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Zone Aride

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OpenEdition Books IRD Éditions Focus Changement climatique Chapitre 10. Zones semi-arides : ...

IRD Éditions
Chapitre 9. Zones côtières et insulaires : des espaces sous pressio...
Chapitre 11. Zones d’altitude : la transformation rapide des milieu...
CHANGEMENT CLIMATIQUE
|
Serge Janicot
,
Catherine Aubertin
,
Martial Bernoux
,
et al.
Partie 2. Les impacts du changement climatique au Sud
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TABLE DES MATIÈRES
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CITÉ PAR

Chapitre 10. Zones semi-


arides : le Sahel sensible aux
variations de pluies
p. 115-127

TEXTEILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL

Agrandir Original (jpeg, 684k)

Village sur le fleuve Niger à Gao, à l'est du Mali.


Si la sécheresse a sévi au Sahel au cours de la seconde moitié
du XX siècle, les précipitations ont repris depuis les années 1990.
e
1La bande sahélo-soudanienne, qui s’étend du Sénégal jusqu’au
Soudan, est pointée par les experts du Giec comme une des
régions du globe les plus vulnérables au changement climatique.
Cette région semi-aride d’Afrique voit sa température augmenter
depuis 60 ans, avec une transformation du régime des pluies. Et
les prévisions climatiques y anticipent une hausse de 3 à 4 °C d’ici
e
la fin du XXI siècle, avec des conséquences dramatiques en termes
de sécurité alimentaire, de disponibilité en eau et pour la santé
e
des populations. Paradoxalement, le 5 rapport du Giec pointe une
absence de preuves des impacts du changement climatique déjà à
l’œuvre dans la région, dans des domaines clés comme
l’agriculture. Cela ne signifie pas que le changement climatique
n’a pas eu d’effets jusqu’à présent, mais qu’il est difficile de les
mettre en évidence aussi clairement que dans d’autres régions du
globe. Cette incertitude est liée à la très forte variabilité naturelle
des précipitations dans la région, mais aussi au rôle dominant des
activités humaines dans la transformation des milieux sahéliens.
Depuis les années 1950, la croissance démographique rapide
dans cette partie du continent africain a en particulier intensifié
l’exploitation des terres, une pression qui a modifié durablement
les milieux et les paysages.
2Le manque d’information sur les impacts avérés du changement
climatique est également dû au manque de données et d’études
dans la région.
3Le Sahel est une zone semi-aride parmi d’autres. Si ce chapitre
lui est consacré, c’est que les enjeux en termes de développement
y sont importants. Les recherches interdisciplinaires menées par
l’IRD dans cette région permettent une vision fine des interactions
entre le climat, les milieux et l’homme, indispensable pour
comprendre les effets du changement climatique à l’échelle
régionale.
Transformation du régime des
pluies au Sahel
4Le Sahel se réchauffe régulièrement depuis les années 1950. La
température moyenne y a augmenté de 1,5 °C environ. Mais ce
réchauffement n’est ni homogène au cours de l’année, ni à
l’échelle de la région. Le réchauffement observé est
particulièrement marqué et régulier au printemps, alors que les
températures sont déjà très élevées durant cette période de
l’année. Il est aussi nettement plus fort la nuit que le jour
(supérieur à 2 °C). La température augmente également plus
fortement sous les latitudes où les températures sont déjà les
plus fortes, dans des régions exposées à des chaleurs déjà
critiques pour les écosystèmes, comme le nord du Mali.
5Si le réchauffement est mesurable, l’évolution des précipitations
est en revanche plus difficile à caractériser. Le Sahel a connu des
sécheresses sévères au cours des années 1970-1980. Cette
rupture des précipitations est un des plus forts signaux
climatiques jamais enregistrés depuis le début des mesures
météorologiques. Depuis les années 1990, on assiste cependant à
une reprise des précipitations.
Agrandir Original (jpeg, 310k)

Dunes dans le désert du Ténéré au Niger.


Le Sahel s’est réchauffé de 1,5 °C depuis 1950.

Agrandir Original (jpeg, 525k)

Arrivée de la pluie au Niger.


Au Sahel, les orages sont plus violents depuis une vingtaine d’années.

« Intensification » du régime des


pluies
6Cette augmentation de la pluviosité n’est cependant pas un
retour à la normale, autrement dit à la période de référence des
années 1960. Elle ne concerne d’abord qu’une partie du Sahel
continental (Mali, Burkina Faso, Niger). L’ouest du continent, le
Sénégal en particulier, est toujours caractérisé par une baisse des
précipitations. Ensuite, l’augmentation des précipitations depuis
une vingtaine d’années est plus liée à l’intensité des orages qu’à
leur fréquence. Les orages sont aujourd’hui toujours moins
nombreux qu’avant la sécheresse. Mais ils sont plus forts, avec
comme conséquence des volumes d’eau enregistrés proches de
ceux des années 1960. Les précipitations sont aussi devenues
plus incertaines, avec des années de sécheresse intermédiaire.
Face à cette alternance d’événements extrêmes, les chercheurs
parlent d’« intensification » du régime des pluies.
7Même s’il existe une incertitude forte sur l’évolution des pluies
au Sahel sous l’effet du réchauffement climatique, un scénario de
plus en plus probable semble se dessiner dans la littérature
scientifique. Ce scénario est celui d’un Sahel occidental (Sénégal,
ouest du Mali) qui s’assèche surtout au début de la saison de
mousson et d’un Sahel central et oriental qui s’humidifie surtout à
la fin de l’hivernage.
Encadré 25. Des précipitations extrêmes de plus en plus nombreuses
depuis 1990
Une des caractéristiques du changement climatique est l’augmentation des
événements extrêmes. Mais il existe très peu d’études sur le sujet. Des
travaux de l’unité LTHE au Sahel montrent que les extrêmes pluviométriques
deviennent plus marqués à partir de 1990, confirmant un changement
important du régime pluviométrique au tournant du siècle.
Il existe très peu d’études sur les extrêmes pluviométriques au Sahel. En
cause, le manque de données, mais aussi les difficultés méthodologiques
pour étudier les pluies les plus intenses.
En effet, rares par définition, les événements extrêmes sont particulièrement
difficiles à quantifier ce qui, ajouté à la forte variabilité interannuelle et
décennale de la pluie au Sahel, rend difficile la détection de tendances.
Des chercheurs du LTHE ont surmonté ces contraintes en travaillant sur un
ensemble de 43 séries pluviométriques journalières disponibles sur la
période 1950-2010.
Une analyse statistique basée sur la théorie des valeurs extrêmes a permis de
fournir une vision régionale de l’organisation spatiale des extrêmes et de
développer des méthodes novatrices pour détecter les tendances.
Ces développements ont permis d’étudier l’évolution du régime des
précipitations extrêmes en lien avec la variabilité décennale des cumuls
pluviométriques annuels.
La figure 23 met en évidence une différence nette dans l’évolution des
précipitations totales annuelles (cumuls annuels) et des maxima journaliers
annuels sur le Sahel central depuis 1950.
Alors que les cumuls annuels restent largement déficitaires par rapport à la
moyenne de la période humide 1950-1970, la moyenne des maxima annuels
affiche des valeurs supérieures à ce qu’ils étaient entre 1950 et 1970.
Les deux courbes se différencient nettement à partir de la fin des
années 1990. Ceci confirme qu’un changement important du régime
pluviométrique s’est produit au tournant du siècle, les extrêmes
pluviométriques devenant plus marqués.

Agrandir Original (jpeg, 227k)

Figure 23. Évolution comparée des totaux et des maxima annuels de


pluie sur le Sahel central (fenêtre 9,5° N-15,5° N 5° O-7° E) entre 1950
et 2010.
Source : d’après PANTHOU et al., 2014).

Changement climatique ou
variabilité naturelle du climat ?
8Caractériser les changements du climat sahélien ne suffit
cependant pas à attribuer leur cause. C’est une vraie difficulté
pour les scientifiques de comprendre les mécanismes du
réchauffement et du changement de régime des pluies, liés à la
fois aux circulations climatiques globales et à des effets locaux. Et
à l’échelle des circulations globales, il faut ensuite être capable de
distinguer les effets de l’augmentation des gaz à effet de serre de
ceux de la variabilité naturelle du climat. Les chercheurs de l’IRD
et leurs partenaires se sont interrogés sur l’impact du
changement climatique d’origine anthropique sur l’évolution du
climat au Sahel. Leurs travaux montrent que le réchauffement
récent observé est en bonne partie l’empreinte du forçage
anthropique. En revanche, leurs résultats suggèrent que ce
dernier joue un rôle mineur dans la transition pluviométrique des
décennies 1980-1990, qui est pilotée principalement par la
variabilité interne du système climatique (en particulier par
l’Oscillation multidécennale de l’Atlantique) (cf. partie 1, p. 66).

Moins de pluie, plus d’eau : le


« paradoxe sahélien »
9Les travaux hydrologiques de l’IRD au Sahel montrent bien
l’importance de l’observation sur le long terme pour anticiper les
réponses des milieux. La grande vague de sécheresse des
années 1970 a provoqué, dans un premier temps, une forte
baisse des débits des grands cours d’eau d’Afrique de l’Ouest
(Niger, Sénégal, Gambie, Volta, Chari). Mais un comportement
particulier des cours d’eau sahéliens a été observé : alors que
leurs bassins subissaient une baisse des précipitations plus
prononcée que les bassins plus méridionaux (donc plus pluvieux),
les cours d’eau voyaient paradoxalement leurs débits augmenter,
avec notamment des crues records. En 2010, la première crue due
aux pluies de mousson a atteint deux fois son plus haut niveau
jamais observé depuis 1929. En 2012, le record est à nouveau
battu.
Agrandir Original (jpeg, 496k)

Crue exceptionnelle du fleuve Niger à Niamey en août 2012.


Les graves inondations causées par de fortes pluies ont fait 60 morts et
300 000 sinistrés dans le pays.

10Ce phénomène est parfois dénommé « le paradoxe sahélien ».


Le paradoxe n’est pourtant qu’apparent. Les nombreuses mesures
hydrologiques au Sahel, en particulier celles de l’observatoire
Amma-Catch, montrent que le ruissellement de l’eau s’est
accéléré au cours des dernières décennies. Il entraîne une
concentration d’eau plus rapide qui modifie le régime et les débits
des cours d’eau.

Une augmentation du ruissellement


liée aux activités humaines au
Niger...
11Les travaux de l’IRD au Niger montrent que la baisse de la
capacité de rétention en eau des sols est une conséquence directe
des activités humaines. L’accroissement démographique (la
population du Niger passe de 3,2 millions d’habitants en 1960 à
15,5 millions en 2010, selon la Banque mondiale) s’est
accompagné d’une pression accrue sur le milieu pour augmenter
la production agricole. Le défrichement de la brousse et des forêts
claires a entraîné un accroissement rapide des surfaces dénudées,
provoquant une intensification du ruissellement. La réduction des
périodes de jachère entraîne également un appauvrissement des
sols, qui aboutit souvent à leur encroûtement, principal facteur du
ruissellement.

... mais pas au Mali


12Cependant, le paradoxe sahélien ne s’observe pas que dans le
Sahel cultivé. Dans le nord du Sahel, une zone pastorale où la
pluviométrie trop faible ne permet pas l’agriculture, les mares
autrefois temporaires restent à présent en eau toute l’année, et de
nouvelles mares apparaissent. Les mécanismes impliqués ne sont
pas encore totalement élucidés, mais l’explication pourrait venir
également d’une augmentation des capacités d’écoulement des
sols dégradés. En effet, même en l’absence de défrichement, une
partie significative du paysage a subi dénudation et érosion, suite
aux épisodes sévères de sécheresse. Selon les observations au
Mali, une fois le sol arraché, la végétation n’a pas pu se réinstaller
au retour des pluies.
Agrandir Original (jpeg, 644k)

Racines dénudées par les crues du fleuve Bani, affluent du Niger (Mali).

Encadré 26. Transformation de la pêche dans le delta intérieur du Niger


Les travaux de l’unité Prodig et de leurs partenaires maliens ont montré
comment la baisse du débit du fleuve Niger a réduit les ressources
halieutiques et a finalement abouti à la réorganisation du marché régional du
poisson.
Dans le delta intérieur du Niger au Mali, les captures de poissons de
l’ensemble du delta sont ainsi passées de 100 000 tonnes dans les
années 1960 à environ 70 000 tonnes ces dernières années. Cette diminution
de la ressource halieutique est une conséquence de la variation du régime
des pluies dans la région, qui a modifié durablement le débit du fleuve et les
surfaces inondables. Mais l’homme n’est pas non plus étranger à cette
dégradation, alors que la construction de barrages de retenue diminue le
débit du fleuve en aval et réduit les zones inondables.
Le delta intérieur assure 80 % de la production de poissons du Mali. Au cours
des quarante dernières années, alors que l’offre domestique diminuait, la
demande de poissons augmentait au regard du triplement de la population.
La satisfaction de cette demande a conduit à une complète réorientation des
flux commerciaux avec des importations de poissons congelés ou séchés, de
l’ordre de 15 000 t/an, en provenance principalement du Sénégal, de la
Mauritanie, de Côte d’Ivoire et de Guinée. La baisse de cette ressource dans
le delta intérieur a également fait perdre au Niger la place dominante qu’il
occupait dans les exportations régionales de poissons dans les années 1970,
en particulier vers la Côte d’Ivoire et le Ghana. L’augmentation importante
des captures de petits pélagiques dans les pays côtiers riverains et
l’adaptation des commerçants sahéliens ont permis une réorientation rapide
du marché.
Cet exemple montre comment la péjoration des conditions hydroclimatiques
sahéliennes a impacté l’organisation de la filière halieutique régionale.
Agrandir Original (jpeg, 284k)

Débarquement de poissons à Mopti, dans le delta central du Niger


(Mali).

Une baisse sévère des écoulements


plus au Sud
13Plus au sud, dans la zone des savanes soudaniennes, aucun
« paradoxe » hydrologique n’est observé, et la raréfaction des
pluies s’est accompagnée d’une baisse sévère des écoulements.
Pourtant, cette région est également touchée par de forts taux de
défrichement des forêts au profit des zones agricoles. Ces
réponses opposées entre les zones sahélienne et soudanienne
pour des forçages similaires (sécheresse et changement
d’utilisation des sols) montrent la complexité des mécanismes en
jeu. Les différents facteurs ne sont pas encore complètement
identifiés, mais les parcours de l’eau (plutôt en surface au Sahel,
en subsurface plus au sud), la nature et la structure des sols et
des couverts végétaux jouent un rôle majeur.
14L’accroissement du ruissellement au Sahel n’explique pas à lui
tout seul les inondations sévères de ces cinq dernières années.
Ces dernières coïncident aussi avec le retour de conditions plus
humides et l’intensification des précipitations observés depuis
15 ans dans la région. Ces inondations ont des conséquences
graves pour les populations. En 2012, la crue exceptionnelle du
fleuve Niger a provoqué de fortes inondations dans la région de
Niamey. Les autorités locales ont dénombré plus de 340 000
sinistrés, 44 morts et de nombreux dégâts matériels.

Désertification ou
reverdissement du Sahel ?
15Région semi-aride, le Sahel est particulièrement sensible à la
variabilité des précipitations. Les périodes de très forte
sécheresse qui ont sévi entre les années 1970 et 1980 ont eu des
effets dévastateurs sur les écosystèmes, les populations et leurs
ressources. La transformation massive de l’usage des sols, liée en
particulier à la rapide croissance démographique, a aussi été par
endroits le moteur de cette dégradation des terres.
Agrandir Original (jpeg, 699k)

Village et jardins irrigués d'Akodédé, Niger.

16La théorie d’une désertification du Sahel a alors été ravivée,


ainsi que celle prédisant une avancée rapide du Sahara sur le reste
du continent. La désertification correspond à une dégradation des
terres dans les zones sèches par suite de divers facteurs, parmi
lesquels les variations climatiques et les activités humaines. Cette
dégradation se manifeste par une détérioration de la couverture
végétale, des sols et des ressources en eau et aboutit, à l’échelle
humaine de temps, à une destruction du potentiel biologique des
terres et de leur capacité à faire vivre les populations.
17La réalité de la désertification a fait l’objet de débats de longue
date, difficiles à trancher à cause du manque d’observations
globales et continues. L’arrivée de la télédétection satellitaire à
partir des années 1980 a résolu ce problème, en donnant
quotidiennement des images du couvert végétal. L’analyse des
premiers indices de végétation satellitaires (NDVI) au début des
années 1990 a alors mis en évidence une nette augmentation de
la végétation depuis 1980. Ce reverdissement contredit ainsi
l’idée de désertification du Sahel.

Un reverdissement généralisé depuis


30 ans
18Des travaux plus récents permettent même d’affirmer qu’il y a
un reverdissement généralisé de la couverture végétale sur
l’ensemble de la région sahélienne sur les trente dernières
années. Ce reverdissement est globalement expliqué par la
reprise des pluies, tout comme l’avancée du Sahara dans les
années 1970 était liée à leur baisse. Ces phénomènes
s’expliquent donc en grande partie dans le cadre de la variabilité
interannuelle des précipitations.
19Toutefois, la dégradation du couvert végétal perdure dans
certaines régions comme dans le Fakara nigérien ou dans les
régions centrales du Soudan. Par ailleurs, la maille satellitaire
(9 km) est trop grossière pour percevoir la coexistence de
dégradation et reverdissement à une plus petite échelle.
20Aujourd’hui, si le reverdissement ne fait pas de doute, les
chercheurs restent prudents sur l’évolution future de la
végétation, qui sera en particulier liée à celle des précipitations.

L’agriculture pluviale face au


changement climatique
21Au Sahel, l’agriculture est principalement pluviale, donc très
dépendante du régime des pluies. La variabilité des précipitations
influence la production alimentaire, comme l’illustre le lien direct
entre les grandes sécheresses et les famines qu’a connues la
région (1974, 1984-1985, 1992 et 2002). Dans ce contexte, les
chercheurs tentent de mieux comprendre et d’anticiper les
conséquences des fluctuations climatiques sur l’agriculture. Ils
s’appuient pour cela sur des modèles complexes qui associent
des données climatiques, agronomiques et économiques. Dans le
e
5 rapport du Giec, les résultats de la modélisation des cultures
indiquent des pertes de rendements agricoles mondiaux de 2 %
e
par décennie (en moyenne) au cours du XXI siècle. Des impacts
particulièrement importants sont attendus en Afrique, où les
rendements pourraient chuter de 20 % à l’ouest du Sahel selon
des travaux récents (encadré 27).
Agrandir Original (jpeg, 766k)

Cultures maraîchères (choux et salades) au Burkina Faso.


Au Sahel, l’agriculture pluviale couvre 93 % des terres cultivées.

22Cependant, les prévisions restent difficiles à réaliser, du fait des


fortes incertitudes à la fois des projections régionales du
changement climatique et de la réponse du couvert végétal aux
changements environnementaux (pluie, température,
concentration de CO dans l’atmosphère). Le travail de prévision
2

ne doit pas non plus sous-estimer l’adaptation progressive des


systèmes agricoles aux changements environnementaux. En effet,
la relation climat/plante ne suffit pas à prédire les rendements.
Des études sur le mil, principale culture du Sahel, montrent
comment les variétés se sont progressivement adaptées à la
sécheresse. La biodiversité du mil, bien préservée, a permis une
sélection naturelle et humaine : les plantes les plus précoces
résistent mieux à la sécheresse, donc poussent mieux, et sont
donc sélectionnées par les paysans pour la saison suivante (cf.
partie 3, p. 211).
Encadré 27. Une baisse des rendements agricoles en Afrique de l’Ouest
sous l’effet du réchauffement
L’Afrique de l’Ouest est très vulnérable aux aléas climatiques. Une meilleure
compréhension de l’impact du changement climatique sur les rendements
agricoles est donc fondamentale pour élaborer des stratégies d’adaptation.
Des climatologues de l’IRD et leurs partenaires internationaux prévoient une
baisse de 16 à 20 % des rendements du sorgho dans certaines régions
d’Afrique de l’Ouest.
Quels sont les impacts du changement climatique sur les rendements de
sorgho en Afrique de l’Ouest ? Pour répondre à cette question, des
climatologues de l’IRD, en collaboration avec des équipes américaines,
maliennes et australiennes, ont utilisé des modèles agronomiques, qui
permettent de simuler les rendements agricoles en fonction des conditions
climatiques, qu’ils ont ensuite croisés avec les scénarios climatiques futurs.
Face aux incertitudes de ces différents modèles, l’étude a pris en compte les
simulations de neuf modèles climatiques du Giec et de deux modèles de
culture.
Scénarios climatiques futurs
Les projections climatiques basées sur le scénario d’émissions du Giec RCP
8,5 prévoient un réchauffement moyen de + 2,8 °C entre 2031 et 2060, par
rapport à une période de référence de 1961 à 1990. Les neufs modèles
utilisés prévoient également un changement significatif des précipitations en
Afrique de l’Ouest, avec moins de pluie dans la partie occidentale du Sahel
(Sénégal, sud-ouest du Mali) et plus de pluie au Sahel central (Burkina Faso,
sud-ouest du Niger).
Les déficits pluviométriques prévus sont concentrés au début de la mousson
dans la partie occidentale du Sahel, tandis que les augmentations de
précipitations se produisent à la fin de la saison de la mousson, ce qui
suggère un changement dans la saisonnalité de la mousson.
Une baisse des rendements plus forte à l’ouest du Sahel
En réponse à ce changement climatique, et sans tenir compte de la réponse
des cultures en fonction de l’élévation du CO , les projections des chercheurs
2

montrent une diminution du rendement des cultures d’environ 16 à 20 %


dans la partie occidentale du Sahel. La partie orientale enregistrerait, elle, des
impacts plus modérés avec une baisse des rendements comprise entre 5 et
13 %.
Ces projections de baisse des rendements sont constantes d’un modèle à
l’autre. Elles résultent de l’augmentation de température qui réduit la
longueur des cycles de culture et augmente le stress hydrique, à travers une
évaporation accrue. Cet effet négatif des températures se combine avec une
baisse des pluies à l’ouest du Sahel.
Agrandir Original (jpeg, 544k)

Champ de sorgho au Niger.

Vulnérabilité des populations


rurales
23Depuis les grandes vagues de sécheresse des années 1970-
1980, le Sahel est devenu une région emblématique de la
vulnérabilité des populations rurales du Sud. Leur dépendance
directe aux ressources naturelles et à l’agriculture pluviale les
place en première ligne face aux risques climatiques identifiés
dans la région. Le Giec pointe en particulier les impacts du
changement climatique sur la ressource en eau, avec des
conséquences sur la production alimentaire et sur l’accès à l’eau
potable. Il est cependant impossible de prévoir quels seront les
impacts sur ces populations. De nombreuses études montrent en
effet comment elles ont depuis toujours su s’adapter aux
variations du climat et des ressources (encadré 28 et partie 3,
p. 233). Cette capacité d’adaptation suffira-t-elle pour faire face
au changement climatique à venir ? La réponse dépendra aussi de
l’intensité et de la rapidité de ce dernier.
Agrandir Original (jpeg, 1,1M)

Retour annuel de la rivière Komadougou Yobé, à la frontière entre


Niger et Nigeria.
Ce moment est important pour les populations (pêche, irrigation,
troupeaux) et pour la recharge de la nappe phréatique.

Encadré 28. Lac Tchad : les riverains s’adaptent à la baisse des eaux
La superficie du lac Tchad, jadis l’un des plus grands du monde, a été divisée
par dix depuis les années 1960. Si le niveau du lac a de tout temps fluctué,
son assèchement progressif est devenu emblématique du changement
climatique en cours. L’assèchement du lac a eu d’importantes modifications
sur les modes de vie des 20 millions de riverains, qui vivent essentiellement
de la pêche, de l’élevage et des cultures.
Situé au cœur de la bande sahélienne, le lac Tchad constitue une ressource
en eau essentielle pour les pêcheurs, éleveurs et cultivateurs des quatre pays
riverains : le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun.
Ce lac a connu d’importants changements ces dernières décennies. Il y a
50 ans, il était comparable à une mer intérieure d’une superficie de
2
20 000 km .
Les sécheresses répétées des années 1970 et 1980 ont entraîné son
2
assèchement rapide jusqu’à réduire sa superficie à environ 2 000 km .
La variabilité du niveau et de la surface du lac Tchad est un phénomène bien
connu depuis les années 1960, principalement grâce aux travaux des
hydrologues de l’IRD. D’une profondeur très faible – de 2 m en moyenne –, le
lac fonctionne comme une machine à évaporer, avec des pertes en eau très
élevées.
Grâce à leur pluri-activité, les communautés rurales ont développé de longue
date un système bien adapté aux fluctuations annuelles, interannuelles, voire
décennales du niveau du lac.
Les périodes de hautes eaux étaient favorables à la pêche et à la régénération
des sols, tandis que celles de basses eaux ont rendu possible le
développement des cultures de polders.
L’assèchement du lac a laissé place à de nombreux hauts-fonds
interdunaires qui ont, au fil des années, été aménagés en polders céréaliers.
Une équipe franco-nigérienne associant l’unité HydroSciences a étudié les
modifications des modes de vie qui se sont opérées autour du lac Tchad
durant l’assèchement des dernières décennies.
Les résultats montrent comment les sociétés sahéliennes ont su s’adapter à
un changement environnemental majeur, à travers l’évolution des systèmes
de production dans la région de Bosso au Niger.
Au fur et à mesure que le lac a régressé, les habitants ont investi les sols
fertiles et humides devenus accessibles pour planter du maïs, du niébé, du
riz, du sorgho qui poussent sans irrigation ni fertilisants, abandonnant peu à
peu la culture pluviale du mil sur les berges, devenue particulièrement
aléatoire.

Agrandir Original (jpeg, 410k)

Port de Doro Léléwa au Niger, près du lac Tchad.

TABLE DES ILLUSTRATIONS


Légend Village sur le fleuve Niger à Gao, à l'est du Mali.Si la sécheresse a
e sévi au Sahel au cours de la seconde moitié du xx siècle, les
e

précipitations ont repris depuis les années 1990.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-1.jpg

Fichier image/jpeg, 684k

Légend Dunes dans le désert du Ténéré au Niger.Le Sahel s’est réchauffé


e de 1,5 °C depuis 1950.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-2.jpg

Fichier image/jpeg, 310k

Légend Arrivée de la pluie au Niger.Au Sahel, les orages sont plus violents
e depuis une vingtaine d’années.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-3.jpg

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Légend Figure 23. Évolution comparée des totaux et des maxima annuels
e de pluie sur le Sahel central (fenêtre 9,5° N-15,5° N 5° O-7° E)
entre 1950 et 2010.Source : d’après Panthou et al., 2014).

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-4.jpg

Fichier image/jpeg, 227k

Légend Crue exceptionnelle du fleuve Niger à Niamey en août 2012.Les


e graves inondations causées par de fortes pluies ont fait 60 morts et
300 000 sinistrés dans le pays.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-5.jpg

Fichier image/jpeg, 496k

Légend Racines dénudées par les crues du fleuve Bani, affluent du Niger
e (Mali).

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-6.jpg

Fichier image/jpeg, 644k

Légend Débarquement de poissons à Mopti, dans le delta central du Niger


e (Mali).

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 284k

Légend
Village et jardins irrigués d'Akodédé, Niger.
e

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-8.jpg

Fichier image/jpeg, 699k

Légend Cultures maraîchères (choux et salades) au Burkina Faso.Au


e Sahel, l’agriculture pluviale couvre 93 % des terres cultivées.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
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Légend
Champ de sorgho au Niger.
e

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
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Légend Retour annuel de la rivière Komadougou Yobé, à la frontière


e entre Niger et Nigeria.Ce moment est important pour les
populations (pêche, irrigation, troupeaux) et pour la recharge de la
nappe phréatique.

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
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Légend
Port de Doro Léléwa au Niger, près du lac Tchad.
e

URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/29436/
img-12.jpg

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Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence
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Chapitre 9. Zones côtières et insulaires : des espaces sous pressions

Chapitre 11. Zones d’altitude : la transformation rapide des milieux andins


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