers se partagent en proportion inégale les


112 attroupements de micro-négociants répartis comme suit: Trei-

chville (9 %), Marcory (4 %), Koumassi (12 %), Port-Bouët (13 %),

Plateau (4 %), Adjamé (11 %), Yopougon (14 %), Cocody (10 %),

Abobo (11 %), Attiécoubé (10 %). De moindre importance numérique

que les espaces-restaurants, chaque restaurant spontané regroupe


en moyenne 8 unités de vente tenues ici aussi pour la plupart par

des femmes.
2.5. Les restaurants ambulants Il s'agit d'un commerce

d'aliments qui se pratique sur un parcours indéterminé ou déter-

miné à l'avance par le micro-négociant. Les produits commercia-

lisés sont d'une façon générale disposés dans une bassine

92
portée sur la tête - dont le poids est amorti par un coussinet.
Leur répartition par quartier serait une opération trop
hasardeuse qui n'offrirait d'ailleurs aucune fiabilité puisque
les vendeurs, du fait de leur grande mobilité, passent très
facilement d'un quartier à un autre. Néanmoins, à part ceux qui
nous ont complètement échappé au cours de nos travaux de
comptage, nous avons dénombré sur les 10 quartiers, 5.213 unités
de vente ambulantes confiées dans 72,50 % des cas à des
fillettes.

Les mets offerts par ce type de restaurant se limitent


généralement aux beignets, aux galettes, à l'arachide bouillie,
aux oeufs bouillis, au dèguê (bouillie de mil), etc ... Les hommes
(3,49 % de la sous-population) que nous avons rencontrés conser-
vent leur traditionnelle vente de viande grillée, tandis que les
femmes (24,01 %) vendent de l'attiéké et parfois les mêmes pro-
duits que les fillettes. L'offre alimentaire des ambulants cons-

titue souvent une innovation dans le modèle de consommation dans


la mesure où elle est destinée à un mode de consommation indivi-
duel et rapide adapté aux traditions alimentaires. Cette forme
d'offre est même encore plus novatrice que la restauration en

établissement où le style et le contenu des repas sont beaucoup

plus proches des habitudes de consommation en ménage.

La consommation de plats européens est certainement

plus forte à l'extérieur que dans les ménages mais ne constitue


qu'une variation à l'alimentation habituelle ou une façon de
manger très rapidement. Le développement des maquis, des
restaurants sur table mobile et des espaces-restaurants proposant

93
une cuisine ivoirienne classique montre que si les consommateurs
,
aiment diversifier leur alimentation, ils le font d'abord a
l'intérieur des modèles ivoiriens et restent attachés à leur
propre modèle alimentaire.

BI D'une structure à une autre: les types d'aliments servis

Les plats vendus dans l'informel alimentaire peuvent

être rangés en 4 grands types

- les invariants de la gastronomie populaire

abidjanaise

- les modèles de consommation importés

- les survivances alimentaires

- les éléments d'une alimentation de différenciation

socio-économique.

1.) Les invariants de la gastronomie populaire abidjanaise

Bien que les Akan ne soient plus majoritaires à


Abidjan, les modèles de consommation en vigueur dans l'informel
,
alimentaire restent marques par leur empreinte culturelle, du

fait de leur antériorité dans ce secteur.

Contrairement à la logique qui voudrait que l'origine

de chaque individu détermine en général son régime alimentaire,

l'informel alimentaire semble avoir standardisé les comportements


alimentaires extra-domestiques. Les plats tels que le foutou

(plat à base de tubercules ou de féculents cuit à l'eau puis pilé

pour l'obtention d'une pâte consistante), le foufou (fait généra-

lement de banane plantain ou d'igname légèrement pilée avec de

l'huile rouge. La banane ou l'igname est souvent cuite ensemble

94
avec les assaisonnements devant servir à faire la sauce qui
l'accompagne), le placali (plat obtenu en faisant cuire la pâte
dans de l'eau tout en la malaxant de plus en plus fort à l'aide
...
d'une spatule en bois), l'attiéké (plat obtenu a partir des

racines de manioc cuites à la vapeur), le riz cuit à l'eau, sont


les plus communément consommés. Ils s'accompagnent de sauces,
elles-mêmes caractérisées par les produits de base, généralement
des légumes, des noix ou des graines dont elles tirent leurs
appellations "sauce aubergine", "sauce arachide", "sauce
claire", "sauce feuille", "sauce gombo sec (djoungblé"), "sauce
gombo", "sauce graine".
Ces plats sont massivement consommés le matin et à midi
dans les espaces-restaurants à proximité des services publics,
dans les restaurants spontanés et dans les maquis offrant leurs
services jusqu'à la mi-journée, et le soir dans quelques maquis
et restaurants-bars. L'alloko (plat de banane plantain frite à
l'huile, accompagné parfois de poisson et assaisonné avec un peu
de piment et d'oignon généralement servi par les restauratrices
sur tables mobiles et dans les espaces-restaurants distractifs
comme goûter), vient compléter la liste de ces plats que nous
appelons "les invariants de la gastronomie populaire abidja-
naise". Ces "invariants" relèvent exclusivement du style alimen-
taire du groupe Akan. On constate à ce niveau une continuation en
ville des habitudes alimentaires d'un groupe qui a imposé son
modèle aux autres. En témoigne le tableau du système alimentaire
ci-après.

95
Tableau nO 11 Typologie des systèmes alimentaires

Groupes 1 Localisationl Type de 1 Principaux produits 1


ethniques 1 territorialel consommation 1 1
______ 1---::-::---:- 1-=....,.......----::,....-.....,..... 1 1
1 Nord 1 Féculents 1 Principal féculent 1
1 1 Nord-Est 1 - Céréales 1 igname 1
!Voltaïquesl 1 1 Principales céréales: 1
1 1 1 1 maïs - riz 1
1 1 1 1 1
1 1 Sud-Ouest 1 Céréales 1 Céréale principale 1
1 1 Centre-Ouest 1 - Féculents 1 riz 1
1 1 Ouest 1 1 Féculents principaux: 1
Iles Krou 1 I I - p l a n t a i n au Centre 1
1 1 1 1 Ouest 1
1 l i ! -manioc i l'Ouest 1
! 1 1 1 1
! 1 Est 1 1 Féculents principaux: 1
! 1 ! 1 -plantain - taro 1
. 1 Centre Féculents 1 igname-manioc 1
1 Sud ! plantain-taro-igname 1
Iles Akan 1 ! i l ' Est 1
1 1 ! - igname au Centre !
1 1 1 - plantain-manioc au
1 1 1 Sud 1
1 1 1 - principale céréale:!
1 1 1 maïs !
! ! 1 1
1 - - - - - - 1 Nord Céréales I---=P~r--:i-n-c~i;-p-a-l=--e-s-c"7é-r""':lé""a--:l:-e-s-:
1
1 1 1 -riz, maïs 1
Iles Mandé 1 Nord-Ouest 1 mil et sorgho 1
1 1 ! Principal féculent : !
1 1 igname
!
----------------------------------
Source Consommations alimentaires - Disponibilités en vivriers
et problème du sous-secteur des vivriers en Côte-
d'Ivoire. Thomas EPONOU, tableau 2b.

On comprend dès lors ces spécialisations culinaires

ethniques qui font que la préparation du foutou (de manioc,

d'igname ou de banane plantain) revient souvent aux femmes baoulé

ou agni (groupe Akan du Sud-Est) alors que celle du foufou et de

l'attiéké reviendrait plutôt aux femmes appolo et adioukrou,

lagunaires originaires de pays réputés pour la qualité de ces

96
produits (1).

2.) Les modèles de consommation importés


Avec le développement de l'alimentation extérieure, on
voit s'accroître l'importance des plats à base de produits
alimentaires d'origine industrielle comme le spaghetti (plat fait
de macaroni assaisonné de légumes, de viande et d'huile), les
petits pois (plats à base de conserve de petits pois), la salade
(plat à base de légumes crus à dominance de laitues (feuilles
européennes), auquel on peut ajouter viandes, poissons conservés,
oeuf ou huile selon les goûts, l'omelette (plat fait d'oeufs et
d'une quantité d'huile, auxquels s'ajoutent des assaisonnements
comme le poivre industriel). Ce modèle d'alimentation est pris en
charge surtout par les kiosques dont les tenanciers sont pour la
plupart des peulhs guinéens et des burkinabè.
Le plat symbolisant le plus ce modèle de consommation
est le "café complet" (plat à base de café, de chocolat et de
lait, accompagné de pain beurré), préparé dans les kiosques à
côté des autres plats précités et par les restaurateurs sur
tables mobiles connu sous le nom "aboki". Ce plat qui est une
"réinterprétation" (2) du petit déjeuner européen n'a pas trouvé
dans le contexte ivoirien un substitut. Sa composition moyenne
selon l'EBC 1979 est de :

( 1 ) L . Bourgeoi s : ;: E'-7v-.: o:. : :l:.,:u: . ;t=.;l.;:-oo=n~-.::e;..,;t;:;-,...,,,,d==-Y.o....::.:n;;::a::;m,:.:i:..:q,,,,,u::..;e~d~e...,.....::l;...'....;u::..;t;:;.l.::..;o l=i.;;;;;s~a'":::t,"=i....;o~n,=""="..;;;;d=e


l'espace industriel dans l'île de Petit Bassam (Abidjan
Zones 3 et 4a). Rapport d'élève. ORSTOM, Petit Bassam,
Abidjan 1983; p. 56.
(2) D. Requier Desjardins, 1987; op. cit., p. 33.

97
pain de blé 47 %
sucre raffiné 12 %

lait en boîte 26 %

lait frais 2 %

beurre margarine 4 %
café en grain ou moulu 1 %

café soluble 7 %
chocolat 1 %

Sa consommation est liée de manière très significative


à l'extension de la ville (cf. carte nO 1 p. ) qui ne permet
plus de prendre le petit déjeuner à domicile du fait de la
longueur des distances à parcourir.
Il ne serait pas erroné de dire que, de toutes les

structures de l'informel alimentaire, les kiosques et les restau-


rants sur table mobile tenus surtout par les hommes sont ceux qui
favorisent l'intégration de produits industriels dans la confec-
tion de leurs plats. Ils sont par conséquent les principaux
vecteurs extra-domestiques de consommation des produits de l'in-
dustrie agro-alimentaire comme le pain, le lait, le beurre, le

café et le sucre.

3.) Les survivances alimentaires


L'ivoirisation progressive de l'informel alimentaire
dans sa forme et dans son contenu a fait de certains plats et de
certains types de restaurants, les survivants du système alimen-
taire. Les cas typiques sont les restaurants-bars tenus par des
Sénégalais et servant des plats comme le yassa, le tiep'djen, le

riz-gras et le couscous. La marginalité actuelle des structures

98
de restauration sénégalaise (11 % seulement des restaurants en

établissement) préfigure le caractère secondaire du style alimen-


taire sénégalais pourtant prépondérant dans les années 30. Ceci
prouve le dynamisme du processus ivoirien de revalorisation des

habitudes alimentaires autochtones.

4.) L'alimentation de différenciation socio-économique

Le populaire est dans l'informel alimentaire, mais tout

l'informel alimentaire n'est pas populaire. La pratique alimen-

taire pourrait favoriser l'édification de symboles de séparation


objective. Dans l'informel alimentaire cette création de l'''autre

des autres" se fait à part.ir de ce que l'on mange, comment on le

mange, et où on le mange.

Manger en sauce, une viande de brousse dont l'in-

terdiction de la chasse détermine le prix et manger du poisson ou

de la viande de boeuf subventionnée n'ont pas la même significa-


tion socio-économique. Tout le monde peut manger les midis dans

un maquis par nécessité; mais les maquis du soir marquent les

différences socio-économiques puisqu'ici les extrêmes des

dépenses alimentaires par personne vont de 800 F à 2.500 F autour

des plats comme le poulet braisé, le poisson braisé et le


...
kédjénou (poulet a l'étuvée fait de
poulet découpé bien
. , ...
assal.sonne et cuit à la vapeur dans une marmite a col long, bien
,
couverte) accompagnes de riz ou d'attiéké.

Au-delà de toutes ces distinctions on pourrait dire que

les styles alimentaires observés dans le secteur informel ali-

mentaire, contrairement aux thèses de mimétisme alimentaire (1),

(1) cf. L. Malassis, Economie agro alimentaire. Ed. Cujas; Paris


1977.

100
sont plutôt une confrontation culinaire i~tégrant aussi bien des

modèles occidentaux réinterprétés (café complet, pâtes alimen-

taires ... ) des modèles sous-régionaux (riz gras sénégalais,

akassa, sauce légume ... ) que des modèles traditionnels autoch-

tones (sauce aubergine, djoungblé, alloko ... ) avec une très

large prédominance de ces derniers.

Il conviendrait aussi de souligner par rapport à cette

alimentation informelle, l'importance croissante de la consomma-

tion du riz que ce soit au niveau des "invariants", des survi-

vances alimentaires que des aliments de différenciation sociale.

L'intégration historique du riz dans l'alimentation de

base de la plupart des groupes ethniques (1) ne saurait expliquer

à elle toute seule cette situation. A notre avis, l'''effet

prix" (2) conjugué à la politique ivoirienne d'importation du riz

bâtie autour d'un "dispositif très contraignant" (3) pourrait

constituer un premier niveau d'explication. Ajoutées à ces pre-

mières raisons, la facilité d'approvisionnement et les commodités

de préparation (cuisson nécessitant moins de temps, stockage

facile) font de cette céréale une privilégiée de la consommation

de masse. Loin devant l'attiéké - qui est un accompagnement

(1) cf. J. P. Chauveau : "L'avenir d'une illusion. Histoire de la


production et des politiques vivrières en Côte-d'Ivoire".
Etudes rurales nO 99-100. Juill-Déc. 1985; pp. 281-326.

(2) Y. Léon: "Les cultures vivrières et le problème alimentaire


de la Côte-d'Ivoire", Economie rurale nO 156, Juillet-Août
1983; p. 42.

(3) Nous pouvons lire une très intéressante analyse de ce dispo-


sitif dans: J. Roch, Le rôle des importations dans la con-
sommation alimentaire en Côte-d'Ivoire. OR8TOM, Petit Bassam,
1987; 27 p.

101
local -, le rapport quantité consommable/prix qu'offre le riz est

très avant~geux pour le consommateur (1).


Le comportement du consommateur à l'égard de l'alimen-
tation extérieure reste donc très proche de celui qu'il adopte
envers la consommation interne. La restauration extérieure ne
remet nullement en cause les modèles traditionnels. L'informel

alimentaire aura su répondre à une demande d'alimentation peu


coûteuse, liée aux conditions de vie urbaine et qui tend vers un

maintien des modèles.


On peut toutefois souligner l'aspect novateur de ce

mode de consommation par rapport au choix individuel de plat, la


restauration rapide (kiosque, vendeur de rue), le changement des
manières de table et le développement de la consommation de
certains plats. Il met à la portée du consommateur des plats
·ivoiriens qu'il n'a pas forcément l'habitude de consommer en
ménage. Le changement du style alimentaire dont il est porteur ne

passe pas obligatoirement par l'adoption d'un modèle occidental


si ce ne sont que des substitutions d'ingrédients. La restaura-
tion extérieure, tout en offrant les plats hérités surtout du

style alimentaire akan, favorise l'intégration de plats issus

d'autres pays de la sous-région.

Si l'importance socio-économique de toutes ces

structures est de moins en moins contestée leur mise en place ne


s'est pas faite sans heurts. Nos enquêtes nous en ont donné

quelques mesures.

(1) K. Nzoré : Transformation du manioc en attiéké. Analyse éco-


nomique en milieu traditionnel, Mémoire de 3e cycle agrono-
mique. Rabat 1985; p. 46.

102
Section 3 QUELQUES CONTRAINTES ET OBSTACLES A LA CREATION DES

UNITES DE PRODUCTION

Tout comme dans le cas des autres activités du secteur

informel, l'exercice du commerce informel d'aliments ne va pas de

soi. Certains obstacles tels que

- la constitution du fonds de démarrage

- les contraintes municipales et

- la difficulté de l'intégration constituent une bar-

rière à l'entrée.

AI Les investissements initiaux

L'une des caractéristiques attribuées au petit commerce

africain par les spécialistes est la faible mise de fonds de

départ que nécessite son initiation (Steel, 1980; p. 291, Hugon

1980; p. 240). Cette appréciation sous-estimant l'effort de pro-

duction des acteurs semble à notre avis souffrir d'un conformisme

intellectuel récurrent dans les études sur le secteur infor-

mel (1) et d'un excès de subjectivisme puisque dans la réalité,

on observe un écart réel entre les faits et les termes d'analyse

ci-dessus. Dans le cas qui nous intéresse à savoir l'informel

alimentaire, l'interrogation des acteurs est loin de confirmer

cette thèse d'une entrée massive, favorisée par la faiblesse du

capital. Sur les 281 artisans interrogés au cours de nos enquêtes

socio-économiques 202, soit 71,88 % des enquêtés ont très longue-

(1) Au fur et à mesure que les études sur le secteur informel


évoluent, cette thèse se renforce de plus en plus et finit
même par polariser l'esprit scientifique qui, comme le dit
Bachelard, en vient un temps à apprécier mieux ce qui confir-
me son savoir que ce qui le contredit cf. Bachelard: La for-
mation de l'esprit scientifigue. Ed. Vrin Paris 1980, p. 16.

103
ment évoqué le problème que leur posait la constitution des fonds

d'investissements initiaux. B. Lootvoet faisait le même constat

lorsqu'il essayait d'évaluer à partir de l'étude de quatre villes


de l'intérieur, la "contribution de l'artisanat et du petit

commerce à l'économie ivoirienne" (1). D'ailleurs, dans la hié-

rarchie des "problèmes rencontrés", recensés à partir de la

question "Pour votre première installation, quels sont les

problèmes que vous avez rencontrés" 1, la constitution des inves-

tissements initiaux était le premier obstacle à l'entreprise de

l'activité quel que soit le type de restaurant. Aussi faible

qu'il apparaisse au chercheur ou à l'expert, qui a présentes à

l'esprit les normes d'investissement des PME et PMI, le fonds de

départ - sur lequel nous donnerons de plus amples détails dans

l'analyse micro-économique - n'est pas facilement rassemblé. Les

réponses de deux acteurs, la première, tenancière de maquis et

le second, restaurateur sur table mobile, illustrent assez bien

nos propos.

K.A., 36 ans, restauratrice baoulé: "Quand je suis venue à Abi-

djan, j'ai travaillé pendant 3 ans. J'étais bonne. Je gagnais

10.000 F par mois. Dedans, je dois envoyer 3.000 F à ma mère au

village et moi-même vivre à Abidjan; Dieu a fait et puis je ne

paye pas maison. J'étais chez un frère. Mais depuis que je suis

venue à Abidjan, depuis 3 ans, j'ai voulu faire petit commerce.

C'est petit à petit comme ça que j'ai économisé jusqu'à avoir

7.000 F et puis j'ai commencé par vendre alloko. Comme l'argent

d'alloko ne suffit pas bien bien, j'ai économisé encore jusqu'à

(1) B. Lootvoet :Contribution de l'artisanat et du petit commerce


à l'économie ivoirienne. Thèse de Doctorat, Clermont I; 1986,
pp. 1 51 -1 52 .

104
22.000 F et puis après j'ai commencé par vendre du riz, foutou et
sauce dehors ... En tout cas, pour trouver l'argent de
commencement là, c'est dur ... ".

Comme on peut le constater dans ces propos, K.A ... ,


s'est constituée progressivement et difficilement son fonds de
démarrage. Le résumé fait par Seydou N... , restaurateur guinéen,
de sa situation financière au démarrage des activités, est non
moins significatif: "Quand j'ai débarqué à Abidjan, mon plus
grand problème était l'argent pour faire commerce et là où je

vais faire commerce. Je voulais vendre viande grillée ... Mais,


pour là où je vais faire commerce, c'est pas grave. Mes frères
vont me trouver place. Mon problème, c'est l'argent. J'ai vendu
pendant un an pour un autre frère avant de gagner un peu d'ar-
gent, c'est à dire 15.000 F pour commencer pour moi-même. Il m'a
exploité jusqu'à ... Mais je ne peux pas dire qu'il m'a exploité

aussi. Abidjan c'est comme ça ... ".


Dans tous les cas, nos enquêtés exprimaient leurs dif-

ficultés
.
a rassembler le capital de départ aussi faible qu'il

puisse paraître.
Mais une fois les capitaux de départ rassemblés, il
faut affronter la dure épreuve de l'occupation de l'espace géré
par les municipalités.

BI La lutte pour l'occupation de l'espace et la difficile

question de l'intégration

Moins que le capital initial et plus que l'intégration


dans des réseaux commerciaux, les tracasseries de la municipalité

105
restent un frein sérieux à la première installat~on de certaines
structures de l'artisanat alimentaire (59,8 % de cas).
La réaction ambivalente des municipalités face au
secteur informel en général et à l'artisanat alimentaire en
particulier passe par deux phases
la phase de répression et
- la phase de tolérance.
Conformément à l'arrêté nO 942 inter.acer du 13 mai
1961 réglementant l'exercice des professions ambulantes sur la
voie publique, les municipalités font intervenir régulièrement
leurs agents pour décourager timidement toute pratique commer-
ciale illicite aux abords des rues. Plus que les autres
structures de restauration, les restaurants sur tables mobiles,
les espaces-restaurants et les restaurants spontanés ont été
beaucoup plus exposés à cette répression dès les premiers jours
de leur installation.
Les assauts répétés des agents, quelques mois après, se
muent en tolérance. Cette seconde phase commence par la percep-
tion de taxes municipales qui, en fait sont illégitimes au regard
des lois en vigueur.
En effet selon l'article 2 de l'arrêté nO 942 inter
précité, "L'autorisation de vendre sur la voie publique donne
lieu à la perception d'un droit fixe au profit du budget
municipal. Toute personne désirant obtenir l'autorisation prévue

à l'article précédent, devra


a) déposer à la mairie une demande écrite donnant

toutes les précisions sur l'exercice et la nature de la

profession projetée;

106
b) justifier de son identité et .d'un domicile fixe;
c) justifier du paiement de l'impôt de l'exercice en
cours".

Dans le cas de l'I.A. aucun restaurateur de la popula-


tion des 281 enquêtés n'a satisfait à cette obligation. Pourtant

ils payent tous des taxes au profit des municipalités. On cons-

tate ici la manière ambivalente dont les Etats africains par


l'intermédiaire des communes se "nourrissent" des activités des

économies "non officielles" sous forme de perception d'impôts, de

taxes journalières, hebdomadaires, mensuelles ou annuelles (1).


C'est dans cette contradiction flagrante qu'évolue, comme toutes

les autres activités de l'informel, l'informel alimentaire.

Entre autres difficultés, le problème de l'intégration

est un obstacle non moins important à l'entrée dans le secteur

informel alimentaire. Cette difficulté est apparue à la création


d'entreprise chez 32,87 % de nos enquêtés.

Ce problème d'intégration, propre aux espaces-


restaurants et aux restaurants spontanés, est dû essentiellement

à la forte cohésion sociale et aux conventions sociales tacites

qui régissent ces aires de concurrence socialement parcellisées.

Plus que dans le cas des restaurants spontanés, la difficulté à

se faire une place sur un espace-restaurant est encore plus

grande. La préférence de tel ou tel autre espace est elle-même


dictée par la facilité qu'ont les acteurs à s'infiltrer dans tel

ou tel réseau commercial déjà dominé par des alliés appartenant

au même groupe ethnique ou à la même région. Qu'importe la

(1) F. Akindès : Rêflexions sur les concepts "informel" et "non


structuré". AMIRA. Abordage nO 2; Paris 1986, pp. 1-8.

107
distance qui sépare le domicile de l'acteur de son lieu de
travail. Les cas de conflits qui nous ont été rapportés ou
auxquels nous avons assisté, faisaient suite à une intrusion sans
aval dans des groupes de vendeurs anciennement constitués. Ce
fait sociologique semble caractériser bon nombre d'activités
informelles. G. Salem constatait le même phénomène lorsqu'il
étudiait les réseaux commerciaux des artisans colporteurs (1).

CONCLUSION PARTIELLE

La thèse du mimétisme alimentaire ne semble pas résis-


ter à l'analyse des pratiques alimentaires informelles à Abidjan.
Le caractère marginal des modèles alimentaires exogènes par rap-
port aux habitudes de consommation locale, l'atteste. Les habi-
.tudes alimentaires étant au centre des processus par lesquels un
groupe humain marque son identité et l'altérité de ceux dont
cette identité le distingue, on pourrait dire que le développe-
ment de l'informel alimentaire est le lieu d'une lutte symbolique
pour la récupération d'une historicité. Cette revalorisation de
la gastronomie autochtone en alimentation extérieure conjugue au
moins deux dimensions différentes comme le notait Fishler dans
son analyse de l'identification des aliments et de l'identité du
mangeur (2). La première est celle qui va du biologique au
>
(1) G. Salem, Les reseaux commerciaux des artisans colporteurs
sénégalai s in ..;.V..=i:....:v-=r:....:e::----;e:..:t~-=s:..:u:.;r;.v..;...=i~v..;:r~e~d=.:a:.;n:..:.;::s--=l:.:e:.:s::.-v:..:~;:.·
l=l-=e:..::;s=-:-:;a:=-=f::..::r=:~=·c=a~i~n:.:e=s.
(sous la direction de I. Deblé et Ph. Hugon et alii) IEDES PUF
Paris 1982; pp. 84-88.
(2) Cf. C. Fischler, Alimentation, cu~s~ne et identité: l'iden-
tification des aliments et l'identité du mangeur in Identité
alimentaire et altérité culturelle. Actes du colloque de
Neuchâtel, 1984, p. 171.

108
culturel, de la fonction nutritive à la fonction symbolique. La
seconde est celle qui unit l'individuel au collectif, le psycho-
logique au social.

Au-delà de cette dimension culturelle, l'étude de la

dynamique de l'informel alimentaire ne pourrait se faire hors du

contexte macro-économique actuel qui, depuis quelques années, ne

cesse de l'influencer profondement. Sa croissance rapide et


l'étroite relation entre les politiques alimentaires et les choix

de production des acteurs en sont des indicateurs.

109
Chapitre III

PRODUCTION ALIMENTAIRE ET PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE

Une des caractéristiques de 1'1. A. est cette symbiose


entretenue entre l'unité de production et la structure cornmunau-

taire des acteurs.

L'informel alimentaire se distingue des autres petites

activités urbaines d'une part par le fait que l'unité de produc-

tion est enchassée dans l'unité domestique et reste prisonnière


d'elle et d'autre part par la prépondérance des revenus qu'elle

apporte dans le budget des ménages d'acteurs. Mais avant

d'aborder l'analyse du réseau de sociabilité dans lequel baignent


,
les acteurs et les questions théoriques sous-jacentes, nous pre-

senterons le profil socio-démographique de ces derniers.


Section 1 - CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DES MICRO-NEGO-
CIANTS

AI Quelques données sur le profil socio-démographique des micro-


négociants

. Une population à majorité féminine ...

L'informel alimentaire est essentiellement le domaine


des femmes. Plus qu'un métier appris, c'est un prolongement
extérieur de leurs activités domestiques. Cette réalité trouve sa
confirmation dans nos enquêtes socio-économiques qui évaluent à
80,42 % la proportion des femmes présentes dans ce secteur contre
seulement 19,58 % d'hommes. Ces résultats peuvent être comparés à
ceux des études e~fectuées dans d'autres pays de la sous-région
ouest-africaine, en Indonésie et au Bangladesh. A Ilé-Ifé
(Nigéria) par exemple, les femmes présentes dans ce secteur
constituent 94 % contre seulement 6 % d'hommes (Tala Olu Pearce,
1988). A Ziguichor (Sénégal), le taux de participation féminine
à cette activité n'est pas des moindres 75 % (Posner 1983).
Comparativement à des observations faites en Afrique de l'Ouest,
l'investissement des femmes dans ce secteur d'activité en
Indonésie et au Bangladesh, est moins important puisqu'il n'en
mobilise que 35 à 40 % seulement (Cohen 1984).

111
Tableau nO 12 Répartition des actifs par sexe

l,Femmes 1 Hommes 1 Total 1


1-----------1-----------1-----------1
! % 1 ! % 1 1 %
! 1 1 1 1 1
1 Restaurant en établissement! ~! 33,451 ---n-
1 8,181 ~1 41,63!
1 1 1 1 1 1 1 1
1 Restaurant ambulant 1 38! 13,521 21 1 7,471 591 20,991
1 1 1 1 ! 1 1 1
! Espace-restaurant 1 321 11,381 1 0,351 331 11,741
! 1 1 1 1 1 1
1 Restaurant spontané 1 241 8,541 1 0,351 251 8,891
1 1 1 1 1 1 1
! Restaurant sur table mobile 1 381 13,521 9 3,201 471 16,72!
1 1 1 1 1 1 1
! 226! 80,42! 55 1 19,581 281!100,0 !
!

La sur-représen~ation féminine dans notre 'échantillon

n'est que le reflet de la situation au niveau de la population

des acteurs du secteur informel alimentaire. A travers cette

prééminence des femmes, transparait leur rôle socio-économique en

milieu urbain, longtemps masqué par les statistiques

d'emplois (1).

relativement jeune

En outre, cette population se caractérise par le poids

particulièrement important du groupe des actifs de 21-30 ans

(28,46 %) et surtout de ceux de 31-40 ans (32,38 %), soit 60,84 %

en fréquence cumulée. Ces caractéristiques suivent de très près

celles constatées à Ifè où les femmes s'adonnant à cette activité

sont dans la grande majorité âgées de plus de 21 ans. La sous-

représentation des actifs de moins de 21 ans (17,79 %) et de ceux

(1) Ph. Antoine, A. Traoré - Pour une lisibilité du rôle des fem-
mes au travers des données statistiques in : Femmes et poli-
tigues alimentaires. Actes du séminaire OR5TOM-CIE, Paris
1985; pp. 195-242.

112
de + de 40 ans dans notre échantillon s'explique, pour les
premiers, par la difficulté à rassembler le capital d'investisse-
ment et, pour les seconds, par l'effort qu'exige l'activité,
effort auquel l'avancement de l'âge ne permet plus de répondre.

Tableau nO 13 Répartition des actifs par âge et suivant le


type de restaurant

1 Restaur.en IRestaur.sur 1 Espace 1 RestaurantlRestaurant 1


1 établ1ssem.ltable mobilelrestaurant 1 spontané 1 ambulant 1 Total 1
I----,-------I------------I-----------!-----------I-----------!-----------I
1 1 %11 % II %11 %! 1 %1 !% 1
____I_ _I_ _I_I _ _ I_I_ _ I_I _ _ !_I_ _I_I _ _ I
10-20 ansl 2 1 0,711 11 1 3,91 ! 13 1 4,621 8 1 2,841 16 1 5,69! 50 1 17,79!
! 21-30 ansl 27 1 9,601 18 1 6,40 1 17 1 6,041 6 1 2,131 12 1 4,27180 1 28,461
1 31-40 ansl 32 1 11,381 22 1 7,82 1 14 1 4,98! 12 1 4,271 11 1 3,911 91 1 32,381
1 41-50 ansl 8 1 2,841 11 1 3,91 1 8 1 2,841 6 1 2,131 9 1 3,201 42 1 14,941
51-60 ansl 7 1 2,491 5 1 1,77 1 4 1 1,421 11 0,351 1 1 0,35118 1 6,431
_ _ _ _1_ _1_ _1_1_ _ '_1 _ _1_1_ _ ' _ 1 _ _1_1_ _ 1
1 76' 27,041 67 1 23,84 1 56 1 19,921 33 1 11,741 49 1 17,431281 1100,0 1
1 1

On comprend, au regard de la jeunesse de la majorité des actifs

toute la capacité d'inventivité et d'adaptation qui fait le


dynamisme de l'artisanat alimentaire.

d'origine nationale et ethnique diversifiée ...


L'analyse de l'origine nationale et ethnique des actifs
met en exergue les spécialisations sexuelles dans l'informel

alimentaire. Les propos de Cl. Vidal selon lesquels "la restaura-

tion populaire est le domaine quasi exclusif des immigrés et des

femmes" (1) semblent justifiés statistiquement par nos enquêtes.

(1) Cl. Vidal: L'artisanat féminin et la restauration populaire


à Abidjan, in Femmes et politiques alimentaires, op. cit.
p. 550.

113
Tableau nO 14 Répartition des actifs par nationalité et sui-
vant le sexe

1 Ivoiriens INon Ivoiriensl


1-------------1-------------1
1 % 1 1 %
1 1 1 1
1 1 1 1 55
1 Hommes 1 9 1 3,20 46 1 16,37 1 19,57
1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 226
1 Femmes 1 150 1 53,38 1 76 1 27,04 1 80,42
! 1 1 1 1 1
1 159 1 56,58 1 122 ! 43,41 1
1 !

,
Comme nous le precisions, sans être des concurrents, les hommes
(19,577 %) partagent ce secteur avec les femmes (80,42 %) qui le
dominent. La forte répugnance des hommes ivoiriens (3,20 %) vis à
vis de cette activité considérée généralement comme métier fémi-
nin et le rôle marginal des hommes étrangers (16,37 %) font une
grande place aux femmes qui deviennent les principales nourri-
cières de la ville. Le fait le plus significatif est la forte
présence des femmes ivoiriennes qui représentent plus de la
moitié de la population des actifs (53,38 %). Et comme le consta-

tait L. Bourgeois (1983), le poids de certaines ethnies y est

prépondérant baoulé (25,02 %), ethnies lagunaires (28,17 %),

agni (15,92 %), dioula (11,31 %).


Du côté des étrangers, tous les pays de la sous-région ouest-
africaine sont représentés.
en majorité composée d'analphabètes ...
Le seuil jamais atteint par la minorité des actifs

scolarisés (24,5 %) est la classe de 3e. Ce faible effectif de


scolarisés se recrute à 92,19 % dans la génération des actifs de

114
20-30 ans. La grande majorité des actifs (75,08 %) est analpha-

bète. Dans la minorité des actifs scolarisés, les femmes sont

sous-représentées (15,04 %) par rapport aux hommes (65,45 %). Ce


, .
fort taux d'analphabétisme chez les femmes les prédispose a
s'investir dans le commerce de détail, seul moyen pour elle, en

dehors de la prostitution et des services domestiques, de

s'insérer dans le tissu économique urbain.

Situation matrimoniale

L'analyse de l'état matrimonial de la population enquê-

tée indique une très faible proportion de divorcés (1,06 %) par

rapport aux autres catégories à savoir celle des veufs (6,04 %),

des célibataires sans enfant (16,37 %), des célibataires avec

enfant (27,75 %) et enfin la plus importante, celle des


.,
mar~es

(48,75 %).

Dans les deux catégories dominantes de notre

échantillon, celle des mariés et celle des célibataires avec

enfant, la présence féminine est écrasante avec respectivement

89,78 % et 94,87 %. Encore faudra-t-il distinguer dans le groupe

des femmes mariées celles qui appartiennent à une famille monoga-

mique ou polygamique. C'est à ce niveau que nos enquêtes nous ont

révélé que le mariage n'impliquait pas systématiquement, dans les

milieux populaires urbains, un partage des charges familiales.

Les familles polygames se décomposent en sous-unités dans

lesquelles les femmes sont les chefs de ménage "par substitu-

tion". Sur les 42,70 % de femmes s'étant déclarées mariées, 39 %

vivaient cette situation.

En ajoutant ce fort taux de femmes-chefs de ménage "par

substitution" à celui des femmes célibataires qui ont la charge

115
de leurs enfants, nous voyons donc ce que pourrait constituer,
pour ces ménages, le revenu tiré de l'artisanat alimentaire. Il
faut reconnaître avec J. Bissiliat et M. Fiéloux (1) que cette
situation prend de plus en plus d'importance. La précarité du
lien conjugal dans les grandes et même les petites villes,
confirmée par la fréquence des divorces, la polygamie avec
l'abandon plus ou moins net de la première épouse et de ses
enfants, les réactions de rejet des femmes devant l'absentéisme
du mari, les effets de la crise économique, sont autant de fac-
teurs qui concourent à augmenter le nombre de familles dont le
chef est une femme; à Naïrobi par exemple, 60 % des femmes vivent
cette situation.

BI Trajectoire migratoire et professionnelle des actifs

Sur les 281 actifs enquêtés par nous, 246 (soit


87,54 %) sont des migrants. Ici, "migrant" n'est pas synonyme de
"non-ivoirien". Sont considérés comme migrants tous les actifs
aussi bien ivoiriens que non-ivoiriens, qui se sont déplacés de
leur lieu de naissance vers Abidjan. Les motifs de la migration
sont très divers. Ils sont aussi bien d'ordre économique que non
économique.
Chez les ivoiriens, 72,7 % de ces déplacements ont eu
lieu entre 1979 et 1983. En général, les caractéristiques de ces
déplacements ne s'écartent guère de celles des migrations afri-
caines qui prennent le plus souvent une allure d'exode rural.
Mais ceci n'autorise pas tout de suite une analyse en termes de

(1) J. Bissiliat, M. Fiéloux, Femmes du Tiers-Monde, Ed. Le Syco-


more, Paris 1983; p. 55.

116
relations de cause à effets entre les mesures agro-alimentaires
contenues dans les programmes d'ajustement structurel et les mou-
vements de population.

Tableau nO 15 : Motifs de la migration vers Abidjan

1 Ivoiriens 1 Non-Ivoiriens 1
1---------------1---------------1
1Hommes IFemmes IHommes IFemmes 1
---=:--: ~--_:__-----1-_---='- 1 1 1 1
1 Raisons économiques 1 5 1 301 401 61
1 .Chercher du travail 1 5 1 4 1 23 1 1
1 .Faire du commerce 1 1 17 1 1 1 1
1 .Chercher l'argent 1 1 7 1 17 1 4 1
1 . Apprentissage 1 1 2 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1
1 Raisons non économiques 1 101 ! 1 641
1 .Suivi du mari 23 1 1 19 1
1 .Suivi d'un parent 53 1 1 43 1
1 .Fuir les contraintes 1 ! 1
l , d u village 14 1 1
1 .Visite à la famille 11 2 1
1 1
-------------- 5 131 40 70 1
1
136 110

Les causes de déplacement par nationalité n'inspire


aucun commentaire. C'est plutôt autour de la variable sexe que
les différences sont observables. A l'analyse du tableau ci-
dessus, on constate que la migration masculine, chez les Ivoi-
riens comme chez les Non-ivoiriens, est essentiellement motivée
par des raisons économiques, telles que la recherche d'un emploi
(30/45 cas) et le souci d'entreprendre une activité économique
(17/45 cas). Certes, les motifs économiques de migration ne sont
pas absents chez les femmes; mais ils n'apparaissent que dans une
proportion très faible (33/201 cas). A une lecture au premier
degré, leurs raisons de déplacement sont plutôt non économiques.

117
Parmi celles-ci, on citera par ordre d'importance le suivi d'un
parent (96/201 cas), le suivi du mari (42/201 cas), la fuite des
mariages précoces (14/201 cas), et enfin la visite à la famille
( 13 / 201 cas).

Notons que, si, à partir de ces donn~es, les migrations


de type économique sont évidentes chez les hommes, elles sont peu

perceptibles chez les femmes. Le suivi du mari ou d'un parent


étant la raison la plus évoquée, il est difficile d'y lire la
part de l'économique. Une recherche - au second degré - des
motivations des personnes suivies ayant révélé à 93 % un souci de
quête d'emploi ou de revepu, on se hasarderait à faire le lien
entre la crise économique et le phénomène migratoire qui aurait
entraîné, un investissement croissant dans l'informel

alimentaire.
Le fort taux de migration ainsi constaté semble-t-il
traduire une réaction à la dégradation du revenu agricole par
tête qui, à la fin de la période 1978-1983, a baissé de
5,36 % (1). On pourrait émettre l'hypothèse que la crise écono-
mique a de plus en plus attiré une partie de la population active

du secteur primaire vers la production marchande urbaine

informelle.
Le processus de migration s'effectue selon différentes
modalités. Nous avons essayé de l'analyser à partir de la typo-
logie des migrations que proposait M. Peil (2). Quatre des six
(1) SEDES, Evolution et répartition des revenus en Côte-d'Ivoire
. .. op. ci t. .. p. 3 1 .
(2) M. Peil, The ghanaian factory worker : industrial man in
Africa. African studies series 5. Cambridge university press
1972.

118
types de migration - par rapport au lieu de l'enquête - distin-
gués par M. Peil, s'observent ici

- la migration directe (42,33 % de cas). Elle ~mplique

un mouvement du lieu de départ vers Abidjan sans résidence

intermédiaire;

- la migration "direct side". Elle concerne des


individus (22,17 % de cas) migrant du lieu de départ vers un

autre endroit de même importance avant l'arrivée à Abidjan;

- la migration "step". Apparaissant dans 20,85 % de


cas, elle implique un mouvement graduel vers des centres urbains

d'importance croissante (exemple Korhogo, Bouaké, Abidjan);

- la migration "step side" (14,65 %). Il s'agit d'une

migration successivement du lieu de départ vers un endroit de

même importance, puis vers des villes d'importance croissante

avec comme point de chute, Abidjan.

Toutes ces migrations sont conditionnées par

l'assurance d'une insertion dans un réseau familial ou ethnique

pré-établi.

Pour la plupart de nos enquêtés (74 %), la vente d'ali-

ments était la première activité économique exercée


..
a Abidjan.

L'insertion dans l'artisanat alimentaire apparaît ici comme une

solution d'intégration au tissu économique urbain. L'exercice

d'une activité antérieure à la restauration n'est observable que

chez certains restaurateurs en établissement et précisement chez

les tenancières de maquis qui en ont tiré leur premier fonds de

démarrage. Ces activités sont diverses et vont de la prostitution

au salariat d'une entreprise en passant par les services

domestiques (boy, bonne).

119
Si pour les uns (42,13 %) l'activité de restauration
est une solution définitive au problème d'emploi, pour d'autres
(17,61 %) elle reste une activité transitoire. Cette dernière
conception est surtout prédominante chez les exploitants de
kiosques, les vendeurs sur tables mobiles et les ambulants.
Une étude de l'artisanat alimentaire ne peut se faire
sans l'analyse de la main-d'oeuvre qui constitue sa principale
force. Notre intérêt se portera à ce niveau sur les caractéristi-
ques majeures de cette main-d'oeuvre.

Section 2 - ANALYSE DES CARACTERISTIQUES DE LA MAIN-D'OEUVRE DE


L'INFORMEL ALIMENTAIRE

L'I. A. est l'une des activités du secteur informel qui


.puise l'essentiel de sa force de travail dans l'environnement
familial. La présentation de quelques grandes caractéristiques
soc io-démograph iques de cette main-d'oeuvre nous permettra de
mieux comprendre l'un des facteurs de production à moindre coût
de ce secteur.

AI Identité socio-démographigue de la main-d'oeuvre

Au total 928 personnes (hormis les chefs d'entreprise)


travaillent dans les 281 unités de vente que nous avons

enquêtées; la moyenne étant de 3,3 personnes par unité de vente.


Nous essaierons de comprendre comment se répartit cette main-
d'oeuvre par rapport à quelques variables telles que le sexe,
l'âge et le statut.

120
1°) Sexe

La nature même de l'activité fait que l'artisanat ali-

mentaire reste un monopole des femmes. Tout comme chez les ac-

teurs principaux, la main-d'oeuvre de l'informel alimentaire est

essentiellement féminine (96,9 %). Cet indice nous éclaire sur la

capacité de reproduction sexuelle de l'informel alimentaire.

Tableau nO 16 : Répartition de la main-d'oeuvre par tranche

d'âge

Fréquence 1 Pourcentage
1 1
1 - 10 ans 1 307 1 33,3
1 11 - 15 ans 1 179 1 19,2
1 16 - 20 ans 174 1 18,7
1 21 - 25 ans 108 ! 11 ,6
1 26)- 30 ans 91 9,8 1
1 31 - 35 ans 69 7,4 1
1 1
928 100,0 !

La main-d'oeuvre employée est très jeune. La majorité soit 71,2 %,

a moins de 21 ans, l'âge moyen étant de dix huit ans et demi.

3°) Statut socio-professionnel

Tableau nO 17 Répartition de la main-d'oeuvre par statut

Fréquence Pourcentage
1
Salariés 17 2,9 1
1
Aides familiaux 911 98,1 1
1
Apprentis 0 0,0 1
!
928 100,0

121
Ce tableau nous montre la prépondérance des aides familiaux dans
le fonctionnement des unités .de production de l'I. A. Ils consti-
tuent incontestablement la forte majorité de la main-d'oeuvre de
cette branche d'activité. Les apprentis y sont inexistants con-
trairement aux autres activités du secteur informel. Le salariat

(2,9 %) semble un phénomène marginal. Nous avons également cons-


taté une forte corrélation entre l'importance du chiffre d'af-
faires et la tendance à recruter des salariés. Les quelques rares
cas d'embauche salariale se fondent sur des raisons plus écono-
miques et utilitaires à savoir l'accroissement de la taille de
l'entreprise et les exigences d'une clientèle de plus en plus

croissante.

La prépondérance des aides familiaux dans la main-


d'oeuvre de l'I. A. est une donnée essentielle de l'analyse
micro-économique. A ce titre, elle mérite que l'on s'y attarde.
Cette première caractéristique qui écarte l'I.A. de
L'entreprise capitaliste-type annonce la complexité de l'analyse

micro-économique des unités de production. Ceci rappelle forte-


ment les problèmes épistémologiques que posait Tchayanov dans sa

théorie de l'organisation de l'économie paysanne russe. Tout

comme les fermes russes qu'étudiait l'auteur durant le premier


quart du XXe siècle, 90 % des UPV n'engagent pas de travailleurs
et exploitent la main-d'oeuvre communautaire. Devant ces nouveaux
cas de figure, les concepts et doctrines classiques et néo-

classiques communément admis en matière d'analyse micro-


économique pour comprendre le comportement des entrepreneurs

capitalistes et le fonctionnement d'entreprises commerciales dans


lesquelles la main-d'oeuvre travaille pour un salaire ont du mal

122
à s'adapter. Tchayanov le faisait bien remarquer quand il notait

à propos des fermes "Le moyen le plus sûr de mal comprendre

l'exploitation familiale paysanne est de la considérer comme une


affaire commerciale, autrement dit comme une entreprise de type

capitaliste •.• " (1). Cette réflexion s'applique à bon escient à

l'I.A. Nous pensons donc que toute tentative qui consisterait à

traiter simplement les UPV selon les catégories théoriques d'un

"système unique", d'une "économique universelle" et classique

semble vouée à l'échec puisque l'homo économicus n'organise pas

ici sa production à partir de salariat mais plutôt avec la main-

d'oeuvre communautaire. Les problèmes de psychologie économique

et commerciale que nous aborderons dans le chapitre appuiera

toute notre argumentation sur le caractère familial et subsistan-

tiel de l'économie informelle alimentaire.

BI Utilisation des aides familiaux et implications micro-

économiques

Contrairement aux autres structures du secteur

informel, l'I. A. ne forme pas d'apprentis. Dans leur stratégie

de création des ressources, les tenanciers s'appuient plutôt sur

les aides familiaux qu'ils recrutent dans leurs réseaux communau-

taires. La structure de cette main-d'oeuvre familiale est très

composite.

(1) A. Tchayanov, L'organisation de l'économie paysanne, Ed.


Librairie Le Regard, Paris 1990, p. 246.

123
Tableau nO 18 structure de la main-d'oeuvre familiale dans

l'informel alimentaire

Fréquence 1 Pourcentage 1
! 1
1 1 1
1 Aides-parents 425 1 46,8 1
1 Enfants des tenanciers 103 1 11,3 1
1 Enfants confiés 169 1 18,5 1
1 Enfants négociés 89 1 9,7 1
1 Enfants apparentés 125 1 13,7 1
1 1 1 1
1 911 1 100,0 1
1 1

La structure de cette main-d'oeuvre familiale fait apparaître

différents statuts par rapport à l'actif principal.

Les aides-parents, qui constituent 46,8 % de cette


sous-population, sont des personnes (cousins, cousines, frères,

soeurs) appartenant à la même génération que les tenanciers.

En dehors de ce sous-groupe d'aide-parents, le reste de

la main-d'oeuvre est essentiellement infantile; 53,2 % de la

population des personnes employées dans les unités enquêtées ont

moins de 16 ans. Cette sous-population se répartit comme suit


les enfants du couple (11,3 %). Ce sont les descendants

directs des tenanciers;

les enfants confiés (18,5 %). Ce sont des enfants placés

auprès des tenanciers par un ami ou un voisin immédiat;

les enfants négociés (9,7 %). Ce sont des enfants prati-

quement "loués" par les parents géniteurs à une tierce personne

(dans notre cas, le tenancier) en vue d'une exploitation (dans


n'importe quel champ d'activité) contre récompenses à période

déterminée;

124
· les enfants apparentés (13,7 %). Ce sont les enfants qui,
sans être les descendants directs du tenancier, appartiennent à
son réseau familial, généralement très large en Afrique.
Il faut préciser que cette main-d'oeuvre familiale
n'est pas rémunérée. Mais ceci n'autorise non plus une analyse en
terme de gratuité et d'exploitation comme l'ont fait certains
spécialistes du secteur informel. La rémunération n'est pas ici
en espèces mais en nature. Ce sont plutôt des échanges de ser-
vices contre prestations sociales, puisqu'il ressortait de nos
enquêtes que près de 92 % des personnes employées appartiennent
au ménage des tenanciers qui les ont à charge. Mieux, une compta-
bilité des profits matériels et symboliques (1), pourrait
permettre de dépasser les explications par les "généralités eth-
nologisantes" ne se limitant qu'à l'évocation du réseau de
parenté des entrepreneurs. Mais là n'est pas l'objet de notre
analyse. A court terme, l'intérêt de l'utilisation de ce type de
capital humain en matière d'analyse micro-économique est la mini-
misation du coût de production qui, conjuguée à d'autres
facteurs, notamment l'effet concurrence, autorise le bas prix à
la cpnsommation des plats dans le secteur informel alimentaire.
Nous voyons là une première échelle de capitalisation des rap-
ports sociaux qui se poursuivra aussi bien au niveau de la forma-
tion du capital d'investissement initial, que de la constitution

de la clientèle.
Si le réseau familial semble bien être un élément
déterminant du dynamisme de 1'1. A., il ne manque cependant pas
de peser sur la gestion du fait des nombreuses sollicitations
(1) cf. P. Bourdieu. Le sens pratigue. Ed. du Minuit, Paris 1984.

125
dont font l'objet les tenanciers. Nous pouvons en juger par la
taille des· ménages et le poids qu'elle pourrait représenter dans

le budget de consommation surtout chez les ménages à un seul


actif. C'est à ce niveau qu'entre en effet la grande question du
calcul économique en Afrique tel que l'a formalisé R. Mahieu et
sur laquelle nous reviendrons dans le prochain chapitre. La
poursuite de l'analyse par une étude des structures familiales
immédiates des micro-négociants débroussaillerait le champ de la
réflexion sur le problème des réajustements par les revenus.

Section 3 STRUCTURE FAMILIALE IMMEDIATE DES MICRO NEGOCIANTS

Avant de présenter l'analyse des résultats, qu'il nous


soit permis de faire deux observations l'une de nature concep-
.tuelle et l'autre de nature méthodologique.
Pour déterminer la structure familiale, nous avons posé
les questions suivantes: "Vivez-vous seul(e) chez vous" ? Si

oui l'enquêté était considéré comme ménage à une composante.

Sinon, il était convié à donner des informations sur son environ-


nement social immédiat pour le remplissage d'une fiche de rensei-
gnements familiaux comportant le nom, le sexe, le lien de
parenté, l'activité, le revenu et le motif de présence des

personnes vivant avec lui.


A partir de ces données, nous considérons comme faisant

partie de sa famille toutes les personnes partageant le même toit


et vivant "derrière la même clé" (1) que lui.

(1) Cf. H. Joshi, M. Lubell et J. Mouly, Urbanisation et emploi à


Abidjan, BIT, Genève 15, 1976, p. 40.

126

/
De toutes ces demandes de renseignements, les questions
sur le revenu étaient soit ignorées soit objet de refus de

réponses chez plus de 40 % des personnes interrogées. Dans ces

cas de refus, nous nous contentions seulement de savoir si revenu

il Y avait; après quoi nous demandions à l'enquêté d'évaluer


l'importance (supérieure ou inférieure) de ces entrées par rap-

port à son propre revenu mensuel moyen. Ce choix' méthodologique a

atténué les biais méthodologiques qui pouvaient entraver l'éva-


luation du nombre d'actifs par ménage. Ainsi, considérons-nous

comme actif "tout individu ayant une activité rémunérée" (1).

AI Proportion des chefs de ménage et taille du ménage

Dans l'I. A., la taille moyenne du ménage est de 5,09

personnes. Elle est plus importante chez les Ivoiriens (6,2) que

chez les non Ivoiriens (3,6). Il faut signaler la très faible

proportion de ménages composés du seul actif enquêté (3,2 %). La

structure en est très composite, puisque dans un même ménage, on


peut enregistrer la cohabitation de trois générations (grands-

parents, parents et enfants). Les 1.431 membres composant les 281

ménages enquêtés' se répartissent comme suit:

Actifs 281 19,6 %

Membres de la famille nucléaire des actifs ... 302 21 ,1 %

Membres du réseau familial élargi des actifs . 501 35 %


,
Enfants confiés et negoc1es
., . 258 18,02 %

Amis de la famille des actifs . 89 6,2 %

(1) Cf. J.P. Lachaud, Contribution à l'étude du secteur informel


en Côte-d'Ivoire: le cas du secteur de l'habillement à
Abidjan. Université de Bordeaux l, 1979; p. 226.

127
Il apparaît que tous les tenanciers ne tiennent pas le

rôle de chef de ménage. N~anmoins près de 55 % ont ce statut

(54,71 %). Compte tenu de la présence féminine écrasante dans

l'I.A., nous voyons déjà quelle pourrait être l'importance socio-

économique de cette activité à forte dominance féminine. Mais

y dans certains ménages les sources de revenu sont diverses.

Pour une meilleure appréciation du rôle de l'I.A. pour-

voyeur de revenu, évaluons sa part dans le budget des ménages.

BI Actifs par ménage, origine des revenus et budget familial

Le rôle de 1'1. A. doit aussi être compris par rapport

à la composition des revenus des ménages.

D'après Claude de Miras (1) dans les formations sociales périphé-

riques, face à la divergence entre prix et coût de la puissance


du travail, deux voies possibles s'ouvrent pour un éventuel

ajustement. L'un, du côté du prix de la puissance de travail et

l'autre du côté du coût d'entretien, ce qui correspond aux deux

mouvements suivants

(1) Cl. de Miras, L'informel: de l'économie et du politique,


doc. ronéo, ORSTOM, Quito 1990.
L'auteur définit la puissance de travail comme "la
qualité virtuelle du travail humain de produire de la valeur
d'usage et de la valeur d'échange qui est autant à l'oeuvre
dans le mode de production capitaliste, réputé pur, que dans
les formations sociales périphériques" (p. 6).
Son "prix" est "la contrepartie monétaire qu'il faut fournir
pour mobiliser cette puissance de travail, sur une période
donnée. Le revenu direct perçu par cette puissance de travail
est donc l'expression de son prix sur le marché du travail
considéré" tandis que son coût d'entretien est la
contrepartie monétaire des moyens d'existence dont cette
puissance de travail a besoin pour se reconstituer, au niveau
individuel et au niveau du groupe" p. 6.

128
.-

- soit rapprocher le coat du prix par la réduction des

besoins induits par l"entretien de la puissance du travail,

- soit rapprocher le prix (revenu) du coat par une

multiplication des sources de revenus capitalistes (peu probable)

et non capitlistes.

Isolons à ce stade de notre développement le deuxième paramètre

des stratégies d"adéquation des revenus et du coot pour tester sa

pertinence par rapport au cas de l"in~ormel alimentaire.

Dans son i ntét-essante analyse des "dynamiqlles

complémentaires de "l"ajllstement en.tt-e les revenllS et les besoins

d" entt-etien, De Miras ~onde sa ré~lexion sur la pt-oposition

Slli vante "Les petits métiet-s non capitalistes permettent le

t-éajllstement entre prix de la puissance du travail (revenu) et

les besoins' d"entretien par les revenus supplémentaires qu"ils

(salaire + revenus non capitalistes) (1) • L" autelw

conçoit les activités in~ormelles comme des " P t- a t i q u es

économiques destinées à ~aire coincider Oll all mo i ns à

rapprocher le t-evenu disponible" (2) ce qui t-amène à la

question de segmentation du marché du travail dont apparemment

1" auteur ne recusait que les e~~ets. L"analyse des acti~s -par

ménage, de l"origine des revenus et de la formation du budget

familial dans l"informel alimentaire ne con~irme pas ce caractère

secondaire des t-eVenllS informels Oll "non capitalistes".

Si dans le secteur in~ormel al i menta i t-e ~ la taille

moyenne des ménages est estimée à 5~09 membres~ le nombt-e de

personnes apportant e~fectivement leur contribution au budget

(1) Cl. De Miras, idem~ p. 7.

(2) Cl. De 11it-as, idem, p. 22.


familial est plus restreint et peut être évalué à 2,2
actifs/ménage. Les acteurs de l'I.A. semblent tenir une place
importante dans la constitution du revenu de ces ménages. L'ana-
lyse des combinaisons d'actifs par ménage pourrait nous aider à
déterminer une autre fonction économique - celle de pourvoyeur de

revenu - de l'informel alimentaire, à travers sa contribution à


la formation du budget familial.

Le tableau ci-après (sexe des acteurs/nombre d'actifs)


et l'analyse des combinaisons possibles d'actifs donnent des

éléments d'appréciation de l'importance économique de l'I.A.

Tableau nO 19 Nombre d'actifs/ménage d'acteurs répartis selon

le sexe

1 1 2 1 3 1 4 1 1
actif 1 actifs 1 actifs 1 actifs 1 1
1 1 1 1 1
50,4 % 1 15,04 %1 19,02 %1 15,48 %1 1
Fenmesl 114 1 34 1 43 1 35 1 226 1
180,28 % 1 72,35 % 1 78,18 % 1 94,59 % 1 1
1 1 1 1 1 1
1 50,90 %1 23,63 %1 21,81 %1 3,63 %1 1
1 Honmesl 28 1 13 1 12 1 2 1 55 1
119,72 % 1 27,65 % 1 21,82 % 1 5,41 % 1 1
1 1 1 1 1 1
1 50,53 %1 16,72 %1 19,57 %1 19,16 %1 100%1
1 142 1 47 1 55 1 37 . 1281 1
1 1

Plusieurs combinaisons possibles d'actifs (1) assurent

ces entrées de revenu. A partir de nos travaux, nous en avons

dégagé les suivantes :

(1) Nous empruntons ce modèle d'analyse à CI.de Miras. Secteur de


subsistance, ménages et salariat : origine des revenus domes-
tiques dans un quartier spontané d'Abidjan. ORSTOM Abidjan,
juin 1984.

129
- ménage à un seul homme actif (HA)

- ménage à plusieurs hommes actifs (xHA)

- ménage à une seule femme active (FA)

- ménage à plusieurs femmes actives (xFA)

ménage à une femme et un homme actifs (FA + HA)

- ménage a
.. plusieurs femmes et à· plusieurs hommes

actifs (xFA + xHA)

- ménage à plusieurs hommes et une femme actifs (xHA + FA)

- ménage à plusieurs femmes et un homme actifs (xFA + HA)

Le tableau ci-après donne la fréquence de chaque type

de combinaison d'actifs.

Tableau nO 20 Fréquence des combinaisons d'actifs

1 1 1 1 1 1 1 1 1
lHA 1 xHA 1 FA 1 xFA IFA + HA xFA - xHAlxHA + FAlxFA + HAl
1 1
1 Honme
1
- -11- -
1 28
--
9 1
- -1
- 1 - 1 8 2 4 4
1
1 55 1
1 1 1 1 1 1 1
1 Fenme 1 -1 - 1 1141 301 23 7 25 27 1 226 1
1 1_ _ 1_ _ 1_ _1 _ -1 1 1
1 TOTAL 1 28 1 9 1 114 1 301 31 9 29 31 1 1
1
! Taille du 1
1
- -11- -11- -11- - 11 1
1
1
1
1 ménage par 1 45 1 20 1 641 1 113 1 94 112 213 200 Il.435 1
1 type 1 1 1 1 1 1 1
!

1°) Ménages à un seul homme actif

Ils sont au nombre de 28 et représentent 50,90 % de la

population des ménages d'actifs masculins. Chaque actif fait

vivre en moyenne 1,68 individus. Ces ménages sont à 96,42 % non-

Ivoiriens: guinéens, maliens, burkinabè. Les 2/3 de ces ménages

130
sont composés du seul opérateur de l'I. A. La quasi-totalité des

actifs de ce type de ménage sont des réstaurateurs sur table

mobile: vendeur de viande grillée, vendeur de "café complet".

2°) Ménages à plusieurs hommes actifs


Ce sont généralement des associations d'actifs de

différentes branches du secteur informel. Ce type de


..
menage

apparaît dans une très faible proportion (3,20 %) par rapport aux

autres. A 100 % non ivoiriens, ces associations masculines, se

constituent à partir d'affinités ethniques, éloignement oblige.

3°) Ménages à une seule femme active

Elles constituent la plus importante proportion de

notre échantillon: 114/281 soit 40,5 % de la population totale.

Ces femmes sont pour la plupart "mariées" et vivent des situa-

tions différentes chef de ménage "par substitution" (40,2 %),

époux décédé ou séparé (15,7 %), époux au chômage (9,1 %).

Quelques-unes appartiennent à la catégorie des célibataires avec

enfant (31,2 %) et des célibataires sans enfant (3,8 %). C'est

d'ailleurs ce type de ménage qui concentre le plus de personnes à

charge (641/1.438 soit 44,57 %). Chaque actif a en moyenne 5,6

personnes à charge. Ces données révèlent entre autres l'impor-

tante contribution financière des femmes au revenu des ménages


..
a
direction féminine.

4°) Ménages à plusieurs femmes actives

Ce type de ménage comparativement au précédent est

moins quantitativement important. Mais, il apparaît dans une

proportion non négligeable (10,67 % par rapport à l'échantillon

131
et 13,27 % par rapport à la population des femmes). Il se compose
de soeurs, .de cousines, d'amies et parfois même de femmes de deux

générations différentes qui coordonnent leurs efforts financiers

pour faire face à la baisse constante du pouvoir d'achat.

5°) Ménages composés d'une femme et d'un homme actif


Ce type de ménage se recrute dans la catégorie des

d'actifs
.,
mar1es. Il concurrence la population des ménages à
plusieurs femmes actives puisqu'il représente 11,03 % de la

population totale. Ces 31 ménages comptent au total 94 individus

avec une taille moyenne de 3,02 individus.

6°) Ménages composés de plusieurs femmes et de plusieurs hommes


actifs
Dans cette catégorie, nous avons recensé seulement 2

-ménages d'actifs hommes et 7 ménages d'actifs féminins. Ces 9

ménages comptent au total 112 individus. Leur taille moyenne est

de 12,4 individus. Ce type de ménage est le plus rare (3,20 %) de

notre échantillon. La largeur de sa taille est essentiellement

dûe à la cohabitation de 3 générations (grand' parents, parents,

enfants) et à la sur-représentation des filles-mères, des hommes-

célibataires et de leur progéniture dans ces ménages.

7°) Ménages composés de plusieurs hommes actifs et d'une femme

active

29 ménages ont été recensés dans cette rubrique. Ils


représentent 10,32 % de notre échantillon. Ce sont généralement

des associations d'actifs non-ivoiriens. La femme est le plus


souvent la conjointe d'un des associés. Dans ce type de ménage,

132
les actifs opérant dans l'artisanat alimentaire sont surtout les
femmes (25/29 ménages).

8°) Ménages composés de plusieurs femmes actives et d'un homme


actif
,
Dans cette rubrique ont été enregistrés 31 menages

représentant 11,03 % de la population totale. Tout comme dans le

cas précédent, les actifs opérant dans l'informel alimentaire

sont surtout les femmes (27/31). Le seul homme présent dans ces

ménages était un parent de l'une des associées. Nous n'avons

enregistré aucun cas de présence d'époux.

Entre autres fonctions de l'I.A., son rôle de pour-

voyeur de revenu pourrait être évalué à travers sa contribution

au budget de consommation des ménages.

A partir de ces éléments, l'appréciation de

l'importance du revenu tiré de l'I.A. se fera par rapport au

budget familial nominal. Ceci reviendra à déterminer si ce revenu

est un revenu familial entier, un revenu familial intégré ou un

revenu d'appoint.

Par revenu familial entier, nous devons entendre un

budget de consommation constitué à 100 % à partir du commerce

informel d'aliments.

Le revenu intégré serait, quant à lui, une

participation monétaire sans laquelle le budget du ménage serait

amputé. Par rapport au revenu intégré, le revenu d'appoint est

moins indispensable et nia qu'une influence mineure ou nulle sur

le budget du ménage.

133
Comme l'ont précisé la plupart des auteurs spécialisés,

l'analyse du budget famili~l des petits producteurs n'est pas

chose
.
a1see.
,
Dans notre cas, les principales causes de cette

difficulté sont la réticence des personnes interrogées à fournir

des renseignements exacts et l'interprétation de ces données le

plus souvent volontairement biaisées ou incomplètes. Néanmoins

certaines informations se prêtent assez bien à l'analyse.

Pour ce qui concerne la détermination des ménages où le

revenu tiré de l'I.A. constitue la seule composante du budget, il

n'existe aucune opacité. La proportion des ménages a un seul

homme actif (9,96 %) et celle des ménages a une seule femme

active (40,56 %) apportent les éléments statistiques nécessaires

à la confirmation de l'hypothèse selon laquelle le revenu tiré de


l'I.A. est un revenu familial entier dans la plupart des cas

(50,S %). Par rapport à la détermination de la fréquence du

revenu familial entier, celle du revenu intégré et du revenu

d'appoint semblent un exercice complexe voire impossible. Compte

tenu du taux très élevé (61,2 %) de refus de réponses aux ques-

tions touchant au revenu du conjoint ou des associés, l'enquête

n'a pas permis de déterminer d'une manière précise le budget des

ménages à plusieurs actifs. Il en résulte que l'on ne peut aisé-

ment évaluer quelle est la part du revenu tiré de l'informel

alimentaire dans ces budgets familiaux. Ce manque d'information

n'a pu nous permettre de passer de l'a priori sur les revenus

d'appoint et les revenus intégrés à une analyse objective appuyée

de données statistiques.

En nous intéressant un peu plus aux ménages à un seul

actif sur lesquels nous avons pu collecter des informations plus

134
pricises, nous nous rendons compte de l'~mportance de la taille
.~

des menages qui est de 1,6 personne dans les minages à un seul
,
homme actif et de 5,6 personnes dans les minages a une seule
,
femme active soit 641 personnes à charge pour 114 minages a
direction fiminine. C'est à niveau que l'on constate l'ambiva-
lance du rôle du riseau familial dont l'accroissement des charges
sociales ne manque pas d'avoir une ripercussion nigative sur les
risultats iconomiques de la micro-entreprise. Mais cette façon

iconomiciste de lire les risultats iconomiques ne se dicentre-t-

elle pas quelque peu par rapport aux diverses motivations socio-
iconomiques des acteurs? Nous reviendrons sur cet aspect, dans
le chapitre suivant.
Par ailleurs sur les 139 minages à plus d'un actif, 67
seulement se composent d'un actif du secteur moderne, ce qui
ramène à 23,8 % la proportion des minages drainant des revenus
aussi bien du secteur informel que du secteur moderne. Si l'hypo-

thèse de De Miras pouvait se justifier dans d'autres contextes


elle reste fort limitie par rapport à l'informel alimentaire. On
a beaucoup plus à faire ici à une recherche de revenu qu'à un

ajustement de revenu.

CONCLUSION PARTIELLE

En risumi, trois conclusions majeures ressortent de

notre analyse des stratigies commerciales dans l'I.A. :


La forte participation communautaire à l'effort de
production.

135
- l'imbrication de l'unité de production et de l'unité
domestique et l'apparente contradiction de cette symbiose avec
les intérêts économiques immédiats de l'entrepreneur. - Ce
deuxième point mérite d'être nuancé au regard des motivations
socio-économiques des acteurs, lesquelles peuvent aider à une
meilleure compréhension des résultats économiques - et enfin
- L'infirmation de l'hypothèse de De Miras qui conçoit
les activités informelles comme secondaires et les revenus
qu'elles génèrent comme connexes.
Si le deuxième paramètre du mouvement d'ajustement de
De Miras n'intègre que faiblement les revenus tirés de l'informel
alimentaire qui sont plus un revenu entier qu'un revenu d'appoint
à ceux tirés du secteur moderne, le premier paramètre est très
plausible dans l'analyse du dynamisme de l'I.A. qui contribue
tout au moins en milieu urbain à abaisser fortement le coût
d'entretien de la puissance du travail.
Cette contribution à l'abaissement du coût d'entretien passe par
une reconversion en capital économique de l'input communautaire
que nous avons déjà commencé par analyser avec la main-d'oeuvre
et qui se poursuivra à travers l'analyse des stratégies de finan-
cement, d'approvisionnement, de constitution d'une clientèle et
du profit qu'il tire de la disponibilité et des bas prix des

denrées alimentaires.

136
Chapitre IV

STRATEGIES D'INVESTISSEMENT ET RATIONALITE DES MICRO-NEGOCIANTS

Ce chapitre nous permettra d'aborder les motivations


qui sous-tendent la décision d'initier une activité économique
ainsi que les niveaux d'investissement observables dans
l'I.A. Notre analyse des stratégies d'investissement s'étendra à
celle de la rationalité sous-jacente à l'investissement
économique. Ces trois paramètres nous aideront à mieux apprécier
les résultats d'exploitation des unités de production-vente.
Section 1 - DE LA DECISION D'ENTREPRENDRE A LA CONSTITUTION DU
CAPITAL

AI Les motivations à l'initiation d'une activité économique

La décision d'entreprendre n'est presque jamais spon-

tanée dans le secteur informel en général et dans l'artisanat


alimentaire en particulier. Elle est le plus souvent l'aboutisse-

ment d'un ensemble de pressions socio-économiques parfois con-

juguées. Les raisons profondes sont en général difficilement

exprimées par les acteurs au premier passage d'u~e enquête. Au-

delà du souci d'indépendance économique généralement avancé, les

histoires de vie des acteurs nous ont permis de cerner les rai-

sons objectives à ces initiatives commerciales qui cachent par-

fois les possibilités de mesurer quelques effets de l'ajustement

.déflationniste sur l'informel alimentaire. Elles se hiérarchisent

comme suit

· Manque de formation et nécessité de s'insérer


dans le tissu économique urbain 72 %

· Appartenance à une famille polygame et obligation

d'assumer un rôle de chef de ménage "par substi-

tution" 41,7 %

· Alternative à la compression du personnel .... 33,02%

· Activité secondaire pour améliorer les revenus

salariaux 27,3 %

· Défi à un parent ou effet de "la crise dans le


,
sys t eme d e so l'd
1 ar1't'"
e . 4,9 %

138
1°) Le manque de formation
L'enquête à passages répétés réalisée en 1978 par la
Direction de la statistique sur un échantillon représentatif de
la population, donnait, pour ce qui concerne les niveaux de
formation, les résultats suivants

Tableau nO 21 : Alphabétisation et scolarisation par sexe

1 Femmes Hommes 1 Total 1


1 1 !
1- Milieu Rural 1 1 !
1 Analphabètes · .............. 1 86,3 71,0 1 1
1 Primaire · .................. 1 13,5 27,2 1 1
1 Secondaire · ................ ! 0,2 1 ,8 1 1
! ! 1 1 1
! 1 1 1 1
2. Milieu Urbain (sauf Abidjan) ! 1 1 1
·
Analphabètes .............. 1 71,9 1 52,4 1 1
Primaire · .................. 1 22,9 1 31,6 1 !
Secondaire · ................ 1 5,0 1 15,3 1 1
Supérieur .................. 1 0,2 1 0,7 1 1
! 1 1 1
1 ! ! ! 1
1 3. Abidjan 1 1 1
! Analphabètes · .............. 56,7 1 38,9 ! 47,4 1
Primaire · .................. 29,5 1 35,0 32,4 1
Secondaire · ................ 12,6 ! 22,6 17,8 1
Supérieur .................. 1 ,2 3,5 2,4 1
1

Source Direction de la Statistique - Enquête à passages


répétés - 1978.

Selon ces données statistiques, les femmes seraient


dans leur grande majorité analphabètes: en effet 86,3 % des
femmes, en milieu rural, sont analphabètes; dans les villes
secondaires la proportion d'analphabètes n'est guère moindre
(71,9 %); dans la ville d'Abidjan, c'est 56,7 % d'entre elles qui
ne savent ni lire ni écrire. Il faut aussi mentionner que le
niveau de scolarisation est toujours moins élevé chez les femmes

139
que chez les hommes, quelle que soit la strate considérée.
Comme le remarque R. Anderson, à tous les niveaux du système
scolaire, les femmes sont non seulement moins bien représentées
dans l'ensemble mais l'écart entre elles et les hommes va souvent
du simple au double. Ces différences dans le niveau d'éducation
formelle influencent les chances d'accès à un emploi
rémunéré (1).
L'inégalité sexuelle devant la formation et l'emploi semble ex-
pliquer la concentration des femmes dans certaines activités
telles que le commerce, la restauration et les services domes-
tiques. Nos enquêtes nous ont révélé que, dans le cas de l'infor-
mel alimentaire, elle intervient à 72 % comme motif ultime de la

décision des acteurs à entreprendre. Le choix de la vente d'ali-

ments provient du fait que celle-ci n'exige aucune formation

particulière. Pour ces femmes comme pour les quelques hommes


immigrés analphabètes pour la plupart (75,08 %) - elle constitue,
en matière de stratégie d'insertion dans le tissu économique
urbain, une alternative au manque de formation.

2°) L'appartenance à une famille polygame

Par rapport aux autres catégories sociales, le rôle

économique de la femme est encore plus important dans le milieu


populaire. De plus en plus s'impose à ces femmes l'obligation
d'assurer la direction de leur ménage par la recherche de revenus
et de ressources propres. Le facteur déterminant est ici l'insta-

(1) R. Anderson, Les politiques d'éducation et de formation des


femmes en Côte-d'Ivoire: des principes aux réalités, in
Emploi et formation des femmes en Côte-d'Ivoire. ONFP,
Abidjan 1985; p. 7.

140
bilité du couple suite à un mariage consensuel (concubinage), à
une u~ion temporaire ou à une vie de polygame mal supportée. Mais
il faut noter la prééminence de la polygamie comme la toute
première cause de la croissance des ménages à direction féminine.
Devant la démission de l'époux ou du concubin à subvenir aux
besoins de plusieurs femmes et de leur progéniture, la décision
d'entreprendre une activité économique pourvoyeuse de revenu de

subsistance est vite prise. Adjoua, 34 ans, baoulé, raconte "Je


suis mariée depuis 5 ans ... Avant moi mon mari avait 4 femmes. Je
suis la cinquième femme. Il continue toujours d'en prendre. Lui-
même est chauffeur de taxi ... Chaque femme a au moins 3 enfants.
Il donne à chacune de nous 8.000 F et dit on n'a qu'à se

débrouiller. Parfois il ne donne même rien; le mois dernier par


exemple. Avec ça, j'ai compris que si je ne faisais pas un petit

commerce à côté, mes enfants et moi allons mourir de faim ... ".
Les conditions matrimoniales difficiles telles que les
décrit Adjoua sont l'un des motifs les plus importants dans la
décision d'investir. 41,7 % de nos enquêtés l'ont exprimé lors de

nos entretiens libres.

3°) Alternative à la compression du personnel

Comme le font remarquer G. Duruflé et P. Bougerol, par


rapport aux deux décennies qui l'ont précédé, la période d'appli-

cation des politiques d'ajustement (de 1980 à ce jour) est

marquée par des ruptures de tendance de grande ampleur en termes


de niveau d'activité, de revenu, de consommation voire d'inves-
tissement.

141
D'après les données de la centrale d~s bilans, qui
regroupent la plupart des entreprises du secteur moderne, y
compris les entreprises publiques (mais hors administration),
l'emploi dans le secteur moderne a baissé de plus de 30 %, de
243.000 en 1979 à 165.000 en 1984 (1).
Sally, 28 ans dioula "J'étais secrétaire dans une auto-
école de la place. J'y ai travaillé pendant 4 ans. Quand les
affaires ont commencé par tourner mal, on m'a licenciée en 1985.
On m'a payé mes droits. Pour ne pas avoir à chercher encore trop
longtemps et compte tenu du fait que mes droits pouvaient me
permettre de monter une affaire de maquis, j'ai ouvert ce restau-
rant. Mes amies me llont vivement conseillé. Avec ça je me
débrouille pour le moment ... ".
Ouédraogo C., 37 ans bourkinabè "J'ai travaillé 10 ans
comme boy du directeur de la SIEM. A un moment il y avait com-
pression dans l'entreprise. Comme mon patron retournait en
France, on m'a compressé aussi. Avec l'argent qu'on m'a donné,
j'ai commencé cette affaire de kiosque depuis 3 ans. Ca marche un
peu ... Il •

Comme nous le faisons remarquer, la crise que connaît


l'économie ivoirienne depuis quelques années a eu pour ultime
conséquence, entre autres, une massive compression du personnel
surtout dans le secteur privé.
La contraction générale qui caractérise les périodes
d'ajustement et de récession favorise l'identification des par-

(1) G. Duruflé, P. Bougerol, B. Lesluyes, J.C. Matin, M. Pescay,


Déséquilibres structurels et pro~rammes d'ajustement en Côte-
d'Ivoire, Rapport de mission d'evaluation, Ministère de la
Coopération, Paris 1986, p. 81.

142
ties du secteur informel encore capables de générer des revenus.
Dans le contexte ivoirien, la restauration, en pleine expansion,

reste l'une des rares activités indexées. Ceux qui perdent donc
leur emploi dans le secteur moderne se créent ici une autre
source de revenu, étant donné que le marché du travail n'y est
nullement réglementé. C'est ainsi que l'investissement dans la
restauration est, pour bon nombre de licenciés, une alternative à
la situation sans lendemain dans laquelle ils se retrouvaient.
Cette raison intervient pour 33,02 % dans l'initiative
d'investissement.

4°) Activité secondaire pour améliorer les revenus salariaux


Les effets des politiques d'ajustement se sont égale-
ment fait sentir sur le pouvoir d'achat des ménages. Toujours
selon le rapport SEDES, déflaté par l'indice des prix à la con-
sommation africaine à Abidjan, le revenu monétaire des ménages a

stagné de 1978 à 1980 puis baisse de 9 % entre 1980 et 1985, ce


qui a entraîné une régression du revenu monétaire (réel) moyen
par tête de 34 % entre 1978 et 1985. Le revenu non agricole moyen
est beaucoup plus sévèrement touché par cette régression que le
revenu agricole monétaire moyen. Tandis que celui-ci se maintient

jusqu'en 1981 puis baisse ensuite de 27 %, le revenu non agricole

moyen baisse de 45 % entre 1978 et 1985. Dans le secteur non


agricole, la répartition des poids de l'ajustement s'est forte-

ment ressentie puisque le pouvoir d'achat de la masse salariale

du secteur moderne a régressé de 27 % entre 1980 et 1984 tandis

que celui de la masse salariale de la fonction publique ne pro-


gressait que de 7 %. Pour les deux masses salariales cumulées, la

143
régression est de 14 %. De 1980 à 1985, le pouvoir d'achat du

SMIG a baissé de 18 %. Les salaires et glissement catégoriels

dans la fonction publique ont été bloqués depuis 1980 soit une

baisse de pouvoir d'achat de l'ordre de 25 %. Pour les salariés

des entreprises publiques dont les salaires ont été alignés sur

ceux de la fonction publique, la baisse du pouvoir d'achat a été

de plus de moitié.

Notons aussi que les salariés du secteur urbain ont

également été particulièrement touchés par les mesures d'ajuste-

ment concernant les tarifs publics qui visent à rapprocher ces

derniers des coûts réels: loyers, eau, électricité, transports.

Les prix des transports urbains (SOTRA) ont progressé de 50 %


entre 1980 et 1983. L'Etat est ainsi revenu sur une politique de

subventions indirectes aux salariés urbains (transports, loge-

ments, électricité ... ) qui avait prévalu pendant l'ensemble des

années 70. Aussi, la consommation se ressent fortement de ces

baisses du pouvoir d'achat. La consommation finale des ménages au

sens de la comptabilité nationale baisse de 8 % en francs cons-

tants entre 1980 et 1985, soit une baisse de l'ordre de 30 % de

la consommation finale par tête.

Devant la baisse du pouvoir d'achat, la stagnation des

salaires déjà relativement bas et le coût croissant de la vie, la


\

recherche d'un revenu parallèle devient un impératif. L'investis-

sement dans le secteur informel est l'une des stratégies les plus

couramment adoptées pour faire face à cette contrainte d'augmen-

tation du revenu. L'informel alimentaire, compte tenu du marché

potentiel qu'il constitue, accueille de plus en plus cette caté-

gorie d'investisseur.

144
L'investissement dans l'informel alimentaire en tant
qu'activité secondaire intervient pour 27,3 % dans les motiva-
tions des acteurs.

5°) Défi à un parent ou effet de la "crise dans le système de so-


lidarité"
Si les réseaux sociaux (familial, ethnique, régional)
sont les plus importantes structures d'intégration, des nouveaux
migrants en milieu urbain, il faut préciser qu'à leur niveau,
l'étau se resserre de plus en plus, limitant ainsi la capacité de
les accueillir. La solidarité africaine, longtemps mythifiée par
les ethnologues urbains, est de moins en moins fonctionnelle. La
hausse constante du coût de la vie diminue son efficacité qui, au
fil du temps - nous semble-t-il - devient symbolique. La solida-
rité semble être en constante diminution par rapport à la crois-
sante sollicitation de ses structures. Les disponibilités d'ac-

cueil des nouveaux migrants s'amenuisent. Le déséquilibre de


l'offre et de la demande de solidarité devient source de conflit
social se traduisant par un marchandage de l'hébergement ou un

refus absolu de prise en charge. Geneviève, 24 ans, restauratrice

sur table mobile raconte " Quand je suis venue du village, je


suis partie chez mon oncle à Marcory. Les premiers jours, tout
allait bien. Un mois après, il ne me donnait plus d'argent pour

déjeuner. Sa femme ne me supportait plus à la maison. On limitait


mes repas. Je n'avais plus le droit de dormir au-delà de six
heures. On me faisait faire tous les travaux domestiques ... Pour

montrer à mon oncle et à sa femme que je pouvais me débrouiller


pour me libérer financièrement, j'ai commencé par vendre de

145
l'alloco et du poisson ..
I.cI. • •• "•
Baoulo, Bété, 30 ans, restauratrice sur table mobile " ... C'est
ma tante qui est venue me chercher au village. Je gardais ses
enfants quand elle allait au travail. Elle ne me payait rien.
Mais quand je lui demande un peu d'argent elle me demande si je
ne suis pas déjà contente d'être à Abidjan quand mes amies sont
au village. Je ne pouvais plus supporter cette situation. J'ai
demandé 15.000 F à deux autres oncles qui me l'ont donné. Avec
ça j'ai commencé ce petit commerce pour prouver à ma tante que
bientôt, sans elle, je pourrai vivre à Abidjan".
La situation qu'a vécu Baoulo n'est pas identique à
celle de Geneviève. Mais les motivations de l'une et de l'autre
se rejoignent. L'investissement dans l'informel alimentaire était
pour les deux femmes un défi à un parent. Bien qu'en proportion
très faible cette raison apparaît dans 4,9 % de cas chez les
acteurs interrogés.
Il ressort de l'analyse des motivations à l'investisse-
ment dans l'informel alimentaire que la crise des structures
économiques formelles transmet ses effets à l'informel alimen-
taire étant donné l'ouverture de ce marché qui continue à ac-
cueillir de nouveaux candidats pour qui cette activité économique
est une alternative à la compression du personnel ou un moyen
d'ajuster les revenus au coût de vie en croissance. Ces données
illustrent la mutation de la nature même de cette activité qui,
initialement stratégie d'intégration au milieu urbain, devient
progressivement lieu de recherche de revenu complémentaire. Mais
si les forces de résistance et d'adaptation s'avèrent assez

146
larges, il faudra souligner son incapacité à absorber continuel-
lemen~ la main-d'oeuvre que lui transmet, entre autres, le sec-

teur moderne. Il semble qu'il est arrivé à une étape de satura-


tion où les nouvelles intégration produisent une stagnation voire

une baisse croissante du revenu.

Cet impact des récessions économiques sur le revenu est

une donnée constante de l'analyse micro-économique des activités

non structurées. Nous le verrons plus concrètement dans l'analyse

de la rentabilité des UPV de l'informel alimentaire qui, malgré

la forte possibilité d'accueil de son marché, présente au fil des

années quelques signes d'épuisement.

Notons que ces différentes motivations à l'investisse-


ment économique interfèrent dans l'analyse de la rationalité des

acteurs depuis leurs stratégies de constitution du capital ini-

tial jusqu'à la gestion de leurs revenus.

BI stratégies de constitution du capital initial

Quels que soient les motifs d'investissement, il faut


constater que l'importance du capital initial peut constituer en

soi un obstacle considérable. D'ailleurs, au cours de nos en-

quêtes 71,88 % des personnes interrogées ont très longuement

évoqué le problème qu'a constitué pour eux la mise de fonds

initiale. Nos résultats sur ce point semblent contredire ceux de

l'étude réalisée à Dakar et selon laquelle la constitution du

capital de départ n'était pas une barrière d'entrée économique

dans l'informel alimentaire (1). Face à la constitution du capi-

(1) N. Bricas et J. Muchnik : Technologies autochtones et artisa-


nat alimentaire urbain in Nourrir les villes op. cit. p. 306.

147
tal de démarrage les stratégies sont diverses. Mais il faut noter

qu'il n'a été constaté à aucun moment l'intervention de

structures financières établies. Le capital nécessaire au montage

d'une unité de production-vente (UPV) ainsi que les investisse-

ments ultérieurs proviennent d'autres sources que les institu-


tions financières modernes, telles que les banques et les autres

établissements de crédit. Il ressort de nos enquêtes que la phase

de la constitution du capital de départ est un autre niveau

d'intervention du réseau social des acteurs économiques. L'envi-

ronnement communautaire a joué un rôle capital dans la création


de plus de 60 % des micro-entreprises soit sous forme de
. prêt/don d'un parent ou de parents réunis
. aide du conjoint.

L'épargne personnelle - par le truchement de tontines rotatives -

suite à une activité antérieure (service domestique, gardiennage

etc ... ) et les droits perçus après licenciement restent une

source non négligeable du capital investi. Moins importants que

les fonds provenant de l'entraide familiale, ils interviennent à


près de 22 % dans la constitution du capital de démarrage.

Quelques cas (3,02 %) de mise en commun de capitaux

sous forme associative sont à signaler. Bien qu'ils apparaissent

dans une très faible proportion, les entreprises bénéficiant de

ces apports d'associés se distinguent par leur taille et l'impor-

tance de leur chiffre d'affaires. On note d'ailleurs une corréla-


tion positive et significative (plus de 0,10 pour cent) entre le

mode de constitution du capital initialement investi et la taille

des entreprises. Les unités de production-vente (UPV) opérant dès

le départ à un haut niveau de capitalisation sont, le plus sou-

148
vent, celles financées par les associations, grâce à l'épargne
personnelle et avec les droits de licenciement perçus.
Les financements par des "amis", beaucoup plus rares
(0,92 %), viennent compléter les sources des UPV: généralement
des maquis, les plus capitalistiques au départ. Ce type de finan-
cement concerne quelques maquis-restaurants, concentrés pour la
plupart en Zone 3 (Marcory); les capitaux initialement investis y
sont le plus souvent la récompense des liaisons plus ou moins
durables entretenues par les tenancières avec des expatriés,
pour la plupart français. Ces maquis-restaurants sont justement
ceux qui drainent le plus la clientèle européenne.
D'une manière générale, les stratégies de constitution
de capital initial sont aussi diversifiées que le niveau même de
capitalisation des UPV. Bien que l'entraide familiale, par son
apport en capital, ne crée pas les UPV les plus capitalisées,
elle est à l'origine de l'expression de l'artisanat alimentaire.

La création de plus de 60 % des UPV dépend d'elle. Ajouté à leur


première fonction de pourvoyeuse de main-d'oeuvre, les structures

familiales apparaissent comme un levier économique sans lequel


l'artisanat alimentaire ne saurait, semble-t-il, se développer.
La reconversion de moyens .de production rares (capital et
travail) fournis par les réseaux de parenté pourrait être mise à
l'actif de la capacité d'inventivité des femmes dans leur

stratégie de production voire d'insertion dans les structures

économiques "hostiles" des villes. On pourrait même pousser


l'analyse en s'intéressant de plus près à l'évaluation et à la

répartition du capital initial.

149
Section 2 EVALUATION ET REPARTITION DU CAPITAL INITIAL

L'une des caractéristiques de l'artisanat alimentaire

est la variété des niveaux de capitalisation auxquels ressortis-

sent les différentes catégories de restaurants. D'une structure à


une autre, voire au sein d'une même structure, le capital investi
reste très inégal ett détermine la stratégie commerciale des
acteurs. Après une évaluation du capital de départ, nous analyse-

rons ses modes de répartition.

AI Evaluation du capital de démarrage

Tableau nO 22 Evaluation du capital initial par type de res-

taurant (F.CFA)

Maquis 1 Restaurant 1 Kiosque IRestaur.sur 1 Espace IRestaurant 1Restaur. 1


1 bar 1 Itable mobi1el restaurant1 spontané 1 ambulant 1
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _1 1 1 1 1 1
1 1 % 1 % 1 1 % 1 % 1 1 % 1 1 % 1 1 %1
1 10.000 - 19.999 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 19 1 35,8 1 33 1 42,3 1 3 1 6,9 1 22 1 1001
1 20. 000 - 49.999 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 27 1 50, 9 1 27 1 34,6 1 31 1 72, 091 - 1 1
1 50.000 - 99.999 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 7 1 13,2 1 18 1 23,071 9 1 20,9 1 - 1 1
1 100.000 - 199.999 18 1 43,91 11 1 61,11 6 1 23,071 - 1 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 1
1 200.000 - 499.999 10 1 24,41 7 1 38,81 14 1 53,8 1 - 1 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 1
1 500.000 - 999.999 11 1 26,81 - 1 - 1 6 1 23,071 - 1 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 1
11000.000 - + 2 1 4,81 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 - 1 1
1 - _ _ 1_ _1_1_ _1_1_ _1_1_ _1_1_ _1_1 _ _1_1_1
1 41 1 100,01 18 1 100,01 26 !100,O 1 53 1 100,0 1 78 1100,0 1 43 1100,0 1 22 1 1001
1 1

A la lecture du tableau ci-dessus, on remarque une très

forte tendance à la concentration des investissements initiaux


.
a
l'intérieur de chaque structure de restauration.

Dans la catégorie des restaurants en établissement, il

n'existe aucun investissement inférieur à 100.000 F. Ce type de


structure semble demander un investissement de départ plus

important.

150
Une autre différence dans le niveau de capitalisation
est observable entre maquis, kiosques et restaurant-bars. Les
deux premières structures requièrent un investissement plus
élevé, respectivement en moyenne 358.536 F.CFA et 396.153 F.CFA.
Par rapport aux maquis et aux kiosques, le capital injecté dans
l'ouverture d'un restaurant-bar est plus faible, avec une moyenne

de 227.777 F.CFA.
Si la différence entre les maquis et les kiosques peut
être expliquée par un fort coefficient de dispersion des inves-
tissements au niveau des maquis, celle, entre les maquis, les
kiosques et les restaurants renvoie à l'ancienneté de ces der-
niers et à la date d'achat de leur matériel. Les restaurants-bars
étant d'installation plus ancienne, la faiblesse du niveau de

financement dépend du coût de l'équipement de ces restaurants


qui, rappelons-le, ont pour la plupart plus de 10 ans d'exis-
tence. Le fait que ces structures restent les survivants du
~ystème informel alimentaire originel (cf. p. 30) n'incitent
guère leurs propriétaires à un renouvellement du capital tech-
nique. La valeur de l'équipement nécessaire sur le marché n'étant

pas la même au moment de son acquisition que ces dernières


,
annees, on comprend alors que le facteur temps pourrait entrer en
ligne de compte dans l'appréciation actuelle du capital investi

dans les restaurants-bars. A titre d'exemple, retenons tout sim-


plement que le prix d'un réfrigérateur en 1975 est d'environ 35 %
inférieur à sa valeur actuelle sur le marché.
Si quelques différences significatives sont observables

dans la valeur du capital initial des restaurants en établisse-

151
ment, un nivellement de financement s'observe au niveau des

restaurants spontanés, des espaces-restaurants et des restaurants


sur table mobile. Le plafond de financement jamais atteint est de

100.000 F.CFA. Chaque exploitant investit au démarrage de son

activité environ 60.000 F.CFA.


Aucun restaurateur ambulant n'a déclaré plus de 15.000

F.CFA comme capital de départ. Nous pensons même, contrairement à

la plupart des déclarations des restaurateurs ambulants sur le

capital investi, que la restauration ambulante, compte tenu de

l'équipement qu'elle nécessite et des plats qu'elle propose,

n'aurait même pas besoin de 10.000 F pour son fonctionnement. Les

déclarations des intéressés étaient volontairement biaisées pour


sauver un point d'honneur. Nous avons plusieurs fois remarqué que

les enquêtés de cette catégorie particulièrement, éprouvaient une

gêne à se prononcer sur le montant de capital initial. Avec un

minimum d'insistance, ils finissaient par faire une déclaration

au-dessus de la barre de 10.000 F.CFA. Peut-être pensaient-ils

qu'il n'était pas valorisant de démarrer un commerce avec moins

de 10.000 F.CFA.

Par ailleurs, on signalera une forte corrélation entre

le mode de financement et le niveau capitalistique des unités de

production.

Les capitaux émanant d'associations, les investisse-

ments parallèles de fonctionnaires et les droits de licenciement

perçus constituent les principaux capitaux d'équipement de la

plupart des unités de production ayant démarré avec une mise de

fonds supérieure à 500.000 F.CFA. Les deux maquis dont le capital

de départ excédait le million était financés par des coopérants

152
français et gérés par d'anciennes prostituées qui en étaient les
propriétaires. Les unités dont l'investissement initial se situe

entre 100.000 F.CFA et 500.000 F.CFA sont, à près de 60 %, le


fruit de l'épargne personnelle qui, elle-même fait suite à une
activité antérieure. Quant aux investissements inférieurs à
100.000 F.CFA, ils sont, à plus de 70 %, le fruit d'une entraide
familiale.
Comment se répartit le capital ainsi constitué?

B/ Modes de répartition des investissements initiaux

Le mode de répartition des investissements initiaux


varie d'une catégorie de restaurant à une autre. Dans tous les
cas, le capital investi se répartit entre les éléments composant
le capital technique fixe et le capital circulant.
La valeur du capital fixe se compose ici du coût d'amé-

nagement d'un local de production-vente (y compris parfois le


branchement aux réseaux de distribution d'eau et/ou d'électri-
cité), du coût d'acquisition des appareils électro-ménagers né-
cessaires et d'ustensiles.
Le capital circulant est, quant à lui, affecté à la (re)consti-
tution du stock et à l'achat de matières premières.
Dans la réalité de l'informel alimentaire, les postes

de dépenses ayant trait à l'installation et à l'exercice de


l'activité ne sont pas aussi clairement définis, surtout au
niveau du capital technique fixe. Dans la plupart des UPV, la
distinction entre équipements domestiques et capital technique de
l'entreprise n'est pas chose aisée. Nos enquêtes faisaient res-

153
sortir que près de 65 % des UPV, toutes structures confondues,
partageaient leur capital technique avec le ménage des exploi-
tants. Ceci n'a pas manqué de nous poser un problème d'ordre
méthodologique. Fallait-il au moment de l'évaluation du capital,
séparer artificiellement équipement domestique et capital tech-
nique fixe de l'UPV ou considérer tout l'équipement comme patri-
moine de l'entreprise? Nous avons opté pour la solution de la
comptabilité des biens d'équipement domestiques comme patrimoine
de l'UPV à partir du moment où ils y sont utilisés. Noùs gardons,

néanmoins présent à l'esprit que près de 60 % du capital tech-


nique des UPV, à l'exception des kiosques, appartiennent initia-
lement au ménage des acteurs. Cette capacité à disposer de l'é-
quipement domestique comme capital technique de l'UPV est un
facteur de diminution du coût d'installation. Nous pensons
qu'elle reste également un facteur déterminant, dans le choix à
investir dans l'informel alimentaire plutôt que dans une autre
activité.
Ces remarques faites, nous analyserons maintenant la

répartition du capital par poste de dépense à savoir coût


d'acquisition du matériel technique, coût de l'équipement du

local de production-vente, importance du capital circulant.

• Le matériel technique

Le tableau nO 21 présente la fréquence de disponibilité

des différents matériaux de production-vente dans chaque catégo-

rie de restaurant.

154
En effet, l'équipement est variable d'une structure à
une autre. Si, au niveau des restaurants de rue (restaurants sur

tables mobiles, restaurants spontanés et espace-restaurants), le


capital technique est presque constant et relativement limité, au
niveau des restaurants en établissement il reste très varié. Les
maquis et les kiosques, contraints par la concurrence, les exi-

gences du marché et la croissance de la demande, modernisent de

plus en plus leur équipement. Une différence apparaît aussi entre

capital fixe des maquis et kiosques ouverts avant 1985 et après.


La nouvelle tendance est à l'équipement en matériel de musique et

en congélateur, ce qui alourdit la part du capital affecté à


l'équipement fixe.
En termes monétaires, l'estimation de l'investissement

moyen en matériel de production est de :

- 158.000 F.CFA pour les maquis, les restaurants-bars


et les kiosques, avec des extrêmes allant de 800.000 F.CFA à
32.000 F.CFA.

- 7.200 F.CFA pour les restaurants sur tables mobiles,

les unités des espace-restaurants et des restaurants spontanés

avec des extrêmes allant de 35.000 F.CFA à 2.500 F.CFA.

- 1.500 F.CFA pour les restaurants ambulants.

. Le local de production

L'aménagement d'un local de production-vente n'est pas


indispensable pour toutes les structures de l'informel alimen-

taire puisqu'ici les modes d'installation divergent. Contraire-

ment aux maquis et aux restaurants-bars qui sont le plus souvent

155
tout ou partie d'une maison, les kiosques occupent l'espace

public (trottoirs, abords des rues ... ).

Tableau nO 23 Fréquence de disponibilité des différents

matériaux de production-vente par catégorie de

restaurant

1 Restau 1 1 1
MATERIAUX DE PRODUCTION-VENTE Maquis Resto- 1Kiosques 1 sur tab1el Restau 1 Espace 1Restau 1
bars 1 mobile 1 spontané1 restau lambu1antl
1 1 1 1
1Instruments de cuisson 1 1
Four artisanal 17/41 11/18 1 53/53 43/43 1 73/78 18/22
Rechaud ou four à gaz/é1ectrique/ 1 1
à pétrole 24/41 7/18 1 23/26
Marmites (a1uminum et/ou poterie 26/41 13/18 1 26/53 21/43 1 14/78
Colporte + grillage 32/41 23/43 1 61/78
Poêle 26/26 1
1
1Instruments de services 1
Bassine d'étalage 1 41/41 18/18 37/53 19/43 1 66/78 22/22
Bols 1 14/41 16/18 23/43 1 61/78
Verres 1 29/41 16/18 26/26 1
Serviettes de table 1 27/41 11/18 26/26 1
Tasses à café 1 26/26 14/53 16/43 1 16/78
Plateaux de service 1 18/41 1
Plats de service 1 41/41 18/18 26/26 53/53 21/43 1 42/78
Fourchettes (couteaUX/CUi 11ères) 1 41/41 18/18 26/26 53/53 36/43 1 63/78
Tables - bancs 1 15/41 7/18 53/53 39/43 1 78/78
Tables - chaises 1 26/61 11/18 26/26 1
Radio-cassette 1 21/41 13/18 22/26 1
Chaine Hifi et/ou poste téléviseur! 7/41
Réfrigérateur ou congélateur 1 29/41 16/18 26/26

Si les kiosques, bien que de dimension variable, ont un

aspect physique quasi standard, les maquis, quant à eux, se

présentent sous différentes formes. Ils peuvent être soit :

- des établissements spécialement aménagés pour la

restauration,

- une cour intérieure et/ou extérieure d'une maison,

156
- une baraque construite avec des' matériaux de
récupération,

- un salon familial mis en exploitation.


Il faut remarquer que les établissements spécialement
aménagés pour la restauration sont les plus rares et ceux qui
nécessitent le plus d'investissement. En dehors des restaurants
en établissement (maquis, kiosques, restaurant-bars), les autres
structures (restaurants sur tables mobiles, espace-restaurants,
restaurants spontanés) - à l'exception de quelques rares espace-

restaurants - n'exigent pour investissement en local de produc-


tion que l'achat de quelques feuilles de tôle soutenues par des
piquets, pour se protéger des intempéries.
En termes d'investissement en d'aménagement, seuls les
kiosques et les restaurants-bars sont à 100 % des structures
spécialement aménagées.

Seulement 15/41 maquis, 12/53 restaurants sur tables


mobiles, 26/78 unités d'espace-restaurants, 9/43 unités des res-
taurants spontanés ont été effectivement aménagés. Il va de soi
que la restauration ambulante n'a besoin d'aucun investissement
en local de production-vente puisqu'elle est itinérante.

L'investissement en local de production peut être

évalué à

153.000 F.CFA en moyenne pour les maquis, les

kiosques et les resto-bars et


- 17.000 F.CFA pour les restaurants sur table mobile,
les unités des espaces-restaurants et les restaurants spontanés.

157
· Le capital circulant

Au sens large, le capital circulant est constitué des


liquidités nécessaires à l'achat des biens intermédiaires des-
tinés à être transformés en biens de consommation, à la couver-
ture des frais de transport, des taxes municipales, des frais
d'électricité et à l'achat de combustibles (gaz, bois, charbon de
bois, pétrole).
La disponibilité en capital circulant de chaque unité
de production dépend en fait de son échelle de production.
Dégager un ordre de grandeur à partir des moyennes serait un
exercice qui entrainerait, nous en sommes conscient, un biais
d'interprétation dans l'analyse. L'important est de savoir que
les artisans disposent d'une somme d'argent équivalant à un peu
plus d'1/5ème du capital investi comme capital circulant.
Compte tenu de toutes ces stratégies, comment peut-on
comprendre la rationalité des acteurs ?

Section 3 - INVESTISSEMENT ECONOMIQUE ET RATIONALITE DES ARTISANS


DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE

AI Les présupposés d'un topique d'approche

Il pourrait paraître superflu qu'à ce stade de notre


analyse nous nous arrêtions encore sur les questions de rationa-
lité des acteurs, tant discutées dans les études sur les
multiples occupations artisanales et parfois sur d'autres ter-
rains en milieu rural. Dans leur étude sur les éleveurs afri-
cains, E. Landais, Ph. Lhoste et P. Milleville s'interrogeaient

158
sur des problèmes méthodologiques similaires quand ils notaient :
"L'efficacité économique d'un choix peut être appréciée de diffé-

rents points de vue et à différentes échelles. Il est cependant


une règle d'or: tout système dépendant de décisions humaines
doit d'abord être analysé dans sa logique interne. C'est à dire
que l'efficacité économique d'un choix devra toujours être ap-
préciée dans les termes des objectifs poursuivis par son

auteur .•• L'hypothèse selon laquelle tous les objectifs


poursuivis par les producteurs peuvent être traduits sous la
forme de la maximisation d'une fonction économique simple (le
revenu dans la plupart des cas) n'emporte pas toujours la convic-

tion" (1). Ces remarques faites sur le terrain de la zootechnie


et des systèmes d'élevage sont valables pour l'analyse de l'effi-
cacité économique des choix de production dans l'artisanat ali-
"mentaire bien que les deux domaines, à part le fait qu'ils

relèvent de l'économique, ne se confondent ni dans leur forme ni


dans leur contenu. L'évidence qu'on ne peut affirmer ni l'unicité
des comportements ni la généralisation de la logique économique
classique semble autoriser cette démarche. S'il y a intérêt à
dissocier les comportements économiques, c'est surtout pour

éclairer la pratique. Il est donc indispensable de sortir de


l'impasse où l'on s'enferme en considérant les petites activités
urbaines comme un secteur monolithique à structure simple
approche qui occulte la diversité des logiques en présence. Nous

(1 ) Landais (E.), Lhoste (Ph.), Minvielle (P.), Points de vue· sur


la zootechnie et les systèmes d'élevage tropicaux in Système
de production agricole en Afrique tropicale, Cahiers ORSTOM
sc. hum. vol. 23, nO 3-4 1987; p. 432.

159
pensons comme C. Maldonado (1) qu'il faut au contraire adopter
des . méthodes qualitatives aptes à révéler les mécanismes diffé-
renciateurs des catégories sociales et rechercher de proche en
proche, derrière les phénomènes et les situations observables,
les éléments des diverses logiques. Dans cette optique, notre
intérêt pour l'analyse de la rationalité des acteurs de
l'artisanat alimentaire tient à deux raisons essentielles.
1. L'I.A. est l'une des branches du secteur informel où

les niveaux capitalistiques sont des plus


.,
varl.es. A ces
différences dans la stratégie d'investissement, correspondent des

contraintes d'échelle de production, un amalgame de logiques dans


un même ensemble et une diversité des pôles d'analyse quant à
l'objectif que se fixe chacun en initiant l'activité économique.

Si le comportement des micro-négociants obéit au schéma classique


moyen-fin, il n'est pas évident que les fins poursuivies soient,
toujours en dernière instance, de nature strictement économique.
Le comportement de certains acteurs obéit à une logique qui, tout
en restant "économique" (choix raisonnés sous contrainte de

rareté ... et d'incertitude) est déterminée en grande partie par

des facteurs généralement négligés par l'analyse économique

classique.
2. L'analyse de la rationalité des acteurs, dans son
acceptation la plus large, nous conduit à échapper à la concep-

tion trop restrictive des "enjeux de politique économique" (2)

(1) C. Maldonado Petits producteurs urbains d'Afrique francophone,


BIT, Genève 1987, pp. 58-59.
(2) B. Lootvoët. L'artisanat et le petit commerce dans l'économie
ivoirienne, op. cit., p. 209.

160
qui finit généralement par réduire les études sur l'informel à sa

seule capacité ou non d'accùmulation, dans un but de récupéra-

tion. Même si cette dernière présente des intérêts certains, elle

éloigne quelque peu l'analyse de la réalité sociale de ces

pratiques économiques.

Partant du principe que la "structure des situations"

(cf. pp. ""'f)~_ Alf.l ) dans laquelle se trouve chaque acteur explique

les objectifs qu'il se fixe, il faudra donc déterminer les

"échelles de raisons pratiques" en jeu dans le champ de

l'informel alimentaire. Cette approche supposait, de notre part,

un effort méthodologique de décentration et de distanciation qui

n'a été possible que grâce à une enquête d'opinion généralement

absente des travaux sur les petits producteurs urbains. Encore

une fois, il ne s'agissait pas de voir seulement si les condi-

tions d'une accumulation (-constitution d'une épargne dégagée du

résultat d'exploitation - utilisation de cette épargne sous forme

d'investissement économique, brut ou net) sont réunies ou non, ou

si l'unité fonctionne en reproduction simple (résultat brut d'ex-

ploitation de l'UPV = revenu du ménage) ou élargie (1). Au-delà

des résultats des entreprises sur lesquels nous reviendrons, ce

sont plutôt les choix individuels qui retiennent notre attention.

Au cours des récits de vie, nous avons insisté sur les objectifs

consciemment poursuivis par les acteurs, l'existence ou non d'une

épargne, les projets réalisés ou à réaliser à partir de cette

épargne - quand elle existe -. Il s'agissait de déterminer les

niveaux de surplus net quotidien, hebdomadaire ou mensuel et leur

(1) Cl. de Miras: De l'accumulation du capital dans le secteur


informel. Cahiers ORSTOM. Série Sciences Humaines, vol. 23,
nO 1, 1987, pp. 70-71.

161
affectation. Il nous est donc apparu que les rationalités de
comportement ne se définissent pas seulement par rapport aux
seules variables ressortant directement à l'économique - ainsi
que le voudraient les théoriciens orthodoxes - mais aussi par
rapport à d'autres facteurs (social et symbolique).

BI Les pôles d'intérêt d'une pratique commerciale informelle

Partant du principe boudonien (1) qu'aucun phénomène


social n'est interprétable à moins d'être ramené en dernière
analyse aux choix et calculs"des individus supposés dotés d'une
rationalité "limitée" mais suffisante, l'enquête nous a permis de
déceler une forte corrélation entre les comportements économiques
des acteurs et les objectifs qu'ils se sont assignés.
Par "effets d'agrégation et de composition", il résulte
des stratégies individuelles une configuration spécifique de
comportements. L'analyse du discours des acteurs sur "leur
économie politique spontanée non savante, celle qui se forme
..
a

l'usage des urgences de la pratique" (2) révèle trois pôles


d'intérêt de la pratique commerciale informelle d'aliments

deux, d'ordre non-économique et un troisième, ayant l'accumula-


tion du capital pour objectif.

(1) R. Boudon : La place du désordre. Ed. PUF, Paris 1985; p. 63.


(2) M. Le Pape, Cl. Vidal, Raisons pratiques africaines, in
Cahiers Internationaux de socioloqie; vol. LXXIII, 1982,
p. 305.

162
* Investissement économique et ambitions non~économiques

Dans un article paru dans les cahiers internationaux de


...
sociologie, M. Le Pape se posait cette question pertinente a
propos des "multiples occupations artisanales abidjanaises". "Les

activités de production ou de commerce sont-elles à coup sûr


intrinséquement et purement économiques ?" (1). Nos recherches
auprès des artisans de l'informel alimentaire peuvent apporter en
partie réponse à cette question, à savoir que c'est plutôt dans
les contraintes de subsistance des ménages que se trouve le

fondement de l'exercice de ces activités. Plus de 75 % des


personnes interrogées ont exprimé ce motif comme principale
raison de leur investissement dans le secteur. Si les conditions
de fonctionnement de cette catégorie d'acteurs restent liées à la

notion de subsistance, on comprend alors que l'unité économique

végète puisque le "surplus" dégagé est presque totalement investi


dans' le champ social pour la satisfaction des besoins socio-
économiques essentiels et l'entretien du réseau familial. L'es-
sentiel est que l'unité économique joue son rôle de pourvoyeuse
de revenu familial. Il s'agit ici de "choix" entre des "valeurs"

qui s'opposeraient dans l'abstrait. Tout se passe comme si les

exploitants se soumettaient à la nécessité de maintenir des

rapports sociaux de parenté qui leur assurent protection,


,
recl.-
.
procité, coopération et continuité culturelle, malgré les trans-
formations indirectes par le développement d'une
,
economl.e
.
marchande (2).
(1) M. Le Pape, Cl. Vidal, Raisons pratiques africaines, op. cit.
p. 297.

(1) M. Godelier, L'idéal et le matériel. Ed. Fayard Paris 1984


p. 63.

163
Dans la même catégorie, ce que ~ertains spécialistes du

secteur informel qualifieraient de "mode de reproduction


simple" (1) serait en fait entre autres une économie d'accumula
tion de symboles. L'exercice d'une activité économique est, pour

certains, un moyen de prouver que la migration et le séjour en


métropole abidjanaise n'a pas été un échec. Tout le "surplus" est

ici investi dans l'achat de biens de prestige comme les pagnes

wax et les bijoux chez les femmes, le combiné radio-cassette, la

mobylette ou le vélo et quelques tee-shirt flanqués de portrait

de stars chez les immigrés vendeurs de café et de viande grillée.


L'objectif est atteint quand le maximum de symboles est accumulé.
Contrairement à la logique commerciale qui voudrait que, sous la

pression de. la concurrence pure et parfaite les UPV les moinx

compétitives disparaissent, cette psychologie commerciale très

forte dans le milieu informel alimentaire explique l'étalement de

ce secteur sous forme d'UPV de petite taille et par conséquent,

l'exacerbation de la concurrence

* Investissement économique et accumulation du capital

Le principe micro-économique qui voudrait que lorsqu'un

acteur économique crée sa propre unité de production, il soit

avant tout motivé par le maximum de revenu qu'il espère en tirer

n'est pas absent du champ de l'informel alimentaire. Mais elle

est une logique économique réalisée par très peu d'acteurs. Sur
les 281 personnes interrogées, 41 soit 14,59 % semblaient
présenter les comportements sous-jacents à cette logique d'entre-
preneur moderne: tenue d'un cahier comptable, réinvestissement

(1) Cl. de Miras: De l'accumulation du capital ... op. cit., pp.


50-51.

164
de capitaux après ouverture de l'UPV en vue d'accroitre la capa-

cité de production, constitution de stock, recrutement de sala-

riés. Pour ce type d'acteurs, aucune confusion possible n'est

faite entre revenu du ménage et capital circulant dont la crois-

sance suit toute variation de la valeur ajoutée.


Ce type d'acteur ne se recrute que parmi les tenanciers

de maquis et de kiosque. Ayant un niveau scolaire supérieur aux

cours moyens, la plupart avaient été victimes d'une compression

du personnel. Cette nécessité de se garantir un revenu régulier


pourrait expliquer le fait qu'ils aient pu soustraire leurs

activités à l'influence du réseau familial. Chez cette catégorie

d'exploitants, l'investissement dans le social et le symbolique

ne sont pas absents de la répartition du revenu; mais ils restent

.isolés des capitaux de fonctionnement de l'UPV. Si ce type d'en-


treprise semble celle qui intéresserait les pouvoirs publics pour

d'éventuelles politiques de développement du secteur informel,

elles ne sont pas forcément celles qui font la dynamique même de

l'informel alimentaire.

CONCLUSION PARTIELLE

Par rapport aux autres branches du secteur non

structuré, l'I.A. se distingue par la diversité des situations

qu'il présente au point de vue du niveau capitalistiques des

unités de production. Avec les autres activités informelles, il a

en commun le fait qu'il n'ait jusque là aucun rapport avec les

circuits financiers modernes.

165
L'autofinancement reste la règle même si, de plus en
plus·, les tenanciers opérant à une échelle de production plus

grande. Ceux qui, considérés dans le milieu des restaurateurs


informels comme modèle de réussite sociale, expriment de plus en
plus le besoin de s'adresser aux banques en vue d'accroitre la
taille de leur entreprise et partant, leur productivité.
Néanmoins l'arbre ne doit nullement cacher la forêt. L'I.A. est
loin d'être une économie d'accumulation du capital mais plutôt un
revenu de subsistance et son développement est la conséquence
d'un besoin croissant de moyens de subsistance en milieu urbain.
Toute politique de développement à son endroit doit tenir compte

de cet aspect socio-économique.

La forte concurrence résultant de l'entrée massive de


nouveaux candidats conditionnés par un faible souci d'économie
d'échelle, freine considérablement les possibilités de repro-
duction élargie de ce secteur. Bien que nous nous trouvons dans
une situation de concurrence pure et parfaite, la diversité des
motivations économiques et des conditions de production favori-

sent également une diversification des enjeux économiques.

L'analyse des résultats d'exploitation, des comporte-

ments d'épargne et de consommation des acteurs nous permettra de


caractériser la dimension de subsistance de cette activité
économique. Entre temps nous intéresserons-nous au mécanisme de

formation des prix des plats vendus, en relation avec la demande


alimentaire.

166
Chapitre V

CIRCUITS ET PRATIQUES D'APPROVISIONNEMENT

DANS L'INFORMEL ALIMENTAIRE

Le succès des artisans de l'I.A. pourrait être en

partie expliqué par l'adaptation de leur comportement économique

au circuit traditionnel de ravitaillement dont la souplesse

justifie ici l'efficacité. Aussi, une articulation entre les

besoins de consommation à bas prix et les pressions de production

à coût modéré semblent orienter les stratégies d'approvisionne-

ment vers certains produits d'importation.


Section l RAVITAILLEMENT EN PRODUITS INTERMEDIAIRES

L'informel alimentaire est un important vecteur de


consommation des produits vivriers aussi bien locaux qu'importés.

La diversité de ses structures et la variété des possiblités de


consommation qu'il offre font de lui un maillon important de la
chaine de production-consommation alimentaire. Au cours de nos
enquêtes, nous avons essayé de mesurer l'importance quantitative
de chaque produit en matière d'approvisionnement. Mais, faute de
précisions de la part de nos enquêtés, certains produits n'ont pu
se prêter. à la quantification. Dans ces cas nous axons nos
recueils d'informations sur les circuits de ravitaillement.

AI Produits bruts

Le ravitaillement en produits végétaux concerne essen-

tiellement la banane plantain, l'igname, l'arachide, etc ... D'une

façon générale, les restaurateurs vont à la rencontre des


structures privées traditionnelles de commercialisation. Ce sont
généralement ces dernières qui assurent la collecte et la distri-
bution des produits (banane plantain, manioc, igname, taro,

etc ... ) à prix non réglémentés. L'abondance de l'offre atténue


ici l'état de libéralisation du marché puisque c'est un circuit

hors de la sphère d'intervention de l'Etat pour ce qui est de la


fixation des prix et de la distribution. Ce circuit informel de
ravitaillement constitue donc la principale source d'approvi-
sionnement de l'artisanat alimentaire. Toutes les transactions

commerciales s'effectuent entre les grossistes urbains - consti-


tuant le point de départ de la chaîne de distribution en milieu

168
urbain - et leurs clients parmi lesquels on compte aussi les
tenanciers de maquis. Ces grossistes s'installent à proximité des
marchés de gros (à l'exception de Port-Bouët et Cocody, toutes
les communes d'Abidjan ont leur marché de gros. Leur installation
n'est conditionnée que par le paiement régulier d'une taxe com-
munale et l'inscription au registre du commerce. Du grossiste
urbain au consommateur urbain il n'y a qu'un intermédiaire le
détaillant. Mais l'approvisionnement de l'informel alimentaire
auprès de ce dernier ne présente guère d'intérêt pour les restau-
rateurs puisqu'entre le grossiste et les détaillants les rapports
de prix peuvent aller de 1· à 4. Non seulement l'approvisionnement
direct auprès des grossistes garantit la fraîcheur des produits,
mais il atténue l'effet d'élasticité des prix - sur lequel nous
reviendrons - sur le marché de l'informel alimentaire par la
marge intéressante qu'il offre par rapport au ravitaillement
auprès des détaillants.
Pour les denrées périssables comme le n'drowa, la
tomate, le piment, une préférence est accordée par les restaura-
teurs au marché du soir. Il est en effet connu que sur les
marchés, les prix varient selon les heures avec une tendance à la
baisse en fin de journée, surtout pour les produits précités. La
plupart des restaurateurs savent transformer en avantage
commercial cette crainte de perdre des produits faute de moyens
de conservation, en le rachetant à bas prix.
Pour ce qui est des produits animaux, la viande de
boeuf et le poisson semblent les plus commercialisés et les plus
consommés en alimentation extérieure devant les ovins, les

169
volailles et le porc. Cette prépondéra~ce de la,demande de de
viande de boeuf relève du progrès de la congélation et de l'équi-
pement de la Côte-d'Ivoire en chaîne de froid, ce qui a favorisé
l'achat à des prix.de "braderie" le surplus des marchés exté-
rieurs (Argentine et surtout aujourd'hui, viandes d'intervention
de la CEE). Aussi, avantage est tiré des pays sahéliens fronta-
liers, pour la viande sur pied, qui assurent aussi la
disponibilité de cette protéine sur le marché ivoirien où la
production locale ne représente que 40 % de la consommation.
A côté de la viande de boeuf, le poisson constitue
l'une des protéines animales les plus consommées en alimentation
extérieure. Il se présente sous différentes formes : fumé, frais
(moins cher au kilogramme par rapport au poisson fumé), sec.
Importé sous forme congelée, son prix à la consommation est moins
onéreux que le poisson de lagune qui reste dans l'informel ali-
mentaire une denrée de "luxe" au même titre que le gibier dont
l'interdiction de la chasse explique la rareté, et par suite son
prix élevé à la consommation.
Les places du marché, les alentours des chambres
froides et le débarcadaire constituent les principaux lieux de

ravitaillement des acteurs de l'informel aliementaire. Les quan-


tités de poisson, de viande de boeuf, de gibier et de volailles
approvisionnées par UPV intégrant les protéines animales dans
leur plat peuvent être évaluées respectivement à :

170
Tableau nO 24 Quantité de protéine animale par UPV

Unité : kg

1 1 Maquis Restau.1 UPV 1 tI(N 1 Restau.1 Restau. 1


1Kiosques 1 _ _ _ _ _ _ _ bar 1 Restau.1 Espace table lambulant 1
1 1 1spontané1 restau. mobile 1 1
1 1Mati n/midi 1 Soir 1 1 1 1
_ _ _ _ _ _1 1 1 1 1 1 1
1 Viande de boeuf 1 6 1 10 1 4 8,5 1 5 1 7 2 1 5,5 1
1 1 1 1 1 1 1 1
1 Poi sson 1 1 13 1 5 5 1 11 ,5 1 12 9 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1
1 Gibier 1 1 3 1 1 2 1 1 1
1 1 1 1 1 1
1 Volailles 1 1 2 12 5 1 7 7 1 1
1 1

BI Produits élaborés

Le ravitaillement en produits agro-alimentaires est


.surtout le fait des structures de restauration gérées par les

hommes, c'est-à-dire les kiosques spécialisés dans la préparation


de plats européens ~apides et consommables à la sauvette. Les
produits faisant l'objet d'un ravitaillement régulier sont: le
lait en boîte, le beurre, l'huile, le sucre, les légumes en

boîte, le Nescafé, les pâtes alimentaires. Il faut aussi signaler

depuis quelques années la consommation de plus en plus généra-


lisée de l'''arôme Maggi" et de l'huile de palme industrielle dans
l'informel alimentaire.
Nous n'avons rencontré aucun cas d'approvisionnement de
ces produits auprès de grossistes. Les principaux partenaires des
artisans de l'informel alimentaire sont ici les épiceries de

quartiers. Dans la stratégie d'approvisionnement, quelques préfé-

rences s'observent pour le lait en boîte, le beurre et l'huile.

171
Ces préférences sont essentiellement liées aux avantages que
peuvent tirer les micro-négociants en achetant les produtis les
moins chers de la gamme. C'est ainsi que le lait concentré sucré
BB (465 g) (produit hollandais) qui coûte 350 F.CFA au détail est
plus servi par les restaurateurs sur table mobile que le lait

"Nestlé" ou "carnation" consommés surtout en ménage. Il en est de


même pour le beurre margarine, solor et l'huile Dinor offrent un
meilleur avantage aux producteurs du point de vue du prix du
produit. Nous le verrons, le choix de la qualité de riz répondra
également à la même logique. Cette préférence pour certains types

de produits ont fini par entraîner une standardisation en matière


de ravitaillement.

On observe très nettement un glissement de l'approvi-


sionnement vers les intrants de moindre qualité et de moindre
prix qui seuls peuvent permettre de supporter une production
alimentaire destinée généralement aux économiquement faibles. Si
par exemple Novalim-Capral (1) ne souffre d'aucune concurrence
auprès de l'informel alimentaire avec son "arôme Maggi" et son

nescafé en boîte, elles perdent par contre le marché du lait


concentré sucré. Blohorn (2) et Cosmivoire (3), du fait de la

protection du marché local et de la désaffection croissante des


consommateurs urbains pour les huiles de fabrication artisanale,
restent les principaux fournisseurs en huile alimentaire. Il faut
aussi relever le cas de l'industrie sucrière ivoirienne dont une

(1) Appartenant au groupe Nestlé.


(2) Appartenant au groupe Unilever.
(3) Entreprise privée créée par des hommes d'affaires ivoiriens.

172
partie non négligeable de ~a production est consommée par deux
des structures (restaurants sur table mobile et kiosques) de
l'artisanat alimentaire.

Section 2 - L'ATTIEKE ET LE RIZ DE L'APPROVISIONNEMENT A LA


CONSOMMATION

AI L'approvisionnement en attiéké

Comme dans le cas des autres produits végétaux, il


existe un marché de l'attiéké avec des différences - dues à la
diversité des techniques de production et au label - qui tiennent
à la qualité même du produit. Au niveau de la production comme
des circuits de ravitaillement d'Abidjan, le monopole en appar-
tient à trois ethnies à savoir: - les Adioukrou (1), producteurs
traditionnels, les Ebrié, spécialisés dans la production et la
commercialisation de l'''abodjama'' et les Akyé, derniers venus
dans cette activité artisanale. On note quelques "francs-tireurs"
comme les femmes burkinabè qui, après un séjour dans une zone de
production s'adonnent aussi à la transformation du manioc sous
forme d'attiéké. Nous n'avons constaté dans aucune structure de
restauration informelle une tentative de transformation directe
du manioc en attiéké. Le ravitaillement se fait quotidiennement
sur les gros points de vente d'attiéké qui sont - le grand
marché et le débarcadère de Treichville, le grand marché
d'Adjamé, le "village" ébrié d'Adjamé, le grand marché d'Abobo où
il coûte le moins cher et, dans une moindre mesure, certains
(1) Ethnie lagunaire du groupe Akan, spécialisée dans la
fabrication de l'attiéké.

173
marchés secondaires (1). A lui seul, le secteur artisanal four-
nissait chaque jour 70 tonnes d'attiéké frais à Abidjan.
Nous avons évalué à 7 kg/j/UPV, la quantité moyenne
d'attiéké vendue par les maquis du midi et les UPV des espace-
restaurants servant des plats à base d'attiéké.
Mais comme nous le précisions, en alimentation domes-

tique comme extérieure, l'attiéké rencontre une très forte con-


currence de la part du riz pour plusieurs raisons: - irrégula-
rités dans l'approvisionnement sur le marché, - difficultés de
conservation, - rapport quantité/prix plus économique pour le
riz.

B/ L'approvisionnement en céréales et la question de la consom-


·mation du riz dans l'informel alimentaire

Tel que défini en Côte-d'Ivoire, le secteur vivrier se

compose de deux grands groupes de produits : les céréales (paddy,


maïs, mil, sorgho et fonio) et les tubercules féculents

(igname, manioc, banane plantain, taro).


Suivant le modèle alimentaire ivoirien et par rapport à
tous les autres céréales, le riz est le plat d'accompagnement le

plus consommé en milieu urbain.

Déjà en 1979, l'EBC relevait cette importance (cf.

tableau nO 23) de la consommation du riz par sa présence dans


plusieurs types de plats en alimentation extérieure à Abidjan.

(1) A. Gnammon, Production et commercialisation de l'attiéké


contribution à l'étude du ravitaillement d'Abidjan, IGT,
Abidjan 1984, p. 37.

174
Une distinction reste à faire entre les types de riz

consommé puisque sur le marché, plusieurs qualités de riz sont

disponibles. Nous avons :


- le riz artisanal échappant au contrôle de la Caisse

de Péréquation (1) et ne faisant pas objet de subvention à la


consommation puisque produit hors normes (prix moyen de vente au

détail 250 F);

- le riz importé dit de luxe dont le taux de brisure

est inférieur
..
a 4 % et pour lequel la Caisse de Péréquation

accorde des autorisations d'importation à des personnes morales

ou physiques qui en font la demande expresse. Sous cette qualité,

nous rangeons le riz "japonica" variété de grains ronds

facile à cuisiner et produit surtout en Chine, le riz "indien" de

Tableau nO 25 Types de plats les plus consommés en alimentation

extérieure à Abidjan en 1979

1 Repas extérieurs Tonnes Consommations 1 Tonnes 1


1 individuelles 1 1
1 ! 1
! Attiéké 4.140 Attiéké 1 4.046 1
! Café complet 4.104 Beignets divers 1 2.579 1
! Riz en sauce 3.384 Alloco ! 2.113 !
1
1
..
Riz au gras
Riz cuit a l'eau
1
1
2.917
2.705
Café complet
Riz en sauce
1
1
1.737
1 .141
1
1
1 Foutou banane 2.369 Foutou en sauce 1 731 1
1 Foutou en sauce 2.018 Riz cuit à l'eau ! 697 1
1 1

Source Direction de la Statistique, Table de composition


des plats et des produits, EBC79 Abidjan.

(1) La Caisse Générale de Péréquation des Prix des Produits de


Grande Consommation CGPPGC) est un établissement public à
caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du
Ministère du Commerce.

175
grains médium longs et restant séparés ap~ès cuisson, le basmati
au grain petit et savonneux cultivé et exporté par la Birmanie,
l'Inde et le Pakistan, le riz américain Uncle's Ben.
- le riz importé pour "consommation de masse" dont le
taux de brisure se situe entre 4 et 35 % et dont le prix à la
consommation est le même que celui du riz traité dans les

rizeries locales soit 160 F.CFA/kilo grâce aux mécanismes de la


péréquation.

L'évolution de la consommation du riz en alimentation


extérieure n'est en faveur ni du riz importé de "luxe" ni du riz
artisanal. La concurrence se situe plutôt au niveau du riz
importé pour "consommation de masse" et du riz traité dans les
rizeries locales, compte tenu de la politique nationale du riz

qui tend à maintenir le prix à la consommation au niveau le plus


bas possible dans le cadre du soutien du pouvoir d'achat des
consommateurs.

Mais, selon les résultats de nos enquêtes, par rapport


à la consommation du riz traité dans les rizeries locales, la
consommation du riz importé pour "consommation de masse" présente

des avantages aussi bien pour les consommateurs que pour les

restaurateurs. Les premiers apprécient son parfum et sa qualité

dûe à son traitement à la production. Les seconds, dépendant des


choix alimentaires des premiers, donnent leur préférence au riz

importé qui - au regard des prix des autres qualités de riz et


de ceux des féculents et tubercules, reste encore abordable.
Un calcul comparatif établi par le Ministère du Développement
Rural nous donne la mesure de cette évolution le prix de détail
du riz industriel exprimé en francs constants de 1986 a diminué,

176
passant de 208,6 F.CFA le kilo en 1970 à 160 F.CFA en 1986, alors

qu'à l'inverse, le prix des féculents passe de 129,3 F.CFA le

kilo à 174 F.CFA. Le riz qui était presque deux fois plus cher

que les féculents en 1970 est meilleur marché en fin de période.

Ce basculement provient essentiellement des avantages accordés au

riz importé et usiné sur place grâce à l'intervention de l'Etat.


Cet avantage de consommation de riz importé qui semble

considérablement influencer les choix de production et les

tendances à la consommation hors domicile de céréales, dépend

d'options inhérentes à la politique alimentaire sous-jacente aux

programmes d'ajustement de l'économie ivoirienne.

Comme l'a fait remarquer J. Coussy, si en Afrique sub-


saharienne, les problèmes agro-alimentaires n'ont pas été la
cause essentielle de l'adoption des programmes d'ajustement

structurel, ceux-ci ont été explicitement construits autour de

projets de restructuration de l'agro-alimentaire (1).

Les politiques agro-alimentaires sont donc devenues par

ce biais une des cibles essentielles des PAS et de leurs compo-


santes principales à savoir - le rééquilibrage macro-économique,

- la vérité des prix et - la désétatisation. "La réfonte des

politiques agro-alimentaires" qui en résulte va jusqu'à la remise

en cause de certaines options caractéristiques des périodes anté-

rieures. Parmi ces mesures on pourrait citer celles qui, généra-

lement appliquées, ont un impact sur l'alimentation des popula-

tions - l'abandon des politiques d'approvisionnement alimen-

(1) J. Coussy, Les politiques agro-alimentaires dans les program-


mes d'ajustement structurel d'Afrique sub-saharienne, EHESS,
doc. ronéo, Paris 1989.

177
taire à bon marché, - la rénonciation de principe aux politiques
d'autosuffisance alimentaire, - l'abandon des politiques de
substitution aux importations. Contrairement au refus d'objec-
tiver les spécificités des différents pays conduisant à une
"approche universalisante" et comparée aux politiques macro-
économiques habituellement adoptées, l'agro-alimentaire, dans le
contexte ivoirien, semble avoir fait l'objet d'une stratégie plus

différenciée et individualisée. En fonction d'intérêts

"croisés" (1), une sélection a été opérée parmi les mesures


proposées, ce qui s'est traduit par un changement dans les poli-
tiques de subvention à l'alimentation, la politique de garantie
de bas prix à la consommation financée dans la phase d'expansion
économique devenant sujette à caution en période de restriction
budgétaire.

Ainsi, sous la pression des "finances publiques" et du


FMI et suivant l'optique néo-libérale de la BIRD, la politique
d'auto-suffisance alimentaire fondant les politiques rizicoles
des années 1970, seront abandonnées au profit de l'approvisionne-

ment alimentaire à bon marché; ceci explique la croissance des


dépenses d'importation alimentaire à partir du milieu de la

décennie 1970-1980, leur niveau élevé (à l'échelle des ressources


de la Côte-d'Ivoire) en fin de période et leur stabilité à partir

de 1982 aux environs de 130-140 milliards de F.CFA. Cette impor-


tation concerne essentiellement cinq produits ou groupes de pro-
duits: deux céréales, le riz et le blé et trois produits ani-

(1) Nous aborderons plus en détail la question des intérêts


"croisés" dans la section 2 du chapitre en cours.

178
maux, la viande, le lait et le poisson (1).

Le phénomène le plus remarquable "est l'envolée des

quantités de riz importées depuis 1976 et celles massives des

produits animaux (viande et poisson congelés). En raison des

capacités de production rizicole des pays d'Asie du Sud-Est

surtout et celle de production de viande et lait de la CEE, de

l'Océanie, de l'Amérique du Sud et des Etats Unis d'Amérique, il

était illusoire de continuer à envisager la résorption des pro-

blèmes de sécurité alimentaire sous l'angle de l'autosuffisance

alimentaire, compte tenu notamment des exigences de la crise

économique. Il s'agissait d'abord et avant tout de profiter de la

vente des surplus de ces pays à des prix de "braderie".

La politique de vérité des prix n'est pas systématique-

ment recherchée. La politique macro-économique réduisant déjà les

revenus privés, pour ne pas provoquer des crises sociales, il


fallait continuer à abaisser les prix de consommation des pro-

duits alimentaires de première nécesité tout en contractant les

dépenses de subvention. Au-delà du souci des pouvoirs publics du

soutien du pouvoir d'achat en baisse des consommateurs, on pour-

rait signaler le soutien de la production locale financé à partir

des péréquations positives.


Ce choix en faveur des importations ne manquera pas de

bouleverser non seulement la physionomi~ du marché mais aussi les

habitudes de consommation. La dynamique de l'artisanat alimen-

taire a été également éprouvée par cette option. La preuve en est

(1) La liste des produits qui apparaissent dans la nomenclature


des statistiques douanières est longue. Mais pour la plupart,
soit ils n'y figurent que pour des valeurs minimes ou insi-
gnifiantes, soit ils ne participent pas au modèle de consom-
mation standard des ivoiriens.

179
le renversement des tendances de consommation.

Au niveau de l'informel al imentai re, ce retournement de

situation se traduit par une expansion de la consommation, - de

préférence - du riz importé pour "consommation de masse" dans

près de 60 % des structures commercial isant du riz préparé. La

quantité vendue quotidiennement dans les espaces-restaurants et

les maquis a été évaluée par nous à environ 12,8 kg/UPV.

D'une façon générale, pour la seule vi Ile d'Abidjan,

nous avons estimé à 17.010 tonnes la consommation annuel le de riz

en alimentation extérieure informelle. La part du riz importé

s'élève à environ 10.746 tonnes soit 63 % de la consommation

ex t é rie ure i n forme Ile. Ce n ive a u an nue 1 t 0 t a 1 de con somma t ion

extérieure représente 3 % de la consommation totale annuelle

ivoirienne de riz en 1985 pour la seule ville d'Abidjan.

Disons que cet avantage de consommation au moindre coût

offert à la population est la conséquence de la politique d'im-

po r t a t ion a 1 i me nt air e mis e en pla cep a r i e s pou v 0 i r s pub 1 i cs en

vue de tirer profit des disponibilités en riz sur le marché

international. J. Roch (1) nous en expl ique le fonctionnement

plus en déta i 1

- L'Etat, par le biais de la caisse de Péréquation,

fixe un prix unique à la consommation, quelle que soit l'origine

du produit.

Il garantit le prix d'achat (unique également sur

tout le territoire) aux producteurs qui veulent bien vendre aux

rizeries le paddy qu'elles transforment en riz blanc.

( 1) Cf. J. Ro ch. • •• 0 p. c i t. p. 17 •

180
- Il subventionne les rizeries quel que soit leur coût
de production, dans les bornes définies qui sont le prix d'achat
garanti au producteur et le prix de vente aux grossistes
également fixé par l'Etat.
Il est le seul importateur de riz et calcule chaque
année les besoins d'importation à partir des prévisions de
consommation et de niveau de la production (1).
A travers un prix suffisamment bas à l'importation,
l'Etat, grâce au contrôle des variables à tous les niveaux (prix-
quantité), se procure les ressources financières dont il a
(1) Le système fonctionnait bien jus-qu'à la baisse inexpl iquée
des recettes de la Caisse de Péréquation en 1987. En effet,
1a Ca i s s eau rai t dû dis po s e r en 1987 de 32 mil 1 i a rd s de
F'. CFA, a 1 0 r s qu' e Ile a sig na 1 é un r ev e nu de 9, 8 mil 1 i a rd s .de
francs CFA. La différence entre le revenu qu'el le aurait dû
percevoi r et ses dépenses était donc d'environ 20 mi 1 1 iards
de F.CFA en 1987. Confronté à une absence de justification de
cette faiblesse des recettes, la Banque Mondiale fortement
impliquée dans la politique de redressement de l'économie
ivoirienne moribonde, quai ifia~ d'inefficace la gestion de
la Caisse et proposait une réforme de fond en comble du
système d'importation de riz et de blé. Selon les recommanda-
tions de la BIRD, la Caisse devrait instituer un système
donnant à l'entrepreneur le plus offrant le droit d'importer
du riz pour le revendre au prix fixé. Pourrait alors soumet-
tre une offre, tout commerçant qui serait en mesure de démon-
trer sa capacité financière et technique d'importer des cé-
réales de la qualité et dans les quantités spécifiées. Les
bes 0 i n s d ' i mp 0 r t a t ion se rai en t ré par t i sen lot s , et pou r
chaque lot, les commerçants quai if iés soumettraient des of-
fres indiquant uniquement combien ils paieraient au Gouverne-
ment le droit d'importer les céréales pour les revendre au
prix fixé par lui. Le gouvernement tirerait alors ses recet-
tes des paiements versés par les commerçants. Au cas où le
prix fixé par le gouvernement serait inférieur au prix d'é-
quivalence à l'importation, la même procédure pourrait être
appl iquée; la seule différence serait que les offres indique-
raient le paiement que devraient verser le Gouvernement au
lieu du droit qui devrait lui être versé. Il s'agit donc pour
la Banque Mondiale d'éliminer par le nouveau dispositif le
monopde bureaucratique de la Caisse de Péréquation tout en
conservant les avantages fiscaux 1 iés à l' importat ion al imen-
taire par le privatisation des transactions cf. Banque
Mondiale, Côte-d'Ivoire: La mobil isation des ressources in-
ternes en vue d'une croissance stable vol. Il op. cit. p. 96.

181
besoin. Cette politique favorable au riz SOI est traduite, à partir

de 1977, par un accroissement des importations et de la consomma-


tion du riz en alimentation extérieure.

A cette croissance de la consommation du riz importé


sont donc liés des intérêts politiques et de finances publiques.

Le contrôle du marché du riz profite aux consommateurs urbains

comme aux pouvoirs publics pour lesquls l'autosuffisance complète


en riz local entraînerait, dans le contexte actuel, des charges
financières insupportables (coût de maintenance des aménagements

charges d'exploitation etc ... ). Encore faudrait-il voir derrière

les pouvoirs publics, les "profits de monopole" des détenteurs de

quotas d'importation, qui, tout comme dans les cas camerounais et


nigérian, bénéficient du parapluie politique (1).

Ajouté aux cas de la viande de boeuf et du poisson dont

la politique d'importation semble respecter les mêmes principes,

nous voyons comment dans sa stratégie nourricière, l'informel

alimentaire s'appuie fortement sur des relations extérieures

contractées par les pouvoirs publics implicitement surtout en

faveur de la pauvreté urbaine.

Cette tendance à vouloir alléger l'impact des

récessions économiques sur la pauvreté urbaine par l'entretien de

l'importation des produits de grande consommation, pourrait

s'expliquer par deux raisons

- Dans les villes, les pauvres achètent en· général la

majorité des aliments qu'ils consomment tandis que la pauvreté

(1) J. Coussy, Coûts et conflits d'une politique d'autosuffisance


alimentaire en période d'urbanisation rapide, in Nourrir les
villes ... op. cit., p. 374.

182
rurale, par sa stratégie d'auto-consommation, dépend moins du
marché pour son approvisionnement. La chute du pouvoir d'achat
pourrait engendrer des risques alimentaires si la politique de
vérité des prix était systématiquement appliquée. Le deuxième
moteur de la stratégie alimentaire ivoirienne pro-urbaine est
beaucoup plus d'essence politique.
- Les agitations sociales par crainte d'insécurité
alimentaire que l'histoire a enregistrées ces dernières années
sont le plus souvent parties des villes. Ayant toujours· dit
préférer "l'injustice au désordre", le Chef de l'Etat ivoirien ne
voudrait pas voir se reproduire en Côte-d'Ivoire la situation
observée par exemple en Tunisie ou au Ghana. Raison pour laquelle
un soutien de pouvoir d'achat des "nouveaux pauvres" ainsi que
des victimes de la "pauvreté structurelle" devient un instrument
irremplaçable de la politique paix sociale.
Toute analyse des avantages comparatifs en matière
d'importation de riz, de viande et à la limite du poisson en
Côte-d'Ivoire doit tenir compte, entre autres, de ce fil con-
ducteur du souci quasi permanent de disponibilité alimentaire et
de maintien du prix à la consommation à un niveau le plus bas
possible.
Les disponibilités en produits alimentaires et leur
faible coût ne sont pas les seules garanties d'une offre alimen-
taire à coût modéré. La faiblesse de l'investissement initial et
les fluctuations du revenu des acteurs ont favorisé un ensemble
de pratiques liées à l'approvisionnement des produits entrant
dans la confection des plats. Les liens de solidarité tribale
renaissent ici à travers des institutions économiques comme le

183
crédit et les coopératives d'approvisionnement.

Section 3· - PRATIQUES LIEES A L'APPROVISIONNEMENT AUPRES DES

CIRCUITS "INFORMELS"

AI Le crédit

Le crédit semble occuper une place fondamentale dans

les stratégies de ravitaillement des acteurs de l'informel

alimentaire. Plus de 55 % des micro-négociants trouvent dans le

crédit un instrument sans lequel ils ne pourraient s'approvi-

sionner et assurer une production alimentaire régulière. Le

tableau nO 24 fait observer la fréquence de la pratique du crédit

par structure de production, au moins pour l'un des principaux

produits vendus.

Tableau nO 26 : Fréquence de la pratique du crédit

1Maquis lRestau- KiosquelRestau 1Espace lRestau 1Restau 1


1 Ibar 1table lrestau Ispon- lambu- 1
1 1 Imobile 1 Itané lIant 1
1 % 1 % % 1 % 1 % 1 % 1 % 1
1 Oui 134 1 - - 18 - 161 - 131 1 5 1 -
- -
111 133 1193
1 Non 1 7 1 1 7 8 120 117 112 1 117 1 1 88
1 1

A la lecture de ce tableau on constate que 193 soit

68,6 % des UPV enquêtées, font appel au crédit au moins pour un

produit. Le "crédit-comptant" est la forme la plus pratiquée. Il

consiste en une acceptation par le fournisseur de n'être payé

après que son client ait procédé à l'écoulement du stock anté-

rieur. Cette pratique, favorisée par la personnalisation des

rapports, n'entre en vigueur qu'après une mise à l'épreuve de six

184
mois de relations régulières avec le même fournisseur.
Toutes structures confondues,' l'achat à crédit est plus fréquent
pour les produits végétaux. Le tableau suivant nous en donne la
mesure.

Tableau nO 27 Fréquence d'approvisionnement à crédit par type

de produit

1 1 Maquis 1 Restau-I Kiosquel Restau 1 Espace 1 Restau 1 Restau 1


1 1 1 bar 1 1 table 1 restau 1spontané 1arnbu1antl
IProduits 1 I l ! mobi le 1 1 1 1
_____ 1 1 1 1 1 1 1
!Ouil 27 1 6 1 1 26 1 1 47 1 16 1 122
Végétaux I---I-------~I--------I--------I--------I--------I--------1--------1
INonl 7 1 5 1 la 1 7 1 5 1 14 1 15 1 71
_ _ _ _1 1 1 1 1 1 1 1
10ui! 3 1 lia 1 1 15 1 1 26
Animaux I---I------~-I--------I--------I--------I--------I--------1--------1
INonI 24 1 11 1 la 1 25 1 5 1 46 1 31 1 188
_ _ _--1 1 1 1 1 1 1 1 1
100il 9 1 2 1 2 1 1 1 5 1 1 la
Agro-in- 1---1--------1--------1--------1--------1--------1--------1--------1
dustrie1 INonl la 1 9 1 1a 1 33 1 5 1 56 1 31 1 175
--------------------- 1

Cette situation peut s'expliquer par le fait que les

produits végétaux sont plus difficilement stockables. Les four-


nisseurs ont plus intérêt à les vendre à crédit qu'à subir les
pertes que peuvent entraîner leur détérioration par suite de
mévente. Il faut cependant noter que le paiement différé est plus

facilement octroyé aux partenaires de la même origine ethnique,

même si quelques d'irrégularités interviennent dans le respect du


contrat. La forte relation existant entre l'origine ethnique des
fournisseurs et des tenanciers nous autorise à parler plutôt
d'une tribalisation du circuit informel d'approvisionnement,

185
surtout en ce qui concerne les produits végétaux. Tous les atouts
sociaux sont ici reconvertis en capital commercial pour supporter
la forte concurrence qui, nous le verrons, ne manque d'avoir une

incidence sur les prix de consommation finale des repas.


Aussi, un nouveau modèle d'approvisionnement est-il en
train de prendre forme dans l'I.A. Il s'agit du ravitaillement
groupé.

BI Les associations de ravitaillement ou l'amorce d'un processus

du self-reliance

D'une façon générale, le ravitaillement dans l'informel


alimentaire se fait individuellement. Mais nous avons pu observer
quelques sept cas de ravitaillement groupé qui nous paraîssent
tout à fait novateurs. Chaque association d'achat se compose en
moyenne de 6 propriétaires d'UPV qui décident d'organiser

ensemble leurs stratégies de ravitaillement. Damayé, 35 ans ...


tenancière de maquis s'en explique:" Avant cette associa-
tion, nous avons déjà essayé une qui n'a pas marché. C'était moi-

même qui l'avait organisée. J'avais contacté quelques maquis de


mon quartier. En tout, nous étions au nombre de 8. Mais cette
association n'a pas duré plus de 2 mois parce que des problèmes
de jalousie ont dispersé ses membres. Puisque l'affaire était
intéressante, j'ai pensé qu'il ne fallait pas laisser tomber.

J'ai jugé bon qu'on se comprendrait plus entre femmes de même

ethnie (baoulé) parce que, avant, nous n'étions pas de la même


ethnie ..• C'est ce que j'ai fait. Aujourd'hui l'association a 7
mois et ça marche bien. Beaucoup d'autres maquis font maintenant

186
comme nous ... ".
Effectivement comme l'explique Damayé, le principe même
de la coopérative d'approvisionnement se fonde sur des liens
ethniques. Les six autres coopératives rencontrées toujours dans
le secteur de Treichville, ont toutes moins de 18 mois d'âge et
sont organisées sur les mêmes bases ethniques.-
Comment fonctionnent donc ces coopératives? D'avance,
chaque chef d'UPV détermine ses besoins, généralement hebdoma-
daires, en protéine animale (viande de boeuf, viande de brousse,
poisson, volailles), en produits agro-industriels (huile alimen-
taire, boites de conserve etc .. ) et en denrées périssables
(aubergine, graine, tomate~ piment, attiéké, etc ... ). Pour chaque

produit ou groupe de produits, un contrat de livraison est passé


avec un fournisseur qui livre à période déterminée et régulière

les produits demandés à des prix fixés d'avance. Pour les denrées
périssables, nous avons relevé quelques cas de "monopole" consis-
tant à exiger des fournisseurs la totalité de leurs produits.
Parmi ces fournisseurs, figurent nombre d'agriculteurs péri-

urbains.
Cette stratégie d'approvisionnement, que nous mettons

au compte d'un processus de "self-reliance", comporte des avan-

tages certains pour les deux partenaires: - Pour le fournisseur


en denrées périssables par exemple, elle réduit les risques de
non-écoulement des produits le plus souvent dû à une saturation
du marché. - Les tenanciers de restaurants se protègent quant à

eux, contre les variations saisonnières, les crises et les

tensions et, par voie de conséquence, contre les fluctuations des

prix qui en résultent.

187
CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de cette analyse du système d'approvisionne-


ment de l'informel alimentaire, deux conclusions majeures
s'imposent.
- L'efficacité du système traditionnel de commerciali-
sation qui n'est qu'un autre niveau de participation communau-
taire à l'effort de production informelle alimentaire.
- La place de l'I.A. dans la consommation de la produc-
tion vivrière locale et surtout le de la croissance des importa-
tions dans l'alimentation des villes.
D'une façon générale, on constate que les acteurs de
l'informel alimentaire, dans leur stratégie de production à bas
prix, ont su adapter leur comportement économique aux moyens
limités dont ils disposent. Ils ont trouvé dans le circuit "infé-
rieur" (circuit traditionnel) de ravitaillement un partenariat
adapté aux contraintes du milieu informel. Au regard des pra-
tiques sociales et de la dépendance de l'informel alimentaire vis
à vis du système traditionnel de commercialisation, nous ne
pouvons conclure avec certains auteurs qu'à l'efficacité de ce
dernier, tout au moins dans le cas du ravitaillement des
structures d'alimentation extérieure.
L'informel alimentaire reste donc un maillon non moins
important de la chaîne de production-consommation en produits
vivriers locaux. Le cas de l'attiéké consommé à plus de 50 % en
alimentation extérieure, en est un bon exemple. Mais ceci ne doit
pas masquer la question du contenu en importation des plats
offerts.

188
La dynamique de l'informel alimentaire et sa capacité
de production à moindre coût s'appuie fortement sur la surproduc-

tion de certaines données sur le marché international. Nous


l'avons constaté avec la viande de boeuf, et le riz qui compten~

d'ailleurs parmi les produits les plus consommées en alimentation


extérieure. Compte tenu de cette évolution de la consommation,
nous disons que si l'informel alimentaire est un vecteur de
maintien des habitudes alimentaires autochtones, il n'est pas
forcément créateur d'indépendance alimentaire, puisque le contenu
en importation de son menu semble en constante croissance.

189
Chapitre VI

DEMANDE ALIMENTAIRE INFORMELLE ET STRATEGIES DES PRIX

Les pratiques de consommation dans le champ informel


alimentaire ne sont pas socialement neutres. Au-delà de ses deux
grandes fonctions - utilitaires et distractives - le champ de
l'alimentation extérieure reste très structuré. Le choix de tel
ou tel espace semble déterminé par le pouvoir d'achat de chaque
consommateur.

Les acteurs de l'informel alimentaire ont su adapter leurs stra-


tégies aux besoins et aux conditions socio-économiques de leur

clientèle sous la pression de la concurrence. Les espaces alimen-


taires, le crédit aux consommateurs et les prix généralement

modérés des repas en sont une preuve. Ajoutés à la faiblesse

relative du capital initial et au recours à une main-d'oeuvre

essentiellement familiale, deux éléments, à savoir principalement


le crédit ainsi que la modicité du prix des repas, restent les
armes maîtresses du dynamisme de l'artisanat alimentaire.
Section l - ESPACE ALIMENTAIRE ET RAPPORTS TENANCIERS-CONSOM-
MATEURS

En dehors des catégories qui la composent, l'espace

alimentaire peut être considéré par rapport à ses deux fonctions


essentielles :
- fonction utilitaire,

- fonction distractive.

Ces deux fonctions enlèvent à l'alimentation extérieure infor-

melle la neutralité sociale que pourrait lui conférer son carac-


tère populaire.

A/ Espace alimentaire et comportements de consommation

On peut considérer que l'alimentation extérieure a deux


grandes fonctions une fonction utilitaire et une fonction

distractive. Toutes deux n'ont pas la même dynamique et n'influ-

encent pas de la même manière l'expansion de la consommation hors

domicile. Ces fonctions se retrouvent dans les motivations qu'ont


exprimé les personnes enquêtées dans les divers lieux de

restauration.

1 - L'alimentation à fonction utilitaire

L'extension spatiale d'Abidjan et le changement de mode

de vie qu'elle a généré constitue un des grands moteurs du déve-

loppement de la consommation alimentaire hors domicile. L'éloi-

gnement du lieu du travail par rapport au domicile et la présence

liée aux contraintes professionnelles sont la première raison de

la fréquentation des maquis et des restaurants. Plus des 2/3 des

191
consommateurs interrogés déclarent s'alimenter à l'extérieur pour

cette raison, au moins une fois, voire 2 à 3 fois par semaine et,

pour un peu plus de 35 %, tous les jours.

Bien que notre typologie de l'offre alimentaire hors

domicile ne corresponde guère à celle qui a commandé l'EBC 79,

nous pouvons apprécier à partir des résultats de cette dernière,

l'importance de l'alimentation sur les lieux de travail.

Tableau nO 28 Importance des lieux de consommation dans la

consommation hors domicile

Unité en % Valeur totale consonmation extérieure par strate

1 Strate Tablier Bar ou Restau- Parti- Au Autre Total!


1 maquis rant culier travail lieu 1
1 1
1 Abidjan 11,11 3,21 10,71 1,87 36,50 36,60 100,01
1 1
1 Autres villes 8,62 5,44 18,64 16,97 31,91 18,42 100,01
1 1
1 Milieu rural 1,28 0,35 2,00 21,97 52,18 22,22 100,01
1 1

Source A. Odounfa, p. 34.

Particulièrement à Abidjan, la consommation alimentaire

sur les lieux de travail est évaluée à 36,50 % par rapport à la

consommation totale hors domicile. Ceci montre assez bien

l'importance de ce mode alimentaire.

Aussi, le champ social de consommateurs est très com-

posite. La clientèle la plus nombreuse et la plus assidue est

constituée d'ouvriers, de manoeuvres, d'élèves, d'employés quali-

fiés ou non, de fonctionnaires. Les cadres, quoique plus rares,

font partie aussi de cette clientèle. Ce type de restauration a

192
plus souvent lieu à midi, où la préférence est accordée aux
maquis ou aux restaurants-bars. Mais la restauration extérieure à
fonction utilitaire ne se limite pas qu'aux maquis et restau-
rants. Habitant très loin du lieu de travail et partant très tôt

de leur domicile, beaucoup de personnes, à la descente des trans-


ports en commun, se dirigent vers les kiosques et les restaurants

sur tables mobiles pour y prendre leur petit déjeuner, générale-


ment le "café complet". La nécessité de s'alimenter au dehors
croit également avec l'évolution du célibat urbain. Le coût
modéré de la restauration informelle fait préférer aux personnes
seules ou éloignées, ce mode d'alimentation à la consommation au
domicile (1).

2 - La restauration de détente

La restauration de détente, qui n'offre ses services


que dans l'après-midi et le soir, semble plus sélective que celle
dite utilitaire. Elle conserve néanmoins un marché important et,
à Abidjan, la plupart des consommateurs interrogés déclarent

venir y passer quelques moments de loisir en compagnie d'amis.

Favorisant plutôt une alimentation en groupe, celle-ci s'est

surtout développée pendant les années 70, lors de l'essor écono-

mique grâce à l'élévation du pouvoir d'achat.


Malgré qu'avec l'informel alimentaire, nous nous si-
tuons d'emblée dans le champ de la consommation, l'analyse des
pratiques alimentaires semble offrir des différences objectives
dans le rapport à la nourriture.

(1) cf. M.' Odeye, N. Bricas. A propos de l'évolution des styles


alimentaires à Dakar in Nourrir les villes, Ed. L'Harmattan
1986; p. 191.

193
Dans l'informel alimentaire, il n'est pas possible de
dégager des indicateurs pour construire une hiérarchie sociale
des consommations à cause de la standardisation du menu; c'est
plutôt dans les pratiques alimentaires et dans le rapport à la
nourriture que les marques de distinction et d'appartenance
sociale s'édifient, mettant ainsi en exergue les différences
d'origine socio-professionnelle (cadre/ouvriers etc ... ) des
consommateurs.
Si l'informel alimentaire est en général connoté comme
structure de restauration des "économiquement faibles", il faut
néanmoins préciser que tout l'informel alimentaire n'est pas
populaire. Les lieux communs sur le nivellement social des con-
sommations alimentaires ne résistent pas à l'analyse des données.
L'espace social alimentaire, au fil du temps, est devenu un
ensemble organisé, un système de positions sociales dans lequel
se manifestent des pratiques de différences.
Les pratiques alimentaires, dans cet espace social,
semblent autoriser une hiérarchie des consommations ou une ana-
lyse bipolaire :
- d'un côté la nourriture revendiquée dans sa vérité de
substance nutritive avec tout ce qu'elle implique de calories
incorporées et
- de l'autre, la priorité aux formes.
Le rapport à la nourriture dans l'informel alimentaire
a progressivement évolué et peut se comprendre par rapport aux
deux pôles précités correspondant à deux types qualitativement
opposés de comportement alimentaire - la consomamtion vulgaire

194
et - la consommation distinguée.
Le champ de la consommation vulgaire est par excellence

le maquis traditionnel tel que le décrit le sociologue Kouakou


Il
Nguessan François : Local de fortune édifié plus ou moins
sommairement grâce à des cartons d'emballage, de la tôle ondulée,

des rebus de planche et des chevrons de dernière qualité l l (1). Il

est également le lieu d'échanges informels, le lieu où tel

habitué lancera son appel pour un logement économique ou tel


autre fera une demande d'emploi verbale pour un IIfrère" venu du
village, le lieu où les derniers événements politiques et spor-

tifs sont chaleureusement discutés entre clients se rencontrant

pour la première fois. Ici le franc-parler rime avec le "franc-

manger Il qui caractérise le milieu populaire. Les moindres ma-

nières de table sont foulées aux pieds. La soumission au goût de

.nécessité et l'impossibilité de manger ailleurs inclinent les


fréquentateurs de cet espace alimentaire à une esthétique pragma-
tique et fonctionnaliste. L'espace alimentaire lui-même porte les

marques (décor austère et manquant parfois d'hygiène, vétusté de

la vaisselle, tables nues, noircies et brûlées par les mégots de

cigarette des consommateurs ... ) de la précarité. Le choix de ces

lieux de restauration par certaines catégories de consommateurs -

généralement les ouvriers, les chauffeurs de taxi, les élèves,

les employés de bureau, les manoeuvres - peut s'expliquer par les

restrictions imposées par la faiblesse des revenus.

(1) F. Kouakou Nguessan, Les maquis d'Abidjan. Nourritures du


terroir et fraternité citadine, ou la conscience de classe
autour d'un foutou d'igname in Cahiers ORSTOM, série Sc. Hum.
vol. XIX, nO 4, 1983; p. 545.

195
La rencontre du souci de constitution d'une clientèle
plus. solvable chez les restaurateurs et d'un besoin de distancia-
tion chez certains consommateurs ont progressivement favorisé au
sein de l'informel alimentaire un autre type de sous-espace

alimentaire où les formes dans l'alimentation priment sur le goût


de nécessité. L'obligation de manger hors domicile (à midi) pour

certains consommateurs aux revenus et capital culturel plus


élevés ou de conditions socio-économiques plus élevées (les
cadres), le désir d'échanger avec un ami autour d'un plat de
kédjénou dans un "cadre serein" comme l'envie d'échapper à la
routine alimentaire familiale ont progressivement entraîné l'amé-
lioration du cadre de certaines unités de production-vente et
l'émergence d'autres. Dans ces nouveaux espaces, le cadre rudi-

mentaire, l'esthétique pragmatique des maquis traditionnels fait


place au souci de "manger dans les formes (1). Le souci de dis-
tanciation par rapport à la manière populaire de traiter la
nourriture est constant chez cette catégorie de consommateurs.
Ici, on dit être incommodé par le bruit, la lenteur du service,

le manque d'hygiène des maquis traditionnels, la haute tonalité

de la musique. On pourrait dire, avec Bourdieu, que tout ce souci


des formes et ce parti de stylisation qui caractérisent ce sous-

espace de consommation distinguée, tend à déplacer l'accent de la

substance et la fonction vers la forme et la manière (2).


Contrairement aux théories qui présentent les cultures
dominées comme un résidu de la culture dominante, l'informel

(1) P. Bourdieu, La distinction critique sociale du jugement,


Editions de Minuit, Paris 1979, p. 218.

(2) P. Bourdieu, idem, p. 219.

196
alimentaire offre les contre-arguments d'une imitation maladroite
ou attardée du goût alimentaire dominant. Originellement, il sort
des entrailles du mode alimentaire populaire né des contraintes
liées aux limitations du revenu. Ce courant alimentaire est
tellement fort dans le contexte abidjanais qu'il a infléchi
l'''intolérance esthétique" de la classe dominante qui a fini par

en récupérer une partie pour en faire un espace alimentaire


culturellement hybride plus conforme à ses besoins de consornrna-

tian.
Cette conformité aux aspirations alimentaires vient du
fait que les pratiques alimentaires informelles ainsi "récupé-

rées" par la classe dominante font la synthèse entre les habi-


tudes alimentaires (menu africain) et les codes et normes (ma-

ni ères de table) qu'imposent aux membres de cette classe leurs


"titres de noblesse culturelle". Puisque les goûts alimentaires
semblent ici modelés par les différences de pouvoir d'achat, on
comprend dès lors que la subordination de la fonction à la forme
ou la mise entre parenthèse des fins pratiques de l'alimentation
a un prix à payer.

Cette
,
economl.e
. des pratiques alimentaires pourrait

constituer un facteur explicatif des différences de prix observa-

bles pour un même produit dans deux structures identiques de


l'informel alimentaire.

BI Pratigues du crédit et rapports à la clientèle

Quelle que soit la structure, la pratique du crédit

semble être une institution commerciale regissant les rapports

197
consommateurs-restaurateurs. Il semblerait même que l'informel
alimentaire en lui-même ne saurait exister sans elle. 72,5 % des
micro-négociants ont exprimé, au cours de nos enquêtes, la néces-

sité de faire crédit à leurs clients malgré les conflits que

peuvent entraîner les irrégularités dans le remboursement. On

pourrait résumer leurs propos sur la question par cette formule :

"sans crédit, pas de commerce d'aliments". La pratique du crédit

est si généralisée que les micro-négociants qui, dès les premiers


jours ont voulu y échapper, ont été "contraints" de s'y rallier

ensuite pour conserver leur clientèle.

En quoi consiste donc cette pratique? Faute de revenu

régulier et surtout à cause de la fluctuation du pouvoir d'achat,


nombreux sont les consommateurs qui n'arrivent pas à payer comp-
...
tant les repas pris au dehors. La pratique consiste alors a

différer le paiement des consommations quotidiennes à la fin du

mois en cours.
Dans l'I.A. environ 35 % des plats sont vendus à cré-

dit. Le contrat tacite de consommation à crédit est passé au bout

de trois mois environ de régularité du client. Il n'existe aucun

autre moyen de contrainte pour assurer le remboursement que les

pressions personnelles, le rapport de confiance et l'engagement

de la réputation du client qui, avec le temps peut passer de la

fidélité à la "trahison" (1). En l'absence de toute


contrainte
...
institutionnelle, la stratégie des micro-négociants consiste a
renforcer l'obligation morale inscrite dans le rapport de

confiance, soit en rappelant souvent au client agréé l'honneur du

(1) M. Le Pape, Cl. Vidal, Espace abidjanais. Sociographie de la


mobilité in L'Espace géographique, nO 3, 1986; p. 194.

198
bénéfice d'un crédit, soit en l'intéressant aux difficultés de
gestion de l'entreprise liées à ce "temps de crise économique
généralisée", soit en poussant les rapports de sociabilité le
plus loin possible dans l'intimité des clients visite à domi-
cile, participation aux événements heureux et malheureux de la
vie du client.

En règle générale, dans les maquis du midi, le montant

du crédit acceptable est fonction de la durée de fidélité et/ou


du statut socio-professionnel du client. Plus le grade du client
est élevé dans la hiérarchie administrative de son service, plus
les possibilités de crédit sont larges. Il n'est cependant pas
rare, comme le souligne Cl". Vidal et M. Le Pape, d'entendre de la

part des micro-négociants des déclarations sur certains clients

qui n'ont pas respecté les "clauses" du contrat. "Cette façon de


prendre d'autres habitués à témoin rappelle l'obligation de payer
et que toutes les contreprestations fournies par le client sous
la forme symbolique de témoignage de "respect", de "politesse",
de "galanterie", de "gentillesse" apparaissent rétrospectivement
comme purement cyniques, perdant toute valeur, quand l'obligation

de payer n'est pas remplie - ce n'est pas un discrédit de la

personne que visent ces discours mais à obtenir un remboursement

et si possible à rétablir les formes de la bonne foi qui permet-


tent de garder la fidélité" (1).

La comptabilité des créances dans le contexte


abidjanais présentent des similitudes avec ce qu'avait observé
Made Bandé Diouf dans son étude sur la restauration dans la zone

(1) Cl. Vidal, M. Le Pape, op. cit., p. 154.

199
industrielle de Dakar (1). Elles vont des carnets de note (dans
lequel chaque consommateur mentionne son nom, la date et le
nombre de plats consommés), jusqu'à la "confiance aveugle" en
passant par la "comptabilité sur mur (tirait - sur les murs de la
gargotte - correspondant à chaque repas quotidien non payé
comptant) .
La personnalisation des rapports commerciaux entre
consommateurs et vendeurs - par le biais du crédit - présente des
intérêts certains pour les deux parties. Au-delà de la
possibilité de se nourrir quotidiennement sans être obligé de
débourser à chaque repas, les premiers réussissent quelquefois à
obtenir un dépassement de la mesure normale, comme une sorte de
prime à la fidélité. Les seconds tirent avantage de la stabilisa-
tion de quelques clients qui, dans le contexte de concurrence
intense caractérisant l'artisanat alimentaire, constitue un avan-
tage non négligeable. Tout comme la pratique du crédit, la modi-
cité des prix des repas constitue un atout de l'artisanat alimen-
taire. Mais avant d'aborder les facteurs conditionnant la forma-
tion de ces prix, nous nous intéresserons à la nature des plats
offerts.

(1) M.B. Diouf, Les restauratrices de la zone industrielle de


Dakar ou la guerre des marmites. Cahiers d'Etudes Africaines
1981-1982, XXI, 1-2 p. 239.

200
Section 2 NATURE, MESURE ET PRIX DES PLATS CONSOMMES

AI Nature des plats consommés en alimentation extérieure

Tableau nO 29 Importance des plats extérieurs par strate

unité en % vaeur totale

1 Nom du plat Abidjan Autres villes Milieu rural1


1 1
1 1
1 Plat de riz 21,24 26,27 9,09 1
1 1
1 Plat de maïs 1,39 2,21 7,00 1
1 1
1 Plat de mil 1 ,20 0,12 0,67 1
1 1
1 Pâtes alimentaires 3,43 3,82 0,33 1
1 1
1 pâtes de manioc 10,67 12,71 10,60 1
1 1
1 dont attiéké 8,69 5,77 1,49 1
.1 1
1 Pâtes d'igname 4,81 10,42 37,17 1
1 1
1 Pâtes de tarot 0,53 0,83 1,94 1
1 1
1 Pâtes de plantain 9,88 11 ,10 9,86 1
1 1
1 pâtes de légumes 1,65 1,09 0,32 1
1 1
1 Viandes poissons 6,34 3,33 1,12 1
1 1
1 Café-lait 18,55 7,48 0,24 1
1 1
! Sauces 13,97 19,22 20,18 1
1 1
1 Divers 6,37 1,32 0,59 1
1 1
1 Total % 100,00 100,00 100,00 !
1
1 Valeur 20.094 8.340 33.400
1

Source EBC 79 nO 1 .

201
Si nous nous référons aux résultats ci-dessus, et plus
particulièrement à ce qu'ils nous donnent comme éléments sur

l'importance par strate des plats consommés à l'extérieur, on

constate que les plats les plus consommés à Abidjan sont, par
ordre d'importance décroissante: les plats de riz (21,24 %), le

"café complet" (18,55 %), les sauces (13,97 %), les plats de
banane plantain (9,88 %), l'attiéké (8,69 %) et'enfin les gril-

lades de poisson et de viande (6,34 %).


Un comptage des plats consommés par jour et par

structure d'alimentation nous montre la diversité des possi-

bilités qu'offre l'artisanat alimentaire et la répartition des

plats servis.

. Les plats à base de riz

De toutes les céréales, le riz semble être la plus

consommée en alimentation extérieure. Il entre dans la prépara-

tion de cinq plats très appréciés par les consommateurs, à savoir

le riz cuit à l'eau, le yassa, le tiep'djen, le riz gras et la

bouillie de riz. Il est plus consommé sous la forme cuite et

représente en moyenne 46,34 % du nombre de plats servis par les


maquis du midi devant l'attiéké, le foutou de banane et d'igname

(respectivement 25,36 %, 19,02 % et 9,26 %). Cette importance du

riz relève du fait que son mode de préparation n'exige pas une

rupture brutale avec les habitudes alimentaires spécifiquement

ivoiriennes (accompagnement du produit de base par la sauce).

• Les plats à base de banane plantain


L'exploitation de la banane plantain par l'artisanat

alimentaire reste aussi diversifiée que celle du riz. En accompa-

202
gnement, elle est présentée dans les restaurants du midi sous
forme de foufou et de foutou. Les restaurants ambulants et sur
table mobile la servent cuite à l'eau ou braisée. C'est sous
forme d'alloko (plat de banane plantain découpée en petits mor-
ceaux et frite à l'huile, parfois accompagné de poisson, de
brochettes ou d'oeufs et assaisonné avec du piment) que la banane
,
plantain est la plus consommee. Elle constitue le goûter
principal de la population abidjanaise.
La banane plantain, selon l'EBC 79, fait partie des produits qui,
à l'examen des chiffres de consommation par tête, sont le plus
consommé tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Etant un
produit très intégré dans les habitudes alimentaires en Côte-
d'Ivoire, sa consommation garde toute sa force en milieu urbain,
aussi bien en alimentation domestique qu'extérieure.

• Les plats à base de maïs


Le maïs est peu consommé en alimentation extérieure. Il
n'entre que dans la confection de deux plats: la pâte et le
maïs en épis grillé ou cuit. Il ne doit sa présence qu'à quelques
restauratrices sur tables mobiles (maïs grillé) et aux rares
maquis bénino-togolais qui conservent la pâte (owo ou akoumè)
dans leur menu pour le bonheur de leurs compatriotes. Une moyenne
quotidienne d'environ 12 plats de pâte de maïs est servie par ces

derniers maquis contre environ 30 plats de riz et 15 plats


d'attiéké.

• Les plats à base de mil


Encore plus rare que le maïs, le mil qui est un aliment

203
de base des populations du nord-ouest n'intervient que dans' la
préparation d'un seul plat, la bouillie de mil, servie essentiel-

lement par les restauratrices sur table mobile et les ambulants.

• Les plats à base de céréales importées

Ce sont essentiellement le couscous de blé et les


spaghettis et de petits pois. Ils sont consommés en alimentation

extérieure dans les kiosques. La rapidité de leur préparation est

bien adaptée aux conditions de vie urbaine et leur disponibilité

est plus grande en ville. Quelques restaurateurs du midi l'intè-

grent dans leur menu. Mais il faut préciser que leur consommation

reste marginale par rapport à celle du riz et de l'attiéké. Ils

constituent, dans les structures qui les commercialisent environ,

respectivement 7 % et 9 % du nombre de plats servis.

• Les plats à base de manioc


L'attiéké et l'attoukpou sont les formes dominantes
sous lesquelles le manioc transformé se consomme en alimentation

extérieure à Abidjan. L'attiéké est présent dans presque toutes

les structures informelles d'offre alimentaire. L'EBC 79 signale

l'essentiel de sa consommation en alimentation extérieure. Seule,

la restauration ambulante ne se prête pas à la vente de ce


produit. En consommation extra domestique, il constitue le prin-
cipal concurrent du riz sans toutefois atteindre le niveau élevé

de consommation de ce dernier.

• Les plats à base d'igname


L'igname est diversement présentée d'une structure à

une autre. Les restaurateurs sur table l'offrent braisée ou

204
frite. Les maquis du midi la présentent en fout~u ou en ragoût.
Elle est moins consommée que le foutou de banane, l'attiéké et le
riz et ne représente dans les maquis du midi que 9,25 % des plats
consommés.

. Plats à base de pomme de terre


La pomme de terre est présente en alimentation hors

domicile sous forme frite et de ragoût. Frite, elle est consommée


dans les maquis "distingués" de la soirée ainsi que dans les
kiosques. Le ragoût de pomme de terre est, quant à lui, servi
dans les restaurants-bars et les espaces-restaurants. Mais la
clientèle ·limitée de la pomme de terre et son extériorité par
rapport aux habitudes alimentaires locales, rend sa consommation
marginale. Dans les restaurants en établissement par exemple,

elle est le plat d'accompagnement le moins consommé.

. Les sauces
Une grande variété de sauces accompagnent les plats
tels que le riz, les foutous, les foufous. Les plus consommées en
alimentation extérieure sont au nombre de cinq sauce arachide,

sauce aubergine, sauce graine, sauce gombo et sauce claire. A


l'exception de la sauce claire et du kédjénou, elles tirent leur

appellation du nom de leur produit de base, généralement des


légumes, des noix ou des graines. Ainsi on dit "sauce aubergine"

pour une sauce dont les légumes dominantes sont des aubergines,
"sauce graine" pour une sauce à base d'huile de palme. Dans ces
sauces, on note une prédominance de viande d'élevage et de pois-

son de mer.

205
L'importance de la viande de boeuf est ici notoire.
. .
Bien qu'étant un produit de luxe, sa sur-consommation s'explique

par le fait qu'elle est meilleur marché que les ovins, caprins ou
volailles qui demeurent des aliments réservés aux jours de fête
ou aux "extra" en restauration extérieure.
La production nationale de viande de boeuf ayant peu
augmentée depuis 1979 comme l'indique l'EBC, la croissance des
importations reflète donc celle de la consommation, notamment
extérieure. La même remarque peut s'appliquer à la consommation

de poisson de mer en raison de son prix sensiblement plus faible

que celui de la viande.


Le gibier, très consommé en milieu rural, reste ici une
viande très rare dont la consommation, minoritaire à Abidjan,

justifie un supplénent depuis en alimentation extérieure. Par


ailleurs, les citadins ne peuvent guère y compter en raison de
l'insuffisance de l'offre et de sa chereté.

• Autres plats
Entre autres spécialités de l'artisanat alimentaire, on
pourrait citer le "petit pois" (plat à base de conserves des
légumes de petits pois, caractérisé par une forte proportion de

viande - 19-23 %), la salade, l'omelette, le "café complet", les


macaronis, le tout accompagné de pain. Les kiosques gardent le

monopole de ce type de consommation.

Les viandes grillées (brochettes) sont aussi une


spécialité de l'informel alimentaire, offertes surtout dans les
espaces-restaurants et les. restaurants ambulants.
Parlant des plats consommés en alimentation extérieure,

206
on doit signaler une forte émulation entre l'industrie agro-
alimentaire locale s'orientant de plus en plus vers le marché
intérieur et le secteur artisanal, très dynamique. La régulation
est ici faite par les consommateurs qui exigent du premier la
"conformité du goût" et la similitude avec les produits auxquels
l'a habitué le second. A titre d'exemple on peut citer, entre
autres, la sauce graine de Blohorn-Unilever, et l'attiéké
"industriel" dont les procédés de fabrication industrielle
n'ont pas encore donné de résultats concluants au plan
économique (1).
Quant à l'offre de l'informel alimentaire, la stratégie
des prix semble présenter quelques uniformités malgré la
diversité des situations .

.B/·stratégies des prix à la consommation

Au-delà des questions de concordance entre l'offre et


les habitudes alimentaires, la raison majeure qui fait préférer
l'informel alimentaire aux autres modes de restauration (cantine,
alimentation à domicile ... ) est la possibilité de consommation à
prix modéré et parfois à paiement différé. La présentation d'une
moyenne des prix des plats les plus consommés dans les restau-
rants en établissement nous en donnera quelques éléments
d'appréciation.
(1) G. Courade et alii, Evaluation des habitudes à la
consommation des produits alimentaires en côte-d'Ivoire;
vol. 1. Synthèse, résumé, recommandation, ORSTOM-MSA Paris,
1988, p. XII.
(2) R. Kouassi, L'industrie alimentaire. L'igname vaincue.
"Bonfoutou" (conserve) présenté à la presse Fraternité-
Matin/vendredi 13 Janvier 1989, p. 6.

207
Tableau nO 30 Prix moyens des plats consommés dans les maquis,

kiosques et restaurants-bars

Plats Prix moyens

Maquis

· plat de riz/foufou/foutou/placali - sauce - viande


de boeuf . 300 F
· plat de riz/foufou/foutou/placali - sauce - viande
de brousse . 500 F
• plat de riz/foufou/foutou/placali - sauce - poisson
frais . 350 F
,
· p01sson b "
ra1se . 600 F

· kédjénou 1.900 F
Kiosques

· "Thé au lipton 'l ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 75 F


· "Café noir" . 50 F
· "Café complet" . 125 F
• "Ca fe' comp l e t - pa1n
' beurre,,, . 150 F
· 1 plat d'omelette 250 F
(possibilité de consommation d'un demi plat à moitié prix)

· 1 plat de spaghettis 300 F


(possibilité de consommation d'un demi plat à moitié prix)

• 1 plat de viande - petits pois .................•.... 500 F


(possibilité de consommation d'un demi-plat à moitié prix)

• 1 plat de petit pois au foie de boeuf ........••..... 500 F


(possibilité de consommation d'un demi plat à moitié prix)

Restaurants-bars
,
· T 1ep 'd'J en . 350 F

• Yassa •.••.•.........................•..•......••.... 350 F

• Couscous-viande/poisson 400 F
• plats ivoiriens (sauces + accompagnement) 300 F

208
Ces prix sont soumis aux lois d'un marché concurrentiel
sur lequel la grande majorité des micro-négociants n'exerce

aucune influence.
Même les fluctuations du prix des denrées alimentaires,
qui devraient normalement se répercuter sur le coût de produc-
tion, influencent difficilement les prix des repas. Une enquête
réalisée par le CIRES sur les prix des vivriers.à Abidjan nous

montre qu'entre le 4 et le 27 avril 1984, le prix moyen de la


banane plantain est passé de 105,2 F.CFA/kg à 229,2 F.CFA/kg,
soit une augmentation de 118 %, et cela plusieurs fois dans
l'année. Pourtant le prix du foutou n'a pas été révisé à la

hausse dans les autres maquis en 1984. Une autre étude sur les
prix de détail de six produits vivriers sur trois marchés relève
aussi en 1985 ces fortes fluctuations quotidiennes et saison-
ni ères (1). Malgré cela, pour diverses raisons, les prix de
consommation des plats sont fortement maintenus par les
mécanismes du marché informel alimentaire. C'est surtout la forte
densité des points de vente qui contraint les offreurs à réduire
le prix de vente au minimum, à la "limite du tenable" en dessous

de laquelle, sauf rares exceptions, ils ne pourront plus


descendre. Ces prix très compétitifs relèvent d'une logique d'ac-

ceptation de marges bénéficiaires très faibles, corrolaire du

souci de subsistance conditionnant la rationalité commerciale

d'un bon nombre d'acteurs. Précisons que cette barre "limite du


tenable" reste supportable grâce à la flexibilité des circuits

(1) Marie-célestine Anani, Les prix de vente au détail des


principaux vivriers à Abidjan en 1985. Rapport de stage.
CIRES, 1986, p. 3.

209
d'approvisionnement et surtout au recrutement d'une main-d'oeuvre

à bon marché et à la disponibilité à bon prix des produits de

grande consommatin importés.

La part de l'informel alimentaire dans l'ajustement du

coût d'entretien de la puissance du travail au niveau général des

revenus est ici évidente au regard de l'évolution du niveau

général de consommation, fortement affecté depuis quelques années

par l'inflation en milieu urbain.


Rappelons la stagnation des revenus monétaires des

ménages de 1978 à 1980 et sa baisse de 9 % enregistrée entre 1980

et 1985. Notons également l'impact de ces chutes de revenus sur


la consommation. Le rapport Duruflé faisant déjà remarquer que la

consommation finale des ménages au sens de la comptabilité natio-

nale aurait baissé de 8 % en francs constants entre 1980 et 1985,

ce qui ramène à l'ordre de 30 % la baisse de la consommation

finale par tête.

L'inflation en milieu urbain résultant essentiellement

de la hausse des prix des produits alimentaires pèse encore plus

lourd sur ces revenus déjà stagnant (1). Cette évolution est plus

marquée pour la consommation de type africain que pour celle de


(1) Selon les travaux effectués par des chercheurs du CIRES, la
hausse des p:ix des produits alimentaires africains ces
dernières annees s'expliquent par le changement de la
provenance des grands produits tels que la banane plantain et
le manioc et la hausse du coût de transport et de collecte.
Les centres urbains sont, du fait du déplacement de la boucle
de cacao, de plus en plus approvisionnés par un commerce de
longue distance, avec comme pôles principaux, Divo, Gagnoa,
Soubré soit en moyenne 330 km contre 164 km pour la région du
sud-est. La distance à parcourir pour approvisionner Abidjan
a donc pratiquement doublé. Le Sud-est n'a certes pas cessé
de ravitailler Abidjan mais le fait dans une moindre mesure
cf. Tano Kouadio, Approvisionnement d'Abidjan en banane plan-
tain et structure des prix du circuit longue distance, CIRES,
doc. ronéo, Abidjan 1984.

210
type européen. Selon le rapport de la Banque Centrale des Etats
de l'Afrique de l'Ouest entre 1986 et 1988, elle se présente

comme suit

Tableau nO 31 Evolution des indices de prix de consommation


générale et alimentaire entre 1986 et 1988

1 1 Indice général 1 1 Indice alimentation 1


1 1---------------------11--------------------1
1 87/86 1 88/87 (*) I l 87/86 1 88/87 (*)1
1 1 1 Il 1 1
! Consommation type ! 1 11 1 1
1 africain ( 1 ) 1 + 6,9 1 + 8,6 ! 1 +11,9 1 + 15,9 1
1 ! 1 11 1 1
1 Consommation type 1 1 1! 1 1
! africain (2) ! + 5,2 ! + 7,3(3) ! 1 + 6,6 1 + 19,7 !
1 ! 1 11 1 1
1 Consommation
, type 1 1 11 1 1
1 europeen ........
! + 2,1 1 + 2,7(4) 11 + 2,0 1 + 3,5 1
1 1

Source Bulletin de l'Afrique Noire, nO 1442 du 23 février 1989

Le glissement de la consommation surtout vers les pro-


duits de moindre prix qui s'en suit re-valorisent la production
alimentaire informelle qui, par les pressions multiples, répon-
dent à cette demande alimentaire au pouvoir d'achat en
déliquescence.

Néanmoins, une grande prudence doit être observée dans


l'analyse des prix des repas. Il peut arriver que, pour un même
repas, les prix varient d'un quartier à un autre, d'une unité de

(1) Chef de famille: ouvrier ou employé qualifié.


(2) Chef de famille, cadre, chef d'entreprise ou profession
libérale.
(*) Moyenne du premier semestre 1988 par rapport au premier
semestre 1987.

211
production-vente à une autre, voire d'un client à un autre au

niveau d'une même UPV, contrairement à ce que pense Lootvoët (1).


Nous reviendrons sur cet aspect dans l'analyse des facteurs de

formation des prix de vente.

Si nous ne partageons pas l'avis de Lootvoët selon

lequel "Dans la restauration ••• , la clientèle· a une connaissance

précise des prix pratiqués et [que] ceux-ci ne fluctuent pas d'un

établissement à un autre, d'un client à un autre", nous sommes

plutôt d'accord que "Les artisans négocient leurs prix de vente

sous deux contraintes qui ne leur échappent pas: leurs coûts de

production et l'offre qui s'exprime sur le marché" (2). Nous

ajouterons à ces "deux contraintes" l'objectif socio-économique

qu'ils se sont consciemment fix~. Nous pensons donc, avec

Lootvoët, que même s'il arrive qu'un artisan produise et vende à


perte, on ne peut en inférer qu'il est irrationnel. Cette déci-

sion n'est prise qu'en cas de force majeure (impérieuse nécessité

de trouver un peu d'argent pour nourrir sa famille par exemple)

et l'acteur a parfaitement conscience que le prix de vente est

inférieur au prix de revient.

Aussi, quelles que soient les variations


. ...
sal.sonnl.eres

que connaissent les prix des matières premières, les prix restent

régis par le jeu de la concurrence, chaque vendeur craignant une

perte de clientèle en relevant ses prix. Les artisans compensent

- partiellement - les variations à la baisse du bénéfice consécu-

tive
.
a l'élévation du coût des matières preml.eres par un ajuste-
...
ment de la qualité des denrées et/ou un changement des unités de
( 1 ) B. Lootvoët, op. cit ... p. 251.

(2 ) B. Lootvoët, Idem .. p. 254 ..

212
mesure pour un même prix ce qui compense légèrement le manque à
gagner. Pour le même prix, on peut être amené à constater une

diminution prudente du volume habituellement servi. Mais le fait


que la plupart des régimes alimentaires africains mettent avant

tout l'accent sur la quantité consommée (1) rend très délicate


cette opération d'ajustement.
La modicité du prix à la consommation, dans l'informel
alimentaire, est un outil concurrentiel essentiel. Il détermine
aussi bien les stratégies d'offre que les motivations sociales de

la consommation.
Si, dans la plupart des cas, le marché concurrrentiel
fait la loi des prix, quelques marges de liberté sont exploitées
par certains acteurs. Les variations des prix pour un même pro-

duit en sont une preuve. Mais comme nous le précisions, aucun


micro-négociant n'échappe à la fixation du prix de vente en
fonction du coût de production. C'est au-delà de cette règle

universelle qu'entrent en jeu les différents facteurs condition-


nant les stratégies des prix. Nous tenterons une analyse de
celles-ci à partir de l'exemple des maquis.

Trois facteurs, à notre avis, expliquent cette variation


des prix pratiqués .

• Le niveau d'investissement

Comme nous le mentionnions dans le chapitre sur l'éva-


luation du capital de démarrage, les niveaux d'investissement

(1) Cl. Savary, Les aspects culturels de l'alimentation en


Afrique, nourriture et culture en Afrique de l'Ouest. Genève-
Afrique, nO , p. 100.

213
dans l'informel alimentaire restent très variables. Les straté-
gies de prix des plats semblent dépendre du niveau capitalistique

des UPV. Ceci explique les différences de prix entre deux UPV
pour un même repas. Pour un investissement supérieur à 500.000
F.CFA, les prix sont supérieurs à près de 45 % des prix générale-
ment pratiqués. Par exemple un plat de riz-sauce arachide
poisson, qui coûte généralement 350 F monte jusqu'à 500 F.CFA

dans les maquis dont l'investissement excède 500.000 F.CFA. Quel-


ques acteurs expliquent ce choix de niveau d'investissement et de

stratégie des prix élevés comme une façon de sélectionner la


clientèle pour ne réserver l'accès du maquis qu'aux consommateurs
les plus solvables, c'est-à-dire à ceux dont le pouvoir d'achat
est plus élevé.

• Les denrées intermédiaires rares

Les denrées ayant servi à la confection de certains


plats peuvent influencer le prix de ces plats. Les exemples des
viandes de gibier, de certains poissons considérés comme nobles
(méroux, vérégates) sont éloquents à ce propos. Leur rareté

détermine le prix élevé. Ceci explique les différences de prix

entre un repas à la viande de boeuf et un autre à la viande

d'agouti •

• La situation géographique des UPV

La situation géographique des UPV intervient aussi dans


la formation des prix des repas. Plus le niveau socio-économique
du quartier est élevé et plus le prix des repas montera. D'une
façon générale, les maquis sis dans les quartiers
.
al.ses
,
comme

214

. -..
Cocody, Riviera n'offrent pas leurs repas au même prix que ceux
des quartiers populaires comme Koumassi, Marcory ou Treichville.
Cette différence peut s'expliquer d'une part, par les différences
de pouvoir d'achat selon les quartiers et, d'autre part, par
l'incorporation des frais de transport dans le coût de production
(par exemple, 94,2 % des restaurateurs du Plateau proviennent des

communes périphériques. Leur accès au lieu de travail et le

transport du matériel de production ou parfois des produits


préparés nécessitent la location d'un moyen de transport.

CONCLUSION PARTIELLE

Le prix des repas semble être le principal instrument


économique autour duquel s'articulent toutes les stratégies de

production-vente des acteurs de l'informel alimentaire. Autour de


lui donc, s'organisent toutes les pratiques de différenciation
sociale hors domicile en matière de consommation alimentaire.
Tous les atouts communautaires sont reconvertis ici par les

acteurs pour son abaissement, structure du marché oblige. Mais on


pourrait toujours se demander, toute proportion gardée et compte

tenu de la situation du marché de l'alimentation informelle si


l'acceptation d'un maigre bénéfice, justifiant ces bas prix pra-

tiqués dans la plupart des UPV, ne constitue pas à long terme une

grave limitation pour l'expansion des entreprises.

215
Chapitre VII

RENTABILITE DES OPERATIONS COMMERCIALES, COMPORTEMENTS DE

CONSOMMATION ET D'EPARGNE DANS L'INFORMEL ALIMENTAIRE

Ce chapitre analyse essentiellement les répercussions

sociales des activités économiques sur les ménages des chefs

d'UPV. Il s'agira d'abord d'apprécier les revenus tirés de l'in-

formel alimentaire pour ensuite voir leur utilisation dans les


,
menages.

Les niveaux de revenu et de vie des ménages montrent


les limites de l'I.A. à subvenir aux besoins des ménages. On peut

comprendre ceci comme l'impact de la concurrence dûe essentiel-

lement à l'entrée de nouveaux candidats dans ce secteur. A partir

donc du cas de l'I.A., les capacités du secteur informel à com-

penser les effets de la contraction économique à Abidjan semblent

fortement interrogées.

. '.
Section l - APPRECIATION DU REVENU NET PAR CATEGORIE DE RESTAURANT

Comme le font remarquer la plupart des analystes de

l'informel, l'appréciation du revenu des petits producteurs n'est

pas chose aisée à cause des difficultés d'obtention et d'inter-

prétation des données. La réticence des personnes interrogées à


fournir des renseignements qui pourraient se retourner un jour

contre elles et la fluctuation des chiffres d'affaires expliquent

ces limites. Cette opération nécessite donc une extrême

délicatesse.

AI Méthodes d'évaluation directe et indirecte des revenus

La stratégie adoptée a été inspirée de la méthodologie

de J.P. Lachaud relative aux travaux sur le secteur informel à


Abidjan et à Yaoundé (1). Mais la spécificité de l'informel
alimentaire nous imposait une adaptation de cette méthode.

En effet, deux méthodes différentes ont été utilisées


dans l'évaluation du chiffre d'affaires des UPV. Mais avant

celles-ci l'adaptation du langage au niveau de compréhension des

enquêtés était la première précaution méthodologique pour s'as-

surer de l'uniformité de ce qu'on attendait d'eux et de ce qu'ils

apportaient comme informations. Il était demandé aux chefs d'UPV

combien ils gagnaient lorsqu'ils estimaient avoir "beaucoup", "un

peu" ou "pas du tout" vendu. De ce fait, nous disposions de trois

( 1 ) J.P. Lachaud, Recherches méthodologiques sur le secteur


informel à Abidjan et à Yaoundé in Vivre et survivre dans les
villes africaines. Sous la direction de J. Deblé et Ph.
Hugon. Ed. PUF, 1982; pp. 240-255.

217
niveaux d'évaluation du revenu brut. Ces trois niveaux correspon
daient, dans notre grille d'analyse, au revenu brut maximum (Rb
max), au revenu brut moyen (Rb moy) et au revenu brut minimum (Rb
min). Puisque la fourniture des renseignements sur les revenus
exige un effort de mémoire de la part des personnes interrogées,
nous les laissions déterminer la périodicité (jour, semaine,
mois) qui semblait le mieux leur convenir pour évaluer leur
production et leur revenu. Sur ce point, le questionnaire était
donc satisfaisant. Dans 51,2 % des cas, c'est la semaine qui
était choisie comme période de référence. Dans les deux autres
cas (jour, mois) nous demandions à nos enquêteurs de ramener les
calculs sur une base hedomadaire, le revenu mensuel étant obtenu
par un si~ple calcul
Rb mens = 4 (Rb max + Rb min + Rb moy).
3

La deuxième méthode consistait à choisir dans chaque


catégorie de restaurants, trois uPV-types que nous suivions de
près pendant trois semaines. Notre objectif était de suivre
l'évolution des recettes qui, comparées aux déclarations des
chefs d'UPV, devaient nous permettre de contrôler les risques de
sous ou sur-évaluation des chiffres d'affaire. Sur les 21 uPV

dont nous avons directement suivi l'évolution comptable, 2 seule-


ment avaient sur-évalué leur revenu brut. Nous avons constaté
plus de cas (15) de sous-évaluation dont le taux peut être estimé
à environ 5 %. Pour nous prémunir contre les biais liés à cette
sous-évaluation du revenu, nous avons recalculé le revenu brut·
mensuel en tenant compte du taux de sous-évaluation constaté
Rb mens' =4 (Rb max + Rb min - Rb moy) + 5 % (Rb men).
3

218
c'est après l'obtention du chiffre d'affaires de l'UPV
que nous avons procédé au calcul du revenu net ou· résultat net
d'exploitation, à savoir le chiffre d'affaires moins le coût des
matières premières et les charges d'exploitation.
Le chapitre sur les charges des UPV intègre essentiel-
lement la fiscalité, le salariat et les frais connexes
d'exploitation.

1 - La fiscalité
Elle est constituée par les taxes de place et les
petites patentes recouvrées par les services municipaux. Aucun
des chefs d'UPV n'y échappe même si parfois des arrangements avec
les agents percepteurs sont possibles au grand dam des budgets
municipaux.

La nature et le montant de ces taxes varient selon les

catégories de restaurants. Les restaurants sur table mobile s'ac-


quittent généralement d'une taxe de place journalière qui, elle-
même, varie d'une commune à une autre. Elle oscille entre 200 et
400 F.CFA/jour soit 6.000 F à 12.000 F/mois. Les espaces-
restaurants, les restaurants spontanés et les kiosques payent,

quant à eux, une taxe proportionnelle à la surface occupée, qui


est en moyenne de 300 F/m2/jour. Précisons que ces taux sont
variables car chaque commune les fixe en fonction de son niveau
socio-économique. Les maquis et les restaurants-bars payent aux

mairies une taxe forfaitaire annuelle moyenne de 23.000 F.

2 - Les salaires
Dans l'analyse des caractéristiques de la main-d'oeuvre
nous avons observé la marginalité du salariat (2,9 %) par rapport

219
à l'emploi des aides familiaux dont le poids dans le secteur
informel alimentaire est important.
Quelques 5 UPV (3 maquis et 2 restaurants-bars) em-
ploient les 17 salariés que nous avons recensés. Ces rares cas de
salariat sont le fait des unités économiques les plus
capitalisées et ayant le niveau de production plus élevé. Ces
recrutements de salariés, fondés surtout sur des raisons utili-
taires (- accroissement de la taille de l'entreprise - exigence
d'une clientèle croissante), absorbent environ 12 % du revenu
brut des UPV concernés.

3 - Les charges connexes


Elles intègrent les charges locatives, les frais
d'électricité (surtout pour les maquis, les kiosques, et les
restaurants-bars), les combustibles (gaz, charbon, bois), le
transport des personnes et des marchandises. Suivant leur niveau
d'équipement des UPV, ces éléments entrent diversement dans les
charges d'exploitation.
Dans 73 % de cas, les restaurateurs en établissement ne
supportent aucune charge locative, car ce sont généralement des
locaux appartenant à la famille qui sont mis en exploitation. Ce
non paiement de loyer contribue ainsi à la minimisation du coût
de production et, par conséquent, à l'élévation du revenu de
l'artisan.

On peut estimer, en moyenne, l'ensemble des charges


,
d'exploitation a environ 25 % du revenu brut des maquis, des
kiosques et des restaurants-bars, 20 % du revenu brut des UPV des
espaces-restaurants et 15 % du revenu brut des restaurants sur

220
table mobile et des restaurants spontanés. Les restaurants ambu-

lants n'ont presque pas de charges connexes sinon les quelques

rares paiements de taxes municipales journalières, quand ils sont

surpris autour des places des marchés.

Disons que, toutes déductions faites du chiffre d'af-

faires, le revenu net obtenu est la rémunération imputée des

chefs d'UPV. Il est difficile de dégager un bénéfice net

comptable, calculé sous forme de différence entre le bénéfice et

la rémunération imputée des chefs d'UPV car la gestion comptable

semble ne guère s'y prêter.

BI Résultats d'exploitation

Pour une meilleure analyse de la distribution du chif-

fre d'affaires au sein de notre échantillon, il est nécessaire de

répartir les données par catégorie de restaurant. Cette opération

est mise en évidence par le tableau suivant.

Tableau n' 32 Distribution des chiffres d'affaires mensuels par

catégorie de restaurants

!Resto sur! Espace !Restau- Restau- !


Maquis ! Resto· ! Kiosque! table ! restau- !spontané ! aJIbulant !
! bar! ! Ilobile ! rant ! ! !
_____________ ! ! J ! ! _
50.000 - 99.999 ! 32 7 8 21
100.000 - 199.999 ! 3 16 29 24
200.000 - 299.999 ! 8 11 10 3 39 7
300.000 - 499.999 ! 10 4 14 3
500.000 - 600.000
! 17
- - - - - - - - !- - - - - - - ------ ---- -----
35 18 24 51 78 39 21

Xen F.CFA : 438.510 266.665 337.499 118.084 202.883 152.563 74.999

221
Notons que, sur la population des 281 chefs d'UPV

interrogés, seulement 266 ont donné des informations sur leurs

chiffres d'affaires, soit un taux de refus de réponse de 6 %. En

ce qui concerne le revenu brut proprement dit, le tableau

croisant les classes de chiffres d'affaires et les catégories de

restaurant met en relief un étirement de la distribution vers les

deux extrêmes. La dispersion des chiffres d'affaires offre une

parallèle avec celle du capital investi. Le potentiel du revenu

brut semblant dépendre étroitement du niveau capitalistique de

l'UPV.

Tableau n . 33 Croisement niveau d'investissement/chiffres

d'affaires

!Niveau d'investissement Chiffres d'affaires


! (N.l. ) (C.A. )

!Maquis , 99.999 <NI ~ 1. 000.000 199.999 < CA ~ 600.000!


!
!Restaurant bar 99.999 <NI ~ 499.999 99.999 < CA ~ 499.999!
! !
!Kiosques 99.999 <NI ~ 499.999 99.999 < CA ~ 499.999!
!
'Resto sur·
table mobile 10.000 <NI ~ 99.999 50.000 < CA ~ 299.999

Espace
restaurant 10.000 <NI ~ 99.999 50.000 < CA ~ 499.999

Restaurant
spontané 10.000 <NI ~ 99.999 50.000 < CA ~ 299.999

Restaurant
ambulant 10.000 <NI ~ 19.999 50.000 < CA ~ 99.999!
!

Le chiffre d'affaires augmente à mesure que le capital

investi s'accroit. On comprend alors que les UPV les plus capita-

lisées comme les maquis, les restaurants-bars et les kiosques

222
concentrent plus de richesse que les autres catégories de restau-

rant à niveau d'investissement plus modeste.

Tout comme dans le cas de l'investissement, on constate

une forte tendance à la concentration du chiffre d'affaires à

l'intérieur de chaque structure de restaurant.

La répartition des effectifs dans le tableau n' révèle

aussi une parallèle entre les niveaux de revenu et de chiffres

d'affaires.

Tableau n· 34 Croisement chiffres d'affaires/revenu net

mensuel

1 1.000 F.CFA
-
o ! 10 ! 30 ! 50 70 ! 90 110 130 150 !170 200!
. Rn ! <!
1 ~ ! ~ ! ~ ~ ! ~ ~ ~ ~ ! ~ et!
! R! R ! R ! R R !R R R R ! R +!
<! < ! < ! < < ! < < < < ! <
C.A. 10 ! 30 ! 50 ! 70 90 !110 130 150 170 !200
! ! ! ! !
50000-99999 9 36! 15 5! - -,- -! -! -
!
100000-199999 46 17 6'- -! -

200000-299999 11 22 17 12 9 ! -

300000-499999 12 13 5 4

500000-600000 -! - -! 2 2
-------- -- -- --'--'-_!- - ' - - -- -'---
9 ! 82 ! 32 ! 22 ! 34 ! 32 ! 24 ! 16 ! 12! 2! 1

La dispersion du croisement CA/Rn m est assez large

pour l'ensemble de la population enquêtée les classes extrêmes

qui ont été retenues sont ~ 50.000 CA ~ 600.000 F.CFA pour le

chiffre d'affaires et 0 < Rn m> 200.000 F.CFA pour le revenu net

mensuel.

223
Le revenu mensuel moyen dans chaque classe de chiffre

d'affaires est de :

50.000 - 99.999 Rn m = 25.367 F.CFA

100.000 199.999 Rn m = 28.333 F.CFA

200.000 - 299.999 Rn m = 99·.487 F.CFA

300.000 - 499.999 Rn m = 114.857 F.CFA

500.000 - 600.000 Rn m = 135.882 F.CFA.

La répartition du revenu net mensuel par catégorie de

restaurant présente encore plus d'intérêt pour notre analyse.

Tableau n° 35 Contingenc~ simple catégories de restaurant/

revenu net mensuel

1 1.000 F.CFA

! Revenu net 0 10 30 50 ! 70 90 ! 110 130 !150 '170 !200


mensuel ( ~ ~ ~ ~ ~ ! ~ ~ ! ~ ! ~ ! et
R R R ! R R R ! R R ! R ! R ! t
! Catégorie ( ( ( ( ! ( ( ! ( ( ! ( ! ( !
! de resta 10 30 50 70 ! 90 110 ! 130 150 !170 !200 !
! - - - -!-- ---- ! - - !--- !- ---
~aquis - ! -2 10 14 4! 2
!
Restaurant-bar - ! - 2 2 8 8! -
! !
Kiosque 8 3 2 - ! -
Resto sur table !
labile 2 26 2 - ! -
Espace-restaurant. 3 30 13 14 7 3 - ! - ! -
!
Resto spontané 2 10 7 6 - ! - ! - !-
!
Resto allbulant 2 ! 16 ! - - ! - ! - ! -
! ---------------
--
9 ! 82 ! 32 ! 22 ! 34 ! 32 ! 24 ! 16 ! 12 ! 2 ! 1 !
- - - - - - - -!

Les unités générant les revenus les plus élevés sont

les maquis, les restaurants et les kiosques (50.000 F.CFA ~ Rn

224
mens < 150.000 F.CFA). Quelques cas de dépassement-de ces limites

ont été observés au niveau de sept maquis et de six restaurants-

bars. Les revenus les plus élevés (170.000 F.CFA ~ Rn mens ~

200.000 F.CFA) ont été constatées chez les tenanciers de maquis.

Un des paramètres les plus significatifs de cette ana-

lyse est la forte proportion (près de 45 %) de chefs d'UPV qui ne

parviennent pas à s'assurer un gain mensuel égal au salaire

minimal garanti (SMIG) ivoirien qui, par rapport au coût élevé de

la vie à Abidjan, est déjà faible. Même en nous élevant dans

l'échelle des revenus, très peu d'acteurs du secteur informel

alimentaire (32,2 % seulement) excèdent la barre des 90.000

F.CFA.

L'examen des données sur le rapport entre revenu net

et niveau d'investissement montre que les gains des chefs d'UPV

les moins capitalisées sont inférieurs au SMIG mensuel qui est

environ de 33.000 F.CFA. L'hypothèse du caractère subsistance de

l'activité semble vérifiée. Le petit commerce des mets préparés

est, dans la majorité des cas, une activité de survie qui, loin

de permettre une accumulation du capital couvre parfois pénible-

ment les besoins minima vitaux de la famille. Les données sur

l'épargne et la consommation des ménages nous le confirmeront.

Section 2 - ANALYSE DES DONNEES SUR LA CONSOMMATION DES MENAGES

D'ACTEURS

Après l'évaluation du revenu tiré de la vente d'ali-

ments, nous nous proposons d'apprécier, l'impact de l'activité

-sur l'environnement social des chefs d'UPV et l'emprise de ces

225
derniers sur leur propre avenir. Pour ce faire, l'analyse de la

consommation des ménages des acteurs et celle de leur épargne

semblent être de bons indicateurs socio-économiques.

Mais avant d'aborder le premier niveau, c'est-à-dire

l'analyse des données sur la consommation, quelques précisions

méthodologiques s'imposent.

AI Préliminaires méthodologiques

Pour l'étude des niveaux de consommation, nous avons

essentiellement axé notre analyse sur la sous-population des

ménages pour lesquels le revenu tiré de l'artisanat alimentaire

constitue la seule composante du budget familial (50,5 %). Ce

choix méthodologique s'explique par la complète disponibilité des

données statistiques dans notre enquête socio-économique sur

cette sous-population.

L'analyse du degré d'intégration du revenu tiré de

l'artisanat alimentaire dans les budgets familiaux aurait pu être

d'un grand intérêt si nous avions pu disposer de données fiables

sur la structure des budgets composites. Nous le signalions plus

haut, le taux très élevé de refus de réponses aux questions de

revenu du conjoint ou des associés, comprises généralement comme

ingérence dans la vie privée, ne nous permettait guère cette

évaluation.

Nous pensons néanmoins que la représentativité des

ménages à un seul actif dont le revenu net correspond au budget

entier des ménages, autorise une analyse valable des comporte-

ments de consommation.

226
Constituée de 142 chefs d'UPV, cette sous-population se

répartit, par rapport à l'échelle des revenus, comme suit:

Tableau n· 36 Répartition de la sous-population à un seul actif

dans l'échelle des revenus

x 1.000 F.CFA

Revenu 10 30 50 , 70 90 110 !130 !150 170 !200


~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ! ~ ~ ! et
R R R R R R ! R ! R R +
< < < < < < < ! < <
Sexe 30 50 70 90 110 130 150 !170 200
----- -----
Femmes 4 17 13 23 21 14 13 1 6 2 ! 1
----- ---! --
!
Hommes 3 ! 14 6 2 1 ! - ! - ! -
2
! --- - - - !- - - - - ---------
TOTAL 7 ! 31 19 25 ! 22 ! 14 ! 13 8 2 ! 1

Une des variables explicatives des attitudes de consom-

mation serait la variation de la taille des ménages. Il s'agit

d'un aspect qu'il faille examiner de près car les fortes diffé-

rences de taille peuvent biaiser l'analyse des niveaux de

consommation.

Nous avons également tenté un regroupement des ménages

d'après le rapport entre le revenu net et la taille des ménages.

Il est évident que plus nombreux sont les individus composant un

ménage, moins important est le revenu par tête.

227
Tableau n . 37 Croisement taille des ménages/revenu net dans les

ménages à un seul actif

x 1.000 F.CFA

10 30 50 70 90 !110 !130 !150 170 !200 1

~ ~ ~ ~ ~ ! ~ ~ ~ ~ ! et
R R R R R ! R ! R ! R R ! +
< < < < < ! < ! < ! < <
30 50 70 90 110 130 !150 !170 200
----
1 membre 7 8 1 3 - ! 19
----!
2 - 3 20 6 7 5 5 ! 1 1 45
- - !- -
4 - 6 3 12 15 13 8 ! 7 5 1 1 65
- - !- -
7 - 10 4 1 ! 5 ! 2 1 - 13
------ - -!-13- !- - ----
TOTAL 7 31 19 ! 25 ! 22 14 ! ! 8 2 ! 1

A la lecture de ce tableau croisé, on constate :

1. que les budgets plus élevés supportent nombre

d'individus plus élevé.

2. En même temps que le revenu s'accroit, la taille du

ménage augmente, ce qui correspond au schéma observé dans les

enquêtes budget-consommation, en Afrique comme en Amérique

Latine. L'augmentation des sollicitations communautaires au fur

et à mesure de l'accroissement du revenu est ici une donnée

capitale.

BI Structure des dépenses de consommation des ménages

Nous nous proposons ici d'analyser la structure et la

nature des dépenses suivant les données recueillies lors de nos

enquêtes socio-économiques.

228
1·) Structure des dépenses des ménages

Notre étude situera ici dans quelles proportions le

budget est affecté aux fonctions de consommation suivantes

alimentation, logement, éducation, transfert d'argent, habille-

ment, soins de santé, loisirs. Le raisonnement se fonde essen-

tiellement ici sur le revenu moyen.

Le tableau suivant donne la structure générale du

budget des ménages.

Tableau n· 38 Structure générale des dépenses des ménages

F.CFA

!Postes de consommation Dépense mensuelle % du budget


! par ménage et par familial
1 mois en F.CFA

- Alimentation 32.850 38,6

- Logement 8.240 21,4

- Education 12.780 15,3

- Transfert d'argent
(épargne - don) 10.120 11,8
- Habillement 5.402 6,3

- Santé 3.799 4,4

- Loisirs 1. 879 2,2

TOTAL X 85.070 100,0

Il ressort de ce tableau que le revenu moyen se répar-

tit de façon inégale entre les postes de consommation ci-dessus

cités.

229
Le poste de l'alimentation se distingue nettement des autres avec

une dépense moyenne de 32.850 FiCFA sur un total de 85.070 F.CFA

soit un coefficient budgétaire de 38,6 %. Les dépenses de loge-

ment arrivent en seconde position avec une dépense mensuelle de

18.240 F.CFA par ménage soit un coefficient budgétaire de 21,4 %.

Nous pouvons avancer ici l'hypothèse d'une surévaluation des

loyers dûe aux déclarations de dépenses fictives de personnes

logées gratuitement par un parent ou un ami. Il faut néanmoins

remarquer que l'alimentation et et logement, à eux seuls, consti-

tuent près de 3/5 du budget des ménages.

Les autres postes de consommation représentent 40 % du budget,

répartis. par ordre d'importance décroissante comme suit

éducation 15,3 %, transfert d'argent 11,8 %, habillement 6,3 %,

santé 4,4 %, loisirs 2,2 %. Notons que l'épargne qui n'est pas

une dépense, mais que nous classons dans la rubrique "transferts"

d'argent par commodité, représente environ 25 % du budget de ce

poste.

* Nature et structure des dépenses d'alimentation

Comme le montrait le tableau n° 32, comparativement aux

autres, l'alimentation est le poste qui absorbe le plus le budget

des ménages. Ceci pourrait s'expliquer prioritairement par la

dislocation du groupe de commensalité qui, du fait des distances,

ne peut se retrouver pour le traditionnel rythme des trois

repas. Selon les résultats de nos enquêtes, le rythme d'un

repas/jour en famille semble le plus fréquent, ayant été constaté

dans 67,8 % des ménages. Seul le repas du soir est pris en

famille. Les dépenses d'alimentation extérieure liées aux deux

230
précédents repas, pris hors domicile, viennent considérablement

gonfler la part du budget affectée à l'alimentation.

De même, le manque d'équipement de conservation des

denrées périssables (3,2 % seulement des ménages à un seul actif

dispose d'au moins un refrigérateur) explique la fréquentation

régulière du marché (tous les jours 44,2 %, tous les 2 jours

47,2 %). Les ménages échappent donc difficilement aux fluctua-

tions des prix des denrées alimentaires sur les marchés,

lesquelles ont forcément des incidences souvent négatives sur

leur budgétisation déjà aléatoire.

Les habitudes de consommation alimentaire sont, comme

dans bien d'autres catégories socio-professionnelles, fortement

liées à l'origine ethnique, au revenu et à la taille des ménages

(cf. EBC79 n· 1). Ces trois variables restent discriminantes dans

la consommation des aliments de base (tubercules, féculents). La

variable ethnique est celle qui détermine le plus les choix

alimentaires. La consommation des plats principaux semble

respecter les spécificités alimentaires ethniques ou régionales

des commensaux, sauf dans le cas du riz dont le prix moins oné-

reux convient aux ménages de taille élevée et donc à bas revenu

par tête.

Le tableau 39 donne la structure détaillée des dépenses

d'alimentation selon les grands groupes de produits pour les 142

ménages de chefs d'UPV composant notre sous-population.

231
Tableau n° 39 Dépenses d'alimentation selon les grands groupes

de produits

!Groupes de produits Dépense par % de la Coefficient!


, d'alimentation ménage dépense budgétaire !
alimentaire! général %
!
Céréales 6.900 21,0 8,1

Légumineuses et condiments 1.000 3,0 1,3

Légumes 938 2,8 1,2

Fruits et noix 1.102 3,3 1,2

!Viandes et volailles 5.010 15,2 5,8


!
!Poissons 2.300 1,5 2,7
!
!Produits laitiers et
! oeufs 700 2,1 0,8
!
!Sucre et produits sucrés 1.200 3,6 1,4
!
!Huiles et corps gras 2.000 6,0 2,4
!
!Boissons et repas à l'exterieur 10.200 31,0 12,0
! !
!Combustibles 1.500 4,5 1,7
!
32.850 100,0

Selon les données du tableau, une part très importante

du budget alimentaire est réservée aux produits alimentaires de

première nécessité et à base calorique céréales 21 %, huile et

sucre 9,6 %. A eux seuls, les produits céréaliers accaparent près

d'un cinquième de ce budget. Les produits riches en protéines

animales (volailles, oeufs, lait, poisson, viande) représentent

24,8 % soit près du 1/4 de ce budget. Dans ce groupe, les viandes

et volailles constituent à elles seules près de 2/3 des dépenses

en protéine animale.

232
Les consommations extérieures, boissons comprises, et les com-

bustibles (charbon de bois, bois, pétrole, gaz) absorbent 35,5 %

des dépenses alimentaires totales.

Une part de 9,1 % des dépenses alimentaires est affectée aux

légumineuses, condiments, légume et fruits, ce qui est une

faible allocation, par rapport aux autres rubriques.

* Nature et structure des dépenses de logement

Le logement est, après l'alimentation, le poste de

dépense le plus important des ménages. Sa part dans le budget

s'élèvant à 21,4 %. Connaissant la cherté du logement à Abidjan,

on comprend aisément les limites du choix qu'impose cette fai-

blesse du budget affecté au logement, comme en témoigne la mau-

vaise qualité des logements occupés.

Par rapport à la typologie de l'habitat établie par Ph.

Antoine, A. Dubresson et A. Manou-Savina, les 142 chefs d'UPV se

répartissent de la façon suivante :

Tableau n' 40 Répartition des ménages à un seul actif dans les

structures de l'habitat

------------------
! Organisation! Opérations ! Habitat Habitat Habitat ! Habitat
! spatiale de ! groupées ! tradition-! évolutif Centre ! spontané
! l' habitat ! ! nel ! urbain ! illégal
!--------------! !
! Hiérarchie! - - - - ----
éconollique ! Nb ! l ! Nb ! l Nb ! l Nb ! l ! Nb ! X
! ! ! ! ! ! ! !
Econollique ! 17 11,9 9 ! 6,3 0,7 - ! - 27
! !
Très économique 9 6,3 9 6,3 42 !29,5 - ! - - ! - 60
! !
SOllmaire 3,5 27 !l9,0 - !- 23 !l6,1 55
- - - -- -- - - - -- - - - - - !- - --- --- ---- !----
! 26! 18,2! 14! 9,8 78 !54,8 ! 1 ! O,7! 23 !16,1!
- - - -!

233
En considérant la ·structure de l'habitat sous l'angle

de la "hiérarchie économique", telle qu'établie par l'enquête

BCEOM-BNETD, à partir de la qualité des matériaux utilisés pour

la construction et les divers équipements du logement, 18,9 %

seulement des chefs d'UPV disposent du minimum d'infrastructures

convenables (meubles, matériel électro-ménager tout au moins

sommaire, adduction d'eau et d'électricité) et une surface suf-

fisante pour le ménage. Les types "très économique" et "som-

maire", qui se distinguent très difficilement sur le terrain,

accueillent respectivement 42,1 % et 38,6 % de notre sous-

population. Le "très économique" recouvre des lotissements dotés

d'un équipement succinct qui se dégrade très vite, tandis que le

"sommaire" regroupe des constructions en dur sans pratiquement

aucun équipement et des constructions en planches, voire en

matériau de récupération.

Au plan "organisation spatiale de l'habitat", notre

sous-population se répartit comme suit :

- opérations groupées, 18,2 %; logements en bandes

réalisés tantôt par des promoteurs privés mais, le plus souvent

par des sociétés publiques comme la SIHCI (Société Immobilière

d'Habitation de Câte-d'Ivoire), la SICOGI (Société Ivoirienne de

Construction et de Gestion de l'Immobilier) et la SOGEFIHA

(Société Ivoirienne de Gestion et de Financement de l'Habitat).

- Habitat traditionnel, 9,8 %, construit sur le modèle

de la résidence ébrié (1).

(1) Ph. Antoine, A. Dubresson, A. Manou-Savina, Abidjan "côté


cours"; op. cit., p. 129.

234
- Habitat évolutif, 54,8 %. Il constitue la plus

ancienne forme d'habitat moderne adoptée par les Abidjanais. Il

peut évoluer progressivement par la construction successive de

nouveaux bâtiments au sein de la cour, ou par la construction

d'étages sur les toitures en terrasses existantes. Cette forme

d'habitat, sise généralement sur des parcelles de 40m x 40m, est

aussi caractérisée par une densification progressive.

- Habitat de centre urbain, 0,7 %. Il est constitué

essentiellement par l'habitat collectif vertical, dont la dispo-

sition s'inspire des réalisations des sociétés immobilières de


standing. Le seul chef d'UPV qui occupe ce type de maison est une

ancienne secrétaire de direction reconvertie dans l'artisanat

alimentaire après avoir été "compressée". La maison a été acquise

à l'époque de son premier emploi.

- Habitat spontané illégal, 16,1 %. Ce sont des

maisons situées hors des lotissements officiels.

La manière dont les logements sont occupés est ici très

variée. Un seul enquêté avait des "titres de propriété" attestant

qu'il était le propriétaire de son logement. La location et la

sous-location impliquant un versement de loyer mensuel étaient la

forme d'occupation la plus fréquente (63,6 %). Le logement à

titre gratuit par la famille est aussi de pratique courante

(11,5 %). Cette prévalence de la location et de la sous-location

chez les micro-négociants est corroborée par les résultats de

l'EBC79 selon laquelle les maisons en location représentaient

81 % du parc du logement d'Abidjan en 1978 et 79 % en 1979.

Le tableau suivant donne la structure détaillée des

dépenses de logement.

235

1 • --
. ...
Tableau n° 41 Structure des dépenses d'habitation

Dépenses par !% de la dépense! % du budget


ménage !d'habitation ! familial
!
!Loyers et charges 9.268 50,8 10,8
!
!Energie et eau 5.103 27,9 5,9
!
!Réparation du logt. 1.208 6,6 1,4
!
!Meubles et accessoires 2.661 14,5 3,1
!
18.240 100,0 21,4

Ce tableau fait ressortir, en premier lieu, que près de

51 % du budget affecté par les ménages au logement sont réservés

au loyer et aux charges connexes. Viennent ensuite les dépenses

d'énergie et d'eau le plus souvent achetée au coin de la rue (cf.

J. Saint-Vil 1983). Les dépenses pour l'acquisition de meubles et

d'accessoires représentent 14,5 %. La part du budget réservée à

la réparation reste très faible et n'atteint qu'à peine les 7 %.

Il faut noter l'effort locatif des ménages (rapport du

montant des loyers et charges versées au revenu qui s'élève à

10,9 %. Ce taux indique bien l'importance que les ménages accor-

dent au logement en y consacrant une part non négligeable de leur

revenu.

* Nature et structure des dépenses d'éducation

L'éducation reste un poste de dépense essentiel

aussi bien dans l'analyse des comportements de consommation des

chefs d'UPV que dans l'explication de la reproduction de l'arti-

sanat alimentaire.

236
Les dépenses en éducation viennent en troisième posi-

tion, après celles d'alimentation et de logement dont les niveaux

représentent pour cette couche sociale, l'extrême limite des

possibilités. La part affectée à l'éducation, qui représente déjà

un effort financier très important, reste néanmoins très insuf-

fisante dans le contexte ivoirien, compte tenu surtout du nombre

d'enfants d'âge scolaire par ménage.

En effet, dans les 142 ménages enquêtés, nous avons

recensé 272 enfants d'âge scolaire (6 ans et plus), enfants du

couple et enfants confiés confondus. 102 d'entre eux seulement,

soit 37,5 %, sont effectivement scolariés. Le niveau maximum

atteint étant la classe de seconde pour un garçon de 19 ans. La

proportion d'enfants non scolariés, dûe au manque de moyens (91 %

des cas) reste considérable (32,3 % des enfants). Le manque de

moyens si souvent évoqué par les enquêtés, explique l'orientation

de bon nombre d'enfants (50 sur 272) vers l'apprentissage

(18,3 % des enfants).

Notons aussi un taux d'analphabétisme très élevé chez les filles,

qui constituent 62 % de la population de notre échantillon. Ceci

explique le mécanisme de reproduction de l'informel alimentaire

sur ses propres bases, puisque la fille est ici appelée à la

relève de sa mère.

Selon les données recueillies auprès des enquêtés dont

les enfants sont scolarisés ou en apprentissage, les dépenses

d'éducation se distribuent comme suit:

237
Tableau n· 42 Structure des dépenses d'éducation

Dépense % de la dé- % du budget


mensuelle pense en édu-! familial
par ménage cation !

!Frais de scolarité et
let d'apprentissage 6.185 48,3 7,3
!
!Déplacements liés à
!l'éducation 3.209 25,1 3,7
!
!Fournitures,outillage 1.928 15,2 2,2
!
!Habillement 1.458 11,4 1,7
!
12.780 100,0

Les dépenses d'éducation représentent environ 15 % du

budget des ménages. Les frais de scolarité et d'apprentissage

absorbent près de 50 % de ce budget. Viennent ensuite par ordre

décroissant : les frais de déplacement (25,1 %), les fournitures

et l'outillage (15,2 %) et l'habillement (1) 11,4 %.

* Nature et structure des transferts d'argent

Les transferts d'argent apparaissent en quatrième

position dans le budget des ménages avec un pourcentage de

11,8 %. Entrent dans cette rubrique les envois d'argent au vil-

lage, les aides et les dons aux membres de la famille élargie,

les participations financières aux cérémonies funéraires. Pour

des raisons de commodité d'analyse, nous avons intégré à la

rubrique transfert d'argent, l'épargne des ménages bien qu'elle

ne soit pas une dépense en tant que telle. Notons que l'épargne

(1) Précisons qu'en Côte-d'Ivoire, il existe une obligation


d'uniforme scolaire aux niveaux primaire et secondaire.

238
représente environ 25 % du budget affecté à rubrique transfert de

revenu.

Il est important de souligner que ces transferts sous

forme d'argent, de produits agro-alimentaires (sucre, lait, pâtes

surtout), de savon et de vêtements ne sont pas économiquement et

socialement stériles. Ils permettent de garder le lien avec le

village et de manifester son appartenance sociale au monde de la

"civilité citadine". En retour, les "cadeaux", les produits vi-

vriers et l'aide familiale reçue constituent des contre-dons qui,

dans le contexte social qui est le leur, permet un ajustement du

revenu fluctuant et en chute constante. Près de 80 % des ménages

entretiennent ces "flux intra-familiaux". L'envoi de main-

d'oeuvre familiale du village est surtout la partie visible de

l'iceberg. On pourrait même dire que ce comportement des ménages,

qui consiste à accueillir de plus en plus de nouveaux membres et

à faire bénéficier l'UPV en contrepartie de l'effort productif de

la famille élargie, fait partie des stratégies de partage du coût

croissant de vie engendré par la crise économique. Ces relations

villes/campagnes à travers les échanges intra-familiaux de biens

et services jugés rares de part et d'autre sont des pratiques

fréquentes dans les villes d'Afrique et d'Amérique Latine.

Les faits montrent également, pour le Sénégal (1) et les pays

d'Amérique Latine (2), qu'en période de difficultés économiques,

(1) M. Odéyé, Les relations ville/campagne intra familiales. Le


cas de Dakar in Nourrir les villes en Afrique sub-saharienne,
op. cit ••. pp. 256-274.

(2) Safilios-Rothoschild, The role of the family: a neglected


aspect of poverty in World Bank Staff Working Paper n' 403,
Washington D.C., Banque Mondiale 1984.

239
la stratégie de survie passe, aussi et surtout, par une capitali-

sation des ressources sociales familiales (1).

* Nature et structure des dépenses d'habillement

L'habillement qui occupe la cinquième place dans la

hiérarchie des dépenses, compte pour 6,3 % dans le budget des

ménages. Sa position ordinale pourrait faire penser à une margi-

nalité de la consommation de vêtement, ce qui serait une erreur

d'appréciation. Par rapport aux soins de santé, l'importance de

la part qui lui est accordée est sociologiquement significative.

Il Y a lieu de se référer à la psychologie du migrant et aux

valeurs sociales afférentes pour comprendre ici la fonction de la

consommation d'effets vestimentaires. De même le fait que la

majorité des acteurs de l'informel alimentaire soit des femmes

est un facteur explicatif de l'importance des dépenses d'habille-

ment dans le budget des ménages. La consommation de tissus

imprimés (pagnes wax, fanci), la représentation sociale et la

symbolique liées à cette consommation, très significatives chez

les femmes, éclairent sur la nature même de ces dépenses, qui se

répartissent comme suit :

(1) C.A. Giovanni, L'ajustement au niveau des ménages


possibilités et limitation des stratégies de survie, in
L'ajustement à visage humain. Proté~er les groupes
vulnérables et favoriser la croissance, UNICEF - Economica,
1987, pp. 111-128.

240
Tableau n· 43 Structure des dépenses d'habillement (1)

Nature de produit !Dépenses mensuel- % de la dépense


!les par ménage d'habillement
! (en F. CFA)

!
!Tissus d'habillement (pagnes) 2.010 37,2
! !
!Frais de couture 1. 215 22,4
1

Chaussures 950 17,5

Produits cosmétiques 809 14,9

Autres 418 7,7

5.402

* Nature et structure des dépenses de santé

Le tableau suivant donne le détail des dépenses de

santé pour l'ensemble des 142 ménages de chefs d'UPV.

Tableau n· 44 Structure des dépenses de soins de santé

Dépense % de la % du budget
mensuelle dépense familial
par ménage de santé
(en F.CFA)

!Soins médicaux "formels" 1.200 31,5 1,4


! !
!Soins médicaux "informels" 2.069 54,6 2,4
! !
!Produits d'hygiène 530 13,9 0,6
!
------------ 3.799 4,4

(1) Nous parlons ici d'habillement au sens large puisqu'il a une


rubrique "produits cosmétiques" liée à la parure.

241
Notons que 4,4 % seulement du revenu des ménages sont

affectés à la santé. On pourrait· croire, au regard de ce pourcen-

tage, que l'affectation de revenu y est moindre parce que la

couverture médicale est prise en charge par l'Etat ou les as su-

rances. Mais cette part limitée dans le budget reflète assez bien

l'état de santé de cette population qui, bien qu'habitant en zone

urbaine bien équipée en structures médicales, souffre de maux

primaires. A la question de savoir quelles sont les maladies

auxquelles sont sujets les membres de la famille, les cinq mala-

dies les plus citées sont le paludisme (100 %) la diarrhée

(83,5 %), la toux (63,5 %~, le kwashiorkor (43,2 %), et la tuber-

culose (33 %).

Le taux de fréquentation des centres de santé est très·faible et

constitue généralement la dernière étape d'un itinéraire thé ra-

peutique qui commence le plus souvent par le traitement par la

pharmacopée et les consultations d'un guérisseur. Les crises de

paludisme répétées parce que mal soignées (croissance de la

résistance des falciparium en zone d'endémie), généralement

interprétées par les malades comme malédictions, sont le premier

motif de consultations "informelles" (1), qui justifient la

structure des dépenses ci-dessus (tableau n' 40).

* Nature des dépenses de loisir

Le loisir, dans le ménage des acteurs de l'informel

alimentaire, est un besoin socio-économique marginal. Ceci n'est

(1) Nous parlons de soins médicaux "informels" par opposition aux


"formels" pour désigner les consultations de guérisseurs et
de thérapeutes non agréés par le Ministère de la Santé
Publique et de la Population.

242
guère étonnant au vu de la difficulté à couvrir les consommations

de première nécessité comme l'alimentation, le logement et la

santé. Sa part dans le budget familial (2,2 %) est un indice de

cette marginalité. Priorité est donnée aux "loisirs du dedans"

par rapport aux "loisirs du dehors". Le "temps à soi" devient du

"temps chez soi". Les principaux moyens de détente sont la télé-

vision et le poste de radio. Les "loisirs du dehors", tels que la

fréquentation des salles de spectacle et de cinéma, sont des

pratiques rares (2,1 %). Les visites dominicales à des parents et

les manifestations des associations ethniques occupent également

une place de choix dans l'affectation du "temps libre".

La "culture du pauvre" prend ici des contours'très définissables.

Comme le constatait aussi R. Hoggart (1) dans son étude sur le

style de vie des classes populaires en Angleterre, une constel-

lation d ' attitudes et de comportements commandés par la

conscience confuse du destin objectif et subjectif d'une commu-

nauté soumise aux limitations de moyens est ici très prononcée.

Les manifestations concrètes en sont le caractère local et com-

munautaire des divertissements.

Section 3 - LES COMPORTEMENTS D'EPARGNE DANS L'INFORMEL ALIMENTAIRE

Le deuxième niveau de l'étude des comportements de

consommation des acteurs est l'analyse de la fonction-épargne.

Celle-ci est aussi un indicateur du niveau de satisfaction du

sujet économique, de sa capacité de calcul économique, de son

.(1) R. Hoggart, La culture du pauvre, Les Editions de minuit,


Paris 1970; p. 44.

243
potentiel d'emprise sur l'avenir qui, lui-même, dépend de

l'ampleur des risques de la vie quotidienne, des habitudes

sociales et du niveau de vie.

Cette estimation se fera essentiellement à travers une

analyse des mécanismes, des rythmes, des stratégies et des types

de dépenses financés par l'épargne.

AI Evaluation de l'importance et de la capacité d'épargne

Du fait de la faiblesse générale du niveau de vie, la

mise en réserve d'une partie du revenu est rarement réalisée, la

consommation primaire étant déjà difficilement couverte. La

faible capacité d'épargne des acteurs en est l'indice.

L'épargne n'est effective que chez 34 chefs d'UPV, soit 24 % de

la sous-population. Les comportements d'épargne les plus régu-

liers des ménages pour lesquels le revenu tiré de l'informel

alimentaire constitue l'unique composante du budget familial

s'observent surtout dans la population des exploitants ayant un

revenu supérieur à 110.000 F.CFA (68 %). Précisons qu'à cette

sous-population d'épargnants appartiennent surtout les tenanciers

de maquis, de restaurants-bars et de kiosques. Les efforts four-

nis par les chefs d'UPV les moins aisés sont non moins importants

mais dispersés. Ainsi, la forte relation existant entre les

revenus les plus élevés et la capacité d'épargne occulte celle

qui pourrait exister entre le niveau de l'investissement et la

capacité d'épargne puisque, comme nous le soulignions, les af-

faires qui génèrent les revenus les plus élevés sont constitués

par les UPV les plus capitalistiques.

244
L'effort d'épargne est plus important chez les chefs

d'UPV les moins aisés. Il atteint 25 % en moyenne chez ceux dont

le revenu est inférieur à 110.000 F.CFA et 15 % chez ceux dont le

revenu est supérieur ou égal à 110.000 F.CFA. Cette propension à

épargner chez les acteurs parmi les moins aisés, peut s'expliquer

par l'insécurité permanente due aux fluctuations de leur revenu.

Chez les acteurs dont le revenu est inférieur à 110.000

F.CFA, l'épargne n'est pas seulement la partie du revenu qui n'a

pas été consommée. Elle est le fruit de certaines privations qui

vont jusqu'à la privation d'aliments et au renoncement au soins

élémentaire en matière de santé. L'épargne y apparaît comme une

obligation pour satisfaire certaines exigences communautaires,

telles que l'appel à cotisation à la suite d'une mort subite. La

crainte d'être mis au ban de la famille en pareilles

circonstances reste un puissant motif d'épargne, même quand le

revenu couvre difficilement les besoins vitaux du ménage. D'où

l'intérêt de la vente à crédit qui constitue un moyen d'auto-

contrainte à l'épargne.

BI Comportements d'épargne et destinations économiques des flux

Les pratiques d'épargne monétaire dans le secteur

informel alimentaire sont nettement différenciées. La base de

cette différenciation se trouve essentiellement dans la stratifi-

cation économique qui hiérarchise les UPV. Cette variété de

comportement d'épargne dans l'informel alimentaire semble

rencontrer une réponse aussi diversifiée des réseaux de collecte.

Les différentes institutions informelles auxquelles

245
s'adressent la majorité des épargnants du secteur informel

alimentaire peuvent être classées en trois catégories (1) :

- les banques mobiles

- les associations d'épargne de longue durée

- les tontines.

1 - Les "banques mobiles"

Ce sont en général des "courtiers de ménages fortunés

et puissants", qui développent une activité de collecte pour leur

propre compte. Les dépôts sont de fréquence variable, allant du

dépôt journalier d'une somme modique à un dépôt mensuel plus.

important. Préférence semble être accordée aux dépôts journaliers

(10 sur 34), les sommes versées variant de 500 F à 2.000 F.CFA.

Deux cas seulement de dépôt mensuel ont été enregistrés, l'un de

10.000 F.CFA et l'autre de 15.000 F.CFA.

2 - Les associations d'épargne de longue durée

Il s'agit d'une formule d'épargne rotative où chaque

épargnant fournit généraleent une somme constante et prédeter-

minée à .date fixe. Les sommes collectées sont confiées à un

trésorier, jusqu'à échéance de la période d'épargne. A terme,

toute l'épargne collectée au cours de l'année est restituée à

l'ensemble des participants qui décident chacun de son utilisa-

tion. Cette formule d'épargne est moins fréquente que la

première. Seulement 4 chefs d'UPV la pratiquaient. Les dépôts,

généralement mensuels, sont ici en moyenne de 10.000 F.CFA.

(1) Nous tenons cette description des structures d'épargne de C.


Y. Eboué, Epargne informelle et développement économique en
Afrique in Mondes en développement, Tome 16, 1988, n' 62-63;
pp. 35-64.

246
3 - Les tontines

Elles représentent la formule d'épargne la plus popu-

laire dans l'artisanat alimentaire. "Ce sont des associations qui

fonctionnent suivant le principe du jeu à somme nulle en théorie

des jeux: dans le cas de deux joueurs en présence, l'un des

joueurs gagne ce que perd l'autre joueur; la somme algébrique des

gains est nulle. Chaque épargnant assimilable à un joueur, dépose

une mise à une date fixe. Le total des mises est inclus dans un

fonds commun attribué à un des bénéficiaires, ceci déterminant le

gain du joueur qui reçoit le fonds. A la fin d'un cycle de gains

dont la durée dépend du nombre de joueurs, chacun de ces derniers

a reçu des autres participants autant qu'il a versé de mises à

l'occasion des tours successifs de collecte. Le gain net est

donc nul en termes nominaux". 50 % des épargnants de notre sous-

population adhèrent à cette forme de dépôt dont le montant se

situe dans une fourchette plus large (entre 200 F.CFA et 10.000

F.CFA).

Notons que, sur les 34 chefs d'UPV qui épargnent, trois

seulement font leur dépôt auprès des banques. Dans la grande

majorité des cas, l'épargne dans l'informel alimentaire reproduit

la structure de l'épargne dans les économies non structurées (1),

en général, et dans les milieux ruraux africains, en parti-

culier (2). Cette épargne revêt un caractère informel au sens où

les institutions officielles ne jouent qu'un rôle marginal quant

à son drainage.

(1) C. M. Eboué, .•. op. cit. p. 39.

(2) C. Arditi et J.M. Y,ung, L'épargne en milieu rural ivoirien,


in Comprendre l'économie africaine, Ed. L'Harmattan, Paris
1985, p. 205.

247
Les destinations de cette épargne varient en fonction

du temps mis pour sa constitution. Les épargnes de courte ou

moyenne durée (3 à 7 mois) sont rarement réinvesties dans la

production. Près de 85 % de l'épargne de l'année antérieure ont

servi au financement de cérémonies familiales et à l'achat de

biens de consommation.

Les épargnes de longue durée (8 mois et au-delà) ont,

quant à elles, trois destinations essentielles et hiérarchisées :

la première est le financement de la scolarité des enfants, la

seconde est celui du logement. Le financement à des fins

d'augmentation du capital-de production ne vient qu'en troisième

position dans l'utilisation de l'épargne de longue durée.

CONCLUSION PARTIELLE

Deux conclusions majeures ressortent de ce chapitre :

1 - Aussi bien qu'elle contribue fortement à l'effort

de production des UPV, la communauté, de par ses sollicitations

croissantes, pèse lourdement sur le budget des acteurs. Nous

avons montré qu'en même temps que les revenus s'accroissent, on

note une augmentation des obligations communautaires. L'épargne

difficilement réalisée passe presque entièrement dans leur satis-

faction. D'ailleurs le fait que le poste "transfert d'argent"

passe dans l'ordre des dépenses avant l'habillement et la santé

sont à cet effet très révélateur.

2 - Comme le notent les auteurs du rapport SEDES,

"informel" ne signifie guère indéfiniment extensible", on peut

affirmer a priori qu'il y a dans l'état actuel des choses, une

stagnation voire une décroissance des revenus consécutive à la

248
croissance du volume de l'emploi dénotant une saturation de

l'I.A. Le faible niveau de rémunération des activités, le niveau

de vie et la faible capacité d'épargne des acteurs sont les

principaux indicateurs de cette tendance à la saturation.

La difficulté de couverture des besoins socio-

économiques primaires et le manque d'emprise sur l'avenir renfor-

cent notre hypothèse selon laquelle l'informel alimentaire est,

dans son état actuel, une économie de subsistance.

Il est fort remarquable que, malgré le dynamisme caractérisant

cette activité, les ressources qu'il génère ne compensent qu'en

partie les effets du déclin économique. Il ne peut apporter une

aide permanente face à la baisse constante des revenus et des

conditions de vie, surtout qu'il a des rendements décroissants.

La forte possibilité d'accueil du marché informel alimentaire

cache mal sa sensibilité aux faibles performances économiques des

UPV qui pourraient s'expliquer par l'effet concurrence. Si on

peut être sûr du fait que les revenus des acteurs subissent ainsi

indirectement les effets de la contraction de l'emploi dans le

secteur "moderne", on ne peut qu'émettre, à défaut d'éléments de

comparaison aux années antérieures, l'hypothèse de l'effondrement

du revenu dans l'informel alimentaire et ce, dans la mouvance

générale de la chute du revenu consécutive aux politiques d'a-

justement, évaluée dans le secteur informel à -8,4 % par an

alors que cette baisse n'était que de -0,9 % dans le transport,

-3,9 % dans le commerce moderne et 5,9 % dans les banques (1). Il

(1) SEDES, Evolution et répartition des revenus en Côte-d'Ivoire.


Travaux de planification. Sedes, Paris 1984.

249
faut donc évaluer à leur juste valeur, les limites de l'effica-

cité de ce mécanisme de survie par la production alimentaire et

voir dans quelle mesure une politique de soutien peut améliorer

son efficacité tout en sauvegardant son caractère informel, seul

moyen d'assurer sa pérennité.

250
Chap i t re VIII

IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE

L'importance socio-économique du secteur informel

a 1 i me n t air e pou rra i t seme sur e r par r a p p 0 r t à

- sa contribution à l'économie nationale

- sap 1ace dan sie s ys t ème a 1 i me n t air e e t son a p po r t

nutritionnel à la population urbaine.


Section 1 - CONTRIBUTION DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE A L'ECONOMIE
URBAINE

La contribution de l'informel al imentaire à l'économie


nationale peut être appréciée sous deux angles
- du point de vue de l'emploi et du revenu
- du point de vue de l'insertion des femmes dans le
tissu économique urbain.

AI Du point de vue de l'emploi et du revenu

Selon les résultats de notre recensement, l ' 1•A • mo b i -


1i se, en janvier 1987, environ 75.230 actifs (chefs d'UPV et
main-d'oeuvre confondus) soit 4,4 % de la population abidjanaise
estimée à 1.724.177 habitants en octobre 1985 (1). Sous réserve
de vérification, on avancera l 'hypothèse selon laquelle l'I.A.
est 1a br a nche dus e c t eu r non s t r uc t ur é qui 0 f f rel e plu s d ' em-
plois, voire absorbe le plus de main-d'oeuvre excédentaire du
secteur formel. A preuve, sur les 281 chefs d'UPV interrogés,
l'investissement dans l'informel al imentaire était pour 33,92 %

une alternative à la compression du personnel, ultime conséquence


des mesures de programme d'ajustement que connaît l'économie
ivoirienne et qui vise à restructurer le secteur parapublic afin
"dtaccroitre son efficacité et sa rentabi 1ité".
Entre autres fonctions de l' 1.A., son rôle de pour-
voyeur de revenu a été évalué à travers sa contribution à la

(1) Ministère de l'Economie et des Finances, La Côte-d'Ivoire en


chiffres, éditions 86-87, Ed. Inter Afrique Presse, 1988,
p. 23.

252
format"ion du budget de consommation des ménages concernés. Si

nous n'avons pu estimer son niveau de participation aux budgets

intégrés (budget fami 1 ial composé de plusieurs apports), les

données de l'enquête nous ont montré que le revenu de l'I.A. est

1e s eu 1 r ev e n u f am i 1 i a 1 dan s 1a ma j 0 rit é des cas ( 5 0 ,5 %). L ' i n-

formel alimentaire constitue ainsi la seule source de revenu pour

50,4 % des ménages â une seule femme active et 50,9 % des ménages

à un seul homme actif. Par rapport au budget familial, l'impor-

tance de la taille des ménages à un seul actif est surtout consi-

dé rab 1e che z 1e s femme s. E Ile est en mo yen ne de 1, 6 p ers 0 n ne dan s

les ménages à un seul actif mascul in mais de 5,6 personnes dans

les ménages à une seule femme active, soit 614 person~es à charge

dans les 114/226 ménages â une seule femme active et à direction

féminine. Notons â ce niveau l'ambivalence du rôle du réseau

fami 1 ial dont l'accroissement des charges sociales ne manque

d'avoir une répercussion négative sur les résultats des micro-

entreprises pour lesquelles il représente la principale force de

travail.

D'une manière générale, l'analyse du revenu et des

comportements de consommation des ménages montrent assez claire-

me nt· que f' i n for me 1 a 1 i me n t air e est es sen t i e 1 1eme n t une act i vit é

de survie et que l'accumulation du capital n'y est qu'un phéno-

mène marginal. Les pol itiques de protection des catégories vulné-

rables et les mesures de compensation des programmes d'ajuste-

ment, devraient donc viser le soutien des secteurs comme l'in-

formel alimentaire, qui, dans un sens, reste une soupape de

s écu rit é pou r i ' écon om i e , compte tenu de sa place dans la redis-

tribut ion des revenus.

253
BI Du point de vue de l'insertion des femmes dans le tissu écono-

mique urbain

Depuis quelques années, le travai 1 des femmes dans le

processus de développement fait l'objet d'une attention particu-

1 ière. Il s'agit surtout de lever le "voi le statistique" qui, en

se foc a 1 i san t uni q u eme n t sur 1e t r a v ail sai a r i é 0 u sur 1es

cultures de rapports (1). masque l'importance des activités fémi-

nines Dans ce sens, puisque les économies africaines sont à

vocation agricole, l'étude .de la participation féminine aux acti-

vi tés de production s'est résolument tournée vers le mi 1 ieu

rural. Le travai 1 féminin en mi 1 ieu urbain connaît de ce fait une

double occultation, accrue par la tendance des statistiques offi-

cie Ile s à sec 0 nc e n t r ers u r l e sec t eu r dit mo der ne. No s t r a vau x

sur l'informel alimentaire pourraient contribuer à corriger cette

sous-évaluation dans le contexte abidjanais.

Disons d'une façon générale qu'en Afrique, l'inégal i té

sexuel le devant la formation et l'emploi expl ique la prédi lection

des ferrmes pour certaines activités économiques telles que le

commerce de détai l, la restauration et les services domestiques.

Les enquêtes nous ont révélé que le manque de formation

intervient pour 72 % comme le principal motif de la décision de

s'investir dans l'informel alimentaire qui constitue, surtout

pour les ferrmes, l'un des rares circuits d'intégration au tissu

économique urbain. Cette réal ité trouve sa confirmation dans nos

enquêtes qui évaluent à 80,42 % la proportion des femmes

(1) Ph. Antoine, A. Traoré, Pour une 1 isibi 1 ité du rôle des
femmes au travers des données statistiques op. cit., p. 195.

254
présentes dans ce secteur contre seulement 19,58 % d'hommes.
L'étude réal isée à Ziguinchor par Ji Il Posner" (1) fait
ressortir les mêmes rapports de sexe à travers la très large
domination des femmes (plus de 75 % des vendeurs sont des femmes)
dans cette partie du secteur non structuré (vente de nourriture
préparée).
L'investissement dans l' I.A. qui ne nécessite aucune
formation particul ière, n'est qu'un prolongement extérieur des
activités domestiques, reconverties en activité économique.
Comme 1e no t ait Ph. Hu go n dan s son a na 1 ys e des fil i ère s
artisanales à régulation marchande, même si, dans l'ensemble, ces
act i v i tés à fa i b 1e product i v i té sont peu rémunérat ri ces, elles
procurent aux femmes un revenu indépendant ou un complément de
r ev e nu f am i 1 ia 1 (2).

Section 2 - PLACE DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE DANS LE SYSTEME


ALIMENTAI RE URBAI N

AI L'informel al imentaire dans la chaîne de production-consom-


mat ion alimenta ire

Avec le renversement des habitudes al imentaires opéré


par les femmes akan, une plus grande place est faite aux produits
vivriers locaux dans les modèles d'al imentation des structures
informelles. Des produits comme le manioc et la banane plantain

(1) J. Posner, Le commerce d'al iments vendus dans les rues au


Sénégal, op. cit., p. 21.
(2) Ph. Hugon, L'industrie agro-alimentaire. Analyse en termes de
fi 1 ières, op. cit ••. , p. 681.

255
connaissent" un niveau de consommation de plus en plus important
en al imentat ion extér ieure. Il a été évalué par exemple à plus de
50 %, la consommat ion en al imentation extérieure, de la produc-
tion nationale d'attiéké. Ce changement des habitudes de consom-
mation al imentaire extra-domestique constitue sans doute un fac-
teur de croissance de la production vivrière locale.
Aussi, l'I.A. par lebiaisdesstructurescomme les
kiosques et les restaurants sur tables mobiles ("Abokki") reste
un par te nair e p r i vil é g ié d e i ' i ndus tri e a g r 0 - a 1 ime nta ire. La
consommat i on de 4 pr i ne i paux produ i ts i ndust rie 1s à savo i r i e
pain, le sucre, le lait en boîte et le café incorporé au petit
déjeuner ("café complet") emprunté au modèle européen l'atteste.

BI Contribution de l'informel al imentaire à la sécurité al imen-

taï re en mi 1ieu urbain

Selon l' UNR 1SD, 0 n en te nd par sée uri té a 1 i me nt air e


l'existence d'approvisionnements garantis et une distribution de
denrées al imentaires suffisantes en quantité et en quai ité pour
satisfaire aux besoins nutritionnels de toutes la population.
Pour offrir une réelle sécurité, le système national doit donc
être capable d'offri r à la population une quantité suffisante de
denrées alimentaires - produites dans le pays ou importées
satisfaire une demande en expansion et les besoins fondamentaux
en nourriture, être fiable afin de réduire au minimum les varia-
t ion s sai son n i ère set c yc 1i que s de dis po nib i 1i tés a 1ime nt air es,
être doté d'une autonomie et d'un pouvoir de décision aussi large
que possible pour réduire sa vulnérabi 1ité aux fluctuations des
marchés internationaux et enfin être équitable, c'est à dire au

256
moins assurer à tous les groupes sociaux un accès sûr à une
al imentation suffisante. C'est à ce niveau que l'I.A. intervient
en tant qu'entité autonome et complémentaire du système al imen-
taire. La disponibi 1ité al imentaire n'entraînant pas automatique-
ment un accès à l'alimentation, l'informel alimentaire apparaît
comme facteur d'adaptation du goût, aux revenus et aux con-
t rai nt es a 1 i me n ta ire s pro pre s à 1a ville. A dé f au t des t ru ct ure s
al imentaires extérieures formelles en nombre suffisant, il est
, ' é 1éme nt dus 0 us - s y s t ème a 1 i me nt air e qui fa cil i te au n ive a u
extra-domestique l'accès à l'al imentation tout en tenant compte
de l'aspect socio-culturel et économique des habitudes al imen-
taires. En 1986, aucune des 85 petites et moyennes entreprises
(PME) affi 1iées à l'Union Patronale de Côte-d'Ivoire (UPACI), ne
disposait de cantine. Sur les quelques 15 cantines d'Abidjan, à

part les deux plus importantes qui appartiennent au secteur de


l'industrie minière et p~trol ière, les autres relèvent de quel-
ques services administratifs avec un taux de fréquentation d'en-
viron 10 % seulement. On ne saurait appréhender la consommation
a 1ime n ta ire u r bai ne en i 9no r an t l' 1.A. tan t sap 1ace dan s i e
système est importante. Tout informel qu'i 1 est, son efficacité a
infléchi nombre de tentatives formel les de distribution al imen-
taire. En 1977, une société "Ivoire Restau" avait créé un ser-
vice ambulant de restauration pour vendre des repas empaquetés.
Au bout de quelques mois, el le a dû interrompre ses activités car
elle n'a pas obtenu le succès escompté devant la forte concur-
rence de l'informel al imentai re. L'expérience fut renouvelée par
une au t r e soc iété der est a u rat ion colle ct ive, 1a S 1PTOUR, qui

257
n'aura eu en tout et pour tout qu'une année oe vie, malgré la

confiance et les encouragements des banques de la place, notam-

ment le "Crédit de Côte-d'Ivoire". L'expression culminante de

cette concurrence entre restauration formelle et informelle a été

cette plainte de la Fédération Nationale des hôtel iers-

restaurateurs contre les maquis; laquelle plainte fit l'objet

d'une réunion tenue le 3 jui Ilet 1980 sous l'égide de l'Office

National du Tourisme. Les doléances de la Fédération étaient

1 ibellées en ces termes "L'exploitation des établ issements con-

cernés ••• (les maquis notamment) cause un préjudice certain tant

aux professionnels de l'hôtellerie qu'à l'Etat. La Fédération

( ••• ) ne demande pas la fermeture systématique des établ issements

mais souhaite qu'une solution adéquate soit trouvée à cette

s i tua t ion" (1). Le s con sul ta t ion s qui ses 0 n t suc c é d é e s à pro po s

de cette demande de réglementation se sont soldées par un constat

d ' i mp u i s san c e de van t 1a ta i Ile, la diversité et l'efficacité du

phénomène informel al imentaire.

Comme 1e no t ait CI. Vi da l, " I l s u f fit d' i ma gin e r une

interdiction effective de ces métiers non patentés pour

comprendre la nécessité vitale de leurs réseaux dont les

ramifications sont comme les terminaisons du tissu nourricier de

la vi I l e : pas (ou presque pas) de cantines d'écoles, d'usines et

de bureaux, rien d'autre non plus pour les artisans et les

comme r ç a n t s qui ne qui t te n t pas l' a tel i e r, J' é ch 0 PPe , l a pla c e du

marché, ni pour ceux qui colportent. Comment toute cette popula-

tion contrainte à manger dehors pourrait-elle se procurer le

(1) in Procès-verbal de réunion relative à la prolifération des


"maquis" et des hôtels sans autorisation.

258
repas bon marché dont elle a besoin ?" (1). Une enquête partielle
auprès des travailleurs de trois unités industrielles et de deux
se r vic e s pub 1 i cs mo nt r e que, plu s de 70 % des pers 0 n ne sen q uê t é e s
prennent au moins un de leurs trois repas quotidiens à

l'extérieur.
A en juger par la diversité de ses structures, la
fréquence de points de vente dans toutes les communes et le taux
de fréquentation, on peut affirmer sans risque de se tromper
qu'i 1 est un vecteur irremplaçable de consonmation tout au moins
dans le contexte abidjanais où la croissance démographique et
spatiale, conjuguées à l'insuffisance des moyens de transport,
ordonnent un nouveau rythme de vie.
Bien qu'i 1 ait prol iféré indépendanment de toute action
des pouvoirs publ ics ou des organisations internationales, son
dynamisme est 1 ié à la pol itique al imentaire ivoirienne, tout au
moins pour le ravitai Ilement en riz et en viande de boeuf, pro-
duits les plus consonmés en al imentation extérieure. A ce titre,
c email Ion dus ys t ème a 1 i me n ta ire ne de v rai t plu s r est e r
longtemps en dehors des préoccupations des pouvoirs publ ics, car
toutes variations cycl iques auxquelles peuvent être soumis les
prix de ces produits influenceront considérablement non seulement
les comptes extérieurs et budgétaires du pays mais mettra aussi
en pé ri 1 la sécurité al imentaire de la population - surtout à

ris que sai ime n ta ire s - u r bai nec roi s san te.

( 1) CI. Vi da l, L' art i san a t f ém i n i net 1are s tau rat ion pop u 1air e à
Abidjan, op. ciL •• pp. 554-555.

259

....
Un autre aspect de l'importance de l'I.A. dans le

dispositif de sécurité al imentaire est sa capacité à mettre à la

portée des consommateurs urbains une variété de plats de diffé-

rentes compositions nutritionnelles. Selon les relevés sur l'a-

I imentation englobant aussi bien les aspects socio-économiques

(- utilisation des produits - proportion selon les types de pré-

paration - caractéristiques des habitudes alimentaires) que les

aspects nutritionnels (quai ité des al iments et repas consommés,

composition en divers nutriments tels que les calories, les

prot ides, les glucides et les 1 ipides) et suivant l'offre de

consommation du secteur informel al im"entaire on peut distinguer

1 - Les plats riches en calories et en glucides

comme l'attiéké, l'igname braisée, le foutou d'igname, l'igname à

l 'e au, 1a ban a ne br ais é e , l e t 0 h de ma ï s , l e d è g u è , l a b 0 u i Iii e

der i z, 1e t 0 h de ma n i 0 c

2 - Les plats riches en protides

comme les sauces et en particulier la sauce arachide, la sauce

gombo, le gombo sec, les plats à base de riz, de maïs, de mi 1.

3 - Les plats riches en fer

Ce son t sur t 0 ut 1es sa u ces gomb 0 et gomb 0 sec, 1a s au ceg rai ne e t

1e t 0 h de mil.

4 - Les plats riches en calcium

Ce son t t 0 u tes 1es s a u ces , ma i spa r tic u 1 i è r eme n t 1e s s a u ces

gombo, gombo sec et dans une moindre mesure les plats à base de

manioc, d'igname et de plantain.

Par rapport à certains nutriments il faut noter la

pauvreté de certains plats consommés en al imentation extérieure.

Il s'agit de

260
1 - des plats pauvres en calories
Ce sont la pâte de manioc, la sauce aubergine, le plantain à
l'eau, la banane brai sée, le tho de mais, la boui Il ie de mi l, la
boui 1 1 ie de riz et le toh de manioc.
2 - des plats riches en calories et faibles en glucides
Ce sont toutes les sauces, sauf la sauce aubergine qui est
particul ièrement faible en calories.
Certaines associations de plats sol ides (plat de riz
cuit à l'eau, les foutou d'igname, de banane et de manioc, les
toh de maïs, de maniocetdemil) et de sauces offertes en
al imentation extérieure comportent une valeur nutritionnelle non
négl igeable. Nous pouvons citer:
a) les associations les plus riches en calories
Ce sont les associations de foutou - sauce graine, foutou
igname - sauce gombo, riz-sauce arachide ou riz-sauce graine,
riz-sauce gombo sec, toh de mi 1 -sauce gombo sec;
b) Les associations les plus riches en protéines
Ce sont les associations de riz-sauce, de toh de maTs-sauce gombo
sec et toh de mi I-sauce gombo sec;
c) Les associations les plus riches en glucides et en
calcium
Ce sont tous les foutous-sauces
d) Les associations riches en fer.
Ce sont le riz-sauce gombo sec, les toh-sauce gombo sec.
A titre d'illustration, considérons l'alimentation
quotidienne-type des personnes vivant seules et prenant générale-
ment leurs trois repas à l'extérieur. De toutes les combinaisons

261
possibles, la plus fréquente chez cette catégorie de consonmateur
est la suivante:
- "caf é c omp 1et", 1e ma tin
- un plat de riz cuit à l'eau accompagné de sauce
arachide (*), le midi
- un plat d'alloco au poisson, le soi r.
En faisant éclater ces plats selon la table de
composition nutritionnel le des produits élaborée conjointement
par la F.A.O. et l'Equipe de conception de l'ESC 79, nous avons
les teneurs suivants en valeur nutritionnelle.

Tableau n°· 45 Table de composition nu tri t i on ne Ile d'un menu


type·

Unités : grammes
! Prix ! Poids! Calo-!Lipides! Glu- !Pro- !Cal- Fer
! moyen! des ! ries cides !tides!ciums
! ! plats! ! !
! ! ! ! !
Café complet !) ! ! ! !
!)150 F! 125 ! 315 8,3 56,1 ! 11,8 ! 11 ,6 1,3
pain sandwich !) ! 100 ! 336 14,1 47,9 ! ! 2 1,1
! ! ! ! !
Sauce arachide ! ) ! 150 ! 305 25,9 11,1 ! 29,7! 52,8 3,4
+ !)300 F! ! ! !
riz cuit à l'eau!) ! 175 ! 646 2,8 138,07! 12,4! 0,5 2,2
! ! ! ! !
Alloco !) ! 125 ! 211 10,5 30,5 ! 2,5! 2,8 1,7
+ !)125 F! ! ! !
poisson frit !) ! 100 ! 351 33,8 1 ! 11,4 ! 44,02! 0,6

575 F 2.254 189,9 284,6 67,8 113,7 10,3

(*) Nous signalons que, pour cette évaluation, le choix du type de


sauce a été arbitraire.

262
On constate alors qu'avec 575 F.CFA, le consommateur

cou v r e ses b e soi n s cal 0 r i que s j 0 u r na 1 i ers est i mé spa r i a F •A • 0 •

en moyenne à 2.118 g/j pour les Africains de l'Ouest.

Notons enfin que, devant les effets directs (baisse des

salaires et de l'emploi) des pol itiques macro et méso-économiques

1 iées aux programmes d'ajustement, la modification de la

disponibi 1 ité et du prix des principales denrées al imentaires des

ménages à bas revenus, le déficit budgétaire croissant, le désen-

gagement progressif des pouvoirs publ ics, la réduction des

dépenses publ iques et l ' impossibi 1 i té structurelle à contrôler

tous les paramètres de la distribution al imentaire, on ne peut

que plaider pour une pol itique de soutien aux initiat ives volon-

taristes auxquelles appartient le secteur informel alimentaire.

Sec t ion 3 - COND 1T 1Q\JS MA.CRO- ECONOv1I GUES DE SURV 1E DE L' 1NFORMEL

ALIMENTAIRE

Par ces pé rio des de con j 0 nc t ure é con om i que d i f fic i 1e ,

l'I.A. peut à juste titre être comptée au nombre des initiatives

volontaristes dont la survie est plus que nécessaire en raison de

sa place dans le système socio-économique.

Mais comme nous le précisions, sa dynamique dépend

fortement du potentiel agricole ivoirien en ce qui concerne

l'approvisionnement en produits vivriers et de la politique d'im-

portation al imentaire qui lui assure un ravitai Ilement régul ier

en viande, poisson et riz, produits pour lesquels le système

a gr 0 - a 1 i me n t air e na t ion ale n reg i s t r e und é fic i t con s i dé rab 1e •

263
La survie de ce secteur reste donc très 1 iée à l'évolu-
tion de ces deux marchés (national et international) dont nous
examinerons la tendance par rapport aux principales denrées
consommées en al imentation extérieure.

AI L'état du potentiel de production vivrière nationale

Selon les bi lans des disponibi 1ités al imentaires four-


nies par la production nationale, établis à partir des résultats
de l'ESC 79 et des statistiques agricoles, la conjoncture de la
pro duc t ion v i v r ière é t ait bon ne en 1988 . lia même été rel ev é une
situation d'excédent par rapport à la consommation sauf pour le
riz et l'arachide. Le rapport Courade aboutit aux mêmes conclu-
sions quand il signale la couverture globale de la demande al i-
mentaire sauf - toujours - pour le riz (1).
D'une façon générale, la relative abondance en vivrier
semble avoi r été maintenue. L'accent pourrait être particul ière-
ment mis sur les féculents tels que le manioc, l'igname et la
banane plantain qui sont, après le riz, les trois produits les
plus consommés en al imentation extérieure.
Le manioc les prévisions établ ies à partir du
recensement agricole de 1975 faisaient état d'un déficit de
10.000 tonnes en 1985 et en prévoyait un de 100.000 tonnes en
1990; le manioc semble cependant bénéficier d'une élasticité de
production assez grande puisque l'excédent a été de 280.000

tonnes en 1985. Cette progression de la production entre 1982 et


1985 s'expl ique par la souplesse et la faci 1ité des conditions de

(1) Cf. G. Courade, op. cit., Tome 2, p. 42.

264
culture qui permettent une réponse rapide aux sollicitations de
la demande (demande abidjanaise et notarrment de la fi 1 ière
attiéké).
- L' i gname e t 1a ban a ne pla n t a i n pré sen t en t une s i tua-
tion presque similaire dans les zones de forêt où elles sont
produites. L'excédent de la production est en baisse sensible,
ce 1u i de l' igname accusant une régress i on de 83 % ent re 1982 et
1983. Des incertitudes pèsent sur la production, surtout dans les
viei Iles régions de plantat ion, car l'igname et la banane sont
plantées en avant-culture du café et du cacao: or les tensions
foncières réduisent actuellement l'ouverture de nouvelles
plantations.
La culture bananière s'est délocal isée dans l'Ouest,
région de plantation plus récente, avec pour conséquence une
augmentation des coûts de corrmercial isation, car la distance
en t r e l es ce nt re's de con somma t ion (Ab id jan et sa ré g ion et 1e
Sud-Est) est agrandie.
La culture d'igname a corrmencé à se développer en Forêt
Ouest avec notamment l'installation des migrants Baoulé, mais il
ne semble pas que la production d'igname pour la vente se soit
réellement mise en place dans cette région. Par contre, dans la
zone Nord-Est, en savane, la renorrmée de la variété d'igname,
l'inexistence des productions d'exportation et l'existence d'un
marché incitateur ont permis aux producteurs de faire de l'igname
une rée Ile cu 1ture de rente.
Il semble donc, comme le note le Rapport Courade, qu'un
soutien des productions d'igname et de banane destinées à la
consorrmation de la population urbaine devra se traduire par un

265
passage à une mono-cu 1ture stab il i sée.
En matière d'approvisionnement du vivrier, même si les
tensions qui apparaissent depuis une dizaine d'année engendre une
certaine réduction des excédents, une situation de pénurie est
peu imaginable. La restauration extérieure ne risque donc pas de
subir le coup d'une rupture de disponibi 1ité. La seule inquiétude
se situe cependant au niveau du prix des produits sur le marché.
Généralement cultivés dans une perspective d'autocon-
sommation dans le cadre des systèmes d'économie de plantation,
seuls les excédents sont commercial isés. Et c'est surtout le coût
de commercial isation qui réf lète le pr ix sur le marché. Il faudra
alors veiller à l'harmonisation et au maintien des circuits
traditionnels de distribution afin de 1imiter les trop grandes
variations de prix et les goulots d'étranglements constatés dans
l'approvisionnement.

BI Les potential ités du marché international en riz, en viande et


en poisson

Beaucoup plus que du marché nat i ona l, l' I.A. dépend du


marché international pour son approvisionnement en produits de
grande consommation tels que la viande bovine, le riz et le
poisson. Les raisons de cette dépendance sont en partie le défi-
cit de la production ivoirienne de ces denrées et la politique
d' impo r ta t i on al i men t air e qu i l ' a su i vi.
Selon 1e Ra ppo r t é con om ique e t fin a ncie r de 1987 , l a

production animale nationale n'avait toujours pas franchi le


seui 1 de 50 % de la consommation nationale. A 48 % comme en 1983,

266
le taux de couverture n'a gagné Qu'un seul point par rapport à
1984. Les besoins de viande bovine en 1985 n'étaient assurés Qu'à
26 % (soit un gain de trois points par rapport à 1984) mais
restaient en dessous du taux de couverture de 1983.
La production hal ieutiQue, Quant à el le, a passé pour
la première fois - toujours selon le même Rapport - la barre de
100.000 tonnes en 1985 (90.227 T en 1983, 83.691 T en 1984,
102.204 T en 1985), ce Qui a permis d'assurer 58,7 % de la
consommation nationale.
La couverture des besoins en riz n'est assurée Qu'à
40 % par la production nationale.
L'autosuffisance pour ces trois denrées étant loin d'être at-
teinte, l'importatiion comblait le déficit. Pour Que l'Etat pour-
sui ve sa ré guI a t ion par 1 es p r i x don t bé né fic i en t é gal eme n t 1 es

consommations et les acteurs de l'I.A., il faut Que 1a con-


joncture reste bonne sur le marché international (1) où les
tendances à la disponibilité de ces produits sont variables d'une
année à une autre (2).

(1) Les pouvoirs publics ont une telle conscience de la situa-


tion; ceci explique depuis le 1er janvier 1988, l'extension
du champ d'appl ication de l'exonération de la TVA aux pro-
d u i t ste 1 s Que 1es an i ma ux v i van t s,le s pro d u i t sai ime nt air e s
naturels (vivriers, riz, banane, igname ••• ) les viandes fraî-
ches et conge J ées, 1 es abats comest i b 1 es, 1 es po i ssons séchés
et/ou congelés, les produits de pêche, les farines de cé-
réa 1es e t cé réa 1 es, 1e 1ait sou s t 0 utes 1es for me s , l e s
a 1 ime n t s de bé ta i 1 et des an ima ux de bas sec 0 ur, 1e suc r e
sous toutes ses formes.
(2) Pour l'évaluation de la production mondiale de riz, de viande
et de poisson, nous avons essentiellement exploité les don-
nées du "Rapport sur les cycles et les Orientations des
Produits et des Echanges", sous la direction de Ph. Chalmin
et J.L. Gombeaud, Ed. Economica, Paris 1988 et 1989.

267
Pour le riz, un plafonnement de la product ion mondiale

en 1986-1987 à 471 mi Il ions de tonnes, niveau prat iquement iden-

tique à celui de la précédente saison et supérieur de 60 mi Il ions

de tonnes à celui du début de la décennie, a fait place, en 1987-

1988 à un recul à 457 mi Il ions de tonnes (-3 %). La récolte 1987-

1988 a été la plus faible depuis cel le de 1983-1984, notamment en

raison d'une diminution à 142,3 mi Ilions d'hectares résultant

parfois de la sechéresse ou de la superficie ensemencée. La

diminution de la récolte 1987-1988 a eu deux conséquences: une

diminution des stocks mondiaux qui s'élevaient précédemment entre

51 et 55 mi Iii ons de tonnes et qu i sont tombées à 39 mi Iii ons de

tonnes (base riz usiné) et une hausse des prix à partir d'août

1987 qui s'est largement prolongée sur 1988. La nouvelle récolte

1988-1989 devrait atteindre Je niveau record de 479,4 mi Ilions de

tonnes (base paddy), soit une augmentation de 3,9 % par rapport à

la précédente. Une légère diminution de la production chinoise et

celle du Bangladesh sera plus que compensée par une forte poussée

de la récolte indienne (13 mi Il ions de tonnes) et par des ac-

croissements plus modestes prévus en Birmanie, en Indonésie, au

Pakistan, aux Philippines et en Thaïlande.

En ce qui concerne la viande bovine, une baisse de la

product ion de l'ordre de 1,5 % a été constatée en 1987. Les deux

p ays qui r a vit aille n t sur t 0 u t 1e ma r c hé i v 0 i rie n à s av 0 i r

l'Argentine et la CEE ont vu leur production baisser respective-

ment de 4 % et de -0,5 %. Il faut aussi. signaler la grave épidé-

mie de fièvre apthteuse qui a frappé la moitié du troupeau

argentin et a forcé la production a un recul. En 1988, le rythme

de croissance de la pr~duction mondiale ralenti, prolongeant une

268
tendance déjà sensible l'année précédente. La situation du marché
s'est caractérisée par une diminution globale de l'offre de
viande de boeuf et de veaux, face à une demande qui s'est pour-
tant maintenue voire raffermie. Cette perturbation pourrait s'ex-
pl iquer par la hausse des pr ix des fourrages et al iments pour
animaux qui ont grevé les coûts de production. Un peu partout
dan s i e mo nde, 1 1 heu r e est à 1arecon s t i tut ion des che pte 1s e t
donc à la production de viande baisse des abattages des vaches
(-0,6 %) et maintien de génisses sur les exploitations (+ 10 %).

Pou ria p rem i ère foi s, en 1989, 0 n s' a t t end à une réd uc t ion dei a
production de viande bovine dans tous les pays de l'OCDE.
Si quelques "zones de turbulence" s'observent pour la
production de riz et de viande bovine, le volume des captures
mondiales de poisson d'espèces courantes (séché, salé, surgelé)
reste satisfaisant et se révèle d'ai lieurs de plus en plus dyna-
mique et ce, pour plusieurs raisons:
- l'intérêt de ces produits pour résoudre les problèmes
nutrionnels dans des régions sous-alimentées;
- les considérations diététiques favorisent la consom-
mation de protéines à teneur modérée en matières grasses;
- le développement de nouveaux types de demande concer-
nant les crustacés et d'autres produits de diffusion plus
récente.
Sollicités donc de façon pressante par ces différents
types de demande, les échanges internationaux se portent bien et
représentent plus du tiers des captures mondiales, soit un total
de 35 mi Ilions de tonnes. Aucune perspective négative n'est

269
envisagée quant à la capacité d'approvisionnement du marché in-
ternational. La Côte-d'Ivoi re qui n'assure actuellement qu'en-
viron 35 % de sa consommation en poisson pourra toujours tirer
profit de cette abondance pour le bonheur surtout des consomma-
te urs ur bai nset de sac t eu r s dus e ct e uri n for me 1 a 1ime nta ire.

CONCLUSION PARTIELLE

La mise en évidence de l'importance socio-économique de


, ' 1 . A. ne do i t cep end a nt pas f air e sou s - est ime r i e s r i s que s
d' i n f e c t ion m i c rob i en ne et par as i t air e con s t a tés en a 1ime n t a t ion
extérieure. Quelques cas d'intoxication alimentaire collective
dûes à la consommation du dèguè ont été signalés à Koumassi en
1984. En 1985, six cas d'épidémie d'origine al imentaire ont été
déclarés à la CNPS (Caisse Nationale de Prévoyance Sociale).
Cette défai Ilance de l'offre al imentai re informelle
peut être attribuée à l'ignorance des règles d'hygiène lors de la
préparation, de la conservation et de la manipulation des denrées
ou des al iments. Les maladies contractées en al imentation exté-
rieure peuvent être regroupées comme suit:
- Maladies causées par la présence de bactéries dans
les al iments (fièvre typhoïde, infection stréptococcique,
sai mo ne 1los e ) ;
- Maladies causées par la présence de toxines secrétées
par certaines bactéries (botul isme, intoxications
staphylococciques).
- Maladies causées par la présence de parasites comme
dans les cas d'infection par la viande (ténia, trichine) ou les

270
légumes mal aseptisés (amibes, ascaris);
- Maladies causées par les champignons, par la
soui liure des ustensi les servant à la préparation;
- Ma 1ad i es cau sée spa ria sou i 11ure par d' au t r e s ve c -
teurs de bactéries pathogènes (mouches, cafards).
Compte tenu de son importance dans le dispositif al j-

mentaire urbain, il est urgent de mettre en place une pol itique


d'encadrement et de contrôle de l'artisanat al imentaire.
Précisons Que la pol itiQue d'encadrement dont nous
parlons n'est pas synonyme de pol itiQue de redynamisation de
l'informel al imentai re Qui, elle, ne peut se concevoi r en dehors
des pol itiQues al imentaires d'une façon générale et des plans de
ré val 0 ris a t ion des a c t i vit é sin for me Ile s a uxQue Ile s t r a vaille n t
actuellement les pouvoi rs publ ics. A un humble niveau; Quelques
suggestions pourraient se faire Quant à l'hygiène alimentaire. Si
nous devons les appeler pol itiQue, la définition de cel le-ci
devra, à notre avis, rassembler des partenaires locaux tels Que:
- l'Institut d'Hygiène (lancement d'une campagne de sensibi-
1i sa t ion sur 1a nutri t ion e t l' hyg i è ne a 1ime nt air e) ; 1e s ma i -
ries des différentes communes (définition d'une pol itiQue d'oc-
cu pat ion d e i ' es pa cee t amé na geme n t des Z0 nes de ven t e d'a 1 i -
ments); - le Ministère de la Condition Féminine et le Ministère
de l'Information (organisation de la campagne et vulgarisation
des règles d'hygiène al imentaire).

271

,.
CONCLUSION GENERALE
Notre étude sur le secteur informel al imentai re s'est

d'abord donné une base statistique à partir d'un comptage des

unités de production-vente. Le recueil des informations socio-

économiques a été assuré par questionnaire auprès d'un échanti 1-

lon"composé essentiellement de chefs d'unités de production, qui,

dès la prise de contact, manifestaient le désir de donner des

réponses complètes et cohérentes à nos questions. Si le critère

de représentativité statistique n'était pas pour nous une

priorité, la représentativité qualitative et catégorielle était

strictement observée lors de la constitution de l'échanti lion.

Nos conclusions peuvent s'organiser autour de trois axes:

- 1 iaisons entre urbanisation, dépendance al imentaire

et dynamique de l'I.A.

- conditions d'émergence et structure actuel le de

l ' 1 • A.

- élucidation des facteurs déterminants du développe-

me n t dei' 1 •A •

- importance socio-économique de l' I.A.

273
L'émergence et l'évolution de l'informel al imentai re
restent étroitement 1 iées à la croissance urbaine. Comme toutes
les capitales africaines, Abidjan a connu depuis sa "création"
une évolution qui s'est traduite par son extension géographique
et sa croissance démographique. A cet accroissement démographique
et spatial, correspond une croissance des besoins socio-
économiques. Celle de l'al imentaiton sera encore plus remarquable
car l'élargi ssement de l'espace vécu, conjugué au rythme de vie
urbain et à la faiblesse des moyens de transport, enlèvent aux
t r a va i Ile urs 1a po s s i b i 1i.t é de pre nd rel es r e pas à dom ici 1e •
L'alimentation hors domicile devient ·une nécessité que satisfera
l'I.A. initialement pris en charge par les individus de certaines
catégories sociales contraints - dans leur stratégie de survie -
à l' auto-emp loi par 1es modè 1es de déve 1oppement en vi gueu r dans
les pays africains.
L'analyse historique du phénomène, à partir des travaux
sur les migrations vers Abidjan et sur l'ordre d'apparition chro-
nologique des spécial ités cul inai res nous a révélé l'important
phénomène du renver sement des hab i tudes alimenta ires condu i t par
1es femme s i v 0 i rie nne s .
L'évolution de cette activité a connu quelques influences
nationales qui n'ont pas manqué d'affecter les modèles al imen-
taires.
L'al imentation extra-domestique était au départ une
activité d'immigrés. Il ressort de nos enquêtes que les premiers
restaurateurs informels ayant essaimé Abidjan jusqu'aux années 30
éta i ent des Sénéga 1ais et des Ddahoméennes (or i g i na ires de l' ac-
tue 1 Bé n in) •

274
Ce sin f 1ue ne e s na t ion ale sn' 0 n t pas ma nq ué d' imp rime r
leur marque culturelle au modèle al imentai re en vi gueu r à
Abidjan.
Cette situation d'antan, caractérisée par le monopole
des allochtones, évoluera jusqu'en 1950; à la faveur du rapa-
triement des Dahoméens en 1958, les Ivoiriennes récupéreront
presque totalement le secteur, faisant des restaurateurs
sénégalais les survivants du système al imentaire extra-domestique
d'avant l'Indépendance. A cette récupération du secteur par les
femmes autochtones, correspond un renversement des habitudes
a 1 i me n ta ire s i n d u i t par 1are val 0 ris a t ion du mo dè 1e a 1ime nt air e
a kan qui ma r que jusqu'à ce j 0 url ' a ,1 ime n ta t ion ex t é rie ure.
Dans les structures de "informel al imentaire, nous
avons distingué cinq types de restaurant qui se complètent et se
font concurrence.
Le recensement des plats et produits offerts à la
c 1 i en t è 1e , qua n t à 1u j , me t en rel i e fI' é ven t ail des po s s i b i 1 i tés
de consommation; il montre également la place faite aux produits
vivriers locaux comme le manioc, la banane plantain, les légumes,
les viandes de brousse et d'élevage dans la préparation des mets
Jes plus consommés et le rôle dominant des structures tel les que
les maquis et les espaces-restaurants dans le maintien des
habitudes locales de consommation.
L'analyse nous a révélé que les modèles al imentaires
observés dans le secteur informel, contrairement aux thèses de
mi.métisme, sont plutôt une confrontation culinaire intégrant
aussi bien des modèles occidentaux réinterprétés ("café complet",

275
pâtes alimentaires •••• ), des modèles sous-régionaux (riz gras,
akassa, sauce légume ..• ) que des modèles traditionnels autoch-
tones (sauce aubergine, djoungbé, alloko, kédjénou etc ••. ) avec
une large prédominance de ces derniers.
Néanmoins, ce retour aux modèles autochtones qu'a en-
traîné l'ivoirisation de l'informel alimentaire ne doit pas
pour autant entretenir l'illusio"n d'une couverture des besoins
extra-domestiques par la production nationale. Si l'I.A. est un
vecteur de maintien des habitudes al imentaires autochtones, il
n'est pas forcément créateur d'indépendance al imentaire puisque
le contenu en importation des menus semble en constante
croissance.
Ce maintien des habitudes autochtones dans l'al imentation hors
domici le semble s'appuyer sur des apports extérieurs. La crois-
sance de la consommation du riz importé - que les consommateurs
urbains préfèrent de plus en plus au riz local et aux produits
comme l' a t t i é ké (p 0 urs 0 n r a pp 0 r t qua n t i té / qua 1i t é / p r i x) - con -
juguée à celle du poisson de la viande dont la Côte-d'Ivoi re
n'assure que 40 % de la consommation, en est une preuve. La
plupart des maquis et des UPV des espaces-restaurants enquêtés
qui préparent du riz se ravitaillent essentiellement par l'im-
portation. De même la viande bovine est, de loin, la protéine
animale la plus consommée. Nous pensons que cette croissance des
consommations de riz et de viande importés - conséquence d'une
articulation entre préférence des consommateurs et intérêts éco-
nom ique s des art i san s , rel è ve d' une i nf 1uen c e dei a pol i t i que
al imentaire conjoncturel le nationale sur les habitudes de consom-
ma t ion. Le" dis po s i tif" mis en pla cep a rie s pou v0 i r s pub 1i cs

276
pour tirer profit de la surproduction sur le marché international
expl ique assez bien cette infi Itration de produits importés dans
les habitudes locales de consommation. Si la conjoncture reste
inchangée sur le marché international, cette pol itique al imen-
taire pratiquée par les pouvoirs publics présente à coup sûr des
a van t age s au s s i b ien pou ria pop u 1a t ion que pou rie go uver neme nt.
Il faut néanmoins craindre tout retournement de situation qui,
compte tenu de la tendance à la sur-consommation du riz importé
par exemple au détriment du riz local, de l 'attiéké et de la
banane plantain, risque de présenter des inconvénients pour les
consommateurs du point de vue de la sécurité al imentaire.
Un des axes de notre réflexion était l'expl ication des
facteurs du développement de l'I.A.
Les résultats de nos enquêtes ont montré qu'au delà des
questions de concordance entre l'offre et les habitudes al imen-
ta ire s 10 cal es, 1a rai son ma jeu r e qui fa i t pré f é r e r 1 1 1.A. a ux
autres modes de restauration (cantines, al imentation à domi-
ci le ..• ) est la possibi 1ité de consommation à coût modéré et,
parfois, à paiement différé.
Les bas prix à la consommation dans l'I.A. sont les
effets d'un mécanisme de marché. C'est surtout la forte densité
des points de vente qui contraint les offreurs à réduire le prix
de vente au minimum, à la 1imite du tenable en dessous de
laquelle, sauf rares exceptions, ils ne pourront plus descendre.
Ce niveau attractif des prix peut s'expliquer par
quatre facteurs principaux à savoir: - l'acceptation d'un maigre
revenu - la reconversion des rapports communautaires en capital

277
économique - et - l'appui sur les importations à bas prix en ce

qui concerne le riz, la viande de boeuf et le poisson.

1 - La logique d'acceptation d'un maigre revenu

Pour éclairer les pratiques économiques, l'analyse des

mot ivations par dissociation des comportements économiques nous a

révélé l'importance quantitative des acteurs qui se sont investis

dans l'I.A. par manque de formation (72%) et par obligation

d'assumer le rôle de chef de ménage "par substitution" pour

rai son d'a ppar t e na nc e à une f am i Ile pol y game ( 4 1 ,7 %). La

"structure des situations" dans lesquelles se trouvent ces ac-

teurs détermine leurs stratégies de production et surtout leurs

objectifs économiques qui se 1 imitent à la satisfaction de be-

soins élémentaires et symbol iques. L'essentiel est que l'UPV

fournisse le revenu nécessaire à la satisfaction des besoins

p r i mai r es, à l ' en t r e t i end u rés eau f am i 1 ia 1 0 u à l' acha t de b i en s

de prestige (pagne wax (1) et bijoux pour les femmes, combiné

rad i 0 - cas set tee t mo b y , e t tep 0 url es homme s ), sig ne s d' une mi g r a -

tion et d'un séjour en métropole abidjanaise réussis. Rappelons

que 87,54 % des acteurs de l' I.A. sont des migrants. Dans cette

optique, et compte tenu des pressions du marché, la rationalité

liée à l'optimisation du profit, constatée seulement chez quel-

ques acteurs (14,59 %), fait place à une logique générale d'ac-

ceptation d'un maigre revenu, logique à laquelle s'adapte tout un

comportement commercial.

(1) Les pagnes wax sont des tissus imprimés d'origine hollandaise
et anglaise.

278
2 - La participation communautaire à l'effort productif des UPV

L'un des atouts économiques de l'I.A. est la participa-


tion communautaire à l'effort productif à plusieurs niveaux (fi-
nancement local de production, main-d'oeuvre, approvisionnement).
Nos travaux font apparaître clairement l'importance des aides
fami 1 iaux dans la stratégie de production des UPV. Sur les 928
personnes (hormis les chefs d'UPV) composant la main-d'oeuvre des
281 UPV que nous avons enquêtées, 1a po pu 1at i on des a ides
communautaires compte pour 98,1 %, le salariat, très marginal,
ne représentant que 2,9 %.

Les UPV fonctionnent essentiellement grâce aux descendants


directs des tenanciers (11,3 %), aux enfants placés auprès d'eux
par un ami ou un voisin (18,5 %), aux enfants du cercle parental
du tenancier (13,7 %) et aux aides-parents (46,8 %), généralement
des cousins, cousines, frères et soeurs appartenant à la 1ignée
fami 1 iale. La non-rémunération de cette main-d'oeuvre fami 1 iale
contribue à la réduction du coût de production et, par voie de
conséquence, à la modicité des prix des plats consommés.
Le succès de l'I.A. peut aussi s'expliquer par la
souplesse du réseau d'approvisionnement en matières premières. La
"tribalisation" des aires d'approvisionnement et la personnali-
sation des rapports commerciaux après environ six mois de fidé-
1ité envers le fournisseur, faci 1itent les transactions sous
forme de "crédit-comptant" consistant en un paiement différé des
a cha t s • Ce c i pré sen t e p 0 url es de ux par t en air e sée 0 nom ique s ,
surtout pour l'artisan de l'informel al imentai re, un avantage
économique certain en ce sens qu' i 1 peut à tout instant s'appro-

279
visionner et faire son commerce d'al iments sans disponibi 1 ité
financière immédiate. Ces atouts sociaux sont reconvertis par les
acteurs en capital commercial en vue de supporter les effets de
la forte concurrence dont l'impact sur le maintien des prix des
repas est considérable.

3 - L'appui du secteur sur les relations extérieures

La pol itique d'importations al imentaires locales de la


Côte-d'Ivoire a favorisé la "sur-consommation" de riz, de viande
de boeuf et de poisson subv~ntionnés par les pays producteurs. De
toutes les céréales et protéines animales, le fait que ces trois
groupes de produits soient les plus consommés, parce que moins
chers, reste la preuve de l'appu'j de l'I.A. sur les relations
extérieures même si cela est au second degré.
Enfin, l'importance socio-économique'de l'I.A. s'est
révélée à travers sa fonction de vecteur d'insertion des femmes
dans le tissu économique urbain (voire national), d'adaptation du
goût aux revenus et aux contrain{es al imentaires nées du mode de
vie urbain de pourvoyeur d'emplois et de revenus.
No usa von spa rai Ile urs mo n t ré que sis a cap a c i té de
c réa t ion d ' emp loi é t ait gr and e ; 1e r ev e nu qu' i 1 gé nère su bit
depuis un certain temps les effets de la crise économique qui se
traduit par sa croissance en tai 1le. Tout pol itique économique
qui voudrait agir sur la pauvreté doit notamment tenir compte de
ces nouvel les données des petites activités qui de moins en moins
offre des revenus décents. La croissance dans les villes afri-
caines de ce secteur ne doit guère entretenir l'illusion d'en
faire un moyen de compensation des effets de contractions écono-

280
miques que connaissent la plupart des pays de l 'Afr iClue sub-
saharienne.
Notre étude, conduite sur quatre années, a été l'oc-
casion d'articuler l'approche théorique et les recherches
empiriques sur les petites unités de production et de vente
d'al iments. Nous rangeons cette modeste contribution dans les
réflexions encore lacunaires et contradictoires sur le secteur
i nfor me 1 et dan sie s r e che r che s sur 1e s ys t ème des écu rit é a 1i -
me n t air e des ville s a f r i ca i ne s .
La démarche scientifique dont se réclame ce travai 1 est
encore trop jeune pour permettre une vue synoptique de tous les
éléments du thème. Que l'on puisse souffrir cette faiblesse 1iée
à notre fraîche intégration dans le champ de la recherche
scientifique.
Qu'i 1 nous soit permis, ici, de pasticher Ovide: "Tu
dois être indulgent, cher lecteur", si le contenu de cette
réflexion ne répond pas entièrement à ton attente, car nous
sommes sûr de ne pouvoir te satisfaire entièrement eu égard au
fait que notre observation peut être déficiente par endroits et
notre analyse superficielle et/ou tardive sur tel ou tel point.
Nous espérons néanmoins que cette contribution répondra
à certaines curiosités et que la lecture critique de ce travai 1
no us con du ira à l' amé 1 i 0 rat ion den 0 s mé t ho des d'a ppro che des
phénomènes.

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300
LISTE DES TABLEAUX
Page

1. Répartition de la population enquêtée par type de restau-


rant et par Quartier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . 35

2. Evolution des importations de produits al imentaires par


rapport au total des importations •••••••••••• ••••••••• 54

3. Influence des prix sur les importations et la consommation


dur i z •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 59

4. Evolution de la disponibilité nationale en viande bovine 62

5. Evolution de la population abidjanaise selon les trois


p é r i mè t r es. . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

6. Principaux produits vivriers utilisés dans la restaura-


tion populaire avant 1950 ••••••••••••••••••••••••••••• 82

7. Menu de la restauration populaire autochtone •••••••••• 84

8. Répartition des établ issements restaurants sur la vi Ile


d'Ab i d jan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . 88

9. Répartition des unités de vente sur tables mobiles •••• 89

10. Répartition des espaces-restaurants sur la vi Ile d'Abidjan 91

11. Typo log i e des sys tèmes alimenta ires 96

12. Répartition des actifs par sexe •••••••••••••••••••••••• 112

13. Répartition des actifs par âge et suivant le type de res-


taurant . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

14. Répartition des actifs par nationalité et suivant le


sexe 114

15. Mo tif s dei ami g rat ion ver s Ab i d jan 117

16. Répartition de la main-d'oeuvre par tranche d'âge •••••• 121

17. Répartition de la main-d'oeuvre par statut ••••••••••••• 121

18. Structure de la main-d'oeuvre fami 1 iale dans l'informel


a 1 i me n t air e • . . • • • • • • . • . . . . . . . . • . . • . . • . . • . . . . . . . . . • . . . . . 124

19. Nombre d'actifs/ménage d'acteurs répartis selon le sexe 129

20. Fréquence des combinaisons d'actifs •••••••••••••••••••• 130

21. Alphabétisation et scolarisation par sexe 139

22. Evaluation du capital initial par type de restaurant ••• 150

302
Page
23. Fréquence de disponibi 1 ité des différents matériaux de
production-vente/catégorie de restaurant .•.•..•.••..••• 156

24. Quantité de protéine animale par UPV 171

25. Types de plats les plus consommés en al imentation exté-


rie ure à Ab i d jan e n 1 979 ••••..••.••••.•.••...•••••.... 1 75

26. Fréquence de la pratique du crédit ••••....•••••.....•. 184

27. Fréquence d'approvisionnement à crédit par type de


produit ....................•.............•.......•..•. 185

28. Importance des 1 jeux de consommation dans la consommation


totale hors domicile . . . . . • • . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

29. Importance des plats extérieurs par strate •.••.••.•... 201

30. Prix moyens des plats consommés dans les maquis, kiosques
et restaurants-bars................................... 208

31. Evolution des indices de prix de consommation générale


et al imentaire entre 1986 et 1988 211

32. Distribution des chiffres d'affaires mensuels par


catégorie de restaurant .....•..•.......•••.....•.•.•.. 221

33. Croisement niveau d'investissement/chiffres d'affaires. 222

34. Croisement chiffres d'affaires/revenu net mensuel..... 223

35. Contingence simple: catégorie de restaurant/revenu net


me n sue 1 •..•.....•......•.•.......•...............•••.. 224

36. Répartition de la sous-population à un seul actif dans


l 'échel le des revenus... 227

37. Croisement tai 1Je des ménages/revenu net dans les ménages
à un seul actif 228

38. Structure générale des dépenses des ménages ........•.• 229

39. Dépenses d'al imentation selon les grands groupes de


produits .....•••.......•......•.................•..... 232

40. Répartition des ménages à un seul actif dans les structures


de l'habitat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . . . . • . • . . . . 233

41. Structure des dépenses d'habitation ....••• .••....•..•. 236

42. Structure des dépenses d'éducation ..•...•..••••.•.•••. 238

303
Page
43. Structure des dépenses d'habi 1lement ...•....•..•.••.•• 241

44. Structure des dépenses de soins de santé .••••...••.... 241

45. Table de composition nutritionnel le d'un menu type ••.• 262

304
l
t

QUESTIONNAIRE

Enquête Secteur informel alimentaire à Abidjan

N° de l'enquêteur / __/ __/

N° du restaurant / __/ __/ __/ Adresse

Lieu d'enquête .•.•.••...........•• / __/ __/

Date /_/_/_/_/_/_/
Thème 1 Renseignement d'ordre général sur les restaurateurs

1 Ne rien
1 écrire ici
1.1. Sexe Mascul in / _/1 Féminin /_/2 1 /_/
!
1.2. Age /_/_/ ans 1 /_/_/
1
1.3. Nationalité ou ethnie .•.•.•.••.•.•.. /_/_/ 1 /_/_/
1
1.4. Avez-vous été à l'école? oui /_/1 non /_/2 NSP/_/3 1 /_/
1
1.5. Si oui, jusqu'en quelle classe? 1 /_/
Primaire /_/1 Secondaire 1er niveau /_/2 Secondaire 2e 1
niveau /_/3 ! /_/
1.6. Si non, pourquoi? /_/
Refus des parents / /1 refus refus personnel /_/2 /_/
manque de moyens financiers / /
manque de structures d'éducation dans mon village /_/4
Autre / _/5: Préciser ••••.•••....•.....•.•••••••.•....

1.7. Situation matrimoniale /_/


Célibataire avec enfant / /1 Marié(e) avec enfant / /3
Veuf (ve) avec enfant / /4-Célibataire sans enfant /-/2
Marié(e) sans enfant /-/4 Veuf(ve) sans enfant / /6-
Divorcé(e) avec enfant-/_/7 Divorcé(e) sans enfant /_/8

1.8. (Exclusivement pour les femmes). Votre mari a-t-il une


autre épouse que vous ? /_/
OUi /_/1 Non /_/2 NSP /_/3

1.9. Depuis quand êtes-vous à Abidjan? /_/_/ ans /_/_/


1.10. Quelles sont les raisons de votre arrivée à Abidjan? /_/_/
Né(e) à Abidjan / /1 Raison de santé / /2
Raison scolaire /-/3 Pour chercher du travail / /4
Apprentissage / /5 Visite à la famille / /6 Sui;i du
mari / /7 Fuir les contraintes du villagë / /8 Suivi d'1
parent-/ /9 -
Autre / _710 : Préciser •...................•............

1.11. Depuis quand exercez-vous cette activité? / / / ans /_/_/

1.12. Exercez-vous parallèlement une autre activité? /_/


Oui /_/1 Non /_/2 NSP /_/3

1. 13. Si oui, laquelle ? ...........•...•...........•.... ./_/ /_/

D'où vous est-il venu l'idée de monter ce petit commerce?


· . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. !
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• 1
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• 1
1

306
1 Ne rien
1 écrire ici
Questions spécifiques 1
1
1 • 14. Type d'établissement : •••••••••.•.•..••..•..•...... /_/ 1 /_/
1
1.1S. CA remplir pour les sp, E.R., R.et, tm). Est-ce qu'il 1
est difficile d'avoir une place ici 1 1
OUi 1_/1 Non /_/2 NSP /_/3 1
1
1.16. CA remplir pour les amb ••• ,). Comment choisissez-vous 1
vos itinéraires 1 1 /_/
.en fonction de la situation géographique de la clientèle
habituelle / /1 .au hasard / /2 .en fonction des 1
lieux publics /_/3 •autre I_ï 4 1
Préciser 1
1
1.17. CA remplir pour les Sp., E.R., R. ét., tm). Est-ce qu'il 1
Y a des démarches particulières à faire pour avoir une 1
place ici 1 1
OUi /_/1 Non 1_/2 NSP /_/3 1 /_/
Si oui, lesquelles ? . 1
1
1
1.18. CA remplir pour les Sp., E.R., R. ét., tm). Pour occuper 1
ce lieu de vente les premiers jours, avez-vous rencontré 1
des problèmes 1 1 /_/
'OUi / /1 Non 1 /2 NSP /_/3 1
Si oui les(iuels .••.•:-••..••.••••......•..•.•.•......•.1
1
1.19. CA remplir pour les Sp., E.R., R. ét., tm). Vous est-il 1
déjà arrivé une fois de changer de place pour une autre 11 /_/
Oui /_/1 Non /_/2 NSP /_/3 1
1
1.20. Si oui, pourquoi 1 1 /_/
Problèmes avec les V01S1ns / /1 .fin de chantier / /2 1
.Ne vendait pas bien / /3 .L'endroit ne portait pas 1
chance /_/4 .Autre l~/s Préciser 1
1
1.21. CA remplir pour les Sp.,). A la fin de chantier, que 1
ferez-vous 1 1 /_/
.Changer de chantier 1_/1 .Retourner au village / /2 1
.Changer d'activité / /3 .M'établir sur un lieu dë ventel
fixe /_/4 .NSP /_/S- .Autre /_/6 Préciser .•.......•• 1
1
1.22. CA remplir pour toutes les catégories). Généralement à 1
peu près à quelle heure quittez-vous la maison pour allerl
vendre et à quelle heure y retournez-vous 1 Heure départ 1
de la maison /_/_/ h 1 /_/_/
1
1.23. CA remplir pour toutes les catégories). Généralement à 1
peu près à quelle heure quittez-vous la maison pour allerl
vendre et à quelle heure y retournez-vous 1 Heure de 1
retour à la maison /_1_/ h 1 /_/_/
1

307
i
1
1 Ne rien
1 écrire ici
1 .24. (A remplir pour les Sp., E.R., R. ét •• , tm). Pourquoi
1
avez-vous préféré ce lieu de vente et non un autre ? 1 /_/ 1
.C'est près de ma maison / /1 .Par hasard / /2 1
.On vend beaucoup ici / /3- .A cause de la facilité 1
d'intégration / /4 .S~ conseil d'une tierce 1
personne / _/5 :-Autre / _/6 1
. Préciser . 1
1
1.25. (A remplir pour toutes les catégories). Est-ce qu'il y a 1
des gens qui travaillent avec vous ? Oui / /1 Non / /2 1
NSP /_/3 - - 1 /_/
1
1.26. (Voir fiche 1.26). 1
1
1.27. (A remplir pour les Sp., E.R., R. ét., tm). Est-ce que 1
vous avez loué cette place? Oui /_/1 Non /_/2 NSP /_/31 /_/
1
1.28. Si oui montant de la location (à évaluer en mois) 1
/_/_/_/_/_/_/_/ 1/_/_/_/_/_/_/_/
1
1
Fin des questions spécifiques 1
1
1 .29. Vivez-vous seul(e) chez vous? Oui /_/1 Non /_/2 1
NSP /"-/3 1 /_/
(Si non, remplir la fiche de renseignements familiaux) 1
Fiche 1.30 1
1
Thème 2 : De l'esprit d'entreprise: création et gestion de production

2.1. Où avez-vous trouvé l'argent nécessaire pour débuter 1


cette activité? 1 /_/
.Aide familiale / /1 .Aide du conjoint / /2 .Prêt / /3 1
.Association / /4- .Tontine / /5 .Capital tiré d'une- 1
autre activit~ /_/6 .Autre ï_/7 .Préciser .••••..•.•• 1
1
2.2. A peu près avec combien avez-vous démarré ce petit 1
commerce /_/_/_/_/_/_/_/_/ !/_/_/_/_/_/_/_/
1
2.3. (Voir fiche 2.3.) 1
1
2.4 Quelle(s) combustion(s) utilisez-vous pour la préparation1
des aliments? ! /_/_/
.Charbon de bois / /1 .Gaz / /2 .Bois /_/3 1
.Electricité /_/4 -.pétrole /=/5 !
1
2.5 Que représente pour vous l'exercice autonome d'une acti- !
vité économique en milieu urbain? ! /_/
.Moyen de subvenir à mes besoins / /1 !
.Obligation de faire quelque chose-pour ma liberté vis à 1
vis de qui que ce soit / /2 .Pour survivre / /3 !
.Moyen d'un propre épanouissement / /4 .Autre-/ /5 !
. Préciser :- :-....... 1

308
1 Ne rien
1 écrire ici
2.6. Combien gagnez-vous quand vous vendez ? 1/_/_/_/_/_/_/_/
beaucoup un peu pas du tout 1
jour .. ....... ......... . . 1
semaine . . . ...... ......... . . 1
mois .. ....... ......... . . 1
(Laisser l'enquêté choisir sa périodicité, évaluer les 1
recettes en ramenant la périodicité à la semaine). 1
Recette maximum /_/_/_/_/_/_/_/ 1
Recette moyenne /_/_/_/_/_/_/_/ 1
Recette minimum /_/_/_/_/_/_/_/ 1
Recette hebdomadaire approximée /_/_/_/_/_/_/_/ 1
1
2.7. Mettez-vous de l'argent de côté comme économie? 1 /_/
Oui / /1 Non / /2 NSP / /3 1
(Si non, passez à la question 2.10 et suite) 1
Si oui quels sont vos projets sur cette économie? ••••• 1
1
1
1
1
2.8. Combien à peu près, mettez-vous de côté? 1/_/_/_/_/_/_/_/
jour /_/_/_/_/_/_/_/ 1
semaine /_/_/_/_/_/_/_/ 1
mois / / / / / / / / 1
(Laisser l'enquêté choisir sa-~riodicité et ramener 1
l'épargne sur une base mensuelle. Calcul à effectuer par 1
l'enquêteur de retour à la maison). 1
Epargne/mois /_/_/_/_/_/_/_/ 1
1
2.9. OÙ faites-vous garder cet argent? 1 /_/
.Banque / /1 .Tontine / /2 .Poste / / 1
.Thésaurisation / /4 .EÏÏvoi au village /_/5 .Chez un 1
parent ici à Abidjan /_/6 .Autre /_/7 1
. Préciser . 1
1
Qu'avez-vous déjà réalisé à partir de vos économies 1
antérieures ? 1 /_/_/
1
1
1
1
2.10. Payez-vous des taxes municipales? 1 /_/
Oui /_/1 Non /_/2 NSP /_/3 1
1
2.11. Par quelle périodicité? 1 /_/
.jour /_/1 .semaine /_/ .mois /_/3 .autre /_/4 1
• Préciser •••.......•........................••...•...• 1
1
2.12. Montant de la taxe /_/_/_/_/ 1 /_/_/_/_/
1
Thème 3 : Pratiques commerciales et climat social 1
1
3.1. (Voir fiche 3.1.) 1

309
Ne rien
écrire ici

3.2. (A remplir pour les restaurateurs vendant des plats combinés)


Quelle est la combinaison la plus chère ? l ,_,_,_,_,
Nom •••••.••.•••••• Prix ,_,_,_,_, 1
1
3.3. (A remplir pour les restaurateurs vendant des plats combinés)
Quelle est la combinaison la moins chère ? 1
Nom ••••••••..••••• Prix ,_,_,_,_, 1 '-'-'-'-'
1
3.4. Est-ce que vous faites crédit à vos clients ?
Oui'_'1
Pourquoi ?
Non'_'2 NSP'_'3
.
1
1
1
'-'
(Si non, passez à la question 3.8. et suite) 1
1
3.5. Faites-vous crédit à tous vos clients ?
Oui'_'1
Pourquoi ?
Non'_'2 NSP'_'3
.
1
1
1
'-' 1"
1
3.6. Qui sont ceux qui achètent-à crédit chez vous? ..••..• 1
1
1
'-'-'
3.7. Comment faits-vous pour retenir les noms de ceux qui vousl
doivent ?
.Pointage dans un carnet personnel' '1 .pointage sur
mur " 2 .pointage dans un carnet de bon du client' '31
1
1 '-'-'
.taux fixe à la fin du mois' '4 .mémorisation des - 1
crédits '_/5 .autre '_'6 - 1
Préciser 1 .:

1
3.8. Quels problèmes rencontrez-vous généralement avec les 1
clients ? 1
.plainte pour hygiène '_'1 .problème de mesure du plat' '2
.satisfaction gastronomique' '3 .paiement des crédits'-'4
'-'-'
.problème de places assises ':'5 .autre '_'6 -1
. Préciser 1
1
Thème 4 : Structure de consommation des ménages 1
Alimentation 1
1
4.1.

4.2.
Combien de fois mange-t-on par jour chez vous? ,_, fois 1

Quelle périodicité choisissez-vous (ou votre femme) pour 1


1 '-'
aller au marché ?
.tous les jours' '1
.tous les 3 jOurs-' '3
. tous les 2 jours
. tous les 4 jours
1
1
1
'-'
.tous les 5 jours '-'5 . tous les 6 jours 1
.tous les 7 jours ':'7 . tous les 8 jours 1
.Indéterminé , '9 !
4.3. Combien dépensez-vous comme argent quand vous allez (ou !
votre femme) au marché? ,_,_,_,_,_, F.CFA
'-'-'-'-'-'
4.4. Citez-nous les deux plats que vous mangez le plus les
jours ordinaires ,_,_, , ,_,_,
'-'-'-'-'
310
1 Ne rien
1 écrire ici
4.5. Citez-nous les deux plats que vous mangez le plus les 1
jours de fête ••••••••.••• /_/_/ / ..••.•••••.••• /_/_/ 1 /_/_/_/_/
1
4.7. Quelle(s) combustions utilisez-vous pour préparer vos 1
repas à domicile ? 1 /_/_/
.charbon de bois / /1 .gaz / /2 .bois /_/3 1
.électricité /_/4 - .pétroïe /_/5 1
1
4.8. Combien vous coûte cette combustion? 1 /_/_/_/_/_/
par jour / / 1
par semaineT / /_/_/_/_/_/ 1
par mois / / 1
Refaire le calcul sur une base mensuelle /_/_/_/_/_/_/ 1
1
4.9. Combien dépensez-vous par mois pour l'alimentation? •••. 1 /_/_/_/_/_/_/
1
4.10. Etes-vous tout(e) seul(e) à faire face aux dépenses 1
d'alimentation? 1 /_/
Oui / /1 Non / /2 NSP / /3 1
(Si oui passer à la quëstion 4.12:- Si non, répondre aux 1
questions 4.10 et 4.12 avant de passer aux questions 1
suivantes: 4.13 et suite). 1
1
4.11. Dites-nous ceux qui y participent 1
.Conjoint(e) /_/1 .Les parents qui habitent la maison/_/21
· Autre / _/3 .Préciser ••..••....••...••.•..•...••...... 1
1
4.12. A combien évaluez-vous leur participation mensuelle? 1/_/_/_/_/_/_/
/_/_/_/_/_/_/ F.CFA
1
Logement 1
1
4.13. OÙ habitez-vous? (commune) 1 / _/_/
1
4;14. Statut du logement 1 /_/
.propriété privée / /1 .Location /_/2 1
.Location-vente / /3 .Maison familiale /_/4 1
.Habite auprès d'un parent ou ~mi /_/5 .Autre /_/6 1
· préciser . 1
1
4.15. Genre d'habitat 1 /_/
.Cour individuelle /_/1 .Habitat en bande /_/2 1
· Cour commune / _/3 .Baraques /_/4 1
1
4.16. De combien de pièces disposez-vous? ...••• 1
1
4.17. Vos toilettes (W.C. ) sont-elles . 1 /_/
.collectives /_/1 . individuelles /_/2 •naturelles /_/3 !
1
4. 18. Votre salle de bain est-elle : 1 /_/
· collective / _/1 • individuelle /_/2 . naturelle /_/3 1
1
4.19. Enumérez les frais généraux mensuels de logement 1/_/_/_/_/_/_/

311
1

1 Ne rien 1
1 écrire ici
Nature des frais
Location
1
1
1
Electricité 1
Eau 1
Dépenses diverses 1
1
Total /_/_/_/_/_/_/ 1
1
4.20. Etes-vous tout(e) seul(e) à faire face aux dépenses de 1
logement? 1 /_/
OUi / /1 Non /_/2 NSP /_/3 1
(Si oui, passer à la question 4.23. Si non, répondre aux 1
questions 4.21 1
1
4.21. Dites-nous ceux qui y particiPent? 1 /_/
.conjoint(e) / /1 .les parents ou ami qui habitent la 1
maison /_/2 ~autre /_/3 : préciser •••.••..•.•••••••. 1
1 l-
4.22. A combien évaluez-vous leur participation mensuelle? •.• 1/_/_/_/_/_/_/ I

santé 1
1
4.23. Lorsque vous ou quelqu'un de votre famille est malade, 1
comment est-ce qu'il se soigne? 1 /_/_/
.hôpital / /1 .guérisseur / /2 .auto-médication / /3 1
.pharmaco~e /_/4 .autre /_/5-: Préciser •...•.••••. ~ •• 1
1
4.24. Connaissez-vous la nivaquine ? 1 /_/
Oui /_/1 Non /_/2 1
1
4.25. Si oui, à quoi sert-elle ? ••..••....•••..•...•.••.••.•• 1 /_/
connaît /_/1 ne connaît pas /_/2 1
1
4.26. A peu près combien dépensez-vous par mois, pour les frais 1
de santé? 1/_/_/_/_/_/_/
.maximum / / / / / / / .dépense moyenne /_/_/_/_/_/_/ 1
.minimum /:/:/:/:/:/:/ 1
1
4.27. Etes-vous tout(e) seul(e) à faire face aux dépenses de 1
santé ? 1 /_/
Oui / /1 Non / /2 NSP / /3 1
(Si oui, passer à la-question 4~30. Si non, répondre aux 1
questions 4.28 et 4.29 avant de passer aux questions 1
suivantes: 4.30 et suite). 1
1
4.28. Dites-nous ceux qui y participent? . 1 /_/
.conjoint(e) / /1 .les parents ou ami qui habitent la 1
maison /_/2 .autre /_/3 : Préciser .•......•.......... 1
1
4.29. A combien évaluez-vous leur participation mensuelle? 1
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 1/ _/_/_/_/_/_/

312
Ne rien
écrire ici
4.30. Fiche de santé de l'environnement du restaurateur.
De toutes ces maladies, dites-nous celles dont souffrent fréquemment les
membre de votre famille vivant dans la même maison que vous.

1 N° 1 Nom français 1 Nom en dioula 1 Nom en baoulé 1 OUi 1


1 1 1 1 1 Non 2
1 1 1 1 1
1 1 1 paludisme 1 djèkouadjio 1 adjué 1 1_1
1 2 1 fièvre jaune (ictère) 1 djèkouadjio oulé 1 adjé n'go 1 1 1
1 3 1 toux 1 s g s g 1 tang 1 1-:)
1 4 1 tuberculose 1 s g s g gbè 1 tang houfouè 1 1_1
1 5 1 maladie sexuellement 1 1 1
1 1 transmisible 1 chopis 1 chopis 1 1_1
1 6 1 diarrhée 1 conobori 1 nzôdjiè 1 1 1
1 7 1 kwashiorkor 1 kouachioc 1 kouachioc 1 1:1
! 8 1 gale 1 soniya 1 assien 1 1_1
! 9 1 lèpre 1 kuna ! cocobé 1 1_1
! 10 1 rougeole 1 gnon 'ni 1 ngblikissi 1 1_1
1 11 1 Bruline 1 adjenina 1 wayara 1 1_1
1

Education 1
1
4.31. Avez-vous à votre charge des enfants de plus de 3 ans ? 1
OUi 1 11 Non 1 12 NSP 1 13 1
(Si non, passez à la ~estion - ) 1
1
4.32. Combien d'enfants du couple? 1_1_1 1 1_1_1
1
4.33. Combien d'enfants confiés ? 1_1_1 1 1_1_1
1
4.34. Combien vont effectivement à l'école de tous ces enfants 1
de plus de 3 ans 1_1_1 1 1_1_1
1
4.35. Combien vous coûte à peu près leur scolarité par an ? 1/_/_1_1_1_1_1_1
Déplacement •...•.•...........• 1
Frais de scolarité •••••••••••••...••. !
Habillement scolaire ....••.•........... 1
Fourniture scolaire .••..•...•.•......• 1
1
TOTAL 1_1_1_1_1_1_1_1 1
(Evaluer chaque chapitre avec les enquêtés en fonction dul
nombre d'enfants qui fréquentent. Calculer ensuite la 1
dépense totale en matière de scolarité. !
1
4.36. Combien apprennent effectivement un métier? 1_1_1 ! 1_1_1
!
4.37. Combien vous coûte à peu près leur apprentissage par an ?I/_I_I_I_I_I_I_I
Déplacement !
Frais d'apprentissage 1
Equipement !

313
Ne rien
écrire ici
Di vers .
(Evaluer chaque chapitre et calculer la dépense totale)

4.38. Total des frais d'éducation / / / / / / / / /_/_/_/_/_/_/_/


(coût de la scolarité + coût d'apprëntissage si des
cas pareils se présentent).

4.39. Avez-vous à votre charge des enfants qui ont plus de


6 ans et qui ne vont pas à l'école, ni n'apprennent un
métier ? /_/
Oui / /1 Non /_/2 NSP /_/3
(Si on, passer à la question 4.44.)

4.40. Combien? /_/_/ /_/_/


4.41. Pourquoi ne vont-ils pas à l'école ou n'apprennent-ils
pas un métier? /_/
.refus des parents / /1 .refus des enfants /_/2
.manque d'argent /-/3 .manque de structure
d'accueil /_/4 .autre /_/5 • Préciser •••••••••••••••••

4.42. Etes-vous tout(e) seul(e) à faire face aux frais de


scolarité et/ou d'apprentissage? /_/
Oui / /1 Non / /2 NSP / /3
(Si oui, passer à la ~estion 4.44~ Si non, répondre à la
4.43 avant de passer aux questions suivantes 4.44 et
suite) .

4.43. Ditez-nous ceux qui y participent? /_/


.Conjoint(e) /_/1 .Des parents à Abidjan /_/2
.Des parents dans une autre ville / /3 .Des parents au
village /_/4 .Autre /_/5 .Précisër •••..•.•..••••.••.•

Loisirs

4.44. Quand vous ne travaillez pas, quelles sont vos distrac-


tions ? /_/_/
.Télévision / /1 .Visites aux parents et amis /_/2
.Ecouter la radio /_/3 .Danse /_/4 .Autre /_/5
. Préciser .........•..•.•..•.....•.••.......•........•..

4.45. Appartenez-vous à des associations? /_/


Cui / /1 Non / /2 NSP / /3
Si oui lesëÏuelles ? . ~ •..•.•••.• ~ •.•.............•••....

Autres: TranSports d'argent

4.46. Est-ce que vous envoyez de l'argent au village? /_/


Oui / /1 Non / /2 NSP / /3
(Si non, passez à la ëÏuestion 4.48

314
1 Ne rien
1 écrire ici
4.47. A quelle occasion? 1 1_1_1
.Pour des cérémonies 1 11 .Pour assurer des charges
familiales 1 12 .pour-les fêtes 1 13 .Pour les cotisa-
1
1
1
tions au vilÏage 1_1 .Autre 1_/5 1
· Préciser . 1
1
4.48. Qu'est-ce que vous recevez du village? 1 1_1
.des produits vivriers 1 11 .de l'argent 1_/2 1
.autre 1_1 - 1
· Préciser . 1
1
4.49. Est-ce que vous aidez (avec l'argent) d'autres personnes 1
ici à Abidjan ? 1_1
OUi 1_/1 Non 1_/2 NSP 1_/3

4.50. A peu près à combien pouvez-vous évaluer les aides? 1_1_1_1_1_1_1_1 .


· par semaine •.....••••.• . par. mois ..•......•••. j'
.par an . l
(remettre l'évaluation sur une base aensuelle)
Montant des aides par mois 1_1_1_1_1_1_1

4.51. Pensez-vous que les aides dérangent l'évolution de votre


commerce? 1_1
OUi 1 11 Non / 12 NSP 1 /3
(Si non, passer à la question 4.52 et suite)

4.52. Comment les aides dérangent-elles l'évolution de votre


commerce? 1_1
.Elles font régresser mes affaires 1 11
.Mon commerce n'évolue pas 1 12 -
.Créent des problèmes dans ma gestion 1 13
. Autre 1_/4 . Préciser .•.......•.•••..:-•.•.••••••.•..•••

4.53. Pensez-vous que la demande d'aide est plus forte mainte-


nant qu'au début de vos activités commerciales? 1_1
Oui 1 11 Non / 12 NSP 1 13
(Si non, passer à la question 4.55 et suite).

4.54. A quoi cet accroissement de la demande d'aide est-il dû


selon vous ? 1_1
.Appauvrissement des gens au village 1 11
.L'ancienneté de l'artisan à Abidjan 1-/2
.Arrivée de nouveaux parents en ville 1-/3
.Problèmes familiaux croissants 1=/4
. Autre 1_/5 . Préciser .

Thème 4 : Analyse du système d'approvisionnement

4.55. (Voir fiche)

4.56. Quels sont les problèmes majeurs que vous rencontrez en


matière d'approvisionnement? 1_1

315
1 Ne rien
1 écrire ici
.Variation des prix / /1 .Problèmes de stockage / /2 1
.problèmes de transport / /3 .Forte demande du même 1
produit /_/4 .Autre /_/5 .Préciser ......•.....•.•.• 1
1
Faites-nous quelques propositions utiles à l'amélioration de 1
vos conditions de travail. 1
1
1
1
1 1
"':":"'"_ _-:--: 1 _ !
i
Observations 1 1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1 ,.
1
1
1
1
1

316
GLOSSAIRE DES PLATS ET PRODUITS CITES

· Ablo Plat d'origine bénino-togolaise. L'ablo est une pâte


de maïs légèrement salée et sucrée qui se mange
accompagnée d'une sauce ou avec la viande et/ou le
po i s son gr i lié ou f rit.
· Acara Plat dont "origine se perd entre le Ghana, le Togo,
le Bénin et le Nigéria. Il est fait de beignets de
niébé (haricot) et se mange avec de la sauce
pimentée.
Agouti Petit marrmifère rongeur dont la viande est très ap-
préciée par les consommateurs abidjanais.
· Akassa Plat d'origine bénino-togolaise. L'akassa est une
pâte de farine de maïs acide qui se mange accompagnée
d'une sauce ou avec la viande et/ou le poisson gri' lé
ou frit.
· Alloco Plat ivoirien fait de banane plantain frite à

l 'hui le. Il peut être accompagné de poisson et/ou de


viande gr i lié as sa i sonné avec du piment. Il est con-
sommé généralement en al imentation extérieure comme
goûter et à domici le comme dessert ou plat de
résistance.
Beignets On obtient divers types de beignet en fonction des
pro d lJ i t s de bas eut i 1i s é s • On a don cie be i gnet de

317
-maïs, de mi l, de blé, de manioc, de banane plantain
ou de banane douce.
• Les brochettes Viande grillée avec de l'oignon, servie en
sandwich dans du pain ou pouvant être consommée au
bout de bâtonnet.

• Le "café complet" se retrouve lors des repas à domici le mais


surtout en consommation extérieure. C'est un plat à
base de café et de lait accompagné de pain beurré
auquel on peut ajouter d'autres produits tels que le
poisson, l'arachide. C'est en quelque sorte une réin-
terprétation du petit déjeuner continental.
• Le foutou : Ce nom est attribué à tout plat à base de tuber-
cule ou de féculents cuits à l'eau puis pi lé jusqu'à
l'obtention d'une pâte consistante. On distingue le
foutou d'igname, de manioc, de banane ou de tarot. La
détermination du nom du plat dépend alors de la
tubercule ou du féculent qui a servi à sa confection.
• Le Kédjénou : C'est un plat-type de l'al imentation extérieure
abidjanaise. Il est fait de poulet découpé, bien
assaisonné et cuit à la vapeur dans une marmite à
long col, bien couverte. Ce plat se compose aussi de
pâ t e de toma te, de p i me n t f rai s , d ' 0 i gnon, d'a il,
d'hui le de palme. Il se retrouve dans toutes les
régions de la Côte-d'Ivoire.
· Le Moni, est une boui Il ie de mi 1 d'origine sénégalaise.
· Le foufou, est un plat fait à partir d'un mélage de banane
plantain légèrement pi lé et mélangé à l'hui le rouge.

318
· Les sauces : Elles accompagnent 1es plats de rés i stance te 1s
que le riz, le foutou et le foufou. Elles sont carac-
térisées par les produits de base, généralement des
légumes, des noix ou des graines qui ont servi à leur
préparation et dont elles portent le nom. On dira
"sauce aubergine" pour une sauce dont les légumes
dominantes sont des aubergines et "sauce graine" pour
une sauce à dominance de jus de noix de palme.
· Le tiep-djen est un plat dont les trois principaux consti-
tuants sont le riz, le poisson frais et l'hui le
d'arachide avec une dizaine d'autres ingrédients
complémentaires. Fruit d'un métissage dont la pater-
nité remonte aux équipages qui, du XVIe au XIXe
siècle, fréquentaient la côte du Sénégal, et en par-
ticulier les ports de St Louis, Rufisque et Gorée où
on trouvait côte à côte africains, hollandais,
portugais et français, le tiep-djen doit sa diffusion
En Cô t e - d' 1v 0 ire a ux t r a vaille urs mi g r an t s
sénégalais.
• Le Wo, est une pâte de farine de maïs à consistance mol le,
consommable de préférence à chaud. Il est surtout
servi par les restauratrices béninoises. Il est géné-
ralement accompagné d'une sauce au poisson ou à la
viande.
• Le yassa. Plat d'origine sénégalaise fait essentiellement de
riz blanc avec comme accompagnement la sauce préparée
à l'oignon et au citron.

319
PLA N D E TAI L L E

1•
Page

1NTRODUCT 10\1 GENERALE •...••.•.•....•.••.•..•.•.•.•.•..•.•• 10

1. De la problématique générale du secteur informel à sa


projection dans les filières agro-alimentaires 11

a) Considérations générales sur le secteur


i n for me 1 ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 11

b) La part de l'''informel'' dans les filières agro-


a 1 i me nt air e s 16

2. Problématique et objectifs de l'étude 23

3. Techniques et méthodes d'approche •...•..••.••••••• 31

a) Approche historique et opération de comptage. 31

b) Dis po s i tif d' en q u ê tes 0 cio - é con om ique ••••.•.• 33

4. Plan de l'étude 37

Chapitre DEPENDANCE ALIMENTAIRE, MIMETISME ET URBANI-


SAT 1ON EN COTE-D 1 1val RE ••••••••••.•••...... 41

Section 1 Dépendance al imentaire et urbanisation:


état des 1 i eux . • . . . . . . . . . • . . . . . • . . . . . . . . . 42

A - Cadre théorique sous-jacent aux débats ....•• 42


B - Controverses sur le cas de l 'Afr ique sub-
saharienne.................................. 47

Section 2 : Côte-d'Ivoi re, "La vi Ile plaide non coupable" 51


A - Croissance démographique, urbanisation et évolu-
t ion des importat ions al imentai res ••••....•• 51

B - Le paradoxe de la dépendance sans mimétisme. 64

321
Page
Section 3 Informel al imentaire et résistance au
mimétisme: la nécessité de relativité 66

A - Les 1 imi tes de l 'argumentat ion.............. 66

B - L'original ité de la résistance au mimétisme


dans la dépendance ..............•..•......•. 68

CONCLUSION PARTIELLE 71

Chapitre Il CROISSANCE URBAINE ET DEVELOPPEMENT DE L'ALIMEN-


TAT 1ON EXTER 1EURE .•..•.•.....••.........••.. 72

Section 1 : ETAPES DE L'URBANISATION ET PROCESSUS


D' IVOIRISATION DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE. 73

A - Etapes de la croissance d'Abidjan et nécessité


d ' une a 1 i me nt a t ion ex t é rie ure .•............. 73

B - Au coeur du processus d' ivoirisation de


l'informel al imentaire ........• 76

Section 2 STRUCTURES DE CONSCMv1AT 1ON ET CATEGOR 1ES


D'AL 1MENTS VENDUS .•..........•........... 85

A - Structures de consommation de l'artisanat


a 1 i me n t air e ..•.........••.............•..... 85

B - D'une structure à une autre, les types


d'a 1 i me n t s se r vis ..•....•.....•............. 94

Section 3 QUELQUES CONTRAINTES A LA CREATION DES UNITES


DE PRODlJCT ION. . . . . . . . . . •. . ••. •. •. . •. . . . . . 103

A - Les investissements initiaux ~ 103

322
Page

B - La lutte pour l 'occupat ion de l'espace et la


difficile question de l'intégration ...•..... 105

CC>I\ICLUS 1()\J PART 1ELLE .....•...................•.•...••..•... 108

Chapitre III PRODUCTION ALIMENTAIRE ET PARTICIPATla~

C~NAUT A 1RE •••••••••••••••••••••••••••••• 1 10

Section 1 CARACTER 1ST 1QUES SOC 1O-D8v1OGRAPH 1QUES DES


MICRO- NEGOC 1ANTS .......................•. 111

A - Données sur le profi 1 socio-démographique des


mie r 0 - n ég oc i an t s . . . . . . . . . . • . . . . • . • . . . . . . . . . . 111

B - Trajectoire migratoire et professionnel des


actifs ......••........•..................... 116

Section 2 ANALYSE DES CARACTERISTIQUES DE LA MAIN-


D'OEUVRE DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE .....•. 120

A - Identité socio-démographique de la main-


d'oeuvre................................... 120
B - Uti 1 isation des aides fami 1iaux et impl ications
sacia-économiques •......................... 123

Section 3 STRUCTURES FAMILIALES IMMEDIATES DES MICRO-


NEGOC 1ANfS ••••••••••••••••••••••••••••••• 126

A - Proportion des chefs de ménage et tai 1le des


ménage s ....•.••.•..•.••.......•..••..••.•••• 127

B - Actifs par ménage, origine des revenus et budget


f am i 1 i al. . • . • . . . . . . . . . • • . . • . . . . . . . . . • • . • • • . • 12 8

323
Page

CQl\JCLUSIO\l PARTIELLE...................................... 135

Chapitre IV : STRATEGIES D'INVESTISSEMENT ET RATIONALITE DES


MICRO - NEGOC 1ANTS ........•.........••....... 137

Section 1 : DE LA DECISION D'ENTREPRENDRE A LA CONSTITU-

T 1Q\J DU CAP 1T AL 1 38

A - Les motivations à l'initiation d'une activité


économique.................................. 138

B - Stratégies de constitution du capital investi 147

Section 2 : EVALUATIO\l ET REPARTITIO\l DU CAPITAL INITIA-


LEMENT INVESTI........................... 150

A Evaluation du capital de démarrage 150

B - Modes de répartition des investissements


initiaux . . . . . . • . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 153

Section 3 : INVESTISSEMENT ECC>NO'v1IQUE ET RATIONALITE DES


ACTEURS DE L'INFORMEL ALIMENTAIRE .•...... 158

A - Les présupposés d'une topique d'approche .... 158

B - Les pôles d'intérêt d'une pratique commerciale


i n for me Ile . . . . • • . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

C()/\.CLUS 10\l PART 1ELLE ..•.......•.......•.••...........•.... 165

Chapitre V : CIRCUITS ET PRATIQUES D'APPROVISIONNEMENT DANS


L 1 1NFORtvEL AL 1MENTAl RE ............•..•...... 1 67

Sect ion 1 : Rav i ta il 1ement en produ i ts i nterméd i aires 168

A - Produits végétaux et animaux •........ •...... 168

B - Produits agro-al imentaires ...........•...... 171

324
Page

Section 2 L'attiéké et le riz: de l'approvisionnement à


à 1 a con S orrma t ion ..•....•.••..•..•.••.... 1 73

A - L'approvisionnement en attiéké .•..•.•••••... 173

B - L'approvisionnement en céréales et la question


de consommation du riz dans l'informel
a 1 i me n t air e •••.....•.....•..•.•••.•••••••••. 1 74

Section 3 Prat i ques 1iées à l' approv i s ionnement auprès


des c i r cui t s "i n for me 1s " •.•...•..•.••••.. 1 84

A - Le crédit................................... 184
B - Les associations de ravitai 1 lement ou l'amorce
d'un processus de self-rel iance 186

CONCLUSION PARTIELLE 188

Chapitre VI DEMANDE AL 1MENTA 1RE 1NFORNIELLE ET STRATEG 1E


DES PRIX A LA CONSOMMATION 190

Section Espace al imentaire et rapports offreurs-


con S orrma t eu r s .•••................•.•••.. 1 91

A - Espace al imentaire et comportements de


consorrrnation 191

B - Pratiques du crédit à la consommation et rapports


à la cl ientèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . 197

Section 2 : Nature, mesure et prix des plats consommés 201

A - Nature des plats consorrrnés en al imentation


extérieure 201

B - Stratégies des prix à la consorrrnation .•..... 207

325
Page

C()I\JCLUSIO\I PARTIELLE...................................... 215

Ch api t r e VII RENTAB 1LITE DES OPERAT 100\lS COv'MERC 1ALES 1 COvlPORTE-
MENT DE CONSOMMATIO\I ET D'EPARGNE DANS LE SECTEUR
1NFORtv1EL AL 1MENTAl RE ••........•............ 216

Section 1 : Appréciation du revenu net par catégorie de


restaurant 217

A - Méthodes d'évaluation des revenus .•......... 217

B - Résultats obtenus •....••.••..••.•••...•• ~... 221

Section 2 Analyse des données sur la consommation des


mé na ges d' a ct eu r s .••.....••..•.•.•....•.. 225

A - Prél iminaires méthodologiques ..•.........•. 226

B - Structure des dépenses de consommation des


mé nage s .•.••••.•.•.•.••...........••••...•. 228

Section 3 Les comportements d'épargne dans l'informel


alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . 243

A - Evaluation de l'importance et de la capacité


d'épargne................................... 244
B - Comportements d'épargne et destinations
économiques des flux ..•.•..•................ 245

CONCLUS ION PART 1ELLE •.....•.•......••..••..•.....•........ 248

Chapitre VIII: IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE DE LI INFORMEL


AL 1MENTA 1RE ••••••••••••••••••••••••••••••• 25 1

326
Page
Section Contribution du secteur informel al imentaire
à l'économie urbaine •••••••••••••••••••• 252
A - Du point de vue de l'emploi et du revenu ••• 252
B - Du po i nt de vue de l' i nser t i on des femmes dans
le tissu économique urbain. ••• •.•••••.••••• 254

Section 2 Place de l'informel al imentaire dans le


système al imentaire urbain 255

A - L' i n for me 1 a 1 i me n t air e dan s 1a cha i ne de


production-consommation al imentaire .•••••. 255
B - Contribution de l'informel al imentaire à la
sécurité alimentaire en milieu urbain .••.. 256

Section 3 Conditions macro-économiques de survie de


l'informel al imentaire •.•.•.•.•..•••.•••. 263
A - L'état de la production vivrière nationale 264
B - Les potential ités du marché international en
.riz, en viande et en poisson .•.••••••••••• 266

CONCLUSION PARTIELLE ...................................... 270


CO\ICLUS 1QI\J GENERALE ...•.••••••..•.•••...••••...•...•.•..•. 272
REFERENCES BIBL 1OGRAPH 1QUES •.••.••.•••••.•.••••..•••••••..• 280
LISTE DES TABLEAUX ••..•..•.....••••••.•..•...••••••••••••..•• 300 1.
QUEST 1ONNA 1RE ••••••••.••••..•.•••.••••••••••••••••••••••.•• 306
GLOSSAIRE DES PLATS ET PRODUITS CITES ••.•••••.••••••••••••• 317
PLAJ\J DETAIL LE •••••••.•••.•.•••••••••••••.•••••••.••••••••.• 323

327

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