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L - Abus de Dépendance Économique

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Master spécialisé : juriste d’affaires M2 (TN)

MODULE : CONCURRENCE ET CONSOMMATION

Travail sous le thème:

l’abus de dépendance économique

Elaboré par :
KECHACHE Khaoula
AMROUN Nouhaila
Année universitaire:
Professeur :
2023/2024 BOUSAOUF Maissae

1
INTRODUCTION

Comprendre le phénomène de la concurrence suppose de s’intéresser à l’ensemble des règles qui ont pour
objet d’assurer, sur la marché auquel elles s’appliquent, l’existence, la liberté et la loyauté de la
concurrence .Mais une telle définition du droit de la concurrence, que sa généralité rendrait de toute
manière peu significatives, recèlerait une équivoque.
Largement entendu le droit de la concurrence répond en effet – et cette constatation se vérifie dans plus
d’un système législatif, à des préoccupations de deux ordres, qui ne sont certes pas sans lien entre elles, ,
mais n’en demeurent pas moins distinctes , tant par les faits qui les inspirent que par le fondement , le
caractère et les effets juridiques des règles qui les traduisent .
La pus grande parties de ces règle sont en effet destinée à faire obstacle aux ententes, abus de domination,
concentrations qui tendent à la surpression ou à la restriction de la concurrence entre les entreprise venant
en compétition sur le marché. Elles visent à assurer le fonctionnement du marché dans les conditions
jugées nécessaires en économie capitaliste, et forment, peut-on dire, le droit de la concurrence dans ce
qu'’il a de plus spécifique (c’est le droit des pratiques anticoncurrentielles français, le Kartellrecht
allemand, ou l’antitrust law américain ).1
D'autres règles du droit de la concurrence, au sens large du mot, tendent à empêcher les agissements
fautifs par lesquels une entreprise cherche à détourner la clientèle d'une autre en créant la confusion entre
leurs produits respectifs, en profitant de ses investissements ou de sa notoriété, en dénigrant sa rivale ou en
essayant de la désorganiser (par exemple, par un débauchage systématique de personnel qualifié). De tels
agissements constituent la concurrence déloyale (en allemand : unlauterer Wettbewerb; en anglais : unfair
competition) à laquelle peuvent être rattachées les réglementations anti-dumping adoptées notamment aux
États-Unis ou dans le cadre de l'Union européenne ; les actes de concurrence déloyale sont, par des
techniques diverses, prohibés et sanctionnés indépendamment de toute incidence directe sur le
fonctionnement du marché dans son ensemble. Aussi bien s’insèrent-ils, le plus souvent, dans les rapports
entre deux entreprises isolément considérées.
On notera, cependant, qu'il existe une « zone frontière » entre ces deux domaines du droit de la
concurrence. Certains comportements son prohibés, bien qu'ils ne constituent pas une faute au sens de la
concurrence déloyale et sans qu'il soit nécessaire d'établir qu'ils produisent un effet anticoncurrentiel sur le
marche.
Il s'agit, des pratiques restrictives (pratiques discriminatoires, abus de dépendance, revente à perte, prix
imposés) qui son prohibées per se, c'est-à-dire en soi, parce qu'elles sont présumées porter atteinte à la
capacité concurrentielle des concurrents ou des partenaires de l'entreprise qui les met en œuvre .
Entendu au sens strict, le droit de la concurrence est constitué de l'ensemble des règles tendant au maintien
d'une concurrence suffisante sur le marché considéré dans son ensemble, à l'exclusion de celles de portée
plus limitée concernant la concurrence déloyale ou les pratiques restrictives.

La nouvelle Constitution du Maroc promulguée le 30 juillet 2011 avait marqué la première étape
importante d'une évolution sensible du droit de la concurrence au Maroc.

Cette évolution a été confirmée par la publication de deux lois le 7 août 2014 : la loi n°104-122 relative à la
liberté des prix et de la concurrence et la loi n°20-133 relative au Conseil de la concurrence, lesquelles

1
Berthold GOLDMAN , Louis VOGEL, concurrence , les grands articles, encyclopaedia universalis , France, 2019.
2
Dahir n 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la loi n 104-12 relative à la liberté des
prix et de la concurrence.
1
consacrent les missions du Conseil de la concurrence marocain et l'érigent en véritable organe régulateur
de la concurrence au Maroc4

En effet, l’énumération des pratiques anticoncurrentielles faisait actuellement l’objet des articles 6 , 7 et 8
de la loi 104-12 du 30 juillet 2014 sur la liberté des prix et de la concurrence, promulguée par le Dahir
n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 du 30 juin 2014, abrogeant la loi 06-99. Cette loi vient compléter
l’arsenal juridique du droit des affaires.

Cet amendement tend à corriger les dysfonctionnements observés par l'administration et ainsi confirmer
les engagements du Maroc envers les organisations internationales et ses partenaires commerciaux. et qui
sont généralement au nombre de 3 : les ententes, l’abus de position dominante, et les prix abusivement bas.

D’après les termes de l’article 7 de la même loi :

« Est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises:

1- d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;

2- d'une situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne


disposant d’aucune autre alternative équivalente…»

Le présent article nous pose devant deux pratiques anticoncurrentielles qui peuvent parfois faire l’objet de
confusion, il s’agit de l’abus de position dominante, et l’abus de dépendance économique.

En effet, les abus de position dominante constituent, depuis 1963, date de leur appréhension en droit
français, une catégorie très particulière dans la mesure où il s'agit autant de sanctionner une atteinte au
marché que de punir un comportement qui aurait pu l'être par des mécanismes de droit civil, le droit
responsabilité notamment. La sanction des abus de position dominante repose en effet sur l'identification
de comportements unilatéraux présentant un effet anticoncurrentiel, et non multilatéraux comme en
matière d'entente.

L’arrêt Hoffman –La Roche du 13février 1979, fondateur en matière de position dominante de dimension
communautaire, proposait cependant une définition. La cour y décrivait la notion de position dominante
comme « une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de
faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la
possibilité de comportement indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses
clients, et finalement , des consommateurs », c’est donc un pouvoir d’action fondée sur trois conditions :
une position dominante , un abus et effet anticoncurrentiel . le premier, la position dominante étant
déterminé par un critère , celui de l’indépendance des comportement :est un comportement indépendant

3
Dahir n° 1-14-117 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la loi n° 20-13 relative au C o n s e i
lde l a concurrence.
4
Pierre MARLY, Marc VEUILLOT , Maroc/ droit de la concurrence au Maroc : réforme et avancées / flash info
Afrique, article publié sur CMS Francis Lefebvre , disponible sur : https://cms.law/fr/fra/publication/maroc-droit-de-
la-concurrence-au-maroc-reforme-et-avancees-flash-info-afrique, consulté le 10 /10 / 2023 .

2
celui qui illustré par la capacité d’une entreprise d’agir indépendamment de ses concurrents , hausser ses
prix par exemple, sans perdre de parts de marché. 5

En ce qui concerne l’abus de dépendance économique, objet de notre travail, dis également, exploitation
abusive d’une situation de dépendance économique, celle-ci concerne exclusivement des relations
verticales, dans une relation entre un fournisseur et un distributeur.

Il s’agit, en effet, pour une entreprise de profiter de la faiblesse relative d’une ou plusieurs autres
entreprises partenaires aux fins obtenir d’elles des avantages non dus ou pour lui imposer des conditions
défavorables en la soumettant à des déséquilibres significatifs dans les droits et les obligations .

Ainsi selon l’article 420-2 du code de commerce français : « « Est prohibée, dès lors qu’elle est
susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation
abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans
lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. »6

Il s'agissait, alors, d'assurer une certaine et nouvelle protection de certains opérateurs, dans leurs
relations contractuelles leur partenaire de grande taille, le plus souvent, d'ailleurs, les relations
entre les grandes centrales de référencement et leurs fournisseurs, ou bien les relations entre les
grands industriels et leurs sous-traitants, voire les relations dans les réseaux intégrés de
distribution.7

C’est ainsi que contrairement à l’abus de position dominante qui nécessite une domination
absolue sur le marché, l’exploitation abusive de l’état de dépendance économique n’exige
qu’une domination relative d’une entreprise à l’égard de l’autre.

D’après ce qui procède, il s’avère utile de poser la problématique suivante :

Comment la loi appréhende-t-elle et sanctionne-t-elle l’exploitation abusive d’une situation de


dépendance économique ?

Pour pouvoir répondre à notre problématique nous allons traiter dans un premier temps les principes et les
contours de la situation de dépendance économique (partie1), pour se focaliser dans un second temps sur
l’abus de ladite situation (partie 2).

5
Daniel MAINGUY, Jean –Louis RESPAUD , Malo DEPINCE , droit de la concurrence , ed LexisNexis , paris , p
290,291.
6
Brunop ,abus de dépendance économique : définition et régime juridique , article publié sur Exprime Avocat, le 23 Avril 2022,
disponible sur : https://www.exprime-avocat.fr/abus-de-dependance-economique-definition-et-regime-juridique/, consulté le
17/10/2023 .
7
Daniel MAINGUY, Jean –Louis RESPAUD , Malo DEPINCE, op.cit,p 290.

3
Plan

Partie 1 : la situation de dépendance économique


Section 1 : La notion de dépendance économique
Section 2 : les critères d’appréciation de l’état de dépendance économique
Partie 2 : l’exploitation abusive de l’état de dépendance économique.

Section 1 : les comportements constitutifs d’abus


Section2 : les conséquences de l’abus de dépendance économique

4
Partie 1 : la situation de dépendance économique
Le législateur marocain cite la situation de dépendance économique comme une pratique interdite
totalement indépendante de l’existence ou non d’une position dominante. Autrement dit, qu’il y ait ou non
position dominante, il s’agit de protéger le client captif ou le fournisseur captif contre les éventuels abus
d’un contractant incontournable. Pour ce faire, la loi marocaine pose des conditions qui doivent être
cumulativement réunie :
- L’existence d’une situation de dépendance économique où la victime de l’abus doit être dépourvue de
toute solution de remplacement de même valeur ;
- Une exploitation abusive de cette dépendance ;
- L’abus doit avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel sur un marché réel ou potentiel.8
Commençant d’abord par la notion de l’état de dépendance économique entant qu'’un élément crucial dans
cette pratique anticoncurrentielle (section 1) avant de se pencher sur les critères de son appréciation
(Section 2).
Section 1 : La notion de dépendance économique

A. Le cadre législatif de l’abus de dépendance économique.


L’abus de dépendance économique est visé à l’article 7 de la loi N°104-12 aux termes duquel :
« Est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le
jeu de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises - d'une situation
de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d’aucune autre
alternative équivalente. »9
Les pratiques abusives énumérées aux deux derniers alinéas de même article 7 peuvent constituer aussi
bien une infraction d’abus de position dominante que d’abus de dépendance économique.
En prohibant les abus de dépendance économique, le législateur a souhaité que les pratiques abusives
mises en œuvre par une entreprise ou un groupe d’entreprises, qui exercent une domination sur un ou des
partenaires commerciaux sans toutefois détenir de position dominante sur le marché dans son ensemble,
puissent être réprimées.10
De même l’article 420-20 du code de commerce français prohibe l’exploitation abusive par une entreprise
ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une
entreprise cliente ou fournisseur dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la
structure de la concurrence. L’abus existe dès lors que le partenaire est soumis à des conditions
commerciales ou à des obligations injustifiées. L’état de dépendance s’apprécie, quant à lui, par rapport
aux relations contractuelles entre deux entreprises.
B. les évolutions jurisprudentielles et les implications pratiques.
Bien que le critère tenant à l’absence de solution équivalente ait été supprimé par la loi NRE du
15 mai 2001, il reste néanmoins un critère fondamental de l’état de dépendance économique. Il ne saurait
en effet, y avoir de dépendance s’il existe des solutions alternatives. Aussi peut-on espérer que la
jurisprudence, selon laquelle l’existence d’un abus de dépendance économique suppose que le partenaire
ne dispose pas de solution équivalente s’il refuse les conditions imposées par son client ou fournisseur,

8
Maissae BOUSSAOUF, Loubna HALMAOUI , Les différentes menaces à la libre concurrence, article publié sur la
revue du droit civil et économique comparé , Vol 1 no 1 2020, p 59 , consulté le 05 /10/ 2023 .
9
Article 7 du DAHIRN° ° 1-14-116DU2RAMADAN1435 (30JUIN2014) PORTANT PROMULGATIONDELALOIN° ° 104-12
RELATIVEALALIBERTEDESPRIXETDE LACONCURRENCE.
10
Noureddine TOUJGANI ,GUIDE PRATIQUE DU DROIT DE LA CONCURRENCE, , Guide 2, Publication soutenue par le
projet PIC-CONSOMAR – 2006, page 33
5
sera maintenue.11
D’ailleurs la condition d’absence de solution équivalente, qui donnait un peu plus de corps à la définition a
été supprimée de la définition légale. De même la condition relative à l’affectation du marché est
assouplie : puisque, souvent, les pratiques abusives concernant des entreprises de petite dimension dont la
disparition éventuelle est sans incidence sur le fonctionnement des marchés de référence, l’exigence d’une
atteinte au fonctionnement de la concurrence a été supprimée, à toute la moins modifiée.
La volonté du législateur de 2001 est connue : faciliter la mise en œuvre de la règle, en distinguant plus
clairement les conditions de l’interdiction de l’abus de dépendance économique de celles de l’abus de
position dominante. Déjà à l’époque, l’incrimination de l’abus de dépendance économique n’avait pas
donné les résultats que le législateur escomptait. Les conditions de l’interdiction n’était pas souvent
réunies et les entreprises fournisseurs, que le législateur entendait protéger, agissaient rarement. 12
L’absence de solution alternative sur le marché qui était donc l’élément essentiel de la définition de l’état
de dépendance économique, mais aussi un obstacle important pour activer le texte, a pourtant été maintenu
hors des textes. La suppression n’a été que formelle puisque la pratique décisionnelle et la jurisprudence
ont maintenu cette exigence. De la manière la plus claire, le conseil de la concurrence a décidé que « si la
nouvelle rédaction de ce texte ne comporte pas plus de référence explicite à l’absence de solution
équivalente , il n’en demeure pas au moins que la dépendance économique , au sens de l’article 420-2 du
code de commerce , ne peut résulter que de l’impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de
disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle
a nouées, soit en qualité de client , soit en qualité de fournisseur , avec une autre entreprise ».
Dans une décision récente de la Cour de cassation (Cass. com., 12 févr. 2013), 13un sous-traitant, mis en
liquidation judiciaire après la rupture de ses relations contractuelles avec un donneur d'ordre, a cherché à
obtenir des dommages-intérêts pour abus de dépendance économique. La notion clé était de déterminer si
le sous-traitant était réellement en état de dépendance économique.
La cour a évalué plusieurs critères pour trancher. Premièrement, même si le donneur d'ordre était un leader
du marché des transports, sa domination n'était pas absolue dans certaines régions. Deuxièmement, le
sous-traitant avait déjà divers clients et n'était pas restreint par une clause d'exclusivité. La liberté de
diversifier ses relations contractuelles était donc réelle.
En fin de compte, le tribunal a jugé que, faute d'un obstacle légal ou concret à la diversification des
relations du sous-traitant, il ne pouvait être considéré comme étant en état de dépendance économique.
Ce cas démontre que la détermination de la dépendance économique va au-delà d'une simple analyse des
rapports contractuels. Elle nécessite une évaluation complète des réalités du marché, de la liberté
contractuelle et des options alternatives disponibles.
Section 2 : les critères d’appréciation de l’état de dépendance économique

Afin de détecter la situation de dépendance économique, l’autorité de la concurrence se bas sur un nombre
de critères qui permet de bien saisir une telle situation.
Pour cette raison, nous allons traiter dans un premier temps les principaux critères permettant de
caractériser la situation de dépendance économique (A), et d’exposer ensuite quelques illustration d’une
telle situation (B).
A. Indices permettant de caractériser l’état de dépendance économique
Au delà des définitions retenues, la difficulté principale pour l’autorité de la concurrence consiste à

11
Concurrence Consommation, cet ouvrage a été conçu et réaliser par la rédaction des éditions FRANCIS LEFEBVRE,
page 314, 315
12 ème
Droit de la concurrence , Marie-Anne Frison-Roche et Jean-Christophe Roda 2 édition DALLOZ , page 543
13
Réf : Gaz. Pal. 28 févr. 2013, n° 119w1 Auteur : Catherine Berlaud , LA BASE LEXTENSO revue
6
identifier les situations dans lesquelles l’exercice d’un éventuel abus de dépendance pourrait intervenir.
Quels sont donc les indices qui permettent de repérer qu’un tel état de dépendance est présent ?
Vue l’absence des clarifications en droit marocain, concernant la notion de dépendance économique ainsi
que ses indices, il parait donc utile de se référer au droit comparé.
Dans cette optique, les critères de l’abus de dépendance économique sont pour parties contenus dans
l’article L .420-2, al 2 du code de commerce français « l’état de dépendance économique dans lequel se
trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur ».14 Ainsi en tenant compte de la modification
par la loi de 2001 qui avait supprimé une condition, tenant à l’absence de solutions équivalentes pour le
partenaire dominé. de cette définition relève donc un rapport de client à fournisseur 15
La situation est presque exactement contraire de celle de l’abus de domination. il s’agit ici de saisir des
hypothèses où un opérateur dans une situation de dominé dans ses rapports avec une autre entreprise ,
dominante, mais sans qu'’elle soit nécessairement en position dominante : une situation dans laquelle un
opérateur est placé dans une situation de dépendance économique . il s’agit , en fait, en toute hypothèse de
comportements établis dans le cadre de relations existantes et non de relations éventuelles ou futures : le
refus de référencent , par exemple, n’est pas un abus de dépendance économique.
Généralement l’Autorité de la concurrence se réfère aux quatre critères suivants pour caractériser la
dépendance économique.
- La forte notoriété de l’entreprise dont dépend le plaignant ;
- La part de marché importante de cette dernière ;
- La part importante dans le chiffre d’affaires du dépendant ;
- L’absence pour dépendant de solution alternatives.16

1) La forte notoriété de l’entreprise dont dépend le plaignant

La notoriété d’une marque ou d’un produit permet à son fournisseur de dicter ses conditions à un
revendeur qui peut difficilement se passer de cette marque dans l’assortiment qu'’il propose au
consommateur. La notoriété de la marque du partenaire « dominant » démontre que ses produit ne sont pas
aisément substituables à d’autres, il s’agit donc d’un pouvoir de marché du partenaire en situation de force.
Ce qui met le dépendant dans le besoin de cette marque pour la gamme de produits qu'il propose.17
2) Critère de la part de marché du partenaire pour établir un état de dépendance
économique

La part de marché du partenaire « dominant » est , comme en matière de position dominante , un indice de
son pouvoir de marché .le marché de produits sur lequel intervient le « dominant » doit donc être délimité
au préalable . Il s’agit de mesurer la capacité de l’entreprise, dont la victime se prétend dépendante, à
s’abstenir d’une pression concurrentielle dont la première aurait pu profiter. Cela étant cette part n’est
qu'’un élément parmi d’autres et, en aucun cas, il n’est impératif de caractériser une position dominante.18
3) Critère de la part de chiffre d’affaires réalisée avec le partenaire pour établir un état de
dépendance économique.

L’importance de la part du fournisseur dans le chiffre d’affaires du partenaire indépendant traduit, de


manière concrète, la dépendance du client. La survie de l’entreprise dépendante est conditionnée par le

14
Cass.com , 7 janv 2004, n 2-11 ; bull.civ IV, n 4 contrats,conc,consom.2004 , n39(rejet dans un rapport entre
associés).
15
Daniel MAINGUY, Jean-louis RESPAUD, Malo DEPINCE, droit de la concurrence , ED LexisNexis, paris,p 292.
16
Cons. conc., déc. n°01-D-49, 31 août 2001
17
Marie Anne Frison –Roche, Jean-Christophe Roda, droit de la concurrence , 2eme édition , DALLOZ, p 546 /547.
18
Ibid , p 547.
7
maintien de sa relation avec le partenaire dominant.19 Pour autant, cette dépendance doit être imputable au
pouvoir de marché du partenaire.
Ainsi, d’une part, l’évolution de la part de chiffre d’affaires réalisée avec le partenaire supposément obligé
est déterminante . si cette part baisse, alors que le chiffre d’affaires de l’entreprise de l’entreprise qui se
dit dépendante se maintient, ou même progresse, cela signifie qu'’elle a pu trouver en réalité , des solutions
de substitution . Elle n’est pas donc dépendante.
D’autre part, il importe de vérifier les raisons pour lesquelles l’entreprise a réalisé un important chiffre
d’affaires avec le fournisseur. S’il s’agit d’une erreur stratégique, la dépendance est, en quelque sorte,
volontaire : elle n’existe donc pas. La démonstration des causes de la dépendance se fait de manière
indirecte. Une société, distributeur électronique, réalisé 95 de son chiffre d’affaire avec la société
SONY. Elle ne souffre cependant pas d’un état de dépendance économique. Dans ce cas, l’ancien conseil
de la concurrence a pu relever que : « un tel niveau est hors de proportion avec les positions respectives
des produits de cette marque sur le marché » ; ainsi « il ne peut résulter que d’une politique commerciale
délibérée de la société Concurrence, qui pouvait librement opter pour une diversification de ses sources
d’approvisionnement »20. L’approche est sévère. Il n y a pas d’autre explication possible à la dépendance
qu'’un choix délibéré, dont le risque reste de la responsabilité de son auteur.
C’est ainsi que le risque de dépendance économique résultant d’un contrat de distribution peut peser sur le
distributeur mais aussi sur le fournisseur lorsque le distributeur fait partie de la grande distribution ou est
un central achat.21
4) Critère de difficulté de trouver une « solution alternative » pour établir un état de
dépendance économique

Pour que s’applique l’article 7-2, il ne suffit pas que les critères de dépendance économique soient réunis,
encore faut-il que l’entreprise en situation de dépendance ne dispose pas de solution alternative.
En France, la loi NRE de 2001 avait fait disparaitre ce critère originellement présent dans le texte 22. Mais
la jurisprudence française l’a rétablie en énonçant que la dépendance économique d'un fournisseur
s'apprécie en tenant notamment compte de « l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres fouisseurs
des produits équivalents »23.
Dans ce cadre le conseil français de la concurrence avait démontré dans une demande de mesures
conservatoires présentées par la société Concurrence concernant la société SONY, que « tant en ce qui
concerne la notoriété comparée des marques , que les parts de marché par catégories de produits , leur
évolution , et la stratégie commerciale délibérément adoptée par la société Concurrence , qu'’il n’est pas
démontré qu' il été difficile à cette dernière de s’approvisionner en produits d’autres marques » .24
La notion de solution alternative doit être compris comme étant la situation d’une entreprise en état de
dépendance économique vis-a- vis d’un partenaire qui a mis en œuvre à son encontre des pratiques
anticoncurrentielle, mais cependant demeure en mesure de poursuivre normalement son activité.
Dans les cas de dépendance d'approvisionnement, une solution alternative existe si se trouvent sur le
marché des produits substituables à ceux fournisseur concerné, c'est à dire des produits ayant la même
19
Une entreprise ne peut prétendre être en état de dépendance à l’égard d’une autre dès lors que « n’ayant jamais
entretenu de relations commerciales avec cette entreprise pour la diffusion de la presse nationale », elle « ne peut
soutenir que la part que représentant ce produit dans son chiffre d’affaires serait importante »
20
Cons.conc. 31 aout 2001, Demande de mesures conservatoires présentée par la société concurrence concernant la société
SONY, préc. Egalement, Com , 12 janv 1999 Bull.n 10
21
Marie MALAURIE-VIGNAL, le droit de la concurrence interne et européen, 7eme édition ,DALLOZ, 2017 ,P
22
l'article L. 420-2, al. 2 du code de commerce prévoyait, avant 2001, une condition supplémentaire : l'état de dépendance
économique constituait un abus contre l'entreprise « qui ne dispose pas de solution équivalente ». Cette seconde condition
signifie qu'il convient d'observer une absence de substituabilité de la relation nouée avec l'entreprise dominante.
23
Mari MALAURIE, droit de la concurrence interne et européen , 7eme édition, SIREY, 2017 , p 284.
24
Décision n 01 –D-79,du 31 aout 2001, relative à une saisine et demande de mesures conservatoires présentées par la société
Concurrence concernant la société Sony.
8
notoriété ou sont susceptibles de produire le même chiffre d'affaires.
Dans les cas de dépendance pour cause de puissance d'achat, une solution alternative existe pour
l'entreprise fournisseur si celle-ci est en mesure de trouver des débouchés comparable à ceux qu'elle
détient. Plusieurs critères d'appréciation peuvent retenus à cet égard notamment: la structure de l'offre et de
la demande, la situation économique et financière de l'entreprise en dépendance, le niveau des marges du
secteur.25
En pratique, les situations dans lesquelles l'autorité considère qu'une entreprise n'a pas de solution
alternative demeurent très rares, faute précisément d'éléments permettant de démontrer qu'il n'existe
aucune option de substitution 4, que les efforts suffisants ont été réalisés , ou qu'il est impossible de se
rabattre vers des solutions de remplacement lorsqu'il en existe. Certaines décisions, plus récentes, ont
toutefois fait preuve de plus de souplesse. Dans l'affaire Apple, alors qu'il existait d'autres canaux de
distribution, l'Autorité a considéré que les contrats conclus, combinés à la forte notoriété de la marque et à
l'attachement des clients à celle-ci, laissaient très peu de marge aux distributeurs.26
La question qui se pose est celle portant sur la preuve de l’absence de solution alternative.
En effet, l’absence de solution alternative est prouvée lorsque l’entreprise en dépendance n’a pu
poursuivre normalement son activité en raison des pratiques abusives est anticoncurrentielles mis en œuvre
à son encontre tels par exemple la rupture abusive des relation commerciales avec les fournisseurs ou le
client concerné. de même il peut y avoir absence de solution alternative lorsqu’il est démontré que les
pratique dénoncées avaient entrainé une baisse significative des ventes de l’entreprise victime de ces
pratiques 27.
C’est ainsi que le défendeur peut se défendre en prouvant que l'opérateur peut s'approvisionner ail-leurs.
Par exemple, un concessionnaire automobile d
ont le contrat est résilie plaidant la dépendance économique sera débouté au motif qu'il existe d'autres
réseaux constituant des solutions alternatives.28
B. Diversité des cas de dépendance économique
Aussi la notion de dépendance économique s'applique-t-elle à un distributeur vis-à-vis de son fournisseur
qu'un fournisseur vis à vis de son client.
 Dépendance d'un distributeur à l'égard d'un fournisseur.

Il s'agit là d'une situation dite de « dépendance d'approvisionnement ». Les critères d'appréciation de cette
situation peuvent être les caractéristiques du produit, la notoriété de la marque (ou de l'enseigne) du
fournisseur, l'importance de sa part de marché et sa part dans le chiffre d'affaire du distributeur. Ces
critères doivent être simultanément présents pour entraîner la qualification. Si une entreprise s'est placée
délibérément en situation de dépendance économique, elle ne pourra revendiquer l'application de l'article
7-2. Tel serait le cas par exemple d'un commerçant qui aurait choisi de distribuer ses produits dans le cadre
d'une franchise, d'une entreprise de transport qui, s'étant créée pour répondre aux besoins d'une entreprise
donnée, aurait par la suite omis de diversifier sa clientèle.
C’est tout simplement l’hypothèse dans laquelle la partie forte à la relation économique est le fournisseur.
Ce dernier n'est parfois pas dominant sur le marché, ce qui signifie qu'il existe bien d'autres possibilités
pour un distributeur de trouver des solutions alternatives. Prouver Cabus de dépendance économique dans
un tel cas de figure s'avère délicat, surtout si la marque ou les produits distribués n'ont pas une notoriété
particulière.
En effet, même si dans la majorité des cas les fournisseurs étaient des opérateurs en position dominante.

25
Nour –Eddine TOUJGANI, guide pratique du droit de la concurrence ,Ed 2006, p 37.
26
Aut.conc , communiqué ,16 mars 2020 « Apple,Tech Data et ingram Micro sanctonnés »
27
Ibid, p 38.
28
Mari MALAURIE-VIGNAL, droit de la concurrence interne et européen, 7eme Ed, SIREY,2017,p 284 .
9
L’autorité de la concurrence rappelle toutefois que l’abus de dépendance économique peut être caractérisé
sans un tel constat. C’est le cas de l’affaire Apple dans laquelle le fournisseur américain était loin d’être
dans une telle situation, son concurrent Samsung partageant également un position dominante de force sur
la marché de la vente au délai d’équipements électroniques grand public. c’est surtout le pouvoir de
négociation d’Apple, combiné à de nombreux autres facteurs , notamment contractuels , qui ont permis
l’application du dispositif.29
Mais il se peut aussi que l’entreprise victime soit dépendante d’un fournisseur qui dispose d’une position
dominante sur le marché. La double qualification est alors retenue.
 La domination d’une entreprise explique la dépendance du partenaire

Il s’agit particulièrement du cas d’une entreprise qui détient une infra-structure essentielle pour l’accès à
un marché. Par exemple :dans l’affaire Heli-Inter , la société Heli-Inter disposait , par l’effet d’une
convention d’occupation temporaire du domaine public , du droit exclusif d’exploiter une hélistation.une
autre société , Jet Systems , avait obtenu, à la suite d’un appel d’offre , le marché , dont la première
titulaire jusque-là, de fourniture de transports sanitaires héliportés pour un centre hospitalier voisin. Des
conditions exorbitantes et discriminatoires pour l'utilisation de hélistation lui furent appliquées. Le
monopole de l'exploitant établit sa position dominante sur un marché pertinent défini comme celui de
l'exploitation de l'hélistation. Surtout il a été décidé que la société Jet systems, « qui ne peut disposer
d'installations et d'équipements substituables à l'infrastructure essentielle sur laquelle la société Héli-Inter
détient un monopole d'exploitation, se trouve nécessairement en situation de dépendance économique pour
l’exécution du contrat public dont elle est titulaire »30.
A priori, les distributeurs, partenaires d'un fournisseur en position dominante dépendent de celui-ci. Le
distributeur, qui intervient sur le marché de produits fournis par l'entreprise dominante, ne peut trouver,
par définition, de produits substituables31. Il pourrait alors sembler superfétatoire de démontrer sa situation
de dépendance. En réalité, tout dépend de la configuration du marché et de la situation de dominance : si
la domination est quasi-absolue (ou que le secteur présente des particularités), il semble difficile de trouver
des solutions alternatives .En revanche, déduire la dépendance économique en présence d'une « faible
domination », (par ex. un fournisseur détenant 51 % des parts du marché nous semble beaucoup plus
discutable : dans ce cas [et si les conditions contractuelles (e permettent), il existe d'autres fournisseurs
auprès de qui s'approvisionner; l'examen des critères habituels devrait être requis.32

 L’état de dépendance explique la position dominante du partenaire

La constatation de la dépendance économique d’une entreprise est un bon indice de la position dominante
de son partenaire. Dans ce cadre l’ancien conseil de concurrence en France avait relevé que les sociétés
d’un groupe étaient dominantes à la fois sur le marché de distribution des films au Antilles et sur celui,
connexes, de l’exploitation des films en salles . Afin d’établir cette position dominante le conseil se fonde
essentiellement sur la quantité de films fournis par ces sociétés. Le conseil avait relevé que les exploitants
de salles indépendantes n’ont pas de solutions alternatives.
Dans les faits, « les distributeurs métropolitains contactés ont renvoyé les exploitants de salles
indépendants, qui s’étaient adressés à eux pour leur demander de leur fournir des films, vers les sociétés du
groupe... ( ..). Les exploitants indépendants n’ont aucune liberté dans le choix du distributeurs et ne

29
Com., 25 janv. 2000, Sté Héli-Inter c/ Sté Jet systems. prec. Dans cette hypothèse. la dépendance du concurrent
traduit, en réalité, la position dominante de l'auteur.
30
Marie-Anne Frison-Roche Jean-Christophe Roda, droit de la concurrence 2 eme édition , DALLOZ, p ;550.
31
ibid, p ;551.
32
Marie-Anne Frison-Roche Jean-Christophe Roda, op ;cit P 552.
10
peuvent pas arbitrer entre différents producteurs puisqu’il n’existe pas d’offre diversifiée »33
Ici la dépendance des entreprises établit plut surement que la part de marché du partenaire obligé la
position de fore de celui-ci. La solution est particulièrement utile dans ces relations verticales et lorsque la
définition du marché de référence est difficile.
C’est donc essentiellement dans le domaine de la dépendance des fournisseurs, des abus de pouvoir
d’achat, que l’abus de dépendance économique a vocation à révéler son originalité.

 Dépendance d’un fournisseur à l’égard du débiteur

On le sait, un grand distributeur est rarement dominant sur un marché de produit. Il propose une grande
variété de produits.
Cette situation se produit lorsque le rapport de force contractuel entre fournisseur et un son client est
déséquilibré au profit de ce dernier en raison de sa puissance d'achat.
Les critères d'appréciation de cette dépendance peuvent être la situation du fournisseur sur son marché
comme par exemple sa faible part de marché, sa petite taille, l'absence de notoriété de la marque de ses
produits, la part importante du client dans son chiffre d'affaires, l'ancienneté des relations commerciales
entre les deux parties, la situation de la concurrence sur la marché...; la puissance d'achat de l'acheteur
telles que sa puissance économique et financière, sa part dans part dans le chiffre d'affaires du fournisseur
et enfin les caractéristiques de leurs relations commerciales. Ces critères doivent être simultanément
présents pour impliquer l'existence d'une situation de dépendance économique.34
Pour appréhender le pouvoir de marché du distributeur, deux types d'analyse sont possibles. L’on distingue
le marché aval des produits et le marché amont. Le marché de la distribution, « le marché aval», est celui
confrontant l'offre des produits et leur consommateur. Le distributeur est considéré comme fournisseur du
client final. Ce marché étant lui-même subdivisé en sous-marchés : une supérette n'est pas un
hypermarché, par exemple. Le pouvoir de marché des distributeurs peut également être apprécié sur « le
marché amont». Le pouvoir d'achat du distributeur client la Cégard des fournisseurs est alors directement
appréhendé.35
Le fournisseur d'un produit peut certainement subir le pouvoir d'achat de son distributeur qui n'est pas
dominant sur le marché des produits en cause. Un producteur de fraises des bois peut être tributaire d'un
distributeur de produits alimentaires qui ne dispose cependant que d'une très faible part du marché de la
vente de ces fruits. Dans cette hypothèse, l’état de dépendance économique n'a pas pour corollaire la
position dominante du partenaire sur le marché des produits en cause. La notion de pouvoir de
négociation, déjà évoquée, est alors certainement plus pertinente, malgré les doutes qui entourent la
notion.
S'agissant de la dépendance d'une entreprise industrielle à l'égard de son distributeur et plus
spécifiquement de la grande distribution, le conseil de la concurrence français , approuvé par la cour
d'appel de Paris, puis par la Cour de cassation, a estimé qu'elle pouvait résulter :
- En premier lieu, de la part du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec le distributeur;
- En deuxième lieu, de l'importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés.
Lorsque ces deux premiers critères ne sont pas directement observables, peuvent être prises en compte des
données supplétives, telles que les ressources financières du fournisseur, le niveau des marges des offreurs
sur le marché, la notoriété de sa marque, la durée et le rôle de la politique de partenariat qu'il a
éventuellement nouée avec le distributeur, l'état de l'offre sur le marché des produits, ou encore,
l'importance des contraintes de transport.

33
Cons. conc., 15 sept. 2004, Saisine présentée par le Ciné-théâtre du Lamentin dans le secteur de la distribution et de
l'exploitation de films.
34
Nour-Eddine TOUJANI, op.cit .p35.
35
L. Vogel, « Droit de la concurrence et puissance d'achat : plaidoyer pour un changement ».
11
- Le troisième critère d'appréciation est tiré des facteurs ayant conduit à la concentration des ventes du
fournisseur auprès du distributeur, en particulier si elle résulte d'un choix de stratégie commerciale ou au
contraire d'une nécessite technique s'imposant au producteur.
Enfin, l'appréciation de la dépendance économique passe, bien évidemment dans ce cas aussi, par la
recherche de l'existence de solutions équivalentes pour le fournisseur, c'est-à-dire de l'accessibilité
effective à des filières alternatives, économiquement praticables, pour l'écoulement de sa production36.
Cette appréciation nécessite l'examen du point de savoir si les facteurs de production (équipement,
personnel) et le cas échéant, la recherche et le développement du fournisseur, sont, en tout ou partie,
spécialisés dans la fabrication de biens ou de services destinés au distributeur et ne peuvent être ni utilisés
ni adaptés à la production d'autres biens et services à un coût économiquement acceptable.37

 La dépendance économique dans le cadre des prestations de services

S'agissant du secteur des prestations de services, la dépendance économique peut être celle des
fournisseurs (ou offreurs) de services à l'égard de leurs clients mais aussi celle d'opérateurs ne pouvant
accéder aux consommateurs sans passer par le service d'un autre opérateur.
La situation de fournisseur de services a été examinée en particulier au travers des relations des vendeurs
d'espaces publicitaires, à l'égard d'une centrale d'achat. En tenant compte des spécificités du secteur
concerné, le Conseil de la concurrence a estimé qu'une telle situation devait être examinée au regard de la
part relative du chiffre d'affaires réalisé par le support avec la centrale d'achat, du rôle de celle-ci dans la
préconisation et la vente de l'espace publicitaire aux annonceurs, de l'existence et de la diversité éventuelle
des solutions alternatives pour le support, en fonction de l'importance de ses ressources financières, de ses
marges bénéficiaires et de l'importance pratique du partenariat qu'il a éventuellement noué avec la
centrale. Dans certains cas de relations moins complexes, la situation sera examinée au regard des mêmes
critères que ceux utilisés pour déterminer l'existence d'une relation de dépendance d'un fournisseur à
l’égard de son débiteur.38
C’est ainsi que les opérateurs économiques qui ne peuvent accéder aux consommateurs qu'’à la condition
de pouvoir utiliser une infrastructure ou un réseau qu'’ils ne détiennent pas eux- même peuvent se trouver
en situation de dépendance économique à l’égard des détenteurs de telles infrastructures. La cours d’appel
de Paris a d’ailleurs précisé que ces opérateurs se trouvaient « nécessairement en situation de dépendance
économique »39

36
Cons. conc., déc. n° 94-D-60, relative à des pratiques constatées dans le secteur des lessives, préc. - Déc. n° 2000-D-73,
relative à une saisine de la société nouvelle de mécanique et d'outillage(SNMO).
37
Cons. conc., avis n° 97-A-04,
38
M.-C. Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V. Michel-Amsellem, J. Vialens, L'application en France du droit des pratiques
anticoncurrentielles, ed 2008, librairie Générale de droit ,et de jurisprudence, p 242.
39
CA Paris, 1° ch. sect. H. 9 sept. 1997, sur recours c/ déc. n° 96-D-51, BOCCRE, n° 17197 -
CA Paris, 1° ch., sect. H. 27 anv. 1998, sur recours c/ déc. 96-D-80, BOCCRE, n° 2198.
309. Cons. conc., г. 1987, p. XXII.
12
Partie 2 : l’exploitation abusive de l’état de dépendance
économique.
Si la situation de dépendance économique n’est pas, en soi, sanctionnable , il en va autrement de
l’exploitation abusive de ladite situation.
En effet, comme prévoit clairement le législateur marocain dans l’article 7 de la loi 104-12,
« Est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises:
1- d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;
2- d'une situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne
disposant d’aucune autre alternative équivalente »
C’est ainsi qu'une pluralité d’élément de preuve doivent être réunis pour pouvoir parler d’un abus de
dépendance économique au sens du droit de la concurrence il s’agit en général de :
-l’existence d’une situation de dépendance ;
-L’absence de solution alternative ;
-L’affectation du marché ;
- le lien de causalité entre la pratique observée et l’état de dépendance.
Il ressort donc clairement que c’est l’exploitation abusive de ces situations qui aura un impact néfaste sur
le jeu de la concurrence qui entraine leur interdiction.

Nous allons donc traiter au niveau d la présente partie, d’abord les comportements constitutifs de cet abus
(section 2), ainsi que ses conséquences (section 2).

Section 1 : les comportements constitutifs d’abus

A. Typologie des comportements abusifs

Le second alinéa de l’article 7 de la loi 104-12, énumère, les pratiques pouvant caractériser ces
abus de dépendance économique : « L'abus peut notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou
en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au
seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Il peut
consister également à imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un
produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale. »
En France, la législation , notamment à travers la second alinéa de l’article 420-20 du code commerce ,
révisé par la loi NRE du 15 mai 2001 , énumère , en formule non limitative , les pratiques pouvant
caractériser ces abus de dépendance économique a savoir le refus de vente , ventes liées, ou pratique
discriminatoire visées à l’article 442-6 du même code qui énonce les pratiques discriminatoire qui
engagent la responsabilité civil de leur auteur, indépendamment de leur effet sur le jeu de la concurrence ,
et relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire .
Dans une formule de synthèse, le conseil de la concurrence avait, dès 1988, précisé que peuvent être
constitutifs d’abus tous comportements qu’un opérateur économique ne pourrait mettre en œuvre s’il ne
tenait précisément son partenaire sous sa dépendance. Il convient toutefois que ce comportement présente
un caractère « anormal », c’est-à-dire qu’il excède la sphère d’exercice admissible de la liberté du
commerce et de l’industrie notamment dans la négociation commerciale ou le choix d’un partenaire.
Ainsi la typologie des pratiques abusives invoquées en cas de dépendance économique n’est-elle pas
différente de celle des abus de position dominante ;ce sont le plus souvent :
Dans les situations de dépendance de dépendance du distributeur :

13
 Le refus de vente ou la cession d’approvisionnement

 Les conditions de vente discriminatoires de produits ou services

 La rupture ou le refus de contrats de concession

 La rupture ou le refus de contrats de concession

 La rupture de relations commerciales habituelles

Dans la situation de dépendance du fournisseur de bien ou services :


 Les prix ou propositions de prix discriminatoires pour l’achat de biens ou services

 Le prix ou propositions de prix discriminatoires pour permettre l’accès à un réseau

 Les déréférencements ou menaces de déréférencement assortis ou non de sollicitations


d’avantages rétroactifs ou de tarifs discriminatoires

 Le refus d’exécuter une obligation d’achat

 Les clauses contractuelles empêchant le fournisseur de service de s’adresser à la concurrence

 La cessation sans motif légitime de relations commerciales établies

Encore faut-il, pour être répréhensibles, que ces pratiques soient susceptibles d’affecter le fonctionnement
ou la structure de la concurrence sur le marché. 40
Par exemple, dans une affaire soumise au Conseil de la concurrence français et concernant le marché des
produits sanguins, un fournisseur avait brusquement cessé ses livraisons auprès d'un acheteur de longue
date.41 Le fournisseur détenait sur le marché amont un quasi-monopole, et les livraisons des produits
sanguins représentaient environ 90 % des approvisionnements de l'acheteur. Quant à l'atteinte au marché,
le Conseil a considéré que la pratique avait eu pour objet et pour effet d'entraîner la disparition de
L'acheteur, ce qui avait eu pour conséquence de déstabiliser le marché aval des produits sanguins
transformés. Dans cette affaire, le fournisseur avait également été poursuivi et sanctionné sur le fondement
de l'abus de position dominante, notamment pour avoir mis en œuvre des pratiques discriminatoires.
Ainsi, dans l'affaire concernant l'exploitation de salles de cinéma aux Antilles, un groupe distribuant des
films (mais en situation de fournisseur) a été condamné pour avoir abusé de la dépendance économique
d'un exploitant local'. Le groupe était en situation de quasi-monopole sur le marché pertinent de la
distribution des films et sur celui, connexe, de l'exploitation dans les Antilles et imposait des clauses
particulièrement drastiques. Leur présence a suffi à c caractériser l'abus.

B. illustration : affaire appel

Le 16 mars 2020, l'Autorité de la concurrence a sanctionné Apple, Tech Data et Ingram Micro pour des
pratiques anticoncurrentielles. Cette décision découle des conditions contractuelles abusives imposées par
Apple à ses distributeurs spécialisés. Beaucoup de ces distributeurs, liés par des obligations d'exclusivité
ou quasi-exclusivité, dépendaient majoritairement d'Apple pour leurs revenus.
D’ailleurs, la condition de dépendance économique était facile à satisfaire : un certain nombre de
distributeurs spécialisés dans la revente de produits Apple peut apparaître en situation de dépendance à
l’égard de celui-ci, étant donné que, liés par une obligation d’exclusivité ou de quasi-exclusivité,
40
Daniel Maingy , Jean-Louis Respaud, Malo Depincé ,Droit de la concurrence , , edition LexisNexis Litec , page 246
41
Cons.conc.déc.04-D-30 juin 2004.
14
l’essentiel de leur chiffre d’affaires est constitué de la revente et de la maintenance de produits Apple. À
cela s’ajoute une obligation de non-concurrence post-contractuelle qui leur interdit, pendant une durée de 6
mois après la fin du contrat, de revendre des produits d’une marque concurrente. Il semblerait – la lecture
de la décision permettra de le confirmer – que l’appréciation de la dépendance ait été réalisée au moment
de la commission des faits litigieux, c’est-à-dire lors de l’exécution du contrat, et non au moment de la
conclusion des contrats ayant permis l’entrée dans le réseau de distribution. D’autre part, l’abus a été
caractérisé : les distributeurs subissaient des restrictions d’approvisionnement, notamment au moment du
lancement de nouveaux produits, des traitements discriminatoires et des modifications intempestives des
conditions de rémunération. De troisième part, la condition de restriction de concurrence – qui,
habituellement, fait difficulté s’agissant d’abus de dépendance économique qui interviennent dans des
relations verticales – a pu ici être satisfaite, du fait de l’existence d’une situation de concurrence entre
Apple (qui vend en direct aux consommateurs, via les Apple store et son site internet) et ses distributeurs.
En effet, l’Autorité a constaté que les pratiques abusives d’Apple créaient des distorsions de concurrence
entre celui-ci et ses distributeurs.
Appel s’est vu infliger une amende d’un montant considérable, bien que le montant exacte n’était pas
déclaré. 42

Section2 : les conséquences de l’abus de dépendance économique

L’exploitation abusive n’est sanctionnée que si elle constitue ou est susceptible de constituer une entrave à
la concurrence. En effet, l’abus de dépendance économique en tant que pratique anticoncurrentielle doit
avoir pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un
marché pertinent.

A. Les conséquences économiques

 L’affectation du marché

Comme prévoit l’article pour que l'on puisse parler d’un état d’abus de dépendance économique il faut
obligatoirement trois conditions qui doivent être cumulativement réunies parmi lesquelles celle qui
précise que l’abus doit avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel sur un marché réel ou potentiel.
Il ressort que l’abus prévu doit faire l’objet d’une affectation du fonctionnement concurrentiel Cette
affectation qui peut être réelle ou simplement potentielle.
C’est ainsi que l’article 420-2, alinéa 2 du code de commerce français, indique que l’bus de dépendance
économique, dit également l’exploitation abusive d’une situation de dépendance n’est prohibée que « dès
lors qu'’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence ». C’est la
réforme issue de la loi du 15 mai 2001 qui a introduit cette notion de « susceptible d’affecter le
fonctionnement ou la structure de la concurrence ». En effet, Le but était d'assouplir la preuve de l'atteinte
à la concurrence en substituant cette formule à celle prévoyant que l'abus était prohibé lorsqu'il avait «
pour effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ». L'Autorité de
la concurrence en déduit que l'abus de dépendance permet ainsi de réprimer une pratique même si elle
n'affecte pas le fonctionnement du marché, mais sa seule structure. Selon elle, « une pratique est abusive,
au sens de l'article L 420-2 alinéa 2 du code de commerce, si elle est de nature à ou est susceptible d'avoir

42
L’Essentiel droit de la distribution et de la concurrence,Aut. conc., communiqué, 16 mars 2020, « Apple, Tech Data et Ingram
Micro sanctionnés »,La réunion des conditions de caractérisation de l’abus de dépendance économique permet également de
sanctionner Apple pour les conditions contractuelles abusives imposées à ses distributeurs spécialisés.,N°5 Mai 2020,Anne-
Sophie Choné-Grimaldi, professeur à l’université Paris Nanterre.
15
un tel effet il n'est pas nécessaire de démontrer l’effet anticoncurrentiel effectif de la pratique sur le ou
les marchés concernés»43
Elle ajoute qu'aucun seuil de sensibilité en termes de parts de marché n'est fixé pour évaluer les effets,
potentiels ou réels, d'un abus de dépendance économique et que, plus largement, il n'est pas exigé que les
pratiques d'abus de dépendance économique aient eu un impact sur le marché dans son ensemble.
Cette démarche consistant à rechercher l'objet ou l'effet anticoncurrentiel des pratiques d'abus de
dépendance économique était logique: dès lors que l'on fait de cette infraction un instrument de régulation
du marché, la seule justification de la sanction est bien évidemment l'atteinte qu'elle lui porte ou, à tout le
moins, est susceptible de lui porter.
Le législateur souhaitant assouplir l'application du texte pour appréhender aussi les pratiques susceptibles
d'affecter le jeu de la concurrence ou sa structure, n'a toutefois pas modifié la nature de l'infraction
puisqu'il n'a pas créé une infraction per se. Par conséquent, dans tous les cas, la qualification d'une pratique
d'abus doit conduire à mettre en évidence au moins un risque d'atteinte à la libre concurrence sur le marché
et, comme pour les autres pratiques anticoncurrentielles, ce risque doit concerner une atteinte significative
qui doit être concrètement mise en évidence par l'autorité de la concurrence et par la juridiction du fond
qui l'apprécie toutefois souverainement.44
D’ailleurs cette condition n’a pas était rempli dans le cas suivant : une clause d'exclusivité post-
contractuelle avait été accordée par la Fédération des industries nautiques (FIN) à la société Reed
Expositions France (REF) dans un contrat concédant l'organisation technique d'un salon nautique (le «
Yachting »). La FIN estimait qu'elle était en situation de dépendance économique à l'égard de REF et que
la clause d'exclusivité post-contractuelle d'une durée de vingt ans en cas de non-renouvellement du contrat
constituait un abus de cette situation de cette dépendance. L'Autorité n'a pas examiné ces deux éléments et
s'est bornée à relever que, sur les deux marchés concernés, cette clause n'affectait pas le fonctionnement ou
la structure de la concurrence : s'agissant du marché de l'organisation des foires et salons, l'Autorité a
relevé, d'une part, le caractère généraliste des acteurs qui ne risquaient pas d'être évincés par l'effet d'une
telle clause et, d'autre part, la possible création d'un événement concurrent du Yachting; s'agissant du
marché de la construction de bateaux de olai-sance, l'Autorité a simplement relevé que la FIN n'apportait
aucun élément permettant d'étaler une telle affectation .45
Cette condition a en revanche été considérée comme remplie dans la décision Apple précitée n° 22080.
Dans cette affaire, l'Autorité de la concurrence a relevé que les pratiques discriminatoires d'Apple à l'égard
de ses distributeurs indépendants (APR pour « Apple Premium Reseller ») avait affecté la concurrence
compte tenu des éléments suivants : certes. Les revendeurs ne représentaient qu'une faible part des ventes
des produits Apple, mais l'affectation peut être potentielle et ne pas concerner l'ensemble du marche; ces
pratiques avaient réduit la capacité de ces distributeurs indépendants à animer la concurrence: cela était
d'autant plus dommageable que certains consommateurs estimaient que les produits Apple n'étaient pas
substituables aux produits des concurrents. Cette affectation est illustrée par la situation d'un des
distributeurs placé en liquidation judiciaire en raison des pratiques discriminatoires d'Apple.46
 La référence au marché pertinent

Le marché pertinent est une notion propre au droit de la concurrence. On l’appelle également « marché de
référence », « marché en cause » ou « relevant market » en anglais, sa délimitation est " un préalable

43
ADLC , décision , n 20-D-04 du 16 Mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de
produits de marque Apple .diponible sur : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision/relative-des-pratiques-mises-en-
oeuvre-dans-le-secteur-de-la-distribution-de-produits-de-0

44
C. Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V. Michel-Amsellem, J. Vialens ,op,cit, p :248.
45
Autorité de la concurrence , 9-8-2017 n 17- D -15 , aff « Yachting »
46
Marine Bonnier, Virginie Coursière-Pluntz ,Élisabeth Flaicher-Maneval ,Amaury Le Bourdon,Vincent Lorieul,Camille Peraudeau,
Nathalie Pétrignet,Denis Redo, concurrence consommation, 22, ed FRACIS LEFEBRE 2021 , p 826.
16
nécessaire à toute analyse concurrentielle. Elle permet de déterminer les entreprises qui sont en
concurrence, de qualifier une pratique anticoncurrentielle ou de pro concurrentielle, de reconnaître une
concentration économique et de mesurer ses effets sur le bon fonctionnement du marché.
Il s’agit d’une notion purement jurisprudentielle, dans la mesure où c’est cette dernière qui a eu le
privilège de la définir
. C’est les autorités de la concurrence qui en ont tracé les traits caractéristiques, en se fondant sur la
recherche de la substituabilité. Ainsi, le Conseil de la concurrence français (depuis 2008, est dénommé
autorité de la concurrence ADLC) et la Cour d’Appel de Paris font référence à la définition suivante du
marché : « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme" le lieu sur lequel
se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service considéré ».
Pour le droit de la concurrence, le marché et la concurrence sont deux notions intimement liées :
"l’appréciation d’une atteinte à la concurrence se réalise sur un marché déterminé dit marché pertinent". Le
marché est un domaine d’appréciation du caractère licite ou non de la pratique ou de la concentration. Il
est également l’unité de mesure de pouvoir de domination d’une entreprise. Le marché est donc un
instrument important d’analyse en droit de concurrence, "il a la particularité de s’adapter aux fins
poursuivies. Il n’est pas une référence stable qui s’imposerait aux autorités de la concurrence. Celles-ci en
tracent les contours selon différents critères’’.47
C’est ainsi qu'il est procédé pour toutes les pratiques anticoncurrentielles et, notamment pour l’abus de
position dominante, l’examen de faits prétendument constitutifs d’abus de dépendance économique
requiert la délimitation et l’analyse du marché .en matière de dépendance économique , la référence au
marché est nécessaire à trois niveau déférents :
- D’abord , il est nécessaire afin de mesurer la part du fournisseur des produits et services en cause
sur le marché ou celle du distributeur , il constitue un élément essentiel de mesure de la puissance
relative ;
- Ensuite, la référence au marché est également indispensable pour apprécier l’existence de
solutions équivalentes. Il s’agit de rechercher si le distributeur a la possibilité d’accès à des
produits substituables caractérisant le marché ;
- Enfin l’appréciation de l’effet potentiel de l’abus de dépendance économique sur le
fonctionnement ou la structure de la concurrence ne peut évidemment se faire que sur le marché
pertinent et en fonction des caractéristiques spécifiques.48

Par conséquent, l’autorité de la concurrence ou la juridiction sont conduites à prendre en considération le


marché du ou des produits concernés, et de définir en termes géographiques, ce qui constitue un obstacle
important sinon déterminant à la prohibition des discriminations que l’on souhaite faire cesser.
B. Les sanctions applicables
Comme toute pratique anticoncurrentielle, l’abus de dépendance économique peut donner lieu à des
sanctions civiles ou même pénales lorsqu’il est porté devant les juridictions et à des sanctions de nature
administrative.
 Les sanctions civiles

Aux termes de l’article 10 de la loi 104-12 l’abus de dépendance économique prohibée par l’article 7 est
nulle de plein droit.
Il s’agit d’une nullité absolue qui implique obligatoirement un retour intégral à la situation initiale.
47
Maissae BOUSAOUF, L’instrumentalisation du marché pertinent en droit marocain de la concentration ; article publié sur la
revue internationale des sciences de gestion, publié le 04/09/2021 , volume 4 numéro 2, consulté le 10/10/2023 disponible sur :
file:///C:/Users/HP/Downloads/595-Article%20Text-2149-1-10-20210509 pdf

48 C. Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V. Michel-Amsellem, J. Vialens, op ; cit, p 250.


17
Etant d’ordre public, cette nullité peut être soulevée par les parties et par les tiers comme elle peut être
relevée d’office le juge et ce à toutes les phases de la procédure.
L’article 10, al 2 , précise cependant que cette nullité « ne peut être opposées aux tiers par les parties ».
Cette précision implique une double conséquence :
1- renforcement du caractère sanctionnateur de la nullité puisque les auteurs de l’abus ne peuvent se
prévaloir à l’encontre des tiers de cette nullité pour se dérober de leurs engagements à leur l’égard. Aussi
les tierces victimes des conséquences dommageables de cette nullité peuvent-elles engager une action en
réparation conformément aux règles de droit commun.
2- renforcement de la sécurité juridique des affaires puisque les tiers peuvent opposer aux auteurs des
pratiques abusives sa nullité pour sauvegarder leurs droits .49
 Les sanctions pénales

En application de l'article 75 toute personne physique qui, frauduleusement ou en connaissance de cause,


aura pris une part personnelle dans la conception, l'organisation, la mise en œuvre ou le contrôle des
pratiques relevant de l'article 7, est punie d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende
de 10000 à 50 000 dirhams ou de l'une de ces peines seulement.
L’article 70 de la loi 06-99 dispose qu'en cas d'infraction au dispositions des articles 6 et 7, les personnes
morales peuvent être reconnues pénalement responsables lorsque les circonstances de l'espèce le justifient,
notamment la mauvaise foi des parties en cause ou la gravité de leurs infractions, et sans préjudice des
sanctions civiles susceptibles d'être appliquées par les tribunaux compétents .
La peine encourue est une amende dont le montant est pour une entreprise de 2% à 5% du chiffre d'affaire
hors taxes réalités au Maroc au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise,
l'amende est de 200 000 à 2 000 000 DH.
Si l'entreprise exploite des secteurs d'activités différents, la chiffre d'affaires à retenir est celui du ou des
secteurs ou été commise l'infraction.
Le montant d'amende doit être déterminé individuellement pour chaque entreprise ou organisme
sanctionné, en tenant compte de la gravité des faits reprochés et de l'importance du dommage causé à
l'économie, ainsi que la situation financière et de la dimension de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné
qu'il soit public ou privé . Cette amende est déterminée en fonction du rôle joué par chaque entreprise ou
organisme.
En cas de récidive, dans un délai de cinq ans, le montant maximal de l'amende peut être porté au double.50
 Les sanctions administratives

Elles peuvent se traduire par :


- Des mesures conservatoires comportant suspension de la pratique dénoncée ainsi qu'une injonction
aux parties de revenir à l'état antérieur.
- Des injonctions aux auteurs des pratiques anticoncurrentielles de mettre fin à ces pratiques dans un
délai déterminé ou imposer des conditions particulières . 51

Si les mesures conservatoires, les injonctions ou les engagements prévus aux articles 35, 36 et 37 ne sont
pas respectés, le conseil de la concurrence peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à
l’article 39.
Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage
causé à l'économie, à la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel
l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont

49 Nour-Eddine TOUJANI, op.cit, p 38


50
idem, p 40.
51
Article 35,36,37 de la loi 104-12
18
déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour
chaque sanction.52
Le conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou
d’un extrait de celle- ci selon les modalités qu'il précise. Il peut également ordonner l’insertion de la
décision ou de l’extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l’exercice par les gérants, le
conseil d’administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par le contrevenant.53

Les exemptions prévues par l’article 9 de la loi 104-12.

L’article 9 de la loi N°104-12 prévoit un régime d'exemption, lequel s'applique notamment au cas de
l'exploitation abusive de situation de dépendance économique.
Ainsi, ne sont pas soumises aux dispositions de l'article 7 les pratiques qui résultent de l'application d'un
texte législatif ou d'un texte réglementaire.
De même, ne sont pas soumises aux dispositions de cet article les pratiques dont les auteurs peuvent
justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une
partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la
concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
Par ailleurs, ces pratiques ne doivent pas imposer de restrictions de la concurrence autres que celles qui
sont strictement indispensables pour atteindre cet objectif.

52
Voir article 39.
53
Al 3 , art 39.
19
Conclusion

En guise de conclusion, l'analyse de la dépendance économique dans le cadre des pratiques


anticoncurrentielles est un élément crucial pour évaluer la position dominante d'une entreprise et
déterminer si des pratiques abusives ont été mises en œuvre à son encontre. La preuve de l'absence de
solution alternative peut être difficile à établir, mais elle est essentielle pour démontrer que l'entreprise en
dépendance n'a pas pu poursuivre normalement son activité en raison des pratiques anticoncurrentielles. Il
est également important de prendre en compte des critères tels que la notoriété des marques, les parts de
marché, la stratégie commerciale et la situation économique et financière de l'entreprise en dépendance. La
dépendance économique peut également être un indicateur de la position dominante du partenaire.
Lorsqu'une entreprise détient un quasi-monopole sur le marché amont et représente une part significative
des approvisionnements de l'acheteur, cela peut entraîner la disparition de l'acheteur et déstabiliser le
marché aval. Dans de tels cas, des pratiques discriminatoires peuvent également être mises en œuvre, ce
qui renforce la position dominante du fournisseur. En résumé, l'analyse de la dépendance économique est
essentielle pour évaluer les pratiques anticoncurrentielles et déterminer si une entreprise détient une
position dominante. Il est important de prendre en compte différents critères tels que la disponibilité de
solutions alternatives, la notoriété des marques, les parts de marché et la situation économique des
entreprises concernées. Cette analyse permet de garantir un environnement concurrentiel équitable et de
protéger les intérêts des consommateurs

20
Bibliographie

Ouvrages :

- Maissae BOUSAOUF , cinq leçons simplifiées en droit Marocain de la concurrence, 1ère


édition 2022.
- Berthold GOLDMAN , Louis VOGEL, concurrence , les grands articles, encyclopaedia
universalis , France, 2019.
- Daniel Maingy , Jean-Louis Respaud, Malo Depincé ,Droit de la concurrence , , edition
LexisNexis Litec.
- MAINGUY, Jean –Louis RESPAUD, Malo DEPINCE , droit de la concurrence , ed
LexisNexis , paris.
- Marie Anne Frison –Roche, Jean-Christophe Roda, droit de la concurrence, 2eme édition ,
DALLOZ.
- Marie MALAURIE-VIGNAL, le droit de la concurrence interne et européen, 7eme
édition, DALLOZ, 2017.
- Marine Bonnier, Virginie Coursière-Pluntz ,Élisabeth Flaicher-Maneval ,Amaury Le
Bourdon,Vincent Lorieul,Camille Peraudeau, Nathalie Pétrignet,Denis Redo, concurrence
consommation, 22, ed FRACIS LEFEBRE, 2021 .
- M.-C. Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V. Michel-Amsellem, J. Vialens,
L'application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles, librairie Générale de
droit ,et de jurisprudence, 2008.
- Noreddine TOUJANI , guide pratique du droit de la concurrence , guide 2, publication
soutenue par le projet PIC-CONSOMAR, 2006.

Lois

- le Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 du 30 juin 2014, portant promulgation de la loi n° 104-12
relative à la liberté des prix et de la concurrence .
- le code de commerce français.

Jurisprudence :
- Cass.com, 7 janv 2004, n 2-11 ; bull.civ IV, n 4 contrats,conc,consom.2004 , n39(rejet dans
un rapport entre associés).

- Cons.conc. 31 aout 2001, Demande de mesures conservatoires présentée par la société concurrence
concernant la société SONY, préc. Egalement, Com , 12 janv 1999 Bull.n 10 .
- Cons. conc., déc. n° 94-D-60, relative à des pratiques constatées dans le secteur des lessives,
préc. - Déc. n° 2000-D-73, relative à une saisine de la société nouvelle de mécanique et
d'outillage(SNMO)
- Décision n 01 –D-79,du 31 aout 2001, relative à une saisine et demande de mesures
conservatoires présentées par la société Concurrence concernant la société SONY.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision/relative-une-saisine-et-demande-de-mesures-
conservatoires-presentees-par-la-societe

21
- CA Paris, 1° ch. sect. H. 9 sept. 1997, sur recours c/ déc. n° 96-D-51, BOCCRE, n° 17197 -
CA Paris, 1° ch., sect. H. 27 anv. 1998, sur recours c/ déc. 96-D-80, BOCCRE, n° 2198. 309.
Cons. Conc г. 1987.

- ADLC, décision , n 20-D-04 du 16 Mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
de la distribution de produits de marque Apple .diponible sur :
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision/relative-des-pratiques-mises-en-oeuvre-dans-le-
secteur-de-la-distribution-de-produits-de-0.

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