Memoire Eugenie Amri
Memoire Eugenie Amri
Memoire Eugenie Amri
1
L'université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – Economie – Sciences Sociales, n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur auteur.
2
« La peur est la passion des esclaves »
Patrick Henry1
1
Patrick Henry, Discours à la Convention de Ratification de la Constitution, 7 juin 1788
3
SOMMAIRE
SOMMAIRE…………………………………………………………………………………...4
INTRODUCTION……………………………………………………………………………..6
CHAPITRE 1 : LES ENJEUX………………………………………………………………....9
Section 1- Les enjeux philosophiques : de l’éthique au droit………………………………9
§1/ Une notion ancienne……………………………………………………………………….9
§2/ La conception contemporaine…………………………………………………………….10
§3/ Les dérives de la précaution………………………………………………………………10
Section 2- Les enjeux économiques et sociaux : le marché clé de la téléphonie mobile ou
l’inévitable mise en place d’antennes relais de téléphonie mobile……………………….11
Section 3- Les enjeux juridiques……………………………………………………………14
§1/ La teneur du principe de précaution………………………………………………………14
§2/ Les conséquences du principe de précaution sur la responsabilité civile………………...15
5
INTRODUCTION
« Impossibilium nulla obligatio ». « A l‟impossible nul n‟est tenu ». Cette maxime reflète le
sentiment qui vient à l‟esprit quand on analyse de manière exhaustive le contentieux des
antennes relais de téléphonie mobile au regard du principe de précaution. Et pourtant, elle
semble ne pas s'appliquer aux opérateurs de téléphonie mobile. Ces derniers sont bel et bien
tenus à l‟impossible. En effet, s‟ils sont d'un coté obligés de mettre en place un réseau
d'antennes relais de téléphonie mobile, ils se voient de l‟autre condamner au démantèlement
de celles ci par les tribunaux.
Tout débute avec le principe de précaution. « On ne prend jamais suffisamment de
précautions », « deux précautions valent mieux qu‟une », « trop de précaution nuit », « dans le
doute abstiens-toi ». Autant de maximes qui font de la précaution une notion ancienne et
ancrée dans les mœurs. La fable de la cigale et la fourmi de Jean de la Fontaine évoquait déjà
un comportement de prévoyance et de prévision. On ne se laisse pas prendre au dépourvu.
Cette notion banalisée a repris de sa superbe dans le milieu des années quatre vingt dix,
devenant avec l‟affaire de la vache folle une expression populaire jusqu‟à être invoquée
aujourd‟hui dans les domaines les plus hétérogènes. Sa reconnaissance suprême tient à sa
prise en compte par le droit, le principe de précaution ayant été saisi par le droit.
Le principe apparait ainsi en droit international avec la déclaration de Rio de 1992. Au niveau
communautaire, le Traité de Maastricht, déjà, pose ce principe aujourd‟hui régi par l‟article
191 du Traité sur le Fonctionnement de l‟Union Européenne. Quant au droit interne, il a été
intégré en tant que principe général devant inspirer la législation relative à la préservation de
l‟environnement. La loi relative au renforcement de la protection de l‟environnement dite Loi
Barnier a ainsi incorporé le principe de précaution à l‟article L 200-1 du Code rural,
désormais codifié à l‟article L 110-1 du Code de l‟environnement. Il est par ailleurs contenu
dans l‟article 5 de la charte de l‟environnement de 2004, laquelle a été intégrée par le Conseil
Constitutionnel au bloc de constitutionnalité par plusieurs décisions2. Le Conseil a de plus
affirmé la valeur constitutionnelle des articles 5 et 7 de la charte, par une décision du 19 juin
2008. Le Conseil d‟Etat, enfin, a reconnu la valeur constitutionnelle de la charte, par une
décision du 3 octobre 2008 Commune d‟Annecy3.
2
Cons. Cons.24 mars 2005, 28 avril 2005 et 7 juillet 2005
3
CE 3 octobre 2008, Commune d‟Annecy, Lebon p.322
6
Aujourd‟hui au croisement des questions de santé publique et d‟environnement, le principe de
précaution né en matière d‟environnement s‟applique désormais à la protection de la santé
humaine. A cet égard, il trouve une particulière acuité et fait particulièrement débat dans un
contentieux particulier sur lequel se concentrera la présente étude : le contentieux des
antennes relais de téléphonie mobile.
La mise en place d‟un réseau d‟antennes relai, pour assurer les communications hertziennes
sur l‟ensemble du territoire national est une obligation (qualifiée même d‟ « obligation de
service public » par le Conseil d‟Etat4) qui incombe aux opérateurs de télécommunications et
qui se matérialise par une licence de l‟administration les autorisant à réaliser et exploiter un
réseau. La méconnaissance de cette obligation les expose à des sanctions pécuniaires qui
peuvent aller jusqu‟au retrait de la licence. De pus, les opérateurs doivent non seulement
déployer, mettre en place ce réseau mais également le maintenir en état, sous peine des
mêmes sanctions. Les opérateurs de télécommunications autorisés en France (France
Télécom-Orange, S.F.R, Bouygues Telecom et Free) ont donc réalisé un maillage du territoire
national par des dispositifs d‟antennes relai qui, assurant la transmission d‟ondes
radioélectriques, génèrent elles-mêmes un champ électromagnétique dont l‟intensité ne doit
pas dépasser une valeur d‟exposition fixée par un décret du 3 mai 2002 5. Concrètement, une
antenne relais est composée d‟une ou plusieurs antennes, qui sont obligatoirement installées
en hauteur sur un support, d‟équipements radio et de transmission, de matériel électrique. Il
existait en 2008 environ 50 000 antennes relais en France si bien que la quasi intégralité de la
population française se trouverait couverte. Les autorisations (ou déclarations selon
l‟importance de l‟installation) de construire requises portant les unes sur des propriétés
privées, les autres sur le domaine public, ont été contestées devant le juge administratif mais
aussi devant les juridictions civiles. Il s‟agira alors d‟étudier les deux contentieux.
Le principe de précaution est devenu un repère médiatique, convoqué dans le débat public dès
qu‟il est question de la gestion collective d‟un risque6. Il n‟est pas un mois sans qu‟il ne
4
CE 20 avril 2005, Société Bouygues Télécom, Lebon 1139, AJDA 2005. 1191.
5
Décret no 2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12o de l'article L. 32 du code des postes et
télécommunications et relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par
les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques
6
Assemblée Nationale, Comité d‟évaluation et de contrôle des politiques publiques, Rapport d‟étape sur
l‟évaluation et la mise en œuvre de l‟article 5 de la charte de l‟environnement, juin 2010.
7
s‟inscrive au cœur d‟une controverse dans laquelle, souvent fétichisé, il suscite soit les
louanges soit, de manière plus fréquente qu‟auparavant, les critiques. En cela il est devenu un
sujet de société, une problématique sociétale que l‟on ne peut ignorer. Le principe de
précaution, dans l‟hypothèse particulière des antennes relais, constitue une réponse du droit
aux incertitudes de la science : en cela il est intéressant. Mais les enjeux dépassent le droit et
la science et sont en réalité multiples : philosophiques, économiques et sociaux. C‟est bien là
le problème. Le contentieux qui fait rage depuis quelques années à propos des antennes relais
de téléphonie mobile est véritablement caractérisée par l‟incertitude et c‟est cette incertitude
qu‟il s‟agit ici de tenter de fixer.
Il s‟agira d‟étudier les enjeux de la reconnaissance d‟un tel principe de précaution en matière
d‟antennes relais de téléphonie mobile (chapitre 1) avant d‟étudier la responsabilité du fait des
antennes relais en droit positif, sur le fondement de ce principe (chapitre 2) pour enfin voir
quels sont les arguments permettant de mettre en échec ce principe de précaution et d‟éviter
une telle responsabilité (chapitre 3).
Ce mémoire ne se veut pas que recherche, analyse et discussion du droit positif. Dans une
conception plus dynamique, il tente de donner des arguments aux opérateurs de téléphonie
mobile mettant en échec le principe de précaution qui selon nous, dans l‟hypothèse très
particulière des antennes relais, est excessif et beaucoup trop lourd de conséquences. Si les
enjeux et le droit positif sont ici étudiés c‟est pour ensuite d‟autant mieux éviter une
responsabilité du fait des antennes relais ou s‟en exonérer.
8
CHAPITRE 1 Les enjeux d’une responsabilité du fait des antennes relais de téléphonie
mobile
Les enjeux de l‟admission d‟une responsabilité du fait des antennes relais, loin d‟être
seulement juridiques (section 3), sont aussi philosophiques (section 1) et économiques et
sociaux (section 2).
Avant d‟être une notion contemporaine (§2) aux dérives certaines (§ 3), la précaution est
d‟abord une notion ancienne (§ 1).
Le principe de précaution conduit à faire en sorte que sans une nouvelle prudence, le progrès
sera refusé. La logique de précaution devient ainsi une condition d‟acceptabilité sociale du
risque. C‟est le coût social de l‟innovation. Nous nous condamnons à vivre dans un univers
toujours plus marqué par le risque, par la virtualité du risque et à être esclave de nos propres
peurs. Notre société devient une société malade de la peur.
10
un risque qui demeure malgré tout hypothétique. Il conviendrait donc relativiser l‟importance
de ce principe liberticide, anxiogène, très lié à notre époque post moderne, qui s‟appuie sur le
mythe du risque zéro et nous fait finalement la « promesse macabre pour une société figée,
anémiée, et finalement décadente10 » entrainant paralysie et immobilisme. Tout l‟enjeu du
principe de précaution est de faire en sorte qu‟il soit principe d‟action et non d‟inaction.
10
F. Rome, « Haro sur le principe de précaution ! ». Recueil Dalloz, 2010, N°17.
11
Sources ARCEP, INSEE, et Sia Conseil
12
Résultats de l‟observatoire économique de la téléphonie mobile commandée auprès des cabinets d'études
IDATE Consulting & Research et Coe-Rexecode.
13
Source ARCEP mai 2010
14
Source ARCEP 2009
11
revenus, puisque ceux du mobile dépassent ceux du fixe depuis septembre 2003, grâce aux
SMS notamment15.
Les chiffres parlent d‟eux-mêmes. L‟enjeu économique du secteur de la téléphonie mobile est
conséquent. Les antennes relais de téléphonie mobile sont donc une réelle nécessité lorsque
l‟on constate un taux de pénétration du marché de 92%. Appliquer le principe de précaution
de façon excessive et démanteler les antennes de téléphonie mobile ne serait donc pas une
décision sans conséquences économiques. Il y a une réelle menace qui pèse sur la croissance
économique française du fait de l‟importance du secteur de la téléphonie mobile aujourd‟hui
en constante expansion. Au-delà des risques purement économiques, il y a un risque pour
l‟innovation : le principe de précaution risque d‟inhiber toute innovation.
En doctrine, certains ont bien pris la mesure de ces considérations économiques. Ainsi, si
Philippe Kourilsky et Geneviève Viney16 s‟accordent sur le fait qu‟il faut encourager chez
tous les décideurs le respect d‟une attitude de prudence, encore faut-il la maintenir dans un
cadre qui le rende praticable. Ainsi, ils proposent une définition souple du principe de
précaution, plus souple que les définitions de la charte de l‟environnement ou du code de
l‟environnement, qui tienne réellement compte des préoccupations économiques : « le
principe de précaution définit l‟attitude que doit observer toute personne qui prend une
décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu‟elle comporte un
danger grave pour la santé ou la sécurité des générations actuelles ou futures, ou pour
l‟environnement. Il s‟impose spécialement aux pouvoirs publics qui doivent faire prévaloir les
impératifs de santé et de sécurité sur la liberté des échanges entre particuliers et entre Etats. Il
commande de prendre toutes les dispositions permettant pour un cout économiquement et
socialement supportable, de détecter et d‟évaluer le risque, de le réduire à un niveau
acceptable et si possible de l‟éliminer, d‟en informer les personnes concernées et de recueillir
leurs suggestions sur les mesures envisagées pour le traiter. Ce dispositif de précaution doit
être proportionné à l‟ampleur du risque et peut être à tout moment révisé ». Les textes actuels
sur le principe de précaution prennent en compte les considérations économiques mais de
façon très limitée. Ainsi l‟article 5 de la charte de l‟environnement est silencieux quant aux
15
Source ARCEP janvier 2008
16
Rapport au Premier Ministre de G. Viney et P. Kourilsky « Le principe de précaution ». Doc. Fr, éd. Odile
Jacob 2000
12
contraintes économiques tandis l‟article L 110-1 du Code de l‟environnement se contente de
parler de « coût économiquement acceptable ».
Le paradoxe veut pourtant que les Français soient toujours plus nombreux à utiliser un
téléphone mobile et que le nombre moyen de minutes consommées par abonné ne cesse
d‟augmenter. D‟un point de vue sociologique, le téléphone portable est devenu un véritable
phénomène de société. Certains élus, notamment en zone rurale, n‟hésitent plus à considérer
comme un service public ou du moins d‟intérêt général. Certes, les éventuels risques
sanitaires liés aux ondes émises font de façon incessante l‟objet de rapports,
recommandations, arrêtés, chartes et autres décisions administratives et jurisprudentielles.
Certes, de plus en plus d‟associations s‟opposent à installation d‟une nouvelle antenne quand
elles ne requièrent pas le démontage des antennes existantes. Cependant, avec l‟apparition des
services de téléphonie de 3ème génération – bientôt de la quatrième génération qui se
développe déjà- le nombre d‟antennes relais déployées sur le territoire français va s‟accroitre.
Plus que jamais l‟intérêt économique sera au centre des débats compte tenu du cout des
licences pour les opérateurs qu‟ils supportent dans un contexte économique difficile. Et
certains praticiens de conclure qu‟ « aussi longtemps que l‟état des recherches ne fera pas
apparaitre un risque pour la santé des populations, il semble dorénavant acquis que les
autorités publiques ne prendront pas de mesures coercitives à l‟encontre des opérateurs de
téléphonie mobile17 ».
Enfin, ne nous leurrons pas. Tous ces équipements sont nécessaires à la vie moderne. On peut
alors douter du caractère du préjudice d‟angoisse invoqué, du risque sanitaire, qui ne
l‟oublions pas n‟est que potentiel, incertain et non avéré, ce d‟autant que les plaignants sont
aussi, bien souvent, bénéficiaires de ces équipements, étant utilisateurs de téléphone portable.
Nul n‟ignore que la téléphonie mobile est désormais un outil quotidien et indispensable. Si les
études sur les téléphones portables certifient que ceux-ci sont bien porteurs de risques, celles
sur les antennes relais quant à elles ne relèvent pas de risque avéré. L‟hypothèse n‟est pas la
même. Il s‟agit de ne pas tout confondre. Une antenne relai n‟est pas un téléphone portable.
De plus, la nocivité des antennes est sans commune mesure avec l‟utilisation des téléphones
17
V. KOSTRZEWSKI PUGNAT, Téléphonie mobile, environnement et santé : bilan d‟une coexistence sous le
contrôle du juge, Etude, La semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales N°23, 2 juin 2003,
1527, p.729.
13
portables. Un téléphone portable émet environ 15 volts par mètre en moyenne tandis qu‟une
antenne entre 0,05 et 20 volts par mètre en fonction de sa proximité, de son orientation et de
l‟heure de la journée. « L‟énergie radioélectrique reçue des stations de base mêmes proches
est considérablement plus faible que celle absorbée lors de l‟utilisation d‟un mobile du fait
dans ce dernier cas de la proximité du téléphone vis-à-vis de la tête de l‟utilisateur18 ». Le
bilan des coûts et des avantages semble conduire à ne pas considérer le risque potentiel qui
entoure les antennes relais.
Le principe de précaution est lourd d‟enjeux quant à la responsabilité civile (§2). C‟est
pourquoi il convient d‟en cerner la teneur (§1).
18
Arguments de l‟appelant dans CA Versailles, 14ème ch., 4 février 2009 n° 08/08775
14
fait que le risque doit être le plus probable possible et de nature à entrainer des dangers graves
et irréversibles pour être pris en compte. La conception du principe de précaution la plus
répandue aujourd‟hui est une conception intermédiaire selon laquelle le risque devrait être
suffisamment crédible et admis par une partie significative de l‟opinion scientifique au
moment de la prise de décision. La jurisprudence démontre que ce n‟est pas toujours le cas et
que l‟on s‟oriente parfois vers une conception radicale et plus sévère.
A titre liminaire, il convient de noter que le modèle du principe de précaution est anticipatif. Il
comble les limites des modèles curatifs basé sur la réparation du dommage et préventif basé
sur un risque avéré et probabilisable. A cet égard, la précaution doit donc être distinguée de la
prévention.
Il convient d‟analyser le principe et la responsabilité pour faute et sans faute avant de voir que
la reconnaissance d‟un principe de précaution autonome serait lourde de conséquences sur la
responsabilité civile.
15
matière de précaution, le dommage n‟est pas certain. Il s‟agit seulement d‟un risque de
dommage.
16
La responsabilité civile a certes développé une fonction de prévention mais elle n‟offre pas de
garanties suffisantes lorsqu‟il s‟agit de traiter de risques incertains. « La distinction entre le
risque potentiel et le risque avéré fonde la distinction parallèle entre précaution et
prévention19 ».
La précaution vient ainsi combler un vide lorsque les règles classiques de la responsabilité
civile ou administrative et la prévention atteignent leurs limites. Il semble ainsi pouvoir
constituer un principe politique fort d‟autant plus qu‟il se veut principe d‟action et non
d‟abstention, accompagnant les développements économiques mais aussi scientifiques.
Instrument utile de gestion des risques, il serait également de nature à renforcer de nombreux
dispositifs existants comme le principe de proportionnalité, le droit à l‟information ou
l‟obligation de prudence. Les juges parlent d‟ailleurs à propos du principe de précaution d‟un
« devoir de prudence20 ».
Pour appréhender la responsabilité du fait des antennes relais sur le fondement du principe de
précaution, il convient d‟analyser d‟abord les textes, qui se révèlent incertains (section 1)
avant d‟étudier la jurisprudence, chaotique (section 2).
Il est utile d‟envisager d‟une part les textes généraux sur le principe de précaution (§1) et
d‟autre part les textes propres aux antennes relais de téléphonie mobile (§2).
19
P. KOURILSKY et G. VINEY, Rapport au Premier Ministre de G. Viney et P. Kourilsky « Le principe de
précaution ». Doc. Fr, éd. Odile Jacob 2000
20
TGI Créteil, 11 aout 2009, n° 09/658, ord.réf., Puybaret c / SA Orange France.
21
Michelle Gobert, conclusion d‟un colloque sur la dignité
22
Michelle Gobert, conclusion d‟un colloque sur la dignité
17
§1/ Les textes généraux sur le principe de précaution
La définition constitutionnelle.-
L‟article 5 de la Charte de l‟environnement dispose que « lorsque la réalisation d‟un
dommage, bien qu‟incertaine en l‟état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de
manière grave et irréversible l‟environnement, les autorités publiques veillent, par application
du principe de précaution et dans leurs domaines d‟attribution, à la mise en œuvre de
procédures d‟évaluation des risques et à l‟adoption de mesures provisoires et proportionnées
afin de parer à la réalisation des dommages ».
Quatre conditions ressortent de cette définition : il faut un dommage incertain en l‟état des
connaissances scientifiques, qui affecte de manière grave et irréversible l‟environnement, qui
impose aux seules autorités publiques, d‟adopter des mesures provisoires et proportionnées.
Une condition a posé des difficultés : l‟obligation, nous dit le texte, pèse sur les seules
autorités publiques chargées de délivrer les autorisations requises. Le principe de précaution
ne semble donc s‟adresser qu‟aux personnes publiques mais il s‟adresse en réalité,
indirectement, aux personnes privées. L‟application de principe par les personnes privées est
évidemment subordonnée à l‟intervention préalable des autorités publiques. Il contraint les
décideurs publics à veiller à leurs propres activités. Par le biais de l‟adoption de dispositions
législatives et réglementaires, les autorités publiques imposent aux personnes privées les
mêmes précautions et s‟assurent qu‟elles les observent effectivement. En d‟autres termes, les
décideurs publics répercutent les obligations liées à la précaution sur les personnes privées et
c‟est dans cette mesure seulement que le principe s‟applique à ces dernières. Les personnes
privées sont celles dont les activités génèrent un risque pour autrui. Ainsi, le principe
s‟applique aux industriels et donc aux opérateurs de téléphonie mobile.
Il convient de souligner que dans la charte de l‟environnement, l‟article 5 est le seul à être
d‟application directe puisque pour tous les autres articles, il est précisé que ces dispositions
s‟appliquent dans les conditions et limites prévues par la loi. Le principe de précaution est
donc ici appréhendé comme un véritable principe autonome.
Quand on confronte les deux textes, des éléments communs apparaissent en dépit de ces
divergences de portée et on peut relever quatre conditions du dommage : il doit s‟agir d‟un
risque de dommage à l‟environnement, une incertitude scientifique pèse sur sa réalisation, le
dommage encouru doit être grave et avoir un caractère irréversible. Les deux définitions
parlent de dommage affectant l‟environnement. La pratique et la doctrine se sont alors
demandées si le principe était limité à l‟environnement ou pouvait aller au-delà.
L‟environnement est le domaine réservé du principe de précaution, son champ d‟application y
est a priori limité mais son extension a été admise au domaine de la santé et de la sécurité
alimentaire. Il trouve ainsi à s‟appliquer dans le cadre des antennes relais de la téléphonie
mobile. Il s‟est produit un glissement qui fait de ce principe un principe pouvant être mis en
œuvre dans d‟autres domaines que l‟environnement. Autre point important, il s‟agit de faire
du principe de précaution, dans les deux définitions, un principe procédural obligeant les
auteurs de la décision à mettre en œuvre des procédures d‟évaluation.
En dépit de ces éléments communs, ces définitions soulèvent des difficultés et font du
principe de précaution une norme juridique incertaine. Le juge doit en effet mettre en œuvre
le principe de précaution au regard de la définition constitutionnelle et de celle du Code de
l‟environnement. Or, ces textes ne sont pas identiques. De plus, leur portée normative n‟est
pas la même, l‟un étant un principe autonome, l‟autre seulement un principe directeur.
19
« Une fois écrit, le texte échappe au législateur et tombe entre les mains du juge23» Il
conviendra de voir dans quelle mesure l‟incertitude qui nait des textes se retrouve ou non dans
la jurisprudence.
Après avoir étudié les textes relatifs au principe de précaution, il convient de se pencher sur
les textes propres aux antennes relais qui devront se concilier avec le principe de précaution.
Le texte majeur en la matière est le décret du 3 mai 2002 mais il faut également tenir compte
des règles d‟urbanisme et du code des postes et des télécommunications.
Le décret du 3 mai 2002- Les dispositions ne concernent pas directement les communes ou
les maires mais visent surtout à imposer des obligations aux opérateurs de téléphonie
mobile24. Ce décret fixe les valeurs limites que ne doivent pas dépasser les niveaux
d‟exposition du public aux champs électromagnétiques25. Il précise les règles de calcul en
tenant compte de l‟ensemble des équipements actifs dans un lieu donné : il ne suffit pas que
chaque équipement respecte les niveaux d‟émission fixés. Il faut prendre en compte
l‟environnement électromagnétique dans lequel s‟insère l‟équipement26. Le respect de ces
valeurs limites est présumé dès lors que les niveaux d‟exposition émis par les équipements
sont inférieurs aux niveaux de référence27. Pour justifier du respect de ces dispositions, les
exploitants doivent établir un dossier attestant qu‟ils ont pris toutes les mesures de manière à
limiter l‟exposition du public émis par leur équipement28. A noter que l‟article 5 alinéa 2 du
décret prévoit une disposition spéciale pour les installations situées dans un rayon de 1000
mètres des établissements scolaires crèches ou établissements de soins. Dans ces hypothèses,
le dossier mentionné devra préciser les actions engagées pour assurer une exposition du public
au champ électromagnétique « aussi faible que possible en préservant la qualité du service
rendu». Mais il ne s‟agit pas d‟un principe d‟interdiction en ces lieux là.
23
Y.Jegouzo, « le principe de précaution et les juges », in : Office parlementaire d‟évaluation des choix
scientifiques et technologiques, Le principe de précaution : bilan de son application quatre ans après sa
constitutionnalisation, octobre 2009.
24
Article 1 du décret du 3 mai 2002
25
Article 2 du décret du 3 mai 2002
26
Article 3 du décret du 3 mai 2002
27
Article 4 du décret du 3 mai 2002
28
Article 5 du décret du 3 mai 2002
20
Afin de mettre un terme à la multiplication des mesures unilatérales édictées par les maires et
de favoriser la concertation dans l‟intérêt mutuel des administrés et des opérateurs, de
nombreuses villes ont négocié des chartes de bonne conduite. Ces chartes visent à encadrer
l‟implantation des antennes sur le territoire. La charte conclue entre la mairie de Paris et les
trois opérateurs le 20 mars 2003 servira sans doute de référence au niveau national.
L‟innovation majeure réside dans la définition du niveau maximal d‟exposition aux ondes.
Les opérateurs s‟engagent à des seuils d‟exposition très en deçà des seuils réglementaires
français.
Les règles issues du droit de l’urbanisme- Les maires, sans qu‟il s‟agisse d‟une obligation
spéciale, peuvent exercer un contrôle sur l‟installation de ces antennes lorsqu‟elles nécessitent
des autorisations d‟urbanisme. Ce sont les articles L421-1, R421-1 et R422-2 du Code de
l‟urbanisme qui fixent les règles en matière d‟autorisation d‟urbanisme pour l‟installation des
équipements de téléphonie mobile.
Sont soumis à déclaration de travaux mais non à permis de construire les ouvrages techniques
dont la surface hors œuvre brute ne dépasse pas 100m2, les poteaux et pylônes de plus de 12
mètres et les antennes dont la dimension excède 4 mètres. Ces travaux demeurent soumis au
permis de construire dès lors qu‟ils sont envisagés sur un immeuble inscrit à l‟inventaire
supplémentaire des monuments historiques. Les installations d‟antennes n‟étant pas réalisées
pour le compte de l‟Etat, de la région, du département ou de leurs établissements publics, la
compétence relative à ces déclarations de travaux ou de permis relève dans les communes où
le plan local d‟urbanisme a été approuvé du maire au nom de la commune et dans les autres
communes du maire au nom de l‟Etat. Les modalités de publicité de cette déclaration sont les
mêmes pour les déclarations et permis de sorte que les intéressés peuvent le cas échéant faire
valoir leurs droits.
Les dispositions du Code des postes et des télécommunications.- Elles s‟imposent aux
opérateurs de téléphonie mobile. Tout d‟abord, l‟utilisation des fréquences est soumise à
21
autorisation29. De plus, les opérateurs ont une obligation de couverture30. Enfin, est créé une
agence nationale des fréquences31.
Le juge judiciaire sera compétent au fond dès lors qu‟il s‟agit d‟un travail privé portant
atteinte à la jouissance par un justiciable d‟une propriété privée et constituant un trouble
anormal de voisinage. En référé, le justiciable pourra soutenir que le projet d‟installation
constitue un dommage imminent ou que les travaux sont à l‟origine d‟un trouble
manifestement illicite sur le fondement de l‟article 809 du Code de procédure civile.
A/Au fond
Devant le juge civil, un contentieux fondé sur le trouble anormal de voisinage occasionné par
l‟existence des antennes relais s‟est développé ces dernières années. Jurisprudentielle,
autonome, autonome, indépendante des articles 1382 et 1384 alinéa 1er du Code civil, la
théorie du trouble anormal de voisinage permet à la victime de solliciter une réparation alors
même que l‟exploitant de l‟installation de téléphonie mobile litigieuse n‟a commis aucune
29
Article L41-1 du Code des Postes et Télécommunications
30
Article L42-1 du Code des Postes et Télécommunications
31
Article L43 du Code des Postes et Télécommunications
22
faute. Selon le Vocabulaire Juridique32 « constitue un trouble de voisinage le dommage causé
à un voisin qui, lorsqu‟il excède les inconvénients ordinaires du voisinage, est jugé anormal et
oblige l‟auteur du trouble à dédommager la victime, quand bien même ce trouble serait
inhérent à une activité licite et qu‟aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le
cause ». Cette théorie trouve à s‟appliquer lorsque plusieurs conditions sont réunies : le
trouble est réel, avéré, il présente un caractère de gravité qui excède inconvénients normaux
du voisinage. L‟appréciation du trouble se fait in concreto.
Cette théorie fait l‟objet d‟une application assez inégale en jurisprudence. On peut distinguer
les décisions selon cinq approches : tout d‟abord, les premières refusent le trouble anormal
mais manquent de rigueur quant aux conditions du trouble anormal. Ensuite, les deuxièmes
refusent là encore de reconnaitre un trouble mais sont plus convaincantes en ce qu‟elles
refusent d‟assimiler le risque incertain au trouble. De plus, certaines acceptent le trouble
anormal en adoptant une interprétation souple de la théorie du trouble anormal. Un dernier
type de décision est apparu avec l‟arrêt de la Cour d‟appel de Versailles de 2009 33 : un pas
supplémentaire est franchi. Reste, au regard de la jurisprudence récente, à voir si ce n‟est pas
la fin de l‟âge d‟or du principe de précaution.
Certains juges adoptent une position stricte : ils rejettent les demandes de personnes vivant à
proximité des antennes au regard de l‟absence de preuve d‟un trouble anormal de voisinage.
Ils déduisent du respect du décret du 3 mai 2002 l‟absence de trouble anormal de voisinage.
Ainsi en est-il de la Cour d‟Appel d‟Aix en Provence34 qui a réformé le jugement de première
instance35 qui avait décidé qu‟il « il ne peut être imposé à un voisin contre son gré
l‟exposition à un risque même hypothétique avec la seule alternative de devoir déménager s‟il
se refuse à assumer ce risque ». La Cour a adopté cette position du fait de « l‟absence de
risque sanitaire établi » par le dépassement des seuils établis. De même, le tribunal de grande
32
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant
33
CA Versailles, 14ème ch., 4 février 2009, n°08/08775
34
CA Aix en provence 15 sept 2008 SA Bouygues Téléocm c /M et Mme Gautier
35
TGI Toulon 20 mars 2006 M et Mme Gautier c/Société Bouygues Télécom
23
instance de Lyon36 a rejeté la demande après avoir constaté que certes l‟antenne était située à
moins de 100 mètres d‟une école mais que les normes fixées par le décret de 2002 applicable
aux antennes relais avaient été respectées. Le tribunal de grande instance de Grenoble 37 est
venu confirmer le raisonnement de la juridiction lyonnaise.
Ces décisions sont autant d‟exemples démontrant que le juge judiciaire peut refuser le trouble
anormal de voisinage et le principe de précaution. Cependant, ces décisions constituent des
arguments fragiles en cas de contentieux. En effet, les conditions du trouble anormal de
voisinage ne sont pas respectées puisqu‟un tel trouble est classiquement indépendant du
respect de la réglementation en vigueur. Or, précisément, dans ces décisions, le juge lie
l‟absence de trouble anormal au respect du décret de 2002. Dès lors, ces décisions souffrent
d‟infirmité dans la mesure où les conditions du trouble anormal ne sont pas appliquées dans
toute leur rigueur. Le juge assimilant le caractère anormal du trouble au non respect du décret
de 2002 se méprend sur les critères du trouble anormal. Ainsi donc, si ces décisions peuvent
être utiles en cas de contentieux pour les opérateurs, il convient de garder à l‟esprit leur
fragilité.
Ces décisions nous enseignent enfin, quant au principe de précaution, qu‟il n‟a pas à
s‟appliquer dès lors qu‟il y a une incertitude sur l‟innocuité du produit.
Décisions refusant le trouble anormal et le principe de précaution mais qui ont une plus
grande autorité en ce qu’elles respectent les conditions de la théorie et refusent
d’assimiler le risque incertain au trouble.-
36
TGI Lyon 15 sept 2009 n°09/7835, ch.urg., Besson c/ SA Bouygues Telecom.
37
TGI Grenoble,19 fév 2009, n° 07/00312, JurisData N°010729
38
TGI Bourgoin Jallieu 30 juin2009, n° 07/204, Amatucci c / SA Bouygues Telecom.
39
TGI Avignon 16 juin 2009, n° 07/02026, ch.1 sect. 3, Boualouan c/ SA Bouygues Telecom.
24
à sa consistance juridique » et conduirait à « rejeter la mise en œuvre de toute avancée
technologique dès lors qu‟elle ne sera pas précédée de la démonstration de son innocuité ».
Ces décisions qui refusent le trouble anormal en présence d‟un risque incertain sont des
arguments forts dans la mesure où les conditions de la théorie du trouble anormal de voisinage
sont respectées. Quant au principe de précaution, il ressort de ces décisions que le principe de
précaution ne peut avoir pour effet de soumettre une personne privée à des normes plus
élevées que les normes en vigueur
En bref, ces deux premiers types de décisions sont favorables aux opérateurs en ce qu‟elles
refusent le trouble anormal et le principe de précaution. On remarquera que ces décisions
écartent de façon explicite ce principe, ce qui donne d‟autant plus d‟autorité et de force au
refus de ce principe.
Décisions qui acceptent le trouble anormal mais fragiles en ce qu’elles adoptent une
interprétation souple de la théorie du trouble anormal : le début de la jurisprudence
polémique.-
Certains ont adopté une interprétation souple de la théorie des troubles anormaux et acceptent
de l‟appliquer au cas des antennes relais considérant que les risques incertains peuvent
constituer des troubles anormaux. Ainsi la Cour d‟appel d‟Aix en Provence40 a pu considérer
que même incertain, le risque doit être considéré comme un trouble anormal en ce qu‟il est
impossible de démontrer l‟innocuité des antennes. Cette décision est assez fragile en cas de
contentieux car elle ne respecte pas les conditions classiques de la théorie du trouble anormal
de voisinage. Le trouble doit être certain dans la théorie classique, ce qui n‟est pas le cas en
l‟espèce. Le juge transforme ici la théorie, opérant un déplacement du trouble en amont vers
le risque et son incertitude qui doivent être pris en compte. Il s‟agit ici d‟un argument fragile
car le risque incertain est assimilé au trouble. De plus, on remarquera que cette décision de la
Cour d‟appel date de 2004. En 2008, celle-ci a rendu une décision rejetant le trouble anormal
et le principe de précaution en l‟absence de risque sanitaire établi. Il semble donc que cette
jurisprudence soit à manier avec précaution. Cette jurisprudence étant a priori défavorable aux
opérateurs, du fait de son incertitude, elle leur devient favorable et peut être utile à relever en
40
TGI Grasse 17 juin 2003, Commune de la Roquette-sur-Siagne c/ Société SFR, Juris Data n°2003-221749
confirmé par CA Aix en Provence, 8 juin 2004, Société SFR c/ Commune de la Roquette sur Siagne, D.2004.
2678
25
cas de contentieux en démontrant que lorsque le juge accepte la théorie du trouble anormal, il
l‟interprète de façon trop souple et ne respecte donc pas le droit.
La jurisprudence est allée encore plus loin en ce qu‟elle a considéré que le risque en matière
d‟antennes relais est non plus incertain, hypothétique mais bien certain. C‟est le fameux arrêt
du Tribunal de grande instance de Nanterre41 qui inaugure le début d‟une jurisprudence
polémique qui va trouver sa consécration avec l‟arrêt de la Cour d‟Appel de Versailles. Les
faits sont habituels. La société Bouygues Télécom implante une antenne relais sur le territoire
d‟une commune du département du Rhône. Plusieurs personnes à proximité de la dite antenne
ont saisi le TGI aux fins de voir condamner sous astreinte la société à enlever les installations
litigieuses et à leur payer diverses sommes. Les demandeurs se fondaient principalement sur
la théorie du trouble anormal de voisinage du fait que la présence d‟une antenne relais
constituait un trouble dommageable du à une exposition à un risque de dommage sanitaire. Le
jugement ne manque pas de surprendre. L‟argumentation tient en 5 paragraphes. Le juge
relève d‟abord que la discussion scientifique reste ouverte et permet à chacun de nourrir son
point de vue. Ensuite, si les troubles de santé constatés chez certains, soupçonnés chez
d‟autres constituent un préjudice dont le lien avec la proximité des antennes reste à démontrer,
le risque de troubles, à distinguer des troubles est lui certain. De plus, la société ne démontre
ni l‟absence de risques ni le respect d‟un quelconque principe de précaution. Et d‟affirmer
qu‟exposer son voisin contre son gré à un risque certain et non pas hypothétique constitue un
trouble anormal de voisinage, pour dans un dernier paragraphe rappeler que la concrétisation
de ce risque par des troubles de santé avérés constituerait un trouble distinct.
La solution fait droit à la requête des personnes indiquant résider à moins de 100 mètres d‟un
pylône supportant l‟antenne relai litigieuse, condamne l‟opérateur à l‟enlèvement sous
astreinte de l‟installation mais également au versement d‟une indemnité au titre de la crainte
vécue par les demandeurs.
Des enseignements peuvent être tirés de la lecture des motifs et sont autant de pistes utiles en
cas de contentieux. Ainsi, on peut déduire du deuxième paragraphe du jugement que pour
éviter une condamnation l‟opérateur doit insister sur le fait que le lien de causalité n‟est pas
démontré. Sur le troisième paragraphe, une lecture a contrario nous amène à penser que
41
TGI Nanterre, 8ème ch. , 18 sept 2008, n°07/02173
26
l‟opérateur doit de lui-même démontrer l‟absence de risque des antennes relais et le respect du
principe de précaution et qu‟ainsi il évitera toute condamnation. Cela est contestable quant au
droit de la preuve : il y a ici un renversement de la charge de la preuve puisqu‟il appartient au
défendeur de faire la preuve négative de ce que son installation technique n‟est pas
dangereuse. Deux arguments peuvent donc être mis en avant : cette solution est d‟abord
contestable en ce qu‟elle permet un renversement de la charge de la preuve. Cette décision ne
devrait pouvoir faire jurisprudence. Quand bien même le juge entendrait l‟appliquer au mépris
du respect des règles de la preuve du Code civil, les opérateurs pourraient opposer par une
lecture a contrario des motifs qu‟ils ont respecté le principe de précaution et ont démontré
l‟absence de risques, ne pouvant donc être condamnés.
Des incohérences ont été soulevées en doctrine à propos de cet arrêt. Ainsi l‟expression
« risque certain » pose problème42. Le Vocabulaire juridique43 définit le risque comme un
évènement dommageable dont la survenance est incertaine quant à sa réalisation ou à la date
de sa réalisation. Parler de risque certain est donc une contradictio in adjecto.
On en arrive enfin au fameux arrêt de la Cour d‟appel de Versailles, l‟arrêt emblématique sur
le principe de précaution qui paradoxalement, contrairement à que la doxa s‟imagine, ne le
consacre pas. Cette décision n‟a pas manqué de cristalliser les opinions : « pollution
scientifique et culturelle mais aussi juridique45 », « machine à faire explorer le droit », « la
mécanique diabolique46 » a-t-on lu à propos du principe de précaution. Le quotidien Le
Figaro a même titré « antennes relais : la triste victoire des « marchands de peur » ». La Cour
confirme l‟arrêt du tribunal de grande instance de Nanterre mais réduit l‟indemnité due aux
demandeurs. Elle rappelle d‟abord que le respect des normes, la licéité de l‟activité et son
utilité pour la collectivité ne suffisent pas à eux seuls à écarter un trouble sur le fondement de
la théorie des troubles anormaux. Elle affirme ensuite étrangement que l‟antenne relais en
cause émet dans les limites fixées en France mais au-delà de ce qui est permis dans d‟autres
pays européens. Vient enfin le considérant majeur : « Si la réalisation du risque reste
42
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°20
43
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant
44
CA Versailles, 14ème ch, 4 février 2009 n°08/08775
45
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°20
46
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°20
27
hypothétique, l‟incertitude sur l‟innocuité d‟une exposition aux ondes émises par les antennes
relais (…) peut être qualifiée de sérieuse et raisonnable de telles sortes qu‟il y a une crainte
légitime constitutive d‟un trouble de caractère anormal ». « La cessation du préjudice moral
résultant de l‟angoisse créée et subie du fait de l‟installation sur la propriété voisine de cette
annexe relai impose d‟ordonner son démantèlement ». La société Bouygues Télécom a donc
causé un trouble anormal de voisinage et conséquemment elle a ordonné l‟enlèvement des
installations litigieuses.
L‟analyse de la portée d‟un arrêt si emblématique est ici particulièrement importante.
L‟arrêt, se fondant là encore sur la théorie des troubles anormaux de voisinage, se situe dans
le mouvement d‟extension de la théorie. Un degré est franchi ici : c‟est le risque d‟un risque
qui est pris en compte et non le risque d‟un dommage certain. Alors que le trouble ou le
préjudice doit toujours être certain, en l‟espèce il résulte d‟un risque non prouvé,
hypothétique. De plus, alors que la théorie exige une manifestation de ses effets et que son
caractère anormal réside dans son intensité et autres paramètres de lieu et circonstances, en
l‟espèce, la simple crainte légitime touchant à la santé est constitutive de trouble anormal. La
Cour exprime une nuance par rapport à ce qu‟avait jugé le tribunal de grande instance de
Nanterre, qui s‟était quant à lui fondé exclusivement sur le risque et non sur la crainte légitime
de celui-ci. Est abandonné le critère de l‟exposition à un risque certain sur la santé retenue en
première instance pour y préférer la crainte légitime touchant à la santé
La Cour se fonde explicitement sur la théorie des troubles anormaux de voisinage. Bien loin
de consacrer formellement le principe de précaution, même s‟il est au cœur des débats, elle ne
s‟y réfère qu‟incidemment pour rappeler différentes études scientifiques. Dans ses
considérants essentiels, l‟arrêt ne se réfère absolument pas au principe de précaution de
manière explicite. Cet arrêt emblématique serait-il alors réellement un arrêt de principe? On
peut douter de sa portée quant au fondement particulier du principe de précaution. Cependant,
grâce à ce principe que la Cour conçoit de manière extensive, elle peut concevoir le trouble de
voisinage de manière extensive. Le principe n‟est donc pas la fin mais un moyen au service de
la théorie du trouble anormal du voisinage. Le principe n‟est donc pas reconnu en lui même
mais au travers d‟une théorie qu‟il sert. La Cour ne fait que se servir du principe de précaution
pour assouplir les conditions de la théorie du trouble anormal de voisinage.
Il convient de noter que ces décisions qui acceptent le trouble anormal de voisinage et sont
donc défavorables aux opérateurs ne se réfèrent pas explicitement au principe de précaution
28
alors que les décisions qui refusaient le trouble écartaient explicitement ce principe. L‟heure
n‟est donc pas à la consécration jurisprudentielle du principe de précaution.
La Cour d‟appel de Chambéry, plus récemment, le 4 février 2010, un an tout juste après la
Cour d‟appel de Versailles, par un arrêt for bien ciselé rejette une demande de démantèlement
d‟une antenne relai. Après avoir rappelé que la réglementation fixant les seuils d‟émission des
antennes relais se fonde sur le principe de précaution et qu‟aucun consensus n‟est apparu
depuis quant au risque que génèreraient les antennes relais, la Cour retient que « le juge
judiciaire n‟a en conséquence aucune légitimité pour remettre en cause une réglementation
qui a été arrêtée en fonction des données actuelles de la science et qui a fixé des seuils qui
intègrent le principe de précaution ». Et la doctrine de se jeter dans la brèche ouverte :
« L‟arrêt rendu par la Cour d‟Appel de Versailles le 4 février 2009 ne fait donc pas
jurisprudence. Cela nous semble heureux48 ». « L'arrêt Lagouge rendu à Versailles, début
2009, demeure pour l'instant isolé49 ».
47
TGI Bourgoin Jallieu 30 juin2009, n° 07/204, Amatucci c / SA Bouygues Telecom.
48
Cyril Bloch, La semaine juridique, édition générale n°41, 11 octobre 2010, 1015 responsabilité civile.
49
Philippe Stoffel Munck, La semaine juridique, 11 avril 2011.
29
Un jugement remarqué du Tribunal de grande instance de Nevers50 a tout de même tenté de
tirer conséquence du principe de précaution, mais c‟est pour être aussitôt désavoué par une
impressionnante série d‟arrêts. Ce jugement a tout d‟abord été infirmé en appel51. De plus, pas
moins de cinq autres cours d'appel ont parallèlement rejeté les actions fondées sur l'incertitude
quant à l'innocuité des ondes émises par les antennes, aussi bien sur le fondement du principe
de précaution que sur celui des troubles anormaux de voisinage. Ainsi en est-il de la Cour
d‟appel de Bastia52 qui juge que « l'exigence de proportionnalité [inhérente au principe de
précaution] s'oppose, au regard de l'incertitude actuelle de ce risque et de l'intérêt corrélatif du
public qui s'attache à la couverture de l'ensemble du territoire national par le réseau de
téléphonie mobile », à une mesure conduisant au démantèlement de l'antenne. La Cour ajoute
que « pour les mêmes raisons (…), il n'y a pas lieu de considérer que l'installation de
nouvelles antennes-relais est constitutive d'un trouble de voisinage ». La Cour d‟appel de
Lyon53 s‟est elle aussi ralliée à cette position.
B/ En référé
La plupart des décisions en référé s’opposent à la recevabilité des actions relatives aux
antennes relais en ce qu‟elles ne permettent pas de démontrer la présence des conditions de
l‟article 809 du Code de procédure civile : il faut l‟existence d‟un dommage imminent ou un
trouble manifestement illicite. Ainsi, le tribunal de grande instance de Pau54 a refusé de
recevoir la demande en référé formée par des riverains vivant à proximité d‟une antenne
relais, rien ne démontrant qu‟un dommage se réaliserait dans un avenir proche et tout
démontrant que les normes relatives à l‟émission et l‟emplacement des antennes étaient
respectées. « Il appartient au seul demandeur de démontrer l‟existence d‟un dommage
imminent ». Le tribunal de grande instance d‟Aix en Provence55 a considéré que les
demandeurs n‟établissent pas le risque de trouble à l‟environnement et à la santé. « Le
principe de précaution ne saurait à lui seul caractériser l‟existence d‟un risque pouvant
constituer un dommage imminent »
50
TGI Nevers, 22 avr. 2010 : Resp. civ. et assur. 2010, comm. 275, obs. C. Sintez
51
CA Bourges, 6 janv. 2011 : JurisData n° 2011-001292 ; Comm. com. électr. 2011, comm. 38, nos obs
52
CA Bastia, 21 juill. 2010, n° 09/00709
53
CA Lyon, 6e ch., 3 févr. 2011, n° 09/06433 : JurisData n° 2011-002705 ; Comm. com. électr. 2011, comm. 35
54
TGI Pau, 10 juin 2009, n° 09/00169, GAICH c/ SA Orange France.
55
TGI Aix, 9 juin 2009, n°09/00628, JurisData n°01075
30
Toutefois, certains juges de l’urgence ont pris des positions très contraires. Ainsi en est-
il du tribunal de grande instance de Carpentras56. S‟appuyant sur des débats scientifiques
laissant subsister « un questionnement tout à fait sérieux pourtant sur le danger potentiel
présenté par ce type d‟installation », le tribunal a considéré qu‟il lui appartenait de « faire
prévaloir le choix de la protection de l‟intégrité physique des voisins et la prévention du
risque sanitaire les concernant, plutôt que de tabler sur une croyance aveugle en la suffisance
de normes non intangibles qui excluraient par elle mm toute possibilité de risque, ce qui n‟est
manifestement pas avéré à ce stade de la recherche scient ». Le tribunal a donc ordonné le
démantèlement d‟une antenne relais située à proximité d‟habitations, relevant l‟existence
d‟une « crainte légitime d‟une atteinte directe à la santé des riverains constitutive d‟un trouble
dont le caractère anormal tient au fait qu‟il porterait atteinte, une fois réalisé, à l‟intégrité
physique, sans qu‟il soit à ce jour possible d‟en mesurer toute l‟ampleur ». Le tribunal de
grande instance d‟Angers57 a considéré que le principe de précaution permet aux habitants
exposés de se soustraire aux émissions de l‟antenne relais et a fait défense à l‟opérateur
d‟établir une antenne relais sur le clocher d‟une église. Il considère que l‟opérateur n‟a pas
donné toutes les informations requises aux voisins et que le projet ne permet pas de vérifier le
respect de normes qu‟il qualifie de laxistes ni de s‟assurer des « précautions non érigées en
réglementation stricte mais admises comme recommandations, relatives au bâtiment sensible
que constitue l‟école municipale voisine ». Le tribunal de grande instance de Créteil58 a pour
sa part estimé qu‟il « appartient au juge judiciaire de faire respecter le principe de précaution,
traduction du devoir de prudence vis-à-vis des tiers qui s‟impose à tout sujet de droit. Le
principe est expressément mentionné à l‟article L110-1 texte que le juge judiciaire a le devoir
d‟appliquer ». Par ailleurs, « même si les connaissances scientifiques actuelles ne permettent
pas de déterminer avec certitude l‟impact exact des ondes électromagnétiques, il existe un
risque qui ne peut être négligé de répercussions de ces ondes sur l‟état sanitaire des habitants.
Même si ces études ne sont pas concordantes sur la certitude du danger causé par les ondes
émises par les antennes relais de téléphonie mobile, il existe un risque découlant de la
propagation des ondes ». Le tribunal interdit donc l‟installation d‟une radio de
télécommunication. Le principe de précaution semble ici être un principe d‟inspiration car il
contribue à étoffer notion de faute. L‟appréciation est faite au regard du devoir général de
prudence même s‟il gagne légèrement en autonomie : auparavant la jurisprudence ne
56
TGI Carpentras, 16 février 2009, n°08/00707
57
TGI Angers, 5 mars 2009, n°08/00765
58
TGI Créteil, 11 aout 2009, n° 09/658, ord.réf., Puybaret c / SA Orange France.
31
mentionnait pas le principe de précaution en tant que tel. Il était traditionnellement inclus dans
la notion de prudence et de diligence. Ainsi en est-il de la Cour d‟appel d‟Angers59 qui
estimait que le principe de précaution « n‟est pas un principe juridique ». Il y a là une
référence expresse au principe de précaution.
Bilan de la jurisprudence judiciaire.- Saisis d‟actions fondées tant sur la théorie des
troubles anormaux de voisinage que sur le principe de précaution, les juges judiciaires ont
développé une jurisprudence discordante. Comme l‟a très bien résumé le tribunal de grande
instance de Carpentras60 deux courants s‟opposent.
Un premier courant estime que le principe de précaution a été suffisamment pris en compte
lors de l‟établissement des normes dans le décret du 3 mai 2002. Il exclut donc l‟existence
d‟un risque pour la santé des populations vivant à proximité des antennes relais respectant ces
normes et exclut donc tout trouble anormal de voisinage61. La simple référence au principe de
précaution ne permet pas de caractériser un trouble anormal de voisinage ni une menace
directe et réelle pour la santé62. Déjà des décisions étaient rendues en ce sens dès 2002 63. Le
principe de précaution, « notion dont l‟écho médiatique est inversement proportionnel à la
consistance juridique » conduit à rejeter la mise en œuvre de toute avancée technologique qui
ne serait pas précédée de la démonstration de son innocuité. Le juge serait ainsi conduit à
contrôler et définir les limites de la science, mission que ne lui confère pas la loi64.
Un second courant considère au contraire que le respect des seuils d‟émission (qui sont
supérieurs en France à ceux prescrits par d‟autres pays européens) par l‟opérateur, la licéité de
son activité et son utilité pour la collectivité ne suffisent pas à eux seuls à écarter l‟existence
d‟un trouble anormal de voisinage65. On remarquera que la Cour d‟appel d‟Aix semble
désormais relever du premier courant alors que ce n‟était pas le cas initialement66.
Sur le fondement qui est invoqué au soutien de ces décisions, c‟est bien la théorie des troubles
anormaux et non le principe de précaution qui ne l‟est qu‟officieusement. Ainsi, les opérateurs
59
CA Angers 1ère ch. A, 30 octobre 2001, n°97/01975
60
TGI Carpentras, 16 février 2009, n°08/00707
61
TGI Lyon 15 sept 2009 n°09/7835, ch.urg., Besson c/ SA Bouygues Telecom.
TGI Bourgoin Jallieu 30 juin2009, n° 07/204, Amatucci c / SA Bouygues Telecom.
62
CA Aix en provence 2 octobre 2009 :
63
Déjà en ce sens CA Paris 7 mai 2002, N° 01-4367, Bourely c/ Synd.copr. 80 av. V Hugo à Paris et CA paris 7
janvier 2004 n° 03-2301, 19ème ch. A
64
TGI Avignon 16 juin 2009, n° 07/02026, ch.1 sect. 3, Boualouan c/ SA Bouygues Telecom.
65
CA Versailles 4 fév 2009, TGI Carpentras 16 février 2009, TGI Angers 5 mars 2009 et TGI Créteil 11 aout
2009, préc.
66
CA Aix en Provence, 8 juin 2004, Société SFR c/ Commune de la Roquette sur Siagne, D.2004. 2678
32
ont peut-être plus à craindre devant le juge judiciaire l‟application de cette théorie que
l‟invocation du principe de précaution.
Autre point important : il convient de relativiser l‟importance de l‟arrêt de la cour d‟appel de
Versailles du 4 février 2009. Si en effet un pas a bien été franchi, plusieurs arrêts antérieurs
étaient favorables aux opérateurs. De plus, les arrêts postérieurs et récents mettent à mal le
principe de précaution et la reconnaissance d‟un trouble anormal de voisinage. Sur le fond, les
juges qui refusent le trouble anormal et le principe de précaution écartent explicitement ce
dernier. Quant à ceux qui reconnaissent un trouble anormal de voisinage, ils ne se réfèrent pas
pour autant au principe de précaution. Ils le contournent en assouplissant les conditions de la
théorie du trouble anormal. La théorie du trouble anormal de voisinage se trouve ainsi
« polluée »67 par ce principe. La jurisprudence judiciaire évince le principe de précaution plus
qu‟elle ne le consacre : on peut s‟étonner de la place occupée par le principe de précaution
dans les différentes décisions. S‟il est cité à plusieurs reprises, il ne constitue jamais le
fondement direct des solutions précitées.
67
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°20
68
Ou encore CA Bordeaux 20 sept 2005
33
légitime, constitutive, précisément du trouble anormal de voisinage dès lors que cette crainte a
pour objet la santé des personnes. La question n‟a pas été à ce jour examinée par la Cour de
cassation, la société Bouygues Télécom s‟étant le 1er avril 2010 désistée de son pourvoi contre
l‟arrêt d‟appel.
69
TGI Angers, 5 mars 2009, n°08/00765
70
TGI Créteil, 11 aout 2009, n° 09/658, ord.réf., Puybaret c / SA Orange France.
71
Y. GAUDEMET, Sur le contentieux des antennes relai : les champs électromagnétiques, nouvelle source de
responsabilité ? Revue de droit d‟Assas, janvier 2010.
34
§2/ L’approche du juge administratif
La mise en œuvre du principe de précaution par le juge administratif par le biais du contrôle
de la légalité des décisions administratives (A) mais également lorsqu‟il est saisi en référé (B).
A/ Au fond
Le Conseil d‟Etat estime d‟une manière générale que le principe de précaution ne justifie pas
l‟interdiction des antennes de téléphonie mobile à proximité d‟habitations. Les juridictions
administratives maintiennent sur la question une attitude très réservée quant aux dangers
invoqués et l‟application du principe de précaution. Cette position est appliquée dans le cadre
de contentieux concernant tant des décisions locales que des décisions réglementaires
nationales.
Des décisions locales.-Le Conseil d‟Etat a considéré que le principe de précaution ne peut
légalement justifier une opposition à travaux72. Il a ainsi suspendu une décision d‟un maire73
qui s‟était fondé sur le principe de précaution pour s‟opposer à l‟installation d‟antennes relais
de téléphonie mobile : il estime qu‟il existe un doute sérieux sur la légalité de cette décision
résultant des moyens tirés notamment de « l‟erreur d‟appréciation commise quant aux
exigences de sécurités imposées». La cour administrative d‟appel de Lyon74, dans ce
mouvement, a annulé un arrêté du maire de Dijon interdisant d‟installer une station de
radiofréquences de téléphonie mobile dans certaines zones de sa commune.
72
CE 30 déc 2002 Assoc des consommateurs
73
CE 22 aout 2002 SFR c Commune de Vallauris, n°245624
74
CAA Lyon 17 juin 2004 Commune de Dijon n°02LY02333
75
CE 19 mai 2003 S SPM Telecom
35
de téléphonie en vue de permettre l‟implantation d‟un bâtiment et d‟une antenne. La Haute
Juridiction rend donc des décisions favorables aux opérateurs dans le cadre de contentieux
concernant des décisions de résiliation de convention d‟occupation du domaine public.
Décisions réglementaires nationales.- Cette position concernant des décisions locales a été
confirmée dans le cadre du contrôle de décisions réglementaires nationales : le Conseil d‟Etat
a refusé d‟annuler un arrêté ministériel de novembre 200176 modifiant diverses autorisations
d‟établissement et d‟exploitations de réseaux, estimant que cet arrêté n‟était pas entaché d‟une
erreur manifeste dans l‟appréciation des risques et ne comportait pas de mesures non
proportionnées aux précautions qui s‟imposent en cette matière. Il a également admis la
légalité pour les mêmes motifs du décret du 3 mai 2002 relatif aux valeurs limites
d‟exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans
les réseaux de télécommunications77.
Ces jurisprudences semblent impliquer que dès lors que l‟installation envisagée respecte les
prescriptions du décret de 2002, les maires ne peuvent plus s‟opposer aux déclarations de
travaux préalables pour des raisons tirées de l‟exposition à de tels champs magnétiques et plus
largement, ils ne peuvent pas se fonder sur les risques pour la santé de la population qui
résulteraient de ces équipements pour s‟opposer aux déclarations de travaux préalables. De
plus, la jurisprudence adopte une conception restrictive du pouvoir d‟intervention du maire.
Ainsi, les dispositions L2112-1 et L2112-2 du Code général des collectivités territoriales
n‟autorisent pas le maire en l‟absence de péril imminent ou de circonstances exceptionnelles
propres à la commune, à s‟immiscer dans l‟exercice de la police spéciale des
télécommunications que l‟article L32-1 II du Code des postes et communications
électroniques attribue au seul ministre chargé des télécommunications78. Le maire ne peut
intervenir qu‟en cas d‟urgence ou de menace grave et imminente pour l‟ordre, la sureté, la
tranquillité ou la salubrité publics : « aucun risque réel n‟ayant été démontré quant aux effets
sur la santé des populations de la présence des installations de relais de radiotéléphonie
mobile, le principe de précaution ne saurait davantage justifier légalement l‟édiction par le
maire de mesures de police générale79 ». La jurisprudence en évoquant le principe de
76
CE 30 juillet 2003, Association Priartem,n°241992
77
CE 11 juin 2004 Commune de St Maur des Fossés et autres, n°248443
78
CAA versailles 19 oct 2006 confirmée par CAA Versailles 15 janvier 2009 N°07VE01770
79
CAA Marseille 18 mai 2009 N° 07MA03722
36
précaution laisse cependant ouverte l‟hypothèse où de nouvelles études nécessiteraient des
conditions nouvelles, voire des interdictions, ce qui, à notre connaissance, n‟est pas le cas
actuellement.
80
CE 29 oct 2003 ; CE 20 avril 2005 Société Bouygues Telecom, req. N°248233, AJDA 2005 1191
81
CE 19Juillet 2010 Association du Quartier les Hauts de Choiseul req. N°328687
37
favorable aux opérateurs puisque dans cette décision le Conseil annule le jugement de
première instance et rejette le pourvoi.
B/ En référé
Sur le fondement de l‟article L521-1 du Code de justice administrative, quand une décision
administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le
juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de
cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un
moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la
décision.
Sur la condition d‟urgence et le principe de précaution, après une période d‟hésitations et de
contradictions, la jurisprudence est aujourd‟hui unifiée sur la question. Le Conseil d‟Etat
estime que la condition d‟urgence est remplie si l‟exécution de la décision entraine un
préjudice grave et immédiat pour le requérant. Il a ainsi refusé de prononcer la suspension
d‟une décision du maire de Marseille mettant fin à l‟autorisation d‟occupation par SFR qui
avait installé un relai de téléphonie mobile. En l‟espèce, le préjudice n‟étant pas grave et
immédiat, il n‟y avait pas d‟urgence dès lors qu‟il n‟y avait pas de diminution de la couverture
des services ou de leur qualité82. La condition urgence est ainsi remplie quand l‟intérêt général
demande une couverture suffisante du réseau. L‟intérêt général qui s‟attache à la couverture
du territoire national par le réseau de téléphonie mobile est ainsi reconnu par le juge83. De
même, l‟extension ou le maintien de la couverture du réseau est prise en considération au titre
de l‟urgence. En revanche, la seule amélioration d‟un réseau existant ne constitue pas un
critère d‟urgence et ne permet pas d‟obtenir la suspension de la décision d‟un maire
s‟opposant à des travaux d‟installation d‟un pylône de téléphonie mobile84.
82
CE 22 mai 2002
83
CE 2 juillet 2008 SFR AJDA 2008. 1359
84
CE 28 AVRIL 2004 SFR
38
II. Justifications de l’approche du juge administratif
L‟approche du juge administratif est plus contrainte que celle du juge judiciaire. Il est le plus
souvent contraint, ou se contraint lui même, quant aux principes applicables.
Le contrôle des mesures de police (arrêtés des maires): un régime particulier de charge
de la preuve.-
Le juge peut faire appel à une large palette de considérations. Cependant, dans ce type de
contentieux, c‟est la méthode retenue qui va finalement s‟avérer défavorable au principe de
précaution. En matière de police, la méthode exposée par le Conseil d‟Etat dans l‟arrêt
Benjamin du 19 mai 1933 consiste à exiger que l‟autorité auteur d‟une mesure de police fasse
la preuve de la proportionnalité de celle-ci par rapport à l‟atteinte aux libertés qu‟elle
engendre. La charge de la preuve repose ainsi sur l‟autorité de police. C‟est à elle de
démontrer la nécessité de sa décision. En face, la liberté menacée se défend par sa seule
existence. Qui dit preuve dit certitude : seuls des éléments bien établis peuvent avoir valeur de
preuve. Or le principe de précaution s‟attache précisément aux situations d‟incertitudes. Il
sera difficile de prouver qu‟une mesure est nécessaire et proportionnée puisque le risque n‟est
pas précisément cerné. Il en résulte que le principe de précaution passera mal la barre du
contrôle de proportionnalité alors que, face à lui, la liberté du commerce et de l‟industrie a de
forts arguments à faire valoir85.
Le droit de l’urbanisme : une ouverture par rapport à une approche antérieure très
contrainte.-
Le juge administratif connait à titre principal du contentieux des antennes relais par le biais du
droit de l‟urbanisme. Or celui-ci encadre précisément les conditions dans lesquelles
l‟administration peut s‟opposer à travaux. Le juge administratif a longtemps déduit que
l‟autorité administrative ne pouvait s‟opposer aux travaux réalisés sur déclaration que motifs
pris d‟autres dispositions d‟urbanisme ou de servitudes ou encore de règles nationales
85
CE 2 juillet 2008 Société SFR AJDA 2008. 1359, Lebon p.260
39
d‟urbanisme. Autrement dit les dispositions devaient être puisées dans le droit de l‟urbanisme
sans que puisse intervenir une préoccupation étrangère à ce droit, fut-elle d‟application a
priori transversale comme le principe de précaution. On l‟a vu, cette position a subi
néanmoins un infléchissement récent au terme duquel le juge administratif accepte de prendre
en compte le principe de précaution86. Il s‟applique directement en droit de l‟urbanisme et est
ainsi d‟application transversale. Le juge administratif a rapproché sa méthode de celle,
ouverte, du juge judiciaire mais la décision récente rejetait tout de même le pourvoi et restait
favorable aux opérateurs.
86
CE 19Juillet 2010 Association du Quartier les Hauts de Choiseul, req. N°328687
40
Autre caractéristique du juge administratif, celui-ci a bien donné à la disposition de l‟article 5
de la Charte le sens dans lequel il avait été conçu : ce sont les autorités publiques qui mettent
en œuvre le principe de précaution. Il censure de manière assez systématique les tentatives
d‟autorités non compétentes d‟intervenir dans le domaine de précaution. Les décisions prises
en matière d‟antennes de téléphonies ont été censurées dès lors qu‟on estimait qu‟il existait
une police spéciale appartenant à l‟Etat dans ce domaine et donc que les autorités locales
n‟avaient pas à s‟y substituer. Cette solution est à approuver car on peut difficilement
concevoir que les normes imposées aux opérateurs varient d‟une commune à l‟autre.
Enfin, si le juge prend en compte les éléments scientifiques qui lui sont présentés, s‟il est
fortement engagé dans la prise en compte de ces éléments, il reste néanmoins prudent quant à
leur autorité. Ainsi, le Conseil d‟Etat a affirmé qu‟ « en l‟absence d‟éléments scientifiques
nouveaux de nature à établir l‟existence de risques sérieux pour la santé pub, le principe de
précaution ne peut valoir « motif d‟intérêt général» permettant la résiliation de la convention
d‟occupation87 ». Dans un autre arrêt88, le conseil ne relève pas d‟éléments de nature à
accréditer l‟hypothèse en l‟état des connaissances scientifiques, de risques pour la santé
publique pouvant résulter de l‟exposition du public aux champs électromagnétiques alors
même que les documents pris en compte par le juge judiciaire de Versailles (étude Reflex,
Rapport Bio initiative) étaient connus à la date de l‟arrêt.
Les deux juges administratifs et judiciaires ont une lecture différente du principe de
précaution lui même et des exigences dont il est porteur. Le juge judiciaire relève qu‟ « aucun
élément ne permet d‟écarter péremptoirement l‟impact sur la santé publique de l‟exposition
des personnes à des ondes ou des champs électromagnétiques89 » tandis que le Conseil d‟Etat
se fonde sur « l‟absence de risques graves et avérés90 ».
Le juge administratif prend en compte des considérations de nature à contrebalancer le
principe de précaution : ainsi dans un arrêt Saint Pierre et Miquelon, l‟intérêt qu‟il y a à
acheminer des appels des bateaux en détresse est souligné pour justifier le maintien de
l‟antenne. L‟intérêt d‟une couverture du territoire, du réseau national ainsi que les obligations
imposées à l‟opérateur sont prises en considération. Et le Conseil de reconnaitre en 2010 que
la société Orange qui s‟est engagée à couvrir le territoire national en téléphonie mobile
87
CE 19 mai 2003 S SPM Telecom
88
CE 2 juillet 2008 Société SFR AJDA 2008. 1359 ; Lebon p.260
89
CA Versailles, 14ème ch., 4 février 2009 n° 08/08775
90
CE 2 juillet 2008 Société SFR AJDA 2008. 1359 ; Lebon p. 260
41
UMTS91 participe à la réalisation d‟une mission reconnue par la loi comme de service public.
Le juge judiciaire quant à lui a plutôt tendance à voir dans les engagements de couverture du
territoire par UMTS souscrits par les opérateurs de simples engagements contractuels.
Conséquemment, « l‟invocation de pénales contractuelles n‟apparait pas appropriée à la
problématique environnementale et de santé publique92 ».
En bref, l‟étude du droit positif, des deux ordres de juridictions donne une fâcheuse et
inquiétante impression de contradiction pouvant donner aux justiciables le sentiment que leur
litige recevra une réponse différente selon le juge auquel il sera soumis. Les opérateurs de
téléphonie mobile en sont conscients puisqu‟ils fondent aujourd‟hui leur stratégie
contentieuse sur des conclusions d‟incompétence du juge judiciaire, au profit du juge
administratif, même dans des litiges où en l‟absence de tout élément d‟ouvrage public, de
service public ou de domanialité publique, la composante de droit public est bien pauvre et
dans lesquels la notion civiliste de trouble anormal de voisinage occupe une place centrale.
Après avoir analysé la responsabilité du fait des antennes relais de téléphonie mobile et le
principe de précaution en droit positif, les textes qui le contiennent et l‟application qui en est
faite par les différents juges, il s‟agit désormais de donner divers arguments permettant de
mettre en échec le principe de précaution.
91
Norme UMTS : Universal Mobile Telecommunications System- Norme pour la 3G
92
TGI Angers, 5 mars 2009, n°08/00765
42
Section 1- Eviter la condamnation, en cas de contentieux, sur le fondement du principe
de précaution
On l‟a vu, la jurisprudence administrative est plus favorable aux opérateurs téléphoniques que
la jurisprudence judiciaire qui est quant à elle favorable à l‟application du principe de
précaution. En cas de contentieux, le conseil de base serait donc de tenter d‟aller devant le
juge administratif et non devant le juge judiciaire. L‟opérateur de téléphonie mobile va donc
d‟abord devoir contester la compétence du juge judiciaire s‟il veut pouvoir plaider devant le
juge administratif
Il convient de voir quelle est la réponse du juge judicaire lorsqu‟une partie soulève son
incompétence avant de voir les arguments permettant de contester cette compétence.
93
TGI Créteil, 11 aout 2009, n° 09/658, ord.réf., Puybaret c / SA Orange France.
94
TGI Lyon 15 sept 2009 n°09/7835, ch.urg., Besson c/ SA Bouygues Telecom.
43
occupation du domaine public tandis qu‟en l‟espèce l‟objet de la demande était relatif aux
conséquences du choix fait par l‟opérateur sans intervention de la puissance publique, de
l‟implantation de l‟antenne litigieuse.
La stratégie à adopter est dès lors la suivante : il faut, en première instance devant le tribunal
de grande instance insister sur l‟autorisation administrative et l‟enjeu de domaine public. Il
convient alors de démontrer que l‟objet du litige est cette autorisation administrative (tribunal
de grande instance de Créteil) ou suppose l‟intervention de la puissance publique (Tribunal de
grande instance de Lyon). Si le tribunal rejette l‟exception d‟incompétence, en appel,
l‟opérateur pourra alors à nouveau soulever l‟incompétence qui sera cette fois accueillie (voir
infra). Cette stratégie est à conseiller dès lors que d‟autres tribunaux de grande instance ont
relevé l‟importance du domaine public et des autorisations dans ces litiges : celui de Paris a
estimé que la demande tendant à diminuer le niveau d‟ondes d‟une antenne constituait une
atteinte aux conditions d‟occupation du domaine public hertzien et aux autorisations données
dès lors qu‟elle aurait pour effet de réduire la zone de couverture de l‟antenne95.
En effet, la Cour d’appel de Paris a clairement affirmé son incompétence dans un arrêt du
26 mars 2009 Collectif de Montfermeil96. Statuant sur une demande tendant à mettre hors
service une antenne relais pour trouble anormal de voisinage, la Cour a déduit de plusieurs
éléments la compétence exclusive du juge administratif, éléments qui sont autant d‟arguments
dans un litige pour démontrer l‟incompétence du juge judiciaire et qui doivent donc servir de
lignes directrices. Depuis cet arrêt, on observe le même renvoi des parties devant le juge
administratif dans de nombreuses décisions. C‟est ainsi au juge administratif d‟apprécier la
réalité et l‟anormalité des troubles de voisinage alléguées ainsi que les sanctions. Dès lors le
contentieux de la responsabilité du fait des antennes relai ouvert devant le juge judiciaire
trouverait son épilogue devant le juge administratif.
Les arguments de l‟arrêt de la Cour d‟appel de Paris affirmés dans l‟arrêt ci-dessus donnent
des arguments à celui qui veut contester la compétence du juge judiciaire.
95
TGI Paris, 28 octobre 2009, N°07/02161, 1ère ch. Sect. 1, Curien c/ Société Bouygues Telecom.
96
CA Paris, 26 mars 2009, N°08-21837, 2ème ch. B, SA SFR c/ SA Bouygues Telecom
44
L’autorisation administrative.- Tout d‟abord, les textes régissant l‟occupation du domaine
public y compris hertzien de l‟Etat (Code générale de la propriété des personnes publiques art
L2111-17 et L2124-26 ; Code des postes et télécommunications L41-1) requièrent pour toute
occupation ou utilisation une autorisation administrative dont les opérateurs doivent être
titulaires. Il s‟agit donc pour les opérateurs de faire valoir qu‟ils exercent leur activité dans le
cadre d‟une autorisation d‟occupation du domaine public hertzien et que le contenu relatif à
cette autorisation relève du seul juge administratif.
97
Notamment CE, 10 mars 1978.
45
La nature d’ouvrage public de l’installation.- Enfin, il s‟agit de démontrer la nature
d‟ouvrage public de l‟installation. Quatre conditions cumulatives ont été posées en
jurisprudence : il doit s‟agir d‟un immeuble98, qui doit être le résultat d‟un travail de
l‟homme99, qui est affecté à l‟intérêt général100 et enfin l‟immeuble doit appartenir à une
personne publique ou à défaut être l‟accessoire d‟un ouvrage public. Les trois premières
conditions ne semblent pas poser problème. En effet, les deux premières conditions posées
sont évidemment remplies par l'antenne relais, puisqu'elle constitue un immeuble par nature et
qu'elle résulte du travail de l'homme. La troisième condition n'appelle pas plus de discussion :
l‟antenne relais est affectée à l'intérêt général, en ce qu'elle permet à la société d'exploiter un
réseau de téléphonie mobile, activité reconnue d'intérêt général par le Conseil d'État dans
deux arrêts du 13 novembre 2002 et du 19 mai 2003. En revanche, la quatrième condition
peut soulever des difficultés dans la mesure où les opérateurs sont des personnes privées et
non des personnes publiques. La question est ainsi de savoir si un immeuble remplissant les
trois premières conditions mais appartenant à une personne privée peut recevoir la
qualification d‟ouvrage public.
Le Doyen Jean-Marie Aubry a pu distinguer 2 hypothèses.
La première est celle où l‟ouvrage en cause est « incorporé matériellement dans un ouvrage
public appartenant à une personne publique dont il devient une dépendance. Faisant corps
avec cet ouvrage public, il sera, par application de la théorie de l‟accessoire, également
considéré comme un ouvrage public ». Cela est confirmé par l‟avis contentieux de 2001 du
Conseil d‟Etat Adelée qui précise que si les ouvrages de France Télécom n‟ont en principe
plus la qualité d‟ouvrages publics depuis la transformation de l‟exploitant public en personne
morale de droit privé, il en va autrement « pour ceux qui sont incorporés à un ouvrage
public101 ». Il faut qu‟existe ainsi un véritable lien physique entre l‟ouvrage public propriété
privée et un ouvrage public propriété publique auquel il est incorporé.
La seconde hypothèse est celle dans laquelle « un bien immobilier appartenant à une personne
privée (et non incorporée à un ouvrage public pour ne pas être dans l‟hypothèse précédente)
peut être qualifiée d‟ouvrage public lorsqu‟il est affecté à une destination d‟intérêt général qui
parait impliquer l‟application du régime de l‟ouvrage public ». Et l‟on peut citer comme
illustration l‟ouvrage propriété d‟un concessionnaire et affecté au service public (Conseil
98
CE 26 sept 2001 Département du Bas Rhin Lebon p.434, AJDA 2002 p.549
99
CE 2 déc 1987 Compagnie Air inter Lebon p.393 ; AJDA 1988, p.156.
100
CE 1er oct 1971 Société Nouvelle foncière du Cap Ferret Lebon, p. 576
101
CE 11 juillet 2001, Adelée, Lebon p.372, AJDA 2002 p.266
46
d‟Etat 20 Sept 1955) à propos d‟une plaque tournante appartenant à la SNCF qui était alors
une personne morale de droit privé102. Cette seconde hypothèse est peut-être remise en cause
par l‟avis contentieux de 2001. Le législateur a transformé France Télécom en personne
privée « dont le fonctionnement relève sauf dispositions particulières contraires du droit
privé » : il « a entendu mettre fin à la protection particulière dont bénéficiaient les bien de
France télécom » mais dans un second temps, ceux des ouvrages incorporés à un ouvrage
public tel qu‟une voie publique et en constituant une dépendance demeurent des ouvrages
publics. Ainsi, cet avis a d‟une part posé un principe nouveau en refusant la qualification
d‟ouvrage public aux ouvrages de France Télécom, personne morale de droit privé mais
confirmé une solution traditionnelle en réservant cette qualification aux installations
constituant notamment des dépendances d‟une voie publique. Cet avis contentieux peut faire
l‟objet d‟au moins deux lectures. La première qui a été privilégié par les commentateurs de
l‟avis consiste à y voir une prise de position de principe. Toute la jurisprudence affirmant que
des ouvrages appartenant à des personnes privées et affectés à une destination d„intérêt
général sont des ouvrages publics peut paraitre frappée d‟obsolescence. La seconde lecture
consiste à limiter la portée de cet avis. Il n‟est en effet pas interdit de la lire comme une prise
de position d‟espèce et de considérer, la rédaction de l‟avis pouvant être significativement
utilisée en ce sens, que la solution se justifie par la situation particulière de France Télécom et
par la volonté de respecter la volonté du législateur. L'avis Adélée ne concernait que la
situation très spécifique de la société France Télécom. Cet avis ne modifie donc nullement la
jurisprudence antérieure : une personne privée peut être propriétaire d'un ouvrage public103.
C‟est cette lecture de l‟avis que devront chercher à privilégier les opérateurs dans leurs
conclusions en cas de contentieux. Dès lors, ceci étant exposé, il est à conseiller aux
opérateurs de faire en sorte que l‟installation d‟antennes relais, les stations de base soient
l‟accessoire d‟un ouvrage public afin que l‟installation soit considérée comme un ouvrage
public et relève de la compétence administrative. Ce dernier argument est le plus faible mais
est tout de même à considérer. Le second argument permettant de faire d‟une installation
d‟antenne relais un ouvrage public serait de se fonder sur la jurisprudence traditionnelle selon
laquelle l‟ouvrage affecté à une destination d‟intérêt général implique l‟application du régime
de l‟ouvrage public ainsi que cela a été consacrée par l‟arrêt de section du Conseil d‟Etat du
30 septembre 1955 Caisse régionale de sécurité sociale de Nantes. Dans ce sens, l‟on peut
102
CE sect. 30 septembre 1955, Caisse régionale de sécurité sociale de Nantes, Lebon p.459
47
invoquer la loi de 2005 sur les aéroports confirmant le caractère d‟ouvrage public des
ouvrages aéroportuaires repris par Aéroports de Paris pourtant transformé en société et donc
personne morale de droit privé.
Il est utile en cas de contentieux d‟invoquer les principes généraux du droit communautaire
qui dans la hiérarchie des normes, sont certes en dessous de la Constitution mais prévalent sur
les traités communautaires et la loi nationale. Dès lors, un principe général du droit
communautaire permettra de remettre en cause les dispositions du Code de l‟environnement
mais non celles de l‟article 5 de la charte de l‟environnement qui a elle valeur
constitutionnelle et a une valeur normative supérieure aux principes généraux.
Un principe peut s‟avérer particulièrement utile : le principe de proportionnalité ainsi qu‟il
a été reconnu comme principe général du droit communautaire dans l‟affaire Pfizer104. Le
juge communautaire vérifiera ainsi le caractère approprié et nécessaire de la mesure à l‟aune
de ce principe. L‟affaire Pfizer concernait la santé animale. On se demandait en l‟espèce s‟il
était légitime d‟interdire certains antibiotiques en élevage. Le juge contrôle alors de façon
extrêmement scrupuleuse si cette interdiction est vraiment nécessaire, s‟il n‟existe pas de
mesure alternative moins contraignante et si la Commission a convenablement justifié une
sorte de balance coûts/bénéfices en termes économiques et de santé publique.
Un autre principe peut être intéressant : le principe de sécurité juridique. Le principe de
précaution met en danger des entreprises qui respectent la règlementation, ce qui n‟est
104
TPICE, 11 sept.2002, aff.T-13/99, Pfizer Animal Health SA c/Conseil
49
contesté par personne. Des entreprises ont ainsi investi en se fondant sur une prévision de la
réglementation qui ne correspond pas à son interprétation par les tribunaux. Or le droit doit
être prévisible. S‟il ne l‟est pas, il perd sa qualité et verse dans l‟arbitraire. «Le principe de
sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des
efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le
droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et
intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout
imprévisibles105 ». Le Conseil d'Etat, qui rappelle que ce principe de sécurité «constitue l‟un
des fondements de l‟Etat de droit», dégage deux approches : l‟une formelle, l‟autre
temporelle. La sécurité juridique est d‟abord garantie par la qualité de la loi mais également
par la prévisibilité de la loi. Avec le principe de précaution, ce sont ces deux qualités qui font
défaut. Le principe de sécurité juridique constitue un principe général du droit communautaire
depuis un arrêt Bosch du 6 avril 1962 de la Cour de justice des Communautés européennes
(CJCE). Il convient d‟être attentif au fait que la CJCE a également qualifié le principe de
précaution de principe général de droit communautaire106: « le principe de précaution peut
être défini comme un principe général du droit communautaire imposant aux autorités
compétentes de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels
pour la santé publique, la sécurité et l‟environnement, en faisant prévaloir les exigences liées
à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques (…) le principe de précaution peut
être considéré comme un principe autonome ». La consécration du principe de précaution en
tant que principe général du droit communautaire lui confère une valeur supra législative,
reconnue par le Conseil d‟Etat107. En cas de conflit entre ces principes généraux à la même
valeur normative, on peut se demander lequel prévaudra.
I. Le principe de précaution
Le principe de précaution lui-même peut paradoxalement constituer une cause d‟exonération
de la responsabilité du fait des antennes relais de téléphonie mobile. En effet, en droit positif,
devant le juge judiciaire, on a pu constater que souvent le trouble anormal est invoqué comme
fondement des poursuites et non le principe de précaution lui même ou alors implicitement.
105
CE, rapport public 2006
106
TPICE, 26 novembre 2002, Artegodan et TPICE 28 janvier 2003 Les Laboratoires Servier
107
CE 3 déc 2001 Syndicat Nat de l‟industrie pharmaceutique
50
Dans cette hypothèse, il s‟agit de demander une application franche et entière du principe de
précaution au juge afin de lui demander qu‟il respecte les conditions posées par les textes.
Cette idée à été soulevée par des praticiens. « En attendant une application du principe de
précaution, la théorie du trouble anormal de voisinage devrait continuer à faire cesser les
troubles et de manière extensive les risques de troubles certains tout en sachant que dans ce
dernier cas, il y aurait lieu peut-être de brandir le principe de précaution comme cause
exonératoire de responsabilité108 ». Il s‟agit ainsi de l‟invoquer en défense pour insister
surtout ses nécessaires limites qui sont contenues dans les textes et que le juge judiciaire ne
semble pas prendre en considération aujourd‟hui, quand le principe de précaution n‟est
invoqué qu‟implicitement et que le fondement reste le trouble anormal de voisinage.
Le principe de précaution est plus favorable que les troubles anormaux de voisinage aux
opérateurs de téléphonie mobile. Les conditions de fond des textes sont mesurées. D‟abord,
les textes prennent en considération les enjeux économiques. De plus, le dommage doit être
grave et irrésistible. Enfin, les mesures doivent être proportionnées et raisonnables. Dès lors
qu‟est invoqué le principe de précaution, même implicitement, il faudrait alors respecter ces
conditions. Le nombre de démantèlements d‟antennes serait peut-être alors à la baisse.
La préoccupation est une cause d‟exonération classique de la théorie des troubles anormaux
de voisinage et peut être invoqué par un opérateur qui se voit assigner en justice sur le
fondement de cette théorie. L‟article L 112-16 du Code la construction et de l‟habitation
consacre cette exception de préoccupation, validée par le Conseil constitutionnel lors d‟une
question prioritaire de constitutionnalité du 8 avril 2011. Il dispose que « les dommages
causés aux occupants d‟un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles,
industrielles, artisanales ou commerciales n‟entrainent pas droit à réparation lorsque le permis
de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l‟acte authentique
constatant l‟aliénation ou la prise à bail établi postérieurement à des activités les
occasionnant, dès lors que ces activités s‟exercent en conformité avec les dispositions
108
Dalloz bien 2009 :Note M.Le Prat et L. Verdier. Environnement 2009 Comm. N°51.
51
législatives en vigueur et qu‟elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ». La
considération d‟une préoccupation relève de l‟appréciation souveraine des juges du fond.
La préoccupation peut être invoquée tant par l‟opérateur à qui l‟on reproche des troubles qui
justifierait ainsi les troubles préexistants, soit par la victime du trouble qui veut s‟opposer à la
survenance de troubles dus à l‟opérateur arrivant. La succession des évènements a donc toute
son importance ici. Cette cause d‟exonération pourra être invoquée par les opérateurs lorsque
la mise en œuvre de l‟antenne relais serait antérieure à l‟installation des requérants, qui
s‟estiment victimes d‟un trouble anormal.
109
C. Noiville, « le principe de précaution et les juges », in : Office parlementaire d‟évaluation des choix
scientifiques et technologiques, Le principe de précaution : bilan de son application quatre ans après sa
constitutionnalisation, octobre 2009.
52
choix ni de la démarche de bon sens qui consiste, pour faire ces choix, à peser les intérêts en
jeu et à mener une analyse globale d‟opportunités. L‟interdiction n‟est pas la seule modalité
de mise en œuvre du principe de précaution. Parfois elle sera la seule modalité possible ou
acceptable mais elle n‟est pas obligatoire. Le juge judiciaire français devrait s‟inspirer de cette
conception mesurée, raisonnable et réaliste du principe de précaution. Cette position française
est d‟ailleurs critiquée. Ainsi, Christinne Noiville, directrice de recherche au CNRS, a-t-elle
pu analyser que « les jugements récents rendus en France sur les antennes de téléphonie
mobile constituent une espèce de régression parce qu‟en se référant au principe de précaution
indépendamment des exigences scientifiques et de proportionnalité, balises que la
jurisprudence supranationale s‟efforce de fixer, ces jugements contribuent à brouiller les
pistes et à nous ramener à une sorte de Moyen Age du principe de précaution110 ». Le verdict
est sévère. A bon entendeur…
Il convient d‟appeler à la raison le juge judiciaire français. Le juge doit réagir. Cet appel est
nécessaire. S‟il trouve majoritairement des échos en doctrine (I), les juges et les médecins
également appellent au changement (II). Ce sont autant d‟argument en cas de contentieux
pour une application mesurée et raisonnable loin de la position aujourd‟hui chaotique du juge
judiciaire.
I. L’appel de la doctrine
Les critiques doctrinales sont autant d‟arguments devant un juge pour faire évoluer sa
jurisprudence.
110
C. Noiville « le principe de précaution et les juges », in : Office parlementaire d‟évaluation des choix
scientifiques et technologiques, Le principe de précaution : bilan de son application quatre ans après sa
constitutionnalisation, octobre 2009.
53
des troubles anormaux de voisinage- mais la transforme. L‟arrêt tant décrié de la Cour d‟appel
de Versailles n‟applique pas le principe de précaution. Il applique les troubles anormaux de
voisinage mais tout en se référant implicitement à ce principe. C‟est à n‟y plus rien
comprendre. Il s‟agit d‟une évolution beaucoup trop aventureuse. A tel point que certains
auteurs en viennent à rejeter le principe de précaution qui paradoxalement n‟est pas appliqué
par le juge judiciaire. « Au Moyen Age on brûlait les sorcières avec un principe de ce genre,
sur le fondement de rumeurs et de terreurs collectives111 » écrivent certains auteurs. Il faudrait
ainsi revenir à l‟orthodoxie juridique, arrêter de dénaturer la théorie du trouble anormal de
voisinage. Il faut demander l‟application du principe de précaution devant le juge judiciaire
avec toutes les limites qu‟il contient, en réponse à l‟analyse de la jurisprudence judiciaire où
l‟on avait constaté un assouplissement de la théorie des troubles anormaux pour contourner
l‟application franche et directe du principe de précaution. La position du juge est critiquée en
ce qu‟à ne pas vouloir faire une application du principe de précaution, il en vient à prendre
des décisions excessives sur le fondement de la théorie des troubles anormaux qu‟il
transforme totalement. Le risque de dérive est évident. Cet appel doit être d‟autant plus
entendu par le juge judiciaire que le principe de précaution dans sa conception juridique
actuelle semble plus raisonnable en ce qu‟il contient déjà des limites aux dérives. Ainsi
impose-t-il aux personnes de prendre des mesures préventives destinées à éviter que les
risques de dommage, d‟une importante gravité et scientifiquement incertains ne se réalisent.
Les risques sont incertains, certes, mais doivent tout de même être plausibles et les mesures
proportionnées et provisoires. Le principe de précaution est « un instrument plus raisonnable
que la théorie du trouble de voisinage ». Si le juge acceptait de vérifier le bien fondé des
demandes concernant les risques liés aux antennes relais sur le fondement du principe de
précaution, il aurait alors à s‟assurer de la gravité du risque, de son degré de connaissance
scientifique afin d‟écarter tout risque trop incertain. Le principe de précaution pourrait
véritablement jouer un rôle modérateur dans ces litiges. Plutôt que de faire une application
contestable de la théorie du trouble de voisinage, il serait préférable d‟appliquer le principe de
précaution. Il reste donc à espérer que la Cour de cassation s‟achemine plutôt vers une réelle
autonomie du principe de précaution dans la résolution des litiges que vers une altération des
conditions d‟application de la théorie des troubles anormaux.
111
Y. Jegouzo, le principe de précaution est opposable aux autorisations d‟urbanisme, AJDA 2010, p.1453
54
Un juge judiciaire trop aventureux.- C‟est ici l‟arrêt de la Cour d‟appel de Versailles du 4
février 2009 qui est contesté. Les juges font preuve d‟une certaine audace en renvoyant dans
une sorte d‟obiter dictum aux réglementations en vigueur à l‟étranger pour appuyer leur
décision. Ils relèvent ainsi l‟exemple d‟autres pays qui « n‟est pas de nature à faire taire les
craintes que peuvent ressentir les pers vivant à proximité d‟une antenne relais qui certes émet
dans les limites réglementaires fixées en France par le décret de 2002 mais au-delà de ce qui
est permis dans plusieurs autres pays européens ». Il s‟agit d‟une remise en cause judiciaire de
la libre appréciation, par les pouvoirs publics, des mesures nécessaires à la protection de la
santé. Condamner une société de téléphonie mobile, comme l‟a fait la Cour d‟appel,
reviendrait à faire supporter à celle-ci la responsabilité d‟une règlementation qui ne serait pas
considérée comme satisfaisante par les juges. On reproche à l‟opérateur de n‟avoir pas usé de
normes d‟émissions bien au deçà des normes actuellement en vigueur en France. Les juges
considèrent ainsi qu‟une entreprise qui respecte parfaitement la règlementation est néanmoins
répréhensible pour n‟avoir pas respecté une règlementation étrangère plus stricte. Une telle
position du juge judiciaire met en danger des entreprises qui respectent la règlementation. Des
entreprises ont investi en se fondant sur une prévision de la réglementation mais celle-ci ne
correspond pas à son interprétation par les tribunaux. Par cette position, le juge judiciaire fait
perdre au droit sa qualité essentielle de prévisibilité et verse dans l‟arbitraire. Par cette
position, les juges outrepassent leur fonction.
112
TGI Avignon 16 juin 2009, n° 07/02026, ch.1 sect. 3, Boualouan c/ SA Bouygues Telecom.
55
faut s‟inquiéter de l‟utilisation intempestive du principe de précaution et de son interprétation
plus subjective que scientifique.
Ainsi donc, le juge judiciaire a semble t‟il dépassé son office, notamment avec l‟arrêt de la
Cour d‟appel de Versailles. La séparation des pouvoirs, pierre angulaire de notre démocratie,
impose au juge un devoir de loyauté à l‟égard du législateur, et l‟empêche d‟effectuer le
travail à sa place. Il faut laisser au législateur, dépositaire de la souveraineté nationale, le soin
d‟amender, réformer, rapporter ou ajouter au droit positif, dans un domaine aussi politique
que le principe de précaution et les antennes relais. Si un débat est nécessaire, il doit être porté
dans l‟hémicycle ! Si une évolution doit avoir lieu, elle ne peut qu‟émaner des urnes ! Il est
enfin possible de rappeler cet enseignement prodigué par Socrate, après avoir été condamné à
boire la ciguë : « Le juge, disait-il, n‟est pas institué pour faire largesse du droit, mais pour
juger, non pour se montrer complaisant, mais pour appliquer le droit d‟après les lois ».
113
TI Montpellier 5 déc 2000, n°2660/2000 RG N°11-00-000359
56
Même si cela est contestable au regard du droit de la preuve notamment, il est donc de
l‟intérêt des opérateurs de se livrer à un inventaire exhaustif des risques associés, à une
expertise scientifique et sociale. Il en va de leur intérêt d‟analyser les risques, d‟informer les
usagers que s‟ils souhaitent utiliser leur téléphone portable les antennes relais de téléphonie
mobile sont indispensables. L‟information mais aussi sa communication sont ici des données
clés pour les opérateurs s‟ils veulent éviter des litiges. Au regard de l‟obligation
d‟information, dès lors que l‟information est complète, le consommateur engage sa
responsabilité par le choix de sa propre acception au risque. Le seul problème est ici que les
antennes relais sont imposées. Les usagers, les consommateurs n‟ont pas le choix. L‟opérateur
peut alors invoquer son obligation de couverture du réseau qui répond à l‟intérêt général mais
aussi à celui des consommateurs. Il parait alors difficile pour des consommateurs de
demander la condamnation d‟un opérateur qui œuvre pour leur satisfaction, dans leur intérêt.
Deux voies nous paraissent judicieuses si les opérateurs étaient condamnés du fait des
antennes relais de téléphonie mobile : il leur est alors conseillé d‟engager la responsabilité de
l‟Etat (§I), tout en n‟oubliant pas que la voie du lobbying et de la pression politique, même
s‟il nous sommes alors en dehors de la sphère du droit, n‟est pas à exclure (§II).
Avec le principe de précaution, avec la responsabilité du fait des antennes relais de téléphonie
mobile, c‟est la mission fondatrice de l‟Etat moderne chargé d‟assurer la sécurité des
personnes et des biens qui se trouve ainsi placée au centre des interrogations : « la précaution,
[c‟est] une responsabilité de l‟Etat114 ». Le législateur ne s‟y trompe pas puisque l‟article 5 de
la Charte de l‟environnement fait peser le principe de précaution sur les autorités publiques,
donc sur l‟Etat. Le principe de précaution est une affaire d‟Etat : il vise les autorités
publiques. La responsabilité engagée en matière de précaution doit d‟abord être une
responsabilité de l‟Etat, qui, seul a le pouvoir de déclarer que telle activité relève d‟une
politique de précaution.
114
F. EWALD, La précaution, une responsabilité de l‟Etat, Le monde, 11 mars 2000.
57
La responsabilité prioritaire de l’Etat du fait du principe de précaution.- En conséquence
du caractère subordonné de l‟intervention des personnes privées à l‟intervention préalable des
autorités publiques, les responsabilités sont partagées115: l‟Etat demeure prioritairement
responsable de l‟application du principe de précaution. Dans les domaines où les décideurs
privés sont indirectement visés par le principe de précaution, l‟Etat répond en priorité des
manquements au principe, dont le respect lui incombe dans le cadre de sa mission générale de
gestion du risque. Les mesures peuvent être sanctionnées ou annulées par le biais de la
responsabilité, aussi bien les carences de précaution que les excès de précaution. La
responsabilité des pouvoirs publics peut directement être mise en cause s‟ils n‟ont pas pris les
mesures qu‟il faut. Les opérateurs de téléphonie mobile condamnés sur le fondement du
principe de précaution pourront alors reprocher à l‟Etat sa carence de précaution : les
opérateurs de téléphonie sont condamnés car l‟Etat n‟est pas intervenu, car l‟Etat n‟a pas pris
les précautions. Une mesure de précaution, prise par l‟Etat ou que l‟Etat s‟est abstenu de
prendre alors qu‟elle était nécessaire, conduit nécessairement à porter atteinte à d‟autres
intérêts, notamment économiques. L‟Etat peut également être responsable car en matière
d‟antennes relais il existe un régime d‟autorisation administration où l‟Etat est habilité à
décider des conditions d‟exercice d‟une activité. Des affaires qui ont secoué le monde politico
judiciaire nous le rappelle. Ainsi, concernant l‟affaire de l‟amiante116, le commissaire du
gouvernement soulignait dans ses conclusions que « la puissance publique dispose bien d‟un
pouvoir propre, qui est un pouvoir de coercition et donc de police, qu‟il lui appartient
d‟exercer au risque d‟engager sa propre responsabilité ». Dans cette affaire, la responsabilité
de l‟Etat avait été engagée « pour sa carence dans la gestion du risque auquel la victime a été
exposée ». Cependant, en l‟espèce il s‟agissait d‟un risque avéré. Aussi la responsabilité
n‟était elle pas mise en cause sur le fondement d‟un manquement au principe de précaution.
Cette mission de l‟Etat de prévention et de gestion des risques est régulièrement rappelée par
la jurisprudence. De même, l‟Etat a été jugé responsable dans l‟affaire du sang contaminé en
présence d‟un risque sérieux mais incertain.
115
JurisClasseur Environnement et Développement durable, fascicule 125 : principe de précaution.
116
affaire de l‟amiante CAA Marseille 18 oct 2001 Mini emploi et solidarités contre consorts Thomas
58
l‟application de ce principe ne doit pas être exclu. Le principe de précaution n‟est certes nulle
part posé comme un principe de responsabilité. Les sources textuelles confèrent seulement
aux autorités publiques le pouvoir de prendre des mesures en présence de risques potentiels
pour la santé ou l‟environnement dans un contexte d‟incertitude scientifique. Cependant, cela
n‟exclut pas pour autant la possibilité d‟une responsabilité de l‟Etat. Elle semble même
naturelle car l‟exercice d‟un pouvoir juridique s‟accompagne toujours d‟une responsabilité
elle-même juridique.
Quant au régime de la responsabilité, la responsabilité de la puissance publique est une
responsabilité pour faute, sauf cas particulier de présomption de faute. Il appartient donc à la
victime, en l‟espèce aux opérateurs de téléphonie mobile, de prouver que l‟Etat n‟a pas bien
apprécié un risque pourtant suspecté et identifié compte tenu des informations scientifiques
disponibles ou qu‟il a suspecté à tort l‟existence d‟un risque. La preuve ne devrait pas être
difficile à rapporter compte tenu des diverses condamnations à l‟encontre des opérateurs qui
démontrent par elles même que si le risque est potentiel et incertain, il mérite d‟être pris en
compte dans la mesure où les tribunaux le considère légitime. Une dérogation est admise à ce
régime de responsabilité pour faute. Il résulte en effet du principe de l‟égalité des citoyens
devant les charges publiques que l‟Etat peut encourir une responsabilité sans faute vis-à-vis
des administrés ayant subi « un dommage anormal et spécial » du fait de l‟application d‟une
loi ou d‟une décisions administrative prise dans l‟intérêt général. A charge alors aux
opérateurs de démontrer ce dommage anormal et spécial.
Il ne faut pas s‟y tromper : la question des antennes relais et du principe de précaution est une
question éminemment politique, ou du moins aux enjeux politiques certains. Cela parce qu‟il
ne s‟agit pas seulement d‟une question juridique : c‟est une véritable problématique sociétale.
« Le droit perd sa fonction fondamentale de cohésion pour devenir un instrument de
politisation généralisée de la société» a-t-on relevé en doctrine120. Dès lors, il est de l‟intérêt
des opérateurs d‟user du lobbying et de la pression politique. Ce n‟est alors pas seulement la
responsabilité de l‟Etat qui est ici en cause. Une responsabilité politique est aussi engagée
parce que de la conduite et de la réaction du gouvernement va dépendre le maintien de la
confiance dans les opérateurs de téléphonie mobile. La responsabilité du gouvernement est de
faire que cette incertitude ne se transforme pas en une défiance qui pourrait compromettre
l‟existence même d‟une branche de l‟économie française. Les opérateurs de téléphonie mobile
ont ainsi besoin de l‟engagement du gouvernement comme le citoyen a besoin de croire au
gouvernement. Dans un univers politique, la médiation politique est essentielle. C‟est cette
carte là que les opérateurs ne doivent pas hésiter à jouer.
Pour preuve de l‟importance politique de notre sujet, une question écrite d‟un député a été
adressée au Ministre de la santé et des sports le 26 octobre 2010 121. Et ce dernier de répondre
qu‟ « à ce jour l‟expertise nationale et internationale ne conclut pas à l‟existence de risques
sanitaires liés à une exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de
téléphonie mobile. Cela a récemment été confirmé par l‟agence nationale de sécurité sanitaire
119
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°20
120
J-F FELDMAN, Le trouble voisinage du principe de précaution, Recueil Dalloz 2009 n°2
121
JO Assemblée nationale du 16 juin 2009, Question écrite N°52603
62
de l‟alimentation, de l‟environnement et du travail ». Preuve encore du caractère politique de
la question, un Grenelle des ondes avait été instauré qui amena au décret du 3 mai 2002 et il y
a peu, en mai 2009, une table ronde « radiofréquences, santé, environnement » a été
organisée. Dans un communiqué du Premier Ministre du 9 mars 2009, on apprend ainsi que
François Fillon souhaite que ce débat fasse la distinction entre les téléphones portables et les
antennes relais. Selon lui, « bien que les expertises disponibles ne permettent pas de conclure
sur le lien éventuel entre utilisation de téléphonie mobile et un risque de cancer », une
approche de précaution parait justifiée. En revanche, concernant les antennes relais,
l‟hypothèse d‟un risque de santé pour les populations vivant à proximité des antennes relais
ne peut être retenue en l‟état actuel des connaissances scientifiques et compte tenu des faibles
niveaux d‟exposition autour de ces installations. Ce communiqué n‟est d‟ailleurs pas anodin
en ce qu‟il prend position sur un des arguments du pourvoi du tribunal de grande instance de
Nanterre et la cour d‟appel de Versailles : la distinction qu‟il faut faire entre antennes relais et
téléphones portables. En effet, les requérants assimilaient antennes relais et téléphones
portables, ce que le présent communiqué condamne. Ainsi, les intimés qui s‟estiment victimes
d‟un risque sanitaire évoquent comme argument la controverse scientifique autour des effets
des ondes électromagnétiques liées à la téléphonie mobile amplifie le sentiment d‟angoisse.
Mais il ne s‟agit pas de téléphonie mobile. Il s‟agit d‟antennes relais. L‟appelant, la société
Bouygues a d‟ailleurs pris toute la mesure de cette confusion car elle invoque « une erreur de
fait » concernant les rapports scientifiques sur le risque sanitaire : ces études sont contestables
et contestées et en outre inopérantes car elles portent sur l‟usage des téléphones portables et
non sur les stations d‟antennes relais. Un communiqué ministériel pour rappeler subtilement
au juge qu‟il s‟est trompé ?
De cette table ronde, le Gouvernement a retenu plusieurs orientations : renforcement de
l‟information, concertation locale, expérimentations sur la baisse des niveaux d‟exposition,
rénovation du dispositif de contrôle des émissions. Un comité opérationnel présidé par le
député François Brottes est chargé de réaliser les expérimentations concernant l‟exposition du
public et la concertation locale dont les premiers résultats sont attendus en 2011. Attendons.
Mais la réponse semble claire : les pouvoirs publics, le gouvernement considèrent qu‟il n‟y a
pas lieu de faire jouer le principe de précaution, en tout cas qu‟il n‟y a pas de risque. Les
opérateurs doivent donc en appeler à la responsabilité du gouvernement et de la classe
politique. Les juges judiciaires ne peuvent plus se permettre d‟outrepasser leur office pour
rendre des décisions hors du temps, qui ne sont pas en adéquation avec la réalité sociale,
63
politique et économique. Les opérateurs doivent en appeler aux pouvoirs publics pour
négocier et faire admettre la présence d‟antennes relais, pour que les actions en justice ne
soient plus intempestives. Développer la concertation locale, user de la médiation, de la
négociation. Les pouvoirs publics se doivent de remplir ce rôle. Dans cette logique, un guide
des bonnes pratiques entre maires et opérateurs avait été établi en 2004 entre l‟association
française des opérateurs mobiles (AFOM) et l‟association des maires de France. Un nouveau
« guide des relations entre opérateurs et communes » a été publié en janvier 2008, l‟objectif
étant de rendre plus transparents et concertés les projets d‟implantation d‟antennes relais.
Continuons. C‟est cette voie là qu‟il faut emprunter. Celle de la négociation, du lobby, de la
discussion, pour éviter le « risque » de contentieux. Du « risque » potentiel des antennes relais
pour la santé humaine au « risque » de contentieux, c‟est là tout le miracle du politique. Les
opérateurs ne doivent pas négliger cette possibilité d‟autant plus que le Ministère de
l‟Ecologie et du développement durable lui-même, dans une communication122, a estimé que
le principe de précaution intervient dans des situations bien particulières et exceptionnelles,
l‟essentiel des situations d‟atteinte à l‟environnement étant régies par le principe de
prévention qui reste l‟outil principal dans la gestion des risques ».
Le politique doit réagir. Les opérateurs ne sont pas plus responsables qu‟un autre de ce risque
« incertain », potentiel, que constituent les antennes relais. La responsabilité est solidaire. La
précaution décrit une situation où une pluralité d‟acteurs se trouve en relation. Une situation
de précaution implique au moins : le producteur de risques, le régulateur, la victime, l‟expert,
le journaliste, ceux qui ont la tâche de mesurer, d‟évaluer les risques comme d‟en informer.
Les opérateurs devraient alors pouvoir réclamer la responsabilité d‟une société dans son
ensemble. Car le procès des antennes relais de téléphonie mobile n‟est pas le procès des
opérateurs téléphoniques, c‟est en réalité le procès d‟une société qui a su trouver un bourreau
idéal.
122
Communication de mars 2007 Fiches du ministère de l‟écologie et du développement durable sur la charte de
l‟environnement
64
Conclusion.- Ainsi a-t-on vu dans quelle mesure les opérateurs de téléphonie mobile peuvent
aujourd‟hui être responsables du fait des antennes relais, notamment sur le fondement du
principe de précaution. Ainsi a-t-on également vu des arguments permettant à ces mêmes
opérateurs de pouvoir s‟exonérer de leur responsabilité ou de se retourner contre l‟Etat ou
d‟en appeler à la classe politique. Le problème majeur réside dans le fait qu‟en matière de
précaution les textes en font une norme incertaine, auquel il faut ajouter le désordre créé par la
jurisprudence, le chaos jurisprudentiel, notamment devant le juge judiciaire où les opérateurs
ont presque plus à craindre de la théorie du trouble anormal de voisinage que du principe de
précaution lui-même. Le principe de précaution est donc une demi mesure : invoqué à demi
mots, jamais proclamé, jamais consacré. On peut alors s‟interroger. Pour clarifier la situation,
pour que les opérateurs téléphoniques aient le droit à la sécurité juridique et à la prévisibilité
du droit, ne faudrait-il pas que la Cour de cassation se prononce enfin ? Ne faudrait-il pas,
sinon, une intervention législation ? Sans doute. Mais il serait peut-être préférable, et peut-être
même plus sage, de modifier la Constitution pour supprimer la charte de l‟environnement et le
principe de précaution, décidément trop caractérisé par l‟incertitude.
65
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Thomas
TPICE, 11 sept.2002, aff.T-13/99, Pfizer Animal Health SA c/Conseil
AUTRES :
Dépêches Jurisclasseur, 27 avril 2009, 470 Ouverture d‟une table ronde « radiofréquences,
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70