Gilles Lhuillier Et Achille Ngwanza - Le Contentieux Extractif (2015)
Gilles Lhuillier Et Achille Ngwanza - Le Contentieux Extractif (2015)
Gilles Lhuillier Et Achille Ngwanza - Le Contentieux Extractif (2015)
extractif
Dechert LLP
FIDAL
Emmanuel Jolivet
Préface ............................................................................................................................................. 7
Introduction Gilles Lhuilier
Le contentieux extractif ................................................................................................................ 9
Première partie
Les perturbations de l’exploitation extractive ........................................................................................ 28
4 Mathias Audit
Les embargos et l’exécution des contrats de l’industrie extractive .................................... 62
5 Gilles Darmois
Contingentements de l’OPEP et équilibre économique des contrats ................................ 74
6 Elie Kleiman
Les nationalisations ..................................................................................................................... 84
Deuxième partie
Conflits de l’industrie extractive et règlement des différends......................................................... 94
7 Cécile Renouard
De la contribution de l’industrie extractive au développement
socio-économique des populations riveraines ....................................................................... 96
8 Robinson Tchapmegni
Les nouvelles revendications foncières et l’activité extractive% ........................................ 106
9 Valère Ndior
Société civile et bailleurs de fonds internationaux%............................................................. 114
10 Julien Rochette
Activités petrolières et gazières en offshore et protection de l’environnement%........... 125
15 Philippe Sébille-Lopez
Origines et règlements politiques des conflits
dans le secteur des hydrocarbures ........................................................................................ 181
16 Isabelle Vaugon
Expertise et médiation dans le contexte du contentieux extractif .................................. 200
17 Florent Lager
Les dispute board dans le secteur extractif ........................................................................ 213
18 Achille Ngwanza
L’arbitrage en matière extractive ........................................................................................... 227
Préface
Emmanuel Jolivet*
L’activité économique liée au secteur extractif est de longue date un domaine dans lequel
l’intervention de la Chambre de commerce internationale (CCI) a un ancrage solide. Si les
préoccupations environnementales sont devenues un sujet de réflexions politiques,
économiques, juridiques et sociales incontournable, le contentieux extractif représente un
thème d’étude et d’action plus traditionnel. Depuis des décennies, les enjeux de l’industrie des
hydrocarbures et des mines ont été pris en compte, débattus, arbitrés par la CCI et sa Cour
internationale d’arbitrage.
Historiquement, la CCI est née de l’analyse selon laquelle le développement rationnel, organisé
et volontaire du commerce international de manière était un puissant facteur de paix au plan
international. Le secteur extractif qui est au cœur de l’économie internationale était
naturellement concerné, et ce à un double titre!: d’une part, les contrats pétroliers, miniers
gaziers mettent en jeu les intérêts du commerce international, d’autre part, la géopolitique
internationale est largement influencée par le contrôle de l’approvisionnement en énergie.
La CCI ne pouvait se désintéresser de cette composante essentielle des échanges
commerciaux internationaux qu’est l’industrie extractive. Cette dernière a vite perçu l’avantage
qu’elle pouvait tirer de l’expertise de la CCI.
Il s’agissait bien entendu de l’activité de politique économique de la CCI. Faire connaître aux
Table des Matières
divers acteurs du commerce les spécificités, les contraintes, les besoins de l’industrie
extractive s’est imposé comme un passage obligé de la construction des échanges
internationaux.
Il s’agissait encore de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des documents modèles!:
contrats, règles, clauses, codes de conduite, etc., établis par la CCI. Les règles Incoterms, les
règles uniformes pour les garanties et crédits documentaires, les clauses de force majeure et
hardship sont d’une grande utilité aux acteurs de l’industrie extractive.
Il s’agissait enfin de l’apport de la CCI à l’industrie extractive, en matière de règlement des
litiges. Compte tenu de l’évolution du contentieux des hydrocarbures et des mines, la CCI a su
adapter son offre en proposant une gamme variée de modes alternatifs de résolution des
conflits. Outre les techniques qu’elle a pu un temps qualifier d’ «!amiables!» - la médiation,
l’expertise, les Dispute Board-, la CCI propose un système d’arbitrage largement utilisé pour le
règlement juridictionnel des différends extractifs.
L’examen des statistiques récentes de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI montre que
les acteurs de l’industrie extractive reconnaissent sa compétence pour la résolution de leurs
litiges. Sur les cinq dernières années, les conflits relevant du secteur énergétique, dont font
partie les mines et les hydrocarbures, arrivent en deuxième position des demandes soumises à
la Cour. C’est indéniablement la preuve de la confiance des opérateurs quels qu’ils soient,
entreprises publiques, privées, Etats en un règlement d’arbitrage majoritairement utilisé dans
le cadre de différends commerciaux.
Au-delà des données quantitatives qui précèdent, les sentences CCI ont été d’un apport
notable à la construction des règles procédurales et matérielles relatives à l’arbitrage Etat –
investisseur du secteur extractif. Pour mémoire, l’on citera l’interdiction faite à un Etat de
s’abriter derrière sa législation pour contester la validité de la clause compromissoire.1 Si cette
règle est dorénavant consacrée en droit positif, tel n’était pas le cas dans le contexte des
années 1970, les chocs pétroliers ayant fortement crispé les relations internationales. En
s’efforçant de garantir l’efficacité des clauses compromissoires,2 la jurisprudence arbitrale CCI
a contribué à consolider la force obligatoire des engagements pris par l’Etat. Il en va de même
* Conseiller général de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, Directeur adjoint du Service de Règlement des
Différends de la CCI, Professeur associé à l’Université Versailles Saint Quentin-en-Yvelines. ejt@iccwbo.org
de l’influence des évènements imprévus,3 sachant que l’industrie extractive est par essence
particulièrement exposée à une multiplicité de facteurs perturbateurs. Ainsi, qu’il s’agisse de la
révision du prix,4 des clauses d’adaptation ou de la force majeure,5 les arbitres agissant sous
les auspices de la CCI ont élaboré des solutions originales qui constituent la lex petrolea,6 cette
branche particulière de la lex mercatoria.
Convaincu de l’utilité pédagogique et pratique de la connaissance des solutions données dans
ces sentences, la CCI assure annuellement la publication anonyme d’un nombre important de
décisions présentant une certaine originalité ou clarifiant un point de droit.
L’intérêt de la CCI pour les secteurs pétrolier, gazier et minier n’étant plus à établir, c’est sans
surprise que sa Cour s’associe au Journal Africain du Droit des Affaires (JADA) et à la
Fondation Maison Sciences de l’Homme (FMSH) pour concevoir cet ouvrage sur le
contentieux extractif. La collaboration de la CCI avec ces deux institutions trouve son sens
dans les objectifs de celles-ci!: la vulgarisation juridique du droit des investissements en
Afrique pour le JADA et la promotion d’études pluridisciplinaires internationales sur les
sciences humaines pour la FMSH.
Le présent ouvrage intitulé, «!le Contentieux extractif!» se veut être un ouvrage original, dense
et suscitant le débat.
L’originalité tient d’abord à la réunion en une seule publication de thématiques généralement
traitées de manière séparée. L’originalité tient également à la cohérence de la construction de
l’ouvrage!: l’étude des perturbations de l’activité extractive précède celle des conflits et des
modes de règlement de différends.
La densité procède de la profondeur recherchée des analyses qui tracent, sans a priori, des
perspectives. Ainsi, les textes ne sont jamais descriptifs, mais toujours portés vers l’analyse de
l’actualité dans le but d’anticiper les mutations futures.
Table des Matières
Au moment où des découvertes de ressources naturelles importantes ont été faites, par
exemple dans le Golfe de Guinée, où de nouveaux hydrocarbures jusque-là quelques peu
délaissés sont exploités, où de nouvelles techniques d’extraction se font jour et se
généralisent, la rédaction d’un ouvrage, en Français, est un signal fort à l’attention des acteurs
du secteur et notamment de ceux de régions du monde majoritairement francophones.
Gageons que cet ouvrage comblera un vide et répondra aux attentes des lecteurs.
NOTES
1. Sentence CCI, affaire n° 1526, Lubelski c/ Gouv. Burundi, JDI 1974, p. 915, obs. Y. Derains.
2. Ph. Leboulanger, «!Quelques questions abordées dans les sentences CCI en matière de contrats d’État!», Bull.
CCI, vol. 15, n° 2, 2004, p. 101.
3. G. Block «!Arbitrage et changements du prix de l’énergie!: examen des sentences CCI au regard des clauses de
force majeure, d’indexation, d’adaptation, de hardship et de take-or-pay!», Bull. CCI 2009, vol. 20/2, p. 59.
4. Sentence CCI, affaire 13504, Bull. CCI 2009, vol. 20/2, p. 103.!; Sentence rendue en 1981, in S. Jarvin et Y.
Derains (dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974-1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing,
1990, p. 440.
5. Sentence rendue en 1974, voir S. Jarvin et Y. Derains (dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974-
1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing, 1990, 233!; Sentence rendue en 1976, voir S. Jarvin et Y. Derains
(dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974- 1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing, 1990, p.
292.
6. D. Bishop, «!International Arbitration of Petroleum Disputes!: The Development of a Lex petrolea!», TDM 2004!; Th.
C. C. Childs, «!Update on Lex Petrolea!: The continuing development of customary law relating to international oil
and gas exploration and production!», Journal of World Energy Law and Business, 2011-3, vol. 4, p. 214
Introduction
Le contentieux extractif
Essai de définition
Gilles Lhuilier*
* Agrégé des facultés de Droit!; Professeur à l’Ecole Normale Supérieure-Rennes!; Visiting professor à l’ESSEC Paris-Singapour,
responsable scientifique du programme de recherche de la FMSH sur la mondialisation du droit. gilles.lhuilier@wanadoo.fr
règles de droit en concours, pour choisir celle qui convient le mieux à la solution de l’affaire
en cause. La méthode des arbitres, la méthode de la lex mercatoria, la méthode du droit
transnationale, se substitue à la méthode des juges, la méthode conflictualiste, la méthode du
droit international. Il n’existe alors pas de lex petrolea ou de lex extractiva comme ordre
juridique extractif, mais ce que la doctrine commence à nommer des «!espaces normatifs!»,24
des espaces juridiques «!spontanés!» créés par les acteurs.25 Cette doctrine française de la lex
mercatoria procédurale se rapproche du concept de !law shopping*qui émerge dans la
doctrine de langue anglaise.26 Ce terme nouveau est né de la contraction de «!choix de la loi!»
et de «!forum shopping!»!: un «!self-service!» normatif. Les Québécois utilisent le verbe
«magasiner» pour le fait de choisir un tribunal comme on choisit d’entrer dans une boutique
pour faire ses courses, désignant ainsi la possibilité qu’offre à un demandeur la diversité des
règles de compétence internationale de saisir les tribunaux du pays le plus à même de rendre
la décision la plus favorable à ses intérêts.
En second lieu, quelles sont les normes choisies par les acteurs!? La liste est longue et
comprend des conventions internationales, des lois nationales de procédures ou substantielles,
des règlements institutionnels procéduraux d’arbitrage ou d’usage commerciaux, des
codifications privées ou restatements, des règles contractuelles, etc. Nous sommes très loin du
supposé «!droit sans Etat!» 27 née de la monté en puissance des marchés et du déclin des
souverainetés nationales.28 Les contentieux extractifs en sont la preuve, la loi nationale
-procédurale ou substantielle- est encore essentielle, mais c’est une loi déterritorialisée, choisie
par les acteurs. La Societas Petroleatorum du Professeur Philippe Kahn29 crée des espaces
singuliers constitués de règles le plus souvent étatiques ou interétatiques, internationales.
L’!«!espace normatif extractif!» est ainsi une approche du droit extractif qui met les pratiques
des acteurs -les praticiens du droit- à la source du droit transnational et du droit extractif.30 Les
acteurs du contentieux extractif! réalisent des choix de lois tant procédurales que
substantielles, et le contentieux extractif n’est en conséquence pas localisé dans un seul ordre
juridique — national, international ou transnational-, mais dans tous les ordres juridiques
choisis par l’incorporation d’une société, par une clause de choix!; en localisant le siège de
l’arbitrage, etc. Le contentieux extractif n’a pas de for, mais tous les for peuvent être choisis
par les acteurs du contentieux extractif.
Pour vérifier l’intérêt de cette notion d’espace normatif dans le champs du contentieux
extractif, examinons d’abord le droit procédural choisi par des techniques de forum shopping
pour organiser la procédure du litige (I), puis le droit substantiel choisi par des techniques de
law shopping pour régler au fond le litige (II).
résolution négociés (a), la convention internationale qui organise l’arbitrage international (b),
les sources d’origine privée a-nationales (c), et enfin les règles nationales qui régissent
l’arbitrage (d).
supplémentaire C.I.R.D.I, mais aussi parfois le Règlement C.N.U.D.C.I. En effet, les traités
bilatéraux ou multilatéraux prévoient la possibilité pour tout investisseur d’instaurer un
arbitrage contre l’Etat-hôte41 mais certains de ces traités tels l’A.L.E.N.A entre les Etats-Unis, le
Canada et le Mexique, ouvre la voie de l’arbitrage soit selon le mécanisme supplémentaire
C.I.R.D.I. soit selon le Règlement C.N.U.D.C.I.,42 et certains traités telle la Charte de l’énergie,
permettent d’accéder à l’arbitrage C.I.R.D.I. mais aussi à l’arbitrage selon le Règlement
C.N.U.D.C.I. ou selon le Règlement de la Chambre de commerce de Stockholm.43
Des conflits de compétence peuvent en résulter. Une clause dans le contrat qui renvoie à un
arbitrage commercial international ou à une juridiction nationale ne s’oppose pas à ce qu’une
entreprise extractive saisisse un tribunal d’investissement sur le fondement d’un traité. Le
consentement à l’arbitrage peut en effet avoir pour fondement soit une clause arbitrale
intégrée au contrat, soit un traité d’investissement, la jurisprudence considérant que la
disposition du traité prévoyant le recours à l’arbitrage constitue l’offre d’arbitrer exprimée par
l’Etat, acceptée par la demande d’arbitrage.44 La solution de ce conflit positif de compétence
réside dans la distinction entre les demandes conventionnelles et les demandes
contractuelles45!: les prétentions contractuelles suivent la clause de règlement des différends
du contrat, alors que les demandes conventionnelles peuvent faire l’objet de l’arbitrage institué
par le traité. Cette distinction est peu limitative du choix l’investisseur car lorsque le traité
comprend une umbrella clause selon laquelle chaque Etat contractant respectera ses
obligations à l’égard des investisseurs de l’autre Etat, les obligations contractuelles de l’Etat
envers des entreprises extractives sont alors qualifiées d’obligations conventionnelles
soumises à l’arbitrage d’investissement.
l’industrie extractive46 tels ceux rédigés dans le cadre d’accords interinstitutionnels tels les
contrats de l’Association for International Petroleum Negotiators (A.I.P.N.). Ils peuvent surtout
aussi choisir les règlements d’arbitrage des institutions permanentes d’arbitrage, notamment
ceux de la Chambre de Commerce Internationale (C.C.I.), l’ American Arbitration Association
(A.A.A.), la London Court of Arbitration, la Chambre de commerce de Stockholm, l’A.T.A. etc.
qui vont constituer la source la plus importante de la procédure car elle prime les éventuelles
règles nationales de procédure. Ce choix d’un règlement peut notamment avoir pour effet de
choisir un mécanisme d’appui de l’arbitrage par des juridictions internationales. Le Règlement
d’arbitrage C.N.U.D.C.I adopté en 1976 et révisé en 2010, confie au Secrétaire général de la
Cour Permanente d’Arbitrage (C.P.A.) le rôle de juge d’appui, la C.P.A. fournissant souvent un
soutien administratif complet.!
d’intermédiaires. Les arbitres ne refusent plus de connaître du fond d’un litige sur le seul
constat que le contrat viole l’ordre public ou les bonnes moeurs, et seul le juge national
réalisant ce contrôle, le choix du site de l’arbitrage extractif peut alors être un choix d’ordre
public, l’arbitrabilité des litiges relatifs aux «!contrats d’intermédiaires!» du secteur extractif
n’étant pas la même devant les juridictions algériennes, anglaises, françaises ou suisses.53
la sentence internationale est ainsi moins contrôlée par un Etat qu’un jugement étranger. Cette
convention précise en son article 7 qu’elle ne s’applique pas devant un droit national plus
favorable, ce qui est le cas du droit français de l’arbitrage international ou le contrôle du juge
de l’exequatur est léger afin d’accueillir le plus largement possible les sentences arbitrales
internationales. Les diverses jurisprudences nationales ont cependant pour point commun de
ne réaliser qu’un contrôle restreint des atteintes à l’ordre public international par les sentences
arbitrales, souvent limité à l’illicéité «!qui crève les yeux!».55
D’abord, la jurisprudence a progressivement admis l’arbitrabilité des litiges impliquant une
réglementation d’ordre public et a reconnu à l’arbitre le pouvoir d’appliquer les principes et les
règles relevant de cet ordre public. Les matières d’ordre public ne sont pas réservées aux
juridictions étatiques. Un exemple important pour le contentieux extractif est la matière fiscale.
Dans le litige opposant la société américaine Revere Copper and Brass Incorporated à la
Jamaïque, à la suite de l’augmentation du taux de l’impôt, l’investisseur avait demandé à être
indemnisé pour l’expropriation dont il estimait avoir été victime, et le différend fut tranché par
un arbitrage organisé par l’American Arbitration Association l’A.A.A..56 De nombreuses
sentences consacrent l’arbitrabilité des litiges fiscaux internationaux.57
Ensuite, seul un ordre public international procédural semble s’esquisser. Le contrôle du juge
porte!non sur l’appréciation que les arbitres ont faite des droits des parties au regard des
dispositions d’ordre public invoquées, mais sur la solution donnée au litige, l’annulation n’étant
encourue que si son exécution heurte l’ordre public.58 Et c’est en réalité dans l’ordre public
procédural que le contrôle est le plus poussé, par exemple en raison de la déloyauté d’un
arbitre siégeant dans des tribunaux différents et qui communique à l’un des informations
erronées de nature à fausser la décision, la violation des droits de la défense entraînée par la
réticence de l’arbitre, la fraude commise par l’une des parties ayant une incidence sur la
décision etc.
saisine des institutions juridictionnelles d’un ordre pour faire primer sa hiérarchie sur une
autre hiérarchie.
révocation du permis attribué par l’Etat à une entreprise transnationale en cas de résultat
négatif. Ces droits nationaux introduisent dans leur ordre juridique national la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones du 17 septembre 2007 qui énonce!que!:
les États mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones
concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant
dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones,
afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres,
territoires et ressources, y compris ceux qu’ils possèdent, occupent ou utilisent
traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones auront le droit de
participer à ce processus.66
En second lieu, ces droits élaborés pour les populations autochtones profitent parfois aux
populations locales, les sociétés transnationales et les Etats, voire les institutions financières
organisant une grande diversité de consultations et de négociations.68 Certaines entreprises
extractives négocient directement avec les communautés villageoises proches des
installations. D’autres entreprises négocient avec des groupements de communautés des
contrats dits Global MoUs, mis en application par des O.N.G. En Afrique, Total,69 négocie avec
les Oil & Gas families (familles anciennement installées sur les sites de production) et les
Landlords (anciens propriétaires fonciers), ou encore avec les host community qui comprend
les core communities (qui abritent effectivement les puits et/ou les pipelines sur leurs terres)
et les non core communities (qui font partie du clan mais n’abritent pas d’installations).70
(W.W.F.) ont conclu un accord mettant provisoirement fin aux travaux de recherche pétrolière
dans le Parc national des Virunga, un site inscrit au patrimoine mondial de l’U.N.E.S.C.O situé
dans l’est de la République Démocratique du Congo (R.D.C.).80 La solution négociée est plus
récente lorsqu’un litige oppose un grand nombre de victimes privées demanderesses et une
entreprise extractive. La signature d’un accord d’indemnisation dont la gestion est confiée à
un trust –tel l’accord signé entre la communauté Achuar et Occidental Petroleum en mars
2015- devient cependant un véritable mode autonome de résolution des litiges.
d. Le choix des juridictions étatiques ou internationales
Un même contentieux peut faire l’objet de recours devant des juridictions différentes, sur des
fondements différents. Traditionnellement, les juridictions nationales ont vocation à recevoir les
demandes des victimes. Les plaintes déposées contre l’entreprise française Total à quelques
mois d’intervalle en Belgique sur le fondement de la compétence universelle, en France sur le
fondement de la compétence pénale personnelle, aux Etats Unis sur le fondement de la
responsabilité civile pour violation du droit international, en sont un bon exemple. L’entreprise
transnationale pétrolière Française Total et son associé Américain Unocal unis dans
l’exploitation d’un gigantesque chantier gazier en Birmanie ont en effet dû répondre à des
mises en accusation pour complicité d’exactions commises par l’armée birmane qui était
irresponsable pénalement en raison de l’immunité de juridiction absolue des Etats.81
Mais les tiers au contrat ont désormais le choix de saisir des juridictions internationales. Dans
le conflit peuple Kichwa contre Burlington Resources Ecuador Ltd., un arrêt de la Cour
Inter-américaine des Droits de l’Homme (C.I.D.H.) du 27 juin 2012 a condamné l’Etat
Equatorien.82 L’arrêt est la plus belle introduction à la justiciabilité des droits fondamentaux
qu’il soit possible de lire. Lors de l’audience de la Cour, Sabino Gualinga, le Yachak des
Sarayaku, a affirmé que «!Sarayaku is a living land, a living forest*; it contains medicinal trees
and plants, and other types of beings…».83 Autre exemple, la Cour pénale internationale peut
rendre un arrêt d’indemnisation des victimes à travers un trust fund institué par l’article 79 du
traité de Rome.
law shopping. Les impôts seront payés aux B.V.I. où n’existe pas d’impôt sur les sociétés, et
non en Afrique du sud, où résident les véritables propriétaires de la joint venture!: tax
shopping. Les biens des sociétés aux B.V.I. seront insaisissables par les créanciers des sociétés,
par exemple l’Etat de R.D.C., en cas de mauvaise exécution du contrat pétrolier, car les réels
propriétaires ou bénéficiaires de la joint venture seront inconnus, ce qui permettra
éventuellement de tourner les disposition du droit des contrats et du droit pénal!: freezing
asset mystery shopping, liability shopping, criminal law shopping... Et les sociétés vont
bénéficier des traités internationaux notamment en droit des investissements signés par l’Etat
dont ils acquièrent la nationalité par l’incorporation!: treaty shopping. L’incorporation de
sociétés lors de la constitution du consortium par les entreprises extractives peut ainsi être un
choix de droit des sociétés, de droit du contentieux, de droit fiscal, de droit civil, de droit
pénal, de droit des investissements, etc.
préférable d’appliquer le droit international plutôt que la loi d’un pays particulier pour juger de
la responsabilité d’Unocal dans les violations commises par les forces birmanes, en raison de la
nature des violations alléguées — des violations de normes de jus cogens-.103 L’affaire Bowoto
v. Chevron dans laquelle des!victimes nigérianes de faits délictueux réalisés au Nigeria ont saisi
les juridictions américaines, a permis de reconnaître l’applicabilité de la théorie de l’agency et
de la ratification theory afin de déterminer la responsabilité d’une société mère pour les
activités de sa filiale.104 En mai 1998, des membres de la communauté Ilaje avaient participé à
une manifestation pacifique dirigée contre de la filiale nigériane de Chevron en raison des
conséquences désastreuses de son exploitation pétrolière pour l’environnement et des
atteintes aux intérêts économiques des communautés. La manifestation était organisée sur
une plateforme pétrolière au large des côtes nigérianes. A cette occasion, plusieurs exactions
-meurtres, actes de torture et traitement cruels, inhumains ou dégradants- ont été commises
par les forces de sécurité du gouvernement du Nigéria. Et l’affaire Kiobel v. Royal Dutch
Petroleum de 2010 ne marque qu’un retrait apparent de la jurisprudence américaine sur
l’A.T.C.A.105
La responsabilité civile plus traditionnelle -le duty of care- est aussi utilisée pour sanctionner
une société mère extractive des faits dommageables réalisés par ses filiales dans l’Etat hôte.
Dans l’affaire Lubbe106 des travailleurs sud-africains ont attrait devant les juridictions anglaises
la société mère britannique d’une filiale sud-africaine pour n’avoir pris aucune mesure pour
réduire les risques liés à l’exploitation minière. Il s’agissait selon eux d’une violation du duty of
care en vertu duquel l’employeur est tenu de procurer un environnement de travail sûr et sain
à ses employés. La société mère aurait dû prendre en considération les connaissances
scientifiques disponibles pour réduire les risques encourus. La House of lord le 20 juillet 2000
accepta de faire peser ce duty of care à la charge de la société mère envers les salariés de sa
filiale et les citoyens sud-africains.107 Dans une décision de 2012 sur l’affaire Cape Plc, les
juridictions d’appel anglaises ont affirmé que la société mère pouvait effectivement être tenue
Table des Matières
d’un duty of care envers les employés de sa filiale! et devait s’assurer –due diligence- que ses
filiales sud-africaines avaient pris des mesures adéquates pour pallier les risques liés à
l’exposition à l’amiante et protéger ses salariés.108
un Groupe d’experts a été établi par la résolution 1533 du 12!mars 2004 afin de gérer
l’application de ces sanctions. Dans ses rapports, le Groupe d’experts a peu à peu élaboré la
notion de due diligence!:
Le fait pour un acheteur de ne pas se conformer à ces règles (de s’informer de la provenance
des minerais qu’il achète ou utilise ou de ne pas imposer a ses fournisseurs de faire de même )
constitue un défaut de diligence, et selon le Groupe d’experts, une violation de l’embargo sur
les armes sous forme de fourniture d’assistance à des groupes armés.109
La loi intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, adoptée par le
Congrès américain le 17 juillet 2010 est née de ce rapport. La loi Dodd-Frank exige en effet de
toute entreprise cotée aux Etats-Unis qu’elle recherche si les minéraux qu’elle utilise
proviennent de la R.D.C et pour cela organise une chaine de traçabilité afin d’informer
l’autorité boursière américaine si cela est le cas.110
Une nouvelle technique de choix de la loi -law shopping- apparaît, le product shopping. Des
résolutions de l’O.N.U. (en l’espèce interdisant le commerce de minerais de guerre) vont ainsi
être appliquées grâce à une législation étatique (en l’espèce américaine) qui oblige les
entreprises, d’une part, à utiliser une certification privée et, d’autre part, à vérifier l’application
des clauses contractuelles de droit privé par lesquelles les entreprises s’engagent entre elles à
respecter les résolutions de l’O.N.U imposant de ne pas commercer des minerais de guerre. Le
droit est alors incorporé au produit et son application internationale est assurée par ces
mécanismes de droit privé que sont les obligations contractuelles dits droits de l’homme et la
certification de ces obligations par un auditeur privé. La circulation internationale –mondiale-
du bien est subordonnée au respect par les marchands de ces obligations qui permettent de
vérifier l’application du droit localement en R.D.C.
L’actuel projet de loi français relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et des
entreprises donneuses d’ordre reprend les grands traits de ce mécanisme de Product
shopping instauré par le Dodd Franck Act.111 L’article premier propose de créer une obligation
pour certaines sociétés de prévoir un «*plan de vigilance à visée préventive*» afin de prévenir
les atteintes aux droits fondamentaux, aux dommmages corporels, environnementaux et
sanitaires. Ce devoir de vigilance s’impose aux sociétés dans leurs activités directes mais aussi
indirectes, c’est-à-dire également aux filiales et sous-traitants sur lesquels elles exercent une
influente déterminante. Cette obligation vise, pour reprendre le texte même de la proposition
de loi, les «*principales entreprises des secteurs les plus à risque (en premier lieu les secteurs
manufacturier – notamment textile – et, extractif)*». Cette obligation est inspirée de l’obligation
de due diligence et du duty of care du Dodd Frank Act, mais va plus loin car il vise le respect
de l’ensemble des droits fondamentaux par les entreprises. L’article 2 du projet de loi s’inspire
lui du duty of care anglais cat il permet d’engager la responsabilité civile des sociétés pour un
dommage qu’elles auraient raisonnablement pu éviter. Cette responsabilité est une
responsabilité de droit commun pour faute, telle qu’elle résulte des articles 1382 et 1383 du
Code civil.
CONCLUSION
Le contentieux extratif est exemplaire de l’évolution d’un droit international traditionnellement
construit du point de vue de l’Etat et du juge vers un droit transnational élaborée du point de
vue des acteurs économiques. La théorie de la localisation objective du contrat élaborée par le
doyen Battiffol112 doit être réécrite. Ce n’est plus le juge qui «!localise!» le contrat afin de
déterminer le droit applicable mais les acteurs économiques qui se «!localisent!» pour choisir
les ordres juridiques nationaux et internationaux dans lesquels ils souhaitent inscrire leurs
relations transnationales et construire les «!solutions du juge*». Ce sont désormais ces acteurs
économiques qui élaborent leurs espaces normatifs, leur «!espace normatif extractif!».
NOTES
1. G. Lhuilier, «!Minerais de guerre. Une nouvelle théorie de la mondialisation du droit”, FMSH-WP-2013-36, juillet
2013, disponible en ligne, à paraître in Droit et Société, 2005.
2. Occidental Petroleum Corporation et Occidental Exploration and Production Company c. République de l’Equa-
teur, aff. CIRDI No. ARB/06/11.
3. V. infra, H. G. Gharavi, M. L. Bizeau, «!L’expropriation indirecte dans les conflits entre contratants!», p. 167.
4. Statement on behalf of a Group of Countries at the 24rd Session of the Human Rights Council, General Debate
– Item 3 “Transnational Corporations and Human Rights” Geneva, September 2013.
http.://business-humanrights.org/media/documents/statement-unhrc-legally-binding.pdf. V. aussi the treaty
alliance, www.treatymovement.com.
5. B. Frydman, L. Hennebel, «!Le contentieux transnational des droits de l’homme!: une analyse stratégique!», Rev.
Trim. Dr. H., 77/2009, p. 73.
6. Rapport de la Commission d’experts chargée d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par l’Equateur
de la Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l’article 24 de
la Constitution de l’OIT par la Confédération équatorienne des syndicats libres (CEOSL). Doc. GB.277/18/4,
GB.282/14/2, 2000.
7. V. infra, M. Audit, «!Les embargos et l’exécution des contrats de l’industrie extractive!», p. 62!; J. Pertek, «!Les
sanctions politiques à objet économique prises par la C E E à l’encontre d’Etats tiers», RMC, 1983, vol. 26, p.
205.
8. H. H. Koh, «!Transnational Legal Process!», Faculty Scholarship Series. Paper n° 2096, 1996, http!://digitalcom-
mons.law.yale.edu/fss_papers/20966.
9. H. H. Koh, Transnational Business Problems, University Casebook Series, 5th ed. 2014.
10. D. Bishop, «!International Arbitration of Petroleum Disputes!: The Development of a Lex Petrolea*», Transnational
Dispute Management, 2003!; Th. Childs, «!Update of Lex Petrolea*: The continuing development of custom-
ary law relating to international oil and gas exploration and production!», Journal of World Energy Law and
Business, 2011-3, vol. 4, p. 214!; A. De Jesus, «!The Prodigious Story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros.
Philosophical Aspects of the Transnational Legal Order of the Petroleum Society!», TPLI Series on Transna-
tional Petroleum Law, 2012-1, vol. 1, N°1.!; K. Talus, S. Looper, S. Otillar, «!LexPetrolea and Internationalization
of Petroleum Agreements!: Focus on Host Government Contracts!», Journal of World Energy Law and Business,
2012, p. 181!; N. Bonnefoy, «!Moving Towards an African Lex Petrolea*», AIPN Advisor, September 2012, p. 24!;
T. Martin, «!Lex Petrolea in international law!», in Dispute Resolution in the Energy Sector*: a practitioner’s hand-
Table des Matières
27. G. Teubner, «!Foreword!: Legal Regimes of Global Non- State Actors!», in ID (ed.), Global Law without a State,
Dart- mouth, 1997, p. xiii!; G. Teubner, «!Global Bukowina!: Legal Pluralism in the World Society!», in ID (ed),
Global Law Without a State, op. cit., p. 5.
28. S. Strange, The Retreat of the State The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge University Press,
1996.
29. Ph. Kahn, «!Vers l’institutionnalisation de la lex mercatoria. A propos des principes Unidroit relatifs aux contrats
du commerce international!», in Liber Amicorum Commission Droit et Vie des Affaires, Bruylant, 1998, p. 132.
30. B. Dupret, «!Droit et sciences sociales. Pour une respécification praxéologique!», Droit et Société 2010, p. 315,
http!:// halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00548928/fr/.
31. E. Deirmendjian ( La stratégie d’anticipation procédurale en matière civile, Thèse, Toulon, 2012, p.16), affirme
que! «!la stratégie d’anticipation procédurale (‥) permet d’effectuer un choix approprié entre les différentes
règles existantes en fonction du but poursuivi!». V. également la bibliographie citée en page 13.
32. J.S- Bergé, «!Legal Application, Global Legal Pluralism and Hierarchies of Norms!», European Journal of Legal
Studies, 2011-2, vol. 4, Autumn/Winter, p. 243.
33. V. infra F. Lager, «!Les Dispute Board (DB) dans le secteur extractif!», p. 206.
34. B. G. Block, «!Arbitrage et changements du prix de l’énergie!: examen des sentences CCI au regard des clauses
de force majeure, d’indexation, d’adaptation, de hardship et de take-or-pay*», Bull. CCI, vol. 20/2 – 2009, p. 59.
35. V. infra, M. Polkinghorne et Nathalie Makowski, «!Le démentellement des sites pétroliers et gaziers!», p. 159.
36. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», RDAI 2003-6,
p. 615.
37. V. infra, E. Silva-Romero, A. Caminades, «!Actualité des clauses de stabilisation!: la variété des clauses dans les
contrats pétroliers, miniers et gaziers sur plusieurs aires géographiques (Amérique Latine, Afrique, Mer noire,
Moyen orient)!», p. 51.
38. V. infra, G. Darmois, «!Contingentements de l’O.P.E.P. et équilibre économique des contrats!», p. 74.
39. Burlington Resources Inc. c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/08/5, Décision sur la re-
sponsabilité, 14 décembre 2012, 316-335!; Perenco Ecuador Ltd. c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI
n° ARB/08/6, 12 septembre 2014, 366!; Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and
Production Company c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/06/11, Sentence, 5 octobre 2012,
Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company c. la République de
l’Equateur, Affaire CIRDI n°. ARB/06/11, Opinion dissidente, 5 octobre 2012.
40. V. infra, A. Ngwanza, «!L’arbitrage en matière extractive!», p. 227.
41. www.unctad.org/ www.unctad.org/Templates/StartPage.asp.?intItemID=2310&lang=1.
Table des Matières
42. Article 1120 (1) du chapitre 11 ALENA!: «!1. Sauf dispositions de l’annexe 1120.1 et à condition que six mois
se soient écoulés depuis les événements qui ont donné lieu à la plainte, un investisseur contestant pourra
soumettre la plainte à l’arbitrage en vertu*: a) de la Convention CIRDI, à condition que la Partie contestante et
la Partie de l’investisseur soient parties à la Convention*; b) du Règlement du mécanisme supplémentaire du
CIRDI, à condition que la Partie contestante ou la Partie de l’investisseur, mais non les deux, soit partie à la
Convention CIRDI*; ou c) des Règles d’arbitrage de la CNUDCI!».
43. Art. 26 (4) Charte de l’énergie.
44. Asian Agricultural Products Ltd v. Democratic Socialist Republic of Sri Lanka, ICSID reports, vol. 4, pp. 246 et s.,
n° 2!; American Manufacturing & Trading, Inc. v. Zaire, ICSID Reports, vol. 5, pp. 11 et s., n° 5.
45. Compañía de Aguas del Aconquija S.A. and Vivendi Universal v. Argentine Republic, note 26, sentence du 21
novembre 2000, et décision sur annulation du 3 juillet 2002, www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm.
46. T. Martin, J. Park, «!Global petroleum industry model contracts revisited!: higher, faster, stronger!», Journal of
World Energy Law & Business, 2010-1, vol. 3, p.40.
47. Art. 44 Convention CIRDI.
48. L.Reed, J. Paulsson et N. Blackaby, Guide to ICSID Arbitration, La Haye, Londres, New York, 2004, note 1, p. 8.
49. Art. 26 et 47 Convention CIRDI et art. 39 Règlement d’arbitrage CIRDI.
50. Art. 53 Convention CIRDI.
51. Art. 52 Convention CIRDI.
52. Art. 54 (1) Convention CIRDI.
53. G. Kaufman, «!Le lieu de l’arbitrage à l’aune de la mondialisation!», Rev. arb. 1999, p. 517.
54. V. infra, E. Kleiman, «!Les nationalisations!», p. 84.
55. P. De Vareilles-Sommieres, «!La sentence arbitrale étrangère contraire à une loi d’ordre public du for (remarques
en marge des solutions françaises envisagées sous le rapport de l’ordre public substantiel)!», JDI 2014-3, doctr.
12!; L. Radicati Di Brozolo, «!A propos de l’arrêt de la cour d’appel de paris du 18 novembre 2004, l’illicéité «qui
crève les yeux»!: critère de contrôle des sentences au regard de l’ordre public international!», Rev. arb. 2005-3,
p. 529!; A. Malan, «!L’introuvable critère du contrôle de l’ordre public par le juge de l’exequatur des sentences
arbitrales (ou les suites de l’arrêt Thalès)!», PA 26 mars 2009, n° 61, p. 8!; Ch. Seraglini, «!L’affaire Thalès et le
non-usage immodéré de l’exception d’ordre public (ou les dérèglements de la dérèglementation)!», Gaz. Pal. 22
octobre 2005, n° 295, p.5. Ch. Seraglini, «!Le contrôle de la sentence au regard de l’ordre public international
par le juge étatique!: mythes et réalités!», Gaz. Pal. 21 mars 2009, n° 80, p. 5.
56. La sentence rendue le 24 août 1978, ILM 1978, vol. XVII, p. 1321.
57. Citées par E. Gaillard, «!L’arbitrabilité des litiges fiscaux dans les investissements internationaux!», Rev. Prat. Dr.
Ent. 1999, n° 12, pp. 42-43.
58. CA Paris, 27!oct. 1994, LTDC c/Sté Reynolds, Rev. arb. 1994, p. 709!; CA Paris 14!juin 2001, Tradigrain, Rev. arb.
2001, p. 773, note C.!Séraglini!; P.!Mayer, «!La sentence contraire à l’ordre public au fond!», Rev. arb. 1994, p.
615.
59. Vattenfall AB et autres c. la république fédérale allemande, CIRDI, affaire n° ARB/12/12.
60. Une trentaine d’affaires sont actuellement pendantes, www.worldbank.org/icsid.
61. E. Loquin, «!Réflexion sur «!la jurisprudence arbitrale», sa cohérence et ses divergences!», in P. Ancel et M.-C.
Rivier (dir), Les divergences de la jurisprudence, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2003, p. 127!; J.-
M. Jacquet, «!Avons-nous besoin de la jurisprudence arbitrale!?!», Rev. arb. 2010-3, p. 445.
62. Accord de libre échange entre les Etats-Unis d’Amérique et la République du Chili et accord de libre échange
entre les Etats-Unis d’Amérique et Singapour, http!://www.trade.gov./td/tic/.
63. Art. 234 (ancien art. 177) du Traité instituant la Communauté européenne.
64. V. infra R. Tchapmegni, «!Les nouvelles revendications foncières et l’activité extractive!: le cas de l’Arctique!», p. 101.
65. Art.27 de la Déclaration du 13 septembre 2007.
https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/14246/1/document.do, dernière consultation 06 mai 2015
66. Vers un nouvel équilibre. Le groupe de la Banque mondiale et les industries extractives. Le Rapport final de la
Revue des industries extractives, vol. I, Décembre 2003.
67. Extractive Industries and Sustainable Development. An Evaluation of World Bank Group Experience, DEO/
GEO/UEO, Banque mondiale, Washington DC, 2003!; Extracting Sustainable Advantage*? A review of how
sustainability issues have been dealt with in recent IFC & MIGA extractive industries projects, Final Report,
Conseiller médiateur, Banque Mondiale, Washington DC, Avril 2003.
68. V. infra, V. Ndior, «!Société civile et bailleurs de fonds internationaux!: un même combat socio-
environnemental!?!», p. 114.
69. V. infra, C. Renouard, «!Le coq, le papillon, l’écureuil et la fourmi!: de la contribution de l’industrie extractive au
développement socio-économique des populations riveraines!», p. 96.
70. H. Lado et C. Renouard, «!RSE et justice sociale!: le cas des multinationales pétrolières dans le Delta du Niger!»,
Afrique et Développement 2012-2 , Vol.XXXVI, p.167.
71. C. F. Dugan, J. Don Wallace, N. D. Rubins et B. Sabahi,!Investor-State Arbitration, Oxford University Press,
2008.
72. Methanex Corp. v. United States of America, décision du 15 janvier 2001 www.naftaclaims.com/disputes_us/
disputes_us_6.htm.; Mealey’s International Arbitration Report, vol. 16, no. 1, 2001, p. 6.; United Parcel Service
of America Inc. v. Government of Canada, décision du 17 octobre 2001 www.naftaclaims.com.; Aguas del
Tunari v. Republic of Bolivia, lettre du Président du tribunal de janvier 2003, www.earthjustice.org.
73. T. Wälde, T. Weiler, Investment Arbitration under the Energy Charter Treaty in the Light of New NAFTA Prec-
edents*: Towards a Global Code of Conduct to Economic Regulation, in G. Kaufmann-Kohler, B. Stucki ed.,
Investment Treaties and Arbitration*: ASA Swiss Arbitration Assocition Conference in Zurich of junary 25, Zurich
2002, , note 35, p. 215.
74. A. J-P. Le Gall, «!Fiscalité et arbitrage!», Rev. arb. 1994-1, p. 4 et s., spéc. pp. 24-28.
Table des Matières
75. J Paulsson, G. Petrochilos,!Revisions of the UNCITRAL Arbitration Rules, report to UNCITRAL secretariat, 2006,
pp. 8-9
76. Methanex v. United States, (UNCITRAL/NAFTA), 15th Jan. 2001, para. 47-52
77. Rapport du Groupe de Travail II Arbitrage et Conciliation sur les travaux de sa cinquante-quatrième session (7-
11 Février 2011, New York) C.N.U.D.I. 54ème!Session, NU Doc. A/CN/.9/717, para. 23-26
78. Suez Sociedad General de Aguas de Barcelona, S.A. and Vivendi Universal, S.A. v. Argentine Republic, Order in
Response to a Petition for Transparency and Participation as Amicus Curiae, 19th!May 2005, para. 17
79. Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. v. United Republic of Tanzania, ICSID Case n° ARB/05/22, Procedural Order No.
5, 2nd!Feb. 2007, para. 46-55
80. http.://www.theguardian.com/environment/2014/jun/11/soco-oil-virunga-national-park-congo-wwf.
81. B. Frydman et L. Hennebel, «!Le contentieux transnational des droits de l’homme!: une perspective
stratégique!», op. cit., p. 73.
82. http!://www.corteidh.or.cr/index.php/es/jurisprudencia
83. Testimony provided by Sabino Gualinga before the Court during the public hearing held on July 6, 2011.
84. Rapport de la Commission d’experts chargée d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par l’Equateur
de la Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, présentée en vertu de l’article 24 de
la Constitution de l’OIT par la Confédération équatorienne des syndicats libres (CEOSL). Doc. GB.277/18/4,
GB.282/14/2, 2000.
85. Chevron Corporation et Texaco Petroleum Company c. La République d’Équateur, Affaire CPA n° 2009-23.
86. http!://www.cetim.ch/blog/wp-content/uploads/2014/10/DEMANDA-FIRMADA_copy1.pdf
87. http!://iecc-tpie.org.
88. E. A. Ohara et L. E. Ribstein, The Law Market, Oxford University Press, 2009!; G. Lhuilier, «!Le concept de «!Law
shopping!». (Droit international privé, droit social, droit de l’environnement)!», in M.-P. Blin-Franchomme et I.
Desbarats (dir.), Droit du travail et droit de l’environnement. Regards croisés sur le développement durable,
Lamy-Wolters Kluwer, 2010, p. 11.
89. T. Lay et M. Minio-Paluello, Pétrole au Lac Albert, Révélation des contrats contestés, Mai 2010 www.carbonweb.
org/drc.
90. L’article 320 alinéa 2 du Code minier de RDC de 2012 dispose!: «!Aux fins de l’arbitrage, l’instance arbitrale se
réfère aux dispositions du présent Code, aux lois de la République Démocratique du Congo et à ses propres
règles de procedure!».
91. C. Titi, «!Les clauses de stabilisation dans les contrats d’investissement!: une entrave au pouvoir normatif de
l’Etat d’accueil!?!», JDI 2014-2, p. 22, note 2.
92. CIRDI, sentence, 30 novembre 1979, Affaire n°ARB/77/1, .AGIP c. Congo,
93. Texaco-Calasiatic, Sentence arbitrale 19 janvier 1977, ILR, vol. 53, p. 389.
94. P. Juillard, «!Le nouveau modèle américain de traité bilatéral sur l’encouragement et la protection réciproque
des investissements (2004)!», AFDI 2004, p. 669.
95. Methanex corporation c. the United States of America, 5 Août 2005.
96. Amnesty International, Human Rights on the Line*: the Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline Project, 2003, p.10http.://
bankwatch.org/documents/report_btc_hrights_amnesty_05_03.pdf
97. V. infra, E. Silva-Romero, A. Caminades, «!Actualité des clauses de stabilisation!: la variété des clauses dans les
contrats pétroliers, miniers et gaziers sur plusieurs aires géographiques (Amérique Latine, Afrique, Mer noire,
Moyen orient)!», op. cit., pp. 53-54.
98. Klöckner Industrie-Anlagen GmbH v. United Republic of Cameroon, 3 mai 1985, ICSID Reports, vol. 2, pp. 95
ss, no. 69, JDI 1987-1, p. 163!; Amco Asia Corp. v. Republic of Indonesia, 16 mai 1986, ICSID Reports, vol. 1, pp.
509ss, nos. 20-22, JDI 1987-1, p. 175.
99. E. Gaillard et Y. Banifatemi, «!The meaning of “and”in Article 42(1), second sentence, of the Washington Con-
vention!: The role of international law in the ICSID choice of law process!», ICSID Review 2004, p. 375.
100. B. Frydman, «!L’affaire Total et ses enjeux!», in Liber amicorum Paul Martens. L’humanisme dans la résolution
des conflits. Utopie ou réalité*?, Larcier, 2007, p. 301.
101. B. Stephens and M. Ratner, International Human Rights Litigation in U.S. Courts, Irvington-on-hudson, Transna-
tional publishers Inc., New-York, 1996.
102. United States Court of Appeals, Ninth Circuit, Doe I v. Unocal Corp., 110 F. Supp. 2d 1294,. 2000!
103. Doe I v. Unocal Corp., 110 F. Supp. 2d 1294, 9th Cir. 2000!; S.M. Hall, «!Multinational Corporations’ Post-Unocal
Liabilities for Violations of International Law!» George Washington International Law Review, 2002, vol. 34, p.
401!; O. De Schutter, «!Les affaires Total et Unocal!: complicité et extraterritorialité dans l’imposition aux entre-
prises multinationals d’obligations en matière de droits de l’homme!», AFDI 2006, vol. 52, p. 55!; L. Hennebel,
«!L’affaire Total-Unocal en Birmanie jugée en Europe et aux Etats-Unis!», CRIDHO Working paper 2006/09!; B.
Frydman, «!L’affaire Total et ses enjeux!», in L’humanisme dans la résolution des conflits*: utopie ou réalité*? —
Liber amicorum Paul Martens, Larcier, 2007, p. 301.
104. Bowoto v. Chevron Texaco, 2007 WL 2349336, N.D. Cal. 2007, p. 15.
105. Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co., 621 F.3d 111, 120, 2d Cir. 2010, Rev. crit. DIP, 2010, p. 761, note H. Muir-
Watt!; H. Muir-Watt, «!Les enjeux de l’affaire Kiobel!: le chaînon manquant dans la mise en oeuvre de la respons-
abilité des entreprises multinationales en droit international public et privé!», TCFDIP 2010-2012, p. 233.
106. 2000, 1 WLR 1545, 1556
107. 2000, 1 WLR 1545, 1556
108. Chandler v. Cape Plc, 2012, EWCA Civ 525, § 66.
109. Rapport du Groupe d’Experts, 13 février 2008, S/2008/43, §84..
110. Chapter 15, Section 1502 of the Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act.
111. Proposition de loi n°2578 du 11 février 2015 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entrepris-
es donneuses d’ordre.
112. Dans ses Conflits de lois en matière de contrats, Étude de droit international privé comparé, 1938, mais aussi
Table des Matières
«!Le rôle de la volonté en droit international privé!», Arch. Philo. dr. 1957, p. 71!; «!Subjectivisme et objectivisme
dans le droit international privé des contrats!», in Mélanges Maury, t. I, p. 39!; «!Problèmes des contrats privés in-
ternationaux!», 2 fasc., Cours IHEI 1961-1962, Paris!; «!La loi appropriée au contrat!», in Mélanges Goldman, p. 1.
Première partie
LES PERTURBATIONS
DE L’EXPLOITATION
EXTRACTIVE
Titre 1
LES CONTRATS
EXTRACTIFS À L’ÉPREUVE
DES FAITS IMPRÉVUS
Chapitre 1
Analyse économique et renégociation
des contrats extractifs
Honoré Le Leuch*
L’objet principal de cette contribution est de traiter de l’apport de l’analyse économique dans
les cas de renégociation d’un contrat extractif. Par contrat extractif, souvent dénommé contrat
minier, ou contrat pétrolier, nous entendons dans ce document un contrat d’exploration et
d’exploitation de ressources d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) ou minérales, conclu en
conformité avec la législation applicable, par lequel des droits exclusifs sont octroyés à une
compagnie ou un consortium de compagnies portant sur une ou des substances minérales ou
fossiles susceptibles d’être extraites dans une zone définie.1
Les renégociations ou les adaptations de contrats à long terme ne sont pas exceptionnelles
dans le secteur extractif depuis les changements des années 1960. La renégociation du
contrat initial peut être soit volontaire et acceptée par les deux parties, l’Etat et l’investisseur,
dans un esprit de coopération à long terme, soit conflictuelle car imposée par une seule des
deux parties, fréquemment l’Etat, pouvant conduire en cas d’échec de la renégociation à un
contentieux.
Les renégociations d’un contrat extractif peuvent résulter de causes multiples, liées le plus
Table des Matières
et évalué pour lequel les incertitudes techniques et les risques sont réduits.
Néanmoins, tout contrat extractif doit permettre de déterminer sans ambiguïté, dans une
situation donnée, les revenus respectifs de chaque partie et les risques qu’elle prend. On
entend ici, par équilibre initial du contrat, l’application de l’ensemble des termes fiscaux et
contractuels stipulés dans le contrat initial et/ou fixés par la législation applicable, qui permet
de déterminer les revenus respectifs de chaque partie en considérant les circonstances
rencontrées pendant la vie du contrat extractif, sauf si des adaptations sont légalement
possibles ou convenues par renégociation. L’équilibre initial intègre également, soit
directement, soit le plus souvent indirectement, le partage respectif des risques supportés par
chacune des parties, tels que les risques résultant de la volatilité du prix des substances, de la
taille des gisements ou des coûts réels. Un changement de circonstances ne modifie pas en
lui-même l’équilibre initial tel que défini ci-dessus puisque les revenus respectifs des parties
restent déterminables mais entraîne que la perception par une partie que le partage relatif des
revenus ou des risques, et de la rente extractive, a été modifié à son désavantage d’une
manière imprévue et substantielle pour elle par rapport à la date de formation du contrat.
que de besoin, l’Etat peut toutefois bénéficier d’un recours à des firmes spécialisées, coûteux
mais souvent nécessaire pour limiter ses risques futurs. En effet, les décisions qu’il prend lors
de la négociation d’un contrat auront des conséquences majeures sur le niveau des
investissements effectifs de l’entreprise et des revenus futurs de l’Etat en cas d’exploitation.
Pour l’investisseur, l’objectif principal des évaluations effectuées avant la formation du contrat
est de comparer l’économie du projet et les risques associés à ceux des autres opportunités
d’investissement de son portefeuille mondial, puis de l’aider à décider des termes de l’offre à
soumettre au pays. Pour l’Etat, il s’agit d’abord d’estimer et de comparer, sur la base des
hypothèses qu’il choisit, l’économie potentielle du projet avec celle d’autres projets ou d’autres
offres soumises au pays. Il s’agit également de comparer les termes fiscaux, proposés par le
pays ou soumis, à ceux généralement obtenus par d’autres pays comparables en termes de
potentiel extractif et de l’aider à fixer les termes fiscaux d’un appel d’offres à lancer ou pour la
négociation d’un contrat en cours.
Aujourd’hui, ces analyses économiques menées avant la formation d’un contrat ou à l’occasion
d’un appel d’offres, ont rarement pour objet direct de fixer d’un commun accord un équilibre
initial!qui dépendrait par exemple d’un taux de rentabilité ou d’autres critères économiques
d’évaluation de projet qui auraient été convenus d’un commun accord, contrairement à une
idée fausse parfois répandue, mais essentiellement de proposer les termes et conditions du
régime fiscal applicable.
Du point de vue d’un expert extérieur, ces termes pourraient être comparés à ceux en usage
dans d’autres pays dans un benchmarking illustratif du degré de sévérité du régime fiscal, tel
que régulièrement publié par des groupes d’information. Un tel classement doit toujours être
évalué avec prudence car il n’est que relatif. En effet, les risques et les coûts entre les pays et
les zones octroyées sont souvent très différents et le degré de sévérité fiscale varie selon les
circonstances rencontrées ou simulées et dépend des nombreuses hypothèses à choisir
quand de telles comparaisons de régimes fiscaux sont publiées.
Trop souvent les dispositions des législations et des contrats extractifs dans les pays ayant
une expérience limitée des activités extractives sont peu détaillées, incomplètes et sujettes à
différentes interprétations ou mises en application, notamment en matière fiscale et
économique. En outre, peu de circulaires d’application sont le plus souvent disponibles dans
ces pays, à la différence des nombreuses practice ou guidance notes!anglo-saxonnes
applicables aux activités extractives. Fréquemment, la législation et le contrat ne traitent que
du cas extrêmement simplifié d’un seul titulaire par contrat, possédant un seul contrat
extractif et un seul gisement commercial exploité dans le pays. Or, la réalité extractive est bien
souvent à l’opposé, avec plusieurs cotitulaires du contrat concerné, chacun ayant en outre des
participations dans d’autres contrats extractifs dans le pays et des activités non-extractives,
dans le transport ou le traitement. La zone contractuelle peut contenir plusieurs gisements
commerciaux, chacun développé en séquence. L’absence de règles fiscales et contractuelles
précises couvrant chacune de ces situations, ou des rédactions imprécises ou incomplètes,
peuvent conduire à des différends ou des renégociations.
D’autres règles incomplètes peuvent également avoir pour impact de modifier le montant
annuel des revenus extractifs d’une partie. Ainsi, l’équilibre initial dépend entre autres des
règles de détermination des coûts et charges déductibles ou récupérables, des règles
d’amortissement et de récupération annuels, des règles de fixation du périmètre (ring fencing)
fiscal ou de récupération des coûts, des prix de transfert entre sociétés liées, des règles
d’imposition des plus-values de cession d’intérêt extractif, etc.
De telles modifications peuvent porter, dans des circonstances de prix jugés notablement
supérieurs par le pays et ayant modifié notablement le partage de la rente extractive, sur
l’imposition pour la durée restante du contrat d’une taxe additionnelle sur les profits3 ou sur une
hausse du taux de l’impôt sur les bénéfices ou résulter d’une réglementation technique
entraînant des coûts supplémentaires pour l’investisseur. Ces modifications peuvent dans des
cas extrêmes porter sur la résiliation immédiate du contrat, une forme d’expropriation, entraî-
nant la perte des profits futurs espérés, et correspondre, sauf en cas de faute lourde stipulée au
contrat, à une rupture manifeste de l’équilibre initial conduisant au paiement de dommages.
Toutes les modifications de l’équilibre initial ne sont pas nécessairement des violations du
contrat, d’une part, si elles résultent de l’application par le pays de nouvelles législations ou
d’amendements à des lois existantes et, d’autre part, si le contrat extractif ne prévoit ni clause
de stabilité de ses termes et conditions ni clause d’adaptation du contrat suite à un
changement notable de certaines circonstances. De telles clauses de stabilité ou d’adaptation
stipulées par contrat4 n’existent pratiquement que dans les pays émergents où elles peuvent
prendre différentes formes et être limitées à certains termes et conditions prédéfinis et à une
durée maximale d’application. A l’opposé, les pays développés donnent rarement de telles
garanties aux investisseurs.
Il est à noter que l’utilisation récente des dispositions de certains traités bilatéraux ou régionaux
a eu pour effet de conférer indirectement certains droits de stabilisation, non explicitement
prévus par le contrat extractif, protégeant certains investisseurs, selon leur pays d’origine, de
modifications décidées par la loi ou la réglementation et ouvrant des possibilités accrues de
contentieux.5 Ces aspects juridiques sont traités dans d’autres chapitres6.
continuer.7 Le contrat doit donc être conçu dès sa préparation comme un contrat de très
longue durée, de 30 à 40 ans ou plus, en prévoyant un équilibre initial approprié face aux
changements de circonstances toujours possibles pour rester juste et équitable à long terme.
140
AEO 2012
80 AEO 1985
US$ per barrel
AEO 2008
AEO 2006
60
AEO 1991
AEO 1995
AEO 2004
20
AEO 2001
0
1970 1975 1980 1995 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025
Une question importante est de savoir si la volatilité des prix de marché des substances
extraites fait partie intégrante des risques de toute activité extractive!? Ou au contraire est un
changement de circonstances imprévisible!? En cas de réponse positive à la première question,
une partie désavantagée bénéficiant d’une clause de hardship ne pourrait invoquer le principe
d’imprévision pour un risque qu’elle aurait assumé au titre du contrat lors de sa formation. Les
La rentabilité future du projet ou du contrat telle que le taux de rentabilité et les revenus
cumulés de l’Etat sont calculés selon les critères économiques d’actualisation choisis comme,
la valeur actualisée nette des revenus, déterminés à partir de la technique reconnue de
l’actualisation à une date donnée des cash flows futurs (en anglais appelée la technique de la
net present value of discounted cash flows ou DCF). Cette technique d’analyse économique
du futur ne peut conduire à un résultat certain mais à des résultats possibles, chacun fonction
des nombreuses hypothèses à choisir pour la mise en œuvre du modèle de prévision
économique et financière en exerçant pour leur choix son meilleur jugement. Le résultat
dépend également du taux d’actualisation choisi, qui peut être différent pour l’Etat et
l’investisseur. Il dépend des conditions de financement du projet. La difficulté majeure de toute
analyse économique est de prendre en compte l’ensemble des incertitudes et des risques
possibles du projet.
renégociation, à négocier les adaptations au contrat initial!en analysant leur impact par
rapport à l’équilibre initial.
En cas de mise en application d’une clause de stabilité fiscale suite à une modification de la
législation telle que définie par cette clause!: pour estimer selon différentes hypothèses à
choisir l’impact futur8 possible de la modification sur les cash flows et les revenus de l’Etat
par rapport à un équilibre initial dans des situations données, aux fins de proposer et de
négocier, en cas d’acceptation, un mécanisme d’ajustement des termes contractuels, ou de
l’un d’eux seulement9 pour tenter de restaurer entre les parties l’équilibre initial du contrat.
En cas de renégociation justifiée par la mise en application d’une clause d’adaptation
déclenchée suite à des changements notables de circonstances dans les conditions
prévues au contrat!: pour estimer les conséquences de ces changements pour chacune des
parties et aider à renégocier et à réviser le contrat.
En cas de contentieux et d’arbitrage*: pour évaluer le dommage causé à la partie lésée par
une modification unilatérale du contrat initial ou sa résiliation, dénommé le quantum,
évalué le plus souvent selon la technique du «!DCF!» déjà citée en tenant compte des
recommandations et des hypothèses fixées par la majorité des arbitres, relatives entre
autres aux réserves, à la production, à l’évolution des prix, aux coûts, aux investissements,
au financement, à l’inflation, aux règles fiscales à suivre, au taux d’actualisation. Ainsi, ce
taux a un impact notable sur le montant des dommages.
Connaître les écarts entre les hypothèses choisies par chaque partie, ou les différences
d’interprétation et de modélisation du contrat permet d’améliorer le dialogue entre les parties,
de tester la robustesse du régime fiscal existant et d’aider à la recherche de solutions et de
compromis. En outre, vu les incertitudes et les risques des activités extractives, la réalisation
additionnelle d’études de sensibilité suffisantes est une nécessité lors d’une négociation ou
d’une renégociation pour anticiper les futurs possibles, tester la robustesse du régime fiscal en
cas de changement de circonstances et apprécier le maintien d’un partage juste et équitable
entre les parties dans chacun des scénarios. Une partie qui deviendrait notablement
défavorisée dans certaines circonstances pourrait difficilement accepter un contrat10.
Un des avantages majeurs pour chaque partie de mener une analyse économique et de
construire séparément un modèle prévisionnel et ensuite de l’échanger est la possibilité de
vérifier, avant la formation du contrat, si l’interprétation du régime fiscal et de l’ensemble des
règles fiscales associées (que ce soit pour un contrat de concession ou de partage de
production) est identique pour chacune des deux parties. La modélisation économique
permet également de vérifier si le régime fiscal contient des lacunes (loopholes), s’il peut
conduire à des différences d’interprétation ou d’application et quelles solutions d’optimisation
fiscale pourraient être envisagées. Un cas intéressant est d’échanger sur la manière de
modéliser l’imposition des profits et des dividendes (ou la détermination du profit petroleum
dans un contrat de partage de production) et ainsi d’anticiper l’impact possible de!tax treaty
shopping sur les revenus futurs de l’Etat dont l’effet pourrait par exemple réduire ou exonérer
l’imposition des dividendes, source potentielle de conflit futur en cas de divergence
d’interprétation.
démontrée de modifier le régime fiscal, et donc l’équilibre initial, pour tenir compte d’une
nouvelle réalité, ou de circonstances différentes, lorsqu’elles défavorisent de manière
substantielle l’une des deux parties au contrat.
La renégociation peut aussi résulter d’une situation empêchant le lancement d’un projet
extractif d’intérêt qui présente une rentabilité prévisionnelle estimée insuffisante par
l’investisseur avec le régime fiscal en vigueur, par exemple pour un projet dit marginal ou un
projet de gaz naturel coûteux, sauf à modifier l’équilibre initial.
L’idéal pour un contrat extractif serait de disposer d’un régime fiscal qui permettrait de
prendre en compte automatiquement les larges variations de rentabilité des projets pétroliers
ou miniers tout en sauvegardant de manière équitable les intérêts à long terme de chacune
des parties dans un environnement par nature peu prévisible. Les solutions pour atteindre cet
objectif ambitieux existent déjà sous réserve d’être bien conçues et rédigées de manière
complète et claire.
Dans le cas contraire, les risques de conflits majeurs entre les parties durant la vie d’un contrat
à long terme sont considérablement augmentés et ceux-ci nuiront à l’investissement et au
développement d’une coopération fructueuse à long terme, sauf si les parties acceptent de
renégocier lorsque justifié. A l’opposé, privilégier le contentieux extractif et l’arbitrage, une
tendance qui semble s’amplifier ces dernières décennies pour différentes raisons, aboutit trop
souvent à une rupture ou sinon à une relation fragilisée entre l’Etat et l’investisseur ne
favorisant pas ses investissements à long terme dans le pays.
Cette responsabilité est fortement amplifiée dans le cas où l’investisseur exige et obtient la
garantie d’une clause de stabilité contractuelle et fiscale. Car dans le cas contraire, comme
aujourd’hui dans la quasi-totalité des pays industrialisés, l’Etat garde son droit absolu d’ajuster,
sans aucune discrimination, sa législation et sa réglementation en fonction de l’évolution réelle
des marchés extractifs et des changements de circonstances, sous réserve de rester attractif à
tout moment et d’appliquer les pratiques adoptées dans des pays similaires.
2. Nécessité d’un régime fiscal clair, robuste et doté d’une progressivité suffisante
Tout régime fiscal doit d’abord être clair et sans lacunes. En fonction des résultats d’une
analyse économique appropriée il peut être classé en trois catégories (voir Fig. 2)!:
Le régime fiscal progressif si la part de l’Etat (exprimée en %) dans la rente extractive
augmente lorsque la rentabilité du contrat pour l’investisseur s’améliore, par exemple si la
production ou le prix s’accroissent et/ou les coûts baissent.
Le régime fiscal régressif dans le cas contraire, c’est-à-dire quand la part de l’Etat
(exprimée en %) dans la rente extractive diminue alors que la rentabilité du contrat
augmente.
Le régime fiscal neutre lorsque cette part reste pratiquement constante.
Les bonnes pratiques ont démontré11 qu’un contrat extractif pour être robuste doit, en plus de
sa clarté, être notamment doté dès sa formation d’un régime fiscal progressif qui s’adapte
automatiquement aux variations possibles de rentabilité, sans avoir nécessairement à le
renégocier ni à amender la législation.
L’analyse économique détaillée d’un régime fiscal de concession comprenant comme
paiement à l’Etat une redevance minière à taux fixe et un taux d’impôt sur les bénéfices fixe,
ou d’un contrat de partage de production conçu avec un taux de partage fixe ou augmentant
peu en fonction de la production, des coûts et des prix, est un régime fiscal régressif, une
Table des Matières
100%
Régime
fiscal
progressif
Part de l’Etat dans la rente (en %)
60%
0%
Pour un contrat de concession*: imposer une taxe additionnelle sur les profits (TAP), en
supplément de la redevance à la production et de l’impôt sur les bénéfices, ou introduire
un impôt variable fonction du prix ou d’une autre variable. La progressivité de la TAP, pour
être efficace, doit être liée, pour l’exercice fiscal considéré, par exemple au prix des
substances extraites ou mieux à la valeur atteinte par un critère économique convenu (tel
que le ratio entre les revenus nets et les investissements cumulés, calculé depuis la
formation du contrat, ratio couramment dénommé le «!facteur R!», ou un taux de rentabilité
sous réserve de le définir avec vigilance pour que ce mécanisme soit efficace). Dans
quelques pays (comme le Canada ou le Pérou), la TAP variable est en fait intégrée à une
redevance progressive.
Pour un contrat de partage de production*: prévoir un partage du «!profit petroleum!» dont
la progressivité est directement liée à la production et au prix, ou mieux, à la valeur d’un
critère économique comme le facteur R décrit ci-dessus.
CONCLUSION
Tout contrat extractif est un contrat à très long terme en cas de développement et de
production d’un ou de plusieurs gisements commerciaux. Lors de sa formation, les incertitudes
et les risques en termes de probabilité de découverte, de réserves, des caractéristiques des
gisements et des investissements requis pour les développer et surtout de prix des substances
extraites pendant la vie du contrat sont nombreux et majeurs. Une conception appropriée du
régime fiscal et de la détermination de l’équilibre initial dérivé du contrat sont donc des
éléments essentiels pour encourager la robustesse et la stabilité du contrat face aux
changements de circonstances inévitables que connaît tout contrat à long terme.
Dans ce contexte, l’analyse économique approfondie du contrat avant sa formation doit être
effectuée non seulement par l’investisseur mais aussi par l’Etat. En particulier, cette analyse
permet de vérifier si le régime fiscal est clair, sans lacunes et suffisamment progressif en cas
Table des Matières
NOTES
1. V. pour plus de détail sur les contrats pétroliers!: Pour plus de détail sur les contrats pétroliers, H. le Leuch,
«!Recent Trends in Upstream Petroleum Agreements!», in A. Goldthau (ed), The Handbook of Global Energy
Policy, John Wiley & Sons, Ltd, First Edition, 2013!; Cl. Duval, H. Le Leuch, A. Pertuzio and J. Weaver, Inter-
national Petroleum Exploration and Exploitation Agreements: Legal, Economic and Policy Aspects, New York:
Barrows Company Inc, Second Edition, 2009. De nombreux autres types de contrats liés aux contrats extractifs
existent, tels que les contrats de transport, de stockage ou de traitement des substances extraites, les contrats
d’achat et de vente de la production, les contrats d’études, d’ingénierie, de construction ou de services. Ils ne
sont pas traités dans ce document. Leurs conditions de renégociation sont différentes de celles applicables
aux contrats extractifs. Certains de ces contrats contiennent des clauses de hardship obligeant les parties à
renégocier lorsqu’une telle situation survient.
De nombreux autres types de contrats liés aux contrats extractifs existent, tels que les contrats de transport,
de stockage ou de traitement des substances extraites, les contrats d’achat et de vente de la production, les
contrats d’études, d’ingénierie, de construction ou de services. Ils ne sont pas traités dans ce document. Leurs
conditions de renégociation sont différentes de celles applicables aux contrats extractifs. Certains de ces con-
trats contiennent des clauses de hardship obligeant les parties à renégocier lorsqu’une telle situation survient.
2. Quel que soit le type de contrat extractif, un contrat de concession, un contrat de partage de production,
ou un contrat de services à risques, avec ou sans participation d’une société d’Etat, l’analyse économique
permet de déterminer les revenus respectifs des parties durant la vie du contrat, et donc le partage de la rente
extractive.
3. De nombreux pays exportateurs ont introduit une taxe additionnelle sur les profits pétroliers, ou augmenter
le taux de la redevance à la production ou de l’impôt sur les bénéfices pétroliers, suite à une période de forte
augmentation du prix des hydrocarbures, comme au cours des années 1970 ou durant la décennie 2000.
Hormis dans les pays qui n’accordent pas de garantie de stabilité fiscale et qui peuvent modifier les termes
fiscaux applicables si le contexte le justifie (comme le Royaume Uni, la Norvège, le Canada, les USA etc.),
ces hausses fiscales ont souvent fait l’objet de contentieux suivis d’arbitrages (par exemple au Venezuela, en
Equateur, en Algérie, etc.), sauf si les investisseurs ont préféré, dans certains pays émergents jugés par eux
stratégiques, de les accepter dans une volonté de coopération à long terme et de réalisme lorsqu’elles étaient
jugés raisonnables et proportionnées.
4. V. P. Bernardini, «!Stabilization and Adaptation in Oil and Gas Agreements!», Journal of World Energy Law and
Business 2008,vol. 1, p. 98 ; P. Cameron, «!Stabilization in Investment Contracts and Change of Rules in Host
Countries: Tools for Oil & Gas Investors!», Research Paper of the Association of International Petroleum Negoti-
Table des Matières
ators, 2006. D., Philip and E. Sunley, «!Contractual Assurances of Fiscal Stability!», in The Taxation of Petroleum
and Minerals: Principles, Problems and Practice. London and New York: Routledge, 2010.
5. A titre d’exemples le recours aux traités régionaux des Amériques ou au Traité de la Charte de l’Energie a été
utilisé lors d’arbitrages récents pour renforcer la position de l’investisseur, notamment par référence aux princi-
pes de non-discrimination ou de traitement juste et équitable souvent prévus dans de tels traités.
6. V. infra, E. Silva-Romero et A.Caminades, «!Actualité des clauses de stabilisation!», p. 51
7. De plus en plus, les possibles extensions du contrat font l’objet de nouveaux termes fiscaux, et donc d’un nou-
vel équilibre, mais seulement si le contrat initial le prévoit explicitement. L’extension de la période d’exploitation
est souvent devenue source de contentieux, et parfois d’arbitrages, en ce qui concerne, d’une part, l’obtention
de l’extension et, d’autre part, le régime fiscal applicable à l’extension lorsque la rédaction du contrat initial ou
la législation n’est pas suffisamment explicite en la matière.
8. La détermination de l’impact de la modification législative depuis son entrée en vigueur jusqu’à la date de
l’analyse est plus aisée car fondée sur des valeurs historiques.
9. Si le contrat est de type partage de production, l’ajustement approprié du taux de partage du «!profit petro-
leum!» peut parfois permettre de restaurer l’équilibre initial.
10. Cette attitude sera probablement renforcée suite au développement récent de la transparence et de la publica-
tion des revenus extractifs annuels par pays ou par projet qui résulte notamment des actions de l’ITIE (Initiative
pour la Transparence dans les Industries Extractives), de la directive sur la transparence de l’Union Européenne
et de nouvelles législations similaires au Royaume-Uni, en Norvège, au Canada, etc. relatives aux industries
extractives.
11. V. G. Ross and A. C. Ross, «!Uncertainty, Risk Aversion, and the Taxing of Natural Resource Projects!»,
Economic Journal, 1975, vol. 85, p. 272 ; D. Philip, M. Keen and C. McPherson, The Taxation of Petroleum and
Minerals: Principles, Problems and Practice. London and New York!: Routledge!; 2010. H. le Leuch, «!Recent
Trends in Upstream Petroleum Agreements!», in A. Goldthau (ed), The Handbook of Global Energy Policy, John
Wiley & Sons, Ltd, First Edition, 2013.
Chapitre 2
Le cadre juridique de la renégociation
Mamadou Konaté*
Tel qu’élargi le sujet fait appel à des concepts sous-jacents qui ne manqueront pas d’occuper
une large part des propos qui seront ici tenus à l’instar de la question de savoir sous quelles
conditions il serait opportun de déterrer le principe de l’imprévision dans l’optique de
consacrer un principe général de révision des contrats. C’est notamment à ce titre que cet
exposé s’attachera à dégager un régime cohérent s’appuyant sur du droit comparé.
Un autre intérêt de ce sujet et non des moindres dans ce mécanisme de révision contractuel
Table des Matières
est celui de revisiter et de réactualiser des principes juridiques bien connus tels que le rôle du
juge face au contrat et la place de la bonne foi dans l’exécution du contrat.
Enfin, le sujet trouve un intérêt ultime et tout particulier en ce qu’il constitue l’occasion de
mettre à jour des clauses permettant d’anticiper, d’encadrer et d’entamer des renégociations
précontentieuses.
Tout contrat suppose la durée. Si ordinairement la formation du contrat résulte d’un accord
soudain et procède parfois d’une laborieuse préparation qui s’inscrit elle-même dans le temps
son exécution, elle, s’étale beaucoup plus nettement et beaucoup plus fréquemment encore,
dans la durée.
Tel est le cas notamment des contrats continus!; qu’ils soient à exécution successive ou à
prestations différées. Le temps est donc est une donnée fondamentale dont les parties ne
peuvent faire abstraction. Les conventions extractives s’inscrivent parfaitement dans ce schéma
en raison tant de leur durée que des procédés d’exploitation des hydrocarbures et des mines.
Ce faisant, la situation initiale qui a donné lieu à l’accord contractuel risque d’être modifiée de
manière substantielle, déjouant ainsi les prévisions légitimes des parties.
Cependant,!à ces risques encourus par le contrat, le droit privé répond fermement par la
maxime «!Pacta Sunt servenda!» traduite dans l’article 1134 du Code civil français et reprise
sous diverses dispositions dans les législations africaines qui proclament la force obligatoire
des contrats que rien ne pourra affecter.
Ce principe s’appuie sur le fondement moral de la parole donnée!mais il s’explique également
par une justification économique et sociale. Le droit doit assurer la sécurité des transactions!;
or, si l’on veut permettre aux parties d’affecter d’un terme leurs conventions, il faut leur
garantir une exécution intégrale!: le contrat doit être une emprise sur l’avenir.1
Aussi, plaçant pour des raisons de moralité et de sécurité juridique la volonté humaine en
pierre angulaire de sa construction, déniant aux tiers tout pouvoir d’intervenir dans l’édifice et
réservant aux parties, la liberté non seulement de conclure, mais aussi d’adapter leurs
conventions, la jurisprudence rejette-t-elle après avec constance depuis le célèbre arrêt dit
* Avocat au Barreau du Mali et membre du Conseil de l’Ordre!; associé gérant, Cabinet JURIFIS Consult. mko@jurifis.com
«!du Canal de Craponne!» rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de cassation,2
la théorie de l’imprévision.
Or, l’époque et l’environnement socio-économiques dans lesquels nous vivons, exposent
davantage les parties à un contrat à différentes situations visées par la théorie de l’imprévision
ou du changement des circonstances économiques, situations au nombre desquelles on
compte!: les crises pétrolières successives et plus fraîchement la crise consécutive à
l’effondrement du système bancaire et des marchés financiers.
Par ailleurs, les conséquences de la dévaluation de la monnaie survenue au sein de
Communauté Financière Africaine et l’imprévisibilité qui caractérise les politiques
économiques nationales de nos Etats ont laissé des traces profondes et révélé à la face du
monde et des opérateurs économiques, les insuffisances de ce droit contractuel classique qui
ignore le principe de la renégociation lorsque la relation contractuelle, par nature équilibrée est
affectée par la conjoncture ou les aléas économiques.
Même si la maîtrise du contrat sur l’avenir est tout à fait possible lorsque les parties
décident d’inclure des clauses dites d’adaptation qui sont des techniques d’intégration du
risque liées aux évolutions des données sous l’empire desquelles les parties se sont
accordées, il n’est pas insensé de s’interroger sur l’application de la théorie dite de
l’imprévision qui permet la renégociation ou la transformation du contrat lorsque survient
une grave altération de l’équilibre de celui-ci par un évènement imprévu par les parties en
l’absence de telles clauses (I)
On sait donc que l’ingéniosité des juristes a permis de mettre au point une gamme assez
étendue de types de clauses d’adaptation du contrat confronté à la durée. Le jeu de
l’adaptation va alors transformer le contrat qui n’aura plus la même physionomie du jour de sa
conclusion à celui de son exécution. Ces clauses vont provoquer sur sa structure toute une
Table des Matières
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être
révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles
doivent être exécutées de bonne foi.!»
Il s’agit de la théorie de l’Autonomie de la volonté, selon laquelle les parties se déterminent
librement à contracter. Cet accord de volonté est par lui-même créateur d’obligations et donc
de responsabilité. Le droit privé français et dans son sillage le droit positif des Etats d’Afrique
noire francophone pose donc le principe de l’intangibilité du contrat. Ce principe a été énoncé
dans le célèbre arrêt Canal de Craponne comme suit!:
Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse paraître leur
décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement
acceptées par les contractants.6
Dans la vie économique, explique-t-on, cette position est vectrice de sécurité juridique. Elle
milite en faveur des engagements et encourage les acteurs à s’engager dans les transactions
ou de prévoir dans leurs contrats des clauses d’adaptation. C’est donc au nom de cette
sécurité juridique et du respect des engagements librement contractés que les parties ne sont
pas admises à invoquer des circonstances extérieures ou des évènements autres que ceux qui
pourront être qualifiés de force majeure pour s’exonérer d’une exécution à laquelle elles se
sont engagées.
La doctrine est quant à elle s’est montrée plus réceptive à l’admission de la théorie de
l’imprévision et ce pour des motifs de bonne foi et d’équité et en se référant à une notion de
solidarité contractuelle.7
Par ailleurs, certaines décisions de jurisprudence sont venues semer le trouble, semblant
pouvoir être interprétées comme les prémices d’une introduction de la révision pour
Table des Matières
imprévision en droit français. L’arrêt Huard8 est en ce sens très remarqué!: cet arrêt semble
manifester d’un ébranlement de la règle posée par l’arrêt Canal de Craponne en introduisant
par le biais de la notion de bonne foi une obligation de renégociation du contrat entre une
firme pétrolière et son distributeur à l’occasion de changements dans l’économie du contrat.
Une solution similaire a été retenue dans l’arrêt Chevassus Marche.9
Plus récemment encore on peut observer une timide évolution de la jurisprudence de la Cour
de cassation dans un arrêt du 29 juin 2010!:
En statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’évolution des circonstances
économiques, et notamment le coût des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur
incidence sur celui des pièces de rechange, n’avait pas eu pour effet (‥) de déséquilibrer
l’économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa signature (‥) et de priver
toute contrepartie réelle l’engagement souscrit par la société Soffimat, ce qui était de nature à
rendre sérieusement contestable, l’obligation dont la société SEC sollicitait l’exécution, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale.10
Si cette décision, qui reste isolée et qui n’a pas été publiée au bulletin, ne permet pas de
considérer à un revirement de la position maintenue par la Cour de cassation depuis 1876, elle
permet, tout du moins, d’y voir un infléchissement. Il est également à noter qu’il s’agit d’une
cassation pour défaut de base légale, c’est à dire que les juges du fond ont fait preuve d’une
défaillance dans leur motivation. La décision cassée n’est donc pas nécessairement une
mauvaise décision mais elle manque de motivation suffisante. Il aurait, par exemple, suffit aux
juges du fond d’affirmer que l’obligation n’était pas sérieusement contestable et de le motiver,
ce qui aurait maintenu en vigueur la jurisprudence de 1876.
Cette décision de la Cour de cassation laisse au moins suggérer que la survenance de tels
événements puisse avoir une incidence sur l’obligation prévue initialement par les parties (le
demandeur au pourvoi invoquait la disparition de la cause du contrat qui selon cette
jurisprudence semble donc perdurer pendant l’exécution).
Cependant, malgré ces quelques tempéraments, le principe demeure le refus de la théorie de
l’imprévision.11 En cela, la position française apparaît relativement isolée par rapport de celle
de ses voisins européens.
de l’imprévision.15
Bien que les droits nationaux revêtent une place prépondérante dans le choix du droit
applicable, la liberté contractuelle permet aux parties de se référer à d’autres corpus de règles.
Pour cette raison, il est intéressant d’examiner le sort que ceux-ci réservent à la renégociation
en l’absence de clauses contractuelles y renvoyant.
1. La renégociation et les Principes Unidroit ainsi que les Principes du droit européen
des contrats
Le principe de la force obligatoire des contrats est exprimé à deux reprises dans les principes
Unidroit. L’article 1.3 précise que le contrat lie les parties à condition qu’il soit valablement
formé. En conséquence de sa force obligatoire, le contrat ne peut théoriquement être modifié
ou résolu sans l’accord des parties. À cause de la force obligatoire du contrat, celui-ci doit en
outre être exécuté quoiqu’il arrive et ses obligations respectées en toutes circonstances, sous
peine de sanctions. Telle est la règle générale que rappelle l’article 6.2.1. Elle est toutefois
tempérée lorsque survient un changement de circonstances, appelé ici hardship, qui altère
fondamentalement l’équilibre des prestations (article 6.2.2).
Le hardship n’autorise pas à mettre fin aux obligations mais permet de renégocier les clauses
du contrat de façon à rééquilibrer les prestations et à permettre à l’entente de survivre. Cette
même solution se retrouve dans les Principes européens du droit des contrats. L’article 6.111
impose une obligation de renégocier en vue d’adapter le contrat ou d’y mettre fin dès lors que
son exécution devient excessivement onéreuse pour une des parties en raison du changement
de circonstances.
Apres avoir vu que les différentes familles de systèmes juridiques répondent de manière
divergente sur l’admissibilité de la théorie de l’imprévision en droit privé, il convient maintenant
d’examiner la manière dont les juridictions arbitrales ont accueilli et tranché les litiges nés de
circonstances exceptionnelles.
l’activation, déclenchée par la survenance d’un événement prédéfini, entraîne une modification
substantielle des conditions initiales dans lesquelles le contrat a été consenti. Lato sensu, la
renégociation ne s’entend donc pas simplement des pourparlers visant à rattraper les effets
dévastateurs d’un évènement imprévu, mais elle s’entend également du fait d’insérer une ou
plusieurs clauses qui vont permettre de rétablir l’équilibre initial du contrat. Ces clauses visent
souvent l’adaptation automatique reposant sur un mécanisme plus ou moins complexe dont
l’objet est de déterminer le contenu de l’adaptation. Selon le cas, les parties peuvent faire
appel à une procédure d’adaptation immédiate (A), à une procédure d’adaptation dite
médiate (B). Il arrive aussi que les parties préfèrent un mécanisme d’adaptation non
automatique (C).22
procéder à cette désignation ou bien s’engagent à saisir une instance qui à son tour sera
chargée de cette désignation.
Une fois désigné, ce «!tiers expert!» est chargé de fixer en toute indépendance le contenu de
l’adaptation du contrat. Il devra dans ce cas s’en tenir à la mission confiée par les parties et qui
a été détaillée par le contrat pour rééquilibrer les prestations du contrat.
Le plus souvent, il s’agit de la «!clause à dire d’expert!» qui prévoit la fixation du prix par ce tiers
évaluateur. La présence d’une clause d’adaptation automatique permet, en tout cas, la
transformation du contrat, sans qu’il en découle le moindre risque pour la solidité de
l’opération.
Les parties ne peuvent, en effet, à cette occasion remettre en cause l’adaptation dont elles ont
accepté le principe et les modalités à la signature de la convention. Ce genre de clause n’est
toutefois possible qu’avec un risque prévisible dont on puisse tenir compte lors de la
conclusion du contrat, en établissant un mécanisme capable d’en atténuer les effets.
Il y a lieu de considérer les circonstances dans lesquelles cette clause doit être prévue et les
soins qu’il faut apporter à sa rédaction.
peuvent apparaître entre les parties dès la phase initiale, à propos de l’existence même des
conditions de la réadaptation. Néanmoins, les problèmes susceptibles de se poser sont
identiques à ceux rencontrés lors de la phase de renégociation proprement dite.
La clause de hardship peut être formulée de façon expresse ou tacite comme toute clause
d’origine contractuelle et ce sous des vocables différents!: clauses de révision, d’imprévision…
Peu importe la lettre du texte, ce qui compte c’est l’intention réelle des parties.
Les règles d’UNIDROIT rappellent que la liberté contractuelle et la liberté d’élaborer des
clauses dans les contrats sont des principes de base (art.1.1). Cependant, il n’apparaît pas que
la clause de hardship, malgré son intérêt, puisse être considérée comme une clause implicite,
présente dans tous les contrats commerciaux et fondée sur la lex mercatoria.
C’est la volonté seule des parties qui fonde l’introduction de la clause dans le contrat. C’est
encore cette seule volonté qui justifie la mise en œuvre de la clause.
L’utilité de la clause de hardship n’est plus à démontrer, son insertion fréquente dans des
contrats extractifs en témoigne. Toutefois, une clause mal libellée posera nombre de difficultés.
Partant, nous ne pouvons que conseiller aux rédacteurs de contrats de faire preuve de grande
vigilance, soin et méticulosité dans la rédaction de la clause de hardship, se basant sur les
recommandations ci-après.
2. La rédaction de la clause hardship
L’objet principal de la clause de hardship est de renégocier le contrat en cas de modification
des circonstances extérieures, d’ordre économique, technique, commercial ou autre.
Mais, pour qu’une telle clause puisse fonctionner de manière satisfaisante, il est indispensable
qu’elle prévoie les modalités de sa mise en œuvre!: le critère qui détermine la réadaptation, les
personnes habilitées à y procéder, les modalités de la négociation et les conséquences qui en
Table des Matières
découlent etc.
La rédaction d’une telle clause est en conséquence particulièrement sensible,27 il convient de
prêter une attention toute particulière à sa rédaction. Elle est toujours divisée en deux parties!:
définition et énumération des hypothèses visées!: il s’agit de déterminer dans quelles
circonstances la clause pourra être invoquée. En pratique, ces clauses sont souvent très
vagues et les critères sont souvent subjectifs. Ce manque de précision peut conduire à une
situation dans laquelle une partie invoque la clause de hardship alors que l’autre partie
estime que les conditions ne sont pas rencontrées!;
définition du régime juridique applicable!: En cas d’évènements imprévisibles
bouleversant l’équilibre du contrat, les parties doivent prévoir les effets de cette clause, à
savoir résiliation/réadaptation du contrat.
Elles devront notamment prévoir!:
les modalités de rééquilibrage du contrat (recherche de la solution la plus adaptée pour
faire disparaître le déséquilibre constaté, en procédant si nécessaire à un amendement de
certaines dispositions du contrat)!;
les solutions à adopter en cas d’échec de la concertation des parties pour rééquilibrer le
contrat (recours à un tiers choisi d’un commun accord ou désigné par voie judiciaire)!;
les modalités financières de l’éventuelle conciliation (partage des frais d’honoraires)
Mes conseils avisés!:
Afin de permettre à la clause de hardship de sortir tous ses effets, son rédacteur veillera à!:
adopter une formule générale!;
déterminer les circonstances dans lesquelles la clause jouera et insister sur le caractère
imprévisible de celles-ci!;
prévoir les effets de la clause de hardship!: réadaptation ou résiliation. Ainsi ne conseillera-
t-on pas assez au rédacteur de la clause de bien prévoir la procédure à appliquer en cas
d’échec de la renégociation des parties. Dans ce cas, une simple résiliation du contrat ou
une réadaptation par un tiers sera la piste la plus souvent rencontrée!;
préciser que la demande de réadaptation de la partie lésée n’implique pas le droit pour elle
de suspendre l’exécution de la convention!;
prévoir que la partie lésée sera tenue d’adresser à son cocontractant sa demande de
réadaptation dans un délai déterminé par un écrit motivé et de lui communiquer des
documents justifiant cette demande. La rédaction avisée ne manquera pas de prévoir
également la sanction d’un avertissement tardif ou non motivé.
CONCLUSION%
Au terme de cet exposé sur le cadre de la renégociation du contrat, il semble que les
différents droits positifs étudiés ont un jugement différent sur le poids respectif des mérites et
des dangers de la théorie de l’imprévision.
En effet, on a pu constater que des divergences existent entre les différentes familles de
systèmes juridiques puisque certains pays ont franchi le cap et reconnaissent une révision du
contrat pour imprévision alors que d’autres — comme la France — se refusent encore à
admettre cette théorie. De même, la jurisprudence arbitrale n’est pas entièrement uniforme en
la matière!: alors que certaines sentences reconnaissent le droit à une telle révision seulement
lorsqu’une clause expresse a été insérée dans le contrat, d’autres au contraire se basent sur la
notion de bonne foi pour admettre un droit à l’adaptation du contrat lorsque des circonstances
extérieures et imprévisibles rendent l’exécution du contrat trop onéreuse. Il semble donc que,
dans le cadre d’un contrat international, la seule voie vectrice de sécurité juridique pour les
cocontractants consiste à insérer dans le contrat une clause de renégociation.
NOTES
1. H. Lecuyer («!Le contrat acte de prévision!», in L’avenir du droit. Mélanges Terré, Dalloz, PUF, Juris-Classeur,
1999, p. 643) soutient que «!le contrat offre aux parties contractantes de s’approprier le futur!».
Table des Matières
2. Cass. civ., 18 mars 1976, DP 1876, I, p. 193!; Les grands arrêts de la jurisprudence civile. Tome 2 Obligations.
Contrats spéciaux. Sûretés, 11ème édition, Dalloz, 2000, p. 123.
3. J.-M. Jacquet, «!Contrat d’Etat!», Jurisclasseur de droit international, fascicule n° 571-90, n° 117.
4. CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, DP 1916, III, p. 25!; S. 1916, 3 17, concl.
Chardenet, note Hauriou.
5. L. Richer, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 7ème édition, 2010, n° 520 et s.
6. Op. cit.
7. B. Cavalié, «!Le projet de réforme du droit des contrats face à la crise!: quel avenir pour la théorie de l’imprévi-
sion!?!», Revue Lamy de droit civil juillet/août 2009 n° 62, p. 70!; J.-A. Robert et Q. Charluteau, «!La théorie de
l’imprévision et le bouleversement économique dans les contrats commerciaux et industriels!», Revue Lamy de
droit civil juillet/août 2009 n° 62, p. 51, sp. p. 54!; D. Mazeaud, «!La révision du contrat!», PA 30 juin 2005 n°
129, p. 4!; H. Bouthinon-Dumas, «!Les contrats relationnels et la théorie de l’imprévision!», Revue internationale
de droit économique 2001-3, p. 339!; M. Mekki, «!Hardship et révision des contrats. 1. Quelle méthode au ser-
vice d’une harmonisation entre les droits!?!», JCP éd. G. n° 49, 6 décembre 2010, p. 2291.
8. Cass. com., 3 novembre 1992, Bull. IV, n° 340, affaire Huard, RTD civ. 1993, p. 124, obs. J. Mestre.
9. Cass. com., 24 novembre 1998,!affaire Chevassus-Marche, Bull. IV n° 277, Defrénois, 30!mars!1999 n°!6, p.!371,
note D. Mazeaud.
10. Cass. com., 29 juin 2010, affaire Soffimat, JCP éd. G. n° 43 25 octobre 2010, 1056, note Th. Favario, JCP ed. E.
n° 50 16 décembre 2010, 2108, note S. Le Gac-Pech, D. 2010, p. 2481, note D. Mazeaud.
11. Il convient néanmoins de souligner que les Projets de réforme du droit des contrats en France font tous, certes
de manière variable, une certaine allégeance à l’imprévision. V. Dans ce sens, A. Ngwanza, La favor contrac-
tus dans les Principes Unidroit et l’Avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats en OHADA, Thèse de
doctorat, Université Paris Sud 11, 2011, n° 415.
12. Pour ample étude sur l’imprévision en droit comparé, v. D. Tallon, «!La révision du contrat pour imprévision au
regard des enseignements récents du droit comparé!», in Droit et vie des affaires. Etudes à la mémoire d’Alain
Sayag, Litec, 1997, p. 403!; D. Tallon «!Réflexions comparatives!», in R. Rodière (dir), Les modifications du con-
trat au cours de son exécution en raison de circonstances nouvelles, Pedone, 1986, p. 185.
13. M. Pédamon, Le contrat en droit privé allemand, LGDJ, 2ème édition, 2004, p. 137.
14. Article 1467 du Code civil italien.
15. La Cour de cassation belge (19 juin 2009, affaire Scaform International BV contre Lorraine Tubes S.A.S, http.://
jure.juridat.just.fgov.be/pdfapp/download_blob.?idpdf=F-20090619-4) a expressément décidé qu’ «!afin de
compléter les lacunes de manière uniforme il y a lieu de puiser dans les principes généraux régissant le droit du
commerce international. En vertu de ces principes, tels que consacrés notamment par Unidroit Principles of In-
ternational Commercial Contracts, la partie contractante qui fait appel aux circonstances modifiées perturbant
fondamentalement l’équilibre contractuel comme visé au numéro 1, a le droit de réclamer la renégociation du
contrat!». Pour analyse approfondie de cette décision, v. A. Veneziano, «!Unidroit Principles and CISG!: change
of circumstances and duty to renegotiate according to the Belgian Supreme Court!», RDU 2010- 1, p. 137!; B.
Fauvarque-Cosson, «!Renégociation et révision judiciaire du contrat en cas de changement de circonstances!:
l’interprétation audacieuse de la CVIM par la Cour de cassation belge!», RDC 2010-4, p. 1405.
16. Il ressort de l’étude des sentences CCI (E. Jolivet, «!Les Principes Unidroit dans l’arbitrage CCI!», Bull. CCI sup-
plément 2005, p. 71) que les arbitres ne s’accordent pas sur le fait que les Principes Unidroit constituent la lex
mercatoria. En conséquence, les règles posées par les Principes Unidroit ou les Principes du droit européen des
contrats ne lient les parties que si elles les ont choisi.
17. J. Ringuette, Le hardship*: vers une reconnaissance du principe par les tribunaux arbitraux du commerce
international, mémoire de LLM, Université de Montréal, 2003!; A. Prujiner, «!L’adaptation forcée du contrat en
arbitrage!», Revue de droit McGill, 1992, p. 428.
18. Sentence rendue en 1987, JDI, 1987, p. 1012, obs. S. Jarvin.
19. CCI 5953-1989, Recueil des sentences arbitrales de la CCI, 1986-1990, Kluwer, commentaires Y. Derains.
20. Sentence rendue en 1975 dans l’affaire CCI n° 2291, JDI 1976, p. 989, obs. Y. Derains.
21. E. Loquin, «!La réalité des usages du commerce international!», RIDE 1989-2, p.!173!; B. Goldman, «!La lex mer-
catoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux!», JDI 1979, p.!747.
22. Dans les contrats pétroliers et miniers, les clauses d’adaptation se combinent souvent avec les clauses de
stabilisation. Cependant, ces dernières sont exclues du champ de la présente étude. Pour développement sur
l’insertion conjointe des clauses d’adaptation et des clauses de stabilisation, v. P. Bernardini, «!Stabilization and
adaptation in oil and gas investments!», Journal of World Energy Law & Business, 2008, vol. 1, n° 1, p. 98.
23. G. Block «!Arbitrage et changements du prix de l’énergie!: examen des sentences CCI au regard des clauses de
force majeure, d’indexation, d’adaptation, de hardship et de take-or-pay!», Bull. CCI 2009, vol. 20/2, p. 59.
24. Pour aller plus loin sur cette clause, v. B. Oppetit, «!L’adaptation des contrats internationaux aux change-
ments de circonstances!: la clause de hardship!», JDI 1974, p. 794!; M. C. A. Prado, Le hardship dans le droit du
commerce international, préface H. Lesguillons, Bruylant, 2003!; Y. Lequette, «!De l’efficacité des clauses de
hardship!», in Liber amicorum Christian Larroumet, Economica, 2010, p. 266.
25. Pour développement sur la distinction entre force majeure et hardship, v. R. Van Ommeslaghe, «!Les clauses de
force majeure et d’imprévision (hardship) dans les contrats internationaux!», RDIDC 1980, p. 7!; W. Melis, «!View
of the Practice of the ICC Court of Arbitration!», Journal of International Arbitration 1984, vol. 1, n° 3, p. 212,
sp. p. 215.
26. A. G. Douko, «!Hardship in Contract!: the Approach of the Unidroit Principles and Legal Developments in Rus-
sia!», RDU 2000-3, p. 484, sp. p. 491.
27. W. W. Park, «!Gaps and changed circumstances in energy contracts!: the devil in the detail!», Journal of World
Energy Law & Business, 2015, vol. 8, n° 2, p. 89.
Table des Matières
Chapitre 3
Actualité des clauses de stabilisation%
La variété des clauses dans les contrats pétroliers, miniers et gaziers
sur plusieurs aires géographiques (Amérique latine, Afrique, mer noire,
moyen orient)
Eduardo Silva Romero et Audrey Caminades*
* Eduardo Silva Romero est l’associé responsable du département Arbitrage International du Cabinet Dechert (Paris)
LLP, Eduardo.SilvaRomero@dechert.com. Audrey Caminades y exerce en tant que collaboratrice senior,
audrey.caminades@dechert.com. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles de ses auteurs et ne repré-
sentent pas l’opinion de Dechert (Paris) LLP. Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement Ruxandra Irina Esanu et
Raphaelle Legru pour leur précieuse aide.
négatif sur l’investisseur. Par exemple, l’Etat peut changer le régime fiscal, modifier la méthode
de partage des bénéfices dans le cadre d’un contrat!de partage de!la production, modifier les
mécanismes de gestion et de contrôle des opérations, restreindre le droit d’exportation de
l’investisseur.5 D’aucuns assimilent même l’investisseur étranger à un «!otage!» de l’Etat hôte,
une fois l’investissement effectué.6 Sans partager cet avis, il n’en demeure pas moins que
l’investissement est de facto souvent soumis à de nombreux bouleversements difficilement
envisageables.
Il semble donc légitime que l’investisseur souhaite limiter les risques, notamment en figeant le
cadre normatif et, plus particulièrement, le régime fiscal applicable au jour où il a consenti à
investir. La clause de stabilisation assure ainsi à l’investisseur une sécurité juridique dans sa
relation contractuelle avec l’Etat.
Cependant, le contexte dans lequel s’inscrivent les contrats d’investissement a largement
évolué. Il est désormais courant pour un investisseur étranger, notamment dans le secteur
pétrolier, de contracter non pas avec l’Etat directement, mais avec une société étatique. La
clause de stabilisation est alors négociée avec une émanation de l’Etat.
Dans ce contexte, l’investisseur pourra faire en sorte que le contrat conclu entre lui et une
émanation de l’Etat hôte prévoit que tout effet négatif sur l’investissement induit par une
modification législative – telle qu’une obligation fiscale supplémentaire - devra être compensé
par cette entité étatique.7 Le fait de contracter avec une entité étatique peut ainsi conduire à
la stabilité du régime fiscal, dès lors que cette société pourra être tenue de rajuster tout
déséquilibre subi par l’investisseur en prenant à sa charge toute obligation supplémentaire
imposée par l’Etat.8
Quoi qu’il en soit, c’est le principe du déséquilibre entre l’Etat-tout-puissant et l’investisseur
qui justifierait que tout contrat d’Etat contienne une clause de stabilisation. Pourtant, non
seulement ce déséquilibre existe rarement, mais en outre l’Etat n’est pas de son côté affranchi
de tout risque.
2. Les risques liés aux clauses de stabilisation pour l’Etat hôte de l’investissement
Si tout régime fiscal associé à un modèle contractuel donné peut fonctionner sur une période
de temps importante, cela ne vaut que tant que n’interviennent pas des variations
Parmi ces contrats, celui conclu avec la Turquie a fait l’objet de vives critiques15 au regard
de la clause de stabilisation qu’il incluait, dans la mesure où le consortium en charge de
construire l’oléoduc BTC était mis à l’abri de tout changement législatif, aussi bien au niveau
national qu’au niveau des engagements internationaux pris par l’Etat d’accueil.16 Ladite
clause énonçait!:
If any domestic or international agreement or treaty.; any legislation, promulgation, enactment,
decree, accession or allowance.; any other form of commitment, policy or pronouncement or
permission, has the effect of impairing, conflicting or interfering with the implementation of the
Project, or limiting, abridging or adversely affecting the value of the Project or any of the
rights, privileges, exemptions, waivers, indemnifications or protections granted or arising under
this Agreement or any other Project Agreement it shall be deemed a Change in Law.17
La référence à tout changement dans la loi («!Change in Law!»), de façon générale, qu’il
s’agisse de loi nationale ou internationale, figeait le cadre normatif de manière à ce que l’Etat
ne puisse se conformer à ses obligations de respecter, protéger et assurer l’exercice des droits
de l’Homme sans qu’il soit tenu à une nouvelle obligation, celle d’indemniser l’investisseur.18
Cette clause, dont le terme devait être égal à celui du contrat (c’est-à-dire plusieurs dizaines
d’années), avait concrètement pour effet de paralyser l’action de l’Etat ou, pour le moins, de la
rendre particulièrement onéreuse, son objectif étant d’assurer la conservation de l’équilibre
économique du contrat. Certes, la conclusion du contrat apportait des bénéfices significatifs à
l’Etat hôte de l’investissement, notamment en rendant le pays attrayant pour les investisseurs
étrangers – contribuant ainsi à son développement économique. En revanche, l’inclusion de
cette clause était avant tout susceptible d’avoir pour effet le blocage de l’action étatique dans
une variété de domaines fondamentaux.19
Concrètement, puisque par définition la clause de stabilisation gelait le droit national tel
qu’applicable au moment de la signature du contrat et isolait le consortium de la mise en
Table des Matières
œuvre de tout engagement international de l’Etat postérieur au contrat, elle aurait ainsi
contribué à freiner les avancées législatives en matière d’environnement ou des droits de
l’Homme (droits du travail, de la santé ou encore de la sécurité publique).20
Face aux nombreuses critiques, le consortium s’est, par la suite, engagé à ne pas faire jouer la
clause d’équilibre économique à l’égard de lois relevant du domaine social ou environnemental
à travers un «!Human Rights Undertaking!». Il s’est ainsi engagé à ne pas opposer la clause de
stabilisation à l’encontre de l’Etat hôte dans l’hypothèse où celui-ci prendrait des mesures en
matière de droits de l’Homme qui soient «!reasonably required by international labour law and
human right treaties*».21
entre les parties, la référence à des normes internationales pourrait s’avérer fortement efficace,
dès lors que les parties reconnaissent leur obligation de prendre en compte, lors de leurs
négociations, ces normes internationales en matière de droits fondamentaux.
Plus communément, la «!clause de gel!» se limite à certains aspects seulement de la loi de l’Etat
hôte, et plus particulièrement aux aspects financiers ou fiscaux qui intéressent le projet
d’investissement. Ainsi, le Sénégal a limité la clause de stabilisation dans ses modèles de
contrat pétrolier aux seules matières fiscales et douanières!:
Il ne pourra être fait application au Contractant d’aucune disposition ayant pour effet
d’aggraver, directement ou par voie de conséquence, les charges et obligations découlant pour
lui des régimes visés au Chapitre 7 du Code pétrolier, tels que ces régimes sont définis par la
législation et la réglementation en vigueur à la date de signature du présent Contrat, sans
accord préalable des Parties.27
Ces clauses peuvent prévoir des mécanismes d’ajustement automatique en cas d’adoption
d’une loi ultérieure qui affecte négativement l’investisseur, et ce notamment s’agissant de
l’ajustement de la rémunération de la société pétrolière.29 Le modèle de contrat de partage de
production équatorien de 1993 prévoit ainsi!:
Economic Stability.: In order to maintain the economy of the contract existing before the tax
modification, the sharing percentages of the parties from the production of the contract area
shall be adjusted if the tax system applicable to the contract has been modified.30
Bien que la «!clause de gel!» continue d’exister dans son acception classique dans certains
contrats d’investissement,31 il est généralement accepté que le risque élevé de modification
unilatérale du cadre législatif de la part de l’Etat peut rendre cette clause inefficace en
pratique.32 C’est pour cette raison qu’est désormais préférée une autre forme de clause de
stabilisation, celle qui vise à assurer l’équilibre économique du contrat nonobstant les
changements législatifs.
loi, dès lors que l’investisseur qui se trouve lésé par l’effet de cette loi est compensé de
manière à que le contrat retrouve l’équilibre financier dont il bénéficiait au départ.34 Il a ainsi
été remarqué que ce type de clause correspond mieux à la sphère privée dans laquelle
s’inscrit le contrat d’investissement.35
L’apport majeur de cette clause d’équilibre économique est que la modification unilatérale par
l’Etat de lois affectant l’investisseur ne conduit plus à l’échec quasi-automatique de la relation
contractuelle entre l’Etat et l’investisseur. Désormais, ces derniers doivent renégocier les
termes du contrat afin de restaurer son équilibre économique. C’est donc sur une base
amiable que se résolvent les difficultés et ce n’est qu’en cas d’échec des négociations que les
parties auront recours à l’arbitrage. Ainsi qu’il a été souligné!:
If the issue has to be referred to arbitration, the stabilization clause has failed to achieve its
primary purpose.36
Le peu de sentences récentes sur la question de la clause de stabilisation laisse croire que
cette clause fonctionne.37 Toutefois, l’exemple de l’Equateur apporte une part d’ombre à ce
tableau. En effet, certains Etats, comme l’Equateur, ont opté dans certains de leurs contrats
dits de participation pour des clauses de renégociation n’entraînant une compensation
financière que si l’équilibre économique initial du contrat était modifié par le changement
législatif ou fiscal. Par exemple, une clause d’un contrat de participation conclu entre
l’Equateur et un consortium franco-américain énonce!:
Estabilidad económica.: En caso de que, por acción del Estado Ecuatoriano o
PETROECUADOR, ocurriere cualquiera de los eventos que se describen a continuación, que
tenga consecuencias en la economía de este Contrato, se incluirá un factor de corrección en los
porcentajes de participación, que absorba el incremento o disminución de la carga económica.:
a) Modificación del régimen tributario según se describe en la cláusula [11.12] [...].38
Si une telle approche semble devoir être plébiscitée, lesdites clauses ont été interprétées de
Table des Matières
manières fort différentes par distincts tribunaux saisis d’un différend les impliquant.39 Il est
donc primordial que toute clause soit rédigée de la manière la plus claire possible afin d’éviter
toute incertitude quant à son application.
Comme pour la clause de gel, il est possible de limiter la clause de renégociation à certains
secteurs, à l’instar de la clause insérée dans le modèle de contrat du Surinam!:
Any additional impositions of, or changes in the existing Tax legislation, policies, rules or
regulations in Suriname, from and after the Signing Date, and which are not a general nature,
and have the effect of adversely impacting the rights and exemptions of the Contractor and
result in greater liability and/or obligations for the Parties or their Affiliates or their
shareholders, shall require Parties to enter into negotiations in order to obtain a new
distribution of Crude Oil, pursuant to Article 15, in order to re-establish the relative take of the
Parties that existed before such imposition or change. Parties shall notify each other in writing
any such imposition or change which would require Parties to meet and negotiate under this
Sub-article. Parties shall complete the above-mentioned negotiations on the new distribution
of Crude Oil under Article 15 within one hundred eighty (180) Days from the date of receipt by
a Party of such written notice. If the Parties fail to agree on a new distribution of Petroleum
under Article 15, then either Party may refer the matter to arbitration pursuant to Article 43.
Any order or decision from the arbiters shall be retroactive to the effective date of the
additional imposition or change causing the adverse effect.40
La clause d’équilibre économique rejoint à cet égard la clause dite d’intangibilité par laquelle
les parties reconnaissent que le contrat ne pourra être modifié que d’un commun accord.41 La
notion d’obligation de négociation est là aussi présente. C’est cette voie qu’a choisi
d’emprunter le Mozambique qui, dans son modèle de contrat de partage de production en
matière de pétrole datant de 2000, prévoit la clause suivante!:
The Government will not revoke or amend the Authorisation granted to ENH to explore for and
produce Petroleum from the Contract Area without taking effective measures to ensure that
such revocation or amendment does not affect the rights granted to the Contractor
hereunder.42
Cette clause pose cependant certaines difficultés. Les parties se trouvent dans l’obligation de
mener des négociations de bonne foi. Si l’obligation de conduire des négociations est une
obligation de résultat, l’obligation de parvenir à un accord amiable n’est a priori qu’une
obligation de moyen. Cela laisse donc ouverte la question de savoir quelles seraient les
Si l’investisseur n’a pas négocié et donc obtenu une clause de stabilisation, les tribunaux
arbitraux ne devraient pas lui offrir les avantages conférés par de telles clauses. Les arbitres ne
peuvent compléter ou modifier les accords des parties que si et seulement si une telle
possibilité a été prévue par les parties. En l’absence de clauses de révision, de hardship ou,
plus généralement, de renégociation, un arbitrage international ne devrait pas devenir un
moyen pour une partie d’obtenir des droits qui ne lui ont pas été octroyés lors de la
négociation du contrat.46 Dura contractus sed contratus.
Ce mécanisme s’inscrit toujours dans une logique d’attraction des investisseurs étrangers.
Toujours dans ce même objectif, certains Etats d’Amérique latine, et notamment le Pérou, le
Chili, l’Equateur, le Panama et le Venezuela, ont instauré au cours de ces dernières vingt
années des lois leur permettant de mettre en œuvre un mécanisme contractuel spécifique
avec des investisseurs étrangers et dénommé «!Legal Stability Agreement*» ou «!LSA!».50
Cet instrument fonctionne comme une clause de stabilisation particulièrement détaillée.51 La
protection de l’investisseur contre l’éventuelle instabilité du cadre législatif prend alors deux
dimensions!: la dimension purement contractuelle est renforcée par la dimension légale, qui
constitue un garde-fou supplémentaire au service de l’investisseur.
L’affaire Noble Energy & MachalaPower c. Equateur illustre concrètement le renforcement des
protections contractuelles par des dispositions législatives. En l’espèce, l’Etat avait notamment
offert à l’investisseur une protection à plusieurs étages contre toute instabilité!:52
tout d’abord, le LSA lui-même!; et
l’accord de concession conclu avec l’investisseur contenant une clause de stabilisation
supplémentaire, gelant le cadre législatif applicable à la date de signature de l’accord.53
Une telle protection doit cependant être nuancée!dans la mesure où ce que la loi fait, elle peut
le défaire, y compris en en annulant les effets par l’introduction de nouvelles mesures.
Dans l’affaire Noble Energy & MachalaPower c. Equateur, le tribunal arbitral a également noté
que le TBI conclu entre les Etats-Unis et l’Equateur protégeait les attentes légitimes de
l’investisseur. Si, pour les raisons expliquées ci-dessus, nous considérons que cette
observation est sans aucune pertinence lorsque la clause de stabilisation aurait pu être
contractuelle, la question est ici différente et pourrait, selon les circonstances, justifier une
protection supplémentaire.
CONCLUSION
Qu’il s’agisse d’une clause classique de «!gel!» de la législation, ou bien d’une clause d’équilibre
Table des Matières
NOTES
1. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», Final Report (2006), p. 15.
2. A. E. Gildemeister, L’arbitrage des différends fiscaux en droit international des investissements, LGDJ, 2013,
n° 113 et s!; S. Asante, «!Stability of Contractual Relation In Transnational Investment Process!», International
Comparative Law Quarterly 1979, Vol. 8, p. 401, sp. p. 409!; M. Faber et R. Brown, «!Changing The rules of The
Game!: Political Risk, Instability And Fair Play In Mineral Concession Contract!», Third World Law Quarterly
1980, Vol. 2, p. 101-, sp. p. 112.
3. AGIP S.p.A. c. République populaire du Congo, Affaire CIRDI n° ARB/77/1, Sentence du 30 novembre 1979,
Rev. crit. DIP 1982, p. 92.
4. L’article 114 du Code pétrolier camerounais dispose!: «!Le contrat pétrolier peut prévoir des régimes particuliers
en matière de force majeure et de stabilité des conditions économiques et fiscales, notamment en cas d’aggra-
vation des conditions de son exécution résultant de l’intervention en République du Cameroun d’une législation
ou d’une règlementation postérieure à sa date d’entrée en vigueur!». V. dans le même sens l’article 97 du Code
minier nigérien.
5. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», op. cit., p. 23.
6. J. Nwaokoro, «!Enforcing stabilization of international energy contracts!», Journal of World Energy Law & Busi-
ness 2010, Vol. 3, n° 1, p. 158.
7. C. Titi, «!Les clauses de stabilisation dans les contrats d’investissement!: une entrave au pouvoir normatif de
l’État d’accueil!?!», Journal du droit international 2014-2, p. 3.
8. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», op. cit., p. 51.
9. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», op. cit., p. 17.
10. E. Kvadsheim, «!The Norwegian Petroleum Tax and Government Take 1965-2002!», septembre 2002, dis-
ponible à l’adresse suivante!: http.://www.ccop.or.th/ppm/document/SEM2/Erling_The%20Norwegian%20
22. J. Ruggie, «!Stabilization Clauses and Human Rights!», op. cit., pp. 138-141.
23. A. Crockett, «!Stabilisation clauses and sustainable development!: Drafting for the future!» in C. Brown and K.
Miles, Evolution In Investment Treaty Law And Arbitration, CUP 2011, p.!530!; L. Cotula, «!Reconciling regulatory
stability and evolution of environmental standards in investment contracts!: Towards a rethink of stabilization
clauses!», Journal of World Energy Law & Business 2008, Vol. 1, n° 2, p. 174.
24. J. Nwaokoro, «!Enforcing stabilization of international energy contracts!», op. cit., p. 174.
25. P. Mayer, «!La neutralisation du pouvoir normatif de l’Etat en matière de contrats d’Etat!», Journal du droit
international 1986-1, p. 5!; P. Weil, «!Les clauses de stabilisation ou d’intangibilité insérées dans les accords de
développement économique!», in Mélanges offerts à Charles Rousseau, Pedone, 1974, p. 311.
26. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», op. cit., p. 30.
27. B. Montembault («!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», RDAI 2003-6,
p. 593, sp. p. 621) cite l’article 33.3 du modèle de contrat utilisé au Sénégal en 2003.
28. Article 12 du modèle de contrat de partage de production bolivien de 1997.
29. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit., p.
625.
30. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit.,
p.!626), cite l’article 11.9 du modèle de contrat de partage de production équatorien de 1993. Pour une affaire
où le tribunal arbitral a exclu du champ d’application d’une clause de stabilisation les matières environnemen-
tales, v. Yuri Bogdanov and Yulia Bogdanov c. Moldovie, Affaire SCC n° V091/2012, Sentence finale, 16 avril
2013, 203-205.
31. Outre le cas du Sénégal, la loi modèle du pétrole du Ghana de 2000 prévoit une telle clause en son article 26.
Voir, J. Nwaokoro, «!Enforcing stabilization of international energy contracts!», op. cit., p. 161.
32. P. D. Cameron, «!Stabilisation in Investment Contracts and Changes of Rules in Host Countries!: Tools for Oil &
Gas Investors!», op. cit., p. 51!; A. Crockett, «!Stabilisation Clauses and Sustainable Development!: Drafting for
the future!», in K. Miles, Evolution In Investment Treaty Law And Arbitration, CUP 2011, p.!520!; J.!Nwaokoro,
«!Enforcing stabilization of international energy contracts!», op. cit., p. 161.
33. J. Nwaokoro, «!Enforcing stabilization of international energy contracts!», op. cit., p. 168.
34. J. Nwaokoro, «!Enforcing stabilization of international energy contracts!», op. cit., p. 162.
35. P. Bernardini, «!Stabilization and adaptation in oil and gas investments!», Journal of World Energy Law &
Business 2008-1, Vol. 1, p. 102.
36. A. Crockett, «!Stabilisation Clauses and Sustainable Development!: Drafting for the future!», op. cit., p. 538.
37. A. Crockett, «!Stabilisation Clauses and Sustainable Development!: Drafting for the future!», op. cit., p. 522.
38. Burlington Resources Inc. c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/08/5, Décision sur la respons-
abilité, 14 décembre 2012, 318.
39. Burlington Resources Inc. c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/08/5, Décision sur la respons-
abilité, 14 décembre 2012, 316-335 (concluant qu’il s’agit d’une clause de stabilisation)!; Perenco Ecuador Ltd.
c. la République de l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/08/6, Décision sur les questions restantes de com-
pétence et sur la responsabilité, 12 septembre 2014, 366 (concluant qu’il s’agit d’une clause de renégociation)!;
Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company c. la République de
l’Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/06/11, Sentence, 5 octobre 2012, (n’analysant pas ladite clause)!; Occidental
Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company c. la République de l’Equateur,
Affaire CIRDI n° ARB/06/11, Opinion dissidente, 5 octobre 2012, 12 (concluant qu’il s’agit d’une clause de
renégociation).
40. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit., p.
628.
41. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit. p.
615.
42. B. Montembault, («!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit.
p.!615), cite l’article 30.7(d) modèle de contrat de partage de production mozambicain de 2000.
43. V. par exemple, CMS Gas Transmission Company c. la République de l’Argentine, Affaire CIRDI n° ARB/01/8,
Sentence, 12 mai 2005!; Enron Corporation and Ponderosa Assets, L.P. c. la République de l’Argentine, Affaire
CIRDI n° ARB/01/3, Sentence, 22 mai 2007!; Sempra Energy International c. la République de l’Argentine,
Affaire CIRDI n° ARB/02/16, Sentence, 28 septembre 2007.
44. Parkerings-Compagniet AS v. Lithuania, Award on jurisdiction and merits, CIRDI n° ARB/05/8, 11!septem-
bre!2007, 334-338!; M.C.I. Power Group L.C. and New Turbine, Inc. c. Equateur, CIRDI n° ARB/03/6, sentence,
31 juillet 2007.
45. Sergei Paushok, CJSC Golden East Company and CJSC Vostokneftegaz Company c. Government de la Mongo-
lie, Sentence sur la compétence et la responsabilité, 28 avril 2011, 302. V. aussi, AES Summit Generation Limit-
ed and AES-Tisza Erömü Kft. c. la République d’Hongrie, Affaire CIRDI n° ARB/07/22, Sentence, 23 septembre
2010, 13.3.5.
46. Toutefois, une plume experte (E. Loquin, «!Les pouvoirs de l’amiable compositeur!», Rev. arb. 1985-2, p. 199, sp.
n° 7-17) reconnait un pouvoir modérateur aux arbitres agissant comme amiables compositeurs. Pour autant,
la jurisprudence dénie aux arbitres le droit de dénaturer le contrat. V. dans ce sens, CA Paris, 6 mai 1988, Rev.
arb. 1989-1, p. 83, note E. Loquin!; CA Paris, 19 avril 1991, Rev. arb. 1991-4, p. 673, note E. Loquin!; CA Paris, 4
novembre 1997, Rev. arb. 1998, p. 704, note Y. Derains.
47. P. D. Cameron, «!Stability of Contract in the International Energy Industry!», Journal of World Energy Law &
Business 2009-3, vol. 27, p. 312!; B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des
contrats pétroliers!», op. cit., p. 616.
48. B. Montembault, «!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit., p. 616.
49. B. Montembault («!La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers!», op. cit., p.
616) cite l’article 18(m) Code pétrolier de la Côte d’Ivoire de 1996.
Table des Matières
50. P. D. Cameron, «!Stability of Contract in the International Energy Industry!», op. cit., p. 312.
51. Ibid.
52. P. D. Cameron, «!Stability of Contract in the International Energy Industry!», op. cit., p. 324.
53. Noble Energy Inc. and MachalaPower CIA. LTDA. c. Equateur, Affaire CIRDI n° ARB/05/12, Décision sur la
compétence, 5 mars 2008, § 199.
Titre 2
LES INCIDENCES
DES CRISES
POLITICO-ÉCONOMIQUES
Chapitre 4
Les embargos et l’exécution des contrats
de l’industrie extractive
Mathias Audit*
L’industrie extractive est centrale pour l’économie nationale de certains pays et c’est pourquoi
les mesures d’embargo prises à leur encontre la visent fréquemment en priorité. Plus
précisément, lesdites mesures vont en réalité concerner les contrats que concluent les
représentants de cette industrie dans le cadre de leurs activités. Très généralement, c’est
l’exécution de ces contrats que l’on cherchera à entraver, même s’il ne faut pas nécessairement
conférer à l’utilisation ici de ce terme d’exécution la signification que lui imprime le droit des
contrats. En effet, les sanctions que prévoient les mesures d’embargo sont juridiquement
diverses!; elles peuvent viser à interdire la conclusion de contrats, à en prononcer l’annulation
lorsqu’ils le sont déjà ou encore à en suspendre, au sens du droit des contrats cette fois,
l’exécution, mais dans toutes les hypothèses, l’objectif poursuivi est toujours le même!: interdire
que ces contrats soient exécutés, au sens le plus large de ce terme.
Du reste, on constate qu’en pratique, ce résultat n’est pas toujours satisfait, tant s’en faut. Ainsi,
le Conseil de sécurité des Nations Unies a imposé à l’Irak un embargo sur ses exportations
pétrolières de 1990 à 2003.1 Or, cette mesure n’a pas eu tout l’effet escompté, puisqu’on
estime qu’en dépit des sanctions, et en contrariété avec celles-ci, le revenu généré au profit de
Table des Matières
l’État irakien par l’exportation en contrebande de pétrole vers des pays limitrophes s’est élevé
à 1,8 milliard de dollars.2 Plus généralement, il a pu être affirmé que ce type de sanctions
multilatérales n’est efficace que dans un tiers des cas.3
Mais, même s’il n’est pas nécessairement pleinement respecté, dans les relations
internationales contemporaines, l’embargo constitue désormais, et tout de même, l’une des
mesures les plus fréquemment utilisées pour contraindre un État ou éventuellement une
organisation installée sur un territoire à adopter un nouveau comportement. Lorsqu’il affecte
son industrie extractive, il entrave alors une activité souvent essentielle pour sa pérennité
économique. Du point de vue de leur source, ce type de mesures peut être adopté dans un
cadre multilatéral, c’est-à-dire par le truchement d’un acte d’une organisation internationale,
mondiale ou régionale!; elles peuvent également être décidées unilatéralement par un État à
l’encontre de l’un de ses homologues.
Au plan multilatéral et mondial, c’est le Conseil de sécurité des Nations Unies qui, sur le
fondement du chapitre VII de la Charte, peut adopter des mesures d’embargo à titre de
sanctions économiques.4 Au fil du temps, celles-ci sont d’ailleurs devenues plus sophistiquées
avec la mise en place de sanctions dites «!intelligentes!» — smart sanctions en anglais. Celles-ci
sont notamment incarnées par le fait que les résolutions du Conseil de sécurité portant ce
type de mesures prévoient désormais des annexes au sein desquelles sont expressément
désignés les organes, entités, émanations, sociétés ou encore les personnes physiques en lien
avec l’État ou l’organisation incriminé et directement visés par les sanctions. À chaque volet
de mesures adoptées par le Conseil de sécurité est par ailleurs attaché un Comité des
sanctions en charge du suivi de celles-ci.5
La mécanique onusienne de mise en place d’un embargo relève donc essentiellement du
Conseil de sécurité. À ce principe général, on connaît néanmoins une exception qui a, du reste,
directement trait à l’industrie extractive et plus précisément au marché du diamant. Il s’agit du
processus dit de Kimberley qui présente la notable particularité d’être fondé non sur une
décision du Conseil de sécurité, mais sur une résolution de l’Assemblée générale des Nations
Unies.6 Il vise les organisations cherchant à renverser un gouvernement reconnu et utilisant à
* Professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre La Défense!; Codirecteur du Centre de Droit International (CEDIN)!; Direc-
teur du Diplôme universitaire de droit de l’énergie, des infrastructures et du financement de projets. maudit@arago.fr
cette fin des revenus tirés du commerce de diamants.7 Plus exactement, le Processus de
Kimberley impose aux États acceptant d’y participer de ne pas autoriser la commercialisation
sur leur territoire de diamants en provenance de zones de conflit. À cette fin, ils doivent
adopter et mettre en place dans leurs droits internes un système de certification visant à
authentifier l’origine d’un diamant importé.8
Le Processus de Kimberley est assurément très spécifique et il ne s’apparente peut-être pas,
au sens strict, à une mesure d’embargo. Mais il n’en reste pas moins qu’il produit des effets
similaires sur les diamants dits de «!sang!» qu’il vise. Par ailleurs, comme un embargo que l’on
pourrait qualifier de classique, c’est-à-dire fondé sur une résolution du Conseil de sécurité,9 il
nécessite des mesures de transposition dans les droits internes. C’est ainsi qu’en droit
américain le Clean Diamond Trade Act de 2001 permet au Président des États-Unis d’interdire,
sur le fondement d’un executive order, l’importation de diamants en provenance d’États
étrangers qui ne se conforment pas au Processus de Kimberley.10
D’ailleurs, et d’une manière très générale, tous les embargos multilatéraux décidés dans le
cadre des Nations Unies, pour être pleinement efficaces, doivent être relayées par les droits
internes étatiques ou, dans le cadre spécifiquement européen, par le droit de l’Union
européenne.11 Autrement dit, elles constituent avant tout une obligation internationale pour
les États membres de l’ONU de leur faire produire un effet dans leurs droits internes.12
En revanche, et bien évidemment, la nécessité d’une transposition qui s’impose en présence
d’une résolution du Conseil de sécurité, voire de l’Assemblée générale des Nations Unies, ne
se vérifie pas lorsque la mesure d’embargo a été décidée, en son seul nom, par un État ou un
groupe d’États. Lorsqu’ils ne sont pas multilatéraux, les embargos peuvent en effet être
unilatéraux. C’est ainsi que les États-Unis où l’Union européenne, par exemple, ne se contente
pas de reprendre dans leur droit interne les mesures onusiennes d’embargo, voire d’en
étendre le champ d’application, ils adoptent également régulièrement ce type de sanctions
Table des Matières
de leur propre initiative à l’encontre d’États ou d’organisations ne faisant pas l’objet d’une
mesure unilatérale.
Pour donner un exemple célèbre affectant l’industrie extractive, les États-Unis ont adopté la
célèbre loi D’Amato-Kennedy imposant un embargo à l’encontre de l’Iran et de la Libye, lequel
affecte en particulier, mais pas uniquement, la commercialisation du pétrole extrait du sous-sol
de ces deux pays.13 De la même manière, le Sudan Accountability and Divestment Act de 2007
prohibe tout investissement de l’État ou d’autres entités publiques dans des entreprises
commerciales ayant des activités en lien avec l’industrie pétrolière et minière soudanaise.14 Ce
même texte exclut également ces mêmes entreprises de toute procédure d’appel d’offres du
Gouvernement des États-Unis.
De son côté, l’Union européenne adopte également des mesures d’embargo de manière
unilatérale, c’est-à-dire sans se prévaloir d’une résolution du Conseil de sécurité. À ce titre, on
peut par exemple citer la décision 2013/255/PESC du Conseil du 31 mai 2013 concernant des
mesures restrictives à l’encontre de la Syrie.15 Elle comporte en particulier une interdiction de
tout commerce de pétrole en provenance de ce pays.
Mais qu’ils soient multilatéraux ou unilatéraux, la méconnaissance de ce type d’embargos
entraine des sanctions à l’encontre des entreprises ou personnes physiques qui y
contreviennent. C’est même sans doute leur premier effet.16 C’est ainsi qu’une entreprise
pourra notamment se voir dénier toute licence d’importation ou d’exportation!; elle pourra se
voir interdire d’utiliser un système bancaire ou encore de participer à des appels d’offres. Elle
peut même éventuellement faire l’objet de poursuites pénales.17
Toutefois, dans le cadre de la présente contribution, ce sont moins ces sanctions qu’un autre
effet des mesures d’embargo qui est envisagé, à savoir celui qu’elles produisent en matière
contractuelle.18 En effet, les embargos emportent certes des conséquences sur les acteurs de
l’industrie extractive, en ce qu’ils peuvent être sanctionnés par une administration ou une
juridiction, mais également sur les contrats qu’ils concluent ou souhaitent conclure. Or, ce sont
ces derniers effets qui sont ici étudiés.
À cette fin, il convient tout d’abord d’étudier ce que prévoient les mesures d’embargo en
matière de contrats conclus par l’industrie extractive (I). Toutefois, il importe de relever que
l’effet souhaité sur un contrat ne se réalise pas nécessairement, car il est en partie tributaire de
la juridiction saisie de sa mise en œuvre. C’est pourquoi il importe également d’étudier
l’effectivité juridictionnelle des mesures d’embargo sur les contrats (II).
l’industrie minière*».20 De même, les États peuvent également se voir enjoindre d’interdire la «!la
vente ou la fourniture […] de pétrole*» et «*de produits pétroliers!».21
Plus que la vente, c’est parfois «!l’importation!» et «!l’exportation!» de produits de l’industrie
extractive qui sont visées. Tel a été le cas par exemple dans la résolution imposant une mesure
d’embargo sur les diamants en provenance d’Angola «!et qui ne sont pas assujettis au régime
du certificat d’origine établi par le Gouvernement d’unité et de réconciliation nationale!».22
Mais quelles que soient les formulations que retiennent expressis verbis les normes d’embargo,
elles visent en réalité au premier chef les contrats nécessaires à la commercialisation des
produits de l’industrie extractive. Au sens des catégories du droit des contrats, et même si les
termes utilisés sont ceux d’importation ou d’exportation par exemple, il s’agit toujours en
pratique de contrats de vente. Plus exactement, en mentionnant les termes d’«!importation!»
— ou celui d’«!achat!» qui est également parfois retenu23 — et celui d’«!exportation!», la mesure
vise en réalité, et ad personam en somme, chacune des deux parties contractantes d’un
contrat de vente.
Cela étant, la vente n’est pas le seul type de contrats qu’entendent appréhender les mesures
d’embargo. Tous les contrats que l’on pourrait qualifier de services accessoires à une opération
de vente sont également très fréquemment frappés par ce type de mesures.
Par exemple, dans la décision du Conseil de l’Union européenne relative à la Syrie du 31 mai
2013, il est au premier chef prévu l’interdiction de l’achat et de l’importation de «!pétrole brut
et de produits pétroliers en provenance de Syrie!» (art. 5-1).24 Autrement dit, ce sont les
contrats de vente qui sont, ici, au premier chef concernés. Mais outre ceux-ci, la décision vise
également le «!transport!» de ces mêmes produits (id.). Les contrats nécessaires à l’exportation
du pétrole syrien, notamment de transport routier ou maritime, entrent donc également dans
le champ d’application de la sanction.
Plus encore, cette même décision du Conseil de l’Union européenne frappe aussi d’interdiction
la fourniture «!directement ou indirectement*[d’]un financement ou [d’]une aide financière!»
(art. 5-2). Il en résulte que tout contrat de prêt ou de crédit à l’exportation notamment est
prohibé. Mais la décision va plus loin, car elle interdit également «!les produits financiers
dérivés!» (id.), c’est-à-dire tous les titres de ce type échangés sur les marchés financiers, et
donc généralement bien loin géographiquement du territoire syrien, mais dont le sous-jacent
est en lien avec le pétrole produit dans ce pays.25 La décision européenne prohibe d’ailleurs
également les contrats «!d’assurance et de réassurance!» (id.).
Dans le même ordre d’idées, le dispositif d’embargo adopté par l’Union européenne à
l’encontre de la Corée du Nord interdit non seulement la vente, le transport d’or, de métaux
précieux et de diamants à destination ou en provenance de ce pays, mais également leur
«!courtage!».26 Autrement dit, sont visés ici tous les contrats d’intermédiaire susceptibles
d’intervenir dans le commerce de ces différentes matières précieuses.
Outre les contrats nécessaires à la commercialisation des produits de l’industrie extractive, on
relève qu’il arrive fréquemment qu’un embargo entende également frapper le
fonctionnement de cette même industrie. Il s’agit alors d’interdire, ou éventuellement
d’assujettir à une autorisation,27 la vente d’équipements ou de technologies nécessaires à
l’exploitation de gisements.
Par exemple, dans le cadre des mesures prises par l’Union européenne en raison du risque de
prolifération nucléaire imputé à l’Iran, ce type de contrat est mentionné. Aux termes d’une
décision du 26 juillet 2010, sont interdites la vente et la fourniture «!d’équipements et de
technologies essentiels destinés aux grands secteurs […] de l’industrie iranienne du pétrole et
du gaz naturel*» (art. 4-1).28 Mais outre la cession, c’est également le «!transfert!» (id.), c’est-à-
dire le transport de ces mêmes biens qui est également prohibé. Plus encore, certains contrats
de services auxiliaires à celle-ci sont aussi visés par la décision de l’Union. Il s’agit des accords
permettant une assistante ou une formation technique en lien avec ces biens, ainsi qu’un
financement (art. 4-2).
Bien évidemment, tout dépend de la mesure en cause et de son contenu rédactionnel, mais
on constate néanmoins, à travers les différents exemples qui viennent d’être proposés, que les
contrats en lien avec l’industrie extractive susceptibles d’être assujettis à un embargo
Table des Matières
appartiennent à deux grandes catégories. Ils ont trait soit à la commercialisation du produit
extrait, soit à l’exploration ou à l’exploitation des gisements extractifs.
Ces contrats étant identifiés, il reste alors à déterminer les effets que les mesures d’embargo
entendent produire à leur égard.
du contrat s’il en existe une en la matière,35 ou d’un principe général posé par la loi applicable
à ce même contrat, c’est-à-dire la lex contractus.36 Dans tous les cas, il appartiendra à la
juridiction saisie, étatique ou arbitrale, de vérifier que l’embargo répond aux caractéristiques
de la force majeure telle que définie par le contrat ou la lex contractus.37
À cet égard, on pourrait juger choquant que, finalement, l’événement de force majeure
invoqué bénéficie à une partie contractante relevant de l’État assujetti à l’embargo. En d’autres
termes, on serait en présence d’un débiteur qui pourrait ainsi se prévaloir d’une sanction le
visant directement pour ne pas exécuter ses obligations. D’ailleurs, un tel argument serait sans
doute jugé plus acceptable en présence d’une résolution du Conseil de sécurité que d’un
embargo unilatéral décidé par un État, puisque celui-ci présente au moins a priori une
légitimité moins discutable.
Mais il n’en reste pas moins que la question de l’invocabilité au titre de la force majeure de
l’embargo par la partie qui est visée par celui-ci se pose. Son cocontractant pourrait être tenté
de soulever le fait que son débiteur est finalement, et en dernière analyse, fautif puisqu’il — ou
à tout le moins l’État dont il relève — s’est placé dans la position d’être assujetti à une mesure
d’embargo. Si l’on illustre ce propos par la conception traditionnellement retenue de la force
majeure en droit français, on pourrait éventuellement estimer que le caractère d’extériorité de
l’événement ne se vérifie pas dans un tel cas.
Toutefois, si une partie iranienne, par exemple, a conclu un contrat qui se trouve affecté par
une mesure d’embargo, elle n’est pas nécessairement l’État iranien lui-même. Dans bien des
hypothèses, la sanction sera très généralement assez éloignée de la partie contractante
ressortissante de l’État visé. Dès lors, l’absence d’extériorité pour fonder l’inexistence de la
force majeure n’est pas nécessairement convaincante.
Plus généralement d’ailleurs, les mesures d’embargo visent les deux parties au contrat,
Table des Matières
c’est-à-dire tant celle qui relève de l’État sanctionné que celle qui lui est extérieure. Finalement,
les deux contractants sont en principe visés par la mesure. Dès lors, écarter la force majeure,
c’est autoriser l’exécution du contrat et potentiellement mettre chacune des parties en
contradiction avec la sanction.
À la vérité, c’est sans doute de la mesure d’embargo elle-même que la solution la plus
préférable est susceptible de provenir. Dans les textes les plus sophistiqués, il peut en effet
arriver que soit autorisée une exécution monétaire d’un contrat en cours lors de la survenance
de l’embargo, mais exclusivement à destination d’un compte-séquestre. Tel a pu être ainsi le
cas dans les embargos visant l’Irak ou la Libye pour l’exécution de contrats pétroliers.38
Toutes ces dernières observations ne concernent toutefois que les contrats en cours au
moment de l’entrée en vigueur de l’embargo, et il reste alors à envisager ceux qui sont
susceptibles d’être conclus après celle-ci.
À titre liminaire, il est d’ailleurs possible que cette conclusion ne soit pas absolument
impossible, mais soumise à l’obtention d’une autorisation spécifique. L’embargo peut en effet
ne pas être total et prévoir des exceptions. Tel a été le cas lors de la mise en place du
programme pétrole contre nourriture à destination de l’Irak. Les contrats devaient alors faire
l’objet d’une approbation par le Comité des sanctions de l’ONU.39 D’un point de vue
contractuel, ceci a induit l’insertion dans ces contrats d’une clause résolutoire en cas de
non-obtention de l’autorisation.40
De même, dans le cadre des sanctions adoptées par l’Union européenne à l’encontre de la
Russie, et faisant suite au conflit armé dans l’est de l’Ukraine, le transfert par voie de cession ou
de simples licences de technologies destinées à l’exploration et à la production de pétrole en
eaux profondes, à l’exploration et à la production de pétrole dans l’Arctique ou à des projets
dans le domaine du schiste bitumineux en Russie!est en principe prohibé, mais il peut
néanmoins faire l’objet par voie d’exception d’une autorisation spéciale délivrée par l’État
membre européen de provenance desdites technologies.41
Il en résulte que la conclusion d’un contrat bénéficiant d’une telle autorisation délivrée par
l’autorité compétente échappera à la mesure d’embargo. Par voie de conséquence, il ne pourra
être considéré comme entaché d’une quelconque nullité sur le terrain strictement contractuel.
sanction ne parvienne pas à atteindre son but, faute d’être dotée d’un effet direct dans l’ordre
juridique interne sous l’égide duquel prospèrent les relations contractuelles qu’elle vise.
Pour les embargos unilatéraux, les données du problème sont assez sensiblement différentes
de celles qui prévalent pour leurs congénères onusiens. À la vérité, si l’embargo a été émis par
l’État dont la loi est applicable au contrat en cause, il n’y a guère de difficulté. Cette norme
devrait sans grande difficulté pouvoir être considérée comme ayant intégré l’ordre public de la
lex contractus, et le contrat en cause déclaré nul de ce chef. En revanche, si tel n’est pas le cas
— et l’on peut supposer que lorsque des parties concluent un contrat dont ils savent qu’il entre
en contradiction avec un embargo décidé par un État, ils éviteront de le soumettre à la loi de
celui-ci –, la règle posant cette mesure ne pourra être mise en œuvre au titre de la lex
contractus. En définitive, c’est uniquement par le truchement du mécanisme de la loi de police
qu’elle pourra, éventuellement, l’être.44
Or, la mise en œuvre d’une loi de police présente la particularité d’être tributaire de la
juridiction saisie. En conséquence, une autre dimension de l’effet des embargos sur les
contrats de l’industrie extractive entre ici en ligne de compte!: celle de l’incidence de la nature
de la juridiction saisie sur la mise en œuvre de cette mesure.
ou ont été exécutées!».50 Or, lorsqu’une loi nationale impose une mesure d’embargo visant
l’industrie extractive, il ne s’agit bien évidemment pas de la sienne propre, mais de celle d’un
État tiers. Dès lors, les contrats directement attachés à cette industrie ne s’exécutent
généralement pas sur le territoire de l’État ayant émis l’embargo.51 Par voie de conséquence,
en application de l’article!9 §3 du Règlement Rome I, des mesures d’embargo américaines
visant à affecter le secteur pétrolier ou gazier de pays comme l’Iran ou le Soudan par
exemple ne pourront pas être mises en œuvre par une juridiction d’un État membre de
l’Union européenne.52
Plus exactement, cette dernière affirmation se vérifie pour tous les contrats qui ont
directement trait à l’exploration ou l’exploitation de gisements extractifs ou à la
commercialisation de la ressource extraite. Il pourrait en revanche en être autrement pour des
contrats plus connexes à ces opérations, mais également souvent visés par les mesures
d’embargo, comme en matière de financement ou de garantie.53 En effet, dans ce cas, le lieu
d’exécution du contrat ne sera pas nécessairement situé sur le territoire de l’État visé par la
mesure d’embargo. Il est même possible qu’il se situe, au moins partiellement, sur le territoire
de l’État à l’origine de celle-ci, ce qui autoriserait alors sa prise en considération au regard de
l’article!9 §3 du Règlement Rome I.
Mais indépendamment même de la localisation du lieu d’exécution du contrat soumis à un
embargo unilatéral, la mise en œuvre d’une telle mesure au titre de lois de police étrangères
est en tout état de cause susceptible de poser la question de leur extraterritorialité. En effet,
pour les juridictions d’un État tiers à celui qui a pris l’initiative de l’embargo, celui-ci présentera
parfois un spectre d’application allant bien au-delà de ses frontières. Les embargos
unilatéralement décidés par les États-Unis présentent souvent, mais pas systématiquement,
une telle nature et essuient à ce titre certaines critiques.54
L’embargo américain frappant l’Iran en est un exemple. À l’origine, il s’agissait de la loi
D’Amato-Kennedy de 1996 qui incluait également la Libye dans son dispositif,55 mais dont le
champ d’application a été, en 2006, restreint à la seule République islamique. Quoi qu’il en
soit, ce texte prévoit que toute entreprise même non américaine investissant plus de
40!millions de dollars en une année dans la production pétrolière iranienne peut être
sanctionnée par l’administration américaine.
Par la suite, le Comprehensive Iran Sanctions, Accountability and Divestment Act de 2010 a
maintenu la nature extraterritoriale de l’embargo, en ce qu’il vise les entreprises américaines,
mais également les compagnies pétrolières et les institutions financières étrangères ayant des
liens commerciaux avec l’Iran.56 Ce dernier texte a même étendu le champ de l’application des
interdictions en prohibant la fourniture à l’Iran par des compagnies non américaines non
seulement de pétrole raffiné, mais également d’équipements ou de services nécessaires au
raffinage. Si l’on veut faire une comparaison avec l’embargo également décidé par l’Union
européenne à l’encontre de l’Iran et affectant également l’industrie pétrolière et gazière de ce
pays, on constate que les mesures prises ne visent que les entreprises d’États membres ou
des échanges commerciaux conduits depuis le territoire de ces mêmes États.57
L’extraterritorialité des lois nationales portant embargo n’est donc pas unanimement partagée.
Dès lors, il est possible qu’à ce seul titre, une loi police étrangère, et jugée comme par trop
extraterritoriale, puisse être écartée par la juridiction du for saisi. L’affaire ancienne dite du
gazoduc sibérien portée devant une juridiction néerlandaise en constitue un exemple toujours
pertinent aujourd’hui.58 De la même manière et beaucoup plus récemment, la Cour de
cassation tunisienne a écarté l’application des mesures d’embargo adoptées par les États-Unis
à l’encontre de la Libye.59 Cela étant, l’obstacle de l’extraterritorialité pourrait être levé lorsqu’il
s’avère aux yeux du juge du for que la mesure étrangère d’embargo, en dépit de cette
caractéristique, sert également les intérêts de l’ordre juridique du for.60
Mais quoi qu’il en soit, lorsqu’un contentieux contractuel est porté devant une juridiction
étatique, on constate que la mise en œuvre d’une règle d’embargo par celle-ci n’est pas
systématique. Elle est soumise à un aléa, largement tributaire au reste du mode d’application
en vigueur devant cette juridiction de la méthode des lois de police. L’analyse pourrait en
revanche être différente lorsque le contentieux est porté devant une juridiction arbitrale, où
d’autres considérations sont alors à l’œuvre.
Table des Matières
d’embargo adoptées par le Conseil de sécurité paraissent très difficilement pouvoir être
ignorées par un tribunal arbitral. Du reste, si un tribunal arbitral était saisi d’un litige
contractuel relatif à une industrie extractive placée sous embargo multilatéral66 et qu’il décidait
de ne pas en tenir compte dans leur sentence finale, ses membres pourraient être considérés
comme ayant participé à sa violation.
S’agissant maintenant d’un embargo unilatéral, il est probable que sa mise en œuvre par un
tribunal arbitral ne sera certainement pas aussi systématique.67 En réalité, le débat rejoint ici
entièrement celui de l’application par un tribunal arbitral de lois de police étrangères à la lex
contractus. Or, on sait que si pendant longtemps cette application a suscité quelques
réticences,68 elle semble aujourd’hui faire l’objet d’une unanimité croissante.69 En réalité, c’est
certainement moins le principe même de l’application d’une loi de police que son — éventuelle
— extraterritorialité70 qui pourrait être de nature à, le cas échéant, inciter le tribunal arbitral à
ne pas la mettre en œuvre.
CONCLUSION
On constate donc ici, et là encore, que si les mesures d’embargo affectant l’industrie extractive
entendent toujours entraver l’exécution des contrats nécessaires au fonctionnement de
celle-ci, cet objectif ne sera pas nécessairement atteint. L’application juridictionnelle de ces
normes, fussent-elles de droit international public ou de droit interne, n’est jamais certaine. Il
existe en la matière une forme d’aléa judiciaire, ou arbitral.
NOTES
1. V. la Résolution 661 du 6 août 1990 (U.N. Doc. S/RES/661) et la Résolution 687 du 3 avril 1991 (U.N. Doc. S/
RES/687).
2. P. A. Volcker, R. J. Goldstone et M. Pieth, «!Independent Inquiry Committee into the United Nations Oil-for-
Food Programme!», Manipulation of the Oil-for-Food Programme by the Iraqi Regime, UN Doc., 27 oct. 2005, p.
Table des Matières
1. Pour une présentation et une analyse juridique du Programme «!Pétrole contre nourriture!», v. M. Bettati, «!La
dérogation humanitaire aux sanctions internationales!», in Mélanges en l’honneur du Doyen P.*Isoart, Pedone,
1996, p. 190!; M. Forteau, «!La formule «!pétrole contre nourriture!»!», AFDI 1997, p. 135.
3. G. C. Hufbauer et B. Oegg, «!Economic Sanctions!: Public Goals and Private Compensation!», 4 Chi. J. Int’l L.
2003, p. 305, spéc. p. 307.
4. Sur l’encadrement juridique et les principes devant présider à l’adoption de ce type de résolutions, v. not.!P.
Daillier, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, LGDJ, 8e éd., 2009, n° 589. On relève que déjà la So-
ciété des Nations pouvait pratiquer ce type de sanctions fondées sur l’article 16, § 1, de son Pacte constitutif.
A titre illustratif, il est ainsi possible de citer l’embargo sur le pétrole adopté à l’encontre de l’Italie à la suite de
son intervention en Ethiopie!: Ch. Rousseau, «!L’application des sanctions contre l’Italie et le droit international!»,
R.D.L.C. 1936, p. 5.
5. Sur la procédure de radiation devant un Comité des sanctions, v. not. la Résolution 1730 du 19 décembre 2006
(U.N. Doc. S/RES/1730).
6. Résolution 55/56 de l’Assemblée générale des Nations-Unies du 1er décembre 2000 (U.N. Doc. A/RES/55/56).
Le «!Kimberley process!» figure dans les autres résolutions suivantes de l’Assemblée générale!: 56/263 du 13
mars 2002, 57/302 du 15 avril 2003, 58/290 du 14 avril 2004, 59/144 du 15 décembre 2004, 60/182 du 20
décembre 2005, 61/28 du 4 décembre 2006, 62/11 du 26 novembre 2007, 63/134 du 11 décembre 2008,
64/109 du 11 décembre 2009, 65/137 du 16 décembre 2010, 66/252 du 25 janvier 2012, 67/135 du 18 décem-
bre 2012 et 68/128 du 18 décembre 2013.
7. L. Wexler, «!Regulating Resource Curses!: Institutional Design and Evolution of the Blood Diamond Regime!»,
Cardozo L. Rev. 2010, p. 1717, sp. p. 1728.
8. Une particularité importante du Processus de Kimberley est également que certaines ONG et des représen-
tants de l’industrie diamantaire elle-même y sont parties prenantes. Pour détails, v. M. Maggi, «!The Currency
of Terrorism!: An Alternative Way to Combat Terrorism and End the Trade of Conflict Diamonds!», 15 Pace Int’l
Rev. 2003, p. 513, sp. p. 531.
9. Il peut arriver que le Conseil de sécurité reprenne à son compte une décision adoptée dans le cadre du Pro-
cessus de Kimberley. Tel a été le cas de l’embargo sur les diamants en provenance de Côte d’Ivoire!: Résolution
1643 du 15 décembre 2005 (UN doc. S/RES/1643).
10. Clean Diamond Trade Act of 2001, S. 2027, 107th Cong. (2002).
11. Ch. Schreuer, «!The Relevance of United Nations Decisions in Domestic Litigation!», ICLQ 1978, p.!13!; G.!Guil-
laume, «!L’introduction et l’exécution dans les ordres juridiques des États des résolutions du Conseil de sécurité
des Nations Unies prises en vertu du Chapitre VII de la Charte!», RID comp. 1998, p.!539.
12. L. Landy-Osman, «!L’embargo des Nations Unies contre l’Irak et l’exécution des contrats internationaux!», DPCI
1991, p. 597, spéc. p. 602.
13. Iran and Libya Sanctions Act of 1996, Pub. L. No. 104-172, 110 Stat. 1541 (1996)!; ILM n° 5, sept 1996, vol.
XXXV, p. 1273. Pour une traduction en français, v.!Documents d’actualité internationale, n° 19, oct 1996, p.
778. Sur ce texte, v. not. Sanctions unilatérales, mondialisation du commerce et ordre juridique international. A
propos des lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, CEDIN-Paris X, Montchrestien, 1998!; M. Cosnard, «!Les lois
Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, interdiction de commercer et d’investir dans certains pays!», AFDI 1996,
p.!33!; B. Stern, «!Vers la mondialisation juridique!? Les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy!», RGDIP 1996,
p. 979. Pour la contre-mesure adoptée par l’Union européenne à l’encontre de cette loi des Etats-Unis, v.!le
Règlement n° 2271/96 du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l’application extraterrito-
riale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant, JOCE
n° L 309 du 29 novembre 1996, p. 1. Sur ce texte, v. J. Huber, «!La réaction de l’Union européenne face aux lois
américaines Helms-Burton et d’Amato!», RMCUE 1997, p. 401.
14. Sudan Divestment Act of 2007 (SADA), Pub. L. No. 110-174, 121 Stat. 2516 (2007).
15. JOUE L 147 du 1er juin 2013, p. 14.
16. On rappellera qu’en juin 2014, et pour que cessent les poursuites introduites à son encontre pour violation
des mesures d’embargo adoptées par les États-Unis à l’encontre du Soudan, de l’Iran et de Cuba, la banque
française BNP Paribas a accepté de transiger avec les autorités américaines pour un montant de près de 9!mil-
liards de dollars. Sur cette affaire, v. not. M. Audit, R. Bismuh et A. Mignon-Colombet, «!Sanctions et extraterri-
torialité du droit américain!: quelles réponses pour les entreprises françaises!?!», JCP éd. G. 2015, p. 37.
17. V. le Projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives, déposé à la Présidence de
l’Assemblée nationale le 10 octobre 2007 et renvoyé à la Commission des Affaires étrangères!: http!://www.
assemblee-nationale.fr/13/projets/pl0275.asp (dernier accès.: 8 avril 2015).
18. G. Bastid-Burdeau, «!Les effets juridiques des sanctions du Conseil de sécurité sur les contrats privés!» in V.
Gowlland-Debbas (ed.),United Nations Sanctions and International Law, Kluwer, 2001!; G.!Van Hecke, «!The
Effect of Economic Coercion on Private Relationships!» , RBDI 1984-1985, p. 113!; H. Van Houtte, «!Les effets
des sanctions économiques sur les contrats internationaux!», in L’embargo, Actes de la journée d’études du 1er
décembre 1995 organisée par l’Association européenne pour le droit bancaire et financier, Bruylant, 1996, p.
196.
19. A. Cissé, «!Les effets des sanctions économiques de l’Organisation des Nations Unies sur les contrats!», in
L.!Forlati Picchio et L.-A. Sicilianos (dir.), Les sanctions économiques en droit international, Martinus Nijhoff,
2004, p.!683, spéc. p. 684.
20. Parag. 12, c), de la Résolution 1173 (1998) sur la situation en Angola du 12 juin 1998 (U.N. Doc. S/RES/1173).
21. Parag. 5 de la Résolution 841 (1993) du 16 juin 1993 relative à Haïti (U.N. Doc. S/RES/841).
22. Résolution 1173 (1998) préc., art. 12, b). V. ég. pour les diamants en provenance de Sierra Leone!: Résolution
1306 (2000) du 5 juillet 2000 (U.N. Doc. S/RES/1306)!; Résolution 1446 (2002) du 4 décembre 2002 (U.N. Doc.
S/RES/1446)!; Résolution 1346 (2001) du 30 mars 2001 (U.N. Doc. S/RES/1346).
23. Pour un ex.!: art. 5-1 de la décision préc. 2013/255/PESC du Conseil du 31 mai 2013.
24. Ibid.
25. Pour l’exemple inverse de l’embargo sur l’Irak où les produits dérivés portant sur le pétrole de ce pays ont été
Table des Matières
38. Parag. 2 de la Résolution 778 du 2 octobre 1992 (UN doc. S/Rés. 778)!; Parag. 4 de la Résolution 883 du 11
novembre 1993 (UN doc. S/RES/883).
39. V. not. la Résolution 986 du 14 avril 1995!(UN doc. S/RES/986).
40. A. Bencheneb, «!Pétrole contre nourriture!: l’ONU et les contrats internationaux d’assouplissement de l’embargo
consécutif à la guerre du Golfe!», JDI 1997, p. 949.
41. Art. 4-1 de la décision 2014/512/PESC du Conseil du 31 juillet 2014, préc.
42. N. Ferjani et V. Huet, art. préc., n° 24.
43. Civ. 1re, 25 avr. 2006, État d’Irak, Dr. et Proc., 2006, p. 286, note G. Cuniberti!; Rev. crit. DIP 2007, p. 113, note
S. Lemaire. Contra, dans la même aff., CA Paris, 20 fév. 2002, Rev. crit. DIP 2002, p. 746, note M. Audit!; RGDIP
2003, p. 1008, obs. F. Poirat!;!AFDI 2003, p.!716, note Maziau. V. ég. R.!Abraham, «!L’applicabilité du droit de la
Charte dans les ordres juridiques internes!: le cas français!», in P. Cot, A. Pellet et M. Forteau (dir.), La Charte
des Nations Unies, Economica, 3e éd., 2005, p.!69!; M.-P. Lanfranchi, «!La valeur juridique en France des résolu-
tions du Conseil de sécurité!», AFDI 1997, p.!31.
44. Sur cette notion, v. not.!: P. Francescakis, «!Quelques précisions sur les «!lois d’application immédiate!» et leurs
rapports avec les règles de conflit de lois!», Rev. crit. DIP, 1966, p.!1!; S. Francq et F. Jault –Sesseke, «!Les lois
de police, une approche de droit comparé!», in S. Corneloup et N. Joubert (dir.), Le règlement communautaire
Rome I et le choix de la loi dans les contrats internationaux, Litec, 2011, p.!357!; P. Mayer, v° «!Lois de police!» in
Rép. Dalloz Dr*Int.*; J.-B. Racine, «!Droit économique et lois de police!», RID éco. 2010, p. 61!; B. Remy, Excep-
tion d’ordre public et mécanisme des lois de police en droit international privé, Dalloz, 2008!; P. Vareilles-Som-
mières, «!Lois de police et politiques législatives!», Rev. crit. DIP 2011, p.!207!; A. Bonomi, «!Mandatory Rules in
Private International Law!», Yearbook of PIL, vol. I, 1999, p.!215.
45. Ceci présuppose bien évidemment que la lex contractus n’est pas la loi du for.
46. Supra, note 42.
47. Sur cette notion, v. cep.!: M. Audit, S. Bollée et P. Callé, Droit du commerce international et des investissements
étrangers, coll. Domat Droit privé, LGDJ-Lextenso, 2014, n° 194.
48. Sur ce point, v.!: E. Pataut, «!Lois de police et ordre juridique communautaire!», in A. Fuchs, H. Muir!Watt et E.
Pataut, (dir.), Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Dalloz, 2004, p.!117.
49. P. Mayer, «!Les lois de police étrangères!», JDI 1981, p.!277!; J.-C. Schultsz, «!Les lois de police étrangères!»,
Travaux comité fr. DIP, 1982-1983, p.!39.
50. L. D’Avout, «!Le sort des règles impératives dans le règlement Rome I!», D.!2008, p. 2165.
51. S’agissant d’un embargo portant sur certaines importations à destination de son territoire, la solution est bien
évidemment différente puisque le contrat, notamment de transport mais aussi sans doute de vente, est au
Table des Matières
moins partiellement exécuté sur ledit territoire. V. en ce sens, Cass. com., 16 mars 2010, n° 08-21.511!; JCP G,
2010, p. 530, note D. Bureau et L. D’Avout!; JDI 2011, p. 98, note A. Marchand!; adde, C. Nourrissat, «!Lois de
police étrangères devant le juge français du contrat international!: une première sous l’empire de la Convention
de Rome et peut être pas une dernière sous l’empire du règlement Rome I!», Rev. Lamy Droit des affaires, 2010,
p.!63.
52. En ce sens!: CA Paris, Pôle 5 - Chambre 4, 25 février 2015, M. Reza Hajmaghani c/. Sté Giti Tajhiz Teb Co (Ltd)
et SNC BIO-RAD, RG n° 12/23757.
53. H. Synvet, «!L’embargo!: aspects de droit bancaire!» in L’embargo, op. cit., p.!215!; M. !Vasseur, «!Les conséquenc-
es du règlement communautaire du 7!décembre 1992 sur les garanties indépendantes consenties à l’Irak avant
la crise du Golfe!», D.*1995, chron. p. 43. En jurisprudence, v.!Cass. civ. 1re, 24 février 1998, JCP E 1998, p. 1597,
obs. PH. SIMLER!; JDI 1998, p. 963, obs. A. Jacquemont!; Rev. crit. DIP 1999, p. 309, note A. Sinay-Citerman!;
adde, dans la même affaire CA Paris, 23!juin 1995, JCP E, 1995. II. 209, n°!735, obs. G.!Affaki!; JDI 1997, p. 441,
obs. A.!Jacquemont.
54. Un auteur (P. L. Fitzgerald, «!Pierre Goes Online*: Blacklisting and Secondary Boycotts in US Trade Policy!», 31
Vand. J. Transnat’l L. 1998-1, p. 91) faisait ainsi l’observation suivante!: «!an international consensus does appear
to be building that the unilateral extraterritorial application of these controls to third parties is impermissible
[‥]. The international community is coming to regard the blacklisting of third parties, or secondary boycotts, as
‘unreasonable’ and therefore an unjustifiable instruction upon the sovereignty of a neutral State*». Pour l’opinion
selon laquelle les critiques relatives à l’extraterritorialité ne sont pas de nature à modifier la politique législative
des Etats-Unis à cet égard, v. J. Meyer, «!Second Thoughts On Secondary Sanctions!», 30 U.Pa. J. Intl. L. 2009,
p. 905, spéc. p. 932.
55. Préc.
56. Harvard L. Rev. (124), p. 1246, spéc. p. 1249.
57. V. not. l’art. 4 de la décision du Conseil du 26!juillet 2010 concernant des mesures restrictives à l’encontre de
l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PES, JOUE L 195 du 27 juillet 2010, p. 39.
58. Dans cette affaire dont a eu à connaître le Tribunal d’arrondissement de La Haye au début des années 1980,
c’est en partie la forte extraterritorialité de la mesure américaine d’embargo qui a conduit la juridiction à ne pas
la mettre en œuvre!: Trib. arr. La Haye, 17 septembre 1982, Cie européenne des pétroles SA c. Sensor Neder-
lands BV, Rev. crit. DIP 1983, p. 473. Sur cette affaire!: B. Audit, «!Extra-territorialité et commerce international.
L’affaire du gazoduc sibérien!», id., p. 401. V. ég.!: J.-M. Jacquet, «!La norme juridique extra-territoriale dans le
commerce international!», JDI 1984, p. 327.
59. S. Bostanji, «!La Cour de cassation tunisienne à l’épreuve des “lois politiques”!: réflexions à propos de l’arrêt
7146 du 26!avril 2005!», RDAI 2007, p.!513.
60. Dans une affaire ancienne née d’un contentieux relatif à un contrat d’exportation de bore (substance atom-
ique) vers la République démocratique allemande (RDA), le Bundesgerichtshof a considéré que les tribunaux
allemands devaient appliquer des sanctions économiques prises par les États-Unis à l’encontre de cet Etat,
jugeant que les objectifs poursuivis par la législation américaine servaient ceux de la République fédérale d’Al-
lemagne (RFA)!: BGH, 21 décembre 1960, BGHZ, 34, p.!169!; adde, sur cette affaire, A.!Bucher, L’ordre public
et le but social des lois, RCADI, t.!239, 1993-II, p.!19, spéc. p.!83. V. en sens inverse!: CA Paris, 22!mai 1965,
Fruehauf, JCP 1965. II. 14274 bis, concl. F.!Nepveu.
61. Ainsi, dans un litige soumis au droit italien, c’est en toute logique que le tribunal arbitral a mis en œuvre les
règles de droit italien et de droit communautaire transposant une résolution du Conseil de sécurité prise à
l’encontre de l’Irak!: Ch. arbitrale Milan, 20 juillet 1992, YBCA 1993, p. 80. V. ég.!: Tribunale du Busto Arsizio, 27
oct. 2003, Augusta c. Governo e Ministero della Diffensa dell’Irak, Rafidain Bank di Bagdad e Intesa BCI, Riv.
Dell’arbitrato, 2003, p. 477.
62. Sur cette question, v.!Ch. Seraglini, Lois de police et justice arbitrale, Préf. P. Mayer, Dalloz, Nouvelle Biblio-
thèque des thèses, 2001.
63. En faveur de cette qualification!: M. Audit, «!L’effet des sanctions économiques internationales sur l’arbitrage
international!», in E. Loquin et S. Manciaux (dir.), L’ordre public et l’arbitrage, Actes du colloque du CREDIMI
des 15 et 16 mars 2013 (Dijon), LexisNexis, 2014, p. 143. V. ég. supra, note 47.
64. En ce sens!: G. Bastid-Burdeau!, «!Les embargos multilatéraux et unilatéraux et leur incidence sur l’arbitrage
commercial international!», Rev. arb., 2003, p. 754, spéc. p. 775.
65. CA Montréal, 31 mars 2003, Libyan Arab Airlines c/ Air France, Bull. ASA, 2003, p. 630. Sur cette affaire!: J.-B.
Racine, «!L’arbitrage commercial et les mesures d’embargo. A propos de l’arrêt de la Cour d’appel du Québec
du 31 mars 2003!», JDI 2004, p. 89.
66. En faveur de l’arbitrabilité de ce type de litige, Sent. CCI n° 6719, JDI, 1994, p. 1071, obs. J.-J. A. V. ég. dans
la même affaire!: Trib. Fédéral, 23 juin 1992, Fincantieri-Cantieri Navali c/ M., Rev. arb., 1993, p. 691, note
F.!Knoepfler. Contra, dans la même affaire, et concluant à l’incompétence du tribunal arbitral!: CA Gênes, 7
mai 1994, Fincantieri c/ Republic of Irak, Riv. dell’arbitrato 1994, p. 505, note La China!; adde, G Sacerdoti,
«!Embargo irakeno, effetti sui contratti in corso ed efficaci delle clausole per arbitrato internazionale!», Riv.
dell’arbitrato, 1993, p. 361. Pour le refus d’exequatur en France de ce dernier arrêt!: CA Paris, 15 juin 2006,
Legal Department du Ministère de la Justice de la République d’Irak c/ Fincantieri-Cantieri Navali et a., Rev. arb.
2007-1, p. 87, note S. Bollée!; Europe, aout-sept. 2006, p. 28, obs. L. Idot!; D. 2006, p. 3035, obs. Th. Clay.
67. L. Matray, «!L’embargo national et international dans l’arbitrage!», RDIC 1997, p. 7.
68. Ch. Seraglini, op. cit., n°!458 et s.
69. L.G. Radicati di Brozolo, «!Arbitrage commercial international et lois de police!: considérations sur les conflits de
juridictions dans le commerce international!», RCADI 2005, t.!315, p.!389, n°!133 et s.
70. Sur celle-ci, supra, p. 68-69.
Table des Matières
Chapitre 5
Contingentements de l’OPEP et équilibre
économique des contrats
Gilles Darmois*
incertitude dans le revenu des productions. Les compagnies signataires sont celles qui
considèrent que cette incertitude reste acceptable.
La seule exigence des compagnies signataires de ces clauses est que ces obligations, aussi
bien celle de réduction du niveau de la production que celle de fourniture à une raffinerie
locale, soient appliquées de manière non discriminatoire à l’ensemble des compagnies
travaillant dans le pays.
Cette demande correspond à un principe d’équité, mais elle a aussi une importance pour la
rentabilité des projets. Si les restrictions de production étaient inégalement réparties, cela
pourrait modifier très négativement la rentabilité des projets les plus pénalisés. Ce qui
apparaissait comme une incertitude acceptable au moment de la signature du contrat
(c’est-à-dire une mesure portant sur un maximum de 5 à 10 % de la production) deviendrait
inacceptable si elle n’était pas répartie équitablement entre toutes les compagnies.
Cette réflexion reste vraie dans le cas d’une introduction temporaire de quotas. Un calcul
économique rapide pourrait laisser penser qu’une réduction de 5 % de la production
permettant d’obtenir une augmentation de 10 % du prix de vente est une démarche rationnelle
et rentable pour l’entreprise.
En pratique, cela revient à introduire un risque supplémentaire dans la mesure où cette
stratégie s’apparente plus à un pari qu’à une conduite permettant un gain certain.6 Il n’y a de
toute façon du point de vue de chacune des compagnies aucune raison d’accepter de
s’éloigner du principe d’équité.
Ce point peut être particulièrement sensible quand le pays est doté d’une compagnie
pétrolière nationale qui opère des champs dans lesquels elle n’a pas de partenaire.
L’information sur les niveaux de production de chacune des entreprises productrices n’est
pas toujours publique et une suspicion peut alors exister sur le fait que la compagnie
nationale est également soumise aux obligations de réduction de sa production ou de
fourniture au marché domestique.
2. L’exemple de la Norvège
On a vu que les pays membres de l’OPEP avaient prévu dans leurs contrats la possibilité
pour eux de réduire les niveaux de production des compagnies signataires, mais qu’ils l’ont
Table des Matières
leur imposent) de manière globale. Si l’analyse économique, toutes clauses prises en compte,
montre que le contrat est trop draconien et laisse pas à l’entreprise un cash-flow après impôt
suffisant, les entreprises ne signent pas le contrat.
C’est dans ce cadre général qu’il faut replacer toutes les discussions sur l’impact économique
des modifications introduites dans les contrats après leur signature. Un contrat d’exploration-
production d’hydrocarbures est un ensemble équilibré de clauses. L’équilibre obtenu traduit un
objectif de partage de la rente pétrolière. Il repose sur une identification précise des coûts
pétroliers (déductibles du revenu imposable au titre de l’impôt pétrolier ou récupérables dans
un contrat de partage de production), des règles d’amortissement des investissements de
production et de transport (ou de récupération de ces investissements dans le contrat de
partage de production) et dans une identification précise de la relation entre l’ensemble des
prélèvements pétroliers de l’État producteur et la fiscalité de droit commun des entreprises.
À cet égard, des remises en cause a posteriori de dispositions comme l’exonération de TVA ou
de droits de douane pour les matériels et les consommables pétroliers sont assimilables à une
modification unilatérale par l’État de l’équilibre contractuel initialement construit et sur lequel
l’accord avait été bâti.
C’est aussi sur la base de ce profil de production que la compagnie contractante analysera
l’impact économique des restrictions de production que l’État a introduites dans les clauses
contractuelles.
L’introduction par l’État pendant la durée du contrat d’une restriction temporaire de la
production ne peut donc pas être présentée comme une modification unilatérale par l’État du
contrat. Elle ne saurait donc donner lieu à des demandes de compensation.
5. Production annuelle
Pour chaque année d’exploitation du champ, le profil de production de l’année est fixé d’un
commun accord avec les représentants de l’État dans le cadre de l’approbation du
programme de travail et du budget de l’année à venir. Le souhait des compagnies
internationales contractantes est de produire chaque installation au maximum de la capacité
de design pendant la phase de plateau, puis au maximum de la capacité de production dès
que le déclin a commencé. Cette stratégie de la production maximale est aussi celle préférée
par les Etats, puisque c’est celle qui leur apporte le maximum de recettes à court terme.
Pour les entreprises, la production maximale permet d’atteindre le plus rapidement possible le
moment où le cash-flow cumulé du projet redevient positif.16 L’entreprise privée est tenue par
les contraintes issues de sa structure de financement.17 La stratégie de production maximale
est également un moyen de minimiser à la fois le risque prix et le risque politique. A contrario,
une compagnie pétrolière internationale ne cherchera jamais à produire en dessous de son
potentiel en spéculant sur une remontée ultérieure des prix du pétrole.18
C’est d’ailleurs également le cas pour la plupart des pays producteurs. Seuls quelques-uns, en
particulier l’Arabie Saoudite, cherchent à se doter de capacités de production excédentaires
en investissant des sommes importantes en face desquelles aucune recette immédiate n’est
prévue à échéance rapprochée. Pour l’Arabie Saoudite, où les compagnies internationales
Table des Matières
n’ont pas le droit d’explorer et de produire le pétrole, l’investissement dans des capacités de
production excédentaires est un choix souverain financé sur les ressources propres du pays.
En première analyse, le royaume n’est pas jugé par les analystes financiers sur la structure de
son bilan ou la rentabilité de ses capitaux employés.
L’Irak est un membre fondateur de l’OPEP, mais depuis 1998 n’est plus soumis au mécanisme
de quotas et peut donc produire au maximum de ses capacités. Cette exemption est appelée
à disparaître, dans la mesure où les engagements des compagnies contractantes en termes de
production s’élevaient à l’issue des deux premiers rounds pétroliers d’Irak, à un total cumulé de
près de 16 millions de barils par jour, ce qui ferait de l’Irak de loin le premier producteur parmi
les Etats-membres de l’OPEP.
Au moment des appels d’offres, l’Irak restait exempté de quotas, mais la quasi-certitude d’un
retour à la règle figurait au nombre des risques identifiés par les compagnies soumissionnaires.
La république d’Irak a tenu compte de cette situation dans la rédaction de ses contrats de
service en y incorporant une clause spécifique.
Le cas de l’Irak est donc un cas très particulier pour trois raisons. Premièrement, les
compagnies travaillent dans le cas de contrats de service. Une baisse de production
compensée par une augmentation du prix n’améliore pas la rémunération des compagnies.
Deuxièmement, l’Irak n’est pas actuellement soumis aux règles de l’OPEP en matière de
quotas. Toutefois, les perspectives de production potentielle de l’Irak en font, à moyen terme
mais de loin, le premier producteur de l’OPEP dans son périmètre actuel. Des éventuelles
réductions de production pour rentrer dans un plafond de l’OPEP seraient importantes en
volume et en durée. Troisièmement, les deux premières raisons sont prises en compte dans les
contrats qui proposent des mécanismes de compensation. Compte-tenu des volumes et des
durées en cause, les discussions sur la mise en œuvre de ces compensations seront très
certainement délicates.
Par l’article 12.5 du contrat de service, la République se réserve le droit de modifier le niveau
de production.
La formulation précise est la suivante!:
La ROC21 aura le droit de réviser le niveau de production proposé ou objectif dans chaque
Programme de Travail annuel proposé ou approuvé et peut, sur notification écrite, demander
au Contractant et à l’Opérateur d’augmenter ou de réduire le niveau de production dans la
zone contractuelle pour une des raisons suivantes.:
a) Pour éviter un dommage matériel aux réservoirs
b) Pour minimiser la perte de Gaz associé
c) Pour des considérations de sécurité
d) Pour des considérations opérationnelles et
e) Pour des réductions imposées par le Gouvernement.
Dans le cas où une réduction de production de Pétrole Brut est demandée par le
Gouvernement dans le cadre de l’article 12.5(e), la ROC appliquera cette réduction de manière
non-discriminatoire à l’ensemble de sa production en République d’Irak. Le Contractant et
l’Opérateur respecteront cette demande de réduction dès la réception de la notification à cet
effet émise par la ROC. Pour toute la durée de la réduction de production imposée,
l’ajustement à la RFB prévue par l’article 19.5(e) cessera d’être appliquée. Dès que la réduction
de production sera terminée, les Parties se rencontreront pour rechercher de manière
constructive un accord sur une révision du profil de production du Champ dans le but de
compenser le Contractant aussi rapidement que possible pour les revenus perdus à la suite de
réduction, tout ceci dans le respect des meilleurs pratiques de l’industrie pétrolière
internationale. A défaut d’un accord sur un profil de production révisé, les Parties pourront
retenir une extension appropriée de la Période Contractuelle.».
4. Le mécanisme de compensation
Le premier moyen proposé par l’État est de ramener la rémunération à son niveau initial en
dollars par baril. Bien entendu, cette mesure n’a d’impact que si le ratio R a déjà atteint et
dépassé la valeur 1.
Le second moyen consiste à augmenter le niveau de production de chaque champ. Cette
solution semble plus avantageuse pour l’association contractante dans la mesure où elle
correspondrait véritablement à une augmentation de la rémunération totale sur la durée de
vie du contrat. En pratique, comme il a déjà été mentionné, l’entreprise cherche à produire
toujours au maximum de sa capacité. Le maintien d’un plateau de production sur plusieurs
années se fait le plus souvent en étalant les investissements pour maintenir le potentiel tout en
évitant un investissement initial trop élevé qui dégraderait la valeur actualisée des productions.
Les possibilités d’augmentation sont donc en général minimes. C’est dans ce cadre qu’il faut
replacer la mention dans la clause contractuelle des meilleures pratiques de l’industrie
pétrolière. Cette formulation est en général utilisée, quand il s’agit de la gestion des réservoirs
d’hydrocarbures, pour éviter des débits excessifs des puits qui, en entraînant des arrivées
d’eau plus précoces,26 diminuent la récupération totale du pétrole.
Le troisième et dernier moyen est d’allonger la durée de vie du contrat pour compenser le
manque à produire causé par la restriction de production. Selon cette optique, l’objet du
contrat est le volume total de pétrole produit pendant toute la durée contractuelle.27 Une
modification à la baisse sur une période donnée sera donc compensée par l’ajout, sous la
forme d’un allongement de la durée contractuelle, d’une quantité de pétrole équivalente.
Bien entendu, la définition de la quantité de pétrole équivalente pose le problème de
l’actualisation. À prix du brut identique, un volume de pétrole non produit une année n’a pas la
même valeur économique pour le contractant que le même volume produit une dizaine
d’années plus tard. Le contractant demandera donc de raisonner en valeur actualisée, en
retenant comme taux d’actualisation son coût du capital.28 Il sera difficile à l’État irakien de
tabler sur un prix du brut plus élevé sans entrer dans des projections hasardeuses.
Une difficulté additionnelle dans l’analyse des compensations économiques réside dans le fait
que lorsque l’Irak rentrera à nouveau dans le mécanisme des quotas de l’OPEP, il ne s’agira pas
d’une réduction de quelques pourcents pour une durée limitée, la production potentielle de
l’ensemble des champs irakiens pouvant se situer à près du double de celle de l’Arabie
Saoudite avec un financement des développements assuré par de nombreuses compagnies
internationales.
CONCLUSION
Les Etats membres de l’OPEP introduisent systématiquement une clause de réduction de la
production dans leurs contrats pétroliers. Les compagnies signataires n’ont donc pas matière
à demander réparation en cas de mise en œuvre de quotas au motif d’une modification
contractuelle unilatérale.
Dans le cas des contrats de partage de production, les contrats ne prévoient pas de clause de
compensation, dans la mesure où les quotas ne représentent qu’un pourcentage faible de la
production pour une durée illimitée dans le temps.
Table des Matières
Tous les contrats pétroliers ont une clause d’arbitrage. Cependant, dans la plupart des cas, les
compagnies n’y ont pas recours pour des points non essentiels de la gestion des contrats.
Les contrats pétroliers contiennent également une clause de stabilité économique qui dispose
qu’en cas de modification de l’environnement économique, les parties se rencontreront pour
tenter de restaurer l’équilibre économique initial du contrat. Il s’agit là d’une obligation de
moyens et non de résultats.
NOTES
1. La répartition peut se faire en fonction du niveau de production de chaque Etat-membre!; actuellement, elle est
faite en fonction des réserves déclarées par les Etats-membres.
2. On peut noter que l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) conduit son analyse du marché pétrolier selon
exactement la même méthode.
3. Par l’arrivée sur le marché de cargaisons de pétrole non contractées, vendues sur le marché spot.
4. Le «!panier de l’OPEP!» est composé de plusieurs bruts de qualités diverses produits par les Etats-membres.
5. Produit pétrolier issu, comme l’essence et le gazole/fioul domestique, du raffinage alors largement utilisé dans
la génération d’électricité aux Etats-Unis
6. En particulier car les deux hypothèses implicites évoquées plus haut sont non vérifiées en pratique.
7. ou de celui d’après si le temps est trop court pour mettre la mesure en œuvre.
8. Sur certains champs en déclin, s’il apparaissait que la fermeture risque d’avoir des conséquences négatives sur
la productivité du champ, il était possible que la réduction ne s’applique pas. Cette exemption portant sur de
faibles niveaux de production n’avait le plus souvent pas d’impact matériel sur le total de la production du pays
et ne remettait pas en cause le principe d’équité.
9. Par l’accord de La Haye signé le 12 mars 1999, la Norvège, le Mexique et le sultanat d’Oman s’engageaient aux
cotés de l’OPEP sur une réduction totale de 2 millions de baril/j. On peut rappeler que le prix s’était effondré
sous 10 $/b début 1999. Une première réduction de 2,6 millions de barils décidée par l’OPEP en juillet 1998
n’avait pas permis d’éviter l’effondrement.
10. Fin 2001, les trois pays non-membres de l’OPEP signataires de l’accord de La Haye étaient rejoints par l’Angola
et la Russie pour s’engager sur une réduction conjointe des exportations de 462 500 barils/jour. Il s’agissait
alors de relancer l’économie mondiale après le 11 septembre 2001. Voir http.://www.opec.org/opec_web/stat-
ic_files_project/media/downloads/publications/AR002002.pdf
11. En anticipation de la réduction physique qui ne prendra effet que plus tard.
12. Petroleum Directorate
13. Une telle condamnation est loin d’être acquise
14. En cas de réduction de la pression fiscale, un effet rétroactif peut être introduit par des crédits d’impôt. En
revanche, les hausses de pression fiscale sont sans effet rétroactif.
15. La réciprocité de cet engagement contractuel est encore plus nette dans le contrat de service comme on le
verra plus loin sur l’exemple irakien.
Table des Matières
16. Dans les contrats utilisant le ratio R pour le déclenchement de modifications dans le partage de la rente, ce
moment correspond environ à R =1,5.
17. Service et remboursement des dettes contractées pour le financement du développement et rémunération des
capitaux propres apportés par les actionnaires
18. Les deux principales raisons sont que le niveau de la production est un élément important dans le jugement
que les analystes financiers portent sur la performance de l’entreprise, et, dans une moindre mesure, que la
durée limitée des contrats augmente considérablement le risque attaché à une telle stratégie
19. L’OPEP, dont le siège est à Vienne, n’est ni un Etat, ni une entreprise
20. First bidding round
21. ROC!: Regional Oil Company. Il s’agit d’une des compagnies pétrolières nationales d’Irak. L’Irak en compte qua-
tre. Celle qui signe le contrat pour le compte de l’Etat est celle qui opérait jusqu’alors le champ.
22. En anglais, joint-venture!; c’est le mode habituel de fonctionnement des compagnies. Les relations entre opéra-
teur et partenaires sont décrites dans l’accord d’association (en anglais, Joint Operating Agreement, JOA)
23. Jusqu’ici, il s’est toujours agi d’une autre des compagnies pétrolières nationales
24. C’est la RFB
25. Le retour dans l’investissement initial se situe plutôt aux environs de 1,5
26. Des débits plus élevés créent des baisses de pression autour du puits dans le réservoir. Comme l’eau est plus
mobile que le pétrole, elle arrive plus vite, piégeant derrière elle des quantités plus importantes de pétrole qu’il
sera pratiquement impossible de récupérer.
27. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par les renégociations des contrats obtenues par les signataires
des contrats de service du premier round. L’incapacité de l’Irak à tenir son engagement de raccourcir les délais
d’importation de matériels pétroliers a donné lieu à des renégociations des contrats. Une réduction de plateau
de production a été acceptée en échange d’un allongement de la durée du contrat. Pour le champ de Rumaila
attribué à BP, la réduction du plateau de production de 2,85 à 2,1 millions de baril/jour a été compensée par
un allongement de 20 à 25 ans de la durée du contrat.
28. L’utilisation du taux d’actualisation au coût moyen pondéré du capital pour les entreprises privées existe déjà
dans de nombreux contrats de transport d’hydrocarbures. On trouve le concept d’actualisation dans certains
contrats de partage de production pour provisionner le financement des travaux d’abandon des champs.
Chapitre 6
Les nationalisations
Elie Kleiman*
pays à ressources minières, c’est souvent le secteur tout entier qui fut nationalisé. Une étude
de l’ONU conduite en 1974 indiquait que l’Afrique subsaharienne, entre 1960 et 1974, occupait
la première place mondiale par le nombre de nationalisations (340 sur 875 dénombrées sur 62
pays) tous secteurs confondus, secteur pétrolier excepté.1
Une grande variété de situations et de modalités peuvent se présenter!: au sens strict, on
conçoit la nationalisation d’une entreprise comme l’opération par laquelle un Etat acquiert la
propriété et le contrôle de celle-ci. Le transfert forcé de propriété peut s’opérer dans le cadre
d’un mécanisme organisé par le droit et accompagné d’une indemnisation totale ou partielle
(c’est la nationalisation à proprement parler), comme elle peut intervenir de manière plus
brutale, par une confiscation ou réquisition sans contreparties financières. Nationalisations et
confiscations peuvent obéir à des motivations diverses, qui vont de l’idéologie (nationalisme,
étatisme, populisme, collectivisme)!à des préoccupations de souveraineté liées à
l’indépendance et à la sécurité nationale (maîtrise de certains secteurs stratégiques) tout en
répondant aux préoccupations budgétaires de l’Etat (prendre le contrôle des ressources
naturelles et en maximiser les revenus).
Du point du vue du droit international, la reconnaissance universelle du principe de
souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles, consacré par la Résolution
1803 (XVII) de l’Assemblée générale de l’ONU du 14 décembre 1962 au terme d’un processus
commencé dans les années cinquante, constitue un socle juridique solide pour la remise en
cause des situations antérieures, sous réserve de respecter la condition fondamentale d’une
indemnisation. Le transfert forcé à la collectivité de la propriété d’une ou plusieurs entreprises
et parfois de secteurs entiers de l’économie, pour les soustraire à des intérêts privés, est par
principe une prérogative souveraine que justifie l’intérêt général. Nous verrons que les
nationalisations libyennes et les contentieux qui en sont issus ont été l’occasion pour des
tribunaux arbitraux d’affirmer la prééminence en la matière du droit international et le droit à
indemnisation qui en résulte.2
Plus récemment, l’on a pu observer le développement d’un «!nouveau nationalisme pétrolier!».3
Par des décisions gouvernementales, des Etats producteurs ont imposé aux investisseurs
étrangers l’augmentation très significative de la part de l’Etat dans le partage des revenus
fait est que, récemment, les investisseurs internationaux dans le secteur des hydrocarbures
sont exposés à des «!risques pays!» accrus.
Le secteur minier a suivi, avec des nuances, une tendance comparable. L’exemple des
nationalisations zambiennes!vient à l’esprit!: en 1969, le gouvernement socialiste Kaunda
nationalisa les mines de cuivre, qui contribuaient à environ la moitié du revenu du pays, pour
financer sa politique de réduction de prix de la nourriture et d’autres biens de consommations
de première nécessité. Ce louable motif n’évita pas au pays un inévitable marasme
économique provoqué par la chute du cours du minerai et une dette publique alarmante. Cet
épisode trouva sa conclusion en 1991 dans une alternance politique et la privatisation de pans
entiers de l’économie. C’est peut-être cet exemple qui, récemment en Afrique du Sud, a
conduit l’ANC au terme de longs et vifs débats, à renoncer temporairement à la nationalisation
du secteur minier. Mais on assiste dans ce secteur à un mouvement de révision des codes
miniers, dont la préoccupation commune consiste à augmenter la part des recettes de l’Etat.
D’un point de vue économique, les industries extractives se caractérisent par une très forte
intensité capitalistique et une sensibilité marquée à la volatilité des prix des hydrocarbures
et des minerais. Le secteur des hydrocarbures, en raison des fluctuations remarquables,
tant par leur amplitude que par la brutalité de leurs revirements, qui ont caractérisé
l’évolution du prix de la matière au cours des dernières années, et en raison de son
implication directe au cœur des problématiques de production et de consommation
mondiales, nous retiendra tout particulièrement. L’exploitation et le développement des
projets extractifs sur le long terme posent un véritable défi industriel, dans le contexte de
l’insécurité juridique liée aux actes de gouvernements!: la mise en place d’un modèle
économique pérenne, garantit par un recours juridictionnel international effectif —
l’arbitrage — devrait idéalement permettre de conjuguer l’affirmation de la souveraineté
étatique sur les ressources naturelles et la préservation de l’investissement.
Nous nous proposons d’illustrer le sujet avec le cas des nationalisations en Algérie et
l’évolution de la législation postérieure (I), avant de synthétiser les principales questions qui se
posent en droit international de l’investissement (II).
A. La nationalisation de 1971
De la fin des années 1960 au milieu des années 1980, l’Algérie a suivi une politique de
nationalisation et attribué un monopole effectif sur les hydrocarbures à Sonatrach. L’Algérie
nationalisa tout d’abord une série d’avoirs dans l’aval du secteur!: en 1967, les intérêts de Esso,
de Mobil puis ceux de BP dans le raffinage et la distribution!; puis en 1968 vint le tour de Shell.
La même année, Sonatrach reçut le monopole de la distribution. En 1969, l’Algérie rejoignit
l’OPEP. Dans les années 1970, le gouvernement se concentra sur l’amont du secteur!: les
pétroliers Sinclair,!Sofrapel, Amif, Phillips, Shell Petroleum, Mobil Sahara et ses filiales. Les
relations avec la France furent traitées à part, en raison des accords internationaux, signés le 29
juillet 1965, qui encadraient la coopération dans le domaine des hydrocarbures dans la ligne des
accords de coopération négociés à la suite de l’indépendance. Ces accords franco-algériens
pour la mise en valeur des hydrocarbures du Sahara maintenaient les concessions existantes et
une fiscalité avantageuse en contrepartie du réinvestissement en Algérie par les acteurs
français de 50% des recettes tirées du pétrole algérien et d’efforts de prospection renforcés. Ils
furent l’objet de vives tensions entre les parties. En synthèse, l’Algérie reprochait à la France
Table des Matières
supplémentaires. C’est ainsi que la loi n° 91-21 du 4 décembre 1991 réaffirmait l’obligation de
Sonatrach de livrer la part de production revenant aux partenaires étrangers «!libre de toutes
charges et taxes ainsi que de toutes autres obligations fiscales pétrolières ou de rapatriement
de fonds*». Une étape décisive en faveur de la protection des investisseurs internationaux fut
franchie par la reconnaissance du droit de recourir à l’arbitrage international pour les différends
avec Sonatrach «!nés de l’interprétation ou de l’exécution du contrat d’association!». A la même
époque, l’Algérie signa également plusieurs traités bilatéraux d’investissements!: par exemple, le
13 février 1993, est intervenu l’Accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l’encouragement et
la protection réciproques des investissements. Et le 5 novembre 1995, le décret présidentiel n°
95-346 du 30!octobre!1995 emportait ratification de la Convention de Washington du 18 mars
1965, pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants
d’autres Etats. L’ensemble de ces initiatives contribuèrent significativement à la stabilité du
cadre juridique des investissements devant être réalisés en Algérie. Fortes des garanties ainsi
offertes, les compagnies pétrolières étrangères expropriées dans les années 1960/1970 purent
de nouveau envisager la reprise des investissements dans le secteur des hydrocarbures. La loi
86-14 modifiée 91-21 permit d’augmenter la production de façon notable, au moyen de
partenariats dans l’exploration et la prospection des domaines miniers non explorés et le
développement des gisements existants. Les ressources qui en ont résulté ont permis le
financement du développement des filières situées en aval de l’exploration et de la production,
qui recouvrent notamment le traitement (liquéfaction, séparation des GPLs), le transport (hubs
de dispatching, oléoducs, gazoducs, méthaniers) et le raffinage.
Dans de nombreux cas, l’association entre Sonatrach et l’investisseur étranger était encadrée
par la conclusion d’un contrat de partage de production assurant à Sonatrach une part de
production minimale de 51%. La logique économique de ces accords est la suivante!: le
partenaire étranger prend en charge les risques d’exploration, où à tout le moins la majeure
Table des Matières
partie d’entre eux, et bénéficie, en contrepartie, d’une part de la production des gisements
découverts au titre de sa rémunération et du remboursement de ses dépenses!; Sonatrach pour
sa part supporte l’ensemble des redevances et impôts dus sur l’intégralité de la production.
Ainsi, aux termes de l’article 39 de la loi 86-14, il était indiqué que Sonatrach mettait à la
disposition du partenaire «*la part de production du gisement découvert lui revenant, au titre de
son intéressement, FOB port de chargement libre de toutes charges et taxes ainsi que de
toutes obligations fiscales pétrolières ou de rapatriement de fonds*». Les règlements pris pour
l’application de la loi 86-14 et, plus spécifiquement, les dispositions de l’article!8(c) du décret n°
87-159 du 21 juillet 1987 concernant l’intervention des compagnies pétrolières étrangères au sein
des activités de prospection de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures liquides,
précisaient!: «!Dans le cas d’un contrat dit «*de partage de production*», il sera livré à la société
étrangère conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la loi n° 86-14 du 19 août 1989 susvisée,
la part qui lui revient de la production du gisement découvert FOB, port de chargement,
exonérée de toutes charges et taxes ainsi que de toutes obligations fiscales pétrolières ou de
rapatriement tel que prévu à l’article 39 de ladite loi!». En synthèse!: le partenaire assumait les
coûts d’investissement et les risques afférents, et Sonatrach assumait le risque fiscal et les
fluctuations éventuelles des charges, taxes et autres obligations fiscales imposées par l’Etat.
C. Le revirement des lois de 2005 et 2006 et la taxe sur les profits exceptionnels
L’évolution du cours du pétrole dans la période 2005 / 2006 a entraîné une dynamique au
terme de laquelle nombre d’Etats ont, au non de la souveraineté, mis à mal l’équilibre des
situations contractuelles en cours. Rappelons qu’au plus bas en 1998, le cours du brut est
remonté pour s’établir dans une fourchette de 22 à 28$ par baril jusqu’en 2003, avant de
reprendre une courbe haussière le conduisant à franchir le cap de 50$ en 2005 et s’installer à
la hausse. Les coûts des investissements ont augmenté à l’avenant, dans un contexte ou sont
apparues de vives polémiques sur les réserves et les pays producteurs, prudents, n’ont pas
investi. Tout ceci a eu pour résultat une tension qui a conduit les Etats producteurs à vouloir
optimiser leurs recettes fiscales. L’Algérie s’est trouvée au cœur de cette problématique. Du
point de vue de l’Etat, la préoccupation majeure est devenue la maximisation du revenu par
baril exporté, au triple moyen de l’accroissement des prix, de l’accroissement de la quote-part
garantie à la société nationale et d’une politique fiscale augmentant la part directe de l’Etat.
Les ambitions souveraines sur l’appréhension de la majeure partie de la «!rente hydrocarbure!»
se sont ainsi trouvées en contradiction directe avec la stabilité des prévisions contractuelles
de contrats de partage de production préexistants, de payer une taxe selon un taux compris
entre 5!et 50 % de leur part de production, lorsque la moyenne arithmétique mensuelle du prix
du pétrole Brent est supérieure à 30 dollars américains par baril. Cette taxe a été rendue
applicable avec effet au 1er août 2006, date d’entrée en vigueur de l’article 101 bis introduit par
l’ordonnance 06-10. Sonatrach prélève cette taxe pour le compte de l’Etat depuis mars 2007
avec effet rétroactif sur la période allant d’août 2006 à février 2007, sur la part de production
des compagnies pétrolières étrangères signataires d’accords de partage de production
antérieurs à la publication de la loi 05-07.
En somme, l’Algérie, à l’exemple de l’Equateur notamment, a adopté une législation fiscale
visant à prélever à la source un impôt exceptionnel sur les «!superprofits!» réalisés par les
partenaires pétroliers étrangers du fait de la hausse du cours du baril de pétrole, dans le
dessein assumé de neutraliser l’effet d’aubaine lié aux fluctuations à la hausse du brut
(«!windfall profit tax*»). La justification avancée pour ces mesures est simple, voire simpliste!:
«.les prix du baril de pétrole ne sont plus ceux qu’ils étaient au moment de la signature des
contrats ( ) La taxe sur les superprofits n’est pas une injustice ( ) lorsque les contrats avaient
été signés, le prix du baril de pétrole était de 15 dollars ( ) Puisque les prix du baril ont été
multipliés par 4, la taxe rétablit un équilibre entre les intérêts de l’Etat et les intérêts des
compagnies pétrolières.6
On devine l’incidence de cette mesure sur l’équilibre contractuel des situations en cours,
comme la nature des difficultés qu’elle a pu susciter.
Les accords relatifs aux investissements étrangers librement conclus par des Etats souverains
ou entre de tels Etats seront respectés de bonne foi.; les Etats et les organisations
internationales doivent respecter strictement et consciencieusement la souveraineté des
peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles, conformément à la
Charte et aux principes énoncés dans la présente résolution.
L’on soulignera encore que dans sa sentence, l’arbitre a précisé que les résolutions de
l’Assemblée générale des Nations Unies étaient d’inégale portée, seule la résolution 1803 (XVII)
pouvant être tenue comme le résultat d’un consensus suffisant entre Etats en voie de
développement et «!grands pays développés à économie de marché!» pour constituer une
opinio iuris communis, rappelant que les textes sur le nouvel ordre économique international
et notamment la résolution 3281 (XXIX) dite Charte des Droits et Devoirs économiques des
Etats adoptée le 12 décembre 1974 ne pouvaient prétendre exprimer un tel consensus.
B. La terminologie
La terminologie n’est pas des plus claires.8 Faut-il distinguer nationalisation et expropriation!?
Qu’en est-il des notions voisines!? Au delà des questions terminologiques, doit-on identifier
des régimes juridiques différents!?
La terminologie adoptée dans les instruments internationaux n’est pas toujours très précise.
La Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies vise, dans son
paragraphe (4), «!la nationalisation, l’expropriation ou la réquisition!», sans distinguer entre ces
concepts ni suggérer qu’ils puissent relever de régimes différenciés. Il en est de même de la
Résolution 3281 (XXIX), dont l’article (2) précise!:
Chaque Etat a le droit.: (...) c) De nationaliser, d’exproprier, ou de transférer la propriété des
biens étrangers, auquel cas il devrait verser une indemnité adéquate, compte tenu de ses lois et
règlements et de toutes les circonstances qu’il juge pertinentes. Dans tous les cas où la
question de l’indemnisation donne lieu à différend, celui-ci sera réglé conformément à la
législation interne de l’Etat qui prend des mesures de nationalisation et par les tribunaux de cet
Etat, à moins que tous les Etats intéressés ne conviennent librement de rechercher d’autres
Table des Matières
moyens pacifiques sur la base de l’égalité souveraine des Etats et conformément au principe du
libre choix des moyens..
La notion de nationalisation est élusive et échappe aux efforts de définition. C’est ainsi que les
débat de l’Institut de Droit International, en 1952, ont abouti à la définition suivante!:
La nationalisation est le transfert à l’Etat, par mesure législative et dans un intérêt public, de
biens ou droits privés d’une certaine catégorie, en vue de leur exploitation ou contrôle par
l’Etat, ou d’une nouvelle destination qui leur serait donnée par celui-ci.9
Cette définition pourrait correspondre au sens dans lequel on entend le mot expropriation,
étant précisé qu’un critère de matérialité pourrait permettre de distinguer l’expropriation, de
signification ciblée et spécifique, de la nationalisation réservée aux changements politiques les
plus radicaux et aux transferts forcés de plus grande ampleur. La forme de l’acte juridique par
lequel intervient la privation de propriété importe peu en droit international!: la définition de la
nationalisation tient essentiellement au but poursuivi.
Parfois, on ne se réfère qu’à l’expression de privation de droits de propriété. Cela fait écho à la
doctrine anglo-américaine qui recourt à la notion de taking of property.
Les sentences rendues à propos des nationalisations!libyennes!n’apportent pas de précisions
éclairantes sur la question de la terminologie. Dans les affaires BP10 et Texaco11, le terme de
nationalisation est fréquemment mentionné sans effort particulier pour différencier ce concept
de celui d’expropriation. Il n’en va pas de même dans la sentence Liamco12, qui a distingué
l’expropriation, fondée sur le droit administratif et la nécessité publique, de la nationalisation qui
prend, en général, le caractère d’une mesure collective et législative, motivée par la politique
sociale de l’Etat. On retrouve ici l’idée que nationalisation désigne une opération de transfert à
l’Etat de grande ampleur, visant plusieurs secteurs économiques et ne relevant pas
nécessairement de recours internes, et celui d’expropriation une mesure individuelle.13
Les mesures d’expropriation de fait et notamment indirectes ne nous retiendront pas, non par
manque de pertinence de la question, bien au contraire, mais tout simplement parce que le
sujet sera traité dans une autre partie du colloque. Les concepts de confiscation et de
réquisition visent les cas où le transfert forcé n’est pas accompagné par une indemnisation.
(Mais il est des hypothèses licites en droit international, lorsque la privation de droits prend la
forme d’une sanction de nature pénale — sous la réserve importante que les poursuites et la
procédure répondent aux exigences de loyauté et de caractère équitable du procès.)
tenant pour nuls les accords obtenus par dol, l’indemnisation étant limitée à la seule valeur des
dépenses d’aménagement, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
CONCLUSION
La nationalisation des industries extractives est un acte d’Etat à la fois symbolique et
économique. Symbolique, il est une affirmation de souveraineté sur la propriété des richesses
du sous-sol. Economique, il permet au gouvernement d’appréhender la rente liée à
l’exploitation de ces richesses, pour assurer l’indépendance et financer le développement
économique. L’arbitrage international a établi la prééminence du droit international en la
matière et fondé le socle des conditions de licéité et critères d’indemnisation applicables à ces
privations de propriété. L’intensité capitalistique des industries extractives impose aux
entreprises nationales, pour garantir capitaux et technologie, de renouer avec les investisseurs
internationaux des partenariats à long terme, qui reposent sur un partage des risques et des
profits, et prévoient le recours à l’arbitrage international.
NOTES
1. A. A. Mazrui, Histoire générale de l’Afrique (VIII. L’Afrique depuis 1935), Ed. Unesco, 1998, p. 433.
2. B. Stern, «!Trois arbitrages, un même problème,!trois solutions!: les nationalisations pétrolières libyennes devant
l’arbitrage!international!», Rev. arb. 1980-1, p. 3.
3. N Bret-Rouzaut et J-P Favennec, Recherche et production du pétrole et du gaz, réserves, coûts, contrats,
Editions Technip, 2ème éd., p. 44.
4. Sur ce sujet!: http.://www.aps.dz/economie/18393-hydrocarbures-le-processus-d-une-nationalisation-his-
torique.; http.://www.eldjazaircom.dz/index.php.?id_rubrique=294&id_article=3543.
5. Sur les aspects factuels de ces épisodes v. J. Touscoz («!La nationalisation des sociétés pétrolières françaises en
Algérie et le droit international!», RBDI 1972-2, p. 482), étant observé que les opinions juridiques exprimées par
cet auteur ne reflètent pas l’état du droit positif.
6. Déclarations du ministre de l’Energie et des Mines, M. Chakib Khelil du 22 novembre 2006, http.://www.djazair-
ess.com/fr/elwatan/54578
Table des Matières
7. Texaco/Calasiatic c/ Gouvernement libyen, 19 janvier 1977, JDI 1977, p. 35!; G. Cohen-Jonathan, «!L’arbitrage
Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen!; décision au fond du 19 janvier 1977!», AFDI 1977, vol. 23, p. 452.
8. Seidl-Hohenveldern, Semantincs of wealth deprivation and their legal significance, in Collected essays on inter-
national investments and on international organizations, Kluwer Law International, 1998.
9. I. Foighel, Nationalization*: A Study in the Protection of Alien Property in International Law, Stevens and Sons, 1957.
10. BP Exploration Company (Libya) Limited c/ Government of the Libyan Arab Republic, 10 octobre 1973, 1er
août 1974, ILR 1979, vol. 53, p. 297!; P. Rambaud, «!Arbitrage, concession et nationalisation — quelques obser-
vations sur la sentence BP!», AFDI 1981, vol. 27, p. 222.
11. Texaco/Calasiatic c/ Gouvernement libyen, op. cit.
12. Sentence Liamco -*Libyan American Oil Company (LIAMCO) c/ Government of the Libyan Arab Republic, 12
avril 1977, ILR 1982, vol. 62, p. 141.
13. En ce sens, la sentence Libyan American Oil Company (LIAMCO) c/ Government of the Libyan Arab Republic, op.
cit.
14. Sentence Texaco Calasiatic c/ Gouvernement libyen, op. cit.*; CIRDI, affaire n° ARB/77/1, AGIP Spa c. Rep.
Pop. Congo, 30 novembre 1979, RCDIP 1982-,1 p. 92, note Batiffol.
15. Recueil CIJ 1970, p. 32.
16. Libyan American Oil Company (LIAMCO) c/ Government of the Libyan Arab Republic, op. cit. V. aussi la Sen-
tence Amoco International Finance c/. Iran, Yearbook of Commercial Arbitration 1985, vol. 10, p. 290.
17. BP Exploration Company (Libya) Limited c/ Government of the Libyan Arab Republic, op. cit.
18. Op. cit.
19. Op. cit.
20. CPJI, Affaire de l’Usine de Chorzow, Rec. CPJI 1928, Série A, vol. 1,7 p. 46!; Affaire Goldenberg, 27 septembre
1928, Recueil des sentences arbitrales des Nations Unies vol. II, p. 909!; Affaire Libyan American Oil Company
(LIAMCO) c/ Government of the Libyan Arab Republic, op. cit.
21. Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol, Recueil des sentences arbitrales des Nations Unies vol. II,
p.!647!; Affaire Norwegian Shipowners, Recueil des sentences arbitrales des Nations Unies vol. I, p. 338.
22. Article 545 du Code civil.
23. Op. cit.
24. Op. cit.
25. V. en ce sens la sentence sur le fond rendue dans l’affaire Texaco-Calasiatic c. Libye, op. cit.!; de même Phillips
Petroleum c/ Iran, 21 Iran-U.S. C.T.R. 79, 122
26. CIRDI, affaire n°. ARB/93/1, 21 février 1997, I.L.M. 1997, vol. 36, p. 1534.
27. CIRDI, affaire n° ARB/01/2,!21 juin 2012,
https!://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet!?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=DC2651_
Fr&caseId=C2.
28. CIRDI, affaire n° ARB/97/1, 19 Jan. 2000,
https!://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet!?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=DC546_
Fr&caseId=C157.
Deuxième partie
CONFLITS DE L’INDUSTRIE
EXTRACTIVE ET RÈGLEMENT
DES DIFFÉRENDS
Titre 1
LES CONFLITS SOCIÉTAUX
ET ENVIRONNEMENTAUX
Chapitre 7
De la contribution de l’industrie extractive
au développement socio-économique
des populations riveraines
Le coq, le papillon, l’écureuil et la fourmi
Cécile Renouard*
scénarios sont étudiés!en fonction de différents paramètres!: les critères initiaux de choix des
engagements, les modalités d’interaction avec les parties prenantes directes, les critères de
suivi et d’évaluation, les impacts dans la durée. Je propose de désigner ces modèles, de façon
imagée, par différents noms d’animaux correspondant à différentes manières de faire ou
stratégies!: le coq, le papillon, l’écureuil, la fourmi.
Après avoir dressé un panorama d’enjeux transversaux relatifs aux responsabilités des
entreprises au développement des zones où elles ont des activités, dans un va et vient entre le
discours normatif et les avancées en termes de droit international, seront analysés quatre
modèles d’engagement sociétal, afin d’approfondir les conditions d’une mise en œuvre
effective de la responsabilité sociétale des industries extractives.
être vérifiée. Une telle transformation du droit, envisagée dans la première version du projet de
loi Macron en France, en décembre 2014, aurait le mérite d’instaurer une réflexion collective
sur l’utilité sociale des biens et services produits au long des chaines de production. Dans le
cas des industries extractives, la problématique est double!: d’un côté, l’activité extractive
constitue un premier maillon dans un processus conduisant à des produits finaux de
différentes natures, dont l’utilité sociale n’est pas toujours avérée ou doit être contrôlée (par
exemple, la fabrication d’armes). De l’autre, la question de la compatibilité avec l’intérêt
général se pose de façon aigue à toutes les étapes de l’activité, en ce qui concerne ses effets
sur les écosystèmes naturels et les différentes parties prenantes, à court et à long terme.
Il résulte de cette interrogation à propos de la finalité de l’entreprise un enjeu relatif à la
conception de l’économie et plus précisément de la grande entreprise dans la société. La
perspective que je défends conteste le caractère axiologiquement neutre de l’activité
économique aussi bien que la séparation forte instaurée entre l’économique et le politique.3
L’entreprise est un collectif, elle rassemble un ensemble d’acteurs réunis au service d’une
production commune!; elle doit être vue à ce titre non seulement comme acteur économique
mais aussi comme institution politique, garante du vivre ensemble en son sein et en interaction
avec la société où elle opère. C’est en ce sens que dans différents travaux je souligne le critère
essentiel de la contribution de l’entreprise, par son activité, au lien social et écologique. Cette
contribution a deux visages, correspondant aux deux aspects de la responsabilité, dans la
perspective du philosophe Paul Ricoeur!: une responsabilité à l’égard du passé comme
imputation des conséquences de l’activité sur ses parties prenantes et une responsabilité à
l’égard de l’avenir comme mission, coopération à la prise en charge collective des
conséquences futures des phénomènes émergents vis-à-vis desquels les responsabilités
individuelles sont impossibles ou très difficiles à déterminer.
La prise de conscience des interdépendances entre sociétés humaines, notamment au sujet
Table des Matières
du changement climatique, impose une réflexion renouvelée sur les responsabilités collectives,
sur les limites de certaines catégories juridiques — par exemple sur le maintien de l’autonomie
juridique des entités d’un même groupe alors que se multiplient les liens commerciaux entre
filiales et maison-mère. La prise en compte des enjeux relatifs à la chaine de valeur fait l’objet
d’initiatives diverses qui dessinent ce que Gilles Lhuilier dénomme des espace normatifs,4 qui
ouvrent à une meilleure prise en compte du premier maillon dans la chaine que sont les
territoires affectés par l’extraction de ressources. De plus, le droit coutumier international
fournit des lignes directrices en vue d’une harmonisation progressive des règles du jeu pour
les acteurs économiques transnationaux!: mentionnons en particulier les principes Ruggie de
l’ONU (2011), les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales (2011), la
nouvelle définition de la Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) par l’Union européenne et
la proposition de loi en France de mars 2015 sur le devoir de vigilance.
Ces principes font référence au respect des droits humains fondamentaux par les entreprises!:
dans la ligne de la réflexion menée par des économistes et philosophes — comme Amartya
Sen et Martha Nussbaum5 - depuis une vingtaine d’années autour de la mesure du
développement humain, nos travaux déclinent ces droits en termes de capacités!: l’approche
par les capacités permet en effet de s’interroger à la fois sur les potentialités des personnes et
des groupes, sur leur possible effectuation grâce à des ressources diverses, et sur leurs
conditions institutionnelles. Je mets en particulier l’accent sur les capacités relationnelles des
personnes et des groupes!: la qualité des relations, la cohésion sociale est en effet à la fois une
dimension clé voire la finalité du développement, et une condition pour la pérennité d’activités
économiques utiles.6
A partir de là, une distinction peut être faite entre les différentes facettes de la responsabilité
éthique et politique de l’entreprise. L’importance du recentrage sur le cœur de métier de
l’entreprise et ses effets doit être soulignée, contre une conception qui mélange l’engagement
sociétal et la philanthropie.
1. Résponsabilité
économique
et financière
«Partager équitablement»
2. Résponsabilité sociale
Impôts et taxes (prix de
transferts, etc.) envers les salariés
Choix d’investissement
«Prendre soin»
6. Responsabilité Partage de la valeur Conditions de travail/vie des salariés
extraordinaire Diversité, dialogue interculturel
«Donner» Formation professionnelle
(aide d’urgence) Accompagnement des licenciements
Responsabilités
de l’entreprise
3. Résponsabilité sociale
et environnementale
«Ne pas nuire»
5. Philanhropie Utilité sociale du bien ou du service
«Donner» concerné
4. Résponsabilité politique Réduction et réparation des dommages
«Coopérer»
directs et indirects sur l’environnement
Gouvernance d’entreprise naturel et humain
Respect des droits Maximisation de la qualité des relations
de l’homme avec les sous-traitants, fournisseurs,
Préservation des biens clients et communautés locales
communs mondiaux Contribution au dévloppement
socio-économique local
Les pages qui suivent visent à analyser, d’une manière dynamique, à partir de quelques cas
d’école, les conditions d’un exercice de la responsabilité sociétale au service du
développement des zones d’extraction. Dans le schéma des responsabilités, une distinction
forte est établie entre la responsabilité sociétale d’un côté, la philanthropie et la responsabilité
extraordinaire de l’autre!: l’objectif est de souligner, dans la ligne de la définition par l’Union
européenne en 2011 de la Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) que l’entreprise est
«!responsable vis-à-vis des effets qu’elle exerce sur la société!». L’analyse est centrée sur le
cœur de métier, d’une triple manière. De façon négative, le principe ‘ne pas nuire’ exprimé
comme principe du double effet doit prévaloir!: il consiste à cartographier les dommages
directs et indirects, intentionnels et non intentionnels, à s’interroger sur le rapport de
proportionnalité entre les bienfaits attendus et les nuisances prévisibles et à tout mettre en
œuvre pour éviter ces dommages ou pour les minimiser et les réparer. De façon positive, on
pourrait dire qu’il s’agit de maximiser les impacts favorables, notamment de mettre l’accent
sur la contribution au lien social par la qualité des relations entretenues dans la filiale et avec
ses sous-traitants et autres parties prenantes. Il s’agit du versant positif du soin à accorder au
lien social et écologique. En dernier ressort, se pose la question de la contribution effective au
développement socio-économique local, via le cœur de métier et/ou des engagements
spécifiques de l’entreprise liés à ses compétences propres. Ce qui est en jeu n’est pas une
implication marginale via des donations philanthropiques mais plutôt une contribution ciblée
de l’entreprise au maillage de l’activité économique sur le territoire où elle est implantée.
Les scénarios sont étudiés!en fonction de différents paramètres!: la motivation initiale et les
critères initiaux de choix des engagements, les modalités d’interaction avec les parties
prenantes directes, les critères de suivi et d’évaluation, les effets/impacts, les risques afférents.
organisations de la société civile. On peut mentionner les Prix Pinocchio attribués chaque
année par l’ONG internationale Les amis de la Terre au sujet du décalage entre la
communication des entreprises sur leurs actions et la réalité de leurs pratiques.
Le risque de réputation peut être accru en raison de la manière dont raisonnent les groupes
quand ils sont soucieux d’être plus performants que leurs compétiteurs au sein d’un même
secteur d’activité. Cette approche ‘best in class’ est utilisée par les investisseurs, notamment,
pour sélectionner dans leurs portefeuilles d’actifs les entreprises plus vertueuses que d’autres
dans un domaine. Mais cette approche peut occulter une réflexion sur les problèmes
structurels de long terme posés par un secteur et les externalités négatives qu’il génère!: les
ONG et autres organisations de la société civile ont davantage les yeux braqués sur les
nuisances objectives liés aux activités extractives que sur les comparaisons entre acteurs.
Aujourd’hui ce risque peut devenir un risque judiciaire dans la mesure où les entreprises ne
respecteraient pas les engagements pris dans le cadre de l’adhésion au Global Compact, de la
reconnaissance de la validité des principes directeurs de l’OCDE ou des principes Ruggie.
Certaines réglementations concernant la transparence financière ont déjà des effets (la loi
Dodd Frank aux Etats-Unis pour les industries extractives et la directive de l’UE sur la
transparence des industries extractives9) et possiblement, dans un avenir proche, la non
application par les entreprises françaises ou opérant en France de la loi sur le devoir de
vigilance vis-à-vis des filiales et principaux sous-traitants à l’international.10 Ainsi, une plainte a
été déposée devant le point de contact national (PCN) français de l’OCDE en 2011 par
différentes organisations (dont l’ONG Sherpa) contre le groupe Bolloré en raison de violation
des principes directeurs de l’OCDE (chapitres II, III, IV et V) de la part de Socapalm, entreprise
camerounaise de production d’huile de palme, dans laquelle le groupe Bolloré a une
participation minoritaire!: un processus de médiation entre l’entreprise Bolloré et Sherpa a
conduit l’entreprise à élaborer un plan d’action.
La stratégie ‘du coq’ pratiquée par les entreprises concerne au premier chef les engagements
sociaux vis-à-vis des salariés!: elle est directement liée à la question de la contribution au
développement local puisque les employés sont, au moins pour une partie d’entre eux — au
titre du local content -, des habitants des zones extractives.11 Par ailleurs, l’évolution de la soft
law déjà mentionnée implique un devoir de vigilance à l’égard des conditions des salariés des
sous-traitants, qui sont dans une large proportion des membres des populations riveraines.
Les pratiques clientélistes et de corruption sont dès lors quasi inévitables, dans la mesure où
des relations privilégiées, se déployant dans une multitude de domaines, existent entre les
entreprises et les groupes proches de leurs sites de production. La situation s’est dégradée au
fil des ans du fait de la constitution de groupes qui se sont autoproclamés les représentants
légitimes des communautés et des instances villageoises dans les interactions avec les
entreprises. Dans certains cas, la situation est envenimée par le fait que les pétroliers ont été
obligés d’embaucher des membres des communautés sans que ceux-ci possèdent de
compétences techniques, ce qui a conduit à les faire travailler dans les directions les moins
techniques, telle celle qui gère les relations avec les communautés locales!: d’où des pressions
accrues et de nombreux conflits d’intérêt. Dans la filiale d’une compagnie pétrolière visitée il y
a quelques années, les personnes interrogées soulignaient combien ces pratiques s’étaient
d’autant plus installées que très peu de procédures d’audit interne rigoureuses avaient été
mises en place par l’entreprise.
Une racine des problèmes est liée au basculement des années 1990, qui a conduit les
entreprises à commencer à engager des dépenses importantes au niveau local (ce qui a
entrainé la déduction fiscale de ces financements par l’Etat fédéral)!: après l’indépendance,
eut lieu la phase de nigérianisation des entreprises, contrôlées, pour les majors, à 60% par la
compagnie nationale pétrolière nigériane. Dans le delta du Niger la guerre du Biafra fut
largement alimentée par le conflit quant à la possession des ressources pétrolières sur fond
de rivalité ancestrale entre les Ibos et les autres groupes ethniques de la région. Les
entreprises ont été confrontées dans les années 1990 à une contestation par les populations
locales de leur non accès aux retombées locales de la manne pétrolière. La révolte non
violente des Ogoni et la crise provoquée par la pendaison de Ken Saro Wiwa et autres
activistes du MOSOP, sous le régime du général Abacha, a conduit à une recrudescence de
revendications, de plus en plus violentes, de la part de groupes soucieux d’obtenir une part
du gâteau. Les entreprises préoccupées avant tout par le maintien de la production ont
répondu de façon défensive et au coup par coup aux demandes émanant de groupes
disposant d’un pouvoir de nuisances. Il en résulte une asymétrie dans la prise en compte par
l’entreprise de ses parties prenantes, les groupes non violents ou vulnérables n’étant de facto
pas inclus dans ces processus.
contribuer à une amélioration des ressources vivrières, de la qualité de vie des familles et
éventuellement à des activités agro-alimentaires destinées au commerce et à l’exportation.
Chaque entreprise choisit comment elle mène sa stratégie sociétale!: par exemple, dans le
delta du Niger, en plus des 3% du budget qui doivent être versés par chaque compagnie
pétrolière annuellement à la Niger Delta Development Commission, chaque compagnie
décide sa façon de procéder avec les villages présents dans son périmètre d’activité/
d’influence. Total a choisi de négocier avec le clan entier du territoire sur lequel elle a son site
de production onshore, en signant deux memoranda, un avec les core communities (où se
trouvent les oil and gaz families), et l’autre avec les autres villages du clan.12 En revanche,
Agip, présent sur le même local government mais en lien avec des villages issus de deux
clans différents, négocie de façon séparée avec chacun des villages dits host (hébergeant
des installations pétrolières ou puits). On assiste donc à des différences de traitement des
villages en fonction de l’entreprise avec laquelle ils ont des relations, ce qui ne contribue pas
à harmoniser les modalités d’action sociétale — les entreprises, pourtant toutes des joint
ventures détenues à 60% par l’Etat nigérian, ne s’étant pas mises d’accord. Ceci a
évidemment des effets sur le niveau de développement socio-économique des différentes
zones du delta du Niger!: dans le cas évoqué ici, entre villages core, non core, host et non
host, et villages appartenant à des clans non touchés directement par l’activité pétrolière, le
niveau d’accès à des services de base (comme l’eau et l’électricité) peut énormément varier
d’un village à l’autre.
Le flou quant au périmètre légitime d’activité sociétale alimente, d’un côté, ces pratiques
népotistes et assistancialistes et, de l’autre, peut détourner l’attention de l’évaluation précise
du cœur de métier de l’entreprise et de ses conséquences à court et plus long terme, et des
politiques menées par les entreprises pour les réparer. Ainsi les doléances des populations
concernant les effets du torchage sur la qualité de l’air et du sol, sur la santé et l’agriculture, ne
sont pas suivies d’études scientifiques précises sur ces externalités négatives.
La base à la fois ethnique et territoriale des revendications aboutit à des situations ubuesques
et dommageables!: ainsi, au nom d’un accord entre compagnie pétrolière et ‘oil and gaz
families’ au sujet d’un site de production de l’entreprise, il a été convenu qu’y interviennent de
façon prioritaire, pour des réparations ou des opérations de maintenance de petites
installations sur ce site, des personnes venant des familles qui ont vendu une partie de leur
terrain il y a cinquante ans!: du coup, les travaux sont mal faits puisque les personnes n’ont
Il en résulte des efforts, parfois coordonnés entre différents types d’acteurs, afin de créer des
laboratoires permettant de tester de nouveaux modèles, d’en mesurer l’impact et d’en tester la
possible réplication à une plus large échelle. Parmi les initiatives récentes, on peut mentionner
celles des fonds constitués par Danone, Danone Communities ou Ecosystèmes!: en 2009, le
fonds Ecosystèmes a été doté de 100 millions d’euros pour une durée de cinq ans, pour
favoriser le montage de projets de social business concernant l’écosystème humain du groupe
dans différents secteurs d’activité, comme le recyclage.
Dans le domaine extractif, certains projets ont vu le jour dans le delta du Niger,16 en particulier
dans les zones côtières des projets destinés à éviter les effets pervers d’un engagement direct
des pétroliers!: des Fondations locales de développement ont été constituées à partir de
méthodologies d’évaluation participative des besoins,17 par une ONG elle-même financée par
différents bailleurs (dont des compagnies pétrolières) et ayant pour but de se retirer au bout
de quelques années, une fois la fondation locale ayant acquis son autonomie. Ces fondations
locales étaient conçues pour pallier les déficiences de pouvoirs publics tout en incluant
systématiquement un représentant du gouvernement local dans ses instances de
gouvernance, de façon à établir des liens!; les instances étaient paritaires, comprenant autant
de femmes que d’hommes, ainsi que des représentants des différents groupes du village
(chefs traditionnels, jeunes, etc.). Il était entendu que les populations devaient participer aux
choix concernant l’affectation des ressources financières et à la mise en œuvre de certains
d’entre eux, notamment dans le domaine des BTP.18
Le problème principal est lié à l’échéancier et à l’échelle des projets menés!: dans les cas
évoqués, la plupart des projets initiaux ont été stoppés alors qu’ils semblaient constituer une
initiative prometteuse, évitant des circuits clientélistes et de corruption, impliquant une bonne
partie des populations des villages concernés. Les raisons de l’arrêt sont plurielles, mais elles
sont largement liées à la non-prise en compte du temps long par les initiateurs et par une
absence de réflexion stratégique sur l’inscription des projets dans des institutions locales
transformées!: dans certains cas, l’intégrité de certains dirigeants était mise en cause. Dans
d’autres cas, notamment pour celui qui semblait le mieux parti, c’est bien l’absence de suivi
stratégique associé à une conjoncture défavorable qui a entrainé la détérioration du projet!:
aucun plan de sortie n’a été effectué par l’ONG ni par les bailleurs, laissant du jour au
lendemain la Fondation en demeure de trouver des financements tiers et de concevoir des
qui ont été bénéficiaires des manières de faire antérieures — ceux qu’on appelle au Nigeria les
‘benefit captors’. Si des risques existent à court terme du point de vue de la sécurité pour
l’entreprise, à moyen terme les risques socio-économiques, de réputation, sécuritaires et
judiciaires sont fortement limités par le recentrage sur la vigilance à l’égard des impacts et la
contribution au lien social.
CONCLUSION
Les actions sociétales des entreprises s’inspirent plus souvent des modèles du coq, du
papillon ou de l’écureuil décrits dans ces pages que de celui de la fourmi. Revenir à la racine
des décisions, à certaines étapes inaugurales d’un projet ou d’une implantation dans un
territoire est important pour tenter d’éviter l’entrainement dans des dynamiques
contreproductives, voire insoutenables dans la durée aussi bien pour les acteurs économiques
que pour les populations riveraines des sites de production.
Parmi les critères qui semblent clé en vue d’une contribution durable à des dynamiques
positives pour le développement local, apparaissent particulièrement décisifs!: la
compréhension de la responsabilité sociétale comme définitivement liée au cœur de métier et
à ses effets et non aux attentes des populations riveraines!; le souci prioritaire de la qualité des
relations, de la confiance entretenue vis-à-vis de toutes les parties prenantes qui devrait
susciter une lutte contre les inégalités mortifères!; l’accompagnement au long cours des
projets, cherchant une responsabilisation et une implication de l’ensemble des populations
concernées.
Certains de ces critères trouvent une expression plus ou moins précise dans les
réglementations!nationales et régulations internationales. Par exemple, la loi indienne de 2013
sur les entreprises comporte un volet relatif à la Responsabilité sociale de l’entreprise qui
oblige les firmes à attribuer 2% de leur profit net à des dépenses sociétales non liées à
Table des Matières
NOTES
1. H. Lado et C. Renouard, «!Y a-t-il une malédiction des matières premières!?!», in*L’entreprise multinationale dans
tous ses Etats, Archives de Philosophie du droit, Tome 56, Dalloz, 2013, p. 249.
2. D. Hurstel, Proposition 2, in G. Giraud et C. Renouard (dir.), 20 Propositions pour réformer le capitalisme,
Champs, 2012.
3. C. Renouard, «!La responsabilité éthique et politique des multinationales!», Revue des sciences religieuses
2014-3, p. 315!; «!Pétrole et lien social. Pour une responsabilité politique de l’entreprise!», Revue française de
socio-économie, à paraitre, 2015.
4. G. Lhuilier, Minerais de guerre. Une nouvelle théorie de la mondialisation du droit, FMSH-WP-2013-36, juillet
2013.
5. M. Nussbaum, Femmes et développement humain, 2000, Ed Antoinette Fouque 2008!; Frontiers of justice,
Harvard University Press, 2006.
6. C. Renouard, «!CSR, Utilitarianism and the Capabilities Approach!», Journal of Business Ethics, 2011, vol. 98 (1),
p. 85.
7. C. Renouard, Ethique et entreprise, Editions de l’Atelier, 2015, p. 161.
8. C. Renouard, La Responsabilité éthique des multinationales, PUF, 2007.
9. http.://www.euractiv.fr/sections/aide-au-developpement/la-france-renforce-la-transparence-des-indus-
tries-extractives-308561, consulté le 23 mars 2015.
10. http.://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion2578.pdf La loi a été adoptée en première
lecture à l’Assemblée nationale le 30 mars 2015.
11. Au Nigeria, la loi sur le local content de 2010 prend les dispositions suivantes (Nigeria Oil and Gaz Industry
Content Development Act)!:
On doit donner une considération prioritaire (“First consideration”) aux biens et services nigérians, pour tout
contrat. Il faut donner priorité, dans un appel d’offre au contracteur nigérian, même s’il propose un prix qui
n’est pas le plus bas, à condition que ce prix n’excède pas 10% de plus que l’offre la plus avantageuse.
37 - Tous les opérateurs doivent embaucher uniquement des nigérians pour les postes moins qualifiés (junior
and intermediate staff).
41 - Au moins 50% des équipements utilisés par les multinationales doivent provenir de fournisseurs nigérians.
43 — Tout opérateur étranger doit mettre en place un programme de transfert de technologie.
57 — Les pouvoirs publics doivent établir un Nigerian Content Monitoring Establishment Board, qui va créer
un forum consultatif (NCCF!: Nigerian Consultary Content Forum) comprenant diverses parties prenantes, de
Table des Matières
différents secteurs, au sujet des ressources locales, des projets à venir dans l’industrie pétrolière.
60 — Dans les deux premiers mois de chaque année, chaque opérateur doit fournir aux pouvoirs publics un
rapport de performance en termes de local content.
71 — Le Board (Nigerian Content Monitoring Establishment Board) sera doté d’un organe exécutif (Governing
council) dont le président sera le ministre des ressources pétrolières.
107 - Un fonds destiné à développer le local content va être créé et géré par le Nigerian Content Development
Board*: 1% de chaque contrat doit être prélevé à la source et alloué à ce fonds.
12. Les budgets sont accordés selon une clé de répartition (sharing formula) convenue dès les premiers MoU qui
accorde une part prépondérante aux oil & gaz families!: 77% aux propriétaires terriens — ce montant étant en-
suite réparti entre les landlords (47%), les villages concernés par les expropriations (10%) et les oil & gaz families
(20%) -, le reste du clan Egi recevant les 23% restants.
13. C. Renouard, «!Multinationales et développement local!: du mythe du gagnant-gagnant à l’irresponsabilité
politique. Le cas de compagnies pétrolières au Nigeria!», Studia Phaenomenologica. Romanian Journal for
Phenomenology, à paraitre, Bucarest, 2015.
14. G. Giraud, H. Lhuillier, C. Renouard, «!Refining capabilities!: oil companies’ training programs in the Niger Del-
ta!», article soumis.
15. C. Renouard et H. Lado, «!CSR and Inequality in the Niger Delta!», Corporate Governance, Vol.12, p. 472.
16. K. Maier, This house has fallen. Nigeria in crisis, London, Penguin Books, 2000.
17. Participatory Rural Appraisals, selon la méthodologie proposée notamment par R. Chambers.
18. La comparaison entre les prix de construction de bâtiments est instructive!: dans la zone côtière, la rénovation
d’une école de 6 classes en 2005 coûte moins d’un million de Nairas quand les habitants contribuent en nature
au projet, contre 9 millions dans la même région et 15 millions dans la zone de production onshore, dans le
cadre d’un contrat avec une entreprise locale de BTP. Source!: Total.
19. Pour une approche critique de ces méthodologies, voir par exemple!: http.://www.diplomatie.gouv.fr/fr/
politique-etrangere-de-la-france/aide-au-developpement-et/assises-du-developpement-et-de-la/les-cinq-
grands-chantiers/comment-assurer-une-aide/contributions-21811/article/promouvoir-un-usage-raisonne-de-l
consulté le 27 mars 2015.
20. C. Renouard, «!L’intérêt économique aux prises avec la visée éthique!: le cas de Rio Tinto Alcan au Ghana!»,
Mondes en Développement, n°144, vol 36, 2008, p. 63.
Chaptire 8
Les nouvelles revendications foncières
et l’activité extractive%
Le cas de l’Arctique
Robinson Tchapmegni*
En Afrique subsaharienne comme en Amérique du Nord, le droit foncier est traversé par une
tension entre les conceptions coutumières et modernes de la propriété foncière. Dans le droit
écrit moderne d’inspiration occidentale la propriété est individuelle, alors que dans les l’univers
culturel traditionnel autochtone, la propriété de la terre est avant tout collective. C’est la
propriété des ancêtres, les vivants n’en sont que les héritiers et possesseurs patentés. Il y a là
une opposition entre l’individu dans la pensée moderne occidentale, titulaire exclusif de tous
les droits fonciers, et la collectivité coutumière dans la pensée autochtone, berceau des droits
individuels et collectifs. La région arctique n’échappe pas à ces tensions foncières entre les
États et les collectivités autochtones au sujet de la propriété des terres, d’autant plus que les
terres occupées par les populations autochtones qui y résident permanemment sont riches en
ressources minières et énergétiques, très demandées par les économies des États côtiers, ainsi
que pour les besoins de l’économie mondiale.
L’océan arctique connait aussi des tensions interétatiques territoriales, et des tensions
Table des Matières
internationalisées quant au statut des eaux arctiques, dont le régime est important pour la
détermination du régime juridique applicable à la navigation maritime et commerciale dans
ces eaux. Les questions sont les suivantes!: les passages du Nord-Ouest sont-elles des eaux
intérieures canadiennes ou des détroits internationaux!? Le Canada a-t-il le droit de contrôler
l’accès et la navigation sur les passages arctiques du Nord-ouest!?
Les avis sont partagés. Pour les USA et l’UE, les passages du Nord-Ouest sont des détroits
internationaux qui relient deux ou plusieurs étendues de haute mer. Pour Washington, le statut
juridique international de ce détroit lui confère en tout temps une liberté sans restriction de
navigation sur ces routes maritimes. Le Canada se fonde sur la Convention des Nations-Unies
sur le droit de la mer de 1982 pour invoquer sa souveraineté sur ces passages, ce qui lui
donnerait le droit de contrôler l’accès aux eaux arctiques.
Par ailleurs, l’Art.2 de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer du 10 décembre
1982 reconnait la souveraineté de l’État côtier au-delà de sa mer territoriale, ainsi que sur les
fonds marins. L’essentiel des gisements gaziers et pétroliers en Arctique se trouveraient dans
le sous-sol des mers territoriales arctiques, propriétés des États côtiers au regard de la
Convention de Monte Gobay. Cependant, plusieurs contentieux territoriaux opposent les États
côtiers arctiques quant à l’étendue de leurs plateaux continentaux.
L’approche plurielle de la propriété foncière va ainsi influencer les droits nationaux et le droit
international, qui vont consacrer tour à tour ces deux visions différentes de la propriété
foncière. Ainsi, par exemple, l’Article 544 du Code civil énonce que «!la propriété est le droit
de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un
usage prohibé par les lois ou par les règlements!». Ce texte accorde les pouvoirs exclusifs au
propriétaire, libre à lui d’utiliser sa chose comme il l’entend, à condition de ne pas violer
l’ordre public protégé par les lois et règlements. La propriété civiliste reconnaît à son titulaire
le droit de disposer de son bien, mobilier ou immobilier. Il est de l’essence de la propriété
d’appartenir à un seul.
Dans la conception moderne du droit de propriété, l’État se méfie des collectivités
traditionnelles et se pose comme le titulaire des droits fonciers, et le principal garant de l’accès
à la propriété foncière individuelle. Au canada par exemple, la couronne (l’État) est
propriétaire de toutes les terres, il est toutefois possible pour les particuliers d’accéder à la
propriété sur le patrimoine de la couronne. Même les réserves autochtones demeurent la
propriété de la couronne, les autochtones ne jouissent que du droit de possession sur les
terres qu’elles occupent.
En revanche, pour de nombreuses coutumes, notamment celles des peuples autochtones, qui
ont vocation à régir les rapports de l’homme à la terre, la terre appartient à la collectivité
coutumière comprise comme le lignage, la famille, la tribu etc. Cela signifie que les droits
fonciers ne sont accordés à l’individu qu’au regard de son appartenance à une structure
traditionnelle ou coutumière spécifique. La coutume confie à l’une de ses collectivités
traditionnelles, la gestion et la répartition des terres entre ses membres. L’aspect collectif va
influencer la répartition des terres en milieu traditionnel autochtone. Mais au fond, la véritable
propriété desdites terres appartient aux ancêtres, qui continuent même morts, à influencer
l’organisation sociale, les rapports entre les vivants et les morts en raison de la permanence
des ancêtres même morts, et de leurs liens éternels avec les vivants. L’idée de cette approche
complexe du monde étant d’articuler les besoins, potentiels et dynamiques à caractère
individuels, à la préoccupation ultime de cohésion et de solidarité collectives. Cette conception
de la propriété traditionnelle de la terre a trouvé écho favorable en droit international,
notamment à travers la Déclaration des Nations-Unies relative aux droits des peuples
autochtones du 13 septembre 2007 qui énonce à son Art 26!:
1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et
occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis.
2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de
contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent
ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu’ils ont acquis.
3. Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et
Table des Matières
Force est cependant de souligner que la propriété des collectivités autochtones sur leurs
terres ancestrales est également protégée par la jurisprudence internationale, notamment
dans l’affaire Mayagna Awas Tingni (Nicaragua) (2001), Inter-Am Ct HR (Sér C) N 172 , dans
laquelle la Cour interaméricaine des droits de l’homme reconnait que le contrôle des terres
ancestrales est un droit protégé par une coutume internationale, et que le Nicaragua avait
violé le droit de propriété de la communauté Mayagna Awas Tingni sur leur terre traditionnelle.
Mais dans la plupart des États, Il était reproché aux structures foncières traditionnelles
d’entretenir le phénomène tribal, qui pourrait s’avérer dangereux pour l’unité nationale, la
cohésion nationale et l’intégrité territoriale des États, et qu’il favoriserait les litiges entre les
collectivités à propos de la propriété d’immenses étendues de forêts et de terres. L’État s’est
autoproclamé propriétaire du sol et du sous-sol des terres autochtones. Cependant, rien ne lui
permettait d’ignorer la propriété coutumière autochtone et de spolier ces communautés de
leurs terres traditionnelles sans négociations, ni indemnisations préalables.
On commence néanmoins à observer une petite révolution dans la jurisprudence des certains
États arctiques comme le canada, quant à la reconnaissance de la propriété des terres
traditionnelles autochtones. Dans l’affaire Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique,1 la Cour
suprême du Canada a rendu, le 26 juin 2014, l’un des jugements les plus importants en matière
de droit autochtone dans l’histoire du pays. Ce jugement reconnaît pour la première fois en
droit canadien l’existence d’un titre ancestral. Le concept juridique avait été accepté lors
d’affaires antérieures, mais l’existence d’un titre ancestral n’avait jusqu’à présent pas été
prouvée. Ce faisant, la Cour a précisé le critère permettant d’établir l’existence du titre
ancestral ainsi que les conséquences qu’aura une telle conclusion pour les autorités fédérales,
provinciales et autochtones. La Cour a aussi fourni des indications sur les circonstances
permettant au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux de porter atteinte au
droit à un titre ancestral et sur le rôle des provinces en matière de réglementation des
territoires visés par un titre ancestral.
En dépit de cette évolution significative, la majorité des États arctiques ignorent le droit de
propriété des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales, ainsi que leur droit aux
ressources naturelles. Le statut juridique de l’Arctique demeure flou, parce que le droit
international est pris dans un dilemme, entre défense des intérêts territoriaux et économiques
des États, et défense des droits fondamentaux et intérêts des peuples autochtones. La
question fondamentale est dès lors de savoir!: qui est le véritable propriétaire des terres
arctiques et des immenses ressources minières et énergétiques qui s’y trouveraient!?
Pour tenter de résoudre le puzzle, cette réflexion se propose de revisiter tour à tour les
revendications des États arctiques (A), ainsi que celles des peuples autochtones (B).
cesse croissante d’énergie dans le monde devraient avoir un impact considérable sur
l’environnement arctique.
issus de la chasse du phoque. Il faudrait à cette fin rappeler que les organisations autochtones
arctiques sont farouchement opposées à l’attribution à l’UE du siège de participant permanent
au Conseil de l’Arctique en représailles à l’interdiction européenne, bien que les autochtones
reconnaissent l’expertise de l’UE en matière de protection de l’environnement et leur position
de locomotive internationale en matière de protection des droits fondamentaux, ceux des
peuples autochtones en l’occurrence. La résolution de ce différend commercial et
diplomatique devrait ouvrir la voie à l’UE dans le concert arctique, de manière à pouvoir
défendre ses intérêts dans la région, notamment ses intérêts énergétiques.
Certains auteurs à l’instar de Torbjorn Pedersen6 qui a consacré sa réflexion à l’analyse du rôle
du Conseil de l’Arctique, la présente comme une institution de coopération
intergouvernementale qui se préoccupe de la protection de l’environnement et du
développement durable, mais qu’il qualifie de forum affaibli par des forums
intergouvernementaux concurrents, ainsi que par la marginalisation d’important acteurs
mondiaux sur les questions de changements climatiques et de la globalisation. Selon cet
auteur, les États-Unis auraient insisté et obtenu de limiter le mandat du Conseil de l’Arctique
aux questions environnementales, alors qu’on aurait pu aller loin et inclure tous les sujets de
commun intérêts, notamment la question du développement des activités d’extraction qui
intéressent à un plus haut point les États.
Les droits territoriaux prennent ainsi une importance cruciale dans la coopération arctique,
s’agissant surtout des communautés dont la cohésion et le bien-être sont mis en péril par de
grands projets miniers et énergétiques. Les stratégies internationales apparaissent comme un
moyen pour faire face aux nouvelles problématiques auxquels les Autochtones sont confrontés!:
le développement économique et social, la protection de l’environnement, la protection du
mode de vie traditionnel autochtone, et l’épuisement des ressources naturelles etc.
Alaska comme au Canada. Les droits des Inuits au développement économique et social (A),
et aux ressources minières (B) étaient ainsi propulsés au cœur de la rhétorique du
développement de l’Arctique dans un contexte de développement des activités extractives.
Il s’agit d’un droit fondamental rattaché à l’existence politique et à l’organisation des peuples
autochtones bénéficiaires. On sait très bien que le développement, notamment économique
de l’Arctique est au cœur des enjeux liés à l’exploitation des mines et des ressources
énergétiques dans cette région. Les États riverains de l’océan arctique (USA, Russie, Norvège,
Danemark et Canada), se sont clairement positionnés quant à la gouvernance exclusive de
cette région, même si les positions pourraient évoluer au gré des alliances stratégiques entre
États. Mais il n’y a pas que les États limitrophes de l’Arctique qui sont intéressés par le
développement des activités extractives, des États non arctiques le sont aussi. C’est à juste
titre que les peuples autochtones de l’Arctique revendiquent une place dans la gouvernance
de cette région, d’autant que les ressources énergétiques convoitées sont situées sur leurs
Table des Matières
terres ancestrales. En fait, cette aspiration des peuples autochtones trouve un écho favorable
dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones du 17 septembre
2007 qui énonce à son Art. 26!:
les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et
occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis. Les peuples autochtones ont le
droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et
ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent ou qu’ils les occupent ou les
utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu’ils ont acquis. Les États accordent
reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette
reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des
peuples autochtones concernés.
Le développement économique et social des régions occupées par les peuples autochtones
passe nécessairement par le développement des activités extractives dont les dividendes
devraient servir à financer des programmes de lutte contre la pauvreté, le chômage ainsi que
la mise sur pied des programmes sociaux et de santé.
bien-être des peuples autochtones. Par la voix de leurs dirigeants politiques, les Autochtones
de l’Arctique affirment qu’ils ne s’opposent pas au développement des ressources naturelles
en Arctique, mais qu’ils essayent simplement d’avoir le contrôle sur les activités qui se
déroulent dans leur «arrière-cour!», s’agissant de l’exploration et de l’exploitation des
hydrocarbures, et des gisements miniers qui prolifèrent dans leurs territoires. Il faudrait
peut-être encore préciser que le droit international est venu voler au secours des peuples
autochtones dans leurs revendications territoriales, puisque la Convention 169 de l’OIT relative
aux droits des peuples autochtones et tribaux consacre à son Art.14 le droit de propriété et de
possession des autochtones sur les terres qu’ils occupent traditionnellement, en invitant les
États intéressés à reconnaître ces droits . Cet instrument juridique international leur reconnaît
par ailleurs le droit aux ressources naturelles se trouvant sur leurs territoires. Ce droit
comprend trois autres droits!: le droit de participer à l’utilisation, celui de participer à la gestion
et enfin le droit de participer à la conservation. Ces droits sont repris quasi in-extenso par
l’Art.26 de la Déclaration des Nations-Unies sur le droit des peuples autochtones de 2007, qui
évoque quant à elle, le droit à la terre, et celui de contrôler les ressources qui s’y trouvent. Face
à ces développements importants du droit international qui sont favorables aux peuples
autochtones, on se poserait la question de savoir comment concilier droit de propriété ou de
possession des autochtones sur leurs terres et ressources, et souveraineté des États sur les
mêmes terres!? Quoi qu’il en soit , on aurait tendance à se référer au concept de conciliation
des souverainetés proposé par Geneviève Motard,8 pour traduire la nécessité pour ces deux
entités ( les États et les peuples autochtones) de négocier et surtout, de faire des concessions
mutuelles, puisqu’au fond, le droit international en l’état actuel, semble reconnaître à l’une et à
l’autre la souveraineté sur les territoires et les ressources naturelles situées en territoires
autochtones. Un partage des ressources minières et énergétiques de type «!fifty-fifty!» ne
serait pas insensé.
Les revendications des peuples autochtones arctiques sur les activités extractives ont pour
effet de relancer dans les milieux autochtones les revendications autonomistes, l’enjeu de ces
revendications étant le contrôle, sinon la participation autochtone aux activités extractives. Les
revendications liées à la souveraineté ou à l’autodétermination, sont les plus acerbes dans le
sens où elles pourraient être porteuses de germes de sécession. Ces revendications ne sont
pas du goût des États, qui sont préoccupés par le respect de leur intégrité territoriale
préservée par l’Art.2 de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, qui leur garantit respect
CONCLUSION
En tout état de cause, nous sommes partis du postulat selon lequel le développement des
activités extractives est au cœur de toutes les dynamiques de développement politique et
institutionnel en Arctique. La recherche a effectivement révélé que l’exploitation des
Table des Matières
gisements miniers, gaziers et pétroliers est un enjeu majeur des relations internationales en
Arctique en même temps qu’une source de tension et un moteur de coopération
internationale dans cette région économiquement stratégique.
La Russie qui est un géant énergétique compte sur l’exploitation des gisements pétroliers
et gaziers de son Grand Nord pour conforter sa position de principale pourvoyeuse
d’énergie en Europe. Les États-Unis quant à eux ont un intérêt accru pour le contrôle et
l’exploitation des gisements énergétiques en Arctique pour assurer leur sécurité
énergétique et réduire leur dépendance à l’égard du Moyen-Orient, une véritable poudrière.
La chine, premier pays énergivore mondial, lorgne également du côté arctique pour
satisfaire la demande de ses industries. Il est très clair à ce stade d’analyse que le
développement des activités extractives en Arctique est un enjeu géopolitique crucial pour
les plus grandes économies de la planète et qu’à ce titre, les États arctiques sont enclins à
défendre leurs souverainetés territoriales en Arctique.
Cependant, c’est autour de deux enjeux communs à savoir le développement durable et la
protection de l’environnement arctique, que les États, arctiques et non arctiques, se sont
tournés vers la diplomatie pour résoudre pacifiquement leurs différends énergétiques et
territoriaux. Les peuples autochtones appellent de tous leurs vœux le développement des
activités extractives, mais souhaitent également partager les retombés économiques et
financières de ce développement industriel qui devrait s’opérer dans le respect de leur mode
de vie et la préservation de leur environnement. Force est de rappeler qu’historiquement au
canada comme aux États-Unis, le développement des activités extractives s’est toujours
accompagné d’un regain de vitalité des revendications politiques autochtones qui gravitent
principalement autour du développement économique et social, du droit à
l’autodétermination, du droit à un environnement sain, «and last but not least!», du droit aux
ressources arctiques, minières et énergétiques.
En dernière analyse, il convient de rappeler que les revendications autochtones ont un solide
fondement en droit international et qu’à ce titre, les États arctiques sont invités à mettre
pleinement en œuvre la Déclaration des Nations-Unies du 13 septembre 2007 sur les droits
des peuples autochtones, qui constitue la réponse de la communauté internationale face aux
aspirations politiques, économiques, culturelles et sociales formulées depuis plusieurs
décennies par les peuples autochtones à travers le monde.
NOTES
1. Cour suprême du Canada, 26 juin 2014, 2014 CSC 44.
2. F. Lasserre, «!Mines et pétrole. Vers une rapide expansion de l’exploitation des ressources naturelles du sous-sol
dans l’Arctique!?!», in F. Lasserre (dir), Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation, PUQ,
2010, p. 374.
3. S. Roussel et F. Perrault, «!Le retour du Canada dans l’Arctique ou le parfait alignement des logiques
stratégiques, politiques et idéologiques!», in Miriam Fahmy (dir), L’État du Québec 2009, Institut du monde
nouveau, 2009, p. 574.
4. S. Roussel, «!Continentalisme et nouveau discours sécuritaire!: le Grand Nord assiégé!», in Frédéric Lasserre
(dir), Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation, PUQ, 2010, p.163.
5. J. Le Roy, «!L’activisme militaire russe dans l’Arctique. Nouvelle guerre froide ou volonté d’exister!?!», in Frédéric
Lasserre (dir), Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation, PUQ, 2010, p.103.
6. Torbjorn Pedersen, «!Debates over the role of the Arctic Council!», Ocean Development & International Law,
43!:2, 2012, p. 146.
7. J. Shadian, «!Remaking arctic governance!: the construction of an arctic Inuit polity,!» Polar Record 42, 2006,
pp.249- 259.
8. G. Motard, Le principe de personnalité des lois comme voie d’émancipation des peuples autochtones*? Analyse
critique des ententes d’autonomie gouvernementale au Canada, Université Laval, thèse de doctorat en droit,
2014.
9. J. Anaya, International Human Rights and Indigenous Peoples, Aspen Publishers, 2009.
10. M. Kamto, Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes entre fétichisme idéologique et glissements juridiques,
Bruylant, 2010.
Table des Matières
Chapitre 9
Société civile et bailleurs de fonds internationaux%
Un même combat socio-environnemental!?
Valère Ndior*
La mise en œuvre d’activités extractives d’envergure sur un territoire donné peut occasionner
des effets négatifs significatifs, incluant des atteintes au droit de propriété, aux droits sociaux
ou environnementaux des communautés. Parmi les motifs récurrents de revendication de la
société civile figurent le déplacement de populations, l’insuffisance ou l’absence d’indemnisa-
tion, le défaut de consultation des personnes susceptibles d’être affectées ou le défaut d’accès
à information quant à l’évaluation sociale et environnementale des projets en cours d’élabora-
tion. Ces faiblesses dans la mise en œuvre des projets financés résultent souvent d’un suivi
insuffisant du déroulement des cycles de projets par les directions des institutions financières
internationales. Ces institutions et leurs organes sont notamment accusés de développer une
«!culture d’approbation!» des projets, en d’autres termes de s’inscrire dans une approche
systémique consistant à encourager le personnel à accorder un financement sans s’assurer du
respect par les emprunteurs de leurs engagements.1 Les standards sociaux et environnemen-
taux gouvernant les opérations de financement, et liant la Banque à l’Emprunteur, sont
particulièrement touchés, ce qui nuit à l’exécution efficiente2 du projet financé.
Point d’orgue de cette série de défaillances, la Banque mondiale a récemment été contrainte
Table des Matières
d’admettre qu’elle avait commis des erreurs et manqué de se conformer à ses propres
standards en matière de réinstallation des populations affectées par le financement de projets
infrastructurels. En effet, son rapport du 4 mars 2015, «!Involuntary Resettlement Portfolio
Review*» fait état des préoccupations relayées de longue date par les organisations de la
société civile militant en faveur des droits de l’homme.3 Sont notamment mises en relief des
faiblesses «!systémiques!» dans le suivi des projets financés, face aux situations dramatiques
des populations qui sont dépossédées de leurs foyers ou contraintes de quitter leur emploi,
suite à la mise en œuvre des projets financés. Le Président du Groupe de la Banque mondiale,
Jim Yong Kim, a souligné à cet égard que
[p]remièrement, [la Banque n’a] pas assez supervisé les projets entraînant une réinstallation.
Deuxièmement, [la Banque n’a] pas suffisamment bien mis en œuvre ces plans. Troisièmement,
[la Banque n’a] pas instauré de systèmes de suivi solides afin de [s’] assurer que [ses]
politiques étaient bien respectées..4
Si, suite à ce constat, la Banque mondiale a entrepris d’initier en 2015 un plan d’action destiné à
améliorer les modalités de suivi de la réinstallation des populations affectées,5 les failles dans
son activité de financement n’en ont pas moins été caractérisées de longue date par les
organisations de la société civile (OSC). Commentant un projet antérieur de révision des
politiques opérationnelles, révélé en juillet 2014,6 ces organisations ont clairement manifesté
leurs réserves, considérant que la révision proposée aurait pour effet de réduire les obligations
de vigilance des emprunteurs dans l’évaluation des projets financés. En d’autres termes, cette
révision des procédures aboutirait à un recul du degré de responsabilisation des emprunteurs,
donc, par ricochet, de celui de l’institution financière.7 Dans cette optique, ce n’est pas, à
proprement parler, l’activité de financement de la Banque mondiale ou d’autres institutions
financières qui est condamnée par la société civile, mais plutôt les modalités selon lesquelles
ces institutions assurent le suivi du projet, de sa préparation, de son évaluation, ou de sa mise
en œuvre!: celles-ci font l’objet des critiques acerbes des communautés affectées et de leurs
représentants.8
* Chargé d’études à l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES – Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne), docteur en droit public de l’Université de Cergy-Pontoise, valerendior@hotmail.com. Certains dé-
veloppements de cette contribution reprennent, de manière synthétique et actualisée, l’étude menée dans notre thèse
de doctorat, La participation d’entités privées aux activités des institutions économiques internationales, thèse Univ. de
Cergy-Pontoise (dir. M. Cosnard), 2013, 440 p.
Les institutions financières internationales avaient pourtant entrepris, depuis le milieu des
années 1990, d’impliquer davantage les populations affectées et les organisations de la société
civile dans les différentes étapes des cycles de projets. Cette implication est notamment
favorisée par le développement de mécanismes d’inspection au sein des institutions
financières internationales. La mission de ces mécanismes est de traiter les demandes des
populations affectées par des projets lorsque ceux-ci leur causent ou risquent de leur causer
un dommage, à condition que ledit dommage résulte d’actions ou omissions de l’institution
financière, considérées comme non conformes à ses propres standards opérationnels. C’est la
défaillance du personnel de la Banque qui est ici recherchée, indépendamment d’une
éventuelle responsabilité de l’Emprunteur à l’égard des communautés (recherchée au niveau
des juridictions locales). En effet, si l’Emprunteur a l’obligation de se conformer aux standards
opérationnels figurant dans l’accord de financement qui le lie à la Banque, c’est à cette
dernière qu’il appartient de s’assurer que le projet se réalise conformément à ces standards, au
stade de sa conception, de son évaluation et de son exécution. Ces mécanismes d’inspection
doivent donc vérifier que l’institution financière a procédé à une mise en œuvre adéquate de
ses standards opérationnels et qu’elle a effectué son «!soutien institutionnel!» avec diligence,
en d’autres termes qu’elle a convenablement supervisé la mise en œuvre par l’Emprunteur de
ses obligations propres.9 L’objectif est donc de souligner les défaillances de l’institution
internationale. Selon les standards!opérationnels pertinents, la procédure tendra à déterminer
soit que le personnel de l’institution financière s’est conformé ou non à un standard qui lui
était spécifiquement destiné,!soit que ce même personnel n’a pas convenablement supervisé
le comportement de l’emprunteur et la bonne exécution de ses obligations, à plus forte raison
lorsque l’accord de financement contient une référence expresse aux standards impliqués.
Outre la légitimité qu’elle est censée conférer aux activités des institutions financières, cette
configuration institutionnelle est supposée favoriser la prise en compte de deux catégories
d’intérêts!: celui de l’Emprunteur et de son bailleur de fonds d’une part, celui des populations
Table des Matières
affectées et de leurs représentants d’autre part. En effet, la mise en œuvre de ces mécanismes
offre a priori une forme de «!résolution!» pragmatique du différend, destinée à identifier une
solution susceptible de satisfaire toutes les parties prenantes et à éviter la continuation ou la
réitération d’atteintes sociales ou environnementales. En somme, la mission des mécanismes
d’inspection est de favoriser la mise en conformité du projet avec les standards opérationnels
propres au financement de projets. Or, dans ce cadre, c’est souvent, l’action des organisations
de la société civile qui contribue à développer l’activité de ces mécanismes, les populations
étant rarement en mesure de maîtriser elles-mêmes les standards sociaux ou
environnementaux pertinents.
Cet appui indirect peut, en partie à tort, donner l’image d’une forme de convergence
constructive entre l’institution financière et les organisations de la société civile, convergence
qui consacrerait un rapprochement de leurs préoccupations sociétales respectives (I).
Toutefois, en réalité, les règles de procédure qui gouvernent le fonctionnement des
mécanismes d’inspection donnent lieu à un agencement bien plus conflictuel d’intérêts. Les
facteurs qui restreignent le champ d’application des standards opérationnels, de même que
les conditions de recevabilité qui font obstacle au dépôt ou au traitement des requêtes des
communautés, montrent l’hermétisme qui caractérise encore les institutions financières face à
la revendication affichée par la société civile de faire entrer dans leur ordre juridique des
considérations sociales ou environnementales (II).
de l’institution financière, notamment du fait qu’elles disposent d’un contact privilégié avec les
populations. Jonathan Murphy souligne d’ailleurs qu’à défaut de disposer de compétences
techniques avérées, les OSC peuvent assumer une fonction d’intermédiaires entre l’institution
financière et les communautés locales. Il affirme au sujet de la Banque mondiale que!:
The organisation has a policy note on engagement with civil society, encouraging staff to
engage with civil society, and identifying information sharing, policy dialogue and operational
collaboration as the three broad areas for contact [‥]. The document cautions, however, that
many NGOs have “limited expertise in macro or specific economic issues”, and its suggestions
for NGO involvement in economic policy making are aimed at securing a veneer of
participatory legitimacy.: “During the preparation of the Zimbabwe country economic
memorandum, a participating NGO helped to organize field visits and ensured that the mission
had direct contact with the rural poor”.17
Dans un premier cas de figure, ce type d’appui opérationnel ne nécessite pas de partenariat
formel entre l’institution et les OSC. C’est même, le plus souvent, à l’initiative de ces dernières
qu’un soutien opérationnel, caractérisé essentiellement par une mise en contact entre
communautés locales et bailleur de fonds qu’est proposé et éventuellement accepté par ce
dernier. La pratique des mécanismes indépendants d’inspection en atteste aussi bien dans le
cadre des inspections, où toutes les informations fournies par les OSC sont généralement
étudiées,18 que dans celui du suivi des rapports d’inspection par les organes directeurs de la
Banque, où les nombreuses sollicitations des OSC exigent plus de vigilance et de célérité dans
la mise en œuvre des recommandations des panels.19 Dans ce cadre, les OSC peuvent, soit du
fait de leur expérience, soit grâce à leur expertise, contribuer à l’efficacité de l’activité du
financement menée par une Banque de développement. Cette efficacité octroie à cette
dernière une légitimité utile dans l’accomplissement de son mandat.
Dans un second cas de figure, cette collaboration va plus loin en faisant l’objet d’une
formalisation juridique. La Banque interaméricaine de développement a par exemple
développé une stratégie de mise en réseau grâce aux ConSOCs (Civil Society Consulting
Groups) qui lui permettent de déléguer une partie du travail de récolte d’informations à des
OSC partenaires, établies sur le territoire de chaque État dans lequel elle finance des projets.
Les ConSOCs sont des plateformes d’échange composées de membres de la société civile.20
L’institution financière leur octroie, sur la base du volontariat, une mission en trois volets!:
1) créer des opportunités de dialogue et de consultation entre les populations et les autres OSC
sur un territoire donné sans se substituer pour autant au Mécanisme d’inspection de la
Banque!;
2) favoriser les consultations entre la Banque et les parties prenantes, de façon ascendante et
descendante, notamment en facilitant la circulation des documents entre chaque partie!;
3) suggérer à la Banque des OSC avec lesquelles entamer un dialogue sur des projets
spécifiques.21
On peut tout à fait imaginer l’intérêt que peut susciter ce type de procédés dans la
rationalisation du processus de consultation des communautés qui pourraient être affectées
par la mise en œuvre d’un projet d’infrastructure. Il faut néanmoins préciser que ce mécanisme
ne donne pas lieu à l’octroi d’un statut consultatif au sein des organes de la Banque. Les
ConSOCs font simplement office de relais, grâce auxquels la Banque peut de manière plus
efficace prendre connaissance des revendications des communautés locales.22 Ils sont avant
tout invités à faciliter l’organisation des consultations qui sont initiées par la Banque. Des
partenariats du même ordre peuvent être identifiés dans d’autres institutions financières, de
manière notable dans la Banque mondiale, dont l’équipe française chargée des relations avec
la société civile européenne a conclu en juin 2007, un Mémorandum avec la Coordination SUD,
coalition d’ONG françaises opérant dans le domaine de l’aide au développement.23 Aux termes
de ce Mémorandum, ce partenariat a pour but de «!développer des actions permettant
d’informer les services de la Banque mondiale et les ONG françaises de leurs actions
respectives et des perspectives de collaborations et à les inciter à se rapprocher pour
construire ou renforcer des activités répondant à leurs objectifs communs!».
Outre ces actions de diffusion et de mise en contact sur le terrain, il convient de souligner le
rôle essentiel que jouent les organisations de la société civile dans le déclenchement des
procédures de contrôle et de suivi menées par les mécanismes indépendants d’inspection,
Table des Matières
La complexité des procédures menées devant les panels explique le rôle que peuvent jouer les
OSC dans la réalisation des différentes étapes du processus d’inspection. En effet, dans la
mesure où les communautés de requérants ne bénéficient pas de l’appui de conseils, faute
d’agir devant une juridiction, l’appréhension des éléments constitutifs de l’affectation peut être
laborieuse. C’est la raison pour laquelle les populations affectées peuvent se faire représenter
par toute personne physique ou morale qui est en mesure de prouver son pouvoir de
représentation ou de fournir une procuration.25 C’est alors ce représentant qui déposera la
requête et servira d’interlocuteur aux services du mécanisme d’inspection. Il s’agit même du
cas de figure le plus répandu!: les populations locales, parfois rurales, ne sont pas en mesure
d’établir elles-mêmes les requêtes et préfèrent donc confier cette tâche à une personne ou à
une OSC maîtrisant le fonctionnement des institutions financières.26 La pratique montre qu’a
priori, aucune règle ne gouverne le choix d’un représentant.
Il faut pourtant souligner que la représentation doit en principe être locale, ce qui implique que
le représentant désigné soit établi sur le territoire affecté ou de l’emprunteur (selon le critère
de territorialité appliqué par chaque mécanisme). Ce n’est qu’à titre exceptionnel, lorsque les
requérants ne disposent pas de représentation adéquate sur leur propre territoire, qu’ils
peuvent se faire représenter par une entité étrangère, sous réserve de l’accord du panel27 ou
des Administrateurs de la Banque.28 Selon Ibrahim Shihata cette solution, apparaît comme un
compromis entre les intérêts des pays en développement et ceux des populations parfois
privées d’alternative locale!:
The issue was obviously of great importance to the concerned NGOs in developed countries
which wanted to be in a position to represent affected parties in borrowing countries who, in
the judgment of these NGOs, may not always be able to present their case against the Bank. It
was also an important issue for some of the governments of borrowing countries which feared
intervention of foreign parties […].29
– Western Poverty Reduction Project,30 qu’une OSC étrangère (International Campaign for
Tibet) a présenté pour la première fois une requête en représentation de populations locales
affectées. Le projet financé par la Banque mondiale avait pour conséquence le déplacement,
par le gouvernement chinois, de 58!000 de ses ressortissants. L’OSC représentante avait alors
dû annexer à la demande un document tendant à démontrer l’absence de représentation
alternative locale.31 La représentation des populations par les OSC, lorsqu’elle est autorisée,
augmente les probabilités de recevabilité de la demande. Néanmoins, l’engagement de cette
représentation peut constituer une difficulté supplémentaire pour les requérants qui peinent
déjà à démontrer que leurs intérêts sont ou risquent d’être lésés, en raison de l’applicabilité
fluctuante des standards opérationnels pertinents.32
programme qui déroge aux cycles classiques de financement (ici le BETF – Fonds fiduciaire
exécuté par la Banque). On constate alors les difficultés suscitées par le champ d’application
restrictif des standards opérationnels, face à la multiplication des programmes de financement
assortis de standards de diligence a minima.
Il faut pour mieux comprendre ces difficultés présenter brièvement la problématique des
standards appliqués à une opération de financement. Dès lors qu’une institution financière
entreprend d’apporter un appui financier à un projet d’infrastructure, cela suppose que
puissent être identifiés des standards sur lesquels s’appuyer pour déterminer si ses actions y
sont conformes. En effet, les institutions financières internationales se gardent bien
d’appliquer les normes qui ont été développées par les instruments internationaux situés hors
de leur propre ordre juridique, à la faveur d’une forme d’hermétisme juridique clairement
illustrée par les procédures applicables devant les panels. Cet hermétisme est le résultat de
l’application exclusive des standards opérationnels, souvent désignés également en tant que
principes directeurs, directives ou politiques opérationnelles, manuels opérationnels,
stratégies, procédures ou autres documents internes relevant de la bonne gouvernance.35 Ces
standards vont servir de base au travail des mécanismes d’inspection dans leurs rapports avec
les entités privées. Ils constituent alors ce que l’on pourrait qualifier de «!droit applicable!», bien
que la doctrine souligne leur caractère non juridique ou quasi-juridique selon les cas.36 La
Banque mondiale ne manque d’ailleurs pas de préciser que la création et le développement de
ces standards ont fait l’objet de consultations avec les organisations de la société civile,37 ce
qui a contribué à la mise à jour de certaines directives opérationnelles au milieu des années
2000. Plusieurs directives opérationnelles élaborées au début des années 1990 ont ainsi été
requalifiées de «!politiques opérationnelles!» au cours des années 2000 afin de les simplifier et
de faciliter leur intégration dans les accords de prêts entre la Banque et les États.38
Le personnel de l’institution financière doit donc s’engager à veiller à ce que le bénéficiaire
Table des Matières
respecte les standards considérés comme contraignants lors des différentes étapes
d’élaboration du projet, s’exposant sinon au risque que les mécanismes d’inspection soient
sollicités pour constater sa défaillance. Ce risque est d’autant plus concret que ces documents
sont désormais accessibles au grand public sur les sites internet des institutions et de
plusieurs OSC.39 Il demeure qu’en opérant ainsi, l’institution financière développe sa propre
conception des enjeux de protection grâce à des instruments et des mécanismes qu’elle
élabore elle-même, en interne. C’est une conception restrictive, en vase clos, des impératifs
environnementaux et sociaux qui est ainsi mise en œuvre.
En l’occurrence, cet hermétisme juridique a été confirmé par l’avis de non-enregistrement
adopté par le Panel d’inspection dans le cadre du dossier Haïti – Assistance technique au
dialogue minier. En effet, les communautés requérantes qui s’estimaient affectées par l’activité
minière en Haïti avaient, en partenariat avec le Collectif pour la justice minière en Haïti, allégué
que la Banque mondiale ne s’était pas conformée à ses politiques opérationnelles en matière
de consultation du public et de participation à la prise de décision. Comme cela est exposé au
§!3 de l’avis, les inquiétudes exprimées par les requérants portent sur l’absence d’évaluation
environnementale adéquate et le risque de déplacement involontaire des populations!:
Les Demandeurs craignent que la contribution de la Banque à la réforme du secteur minier
haïtien «se traduise par des torts sociaux et environnementaux graves, y compris la
contamination de cours d’eau essentiels, les impacts sur le secteur agricole, et le déplacement
involontaire des communautés.». Ils jugent que la Banque n’a pas suivi ses Politiques de
sauvegarde sociale et environnementale dans le cadre de cette opération qui comprend les
aspects suivants.: «l’assistance à la rédaction de la nouvelle législation minière nationale.; le
renforcement des capacités pour le Bureau des Mines et de l’Energie.; l’aide à l’élaboration d’un
cadastre minier.; le soutien à l’engagement des parties prenantes.; et autres activités liées au
développement du secteur minier.».».
Pourtant, bien que le Panel ait reconnu que les craintes des communautés en question étaient
légitimes, faute de mise en œuvre par la Banque d’une transparence et d’une participation
publique adéquates, il a déclaré la requête non recevable. Il a en effet constaté que la Banque
a apporté son assistance à la préparation du projet de loi minière haïtien dans le cadre du
fonds fiduciaire du Mécanisme de conseil technique à l’appui des industries extractives
(EI-TAF)!; la Banque a par ailleurs choisi de financer l’assistance technique au dialogue minier
dans le cadre fiduciaire exécuté par la Banque (BETF).40 Or, comme le relève à juste titre le
Panel, le cadre de financement choisi exclut l’application des standards opérationnels
Cet obstacle procédural, qui n’est pas nécessairement aisé à appréhender pour les
communautés affectées, est loin d’être le seul à susciter l’ire des organisations de la société
civile. Il faut d’abord évoquer le zèle prononcé dont font preuve, au stade de la recevabilité, les
mécanismes d’inspection quant à la formulation de la requête. Les membres du panel doivent
en effet déterminer s’il peut être raisonnablement soutenu qu’un dommage est susceptible de
découler d’un projet supervisé de manière insuffisante par la Banque,49 ce qui suppose de
s’assurer que la requête identifie clairement les éléments constitutifs de l’affectation. Comme il
a été mentionné plus tôt, les requêtes qui énumèrent, en détail, les atteintes potentielles
alléguées et les mettent en lien avec les standards opérationnels, sont beaucoup plus
susceptibles d’être considérées comme recevables.50 La recevabilité d’une requête suppose
qu’en apparence au moins, les critères relatifs au dommage avéré ou potentiel soient mis en
avant par les demandeurs selon un procédé syllogistique qui n’est pas toujours à leur portée.
Le dépôt d’une requête se complexifie pour les requérants dans la mesure où celle-ci doit
impérativement être rédigée dans l’une des langues officielles de travail de l’organisation ou
dans l’une des langues officielles du pays dont les requérants sont ressortissants, s’il leur est
impossible de procéder eux-mêmes à la traduction.51
La confidentialité des procédures, alliée au caractère souvent politiquement sensible de la
requête,52 est également une source de tension entre les partisans des mécanismes
d’inspection et les OSC. En effet, la requête ne peut être déposée de manière anonyme. Elle
doit identifier les requérants et leurs coordonnées53 bien s’qu’ils disposent le plus souvent du
droit de demander à ce que leur identité soit rendue confidentielle.54 Or, compte tenu du
caractère sensible des projets faisant l’objet d’une requête, les OSC rappellent que les
représailles étatiques ne sont pas rares!: en atteste la requête Chine – Western Poverty
Reduction Project dans laquelle les populations ont été contraintes de faire appel à la
représentation d’une OSC américaine, les OSC locales ne pouvant agir sans prendre le risque
d’être sanctionnées par le gouvernement.55 Peut également être mentionné le cas la requête
Brésil – Itaparica Resettlement and Irrigation Project dans lequel l’un des initiateurs de la
requête soumise au Panel, Fulgencio Manuel da Silva, a été abattu en 16 octobre 1997 après
avoir reçu une série de menaces anonymes.56 Le dépôt d’une requête est susceptible d’être
perçu par les autorités locales comme la manifestation d’une position anti-gouvernementale,
de sorte que les requérants peuvent faire l’objet de pressions afin de les dissuader de
poursuivre leurs démarches.57
CONCLUSION
Table des Matières
Face à ces nombreux points d’achoppement, les institutions financières tentent de répondre
aux revendications de la société civile en créant et en développant des activités d’initiation à
leurs procédures, tandis que des OSC d’envergure telles qu’Accountability Counsel, CIEL ou
BankWatch organisent des ateliers destinés à porter à la connaissance des communautés
l’existence des mécanismes, leurs règles de procédure et les standards opérationnels
garantissant spécifiquement la protection de leurs droits et intérêts. Pour autant, malgré les
moyens déployés de part et d’autre, les communautés locales, lorsqu’elles ne sont pas
soutenues par une OSC aguerrie, peinent à soumettre des requêtes aux mécanismes
d’inspection.
La société civile a formulé de nombreuses critiques, les plus récurrentes portant sur l’excessive
technicité des textes, l’absence de traduction de ceux-ci dans des dialectes pourtant
répandus, le défaut d’initiatives d’«!outreach!» (à savoir la mise en œuvre par les IEI de sessions
de formation destinées aux élus locaux afin de les initier aux procédés d’accountability), la
longueur des procédures, l’impossibilité de soumettre les requêtes par voie électronique,
l’entrave induite par l’obligation qu’avaient les demandeurs d’identifier les standards pertinents
dans leur requête ou l’inadéquation du critère du préjudice là où le risque de préjudice devrait
suffire à caractériser l’affectation, etc..58 Les observateurs estiment que ces différentes lacunes
expliquent le nombre très restreint de requêtes présentées dans le cadre des premiers
modèles de mécanismes d’inspection, au point que certains auteurs ont pu affirmer, peut-être
de manière excessive, qu’ils avaient été créés pour détourner l’attention des OSC.59
Ces faiblesses expliquent les évolutions successives qu’ont connues ces mécanismes dans les
années 2000. Les institutions financières ont tenu compte des différentes évaluations
opérées, des commentaires présentés par la société civile60 et tenté, avec plus ou moins de
succès, de renforcer les garanties d’indépendance, de transparence et d’accès à la procédure
en étroite collaboration avec les OSC. Ainsi, par exemple, à l’occasion de consultations
organisées en 2006-2007 par la Banque mondiale au sujet de ses politiques de gouvernance
et de lutte contre la corruption, le personnel a publié un calendrier précis des consultations,
traduit les documents pertinents en plusieurs langues pour favoriser un retour le plus large
possible, recensé!les suggestions présentées par la société civile et effectué une
retranscription sur son site.61
NOTES
1. D. L. Clark, Guide du Citoyen sur le Panel d’Inspection de la Banque Mondiale, Center for International Environ-
mental Law, 2ème éd., 1999, p. 3.
2. L’efficience, notion éminemment teintée de science économique, est entendue comme le fait pour une règle
d’atteindre son objectif en utilisant les richesses de manière rationnelle, avec l’objectif d’une meilleure allo-
cation des ressources. Elle permet d’allier à l’aspect quantitatif un impératif qualitatif, qu’il s’agisse du bon
usage de ressources économiques limitées, de la pacification des relations sociales (le bien-être social) ou de
l’adéquate répartition des biens ou des intérêts entre différentes catégories d’acteurs. Elle imprègne globale-
ment le fonctionnement des institutions financières internationales. Pour une définition de l’efficience, v. not.
H. Heuschling, «!«Effectivité!», «efficacité!», «efficience!» et «qualité!» d’une norme/du droit. Analyse des mots et
des concepts!», in M. Fatin-Rouge Stefanini, L. Gay et A. Vidal-Naquet!(dir.), L’efficacité de la norme juridique.
Nouveau vecteur de légitimité*?, Bruylant, 2012, pp.!27-60.
3. V. les deux parties du rapport disponibles aux adresses suivantes!: http!://pubdocs.worldbank.org/pubdocs/
publicdoc/2015/3/517941425483120301/involuntary-resettlement-portfolio-review-phase1.pdf et
http!://pubdocs.worldbank.org/pubdocs/publicdoc/2015/3/96781425483120443/involuntary-resettle-
ment-portfolio-review-phase2.pdf.
4. Banque Mondiale, Communiqué de presse n°!2015/332/ECR.
5. Ibid.
6. Banque Mondiale, Environmental and Social Framework. Setting Standards for Sustainable Development. First
Draft for Consultation, 30 juillet 2014, 110 p.
7. C’est ici de façon volontaire que le vocable de «!responsabilisation!» est utilisé, la responsabilité stricto sensu de
l’institution financière étant exclue. V. not. Banque Mondiale, Responsabilisation et transparence à la Banque
mondiale*: 10 ans sur la brèche pour le Panel d’inspection, 211 p.!; J. Spanoudis, «!L’accès des individus au Panel
Table des Matières
20. Banque Interamericaine de Développement, IDB Civil Society Advisory Councils. Analysis and Proposals for the
Functioning of Councils, 29 janv. 2010 http!://www.iadb.org/en/civil-society/public-consultations/civil-soci-
ety-consulting-group/civil-society-advisory-councils,5683.html, pp..1-2.
21. Ibid., p.!6. V. aussi les Guides de fonctionnement des ConSOCs*: http!://www.iadb.org/fr/societe-civile/mem-
bres-de-la-groupes-de-consultation-de-la-societe-civile-consoc,7596.html.
22. BID, Guia para el funcionamiento del ConSOC en Argentina, http!://www.iadb.org/fr/societe-civile/membres-
de-la-groupes-de-consultation-de-la-societe-civile-consoc,75 96.html.: «.En caso de procesos de consulta
pública, tanto a nivel general como temático, el ConSOC debería servir de apoyo a la promoción, apoyando al
Banco en la convocatoria para el proceso de consulta pública.» (sic).
23. Mémorandum d’accord du 27 juin 2007 signé par Marwan Muasher et Henri Rouillé d’Orfeuil, respectivement
Premier Vice-président des Relations extérieures de la Banque Mondiale et Président du Conseil d’administra-
tion de la Coordination SUD. Disponible sur http!://go.worldbank.org/GT4DWUPRG0.
24. V. Banque Mondiale, A Guide to the World Bank, IBRD/WB, Washington, 2003, pp.!55-60. Le plus souvent, les
projets sont des composantes de «!stratégies!» périodiques de partenariats «!liant!» la Banque à un pays. Ces
stratégies définissent un programme de développement et établissent un diagnostic qui permettra de déter-
miner les types de projets qui devront être mis en œuvre dans l’Etat en question.
25. Règles de procédure du Mécanisme de recours contre les projets, §!5 («!authorized representative!»)!; Résolu-
tion établissant le Panel d’inspection, §!12 («!représentant local!»)!; Policy 2012 du Mécanisme d’accountability
de la Banque asiatique, §!138 («!local representative!»)!; Règlement du Mécanisme indépendant d’inspection de
la Banque africaine, §§!11-12 («!représentant!»)!; Résolution établissant le Mécanisme indépendant de consulta-
tion et d’investigation de la Banque interaméricaine, § 30 («!representative!»).
26. ROOS (S.R.), «!The World Bank Inspection Panel in its Seventh Year!: An Analysis of its Process, Mandate and
Desirability with Special Reference to the China (Tibet) Case!», Max Planck UNYB, 2005, vol.!5, pp.!488-489.
27. Règlement du MA, § 138!; Règlement du MII, §!13.
28. Résolution établissant le PIBM, §!12!; Résolution établissant le MICI, §!30.
29. I. F. I Shihata, The World Bank in a Changing World. Selected Essays and Lectures, Vol. II, Martinus Nijhoff,
p.!295.
30. Requête PIBM, 18 juin 1999, Chine – Western Poverty Reduction Project.
31. D. Clark et K. Treakle «!The China Western Poverty Reduction Project!», in D. Clark, J. Fox et K. Treakle (dir.),
Demanding Accountability*: Civil Society Claims and the World Bank Inspection Panel, Rowman & Littlefield
Publishers, Lanham, 2003, pp. 211-247, spéc. pp. 222-223.
32. E. Mitzman, «!The Proliferation of Independent Accountability Mechanisms in the Field of Development Fi-
Table des Matières
nance!», Jean Monnet Working Paper 14/10, The New Public Law in a Global Disorder. A Perspective from Italy,
2010, p.!23.
33. Haïti – Assistance technique au dialogue minier, avis de non-enregistrement, 6 février 2015.
34. Ibid., §§!2 et s.
35. G. Alfredsson, «!Broadening the Scope of Applicable Standards!», in G. Alfredsson et R. Ring (dir.), The Inspec-
tion Panel of The World Bank!: A Different Complaints Procedure, Martinus Nijhoff Publishers, 2001, p. 51. La
bonne gouvernance implique que les interactions entre les titulaires d’une autorité publique et les acteurs à
l’égard desquels son pouvoir va s’exercer s’effectuent dans un objectif de développement des États, de progrès
social et de préservation de l’environnement.
36. N. Bernasconi-Osterwalder et D. Hunter, «!Democratizing Multilateral Development Banks!», 2002, p. 158.,
http!://www.ciel.org/Publications/Democratizing_MDBs_NewPublic.pdf. D’autres auteurs leur prêtent un car-
actère «!quasi-administratif!», v. dans ce sens L. Boisson de Chazournes, «!Policy Guidance!and Compliance!: The
World Bank Operational Standards!», in D. Shelton, The Role of Non-Binding Norms in the International Legal
System, Oxford Univ. Press, Oxford!/!New York, 2000, p.!281.
37. V. le site de la Banque mondiale, Section «!Société civile!» http!://go.worldbank.org/H4KHA044X0!; N. Berna-
sconi-Osterwalder et D. Hunter, «!Democratizing Multilateral Development Banks!», op. cit., p.!158.
38. L. Boisson de Chazournes, «!Policy Guidance!and Compliance!: The World Bank Operational Standards!», op.
cit., p. 282, note 5, s’appuyant sur la Résolution établissant le Panel d’inspection.
39. L. Forget, «!Le «!panel d’inspection!» de la Banque Mondiale!», AFDI 1996, pp. 647 et 654!; N. Bernasconi-Oster-
walder et D. Hunter, «!Democratizing Multilateral Development Banks!», op. cit., p.159!; V. Richard, «!L’account-
ability comme alternative à la responsabilité!? Réflexions en droit international de l’environnement!» in E. Verges
(dir.), Droit, sciences et techniques, quelles responsabilités*?, LexisNexis, Paris, 2011, p. 529!; I. Shihata, «!The
World Bank Inspection Panel – Its Historical, Legal and Operational Aspects!», in G. Alfredsson et R. Ring (dir.),
The Inspection Panel of The World Bank!: A Different Complaints Procedure, op. cit., pp. 17 et 26.
40. Avis de non-recevabilité, §!24.
41. Ibid., §!25.
42. Lettre collective du 9 mars 2015 rédigée par un collectif d’organisations de la société civile, «!Absence de
responsabilisation de la Banque Mondiale pour son engagement dans le secteur minier haïtien!», disponible sur
www.accountabilitycounsel.org.
43. Ibid.
44. Pour une mise en application de l’invocation stricte des standards opérationnels pertinents par les requérants
eux-mêmes, v. la requête déposée le 5 mai 2007 auprès du mécanisme d’inspection de la Banque africaine par
la National Association of Professional Environmentalists et d’autres ONG, dans l’affaire Ouganda – Projet d’hy-
droélectricité de Bujagali et Projet d’interconnexion de Bujagali. Le lien effectué entre le cadre de financement
adopté par la Banque et les standards opérationnels pertinents favorise clairement la recevabilité de la requête.
45. Nous soulignons.
46. Règlement 2012 du mécanisme de la Banque asiatique, §!152 (vii)!; Résolution établissant le mécanisme d’in-
spection de la Banque africaine, §!16!; Résolution établissant le mécanisme d’inspection de la Banque inter-
américaine, §!31, §!56!; Règles de procédure du mécanisme de la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement, §!19, b).
47. Panel d’inspection, Népal – Arun III Proposed Hydroelectric Project and Restructuring of IDA Credit 2029-NEP,
requête du 24 octobre 1994, (ci-après «!Népal – Arun III!»).
48. V. pour illustration, Panel d’inspection de la Banque mondiale, 20 décembre 2000, Kenya – Lake Victoria Envi-
ronmental Management Project (1999), Investigation Report, §!169!: «!In the Panel’s view, some consultations
should have been undertaken not only with experts but also with potentially affected people, as required in
paragraph 19 of OD 4.01. Indeed, involving them in the design of the shredding pilot could have avoided a lot
of unnecessary misunderstanding. And it may also have had a positive influence on the design and implementa-
tion of the pilot project!».
49. V. en ce sens la requête MA, 11 janvier 2005, Sri Lanka – Southern Transport Development Project, Report on
Eligibility, §!27.
50. V. l’affaire Ouganda – Projet d’hydroélectricité de Bujagali et Projet d’interconnexion de Bujagali, précitée.
51. Règlement 2012 du MA, §!150!; Règlement du MII, §!9!; Règles de procédure du MRP,!§!6. Néanmoins la soumis-
sion d’une requête dans une langue autre que celle de l’organisation implique des délais supplémentaires de
traduction par le MIA!: Règlement 2012 du MA §150, Règlement du MII!§§!9 et 10!; Règles de procédure du
MRP, §!7.
52. L. D. Brown et J. Fox, «!Transnational Civil Society Coalitions and the World Bank!: Lessons from Project and
Policy Influence Campaigns!», in M. Edwards et J. Gaventa (dir.), Global Citizen Action, Lynne Rienner, 2001,
p.!44!: «!the [World Bank] unknowingly stumbled over one for the world’s most influential indigenous rights
campaigns!».
53. Règlement 2012 du MA, §!151, (i)!; Règlement du MII, §!7!; Résolution établissant le MICI, §!33!; Règles de
procédure du MRP, §!4.
54. Les notions d’anonymat et de confidentialité doivent être distinguées. Elles créent pourtant souvent des con-
fusions chez les requérants, persuadés que la confidentialité implique l’anonymat!:!v. I. F. I. Shihata, The World
Bank Inspection*: In Practice, op. cit., pp.!62-63. La confidentialité suppose que les noms des requérants soient
connus des services qui réceptionnent la requête mais qu’ils ne soient pas communiqués aux autres parties
prenantes, notamment le gouvernement. V. les requêtes MA, 23 mai 2011, Népal – Visayas Base-Load Power
Development Project*; 17 mai 2011, République kirghize – CAREC Transport Corridor I (Bishkek-Torugart Road)
Project 1.
55. D. Clark et K.Treakle, «!The China Western Poverty Reduction Project!», op. cit., p.!223.
56. J. Spanoudis, «!L’accès des individus au Panel d’inspection‥!», op. cit., p.!385, au sujet de la requête PIBM, Brésil
– Itaparica Resettlement and Irrigation Project du 12 mars 1997. V. également D. Clark et D. Hunter, «!Ampli-
fying Citizen Voices for Sustainable Development!» in G. Alfredsson et R. Ring, The Inspection Panel of the
World Bank. A Different Complaints procedure, oFp. cit., p.!187 sur la même affaire ainsi que sur le contexte la
Table des Matières
Chapitre 10
Activités petrolières et gazières en offshore
et protection de l’environnement%
Julien Rochette*
accidents ayant eu des impacts transfrontières, ils ont conduit à relancer les débats sur la
pertinence du cadre international de régulation aujourd’hui en vigueur.7
À l’instar du transport maritime, les activités de forage offshore soulèvent deux grands
problèmes juridiques. Le premier concerne les règles de sécurité régissant la conduite de ces
activités et le second a trait au régime de responsabilité et d’indemnisation à appliquer en cas
d’accident. La comparaison entre transport maritime et activités offshore s’arrête là!: les
conventions internationales s’appliquent en effet essentiellement aux accidents impliquant des
pétroliers8 et les règles internationales en matière de transport maritime sont considérablement
plus élaborées que celles régissant les activités offshore. Le cadre international de régulation
des activités offshore comporte ainsi d’importantes lacunes, à la fois sur le plan de la sécurité
(I) et sur celui de la responsabilité et de l’indemnisation en cas d’accident (II).
* Coordinateur du programme Océans et zones côtières de l'Institut du développement durable et des relations interna-
tionales (IDDRI — Sciences Po Paris), julien.rochette@sciencespo.fr
basé sur le principe de l’incorporation par renvoi aux traités existants. Le Comité juridique
retoque le projet et incite le CMI, en 1995, à opter pour une approche radicalement différente.
Le groupe de travail du CMI élargit alors son domaine d’investigation, avec le soutien de
plusieurs associations nationales de droit maritime, notamment l’Association canadienne de
droit maritime (ACDM) qui publie en mars 1996 un document de discussion favorable à la
préparation par le CMI d’un instrument international complet pour négociations ultérieures au
sein de l’OMI. Malgré le soutien affiché de plusieurs associations nationales de droit maritime,
certains lobbys industriels ainsi que l’Association américaine de droit maritime s’opposent à la
poursuite des travaux.9 L’ACDM continue de son côté ses activités et publie en 2000 un projet
de convention de 14 articles qui aborde de manière exhaustive les différentes évolutions
technologiques, juridiques et environnementales. S’il n’est pas adopté par le CMI, ce projet de
texte est néanmoins diffusé afin d’alimenter les discussions.10 Lors de la conférence du CMI
organisée à Vancouver en juin 2004, le groupe de travail dédié à la rédaction de ce projet de
convention notera le manque d’intérêt de l’OMI pour cette initiative.
2. L’initiative du G20
Le 5 juin 2010, Journée mondiale de l’environnement, le Président russe Dmitri Medvedev
souligne la nécessité de «!mettre en place un cadre moderne pour une législation internationale
[dans le domaine des activités de forage en mer], éventuellement sous la forme d’une
convention ou de plusieurs accords qui s’attèleront aux problèmes susceptibles de survenir lors
de catastrophes comme celle du golfe du Mexique!». 11 Quelques jours plus tard, à l’occasion du
sommet du G20 des 26 et 27 juin à Toronto (Canada), les participants reconnaissent la
«!nécessité de mettre en commun les pratiques exemplaires en vue de protéger le milieu marin,
de prévenir les accidents liés aux activités d’exploration et de développement pétroliers en mer,
ainsi qu’au transport, et [d’] en gérer les conséquences!». 12 Le vocabulaire employé trahit une
certaine prudence!: on parle alors de «!pratiques exemplaires!» et non plus de «!convention!».
Table des Matières
océans un domaine d’action prioritaire19 avant de lancer, en 1974, son Programme pour les
mers régionales,20 «!un programme orienté vers l’action qui s’intéresse non seulement aux
conséquences mais aussi aux causes de la dégradation de l’environnement et adopte une
approche globale pour combattre les problèmes d’environnement à travers la gestion du
milieu marin et des zones côtières!»!21. Le Programme pour les mers régionales réunit
actuellement 143 États participants, répartis sur 18 régions.22
En tant que documents cadres, la plupart des conventions et plans d’action de mers
régionales prévoient des dispositions générales sur la pollution résultant d’activités liées à
l’exploration et à l’exploitation des fonds marins.23 Les articles pertinents varient d’une région à
l’autre, mais l’objectif principal reste le plus souvent le même!: inciter les États à prendre toutes
les mesures nécessaires pour prévenir, réduire, combattre et contrôler la pollution découlant
de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental. C’est le cas par exemple pour la mer
Baltique,24 la Méditerranée,25 l’Atlantique du Nord-est,26 la mer Rouge et le golfe d’Aden,27
l’Afrique de l’Ouest, du centre et australe,28 l’océan Indien occidental 29et les Caraïbes.30 De la
même manière, les conventions ou plans d’action incluent en général une disposition
particulière visant à l’élaboration de règles et procédures relatives à la responsabilité et
l’indemnisation en cas de dommages résultant de la pollution du milieu marin.31 Enfin,
certaines mers régionales se sont également dotées d’accords visant à organiser la
coopération entre États parties en cas de pollution, accords couvrant la pollution provenant
des installations offshore.32 S’appuyant sur les articles pertinents des conventions-cadres,
certaines régions sont allées plus loin et adopté des instruments spécifiques visant à encadrer
les activités offshore, comme indiqué dans le Tableau 1.
Tableau 1 | Les accords conclus dans le cadre des programmes de mers régionales en matière de sécurité des
activités offshore
STATUT
Arctique Accord de coopération sur la Contraignant/ Axé uniquement sur les
préparation et la lutte en matière en vigueur réactions d’urgence
de pollution par les
Obligations très légères en
hydrocarbures dans l’Arctique
matière de coopération
Océan Indien Lignes directrices régionales Non contraignant/ Lignes directrices régionales
occidental relatives aux impacts en préparation présentées lors de la prochaine
environnementaux conférence des parties (fin
transfrontières liés à la 2015)
prospection et à l’exploitation du
pétrole et du gaz
Table des Matières
minimale au niveau de l’UE quant au démantèlement des installations offshore, qui exige
l’application de procédures spécifiques.40 Elle n’instaure pas non plus de mécanismes de
contrôle ou visant à faire respecter les règles à l’échelle de l’UE. De la même manière, elle
n’introduit aucune incitation pour les industriels d’appliquer les règles de prévention des
risques dans les pays tiers. Enfin, la directive ne comporte aucune règle en matière de
responsabilité et d’indemnisation, à l’exception de quelques conditions posées au moment de
la délivrance des permis.
Les systèmes nationaux régissant les activités offshore diffèrent fortement d’un Etat à un
autre. Certaines législations nationales régulent en effet les différents cycles de vie d’une
plateforme — depuis sa construction jusqu’à son démantèlement — lorsque d’autres se
limitent à la phase de production stricto sensu. Par ailleurs, certaines législations visent à
prévenir les impacts environnementaux des activités offshore lorsque d’autres sont
entièrement tournées vers le développement de ces activités. Enfin, le manque de capacité de
certaines administrations nationales freine considérablement la mise en œuvre des normes
adoptées.
De plus, l’analyse du cadre juridique régissant la sécurité des activités offshore met en évidence
les lacunes du cadre juridique international. Malgré les dispositions pertinentes de la
Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), aucune convention
internationale sur la sécurité des activités offshore n’a à ce jour été adoptée et aucune
discussion n’est actuellement en cours pour tenter de combler cette lacune. Parallèlement, on
observe depuis quelques années l’émergence d’initiatives régionales visant à mieux contrôler
les activités offshore. Toutefois, si certaines sont prometteuses, ces initiatives régionales sont
extrêmement fragmentées et largement insuffisantes. En effet, les instruments régionaux (i)
ont un champ matériel inégal, certains étant plus complets que d’autres!; (ii) ont une portée
juridique variable, tous n’étant pas juridiquement contraignants!; et (iii) n’ont pas le même degré
Table des Matières
de mise en œuvre. De plus, certaines régions ne se sont dotées d’aucun instrument spécifique
alors que des activités offshore sont en cours!: c’est le cas notamment aux Caraïbes et en
Asie.41 Enfin, au-delà de ces considérations juridiques, il faut souligner la faible capacité de
nombreux pays en développement pour assurer un véritable contrôle des activités offshore.
Ainsi, les données sur les écosystèmes vulnérables sont souvent lacunaires, ce qui rend difficile
la prise en compte de la conservation de la biodiversité marine au moment de délivrer des
permis de forage. Plus généralement, les administrations ont souvent une connaissance limitée
de l’industrie offshore,42 le secteur étant à la fois extrêmement technique et opaque, ce qui
freine considérablement tout contrôle effectif des activités de forage offshore.
Dans ce contexte, plusieurs risques existent si le statu quo demeure!: (i) un risque de
réglementations inadaptées, fragmentées ou inexistantes, débouchant sur une protection de
l’environnement à plusieurs vitesses et, partant, des menaces de dumping environnemental du
fait de l’absence de règles communes!; (ii) un risque de non-application des accords nationaux
et/ou régionaux si les capacités des administrations nationales ne sont pas renforcées!; et (iii)
un risque d’une réglementation reposant uniquement sur des normes privées!. Or, au-delà des
grandes entreprises qui ont parfois adopté des normes internes contraignantes à travers
notamment l’Association internationale des producteurs de pétrole et de gaz (OGP), le
secteur offshore est également composé de petites entreprises qui n’accordent pas la même
attention à la protection de l’environnement.
indemnisation des pertes occasionnées par les dommages qui en résultent, quels qu’ils
soient.43 La Cour internationale de justice (CIJ), qui a énoncé ce principe en 1928,44 l’a appliqué
dans deux cas de dommages écologiques!: l’affaire de la Fonderie de Trail45 et l’affaire
Gabcikovo-Nagymaros.46 La responsabilité de l’État repose sur une faute définie comme un
«!acte illicite!»47 correspondant à la violation d’une obligation internationale de l’État, y compris
les règles coutumières. Dès lors, la violation du principe de «!prévention!»48 ou le non-respect
de la règle49 prévoyant une «!utilisation non dommageable de l’environnement!» constituent
des fautes qui impliquent la responsabilité d’un État. Dans la pratique, rares sont les affaires
dans lesquelles est invoquée une faute directe d’un État, à de notables exceptions près
comme dans l’affaire d’épandages aériens d’herbicides.50 Les États sont plus souvent reconnus
responsables lorsqu’ils violent des obligations positives, comme la prévention d’actes ou de
faits, y compris les dommages provoqués par des activités relevant de leur juridiction. Toute
responsabilité des opérateurs de plateformes offshore devrait être portée devant un tribunal
ou résolue à travers des procédures de règlement des différends, comme l’arbitrage, qui
permet aux victimes de réclamer une indemnisation. Du fait de son statut, la juridiction du
Tribunal international du droit de la mer (TIDM) n’est pas adaptée. Devant la CIJ, seule la
responsabilité d’un État peut être examinée, et non celle d’un opérateur, sous réserve que les
États concernés reconnaissent la légitimité de la cour. En cas de violation d’une obligation
internationale, les plaintes pour obtenir une indemnisation des dommages découlant
d’activités offshore peuvent être présentées mais la spécificité de la pollution écologique
complique les dossiers. Les victimes doivent apporter la preuve que la faute peut incomber à
l’État et établir la relation causale entre la faute de l’État et les dommages. Enfin, dans le cas
d’un dommage environnemental, le principe de la restitutio in integrum ne peut pas
s’appliquer. Dès lors, ni la CIJ ni le TIDM n’apparaissent parfaitement adaptés au traitement de
plaintes liées à des dommages résultant d’accidents provoqués par des plateformes offshore.
b. Union européenne
La directive offshore comporte des dispositions relatives à la responsabilité. En premier lieu, la
définition des dommages aux eaux de la Directive sur la responsabilité environnementale
2004/35/CE55 a été amendée pour inclure les dommages survenus dans les zones
économiques exclusives.56 Avant l’adoption de la directive offshore, ces dommages se
limitaient aux eaux territoriales. Cette extension de la portée géographique de la directive sur
la responsabilité environnementale permet aux autorités compétentes des États membres de
prendre davantage de mesures de prévention ou de réparation face aux risques
environnementaux ou aux dommages résultant d’installations offshore plus distantes. En outre
et bien que la Commission européenne envisage d’étudier des mesures pour promouvoir un
véritable régime de responsabilité à l’échelle de l’UE dans les années à venir,57 la directive
Table des Matières
imposés par les instances nationales chargées de réglementer le forage offshore dans le pays
d’origine de l’opérateur et qui peuvent, dans certains cas, figurer dans les accords régionaux.
Mais ce plafond peut être très limité et varier en fonction de la législation nationale.
L’Indonésie plaide donc pour l’instauration d’un instrument international applicable à tous les
accidents de cette nature. La délégation a invité le Comité juridique à inscrire ce point dans
son programme de travail et à réfléchir à la création d’un régime international de
responsabilité et d’indemnisation pour la pollution aux hydrocarbures résultant d’activités
d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières offshore.70
(v) la pollution aux hydrocarbures ne connaît pas de frontières et il faut donc créer de toute
urgence un mécanisme permettant d’indemniser les victimes.73
Les arguments rejetant la proposition indonésienne ou empreints d’une certaine prudence,
étaient les suivants!:
(i) la CNUDM limite la compétence de l’OMI en matière de plateformes offshore à leur impact
pour la navigation maritime!;
(ii) l’article!1 de la convention constitutive de l’OMI restreint les activités de prévention de la
pollution à celle provenant de navires!;
(iii) la proposition d’amender le plan stratégique ne clarifie pas la situation en termes d’autorité
chargée de réglementer et de contrôler les activités d’exploration pétrolière offshore afin de
garantir l’efficacité indispensable d’un système reposant sur la responsabilité des opérateurs!;
(iv) l’OMI ne peut appliquer au secteur pétrolier offshore, en les adaptant, les règles de
responsabilité prévues en cas de déversement provenant de pétroliers!;
(v) les activités d’exploration pétrolière offshore n’ont un impact international que de manière
exceptionnelle!;
et (vi) la question des dommages résultant d’une pollution transfrontière découlant
d’activités pétrolières offshore devrait plutôt être traitée dans le cadre d’accords bilatéraux
et régionaux.74
Lors de sa 99ème session organisée en avril 2012 et après une discussion approfondie sur la
compétence de l’OMI,75 le Comité juridique a décidé d’informer le Conseil qu’il souhaitait
analyser plus avant la question en vue d’élaborer des recommandations qui aideraient les
États intéressés à conclure des arrangements bilatéraux ou régionaux, sans réviser l’orientation
stratégique 7.276 du plan d’action de haut niveau de l’OMI ni les priorités fixées pour la période
Table des Matières
CONCLUSION
Alors même que les activités pétrolières et gazières offshore font peser des risques sur
l’environnement et les ressources naturelles, rares sont les instruments internationaux
spécifiques adoptés à ce jour. Les dispositions pertinentes de la CNUDM n’ont en effet pas
conduit à l’élaboration de règles internationales exhaustives fixant les conditions dans
lesquelles les activités de forage doivent être menées et clarifiant les règles relatives à la
responsabilité et l’indemnisation en cas d’accident. Les événements récents survenus sur des
plateformes offshore ont pourtant prouvé que les risques écologiques découlant des activités
de forage en mer peuvent concerner toutes les régions du monde et tous les entreprises du
secteur, même les plus importantes. Il semble donc aujourd’hui nécessaire de combler les
lacunes et de soumettre les activités offshore à des règles spécifiques visant à garantir une
protection efficace de l’environnement et l’indemnisation des victimes.
NOTES
1. S. Serbutoviez, «!Les hydrocarbures offshore!: panorama 2012!», IFP Énergies nouvelles, 2012, www.ifpenergies-
nouvelles.fr/publications/notes-de-synthese-panorama/panorama-2012.
2. J. Dragani, et M. Kotenev, «!Deepwater Development!: What Past Performance Says About the Future!», The
way ahead 2013, vol. 9-1, pp.8-9.
3. GBI Research, Offshore Drilling industry to 2016 - Rapidly rising demand for hydrocarbons expected to boost
offshore drilling in ultra-deepwater and harsh-weather environments, GBI Research,2012.
4. W.J. Pike, «!High crude oil prices sustain stable production, spur new discoveries!», World Oil Magazine 2013,
vol. 234, p.1.
5. CEF Consultants, «!Exploring for offshore oil and gas!», Series of papers on energy and the offshore 2008,
no!2!; J. D. Gordon, J. Gillespie, A. Potter, M. Frantzis, R. Simmonds et D. Thompson, «!A review of the effects
of seismic surveys on marine mammals!», Marine technology society journal 2003, 37 (4), p. 16!; X. Qunjie, J.
Yanzhong et G. Honghua, «!Life Cycle Inventory Analysis of Offshore Drill Cuttings Management Options!»,
Advanced Materials Research 2012, vol. 610 — 613, p. 1117.
Table des Matières
6. Le 20 avril 2010, une explosion accidentelle embrasait la plateforme pétrolière Deep Water Horizon, située à 70
kilomètres au large de la Nouvelle Orléans. Il faudra 87 jours avant que le puits puisse être obturé!; en atten-
dant, 5 millions de barils de pétrole s’étaient déversés dans l’océan, provoquant l’une des plus importantes
catastrophes écologiques qu’aient connue les Etats-Unis.
7. L. Chabason, «!Offshore oil exploitation!: a new frontier for international environmental law!», Working Paper
IDDRI 2011, n°11/11!; S. Rares, «!The need for an international Convention to deal with offshore hydrocarbon
leaks!», Intervention lors de la mini-conférence biennale de la Maritime Law Association of Australia and New
Zealand (NSW Branch) organisée à Lilianfels, le 11!mars 2011!; J. Rochette, M. Wemaëre, Chabason L., Callet
S., «!Seeing beyond the horizon for deepwater oil and gas!: strengthening the international regulation of off-
shore exploration and exploitation!», IDDRI, Study 2014, n°01/14, 36 p.
8. K. Galbraith, «!Gaps in rules on oil spills from wells!», International Herald Tribune 2010, 17 mai, p. 20.
9. OMI, Comité juridique, 79e!session, février 1999.
10. http.://www.comitemaritime.org/Uploads/Newsletters/2004/Binder1.pdf.
11. http.://www.unep.org/wed/2010/english/PDF/PresidentMedvedev_WED.pdf.
12. Déclaration du sommet du G20 à Toronto, § 43 (http.://www.g20.utoronto.ca/2010/to-communique-fr.html).
13. http.://www.rusembassy.ca/node/439.
14. Déclaration du sommet du G20 à Séoul, 11-12 novembre 2010, §!64.
15. Déclaration finale du Sommet de Cannes, «!Pour bâtir notre avenir commun, renforçons notre action collective
au service de tous!», 4 novembre 2011, §!58 (http.://www.g20.utoronto.ca/2011/2011-cannes-declaration-
111104-fr.html).
16. Déclaration du sommet du G20 à Los Cabos, §!76.
17. Déclaration du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg, §!98.
18. Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2997 (XXVII) du 15!décembre 1972.
19. PNUE, Rapport au Conseil d’administration sur les travaux de sa première session, 12-22!juin 1973, Nations
unies, New York, 1973.
20. PNUE, Rapport au Conseil d’administration sur les travaux de sa deuxième session, 11-22 mars 1974, Nations
unies, New York, Décision 8(II).
21. PNUE, «!Achievements and planned development of UNEP’s Regional Seas Programme and comparable pro-
grammes sponsored by other bodies!», UNEP Regional Seas Reports and Studies 1982, no1, Programme des
Nations UniesUnies pour le développement, Nairobi.
22. Il s’agit des mers régionales administrées par le PNUE (Asie de l’Est, Méditerranée, Pacifique du Nord-ouest,
Afrique de l’Ouest, du Centre et du Sud, océan Indien occidental, Caraïbes), des mers régionales associées au
PNUE (mer Noire, Pacifique du Nord-est, mer Rouge et golfe d’Aden, Golfe persique et mer d’Oman (ROPME),
Asie du Sud, Pacifique du Sud-est, Pacifique) et des mers régionales «!indépendantes!» (Arctique, Antarctique,
mer Baltique, mer Caspienne, Atlantique Nord-est).
23. J. Rochette, L. Chabason, «!L’approche régionale de préservation du milieu marin!: l’expérience des ‘mers régio-
nales’!», in P. Jacquet, R. Pachauri et L. Tubiana (dir.), Regards sur la Terre 2011, Armand Colin, 2011, pp.!111-
121.
24. Article 12 Convention sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique, adoptée le
22!mars 1974.
25. Article 7 de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée le 10!juin
1995.
26. Article 5 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-est adoptée le 22!septem-
bre 1992.
27. Article 7 de la Convention pour la conservation du milieu marin de la mer Rouge et du golfe d’Aden, adoptée le
14 février 1982.
28. Article 8 de la Convention pour la coopération en matière de protection et de développement du milieu marin
et des zones côtières de la région de de la région de l’Afrique occidentale, centrale et australe, adoptée le 23
mars 1981.
29. Article 8 de la Convention amendée pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier
de la région de l’océan Indien occidental adoptée le 31 mars 2010.
30. Article 8 de la Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes,
adoptée le 24 mars 1983.
31. Article 16 de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée!; article 16 de la
Convention pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier de la région de l’océan
Indien occidental!; article 25 de la Convention sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer
Baltique!; article 15 de la Convention pour la coopération en matière de protection et de développement du
milieu marin et des zones côtières de la région de de la région de l’Afrique occidentale, centrale et australe!;
article 13 de la Convention pour la conservation du milieu marin de la mer Rouge et du golfe d’Aden.
32. C’est le cas notamment du Protocole relatif à la coopération régionale d’urgence en cas de pollution par les
hydrocarbures et autres substances nuisibles, adopté le 14!février 1982 (mer Rouge et golfe d’Aden)!; du Pro-
tocole relatif à la coopération en matière de lutte contre les déversements d’hydrocarbures dans la région des
Caraïbes, adopté le 24!mars 1983!; du Protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution
par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée, adopté le
25!janvier 2002!; et du Plan d’action régional pour le Pacifique du Nord-ouest (NOWPAP) contre la pollution par
les hydrocarbures et les déversements de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), adopté
en décembre 2008.
33. UE, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Le défi de la sécurisation des
activités pétrolières et gazières offshore, (COM/2010/0560 final, p. 4).
34. UE, Résolution du Parlement européen du 7 octobre 2010 sur l’action de l’Union européenne dans les domaines
de l’exploration pétrolière et de l’extraction du pétrole en Europe.
35. UE (COM/2010/0560 final).
Table des Matières
36. J. Rochette, M. Wemaër, L. Chabason, S. Callet, (2014), «!Seeing beyond the horizon for deepwater oil and gas!:
strengthening the international regulation of offshore exploration and exploitation!», op. cit.
37. Greenpeace, «!Offshore Safety Directive agreed!», Neweurope online, 21 février 2013.
38. Oceana, «!EU Parliament misses opportunity, adopts weak offshore drillings safety directive!», communiqué de
presse, 21 mai 2013.
39. UE, COM/2010/0560 final, p.!4.
40. P. Ekins, R. Vanner, J. Firebrace, «!Decommissioning of offshore oil and gas facilities!: A comparative assess-
ment of different scenarios!», Journal of Environmental Management 2006, vol. 79(4), Université de Westmin-
ster, p.!420!; P. Cameron, «!Liability for catastrophic risk in the oil and gas industry!», International Energy Law
Review 2012, vol. 6, p. 207.
41. Y. Lyons, Offshore oil and gas in the SCS and the protection of the marine environment — Part 1*: A review of
the context and a profile of offshore activities, Centre for International Law, Université nationale de Singapour,
Singapour 2011!; Y. Lyons, Offshore oil and gas in the SCS and the protection of the marine environment — Part
2*: Legal and governance framework, Centre for International Law 1, Université nationale de Singapour, 2011.
42. Panel scientifique indépendant sur les activités pétrolières et gazières en République islamique de Mauritanie
(2009), Rapport définitif.
43. Commission du droit international, Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite,
2001, article 1.
44. CIJ, affaire relative à l’usine de Chorzow, 1928.
45. CIJ, affaire Fonderie de Trail, 1941.
46. CIJ, affaire Gabcikovo-Nagymaros, 1997, §149 sqq.
47. CIJ, affaire usine de Chorzow, 1928.
48. CIJ, affaire Gabcikovo-Nagymaros, 1997
49. Ibid., §6.
50. CIJ, affaire épandages aériens d’herbicides (Équateur/Colombie), 2010.
51. Article 27-1.
52. Article 27-2.
53. T. Scovazzi, «!The Mediterranean Guidelines for the determination of environmental liability and compensation!:
the negotiations for the instrument and the question of damage that can be compensated!», Max Planck Year-
book of United Nations Law 2009, vol. 13, p.!183.
54. PAM/PNUE, Rapport de la 15e*réunion ordinaire des Parties contractantes à la Convention sur la protection
du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et à ses Protocoles, Almeria (Espagne), 15-18 janvier 2008,
UNEP(DEC)/MED IG.17/10, Décision IG 17/4.
55. Article 2 Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité envi-
ronnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux,.
56. Directive 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opéra-
tions pétrolières et gazières en mer, article!38!; Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du
17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin
(directive-cadre stratégie pour le milieu marin).
57. Bio Intelligence Service et al. (2013), Study to explore the feasibility of creating a fund to cover environmental
liability and losses occurring from industrial accidents, Rapport final préparé pour la Commission européenne,
DG ENV.
58. Article 7 Directive 2013/30/UE,.
59. Article 4 (3), Directive 2013/30/UE.
60. OPOL, Offshore pollution liability agreement, préambule.
61. Site Internet de l’accord OPOL (http.://www.opol.org.uk/index.htm).
62. OPOL, Offshore pollution liability agreement, clause XI.
63. OPOL, Informations destinées aux futurs membres (p.!1) (http.://www.opol.org.uk/downloads/opol-member-
info-jan13.pdf).
64. OPOL, Offshore pollution liability agreement, p.!12.
65. Conformément à sa clause!1-8, la mer Méditerranée et la Baltique sont exclues de la couverture géographique
de l’accord OPOL.
66. M. Smith, «!The Deepwater horizon disaster!: an examination if the spill’s impact on the gap in international
regulation of oil pollution from fixes platforms!», Emory International Law Review 2011-3, vol. 25,p. 477.
67. Client Earth, «!Notes on the limitations of OPOL!» in response to Oil & Gas UK Additional Evidence 2011.
68. OMI, Rapport du comité de la protection du milieu marin sur les travaux de sa soixantième session, MEPC
60/22, 12!avril 2010.
69. OMI, Rapport du comité juridique sur les travaux de sa quatre-vingt-dix-septième session, LEG 97/15, 1er
décembre 2010.
70. OMI, Comité juridique, 97e!session, Proposition visant à inscrire une nouvelle question au programme de travail
portant sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
qui découlent des activités d’exploration et d’exploitation pétrolières au large, soumise par l’Indonésie, LEG
97/14/1, 10!septembre 2010.
71. L’Indonésie a organisé à Bali deux colloques internationaux sur le régime de responsabilité et d’indemnisation
pour la pollution transfrontière résultant d’activités d’exploration et d’exploitation pétrolières offshore, l’un en
septembre 2011 et l’autre en novembre 2012.
72. OMI, Rapport du comité juridique sur les travaux de sa quatre-vingt-dix-septième session, LEG 97/15, 1er
décembre 2010, §14.6.
73. OMI, Rapport du comité juridique sur les travaux de sa quatre-vingt-dix-septième session, LEG 97/15, 1er
décembre 2010, §14.7!; OMI, Rapport du Comité juridique sur les travaux de sa quatre-vingt-dix-huitième ses-
Table des Matières
Titre 2
LES CONFLITS ENTRE
ACTEURS EXTRACTIFS
Chapitre 11
La rupture unilatérale des contrats d’exploitation
Thierry Lauriol et Emilie Raynaud*
Les fonds investis dans les projets miniers et pétroliers sont très élevés et leur investissement
s’inscrit dans la durée. C’est la raison principale pour laquelle la stabilité du cadre de
l’investissement et l’évaluation du risque politique sont des vecteurs déterminants dans la
décision d’investir. Cette stabilité peut parfois être remise en cause par une décision
unilatérale de l’Etat d’accueil prononçant la nationalisation des actifs de l’exploitant privé ou
encore par une attitude du même Etat d’accueil qui va contraindre l’exploitant privé à résilier
son contrat d’exploitation.1 Nous avons eu dans le cadre de ce colloque des présentations sur
ces deux sujets.
La rupture des relations contractuelles peut avoir plusieurs autres origines. La première
hypothèse devant être envisagée est le cas où la rupture unilatérale du contrat d’exploitation
résulterait d’une violation par l’exploitant de ses obligations légales ou contractuelles!; le non
respect par l’exploitant des procédures légales ou encore un défaut dans l’exécution des
programmes de travaux sont autant de raisons pouvant justifier le retrait d’un titre minier et la
résiliation d’un contrat d’exploitation (I). La rupture des relations contractuelles peut
également résulter d’un changement de circonstances. Que ce changement soit d’ordre
politique ou économique, les risques importants qu’il fait peser sur la poursuite de la relation
contractuelle sont réels (II).
Table des Matières
En règle générale, l’objectif tant pour l’Etat d’accueil que pour l’exploitant privé est d’éviter
autant que possible la rupture des relations contractuelles. Chacun d’entre eux entend mener à
terme la coopération dans laquelle s’inscrit l’exploitation de la ressource naturelle, pétrolière ou
minière!; l’Etat d’accueil souhaite en effet tirer le plus grand bénéfice possible de l’exploitation
des ressources naturelles présentes sur son territoire tandis que l’exploitant privé entend
rentabiliser son investissement sur la durée. Afin de préserver cette coopération, prévenir la
rupture des relations contractuelles et ainsi éviter un éventuel contentieux, les parties au
contrat d’exploitation et les exploitants bénéficient d’un ensemble de mécanismes contractuels,
au titre desquels les clauses de renégociation et les clauses dites de «sole risk!«!(III).
* Thierry Lauriol est Docteur d’Etat en Droit. Il est l’associé responsable du Département Energie, Mines, Infrastructures
qu’il y a créé en 1993 au Cabinet Jeantet Associés. Il enseigne à l’Université Paris II Panthéon Assas et codirige avec le
Professeur Yves Nouvel, le Diplôme de Droit économique international d’Afrique, tlauriol@jeantet.fr. Emilie Raynaud est
élève avocat au sein du même Département, eraynaud@jeantet.fr
contractuelle existant entre l’Etat d’accueil et l’exploitant privé. La volonté d’un gouvernement
de procéder à la relecture des contrats d’exploitation peut en effet conduire à une
renégociation des accords, comme l’actualité en Afrique a pu l’illustrer dans le secteur minier.
La renégociation du contrat d’exploitation, qu’elle soit souhaitée par l’Etat ou l’exploitant privé,
peut parfois s’avérer impossible et conduire à la rupture des relations contractuelles. Cette
rupture du contrat d’exploitation peut intervenir dans le cadre d’un changement de
circonstances économiques (B) ou politiques (A).
dans le secteur extractif. Le contentieux généré par ces processus de renégociation témoigne
des problématiques qu’ils génèrent.
l’Etat sénégalais a initié une procédure d’arbitrage sous l’égide de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) en demandant la résiliation aux torts d’Arcelor Mittal des différents
accords conclus dans le cadre de ce projet. Par une sentence partielle en date du 3 septembre
2013, le tribunal arbitral concluait à la violation par Arcelor Mittal de ses engagements et à la
résiliation des accords. Dans l’attente d’une sentence statuant sur la responsabilité et les
éventuels dommages et intérêts, le litige fut transigé entre les parties.27
Cette sentence illustre la faible marge de manœuvre dont l’exploitant dispose dans le cas où
un changement de circonstances remettrait en cause la rentabilité du projet. La non exécution
par l’exploitant de ses obligations, quand bien même la rentabilité du projet ne serait plus
assurée, ne justifie pas l’arrêt des opérations et peut par conséquent conduire à la résiliation
du contrat d’exploitation.
Afin de pallier le risque de rupture des relations contractuelles pouvant survenir en cas de
changement de circonstances, la pratique a vu apparaître un certain nombre de clauses
largement utilisées dans le secteur des industries extractives.
rupture des relations contractuelles et à un éventuel contentieux. Ce sont ces événements que
les clauses de risque indépendant, ou «!sole risk*»,32 ont vocation à prévenir.
Ainsi, en cas de désaccord entre les exploitants quant à l’opportunité de poursuivre les
opérations et l’importance des réserves prouvées de ressources naturelles, un des exploitants
peut décider de poursuivre seul le développement et la mise en production du gisement en
souscrivant une clause dite de risque indépendant. Dans ce cas, l’exploitant qui aura mis en
œuvre la clause de risque indépendant pourra poursuivre les opérations à ses frais et risques
et retirer les profits pouvant résulter de cette exploitation dans le futur.
Aujourd’hui, ces clauses sont largement utilisées dans le cadre de «!Joint Operating
Agreements*». Elles permettent ainsi à l’exploitant souhaitant poursuivre les opérations de
passer outre une décision de l’ «!operating committee*» refusant de poursuivre les opérations.
La mise en œuvre de la clause de «!sole risk!» nécessite de suivre une procédure spécifiée par
le contrat, laquelle passe généralement par une proposition de l’exploitant spécifiant les
travaux et dépenses envisagés et un vote des exploitants.
Ces clauses de risque indépendant sont des outils non négligeables lorsqu’il s’agit pour les
exploitants de résoudre une difficulté et ainsi poursuivre l’exécution d’un contrat.
CONCLUSION
La durée des contrats relatifs à l’exploitation des ressources naturelles, le positionnement
stratégique des ressources naturelles tant d’un point de vue politique que géostratégique,
imposent une attention toute particulière à l’insertion de clauses spécifiques en complément
des dispositions légales et réglementaires. Elles demandent de plus en plus de technicité et de
connaissances particulières du secteur et font l’objet aujourd’hui de négociations longues et
soignées surtout dans le contexte de fluctuation des cours des matières premières et de crise
économique internationale.
Le contentieux encore peu développé sur ces sujets devrait prendre de plus en plus
d’importance dans les années qui viennent.
NOTES
1. Le terme contrat d’exploitation désigne les contrats conclus entre un ou plusieurs exploitants privés et l’Etat
d’accueil, ou l’exploitant étatique local, ou les deux ensemble!; il s’agit à la fois de contrats pétroliers et de con-
ventions minières. Une distinction doit être faite entre les contrats d’exploitation et les contrats dits accessoires
tels que les contrats d’opération que l’opérateur privé en charge de l’exploitation d’un gisement conclut avec
les autres exploitants.
2. Les opérations d’exploration et de production ne sont en principe pas soumises au droit commun mais régies
par des textes dérogatoires!: les codes miniers et pétroliers.
3. En parallèle, les codes miniers et pétroliers vont généralement prévoir les hypothèses dans lesquelles un
manquement de l’exploitant privé à ses obligations pourra conduire au retrait du titre minier.
4. V. notamment, au Mali, l’article 7.1 de la convention type de partage de production!; aux Seychelles, l’article 35
(1) du Model Petroleum Agreement 2013.
5. V. notamment, au Mali, l’article 7.1 de la convention type de partage de production!; en Namibie, l’article 6 (2)
du Model Petroleum Agreement, 1998.
6. V. notamment, au Mali, l’article 7.1 de la convention type de partage de production.
7. V. notamment, aux Seychelles, l’article 35 (1) du Model Petroleum Agreement 2013.
8. V. en ce sens la sentence arbitrale Occidental Petroleum Corporation détaillée ci-après.
9. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador (ICSID Case No. ARB/06/11).
10. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, op. cit., § 114 et s.
11. D’un point de vue strictement juridique, il s’agit d’un contrat d’association par lequel le titulaire d’un «!working
interest!» désire céder ses droits à un tiers, en tout ou en partie, afin de partager le financement de l’exploita-
tion.
12. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, op. cit. § 127 et s.
13. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, op. cit., § 191 et suiv.
14. Il s’agit notamment de l’article 79 de la loi pétrolière et l’article 16 (1) du contrat de participation qui prévoient
que le transfert à un tiers des droits résultant d’un contrat de participation doit être autorisé par le ministre
Table des Matières
compétent.
15. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, op. cit. § 381.
16. Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, op. cit. § 452.
17. V. en ce sens J. Gotanda, «!Renegotiation and Adaptation Clauses in Investment Contracts, Revisited!», Vander-
bilt Journal of Transnational Law, vol. 36, p. 1461, spec. p. 1462!; v. également K. P. Berger, «!Renegotiation and
Adaptation of International Investment Contracts The Role of Contract Drafters and Arbitrators!», TDM October
2004-4, vol.1, p. 1.
18. International Quantum Resources Limited, Frontier SPRL and Compagnie Minière de Sakania SPRL v. Demo-
cratic Republic of the Congo (ICSID Case No. ARB/10/21).
19. Pour plus de détails sur la mission du CTRTCM voir l’arrêté ministériel n° 2745/CAB.MIN.MINES/01/ 2007 por-
tant mise sur pied de la Commission ministérielle chargée de la révisitation des contrats miniers ainsi que le site
internet de la CTRTCM (http!://www.contratsminiersguinee.org/about/mission-ctrtcm.html).
20. V. à ce sujet, «!Le Mali fait le ménage dans son secteur minier!», par Jeune Afrique, vendredi 1 août 2014 (dis-
ponible sur http!://direct.economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/22727-le-mali-fait-le-me-
nage-dans-son-secteur-minier.html).
21. Le gouvernement a procédé à l’annulation de trois conventions de concession attribués à la société Petro Plus
Angola Ltd portant sur le bloc 1A du bassin de Taoudéni (approuvée par le Décret n° 2011-560/P- RM du 1er
Septembre 2011) à la société Petro Plus Angola Ltd portant sur le bloc 1B du bassin de Taoudéni (approuvée
par le Décret n° 2011-549/P- RM du 1er Septembre 2011) et à la société New Catalyst Capital Investments
portant sur le bloc 4 du bassin de Taoudéni (approuvée par le Décret n° 2013-695/P-RM du 2 Septembre
2013).
22. Le gouvernement a procédé à l’annulation de 7 conventions de partage de production conclues avec la Société
Simba Energy Inc portant sur le bloc 3 du bassin de Taoudéni (approuvée par le Décret n°2011-721/P-RM du
02 novembre 2011), la Société Moh Oil portant sur le bloc 5 du bassin de Taoudéni (approuvée par le décret n!?
08-507/P-RM du 10 Septembre 2008), la Société Corvus Resources Managements Ltd., portant sur le bloc 6 du
bassin de Taoudéni (approuvée par le décret n° 2013-623/P-RM du 25 Juillet 2013), la Société Mali Petroleum
SA portant sur le bloc 8 du bassin de Taoudén (approuvée par le décret n° 05- 318/P-RM du 12 Juillet 2007),
la Société Mali Petroleum SA portant sur le bloc 10 du Graben de Gao (approuvée par le décret n° 05-318/P-
RM du 12 Juillet 2007), la Société Oranto Petroleum Ltd portant sur le bloc 12 du fossé de Nara (approuvée
par le décret n°08- 270/P-RM du 12 Mai 2008) et la Société Afex Global Limited portant sur le bloc 13 du fossé
de Nara (approuvée par le décret n°07-154/P- RM du 10 Mai 2007).
23. V. à ce sujet, «!BurkinaFaso!: Kaboré arrêté pour plus de transparence!?!», Africa Intelligence, 21 avril 2015,
n°343, p. 2.
24. V. à ce sujet les Termes de Références pour la revue des contrats miniers en République de Guinée (disponible
sur https!://www.documentcloud.org/documents/515244-termes-de-reference-revue-des-contrats-miniers.
html).
25. La chute des cours du pétrole qui a marqué l’année 2014 en est un exemple marquant. En l’espace de six mois,
le prix du baril de Brent est passé de 112 dollars au mois de juillet 2014 à 49 dollars en janvier 2015, après être
descendu jusqu’à de 46 dollars. Le secteur pétrolier n’est pas le seul à pâtir des fluctuations économiques.
S’agissant du secteur minier, l’année 2014 a été marquée par un fort recul des cours du fer sur les marchés
internationaux. Sur l’année 2014 le minerai de fer est passé de près de 140 dollars la tonne au début de l’année
2014 à 68 dollars la tonne au mois de décembre 2014, soit une baisse de plus de 40 % sur un an. D’autres
matières premières ont vu leurs cours chuter durant l’année 2014. Ainsi, le prix du cuivre a diminué de 15% en
2014 et celui de l’or a également diminué terminant l’année à $1,180/oz et ce pour la seconde année consécu-
tive, l’once d’or ayant perdu 28 % au cours de l’année 2013.
26. V. à ce sujet la suspension, en Mauritanie, de l’ensemble des projets d’exploitation de minerai de fer, notam-
ment le projet minier d’Askaf en Mauritanie par la société Sphere Minerals, filiale du groupe Glencore, ou encore
les hésitations de Rio Tinto dans le cadre de l’exploitation du «!méga projet!» de Simandou en Guinée présenté
comme un «!méga projet!» avec les conséquences que cela comporte au niveau de l’Etat d’accueil.
27. Accord transactionnel entre l’Etat du Sénégal et Arcelor Mittal en date du 30 mai 2014 (disponible sur http!://
www.gouv.sn/IMG/pdf/accord_transactionnel-arcelor_mittal.pdf).
28. Pour une définition des clauses de renégociation, v. notamment J. Gotanda («!Renegotiation and Adaptation
Clauses in Investment Contracts, Revisited!», op. cit., p. 1462) qui explique que!: «!Renegotiation clauses are
provisions in contracts that, upon the happening of a certain event or events, require all parties to return to the
bargaining table and renegotiate the terms of their agreements*».
29. S’agissant des législations minières et pétrolières contenant des dispositions relatives à la renégociation, il
convient de mentionner!: en République Démocratique du Congo, l’article 84 de la loi n°81-013 du 2 avril 1981
portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures qui prévoit!: «![l]a convention règle notamment*:
[‥] f) les clauses de renégociation éventuelles conclues par voie d’avenant!»!; au Ghana, l’article 13 du Petro-
leum (Exploration and Production) Act, 1984 qui prévoit!: «![a] petroleum agreement shall provide for a review
of its terms at any time and any significant change occurs in the circumstances prevailing at the time of the
entry into the agreement or the last review of the agreement.!»!; et en Angola, l’article 92 (2) de la loi pétrolière
n°10/04 du 12 novembre 2004 qui prévoit «!Dans les cas où cela est jugé nécessaire et approprié, les contrats
valides et en vigueur conformément au paragraphe précédent peuvent être renégociés entre les parties selon le
principe d’équité et d’équilibre des intérêts en présence, mais seulement dans le but d’adapter les dispositions
contractuelles jugées incompatibles avec la loi et les règlements d’applications*» (traduction non officielle).
30. V. en ce sens J. Gotanda, «!Renegotiation and Adaptation Clauses in Investment Contracts, Revisited!», op. cit.,
sp. p. 1463.
31. Sur l’usage fréquent des clauses de renégociation dans les contrats d’investissement de longue durée, voir S.
Kröll, «!The Renegotiation and Adaptation of Investment Contracts!», TDM, July 2004-3, vol. 1.
32. Pour un exemple voir notamment l’article 10 du Model Petroleum Agreement, 1998 de la Namibie. Ce mé-
canisme est également prévu par le code pétrolier malgache (loi n°96-018 portant code pétrolier du 20 août
Table des Matières
1996) dans son article 23 lequel prévoit!: «!Chaque signataire d’un contrat pétrolier qui n’a pas accepté de
financer des travaux supplémentaires décidés par ses partenaires devra se conformer aux termes et conditions
énoncés dans le contrat en vertu du principe du «!Sole risk*».*»
Chapitre 12
Le démantèlement des sites pétroliers et gaziers
Michael Polkinghorne et Nathalie Makowski*
Il existe près de 6500 installations offshore de production de pétrole et de gaz dans le monde,
réparties sur les plateaux continentaux de 53 pays. Plus de 4000 d’entre elles sont situées
dans le Golfe du Mexique, environ 950 en Asie, près de 700 au Moyen-Orient, 600 en mer du
Nord et en Atlantique Nord-Est et plus de 480 installations situées le long des côtes africaines.
Le Nigéria, plus important producteur de pétrole et de gaz du continent africain, abrite plus
de 170 installations1.
Il est prévu que la plupart des productions pétrolières et gazières soient mises hors service
d’ici 2020. De nombreux gisements de pétrole et de gaz arrivent donc en fin de production et
vont nécessiter un «!démantèlement!». Le coût estimé des activités liées au démantèlement
dans la mer du Nord varie de manière significative. Pour le seul plateau continental
britannique, ces coûts ont été estimés à £30 milliards avant 2040. Les installations
vieillissantes atteignant leur fin de vie, il est prévu que le coût annuel pour les cinq à dix
prochaines années dépassera les £2.5 milliards par an2. Toutefois, le secteur africain des
hydrocarbures offshore n’a pas encore atteint le degré de maturité observé dans le Golfe du
Mexique et la mer du Nord. Les gisements sont encore au stade de la production et aucun
démantèlement n’a eu lieu à ce jour3. Néanmoins, étant donné la complexité des
démantèlements offshore, il est important que des lois et règlementations internes soient
Table des Matières
Le démantèlement est un
processus long et complexe que les Etats hôtes et les entreprises pétrolières et gazières
doivent planifier longtemps avant que les obligations de démantèlement prévues dans les
contrats des Etats hôtes ainsi que par le droit pétrolier et de l’environnement ne commencent à
s’appliquer.6
Le démantèlement d’une installation offshore dépendra d’un certain nombre de facteurs tels
que le type de construction, sa dimension, sa distance des côtes, les conditions
météorologiques ainsi que la complexité de l’opération d’enlèvement, y compris les conditions
de sécurité des employés7.
Un grand nombre d’installations pétrolières arrivent à la fin de leur cycle d’exploitation. La
nécessité de mettre en place un régime juridique efficace et complet encadrant le
démantèlement des installations offshore est donc particulièrement pressante. En effet, les
risques environnementaux associés à l’extraction de ressources naturelles sont nombreux et
souvent perçus comme le talon d’Achille des industries extractives et des secteurs liés tels que
les infrastructures de pipelines.
Les Etats et les communautés au niveau local sont de plus en plus sensibles aux conséquences
environnementales négatives de ces activités, ce qui résulte en une pression accrue sur les
* Michael Polkinghorne est associé à White & Case LLP, mpolkinghorne@whitecase.com!; Nathalie Makowski est
collaboratrice au même cabinet, nmakowski@whitecase.com. L’auteur tient à remercier Ellen-Louise Moens pour son
aimable contribution à la rédaction de cet article.
entreprises impliquées dans des opérations d’extraction pour mieux anticiper et gérer en
amont ces problèmes potentiels. Une mauvaise gestion de ces aspects peut entrainer des
conséquences désastreuses tant en termes d’image et que financièrement. En témoignent les
problèmes durables rencontrés par les sociétés internationales opérant dans le Delta du Niger
pour n’avoir pas suffisamment pris de mesures, en relation avec les communautés locales,
visant à minimiser l’impact social et environnemental de leurs activités8. L’affaire Chevron en
Équateur illustre depuis plus de vingt ans les conséquences juridiques et financières d’une
gestion défectueuse des aspects environnementaux liés à des activités extractives9. Il est par
conséquent nécessaire de mettre en place une réelle stratégie de conformité environnementale,
à même de répondre de manière effective à ces défis externes10.
Les projets d’infrastructure offshore et on shore sont soumis à des régimes juridiques distincts.
Cet article se concentrera sur la règlementation offshore internationale, et en particulier sur la
réglementation du Royaume-Uni (en effet, la majorité de la production de pétrole et de gaz
naturel provient de gisements offshore dans le Plateau Continental du Royaume-Uni (le
«!UKCS!»)) et la réglementation des activités on shore en France, venant en complément des
activités offshore.
Ainsi, après une rapide vue d’ensemble des parties impliquées dans le démantèlement des
sites offshore et du financement du démantèlement, une première partie sera consacrée au
cadre juridique et règlementaire international applicable au démantèlement (I). Une deuxième
partie analysera le cadre contractuel mis en place par les différents acteurs pour traiter des
obligations de démantèlement, notamment en droit anglais (II). Enfin, une troisième partie
traitera de l’approche française en matière de démantèlement, approche qui diffère
significativement du système anglais (III).
LES ACTEURS
Table des Matières
Le traitement fiscal des coûts de démantèlement varie selon les Etats hôtes. Ceux-ci
bénéficient en effet d’une large discrétion qui leur permet de déterminer le financement qui
correspond le mieux à leur besoin. L’objectif de l’Etat hôte est de mettre la responsabilité du
démantèlement à la charge des sociétés pétrolières et de s’assurer que ces sociétés ont les
moyens financiers de remplir leurs obligations. L’analyse du cadre juridique retenu dans des
systèmes issus de common law et de droit civil illustre comment les Etats font face à la
possibilité de devoir prendre en charge une partie des coûts de démantèlement (notamment
au Royaume-Uni et en France).
Plusieurs facteurs sont à prendre en considération afin de déterminer le mode de
démantèlement le plus approprié!: l’impact potentiel sur l’environnement, l’impact potentiel sur
la santé des personnes et la sécurité, la faisabilité technique du plan, l’impact économique et
l’intérêt public. Compte tenu des coûts importants engendrés, les entreprises du secteur du
pétrole et du gaz cherchent activement à contrôler de manière plus systématique et plus
globale le cycle complet des opérations de démantèlement. La recherche d’un cadre
réglementaire adapté et de mécanismes d’assurance financière solides constituent, sans
surprise, des priorités pour l’industrie du pétrole et du gaz15. Ces aspects doivent être abordés
dès les phases initiales de l’accord de licence.
Le droit international prévoit ce que Peter Cameron a décrit comme «!une tapisserie [...]
constituée de normes de divers degrés de pertinence et de force exécutoire, s’appliquant à
différents groupes d’Etats. Il fournit, au mieux, un cadre dans lequel les nations et les
compagnies pétrolières internationales peuvent mener leurs opérations*»16. Le régime juridique
du démantèlement en droit international n’a pas acquis le statut de droit coutumier, et ce sont
les Etats qui décident (en choisissant de ratifier ou non les conventions pertinentes) dans
quelle mesure il s’applique au niveau national. Les entreprises doivent donc rechercher, dans la
législation nationale et les conventions internationales, les obligations juridiques qui leurs sont
immédiatement applicables et ce, en fonction de l’Etat hôte.
La première tentative multilatérale permettant de se doter d’un système international de
démantèlement figure dans la Convention de Genève sur le plateau continental de 1958 («!La
Convention de 1958!»). Contrairement au projet discuté en amont par les délégués, le texte
final (mis en avant par le Royaume-Uni pour protéger ses intérêts maritimes) prévoit des
normes élevées et strictes17. Depuis 1958, le droit international dans ce domaine a, sans
formellement révoquer cette disposition, abandonné l’exigence d’un enlèvement complet. Il
est à présent communément admis que la Convention de 1958 a fixé des normes trop
contraignantes au regard de la pratique actuelle dans l’industrie pétrolière et gazière offshore.
A l’époque, on n’avait pas anticipé les méthodes de forage offshore actuelles et
l’augmentation de la profondeur des zones explorées.
L’article 60 (3) de la CNUDM est moins contraignant que l’article 5 (3) de la Convention de
1958 et prépare le terrain pour une acceptation du retrait partiel. L’article 60 de la CNUDM
appelle plusieurs observations. A titre liminaire, l’article 60 (3) de la CNUDM s’applique aux
installations et structures au sein de la Zone Economique Exclusive («!ZEE!»). L’article 80 de la
CNUDM prévoit par ailleurs que l’article 60 s’applique mutatis mutandis aux installations et
structures sur le plateau continental. Les dispositions relatives à l’enlèvement d’installations ne
sont pas applicables aux zones maritimes qui relèvent de la souveraineté d’un Etat côtier. Les
décisions relatives à l’enlèvement doivent aussi prendre en compte la pêche, la protection de
l’environnement marin ainsi que les droits et prérogatives d’autres Etats20.
installation offshore, sa structure ou certaines de ses parties, à rester sur le fond marin doit
notamment se fonder sur une évaluation faite au cas par cas par l’Etat côtier ayant
compétence sur l’installation ou l’ouvrage concerné23. Dans la pratique, il peut y avoir des
incohérences entre les conditions requises.
OSPAR et exige que les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution
et de lutte contre celle-ci soient encourus par le pollueur26.
La décision OSPAR 98/3 sur l’élimination des installations offshore désaffectées («!La
décision OSPAR 98/3!») adoptée lors d’une réunion ministérielle dans le cadre de la
Convention OSPAR, établit la règle générale selon laquelle!: «!L’immersion, et le maintien en
place, en totalité ou en partie, des installations offshore désaffectées sont interdits dans la
zone maritime!»27.
Plus précisément, la reconnaissance par la décision OSPAR 98/3 des difficultés rencontrées
dans l’enlèvement total des fondations de structures en acier pesant plus de 10,000 tonnes a
contribué à établir des dérogations à la règle générale et à privilégier une analyse au cas par
cas. La règle générale fait donc l’objet de dérogations bien définies s’ «!il existe des raisons
sérieuses pour lesquelles une autre option d’élimination […] est préférable à la réutilisation, au
recyclage ou à l’élimination finale à terre!»28. L’Annexe 1 prévoit les catégories d’installations
offshore désaffectées au titre desquelles des dérogations sont susceptibles d’être envisagées.
L’Annexe 2 prévoit le schéma d’évaluation des propositions d’élimination en mer d’installations
offshore désaffectées. Enfin, l’Annexe 3 prévoit la procédure de consultation ainsi que les
critères nécessaires à l’obtention d’une dérogation29.
Uni et utilisé par Shell comme une plate-forme offshore de stockage et de chargement de
pétrole. Ayant cessé ses activités en 1991, Brent Spar a été préparée pour son démantèlement.
Après de nombreuses études détaillées, il a été déterminé qu’il serait trop dangereux de
ramener la plate-forme à terre pour la démonter et que la couler en pleine mer constituerait la
meilleure option. Le gouvernement britannique a émis un permis pour ce faire.30 Néanmoins,
des activistes de Greenpeace se sont opposés à cette solution en dénonçant ses risques pour
l’environnement marin. Une campagne internationale de boycott s’en est suivie.
Alors que le gouvernement britannique affirmait que la solution retenue était conforme au
droit international, la campagne de Greenpeace a attiré des soutiens en provenance de
pays d’Europe de l’Ouest, et notamment de certains gouvernements européens. Shell a
finalement décidé unilatéralement de ne pas procéder au sabordage de la plate-forme et
de la ramener à terre. Néanmoins, cette affaire a eu des implications importantes pour le
développement du droit international relatif aux démantèlements offshore, en attirant
l’attention publique sur cette question. Elle a en effet permis de tester l’application du droit
international en vigueur, tel que représenté par les provisions de l’Article 60 (3) de la
CNUDM et des Directives de l’OMI.
L’épisode Brent Spar a ainsi suggéré que les Directives de l’OMI, et dans une moindre mesure
l’Article 60 (3) de la CNUDM, étaient inadaptées pour gérer les différents intérêts relatifs aux
démantèlements offshore et ne pouvaient donc être considérées comme conclusives sur la
question. La plupart des développements juridiques et politiques relatifs aux démantèlements
ont pris place en Europe à la suite de l’affaire Brent Spar. Un auteur a souligné que cela devait
être attendu étant donné que le Royaume-Uni et les autres pays européens de la mer du Nord
sont ceux qui ont eu les liens les plus étroits avec Brent Spar.31
Ainsi, le droit international du démantèlement manque d’uniformité et reste incertain, laissant
ouverte la question des normes futures en matière de démantèlement. Le manque de clarté
du régime international du démantèlement met en évidence la nécessité d’élaborer une
législation nationale complète qui prévoit des obligations de démantèlement, notamment
dans les contrats de concession et ce dès le stade initial. L’adoption de règles claires de
démantèlement et la répartition des responsabilités sont dans l’intérêt de toutes les parties
impliquées32.
E. Le droit européen
Le droit européen relatif aux forages offshore a été modifié à la suite de la catastrophe
Deepwater Horizon. En 2010, l’explosion de la plate-forme située dans le Golfe du Mexique
avait causé la mort de 11 personnes ainsi qu’une des marées noires les plus importantes de
l’histoire, avec des conséquences environnementales désastreuses. L’Europe avait alors
souhaité tirer les leçons de cette catastrophe, afin d’éviter qu’un tel évènement ne se produise
sur le territoire européen.
Ainsi, la directive européenne 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations
pétrolières et gazières en mer a pour objectif «!de réduire autant que possible la fréquence des
accidents majeurs liés aux opérations pétrolières et gazières en mer et d’en limiter les
conséquences, en améliorant ainsi la protection de l’environnement marin et des économies
côtières contre la pollution*». Elle dispose par exemple que les États membres doivent imposer
à l’exploitant qu’il conserve des capacités suffisantes pour respecter ses obligations
financières découlant des responsabilités liées aux opérations pétrolières et gazières en mer33.
L’exploitant doit également mettre en place un plan d’intervention d’urgence interne, qui
concerne «!les mesures visant à prévenir l’aggravation ou à limiter les conséquences d’un
accident majeur relatif à des opérations pétrolières et gazières en mer!»34.
La catastrophe environnementale de Deepwater Horizon montre que les questions
environnementales sous-jacentes aux installations offshore sont nombreuses et qu’elles ne
peuvent être ignorées. Le droit international et européen s’est efforcé de régler ces questions.
Néanmoins, pour gérer ces questions et anticiper les difficultés, les sociétés pétrolières et
gazières doivent s’assurer qu’elles possèdent les ressources financières nécessaires pour
supporter les coûts potentiellement engendrés par leurs installations offshore, tant en cours
d’exploitation qu’au moment de leur démantèlement.
Table des Matières
en compte les effets potentiels à long terme du projet, y compris le démantèlement. Compte
tenu du temps qui peut s’écouler entre une demande d’autorisation et le démantèlement, une
nouvelle EIA peut être exigée au moment du démantèlement. L’EIA doit prendre en compte
l’impact de toutes les activités de démantèlement!(offshore, inshore et onshore) sur le
changement climatique, la consommation d’énergie, les oiseaux et les habitats naturels38.
Les sociétés pétrolières souhaitent s’assurer que leurs partenaires dans le cadre d’accords
d’exploitation commune (joint operating agreement, ci-après désigné «!JOA!») ont les
ressources financières suffisantes pour honorer leurs obligations. Le Petroleum Act de 1998
impose une responsabilité conjointe et solidaire des parties à un JOA pour les obligations de
démantèlement39. Le Département «!Business, Enterprise and Regulatory Reforms!» («!BERR!»)
a le pouvoir en vertu du paragraphe 30 (1) (d) de demander à toute société, associée ou partie
à un JOA de produire un programme de démantèlement conformément au paragraphe 29 du
Petroleum Act40. Il est possible de solliciter du BERR d’être exempté de la fourniture de ce
programme. L’article 31 (4) donne une compétence discrétionnaire au secrétaire d’État pour
décider d’accorder, ou non, une exemption41.
En application des lignes directrices du BERR, le programme de démantèlement ne doit pas
être exigé si la capacité financière du groupe restant est importante. En l’absence
d’exemption, le cédant pourra voir sa responsabilité engagée lors de la mise en œuvre du
démantèlement. Une garantie de l’acheteur peut être exigée selon les termes du contrat de
cession. Même en présence d’exemption, le paragraphe 34 du Petroleum Act permet au
BERR d’imputer les coûts d’un programme de démantèlement à tout ancien propriétaire
d’une installation. Conformément au paragraphe 30, toute personne, et les sociétés qui y sont
associées, ayant la gestion de l’installation ou de sa structure principale!; et toute personne
qui possède un intérêt dans l’installation, autrement que comme garantie d’un prêt, peut être
amenée à contribuer42.
Table des Matières
traitait plus de la question des profits éventuellement liés au démantèlement plutôt que des
coûts associés44. Le modèle prévoyait ainsi la possibilité pour les parties de conclure un accord
d’abandon après la finalisation du programme de développement par le comité opérationnel
et avant soumission au gouvernement pour approbation44.
Les modèles de JOA historiques n’étant pas suffisamment détaillés sur la question du
démantèlement, cette insuffisance a été palliée lors de la promulgation du Petroleum Act de
1987 (ainsi que par les modèles de JOA décrits ci-dessous), qui a introduit un régime
permettant au gouvernement d’exiger un programme de démantèlement énonçant les
mesures à prendre et liant les sociétés. En outre, et comme indiqué ci-dessus, le Petroleum
Act de 1987 a imposé la responsabilité conjointe et solidaire pour toutes les parties d’un JOA48.
b. Les Accords relatifs aux DSA et les Actes relatifs aux DCPD
L’objet d’un DSA est de garantir que les coûts de démantèlement soient couverts par chaque
partie et que chacune participe à ses frais de démantèlement respectifs lorsqu’elles seront
sollicitées53. D’un point de vue juridique, il est généralement préférable de s’accorder sur les
termes du DSA le plus en amont possible de la phase de production, afin d’éviter des
négociations trop longues et tout risque de contentieux éventuel54.
Comme indiqué plus haut, OGUK a travaillé en collaboration avec les agences
gouvernementales et les représentants industriels nationaux en vue de produire un modèle de
Table des Matières
DSA, le DCPD. La principale différence entre le DSA et le DCPD est d’ordre structurel. Le DSA
permet à l’opérateur de conserver la sûreté de démantèlement donnée par les parties en sa
qualité de «!mandataire de sûreté!», alors que le DCPD établit un mécanisme de fiducie en vertu
duquel un fiduciaire indépendant (équivalent à un prestataire de services) détient les liquidités
et l’intégralité de la garantie de remplacement, telle que des lettres de crédit ou des garanties
d’exécution. Le mécanisme du trust a été conçu pour s’assurer que les fonds de démantèle-
ment et les sûretés sont protégés contre les créanciers en cas d’insolvabilité d’une partie55.
La mise en place de ce type de mécanisme permet aux parties de s’assurer que des garanties
suffisantes sont réunies en cas de difficultés financières liées à la mise en œuvre du
démantèlement. Chaque partie au DCPD, qu’elle soit agent fiduciaire ou non, peut ainsi se
prévaloir des sommes provisionnées. Ce mécanisme permet également aux parties qui ne sont
pas titulaires du permis d’exploitation d’évaluer le montant des sommes provisionnées. Ce
mécanisme constitue une tentative innovante de la part de l’industrie du pétrole et du gaz
anglaise afin de s’adapter aux dispositions du Petroleum Act de 199856.
Contrairement au cadre juridique anglais considéré ci-dessus, au sein duquel les mécanismes
de fiducie peuvent protéger contre l’insolvabilité d’un opérateur, le cadre juridique français ne
contient pas de tels mécanismes. En lieu et place de ces derniers, une législation spécifique
couvre les obligations d’un opérateur dans les sites d’extraction.!
CONCLUSION
La France et le Royaume-Uni ont abordé de façon différente les problématiques liées au
démantèlement, notamment en termes de financement. Le système anglais, pionnier en la
matière, a introduit le système des «!trusts!» afin de s’assurer que les fonds nécessaires au
démantèlement soient disponibles. Il n’y a pas encore d’équivalent dans le système français
pour les installations offshore mais la situation pourrait évoluer avec la transposition du droit
européen en droit interne.
NOTES
1. A. Morakinyo Adedayo, “Environmental Risk and Decommissioning of Offshore Oil Platforms in Nigeria”, NIALS
Journal of Environmental Law Vol. I, 2011, p. 4.
2. DECOM North Sea, «!Decommissioning in the North Sea!», Review of Decommissioning Capacity, Scottish
Enterprise, October 2014, p. 8.
3. A. Morakinyo Adedayo, “Environmental Risk and Decommissioning of Offshore Oil Platforms in Nigeria”, NIALS
Table des Matières
21. Résolution A.672(16) de l’OMI en date du 19 octobre 1989, disponible en anglais!: http.://www.imo.org/blast/
blastDataHelper.asp.?data_id=22503&filename=A672(16)E.pdf.
22. United Nations Environment Programme, «!Dealing with Decommissioning Costs of Offshore oil and Gas field
installations!: an appraisal of existing regimes!», op. cit., p. 10.
23. Cette évaluation doit inclure les éléments suivants!: tout impact potentiel sur la sécurité de navigation en sur-
face ou sous l’eau, ou d’autres utilisations de la mer!; la vitesse de détérioration du matériel et ses conséquenc-
es présentes et futures sur l’environnement marin!; l’effet potentiel sur l’environnement marin, y compris sur les
ressources vivantes!; le risque que le matériel se déplace par rapport à sa position actuelle dans le futur!; les
coûts, la faisabilité technique et les risques de blessures du personnel associés à l’enlèvement de l’installation
ou de la structure et la détermination d’une nouvelle utilisation ou toute justification raisonnable permettant à
la structure ou l’une de ses parties de rester sur le fond marin. Voir Articles 1.1, 3.1, 3.1.3, 3.2, 3.6, 3.11, Réso-
lution A.672 (16) de l’OMI.
24. R. Beckman, «!Global Legal Regime on the Decommissioning of Offshore Installations and Structures!», Centre
for International Law, National University of Singapore, pp. 10-11.
25. L’article 2 (2) (a) de la Convention OSPAR dispose!: «!Le principe de précaution, selon lequel des mesures de
prévention doivent être prises lorsqu’il y a des motifs raisonnables de s’inquiéter du fait que des substances ou
de l’énergie introduites, directement ou indirectement, dans le milieu marin, puissent entraîner des risques pour
la santé de l’homme, nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes marins, porter atteinte aux valeurs
d’agrément ou entraver d’autres utilisations légitimes de la mer, même s’il n’y a pas de preuves concluantes
d’un rapport de causalité entre les apports et les effets!».
26. L’article 2 (2) (b)!de la Convention OSPAR dispose!: «!Le principe du pollueur payeur, selon lequel les frais résul-
tant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés
par le pollueur!».
27. V. Programmes et mesures (2) de la décision OSPAR 98/3.
28. V. Programmes et mesures (3) de la décision OSPAR 98/3!: «!Par dérogation aux dispositions du paragraphe 2,
si l’autorité compétente de la Partie contractante concernée est convaincue, après qu’une évaluation conforme
aux dispositions de l’annexe 2 ait été réalisée, qu’il existe des raisons sérieuses pour lesquelles une autre option
d’élimination, telle que visée ci-après, est préférable à la réutilisation, au recyclage ou à l’élimination finale à
terre, elle peut accorder un permis pour (a) le maintien en place de la totalité ou d’une partie des empiète-
ments d’une installation en acier classée dans l’une des catégories énumérées en annexe 1, et implantée dans
la zone maritime avant le 9!février!1999!; (b) l’immersion ou le maintien, en totalité ou en partie, d’une instal-
lation en béton classée dans une catégorie énumérée en annexe!1 ou constituant une embase en béton!; (c)
l’immersion ou le maintien, en totalité ou en partie, de toute autre installation offshore désaffectée, lorsque
Table des Matières
des conditions exceptionnelles et imprévues, résultant de dégâts structurels ou d’une détérioration ou d’une
quelconque autre cause présentant des difficultés équivalentes peuvent être démontrées!».
29. V. L’annexe 1, L’annexe 2 et L’annexe 3 de la décision OSPAR 98/3.
30. F. Kaczelnik Altit & M. Osa Igiehon, «!Decommissioning of Upstream Oil and Gas Facilities, Oil and Gas!: A Prac-
tical Handbook!», Globe Law Business, p. 265.
31. F. Kaczelnik Altit & M. Osa Igiehon, op. cit., p. 265.
32. United Nations Environment Programme, Dealing with Decommissioning Costs of Offshore oil and Gas field
installations!: an appraisal of existing regimes, op. cit., p. 11.
33. Voir art. 4 de la directive européenne 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations
pétrolières et gazières en mer.
34. Voir art. 2 (36) de la directive européenne 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations
pétrolières et gazières en mer.
35. V. la Convention OSPAR, Article 2 (2) (a)!note 16.
36. M. Hammerson, Upstream Oil and Gas*: Cases, Materials & Commentary, 2011, p. 438.
37. C. Strong, The Oil and Gas Law Review*: United Kingdom, 2014, p. 355.
38. M.-C. O’Hara, «!The Legal and Regulatory Framework Governing Offshore Decommissioning!», Construction
Law Journal, Volume 31, Issue 3, 2015, pp. 130-131.
39. Paragraph 36 du Petroleum Act 1998!: «!it shall be the duty of each of the persons who submitted [an aban-
donment programme] to secure that it is carried out and that any conditions to which the approval is subject
are complied with!».
40. Paragraph 29 du Petroleum Act 1998!: «!(1) The Secretary of State may by written notice require (a) that the
person to whom the notice is given!; or (b) where notices are given to more than one person, those persons
jointly, to submit to the Secretary of State a programme settling out the measures proposed to be taken in
connection with the abandonment of an offshore installation or submarine pipeline (or abandonment pro-
gramme)!». Paragraph 30 (1) du Petroleum Act 1998 énonce qu’une demande de programme en application de
la section 29!: «!(1) shall not be given to a person in relation to the abandonment of an offshore installation un-
less at the time when the notice is given he is within any of the following paragraphs (a) the person having the
management of the installation or of its main structure!; (b) a person to whom subsection (5) applies in relation
to the installation!; (c) a person outside paragraphs (a) and (b) who is a party to a joint operating agreement
or similar agreement relating to rights by virtue of which a person is within paragraph (b)!; (d) a person outside
paragraphs (a) to (c) who owns any interest in the installation otherwise than as security for a loan!; (e) a com-
pany which is outside paragraphs (a) to (d) but is associated with a company within any of those paragraphs!».
41. Section 31 du Petroleum Act 1998 (4)!: «!The Secretary of State shall not give a notice to a person under Sec-
tion 29 (1) without first giving him an opportunity to make written representations as to whether the notice
should be given!».
42. V. note 25!; Paragraphe 29 et 30 du Petroleum Act 1998.
43. M. Hammerson, «!Decommissioning offshore oil and gas facilities!: Industry contracts and security arrange-
ments, IBC Conference on Counting the Costs of Decommissioning!» Oil and Gas, 18 and 19 June 2008, p. 1.
44. (ii)6The preparation and periodic review by the Operator for submission to the Parties of estimates of the likely
costs to The Parties of such abandonment and of the amount and value of the net recoverable reserves of the
field in question, provided that any Party shall have the right reasonably to require the preparation of further
reports and studies in relation thereto!».
48. M. Hammerson, «!Decommissioning offshore oil and gas facilities!: Industry contracts and security arrange-
ments!», op. cit., p. 6.
49. A. Fisher and N. Bowyer, «!Decommissioning Agreements!», op. cit., p. 44.
50. Ibid, p. 44.
51. On parle de «!Decommissioning Cost Provision Deed!» (“DCPD”).
52. Voir Clause 3 du OGUK JOA Model. Voir aussi N. Etteh, «!Joint Operating Agreements!: Which Issues are likely
to be the most sensitive to the parties and how can a good contract design limit the damage from such dis-
putes!?!», University of Dundee, Centre for Petroleum and Mineral law and Policy, p. 12.
53. Andrew Fisher and Nina Bowyer, «!Decommissioning Agreements!», op. cit., p. 45.
54. Ibid., p. 45.
55. M. Hammerson, «!Upstream Oil and Gas!: Cases, Materials and Commentary!», Decommissioning 2011, p. 469.
56. Ibid, p. 471.
57. Voir article L. 111-1 et L. 163-1 et suivants du Code minier.
58. Voir article L. 512-1 du Code de l’environnement.
59. Toutefois, dans le cas où la réhabilitation ainsi prévue est!manifestement incompatible avec l’usage futur de la
zone, apprécié notamment en fonction des documents d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle l’opérateur
fait connaître à l’administration sa décision de mettre l’installation à l’arrêt définitif et de l’utilisation des terrains
situés au voisinage du site, le préfet peut fixer des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes permet-
tant un usage du site cohérent avec ces documents d’urbanisme.
60. Voir article R. 512-39-1 du Code de l’environnement.
61. Voir!: http.://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/05/cir_35330.pdf.
62. Elles sont précisées par l’article R. 516-2 du Code de l’environnement.
63. Voir article R. 516-3 du Code de l’environnement.
64. Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental du 13 mars 2012, «!De la gestion préventive des ris-
ques environnementaux!: la sécurité des plateformes pétrolières en mer!».
65. Voir notamment les articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement.
66. Voir art. 3.1 à 3.4 de la directive européenne 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations
pétrolières et gazières en mer.
67. Voir l’article 10.4 du Modèle AIPN qui prévoit que les parties doivent «!établir un plan préliminaire de
Table des Matières
démantèlement relatif à des installations et/ou de l’équipement, ainsi qu’à l’abandon de puits!». Les parties
tenues de se conformer aux procédures de démantèlement doivent également établir une nouvelle Annexe
E introduite avec le Modèle AIPN de 2012. L’Annexe E fait état des provisions financières destinées à couvrir
les coûts du démantèlement par l’établissement d’un fonds fiduciaire. Le cas échéant, l’Annexe E peut être
modifiée afin de se conformer aux exigences particulières de l’Etat hôte. Les parties sont tenues de contribuer
au fonds fiduciaire quand l’opérateur effectue un appel de fonds. Les parties peuvent également fournir une
sûreté en lieu et place du paiement. Le Modèle AIPN de 2012 maintient certaines des dispositions du Modèle
de 2002 en donnant aux parties du JOA la possibilité de créer un fonds de sécurité lorsqu’une partie est dé-
faillante. Des dispositions prévoient désormais que le fonds de sécurité corresponde à une somme égale à la
participation de la partie défaillante au coût de démantèlement (dans la mesure que la partie défaillante n’ait
pas encore prévu de sûreté relative au démantèlement en vertu de l’article 10).
Chapitre 13
Publication des contrats et confidentialité
de l’industrie extractive
Isidore Costade*
Le contrat extractif est un contrat commercial et le principe du secret de la vie des affaires
justifie l’introduction de multiples clauses de confidentialité. Le contrat extractif est aussi un
contrat d’Etat, qui met en oeuvre une politique publique et nécessite une certaine
transparence du contrat qui en permet un contrôle démocratique. Le contrat extractif va donc
être sujet d’obligations contradictoires de confidentialité et de transparence, la société civile
nationale ou internationale réclamant légitimement l’accomplissement de certaines exigences
d’information qui se heurtent à la confidentialité des contrats d’affaires.
De ce conflit de logique nait de nombreuses incertitudes dans la pratique.
En Ouganda, militants et députés cherchent actuellement à avoir accès aux contrats signés
entre le gouvernement ougandais et Tullow Oil Plc. L’entreprise a déclaré publiquement qu’elle
ne divulguera les contrats qu’après avoir obtenu l’accord du gouvernement.
Au Ghana, la négociation des récents contrats pétroliers a montré que le gouvernement
craignait la réaction des l’entreprises extractives s’il préconisait la transparence des contrats.
Table des Matières
En Azerbaïdjan, British Petrolum et ses partenaires ont divulgué les contrats de façon
unilatérale en réponse à une campagne internationale de la société civile.
Peut on faire un bilan de ces obligations contradictoires!? Si d’une part des clauses de
confidentialité sont encore très présentes dans les contrats extractifs, et que d’autre part des
normes internationales ou des lois nationales –par exemple l’Initiative pour la Transparence des
Industries Extractives (ITIE) — imposent la transparence dans le secteur extractif, le principe
de publicité des contrats semble cependant désormais primer sur la confidentialité dans les
contrats extractifs.
Cette situation pose la question concrète de la publicité des contrats et de leur confidentialité,
des obligations de confidentialité imposant des limites à la publicité des contrats dans les
industries extractives (I) alors qu’une obligation de transparence réalise le développement de
la publicité dans le secteur extractif (II).
* Isidore Costade assume actuellement les fonctions de Chef du Département Juridique et Assurances à la Congolaise de
raffinage (CORAF), i.costade@yahoo.fr
La rédaction des contrats est une technique qui résulte d’une pratique qui est très largement
a nationale, c’est à dire qui ne prend pas en compte la loi nationale qui est applicable au
contrat, soit qu’on ne la connaisse pas encore, soit que son application soit incertaine, soit
que l’on décide de mélanger des clauses de tradition européenne et de tradition de common
law avec des clauses provenant simplement des usages de tel ou tel secteur économique tel
le secteur pétrolier.
La rédaction est faite en plusieurs étapes -lettres, avant accords…- pour arriver à un accord
définitif. C’est ce que l’on nomme la «!façon graduée!» de constituer un contrat, que les
Allemands nomment ponctuation. Cette formation graduée des contrats internationaux, est
prévue par les Principes Unidroit relatifs aux contrats internationaux, leur article 2.1.14 étant
relatif aux clauses à déterminer ultérieurement. Dans la pratique, les appellations sont très
diverses, lettre d’intention, Accords de principe étendu,s binding, term sheet, etc.
Parmi les clauses de ces avants contrats, on trouve des clauses ou accord de!confidentialité,
dit Non Disclosure Agreement (NDA) ou Confidential Disclosure Agreement (CDA).
Cette obligation peut être générale pour toutes les informations échangées lors de
négociations, ou au contraire définit l’information protégée de manière précise.
Un accord de confidentialité comporte ainsi des éléments divers tels la raison pour laquelle
des informations sont transmises!; la définition de l’information protégée, l’interdiction de
divulguer celle-ci à des tiers sans l’accord préalable, exprès et écrit du détenteur initial de
l’information!; l’obligation de limiter aussi en interne la divulgation de l’information aux seuls
responsables ou préposés dont l’intervention est nécessaire à son évaluation!; l’engagement de
tenir une liste des personnes physiques qui ont eu accès à l’information!; l’interdiction pour le
contractant d’utiliser l’information protégée à d’autres fins que celles indiquées au contrat!;
l’obligation de ne conserver aucune trace de l’information protégée après la période
Table des Matières
d’évaluation pour laquelle elle a été transmise , ce qui peut-être aménagé dans certaines
limites pour des raisons d’archive et de contrôle interne!; la durée de l’obligation de
confidentialité clause stipulant que l’obligation de confidentialité durera un certain temps
après la fin du CDA, ou au contraire, ne limitant pas l’obligation dans le temps…
Parfois figure en annexe un modèle de formulaire qui permettra à la personne morale qui
reçoit l’information de demander un engagement individuel de confidentialité à chacun de ses
dirigeants ou préposés personnes physiques auquel elle transmet l’information.
Le plus grand contrat minier conclu, jusqu’ici, par la Chine en Afrique, a ainsi été négocié dans
le plus grand secret, la confidentialité des affaires du droit privé. Cependant, à la fin de l’année
2007 la Ligue congolaise contre la corruption (Licoco) Ong spécialisée dans la lutte contre la
corruption de la société civile a reçu une copie du protocole d’accord des contrats miniers
signés, le 17.09.07, entre la République Populaire de Chine et la République Démocratique du
Congo. François Misser a dévoilé, dans un article publié dans le quotidien berlinois Die
Tageszeitung fin décembre 2007,2 ces avants contrats dont une copie, y lit-on, a été «!glissée!»
à la rédaction du journal.
On trouve trace de ces diverses étapes de la négociation d’un contrat dans le préambule ou
«!récital!» du contrat principal ou du dernier avant contrat. La pratique des recitals-préambules
permet de rappeler dans les contrats que de tels avant contrats ont été signés et s’imposent
donc, y compris les clauses de confidentialité. A l’inverse, il est nécessaire dans un contrat de
préciser expressément si on le souhaite qu’il est le seul contrat qui s’impose, les avant contrat
n’ayant alors pas de force obligatoire. C’est ce que la pratique appelle des clauses d’accord
entier3 ou entire agreement clause!:
This contract constitutes the entire agreement between the parties and sets out a full
statement of the contractual rights and liabilities of the parties in relation to the works and no
negotiations between them nor any document agreed or signed by them prior to the date of
this contract in relation to the works is of any contractual effect.
de cette responsabilité démocratique qui favorise la transparence et permet sans nul doute le
contrôle des recettes générées par l’exploitation de ces matières premières.
La République Démocratique du Congo, nonobstant quelques réticences ou oppositions de
certaines entreprises telles que la société TFM dans la situation examinée plus haut,4 a décidé
de publier les contrats. En effet, à l’issue d’âpres négociations entre le gouvernement, les pays
donateurs, les parlementaires ainsi que les autres consultants extérieurs, la RDC a procédé en
2007 à la divulgation de tous ses contrats miniers.
Au Pérou la divulgation publique des contrats principaux d’exploration et d’exploitation de
pétrole ne semble pas avoir affecté les intérêts des sociétés extractives. Pas plus qu’en
Equateur où la loi constitutionnelle, promulguée pour application sous forme de «!loi
organique pour la transparence et l’accès public aux informations!» le 18 mai 2004, stipule!que!:
la Constitution de l’Équateur garantit le droit d’accès aux informations et déclare expressément
que «.les informations détenues dans les archives publiques ne seront pas classées comme
secrètes, excepté pour les documents imposant une telle classification pour les besoins de la
défense nationale ou pour d’autres raisons indiquées par la loi.5
Dans certains autres pays, toute personne peut faire une demande auprès du ministère
compétent ou d’un centre de documentation parlementaire pour avoir accès aux contrats. Ces
contrats tombent ainsi presque automatiquement dans le domaine public.
Pour sauvegarder une certaine confidentialité, ces Etats ou les sociétés nationales gestionnaires
des droits ont élaboré des clauses de confidentialité. Un principe de confidentialité est posé,
qui cède devant une éventuelle obligation légale de divulgation du contrat.
L’exemple suivant montre la technique utilisée!:
Article 18.: confidentialité
Table des Matières
Toutes données et informations fournies aux parties ou reçues par celles-ci concernant le
présent Contrat, l’autre Partie et/ou le Bien, seront traitées comme confidentielles et ne seront
pas divulguées sans l’accord préalable et écrit de l’autre Partie (qui ne pourront refuser leur
accord sans motif raisonnable) à aucune personnes quelconque, à moins qu’une telle
divulgation ne soit nécessaire pour réaliser une vente à un tiers conformément aux clauses de
préemption convenues au présent contrat ne soit requise par la loi ou par toute autorité
réglementaire quelconque compétente.
Lorsqu’une divulgation est requise par la loi ou par une autorité réglementaire compétente une
copie de l ‘information dont la divulgation est requise, en ce compris, sans limitation, tout
communiqué de presse, devra être fournie aux parties dans un délai aussi raisonnable que
possible avant cette divulgation. Si la divulgation est pour rendre effective une cession à un
tiers ou pour obtenir un financement du projet, le tiers ou le financier sera tenu de signer un
engagement de confidentialité.
Aucune partie ne sera responsable, a l égard de l ‘autre Partie, de toute interprétation, opinion,
conclusion ou autre information on factuelle que la partie aura insérée dans tout rapport ou
autre document fourni à la partie qui reçoit l’information, que ce soit par négligence ou
autrement.
La convention de confidentialité signée par les deux Parties sur ce projet fait partie intégrante
du présent Contrat.
L’importance des clauses de stabilisation en particulier, est devenue plus claire aux yeux des
militants. Le fait que des contrats confidentiels aient pu être en opposition avec la législation
nationale a marqué les esprits. Cependant, afin de garantir une bonne exécution des
engagements pris et sécuriser l’investissement, ces clauses révèlent toute leur importance
contre le risque de paralysie que pourraient générer toute initiative de leur remise en cause.
Mais les renégociations sont confidentielles.6
II
Table des Matières
extractive%: les lois ITIE et FOI, les Sunshine law, les lois parlementaires
Face aux entraves à la publication et donc à la transparence des contrats en industrie
extractive, certaines lois sont de véritables alternatives.
Les lois dites ITIE (Initiative Transparence Industries Extractives), elles donnent la possibilité au
gouvernement de surmonter le refus d’une entreprise à rendre publique le contrat à cause de
la clause de confidentialité y incluse.
En effet, le gouvernement peut exiger même par une loi nouvelle ITIE, la divulgation du
contrat sans en enfreindre la clause de confidentialité. La plupart des contrats le permettent
presque toujours. C’est le cas au Ghana ou au Libéria où le pays s’est récemment doté d’une
loi ITIE.
Il est à noter toutefois que le refus du gouvernement offre peu de possibilité à l’entreprise à
publier le contrat.
Les lois FOI (Freedom Of Informations ou Liberté d’accès aux Documents Publics) quant à
elles permettent la publication des contrats en cas d’opposition du gouvernement et de
l’entreprise. Ces mécanismes juridiques donnent accès au contrat avant que la période de
confidentialité prévue dans la clause du contrat n’arrive à son terme, par exemple si une date
d’arrivée à terme a été définie. Certaines clauses imposent une durée indéfinie à la
confidentialité. Dans les pays dotés de lois sur la liberté d’accès à l’information tels que la
Colombie ou le Mexique et dans une moindre mesure l’Irak ou récemment l’Ouganda (où il a
été autorisé au parlementaires d’avoir accès aux contrats pétroliers), cette solution représente
la meilleure option pour la divulgation publique des contrats.
Sur un tout autre registre, il convient de noter que les entreprises parviennent parfois à la
publication de leurs contrats malgré les réticences du gouvernement ou même au sein de leur
propre direction. C’est le cas en espèce d’une entreprise en particulier, Tenke Fungurume
Mining (TFM), contrôlée par Freeport McMoRan aux États-Unis. Lorsque la République
Démocratique du Congo a décidé de rendre public tous ses contrats miniers en 2006, cette
entreprise a activement résisté et fait pression sur le gouvernement pour être dispensée
d’avoir à publier son contrat. Lorsque les contrats ont été divulgués par le gouvernement
congolais, seul l’accord d’exploitation de TFM a été manquant.
L’étude publiée par Revenue Watch Institute révèle qu’au cours des deux années suivantes, le
Carter Center, soutenu par l’Institut des droits de l’homme de Columbia, !
a porté, à de maintes reprises, l’absence de ce contrat à l’attention des représentants de l’État
et de l’entreprise. Cependant, d’autres membres de la direction de TFM se sont étonnés de ce
que la divulgation puisse présenter le moindre problème et ont en conséquence lancé le
processus interne permettant d’obtenir la publication du contrat. Quand TFM s’est décidé à
autoriser la publication, la direction a sollicité l’accord du gouvernement congolais
conformément aux termes de l’accord mais cette autorisation n’a jamais été accordée. Des
sources de haut niveau au sein du gouvernement ont expliqué que la demande intervenait à la
suite d’efforts actifs déployés pour empêcher le déblocage de l’accord, qu’elle avait éveillé les
soupçons des membres du gouvernement et que ces derniers avaient donc soigneusement
évité d’y répondre.
Par la suite, Freeport Mc MoRan s’est rendu compte qu’il pourrait publier le contrat
unilatéralement, en tant que divulgation au titre des réglementations sur les titres, démontrant
que les entreprises ont le choix, même lorsqu’un gouvernement manifeste de la résistance.9
Les sunshine law quant à elles demeurent dans le droit fil de la logique des lois FOI en ce sens
qu’elles permettent aussi de contourner l’obstacle de la confidentialité des contrats grâce au
droit du public à l’information détenue par le gouvernement qui a été reconnu par les cours
internationales des droits de l’homme et matérialisé par des législations nationales de
divulgation dites «!sunshine laws (littéralement traduite «!lois d’exposition au soleil!»).
Les lois parlementaires participent aussi à n’en point douter à la transparence des contrats
dans l’industrie extractive, en ce sens que leur examen par les parlementaires, constitue une
voie de divulgation publique.
Il faut noter que l’infraction à la confidentialité en matière de contrat dans l’industrie extractive
est, bien que rarement prévue. C’est ce qui est prévu à l’accord de partage de la production
(PSA) angolais. Cependant, au vu du peu de contentieux en la matière, elle donne peu lieu à la
Table des Matières
résiliation dudit contrat. C’est ainsi que la publication massive des accords par le
gouvernement congolais n’a donné suite à aucun contentieux.
La seule présence d’informations commercialement sensibles n’est pas une raison suffisante
pour empêcher la divulgation quand celle-ci est dans l’intérêt public. Par exemple, de
nombreuses informations commercialement sensibles font l’objet d’une divulgation
systématique et obligatoire au titre des réglementations régissant les bourses de valeurs.
Ainsi, le fait que les informations soient «!commercialement sensibles!» n’est qu’une
considération parmi d’autres lorsqu’il s’agit de déterminer si des informations doivent être
diffusées sur la place publique.
CONCLUSION
En définitive, il semble peu probable que la transparence des contrats provoque une
quelconque forme de préjudices au secret des affaires. De nombreux contrats peuvent déjà
être trouvés sur les sites d’accès payant, dans les documents communiqués par le
gouvernement et dans les publications du secteur des industries extractives. Et les
entreprises extractives continuent à rechercher des opportunités, dans les pays où les
contrats sont divulgués au public, notamment au Congo-Brazzaville, en Équateur, au Libéria,
au Pérou et au Timor Leste. Bien que les entreprises aient un pouvoir de négociation
considérable vis-à-vis de la plupart des États, les ressources dont dépend leur secteur
d’activité sont en quantité limitée et spécifiques à la zone géographique, ce qui donne un
certain pouvoir de négociation aux États.
La transparence des contrats, dans les pays où elle a été instaurée, ne semble donc pas
encore avoir eu un effet dissuasif sur l’investissement, ce qui est de nature à rassurer la
société civile et autres institutions qui prônent cette exigence de publicité des contrats dans
le domaine extractif.
Les arguments qui se fondent sur l’existence de disparités entre les entreprises transparentes
et les entreprises non-transparentes ne font que souligner plus encore la nécessité d’une
application systématique des règles de transparence. Il est peu probable que la transparence
des contrats ait pour conséquence un nivellement par le bas ou qu’elle apporte une manne
financière aux gouvernements. Plus probablement, la transparence aura plutôt pour
conséquence le développement de contrats à taux de rendement variables mais avantageux
pour l’ensemble des parties au contrat, dans la mesure où ces contrats seront moins
susceptibles d’être renégociés, ce qui est préférable pour les investisseurs intéressés, le
gouvernements et les citoyens.
NOTES
1. Pour développement sur les clauses de confidentialité, v. M. Buhler, «!Les clauses de confidentialité dans les
contrats internationaux!», RDAI 2002-3, p. 359.
2. L’article en langue allemande, «!Kongo, Chinas größtes Afrikageschäft!», a été diffusé sur
www.kongo-kinshasa.de.
3. Pour développement sur les clauses d’accord entier, v. M. Lamoureux, «!La clause d’intégralité en droits
français, anglais et américain!», Revue Lamy Droit Civil 2007-02, p. 75
4. Etude du cas de la société TFM, p. 4.
5. Ibid., p. 40.
6. A. Ngwanza, «!Clauses de stabilisation, révision des contrats extractifs et Société civile en Afrique sub-saha-
rienne francophone!», communication présentée lors de la conférence des 22 et 23 aout 2014 organisée par
le Centre d’excellence pour la Gouvernance dans l’Industrie Extractive en Afrique Francophone sur le thème!:
Initiatives de surveillance de la gouvernance des industries extractives en afrique francophone.*bilan et perspec-
tives.
7. Code Général des Impôts (CGI) de la République du Congo 2014, article 126 quinquiès tome 1.
8. P. Rosenblum et S. Maples, Contrats confidentiels. Pour en finir avec les accords secrets dans le secteur
extractif, Revenue Watch Institute, 2009.
9. P. Rosenblum et S. Maples, Pour en finir avec la confidentialité des accords dans le secteur extractif, op. cit.,
2009, pp. 27-28.
Table des Matières
Chapitre 14
L’expropriation indirecte dans les conflits entre
contractants extractifs
Hamid G. Gharavi et Marie-Laure Bizeau*
L’expropriation existe depuis que les Etats existent. Elle ne se limite plus à la privation de la
propriété de biens meubles ou immeubles. Les droits, y compris d’origine contractuelle,
peuvent également faire l’objet d’une expropriation. Il a en effet été retenu que
la notion de biens n’est pas restreinte aux biens meubles. Il arrive que des droits qui paraissent
appartenir plus à la catégorie des droits contractuels soient traités comme des biens.1
De même, dans l’affaire SPP c. Egypte, le tribunal arbitral a rappelé qu’une jurisprudence
constante reconnaît la thèse selon laquelle les droits contractuels sont susceptibles d’être
protégés au regard du droit international et que l’appropriation de ces droits entraîne une
Table des Matières
* Hamid G. Gharavi est co-fondateur du Cabinet Derains & Gharavi!; Marie-Laure Bizeau est collaboratrice au sein du cab-
inet Derains & Gharavi , Membre du Barreau de Paris!; chargée de cours en droit de l’arbitrage interne et international à
l’université de Montpellier
Cela est d’autant plus vrai dans le domaine extractif qui nécessite un investissement initial
lourd, un financement et une prise de risque importants si le gisement considéré doit être
exploré ou confirmé, et où l’investissement porte en principe sur une longue durée. Les
sociétés dites «!juniors!», omniprésentes dans le domaine extractif, seront alors confrontées à la
difficulté supplémentaire de devoir résister, pendant la durée de l’investissement, aux
conséquences des actions et manquements multiples de l’Etat d’accueil et de démontrer, pour
les besoins de l’arbitrage, le lien de causalité existant entre ces actes et manquements
étatiques et la privation qu’elles évoquent. Elles devront plus particulièrement surmonter les
allégations de la partie adverse selon lesquelles la privation alléguée provient non pas des
agissements de l’Etat mais de faiblesses internes, qu’elles soient structurelles ou financières. La
société de droit anglais Oxus Gold plc, société cotée sur le marché secondaire londonien ayant
une activité d’exploration, d’acquisition et de développement de métaux de base et précieux
en Asie centrale, mène actuellement cette bataille contre l’Ouzbékistan dans un arbitrage
d’investissement en cours relatif à l’expropriation de ses droits sur une mine de métaux
précieux et une mine de métaux de base.10
L’expropriation directe est devenue rare et ses jours quasi-révolus. Exception faite des
conséquences de révolutions isolées, telle que la révolution iranienne de 1979, ou encore de
plans de nationalisation de certains secteurs, dont celui de l’énergie, comme en atteste
l’expérience Vénézuélienne,11 il est rare que les Etat succombent à ce type de manifestation de
leur souveraineté, sauf dans des cas exceptionnels. On peut mentionner l’affaire EuroGas Inc.
and Belmont Resources Inc. c. Slovaquie12 dans laquelle l’Etat slovaque a inspecté et validé les
travaux en cours dans la mine de talc concédée aux Demandeurs pour, moins d’un mois plus
tard, annoncer publiquement par voie de presse qu’un appel d’offres serait mis en œuvre pour
l’allocation des droits sur cette même mine. Ce cas demeure exceptionnel car les Etats ont
appris du passé, de la jurisprudence et par-dessus tout de leur condamnation. En pratique,
lorsqu’ils décident d’exproprier en l’absence de fondement légal, ils s’efforcent de le faire avec
Table des Matières
un minimum d’habillage juridique, avec l’aide de conseils, lesquels sont parfois même financés
par l’investisseur qui a vocation à succéder et prend en charge le processus d’expropriation
voir même les conséquences de celui-ci. Il s’agit d’une réalité de l’investissement dans le
domaine extractif où les enjeux sont considérables et les acteurs parfois prêts à tout.13
Le régime applicable à l’expropriation, qu’elle soit directe ou indirecte, et en particulier les
conditions de licéité, de légalité d’une expropriation est établi en droit international des
investissements, conditions qui sont d’ailleurs reprises dans nombre de Traités
d’investissement. Pour être licite, une expropriation doit en général être motivée par l’utilité
publique, avoir un caractère non discriminatoire et entraîner l’indemnisation de l’investisseur
lésé. Cependant, si le régime de l’expropriation, qu’elle soit directe ou indirecte, est déterminé,
d’importantes incertitudes subsistent en ce qui concerne la notion de mesure d’expropriation
indirecte et les actes étatiques que cette notion est susceptible de recouvrir.
Avant de déterminer si une expropriation indirecte est licite, il convient de déterminer s’il y a
eu expropriation.14 C’est là que l’absence de définition de la notion d’expropriation indirecte
donne naturellement lieu à certaines divergences, qu’elles soient doctrinales, jurisprudentielles
ou émanent de la rédaction même des traités d’investissement.
Cet article est divisé en deux parties. La première rappelle les définitions et dispositions
relatives à l’expropriation indirecte contenues dans les traités d’investissement (I). La seconde
examine la jurisprudence relative à l’expropriation indirecte dans le domaine du contentieux
extractif afin d’en identifier les traits communs, divergents ou encore flous (II).
l’expropriation indirecte est susceptible de prendre une variété de formes.15 Celles-ci ont
cependant un trait commun, soit leurs conséquences.
C’est précisément pour cette raison que la formule la plus fréquemment employée dans les
Traités pour caractériser l’expropriation indirecte désigne les mesures «!ayant un effet
équivalent à l’expropriation!», comme mentionné dans l’Article 1110 de l’Accord de Libre-
échange nord-américain («!ALENA!»)16 ou encore dans l’article 13 du Traité sur la Charte de
l’Energie («!TCE!») qui assimile l’expropriation «aux «*mesures ayant des effets équivalents […] à
une expropriation!» sans pourtant en donner une définition, comme suit!:
Article 13 - Expropriation
1. Les investissements d’un investisseur d’une partie contractante réalisés dans la zone d’une
autre partie contractante ne sont pas nationalisés, expropriés ou soumis à une ou plusieurs
mesures ayant des effets équivalents à une nationalisation ou à une expropriation,
dénommées ci-après «.expropriation.», sauf lorsque cette expropriation.:
a) est effectuée pour des motifs d’intérêt public.;
b) n’est pas discriminatoire.;
c) est effectuée avec les garanties prévues par la loi.; et
d) est accompagnée du prompt versement d’une compensation adéquate et effective. […]
L’insertion dans les traités d’investissement, dont ceux conclus par les pays africains,17 de ces
clauses «!classiques!» d’expropriation indirecte demeure la règle. C’est notamment le cas dans
le Traité bilatéral d’investissement signé entre le Burkina-Faso et la République de Guinée,18
celui signé entre le Gabon et le Maroc19 ou encore celui entre l’Egypte et la France.20
Certains traités prennent le soin de développer la notion «!d’effets équivalents!» et définissent
l’expropriation au regard de l’effet que celle-ci pourra avoir sur le titre de propriété, le capital
Table des Matières
Ladite Annexe X.11 énumère quant à elle les critères à prendre en considération par les
tribunaux dans leur appréciation des mesures étatiques comme suit!:
Table des Matières
Cette annexe donne non seulement une définition de l’expropriation indirecte mais fournit
également une liste non exhaustive des critères d’appréciation de cette mesure qui sont!: (i)
l’impact économique de la mesure sur l’investissement, énonçant à cet égard que le seul
impact économique n’est pas à même de caractériser une expropriation indirecte, (ii) sa durée,
(iii) l’existence d’attentes raisonnables sous-tendant l’investissement ainsi que (iv) la nature de
la mesure, notamment son objet, son contexte et son objectif, excluant en principe les
mesures qui poursuivent un but d’intérêt public, sauf en cas d’impact manifestement excessif
de celles-ci.
notion d’expropriation indirecte de façon plus élaborée ou encore d’énumérer ses critères de
qualification mis à part un souci purement académique, le climat parfois hostile à l’arbitrage
ou encore certains clichés visant à limiter les pouvoirs des arbitres aux motifs de prétendus
abus. Quelles que soient les raisons avancées, cette tendance ne peut se justifier au regard de
prétendus dérapages de la pratique. En effet, si la jurisprudence en matière d’arbitrage
d’investissement peut être sujette à polémiques sur certains points, cela n’est pas le cas en ce
qui concerne la question de l’expropriation indirecte, notamment!dans le domaine du
contentieux extractif. Aucune sentence arbitrale n’a, à ce jour, fait l’objet de polémiques à
même de justifier la nécessité de définir ou d’énumérer les critères de qualification de la notion
d’expropriation indirecte. Ce constat témoigne de ce qu’il est satisfaisant de laisser aux
tribunaux arbitraux le soin d’apprécier cette notion au cas par cas, en fonction des
circonstances. Un examen de la jurisprudence le confirme.
l’impact de la mesure est déterminant,29 que ce soit sur le contrôle de l’investissement30 ou sur
les bénéfices que l’investisseur en attendait (A).31 Ces principes seront développés ci-après.
Il semble cependant qu’il s’agisse d’une formule isolée et en tout état de cause atténuée par le
fait qu’il suffit que la perte de valeur de l’investissement soit accompagnée, non pas
nécessairement d’une perte de contrôle, mais même d’une perte de «!toute utilité!».
Les tribunaux semblent en tout état de cause avoir par la suite envisagé les critères de la perte
de valeur de l’investissement et de son contrôle comme étant alternatifs. Ainsi, dans l’affaire
Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, le tribunal a énoncé que ce qui est
déterminant pour qualifier une dépossession est «!la perte de valeur économique ou de
viabilité économique de l’investissement!», rappelant que cette perte de valeur de
l’investissement n’implique pas nécessairement la perte du contrôle sur l’investissement.38
Dans l’affaire Venezuela Holding and others c. Venezuela, le tribunal a rappelé que
en droit international, une mesure qui n’a pas toutes les caractéristiques d’une expropriation
formelle peut être équivalente à une expropriation si elle donne lieu à une dépossession de
l’investissement dans son ensemble. Une telle dépossession requiert soit une perte totale de la
valeur de l’investissement soit une perte totale de contrôle par l’investisseur sur son
investissement, les deux de façon permanente.39
Pour apprécier l’impact de la mesure sur le contrôle par l’investisseur de son investissement,
certains tribunaux ont pris en considération notamment la durée de la mesure. Dans l’affaire
SD Myers c. Canada, le tribunal a rappelé qu’une expropriation résultait de la suppression
durable de la possibilité pour le propriétaire de faire usage de ses droits, précisant qu’une telle
privation pouvait être qualifiée d’expropriation même si elle est partielle ou temporaire.40 Le
tribunal, dans l’affaire Consortium FRCC c. Royaume du Maroc, a confirmé cette analyse,
énonçant que
[s]’il n’est pas nécessaire que cette disparition [de la jouissance de la propriété] soit
permanente, une mesure temporaire doit alors avoir des conséquences substantielles
équivalentes à une perte définitive. La récupération du titre de propriété ou de l’accès à celle-ci
ne replace pas le propriétaire dans sa situation initiale, ses droits ayant été substantiellement
amputés des bénéfices qu’il aurait pu en tirer.41
Sur l’impact de la mesure sur les bénéfices escomptés par l’investisseur, on peut noter une
divergence dans l’appréciation par les tribunaux de l’étendue de l’impact pour qualifier une
expropriation indirecte. Dans l’affaire Metalclad c. Mexique, le tribunal a jugé qu’une privation,
même si elle n’est pas totale, du bénéfice raisonnablement attendu caractérisait l’expropriation!:
l’expropriation […] n’inclut pas uniquement des dépossessions de propriété ouvertes, […] mais
aussi une ingérence dissimulée ou incidente dans la jouissance du bien qui priverait le
propriétaire, en tout ou en grande partie, de l’usage ou du bénéfice économique
raisonnablement attendu de sa propriété, même si ceci ne se fait pas au bénéfice évident de
l’Etat d’accueil..42
Ces instruments sont les exemples les plus flagrants de base pour évaluer les attentes
légitimes de l’investisseur.45
Dans la sentence Tecmed v. Mexique, le tribunal a ainsi examiné si les mesures prises par le
gouvernement mexicain étaient «raisonnables par rapport à leurs objectifs, la privation de
droits économiques et les attentes légitimes des victimes de cette privation!», considérant que
«!l’investisseur tablait sur un placement à long terme et qu’il en avait tenu compte pour estimer
le temps et l’activité nécessaires pour rentrer dans ses fonds et obtenir le rendement attendu
[…]!».46 De même, dans l’affaire Azurix c. Argentine, le tribunal a rappelé qu’il fallait prendre en
considération, dans l’appréciation de l’existence d’une expropriation, le besoin implicite d’une
exploitation à long terme pour que l’investisseur soit en position d’avoir un retour sur
investissement raisonnable. Comme relevé par ce même tribunal, les attentes de l’investisseur
ne sont pas nécessairement fondées sur un contrat, mais sur les garanties explicites ou
implicites offertes par l’État ou sur les représentations de ce dernier.47
Dans l’affaire Perenco c. Equateur, un différend est survenu entre les Parties suite à
l’augmentation du prix du pétrole, ce qui a amené l’Equateur à tenter de renégocier les
contrats d’exploitation pour augmenter sa participation, dont celui signé avec Perenco pour
l’exploitation des champs pétroliers désignés comme Blocks 7 et 21 (le «!Participation
Contract!»). L’Equateur a par la suite édicté une loi (la «!Loi 42!») soumettant les
«!extraordinary profits!» à une imposition à hauteur de 50%. Cette taxe fut, en octobre 2007,
augmentée à hauteur de 99%. Après l’initiation d’une procédure arbitrale par Perenco, cette
dernière a décidé d’arrêter l’exploitation pétrolière, ce à quoi l’Etat a réagi en prenant
possession des Blocks. Par la suite, l’Etat a initié la procédure de «!caducidad!» qui a abouti à
la résiliation des contrats.
Le tribunal a dans cette affaire rejeté la thèse de l’expropriation indirecte eu égard aux
règlementations fiscales de l’Equateur, en particulier celle prévoyant une imposition à hauteur
de 99% des bénéfices dits exceptionnels,48 dans la mesure où il n’y avait pas eu de privation
totale ou substantielle des droits de Perenco, laquelle société demeurait en position de gérer
et de contrôler son investissement et que les bénéfices tirés de celui-ci n’avait pas été anéantis
ou encore affectés à un tel point que cela devait être considéré comme une expropriation.49 Le
tribunal a néanmoins retenu l’expropriation indirecte au motif que l’Equateur avait mis fin aux
contrats d’exploitation en cours d’arbitrage. Ainsi, seule la hâte de l’Equateur de s’approprier
l’investissement de Perenco a causé sa perte puisque seuls ses agissements pendant le cours
de la procédure arbitrale ont conduit le tribunal à retenir l’expropriation indirecte.!Comme
évoqué en introduction, même si les Etats se conduisent de plus en plus habilement, ils
pêchent parfois par excès d’orgueil ou dans la précipitation.50
De la même façon, dans l’affaire Burlington c. Equateur, le tribunal a précisément estimé
l’impact de l’imposition sur les revenus de l’investissement. Bien que les profits aient été
considérablement réduits, il a jugé que l’investissement était encore économiquement viable
et qu’il n’y avait en conséquence aucune mesure d’expropriation,51 du moins sur la base du
critère économique tenant à la perte de valeur de l’investissement. Le tribunal a finalement
retenu l’expropriation au motif de l’occupation physique par l’Equateur des terrains exploités
par l’investisseur.52
message que l’Etat voulait faire passer à la communauté agissant dans le domaine de l’énergie.
Il a ainsi admis la demande des investisseurs fondée sur une expropriation indirecte.57
Les tribunaux arbitraux se réfèrent également à la nécessaire proportionnalité qui doit exister,
en cas de manquement de l’investisseur, entre ce manquement et la réponse de l’Etat
d’accueil. Ainsi, dans l’affaire Gold Reserve c. Venezuela, le tribunal a estimé que le défaut de
l’investisseur de se conformer à ses obligations, c’est-à-dire le défaut d’exploitation dans le
délai imparti par les contrats de concession, justifiait la fin desdits contrats sans que cela
puisse être qualifié d’expropriation.58
Dans l’affaire Antoine Goetz II c. Burundi, le tribunal a constaté que les mesures prises par le
Burundi «!ont contraint ABC à cesser toute activité, ce qui a privé de toute utilité les
investissements réalisés par les consorts Goetz et dépouillé les requérants du bénéfice qu’ils
pouvaient attendre de leurs investissements. Elles doivent dès lors être considérées comme
des mesures ayant «*un effet similaire*» à une mesure privative ou restrictive de propriété au
sens de l’article 4(1)*»59 rappelant que les fautes pouvant être reprochées à l’investisseur ne
justifiaient en aucun cas le fait pour le Burundi de «!mettre fin aux activités d’ABC sans
indemnisation, contrairement aux dispositions de l’article 4(1) du TPI. Il sera fait une juste
appréciation des conséquences à donner à ces fautes en limitant l’indemnité due au consorts
Goetz aux deux tiers du préjudice subi par ABC.!»60
Dans l’affaire Yukos c. Russie, trois actionnaires de Yukos Oil Company («!Yukos!»), première
compagnie pétrolière russe et l’une des plus importantes dans le monde, exerçant des
activités d’exploration pétrolière, de production, de raffinage et de distribution de pétrole non
raffiné, gaz naturel et produits pétroliers ont initié un arbitrage à l’encontre de la Fédération de
Russie sur le fondement du TCE, dénonçant les actions de cette dernière, dont les poursuites
criminelles des dirigeants de Yukos, les procédures fiscales à l’encontre de Yukos, la menace
de révocation des licences d’exploitation, le gel des avoirs de la compagnie et sa mise en
Table des Matières
liquidation qui visaient, selon les Demandeurs, à nationaliser les biens de Yukos. La Fédération
de Russie de son côté alléguait que les actions entreprises étaient en réponse aux actions
illégales de Yukos et ses dirigeants, dont une fraude fiscale massive. Dans cette affaire, le
tribunal a également prôné une nécessaire proportionnalité, jugeant que si les Demandeurs
pouvaient s’attendre à une réaction de la part des autorités russes eu égard à leurs opérations
défiscalisées, ils ne pouvaient en aucun cas s’attendre à la violence de la réaction de ces
mêmes autorités, précisant à cet égard, comme rappelé ci-dessus, que si le but réel des
mesures étatiques étaient uniquement fiscales, les investisseurs n’auraient pu être traités
comme ils l’avaient été, prenant ainsi également en considération le but réel poursuivi par
l’Etat d’accueil.61
Dans l’affaire Perenco c. Equateur, le tribunal a dénié l’argument de Perenco tenant à la
proportionnalité du Décret incriminé prévoyant une imposition à hauteur de 99% sur les
profits exceptionnels eu égard au but poursuivi. Le tribunal a jugé que «![l]a
disproportionnalité était pertinente pour constater que le Décret 662 était en en violation du
traitement juste et équitable, mais n’a pas permis au Demandeur de franchir l’obstacle de la
preuve d’une expropriation indirecte dans ce cas!».62
En effet, dans certaines affaires où l’expropriation indirecte n’a pas été retenue, les tribunaux
ont pu néanmoins condamner l’Etat pour violation du traitement juste et équitable!: c’est le cas
dans les affaires Gold Reserves Inc. c. Venezuela,63 Anatolie Stati, Gabriel Stati, Ascom Group
SA et Terra Raf Trans Traiding Ltd c. Kazakhstan,64 PSEG Global, Inc., The North American Coal
Corporation, et Konya Ingin Electrik Üretim ve Ticaret Limited Sirketi c. République de
Turquie.65
CONCLUSION
Malgré la large définition ou l’absence de définition de l’expropriation indirecte et la marge de
manœuvre dont dispose en conséquence les arbitres, la jurisprudence demeure dans
l’ensemble intelligible, cohérente et équitable sur le sujet. La preuve en est que les solutions
dégagées en la matière ne sont pas décriées.
Si des divergences dans l’approche des tribunaux, et notamment dans l’appréciation de la
sévérité de l’impact des mesures sur l’investissement, peuvent paraître regrettables, il est
difficile d’exiger ou d’espérer une homogénéité parfaite, particulièrement dans un domaine où
les faits sont aussi variés que déterminants. Dans ces circonstances, il est préférable de se
féliciter de la situation et d’éviter de vouloir encadrer inutilement le concept d’expropriation
indirecte sous des prétextes divers.
NOTES
1. R. Higgins, «!The Taking of Property by the State!: Recent Developments in International Law!», Rec. des Cours
de La Haye, 1982-III, vol. 176, p. 263, sp. 271 affirme que «!the notion of “property” is not restricted to “chat-
tels”. Sometimes right that might seem more naturally to fall under the category of contract rights are treated
as property!».
2. Rudloff Case, US-Venezuela Claims Commission, Interlocutory Decision, 1903-1905, IX RSA 244, p.250!: «The
taking away or destruction of rights acquired, transmitted, and defined by a contract is as much a wrong, enti-
tling the sufferer to redress, as the taking away or destruction of tangible property*; and such an act committed
by a government against an alien resident gives, by established rules of international law, the government to
which the alien owes allegiance and which in return owes him protection, the right to demand and to receive
just compensation. Such an act constitutes the basis of a “ claim “ [‥]!».
3. Dans l’affaire Southern Pacific Properties (Middle East) Limited c. République Egyptienne, Affaire CIRDI No.
ARB/84/3, Sentence du 20 mai 1992, § 164 et 165, il a été rappelé que «![‥] there is considerable authority
for the proposition that contract rights are entitled to the protection of international law and that the taking
of such rights involves an obligation to make compensation therefore. (165) Moreover, it has been long been
recognized that contractual rights may be indirectly expropriated!».
4. Bayindir Insaat Turizm Ticaret Ve Sanayi A.S. c. République Islamique du Pakistan, Affaire CIRDI No.
ARB/03/29, Sentence du 27 août 2009, § 445!; Azurix Corp. c. République Argentine, Affaire CIRDI No.
ARB/01/12, Sentence du 14 juillet 2006, § 314-315!; Waste Management Inc. c. Etats-Unis du Mexique [II],
Affaire CIRDI No. ARB(AF)/00/3, Sentence du 30 avril 2004, §174.
5. Certains tribunaux arbitraux (Tradex c. Albanie, Affaire CIRDI ARB/94/2, Sentence du 29 avril 1999, §!91 et s.)
ont soutenu qu’une troisième catégorie existe soit celle des mesures ayant des effets équivalents à une expro-
priation qui ne pourrait être parfaitement assimilée à la notion d’expropriation indirecte. Dans le présent article,
cette censée «!troisième catégorie!» de mesures sera assimilée aux mesures d’expropriation indirecte soit une
mesure ayant des effets équivalents à une expropriation.
6. L. Y. Fortier et S. L. Drymer, «!Indirect Expropriation in the Law of International Investment!: I Know It When I
See It, or Caveat Investor*», ICSID Review 2004, vol. 192, p. 293, sp. p. 297.
Table des Matières
7. Ch. Dugan, D. Wallace, N. Rubins et B. Sabahi, Investor-State Arbitration, Oxford University Press USA, 2012,
p. 450.
8. Glamis Gold c. Etats-Unis, Affaire CNUDCI, Sentence du 8 juin 2009, § 355!: «!A direct expropriation is readily
apparent*: there is an “open, deliberate and acknowledged taking[] of property, such as outright seizure or
formal or obligatory transfer of title in favour of the host State [‥]”!».
9. Certains ont cru nécessaire de distinguer différents types de mesure dont (i) l’expropriation rampante («!creep-
ing expropriation!») soit l’expropriation réalisée au travers de plusieurs actes, dont aucun pris isolément n’est
susceptible de donner lieu à une expropriation, (ii) la «!regulatory expropriation!» soit une expropriation qui
survient à cause de mesures réglementaires générales, donc d’une activité normative de l’Etat et (iii) la «!con-
sequential expropriation!» qui survient, selon W. M. Reisman et R. D. Sloane («!Indirect Expropriation and its
Valuation in the BIT Generation!», Yale Faculty Scholarship Series, 2004, Paper 1002, pp. 128-129), si «!the host
state’s failures to create, maintain, and properly manage the legal, administrative, and regulatory normative
framework contemplated by the relevant BIT, an indispensable feature of the ‘favourable conditions’ for invest-
ment!».
10. Oxus Gold plc c. République de l’Ouzbékistan, CNUDCI. V. K. Karadelis, «!Oxus Gold claim survives jurisdic-
tional challenge!», Global Arbitration Review du 16 novembre 2012.
11. Décret-loi présidentiel du 26 février 2007 sur la conversion en entreprises mixtes des associations stratégiques
de la Faja (ceinture de l’Orénoque).
12. EuroGas Inc. and Belmont Resources Inc. c. Slovaquie, Affaire CIRDI No. ARB/14/14.
13. Dans un différend opposant Oxus Gold plc et la République Kirghize, où les droits miniers de l’investisseur
avaient été expropriés, les parties sont parvenues à un règlement amiable, l’indemnité ayant été payée à
Oxus Gold plc par l’Etat et le successeur de Oxus Gold plc. V. L. E. Peterson, «!Tribunals Named in Three Bank
Nationalization Claims vs. Kyrgyz Republic!; Separate Mining Arbitration Sheds Light on Oxus Settlement!»,
Investment Arbitration Reporter du 16 avril 2013.
14. Fireman’s Fund Insurance Company c. Etats-Unis du Mexique, Affaire CIRDI No. ARB(AF)/02/01, Sentence du
17 juillet 2006, § 174.
15. R. Dolzer et M. Stevens, Bilateral Investment Treaties, 1995, p. 99, cité par A. K. Hoffmann, «!Indirect Expropria-
tion!», in A. Reinisch (ed.), Standards of Investment Protection, Oxford University Press, p.154.
16. «!Article 1110*: Expropriation and Compensation
1. No Party may directly or indirectly nationalize or expropriate an investment of an investor of another Party in
its territory or take a measure tantamount to nationalization or expropriation of such an investment (“expropria-
tion”), except*:
(a) for a public purpose*;
(b) on a non-discriminatory basis*;
(c) in accordance with due process of law and Article 1105(1)*; and
(d) on payment of compensation in accordance with paragraphs 2 through 6. […]!».
17. A noter que le droit OHADA ne traite pas des rapports entre l’investisseur et l’Etat d’accueil relativement à
l’investissement.
18. L’article 5.1 de l’Accord entre le Gouvernement du Burkina Faso et le Gouvernement de la République de
Guinée sur la Promotion et la Protection réciproque des investissements dispose!: «!Aucunes des Parties Con-
tractantes ne prendra soit directement soit indirectement des mesures d’expropriation, de nationalisation ou
d’autres mesures de ce genre au du même effet contre les investissements des investisseurs de l’autre Partie
Contractante que si les mesures sont prises pour des raisons d’utilité publique dument établies par la loi, sans
être discriminatoires et conformément à la procédure légale!».
19. L’article 4.1 de l’Accord entre le Gouvernement du Royaume du Maroc et le Gouvernement de la République
Gabonaise portant sur la Promotion et la Protection réciproques des investissements dispose!: «!Les mesures
de nationalisation, d’expropriation ou toute autre mesure ayant le même effet ou le même caractère (désignées
ci-après par «*expropriation*») qui pourraient être prises par l’une des Parties Contractantes à l’encontre des
investissements effectués par les investisseurs de l’autre Partie Contractante ne devront être ni discriminatoires,
ni motivées par des raisons autres que d’utilité publique et prises conformément a une procédure légale!».
20. L’article 4 de la Convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la
République Arabe d’Egypte sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements dispose!:
«*Aucune des Parties contractantes ne prendra de mesures d’expropriation, de nationalisation ou de dépos-
session, directes ou indirectes, à l’encontre d’investissements de ressortissants ou sociétés de l’autre Partie
contractante, sauf pour cause d’utilité publique et à condition qu’elles ne soient ni discriminatoires ni contraires
à un engagement particulier!».
21. L’Annexe B.13(1)c du Modèle 2004 du Traité entre le Canada et [Pays] sur la promotion et la protection des
investissements énonce!: «!Sauf dans de rare cas, par exemple lorsque la mesure est si rigoureuse au regard
de son objet qu’on ne pourra raisonnablement penser qu’elle a été adoptée et appliquée de bonne foi, ne
constituent pas une expropriation indirecte les mesures non discriminatoires d’une partie qui sont conçues et
appliquées dans un but légitime de protection du bien public, par exemple à des fins de santé, de sécurité et
d’environnement!».
Pour sa part, l’Annexe B.4 du Modèle 2004 du Traité entre le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique et le
Gouvernement de [Pays] sur la promotion et la protection réciproque des investissements énonce!: «!4. The se-
cond situation addressed by Article 6 [Expropriation and compensation](1) is indirect expropriation, where an
action or series of actions by a Party has an effect equivalent to direct expropriation without formal transfer of
title or outright seizure. (a) The determination of whether an action or series of actions by a Party, in a specific
fact situation, constitutes an indirect expropriation, requires a case-by case, fact-based inquiry that considers,
among other factors*: (i) the economic impact of the government action, although the fact that an action or
series of actions by a Party has an adverse effect on the economic value of an investment, standing alone,
does not establish that an indirect expropriation has occurred*; (ii) the extent to which the government action
interferes with distinct, reasonable investment-backed expectations*; and (iii) the character of the government
action. (b) Except in rare circumstances, non-discriminatory regulatory actions by a Party that are designed
and applied to protect legitimate public welfare objectives, such as public health, safety, and the environment,
Table des Matières
been expropriated, even though the state does not purport to have expropriated them and the legal title to the
property formally remains with the original owner!» .
35. Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/5, Sentence sur la respons-
abilité du 14 décembre 2012, § 471!; Tokios Tokelés c. Ukraine, Affaire CIRDI No. ARB/02/18, Sentence du 26
juillet 2007, § 120. V. également A. De Nanteuil (L’expropriation indirecte en droit international de l’investisse-
ment, op. cit., p.115) qui soutient que «!si l’investisseur conserve le contrôle sur sa propriété, mais qu’il ne peut
jouir des bénéfices de son exploitation, il se trouve dans une “ situation de dépossession”. Ce n’est donc plus ici
la faculté de possession elle-même qui est en cause, mais la possibilité dont dispose le propriétaire de jouir des
fruits générés par l’utilisation de sa propriété et/ou de ses droits contractuels!».
36. Antoine Goetz et autres et SA Affinages des Métaux c. République du Burundi, Affaire CIRDI No. ARB/01/2,
Sentence du 21 juin 2012, § 193 et 194.
37. Antoine Goetz et autres et SA Affinages des Métaux c. République du Burundi, Affaire CIRDI No. ARB/01/2,
Sentence du 21 juin 2012, § 193 et 194.
38. Dans l’affaire Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/5, Sentence
sur la responsabilité du 14 décembre 2012, § 397, le tribunal arbitral a decidé que «!when a measure affects
the environment or conditions under which the investor carries on its business, what appears to be decisive,
in assessing whether there is a substantial deprivation, is the loss of the economic value or economic viability
of the investment. In this sense, some tribunals have focused on the use and enjoyment of property. The loss
of viability does not necessarily imply a loss of management or control. What matters is the capacity to earn a
commercial return. After all, investors make investments to earn a return. If they lose this possibility as a result
of a State measure, then they have lost the economic use of their investment*»).
39. Dans l’affaire Venezuela Holding and others c. Venezuela, Affaire CIRDI No. ARB/07/27, Sentence du 9 octobre
2014, § 286, il a été indiqué que «!under international law, a measure which does not have all the features of
a formal expropriation may be equivalent to an expropriation if it gives rise to an effective deprivation of the
investment as a whole. Such a deprivation requires either a total loss of the investment’s value or a total loss of
control by the investor of its investment, both of a permanent nature!».
40. Les arbitres ont conclu dans l’affaire SD Myers c. Canada (UNCITRAL), Première Sentence Partielle du 13
novembre 2000, § 283, que «!an expropriation usually amounts to a lasting removal of the ability of an owner
to make use of its economic rights although it may be that, in some contexts and circumstances, it would be
appropriate to view a deprivation as amounting to an expropriation even if it where partial or temporary!»).
41. Consortium RFCC c. Royaume du Maroc, Affaire CIRDI No. ARB/00/6, Sentence du 22 décembre 2003, § 68.
42. Le tribunal arbitral de l’affaire Metalclad Corp. c. Etats-Unis du Mexique, Affaire CIRDI No.ARB(AF)/97/1,
Sentence du 30 août 2000, § 103, a considéré que «!thus, expropriation [‥] includes not only open, deliberate
Table des Matières
and acknowledged takings of property, such as outright seizure or formal or obligatory transfer of title in favour
of the host State, but also covert or incidental interference with the use of property which has the effect of
depriving the owner, in whole or in significant part, of the use or reasonably-to-be-expected economic benefit
of property even if not necessarily to the obvious benefit of the host State!».
43. C. Knahr, «!Indirect Expropriation in Recent Investment Arbitration!», op. cit., p. 10!; V. également LG&E Energy
Corp., LG&E Capital Corp. and LG&E International Inc. c. Argentine, Affaire CIRDI No. ARB/02/1, Décision sur
la responsabilité, 3 octobre 2006, § 190 dans laquelle, il a été admis que «!in evaluating the degree of the mea-
sure’s interference with the investor’s right of ownership, one must analyze the measure’s economic impact - its
interference with the investor’s reasonable expectations – and the measure’s duration*».
44. A. De Nanteuil, L’expropriation indirecte en droit international de l’investissement, op. cit., p. 219.
45. Pour A. Siwy («!Chapter VI!: Investment Arbitration- Indirect Expropriation and the Legitimate Expectations of
the Investor!», in C. Klausegger, P. Klein, et al. (eds), Austrian Arbitration Yearbook 2007, pp. 369-370), «!any
state has the sovereign right to prohibit foreign investment. If it however decides to allow foreign investors to
place their capital in its territory, the investors can reasonably rely on this decision. This idea can be extended
to include not only the basic decision of the state to allow foreign investment but will also include the reliance
created by the conclusion of contracts or permits. If an investor concludes such a contract, he can expect the
host state to fulfill the contract or act according to the permit. Such instruments are the most obvious exam-
ples of bases for legitimate expectations*».
46. Tecnicas Medioambientales Tecmed SA c. Mexique, Affaire CIRDI NoARB(AF)/00/2, Sentence du 29 mai 2003,
§ 149!: «!‥upon making its investment, the Claimant had legitimate reasons to believe that the operation of the
Landfill would extend over the long term. [‥] the Claimant’s expectation was that of a long-term investment
relying on the recovery of its investment and the estimated return through the operation of the Landfill during
its entire useful life!».
47. Azurix Corp. c. République Argentine, Affaire CIRDI No. ARB/01/12, Sentence du 14 juillet 2006, § 318.
48. Perenco Ecuador Limited c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/6, Sentence du 12 septembre
2014, § 110. A compter d’octobre 2007, conformément à la loi équatorienne, Perenco était dans l’obligation
de distribuer à l’Etat, en plus des participations en volume contractuellement convenues, une participation
additionnelle sur les recettes à hauteur de 99% des revenus provenant de toutes les vente de pétrole à un prix
supérieur à celui du marché.
49. Perenco Ecuador Limited c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/6, Sentence du 12 septembre
2014, § 672 et § 673. V. également § 685!:«!Thus, the financial burden of paying 99% of the revenues above the
reference price, while disadvantageous to Perenco, did not bring its operation to a halt or, to revert to the tests
previously cited, effectively neutralize the investment or render it as if it had ceased to exist.!»).
50. Perenco Ecuador Limited c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/6, Sentence du 12 septembre
2014, § 708.
51. Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/5, Sentence du 14 décembre
2012, § 450-456.
52. Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/5, Sentence du 14 décembre
2012, § 537.
53. Yukos Universal Limited (Isle of Man) c. Russie, Affaire PCA No. AA 227, Sentence du 18 juillet 2014, § 1579!:
«!The Tribunal has earlier concluded that “the primary objective of the Russian Federation was not to collect
taxes but rather to bankrupt Yukos and appropriate its valuable assets.” For the reasons that emerge in Part
VIII, if the true objective were no more than tax collection, Yukos, its officers and employees, and its properties
and facilities, would not have been treated, and mistreated, as in fact they were!».
54. Burlington Resources, Inc. c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/5, du 14 décembre 2012, §
401!: «!In addition to the impact of the tax, the State’s intent is another factor that tribunals sometimes consider
to draw the line between permissible and confiscatory taxation. [‥] However, it is clear that the intent plays a
secondary role relative to the effects test. In Tippetts, the tribunal held that “the intent of the government is
less important than the effects of the measures [...].” Thus, evidence of intent may serve to confirm the out-
come of the effects test, but does not replace it.!».
55. Saluka Investments BV c. République Tchèque, UNCITRAL, Sentence partielle du 17 mars 2006, § 262!: «!In the
opinion of the Tribunal, the principle that a State does not commit an expropriation and is thus not liable to pay
compensation to a dispossessed alien investor when it adopts general regulations that are “commonly accepted
as within the police power of States” forms part of customary international law today. There is ample case law
in support of this proposition. As the tribunal in Methanex Corp. v. USA said recently in its final award, “[i]t is a
principle of customary international law that, where economic injury results from a bona fide regulation within
the police powers of a State, compensation is not required!».
56. Tecnicas Medioambientales Tecmed SA c. Mexique, Affaire CIRDI NoARB(AF)/00/2, Sentence du 29 mai 2003,
§ 149.
57. Occidental Petroleum Corporation et Occidental Exploration and Production Company c. Equateur, Affaire
CIRDI No. ARB/06/11, Sentence du 5 octobre 2012, § 450*: «!It can be accepted that some punishment or
other step may well have been justified, or at the very least defensible. The options available to the Respondent
have been explored above. The Tribunal does not necessarily disagree with the reasoning that the Respondent
could justifiably have wished to re-emphasize the importance of adherence to its regulatory regime. But the
overriding principle of proportionality requires that any such administrative goal must be balanced against the
Claimants’ own interests and against the true nature and effect of the conduct being censured. The Tribunal
finds that the price paid by the Claimants – total loss of an investment worth many hundreds of millions of
dollars – was out of proportion to the wrongdoing alleged against OEPC, and similarly out of proportion to the
importance and effectiveness of the “deterrence message” which the Respondent might have wished to send
to the wider oil and gas community*».
58. Gold Reserve Inc. c. Venezuela, Affaire CIRDI No. ARB(AF)/09/1, Sentence du 22 septembre 2014, § 667 à
668.
Table des Matières
59. Antoine Goetz et autres et SA Affinages des Métaux c. République du Burundi, Affaire CIRDI No. ARB/01/2,
Sentence du 21 juin 2012, § 243.
60. Antoine Goetz et autres et SA Affinages des Métaux c. République du Burundi, Affaire CIRDI No. ARB/01/2,
Sentence du 21 juin 2012, § 258.
61. Yukos Universal Limited (Isle of Man) c. Russie, Affaire PCA No. AA 227, Sentence du 18 juillet 2014, § 1578 et
1579.
62. Perenco Ecuador Limited c. République de l’Equateur, Affaire CIRDI No. ARB/08/6, Sentence du 12 septembre
2014, § 689 («!a measure which may be disproportionate tips the balance to a finding of expropriation where
the evidence of effect indicates otherwise. The disproportionality point was relevant to the finding that Decree
662 constituted a breach of the fair and equitable treatment standard, but it does not get the Claimant over the
hurdle of proving an indirect expropriation in this case!»).
63. Gold Reserve Inc. c. Venezuela, Affaire CIRDI No. ARB(AF)/09/1, Sentence du 22 septembre 2014.
64. Anatolie Stati, Gabriel Stati, Ascom Group SA et Terra Raf Trans Traiding Ltd c. Kazakhstan, Affaire SCC No.
116/2010, Sentence du 19 décembre 2013.
65. PSEG Global, Inc., The North American Coal Corporation, et Konya Ingin Electrik Üretim ve Ticaret Limited
Sirketi c. République de Turquie, Affaire CIRDI No. ARB/02/5, Sentence du 19 janvier 2007.
Titre 3
LE RÈGLEMENT
DES LITIGES EXTRACTIFS
Chapter 15
Origines et règlements politiques des conflits
dans le secteur des hydrocarbures
Quelques études de cas
Philippe Sébille-Lopez*
Très peu de guerres d’envergure ont eu pour principale cause la volonté par un état
d’accaparer les ressources en hydrocarbures d’un état voisin. Une seule exception, à la marge
cependant, la guerre du Chaco, entre le Paraguay et la Bolivie entre 1932 et 1935. Il s’agissait ici
de ressources pétrolières potentielles et nullement avérées. Ce contentieux territorial sur une
zone inhospitalière surtout peuplées d’Indiens et située entre les deux pays avait par ailleurs
débuté dès 1885, bien avant que l’on en vienne à supposer qu’il pouvait y avoir du pétrole au
Chaco. Ce conflit est donc à la base un contentieux territorial avec des enjeux stratégiques en
termes de désenclavement au cœur de l’Amérique du sud, même si les tensions reprendront
de plus belle ultérieurement jusqu’au conflit en 1932. A cette date, c’est la Standard Oil of New
Jersey de John D. Rockefeller (aujourd’hui Exxon) qui est présente en Bolivie, alors que côté
paraguayen c’est la Royal Dutch Shell, soutenue par les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Cette
guerre sera l’une des plus meurtrières pour l’époque avec près de 100.000 morts, soit le quart
des effectifs engagés. L’armistice de 1935 sera très favorable au Paraguay qui se voit attribuer
la majorité des territoires disputés entre les deux pays. La Bolivie obtient pour sa part un
Table des Matières
corridor jusqu’à la rivière Paraguay. Mais personne, à ce jour, n’a trouvé de pétrole dans cette
région du monde!!
Les hydrocarbures, et surtout le pétrole, constituent en revanche un objectif tactique et un
enjeu stratégique central dans tous les conflits, malgré leur intensité variable.
Lors de la seconde guerre mondiale, c’est l’embargo des Etats-Unis, alors premier exportateur
pétrolier mondial, sur le pétrole américain à destination du Japon qui précipitera l’attaque
japonaise sur Pearl Harbour, d’autant que l’Union Soviétique, autre grand pays exportateur à
l’époque, avait été sollicitée par le Japon et avait refusé d’être un fournisseur de
remplacement, souvenir de la défaite russe face au Japon durant la guerre russo-japonaise de
1904/1905.
Sur le front Ouest de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne nazie, dont le pétrole de l’allié
roumain ne suffisait plus aux besoins de la Wehrmacht, a cherché, via l’opération Barbarossa, à
mettre la main sur les capacités de production des industries lourdes du Donbass, à l’est de
l’Ukraine, mais aussi sur les richesses pétrolières soviétiques de Bakou, aujourd’hui capitale de
l’Azerbaïdjan et à l’époque deuxième zone mondiale de production pétrolière. La progression
des divisions allemandes sera stoppée par la victoire des troupes soviétiques lors de la bataille
de Stalingrad. Toujours durant la Seconde guerre mondiale, la défaite du maréchal Rommel et
de l’Afrika Korps en Libye et en Egypte sera largement due aux problèmes logistiques liés au
manque de carburant des troupes allemandes face aux Britanniques.
Plus près de nous, c’est le refus des pays arabes de l’OPEP de rembourser à l’Irak une partie
des crédits consacrés à l’effort de guerre irakien durant la guerre Iran/Irak de 1980 à 1988, qui
précipitera l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein en août 1990. Il s’en suivra
la Première guerre du Golfe (pour les occidentaux1) en janvier 1991, avec l’incendie des puits
de pétrole koweïtiens, lors du repli de l’armée irakienne vers l’Irak. Il faut pourtant rappeler que
dès 1958, l’Irak avait revendiqué des droits sur le Koweït, soit treize ans avant l’indépendance
de l’émirat accordée par les Britanniques en 1971. L’Irak revendiquait le Koweït comme la
19ème province de l’Irak en vertu de droits historiques, le Koweït ayant autrefois fait partie de
la province méridionale irakienne de Bassorah. Les Saoudiens n’étaient pas davantage
* Docteur en géopolitique!; directeur fondateur du cabinet d’analyse géopolitique et risque pays Géopolia créé en 1995,
philippe.sebille@geopolia.com
satisfaits de ce tracé frontalier dicté par les Britanniques, comme on le verra à propos de la
zone neutre entre les deux pays.
L’invasion de l’Irak par la coalition américano-britannique en mars 2003 ne visait pas non plus à
faire directement main basse sur les ressources pétrolières irakiennes au profit des compagnies
pétrolières américano-britanniques, réserves pétrolières conventionnelles néanmoins estimées
à cette date au troisième rang mondial. Les autorités politiques américaines et britanniques
n’en attendaient pas moins un certain retour pétrolier sur investissement au profit de leurs
compagnies pétrolières, ce qui ne sera pas tout à fait le cas au final, au moins aux conditions
financières imaginées. Parmi les nombreux objectifs politiques poursuivis dans cette guerre, et
outre une refonte du Moyen-Orient, il fallait chasser Saddam Hussein du pouvoir et écarter sa
menace sur les pétromonarchies arabes alliées des Etats-Unis, mais aussi surtout sur Israël. Le
pétrole figurait aussi au nombre des objectifs indirects.
En effet, dès 1998, Dick Cheney, alors patron de la plus importante société de services
pétroliers Halliburton, avait alerté les milieux pétroliers en déclarant que le monde risquait de
manquer de pétrole bien avant 2010, l’offre pétrolière ayant de plus en plus de difficultés à
répondre à la forte hausse de la demande mondiale, notamment en provenance de Chine et
plus généralement d’Asie. Arrivé début 2001 aux affaires comme vice-président de George
Walker Bush, il est nommé à la tête d’une Task Force sur le dossier brûlant de l’énergie, après
plusieurs grandes pannes électriques aux Etats-Unis. Après les évènements du 11 septembre
2001 et l’invasion de l’Afghanistan, il sera, avec le secrétaire d’état à la défense Donald
Rumsfeld, l’un des farouches partisans de l’invasion de l’Irak, avec les faux prétextes que
chacun connait aujourd’hui en termes d’armes de destruction massive. L’objectif là encore au
niveau pétrolier est simple, au moins sur le papier. Chasser Saddam Hussein du pouvoir,
puisque le plan «!pétrole contre nourriture!», lancé en 1996 par l’ONU, cantonnait la production
pétrolière du pays à 2 Mb/j, malgré un potentiel de production bien supérieur. Ce programme
Table des Matières
Ces brefs rappels historiques, plus ou moins récents, démontrent surtout l’importance du
pétrole et du gaz, davantage comme moyen d’action et/ou de pression stratégique dans les
conflits, que comme casus belli et enjeu direct unique dans un conflit entre deux états,
même si certaines situations peuvent combiner ces deux aspects. Cette dualité de facteurs
se retrouve toutefois, surtout dans les pays les moins avancés, là où les enjeux sur les
ressources sont les plus cruciaux pour les pouvoirs en place et les opposants potentiels,
notamment en Afrique. La nature de ces conflits, le plus souvent entre factions rivales à
l’intérieur d’un même état, disposant généralement de soutiens extérieurs, détermine
ultérieurement la nature et le règlement des conflits dans le secteur des hydrocarbures.
Sans ces soutiens extérieurs, les conflits extractifs internes aux états auraient une moindre
durée et une bien moindre amplitude en termes de victimes. Les cas emblématiques de la
guerre du Biafra au Nigeria de 1967 à 1970 et le conflit angolais de 1975 à 2002 en sont la
vivante illustration. D’autres exemples, s’agissant de la RDC et du rôle de l’Ouganda et du
Ruanda, sur l’exploitation des ressources minières des Kivu congolais, comme le coltan et
d’autres ressources, auraient aussi valeur d’exemple. Il se trouve que l’Afrique, par sa masse
terrestre et ses importantes ressources géologiques et minières, dispose d’énormes
ressources naturelles et qu’à l’inverse, les appareils d’état, dans de nombreux pays, ne
disposent pas des moyens régaliens susceptibles de contrôler l’ensemble de leur territoire
et donc de résister au pouvoir de nuisance et/ou aux convoitises de certains de leurs
voisins. Les compagnies étrangères y disposent également, plus qu’ailleurs, de certains
moyens de conviction pour parvenir à leurs fins, avec la complicité des élites en place,
même si certaines souhaitent de plus en plus de transparence.
Dans les développements qui vont suivre, nous nous intéresserons plus particulièrement, à
travers quelques études de cas, à la question des gisements d’hydrocarbures transfrontaliers,
aux problèmes qu’ils posent (I) et aux solutions adoptées par les états en litige pour
précisément éviter les conflits, notamment via les Zones de développement conjoint et les
Table des Matières
poursuivre l’exploitation des blocs dont elle est l’opératrice sur le gisement de Jubilee situé
sans ambigüité au Ghana. Dans ce contexte, Tullow devra toutefois négocier avec le
gouvernement ghanéen pour savoir jusqu’où elle peut forer vers l’ouest, d’un point de vue
politico-juridique et bien sûr économique. Avec déjà 10 puits forés au Ghana par Tullow, les
décisions du gouvernement ghanéen en matière d’exploitation pétrolière d’’ici 2017 permettront
de savoir quel sera l’avenir de l’application de la future décision du Tribunal de Hambourg.
On voit clairement, à travers ces trois exemples, que le droit doit tenir compte du contexte
international. Selon les cas, il s’agit du statut temporaire particulier de certains états au regard
de la «!communauté internationale!» comme avec l’Iran. Mais il faut aussi intégrer les rapports
de force entre les états et notamment leur degré variable de belligérance, comme pour les
deux Soudan d’une part, la Côte d’Ivoire et Ghana d’autre part. Selon ces trois cas, le droit
international sera respectivement soit plutôt inopérant, soit plutôt passif, soit plus actif, dans la
résolution de ces trois litiges transfrontaliers extractifs. Tout dépend aussi du degré
d’acceptation par les états concernés de solutions arbitrales éventuelles, temporaires et/ou
définitives, à supposer que les états soient eux-mêmes ensuite en situation de les faire
appliquer durablement.
Comme le montrent ces exemples, esquisser une typologie des conflits est difficile tant les
exemples diffèrent. Dans un premier temps nous reviendrons sur ces gisements
transfrontaliers litigieux avec deux études de cas plus détaillées!: d’abord la presqu’île de
Bakassi entre le Nigeria et le Cameroun!; puis, le cas du déplacement de la frontière naturelle
entre la République Démocratique du Congo (RDC) et l’Ouganda
Pour le Nigeria, qui possède les secondes réserves de pétrole du continent derrière la Libye, il
est assez difficile d’imaginer qu’au mieux quelques dizaines de millions de barils en plus ou en
moins vont véritablement changer l’économie du pays et que la question de la presqu’île de
Bakassi puisse devenir un véritable casus belli sauf pour quelques faucons de l’establishment
politico-militaire nigérian. Côté nigérian, il semble donc que l’affaire est plus politique
qu’économique et qu’elle constitue davantage un enjeu de prestige et donc de politique
purement intérieure.
A l’inverse pour le Cameroun, dont la production pétrolière à l’époque est d’ores et déjà en
forte baisse faute de réserves suffisantes, Bakassi est un enjeu économique et de politique
intérieure. Or, le Cameroun ne s’est jamais intéressé à cette zone essentiellement peuplée de
pêcheurs d’origine nigériane vers laquelle aucune route camerounaise ne conduisait, le seul
accès routier venant du Nigeria. Il semble donc que dans cette affaire et par delà les
arguments de droit avancés par les deux parties, les représentations articulées de part et
d’autre autour de l’intégrité du territoire national sonnent faux. Comme souvent en Afrique, les
frontières sont des limites théoriques dont on ne se souvient qu’en cas de conflit ou parce
qu’elles consacrent l’autorité d’un Etat sur des ressources naturelles au détriment d’un autre.
Du point de vue des compagnies pétrolières, les choses étaient beaucoup plus simples. Pour
deux d’entre elles (Total et ExxonMobil), présentes à la fois au Nigeria et au Cameroun, elles
observent une stricte neutralité dès lors que les joint-ventures qui les lient aux deux pays
présentent des termes identiques, 60% pour la société pétrolière d’Etat, 40% pour les
compagnies. En outre, en cas de renégociation des accords de concession avec le nouvel Etat
propriétaire, mieux vaut pour les deux parties conserver le statu quo, chaque compagnie
connaissant mieux qu’aucune autre les blocs sur lesquels elle a déjà obtenu les droits qu’elles
exploitent. Pour les autres compagnies, la question est sensiblement identique. On peut donc
considérer que les grandes compagnies pétrolières n’étaient pas véritablement concernées
Table des Matières
par le différend frontalier sur Bakassi. En outre, dans la pratique, seules quelques concessions
appartenant aux compagnies états-uniennes ExxonMobil et Baker Hughes Corporation, à
Addax Oil (filiale de la compagnie helvético-canadienne Addax), et à Total, pouvaient être
affectées par un tel ajustement consécutif à la décision de la CIJ en fonction du nouveau tracé
frontalier sur les blocs qu’elles contrôlent. Mais la gestion du problème était davantage du
ressort des Etats et du droit.
aucunement demandé aux ressortissants du Nigeria de partir d’où ils vivent à présent. Le
jugement n’aura aucun effet sur les réserves de pétrole et de gaz naturel du Nigeria!».
Du côté des responsables militaires nigérians, dont on connaît le poids dans la vie politique du
pays après une trentaine d’années de régimes militaires depuis l’indépendance, on était
surtout préoccupé par le fait que le commandement naval pour l’Est du pays, basé à Calabar,
la capitale de l’Etat de Cross River, perdrait son accès à l’Océan atlantique par le biais de
l’estuaire du Rio del Rey, qui permettait de contrôler l’extrême Nord des côtes camerounaises.
Côté camerounais, on se préparait déjà au lendemain de la décision à entrer dans des palabres
sans fins. Suite à une première rencontre entre les présidents Biya et Obasanjo, le 15 novembre
2002, il a été décidé de créer une commission mixte Nigeria - Cameroun pour examiner les
suites à donner à la décision de La Haye.
Le 1er décembre 2002, un document de travail en quatorze points attendait les participants
lors de l’ouverture de la première séance de la commission mixte Nigeria - Cameroun, à la
représentation du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à Yaoundé.
Amadou Ali, le ministre camerounais de la Justice et chef de la délégation de son pays avait
reconnu que la mission de la Commission était délicate.
A la lecture du communiqué final qui a sanctionné cette première rencontre, on avait déjà
l’impression que l’on s’acheminait vers une espèce de condominium qui ne disait pas son nom
pour les localités camerounaises de Bakassi.
Si Abuja devait s’associer à Yaoundé pour exécuter des projets de développement en territoire
camerounais dans les localités proches du Nigeria, il semblait normal que ce dernier ait un
droit de regard sur ces localités, d’où les préoccupations de la population camerounaise. Pour
cette raison, dans un processus diplomatique onusien exemplaire, la commission mixte,
présidée par le Représentant spécial de Kofi Annan pour l’Afrique de l’Ouest, Ahmedou
Table des Matières
Ould-Adballah, indique dans son point 6, qu’il a été décidé qu’une mission conjointe
d’évaluation entreprendra une visite des zones concernées afin de lui permettre de mieux
comprendre et apprécier les problèmes concrets qu’elle devra gérer et résoudre dans la mise
en œuvre de son mandat tel qu’il est défini dans le communiqué conjoint du 15 novembre
2002. D’où la création d’une sous-commission chargée de la démarcation de la frontière
terrestre entre les deux pays. Cette sous-commission composée de juristes et de cartographes
des deux parties et des Nations unies, s’est réunie au mois de janvier 2003 pour préparer une
carte indiquant la frontière et pour examiner la nature et les caractéristiques des cartes à
préparer pour matérialiser la démarcation. C’est sur la base de la présentation faite par la sous-
commission, que la commission mixte a fixé le programme de travail de la sous-commission.
Si la commission mixte bilatérale semble avoir démarré ses travaux au quart de tour, il y a lieu
d’observer que contrairement à la délégation du Cameroun qui est conduite par l’agent du
Cameroun en fonction, celle du Nigeria est dirigée par l’ancien ministre de la justice Bola
Ajibola qui, dans le dossier Bakassi, apparaît comme un faucon, ce qui d’entrée faisait planer
quelque inquiétude sur le bon déroulement des négociations8.
Quant à la durée de vie de la commission, les parties souhaitaient qu’elle ne s’éternise pas. Il a
donc été décidé qu’elle se réunirait tous les deux mois. La réunion suivante de la commission
s’est tenue les 4 et 5 février 2003, à Abuja. Une troisième session eut bien lieu en avril au
Cameroun, puis une quatrième à Abuja, le 10 juin 2003. Malgré la visite du Président!Biya le
5!juin à son homologue nigérian, lors de l’investiture de ce dernier consécutive à sa réélection
en 2003, visite que chacun présentait comme un signal fort de la volonté des deux chefs
d’Etat de «!tourner définitivement la triste page de leurs relations*»,9 la commission bilatérale
continuait de réfléchir au sort des populations concernées par l’arrêt de La Haye, qui, pour
avoir bien jugé en droit, n’en a pas moins créé une situation de fait difficilement gérable.
D’autant plus qu’en l’absence de garantie sur l’avenir des populations nigérianes, la délégation
nigériane conduite par Bola Ajibola a profité de l’absence de progrès significatifs pour
préserver le statu quo ante.
A l’abri des populations d’origine nigériane de Bakassi, les compagnies pétrolières concernées
par l’arrêt de la CIJ, ont continué de pomper pour le compte du Nigeria le pétrole offshore sur
la zone contestée. Le Nigeria, par la voie de différentes sources plutôt éloignées du dossier
Bakassi et alors qu’il siège régulièrement dans la commission mixte bilatérale, se contente de
rappeler qu’il conteste la décision de La Haye en ce qu’elle n’a pas pris en considération des
«.données fondamentales.» concernant les habitants nigérians du territoire dont «.les
habitations ancestrales.» ont été adjugées à l’Etat camerounais. Dans cette affaire, le Président
Obasanjo, qui n’a jamais, lui, formellement contesté la décision, souhaitait probablement
classer ce dossier. Mais il a du composer avec ses radicaux, au moins en apparence et dans un
premier temps.
Car les populations nigérianes de Bakassi avaient alors trois possibilités!: soit prendre la
citoyenneté camerounaise!; soit conserver leur nationalité nigériane et demander un statut de
résident étranger au Cameroun!; soit quitter Bakassi pour se réinstaller au Nigeria.
Il faudra aussi attendre juillet 2004 pour que quelques retraits et transferts d’autorité
Table des Matières
s’effectuent sans heurts le long de certains points de la frontière terrestre entre les deux pays
concernés par l’arrêt de la CIJ de 2002. Mais à cette date, toujours rien à signaler à propos de
Bakassi10 et pas davantage à l’issue de la réunion de la Commission mixte qui a lieu à Abuja du
7 au 9 février 2005.11
Cette réunion de l’Equipe Technique Mixte sur la Démarcation composée d’experts des deux
parties et d’experts des Nations Unies, devait se pencher sur une vingtaine de cartes
préliminaires de différentes parties de la frontière produites par la section cartographique des
Nations Unies. Les participants ont également abordé le programme relatif aux activités de
démarcation et procédé à la planification de «!l’évaluation de terrain!» dont le démarrage était
prévu pour mars 2005.
Mais jusqu’en mai 2005, les discussions resteront au point mort suite à la suspension sine die
du retrait des troupes nigérianes de la péninsule de Bakassi. Devant l’inertie des intéressés, le
secrétaire général de l’ONU Kofi Annan invite cette fois les deux présidents à se réunir à
Genève le 11 mai 2005.12 A l’issue de cette nouvelle relance, les présidents Biya et Obasanjo
s’engagent à redoubler d’efforts en se concentrant sur les deux principaux obstacles!: le retrait
des troupes nigérianes et la démarcation de la frontière maritime commune.
Une nouvelle réunion de la Commission mixte est donc programmée entre les 10 et 15 juin 2005
puis finalement reportée à la fin du mois sans qu’une date précise soit arrêtée. Mais dès le 5 juin
d’abord puis le 18 juin 2005, l’armée nigériane ouvre le feu sur des positions de l’armée
camerounaise dans la péninsule. Si les premiers tirs de mortiers se sont soldés par des dégâts
matériels, ceux du 18 ont touché un bungalow de l’armée camerounaise, tuant un caporal,
tandis qu’un adjudant blessé était évacué sur Douala.13 Yakubu Gowon, le signataire de l’accord
de Maroua côté nigérian, avait pourtant confirmé dans la presse camerounaise14 et dès les
premiers tirs que Bakassi était bien camerounaise. Il semble donc bien qu’au sein de l’armée
nigériane et comme par le passé, certains se refusaient toujours à toute concession territoriale.
Côté nigérian on parlera «!d’erreur regrettable!» et on ne fera surtout aucun commentaire.
Il faudra encore attendre un an de plus et un nouveau traité, signé par les deux présidents en
grande pompe aux Etats-Unis, à Manhasset (New Jersey), dans la banlieue de New York,
toujours sous les auspices de l’ONU, le 12 juin 2006, pour que les choses bougent sur le terrain.
La France, l’Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni étaient témoins de la signature de
l’accord. Ce texte donnait 90 jours aux militaires nigérians pour évacuer la péninsule. Le 11 août
2006, soit deux mois après ce nouveau traité mais près de quatre ans après la décision de la
Cour de La Haye, l’armée nigériane commençait le retrait de ses 3.000 soldats de Bakassi. Le
retrait sera terminé en quatre jours. Le quartier général du 26ème bataillon de l’armée nigériane
stationné au Camp Boro sur Bakassi est dès le 12 août redéployé près du village d’Ikan, à
proximité de Calabar, la capitale de l’Etat nigérian voisin de Cross River.15 L’histoire retiendra
que le drapeau nigérian a cessé de flotter sur Bakassi le 11 août 2006, mais le départ des tous
derniers soldats nigérians et la restitution définitive de la presqu’île n’étaient prévus que pour
le 14 août 2008…
Le 6 juillet 2007, la Commission mixte se réunissait afin d’annoncer officiellement que les
opérations de démarcation des 500 km de frontières communes qui restaient à délimiter entre
les deux pays, de l’intérieur des terres jusqu’à Bakassi, se dérouleraient d’octobre à décembre
2007. Dans son communiqué, la Commission demandait au groupe de travail «!de réfléchir!aux
questions préliminaires concernant les gisements pétroliers et gaziers situés sur la frontière
maritime et de part et d’autre de celle-ci, ainsi qu’à la coopération transfrontalière!».16 Après les
questions de prestige, il fallait maintenant discuter des aspects économiques… En outre, le
Nigeria devait continuer d’administrer l’extrême pointe sud de la péninsule appelée «!Bakassi
zone!» jusqu’en août 2008.
Ce n’est donc pas par hasard si, le 12 novembre 2007, à quelque mois de la restitution
définitive et totale de la péninsule au Cameroun, une centaine d’hommes armés à bord d’une
dizaine de speed boats, soit des pirates, soit des militants du Delta, d’après les autorités, ont
attaqué une garnison camerounaise sur Bakassi faisant 21 morts et 6 blessés parmi les forces
camerounaises, 10 morts chez les assaillants.17 Le seul intérêt de cette attaque semble avoir
été de saisir de l’armement lourd entreposé sur cette base, ce qui accrédite l’idée qu’il devait
s’agir plutôt de militants du MEND18 basé dans le Delta du Niger que de supposés «!pirates!».
Table des Matières
Cette hypothèse est d’autant plus plausible que l’attaque a eu lieu au lendemain d’une autre
attaque de militants dont la cible était le terminal d’exportation de Mobil de Qua Iboe dans
l’Etat d’Akwa Ibom, à environ cinquante kilomètres de Bakassi. Cette tentative d’invasion du
terminal avait été repoussée par les forces de sécurité nigérianes. Les autorités nigérianes ont
immédiatement nié être à l’origine de cet incident sur Bakassi et rappelé à cette occasion
qu’elles s’étaient conformées à la décision de La Haye, que l’essentiel de leurs troupes avaient
quitté la péninsule depuis août 2007 et que la question de la souveraineté sur Bakassi était
désormais une cause entendue. Pour les militants du Delta, Bakassi constituait un moyen
d’internationaliser leur lutte et de renforcer sa médiatisation. La sécurité sur la presqu’île de
Bakassi et sur la zone frontalière adjacente délimitée par la rivière Akwayafé n’a pas été
immédiatement assurée. Une opération identique des militants, ou supposés tels, menée le 24
juillet 2008, s’est soldée cette fois par un échec total de ces derniers.19 Le 31 octobre 2008, un
mouvement baptisé les Bakassi Freedom Fighters attaquait une barge pétrolière de la
compagnie française Bourbon, prenant au passage une dizaine d’otages. Ce groupuscule
militait pour une meilleure reconnaissance des droits nigérians bafoués dans la rétrocession.
Fort heureusement pour le Nigeria, l’offre d’amnistie proposée en septembre/octobre 2009
par le président Yar’Adua sera finalement acceptée par la plupart des seigneurs de guerre du
MEND, reconvertis depuis lors et à prix d’or, dans la sécurité des infrastructures pétrolières
nigérianes onshore. Mais la récente élection, fin mars 2015, de Muhamadu Buhari à la
présidence du Nigeria, pourrait relancer les débats sur la restitution de Bakassi, même si, au
moins pour l’heure, la coopération entre le Nigeria et le Cameroun s’impose difficilement plus
au nord face à Boko Haram. Mais il faut se souvenir que l’ex général Buhari, a longtemps
critiqué la restitution de Bakassi avant de finir par l’admettre à demi-mot. Pour les chrétiens et
minorités ethniques du sud-est, et notamment les derniers résistants du MEND, la question
pourrait aussi se poser différemment dans l’avenir après la défaite de leur représentant indirect
à la présidentielle, Goodluck Jonathan. Tous les états pétroliers du sud/sud-est ont en effet
voté majoritairement en mars 2015 pour le président sortant, Goodluck Jonathan, un Ijaw
originaire de l’état pétrolier de Bayelsa, au cœur du Delta. Les revendications de ces mêmes
états pétroliers du sud, pour une hausse de 13% à 25% du principe de dérivation leur octroyant
directement, selon leur quota respectif de production et avant tout partage, ce pourcentage
sur les revenus de la rente pétrolière, refont surface. Ce ne sera pas le moindre des défis à
relever pour le nouveau président élu Buhari.
Sur le fond, l’Etat nigérian déclare néanmoins n’avoir rien perdu au plan pétrolier dans cette
rétrocession. Il semble avoir surtout tiré parti de cette difficile expérience camerounaise
pour tenter de nouer des relations plus saines avec ses deux autres voisins dont les
domaines maritimes recèlent aussi du pétrole dans le cas de l’archipel de Sao Tomé, du
pétrole et du gaz dans celui de la Guinée équatoriale. Ces deux nouveaux venus dans la
galaxie des hydrocarbures avaient eux besoin de s’appuyer sur leur puissant voisin et sur
son savoir-faire en matière d’hydrocarbures. Ils n’en sont pas moins des partenaires difficiles
pour le Nigeria, comme on le verra dans le cas de la Joint Development Zone (JDZ) entre le
Nigeria et Sao Tomé.
bloc 3A.
Entre 2006 et 2009, les deux pays se sont livrés à plusieurs escarmouches militaires de faible
amplitude, notamment en 2007, lorsque les troupes congolaises ont attaqué un navire
d’exploration de la compagnie Heritage Oil, sur la lac Albert, l’accusant d’avoir violé sa
souveraineté nationale. Il faudra attendre fin 2010 pour que les deux pays régularisent
discrètement, via un Memorandum of Understanding (MoU), leur contentieux. Forte de cette
victoire «!internationale!», l’Ouganda a depuis cette date exercé toute sorte de pression,
notamment fiscales, auprès des compagnies exploratoires originelles (Heritage Oil et Tullow
Oil) en prélevant a posteriori des taxes en matière de cession de droits (farm out), mais aussi
auprès des nouveaux entrants, Total et CNOOC (farm in). Les enjeux financiers négociés, sans
parler des investissements revendiqués par les pays producteurs sur une éventuelle raffinerie,
constituent régulièrement le premier moyen de régler les conflits, dans l’intérêt bien compris
Table des Matières
des différentes parties, les anciennes compagnies, les nouvelles et le gouvernement en place.
journalistes), envoyés en 1980 par le président Shagari pour nouer les relations bilatérales avec
Sao Tomé, disparaît des écrans-radar au dessus de l’océan peu après son décollage de Lagos.
Il faudra attendre vingt ans pour qu’une commission mixte Nigeria - Sao Tomé voit le jour en
2000. Pourtant à cette date, les deux gouvernements sont déjà en conflit, plus
particulièrement sur la zone maritime jouxtant la frontière commune de leur domaine maritime
respectif, au Nord Ouest de l’île de Principe et au Sud de l’important gisement pétrolier
nigérian d’Akpo (cf carte suivante).
Alors que chaque Etat en revendiquait jusqu’alors la propriété, ils finissent par signer un
accord, le 21 février 2001, aux termes duquel les pays s’entendent pour exploiter conjointement
la zone disputée, baptisée Joint Development Zone (JDZ) et pilotée par une Autorité de
développement conjointe (JDA),23 responsable devant le Conseil ministériel conjoint (JMC), lui
même constitué de représentants de chacun des deux Etats. La zone ainsi dénommée JDZ
couvre une superficie de 35.000 km2. Cette JDZ était à l’époque la huitième dans le monde et
la deuxième en Afrique.
Aux termes de ce traité conclu pour une durée de 45 ans, révisable après 30 ans, l’exploration
et l’exploitation des ressources ainsi que tous les bénéfices et toutes les obligations seront
partagés à 60% pour le Nigeria et 40% pour Sao Tomé. Si l’accord ne s’est pas fait à 50%, c’est
probablement parce que Sao Tomé, qui n’a pas véritablement d’expérience en la matière, peut
bénéficier ainsi de la longue expertise du Nigeria et que ses revendications maritimes ne sont
étayées, comme on l’a vu, ni scientifiquement, ni juridiquement. Les Nigérians reproduisent
pour leur part les conditions qu’ils offrent à la plupart de leurs partenaires étrangers dans les
joint-ventures pétrolières au Nigeria.
Mais en novembre 2002, suite à des divergences dans la mise en œuvre de l’accord, Sao Tomé
rompit les discussions après avoir tenté de faire valoir qu’une zone de 100 km2 sur laquelle le
Table des Matières
Nigeria avait des droits exclusifs, devait faire l’objet d’une renégociation du traité de 2001.
Finalement, le Nigeria accepta d’intégrer cette zone à la JDZ en février 2003, toujours avec un
partage 60% contre 40%.
Il semble donc que le Nigeria ait consécutivement aux problèmes rencontrés avec le
Cameroun, décidé de changer de méthode et de négocier avec ses autres voisins, l’important
étant pour lui que les affaires puissent se poursuivre et se développer. Quelques dizaines de
milliers de b/j ne sont pas véritablement un enjeu en soi pour le premier producteur de pétrole
d’Afrique, même si les réserves pétrolières de la JDZ étaient estimées au départ à 6 milliards
de barils et situés entre 1.000 et 2.000 mètres de profondeur.24
Localisation de la JDZ
Il y avait toutefois des limites à ne pas dépasser s’agissant notamment du gisement pétro-
gazier d’Akpo situé au Nord-Est de la JDZ et opéré alors par Total, avec des réserves estimées
à 1 milliard de barils de pétrole et 115 milliards de m3 de gaz naturel. D’après les compagnies
qui l’exploitent, ses réserves pourraient s’étendre jusqu’à l’intérieur de la JDZ. L’OPL 246 sur
lequel est situé le gisement d’Akpo empiète légèrement sur la JDZ (voir la carte précédente). Il
a donc fallu créer un régime spécial pour ce gisement afin de maintenir les droits exclusifs du
Nigeria sur Akpo. En contrepartie, Sao Tomé s’est vu accorder un «*compensation package!».
sur les autres blocs. L’inverse aurait été bien plus compréhensible… Mais en fait, l’ensemble du
processus était planifié comme on va le voir.
Après de multiples péripéties entre les deux partenaires étatiques, un nouvel appel d’offre a
lieu fin 2004 portant sur 5 des 9 blocs déjà offerts en 2003 mais non attribués,27 pour lesquels
26 compagnies se manifestent, dont de petites compagnies nigérianes. Mais cette fois c’est
ExxonMobil qui retarde la publication des résultats initialement prévue pour février 2005, la
major américaine ayant obtenu un droit de première offre sur trois des neuf blocs initialement
offerts, ce que la compagnie a tardé à faire valoir.28 Autre frein à la procédure, les désaccords
entre le Nigeria et Sao Tomé sur les critères d’adjudication, ce qui influait sur l’importance des
bonus de signature. Sao Tomé voulait ne retenir que le critère de la meilleure offre financière,
alors que le Nigeria voulait inclure des considérations sur les compétences techniques des
postulants et l’importance des travaux alloués à des entreprises locales (contenu local) dans
les programmes de développement. Pour l’anecdote, après l’attribution du bloc 01, le plus
convoité était ensuite le bloc 04.29 Après de multiples rebondissements qu’il convient malgré
tout d’abréger, les cinq blocs seront finalement attribués définitivement en mai 2005. Une
compagnie émerge parmi les bénéficiaires!: Environmental Remediation Holding Corporation
aussi appelée ERHC Energy.
Sur le bloc 02, ERHC obtient, associé à deux indépendants américains, Devon Energy et
Pioneer Energy, 65% des droits sur le bloc, dont 30% pour ERHC. Ce consortium obtient en
outre le statut d’opérateur.
Sur le bloc 03, ce même consortium obtient 25% des droits, dont 20% pour ERHC.
Etrangement, dès le mois suivant, Devon Energy se retirera du consortium au prétexte que ses
droits sont insuffisants et abandonnera ses droits sur les deux blocs, qui sont récupérés par
ERHC et Pioneer Energy.
Sur le bloc 04, ERHC, en consortium cette fois avec l’indépendant américain Noble Energy,
obtient en propre 25%, 60% pour le consortium qui est également opérateur. Devon Energy se
retire là encore du consortium dès le mois suivant. Les partenaires minoritaires du consortium
sont tous de petites compagnies nigérianes ou américaines!: Conoil Producing, Overt Energy,
Hercules Energy and Godson Energy.
Concernant les blocs 05 et 06, la JDA a confirmé l’attribution de 15% des intérêts à ERHC.
Précision complémentaire et non des moindres, ERHC n’a aucun bonus de signature à verser,
à la différence de toutes les autres compagnies30.
Mais la principale étape de ce parcours du combattant a lieu en février et mars 2006, lorsque
qu’ERHC, qui n’a aucun moyen de mettre en valeur les concessions qu’elle a obtenu, va
simplement céder partiellement ses droits, moyennant un prix très attractif, à d’autres
compagnies qui elles feront effectivement le travail et empocheront aussi une plus-value liée
aux faibles coûts d’acquisition. C’est au fond à cette date que se termine enfin véritablement
l’appel d’offres lancé initialement en octobre 2003, ou décembre 2004, selon la rigueur de
l’observation.
Le 16 février 2006, ERHC cède, au titre d’un accord de participation, 15% des droits sur le bloc
03 à la compagnie helvético-canadienne Addax Petroleum.31 En échange, Addax verse 7,5
millions de dollars à EHRC et s’engage à payer tous les coûts futurs nécessaires à la mise en
valeur du bloc et correspondant à la quote-part de 10% que conserve EHRC sur ce bloc opéré
par la compagnie américaine Anadarko. En clair, sans rien verser, si ce n’est quelques dizaines
de milliers de dollars de droits de participation aux enchères et de frais divers de dossier et
sans rien faire pour développer le gisement, EHRC commence à toucher des millions de
dollars en attendant les 10% de dividendes sur les résultats de l’exploitation future du gisement
qui pouvaient en théorie lui revenir. Mais cela ne s’arrête pas là.
Quinze jours plus tard, le 2 mars 2006, même opération, en plus grand, sur le bloc 02. EHRC
cède cette fois 28,67% des droits sur ce bloc à la filiale nigériane de la compagnie chinoise
Sinopec et 14,33% à la filiale nigériane d’Addax,32 ERHC gardant 22% sur ce bloc. En échange,
Sinopec et Addax versent respectivement à ERHC, 13,6 et 6,8 millions de dollars. Sinopec
devient l’opérateur et comme pour le bloc 03, les deux nouveaux entrants prendront à leur
charge les coûts futurs nécessaires à la mise en valeur du bloc correspondant à la quote-part
Table des Matières
l’Angola avait été choisie comme «!partenaire stratégique!» dans le domaine pétrolier et
pourrait participer à l’exploration.35 Cette alliance stratégique avec l’autre poids lourd pétrolier
de la zone, outre le volet lusophone en partage, traduisait déjà la méfiance de Sao Tomé
envers le Nigeria autant que son besoin impératif de soutien extérieur.
De plus, le MLSTP-PSD, le parti au pouvoir à Sao Tomé, était historiquement lié à la Sonangol,
la compagnie pétrolière nationale angolaise. Face au puissant voisin nigérian, Sao Tomé
cherchait donc d’une certaine façon à jouer l’alliance lusophone. Il y avait aussi les Brésiliens de
Petrobras,36 présents dans l’offshore nigérian et angolais. Quant à la Chine, elle espérait sans
doute que Sao Tomé, qui reconnaissait Taïwan depuis les années 1990, renouerait
prochainement avec elle, le partenariat historique de la période postindépendance. Cela ne
devait plus tarder, comme en témoignait la participation de représentants du Parti
communiste chinois en 2005 au congrès du MLSTP-PSD, et ce au grand dam de
l’ambassadeur de Taïwan.
L’avenir de la JDZ est donc depuis le début très largement lié au sérieux des compagnies
qualifiées autant qu’à la retenue et au bon sens dont sauront faire preuve le Nigeria et Sao
Tomé. Mais au fil du temps, les potentialités en hydrocarbures sur la zone sont devenues de
plus en plus hypothétiques surtout pour de grandes compagnies comme Exxon, Chevron,
Sinopec et Total37, qui sont toutes venues et sont toutes reparties déçues, faute de
découvertes commercialement suffisantes à leur niveau, laissant le champ libre à des
compagnies de bien moindre importance, qui possèdent au mieux les capacités financières
requises pour de tels enjeux mais pas toujours l’expertise technique, comme la filiale pétrolière
du milliardaire nigérian Aliko Dangote, Dangote Energy Equity Resources (DEER). Dans la
zone économique exclusive san-toméenne, ce sont là encore des compagnies étrangères,
mais de troisième ordre, qui feront ou non la différence pour le pays, faute d’intérêt réels pour
les grandes compagnies pétrolières. Mais dans cet offshore profond, avec des volumes de
ressources limitées, la conjoncture mondiale, avec la forte baisse des cours du brut depuis
mi-2014 ne devrait pas favoriser le développement rapide de cette zone, déjà à maintes
reprises différé, à chaque fois pour des raisons différentes.
Le Nigeria conserve pour l’heure et depuis le début la haute main sur la JDZ. Pour ses
nationaux, rien ne presse. Il faudra attendre des jours meilleurs.
Pour Sao Tomé, le rêve pétrolier semble à présent totalement lui échapper et toutes les belles
prévisions du FMI de juillet 2013, concernant ses hypothèses de croissance économique future
à l’horizon 2015 semblent aujourd’hui d’ores et déjà totalement obsolètes38.
Sans réelles ressources propres en hydrocarbures, le choix de la JDZ est une solution bien
aléatoire surtout pour l’état le plus faible, qui, minoritaire, n’a de fait aucun véritable contrôle.
Dans un tout autre contexte et de façon bien plus sommaire, nous tenterons de prolonger la
démonstration avec le cas du Koweït et de l’Arabie saoudite sur ce qui est appelé la «!zone
neutre!», située entre les deux pays.
Toute production sur cette zone est en joint venture et doit être équitablement répartie entre
les deux pays, chaque pays exerçant toutefois un contrôle administratif de fait sur la moitié de
la zone neutre adjacente à son territoire. Mais là encore et malgré l’ancienneté de cet accord,
des rapports de force s’instaurent inévitablement entre les deux partenaires.
En octobre 2014, c’est la Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale saoudienne, qui
ordonne l’arrêt de la production sur le gisement offshore d’Al-Khafji situé dans la partie sud
de la zone neutre maritime, une production pourtant estimée autour de 290.000 b/j. Elle
invoque la protection de l’environnement et des émissions polluantes supérieures aux
limites autorisées. Côté koweitien, on s’estime surpris en rappelant que les deux pays
avaient conclu un accord prévoyant de régler les problèmes liés à l’environnement sur la
zone neutre en 2017…
En réponse, fin 2014, le Koweït a refusé de renouveler les permis de travail des employés de la
Saudi Arabian Chevron Inc. (SAC), filiale locale du groupe américain. Cette filiale exploite la
part de 50% détenue par le royaume saoudien dans la partie terrestre nord de la zone neutre,
qui comprend notamment le champ de Wafra (production pétrolière d’environ 220.000 b/j).
La SAC travaille pourtant sur cette zone en association avec la Kuwait Gulf Oil Company
(KGOC), qui représente la partie koweitienne, par le biais de leur joint venture, Joint
Operations (JO). Résultat, en janvier 2015, la production de Wafra n’aurait été que de 180.000
b/j en baisse d’environ 20%. Le manque de personnel aurait forcé la SAC à arrêter l’activité sur
plusieurs appareils de forage.
Derrière ces échanges d’amabilité se cache un autre conflit vieux de plusieurs années
concernant la région d’Al-Zour, dont une partie est située dans la zone partagée sous contrôle
saoudien. A ce jour, les pourparlers entre les deux pays pour régler ce contentieux n’ont
toujours pas abouti. Le projet en cours de construction de la raffinerie d’Al- Zour, au sud du
Koweït, d’une capacité de 615.000 b/j et prévu pour être opérationnelle en 2018, fait aussi
partie de la volonté d’émancipation renforcée non dite du petit Koweït envers son grand voisin
saoudien. Ce projet, si son financement fini par être totalement bouclé, combiné avec la
modernisation de deux des trois raffineries existantes de l’émirat, doit permettre au Koweït de
satisfaire sa consommation intérieure en produits raffinés et d’en exporter davantage. Mais
dans son rapport de force avec le Koweït, l’Arabie saoudite, qui produit plus trois fois plus de
pétrole que l’émirat, a bien moins besoin que son voisin de la production additionnelle de la
zone neutre. Le rapport de force se pose aussi dans ces termes.
On l’aura compris à la lecture de ces quelques exemples, le règlement des conflits potentiels
en matière d’hydrocarbures sont complexes et fragiles. La négociation des contrats entre
états et compagnies est souvent tout aussi délicate. Quand bien même ces accords
parviennent à perdurer, on constate que des jeux de puissances dans le cadre de ces accords
se perpétuent et peuvent, selon les motifs, donner lieu ponctuellement à des crises
d’importance très variable.
CONCLUSION
Il faudrait aussi aborder les tensions et conflits internes pour le contrôle des ressources et la
redistribution de la rente, un autre aspect tout aussi important, même si ces conflits relève
cette fois de la souveraineté de chaque état.
Table des Matières
La crise en Libye pour le contrôle de la compagnie pétrolière nationale (NOC) par les
différentes factions libyennes en conflit pour le pouvoir en illustre néanmoins toute
l’importance et l’actualité. De même, les tensions entre le gouvernement autonome du
Kurdistan irakien (KRG) et les autorités de Bagdad, sur le partage des revenus pétroliers et la
capacité ou non pour le KRG de pouvoir signer des contrats en direct avec des compagnies
pétrolières étrangères est bien loin d’être résolu.
Le cas du Brésil, après la découverte des gisements présalifères en 2006, la plus importante
découverte pétrolière mondiale de ces dernières années, est particulièrement intéressant. Le
gouvernement du Parti des Travailleurs (PT) a voulu augmenter sa part de la rente pétrolière.
Pour cela il a fait adopter une nouvelle loi pétrolière qui a indirectement différé tout appel
d’offres pendant cinq ans, retardant d’autant le développement de ce secteur au Brésil, ceci
alors qu’une réforme, même importante, du système de redevances existant pour les
nouveaux contrats de concession aurait suffit. En outre, les perspectives des retombées
financières, bien que très largement différées dans l’avenir, ont été bien imprudemment
vantées par la classe politique brésilienne. Elles ont provoqué des revendications de tous les
états et municipalités du Brésil pour accéder à cette rente, avec là encore l’adoption d’une
nouvelle loi. Jusque là, seuls les états et municipalités «!producteurs!», en contrepartie des
risques liés notamment aux pollutions, pouvaient bénéficier d’une partie de la rente pétrolière,
l’essentiel de la manne étant néanmoins capté par l’Union brésilienne, c’est-à-dire le
gouvernement. Désormais, le partage sera élargi et l’Union a perdu au passage une partie de
ses droits, alors que l’objectif du gouvernement du PT, avec la nouvelle loi pétrolière, était
précisément d’augmenter ses revenus.
Au Nigeria, le partage de la rente pétrolière a eu pour conséquence indirecte, dans un premier
temps, la guerre du Biafra. A plus long terme, du fait de la redistribution automatique de cette
manne étendue à partir de 1970 à tous les états fédérés du pays, ce partage a provoqué une
modification fondamentale de la géopolitique du pays. Le Nigeria est passé de trois régions à
l’indépendance en 1960, à 36 états fédérés plus le territoire fédéral d’Abuja à partir de 1996,
par le jeu de l’allocation fédérale statutaire de revenus, directement issue de la rente pétrolière.
Si ce fédéralisme scissipare et cette redistribution élargie ont permis de maintenir l’ensemble
de la Fédération nigériane en un seul état, les tensions en provenance des zones de
production au sud du pays n’en demeurent pas moins vivaces et potentiellement
problématiques. Les grandes compagnies internationales l’ont compris. Elles cèdent depuis
des années des actifs onshore à des compagnies indigènes, dans une sorte
d’accompagnement «!gagnant-gagnant!» de la politique nationale, préférant concentrer leurs
activités sur de grands projets dans l’offshore profond, à plus de 150 Km des côtes nigérianes,
là où les compagnies privées nigérianes ont pour l’heure peu de prétentions. On sait
néanmoins, et même si la sécurité s’est améliorée depuis, que ces vastes zones très au large
peuvent aussi faire l’objet d’attaques, comme ce fut le cas avec la plateforme de Shell sur
Bonga en juin 2006, par des militants du MEND.
Ainsi, la géopolitique en matière d’hydrocarbures précède bien souvent le droit en cas de
conflits transfrontaliers, qu’il s’agisse de droits de transit ou de revendications territoriales
transfrontalières conflictuelles, sans parler des conflits intra-étatiques de plus en plus
fréquents centrés sur le contrôle des ressources naturelles.
Cela peut-être aussi le cas en matière de revendication pour un meilleur partage des
ressources entre différentes entités communautaires à l’intérieur des états, voire d’une
surenchère nationaliste parmi des états belligérants potentiels. Dans ces différents cas
d’espèce, le droit international est bien souvent peu opératoire faute de pouvoir être proactif. Il
ne sera pleinement utile qu’ultérieurement, en cas de conflit, si et seulement si les belligérants
en accepte le principe.
Dans tous les cas de figure, interétatiques ou intra-étatiques, la géopolitique est indispensable
en amont pour bien identifier les enjeux, avant toute décision politique ou judiciaire, pour
cerner au mieux le cadre du règlement des conflits. Dans le cas des conflits intra-étatiques liés
au partage et à la redistribution des ressources internes aux états, la difficulté majeure
consiste bien sûr à combiner droit international et souveraineté nationale.
Cette dualité conceptuelle des accords pourrait être envisagée à travers des programmes de
Table des Matières
médiation et d’assistance, si nécessaire. Acceptés par les parties dans le cadre d’un champ de
négociation et de décision élargi des autorités judiciaires internationales, combiné, selon les
cas, avec des accords nationaux impliquant les différentes parties. Ceci éviterait qu’un accord
bilatéral ne devienne caduc au gré de surenchères politiques ultérieures internes aux états
entre parties au litige.
Droit et géopolitique sont indissociables, parce que complémentaires, s’il s’agit d’obtenir
idéalement des règlements, le plus durables possibles, en matières de conflits extractifs. La
multiplication croissante des acteurs impliqués dans ces conflits et les interférences extérieures
potentielles rendent certes la tâche de plus en plus difficile, d’autant plus que les signataires
peuvent être éphémères politiquement et/ou revenir sur les accords signés. Ceci devrait inciter
les instances judicaires et politiques internationales à mieux intégrer ces éléments pour parvenir
à des solutions, si ce n’est durable dans l’absolu, car personne ne maitrise l’équation et ses
différentes variables dans la durée, du moins à intégrer des processus de révisions ultérieures
impliquant les acteurs majeurs ( chacun les connait sur tous les terrains), sans lesquels rien n’est
possible. Cette perspective future de révision pourrait aussi faciliter la signature de certains
accords intermédiaires ou intérimaires. Dans ce cas de figure, lui aussi potentiellement explosif
à échéance, à chacune des parties prenantes anciennes et/ou nouvelles, accompagnée
idéalement par des représentants de la communauté internationale, de prévenir pour mieux
guérir. Toute forme de conflit est très coûteuse.
Le monde n’est pas figé, il évolue en permanence et même de plus en plus vite. La
géopolitique peut aider le droit à être plus efficient sur la durée, singulièrement en matière de
conflits extractifs, même si le droit a une fâcheuse tendance à gérer au présent, sans trop
penser à l’avenir. Tenir davantage compte des facteurs géopolitiques et de leur marge
d’évolution dans la solution juridique de ces conflits, c’est pérenniser au mieux la viabilité et la
durée même des décisions juridiques, surtout si ces conflits sont internationaux, c’est une
évidence. Aux autorités nationales elles-mêmes d’en tenir également mieux compte dans le
règlement de leurs propres conflits intra-étatiques. En attendant, les juristes ne sont pas des
géopolitologues et inversement. Quant aux sources d’informations locales, elles sont souvent
bien difficiles à qualifier et valider. C’est un vrai travail, souvent bien difficile, mais
indispensable.
La faiblesse du droit international repose dans son jugement étayé à partir de traités
internationaux souvent jugés obsolètes au regard du vécu quotidien des populations
concernées et des évolutions géopolitiques en cours d’accélération. En outre, bon nombre de
ses décisions ne sont jamais appliquées, comme certaines résolutions onusiennes essentielles
pour la crédibilité du droit international. Pour autant, dans leurs attendus, certaines juridictions
commencent à tenir compte davantage du sort des populations, en accord avec les principes
du droit. Ce n’est pas en occultant à l’infini l’intérêt des populations, que les industries
extractives pourront prospérer. Elles l’ont compris. Mais tout est négociable. Reste à savoir ce
que l’on négocie correctement pour sa tranquillité.
Comme l’écrivait Pierre Corneille!: «!Le temps est un grand maître, il règle bien des choses!»40.
A chacun de se préparer au mieux aux changements qui viennent, notamment dans le
secteur extractif. Ils devraient conduire progressivement à certaines modifications des
habitudes passées.
NOTES
1. La toute Première guerre du Golfe est en effet précisément la guerre Iran/Irak qui opposait deux pays de
l’OPEP, un phénomène totalement inédit depuis la création de l’organisation en 1960.
2. Zones de développement conjoint, plus connues sous l’acronyme anglo-saxon équivalent JDZ (Joint Develop-
ment Zone). Zone sur laquelle deux pays s’entendent pour partager l’exploitation et les revenus des hydrocar-
bures selon des conditions qu’ils définissent ensemble.
3. TEN est le nom du premier et plus important projet pétrolier offshore au Ghana. Il s’agit d’un acronyme sig-
nifiant Tweneboa, Enyenra et Ntomme, c’est-à-dire trois importants gisements pétroliers et gaziers offshore,
situés au sud-ouest des côtes du Ghana par 1.000 à 2.000 mètres de profondeur d’eau.
4. Source!: IRIN, in Cameroun-Nigeria*: Bakassi - more than one place, more than one problem, 13 novembre 2007.
D’après ce document de l’IRIN, organisme de l’ONU en charge de la coordination des affaires humanitaires, il
n’y a pas de chiffre exact concernant la population de Bakassi. Les estimations varient selon cette source entre
10.000 et un million d’habitants‥ du fait de la mobilité des populations composées pour l’essentiel de pêcheurs.
Ce chiffre de 300.000 Nigérians correspondrait donc à une population totale d’environ 500.000 personnes, ce
Table des Matières
22. D. J. Dzurek, Université de Durham, «!International Bounderies Research Unit (IBRU)!», Boundary and Security
Bulletin, volume 7, n°1, printemps 1999.
23. La Joint Development Authority (JDA) a son siège à Abuja, ce qui n’est évidemment pas neutre.
24. Nigeria Global Energy Review, CWC Publishing, Volume I, juillet 2003. Cette estimation quantitative semble a
posteriori totalement optimiste, comme très souvent avec les estimations initiales.
25. Ibid
26. A cette date, Chevron disposait déjà d’un portefeuille au Nigeria très important, étant présent sur 10 blocs de
l’offshore profond, dont quatre comme opérateur.
27. Il s’agit des blocs 02, 03, 04, 05 et 06.
28. Aux termes d’un accord passé entre toutes les parties prenantes dans la JDZ (les autorités du Nigeria et de Sao
Tomé) ExxonMobil avait obtenu ce privilège, un droit assez classique de préemption ou de première offre, mais
normalement pas dans un tel contexte, sur trois des neuf blocs offerts, droit exercé un an plus tôt pour 40% sur
le bloc 01. Il lui restait deux fois 25% à faire valoir sur deux autres blocs d’où l’impatience des petites com-
pagnies nigérianes qui avaient fait des enchères sur ces cinq blocs et risquaient de se retrouver à la portion
congrue, voire sans rien pour certaines. Fin février 2005, la JDA, elle aussi impatiente de toucher les bonus, mit
ExxonMobil en demeure de faire jouer ce droit dans les 45 jours sous peine de le perdre.
29. D’après le Directeur Général d’Addax Petroleum, Jean Claude Gandur, dont la compagnie prendra le contrôle
du bloc 04 en 2006, ce bloc était sensé contenir 2 à 3 milliards de barils, sans qu’il soit précisé s’il s’agissait de
réserves (et si oui de quel type) ou bien de ressources en place ou encore récupérables. M. Gandur était aussi
le PDG du groupe suisse Addax & Oryx (AOG). Son groupe, AOG, était aussi un courtier mondial de brut afr-
icain, avec un chiffre d’affaires de 5 milliards de dollars à cette époque. AOG détenait alors 36% d’Addax Petro-
leum, très présente au Nigeria, mais aussi au Kurdistan irakien et dans d’autres pays du Golfe de Guinée. Addax
sera finalement racheté à l’été 2009 par la compagnie pétrolière chinoise Sinopec, pour 7,2 milliards de dollars.
30. Côté Sao Tomé, son statut de partenaire exclusif pouvait éventuellement permettre ce traitement de faveur et,
si cela ne suffisait pas, les connexions de la compagnie au Nigeria pourraient aussi compléter l’explication.
31. La particularité de cet Indépendant suisse listé au Canada (Addax & Oryx sont des sociétés suisses) est que
sur 460 employés de la compagnie au 31 décembre 2006, 293 opéraient au Nigeria. On comprend dès lors son
implication locale. En outre, l’un des directeurs et membre du conseil d’administration d’Addax, Afolabi Ol-
adele, est citoyen nigérian. Il avait travaillé préalablement 22 ans à la NNPC, la compagnie pétrolière nationale
nigériane, puis dans l’une de ses filiales, la NAPIMS.
32. Sao Tomé était encore à cette date l’un des cinq pays d’Afrique à soutenir officiellement Taïwan contre Pékin.
33. Source compagnie, avril 2015!: http!://erhc.com/jdz/
Table des Matières
Chapitre 16
Expertise et médiation dans le contexte
du contentieux extractif
Isabelle Vaugon*
INTRODUCTION
La médiation et l’expertise sont des modes alternatifs de règlements de litiges, permettant
d’anticiper ou de résoudre ceux-ci dans des délais et des coûts maîtrisés en évitant surtout de
rompre la relation contractuelle et ce faisant de mettre à mal la conduite du projet.
Une analyse des textes et des conventions en vigueur dans le domaine extractif démontre que
ces méthodes de résolution des litiges connaissent un véritable essor dans ce secteur,
l’arbitrage demeurant le mode ultime de résolution des litiges quand la mise en œuvre de ces
méthodes alternatives n’a pu aboutir.
Pour autant, certaines confusions entre les notions de médiation, de négociation, de
conciliation, ou sur la véritable nature de ces méthodes de résolution ou d’anticipation des
litiges persistent encore, l’évolution de la pratique en la matière ne devrait pas manquer de
remédier à ces difficultés, la rédaction de cet ouvrage tendant également à y contribuer.
Nous aborderons successivement dans cette contribution, l’intérêt que représente l’insertion
Table des Matières
de clauses de médiation (I) et d’expertise dans les contrats extractifs que ce soit isolément ou
combiné à des clauses de Dispute Board afin de résoudre de manière optimale les différends
quand ils sont nés (II).
Sera également abordée la médiation préventive qui permet d’anticiper et donc d’éviter des
litiges, dès la conclusion du contrat.
I LA MEDIATION
Une bonne intelligence de la médiation dans l’industrie extractive (B) postule un effort de
précision reposant sur des considérations générales (A).
* Médiatrice au sein de HEC et Sciences Po à Paris; Avocat associé en charge du département Arbitrage Médiation et
Contentieux Judiciaire International de la Direction Internationale de FIDAL, Isabelle.Vaugon@fidal.com.
assistée par un tiers, neutre, indépendant, impartial, qui aide les parties à aboutir à un accord
quand elles ont échoué dans leurs négociations directes. Pour ce faire, il ne donne pas d’avis
mais aide les parties, selon les techniques de communication auxquelles il a été formé, à
trouver par elles-mêmes la solution à leur différend. L’intervention du tiers permet de
distinguer la médiation des procédures de négociations inter partes.
En effet, la médiation est un
processus qui remet l’homme au cœur de la décision. La médiation ne doit plus seulement se
définir comme une procédure dite alternative à la justice étatique mais comme un mode
d’accès au droit, à part entière. Grâce à la médiation, «.je co-construis.» au lieu de «.co-
détruire.».; «.je décide.» au lieu de subir ce que d’autres pourraient m’imposer. Voilà certains des
enjeux fondamentaux qu’induit la médiation, processus de responsabilisation et d’autonomie
pour les parties en conflit.2
Sans rentrer dans le détail des différentes formes de médiation au profit des entreprises, il est
important de distinguer deux grandes catégories de médiation que sont d’une part la
médiation dite résolutoire qui permet aux parties de résoudre leurs litiges et d’autre part la
médiation préventive qui permet en amont d’éviter que ceux-ci n’arrivent.
Par médiation préventive on doit entendre toute forme de communication que met en place
l’entreprise pour prévenir toute rupture de dialogue, tout risque d’incompréhension avec ses
parties prenantes (salariés, fournisseurs, clients, société civile) qui serait susceptible d’altérer la
communication et ce faisant être source de conflit. Cette forme de médiation peut contenir
des techniques différentes des techniques de médiation proprement dite mais qui sont
animées par le même objectif!: améliorer le dialogue par la concertation et ce faisant éviter les
conflits. Il existe ainsi des formes variées de médiation-concertation préventives tel que et
sans être exhaustif!:
La mise en place de panels de parties prenantes destinées à susciter un dialogue entre
Table des Matières
l’entreprise et les représentants de ces parties prenantes tel que les syndicats, ONG,
collectivités Locales, etc…, et ainsi permettre à l’entreprise de recueillir leurs observations
pour améliorer ses relations ou ses performances à leurs égards!; et
La mise en place de cellules de dialogue, dans les grands chantiers d’infrastructures, avec
l’ensemble des parties prenantes susceptibles d’être impactées afin de prendre en compte
leurs préoccupations et minimiser ou contrôler l’impact du projet à leurs encontre.
La médiation résolutoire, quant à elle, décrit le processus structuré dans lequel deux ou
plusieurs parties à un litige déjà né ou en cours tentent par elles-mêmes, volontairement, de
parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur.3
Si la médiation résolutoire permet d’éviter le contentieux et de renouer le dialogue quand il a
été rompu, la médiation préventive vise à empêcher que le dialogue ne soit jamais rompu et
que le litige ne survienne. Les deux formes de médiation s’inscrivent dans une démarche de
développement durable et participent à la contribution du local content de l’entreprise.
Les parties peuvent mettre en place une médiation ad hoc, dans laquelle elles déterminent le
principe, le régime juridique et les limites de la médiation, ou une médiation institutionnelle,
selon laquelle les parties font référence à une institution qui gère la médiation selon un
règlement et une procédure qui lui sont propres. La médiation se distingue par ailleurs de la
conciliation.
La médiation institutionnelle, à l’instar de l’arbitrage institutionnel, présente certaines
caractéristiques!: une Autorité chargée d’administrer la procédure de médiation!; un Règlement
de Médiation qui encadre la procédure de médiation!; un Secrétariat général ou permanent qui
assume les tâches d’ordre matériel et administratif, et qui assure la liaison entre les parties et le
médiateur. Le passage par un centre de médiation permet d’anticiper les coûts qui seront
associés à la procédure amiable.
Le rôle premier de ces centres de médiation est d’aider les parties à trouver un médiateur
compétent et disponible à intervenir rapidement. Le centre de médiation est garant du
respect des principes d’indépendance, d’impartialité et de neutralité de leurs médiateurs. Ils
veillent également à ce que la règle de confidentialité du processus de médiation soit
respectée par le médiateur. Un grand nombre d’Etats possèdent des Centres ou Institutions
d’arbitrage, auxquels s’est adossée une offre de médiation institutionnelle.
de 2009, la médiation est volontaire mais tous les tribunaux ont l’obligation d’informer les
parties sur l’existence de la médiation et ses avantages, et d’en recommander l’usage.
De même, la médiation est en plein développement tant en Amérique latine qu’en Asie ou
en Inde.
En matière arbitrale, une sentence rendue sous l’égide de la CCI affirme que!«!dès lors que les
parties sont convenues que la médiation constituait un préalable obligatoire à toute action
contentieuse, le non-respect de cette convention entraîne la mise en jeu de la responsabilité
civile contractuelle de la partie contrevenante!».14 Pour surmonter les difficultés dans la
détermination de l’échec ou non de médiation, le Règlement médiation de la C.C.I. permet au
tiers-médiateur choisi de mettre fin à la procédure quand il estime qu’un accord ne saurait
être passé.15
Cependant, un tempérament a été apporté à ce caractère obligatoire, notamment dans le cas
où une décision arbitrale est déjà intervenue. Les causes d’annulation d’une sentence arbitrale
étant strictement limitée, l’absence de recours à un mode de règlement amiable obligatoire
n’est pas de nature à permettre l’annulation de la sentence.16
contrôle au sein des institutions financières permet d’établir les grandes lignes de la pratique
contentieuse actuelle du secteur extractif. Il se dégage que la plupart de ces documents
prônent soit l’arrangement amiable sans plus de précisions (a), soit la conciliation (b), soit des
mécanismes particuliers à certaines institutions (c), et que la médiation y est encore peu
présente.
a. Les négociations directes
Un grand nombre de clauses dans les contrats internationaux font référence de manière
générale à une tentative de résolution à l’amiable par les parties avant le recours aux modes
coercitifs de résolution de litiges, sans apporter davantage de précisions toutefois sur les
conditions de sa mise en œuvre, ni accorder de réelle force contraignante à cette démarche
préalable. Un exemple de convention minière au Congo particulièrement représentatif de la
pratique actuelle stipule par exemple que!:
Tous les différends entre les parties résultant de l’exécution ou de l’interprétation de la
Convention, qui ne pourront pas être résolus à l’amiable dans un délai de quatre-vingt-dix (90)
jours, seront tranchés définitivement par voie d’arbitrage…19 (Soulignement ajouté).
Dans la même veine,!le Contrat Minier type en RDC20 prévoit le recours préalable à une réunion
entre les parties tout en renvoyant expressément à l’arbitrage si la réunion n’a pas lieu,
dénuant ainsi le recours de toute force contraignante.
En pratique, ces clauses imposent seulement une sorte de «!délai de réflexion!» avant de
permettre le recours aux modes contentieux de règlement des conflits, si bien que les parties
se retrouvent dos à dos en cas d’échec de leurs négociations.
La plupart des codes miniers prévoient pareillement une référence aux modes de règlement
amiable sans encadrer ce recours préalable. Le Code minier Béninois21 dispose en son
article 134!:
La convention minière peut prévoir que tout différend pouvant survenir entre l’Etat et le
titulaire d’un permis de recherche ou d’exploitation qui n’a pas été réglé à l’amiable, est soumis
à l’arbitrage international‥.
Par ailleurs, la Loi relative au Code des investissements au Mali23 précise que tout contentieux
commercial concernant les investissements agréés doit d’abord passer par une procédure à
l’amiable.
Certains codes consacrent une définition large du règlement à l’amiable. Le Code Minier de la
République Démocratique du Congo24 dispose par exemple à l’article 281 au sujet de
l’indemnisation des occupants du sol!:
Le Règlement à l’amiable du litige s’effectue par toutes voies de droit non juridictionnelles,
notamment la transaction, le compromis, l’arbitrage ou devant un Officier de Police Judiciaire
ou un Officier du Ministère Public.
Toutefois, l’on s’aperçoit que ces dispositions confondant plusieurs concepts présentent des
difficultés de mise en œuvre. D’une manière générale, on constate néanmoins que la voie du
règlement amiable est non seulement ouverte mais quasi-systématiquement édictée dans la
plupart des documents de référence du secteur. Il reste néanmoins que pour être efficaces ces
dispositions devraient être plus précises quant à la voie de recours amiable proposée en cas
d’échec des négociations directes des parties.
C’est ce qu’offrent encore certaines autres conventions qui proposent la conciliation.
b. La conciliation
En effet, d’autres conventions et contrats types miniers assez nombreux et plus élaborés
prévoient le recours à la conciliation
Table des Matières
Quant à la Convention minière-type de Guinée,26 elle prévoit dans un premier temps la mise en
place de négociations informelles entre les parties. En cas d’échec, chacune des parties peut
formuler une demande de conciliation formelle, pouvant avoir lieu entre les parties seules, ou
autour d’un conciliateur impartial, qui fait une recommandation non-contraignante. En
prévoyant ces différentes étapes, les parties peuvent adapter leur approche au litige concerné,
et ainsi tenir les rênes de la procédure de règlement et notamment des coûts impliqués.
Un tel détail apporté à la rédaction de la clause est très souhaitable parce qu’en cas d’échec
des négociations directes les parties pourront rechercher à une solution amiable avec l’aide
d’un tiers avant de recourir au contentieux arbitral et ce faisant éviter ledit contentieux.
Toutefois, l’on peut regretter que la conciliation soit d’avantage proposée que la médiation
lorsque l’on sait que la médiation conventionnelle connait 80% de taux de succès et 100%
d’exécution spontanée de l’accord transactionnel issu d’un processus de médiation réussi alors
que le taux d’exécution d’un accord transactionnel issu d’une conciliation est réduit à 50%.
Ceci s’explique par le fait que la conciliation aboutit à un accord suggéré aux parties qui
peuvent le remettre en cause une fois sorties de la salle de conciliation, tandis que la
médiation aboutit à un accord émanant exclusivement de la volonté des parties qui y adhèrent
ce faisant totalement pendant comme à l’issue du processus.
c. La médiation
La médiation comme mode de résolution amiable dans le secteur extractif est encore peu
répandue. Elle est évoquée dans quelques rares codes miniers ou dans le cadre du règlement
des différends de certaines institutions financières internationales intervenant de ces secteurs.
Cependant, pour certaines matières restreintes impliquant l’intervention d’une institution
particulière, des codes prévoient le recours à la médiation. Le Code minier de la République
Centrafricaine de 2009 prévoit par exemple!:
Les litiges pouvant survenir sur le montant de la compensation à payer ou autres matières s’y
rapportant, sont soumis à la médiation de l’Administration des mines, assistée de
l’Administration des Domaines et du Cadastre, dans les conditions prévues par la
règlementation en vigueur.
développement (AID). Pour pallier à l’absence de mécanisme de contrôle sur les opérations de
L’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) et de la Société financière
internationale (SFI), un ombudsman et un bureau du conseiller médiateur (CAO) a été institué.
Ce dernier a non seulement une fonction de contrôle, mais également une fonction de
médiation et de conseil.
A l’instar du CAO, les institutions financières ont mis en place des mécanismes indépendants
d’inspection. La Banque interaméricaine a créé le «!Mécanisme indépendant d’inspection!»,
devenu le «!mécanisme indépendant d’Inspection et de Consultation!». La Banque asiatique de
développement a développé un mécanisme nommé «!Fonction d’inspection!». La Banque
africaine de développement s’est dotée d’un «!Mécanisme indépendant d’inspection!». Il faut
enfin évoquer le «!Mécanisme de Recours à l’encontre des Projets!» (MRP) crée par la Banque
européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) le 6 mai 2009 pour succéder
au «!Mécanisme Indépendant de Recours!» (institué le 29 avril 2003).28
Le mécanisme indépendant d’inspection (MII) de la Banque africaine de développement «!met
à la disposition des personnes qui ont subi un préjudice résultant d’un projet financé par le
Groupe de la Banque, un mécanisme indépendant par l’intermédiaire duquel ils peuvent
demander au Groupe d’agir conformément à ses propres politiques et procédures!».29
Le mécanisme comprend la vérification de la conformité et la médiation (résolution de
problèmes). L’exercice de résolution de problèmes vise à rétablir un dialogue fructueux entre
le requérant et toutes les personnes intéressées sans chercher à imputer la responsabilité ou la
faute à une quelconque de ces parties.30 Le mécanisme de la BERD comprend une fonction de
résolution de problèmes quasiment identique.31
Dans chacun des pays adhérant aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales, un Point de Contact National (PCN) est chargé de promouvoir ces
principes, de les diffuser et de répondre à des saisines pour non-respect de ces principes.32 Ils
fournissent une plateforme de médiation et de conciliation pour résoudre les questions
pratiques qui peuvent se présenter avec la mise en œuvre des Principes directeurs.33
Ainsi, ces mécanismes ont à la fois une vocation résolutoire, et préventive.
II L’EXPERTISE
L’expertise permet aux parties de solliciter conjointement l’avis d’un expert indépendant,
notamment sur une question hautement technique (par exemple le fonctionnement d’une
machine) ou financière (par exemple la détermination d’un prix).34 Elle peut intervenir avant le
litige ou à tout autre moment utile. Le recours à un expert peut se faire du propre chef des
parties ou bien lorsque certaines dispositions de la Convention le prévoient. Les parties
peuvent décider de rentre contraignant ou non l’avis de l’expert et leur conférer un caractère
confidentiel ou non.
Autrement dit, l’expertise amiable est une procédure qui permet aux parties d’obtenir un avis
d’une personne qualifiée et spécialisée dans un secteur particulier pour les aider dans la
résolution amiable ou en tout état de cause rapide de leur litige.
L’expertise est donc principalement utilisée pour résoudre des questions hautement
techniques, et peut paraitre moins appropriée quand un litige relève à la fois des questions
d’ordre factuelles et juridiques.35 Le caractère technique et complexe du contentieux extractif
se prête bien à l’expertise, ce qui explique son utilisation répandue.
Par conséquent,!elle est prévue par de nombreux codes nationaux et contrats internationaux
(A), et s’utilise en combinaison avec d’autres modes de règlement dans le cadre des clauses
multi-steps (B).
L’étude des clauses permet de dégager le caractère souvent contraignant de l’avis de l’expert
dans les contentieux extractif (1), ce qui explique l’importance de désigner un expert avec des
compétences adaptées aux besoins du contrat et des parties (2).
1. Le recours à l’expertise
Plusieurs contrats prévoient expressément dans la clause de règlement des différends une
distinction entre les litiges portant sur les matières purement techniques et les litiges portant
sur toute autre matière. Les premières sont invariablement soumises à une procédure
d’expertise.
A titre d’exemple, le modèle type de convention minière du Burkina Faso36 prévoit en son
article 27 (Règlement contentieux)!:
1) Matières purement techniques
Les matières purement techniques concernent notamment les engagements de travaux et de
dépenses, les programmes de recherche, les études de faisabilité, la conduite des opérations et
les mesures de sécurité.
Les parties s’engagent à soumettre tout différend ou litige touchant exclusivement à ces
matières, à un expert indépendant des parties, reconnu pour ses connaissances techniques,
choisi conjointement par les parties. [‥]
La décision par dire d’expert devra intervenir dans un délai maximum de soixante jours à
compter de la date de la désignation de l’arbitre ou du troisième arbitre. Elle sera définitive et
sans appel. [‥]
3) Autres Matières
Pour les matières autres que purement techniques, le litige entre les parties à la présente
Convention sera.:
soumis aux tribunaux burkinabé compétents.;
réglé par voie d’arbitrage par un tribunal arbitral constitué en vertu du droit burkinabé ou
par un tribunal arbitral international..»
Cette répartition des litiges est également reflétée dans certains codes nationaux. Le Code
Minier du Burkina Faso37 prévoit à l’article 116!:
En cas de désaccord entre le titulaire d’un titre minier ou le bénéficiaire d’une autorisation et
l’Etat, relativement à quelque matière de nature purement technique régie par le code minier,
l’Administration des mines et le titulaire ou le bénéficiaire doivent désigner conjointement un ou
plusieurs experts indépendants pour résoudre le différend et se soumettre à la décision
arbitrale. (Soulignement ajouté).
Le recours à un expert peut aussi intervenir pour des questions d’ordre financières. La
convention minière entre la République du Congo et Magminerals Potasses Congo38 prévoit,
par exemple, qu’ «*[e]n l’absence de l’accord des Parties, l’Expert sera notamment compétent
pour déterminer tout taux, toute valeur ou spécification de remplacement d’un taux, d’une
valeur ou d’une spécification prévue par la présente Convention, tel que le LIBOR, mais qui
n’est pas disponible.*» (Soulignement ajouté).
Dans la plupart des expertises du milieu extractif, la décision de l’expert est finale et
contraignante. La Convention minière type de Guinée comme celle de Burkina Faso stipulent
que la décision de l’expert est finale et exécutoire entre les Parties.39
La décision de l’expert n’est pas exécutoire au même titre qu’une sentence arbitrale mais revêt
un caractère contractuel, les parties s’obligeant à respecter la décision de l’expert en
application de la convention qui les lie.40 Cela malheureusement n’est pas toujours bien
compris par les rédacteurs d’actes qui confondent encore ces notions.41
Il existe plusieurs règlements d’expertise, dont notamment celui de la CCI, qui permettent
de recourir à un corps de règles préétabli et d’éviter toute erreur de rédaction. Le décret
d’application du Code Pétrolier de Cameroun prévoit notamment l’application de ce
Règlement!:
Les différends de nature technique visés aux articles 89, 94 et 113 du présent décret et ceux
énumérés comme tel au Contrat Pétrolier, sont soumis à résolution d’expert international,
conformément au Règlement d’Expertise Technique de la Chambre de Commerce
Table des Matières
Internationale. La résolution d’expert international n’est pas susceptible d’appel et elle lie
les parties.42
2. La nomination de l’expert
Compte tenu de la force souvent contraignante de l’avis de l’expert, les parties sont
soucieuses d’établir une procédure de nomination qui garantira la désignation d’un expert
neutre, indépendant et impartial. La procédure de nomination varie donc selon les contrats.
Dans la plupart des cas, l’expert est désigné par les parties. Les codes miniers se contentent
d’en dire autant. Dans ce sens le Code Minier de Mauritanie dispose!: «*le Ministre et le titulaire
devront désigner conjointement un ou plusieurs experts indépendants*».43
Les contrats viennent souvent apporter plus de précisions. Le Décret d’application du Code
Minier du Mali44 réduit la liberté du choix des parties en prévoyant certains critères de
sélection, exigeant «*un expert reconnu pour ses connaissances techniques, choisi
conjointement par les Parties et n’ayant pas la même nationalité qu’elles ou un lien quelconque
avec elles*».45 Pareillement, les conventions minières peuvent préciser les caractéristiques
requises de l’expert!: «*au cas où les Parties conviennent que leur différend ne mérite pas une
pleine procédure arbitrale, ils nommeront un tiers neutre, bilingue, connaissant l’application de
contrats internationaux, généralement*».46
Si les parties ne peuvent se mettre d’accord, le choix peut être soumis à la Chambre
d’Expertise de la CCI!:
Si une des Parties requiert une Expertise, conformément aux dispositions de l’article 43-13-1,
les Parties conviendront de la désignation d’un Expert unique à qui sera soumis le différend et,
si dans un délai de dix (10) jours Ouvrables à compter de la réception de la notification, les
Parties n’ont pas pu s’accorder sur la désignation de cet Expert, la Partie requérant l’Expertise
soumettra sa demande au centre d’Expertise de la chambre de commerce internationale (CCI)
qui désignera rapidement un Expert conformément au règlement d’Expertise de la CCI.47
accord. En cas de désaccord des deux premiers experts sur la désignation du troisième expert,
celui-ci sera désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou.48
la signature du contrat et ont pour mission de suivre régulièrement l’exécution de celui-ci par
les parties. Ce suivi de l’exécution du projet dès son origine donne au système du Dispute
Board une vertu de prévention. De la même manière, si un litige naît malgré tout, le suivi
régulier du dossier par le Board permettra un gain de temps significatif pour résoudre le litige,
dans la mesure où toute la phase initiale des procédures litigieuses!(choix des arbitres, du
conciliateur, exposé des faits) pourra être évitée. En outre, le Board déjà parfaitement informé
du problème pourra intervenir très rapidement sur le fond de l’affaire.
A l’efficacité et la souplesse de cette procédure s’ajoutent de nombreux outils à la disposition
du Dispute Board lui permettant de rendre une décision ou un avis (selon le choix des parties)
au plus vite et de la manière la plus adaptée au problème posé. Le Dispute Board peut ainsi
avoir recours à la médiation ou à l’expertise. Bien qu’encore peu utilisés, ces mécanismes de
résolution consensuels des litiges ont fait leur preuve dans de nombreux projets extractifs
combinant ce mode de résolution des litiges avec d’autres outils dans le cadre de clauses
multi-steps avec succès.
A titre d’exemple, dans le cadre d’une Convention d’Etablissement pour les phases de
développement et d’exploitation d’un grand projet minier liant un Etat africain et une société
privée, les parties se sont accordées sur la mise en place d’un tel procédé. La clause de
résolution des litiges prévoit que lorsque survient un Différend, la Partie la plus diligente
adressera au représentant de l’autre Partie une mise en demeure d’y remédier.
A défaut de réponse ou de solution apportée à la difficulté à bref délai, un Comité Ad Hoc
Opérationnel Paritaire composé de!décisionnaires représentant les deux parties sera constitué
afin de proposer une solution opérationnelle également à bref délai. Les éventuelles difficultés
de constitution d’un tel comité ou d’accord sur la solution opérationnelle sont susceptibles
d’être portées devant un Comité de Résolution des Litiges («!Dispute Board!»), qui constitue
l’étape suivante de cette procédure coopérative de règlement des Différends.
Table des Matières
Il est également prévu que le Dispute Board puisse recourir à la médiation, à l’expertise, ou
encore à la mise en place de «!mesures provisoires!» afin de faciliter le consensus ou la prise de
décision en fonction de la nature des problèmes soumis.
La décision du!Dispute Board a une valeur exécutoire immédiate. Néanmoins, si l’une des
Parties ne se conforme pas à une décision alors qu’elle y est tenue par le Règlement CCI
Dispute Board,52 l’autre Partie peut soumettre ce manquement à l’exécution, à un arbitrage
suivant le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou
plusieurs arbitres nommés conformément audit règlement d’arbitrage.
Enfin, si l’une des Parties notifie par écrit à l’autre Partie et au Dispute Board son désaccord
avec une décision, ou bien si le Dispute Board ne rend pas de décision dans le délai prévu, ou
encore si le Dispute Board est dissout ou directement dans certains cas prévus par la
Convention d’Etablissement, le Différend sera définitivement tranché par arbitrage par le
Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements.
Par ailleurs, il est intéressant de souligner que les décisions des Dispute Boards emportent
généralement l’adhésion et une exécution spontanée par l’ensemble des parties ce qui milite
encore une fois fortement pour la mise en place d’un tel mécanisme combiné à l’expertise et
la médiation.
En effet, l’expérience a montré que les solutions du Board sont en général écoutées et
appliquées par les parties. Les exemples cités par Cyril Chern53 sont significatifs!:
Dans le cas du contrat concernant le barrage hydroélectrique Ertan en Chine, pour lequel
le montant en jeu s’élevait à plus de 2 milliards de dollars US, 40 différends ont été signalés
au Dispute Board, et pas un seul n’a dû être résolu par l’arbitrage!;
Pour la construction de l’aéroport international d’Hong Kong, un contrat s’élevant à 15
milliards de dollars, six différends ont été rapportés au Board, et seulement un a conduit à
l’arbitrage!;
Dans le cas du Tunnel sous la Manche franco-anglais, 14 milliards de dollars US étaient en
jeu et des douze différends qui ont été rapportés au Dispute Board, seulement un a été
tranché à l’arbitrage!;
Enfin, pour le barrage Katse en Afrique du Sud, 2,5 milliards de dollars US étaient en jeu.
Douze différends ont été rapportés au Board, et sur ces douze, un seul a été tranché à
l’arbitrage.
CONCLUSION
Il ressort de l’analyse des textes et des conventions extractives en vigueur qu’il existe
aujourd’hui une tendance lourde chez les parties, qu’elles soient étatiques ou privées, à insérer
des clauses de résolution des litiges dans leur contrat, leur permettant de rechercher le
consensus ou une solution rapide en cas de survenance d’un litige.
On peut regretter toutefois que la médiation en tant que telle soit encore peu présente dans
ces clauses.
La médiation en effet est le processus le plus efficace pour faire émerger un accord pérenne
entre les parties. La négociation directe, préalable indispensable à la médiation, n’est souvent
Table des Matières
pas suffisante pour parvenir à un accord et l’on peut donc regretter que de nombreux contrats
ou conventions encore se contentent de faire valoir la négociation directe, sans prévoir
d’autres processus pour aider les parties à trouver un accord.
L’on peut regretter également que la conciliation, dont le taux d’exécution des accords
résultant de ce processus est inférieur à celui de ceux résultant de la médiation, soit encore
préférée à la médiation quand la clause prévoit un tel mécanisme.
L’expertise est devenue un mode de résolution quasiment incontournable pour optimiser la
gestion des litiges purement technique ou financier et l’on ne peut que s’en féliciter. La place
de l’expertise amiable auprès de la médiation ou au sein des Dispute Boards ne devrait que
contribuer à l’efficacité de ces autres processus destinés à résoudre les litiges dans lesquels se
mêlent des problématiques techniques à des considérations juridiques, financières, et
opérationnelles ou factuelles.
L’émergence des clauses multi-steps mêlant médiation, expertise et Dispute Board à
l’arbitrage dans les contrats complexes dans lesquels les projets d’extraction se combinent à
un projet d’élaboration d’infrastructures, démontre à quel point les modes alternatifs de
gestion des litiges, modulables entre eux au gré des besoins, contribuent à l’amélioration de la
performance et de la pérennité du projet à court comme à long terme.
NOTES
1. M. Guillaume-Hofnung, La Médiation,!PUF, coll. «!Que sais- je!?!», 1995, page 74.
2. M. Bacque, «!Chronique consacrée à la médiation!», Les cahiers pratiques de l’Argus de l’Assurance, juillet 2012.
3. Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, sur certains aspects de la média-
tion en matière civile et commerciale.
4. «!Vers un management optimisé des litiges!», Dispute-wise business management, American Arbitration Asso-
ciation/ Fidal, publiées en juin 2009 et juin 2013, consultable sur le site www.fidal.com.
5. Dans le cadre des travaux en cours de l’OHADA pour étendre l’Acte Uniforme sur l’Arbitrage à la Médiation.
6. Loi sur la médiation civile et commerciale du 17 décembre 2012.
7. Loi n° 2014-389 relative à la médiation judiciaire et conventionnelle, 20 juin 2014.
8. La facilitation du Règlement des litiges commerciaux dans le contexte des réformes OHADA, Communication
de Monsieur le Ministre d’Etat, 5 mars 2012.
9. Cass. ch. mixte, 14 février 2003, arrêt n° 217, Rev. arb. 2003-2, p. 537!note Ch. Jarrosson!: «![l]a clause d’un
contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en
œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au
juge si les parties l’invoquent!».
10. Depuis la décision de Colman J dans Cable & Wireless v. IBM UK [2002] 2 All ER (Comm) 1041.
11. BGH Decision of 18 November 1998!: VIII ZR 344/97.
12. A. Jolles, «!Consequences of Multi-tier Arbitration Clauses!: Issues of Enforcement!», Arbitration 2006, vol. 72, p.
332. V. notamment HIM Portland LLC v. DeVito Builders Inc, 317 F 3d 44 (1st Circ 2003).
13. A. Jolles, «!Consequences of Multi-tier Arbitration Clauses!: Issues of Enforcement!», Arbitration 2006, vol. 72, p. 329.
14. Sentence partielle de 1985 dans l’affaire 4230 et sentence partielle de 1996 dans l’affaire 7983 citées par E.
Jolivet, «!Chronique de jurisprudence arbitrale de la Chambre de commerce internationale (CCI)!: arbitrage CCI
et procédure ADR!», Gaz. Pal, n. 320 à 321, 16 et 17 novembre 2001, p. 1783.
15. Article 8 du Règlement de médiation de la Chambre de commerce internationale, en vigueur à compter du 1er
janvier 2014.
16. Cette jurisprudence a été suivie en France et en Egypte, pour détails v. L. Jaeger et C. Lachmann, «!Interaction
entre Médiation et Arbitrage!», Journal Africain du Droit des Affaires 2011-1, p. 14.
17. International Finance Corporation, Dialogue avec les Parties Prenantes!: Le Manuel des bonnes pratiques pour
les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement, page!? http!://www.ifc.org/wps/wcm/
connect/528c708048855c1e8b1cdb6a6515bb18/IFC_StakeholderEngagement_French.pdf.?MOD=AJPERES,
dernière consultation 23 avril 2015.
18. Dans son rapport de développement durable de 2013, http!://osiskogr.com/app/uploads/2015/03/rap-
port-DD-2013_VF.pdf, dernière consultation 23 avril 2015.
19. La Convention minière entre le Congo et SOREMI, article 12.9.
20. Contrat Minier type en RDC, Mai 2010.
21. Loi n° 2006-17 du 17 octobre 2006 portant code minier et fiscalités minières en République du Bénin.
22. Article 136, Loi n° 2008-11 portant Code Minier.
23. Loi n° 91-048/AN-RM du 26 février 1991 relative au Code des investissements au Mali.
24. Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code Minier.
25. Publié au Journal Officiel de la République du Congo, 52è année, N° 44, jeudi 4 novembre 2010, page 903.
26. Convention Minière entre la République de Guinée et [Société Minière], 20 août 2007.
27. Article 66 du Code minier du Burkina Faso.
28. «!La mise en œuvre des standards environnementaux par les mécanismes d’inspection des banques multi-
latérales de développement!», L’Observateur des Nations Unies, 2013, vol. 34, pp. 125-145.
Table des Matières
29. http!://www.afdb.org/fr/about-us/structure/independent-review-mechanism-irm/about-the-irm/
30. http!://www.afdb.org/fr/about-us/structure/independent-review-mechanism-irm/about-crmu/
31. Règlement du Mécanisme de Recours sur les projets BERD.
32. http!://www.tresor.economie.gouv.fr/pcn
33. http!://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/pointsdecontactnationauxpourlesprincipesdirecteursdelocdealinten-
tiondesentreprisesmultinationales.htm
34. Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris, «!Guide des Modes Alternatifs de Règlement des Conflits!», 2007,
page 12.
35. T. Martin «!Dispute resolution in the international energy sector!: an overview!», The Journal of World Energy
Law & Business, 27 November 2011, pages 7-8.
36. Etabli par Décret n°2005-049/PRES/PM/MCE du 3 février 2005.
37. Loi N° 031-2003/ AN du 8 mai 2003 portant Code Minier au Burkina Faso.
38. V. supra note 25.
39. Article 28.3.1. de la Convention minière type de Guinée et article 27 de la convention minière du Burkina Faso.
40. T. Martin, «!Dispute resolution in the international energy sector!: an overview!», op. cit.
41. Par exemple, le Code Minier de la Mauritanie semble attribuer à la décision de l’expert la même valeur qu’une
sentence arbitrale, en son article 136!: «!En cas de désaccord entre le titulaire ou le demandeur d’un titre minier
ou de carrière et l’Etat relativement à quelque matière de nature purement technique régie par la présente loi,
le Ministre et le titulaire devront désigner conjointement un ou plusieurs experts indépendants pour résoudre le
différend et se soumettre à la décision arbitrale rendue par cet ou ces expert(s).!» (soulignement ajouté).
42. Article 119, Décret n°2000/465 du 30 juin 2000.
43. Article 136.
44. Décret N°99-255/P-RM du 15 septembre 1999 fixant les modalités d’application de l’Ordonnance N°99-032/P-
RM du 19 août 1999 portant Code Minier en République du Mali.
45. Article 25.
46. Convention minière entre un Etat africain et une société privée.
47. Convention minière entre un Etat africain et une société minière.
48. Article 27, Décret n° 2005-049/PRES/PM/MCE du 3 février 2005.
49. L. Jaeger et C. Lachmann, «!Interaction entre Médiation et Arbitrage!», Journal Africain du Droit des Affaires, 2011.
50. Règlement de médiation de la Chambre de commerce internationale, en vigueur à compter du 1er janvier 2014.
51. Convention Minière entre la République de Guinée et [Société Minière], 20 août 2007.
52. Règlement de la Chambre de commerce internationale relatif aux Dispute Boards, en vigueur à compter du 1er
septembre 2004.
53. Chern on Dispute Boards, April 2008, Wiley-Blackwell.
54. Affaire CCI No. 6276, Sentence Partielle du 29 janvier 1990.
Chapitre 17
Les Dispute Board dans le secteur extractif
Florent Lager*
Partant du constat que «!the money is best spent building the projects not litigating them
years after completion!»,1 les sociétés de construction américaines et leurs conseils ont
imaginé un mécanisme spécifiquement adapté aux grands projets de construction!permettant
de résoudre efficacement et rapidement les litiges!: le Dispute Board (DB).
Le Dispute Board est un comité qui a pour rôle principal d’aider les parties à régler elles-
mêmes les difficultés pouvant survenir lors de l’exécution d’un contrat de construction, avant
que les difficultés ne se cristallisent et ne deviennent un litige. Afin de désamorcer les conflits
en amont le DB peut organiser des audiences officielles entre les parties au contrat, il peut
également rendre une décision ou une recommandation sur toute difficulté qui lui est soumise.
C’est en fonction du caractère obligatoire ou non de!la décision que l’on distingue les différents
types de Dipute Board.2
Le DB peut être mis en place dès la signature du contrat de construction ou pendant son
exécution. Il est composé d’un ou de trois membres (parfois accompagnés de suppléants)3 qui
sont généralement des experts, expérimentés, réputés et neutres. Une fois les membres
nommés par chaque partie après accord de l’autre partie, le DB se réunit formellement et il est
procédé à la signature de l’accord tripartite constituant le DB. Des réunions sont ensuite
Table des Matières
organisées pour l’établissement des règles de procédure sauf si les parties se sont déjà
référées à des règles de procédures existantes.
Il est communément admis que le premier Dispute Board a été créé dans le cadre du contrat
relatif à la construction du tunnel Eisenhower au Colorado (USA).4 Une première partie du
tunnel avait été construit entre 1968 et 1973 et ce fut un désastre financier en raison des
dépassements des délais et des coûts dus en grande partie à des litiges incessants.
Prenant la mesure de cet échec, une étude publiée en 1974 et intitulée «*Better contracting for
underground construction*» démontrait que les débats, requêtes et litiges avaient non
seulement retardé la réalisation du projet (et mécaniquement entrainé une augmentation des
coûts en raison des retards sur les plannings et les indemnisations afférentes) mais avaient
aussi été une source importante de coûts en tant que tel. Dès lors, l’étude préconisait le
recours au Dispute Board dans le contrat afin de minimiser les coûts et de limiter les recours
en justice. La mise en place du Dispute Board pour la construction de la deuxième partie du
tunnel fût un succès5 et dès lors le recours au DB dans les contrats de construction aux
Etats-Unis commença à se systématiser.6
Dans les années 1980, la Banque Mondiale, dans le cadre d’un contrat de financement d’un
barrage au Honduras «*projet El Cajon Dam and Hydro Scheme*» imposa le recours au Dispute
Board. C’est un des premiers cas de recours à des Dispute Boards en dehors des Etats-Unis,
par des parties de culture juridique civiliste7 et ce fût également un succès. Les DB venaient
de se faire une place dans le secteur de la construction internationale.8
Le recours aux Dispute Boards s’est ensuite étendu dans les années 1990 en raison de
l’utilisation de plus en plus systématique des conditions de la Fédération Internationale des
Ingénieurs Conseils (FIDIC) dans les contrats de construction internationaux et également
sous l’impulsion de la Banque Mondiale.9
* Directeur juridique de MPD Congo!; Représentant de la Dispute Resolution Board Foundation (DRBF) au Congo,
lagerflorent@gmail.com. La promotion des DB est assurée par la DRBF (Dispute Resolution Board Foundation), une
organisation américaine à but non lucratif fondée en 1996 dans le but de promouvoir la prévention et la résolution des
litiges par l’utilisation des DB. Elle compte plus 500 membres dans plus de trente pays. La DRBF publie régulièrement
le journal «!forum!» et organise des sessions de formation, séminaires, conférences, etc. C’est également une plateforme
d’échanges sur les pratiques des DB avec un réseau d’experts. Pour plus d’informations : www.drb.org.
Face aux contentieux considérables générés par les grands travaux de construction et fort de
l’expérience américaine, la FIDIC a élaboré la «!clause 67!»10 qui a été insérée dans les
conditions standard pour les marchés de génie civil.11 Cette clause proposait pour les projets
de construction, la constitution d’un bureau d’étude ou d’ingénierie investi, à la demande du
maître de l’ouvrage, d’une mission d’assistance et de maîtrise d’œuvre. En cas de litige entre le
maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, la «*clause 67*» prévoyait une action en deux temps.
En cas de différend, l’entrepreneur devait tout d’abord soumettre sa réclamation à l’ingénieur/
architecte qui jouait un rôle double!: un rôle de représentant du maître de l’ouvrage, mais aussi
un rôle de pré-arbitre, rendant une décision obligatoire mais de nature contractuelle (sorte de
DB). Dans un deuxième temps, et en cas de persistance de la mésentente, il y a saisine d’un
tribunal arbitral sur la base de la clause compromissoire prévue à cet effet.12
Ce système recelait un défaut qui réside dans le fait que l’ingénieur n’est pas indépendant du
maître de l’ouvrage puisqu’il est nommé par ce dernier et a l’obligation de superviser et diriger
les travaux pour son compte. En même temps, il assume un rôle quasi-juridictionnel en ayant
compétence!pour résoudre les différends qui pourraient survenir entre l’entrepreneur et le
maître d’ouvrage. Même si l’ingénieur doit exercer ses fonctions impartialement et en toute
indépendance du maître d’ouvrage, il peut se trouver très facilement en situation de conflit
d’intérêts.13
Ce rôle de l’ingénieur a été beaucoup décrié, pourtant cela peut également présenter des
avantages pratiques indéniables pour chaque partie impliquée dans un projet.14 Pour le maître
d’ouvrage, qui ne dispose pas toujours d’un personnel qualifié et expérimenté, le fait de
bénéficier des services d’un ingénieur qui supervise le travail est un atout considérable. Pour
l’entrepreneur et le maître d’ouvrage, la fonction assumée par l’ingénieur-arbitre leur donne la
possibilité de profiter d’un professionnel compétent et expérimenté qui peut prendre des
décisions rapidement en cas de conflits afin d’éviter de ralentir le projet.
Table des Matières
Une autre critique formulée à l’encontre de cette clause 67 était que les parties désirant saisir
le tribunal arbitral étaient obligées de faire appel au préalable à l’ingénieur, le tribunal arbitral
n’étant conçu que comme une sorte de deuxième instance.
Dès lors, la pratique a eu raison de ce système d’autant plus que fortement inspirées du
système anglo-saxon, ces conditions ont été considérées par de nombreux praticiens comme
peu adaptées au pays de tradition civiliste. Tenant compte de ces différentes considérations, la
FIDIC a abandonné ce modèle de l’ingénieur au profit des DB.
Le système du Dispute Adjudication Board (DAB) a ainsi été consacré en 1995 dans les
Conditions pour les marchés de conception-construction clés en mains (clause 20) et en 1996,
comme une «!alternative acceptable!» à l’ingénieur de la clause 67, dans un Supplément au
Livre Rouge pour les Marchés de travaux de génie civile, puis dans le Livre Jaune pour les
Marchés de travaux mécaniques et électriques.15 Un Comité d’experts16 a ainsi pris
définitivement la place de l’ingénieur dans les conditions FIDIC17 publiées en 1999, depuis de
nouvelles conditions FIDIC18 ont été adoptées et intègrent toujours les DB.19
En parallèle du développement des DB dans les conditions FIDIC, la Banque Mondiale, en
1990, dans ses guidelines20 «*procurement of works*» intégrait pour la première fois une
procédure de DB proche de celle des contrats FIDIC. Puis en 1996, la Banque Mondiale a
retenu la formule du Dispute Review Board (DRB) qui, avec les conditions FIDIC, a servi
d’inspiration pour le projet du tunnel sous la Manche et a permis la poursuite constante des
travaux en dépit des litiges qui naissaient.21
En 2000, la Banque Mondiale a révisé ses procédures de DRB et à édité un recueil22 dans
lequel figurent des recommandations sur les dispositions contractuelles à adopter dans les
conventions établies entre les parties et les membres des Dispute Boards. En 2002, l’Union
Européenne23 recommande le recours au contrat FIDIC pour les programmes PHARES et
ISPA24 et légitime également les Dispute Boards.
Surtout en 2004, la Chambre de Commerce Internationale (CCI) 25 a mis en place un système
de DB en publiant les ICC Dispute Board Rules (règlement de la CCI relatif aux DB), les
Standard Disputes Board Clauses (clauses types relatives aux DB) et un Model DB Member
Agreement (modèle de contrat de membre du DB).26
Le règlement de la CCI27 identifie trois types de DB28 que les parties sont libres de choisir en
tenant compte de la nature du contrat et de leurs relations et à condition de vérifier que la
clause de DB est bien susceptible d’exécution au regard du droit applicable!:
le Dispute Review Board (DRB) émet des «!recommandations!» concernant tout différend
qui lui est soumis et constitue une méthode relativement consensuelle pour résoudre les
différends. Si aucune partie ne manifeste son désaccord avec une recommandation dans
un délai déterminé, les parties s’engagent contractuellement à se conformer à celle-ci. Si
une partie manifeste son désaccord dans ledit délai, elle peut soumettre l’ensemble du
différend à l’arbitrage, si les parties en sont convenues, ou au juge. En attendant la décision
du tribunal arbitral ou du juge, les parties peuvent se conformer volontairement à la
recommandation, mais elles ne sont pas tenues de le faire.
le Dispute Adjudication Baord (DAB) rend des «!décisions!» concernant tout litige qui lui est
soumis et constitue une approche moins consensuelle de la résolution des différends. En
vertu de la convention des parties, une décision doit être appliquée dès sa réception. Si
une partie manifeste son désaccord avec une décision dans un délai déterminé, elle peut
soumettre le différend à l’arbitrage, si les parties en sont convenues, ou au juge, en vue de
le faire trancher définitivement. Cependant, les parties s’engagent contractuellement à se
conformer à la décision du DAB tant qu’une décision contraire n’aura pas été rendue par le
tribunal arbitral ou le juge saisi du différend. Si aucune partie ne manifeste son désaccord
dans le délai imparti, les parties conviennent de demeurer liées par la décision du DAB.
le Combined Dispute Boards (CDB)!: mécanisme hybride tenant à la fois du DRB et du
DAB. Le CDB émet normalement des «!recommandations!» concernant tout différend qui
lui est soumis. Il peut néanmoins rendre une «!décision!» si une partie le demande et
qu’aucune autre partie ne s’y oppose. En cas d’opposition, le CDB décidera d’émettre une
recommandation ou bien une décision, en application des critères énoncés dans le
Table des Matières
règlement. Le CDB représente donc une approche intermédiaire entre le DRB et le DAB.
La principale différence entre une décision et une recommandation est que les parties doivent
se conformer à la décision dès sa réception, alors qu’elles ne sont tenues de se conformer à
une recommandation que si aucune partie ne s’est opposée à la recommandation dans un
délai déterminé.
Quel que soit le type de DB choisi, si une partie n’est pas d’accord avec la détermination du
DB sur un différend donné, elle peut toujours porter le différend à l’arbitrage, si les parties en
sont convenues, ou aux tribunaux afin d’obtenir une sentence ou un jugement ayant force
exécutoire. Si elle ne le fait pas dans les délais impartis par le règlement, l’autre partie peut
demander au tribunal arbitral de considérer la décision du DB comme constitutive d’une
obligation contractuelle liant les parties et de l’appliquer en tant que telle. Par ailleurs, la
décision du DB est recevable dans toute procédure ultérieure de ce genre.
Le fait que les décisions de DB puissent en tout état de cause être contestées par l’arbitrage
ou un tribunal incite certains praticiens à considérer cette étape comme inutile ou une perte
de temps puisque la décision n’est pas exécutoire en tant que telle. Pourtant, nous pensons
que si le DB a fait un travail en amont le recours devant l’arbitrage n’est plus utile puisqu’une
solution consensuelle a en principe été trouvée.
Dans la suite de cet article il sera fait référence au DB en général sans distinguer entre les
DAB, DRB et CDB. Nous verrons que le recours au DB se généralise dans de nombreux pays
et dans différents secteurs mais leur utilisation reste limitée dans le secteur extractif (I). Or il
nous semble pourtant que les DB sous certaines conditions peuvent être efficaces dans le
secteur extractif et ils ont d’ailleurs été récemment prévus dans le secteur minier (II).
d’arbitrage (1), le recours de plus en plus généralisé à l’expertise (2) et aux modes amiables de
règlement des litiges (3).
Pour notre part, nous pensons que le recours au DB offre une option de plus dans les
processus de résolution des conflits50 dans le secteur extractif tout en présentant les atouts
classiques des procédures alternatives de règlement des litiges!:
éviter la lenteur, le coût, le stress, ou la destruction de la relation commerciale que peuvent
engendrer les procédures judiciaires,
s’adapter à la complexité et à la technicité du contrat,
assurer l’indépendance des acteurs et la discrétion de la procédure.
Les DB offrent en plus la possibilité de permettre la pérennité d’un projet destiné à être
exécuté sur de nombreuses années. De ce fait il nous semblent adaptés aux enjeux
économiques et financiers du secteur extractif en proposant au fur et à mesure de l’évolution
du projet des solutions innovantes, en incitant les parties à résoudre elle-même le conflit et en
donnant un avis extérieur aux parties aboutissant à concilier les positions et au final à
continuer le projet.
Pour plus d’efficacité, il est recommandé que le DB soit constitué à la date de démarrage des
travaux et avant l’apparition des différends.55 Si les DB sont constitués dès la signature du
contrat extractif, les membres auront pour mission de suivre régulièrement l’exécution de
celui-ci par les parties en recevant tous les documents pertinents au moment de la signature
(notamment la convention de concession ou le contrat de partage de production), puis toute
la documentation relative au projet extractif au cours de son exécution tel que les rapports
mensuels ou trimestriels qui sont obligatoires dans le secteur extractif.
Ce suivi de l’exécution du projet extractif dès son origine donne au Dispute Board une vertu
de prévention. En tant que tiers informés du projet, les membres du Board peuvent détecter
les potentiels problèmes en amont de leur déclenchement, et les signaler avant qu’ils ne
prennent une trop grande ampleur. Les membres du Board peuvent donc prendre des
décisions échelonnées sur des problèmes identifiés et analysés, ce qui leur assurera une plus
grande efficacité. De plus, l’interaction fréquente des membres du DB avec les parties instaure
en principe un climat de confiance minimisant les attitudes conflictuelles et encourageant une
approche conciliatrice.
De la même manière, si un litige naît malgré tout, le suivi régulier du dossier par le Board
permettra un gain de temps significatif, dans la mesure où toute la phase initiale des
procédures litigieuses!(choix des arbitres, du conciliateur, exposé des faits) pourra être évitée.
En outre, le Board déjà parfaitement informé du problème pourra intervenir sur le fond de
l’affaire très rapidement.
Cette efficacité dans la résolution rapide des problèmes a pour conséquence de préserver la
continuité du contrat extractif. Ainsi les emplois seront préservés, l’activité économique restera
ininterrompue, et l’exploitation minière ou pétrolière sera poursuivie de manière continue.
Dès lors, le développement des DB dans le secteur extractif passe à notre sens et à l’instar
d’autres auteurs,56 par le développement accru du rôle de prévention des litiges en jouant un
rôle proactif et formulant des recommandations avant même que la situation ne se cristallise
et deviendrait un mode d’anticipation des difficultés pouvant être qualifié de «*Dispute panel
Board*». Le DB serait ainsi perçu comme un «*ami du projet*»57 facilitant sa réalisation.
5. Une décision susceptible de rencontrer l’adhésion des parties, gage d’un succès
avéré des Dispute Boards
La compétence technique des membres du Board et la place donnée aux opérationnels dans
les débats permettent de rendre une décision efficace, et directement opérationnelle,
sauvegardant ainsi la continuité de l’exécution du projet extractif.
En outre, et dans le cas d’un DAB ce dernier émet une décision à laquelle les parties doivent
se soumettre immédiatement!: la décision du!Board a une valeur exécutoire immédiate. Cela
permet une exécution rapide de la solution donnée au différend, ce qui assure, une fois encore,
la continuité du projet extractif, dont la moindre interruption pourrait s’avérer très onéreuse.
L’exécution instantanée de la décision rendue par le Board est une obligation contractuelle, et
son non-respect peut donner lieu au versement de dommages et intérêts, et ce même si la
décision du Board est postérieurement modifiée lors d’une procédure d’arbitrage (FIDIC,
sous-clause 20.4!; Règlement CCI, §2 article 5).
Au final nous pensons que les DB sont adaptés au secteur extractif pour leur taux élevé
d’accords négociés, la fourniture d’un lieu impartial de discussion ainsi qu’une base informelle
mais raisonnée pour aboutir à une solution.
A défaut de réponse ou de solution apportée dans un délai de 120 jours, une des parties peut
saisir le Dispute Review Board (DRB). L’article 63 de la convention précise que la constitution
du DRB se fera conformément au Règlement CCI relatif aux Dispute Boards. Le DRB sera
composé de trois (3) membres francophones pratiquant un anglais courant et disposant d’une
expérience préalable et significative de Dispute Boards sur des projets de grande ampleur.
Par dérogation au Règlement CCI sur les DB, et sauf accord contraire des Parties, une
première visite sur site sera effectuée par l’ensemble des membres du DRB, dès sa
constitution, afin que ceux-ci puissent prendre la mesure du projet, faire connaissance des
principaux acteurs, et se faire remettre une copie de la convention d’exploitation ainsi que les
accords liés (qui sont les accords relatifs aux infrastructures), toute autre visite devant avoir
reçu l’accord préalable de l’ensemble des parties. Les honoraires des membres du DRB seront
partagés par moitié entre les parties.
Il est toutefois expressément précisé que les avis du DRB ne lient pas les parties ni tout
tribunal arbitral qui viendrait à être constitué le cas échéant.
Dans le cas où le DRB n’aurait pas été constitué pour quelque raison que ce soit, et sous
réserve du droit de saisir directement un tribunal arbitral, chaque partie pourra demander
avant tout arbitrage la nomination d’un expert par le Centre d’Expertise de la CCI. L’expert
obtiendra les observations des parties de la manière qu’il jugera adéquate, en respectant le
principe du contradictoire, et rendra un avis sur la ou les questions techniques en cause dans
un délai d’au plus quatre-vingt-dix (90) jours à compter de sa désignation.
Si une des parties n’est pas satisfaite des recommandations ou avis émis par le DRB, l’expert,
ou pour toute autre raison dans le cadre d’un différend, l’article 64 de la convention prévoit la
possibilité de saisir un Comité ad hoc opérationnel paritaire qui émettra une recommandation.
Ce comité sera composé de représentant du ministère concerné et de la société MPD Congo
Table des Matières
et a pour objet de rétablir le dialogue, afin trouver une solution amiable au litige.
Afin que cette phase de dialogue ne soit pas instrumentalisée à des fins dilatoires, elle est
strictement encadrée dans le temps. Bien entendu, si les parties au cours de leur dialogue
réalisent qu’elles doivent disposer de plus de temps, le caractère purement volontaire de ce
mode de résolution des litiges leur permettrait toutefois de s’accorder sur le principe d’une
prolongation.
Si les actionnaires et la direction de MPD Congo ont souhaité promouvoir le DRB car ce
dernier peut s’avérer très efficace sur des questions opérationnelles, il n’en demeure pas moins
que pour des questions essentielles le recours direct à l’arbitrage peut s’avérer nécessaire. Dès
lors la convention d’exploitation prévoit que les parties peuvent recourir directement à
l’arbitrage, sans passer par les autres procédures (DRB, expertise ou Comité ad’hoc).
Il sera utile d’évaluer l’efficacité pratique de ce DRB lorsqu’il sera constitué. Cela permettra
également d’avoir un retour d’expérience sur le fonctionnement de ce mode de règlement des
litiges dans un projet du secteur extractif.
Pour notre part, nous pensons qu’à l’avenir le recours au DB va se généraliser dans le secteur
extractif sous réserve de respecter les conditions préalablement exposées, d’être proposé par
les conseils des projets extractifs et de garder la souplesse et l’adaptabilité afin de ne pas
tomber dans les travers de certains modes alternatifs de règlement des litiges.
L’Afrique Francophone, où les besoins en infrastructures sont immenses68 et pour lesquels le
secteur extractif peut être un vecteur de leur développement,69 sera certainement un terrain
propice au développement des DB et contribuera à parfaire et améliorer la pratique des DB qui
sont d’ailleurs promus par les bailleurs de fonds internationaux via leurs conditions standards.
Afin de généraliser l’utilisation des DB et de faire en sorte que ce mécanisme soit utile aux
projets notamment extractifs et adapté au pays de tradition civiliste, il est important de
développer les échanges, recherches, et retour d’expériences entre les praticiens. A cet effet la
CCI et la DRBF semblent être les enceintes appropriées pour développer ces échanges et une
coopération accrue entre ces deux institutions, sur ce sujet, est souhaitable.
NOTES
1. J. J. BRADY, President’s page, Forum DRBF, vol. 13, issue 1, February 2009, p. 3, http://www.drb.org/news-
letter/DRBF_Forum_v13_i1.pdf
2. On peut notamment citer les Dispute Adjudication Board, les Dispute Review Board et les Combined Dispute
Board.
3. Ce fût le cas du DB du projet de construction du Tunnel sous la Manche.
4. V. R. M. Matyas, A. A. Mathews, R. J. Smith, and P. E. Sperry, Construction Dispute Review Board Manual,
McGraw-Hill edition, 2000.
5. P. H. J. Chapman, «!Dispute Boards in Construction!», Freshfields Bruckhaus Deringer Seminar, July 2006 ; P. H.
J. Chapman, «!Dispute Boards on Major Infrastructure Projects!», Construction Law Summer School 2012.
6. Site internet The Dispute Resolution Board Foundation: http://www.drb.org.
7. Les parties au contrat étaient un constructeur italien et un ingénieur suisse.
8. F. Vermeille, Le règlement amiable des différends en matière de projets de construction!: quelques expériences
pratiques, http://www.pmg-ing.ch/articles/Le_Reglement_Amiable_des_Differends_en_matiere_de_pro-
jets_en_Construction_Vermeille.pdf
9. Pour un résumé du développement des DB v. par exemple l’ouvrage collectif du Cabinet PMG Ingénieurs-
Economistes Conseils, 1983-2008, 25 years, Prevention and Resolution of Disputes, 2008. V. également D.
Brown-Berset et M. Scherer, «!Les modes alternatifs de règlement des différends dans le domaine de la con-
struction!», JDC 2007, p. 277.
10. Cette clause qui figurait dans les conditions FIDIC avant 1995 était largement inspirée du modèle anglais de
l’«!Engineer!», puisque les conditions FIDIC étaient elles-mêmes inspirées des conditions générales de l’Institu-
tion of Civil Engineers (ICE) anglaise.
11. Pour une étude d’ensemble des clauses FIDIC, v. G. Lefebvre et J. D’Hollander, «!La normalisation des contrats
internationaux d’ingénierie!», Revue Juridique Thémis, vol. 31, 1997, http://www.themis.umontreal.ca/pdf/
rjtvol31num1/lefebvre.pdf.
12. G. Flécheux, «!Le cahier des charges FIDIC et l’arbitrage!», Rev. arb. 1984, p. 451!; I. Hautot et G. Flécheux, «!La
clause de règlement des différends dans les conditions FIDIC. Génie civil de 1987!», Rev. arb. 1989, p. 609.
13. M. R. Ludlow et J. G. Rees, «!Engineer’s Role under FIDIC Standard Conditions of Contract!», Int’l Bus. Lawyer
1992, p. 525; Fritz Nicklisch, «!The Role of the Engineer as Contract Administrator and Quasi-arbitrator in Inter-
national Construction and Civil Engineering Projects!», ICLR 1990, p. 322.
Table des Matières
14. Selon Ludlow et Rees, «!Engineer’s Role under FIDIC Standard Conditions of Contract!», Int’l Bus. Lawyer 1992,
p. 525, «!le rôle d’ingénieur-arbitre a été un succès!».
15. Ch. Seppala, «!Les nouvelles dispositions FIDIC pour un comité de règlement des différends!», RDAI 1997-8, p.
967.
16. G. L. Jaynes, «!FIDIC’s 1999 Editions of Conditions of Contract for “Plant and Design Build” and “EPC turnkey
Contract”: Is the “DAB” still a star ?!», ICLR 2000-1, p. 42.
17. O. Soimulescu, «!Enforcement of binding DAB decisions: a fresh approach to clause 20 of the 1999 FIDIC con-
ditions of contract!», ICLR, 2012, p. 19.
18. R. Appuhn, «!FIDIC red book MDB Harmonised Edition 2005: a contractor’s perspective!», Construction Law
International 2006-1, vol. 1, p. 23 ; E. Corbett, «!Moment of decision? The future of dispute boards under the
FIDIC forms and beyond!», Construction Law Journal 2009-3, vol. 4, p. 20.
19. C. Lenz, «!Dispute boards: scope, tasks and authority!», Construction Law International 2007-1, vol. 2.
20. V. le chapire co-écrit par M. Frilet et F. Lager, «!Public Procurement : the World Bank system!», in International
Public Procurement book, Globe Law and Business, 2009, pp. 101- 113.
21. Ph. Malinvaud, «!Réflexions sur le “dispute adjudication board”!», RDI, juillet-août 2001, p. 215.
22. Procurement of Works, Standard Bidding Documents, The World Bank, Washington D.C, May 2000.
23. 30.10.2002 COM(2002) 596 final, Rapport de la commission, rapport annuel concernant l’instrument structurel
de préadhésion (ISPA) 2001.
24. PHARE et ISPA sont deux des programmes de préadhésion de l’Union européenne. Le programme d’aide
communautaire aux pays d’Europe centrale et orientale abrégé PHARE était l’un des instruments de préadhé-
sion financés par l’Union européenne pour aider les pays candidats d’Europe centrale et orientale dans leurs
préparatifs d’adhésion à l’Union européenne. Cette coopération visait à aider ces pays dans une période de
restructuration économique massive et un changement politique, il a depuis été remplacé au sein du nouvel
instrument d’aide de préadhésion. Le programme ISPA est quant à lui dédié à l’infrastructure routière et à
l’environnement.
25. Les documents sont disponibles sur le site de la CCI!:
http://www.iccwbo.org/court/dispute_boards/db_rules_2004.pdf.
26. Le contrat de membre du DB a trait notamment à la nature des engagements et aux honoraires du membre du
DB ainsi qu’à la durée de son mandat. Bien entendu, les parties et les membres du DB sont libres de compléter
ou de modifier d’un commun accord ce modèle de contrat. Ils doivent vérifier que le contrat est bien suscepti-
ble d’exécution au regard du droit applicable et doivent également s’assurer du respect de toutes les prescrip-
tions nécessaires à la mise à exécution du contrat.
27. Article 4, 5 et 6 du règlement CCI relatif au DB!http://www.iccwbo.org/products-and-services/arbitra-
tion-and-adr/dispute-boards/dispute-board-rules/
28. La littérature est très abondante sur ces différents types de DB qui n’ont pas les mêmes effets en pratique!: P.
A. Gelinas et P. Genton, «!Compliance with and enforceability of a dispute board decision!: recommandation
by the International Beau-rivage Palace Forum Working Group!», Construction Law Journal, 2012!; A. Santens,
Expert Determination clauses in contracts providing for International Arbitration – what happens when the
expert’s decision is not final and binding!?!», Arbitration International 2007-4, vol. 23 ; D. Hristoforov Kondev,
«!Is Dispute Adjudication under FIDIC contracts for major works indeed a precondition to arbitration!?!», The
International Construction Law Review 2014, p. 256.
29. P. Olafsson, «!Iceland’s first Dispute Review Board!: a case study of Karahnjukar Hydroelectric Project!», Forum
DRBF, 2009-1, vol. 13, p. 1.
30. Dr. Götz-Sebastian Hök, FIDIC/MDB Approach in respect of Dispute Adjudication Boards, http://fidic.org/sites/
default/files/FIDIC%20MDB%20Approach%20in%20respect%20of%20Dispute%20Adjudication%20Boards.pdf.
31. Cité par Götz-Sebastian Hök, Les Conditions FIDIC, http://www.dr-hoek.de/beitrag.asp?t=fidic-silver-book.
32. Précisons que l’Egypte et le Maroc sont des pays de droit mixte entre tradition civiliste et droit musulman.
33. Une des questions essentielles relatives à l’accès aux infrastructures existantes et partagées avec des tiers
est celle du coût!: gratuité ou paiement d’une redevance. La convention d’exploitation minière «!MAG!» signée
avec l’Etat Congolais en 2010 prévoit un droit de libre accès et d’utilisation de toute infrastructure existante
nécessaire ou utile à la bonne exécution des activités du projet. Le modèle type de convention minière de la
Guinée prévoit l’accès aux routes, ponts, terrains d’aviation, installations portuaires et ferroviaires, installations
connexes de transport, ainsi que les canalisations d’eau, d’électricité ou les voies de communication, établies
ou aménagées par un organisme ou une entité détenu ou contrôlé par l’État, à l’exception des forces armées,
sans avoir à payer des frais excédant ceux payés par les citoyens guinéens et autres personnes étrangères, le
cas échéant.
34. G. Itoua, F. Lager et L. Bernet, «!La sécurisation du foncier dans le cadre des projets miniers!», 7ème édition du
Congrès Africain des Juristes d’Affaires (COJA) Brazzaville, 7 et 8 octobre 2014, publication du Centre Africain
pour le Droit et le Développement (CADEV).
35. Le port d’Ehoala offre une situation mutuellement avantageuse pour Rio Tinto QMM et l’Etat Malgache. D’une
part, QMM (filiale Malgache de Rio Tinto) avait besoin d’une installation portuaire adéquate pour exporter les
minerais d’Ilménite extraits de son projet minier à Fort Dauphin. D’autre part, dans un contexte d’économie
mondialisée où le développement ne peut se faire sans les infrastructures de transport nécessaires, le port
d’Ehoala qui est un port d’utilité publique va contribuer efficacement au désenclavement de la région, et à
l’ouverture de Madagascar au monde.
36. K. Arakawa, «!Dispute Board on the Port of Ehoala Project in Madagascar», Forum DBRF 2011-2, vol. 15, p. 5,
http://www.sergepisapia.ca/PDF/DRBs%20et%20PPP.pdf.
37. Ibidem.
38. Standard Bidding Documents for Works (2005, 2006, 2007, 2010, 2012).
39. G. Kenfack Douajni («!Communication!» au 8ème Congrès International Annuel de la DRBF à Capetown du 1 au
4 mai 2008) affirme que «!le Dispute Board mérite d’être promu en Afrique!».
Table des Matières
40. Le 8ème Congrès International Annuel de la DRBF à Capetown du 1 au 4 mai 2008 avait pour thème!: le règle-
ment des différends en Afrique et a permis d’échanger sur les quelques retours d’expérience dans l’utilisation
des DB en Afrique. V. également!: Götz-Sebastian Hök, L’enjeu des conditions FIDIC en Afrique, Salon SISE
Tunis juin 2006. D. C. Sossa dans sa formation au droit de l’arbitrage OHADA à l’attention des arbitres inscrits à
la CCJA et dans les centres nationaux d’arbitrage à l’ERSUMA en octobre 2010 a consacré une place de choix
au Dispute Board,http://biblio.ohada.org/greenstone/collect/dohada/index/assoc/HASHa0f2.dir/droit-arbi-
trage-ohada-formation-arbitres-inscrits-ccja-comu-sossa-dorothe.pdf.
41. Il existe de nombreuses publications sur la notion de contrat d’Etat, v. notamment!: P. Weil, «!Problèmes relatifs
aux contrats passés entre un Etat et un particulier!», RCADI, 1969, t.III, vol. 128, p. 95!; P. Lalive, «!Sur la bonne
foi dans l’exécution des contrats d’Etat!», in Mélanges offerts à Raymond Vander Elst, Bruxelles, Nemesis, 1986!;
Charles Leben, «!Retour sur la notion de contrat d’Etat et sur le droit applicable à celui-ci!», in L’évolution du
droit international. Mélanges offerts à Hubert Thierry, Pedone, 1998, p. 247.
42. Exemples cités par, C. Chern, Chern on Dispute Boards, John Wiley & Sons, 2008, pp.!56-63.
43. L. Bernet, S. Essaga, F. Lager, «!Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétrolier en Afrique
Francophone!», COJA Douala 2012, publication du Centre Africain pour le Droit et le Développement (CADEV),
http://www.ohada.com/content/newsletters/2305/extrait-actes-coja-2012.pdf.
44. J. Cooper, Use of Dispute Resolution Boards in the oil and gas, manufacturing and defence industries, mai
2012, http://www.drbfconferences.org/documents/Sydney/CooperPaperSession4.pdf.
45. Convention minière signée entre le Congo et MAGMINERALS POTASSES CONGO, Convention minière signée
entre le Congo et SOREMI, Convention Cameroun et GEOVIC, République du Sénégal — Convention minière
avec SN Commodities LTD, Burkina Faso — Modèle type de convention minière, Convention d’établissement
entre l’état malagasy et QIT Fer, Convention minière type – Bénin, Convention minière type – Mauritanie (Loi
n°2002-02 du 20 janvier 2002), Convention minière type — Guinée (Août 2007), Convention minière type –
Mali, CPP Congo — AGIP CONGO, CHEVRON et HYDROCONGO, CPP Congo — AGIP CONGO et ELF, Conven-
tion d’établissement entre le Congo et AGIP, Convention d’établissement République du Congo — ERAP, CPP
Kouakouala entre le Congo et ZETAH Groupe.
46. V. par exemple: Ch. Seppala, «!An engineer’s/Dispute Adjudication Board’s Decision is enforceable by an arbi-
tral award!», Newsletter White and Case, décembre 2009,
http://fidic.org/sites/default/files/5%20seppala_PARIS_2251210_1.pdf ; G. L. Jaynes, «.Dispute Board
determinations as arbitral awards: a response.», Construction Law International 2007-3, vol. 2, p. 3; F. Muller,
«.Arbitration in the Fidic contracts : some issues and recent answers.», La Lettre de l’Association Française de
l’Arbitrage, avril 2015, n°15 http://www.afa-arbitrage.com.
47. Article 28 Convention minière type — Guinée (Août 2007).
48. Le Modèle de l’Accord pour le Développement Minier (MMDA), a été établi sous l’égide de l’Ordre interna-
tional des avocats (IBA) composé d’éminents juristes internationaux qui ont rassemblé et analysé plus de 50
conventions minières pour servir de modèles aux sociétés minières et des gouvernements hôtes pour des
projets miniers. Le projet a été mené par le Comité Minier de l’IBA, avec la participation de la société civile et
des groupes universitaires pour assurer que le Modèle serve de références aux accords entre les Etats et les
sociétés minières. Ce modèle est consultable sur http://www.mmdaproject.org.
49. T. Martin, International Dispute Resolution, publication de l’Independent Petroleum Association of America,
2011, http://www.ipaa.org/wp-content/uploads/downloads/2012/01/2011-IPAA-DisputeResolution.pdf.
50. P. M. Genton, «!Du choix dans la prévention des différends à la pratique des Dispute Board!», Publication de
Prévention and Resolution of Disputes, avril 2013,
http://www.drbfconferences.org/documents/Paris2013/Genton%20Paper.pdf.
51. V. Mathews, Matyas, Smith & Sperry, Construction Dispute Review Board Manual, McGraw-Hill, 1996.
52. K. Harmon, «!Effectiveness of Dispute Review Bords!», Journal of construction engineering and management,
novembre/decembre 2003.
53. James Perry, Directeur de la region 2 de la DRBF, fondateur de PS Consulting mentionne que dans un DB en
Roumanie (pays civiliste) le DB n’a pas joué son rôle car il était composé de praticiens anglo-saxon ayant une
approche anglo-saxonne du rôle du maître de l’ouvrage.
54. Procurement of Works, Standard Bidding Documents, The World Bank, Washington D.C, May 2000.
55. G. W. Ghikas, «!Designing a suitable dispute resolution process for major construction projects!», Construction
law update, 2011, https://wcart.files.wordpress.com/2012/07/designing-a-suitable-dispute-resolution-pro-
cess-for-major-construction-projects-copy-copy.pdf.
56. K. Dettman et E. Kerness, «!The role of Dispute Review Boards in Dispute Prevention!», Forum DRBF, vol. 13,
issue1, Février 2009, p. 8.
57. Noble, «!Friend of the project – A new paradigm for construction law services in a “Partnered” construction
industry!», International Construction Law Review, 1998, p. 81.
58. Règlement de la CCI relatif aux Dispute Boards, en vigueur à compter du 1er septembre 2004 modifié en 2012.
59. Ce principe peut toutefois être écarté sur décision commune des parties.
60. P. Tercier, La résolution des disputes en droit de la construction, JCP 2009.
61. En moyenne 1.500 € par jour et par membre.
62. D. Jones (Clayton Utz), «!Dispute Board: preventing and resolving disputes!», DRBF Singapore Conference, 16
mai 2014. http://www.drbfconferences.org/documents/Singapore2014/Session%202%20Jones.pdf
63. http://www.assembly.nl.ca/legislation/sr/statutes/m12.htm
64. http://www.nr.gov.nl.ca/nr/publications/pdf/Mineral_Rights_Adj_Board_2011-14_Act_Plan.pdf
65. V. «!Philippines mineral, mining sector, investment and buisness case!», International Business Publication, 2013.
66. La Convention Minière d’Exploitation a été le fruit d’une intense collaboration entre la direction de MPD Congo,
ses actionnaires et l’équipe Afrique du bureau parisien du cabinet Dentons!: Me Ramin Hariri et Me Vincent
Lacombe (associés)!; Me Ludovic Bernet et Me Yacine Nedjahi (collaborateurs).
67. La société MPD Congo développe le projet d’exploitation du gisement de fer de Zanaga au Congo Brazzaville
dans le département de la Lékoumou. Ce projet est un projet intégré qui implique le développement d’une
Table des Matières
mine de fer, d’usines de traitement du minerai, d’infrastructures de transport du minerai de fer, d’infrastructures
portuaires et d’infrastructures connexes (production électrique, réseau électrique, réseau routier, réseau de
télécommunications, etc.).
68. «!Attracting Investors to African Puiblic-Private Partnerships : a Project Preparation Guide, publié par la banque
Mondiale!», le PPIAF (Public- Private Infrastructure Advisory Facility et ICA, 2009, https://www.gov.uk/gov-
ernment/uploads/system/uploads/attachment_data/file/187595/attracting_investors_to_african_public_pri-
vate_partnerships.pdf
69. M. Frilet, «!Investissements étrangers dans les infrastructures publiques et le secteur miner : Relever le défi
dans les pays africains de droit civil — les clés de la réussite!», Revue congolaise de droit des affaires 2012, n°7,
p. 11.
Chapitre 18
L’arbitrage en matière extractive
Achille Ngwanza*
Il est inimaginable d’envisager un contrat extractif sans l’arbitrage, celui-ci étant considéré
comme le mode privilégié de règlement de différends du commerce international.1 Dans un
lato sensu, l’arbitrage international recouvre aussi bien le contentieux commercial international,
que les différends d’investissement. Ces derniers renvoient aux litiges entre Etats et
investisseurs privés relatifs soit à une mesure étatique, soit à un contrat extractif.
Il importe de rappeler que le contentieux des contrats extractifs échappe aux juridictions
étatiques en raison de leur double caractère international!: d’une part la nationalité des parties
— Etat et investisseur étranger — 2, d’autre part l’implication de plusieurs économies
nationales.3 Contrairement aux autres modes alternatifs de règlement des différends qui font
progressivement4 ou doivent encore faire la preuve de leur utilité à l’industrie extractive,5 la
justice arbitrale est consubstantielle à cette dernière. En effet, toutes les qualités imputées à la
résolution des litiges par des arbitres correspondent aux besoins de l’activité extractive. En
dépit de quelques controverses,6 la justice arbitrale brille par la neutralité7 et l’expertise8 des
personnes habilitées à trancher le différend, sa confidentialité9 et sa relative rapidité.10 De plus,
l’arbitrage est largement dominé par le principe de l’autonomie de la volonté, les parties ayant
la charge de fixer le cadre normatif et factuel du litige.
Table des Matières
Au regard de tous ces avantages, il n’est pas étonnant que l’histoire de l’industrie extractive, et
par ricochet des conflits en découlant, ait été largement influencée par les sentences
arbitrales.11 Celles-ci ont joué un rôle majeur dans la régulation des rapports entre les acteurs
de l’exploitation des ressources naturelles.
L’arbitrage en matière extractive a considérablement contribué à l’élaboration du régime
juridique de la grande catégorie des contrats conclus entre parties étatiques et investisseurs
étrangers, connus sous le nom de contrats d’Etat.12 Les litiges relatifs aux conventions
gazières, minières et pétrolières ont été d’un apport jurisprudentiel prépondérant pour la
compréhension de la singularité juridique des contrats d’Etat. Ils ont tout aussi alimenté de vifs
débats doctrinaux,13 qui ne sont d’ailleurs toujours pas clos.14
Quoi qu’il en soit, le respect de la force obligatoire des contrats extractifs et des droits extra
contractuels des investisseurs a été assuré par les arbitres. Qu’il s’agisse de la validité des
clauses de stabilisation,15 de la condamnation des nationalisations dépourvues d’indemnisation
adéquate,16 des mesures d’expropriation indirecte17 ou de rupture unilatérale du contrat,18 les
tribunaux arbitraux ont su prouver leur efficacité.
Au-delà de l’importance qualitative des conflits extractifs, il est également pertinent de relever
que ces derniers constituent la majorité des affaires tranchées en arbitrage d’investissement. Il
ressort par exemple des statistiques 2015-1 du CIRDI que les secteurs pétrolier, minier et gazier
sont largement en tête avec un total de 26% des affaires. Le secteur industriel qui arrive en
deuxième place, ne représente que 13% des dossiers.19 En arbitrage CCI,20 la situation n’est pas
très différente, sur les cinq dernières années, l’industrie extractive21 occupant la seconde place
derrière le domaine de la construction.22 Au regard de la confidentialité des procédures, il est
impossible se prononcer sur les arbitrages ad hoc, tout comme il est difficile d’affirmer de
manière péremptoire que l’arbitrage institutionnel a pris le pas sur les procédures ad hoc.
Néanmoins, dans le contentieux de l’annulation et de la reconnaissance des sentences, les
arbitrages institutionnels sont majoritaires!; de là à tirer une conclusion ferme, la rigueur du
propos invite à la retenue.
* Docteur en droit!; consultant de l’Académie des industries extractives de la CEMAC et de l’African Petroleum Institute
de l’Association des Pays Producteurs de Pétrole en Afrique, aangwanza@hotmail.com.
Ceci étant, les rapports entre le contentieux extractif et l’arbitrage international ne sont pas à
sens unique, le premier a également subi les métamorphoses du second. Dorénavant, de
nombreuses procédures arbitrales portant sur les hydrocarbures ou les mines ne sont plus
engagées, comme par le passé, sur la base des stipulations contractuelles ou des compromis.
L’essor de l’arbitrage transnational unilatéral23 a atteint l’industrie extractive, plusieurs
investisseurs ayant engagé des actions contre les Etats sur le fondement des traités de
protection des investissements24 ou des textes nationaux.25
L’arbitrage extractif subit aussi la percée des autres modes alternatifs de résolution des
conflits!; de nombreuses clauses de règlement de litiges prévoient que la saisine des arbitres
n’interviendra qu’en cas d’échec d’une tentative de médiation26 ou d’insatisfaction d’une
décision rendue par un Dispute Board.27 A la différence de ce mécanisme à plusieurs étages
qui ne fait que différer l’occurrence de la procédure arbitrale, certaines stipulations d’expertise
affectent de manière plus importante l’arbitrage en limitant son champ aux différends n’ayant
pas un caractère technique.28
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà souligné,29 le développement de l’arbitrage international,
notamment en matière de ressources naturelles a été largement tributaire des relations
internationales, et par ricochet des batailles idéologiques. Les évolutions géopolitiques et
économiques de ces trente dernières années ont métamorphosé le contentieux international.30
Outre les classiques arbitrages Nord - Sud,31 sont apparues des affaires opposant des
investisseurs extractifs ressortissants des pays émergents contre des Etats en voie de
développement.32 Il en est découlé une croissance exponentielle des procédures arbitrales,
situation particulièrement favorisée par une effervescence normative.33
Parallèlement, la résurgence de la pensée bolivarienne en Amérique latine, avec en tête de
proue le Venezuela du défunt Président Hugo Chavez, a fait naitre un courant de contestation
de l’arbitrage réputé hostile à la nationalisation de l’exploitation des hydrocarbures.34 Il faut
Table des Matières
Bien que certains juges étatiques aient fait preuve d’un remarquable courage,45 le risque de
partialité est encore plus grand lorsque l’Etat dont dépendent les juridictions est l’un des
litigants. Vu la sensibilité politico-économique de l’exploitation des hydrocarbures et des
mines, le choix d’un for neutre est d’une importance de premier rang. En conséquence,
l’arbitrage conserve sa légitimité46 pour la résolution des litiges extractifs car il constitue une
véritable garantie de délocalisation juridique (A). Pour cette raison, il est compréhensible que
les prohibitions de saisir les tribunaux arbitraux en matière extractive restent limitées (B).
allègue souvent le vice entachant le contrat. Le contentieux pétrolier, minier et gazier a été le
terrain par excellence de ce type de stratégie procédurale. Dans cette optique, les parties
étatiques ont multiplié une kyrielle d’arguments pour faire annuler les clauses
compromissoires!incluses dans les conventions extractives, le but ultime de cette démarche
étant la soumission du litige aux juridictions nationales.
Adoptant des raisonnements équilibrés, les tribunaux arbitraux ont su préserver leur
compétence en se plaçant tantôt sur le terrain de la bonne foi, tantôt en rejetant la technique
conflictuelle pour examiner la validité de la convention d’arbitrage.
Dans l’affaire Aminoil c/ Koweit,50 pour rejeter la nullité d’une clause compromissoire, motif pris
de l’argument selon lequel le ministre l’ayant conclu n’avait pas qualité pour le faire, les arbitres
ont soutenu à bon droit qu’«*il est entièrement normal et utile que dans les rapports
économiques transnationaux, la qualité pour agir du ministre chargé des questions
économiques doit être présumée de la même manière que celle d’un Ministre des Affaires
étrangères dans les rapports interétatiques*». Loin d’être isolée, la logique fondant cette
sentence va faire tâche d’huile dans des conflits qui ne relèvent pas de la sphère extractive.51
Inspirée par l’interdiction de se contredire, connue sous le nom d’estoppel, la sentence
Elf-Aquitaine c/ Iran52 est encore plus illustrative de l’attachement des arbitres à sanctionner
les parties étatiques enclines à dénoncer abusivement les clauses compromissoires. Afin de
contrer les effets d’une loi iranienne permettant l’annulation des conventions d’arbitrage après
leur conclusion, l’arbitre unique a fort opportunément indiqué!que
c’est un principe reconnu du droit international qu’un État est lié par une clause d’arbitrage
contenue dans un accord conclu par l’État lui-même ou par une société détenue par l’État, et
ne peut ultérieurement supprimer unilatéralement l’accès de l’autre partie au système envisagé
par les parties dans leur accord en ce qui concerne le règlement des litiges.
Les arbitres ont également refusé de faire droit aux allégations des Etats qui voulaient se
dissocier de leurs émanations afin de conclure à l’inopposabilité de la clause compromissoire.
Dans l’affaire Bridas c/ Turkménistan,53 s’appuyant sur la théorie de l’«!alter ego!» en vertu de
laquelle un Etat répond des actes des entités économiques dépendant directement de lui,54 le
tribunal arbitral a engagé solidairement la responsabilité du Turkménistan du fait de la rupture
du contrat conclu entre la société Bridas et la compagnie publique Turkmeneft. En revanche, la
jurisprudence est plus prudente quand il s’agit d’attraire une société pétrolière nationale aux
côtés de l’Etat dont elle émane. Dans l’affaire Swiss Oil c/ Petrogab,55 il a été décidé que la
stipulation arbitrale était inopposable à la société pétrolière nationale Petrogab car, en signant
l’avenant à la convention liant Swiss Oil et l’Etat du Gabon, le directeur général de Petrogab
n’agissait que comme mandataire de ce dernier. La nuance ainsi opérée par les arbitres
démontre que ceux-ci n’adoptent pas des positions tournées vers le seul but de retenir leur
compétence à l’égard d’un maximum de plaideurs.
Au regard de la volonté de protéger la convention d’arbitrage, les arbitres rejettent la méthode
conflictuelle pour apprécier la validité de celle-ci. En d’autres termes, pour se prononcer sur la
légalité de l’accord entraînant la mise à l’écart des juridictions étatiques, les tribunaux arbitraux
ne procèdent pas à la recherche de la loi applicable audit accord. Dans les trois sentences
relatives aux nationalisations libyennes,56 les arbitres ont de manière convergente posé un
principe d’autonomie de la convention d’arbitrage et, par conséquent, examiné sa validité à
l’aune du consentement des parties. Cette démarche repose sur des règles sacrosaintes du
droit des contrats tels que l’effet utile, la bonne foi, la force obligatoire des conventions
d’arbitrage57 et l’interdiction faite aux Etats d’invoquer leur droit aux fins d’annulation des
clauses compromissoires ou des compromis.58 Même lorsque les arbitres, de manière
minoritaire, recourent à la méthode conflictuelle et s’appuient sur le droit national, ils
parviennent à retenir leur compétence.59 Cette approche est révélatrice de la capacité des
arbitres à délocaliser juridictionnellement un litige même en prenant appui sur le droit interne.
En fait, comme le soutient une voix autorisée,60 l’arbitre dispose fondamentalement d’une
double autonomie d’appréciation de sa compétence!: d’une part à l’égard du juge étatique,
d’autre part à l’égard des règles étatiques. Placé dans ces conditions, il lui est plus simple de
juguler le risque d’application de règles de fond inappropriées.
Dès l’abord, il convient d’indiquer que l’autonomie de la volonté postule que les arbitres
appliquent le droit choisi par les parties.61 Tel est le sens de l’article 42 de la Convention de
Washington du 18 mars 1965 portant création du CIRDI qui dispose in limine!: «!Le Tribunal
statue sur le différend conformément aux règles de droit adoptées par les parties!». Il ne s’agit
donc pas de voir dans la compétence d’un tribunal arbitral transnational un indice suffisant
pour l’application du droit international. La sentence Texaco-Calasiatic c/ Libye a essuyé le
courroux de la doctrine pour avoir justement fait du recours à l’arbitrage la preuve de
l’internationalité de la loi applicable au fond.62
De toutes les manières, il est établi que le droit national de l’Etat contractant ne peut être
jamais totalement exclu des règles régissant le fond du litige. Toute la question est de savoir
dans quelle mesure les tribunaux arbitraux tranchant les conflits extractifs peuvent introduire
des normes de source extra nationale.
Le premier cas de figure de combinaison de droit applicable au fond trouve sa source dans la
clause d’electio juris. Qu’il s’agisse des nationalisations libyennes63 ou de certains contrats
actuels,64 il arrive que la lex contractus soit le produit d’une hybridité normative. Face à cette
situation, par révérence à la volonté des contractants, les arbitres appliquent simultanément
plusieurs règles. Lorsque la clause ne tranche pas le potentiel conflit entre le droit national et
les autres règles, il appartient au tribunal arbitral de se prononcer en choisissant la règle qui lui
parait idoine. Sur ce point, sans insinuer que le juge étatique est forcément partial, il est
évident que l’arbitre est dans une position plus confortable pour accorder la primauté aux
règles étrangères à l’ordre juridique de l’Etat contractant.65 Ce schéma est justement un bon
exemple de délocalisation normative, les tribunaux arbitraux ayant les coudées franches pour
dire le droit sur la base de normes qui leur paraissent adéquates. C’est ainsi que dans l’affaire
ARAMCO,interprétant la clause prévoyant l’application du droit saoudien et des normes
étrangères à l’Arabie saoudite, le tribunal arbitral a conclu à la mise en œuvre des «!principes
généraux du droit, des usages suivis dans l’industrie du pétrole et des données de la science
juridique pure, notamment lorsque certains droits privés qui doivent nécessairement être
reconnus au concessionnaire à peine de priver la concession de sa substance, ne lui seraient
pas amenés d’une manière indubitable par le droit en vigueur dans l’Arabie Saoudite!».67
En revanche, lorsque la clause de droit applicable règle le conflit entre la myriade de normes
applicables, les tribunaux arbitraux n’ont pas d’autre choix que de se plier à la volonté des
parties.68 Ceci étant, la marge de manœuvre des arbitres est plus grande quand la stipulation
d’electio juris accorde la place prépondérante aux usages.69 En effet, il est abondamment
souligné le rôle primordial joué par les juridictions arbitrales quant à l’élaboration des règles
matérielles en général,70 et de la lex petrolea71 (la lex mercatoria en matière pétrolière) en
particulier. En décidant de faire des usages les règles prépondérantes, les litigants ont foi en la
capacité des arbitres de trancher le différend en se référant prioritairement à l’ordre juridique
dit transnational.72 A quelque chose près, une conclusion similaire doit être tirée lorsque le
contrat litigieux renvoie à un Règlement d’arbitrage, comme celui de la CCI qui prévoit que «!le
tribunal arbitral tient compte des dispositions du contrat entre les parties, le cas échéant, et de
tous les usages du commerce pertinents!».73
La seconde hypothèse de combinaison normative est celle du silence des parties sur le droit
applicable. Pour pallier cette carence, les règlements d’arbitrage confèrent aux arbitres le
pouvoir de choisir la loi applicable, soit par la méthode de conflits, soit la par voie directe. C’est
en mettant en œuvre ce pouvoir que les arbitres peuvent choisir de placer le litige sous
l’emprise d’un ordre juridique distinct!: celui de l’Etat contractant. Pour sa part, l’article 42 (1) in
fine de la Convention CIRDI dispose!:
Faute d’accord entre les parties, le Tribunal applique le droit de l’Etat contractant partie au
différend -y compris les règles relatives aux conflits de lois- ainsi que les principes de droit
international en la matière.
relevant d’un ordre juridique particulier, les amiables compositeurs ont la latitude d’utiliser
toute norme qui leur parait idoine.
Au total, la saisine des juridictions arbitrales assure aux parties que la résolution du différend
ne se fera pas sous l’emprise de règles élaborées par l’une d’elles. Autant, les arbitres sont
autonomes des Etats, autant ils disposent d’une faculté variée de retirer le litige du seul ordre
juridique de l’Etat. Cette délocalisation juridique n’est pas toujours bien comprise, elle a
suscité, certes de manière limitée, un vent de contestation qui mérite attention.
Sur le plan interne, l’inarbitrabilité des différends pétroliers et gaziers a été consacrée tant par
voie juridictionnelle que par voie législative. Au Venezuela, la Chambre constitutionnelle de la
Cour suprême a rendu une décision selon laquelle l’article 22 de la loi vénézuélienne sur
l’investissement ne constitue pas une offre d’arbitrage au sens de l’article 25 de la Convention
CIRDI.84 A ce propos, la sentence CIRDI rendue dans l’affaire Mobil Corporation et autres c/
Venezuela85 a été vécue comme une victoire86 parce que les arbitres avaient abondé dans le
sens de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême vénézuélienne. Parallèlement, les
Constitutions équatorienne et bolivienne87 ont été révisées et interdisent dorénavant
l’arbitrage des litiges sur les hydrocarbures avec les entreprises étrangères.
L’ensemble des mesures ci-dessus évoquées traduit une affirmation claire et ferme du rejet de
la justice arbitrale en matière pétrolière et gazière. Toutefois, en dépit de la clarté des
intentions ainsi affirmées, il y a lieu de s’interroger sur la portée des décisions prises. A
l’analyse, une diversité de facteurs concourent à biaiser l’efficacité des interdictions de saisir
les arbitres pour résoudre les conflits internationaux liés aux hydrocarbures.
investissements, il convient de s’intéresser à l’état actuel des législations de ces pays ayant
manifesté leur méfiance à l’arbitrage international en matière extractive.
En dépit de l’inarbitrabilité des contrats conclus par une personne publique, la Constitution
équatorienne prévoit une dérogation lorsque le siège de l’arbitrage est en Amérique latine et
la procédure administrée par un centre d’arbitrage régional ou national désigné par les
parties.91 Quant à la Bolivie, la loi de 2014 relative à la promotion des investissements prévoit
l’adoption ultérieure d’une loi favorable à l’arbitrage, ce qui suscite une interrogation sur
l’occurrence d’une ère nouvelle par rapport aux investissements étrangers.92 Enfin, outre le fait
que sa stratégie législative est diversement appréciée,93 le Venezuela a conclu des traités
bilatéraux de protection des investissements avec le Belarus en mai 2008, le Vietnam en mai
2009 et la Russie en juin 2009. Chacun de ces accords prévoient une offre unilatérale
d’arbitrage ad hoc CNUDCI ou sous l’égide de la Chambre de commerce de Stockholm.94
Ce bref panorama des législations bolivienne, équatorienne et vénézuélienne montre que le
problème posé par leurs contestations n’est pas l’arbitrage per se. Nul ne discute le fait que la
justice arbitrale est une garantie essentielle pour l’investisseur étranger.95 La difficulté se pose
réellement avec le CIRDI, le rattachement de celui-ci à la Banque mondiale et l’antagonisme
idéologique entre les pays bolivariens et cette dernière renforçant la controverse. Toutefois,
bien que les Chefs d’Etat de l’ALBA ne soient prononcés clairement que contre l’arbitrage
CIRDI, l’arbitrage CCI ne génère pas non plus un enthousiasme particulier. En fait, au regard
des velléités de création d’un centre d’arbitrage régional,96 il est clair que c’est davantage la
volonté de localiser les procédures qui est en cause. Il y a sans doute derrière cette démarche
l’idée selon laquelle les décisions rendues par des arbitres agissant sous les auspices
d’institutions lointaines sont moins protectrices des intérêts étatiques. Quel que soit le crédit à
porter à cette position,97 ou à la dénonciation de l’arbitrage CIRDI par certains pays de
l’ALBA,98 l’on est obligé d’admettre que l’essor de la transparence et du développement
communautaire dans l’industrie extractive va peser sur les procédures arbitrales.
observations et contient des spécificités qui les amplifient. La confidentialité des procédures
et sentences arbitrales va être confrontée au puissant mouvement de transparence généré par
l’impératif de bonne gouvernance des rentes extractives99 (A). Le corollaire du contrôle
citoyen des recettes étant leur implication dans la gestion des recettes pétrolières et minières,
dorénavant les investisseurs concluent des conventions de développement communautaire
avec les populations riveraines. Ces conventions étant connexes au contrat extractif, il y a lieu
de se demander si elles ne vont pas modifier le paysage ratione personae des procédures
arbitrales!(B).
de l’arbitrage
A rebours de la pratique majoritaire, certains contrats pétroliers prévoient explicitement
leur caractère public intégralement104 ou partiellement.105 Pour analyser l’effet des clauses
conférant un caractère public ou partiel, il faut distinguer les arbitrages ad hoc des
arbitrages institutionnels.
Dans le cadre des procédures ad hoc, le maintien de la confidentialité de la procédure et de la
sentence doit s’apprécier au regard de la lex arbitri. Or, il se trouve que l’Acte uniforme sur
l’arbitrage de l’OHADA comme le droit français sont muets sur la confidentialité. Bien plus, le
silence du décret de 2011 portant réforme de l’arbitrage en France est justement expliqué par
un principe de neutralité en matière internationale afin de tenir compte des exigences des
arbitrages d’investissement.106 Ainsi, à supposer qu’une procédure ad hoc se déroule
aujourd’hui en France, qu’elle porte sur un contrat public ou sur des informations réputées
telles par l’acte juridique litigieux et que les justiciables aient été muets sur la confidentialité,
rien ne devrait interdire à un Etat de souhaiter que le représentant des riverains de
l’exploitation assiste à une audience. Une telle démarche trouve son sens dans la volonté
d’affirmer la transparence dans la gestion des ressources naturelles. Pour autant, il n’est pas
certain que l’autre partie ou le tribunal arbitral y consente. Dans ce cas, il sera intéressant de
voir si le juge d’appui va considérer que le caractère public du contrat extractif litigieux et le
silence sur la confidentialité de la procédure emportent publicité des débats et de la sentence.
A priori, il n’existe pas d’obstacle à une telle décision, reste à voir ce qu’il en sera en pratique.
De plus, l’on ne pourrait avancer l’existence d’un usage ou d’une règle coutumière prescrivant
d’interdire l’accès à l’instance. L’article 6 du Règlement CNUDCI de transparence prend
explicitement le contrepied d’une telle règle.107
En revanche, il est moins compliqué de soutenir que si l’un des contractants divulgue la
sentence sans solliciter l’avis de l’autre, il sera difficile d’engager sa responsabilité dès lors que
l’arbitrage a porté uniquement sur des éléments réputés publics. Quand on sait que les
transactions sont en général aussi secrètes que les sentences et que cédant aux pressions
populaires le Sénégal a publié son accord transactionnel avec Arcelor Mittal,108 il est clair que
la divulgation des sentences extractives n’est pas une hypothèse d’école. Au regard du savant
équilibre entre publicité de l’instance et protection des informations sensibles auquel est
hydrocarbures, il est aisé d’y voir des lois de police,114 l’enjeu étant leur incidence sur les
procédures arbitrales et les sentences. Si la problématique de l’effet des lois de police sur les
arbitres est bien connue,115 il en va autrement pour les centres d’arbitrage. A supposer qu’un
tiers excipant une constitution ou une loi demande à la CCI la production d’une sentence ou
des informations sur un litige, celle-ci devra-t-elle s’exécuter116!? Si d’aventure, la CCI est
réticente, le juge peut-il l’y contraindre!?
La réponse à ces questions dépend essentiellement du for saisi, sachant qu’on sera dans un
schéma d’application extraterritoriale d’une loi de police. En matière d’arbitrage, le juge
français a eu à indiquer que le respect des règles impératives étrangères peut justifier
l’annulation d’une sentence.117 De là à conclure que les juridictions françaises accepteront
d’exequaturer un jugement étranger imposant la transmission d’une sentence118 ou
accepteront elles-mêmes de prononcer une telle injonction, il y a un pas que l’on ne saurait
franchir. Tout au plus, on peut se demander quel sera le poids de la directive européenne
prescrivant la transparence financière en matière extractive.119
En revanche, la solution peut être différente si la CCI est poursuivie aux Etats Unis d’Amérique
en raison de son installation à New York. Avec l’adoption du Dodd Frank act,120 certes pas
encore en vigueur, l’obligation de totale divulgation financière imposée aux entreprises basées
aux Etats Unis d’Amérique et menant des activités extractives à l’étranger, il y a une aspiration
américaine121 à la transparence qui peut se traduire par une bienveillance judiciaire.
Concrètement, le juge new yorkais pourrait enjoindre à la CCI de transmettre une sentence si
les plaideurs allèguent par exemple la volonté de connaitre les sommes versées au titre de
l’exécution d’un contrat pétrolier ou minier. Quel que soit le sort réservé aux demandes
adressées à la CCI, il est indiscutable que les populations riveraines des exploitations vont
s’inviter dans les instances arbitrales. Les conventions qu’elles signent avec les investisseurs
présagent leur arrivée, non plus en simple spectateur, comme c’est le cas aujourd’hui.
problème, certains codes miniers, notamment celui de la Guinée, imposent aux investisseurs
de conclure une convention avec les communautés locales afin de contribuer à leur
développement.123 Les conventions minières signées par la Guinée réitèrent cette obligation,124
tout en contenant des clauses compromissoires.125 Cette architecture contractuelle devrait
entrainer des conséquences quant à l’extension de la clause compromissoire (1), ce qui en
bout de chaine, pourrait fonder l’intervention des communautés locales dans les procédures
arbitrales d’investissement extractif (2).
Pour sa part, le Règlement d’arbitrage 2012 de la CCI permet l’intervention133 et rompt avec
une pratique qui était peu encadrée.134 Outre le fait que la partie tierce doit être liée par
l’accord arbitral, il importe de préciser que le Règlement d’arbitrage 2012 de la CCI
subordonne la recevabilité de la demande d’intervention à deux exigences!: d’une part, la
demanderesse en intervention doit introduire une demande contre le tiers, d’autre part, le
tribunal ne doit pas avoir été composé. Sur ce dernier point, les litigants peuvent convenir
autrement. Au vu des conditions d’introduction d’une demande d’intervention devant la CCI,
la convention de développement communautaire sera sans effet si l’Etat souhaite la
participation des communautés locales à ses côtés. Il n’y a aucun intérêt pour un Etat de
saisir une juridiction arbitrale pour un litige avec des riverains d’une exploitation extractive. Il
en va autrement pour l’investisseur peut toujours choisir de poursuivre solidairement l’Etat et
les communautés locales.
En revanche, le Règlement d’arbitrage CNUDCI est plus souple quant à la recevabilité d’une
intervention. Son article 17.5 prévoit!:
À la demande d’une partie, le tribunal arbitral peut autoriser un ou plusieurs tiers à se joindre
comme parties à l’arbitrage, à condition que ceux-ci soient parties à la convention d’arbitrage,
sauf s’il constate, après avoir donné à toutes les parties, y compris à ce ou ces tiers, la
possibilité d’être entendus, que la jonction ne devrait pas être autorisée en raison du préjudice
qu’elle causerait à l’une de ces parties
Il s’infère de ce texte que l’unique condition pour qu’un Etat puisse solliciter l’intervention des
communautés locales est relative à l’opposabilité de la convention d’arbitrage.135 Cet élément
pouvant être aisément établi en raison de la connexité entre le contrat minier et la convention
de développement communautaire, il appartiendra à la partie étatique de mettre en échec les
éventuelles allégations de préjudice avancées par l’investisseur. Dès lors que le différend
portera par exemple sur un élément ayant un rapport avec les droits des populations, une
bonne administration de la justice postule que les arbitres accèdent à la demande
Table des Matières
d’intervention.
L’intervention des riverains admise, l’instance arbitrale prendra certainement une autre
tournure car, jusqu’à présent, les arbitres se sont souvent prononcés sur les droits des
populations sans que celles-ci ne se défendent elles mêmes. Auront-ils le même regard sur les
réclamations des populations qui, loin d’être complices des indélicatesses juridiques d’un Etat,
doivent par exemple subir une pollution!? Le tribunal arbitral aurait-il rendu la même sentence
si dans l’affaire Suez Sociedad General de Aguas de Barcelona S.A. and Vivendi Universal S.A
c/ Argentina Republic136 les riverains avaient eux-mêmes défendu leur droit à l’eau potable!?
Rien n’est certain car l’examen du droit des populations riveraines sous le prisme des décisions
étatiques ne permet pas forcément d’en saisir le bien fondé. Si l’on peut comprendre que les
arbitres sanctionnent l’instrumentalisation de la défense des intérêts publics par des mesures
étatiques justifiées par d’autres raisons inavouées, il est autant difficile de nier qu’il y a des
investisseurs qui ont une vision discutable de leurs obligations sociétales et
environnementales. On comprend alors que l’intervention des communautés locales dans une
procédure n’est pas un changement cosmétique, mais au contraire une évolution qui peut
considérablement modifier le contentieux des investissements extractifs.
CONCLUSION
En dépit des vives protestations soulevées contre l’arbitrage international en général ou
certaines décisions en particulier, il serait excessif d’annoncer sa fin pour les différends
extractifs. La contestation des décisions des juridictions étatiques n’ayant jamais abouti à leur
dissolution, il convient de voir dans les critiques relatives à l’arbitrage l’urgence d’une cure de
jouvence à plusieurs égards. En matière extractive, les procédures arbitrales doivent refléter le
contexte des investissements, c’est-à-dire intégrer les dynamiques qui ont conduit à la
transparence des contrats et à la prise en compte des populations voisines des sites
d’exploitation. Ces deux données permettront aux arbitres d’avoir une meilleure vue des litiges
et de rendre par conséquent des décisions plus acceptables.137 Ce faisant, la justice arbitrale
sera débarrassée du grief de partialité, au contraire elle atteindra son «!diamond age!»138 en
raison de l’unanimité qu’elle fera. Tel est le destin qu’on souhaite à l’arbitrage en espérant que
dans le sillage de son essor, en matière extractive, il emportera l’occurrence de contrats
parfaitement équilibrés.
NOTES
1. J.-B. Racine, «!Eléments d’une sociologie de l’arbitrage!: Actes de la Journée d’étude du Groupe Sociologie de
l’arbitrage du Comité français de l’arbitrage!», Rev. arb. 2012-4, p. 709, sp. p. 711.
2. En droit des investissements, la nationalité de l’investisseur, personne morale, s’entend aussi du lieu de sa créa-
tion qu’au regard du pays d’origine de ses actionnaires. Pour développement sur la nationalité de l’investisseur,
v. V. Pironon,!«!L’arbitrage des différends entre une joint venture et l’Etat et l’Etat d’accueil de l’investissement!:
à la recherche de la nationalité de l’investisseur!», Rev. arb. 2010-2, p. 236.
3. La jurisprudence (CA Paris, 17!janv. 2002!: Rev. arb 2002, p. 391, note J.-B. Racine!; RTD com. 2003-1, p. 63)
considère que l’internationalité de l’arbitrage dépend du seul fait que «!le litige soumis à l’arbitre porte sur une
opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul État!».
4. I. Vaugon, «!Expertise et médiation dans le contexte du contentieux extractif!», v. supra, p. 200.
5. F. Lager, «!Les Dispute Board dans le secteur extractif!», v. supra, p. 213.
6. V. infra, p. 231 et s.
7. En dépit de l’indépendance dont fait preuve la majorité des arbitres, il importe néanmoins de souligner que
dans certaines affaires, le comportement de ces derniers a été sujet à caution. V. dans ce sens CA Paris, 17
février 2015, RGN 13/13278, S.A.S. CDR CREANCES et S.A. CDR-CONSORTIUM DE RÉALISATION c/ SELAFA
MJA et B. Tapie!; US app. LEXIS 256 (5th Cir. 2008), Gulf Petro Tradind Co c/ Nigerian National Petroleum
Company, Newsletter Baker & Mc Kenzie. International Litigation & Arbitration. North America may 2008-4, vol.
8, issue 4, note L. W. Newman et D. Zaslowsky.
8. D. Vidal, Droit français de l’arbitrage interne et international, Gualino, 2012, n° 15.
9. Si historiquement, la confidentialité était considérée comme un avantage de l’arbitrage (E. Gaillard, «!Le prin-
cipe de confidentialité dans l’arbitrage international!», D. 1987, chron., p. 153!; S. Lazareff, «!Confidentiality and
Arbitration!: Theoretical and Philosophical Reflections” in “Confidentiality!» in Arbitration Special Supplement
ICC International Court of Arbitration Bulletin 2009, p.!81), il en va différemment aujourd’hui, notamment dans
les conflits liés aux investissements. Pour aller plus loin sur ce point, J. Fernández-Armesto, «!La transparence.
The time has come!: A Plea for Abandoning Secrecy in Arbitration!», Cah. arb. 2012-3, p. 583!; S. Ménetrey, «!La
transparence dans l’arbitrage d’investissement!», Rev. arb. 2012-1, p. 33.
10. Bien que l’arbitrage soit encadré dans le temps, en raison des prolongations liées à la complexité grandissante
des procédures, il devient de plus en plus long. Afin d’abréger des arbitrages, il a été imaginé un système de
procédure raccourci dit «!fast tract!». Pour développement sur l’arbitrage fast tract, v. A. Carlevaris, «!L’accéléra-
tion des procédures arbitrales!», in L’arbitrage international et l’urgence, Bruylant, 2014, p. 159!; «!L’arbitrage dit
Table des Matières
fast-track!», Entretien par T. Portwood et A. Pinna, JCP éd. G, no!42, 12!octobre 2009, p.!2!; R. Akerman, «!Rules
For Expedited Arbitration Procedure!», American Review of International Arbitration 1995, p. 301!; B. Davis, P.
J. Nickles, H. Smit, et D. K. Watkins, «!ICC Fast Tract Arbitration!: Different perspective!», Bull. CCI 1992, p. 3.
11. Les premières sentences en matière d’hydrocarbures datent de plus d’un demi-siècle, soit une période où l’ar-
bitrage international n’avait pas encore atteint sa vitesse de croisière. V. dans ce sens, Petroleum Development
L.T.D. c/ Sheikh of Abu-Dhabi, International law reports 1951, p. 144!; Sentence ARAMCO, Rev. crit. DIP 1963,
p. 272!; Petroleum Development (Qatar) c/ Ruler of Qatar, International Law Reports, 1951, p. 161!; Ruler of
Qatar c/ International Marine Oil Company Ltd, International Law Reports 1953, p. 534!; Sapphire Internation-
al Petroleums Ltd c/ National Iranian Oil Company, International Law Reports, n° 35, p. 136!; Lena Goldfields
Company Ltd c/ Soviet Government, Cornell Law Quarterly, 1950-1, vol. 36, p. 31.
12. P. Weil, «!Problèmes relatifs aux contrats passés entre un Etat et un particulier!», RCADI, 1969, p. 95!; J.-F.
Lalive, «!Contrats entre Etats ou entreprises étatiques et personnes privées. Développements récents!», RCADI,
1983, p. 28.
13. W. Wengler, «!Les accords entre Etats et entreprises étrangères sont-ils des traités de droit international!?!»
RGDIP 1972-2, p. 313!; P. Mayer, «!Le mythe de l’ordre juridique de base!», in Le droit des relations économiques
internationales. Etudes offertes à Berthold Goldman, Litec, 1982, p. 199!; P. Mayer,!«!La neutralisation du pouvoir
normatif de l’Etat!», JDI 1986-1, p. 5.
14. Ch. Leben «!Retour sur la notion de contrat d’Etat et sur le droit applicable à celui-ci!», in!Mélanges offerts à
Hubert Thierry. L’évolution du droit international, Pedone, 1998, p. 249!; L. Lankarani El-Zein,!Les contrats d’Etat
à l’épreuve du droit international, Bruylant – Université de Bruxelles, 2001!; M. Kamto, «!La notion de contrat
d’Etat!: une contribution au débat!», Rev. arb. 2003-2, p. 719.
15. CIRDI, affaire n° ARB/77/1, AGIP S.p.A. c. République populaire du Congo, sentence du 30 novembre 1979,
Rev. crit. DIP 1982, p. 92
16. B. Stern, «!Trois arbitrages, un même problème, trois solutions. Les nationalisations libyennes devant l’arbitrage
international!», Rev. arb. 1980-1, p. 3!; R. von Mehren et P. Kourides, «!International Arbitrations between States
and foreign private parties!: the Libyan Nationalization Cases!», AJIL, juil. 1981, p. 476.
17. H. Gharavi et M.-L. Bizeau, «!Les mesures d’expropriation indirecte!dans le contentieux entre contractants
extractifs!», v. supra, p. 167.
18. Th. Lauriol, «!La rupture unilatérale des contrats extractifs!», v. supra, p. 138.
19. https.://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/resources/Documents/ICSID%20Web%20Stats%202015-1%20
%28French%29_Redacted.pdf, dernière consultation 06 mai 2015.
20. Statistiques fournies par le Secrétariat de la Cour disponible au Bulletin de la Cour internationale de la CCI,
excepté celles concernant l’année 2014 qui sont en cours de publication.
21. Dans les statistiques CCI, l’industrie extractive est incluse dans le domaine plus large de l’énergie qui comprend
également l’électricité, l’éolien et le nucléaire.
22. S’agissant de la deuxième place du domaine énergétique dans les statistiques CCI, il importe de souligner que
l’arbitrage CCI est majoritairement utilisé en matière commerciale. Pourtant, le contentieux énergétique qui lui
oppose en majorité des parties étatiques et des investisseurs est deuxième, c’est dire l’importance de l’indus-
trie extractive dans les différends internationaux.
23. Pour développements sur l’arbitrage unilatéral, v. J. Paulsson, «!Arbitration Without Privity!», ICSID Review
1995-2, vol. 10, p. 232!; A. Prujiner, «!L’arbitrage unilatéral!: un coucou dans le nid de l’arbitrage convention-
nel!», Rev. arb. 2005-1, p. 63!; W. Ben Hamida, L’arbitrage transnational unilatéral. Réflexions sur une procédure
réservée à l’initiative d’une personne privée contre une personne publique, Thèse de doctorat, Université Paris
II, 2003.
24. V. pour mémoire, CIRDI, affaire n°!ARB/03/14, Miminco LLC and others c/ Democratic Republic of the
Congo, litige engagé sur la base d’un traité entre la RDC, le Zaïre à l’époque, et les Etats Unis!; CIRDI, affaire
n°!ARB/07/30, ConocoPhillips Petrozuata B.V., ConocoPhillips Hamaca B.V. and ConocoPhillips Gulf of Paria
B.V. c/ Bolivarian Republic of Venezuela, affaire engagée sur la base d’un traité néerlando-vénézuelien.
25. V. pour mémoire, CIRDI, affaire n°!ARB/07/18, Shell Nigeria Ultra Deep Limited c/ Federal Republic of Nigeria,
procédure engagée sur la base d’une loi nigériane!; CIRDI, affaire n°ARB/12/26, Sudapet Company Limited v.
Republic of South Sudan,!litige engagé sur la base d’une loi soudanaise.
26. I. Vaugon, «!Expertise et médiation dans le contexte du contentieux extractif!», op. cit., p. 209 et s.
27. F. Lager, «!Les Dispute Board dans le secteur extractif!», op. cit. V. aussi, P.-A. Gélinas, «!L’action des Dispute
Board secondée par les arbitres!», Cah. arb. 2010-1, p. 71.
28. L’article 27 de la Convention minière type du Burkina Faso stipule!:
1) Matières purement techniques
Les matières purement techniques concernent notamment les engagements de travaux et de dépenses, les pro-
grammes de recherche, les études de faisabilité, la conduite des opérations et les mesures de sécurité.
Les parties s’engagent à soumettre tout différend ou litige touchant exclusivement à ces matières, à un expert
indépendant des parties, reconnu pour ses connaissances techniques, choisi conjointement par les parties. [‥]
La décision par dire d’expert devra intervenir dans un délai maximum de soixante jours à compter de la date de la
désignation de l’arbitre ou du troisième arbitre. Elle sera définitive et sans appel. (‥)
3) Autres Matières
Pour les matières autres que purement techniques, le litige entre les parties à la présente Convention sera.:
soumis aux tribunaux burkinabé compétents.;
réglé par voie d’arbitrage par un tribunal arbitral constitué en vertu du droit burkinabé ou par un tribunal arbitral
international.» (nous soulignons).
29. A. Ngwanza, «!Le Cameroun et l’arbitrage international!», in J.-L. Atangana Amougou (dir), Le Cameroun et le
droit international, Pedone, 2014, p. 85, sp. pp. 86-87.
30. Depuis la chute du Mur de Berlin, il y a eu une explosion du nombre d’affaires soumises au CIRDI, les Répub-
liques de l’ancien bloc de l’Est y participant dans plusieurs cas sans soulever d’objections particulières.
31. Il s’agit des conflits entre des investisseurs occidentaux et des parties étatiques de pays sous développés. Pour
aller plus loin sur la notion d’arbitrage international Nord-Sud, v. J. Paulsson, «!Sentences arbitrales et pratiques
Table des Matières
des contrats Nord-Sud!», in La formation des normes en droit international du développement, Editions du
CNRS, Office des publications universitaires, Alger, 1984, p. 333!; J. Paulsson, «!Le Tiers monde dans l’arbitrage
commercial international!», Rev. arb. 1983-1, p. 3!; Ph. Leboulanger, «!L’arbitrage international Nord-Sud!», in
Etudes Bellet, LGDJ, 1991, p. 323.
32. Le litige opposant le géant indien de l’acier, le Groupe Arcelor Mittal et le Sénégal est assez illustratif. Ce conflit
né de l’exploitation d’une mine au Sénégal a donné lieu à une sentence CCI ayant prononcé la responsabilité
de l’investisseur indien. Suite à cette décision, les deux parties ont transigé afin de purger leur différend. Ladite
transaction est disponible en suivant ce lien!:
http!://www.gouv.sn/IMG/pdf/accord_transactionnel-arcelor_mittal.pdf.
33. La ratification de la Convention de New York de 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbi-
trales étrangères et l’utilisation de la loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international sont des
indices fiables pour étayer la volonté de libéraliser le droit de l’arbitrage international. Près de la moitié des rati-
fications de la convention précitée ont été faites après 1990 alors que ce texte date de 1958. Quant à la loi type
susvisée, elle a été utilisée pour réviser le droit de l’arbitrage de plusieurs pays des Nations-Unies après 1990.
Pour étude sur l’influence de la loi type précitée en Afrique, v. R. Amoussou-Guénou, «!L’Afrique, la mondial-
isation et l’arbitrage international!», PA 07 décembre 1998, n° 146, p. 8. L’adoption de deux textes modernes
(l’Acte uniforme sur l’arbitrage et le Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage) par
l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) s’inscrit aussi dans le courant de
libéralisation de l’arbitrage.
34. G. Hanessian et D. Fraser, «!Investment-State Dispute in the Oil and Gas Sector in Bolivia, Ecuador and Venezu-
ela!», Newsletter Baker & Mc Kenzie. International Arbitration. Global, january 2009.
35. En guise d’illustration, v. CIRDI, affaire n° ARB/06/11, Occidental Petroleum Corporation et Occidental Explo-
ration and Production Company c/ Équateur, JDI 2013-2, p. 546, Chronique CIRDI, S. Manciaux. Dans cette
affaire, au mépris d’une stipulation contractuelle et d’une loi équatorienne autorisant clairement l’Equateur à
résilier le contrat de partage de production en cas de cession d’action partielle ou totale du capital de l’investis-
seur sans l’autorisation des autorités équatoriennes, le tribunal arbitral, a, à la majorité, considéré que la rup-
ture du contrat était disproportionnée, ce bien que le manquement de l’investisseur était formellement établi.
Pour lire l’opinion dissidente de B. Stern, suivre ce lien!:
https.://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet.?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&do-
cId=DC2673_En&caseId=C80, dernière consultation 06 mai 2015.
36. C. Y. Small, «!Améliorer le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats!: vue d’ensem-
ble!», OCDE, Documents de travail sur l’investissement international numéro 2006/1, février 2006, http!://www.
oecd.org/fr/daf/inv/politiques-investissement/38046824.pdf.
37. Ch. Leben («!La responsabilité internationale de l’Etat sur le fondement des traités de promotion et de protec-
tion des investissements!», AFDI 2004, p. 683, sp. p. 700) constate que!«!dans l’arbitrage transnational unilatéral
il existe un déséquilibre entre les possibilités d’action de l’État et celui de la partie privée. Celle-ci, en saisissant
l’instance arbitrale prévue au traité, accepte l’offre d’arbitrage faite par l’État et «!force!» donc celui-ci à le suivre
devant les arbitres. L’État, au contraire, ne peut «!forcer!» l’investisseur tant que celui-ci n’a pas consenti à
l’arbitrage!».
38. A. Giardina, «!Clauses de stabilisation et clauses d’arbitrage!: vers l’assouplissement de leur effet obligatoire!»,
Rev. arb. 2003-3, p. 647, sp. n° 22.
39. W. Ben Hamida, «!Chronique investissements internationaux et arbitrage. Les demandes reconventionnelles!»,
Cah. arb. 2012-4, p. 919!; W. Ben Hamida, «!L’arbitrage Etat-investisseur cherche son équilibre perdu!: dans
quelle mesure l’Etat peut introduire des demandes reconventionnelles contre l’investisseur privé!?!», Revue
international Law FORUM du Droit International 2005, n°4, p. 261.
40. Sur le fond, il est reproché aux arbitres tranchant les litiges d’investissement de faire la part belle aux inves-
tisseurs même lorsque la mesure étatique litigieuse a un fondement pertinent. V. dans ce sens, CIRDI, affaire
n° ARB/03/19,!Suez Sociedad General de Aguas de Barcelona S.A. and Vivendi Universal S.A c/ Argentine
Republic!; F. Collart-Dutilleul, «!Investissements internationaux et accaparement des terres!: la recherche d’un
équilibre!», halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00930244/document!; E. Cadeau et F. Duhautoy,!«!Le droit à l’eau
soluble dans le droit des investissements!», Droit de l’environnement 2013, n° 236, p. 338!; H. Gharavi et M.-L.
Bizeau, «!Les mesures d’expropriation indirecte!dans le contentieux entre contractants extractifs!», op. cit, p.
174 et s.!; Th. Lauriol et E. Raynaud, «!La rupture unilatérale des contrats extractifs!», op. cit. p. 140 et s.
41. L. Y. Fortier et R. Thériault, «!La transparence de l’arbitrage international à l’ère des différends investis-
seurs-États!: du mythe à la réalité!», in Mélanges Prujiner, éditions Yvon Blais, 2012, p. 67!; Z. Eastam, «!Chapter
11!: for whose benefit!?!»,!Journal of International arbitration, vol. 16, n° 3, p. 105!; S. Ménetrey, «!La transpar-
ence dans l’arbitrage d’investissement!», op. cit., n° 23.
42. Dans le cadre du présent article, la légitimité de l’arbitrage s’entend de son adéquation pour la résolution des
litiges extractifs. Pour ample analyse sur la légitimité de l’arbitrage, v. S. Besson, «!La légitimité de l’arbitrage
international d’investissement!», Jusletter 25th July, 2005!; P.-M. Dupuy, «!Des arbitres sans contrôle!? De la
légitimité des tribunaux arbitraux dans le domaine des investissements!», in Ch. Leben (dir), La procédure arbi-
trale relative aux investissements internationaux. Aspects récents, LGDJ, Antemis, 2010, p. 315!; P. Tercier, «!La
légitimité de l’arbitrage!», Rev. arb. 2011-3, p. 635.
43. Malgré sa critique acerbe contre certaines dérives, Th. Clay («!The End of Arbitration’s Golden Age!? The Rise
of Criticisms and the Success of other Forms of ADR!», communication lors de la 1ère edition des Casablanca
arbitration days, 28 et 29 novembre 2014) pronostique un «!diamond age!» à l’arbitrage, c’est-à- dire une ère
plus glorieuse encore que celle que nous traversons.
44. P. Tercier, «!Rôles et défis de l’arbitrage institutionnel!», in B. Fauvarque-Cosson (dir), L’arbitrage en France et
en Amérique latine à l’aube du XXI ème siècle, Société de Législation comparée 2008, p. 16, sp. p. 17. V. égale-
ment G. Keutgen, «!L’arbitrage et la mondialisation du commerce!», RDIDC 2010-2, p. 223.
45. Cour suprême de Libye, 05 avril 1970, affaire citée par A. H. El Ahdab, L’arbitrage dans les pays arabes, Eco-
nomica, 1988, p. 397. En l’espèce, dans un litige opposant le Ministère libyen de l’agriculture et une entreprise
étrangère, la haute juridiction libyenne avait décidé qu’ «!il convient d’appliquer la clause compromissoire ac-
ceptée par le Ministère et qu’il ne peut ignorer, étant donné qu’elle constitue l’une des bases des rapports entre
Table des Matières
cette institution publique et la société étrangère!». Quand on se souvient que cet arrêt a été rendu au moment
du déclenchement du contentieux ayant abouti aux nationalisations libyennes, cette consécration prétorienne
de la capacité compromissoire des personnes publiques mérite d’être saluée.
46. Seuls les aspects procéduraux de l’arbitrage seront évoqués par la présente étude, l’appréciation des solutions
de fond dégagées par les arbitres ayant été faite plus haut. V. dans ce sens, E. Silva-Romero et A. Caminades,
«!Actualité des clauses de stabilisation!:!la variété des clauses dans les contrats pétroliers, miniers et gaziers sur
plusieurs aires géographiques (Amérique latine, Afrique, Mer noire, Moyen-Orient)!», supra, p. 51!; E. Kleiman,
«!Les nationalisations!», supra, p. 84!; H. Gharavi et M.-L. Bizeau, «!Les mesures d’expropriation indirecte!dans
le contentieux entre contractants extractifs!», op. cit.,!Th. Lauriol et E. Raynaud, «!La rupture unilatérale des
contrats extractifs!», op. cit.
47. E. Gaillard, «!L’ordre juridique arbitral!: réalité, utilité et spécificité!», Revue de droit de Mac Gill, 2010, vol. 55, p.
891!; E. Gaillard, Aspects philosophiques de l’arbitrage International, Poche-Académie de droit international de
la Haye, 2008.
48. D. R. Haigh, «!Unique Issues in Oil & Gas Contractual Disputes!: Injuction, Multi-Party, Specific Performance,
Forfeiture, & Arbitrablity!», TDM décembre 2006, vol. 3.
49. B. Stern, «!Are some issues too political to be arbitrable!», ICSID Review January 2009, n° 24, p. 90.
50. Sentence arbitrale, 29 mars 1982, Aminoil c/ Koweït, JDI 1982, p. 878, § 33.
51. Sentence 30 avril 1982 sur la compétence, Framatome!et autres c/ Atomic Energy Organization of Iran, JDI
1984-1, p. 58!; B.!Oppetit, «!Arbitrage!et contrats d’Etat.!L’arbitrage Framatome!et autres c/ Atomic Energy
Organization of Iran!», JDI 1984-1, p. 37.
52. Elf-Aquitaine c/ Iran, sentence préliminaire, 14 janvier 1982, Rev. arb. 1984, p. 397!; Ph. Fouchard, «!L’arbitrage
Elf-Aquitaine c/ National Iranian Oil Company!», Rev. arb. 1984, p. 333!; V. aussi Sentence CCI, affaire n° 1526,
Lubelski c/ Gouv. Burundi, JDI 1974, p. 915, obs. Y. Derains.
53. Bridas S.A.P.I.C. c/ Government of Turkmenistan, 447 F.3d 411 (5th Cir. 2006).
54. D. Vidal, Droit français de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 535. V. Aussi, T. Tyler, L. Kovarsky et R.
Stewart, «!Beyond Consent!: Appying Alter Ego and Arbitration Doctrines to Bind Sovereign Parents!», in Per-
manent Court of Arbitration (ed), Multiple Party Actions in International Arbitration, Oxford University Press,
2009.
55. CA Paris, 16 juin 1998, Sté Swiss Oil c/ Sté Petrogab et République du Gabon, Rev. arb. 1989-2, p. 309, note C.
Jarosson.
56. BP c/ Libye, ILR 1979, p. 297*; Texaco-Calasiatic c/ Libye, JDI 1977, p. 350*; LIAMCO c/ Libye, Rev. arb. 1980, p.
153. V. également Elf-Aquitaine c/ Iran, sentence préliminaire, 14 janvier 1982, op. cit.
57. J.-M. Jacquet, «!Contrat d’Etat!», Jurisclasseur de droit international, fascicule n° 571-90, n° 73.
58. Cette règle a été consacrée en droit positif, l’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage
(AUA) de l’OHADA dispose à cet effet!: «!Les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les
Etablissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit
pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbi-
trage!». V. dans le même sens, article 177 alinéa 2 de la loi suisse sur le droit international privé.
59. Bridas S.A.P.I.C. c/ Government of Turkmenistan, op. cit.
60. P. Mayer, «!L’autonomie de l’arbitre international dans l’appréciation de sa compétence!», RCADI, 1989, vol. 217,
p. 319.
61. CIRDI, affaire n°!ARB/84/4, Maritime International Nominees Establishment c/ Republic of Guinea, JDI 1991-1,
p. 166, obs. E. Gaillard.
62. G. Cohen-Jonathan, «!L’arbitrage Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen!; décision au fond du 19 janvi-
er 1977!», AFDI 1977, p. 452, sp. p. 463.
63. L’article 28 alinéa 7 des trois concessions pétrolières à l’origine des nationalisations libyennes stipulait!:!«!La
présente concession sera régie par le droit libyen et interprétée selon les principes du droit libyen en ce qu’ils
ont de commun avec les principes du droit international!; à défaut de principes communs, elle sera régie par,
et interprétée selon les principes généraux du droit, qui ont pu être appliqués par des juridictions internatio-
nales!».
64. Pour mémoire, on citera l’article 27 du contrat de partage de production entre la République Démocratique
du Congo et Caprikat Limited et Foxwell Limited, qui prévoit que «!l’interprétation et l’exécution de ce contrat
seront soumises au droit de la République Démocratique du Congo en prenant en compte les principes de droit
généralement applicables en Droit International!».
65. Les arbitres sont également mieux placés pour faire application d’un droit stabilisé quand une loi postérieure
de l’Etat contractant, de manière impérative, modifie une législation en vigueur au moment de la conclusion
du contrat. Dans l’affaire Revere Copper c/ OPIC (affaire citée par A. E. Gildemeister, L’arbitrage des différends
fiscaux en droit international des investissements, LGDJ, 2013, n° 119 et s.), les arbitres ont pu reconnaitre
l’efficacité d’une clause de stabilisation fiscale à l’inverse de la Cour suprême jamaïcaine. Pour développement
sur l’application des clauses de stabilisation par les arbitres, v. P. Mayer, «!Le phénomène de coordination des
ordres juridiques étatiques en droit privé!», RCADI, 2007, p. 9, sp. n° 234 et s.
66. Sentence ARAMCO, op. cit., p. 314.
67. V. également Texaco-Calasiatic c/ Libye, op. cit.
68. V. dans ce sens, l’article 26 du contrat entre la République de Guinée, la Société Bellzone Mining Pic et la
Société Bellzone Holdings SA qui énonce!: «!La Convention est soumise au droit guinéen en vigueur à la date de
signature de la Convention et au droit international pour tous ces aspects non contraires à l’ordre public de la
Guinée. En cas de conflit ou de contradiction entre le droit guinéen en vigueur à la date de signature de la Con-
vention et le droit international, le droit guinéen en vigueur à la date de signature de la Convention prévaudra!»
(nous soulignons).
69. V. dans ce sens l’article 31 de la Convention minière entre la République du Cameroun et Geovic Cameroun SA
qui stipule!:!«!Le droit camerounais, les termes et conditions de la présente Convention, les principes généraux
du droit international et les pratiques courantes largement répandues dans l’industrie internationale des mines
Table des Matières
régissent la présente Convention. En cas de conflit entre les conditions à appliquer, ce sont les pratiques
courantes dans l’industrie internationale des mines qui pourront être démontrées comme étant largement
répandues, qui sont appliquées en priorité!» (nous soulignons).
70. E. Loquin, «!Les règles matérielles internationales!», RCADI, 2007. p. 34, sp. p. 174 et s.
71. D. Bishop, «!International Arbitration of Petroleum Disputes!: The Development of a Lex petrolea!», TDM 2004!;
Th. C. C. Childs, «!Update on Lex Petrolea!: The continuing development of customary law relating to interna-
tional oil and gas exploration and production!», Journal of World Energy Law and Business, 2011-3, vol. 4, p.
214.
72. M. Kamto, «!La notion de contrat d’Etat!: une contribution au débat!», op. cit., p. 741.
73. Article 21 2 du Règlement d’arbitrage 2012 de la CCI.
74. CIRDI, affaire n°!ARB/05/18, Ioannis Kardassopoulos c/ Georgia.
75. CIRDI, affaire n° ARB/00/5, Aucoven c/ Venezuela.
76. Les mouvements latino-américains rappellent à bien d’égards l’idéologie du «!nouvel ordre économique inter-
national!» basée sur l’intention des Etats nouvellement indépendants dans les années 1960 d’avoir une totale
emprise sur leurs richesses naturelles. Pour développement sur l’idéologie du nouvel ordre économique inter-
national, v. S. Amin, «!Le nouvel ordre économique international!: quel avenir!», Tiers monde 1980, p. 41.
77. Investor-State Relations in the Chavez Age The Nature of Resource Nationalism in the 21st Century, http!://
belfercenter.ksg.harvard.edu/files/Chavez_Investor-State-Dargin.pdf.
78. Pour mémoire, on notera que lors de son adhésion au CIRDI, l’Arabie saoudite avait exprimé une réticence à
l’arbitrabilité des litiges pétroliers de la manière suivante!: «!The Kingdom reserves the right of not submitting all
questions pertaining to oil and pertaining to acts of sovereignty to the International Centre for the Settlement
of Investment Disputes whether by way of conciliation or arbitration!», https.://icsid.worldbank.org/apps/IC-
SIDWEB/icsiddocs/Documents/ICSID%208%20-%20latest%20-%20Nov%2010%202014.pdf, dernière consultation
06 mai 2015. Le CIRDI n’acceptant pas de telles réserves, l’impact de celle-ci nous semble très incertain.
79. L’ALBA est composée des Etats suivants!: Antigua-et-Barbuda,!la!Bolivie, Cuba, la!Dominique,!l’Équateur,
la!Grenade, le!Nicaragua, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et le
Venezuela, plus deux États membres observateurs!:!Haïti!et le!Suriname.
80. E. Gaillard, «!Anti-Arbitration Trends in Latin America!», New York Law Journal, vol. 239, n° 108.
81. G. Hanessian et D. Fraser, «!Investment-State Dispute in the Oil and Gas Sector in Bolivia, Ecuador and Venezu-
ela!», op. cit.
82. A. De Jesus O, «!Overview of recent developments in investment arbitration and the oil and gas industry in
Venezuela!», International Bar Association Newsletter, September 2010, p. 102, sp. p. 103.
83. CIRDI, affaire n°!ARB/07/30, ConocoPhillips Petrozuata B.V., ConocoPhillips Hamaca B.V. and ConocoPhillips
Gulf of Paria B.V. c/ Bolivarian Republic of Venezuela.
84. TSJ/SCO/N° 1.541, 17 octobre 2008, www.kluwerabitration.com, note A. De Jesus O.
85. CIRDI, affaire n°!ARB/07/27, Mobil Corporation et autres c/ Venezuela.
86. A. De Jesus O, «!Overview of recent developments in investment arbitration and the oil and gas industry in
Venezuela!», op. cit., p. 103.
87. Pour mémoire, l’article 366 de la Constitution bolivienne dispose!:!«!Todas las empresas extranjeras que realicen
actividades en la cadena productiva hidrocarburífera en nombre y representación del Estado estarán someti-
das a la soberanía del Estado, a la dependencia de las leyes y de las autoridades del Estado. No se reconocerá
en ningún caso tribunal ni jurisdicción extranjera y no podrán invocar situación excepcional alguna de arbitraje
internacional, ni recurrir a reclamaciones diplomáticas!».
88. V. supra, p. 228.
89. M. C. Porterfield «!Aron Broches et le retrait des offres unilatérales de consentement à l’arbitrage investis-
seur-État!», Investment treaty news aout 2014, vol. 5, p. 6, sp. pp. 6-7. W. Ben Hamida,!«!La dénonciation de la
Convention CIRDI en Amérique latine!: signification et conséquence!», Revista Brasileira de Arbitragem 2011,
vol. VIII, n° 30, p. 65, sp. n° 17.
90. G. Hanessian et D. Fraser, «!Investment-State Dispute in the Oil and Gas Sector in Bolivia, Ecuador and Venezu-
ela!», op. cit.
91. Article 422 alinéa 2 de la Constitution équatorienne de 2008.
92. M. D. Brauch, «!Une ouverture à l’investissement étranger!? Analyse de la nouvelle loi bolivienne de promotion
des investissements!», Investment treaty news aout 2014, vol. 5, p. 9.
93. E. A Witten, «!Arbitration of Venezuelan Oil Contracts!: A Losing Strategy!?!», Texas Journal of Oil and Energy
Law 2008-2009, n° 1, p. 56.
94. A. De Jesus O, «!Overview of recent developments in investment arbitration and the oil and gas industry in
Venezuela!», op. cit., p. 104.
95. A. E. Rusca, «!L’arbitrage!: une stimulation à l’investissement!», Revue camerounaise de l’arbitrage n° 7, octo-
bre-novembre-décembre 1999, p. 3.
96. F. Cabrera Diaz,!«!Alba moves forward with plan to create regional investment alternative to ICSID!», Investment
Treaty News, 3 November 2009, http!://www.investmenttreatynews .org/cms/news/archive/2009/11/01/
alba-moves-forward-with-plan-to-create-regional-invest-ment-arbi tration-alternative-to-icsid-at-7th-summit.
aspx
97. C. Titi, «!Investment Arbitration in Latin America. The Uncertain Veracity of Preconceived Ideas!», Arbitration
international april 2014, n° 30-2, p. 357.
98. N. Blackaby,!«!ICSID Withdrawal!: a Storm in a Teacup!?!», Cah. arb. 2010-1, p. 45.
99. P. Rosenblum et S. Maples, Contrats confidentiels. Pour en finir avec les accords secrets dans le secteur ex-
tractif, Revenue Watch Institute, 2009.
100. J. Fernández-Armesto, «!La transparence. The time has come!: A Plea for Abandoning Secrecy in Arbitration!»,
op. cit., n° 5.
Table des Matières
101. S. Ménetrey, «!La transparence dans l’arbitrage d’investissement!», op. cit., n° 22.
102. http!://www.uncitral.org/pdf/french/texts/arbitration/transparency-convention/Transparency-Convention-f.
pdf.
103. http!://www.uncitral.org/pdf/french/texts/arbitration/rules-on-transparency/Rules-on-Transparency-F.pdf.
104. L’Article 39.1 - Contrat République Guinée et Alliance Mining Company Guinée stipule!:!«!La présente conven-
tion n’est pas confidentielle.
Tous les rapports, plans et informations fournis par la société en vertu de la présente Convention à l’Etat sont
traités comme des documents de nature publique à moins qu’il n’en soit spécifié autrement.».
105. Muet sur la confidentialité du contrat, l’Article 18.4 - Contrat type de recherche et de partage production des
hydrocarbures du Sénégal se borne à indiquer que «!tous les rapports et informations fournis au Ministère par
le Contractant seront, s’ils portent la mention «!Confidentiel!», considérés comme confidentiels pendant une
période de trois (3) années à compter de leur obtention!».
106. E. Gaillard, «!Les principes fondamentaux du nouvel arbitrage!», in Th. Clay (dir), Le nouveau droit français de
l’arbitrage, Lextenso, 2011, p. 57, sp. p. 68.
107. L’article 6. 1 du Règlement CNUDCI sur la transparence énonce!: «!Sous réserve des paragraphes 2 et 3, les
audiences consacrées à la production de preuves ou à l’exposé oral des arguments («!audiences!») sont pub-
liques!».
108. V. supra, note 32.
109. J. Cazala, «!Le Règlement CNUDCI sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et Etats fondé sur
des traités!», Cah. arb. 2014-4, p. 755, sp. n° 20 et s.
110. I. Costade,!«!Publication des contrats et confidentialité de l’industrie extractive!», v. supra, p. 159.
111. http!://mines-rdc.cd/fr/index.php!?option=com_content&view=article&id=92.
112. http!://www.contratsminiersguinee.org/.
113. Pour étude panoramique des Etats subordonnant la validité des contrats signés par l’Etat à homologation
parlementaire, v. P. Rosenblum et S. Maples, Contrats confidentiels. Pour en finir avec les accords secrets dans
le secteur extractif, op. cit., pp. 48-49.
114. Pour développement sur les lois de police, v. P. Francescakis, «!Quelques précisions sur les «!lois d’application
immédiate!» et leurs rapports avec les règles de conflit de lois!», Rev. crit. DIP, 1966, p.!1!; J.-B. Racine, «!Droit
économique et lois de police!», RID éco. 2010, p. 61!; B. Remy, Exception d’ordre public et mécanisme des lois
de police en droit international privé, Dalloz, 2008.
115. I. Fadlallah, «!L’ordre public dans les sentences arbitrales!», RCADI, 1994, p. 369!; Ch. Seraglini, Lois de police et
justice arbitrale, préface P. Mayer, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des thèses, 2001.
116. Bien que la demande de production forcée de la sentence puisse être également adressée aux arbitres,
l’analyse est limitée aux centres d’arbitrage car la stabilité géographique et institutionnelle de ceux-ci facilite
l’exercice d’une action en justice.
117. CA Paris, 07 avril 2011, République de Guinée équatoriale, Rev. arb. 2011-3, p. 747, note S. Bollée et B. Haftel.
En l’espèce, bien qu’ayant rejeté l’annulation de la sentence, la Cour de Paris, par obiter dictum, a souligné que
«!les principes de l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers, de dessaisissement du débiteur et d’inter-
ruption de l’instance en cas de faillite sont d’ordre public international et s’imposent même au cas où l’arbitrage
se déroulant en France n’est pas soumis à la loi française!».
118. Si le jugement étranger vient par exemple de la République du Congo où les contrats extractifs font l’objet
d’homologation parlementaire, son exequatur peut être facilité par la Convention de coopération judiciaire
franco-congolaise du 01er janvier 1974.
119. Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers an-
nuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant
la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et
83/349/CEE du Conseil.
120. Pour en savoir plus sur le Dodd Frank act, v. P. Fiorelli,!«!Dodd-Frank Whistleblower bounties v. the Federal!Sen-
tencing Guidelines for Organizations-Which is the Better Model for Preventing «!Moral Meltdowns!»!?!», Revue
internationale de la compliance et de l’éthique des affaires avril 2015, n°14, p. 20.
121. S. Ménetrey («!La transparence dans l’arbitrage d’investissement!», op. cit., n° 22) soutient que le droit à l’infor-
mation dans le cadre de la justice est particulièrement assuré aux Etats Unis.
122. G. Giraud et C. Renouard, «!Mesurer la contribution des entreprises extractives au développement local. Le
cas des pétroliers!au Nigéria!», Revue de française de gestion 2010/9-10 n° 208-209, p. 101!; H. Lado et C.
Renouard, «!RSE et justice sociale!: le cas des multinationales pétrolières dans le Delta du Niger!», Afrique et
Développement, Vol. XXXVII, No. 2, 2012, p. 167!; C. Renouard, «!De la contribution de l’industrie extractive au
développement socio-économique des populations riveraines!», v. supra p. 96.
123. L’article 130 du Code minier de Guinée dispose!:!«!Tout titulaire d’un titre d’exploitation doit contracter une
Convention de Développement avec la communauté locale résidant sur ou à proximité immédiate de son titre
d’exploitation ou de sa concession minière!».
124. V. par exemple l’article 25 de la Convention entre la République de Guinée et Alliance Mining Commodities
Guinea SA stipule!: «!Dans le but de promouvoir le développement économique et social, la Société s’engage,
dans le cadre du plan régional à conclure une convention de développement avec la communauté locale!».
125. L’article 37. 2 de la Convention précitée prévoit l’arbitrage CIRDI pour le règlement des litiges, et en cas d’in-
compétence du CIRDI l’arbitrage CCI.
126. S. Bollée, «!La clause compromissoire et le droit commun des conventions!», Rev. arb. 2005-4, p. 917.
127. CA Paris, 28 février 1992, Rev. arb. 1992-4, p. 649, note D. Cohen.
128. Cass. com., 05 mars 1991, Pepratx c/ Fichou, Rev. arb. 1992-1, p. 66, note L. Aynès!; RTD. com. 1992, p. 591,
note E. Loquin.
129. L’article 25.1 6 de la de la Convention entre la République de Guinée et Alliance Mining Commodities Guinea
SA précitée stipule que la convention de développement communautaire contiendra «!une déclaration à l’effet
que la Société et la Communauté s’engagent à résoudre tout différend ayant trait à la convention de dévelop-
Table des Matières
pement locale, par le biais de leurs représentants respectifs, à défaut d’entente, le droit de déférer le différend
au Ministre dont la décision est finale et exécutoire!».
130. M. Fontmichel, «!Le financement de l’arbitrage par une partie insolvable!», in W. Ben Hamida et Th. Clay, L’ar-
gent dans l’arbitrage, Lextenso, 2013, p. 37.
131. A.-M. Whitesell et E. Silva-Romero, «!L’arbitrage à pluralité de parties ou de contrats!: l’expérience récente de la
Chambre de commerce internationale!», Bull. CCI, supplément spécial 2003, p. 7, sp. p. 11.
132. B. Stern, «!Un petit pas de plus!: l’installation de la société civile dans l’arbitrage CIRDI entre Etat et investis-
seur!», Rev. arb. 2007-1, p. 3.
133. Article 7 du Règlement d’arbitrage 2012 de la CCI. Pour commentaire de ce texte.
134. P. Mayer et E. Silva-Romero, «!Le nouveau règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale
(CCI)!», Rev. arb. 2011-4, p. 897, sp. pp. 909-913.
135. P. Pic et I. Léger («!Le nouveau règlement d’arbitrage de la CNUDCI!», Rev. arb. 2011-1, p. 98, sp. n° 9) con-
sidèrent que le Règlement CNUDCI permet même l’intervention forcée, ce qui constitue une singularité notoire
en arbitrage international.
136. Op. cit.
137. Pour C. Jarrosson («!L’acceptabilité de la sentence!», Rev. arb. 2012-4, p. 783, sp. n° 2), «!la sentence accept-
able serait au sens large celle que l’on ne rejette pas!».
138. Th. Clay, «!The End of Arbitration’s Golden Age!? The Rise of Criticisms and the Success of other Forms of
ADR!», op. cit.
Contributeurs
nombreuses entreprises
Emmanuel Jolivet maliennes, africaines,
européennes, américaines et asiatiques, opérant
Conseiller général de Chambre
dans l’industrie, le bâtiment, les télécommunications,
de commerce internationale et
l’hôtellerie, les mines, les services. Il est arbitre inscrit
de la Cour internationale
à la CCJA (Abidjan), au CECAM (Mali) et au CPAM
d’arbitrage, Emmanuel Jolivet
(Cameroun). Il est le Président de la Commission
est chargé de conseiller la CCI
Nationale OHADA du Mali.
et la Cour en matière juridique.
Il est également Directeur Il est aussi Secrétaire général de l’Association pour
adjoint du service de règlement la promotion de l’arbitrage et la médiation en
des différends de la CCI et Directeur adjoint de la Afrique, membre du Comité Français de
publication du Bulletin de la Cour internationale l’Arbitrage, de l’Association Européenne des
d’arbitrage de la CCI. M. Jolivet est Professeur Avocats, du Réseau d’Avocats ABBLE,LEX
associé à la Faculté de droit et science politique de AFRICA, de l’Union Internationale des Avocats, du
l’Université de Versailles où il enseigne le droit des Réseau d’Avocats AIDAA.
affaires, le droit de l’environnement, le droit
international privé et l’arbitrage international. Il a
enseigné dans plus de 20 pays et est l’auteur de Florent Lager
nombreux articles en matière de règlement des
Florent Lager est diplômé du
différends et droit des affaires. M. Jolivet est français
Magistère de droit des
et docteur en droit privé.
Activités Economiques et du
DEA de droit des contrats et
des biens de l’Université Paris 1
Panthéon Sorbonne et du
Master 2 professionnel droit
européen des affaires de
l’Université Paris 5 René Descartes.
Depuis cinq ans, Florent Lager est le Directeur
Juridique de la société MPD Congo (filiale du groupe
Glencore et Zanaga Iron Ore Company).
Préalablement Florent Lager a exercé, pendant
quatre ans en tant que juriste puis avocat au barreau
de Paris au sein d’un cabinet de niche spécialisé
dans le conseil pour des investissements dans les
Robinson Tchapmegni
Robinson Tchapmegni est
docteur en droit privé de
l’Université de Nantes (France)
depuis 2008. Il a été reçu à
l’habilitation à diriger les
recherches dans la même
université en janvier 2015 où il
dispense des enseignements
dans le cadre du Master 2 de droit international et
européen des droits de l’homme de 2004 à nos
jours. De 2011 à 2015, l’auteur fut auxiliaire de
recherche en droit international et relations
internationales à l’Institut Québécois des Hautes
études Internationales de l’université Laval au
Québec. Il est actuellement professeur à l’Université
canadienne d’Abidjan, où il enseigne le droit
constitutionnel canadien et québécois. Robinson
Tchapmegni a été juge camerounais, de 1995-2007.
www.storeiccwbo.org
Dispute Resolution Publications
Lecture en Anglais
ICC est l’organisation mondiale des entreprises. Elle est l’unique porte-parole reconnu de la
communauté économique à s’exprimer au nom de tous les secteurs et de toutes les régions.
ICC a pour mission fondamentale d’encourager l’ouverture du commerce et des
investissements internationaux et d’aider les entreprises à relever les défis et saisir les
opportunités de la mondialisation. Depuis sa fondation, au début du XXe siècle, son action
repose sur la conviction que le commerce est une puissante force de paix et de prospérité, et
le petit groupe d’entrepreneurs patrons clairvoyants qui fut à l’origine de sa création se
qualifiait lui-même de « marchands de paix ».
Les activités d’ICC relèvent essentiellement de trois domaines : élaboration de règles, résolution
des litiges et politique générale. Le fait que ses entreprises et associations membres soient
directement engagées dans le commerce international lui confère un poids sans égal dans la
mise en place de règles destinées à guider la bonne marche des échanges internationaux. Bien
que ne faisant appel qu’à l’autodiscipline, ces règles sont quotidiennement respectées dans des
milliers de transactions et font partie intégrante de l’édifice du commerce international.
ICC offre également aux entreprises de nombreux services pratiques essentiels, au premier
rang desquels figurent ceux de sa Cour internationale d’arbitrage, principale institution
mondiale de règlement des litiges commerciaux. Autre partie intégrante du dispositif d’ICC,
sa Fédération mondiale des chambres de commerce (WCF), qui a pour mission
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Notes
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Notes
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