Institutions Politiques Et Sociales de L'antiquité
Institutions Politiques Et Sociales de L'antiquité
Institutions Politiques Et Sociales de L'antiquité
SCIENCE POLITIQUE
Institutions
politiques
et sociales
de l'Antiquité
6e édition
Michel Humbert
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Institutions
politiques
et sociales
de l'Antiquité
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Institutions
politiques
et sociales
de l'Antiquité
6e édition
1997
Michel Humbert
Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
daIIoz
Le pictogramme qui figure ci-contre mérite une explication.
Son objet est d'alerter le lecteur sur la menace que représente
DANGER pour l'avenir de l'écrit, particulièrement dans le domaine de l'édi-
tion technique et universitaire, le développement massif du pho-
PHOTOCOPILLAGE tocopillage.
TUE LE LIVRE Le Code de la propriété intellectuelle du l" juillet 1992 interdit
en effet expressément la photocopie à usage collectif sans auto-
risation des ayants droit. Or, cette pratique s'est généralisée dans
les établissements d'enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de
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©ÉDITIONS DALLOZ - 1997
SOMMAIRE
(Une table des matières détaillée figure à la fin de l'ouvrage)
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■
AVANT-PROPOS
l'Etat. Mais le bon sens lié à une solide et respectable tradition réser-
vent ces questions à des cours spécifiques ; les cours de droit privé
romain (obligations, propriété, famille...) feront découvrir — expé-
rience passionnante — l'extraordinaire perfection atteinte par l'esprit
juridique romain.
LE DÉCOR
ET LES ACTEURS
DE LA VIE POLITIQUE
EN GRÈCE ET À ROME
SECTION 1
QUELQUES CONSIDÉRATIONS
DE GÉOPOLITIQUE
§1
LE CADRE DE LA CITÉ GRECQUE
élément, même si elles sont, chacune en son genre, les plus caracté-
ristiques. Ce monde grec forme un ensemble géographiquement limité
et homogène.
§2
DE LA CITÉ ROMAINE
AU MONDE ROMAIN
une lutte vitale avec le Nord, le Sud, l'Est : une lutte qui ne peut trouver
de solution que dans l'absorption de l'ennemi défait.
SECTION 2
LES CITOYENS
DU MONDE ANTIQUE
Il y a les citoyens et les autres. Tout cet ouvrage est consacré aux
citoyens. Dans ce chapitre préliminaire, ce sont les « autres » qui mé-
ritent quelque attention, les exclus. 11 s'agit des femmes, des esclaves
8 LE DÉCOR ET LES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE EN GRÈCE ET À ROME
§1
LES FEMMES,
EXCLUES DE LA CITÉ ANTIQUE
Que l'on voie dans le mythe l'expression d'un désir collectif, une
sorte d'émergence de l'inconscient d'un groupe, comme le rêve est la
brusque irruption de l'inconscient chez un individu, ou que l'on inter-
prète aussi (car les deux approches sont complémentaires) le mythe
comme le premier effort d'une société pour expliquer scientifiquement
le monde extérieur et pour comprendre rationnellement la Nature, en
toute hypothèse, le mythe aide à décrypter le regard des Grecs porté
sur les femmes et à comprendre la place qu'ils leur ont donnée dans
leur univers mental. Deux mythes apportent ici leur concours.
LE DÉCOR ET LES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE EN GRÈCE ET À ROME
est commune à tout le monde grec, quel que soit le régime politique,
aristocratique, oligarchique, démocratique. Pour un Grec, cette non-
participation va de soi. On se gardera donc de l'anachronisme cho-
quant (hélas fréquent) qui consisterait à dénoncer le caractère partiel
ou inachevé de la démocratie athénienne ... parce que les femmes n'y
auraient pas joui des droits politiques ; remarque aussi dénuée de si-
gnification, que si l'on voulait lier l'exclusion des femmes à une cons-
tante des régimes oligarchiques.
B L'ATTITUDE ROMAINE
22 Les enfants de la louve 0 Point de mère non plus pour les héros
fondateurs, Romulus et Rémus. Abandonnés et destinés à disparaître,
une louve les nourrit. L'élimination symbolique des femmes se pour-
suit jusqu'à la fondation de la cité qui n'appelle d'abord que des hom-
mes, exilés, bannis, sans feu ni heu, jusqu'au rapt des Sabines. Rome
partage donc avec les cités de Grèce le même rejet des femmes, mais
le mythe de l'autochtonie ne s'y retrouve pas, au contraire. Le pre-
miers Romains ne prétendent pas être nés du sol : ils viennent de par-
tout et de nulle part, préfigurant (et c'est ici que le mythe trouve sa
signification) la conception d'une citoyenneté non attachée au terri-
toire, mais douée d'une perpétuelle puissance d'attraction et d'assimi-
lation.
1. Bien que vouées à une chasteté perpétuelle, les Vestales portent le costume et la
coiffure réservés aux femmes mariées, aux matrones.
LE DÉCOR ET LES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE EN GRÈCE ET À ROME 13
§2
L'EXCLUSION DES ESCLAVES
ET DES ÉTRANGERS
La nature de l'esclavage
dans la pensée des philosophes
34 Les pérégrins 0 Tel est le nom que les Romains donnent aux habitants
des territoires conquis : pour l'essentiel, les Italiens sous la Républi-
que, puis les provinciaux sous l'Empire. Le principe qui guide ici la
politique de Rome est celle de la tolérance, longtemps de l'indifférence.
Les communautés pérégrines consentent leurs lois, leur organisation
administrative, leurs traditions locales, leur droit privé. Le statut des
pérégrins ne soulève de question qu'à deux occasions. Lorsqu'ils en-
trent en relation juridique avec les citoyens romains, premier cas, quel
droit leur sera-t-il applicable ? Les Romains ont élaboré deux groupes
de normes de droit privé ; le ius civile et le lus gentium.
LE DÉCOR ET LES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE EN GRÈCE ET À ROME 19
36 La cité romaine ouverte aux affranchis ô Ici, ait contraire, et dès les
origines, tout a été aménagé pour faciliter la propagation civique {in-
fra, n0 358). Les formes d'affranchissement n'ont cessé de s'assouplir ;
multiples, elles ont pour effet de permettre à un acte privé, expression
de la seule volonté du maître de l'esclave, de créer un citoyen romain.
Le cas de l'affranchissement testamentaire illustre à merveille cette
politique d'ouverture, comme si l'autorité publique avait même re-
noncé à contrôler les accès de la Cité. Le testament, étalage de puis-
sance et manifestation de générosité, permettait aux plus riches d'af-
20 LE DÉCOR ET LES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE EN GRÈCE ET À ROME
franchir leurs esclaves par centaines. Des lois de l'âge d'Auguste ont
tenté de mettre un frein à la générosité incontrôlée des testateurs, qui
menaçait les patrimoines, et d'autant pins déchaînée que son poids
retombait en réalité sur l'héritier et non sur le testateur. L'âge des
esclaves susceptibles d'être affranchis, l'âge auquel on put valable-
ment affranchir par testament furent limités l'un et l'autre ; le nombre
d'affranchissements le fut aussi : un pourcentage fixé en fonction du
nombre d'esclaves possédés, avec, pour limite extrême, le chiffre de
cent. Mais, par des affranchissements entre vifs, il restait toujours pos-
sible de dépasser ce chiffre déjà énorme. Les incidences démographi-
ques de ces affranchissements constants et moralement attendus sont
incalculables. Les Modernes ont tenté de chiffrer la part des citoyens
romains d'origine servile, sans pouvoir s'accorder bien entendu. Mais
que l'on estime, avec les minimalistes, que la majorité des habitants
de Rome, ou, avec les maximalistes, que la plupart des habitants de
Rome étaien l d'ascendance servile, il est certain que le renouvellement
et le brassage de la population civique furent profonds et permanents.
.
PREMIERE PARTIE
LA GRECE
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LA GRÈCE 25
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CHAPITRE 1
L'ÉVEIL DÉ LA GRÈCE :
DU ROI MINOS
AUX EUPATRIDES
■ SECTION 1
LE ROI MINOS ET SON PALAIS
L'âge d'or de la Crète se situe vers l'an 2000 avant J.-C., au moment
où, à Cnossos, règne la dynastie des rois Minos. Cette royauté traduit,
par rapport aux monarchies orientales qui l'entourent, une originalité
sensible. Le pouvoir central du roi est modéré, par son cadre, par ses
aspects religieux et surtout par le rôle qu'une interprétation purement
archéologique permet de reconnaître au peuple et à un « Conseil d'An-
ciens ».
§1
UNE ROYAUTÉ URBAINE
« Dans la mer vineuse est une terre aussi belle que riche... ; c'est la
terre de Crète aux quatre-vingt-dix villes ; parmi elles, Cnossos, grand-
ville de ce roi Minos que le Grand Zeus, toutes les neuf années, prenait
pour confident... » {Odyssée, 19, 172 s.). Tout l'important est dit : une
civilisation urbaine ; une pluralité de principautés ou de petits monar-
ques, mais qui s'inclinent devant le prestige du roi de Cnossos. L'ar-
chéologie le confirme. De multiples palais ont été mis au jour ; aucune
forteresse ni enceinte ne les protège. Ce climat de paix et de sécurité
implique l'autorité incontestée d'un roi plus puissant qui seul entre
périodiquement en contact avec la divinité. Quels sont les caractères
de ce pouvoir royal ?
1. Une écriture syllablque originale servit à transcrire le crétois (linéaire A) et, par la
suite, le mycénien (linéaire B). En 1952, deux anglais, J. Chadwick et M. Ventris utilisant
les procédés de décryptage de l'armée ont percé le mystère de cette écriture Mais leur
découverte ne permet de comprendre que les textes recourant au linéaire B (dont la
langue est du grec archaïque) et non les tablettes crétoises, dont la langue reste incom-
prise.
30 LA GRÈCE
§2
LE CONSEIL ET LE PEUPLE À MALLIA
SECTION 2
L'OR DE MYCÈNES
ET LES CASEMATES DE TIRYNTHE
(1550-1200)
§1
DES MONARCHIES MILITAIRES
§2
LA TRADITION
DE L'EXPLOITATION CENTRALISÉE
SECTION 3
LE ROI HOMÉRIQUE
ET SES COMPAGNONS (1050-700)
§1
LE ROI HOMÉRIQUE
ET LE PARTAGE DU POUVOIR
Le roi conserve des signes apparents de force, mais son pouvoir est
considérablement affaibli par rapport à la période antérieure.
1. Ainsi nettement II. 16, 385 s. ; « Zeus ... manifeste sa colère aux mortels à qui il en
veut, à ceux qui sur la grand-place (agora), brutalement, prononcent des sentences (thé-
mistes) torses et bannissent la justice (diké) ». La juridiction royale s'exerce ici devant le
peuple, sur l'agora.
36 LA GRÈCE
ridiction royale {II. 16, 387). Même passive, l'assemblée du peuple est
un fort élément de contrepoids.
Si l'on veut apprécier l'importance et du Conseil et de l'Assemblée,
il faut relire les vers {Od. 9, 112 s.) qui, par les mœurs des Cyclopes,
définissent la sauvagerie ; « Chez eux, pas d'assemblées qui jugent ou
délibèrent, pas de lois (thémistes), mais, au haut des grands monts, au
creux de sa caverne, chacun, sans s'occuper d'autrui, dicte sa loi à ses
enfants et femmes ». La civilisation, au contraire, confie à des assem-
blées {agora et boulé) le soin de « porter conseil » au roi, de l'empêcher
de « dicter sa loi », d'établir une norme asociale et arbitraire.
§2 —
STRUCTURE
DE LA SOCIÉTÉ HOMÉRIQUE
B UN CLIVAGE VERTICAL
§3
L'ÉVICTION DU ROI (8G s.) ET
L'AVÈNEMENT D'UN GOUVERNEMENT
ARISTOCRATIQUE
UN SYSTEME DE SELECTION
ET DE ROTATION
Bibliographie 0
M. I. Finley, Les premiers temps de la Grèce (L'âge du bronze et l'épo-
que archaïque), trad. franç., Paris, 1973, 183 p. (sur la Crète, Mycènes
— mais sans l'apport des tablettes —, la Grèce archaïque).
Sur les fouilles de Mallia : H. Van Effenterre, Politique et religion
dans la Crète minoenne, Revue Historique 1963, p. 1-18 ; Le Palais de
Mallia et la cité minoenne, Rome, 1980, notam. tome I, p. 189 s.
Sur le monde dit mycénien, J. Chadwick, The Mycenaean World
Cambridge, 1976, 201 p. (l'apport des tablettes, dont J. Chadwick fut
l'un des déchiffreurs et traducteurs).
Pour la période homérique : M.-I. Finley, Le monde d'Ulysse) trad.
franç. Paris, 1978, 243 p.
42 LA GRÈCE
L'AUBE DE LA DÉMOCRATIE
(650-501)
SECTION 1
LA CRISE DU 7e SIÈCLE
§1
DE L'ESPRIT CHEVALERESQUE
AUX TRAVAUX DES CHAMPS
§2
TRANSFORMATIONS ÉCONOMIQUES
ET CRISES SOCIALES AU 7e SIÈCLE
§3
LA COLONISATION :
ESSAIMAGE OU EXPULSIONS
§4
LA TYRANNIE DES RÉPUBLIQUES
COMMERÇANTES
lations commerciales avec ces nouvelles cités : ils stimulent une ri-
chesse mobilière dont ils perdent le monopole. C'est en 657 qu'est por-
tée à son comble la tension rivale entre les tenants du pouvoir et les
nouveaux enrichis : un métèque, Rypsélos, à la fortune aussi récente
qu'elle est importante, supprime la famille des Bacchiades, s'empare
du pouvoir. Prolongée par son fils Périandre, la tyrannie des Rypséli-
des durera jusqu'en 585. Ce pouvoir personnel, aidé par les riches
« bourgeois », s'appuie, au moins dans un premier temps, sur le prolé-
tariat urbain. A la même époque, vers 650, à Mégare, à Epidaure, à
Ephèse, des tyrans jouissant d'un monopole (la fabrication de la laine
pour Mégare ; le trafic maritime pour Ephèse) conquièrent par la force
le pouvoir. A Sicyône, vers 670 encore, ce sont les hoplites (encore les
nouveaux riches) qui portent à la tyrannie leur commandant militaire
(un archonte polémarque, fils d'un cuisinier). Le commerce maritime,
rival des revenus du sol, était la source de l'essor local. A Samos, un
demi-siècle plus tard, l'essor commercial (laine, chantiers navals, mé-
taux précieux) incite un grand capitaine, Polykratès, propriétaire d'une
flotte considérable, à évincer le pouvoir aristocratique.
En revanche, on ne constate aucune tyrannie dans la Grèce de l'in-
térieur (Sparte, par ex.), ou du Nord (Thèbes, par ex.). Ces régions,
exclusivement agricoles, seront pourtant frappées par de graves crises
sociales et économiques ; mais il y manquera la condition nécessaire
à la germination d'une tyrannie : une forme nouvelle de richesse, celle
qu'apporte le commerce, seule capable de saper les hases de la puis-
sance politique des nobles.
50 LA GRÈCE
SECTION 2
L'EXPÉRIENCE SPARTIATE :
L'EUNOMIA
§1
POUR L'EUNOMIA, LA NOBLESSE
RENONCE AUX PRIVILÈGES
DE LA NAISSANCE ET DE LA FORTUNE.
L'ÉGALITÉ ABSOLUE
DE TOUS LES CITOYENS
79 a) Egalité par la fortune 0 Les nobles ont abandonné leurs terres, les
plus fertiles, pour les mettre au service de la communauté des Egaux.
A chacun est attribué un lot (cléros), inaliénable et non susceptible
d'être engagé. Cultivé par un serf de l'Etat (hilote), le cléros produit un
revenu invariable — que seules les dimensions de la famille peuvent
modifier—, payé en nature. Cette rente alimentaire constituée sur une
terre redistribuée probablement à chaque génération permet au Spar-
tiate de payer sa quote-part pour la table commune, de nourrir ses fils
en bas âge et ses filles, mais non de s'enrichir. Le commerce, de même
que la culture, est interdit aux Egaux ; une monnaie impraticable, en
fer, les condamne à une économie de troc. Leur occupation unique et
permanente se déploie sans entraves : la guerre. L'égalitarisme radical
se maintiendra immuable de génération en génération.
POUR L'EUNOMIA,
LES CASTES DE PARIAS
§3
L'EFFICACITÉ DANS L'ORDRE :
L'EXERCICE OLIGARCHIQUE
DU POUVOIR
SECTION 3
L'EUNOMIA ATHÉNIENNE :
DRACON ET SOLON (630-593)
§1
LE PUTSCH DE CYLON
ET LES RÉFORMES DE DRACON
Enfin le droit d'agir est reconnu à chaque victime pour obtenir répa-
ration ou vengeance, alors même que, isolée, elle ne pourrait compter
sur le soutien d'un clan : l'action est devenue individuelle — avec Se-
lon elle sera « populaire » ( ouverte à tous les citoyens, meme etran
ger's à l'infraction). Sous tous ces aspects, les éléments d'un droit cri-
minel moderne sont esquissés.
§2
SOLON LE MÉDIATEUR : L'EUNOMIA
car l'homme est seul responsable de son destin. « Notre cité ne périra
pas par un décret de Zens ... Mais ce sont les citoyens eux-mêmes, par
leur avidité d'argent, par leur sottise, qui veulent envoyer la Cité à la
ruine ». Le devenir de la société politique n'est pas le fruit du hasard.
L'Homme est maître de ce monde cohérent. Les réformes sociales et
politiques que proposera Solon sont la première affirmation de la ca-
pacité, chez l'individu, de trouver une solution globale aux crises qu'il
a lui-même produites.
1. Selon ARISTOTE, A. P. 8, 1, le choix se serait lait par tirage au sort : vue troc récente
qui aurait trop atteint le prestige des archontes. L'élection permet au peunle de choisir e
meilleur candidat, qui, de fait, se trouve être le plus souvent un noble le Fnlns ante F
à
gouverner la Cité. '
62 LA GRÈCE
Eunomia 0 Les thètes dans Vecclésia, une justice populaire, les privi-
lèges politiques des nobles émoussés, les débiteurs libérés : autant de
mesures « démocratiques » au sentiment d'Aristote. Mais la « constitu-
tion » de Solon n'est pas une démocratie. On y chercherait vainement
l'idée d'une égalité dans la loi, d'une loi distribuant à chacun, riche ou
pauvre, noble ou non, une part égale des droits politiques. Non, Solon
n'en a pas voulu : il l'a fort nettement dit lui-même.
La société athénienne des années 595 reste inégalitaire : sociale-
merit, économiquement, politiquement. Solon a refusé, quelles que fus-
sent les pressions et l'ardeur des appétits, de procéder à un nivelle-
ment révolutionnaire ; car, prématuré, il aurait engendré désordres et
violences. Pour Solon la société reste répartie entre les bons ou nobles
(les kaloi kagathoi : « les beaux et les bons ») d'une part, et les vilains
(les kakoi : « les mauvais ») de l'autre. Les premiers, parce qu'ils pos-
sèdent la vertu politique, ne partageront pas leur richesse foncière
avec les pauvres, « car la satiété engendre la démesure, quand une trop
grande fortune échoit à ceux qui n'ont pas une sagesse suffisante »
(Solon, cité par ArisL, À. P. 12, 2). Les nobles ne subiront pas de con-
fiscations, « car il ne me plaît pas de donner aux bons et aux mauvais
une part égale de la terre grasse de la patrie ».
En réalité la ligne de conduite dont Solon ne s'est jamais départi
tient en un mot, titre de l'un de ses poèmes : Y eunomia. L'ordre et la
mesure. Y?eunomia impose aux nobles qu'ils abandonnent leur orgueil
et la force brutale, et au peuple qu'il se contente de la puissance nou-
velle qu'il a reçue, sans demander plus. Il ne doit y avoir, en ces partis
rivaux, ni vainqueur ni vaincu. C'est en cela que Solon s'est montré un
arbitre et non un partisan. « Aussi ferme qu'une borne », « comme un
loup au milieu d'une meute de chiens ... j'ai rédigé des lois égales (non
pas identiques, mais justes) pour le bon et pour le méchant, fixant pour
chacun une justice droite ». Souci de l'ordre, comme à Sparte, mais par
L'AUBE DE LA DÉMOCRATIE (650-501) 63
SECTION 4
L'INTERMÈDE NÉCESSAIRE
DE LA TYRANNIE :
LES PISISTRATIDES (561-511)
96
L'anarchie après Solon 0 Dans l'immédiat, l'arbitrage de Solon aurait
dû réconcilier : il divisa plutôt. Les aristocrates dénoncent une réforme
qui a trop cédé au peuple ; mais les plus humblefKplament leur décep-
tion d'avoir recueilli si peu. Très vite, trois factions divisent l'Attique,
dont la cohésion restait encore fort douteuse. Le « parti de la Plaine »
(ou Pédion) rassemble, avec les riches propriétaires de l'intérieur ou
Eupatrides, les partisans de l'oligarchie ; les réformes de Solon, en
supprimant leurs créances, les auraient « ruinés » (Arist., A. P., 13, 3) ;
mais c'est, en réalité, l'ouverture politique qui les fait se dresser contre
son œuvre. Face à eux, le « parti de la Montagne » (de la Diacria :
collines de l'intérieur de l'Attique) regroupe tous les mécontents, dépi-
tés de ne pas avoir reçu de Solon les terres qu'ils réclamaient ; bergers,
citoyens revenus d'exil, anciens hectémores, tous sont favorables à
une révolution agraire — ou à un salariat urbain. Seuls les « gens de
la Côte » (ceux 'de la Paralia) ne rejettent pas une constitution dont ils
espèrent profiter. On verra parmi eux les commerçants et les artisans
qui, en dépit d'une fortune mobilière et récente, mais grâce à Solon,
peuvent accéder aux magistratures et aux conseils.
§1
LA TENDANCE ÉGALITAIRE
DE LA TYRANNIE
§2
UNE PRISE DE CONSCIENCE POPULAIRE
ET « NATIONALE »
102 La création artistique 0 L'impression qui domine est celle d'un art
tourné vers l'intérêt commun. Posons un regard sur les rapports entre
l'artiste, son œuvre et son public. L'architecture se confond avec l'ur-
banisme des Pisistratides ; or on y chercherait en vain une trace de la
vanité des maîtres du pouvoir. Ni palais, ni tombe majestueuse pour
rappeler un souvenir fier à la postérité, mais des édifices au service de
tous : temples, fontaine, travaux d'adduction d'eau ... Rien dans les
sculptures du 6e s. qui évoque un portrait ou une héroïsation indivi-
duelle. Ces kouroi (ou ko rai), jeunes hommes ou divinités, sont un
idéal proposé à tous et non un personnage hors du commun que l'on
L'AUBE DE LA DÉMOCRATIE (650-501) 67
veut exalter. L'art du peintre est en partie conservé sur les vases. Les
premières œuvres signées, il est vrai, apparaissent à cette époque.
Mais jamais l'artiste ne prend le devant. Il entend servir un art dont la
perfection répond à des canons stricts, et non le snobisme d'un client
soucieux d'exclusivité, ni sa propre vanité d'artiste par une originalité
provocante. L'art ne sert pas l'esthétisme. L'art est au service des goûts
de la communauté (mais il n'a rien d'un « art » officiel !).
Sous tous ces aspects, la tyrannie a donné au peuple une fonda-
rnentale conscience de son existence. Sa sensibilité, ses émotions, ses
goûts entrent officiellement dans la cité. Etait-ce l'avènement de la
démocratie ? Un grand pas vers elle, assurément, mais guère plus, car
l'exercice du pouvoir est solitaire.
SECTION 5
LA RÉVOLUTION ISONOMIQUE
DE CLISTHÈNE (507-501)
§1
LE NOUVEL ESPACE POLITIQUE
1. Ces chiffres, qui restent des approximations proposées par les Modernes, évolue-
ront pour atteindre leur maximum à l'époque de Périclès, à la veille de sa loi imposant
une fermeture très rigoureuse de l'accès à la cité par le mariage (infra,n° 151). Athènes
pouvait iilors compter 60000 citoyens mâles adultes et 30 à 40 000 métèques (soit une
population civique de 200 000 âmes et une population étrangère de 100 à 120 000e âmes).
Ces chiffres retomberont après la Guerre du Péloponnèse et stagneront, au 4 s., aux
alentours de 30000citoyens et 15000métèques (population totale, respectivement:
100 000 et 50/60 000 ; pour les esclaves : 150 000 environ). Cf. M.H. Hansen, Démocratie
Athénienne 1993, p. 78-79 ; 119-123.
L'AUBE DE LA DÉMOCRATIE (550-501) 71
1119 b) Les trittyes 0 Leur rôle est d'éviter qu'au sein de chaque dème un
particularisme excessif ne fasse perdre de vue l'intérêt général. Aussi
chaque trittye regroupe-t-elle trois ou quatre dèmes contigus. On ob-
tient de la sorte 30 trittyes, 30 circonscriptions homogènes : 10 pour la
ville, 10 pour l'intérieur et 10 pour la côte. Toutefois, pour éviter la
naissance de structures locales trop puissantes, car politiquement et
sociologiquement cohérentes, la trittye ne dispose que d une faible or-
ganisation. Sans assemblée ni magistrat, elle sert surtout à coiffer les
dèmes et à former la tribu.
116 d) Les cultes et la Cité 0 Un calendrier neuf — il n'est pas sans évo-
quer celui de la Révolution — achève le bouleversement du temps
politique. La Cité change de rythme ; elle ne vivra plus selon celui des
douze mois lunaires ponctués des fêtes traditionnelles, mais en har-
monie avec les dix prytanies qui voient se succéder assemblées res-
treintes et solennelles, élections, redditions de comptes ... Ce n'est pas
que le sacré fût pour lui-même rejeté. Simplement la vie politique oc-
cupe le devant de la scène. Mais la réforme, une fois de plus, respecte,
en apparence au moins, le passé. Les sacerdoces repliés sur certains
L'AUBE DE LA DÉMOCRATIE (650-501) 75
génè, les cultes ancestraux entretenus auprès des phratries et des an-
ciennes tribus sont maintenus, à côté des formes nouvelles juxtapo-
sées. Clairvoyance dans le jugement de l'avenir, certes ; mais souci
chez Clisthène d'éviter les ruptures brutales, révélatrices d'une ambi-
tion tyrannique.
Originalité. Mais longévité? Le gouvernement de la Cité vient
d'être donné an peuple. Clisthène veut encore que le peuple lui-même
monte la garde, assure avec vigilance la défense de sa constitution,
dénonce, avant d'avoir reçu les premiers coups, les oligarques nostal-
giques, les partisans de la tyrannie, les ambitieux, bref tous les enne-
mis du peuple et de son organisation.
§3
L'OSTRACISME
§4
DÉMOCRATIE ?
1
19 L'isonomie 0 « Clisthène a établi chez les Athéniens les tribus et la
démocratie» (Hérodote, 6, 131, 1). L'éloge est prématuré. Le mot dé-
mocratie est encore ignoré à l'époque de Clisthène ; 1 idée d une égalité
Pour tous des droits politiques, l'idée d'un pouvoir résidant exclusive-
ment dans le peuple n'est pas encore connue. Certes, par l'ecclésia,
l'Héliée ou la Boulé, le peuple accède au gouvernement. Mais des « iné-
galités » subsistent ou plutôt une autre conception de l'égalité s'af-
firme : égalité des droits, mais proportionnels aux charges. Cette con-
ception clisthénienne d'une certaine égalité -— et que la démocratie
florissante fera peu à peu disparaître pour une égalité plus radicale,
« arithmétique » —, porte le nom à'isonomie. C'est une égalité « géomé-
trique ». Vérifions-le d'un mot : les classes censitaires, conservées par
Clisthène, permettent aux seuls plus riches d'accéder aux magistratu-
res supérieures (archontes, stratèges) ; l'Aréopage, refuge des anciens
1. Les trois premiers ostracisés (488, 487, 486) l'ont été en tant qu « amis des tyrans ».
Par la suite c'est « contre des citoyens qui paraissaient trop grands » que les votes se
Prononcent ■ Xanthippe (chef du parti du peuple, père de Périclès), 485 ; Aristide (chef du
Parti conservateur ; pour le motif: supra n" 118) en 482 ; Thémistocle (adversaire d'Aris-
tide), en 472 ■ Cimon (chef du parti des riches, infra n" 127) 462 ou 459 ; Thucydide (fils
de Mélésias, du dème d'Alopékè ; il ne s'agit pas de l'historien, mais du principal adver-
saire de Périclès ; cf. infra n" 173), ostracisé en 444, rappelé en 441 et élu stratège cette
année même. Sur l'affaire d'Hyperbolos, v. infra, n" 118, n. 2. On connaît par la tradition
littéraire une dizaine d'ostracisés sûrs, dont on a retrouvé les ostraca, mais de manière
fort inégale : 4650 pour Mégaclès, 49 pour Thucydide. Les fouilles, de plus, ont révélé 136
noms de «candidats à l'ostracisme», dont plusieurs, souvent, pour la même année. La
Plupart, faute d'une majorité suffisante, ne partirent pas. Mais il est certain que le peuple
Prit au sérieux son examen de confiance ; il dut procéder chaque année, ou presque, à
une ostracophorie.
2. « Démagogue roturier », Hyperbolos tente, en 41 /, de faire ostraciser son adversaire
Alcihiade. Mais celui-ci retourne si bien l'assemblée que le nom d'Hyperbolos sort de
l'urne... Sur cet ostracisme « truqué » qui discrédita l'institution, voir Ed. Will Le Monde
Grec et l'Orient, cité infra, n" 167, p. 344 et suiv.
78 LA GRÈCE
LE DÉMOS AU ZÉNITH :
LE SIÈCLE DE PÉRICLÈS
(5e SIÈCLE)
SECTION 1
LE SUPPORT MATÉRIEL
ET INTELLECTUEL
DE LA CITÉ DÉMOCRATIQUE
Sous-section 1
Où l'armée joue un rôle encore
a
) Un dernier combat : Marathon, 490 0 En 499, une révolte éclate
chez les Grecs d'Ionie. Placées depuis 546/540 sous la domination
Perse, ces cités supportent mal l'autorité des satrapes et des tyrans
locaux dont le Grand Roi, Darius, a un peu partout favorisé l'installa-
tion. L'appel à la liberté, s'il laisse sourds les Spartiates, éveille à Athè-
nes un mouvement de solidarité. Mal lui en prit. Les vingt vaisseaux
fiu'elle envoie en 498, « absurde coup d'épingle au flanc de 1 empire
Perse » (Ed. Will), repartirent piteusement après l'incendie de la ville
he Sardes. Ce geste, que blâmera après coup Hérodote, n'allait pas, on
8
en doute, briser l'expansionnisme perse. Athènes, devinant des re-
présailles, guette les signes d'une invasion. Ils se précisent en 493.
Thémistocle, élu archonte, prépare la fortification du Piiée, pressen-
tant que la tentative de conquête se ferait par la mer. L'idéal démocra-
tique le soutient. N'y a-t-il pas, chez les Perses, un conseiller écouté de
Darius, Hippias, le dernier tyran d'Athènes, qui, depuis son exil de 511,
ressasse les mêmes rêves de rétablissement ? Lorsqu'en 490 la flotte
Perse cingle vers l'Enbée, puis de là, guidée par Hippias, vers l'Attique,
l'archonte Miltiade fait triompher à Yecclésia le parti de la résistance :
l'armée de fantassins partira seide (puisque les Spartiates sont « rete-
nus par les fêtes d'Apollon ») à Marathon, à une course d'Athènes,
couper la route aux Perses qui débarquent. Ce fut une victoire. Inespé-
rée. D'Athènes seule. Mais Marathon, c'est aussi une fin de siècle. Der-
nier combat hoplitique, dernier combat aussi commandé par un ar-
chonte polémarque. Après cette date, à l'armée des paysans, classe
82 LA GRÈCE
125 b) Salamine, ou l'appel aux thètes 0 Après 490, le parti des nostal-
giques est défait. Deux ou trois ostracismes chassent de la Cité les
« amis des tyrans ». Mais une seconde offensive perse contraint à s'ar-
mer. Thémistocle reste persuadé que l'effort doit porter sur la mer et
parvient à convaincre ses concitoyens de consacrer à la construction
d'une flotte de guerre les lingots d'argent que les mines du Laurion
livrent à profusion. Deux cents trières sont mises en chantier. A raison
de 174 matelots chacune, ce ne sont pas moins de 34 800 rameurs que
l'on appelle pour les équiper, alors que 6 000 à 8 000 hoplites seule-
ment combattaient à Marathon. On recourt aux thètes et même à des
métèques : la république paysanne cède la place à la république popu-
laire. Non sans résistances ; mais les opposants sont réduits au silence.
Aristide, partisan de la classe moyenne et des conservateurs inquiets
de cette ouverture populaire, est ostracisé en 483/2.
L'intuition de Thémistocle sauva Athènes et la Grèce. En 480, le
choc avec le rouleau compresseur perse (on évalue à 150 000 combat-
tants et à plus de 1 200 navires les forces médiques) se produit. Pen-
dant qu'un détachement de Spartiates commandés par leur roi Léom-
das ralentit, par son sacrifice, l'invasion par voie de terre, Thémistocle
attire par une ruse l'imposante flotte perse dans le détroit de Salamine.
Coincés dans ce goulet, les navires ne peuvent se déployer. Sur leurs
propres unités les Perses « sont massacrés comme des thons » (au té-
moignage d'Eschyle, présent au combat, rapporté dans les Perses, au
vers 424). Le Grand Roi, Xerxès, fuit. Certes les dégâts sont impor-
tants : l'Attique ravagée, Athènes pillée, ses sanctuaires incendiés ; une
partie des troupes perses occupe encore le terrain (elles seront battues
à Platées en 479). Mais la menace perse est repoussée. La flotte d'Athè-
nes a joué un rôle décisif, fruit d'une révolution militaire engagée dès
les lendemains de Marathon, et qui rejaillit aussitôt sur la politique
intérieure et extérieure.
Sous-section 2
Où l'argent joue
un plus grand rôle encore :
l'impérialisme athénien
: :—;
DE LA FÉDÉRATION À L'HÉGÉMONIE
ATHÉNIENNE (478-462)
a
^ ) La ligue de 481 0 Hâtivement jurée sur les bords de l'isthme de
Corinthe, elle concilie parfaitement l'union de tous et l'autonomie de
chacun. Devant le péril perse, l'obéissance sans condition aux impé-
ratifs d'une guerre défensive n'est pas marchandée i et il est évident
que face à une nécessité si immédiate, ni Sparte, investie de la direc-
tion de l'alliance, ni Athènes n'ont eu le souci de détourner à leur
Profit la force de tant de cités assemblées. Celles-ci furent près de 200
à s'unir, à nommer chacune un député au Synode en un système stric-
tement égalitaire : une cité, une voix. L'organe est permanent. Sa com-
pétence (organisation de la défense ; répartition des charges financiè-
res exigées pour les combats communs) ne peut s'évader de sa
wission urgente, mais provisoire. Et pour renforcer les obligations
nées de l'alliance, un châtiment menace, terrible : la décimation, con-
sacrée au sanctuaire delphique, des hommes et du territoire de la cité
fini, contre le serment des conjurés, ferait défection.
84 IA GRÈCE
trative de tout premier plan (l'examen des comptes des hauts magis-
trats : archontes, stratèges) et une juridiction criminelle remontant aux
origines de la Cité. C'est cet ensemble qu'attaque Ephialte, attribuant
aux uns (l'Héliée), la justice des crimes de sang sans résonance reli-
gieuse, aux autres (la Boulé), l'examen des comptes des magistrats
(avec appel devant l'Héliée). Sa réforme achevée, Ephialte fut assas-
siné par un métèque armé par les oligarques ; mais, à son retour, Ci-
mon fut ostracisé comme ennemi du démos. Il est fort probable que
parmi les inspirateurs de sa chute on trouve Périclès.
\
§2
DE L'HÉGÉMONIE À L'IMPÉRIALISME ;
PÉRICLÈS (460-430)
A AFFIRMATION DE L'IMPERIALISME
1. Cf. les listes de stratèges reconstiluées et disculées pur V. Eiirenbehg, Sophodes und
Perikles, Munich, 1956, p. 92-99.
2. Thucydide, 1, 139, 4 et 2, 65, 9.
LE SIÈCLE DE PÉRICLÈS (5' SIÈCLE) 87
133 Une tutelle rigoureuse 0 Athènes, tout à la fois, doit monter la garde,
enquêter et surveiller, se réserver le privilège de châtier, favoriser les
régimes populaires. C'est à ce prix qu'elle put imposer sa suprématie.
1° Monter la garde : des hoplites en détachement. Mille, deux mille
garnisaires, les clérouques, partent occuper les lots (cléros) dont les
cités suspectes ont été amputées par une grave spoliation. Les clérou-
qnies ne sont pas des colonies ; elles n'en ont pas l'autonomie. Ces
corps expéditionnaires conservent leur citoyenneté athénienne. Ils vi-
vent en parasites entretenus sur le sol des cités sujettes. 450, 447,446 ...
le système fait ses preuves, puis se généralise.
L'IMPERIALISME
AU SERVICE DE LA DÉMOCRATIE
c
) L'impérialisme et l'idéologie démocratique 0 Le démos, sous Pé-
ftclès, ressent un attachement indéfectible pour une formule de gou-
vernement qui lui permit tour à tour de triompher du barbare, de
•avaliser avec Sparte et de placer sous sa domination la moitié du
•fonde grec. Les adhésions tardent-elles ? Qu'importe. Dans un para-
doxe qui a été relevé, la plupart des œuvres littéraires, à Athènes
'fême, sont réservées (qu'il s'agisse du théâtre : Sophocle, Euripide,
Aristophane, ou de l'histoire : Thucydide) envers une formule politi-
que trop neuve à leur goût et choquante par sa volonté de rupture avec
le
Passé. A l'extérieur, l'opposition à la démocratie (Sparte et ses satel-
1- Sur cette loi, C. Patterson, Pericles'Citizenship Law 0/4> l-JO-li.C., New-York, 1981.
92 LA GRÈCE
lites) est plus évidente. Mais le temps aura raison de cette malveil-
lance. Le peuple oppose à ses détracteurs sa confiance en un système
qui le comble de puissance et, qui plus est, est son œuvre.
La démocratie est une œuvre humaine. Par elle, l'homme, sans l'ap-
pui des dieux (c'est toujours eux qui parlent dans la tradition reçue des
ancêtres), affirme son pouvoir de décision : face aux dieux, face à la
nature, face aux autres hommes. Phidias, l'ami de Périclès, a chanté
sur la frise du Parthénon et ses métopes cette victoire du démos athé-
nien sur la nature et l'Olympe. Le combat des Lapithes et des Centaures
évoque crûment le triomphe d'Athènes sur les « Alliés » : le sculpteur
n'aurait-il pas donné à son Thésée, adversaire glorieux des Centaures,
les traits de Périclès ? Avec une surprenante audace (elle lui coûtera,
en 438, ses propres droits de citoyen), Phidias pose comme un défi la
grandeur du citoyen vis-à-vis du monde des dieux ; il admet des Athé-
niens vivants (la procession des Panathénées) en la présence des
dieux, réunis en rond dans l'attitude patiente d'un modeste conseil
d'administration de cité (frise Est du Parthénon). Fière de sa démocra-
tie, consciente de sa victoire, Athènes s'olfre en modèle. Vers 380, le
Panégyrique d'Isocrate le rappelle : « Nous avons établi chez les autres
cités la même constitution que la nôtre. ... Quelques mots suffisent à
en faire l'éloge. Nous avons vécu sous ce régime pendant soixante-dix
ans, ignorant les tyrans, libres en face des barbares, à l'abri des que-
relles intestines, apportant la paix à tous les hommes » (§ 106). L'em-
pire a donné à la démocratie ses lettres de noblesse.
Sous-section 3
Où, sans les philosophes,
la Cité n'est rien : la sophistique
§1
LA NATURE DE LA LOI POSITIVE
§2
LA FORMATION POLITIQUE
DU PEUPLE SOUVERAIN
§3
LE JUSTE ET L'UTILE
est plus forte, plus digne d'un homme libre, plus royale que la justice »
{Rép. 344 c). Le mépris de la loi est une preuve de force. La leçon vaut
autant pour les individus dans la cité que pour les cités entre elles.
Le personnage que Platon a présenté dans le Gorgias sous le nom
de Calliclès (il s'agit peut-être en réalité de Polycratès) donne une dé-
finition de la loi en apparence opposée à celle de Thrasymaque. Mais
c'est, finalement, pour atteindre un résultat comparable, seulement
plus excessif. Pour lui, la loi ne représente pas l'intérêt du plus fort,
mais du plus faible. Elle est une convention, imposée par la coalition
majoritaire des faibles cherchant à se protéger elle-même par l'effet
dissuasif de la sanction de la loi. Pourquoi respecter la loi, cette morale
des faibles ? La loi de la nature l'interdit aux forts ; l'impérieuse néces-
sité de la nuiure enjoint aux surhommes de suivre leur propre utilité et
de mépriser la loi. « Selon la nature, ce qui est le plus laid, c'est tou-
jours le plus désavantageux : c'est subir l'injustice. Selon la loi, c'est la
commettre » {Gorgias, 482 e). Il y a deux justices, mais elles n'ont pas
la même valeur. L'une supérieure, la justice selon la nature, veut la
satisfaction immédiate de l'intérêt du plus fort, au mépris de la loi ;
l'autre, la justice selon la loi humaine, pose l'obligation de se soumet-
tre à la loi.
Après avoir donné à l'homme — au démos — la maîtrise du juste
et de la loi, les sophistes lui donnaient les moyens de détruire la loi. Il
ne pouvait y avoir pour le peuple d'arme plus redoutable : il risquait,
en la maniant, d'en être lui-même la victime. Mais dans l'immédiat
c'est sur les « Alliés » d'Athènes que retombèrent les premières inci-
dences pratiques de ce courant si neuf.
L'ECCLESIA PARTAGEE
ENTRE LE JUSTE ET L'UTILE
150
Conclusion 0 L'apologie de la force débouche sur l'horreur. Mais l'ex-
ces ne doit pas masquer l'extraordinaire réflexion qui précède. La so-
phistique a gratifié l'homme d'une confiance sans bornes et systéma-
fiUe ; elle démontre que le peuple mérite rationnellement le
gouvernement dont l'histoire l'a rendu maître ; avec une lucidité sans
Précédent, elle affirme que dans toute cité l'intérêt du moment et la
ffistice tendent à se confondre. C'est bien une puissance infinie qui est
reconnue ici à la démocratie, avec tous les risques qu'elle impliquait.
L
organisation des pouvoirs s'est-elle souciée d'éléments de contrôle
et
de pondération ?
100 IA GRÈCE
SECTION 2
L'ORGANISATION DES POUVOIRS
DANS LA CITÉ DÉMOCRATIQUE
§1
L'ECCLÉSIA
A LE REGLEMENT DE L'ASSEMBLEE
1. Ordonnance d'Alger du 21 avril 1944, qui reçut application pour la première fois le
21 octobre 1945.
LE SIÈCLE DE PÉRiCLÈS (5e SIÈCLE) 101
dominée par la discipline très stricte qui règne au sein de chaque unité
de vote. Le système y est encore aggravé par le principe du vote à deux
degrés (majorité dans la tribu ou la centurie ; puis majorité des unités
de vote). A Athènes, au contraire, non seulement le citoyen est néces-
sairement affranchi de tout cadre politique ou censitaire, de toute ré-
partition fondée sur des critères d'âge ou de domicile, mais la majorité
de l'assemblée correspond exactement à la majorité des votants. Les
avantages du système athénien (liberté individuelle absolue) sont évi-
dents. Mais il y a une contrepartie : l'assemblée non morcelée en uni-
tés homogènes risque, plus qu'ailleurs, d'être la proie de mouvements
passionnés et irréfléchis.
I
c) Le mécanisme du vole 0 Une triple procédure selon le type de vote.
Lorsque la liberté d'un individu est en cause (ostracisme, eisangélie),
on recourt au vote secret (bulletins déposés dans une urne). Lorsqu'il
s'agit de choisir des magistrats, c'est, sauf exception, le tirage au sort
qui est pratiqué. Jusqu'au 5e s., c'est le choix par la fève. Dix candidats
pour une charge : neuf fèves blanches et une noire sont déposées dans
une urne. Celui qui « tire » la noire est désigné. Par suite de l'extension
considérable du tirage au sort (6 000 héliastes ; plus d'un millier de
magistrats chaque année), des machines à désigner par le sort furent
inventées. Les archéologues en ont retrouvé aux abords de Vagora.
Le vote à main levée est employé pour les affaires courantes. La
procédure semble heurter le principe de la liberté, puisque le choix de
chacun se manifeste publiquement. En réalité cette procédure, qui est
la seule praticable pour une assemblée dont l'ordre du jour est très
chargé, qui doit voter rapidement sur de nombreux projets et confir-
mer une série de charges, est en outre beaucoup plus discrète que la
procédure archaïque qui l'a précédée ; le vote au moyen de cailloux.
Selon le système ancien (il a donné son nom au « décret », psèphisma,
de psèphos, caillou) connu par des vases, chaque citoyen votait en dé-
posant isolément et devant tous une pierre, soit sur le trépied de droite,
soit sur celui de gauche selon le sens de son vote. Le vote à main levée,
exprimé collectivement, est finalement plus anonyme et bien plus res-
pectueux de la liberté de chacun. A Rome, la technique employée
jusqu'au 2e s. sera plus ostentatoire. Là, chacun proclame son intention
devant le rogator responsable de l'unité de vote, en présence du ma-
gistrat et de bien des observateurs intéressés. Les pressions les plus
manifestes font partie du jeu politique romain.
aux voix un projet violant la légalité soit par un vice de forme (les
règles de procédure du vote ; l'obligation du probouleuma...) soit par
un vice de fond (conflit avec une loi antérieure...).
L'action est portée devant une cour de l'Héliée d'au moins mille
jurés, présidée par les six thesmothètes. C'est donc le peuple — mais
dans sa fonction de juge — qui juge de la légalité du projet, voire
annule le vote populaire si le projet attaqué a été mis aux voix et voté'.
Mais il ne s'agit pas de mettre le peuple en accusation. L'fféliée n'est
pas une cour supérieure à Vecclésia. Elle arbitre avec pondération (les
héliastes doivent avoir plus de trente ans ; ils ont prononcé un serment
rigoureux) un conflit entre la « Loi » et la volonté d'un jour ou l'inspi-
ration d'un 'seul. La sanction prononcée contre l'auteur malheureux
varie : une amende, exceptionnellement la mort, mais, en cas de dou-
ble récidive, la déchéance du droit d'accéder de nouveau à la tribune
du démos, ou même la perte des droits politiques.
La graphè paranomôn fut, au 5e s., le palladium de la démocratie.
Elle évita à l'assemblée bien des faux pas contre les dangers d'une
législation enchevêtrée et mal connue ; elle déjoua les atteintes à la
démocratie, qu'elles fussent de veine oligarchique (telle la restauration
de privilèges) ou démagogique (ainsi un projet qui eût ouvert la Cité
à des esclaves et à des métèques). Les oligarques ne s'y sont pas trom-
pés. En 411, en 404, les deux coups d'Etat qu'ils réussirent pour une
durée pourtant si brève, prirent le soin, immédiat, de supprimer l'ac-
tion d'illégalité. Rétablie ensuite, l'institution déclinera au même
rythme que la démocratie elle-même (infra, n0 195), dont elle resta
toujours le reflet fidèle.
1. Au cours des débats devant les jurés composant l'Héliée, c'est révélateur, accusation
et défense disent « vous y lorsqu'elles font allusion à Vecclésia. Politiquement, celle-ci n'est
pas distincte de l'Héliée. L'une et l'autre sont le peuple.
LE SIÈCLE DE PÉRICLÈS (5" SIÈCLE) 105
semblée, les plus riches (ou présumés tels : ils peuvent se défendre en
dénonçant plus riche qu'eux) sont chargés, qui de l'armement d'une
trière, qui de l'organisation d'une tragédie, qui encore des frais d'un
culte. La tradition de l'évergétisme est encore vivante au S" s. : les plus
riches aiment manifester leur générosité. Ils supportent de bon gré un
système qui, grevant les plus riches des charges de la Cité, répond par
ailleurs aux principes de la démocratie.
158
b) La législation 0 « Aucun décret, ni du Conseil ni du peuple, ne
prévaudra contre une loi » (Andocide, Sur les mystères, 87). Le prin-
cipe, qui remonterait à Solon, pose une distinction fondamentale.
D'une part, les lois (ou nomot) qui organisent la vie de la Cité (telles
celles de Dracon, Solon, Clisthène...) ; de l'autre, les décrets (psèphis-
mata), œuvre ordinaire de l'assemblée, hiérarchiquement inférieurs.
La graphe paranomôn, sentinelle efficace, veille au respect de la supé-
riorité de la loi. Unanimes, les Athéniens (Isocrate, Eschine, Démos-
ffiène, Aristote)1 affirment que le règne souverain de la loi supérieure
au peuple est un des principes de la démocratie. L'anarchie, la déma-
gogie surviennent dès que « la masse, c'est-à-dire les décrets et non les
lois décident souverainement » ou que « les intrigants agissant en dé-
magogues rendent le peuple souverain même des lois... Dès que le
Peuple rejette le règne de la loi, il devient un despote » (Arist, Pol 4,
1292 a ; 5, 1305 a).
Conclura-t-on que le peuple, face à la loi, est frappé d'impuis-
sance ? Non : le pouvoir de réformer la loi ne lui échappe pas. Mais
une procédure lourde et solennelle s'impose alors. La Boule désigne
un comité d'experts ; sur leur rapport, elle rédige un probouleuma. Cet
avis mis en forme est soumis à une assemblée globale (quorum spé-
cùdj qui se prononcera, non sans avoir au préalable proclamé l'immu-
nité de celui qui a pris l'initiative de la révision.
c
^ ) L'ecclésia et la justice : Veisangélie 0 Normalement, Vecclésia ne
luge pas. Arbitrer les litiges ou punir, c'est l'affaire de l'Héliée. On
n'insistera pas sur l'ostracisme qui n'est pas un jugement {supra, n"s
87~88), ni sur le vote d'amnistie (adeid) qui rétablit dans ses droits un
citoyen puni. Le quorum particulier et la procédure secrète du vote,
nans les deux cas, s'expliquent par l'idée d'une « unanimité » néces-
s
aire afin que le peuple, par exception, vote une loi « particulière » (un
" Privilège »). Quant à Veisangélie (« message d'urgence »), qui seule
nous retiendra, si elle s'apparente au pouvoir judiciaire, elle rejoint,
an fond, la compétence législative de l'assemblée.
En cas d'atteinte grave à la sûreté de l'Etat (trahison, malversation,
vi
olation de la confiance populaire) et en l'absence d'une loi réprimant
spécialement l'acte incriminé, l'Héliée, incompétente, ne peut se pro-
noncer. On revient alors tout naturellement vers Vecclésia, source de
la
loi, pour lui demander de qualifier le crime et, éventuellement, le
Punir. Par son fondement, l'eisangélie se rattache au pouvoir normatif
§2
LE CONSEIL OU BOULÉ
§3
LES MAGISTRATS
n
) Innualité et collégialité 0 L'annualité est de règle avec, pour co-
rollaire, l'interdiction du cumul et, sauf l'exception notable de la stra-
jcgie, de la réitération. Du fait, en outre, des formalités pointilleuses de
la
reddition des comptes, il était pratiquement impossible d'exercer
coup sur coup deux magistratures différentes. De la sorte une rotation
rapide évitait les inconvénients du professionnalisme. La collégialité
est de règle. Elle fait respecter l'égalité des tribus (dix stratèges — un
Par tribu — ; dix archontes ...) ; mais elle fractionne surtout le pouvoir
des membres du collège, soit en assurant à chacun, à tour de rôle, la
responsabilité [tour tous, soit (et c'est le plus fréquent) en plaçant le
Pouvoir de décision dans la majorité, chacun, dans le collège, ne déte-
nant qu'une fraction du pouvoir. Rome aura, on le verra, une idée
mute différente de la collégialité.
108 LA GRÈCE
CONTROLES POPULAIRES
SUR LES MAGISTRATURES
§4
LA JUSTICE
taire, les stratèges ; mais la plupart des affaires ressortissent aux ar-
chontes. Au terme de l'évolution, on le voit, ils ne jugent plus, mais,
chacun dans le domaine de compétence qui est resté le sien (le droit
privé pour l'archonte éponyme ; les affaires des étrangers pour le po-
'émarque ; le culte pour l'archonte - roi ; l'intérêt public pour les thes-
mothètes)1, ils instruisent les procès. Les magistrats établissent le dos-
sier, rassemblent les témoignages, produisent l'état du droit applicable,
éclairent les juges-jurés mais se garderont d'exercer sur ceux-ci une
Pression quelconque (cf. Lysias, Contre Alcihiade 2,1 s.). L'aspect tech-
nique a été dissocié de l'aspect politique, l'instruction détachée de l'ac-
cusation.
3° Les débats : Vqffrontement de deux consciences. C'est le principe :
accusateur et accusé se défendent et attaquent personnellement sans
•'intervention de spécialistes. Mais il fallut rapidement en revenir et
Protéger les accusés contre l'habileté d'accusateurs professionnels, les
s
ycophantes, en tolérant des logographes, avocats rédigeant sur com-
mande d'émouvantes et efficaces défenses.
4° L'absence de voies de recours. Les jugements (condamnations pé-
cuniaires ; parfois la mort) sont sans appel. Les juges-jurés représen-
tent l'Héliée (pour les affaires importantes, plusieurs cours se regrou-
pent), donc le peuple. Les décisions du peuple n'admettent pas l'idée
'l'un recours.
5° Les dénonciateurs : une occupation publique. L'accusateur qui
échoue et n'obtient pas au minimum le cinquième des voix est frappé
d'une amende. Mais, s'il l'emporte, il partage avec le Trésor le montant
de la condamnation. On devine que l'appât du gain a prévalu sans
tarder sur la sincérité des sentiments patriotiques ; le principe démo-
ccatique de l'accusation populaire fit naître rapidement une nouvelle
Profession, mal inévitable ; celle d'accusateur ou délateur. Les syco-
Phantes (exactement — on ne sait au juste pourquoi — les « dénoncia-
teurs de figues ») ont contribué à vicier très vite le jeu normal d'une
lustice qui n'a pas répondu à tous les espoirs mis en elle.
100
L'Héliée, entre les sycophnnlcs et les démagogues 0 En 422, la
comédie des Guêpes — le titre est éloquent — stigmatise les héliastes
cl leurs jugements. Aristophane ne dénonce pas la justice démocrati-
lue en tant que telle, mais la manière dont les tribunaux et le peuple
Se
sont abaissés an niveau d'instruments aux mains des démagogues
Profiteurs. Le système a mal tourné. Pourquoi ? Le mis t ho s a été dévié,
'^indemnité, qui aurait dû appeler des représentants de toutes les cou-
M'cs populaires, qui aurait dû n'être qu'une juste compensation et un
testrument d'égalité politique, est très vite devenue un subside pour les
P'us pauvres. Après que le démagogue Cléon l'eut fait passer, en 425,
Pc 2 à 3 oboles, sa nature est devenue économique. La fonction si pres-
ogieuse de juge, jadis éclatante victoire populaire, n'est plus qu'un
teoyen de vivre aux dépens de l'Etat. Et ce sont les vieux qui envahis-
Les thesmothètes, notamment, répartissent les jurés entre les difTérentes cours de
liée et président (seuls, ou tous ensemble pour les grosses affaires) ces mêmes cours.
112 ■ LA GRÈCE
sent les bancs des juges-jurés, tout heureux d'occuper leur inactivité
en percevant une pension de vieillesse. La composition des tribunaux
allait fausser les choses. Quelle impartialité attendre d'une masse uni-
formément pauvre, pleine de revanche et d'amertume, « de ces cœurs
de vieillards n'aimant qu'une chose : mordre avec la pierre de leur
vote » (Aristoph., Les Acharniens, v. 375-6) ? Mais la responsabilité des
démagogues est lourde.
A la recherche d'une popularité toujours renouvelée, ils excitent ce
penchant mauvais. Par l'intermédiaire des sycophantes, leurs compli-
ces, ils n'hésitent pas, par des dénonciations calomnieuses, des faux
témoignagès, des accusations non fondées, à livrer des riches à la ran-
cœur des jurés. L'accusation partisane devient la servante de la politi-
que. Les difficultés financières qui saisissent la Cité dès la mort de
Périclès poussent même la Boulé à fermer les yeux : « Quand le Conseil
a assez d'argent pour l'administration, alors il respecte la justice. Mais
quand il est dans des moments de détresse financière, il est bien obligé
d'accepter des dénonciations, de confisquer des propriétés, de céder
aux suggestions les plus malhonnêtes des orateurs (= les démago-
gues) ».
L'observation de Lysias (Contre Nicomaque, 22), d'une lucidité ter-
rible, porte sur la fin du 5e s. Avec la guerre du Péloponnèse, les con-
ditions matérielles d'une démocratie équilibrée se sont effondrées.
« L'essaim des guêpes au dard menaçant» (Guêpes, 1102 s.) en est un
signe avant-coureur.
§5
CONCLUSION : LA DÉMOCRATIE
ATHÉNIENNE,
JUGÉE PAR LES ATHÉNIENS
S LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE
N'EST PAS UNE APPARENCE
nalité absolue. S'ils ont suscité l'imitation, ils n'ont emprunté à per-
sonne « leur » démocratie, la démocratie, dont ils restent les inven-
teurs. Ils ont accueilli dans l'euphorie ce régime nouveau, appelant
leur fils Dèmokratès comme les Révolutionnaires de la première gé-
nération se nommèrent Brutus ou Gracchus, et baptisant Dèmokratia
les navires construits à leurs frais. Engouement éphémère ? Nulle-
ment. Durant tout le 5e s. et surtout au 4e s., après le rétablissement de
la démocratie en 403 (infra, nos 184 s.), l'attachement à la démocratie
ne se relâche pas un instant. Chaque année les 6 000 Héliastes jurent
d'observer la constitution démocratique ; chaque année, les stratèges
sacrifient à la déesse Dèmokratia, dont la statue s'élève sur l'agora
depuis 333. Un relief de même époque représente la déesse couron-
nant un vieillard barbu : on y a reconnu le Démos. Il ne peut donc se
glisser aucune ambiguïté : dans les conversations privées aussi bien
hue dans les actes officiels, les Athéniens ont qualifié de dèmokratia
leur régime.
fie
Périclès et la démocratie 0 On cite, il est vrai, mais dans une hâte
suspecte, un jugement porté par Thucydide sur le principal de Péri-
clès : « Sous le nom de démocratie, c'était en fait le premier citoyen qui
gouvernait » (Thuc. 2, 65, 9). Faut-il comprendre que la démocratie ne
fut qu'apparence et qu'elle put tolérer, précisément durant ses années
du plus incontestable éclat, d'être mise en sommeil ? Ce serait un
grave contresens. Car jamais Thucydide n'a voulu dire — ni affirmer
dans son œuvre — que le prodigieux ascendant exercé par Périclès se
m au détriment de la démocratie. Rien, dans les multiples stratégies
de Périclès, n'a porté atteinte aux principes démocratiques, pas plus
dans ses élections ou réélections répétées que dans les décrets qu'il fit
voter. Le démos a gardé intacte sa souveraineté : il en fit amplement
'ea démonstration lorsqu'il retira brusquement sa confiance à Périclès
u 430. Thucydide porte au crédit de son grand homme, Périclès, une
autorité et un prestige considérable, puisque ceux-ci lui permirent
d inspirer au démos ses propres choix ; mais il porte aussi au crédit de
Ja démocratie d'avoir, sans reniement ni abdication, permis au démos
ue se laisser conduire par celui qui servait au mieux ses propres inté-
fets. fi n'est sans doute pas, au fond, plus bel éloge du régime démo-
Ofatique : grâce à cette constitution, le peuple a choisi la voie le con-
u
isant à la grandeur et à la puissance.
Quelques années après la mort de Périclès, le poète tragique Euri-
jude dans les Suppliantes (422) place dans la bouche de Thésée, figure
er
oïsée de Périclès l'éloge du régime démocratique. Durant plus de
Jreut cinquante vers (v. 350-510), Thésée-Périclès se vante d'avoir
. tdé la démocratie : ... « J'appelai ce peuple au pouvoir sans partage,
t*? fis la cité libre et le suffrage égal... » (v. 350-1), de s'être ainsi fait le
champion de la liberté, de l'égalité, du gouvernement par les lois ;
Cette ville n'est pas au pouvoir d'un seul : Athènes est libre. Le peu-
ple y règne ; tour à tour, les citoyens, magistrats annuels, administrent
1
Ctat... » (v. 400-406) ; « Sous l'empire de lois écrites, pauvre et riche
oui mêmes droits. Le faible peut répondre à l'insulte du fort, et le petit,
' a raison, vaincre le grand. Quant a la liberté, elle est dans ces
114 IA GRÈCE
paroles : "Qui veut, qui peut donner un avis sage à sa patrie ?"' Alors
à son gré, chacun peut briller... ou se taire. Peut-on imaginer plus
belle égalité ? » (v. 433-441). Périclès, le fossoyeur de la démocratie ?
On aura peine à le croire !
L'ANALYSE JURIDIQUE
DE LA DÈMOKRATIA :
SES TROIS PRINCIPES
171 La souveraineté des lois 0 « Voici ce que l'on entend toujours dire : il
y a dans le monde trois genres de gouvernement : la monarchie, l'oli-
garchie, la démocratie. Les deux premières formes sont régies par
l'humeur des chefs, les Etats démocratiques le sont au contraire par
les lois, établies... Lorsque les lois sont respectées dans l'Etat, la sou-
veraineté dn peuple est, elle aussi, sauvegardée » (Eschine, Contre Cté-
siphon 6).
On a déjà rencontré le paradoxe, plus apparent que réel, de ces
deux souverainetés qui semblent se heurter : la souveraineté du dé-
avant tout de rien faire d'illégal, car nous prêtons attention aux magis-
trats qui se succèdent et aux lois ... » (Thuc. 2, 37, 3-1).
bibliographie et lectures 0
Périclès et l'impérialisme ; J. de Romilly, Thucydide et Timpéria-
Hsme athénien, Paris, 1951 ; Ed. Will, Le Monde grec et l'Orient I
(510-403), Paris, 1972, not. p. 171-218 (excellente synthèse) ; R. Meiggs,
The Athenian Empire, Oxford, 1972, 620 p. (ouvrage définitif sur l'em-
Pire d'Athènes et son « organisation» ). Voir, pour les oraisons funèbres
lui ont conservé les principaux discours de Périclès, N. Loraux, L'in-
v
ention d'Athènes : histoire de l'oraison funèbre dans la cité classique,
Paris-La Haye, 1981. Périclès: F. Châtelet, Périclès, Bruxelles, 1982;
C.W. Weber, Perikles. Das goldene Zeitalter von Athen, Munich, 1985.
Le courant sophistique : T. A. Sinclair, Histoire de la pensée politique
Srecque (trad. frse), Paris, 1953 (not. pour Antiphon, Archelaos, Prota-
goras) ; J. de Romilly, La loi dans la pensée grecque, Paris, 1972 ; Ed.
Will, Le Monde grec, cit., p. 470-505 ; J. de Romilly, Les grands sophistes
dans l'Athènes de Périclès, Paris, 1988 ; G. Farrar, The Origins of Demo-
cratic Thinking. The invention of politics in classical Alhens, Cambridge
Univ. Press, 1988 (influence de Protagoras, Thucydide, Démocrite sur
idée de démocratie).
Les affaires de Mytilène (l'orthographe Mitylène ne se rencontre,
su
r des inscriptions, qu'à partir du 1er s. de notre ère) et de Mélos : la
lecture de Thucydide, 3, 35-50; 5, 84-114 est recommandée. Analyse
détaillée dans J. de Romilly, Thucydide..., cit. p. 137 et suiv., 230 et
suiv. et résumé dans E. Will, cit., p. 502-505.
Sur la constitution démocratique ; essentiel, G. Glotz, La Cité Grec-
We, Paris, 1928 (Coll. Evolution de l'Humanité), réimprimé en 1968 ;
■ PL M. Jones, Athenian Democracy, Oxford, 1975 ; M. I. Einley, Démo-
cratie antique et démocratie moderne (trad. frse), Paris, 1976, ouvrage
'.(;s éclairant, précédé d'un essai de P. Vidal-Naquet, Tradition de la
démocratie grecque. L'étude de J. de Romilly, Problèmes de la démocra-
de grecque, Paris, 1975, est une approche critique de la démocratique
athénienne. L'ouvrage de M.H. Hansen, La démocratie athénienne à
! 'Toque de Démosthène (trad. fr.), Paris, 1993, doit être consulté pour
wute étude de détail, mais avec certaines précautions : l'auteur, cons-
udant que nos sources, pour le 5e s., sont largement lacunaires, fut
l^duU, parfois, à rajeunir certaines institutions, souvent de façon in-
justifiée (par ex. pour la graphè paranomôn). Mais l'ouvrage s'impose
Son ob
m
me
nt, les p.jectivité rigoureuse
95-114 sur et scientifique.
la démocratie, système etVoir, tout particulière-
idéologie.
118 LA GRÈCE
LE CRÉPUSCULE :
LA RÉPUBLIQUE
DES AVOCATS (431-322)
SECTION 1
LES INSTITUTIONS
DÉMOCRATIQUES EN DECLIN
§1
LA DÉMOCRATIE MENACÉE (411-404)
ET LA GUERRE DU PÉLOPONNÈSE
[Âl LA GUERRE
— ET LA CRISE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
c
) Le procès des Arginuses et la défaite d'Athènes (407-404) 0 La
s
ecousse fut brève ; après quelques mois, la constitution démocratique
est rétablie en 410. Mais les revers militaires s'accumulent, l'économie
s effondre. Alors la puissance du peuple, à la fois inquiet et flatté, s'en-
lonce dans l'excès. Un exemple tristement célèbre suffira (d'après Xé-
no
Phon, Helléniques 1, 7).
En 406, une victoire navale inespérée clôt un affrontement avec
^Parte. Mais la tempête empêche les stratèges vainqueurs de recueillir
Plusieurs milliers de naufragés qui, délaissés, périrent. Aussitôt l'as-
semblée (excitée par l'un des auteurs déçus du coup d'Etat manqué en
,L Théramène) traîne devant elle six des huit stratèges (deux avaient
pris les devants et fui) accusés par une eisangélie. Mais au lieu de
Procéder à une accusation et à un jugement individuels (il eût fallu six
jours), le probouleuma propose à l'assemblée une procédure collec-
,lVe, sommaire (accusation et défense groupées pour tous) et publique
IPas de vote secret). Et lorsqu'un citoyen conscient de la triple illéga-
1 e
menace l'auteur du projet et les prytanes d'une graphe parano/nôn,
e
Peuple, hors de lui, s'écrie « que c'est une chose abominable si l'on
'jjpèche le peuple de faire ce qu'il veut», et menace de frapper du
ente châtiment que les stratèges le citoyen soucieux de la loi. Pour-
'j.j, "ne autre procédure est proposée : un décret qui, ou renverrait
! "'' "ire à l'Héliée, ou s'en remettrait à un jugement par Vecclésia, mais
miividuel et respectueux des droits de la défense. L'auteur convainc,
je décret est voté, mais une nouvelle accusation d'illégalité est lancée
1
frappe d'effet suspensif le décret voté. On en revient au probouleuma
Primitif. Bafouant toute légalité, cédant aux menées des adversaires de
e,1' de
me tifs ^semblée déclare
Périclès) et, coupables
en vertu les six
d'un arrêt de stratèges démocrates
mort global, (dont
les fait exécu-
IY'- Abus criminel, que les adversaires de la puissance populaire n'ou-
ïront pas. Moins de deux ans plus tard, la démocratie était liquidée.
122 LA GRÈCE
1. Jamblique est un philosophe néo-platonicien du 4'' s. après J.-C. L œuvre donl il est
ici question figura longtemps en annexe aux écrits de Jamblique — mais sans lien direct
avec eux, puisque sept siècles les séparent. La découverte de /'«• Anonyme de Jamblique »
et son attribution au tout début du 4'' s. avant J.-C. remonte au début du 20'' s.
LA RÉPUBLIQUE DES AVOCATS (431-322) 125
la masse des équipages renvoyée de force à ses foyers ; les Longs Murs
démantelés « au son de la flûte » : voilà de quoi convaincre les plus
rétifs qu'Athènes doit renoncer à la mer, la cité à son port et le démos
à ses marins. Voilà aussi l'occasion belle pour les ennemis de la dé-
mocratie de vider leur rancœur accumulée depuis deux siècles, rappe-
ler leurs exilés et prendre leur revanche sur l'échec de 411,
La lassitude de tous aidant, trente ambitieux s'emparent du pou-
voir, mais, bien vite rivaux, se divisent. Critias (oncle de Platon) prend
la tête des extrémistes ; violent, animé du mépris le plus profond pour
le peuple plus encore que pour la démocratie, le personnage, resté
mauvais et inculte malgré les leçons de Socrate qui fut son maître,
souhaite établir un régime d'exception qui lui laisserait le premier
rôle. Face à lui, un réformiste, Théramène, dont on connaît l'inspira-
tion.
Autour du « rétablissement de la constitution des ancêtres », idéal
dont l'imprécision tolère toutes les interprétations, l'accord se fait
d'abord. 1) L'Aréopage retrouve la puissance dont la réforme
d'Ephialte, en 462, l'avait dépouillé (n0127) ; c'est de nouveau la haute
juridiction administrative, souveraine ; il reprend à l'Héliée le contrôle
des magistrats (reddition de comptes et plaintes déposées contre lem
activité). 2) Une Boulé nouvelle voit le jour ; ses cinq cents membres
sont arbitrairement choisis par les Trente, probablement parmi les
couches aisées de la population terrienne, parmi les cavaliers (= la
deuxième classe). Mais ses pouvoirs, au demeurant, sont modestes ;
car si le Conseil juge (à la place de l'Héliée, supprimée) et délibère, il
ne le fait qu'en la présence des Trente ; en outre, du fait de l'Aréopage
réhabilité, la vocation politique de la Boulé ne pouvait conduire très
loin. Elle ne mène certainement pas à l'élaboration de la loi. 3) Très
peu de magistrats devaient être désignés, choisis par les Trente dans
la même classe que les bouleutes. Dix cependant furent immédiate-
ment affectés au gouvernement du Pirée, chargés de tenir une popu-
lation profondément démocrate de cœur et de l'isoler d'Athènes. 4) Les
choses en seraient restées là, sans l'insistance de Théramène, brusque-
ment inquiet d'une telle concentration de pouvoir entre les mains
d'une tyrannie collective. Critias lui concéda une assemblée de 3 000
citoyens, la fleur de l'armée hoplitique. Mais la liste en resta toujours
secrète, car Critias se réservait de la modifier au gré des événements.
Attribuer à l'assemblée des pouvoirs définis, il ne faut pas y songer. Et
pourtant, la qualité de citoyen, si chichement reconnue, n'est pas
vaine. Seuls les Trois-Mille sont juridiquement protégés, ont accès aux
tribunaux, conservent leurs armes. Le reste, libres ou esclaves, Athé-
niens ou métèques, est livré sans défense aux meurtres, aux confisca-
tions, à tous les abus qui déferlent. Dès lors, le régime s'enlise dans
l'horreur ; il se condamne lui-même après l'assassinat de 1 héramène
— que Critias avait, par précaution, exclu au préalable du groupe des
Trois-Mille. Sparte abandonne Critias ; l'ultime tentative de gouverne-
ment oligarchique ne survit pas au départ de la garnison Spartiate.
Ce deuxième échec est aussi flagrant que le premier. Il convainc
que, malgré les imperfections du gouvernement populaire, Athènes ne
tolère pas une solution de rechange à la démocratie.
LA RÉPUBLIQUE DES AVOCATS (431-322) 127
§2
LA DÉMOCRATIE DÉBRIDÉE (403-322)
8e! La
r cité éclatée 0 Le 4e s., à Athènes, est marqué par une cassure. La
communauté civique s'est définitivement brisée entre les riches et les
pauvres. Il est évident que la raison s'en trouve dans le déclin de l'éco-
îiomie athénienne. En dépit des tentatives, dès 395, pour ranimer de
Pâles espoirs hégémoniques, en dépit surtout de la reconstitution, à
Partir de 377, d'une seconde Confédération athénienne orientée vers
âes profits égoïstes violant des engagements solennels, la pauvreté ga-
gne en nombre et en profondeur. Dès lors, plus que jamais, le jeu
démocratique est faussé ; la cause n'en est pas dans le système lui-
même, mais dans le milieu où il a continué de vivre.
v
L'esprit civique déserte la masse inquiète : elle abuse de ses pou-
oirs, radicalise sa puissance, fuit les appels à l'énergie pour se réfu-
gier dans un parasitisme à courte vue. Après deux siècles de décou-
v
ertes politiques fécondes, l'imagination de la masse a fini par se
s
s
cléroser. Le peuple ne rougit pas d'un conformisme étroit qui le ras-
ure et cautionne la médiocrité de ses ambitions.
Les riches, de leur côté, ne se singularisent pas davantage par l'ar-
deur de leur civisme. Qu'ils se détournent d'une vie politique dont ils
ji espèrent plus la conversion, ou qu'ils flattent, comme bien d'autres,
m puissance outrancière du démos pour la capter à leur avantage, il
11
Y a plus, chez eux, d'idéal démocratique. De tous côtés les regards se
murnent vers des chefs providentiels, soit en la personne de stratèges
Populaires, soit en celle d'un sauveur venu de l'extérieur, même de la
Macédoine étrangère.
,, En quatre mots : conformisme, égoïsme, radicalisme, providentia-
hsme, comme en un : tous fuient devant le sens individuel ou collectif
ae
la responsabilité.
Le procès
m
. em Vamnistie etSocrate
suivent,0selon
De retour en «403,
Aristote, les démocrates
la conduite procla-
la plus belle et
a plus civique à l'égard des malheurs précédents ». Nul n'aura le droit,
ous peine de mort, de reprocher son passé à quiconque. Et pourtant
,,, .victime, tardive et stupéfiante, rompt brutalement en 399 la con-
corde retrouvée. Anytos, l'un des auteurs du rétablissement de la dé-
'0cralie, lance, sous le nom du jeune Mélétos, une action publique
JmPiété, dont les archives conservaient encore aux premiers siècles
( notre ère l'acte d'accusation : « Socrate est coupable parce qu'il ne
div'1 ■,)as aux dieux auxquels croit la Cité et parce qu'il introduit des
ionUn 'tés nouvelles ; il est coupable également parce qu'il corrompt les
es. Estimation ; la mort ».
128 LA GRECE
à son profit des forces qui étaient destinées à contenir les ambitions de
Sparte. C'est l'histoire qui se répète.
fël RADICALISME:
— LA TOUTE-PUISSANCE DU PEUPLE
97
él La Boulé 0 Elle résiste mal au déséquilibre croissant qui ne profite
(
ina la masse. On en verra un signe dans la réforme complexe qui
(nodifia en 380 le bureau de l'assemblée. Les prytanes cèdent la place
f rjpuf proèdres, tirés au sort parmi les bouleutes de toutes les tribus,
1 exception des bouleutes de la prytanie du moment. Le souci
a
moindrir l'homogénéité, donc l'autorité du bureau, et, du même
sjup, l'intention d'accroître l'indépendance de l'assemblée semblent
134 LA GRÈCE
PROViDENTIALISME :
STRATÈGES ET AVOCATS
200 Conclusion 0 La dernière image est celle d'une cité divisée ; entre
pauvres et riches. Tout le mal vient de la disparition de la classe
moyenne. Celle-ci ne s'est pas rétablie au 4" s. Les penseurs politiques
IA RÉPUBLIQUE DES AVOCATS (431-322) 135
SECTION 2
LA PENSÉE POLITIQUE
AU CHEVET DE LA DÉMOCRATIE
§1
XÉNOPHON ET ISOCRATE :
LA VERTU DE LA TRADITION
athénienne. Toutes les cités, soudées par leur langue, leur sang et leur
culture, doivent s'unir contre la Perse, son Grand Roi et ses posses-
sions : c'est sur ces terres (et non sur les terres des Alliés) que devront
s'installer les pauvres. Le Panégyrique (380) d'Isocrate est le support
intellectuel de cette conception. Mais Athènes a trahi la cause des Al-
liés1 : à partir de 355, Isocrate cherche ailleurs le chef (hegemonj ca-
pable d'unir toute la Grèce, d'assurer sa défense et de soutenir son
expansion coloniale. Le discours J Philippe (346) fait appel au roi de
Macédoine pour qu'il prenne contre les terres du Grand Roi la direc-
tion d'une guerre de défense et de conquête à la fois. Les colonies
panhelléniques y seraient fondées. L'erreur fut énorme. Philippe ré-
pondit à l'appel des Grecs mais non à leur espoir. Le Panhellénisme
ne vit pas naître ces colonies, mais il hâta la domination macédo-
nienne et fournit à Alexandre le support idéologique de sa conquête du
monde et de la Grèce.
202 b) Les remèdes à la crise politique 0 Une fois les pauvres expulsés,
à qui devra appartenir le pouvoir ? Aux riches. Nostalgiques, Xéno-
phon et Isocrate font le procès de la démocratie du 5e s. La suprématie
navale d'Athènes lui a été fatale ; elle a accru les pouvoirs de la masse
et ruiné ceux de l'Aréopage. Thémistocle et Ephialte se rejoignent dans
la même condamnation. Le discours VAréopagitique, prononcé par Iso-
crate en 354, réunit les pièces de l'accusation.
Il faut revenir à la constitution de Solon et de Clisthène ; il faut
rendre à l'Aréopage le contrôle de l'application des lois par les magis-
trats. Il faut surtout supprimer tous les misthoi et restituer à la richesse
son pouvoir. Le discours, qui connaît le principe de l'égalité propor-
tionnelle des droits politiques (Aristote en fera la théorie), donne un
très bel exemple du principe timocratique : en n'allouant aux magistra-
tures aucune indemnité, en les rendant même onéreuses, en ne les
ouvrant qu'aux riches (élection et conditions de cens), les candidats ne
seront pas motivés par l'appât du gain, mais par l'ambition (en grec :
timè) et l'amour des honneurs (Aréop. 24-27).
La pensée n'est pas révolutionnaire, mais raisonnable. Son idéal,
entre Solon et Clisthène, est celui d'une démocratie ou d'une oligar-
chie modérée. Il ne fut pas suivi.
§2
PLATON :
LA MONARCHIE DE LA SAGESSE
1. Pouvoirs reconnus sans limite au chef dans le Politique (composé vers 165). Mais
dans ce traité, après avoir prolongé les conséquences logiques de la sagesse du chef de
la République, Platon s'empresse d'ajouter qu'un individu parlait de ce genre n'existe pas :
il revient alors à une légalité nécessaire, absente totalement, et par principe, de la Répu-
blique.
LA RÉPUBLIQUE DES AVOCATS (431-322) 139
140 LA GRÈCE
§3
ARISTOTE : LA LOI DE L'ÉQUILIBRE
213 cl) La nécessité d'un cens civique 0 Multiplier par un grand nombre
des fortunes inconsistantes ou infimes ne permettrait pas de dégager
la majorité censitaire. D'où une nouvelle condition posée : une fortune
moyenne sera exigée du corps civique. Mais comment la fixer ? Si la
barre est trop haute, les privilégiés (les plus riches, qui ont accès aux
magistratures) seront relativement plus nombreux que les citoyens,
eux-mêmes peu nombreux tà répondre à l'exigence du cens civique. Le
principe majoritaire sera alors mis en échec. Si, inversement, le cens
est trop faible, la masse civique ne représentera pas un total de reve-
nus dépassant les revenus des privilégiés, et le principe timocratique
ne sera plus respecté [Pol, 6, 1320 b). Il faudra donc déterminer le
cens civique de façon qu'il assure en nombre et en revenus, une ma-
jorité très faible à la masse civique. Tous les citoyens qui n'atteindront
pas le chilfre fixé seront exclus des droits politiques — ou seront ame-
nés par l'accès à la fortune et à la petite propriété, à s'intégrer aux
citoyens « actifs ».
y régnent en maître ; jaloux des biens des riches minoritaires, ils s'en
emparent. Le rnisthos n'a fait qu'empirer les choses. En donnant des
loisirs aux pauvres, il leur a fourni l'occasion de s'occuper des affaires
de la cité.
bibliographie et lectures 0
La guerre du Péloponnèse : Ed. Will, cit., {supra n" 174) p. 315-403.
La crise idéologique : E. Lévy, Athènes devant la défaite de 404 (His-
0,r
>' d'une crise idéologique), Paris, 1976.
Sur les coups d'Etat oligarchiques, P. Cloché, La restauration démo-
Cr(
'tique à Athènes, Paris, 1915.
. Athènes an 4e s. : C. Mossé, La fin de la démocratie athénienne, Pa-
3 1962 ; Ed. Will, C. Mossé, P. Gonkowski, Le Monde grec et l'Orient
le e
T\ ( 4 siècle), Paris, 1975 (avec le monde hellénistique) ; P. Cloché,
(n
' iostliène et la fin de la démocratie athénienne, Paris, 1937 ; C. Mossé,
.■^biè/ne de la patrios politeia dans la pensée grecque du 4e s., Eirene 16,
.e'S, p. 81 s. (la constitution des Ancêtres). Pour les institutions au
]'jU essentiel, M.H. Hansen, La démocratie athénienne à l'époque de
Jêr
nosthène, Paris, 1993.
Sur la pensée politique : T.A. Sinclair, cit. (supra n" 174) ; J. Hum-
m*t, Sacrale, Paris, 1967 ; W. Jaeger, Paideia II (paru en allemand,
le sous-titre, Die Formung des griechischen Menschen ; pour ce
ymme, seule existe une trad. italienne, 1954) : essentiel pour la Répu-
"f/uede Platon (p. 339-645 de l'éd. italienne) ; R. Weil, Politique d'Aris-
' e Oextes et présentation), Paris, 1966.
Lectures; une comédie d'Aristophane; le Contre Ctésiphon d'Es-
Ine
(Pris sur le vif, le fonctionnement des institutions au 4e s.) ; Hel-
jyucs (1, 7 et suiv.) de Xénophon (procès des Arginuses : cf.
' Hansen, 1974, p. 29 s. cit, supra, n" 174. V. de même une interpré-
144 LA GRÈCE
SI LE GRAIN NE MEURT:
DE LA CITÉ GRECQUE
AUX MONARCHIES
HELLÉNISTIQUES
SECTION 1
LA FIN DE LA CITÉ LIBRE :
PHILIPPE ET ALEXANDRE
INTRODUCTION
LES MACÉDONIENS ET L'HELLÉNISME
§1
PHILIPPE II ET LA LIGUE DE CORIIMTHE
(359-337)
INTEGRER ATHENES :
LA LIGUE DE CORINTHE DE 337
§2
L'EMPIRE D'ALEXANDRE (336-323)
2l , .
'm héros bienfaiteur : toute puissance et générosité 0 Le « petit jeune
fiomme » recueille le pouvoir et la mission trop vite interrompus de
son père. L'espoir tente plusieurs cités et les pousse à la délection :
finement. Le châtiment exemplaire qu'Alexandre inflige à Thèbes,
.ayant de la carte de la Béotie le nom de sa capitale, ramène Athènes
0
fiéissance. Sous le choc, la cité s'incline et confirme à Alexandre
/m titre û'hegemûn et sa mission de conduire en Perse l'expédition
Punitive. Le roi de Macédoine part en 334 ; mais il laisse à son lieute-
ant Antipatros la moitié de son armée pour surveiller la péninsule
d'A lanique et n'accepte qu'une faible participation grecque. La flotte
mènes, notamment, n'est pas mise à contribution.
.0n doit, sans abus, parler d'une conquête foudroyante. Partout
ai
nqueur, Alexandre ne s'arrêtera qu'en 325 sur les bords de l'Indus.
fit ! retour
n défaut,
à
Babylone,
de sorte qu'il neil put
meurt brusquement
léguer à ceux quiense323. Le temps son
partageront lui
mniense empire des structures administratives durables ni des solu-
0ris
c de gouvernement spécifiques. Mais si l'aspect institutionnel man-
4ue d'épaisseur, il reste toute la dimension idéologique de la conquête.
" e®t elle qu'il faut tenter de percevoir dans son ambiguïté.
, 1 our expliquer la puissance, on a invoqué l'exaltation de la force, à
ple de ]!1
ùu monarchie militaire macédonienne, où le roi, primas
" Puces, commande à ses vassaux. On a aussi montré du doigt le
150 LA GRÈCE
A LE HÉROS LIBERATEUR
tique passera par ces villes — et celles qui seront fondées ensuite à
leur imitation.
SECTION 2
LES ROYAUMES HELLENISTIQUES
1
§1
DES ROYAUMES, DITS HELLÉNISTIQUES
modérés ? Certains l'ont cru. Mais c'est à tort. S'il est possible que la
réforme d'Antipatros se soit servie du haut patronage de Solon (ce
qu'affirme l'historien Diodore de Sicile), l'on n'y verra qu'une usurpa-
tion et un détournement tendancieux. Certes, la suppression des mis-
thoi ou la cooptation du Conseil ou le recrutement des magistrats par
élection et sur critères censitaires trouvent leurs précédents dans la
Constitution de Solon. Mais l'essentiel n'est pas là.
Pour la première fois dans l'histoire d'Athènes, un cens est fixé en
numéraire, qui détermine la qualité1 de citoyen. Pour la première fois,
un tiers du corps civique est déchu . Pour la première fois est rompu
le lien immémorial du citoyen et de sa terre nourricière, et dénoncé
Par l'expatriation le mythe enraciné de l'autochtonie. L'expulsion des
Pauvres et des endettés qu'Athènes au d1' s., grâce à Solon, sut éviter,
le Macédonien la décide. L'influence d'Aristote sur Antipatros a été
Invoquée ; elle n'est pas niable, mais il est non moins certain que les
idées du philosophe ont été défigurées. Jamais Aristote, pourtant sou-
eieux d'équilibrer le nombre par la fortune, n'avait suggéré un chiffre
eensitaire : le critère de la fortune (sauf pour l'accès aux fonctions
supérieures) s'identifiait pour le philosophe à la possession d'une très
jnodique propriété foncière. Jamais Aristote n'avait envisagé le rejet,
hors de la communauté civique, d'une fraction importante de ses
'nombres pour des raisons de fortune. La distinction entre citoyens
actifs et passifs (supra n" 215) est d'un tout autre ordre d'idées : elle
correspond à la suppression des misthoi, par là au souhait que les plus
pauvres, tout en restant citoyens, soient détournés en fait (et non in-
terdits en droit), par le manque de liberté, de loisirs, de disponibilité,
do l'exercice des droits politiques (juger et délibérer). Telle était la
démocratie modérée ou la politeia d'Aristote, très proche au fond de la
Constitution de Solon2, de la constitution des ancêtres. La véritable
tature de la réforme d'Antipatros est autre : c'est d'une oligarchie qu'il
s
agit.
„ Jusqu'au dernier moment, Athènes a combattu pour « la liberté des
rocs ». Ce cri de guerre deviendra par la suite le slogan de tous les
Politiques qui interviendront dans les affaires troublées du Pélopon-
IJcse. La domination romaine au début du 2e s. relèvera, avec ce mot
c passe, la domination macédonienne. Avec ou sans garnison, Athé-
es a dû renoncer, après 322, à ses ambitions internationales — mais
Profit de la plus belle des vocations : celle d'une ville universitaire
Prestigieuse.
et innnh recensement fiable donne pour 319 à Athènes 30 000 citoyens (mâles adultes)
'00 métèques.
n flt entr
dont' er tous les citoyens dans l'assemblée et n'en exclut aucun des fonc-
pau^ "enveUes de délibérer et de juger. Mais, en refusant consciemment de donner aux
les
Plus Pauvres'erres des riches,
de l'exercice des ildroits
écarta, par une véritable condition censitaire de fait, les
politiques.
156 LA GRÈCE
titre de roi. Démission salutaire qui annonce les grandes lignes d'un
partage qui n'apparaît comme définitif qu'aux alentours de 280. En
voici l'essentiel :
— L'Egypte, possession du Macédonien Ptolémée, fils de Lagos,
sera le berceau de la dynastie des Lagides — dont l'autorité s'étendra
aussi sur la Cyrénaïque, Chypre et la Palestine. Leur pouvoir se main-
tient jusqu'à la conquête romaine, avec la capitulation de Cléopâtre en
31 av. J.-C.
— Autour de la Syrie, la dynastie des Séleucides (où alternent régu-
lièrement les prénoms de Séleucos et d'Anliochos) fonde le royaume
le plus vaste': de l'Asie Mineure à l'Afghanistan, du Pont à la Syrie.
Mais les princes, trop médiocres pour un domaine trop vaste, le lais-
sent partir en morceaux. Ainsi les royaumes du Pont, de la Bilhynie,
de la Cappadoce s'affirment entre les mains de rois non-grecs mais
hellénisés et indépendants (tel le fameux Mithridate VI Eupator, roi du
Pont, l'irréductible adversaire des Romains) ; à l'Est, les Parthes ramè-
nent bientôt la frontière du royaume au lit du Tigre ; à l'Ouest, le
royaume de Pergame se détache rapidement. La conquête de la Syrie
par Pompée en 64 marque le terme de la dynastie.
— L'Asie Mineure, séparée du royaume des Séleucides par une
sécession traîtresse vers 280 forme le royaume des Attalides avec Per-
game comme capitale. La dynastie joua souvent les intérêts de Rome
contre ceux des royaumes hellénistiques jusqu'à l'étrange disposition
testamentaire de 133, par laquelle Attale 111 léguait son royaume au
peuple romain — qui l'accepta et créa la province d'Asie en 129 —.
— L'Europe, enfin, domaine des Antigonides, maîtres de la Macé-
doine grossie de l'Epire et dn Péloponnèse. Rome s'en empare entre
168 (victoire de Paul Emile à Pydna) et 148.
230 Une définition 0 L'hellénisme est le mode de vie de type grec trans-
planté hors de son milieu traditionnel, hors de la cité grecque classi-
que, qu'il s'agisse de la culture véhiculée par les Grecs en Orient ou
des mœurs grecques adoptées en Orient par les Orientaux. Ainsi le
verbe hellenizein signifie « parler grec » de la part d'un non-Grec et les
termes hellenismos ou hellenistès serviront à qualifier un Juif, par
exemple, qui a reçu une éducation grecque ou parle grec. La culture
hellénistique se distingue de la culture hellénique. La première évoque
LES ROYAUMES HELLÉNISTIQUES 157
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158 LA GRÈCE
Pas tenté de propager leur propre culture (surtout en Egypte) ; ils ont
Plutôt, dans un réflexe de défense, voulu la protéger en se la réservant.
En Egypte, les moyens d'éducation qu'offrent les gymnases sont fer-
nés aux indigènes — mais cela, il semble, n'a pas été le cas chez les
Séleucides —. L'infériorité numérique de l'élément grec expliquera
Pour partie son attitude de fermeture.
§2
LE SOUVERAIN HELLÉNISTIQUE
Une tension permanente pour justifier par ses vertus une royauté mé-
ritée.
« Il avait assuré la sécurité du royaume en terrorisant par son au-
dace et son activité inlassable toutes les populations qui lui étaient
soumises. Par ces campagnes, il fit bien voir non seulement aux peu-
ples d'Asie, mais aussi aux peuples d'Europe, qu'il était digne d'occu-
Per le trône » (Polybe XI, 34, pour Antiochos III en 206).
'3fi c
) L'entourage personnel : les amis du roi 0 La Cour et les organes
de conseil ne se définissent pas par un corps de fonctionnaires, dispo-
sant d'un statut, jouissant de la stabilité et intégrés dans une carrière
définie. Très simplement, le roi s'entoure des avis de ses amis. Le
c
aractère personnel de la monarchie en est confirmé. Quelques mots
suffiront
c
pour décrire cet entourage. La Maison du Roi, en sa branche
ivile, est formée de grands officiers et de la proche domesticité ; par
son département militaire, outre les gardes du corps, elle veille à Tins-
datction des cadets. Deux groupes forment à leur tour les organes de
'''niseil Les « Amis du roi », véritable ordre gradué (amis, amis hono-
j-ds, premiers amis, premiers et très honorés amis ...), et les « Parents
du roi » (avec titres de Père ou Frères du roi) sont amovibles, attachés
a
la personne du roi et non à la fonction royale. Ils suivent partout le
roi
. destinés (on condamnés) à partager le même sort. Rome retrou-
^fra, sous l'Empire, la même notion d'organes de conseil. En l'absence
dyne nation, le choix du souverain, en Orient comme en Occident, est
déterminant.
L'influence orientale, une fois encore, est modeste. C'est bien plus
, ers la pensée politique grecque que convergent les fondements idéo-
'dg'ques de l'absolutisme hellénistique et c'est en cette même pensée
due se justifient les trois fonctions spécifiques de la toute puissance
ro
yale.
A L'IMAGE DE DlEU
('h'.lct01 ' co,nme « un dieu parmi les hommes « 0 Certes, l'idéal monar-
11 lue est en rupture totale avec la tradition de la cité grecque. Mais
S 11011
sin er ' ïnoins certain que la philosophie politique grecque sut des-
j,(" , avec une extraordinaire précision, le portrait idéal et abstrait de
"diurne royal, du basilikos ancr. 11 appartiendra aux rois hellénisti-
apes d'animer ces figures toutes prêtes en leur donnant l'étincelle de
Pfe iv 155-mais
la
Cyrénaïque, léguée par Ptolémée VIII Evergète (pour en priver son pro-
K>Vni >de~ le testament resta lettre morte — ; en 153, legs par Attalelll de son
NicnnAÎ!
fede IVPergame ; eu 96,lalegs,
lègue à Rome définitif
Bithynie. Cf.cette
infra,fois, de la Cyrénaïque ; en 74, le Séleucide
n" 322.
164 LA GRÈCE
242 Le culte grec : les honneurs divins 0 Du côté grec, les choses sont
toutes différentes. Quelles qu'aient pu être les premières réticences, il
semble que, très rapidement, les cités grecques, en Occident comme
en Orient, ont spontanément décerné aux souverains hellénistiques
des honneurs divins. Cette attitude surprenante, qui tient de la volte-
face, ne s'explique pas uniquement par des arrière-pensées où l'intérêt
le disputerait à la flatterie. On y verra aussi une réaction de dépit à
l'égard des divinités poliades traditionnelles, accusées d'avoir failli à
leur mission protectrice. La Cité est vaincue : ses dieux en portent la
responsabilité. Dès lors, on accorde à d'autres, plus méritants, les hon-
neurs dont ne sont plus dignes les dieux de la cité. Le signe le plus
évident, le plus connu de ce véritable transfert, s'est conservé dans
l'hymne composé par Hermoclès en 291 et chanté par les Athéniens
en l'honneur du roi Démétrios Poliorcète ; «... car les autres dieux od
bien sont fort éloignés, ou bien n'ont pas d'oreilles, ou bien n'existent
pas, ou bien ne se préoccupent pas du tout de nous ; mais toi, nous te
LES ROYAUMES HELLÉNISTIQUES 165
§3
LES SUJETS DU ROI
E Tous étaient sujets, mais ils ne le furent pas tous au même degré,
m cédant aux sujets des villes un espace de liberté qu'ils refusaient
sujets des champs, les monarques hellénistiques ont évité la
e
p., né àuniformité
dn qu'engendrent
la distinction les despotismes centralisateurs,
entre la Cité gréco-macédonienne, ou polis, et et
le
ou chora, une importance décisive. L'administration
ji oaie aussi bien que le cadre de vie individuel, les prérogatives réga-
8 de môme ( ue le droU a licab,e aux
tés lu l
Mais, ce faisant, les rois PP . Plaideurs
ne se dépouillaient en furent
d'aucune affec-
parcelle
166 LA GRÈCE
Hg ,
CJ
La chora 0 Sur le pays indigène, l'autorité se fait sentir directe-
dicnt : il ri'y a p]us ]a p0iis pour faire écran. Les formules d'adminis-
:.r,'.dion ont pu varier, mais, dans l'ensemble, les souverains, sans trop
« 'uiagination, ont gardé les choses en leur état, se contentant de rele-
er
les hommes ou de doubler les circuits indigènes.
•^Fssag
168 LA GRECE
bibliographie et lectures 0
Sur Athènes sous Philippe de Macédoine, Cl. Mossé, dans Will,
, )Ssé et Goukowski, Le Monde Grec et l'Orient, II, Le IVe s. et l'époque
Ifiénistique,
e
p. 1-240. — Alexandre le Grand a suscité d'innombrables
fudes et portraits: première orientation chez P. Goukowski, cit.,
L 245-333 ; l'aspect bienfaisance-domination a été brillamment mis en
relief par p_ Schachermeyer, Alexander und die unterworfenen Natio-
« dans Alexandre le Grand (Fondation Mardi), 1975, p. 47-79 . La
p rec liographie sur Alexandre n'est pas maîtrisable. V. D. Musti, Storia
a , Rome-Bari, 1990, p.688-692.
Pour l'époque hellénistique, à partir de 323, Ed. Will, cit., p. 337-645.
thèses suggestives de P. Lévêque, L'Aventure Grecque, 1964,
P- 392-523 et Le Monde hellénistique, Coll. U2, 1969. De F. Chamoux, La
^hsation hellénistique, 1981. — Les aspects institutionnels sont par-
c
uuèrement étudiés par V. Ehrenberg, L'Etat grec (trad. frse 1976),
172 LA GRÈCE
LES INSTITUTIONS
POLITIQUES
ET SOCIALES
DE ROME
LA NAISSANCE
ET L'ÉPANOUISSEMENT
DE LA CITÉ RÉPUBLICAINE
SECTION 1
L'ÉPOQUE ROYALE (8e-6e s.)
§1
ROME AVANT ROME.
LA ROYAUTÉ PRÉURBAINE
A L'ORGANISATION GENTILICE
Villages et gentes 0 Dès l'âge du fer (12'' s.), le site de la future Rome
es
t occupé par une pluralité d'habitats. Leurs cabanes rondes, toujours
e
n usage au 7e s., ont laissé sur le tuf vierge une empreinte en creux
v
isible encore aujourd'hui. Périodiquement, des fêtes religieuses ras-
semblent
tr
ces villages. Une liste fort archaïque a conservé le nom des
ente « peuples » participant aux sacrifices des Monts Albains : le nom
de home ne s'y trouve pas, mais, en revanche, celui de la Velia et du
elius, deux modestes centres installés sur le site de la future Rome,
Sllr
deux des sept collines dominant la vallée du Tibre. De même,
entre le Palatin et le Capitole, entre le Ouirinal et le Fagutal, ou au pied
de l'Esquilin, des nécropoles sont ouvertes dans les parties basses ;
e'ies confirment à leur tour, car un tabou immémorial exclut les morts
de la Cité, que la Cité n'est pas encore née.
L'organisation interne de ces communautés villageoises est pres-
fiue totalement assurée par des organismes archaïques et fermés : les
Sentes. La gens se définit comme un agrégat de familles liées par la
cro
yance (mythique) en un ancêtre commun. Tous les membres du
fRoupe (ou gentiles) portent le même nom, alors qu'il n'y a pas entre
nx de consanguinité. Placée sous l'autorité du chef (pater ou princeps,
ans
doute élu), la communauté gentilice détient les moyens de sub-
stance (terres collectives et butin), conserve les traditions religieuses
i' "Les et sépulcres gentilices) et garantit la sécurité juridique. La jus-
"Pe interne y est rendue selon des décréta gentilicia progressivement
fêcrétés,
ls
alors que les conflits externes sont réglés par la guerre privée
qu'à l'avènement de la royauté fédérale. Pas plus que l oikos du
l0
nde homérique, la gens n'exclut la vie libre à l'extérieur ; mais il est
lr
que les familles isolées ne connaissent qu'une existence précaire.
Pour sa part, le client doit des journées de travail (sur une terre qu'il
exploitera d'abord comme colon), mais aussi l'obéissance, le respect,
le service armé et une aide matérielle toute comparable aux quatre cas
du vassal. De son côté, le patron assure la sécurité quotidienne de ses
nombreux clients et leur défense juridique1. Mais contre les violations
de la fides, quelle protection ? La religion veille, terrible. La loi des Xll
Tables {infra, nos 299 et suiv.) reprendra une disposition sans âge, at-
tribuée par la tradition à Romulus (Denys Hal. 2, 10) : elle déclare
sacer le pa'tron oublieux de ses devoirs, c'est-à-dire maudit et voué à
une mort immédiate.
Deux exemples « récents » donnent une idée de l'ampleur du lien
de clientèle. Vers 495, la gens des Claudii quitte les monts Sabins et
émigré sur le territoire de Rome : le clan est suivi de ses quelque 5 000
clients. En 479, la célèbre gens des Fabii décide en un geste désuet de
sauver par son sacrifice la Cité : 306 gentiles, 306 Fabii, partent com-
battre aux portes de Rome accompagnés de 4 à 5 000 clients.
Par la suite, le lien de clientèle évoluera au rythme de la vie politi-
que romaine ; mais il ne se relâchera pas. Il restera pour les puissantes
familles romaines un atout irremplaçable dans le combat politique et
électoral ; il restera héréditaire et réciproque. Bref il perpétuera, vi-
vace, le souvenir de ces solidarités préciviques.
1. Voir Dents Hal. 2, 10; Aulu Celle, Nuits Attbmes 5, 13; Plaute, Menechmes v-
571-598.
L'ÉPOQUE ROYALE (8e-6E s.) 179
Pas encore fondée. C'est le roi d'une fédération d'habitats, choisi par
l'aristocratie et investi par elle d'un pouvoir dont elle est, au fond, le
véritable titulaire. La royauté n'est pas dynastique. Au contraire, à cha-
que fin d'un règne ponctué par le rythme annuel du regifugium (« la
fuite du roi », pendant cinq jours) — le rite souligne l'infériorité du roi
vis-à-vis du conseil des patres —, le pouvoir, qualifié techniquement
d'auspicium, revient entre les mains des patres. Selon un vieil adage,
* les auspices reviennent aux patres », ou les patres « mettent le gou-
vernement (res) en commun » (Cic., Brut. 1, 5, 4 ; Liv., ly 17, 5).
L'interrègne 0 Mort, tué, chassé, bref une fois le roi disparu, c'est la
Phase de l'interrègne (interregnum) qui s'ouvre, si caractéristique de
[a royauté primitive. Chacun des patres détient à son tour, pendant le
href délai de cinq jours, et sans qu'une investiture particulière soit
re
quise, la plénitude du pouvoir qu'avait possédé le roi. L'institution,
attestée pour la royauté latine par Tite-Live (1, 17-18 : Numa ; 1, 22 :
fullus Hostilius ; 1, 32 : Ancus Marcius) et Denys d'Halicarnasse (2,
>7
), situe exactement la place du roi au regard des gentes : l'autorité
ro
yale sur les communautés gentilices n'est qu'une émanation provi-
soire du pouvoir inaliénable des patres. L'existence du roi est l'effet
7 Un compromis laborieusement établi par les patres ; ils ont consenti
9 s
o placer sous l'autorité du roi qu'ils se sont choisi.
. L'institution de l'interrègne, après une période d'effacement très
s
jgnificative sous la monarchie étrusque, réapparaîtra, — c'est fort cu-
J?eux —, sous le même nom et se maintiendra presque sous la même
'orme durant toute la République pour combler le vide laissé par la
ls
Parition simultanée des deux consuls.
c) La fonction royale
Le Conseil des patres ou Sénat 0 Une fois de plus, il faut garder avec
la tradition un recul nécessaire. Lorsqu'elle prête à Romulus la créa-
tion d'une assemblée de Cent membres choisis pour conseiller docile-
ntent le roi (Liv., 1, 8, 7), elle renverse à peu près exactement la réalité
historique. De fait, le Conseil ou Sénat (de seniores, les Anciens) pré-
céda le roi, puis l'installa et le domina. L'interrègne, déjà traité, n'est
Pas un expédient imaginé pour assurer rituellement la continuité des
auspices (ce qu'il finira par devenir beaucoup plus tard) ; il donne la
Mesure
s
exacte de la subordination de la royauté à l'aristocratie ou au
énat. Le pouvoir, souverainement, appartient aux chefs des gentes.
§2
LA FONDATION DE ROME
ET LA ROYAUTÉ ÉTRUSQUE
(620 ENVIRON-509)
deesAcités
.la rin du T s., celui
étrusques, les deux morceaux
du Nord dedela lapuissante
autour Toscane,confédération
celui du Sud
W s àf de la Campanie, font leur jonction et absorbent le Latium. Dès
' l'exception de l'Apennin, épine dorsale restée partagée entre
182 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
a) La conquête étrusque
b) La fondation de la ville
après la prise de Rome par les Gaulois en 590, enfermait les sept col-
lines de la ville et même plus, puisque l'Aventin, situé à l'extérieur de
l'enceinte sacrée de la ville, s'y trouvait englobé.
27t Le
t principe timocratique 0 Un clivage nécessaire se fait dans la po-
pulation. D'un côté ceux qui possèdent assez pour s'équiper. Ils for-
ment la classis (« ceux que l'on appelle — calare — au rassemble-
ment»), Ils ont dû, dès cette époque, se scinder en deux groupes;
l'active et la réserve (la limite d'âge étant placée vers 45 ans). La ré-
serve dispose d'autant d'unités que l'active ; faveur faite à l'âge. Les
jeunes, aptes au combat, forment vraisemblablement 60 bataillons,
60 centuries de 100 hommes chacune. Les plus riches, les cavaliers,
^obles pour l'essentiel, sont intégrés dans cette nouvelle définition de
J'armée et fournissent 6 centuries. L'importance de la cavalerie atteste
la vigueur d'une aristocratie qui n'existe au contraire pratiquement
Plus en Grèce lors de la réforme hoplitique. Le menu peuple, inapte à
to
ute forme d'équipement, constitue Vinfra classent. Le système s'affi-
tera par la suite, jusqu'à subdiviser l'ensemble du populus en cinq
classes ; pour le moment (en dépit de Tite-Live, 1, 43, lourdement ana-
chronique), on en reste à ce système simple.
Le plus original est que cette armée est aussitôt reconnue comme
une force politique. La classis est non seulement l'armée (exercitus),
mais Vassemblée (ou comices) centuriate ; elle représente le populus et
s
exprime en son nom. Apparaît ainsi une donnée qui restera perma-
nente dans l'histoire républicaine : à ceux qui supportent la plus
grande charge (donc les plus riches) reviennent les droits politiques
Ç5 plus importants. C'est la définition même de la timocratie (supra,
211)'. Les pouvoirs politiques de cette assemblée militaire, qui se
reunit en armes au son de la trompe et hors du pomerium, restent
encore imprécis : acclamation de tout projet royal touchant à l'ensem-
I e de la Cité, la guerre surtout et le partage du butin. L'important est
c remarquer que la fraction combattante y dispose du pouvoir de
* uécision », si restreint qu'il ait pu être.
c
j La distribution des citoyens en tribus
2^4 A,
''nivelle définition du lien civique 0 L'autre grande réforme du roi
^ervius fut d'avoir créé les tribus territoriales. Quatre tribus urbaines
Pour le territoire de la ville (sans changement par la suite), et une
IZa
ine de tribus rustiques pour Vager Romanus'. Tous les citoyens
0nt
rattachés à une tribu : le lieu du domicile définit le lien de ci-
oyenneté. Les propriétaires fonciers (adsidui) sont membres d'une
bu
rustique; les commerçants et les non-propriétaires appartien-
SECTION 2
L'OLIGARCHIE SE MET EN
RÉPUBLIQUE (509-340 av. J.-C.)
i Sous-section 1
Le patriciat de la République
ou la noblesse consulaire
§1
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE
LE LEGS ROYAL :
L'IMPERIUM CONSULAIRE
viilc ' Rigoureusement c'est Vimperium du gouverneur proprétorien (il dispose, en pro-
ches: de 6 haches) qui fut qualifié par les sources grecques de «magistrat aux six ha-
192 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
82
b) La dualité consulaire est originelle(} Beaucoup d'historiens insè-
rent entre la royauté et la dualité consulaire une phase plus ou moins
longue (de 509 à 450 ou à 367) occupée par une magistrature annuelle
Otais unique. Pour la plupart, la dictature aurait fait office de transition.
Mais ce n'est guère acceptable.
En raison d'abord de la tradition. Unanime, elle ne connaît chaque
^nnée, après 509, que des paires de consuls. Leurs noms ont été con-
servés (ce sont les Fastes Consulaires) sur des listes dont l'authenticité
est au-dessus de tout soupçon. Ces listes canoniques ignorent les di-
vergences qui n'auraient pas manqué d'apparaître si elles avaient été
falsifiées, encore plus dédoublées pour satisfaire l'orgueil de certaines
familles. Les deux noms annuels sont donc bien les noms de deux
Co
nsuls.
Par ailleurs, ce que l'on sait de la dictature condamne le rôle qu'on
v
pudrait lui prêter. La dictature, greffée sur un noyau archaïque, est la
résurgence artificielle de la royauté par la réunion provisoire sur une
fête de la dualité consulaire. C'est pourquoi ce magistrat extraordi-
naire, appelé en cas d'urgence, dispose de 24 licteurs — alors que le
ro
i n'en avait que 12 —. Il est clair que la dictature implique la dualité
consulaire,
1
puisqu'elle la corrige. Celle-ci a précédé celle-là, et non
mverse.
C
J Pas de collégialité primitive 0 En revanche, on admettra que le
P^ncipe de la collégialité est une limite « récente » à la souveraineté
consulaire.
La loi de la collégialité veut que chaque consul dispose en perma-
nence du même pouvoir que son collègue ; qu'il soit ainsi en état de
empêcher d'agir, par un droit de prohibitio (veto préalable) ou d'm-
^rcessio (annulation à posteriori), quel que soit le type de décision
1 Lse ; initiative politique, acte juridictionnel, droit de coercition. Cette
ot'on de la collégialité est très originale, toute différente du concept
mienien. Lorsqu'elle apparaîtra — en 449, nous le montrerons infra,
vraie
. —> ni le n'entamera pas l'idée toujours fondamentale, toujours
. , que Yimperium est une puissance indivisible. Le pouvoir de dé-
JÇn.ne se trouvera pas éclaté au sein du collège, mais restera en
i, mité à chacun, avec le pouvoir conséquent de paralyser l'action de
autre.
Mais le consulat double de la constitution oligarchique de 509 se
e
On autrement. Il ignore la collégialité et pratique le roulement du
U in
ll délai
AA L'alternance
est d'un moisdes faisceaux
pour en est
Vimperium le symbole
domi, (Liv.
d'un jour 2, 1,Vimpe-
pour 7-8).
titm ■Tnilitiae
matre. Les - attributions
Pendant cesdelaps de temps,
l'autre consulVimperium
entrent en n'a qu'un seul
léthargie. Au-
Ile
^ intercession n'est donc possible contre celui qui agit. L'exercice
Pouvoir est absolu.
Le J ar^slocratie est parvenue à reconstituer la capacité d'agir royale,
l'oi^dfrage de la monarchie ne lui a pas été fatal. En même temps
hairre rchie se protège contre le retour toujours menaçant de l'arbi-
monarchique par un morcellement temporel rigoureux du pou-
194 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§2
LA FONDATION DU RÉGIME
RÉPUBLICAIN : AU PROFIT DE QUI ?
284 1" Les étapes d'un monopole 0 II faut rapidement, sèchement, rassem-
bler les preuves. Etablies sur les Fastes Consulaires, elles ont donne
aux Modernes la clé du système.
De 509 à 490, l'éventail des noms consulaires est large. Ils appar-
tiennent tous au Sénat ; ils reflètent la distinction, au Sénat, entre les
Patres d'une part, et les Conscripti de l'autre. Les Patres, qui représen-
tent la vieille noblesse patricienne, siègent à titre héréditaire ; ils four-
nissent durant ces quelque vingt ans les quatre cinquièmes des con-
suls. Les Conscripti, en revanche, nouveaux venus au Sénat dont ils
forment la moitié des effectifs (environ 160 sur 300), y ont été admis à
titre personnel, donc non héréditaire, à l'occasion de la liquidation de
la Royauté. Ils s'opposent aux patriciens. Qu'ils aient réussi à imposer
la nomination de plusieurs consuls (un sur deux tous les deux ans en
gros), témoigne, de la part des Patres, d'une relative ouverture. Mais
elle ne dure pas.
De 490 à 465, les Patres réussissent à éliminer les Conscripti de la
course au consulat. C'est la première fermeture du patriciat. Cependant
parmi les consuls patriciens, le renouvellement des noms continue à
se faire d'une manière assez large, bien que des signes de répétition
(même individu ou même famille) se confirment.
Ils deviennent, à partir de 465, très fréquents, au point que, après
450, il n'y a pratiquement plus aucun nom nouveau parmi les consulS)
et, après 435 jusqu'en 367, absolument plus aucun nom nouveau. ToUs
les consuls d'après 433 sont les descendants directs d'anciens consuls :
une caste s'est dénombrée et s'est fermée.
Le monopole restera absolu jusqu'en 367. Même la création, <'lU
cours de cette période, de nouvelles magistratures n'y apportera aU'
cime atteinte. Ainsi, à partir de 443, deux censeurs, élus tous les cin'l
ans, allégeront les tâches écrasantes des consuls en se chargeant db
recensement : ils seront pris parmi des consulaires (c'est-à-dire d'afl'
ciens consuls). De même, à partir de 434, des «tribuns militaires '■
pouvoir consulaire» (ne pas les confondre avec les tribuns de la
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 195
'6 3° '-es
r privilèges
. du nouveau patriciat 0 Seuls les consulaires ou
, ,rs descendants, car marqués du signe divin, sont dignes de briguer
^consulat. Après 450/433 (et jusqu'au compromis de 367) aucun in-
's ne franchira la barrière sacrée.
* Seuls ces mêmes personnages (et leurs descendants) méritent
Pat' 1.'avenir le nom de Patres (au Sénat) ou de patriciens. Les anciens
Sri ens disparaîtront : ou ils se sont intégrés à la nouvelle noblesse
élinv a'U consulat qui leur est accessible avant 450/433 ; ou ils ont été
déh nés par extinction naturelle. En revanche, à part les conscripti des
'm-i r8'rsVite onldiés, tous les consulaires, même s'ils n'avaient pas de
Cia, i?. de noblesse anciens, seront par définition patriciens. Les
leur ' étrangers (ils sont Sabins), immigrés au début du 5e s. avec
des, lni.lliers de clients, entreront par le consulat (en 495) dans le club
' Patriciens — aptes ensuite, en 471, 460, 451, 403 ... à gérer la Cité.
,^ifSiiiuaasssssss!iSiZ—iiiJ!iliSss
Sous-section 2
La révolution du peuple :
la Commune Plébéienne (494-3)
§1
LA GUERRE DANS LA CITÉ
2" /v
hù\aede
?eption Politique
bitte sociale. Son0inspiration
La tradition ancienne n'a
oligarchique lui aentendu que un
fait oublier ce
motif
Pérfence d'insatisfaction.
athénienne (la loi Rome,
des XIIautour
Tablesdes années 500,
confirmera desconnaît l'ex-
liens intel-
198 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
290 3" Chronique d'une grève 0 Le peuple encore en armes cesse brus-
quement d'obéir aux consuls. C'est la grève de la guerre. Les soldats
quittent Rome en 494 et, sourds aux prières, s'installent durablement
sur le Mont Sacré, à quelques kilomètres de la Ville. En une Commune
insurrectionnelle, le peuple mutiné se forge une constitution. Ce n'est
qu'après avoir juré l'union jusqu'à la mort qu'il revient à Rome, décidé
à imposer par la force les lois qu'il vient de se donner. La plèbe est
alors née. Née dans Villégalité.
On définira la plèbe en l'opposant au populus, totalité des citoyens
et partie intégrante de la Cité officielle. Mais la plèbe ne se confond pas
avec les couches socialement inférieures de la Cité, masse indifféren-
ciée flottant dans le temps. La plèbe (ou plebs), au contraire, est une
réalité politique rigoureusement définie. Elle est la fraction de la Cite
(toutes classes confondues) qui s'est placée en opposition durable contre
l'organisation officielle ou patricienne de la Cité. Elle est née en 494/3'
§2
LES INSTITUTIONS PLÉBÉIENNES
Par son retour dans Rome, la plèbe veut imposer à la Cité sa volonté
de justice. Elle n'entend pas vivre en marge de l'Etat ni môme coin un'
un Etat dans l'Etat. Les chefs, l'assemblée, le trésor, le sanctuaire
qu'elle improvise ne sont pas destinés à lui assurer une existence pa-
cifique et isolée ; ils sont avant tout les moyens d'une dialectique.
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 199
A LE TRIBUNAT DE LA PLEBE
b) LA PUISSANCE TRIBUNICIENNE
Rien n'équivaut, chez le tribun qui n'est pas magistrat au sens pro-
pre du terme, à Vimperium ni à Vauspicium. Il n'y a pas de continuité
entre la royauté et le tribunal. Surtout, le tribun n'est pas né pour agir
0U
commander, mais pour venir en aide à la plèbe contre Vimperium
insulaire en offrant la protection de sa personne inviolable et sacrée. Il
Joue dès les origines et jouera toujours un rôle d'équilibre fondamental
ace
à la toute-puissance des magistrats.
1. Inter-cession au sens large. Le pouvoir de bloquer revêt deux formes : le veto préa-
lable (techniquement prohibitio) et le veto a posteriori (techniquement intercessio). Nous
ne les distinguerons pas par la suite.
LA CITE REPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 201
a
l définition des concilia plebis 0 Après une courte réflexion, la
Plebe s'engage en 471 dans une nouvelle forme d'assemblée. Elle choi-
fji !■ L'imitation des traditions guerrières est sûre. La lex sacrata est le fondement de la
seipiing militaire chez les peuples italiques. A Rome, de même, la plèbe donne à ses
nets le nom de « tribuns », calqué sur le titre des officiers de la légion, les tribuns militai-
es. En revanche, il n'y a aucun rapport entre les tribuns et les tribus, dont les tribuns ne
ront jamais les administrateurs et dont le nombre ne correspondra à aucun moment à
CeIu
' des tribuns.
202 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
b) Compétence des concilia plebis 0 Réuni par les tribuns selon une
procédure simple (en l'absence de Yauspicium, il n'y a pas de prise
d'auspices), le concile de la plèbe participe, dès son origine, à une
double fonction. Electorale d'abord, pour le choix annuel des tribuns
(et des édiles de la plèbe, n"296), toujours plébéiens dans la crainte
que le collège ne soit miné de l'intérieur par Vintercessio systématique
d'un patricien. Législative ensuite, pour le vote des plebis scita. Entre
plébiscite et loi, deux différences importantes. Le plébiscite exprime
originellement l'idée de décision (scitum), donc de volonté populaire,
totalement absente en revanche du concept primitif de loi (lex), qui se
réfère a l'acte par lequel le magistrat, à l'origine, lit publiquement le
texte dont il est l'auteur et pour lequel il requiert l'adhésion du peuple ;
si le plébiscite honore la masse, la loi exalte le titulaire de Virnperium.
En outre, à la différence de la loi qui engage le populus entier, le plé-
biscite n'émane que de la plebs ; il n'oblige que ceux qui ont juré la loi
sacrée, source de sa valeur contraignante.
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 203
Sous-section 3
De trêves en compromis,
les conquêtes légales
de la plèbe (450-367)
§1
LA LOI DES XII TABLES,
UNE FONTAINE DE CONCORDE
299 Des lois égales pour tous 0 Depuis 462, chaque année ou presque, la
plèbe réclame, notamment par la voix énergique du tribun Terentilius
Harsa, « des lois écrites qui fixent Vimperium». En vain. L'opposition
du patriciat est totale, et justifiée. Réclamer des lois est une insoutena-
ble prétention : n'est-ce pas abolir des privilèges en série ? Mettre le
droit par écrit, n'est-ce pas dévoiler la connaissance du droit, le sous-
traire à la science exclusive des pontifes patriciens ? En révélant le
droit, n'assurera-t-on pas, par une loi certaine, donc égale, la protection
de chacun, riche ou pauvre, noble ou vilain, dans sa personne et dans
ses biens ? N'étendra-t-on pas à tous le bienfait d'une organisation fa-
miliale qui fixe l'ordre des successions et règle la tutelle ? L'aristocra-
tie en est convaincue. D'où son hostilité radicale. Plus encore, définir
le droit revient à en marquer les bornes et en dénoncer les abus, qu'on
légifère sur la juridiction criminelle du consul, les pouvoirs du créan-
cier impayé, ou la puissance du paterfamilias.
L'enjeu était immense. Mais, devant une ultime sécession de la
plèbe, le patriciat finit par céder. Il confie à un collège le soin de « faire
des lois, afin de rendre pour tous, des plus grands aux plus petits, la
liberté égale» (Liv., 3, 31, 7 et 3, 34, 3) : une égalité juridique perçue
par les Romains, comme aussi révolutionnaire que le passage de la
Royauté à la République. Le résultat fut exceptionnel. Avec les XII Ta-
bles, la République a élaboré le plus important monument législatif
que Rome ait conçu — jusqu'aux compilations de Justinien. On y re-
connaîtra, avec Tite-Live, « la source (fbns) de tout le droit privé et
public» (3, 34, 6)1.
I. Le texte de la loi des XII Tables (dix Tables rédigées en 451 ; deux autres en 450)
est connu pour 1 essentiel. Ce sont les citations transmises par les auteurs de l'Antiquité
qui ont permis de reconstituer up texte dont Tauthenticité est au-dessus de tout soupçon.
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 205
Les
, sources (Tite-Live ; 3, 32, 6 et le Manuel de Pomponius, au Digeste I, 2, 2, 4)
apportent que les décemvirs n'ont pas été soumis à la provocatio ad populum. L'expres-
4 ÏÏ'
ln
qui n'est qu'un raccourci (infra, n"s503 et 307), signifie en réalité qu'ils échappent
tercessio des tribuns de la plèbe.
206 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
nage ; définition des principaux délits : vol, atteinte aux récoltes, faux-
témoignage) sont proclamés. De même le sont l'organisation de la tu-
telle, la détermination de l'ordre des héritiers légitimes et les limites
fixées à la puissance paternelle.
§2
LES LOIS VALERIAE HORATIAE
DE 449 : LA PUISSANCE TRIBUNICIENNE
LÉGALISÉE
lles sont
dp f
la
la suite logique et immédiate des XII Tables. L'efficacité
Puissance tribunicienne venait d'être reconnue en fait par les
208 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
505 1" L'inviolabilité tribunicienne est reconnue par la loi, qui lui
donne une sanction caractéristique : « celui qui frappera les tribuns de
la plèbe et les édiles sera consacré à Jupiter, et ses biens seront vendus
au profit de Cérès, Liber et Libéra ». Les deux triades religieuses, celle
de la Cité patricienne et celle de la plèbe, se partagent la répression.
Le coupable sera maudit et, vrai hors-la-loi, impunément mis à mort
par le premier venu, car il a lésé les divinités officielles de la Cité. Ses
biens seront confisqués au profit du temple et du trésor de la plèbe. La
loi prend le relais du serment plébéien, source exclusive jusqu'ici de
la sacralité tribunicienne. Les atteintes à l'inviolabilité doivent être
entendues au sens le plus large : voies de fait, mais aussi mépris de
l'autorité inviolable des chefs plébéiens.
306 2" L'autorité officielle reconnue aux plébiscites 0 Tel qu'il est rap-
porté par Tite Live (3,55), le texte de la loi est invraisemblable : « ce
que la plèbe ordonnera en tribus obligera le peuple ». Ce n'est pas
avant la lex Hortensia (286) que les plébiscites auront valeur de loi et
obligeront par eux-mêmes la Cité. Mais la suite du commentaire livien
corrige l'excès de l'affirmation initiale et restitue l'objet plus limité,
mais précieux, de la loi. Par celle-ci, la plèbe s'empare légalement du
moyen d'attribuer autorité officielle, donc liant le populus, à ses plé-
biscites : en obtenant du Sénat patricien sa ratification par un sénatus-
consulte. D'où la mission des édiles de la plèbe « d'archiver dans leur
temple les s.-c. ». Pas tous les s.-c. ! Ceux-là seuls que les patriciens,
sous la menace, évidemment, d'une sécession ou d'une grève politique,
devront céder à la plèbe. Or celle-ci, bien que non représentative de
tout le populus, en fera grand usage, dans la volonté de réformer toute
la Cité. Nouvelle étape vers l'intégration de la « plèbe insurgée ».
§3
LE COMPROMIS LICINIO-SEXTIEN (367)
ET SES PROLONGEMENTS
.
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 211
B LE REGLEMENT DE 367
Ici p' En. 326 seulement la condition des nexifut améliorée de manière significative : la
la c tra nte Papiria abrogea l'asservissement du débiteur ; mais elle ne fit pas disparaître
l'exA cu 0' Par corps. Il faut attendre la fin de la République pour que le principe de
t,„, « n sur les biens de l'insolvable triomphe — par une mise en liquidation de son
'""loi ne. Cf. infra, n"513.
oftiiT U" 343, ta loi Genucia a imposé le principe du partage : un des deux consuls devra
notoirement être plébéien.
212 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
SECTION 3
LA CONQUÊTE DU MONDE
MÉDITERRANÉEN ET
L'APPARITION DE LA NOBILITAS
(340-150 av. J.-C.)
15
' " audace de prétendre à la domination universelle » (Polybe, 1,
i) 0 — Absorbée par la lutte de la plèbe et du patriciat, Rome con-
«cra toutes ses forces, jusqu'en 340, à des guerres locales et purement
ciensives. Mais sitôt levé ce lourd handicap, l'esprit des combats
»ange. La conquête, impérialiste, démarre. Ses progrès, d'abord me-
"rés, foudroyants ensuite, ne connaîtront pas de pause. Pour le vain-
l"eur qui excjte l'envie et soulève la haine, pour le vainqueur dont
L>j J; Les comices tributes sont une assemblée de tout le populus, réparti en tribus.
consul0 " <lu conciIe de la plèbe est certaine. Il est très probable que ce sont les premiers
iribu ' S b'ébéiens qui, vers les années 350, favorables à ce type de réunion populaire (par
3(jg et l'dj-"01 t|lle l,ar centuries) en ont été les inventeurs. Sur celle assemblée, infra. n"s
214 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
■§1
LES ÉTAPES DE LA CONQUÊTE
(340-146)
kl
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 215
sente sous les couleurs les plus honorables (mais les plus fausses)
l'intégration dans la citoyenneté romaine. Elle est, en réalité, une an-
nexion.
>1 7
b) L'Italie centrale 0 Le heurt inévitable se produit en 326 avec les
Populations italiques qui ont longtemps menacé Rome. La lutte a
l'acharnement désespéré d'un choc entre deux civilisations. Rome et
ses alliés, d'un côté, incarnent le concept de la Cité-Etat, d'un pouvoir
unitaire dans les limites d'une ville dont l'autorité, centralisée,
rayonne sur tout le territoire. Les Samnites, les Picénienà, les Marses,
au contraire, ignorent la cité. Chez ces peuples, c'est Vethnie qui fait
l'unité politique. La structure de la nation y est fédérale ; elle regroupe
les diverses tribus qui se partagent une population dispersée. Les com-
bats, dont l'âpreté façonna l'admirable discipline des soldats romains,
tournèrent, on s'en doute, à l'avantage de Rome (le monde aurait été
biffèrent si la civilisation urbaine avait été vaincue). Les Samnites, les
Marses, les Ombriens sont contraints, en 290, d'entrer dans l'alliance
be Rome ; les Sabins, les Picéniens, les Vestins sont annexés (citoyen-
n
eté sans suffrage).
Que Vimpératif de sa défense ait contraint Rome à engager la con-
quête, ce n'est pas douteux. Mais le mobile de la défense, rapidement,
s
, effaça pour des visées moins honorables. D'où l'ampleur des sanc-
t'ons : entre 297 et 293, 60 000 Samnites sont vendus comme esclaves,
eniffre démesuré pour une population civique réduite (pas plus de
b00 000 citoyens romains mâles et adultes à cette époque). Les besoins
be l'agriculture n'en demandaient pas tant : une grande partie de ces
esclaves fut revendue. Les terres fertiles ont été confisquées et distri-
buées aux citoyens ; le nombre des tribus rustiques augmente d'autant.
.,eul l'expansionnisme explique l'implantation de Rome le long de
' Adriatique ; en expropriant les Gaulois installés là de tout temps,
ouïe provoquait leur hostilité et relançait l'engrenage de la guerre.
Au moment où tombent les Samnites, les peuples indigènes du Sud
jApulie, Lucanie) entrent dans l'alliance de Rome (carte II), tandis que
es
Etrusques, qui avaient cru faire un bon calcul en prenant le parti
' es Samnites, perdent leur indépendance et signent, entre 290 et 265,
es
traités de soumission (carte III).
18 c) .
J La Grande-Grèce et la Gaule Cispadane1 0 Une démonstration de
orçe devant l'opulente cité grecque de Tarente, en 282, tourna d'abord
Le roi d'Epire Pyrrhus, pressé d'accourir à l'aide de Tarente, étale
fondant plusieurs années en Italie ses richesses, ses éléphants et ses
qualités de chef, jusqu'au moment où il rembarque le tout. La voie
'O^s est libre pour la soumission de Tarente et de toute la Grande-
^êce en 272 (carte III).
8auln ^neportu
Précision de géographie historique : ITtalie de Bologne aux Alpes, possession
!e nom de Gaule Cisal ine 0n
Tran P - y distingue : au nord du Pô, la Gaule
|a „ spudane,
e
et, au Sud, la Gaule Cispadane. Quant à la Gaule « au-delà des Alpes » ■ c'est
Transalpine.
216 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
€9
annexion par incorporation dans la
citoyenneté romaine complète
Peuples « alliés »
unis à Rome par un trait inégal
218 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
519 ci) Sous la garde des colonies 0 Au rythme de la conquête, des places
fortes jalonnént la progression des territoires soumis. Plus de vingt-
cinq colonies « latines », dont la fondation s'égrène de 554 à 184, mon-
tent la garde à l'intérieur des terres : aux endroits stratégiques et au
flanc des peuples alliés d'une fidélité incertaine. Deux mille à six mille
soldats-paysans, pour moitié romains et pour moitié alliés, s'y parta-
gent la culture des terres confisquées et cette haute mission de surveil-
lance. Plus modestement, d'autres colonies, les colonies « romaines »,
aussi nombreuses, mais limitées à une garnison de trois cents hom-
mes, sont réparties sur là côte et contrôlent le littoral. Leur peuple-
ment est uniquement romain.
[¥] LA CONQUÊTE
DU MONDE MÉDITERRANÉEN
rhus, Carthage prit même le parti des Romains. Mais les circonstances
ont changé.
a
) Pro soluté et pro fide 0 Deux siècles de guerres ininterrompues
n'ont pas affecté la bonne conscience romaine : « Rome ne prit jamais
les armes que pour assurer sa défense (pro sulute) et venir au secours
de ses alliés injustement agressés (pro fide) ». Laelius (dans le de Rep.
de Cicéron, 3, 34) reflète le point de vue officiel. Il mérite beaucoup
d'égard. De fait, le rituel de la déclaration de guerre — et les Romains,
Juristes, l'ont observé avec le plus grand scrupule — voulait, pour que
lu guerre fût juste (belluni justum), qu'elle ne fût jamais initiative hos-
dle, mais demande de réparation. Selon le point de vue romain, il ne
Peut y avoir que des guerres de récupération. Le Sénat s'y est employé
avec une habileté remarquable : relations d'alliance, établies en de vé-
r
c
dables pièges, pour qu'une guerre extérieure atteigne Rome par rico-
uet ; politique d'encerclement, qui contraint l'adversaire à engager les
'■o m bats ; interprétation tendancieuse des traités ... Le résultat : l'anna-
ustique présente Rome en état de légitime défense, menant en perma-
Uence une lutte de sauvegarde. Le plus étrange est que l'historiogra-
Phie moderne dominante ait, depuis Mommsen, préféré cette vision
Purtisane à l'analyse infiniment plus lucide de Polybe.
[e f En 155 )e roi (|e Cyrène, Ptolémée Evergète léguait à Rome son royaume pour
011 11 nlourra
femnet l'amitié de Romeit sanspour
héritier. Dans
qu'elle l'extraordinaire
protège document
ses possessions conservé,auledroit
conformément roi s'en
Cf
u
P''a n" 239.
w*m m
§2
L'ORGANISATION DES CONQUÊTES
528 1° Les socii 0 A la différence des municipes, les alliés conservent les
symboles d'une personnalité de droit international : citoyenneté indi-
gène, droit de frapper monnaie (mais selon un aloi que Rome contrôle
et maintient déprécié), justice souveraine et droit privé dont la spéci-
ficité est en principe respectée. Mais, entrés dans ce que Rome appel-
lera avec trop de dissimulation son « alliance » (ou societas ; d'où les
alliés, ou socii), ces peuples sont devenus des Etats-clients. Ils suppor-
tent des obligations perpétuelles et unilatérales d'obéissance, de con-
tribution militaire et d'aide financière fixées par le traité qui a cou-
ronné leur défaite.
Ce traité imposé à chaque vaincu — selon la technique du face à
face qui assure au vainqueur la prépondérance — l'oblige à « respecter
et soutenir la supériorité (maiestas) du peuple romain ». D'oii une obli-
gation, passive, de soumission : le fédéré renonce aux relations inter-
nationales. D'où, aussi, une obligation positive d'aide : à cette fin, le
Sénat se fait remettre par les cités fédérées le descriptif complet de
leurs forces mobilisables (total des adultes mâles) et fixe librement,
sur la base de ce document (la. formula togatonimy, la taille des con-
tingents envoyés chaque année au combat. On a tenté de chiffrer cette
contribution massive et régulière à l'effort de guerre romain : si,
en moyenne et chaque année, 60 000 Romains sont enrôlés (sur
300 000 mobilisables), les Alliés, Latins non compris, fournissent entre
80 000 et 100 000 hommes (pour un total de 400 000 mobilisables)2. Le
330 Les Etats-clients 0 Toutes les nuances s'y découvrent. Parfois — mais
c'est l'exception — un traité établit sur la base de l'indépendance et de
la réciprocité des relations d'amitié : pas de trace d'hégémonie dans ce
cas privilégié. Plus souvent le traité est inégal : il contraint l'Etat défait
à reconnaître la toute-puissance (imperium) et la supériorité (maies-
tas) de l'Etat romain ; à la différence, toutefois, des socii italiens, ce
n'est qu'en cas d'urgence que des troupes d'appoint seront exigées.
Plus fréquemment encore, Rome évite de se lier par une convention
même inégale ; elle se contente d'affirmer par une déclaration unilaté-
rale (donc révocable) la liberté de la cité ou du royaume vaincu. En ce
cas, l'immunité fiscale est parfois concédée (certaines cités sicilien-
nes ; les cités grecques solennellement reconnues libres en 196) ; mais
en d'autres occasions le paiement d'un lourd tribut est décidé (la Ma-
cédoine, entre sa conquête en 168 et sa conversion en province en
146).
Dans toutes les hypothèses, libre et fédéré, libre et exempté de tri-
but ou libre et tributaire, l'Etat-client est abandonné au bon vouloir de
Rome. Tôt ou tard, la liberté tolérée s'effacera devant la rigueur de
l'annexion provinciale.
b) Le système provincial
331 1" La lex provinciae 0 Dès les opérations militaires achevées, le Sé-
nat confie au magistrat victorieux, assisté d'une commission sénato-
riale, le soin de rédiger le statut de la nouvelle province. La charte
octroyée par le magistrat (sous la forme d'une lex data : elle n'est pas
votée par le peuple) fixe les frontières de la province ; elle précise la
condition du sol et son règlement fiscal ; elle réorganise le territoire
sous 1 autorité du gouverneur après la suppression du pouvoir indi-
gène. Si l'on s'en tient aux traits permanents du système tel qu'il fut
imaginé à partir de la première expérience provinciale (Sicile, 241), on
constate qu'il se ramène à une double confiscation : des ressources
locales, d'une part ; du gouvernement indigène, de l'autre.
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 1 50 AV. J.-C.) 229
% jo rr
un système de gouvernement colonial 0
§3
LE POUVOIR ET L'ARGENT :
SÉNATEURS ET CHEVALIERS ;
LA NOBILITAS
1. Il ny a pas de cens équestre fixe avant le début du 2l's. av. J.-C. Son minimum
tarde sera alors fixé à 400 000 sesterces (ou un million d'as), soit dix fois le cens mini-
mum exigé pour la première classe des comices.
LA CITE REPUBLICAINE (DE 509 A 150 AV. J.-C.) 233
[F] LA IMOBILITAS
— OU L'OLIGARCHIE AU POUVOIR
338 1" Définition 0 La nobilitas n'est pas une noblesse de sang, ni une
institution juridique. C'est une réalité sociale, extrêmement puissante,
formée du cercle très restreint des familles dont un membre a exercé le
consulat.
La nobilitas se forme au début du 3e s. La conquête de l'Italie a
révélé le talent des consuls plébéiens : en s'illustrant, ils ont fait leurs
preuves et les consuls patriciens les admettent sur un pied d'égalité. R
se forme alors entre ces familles consulaires longtemps rivales un es-
prit de connivence. Elles pratiquent l'union sacrée : s'estimant seules
capables de conduire l'Etat, leur ligne de conduite sera de réserver le
consulat a leurs seuls membres. C'est la répétition dn monopole patri-
cien, mais avec une différence. Alors que le patriciat s'était forgé une
légitimité absolue, lui conférant, de droit, l'exclusivité du consulat, la
nobilitas, officiellement, n'affirme aucun droit au pouvoir. Mais, en
LA CITÉ RÉPUBLICAINE (DE 509 À 150 AV. J.-C.) 235
fait, elle s'efforce par tous les moyens d'en bloquer l'accès. On définira
donc la nobilitas comme Varistocratie consulaire soudée par la recher-
che sans partage du pouvoir suprême.
Bibliographie et lectures 0
I. — Royauté et fondation de la Ville : C. Ampolo dans Storia di
Roma (éd. A. Schiavone) I, Turin, 1988, p. 153-180, 203-240 ; A. Gran-
dazzi, La fondation de Rome, Paris, 1992 ; R. Thomsen, King Servius
Tullius, Copenhague, 1980 ; J.-C. Richard, Les origines de la plèbe ro-
maine, Paris, 1978 (fondamental : des origines à la naissance de la
plèbe) ; sur la clientèle : N. Rouland, Pouvoir politique et dépendance
personnelle dans l'ancienne Rome, Bruxelles, 1979 ; sur Vauspicium, il
faut connaître les vues très neuves d'A. Magdelain, Auspicia ad patres
rideunt, dans Hommages à J. Bayet, 1964, p. 427-473 = Jus, imperium,
auctoritas {Etudes de droit romain), Rome, 1990, p. 341-383. Sur la
Sens, base de la puissance patricienne, I. Hahn, The plebeians and clan
Society dans Oikumene i, 1976, p. 47-75.
La fondation de la Ville èt les Etrusques : J. Heurgon, La Vie quoti-
dienne chez les Etrusques, Paris, 1961 ; A. Magdelain, Le pomerium ar-
chaïque et le mundus, dans Rev. Etudes Latines 54, 1976, p. 71-109 (et
C
L Mél. Ecole française de Rome 89, 1977, p. 11-29) = Jus, imperium...
dt, p. 155-191 ; p. 209-228 ; M. Pallottino, dans Comptes rendus Acad.
Inscriptions 1976, p. 216-235.
II. — La mise en République : points de vue suggestifs (et discor-
dants) chez : A. Magdelain, Recherches sur Timperium. La loi curiate et
ms auspices d'investiture, Paris, 1968 ; P.-C. Ranouil, Recherches sur le
Patriciat, Paris, 1975 ; F. de Martino, Storia délia Costituzione ro-
niana l2, Naples, 1972 ; J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occiden-
tale', Paris, 1993 (Nouvelle Clio) ; J.-C. Richard, ouvrage cité. Sur les
lois Valeriae Horatiae de 449, l'appel au peuple et la puissance tribu-
fdeienne, M. Humbert, dans Mél. Ecole française de Rome 100, 1988,
P- 431-503, et, sur le rôle joué par les tribuns de la plèbe dans l'émer-
8Çnce d'une justice politique populaire, Les procès criminels tribuni-
ciens, du 5e au 4e s. av. J.-C., dans Etudes dédiées à Hans Ankum, I,
Amsterdam, 1995, p. 159-176. Sur la loi des Xll Tables, pour complé-
ter
: G. Poma, Tra legislatori e tiranni, Problemi storici e storiografici
jnll'età delle XII Tavole, Bologne, 1984 ; A. Magdelain, Le ius archaïque
(1986)e = Jus, imperium... cit., p. 1-93 ; M. Humbert, La crise politique
an V siècle et la législation décemvirale, dans Crise et transformation
des sociétés ... de l'Italie antique, Rome, 1990, p. 263-287.
III. __ La conquête et la nobilitas : sur l'impérialisme, W. V. Marris,
^ar and Imperialism iq, Republican Rome (essentiel), Oxford, 1979;
Musti, Polibio e l'imperialismo romano, Naples, 1978 ; J.-L. Ferrary^
hilhellénisme
a et impérialisme, Rome, 1988 ; E. Gabba et G. Clemente'
ns Storia di Roma, cit., II, 1, (1990), p. 189-216 et 235-260. Pour les
238 LES iNSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
LES ORGANES
DU GOUVERNEMENT
RÉPUBLICAIN
SECTION 1
LES MAGISTRATURES
§1
L'ORGANISATION
DES MAGISTRATURES
ÉLECTIVES ET ANNUELLES.
LES PRO-MAGISTRATURES
Ël
ration 0 II n'y a de magistrats que des élus, à trois exceptions près :
e
dictateur, l'interroi et le maître de cavalerie, respectivement nommé
Par les consuls, coopté par les sénateurs et choisi par le dictateur. Le
Principe de l'élection n'est pas né, on l'a vu {supra, n"281), avec la
^Publique ; il fut précédé par la nomination pure et simple de son
nccesseur par le magistrat en fonction. Mais la procédure classique
240 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
544 Annualité 0 En rupture avec l'institution royale, elle remonte aux ori-
gines de la République. Elle sera de principe pour toutes les magistra-
tures, à l'exception du dictateur (six mois), des censeurs (dix-huit
mois), de l'interroi (cinq jours). Il en découle une rotation rapide qui
borne impérativement l'œuvre de chaque magistrat. Mais les succes-
seurs la poursuivent et conservent dans leur propre édit (préteur,
édile, gouverneur de province) les meilleures initiatives de leurs pré-
décesseurs.
La règle de l'annualité subit des entorses variées, à mesure que les
hauts commandements et les provinces se multipliaient. Si la réitéra-
tion fut toujours admise, l'intervalle tendit à se réduire (pendant la 2e (
guerre punique, M. Claudius Marcellus reçut le consulat en 215, 214, f
210, 208). Plus grave est la prorogation d'imperium (l'une des formes
du gouvernement provincial). Certes, le prorogé n'est plus magistrat,'
mais « pro-magistrat » (« à la place d'un magistrat ») : il ne peut réunir i
une assemblée, organiser des élections, proposer une loi, présider le
Sénat, ni même franchir le pomerium sans éteindre son imperiurn-
Néanmoins, il dispose, au-delà de son année de charge régulière, d'un
pouvoir imperiurn, attribué pour un an, souvent plus encore. Clau-
dius Marcellus, déjà nommé, entre ses consulats et leurs prorogations
cumulées, détint Vimperiurn, consulaire et proconsulaire, neuf ans de
suite. Et Scipion l'Africain, dix-huit ans sans interruption (211-194).
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 241
[Ë] POTESTAS:
LA COLLÉGIALITÉ ET LA HIÉRARCHIE
[cl L'IMPERIUM
349 Son contenu et ses limites (provocatio) 0 1" Imperium militiae. Sitôt
franchies les limites du pornerium (inchangées depuis la Royauté)
s'ouvre le domaine extra-urbain, celui de Vimperium militiae. Il con-
centre l'essentiel de l'activité du dictateur, des consuls, des préteurs
provinciaux (Vimperium militaire des préteurs judiciaires est en sont'
meil), des pro-magistrats. Son contenu est le suivant ; commandement
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 243
g . h Pas de véritable juridiction criminelle politique au profit des consuls hors de Rome
«on empasne> leur pouvoir de punir est d'ordre coercitif (et non juridictionnel). Il sanc-
leur pouvoir d'ordonner.
244 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§2
LES DIVERSES MAGISTRATURES
350 1" La dictature 0 Historique : sur fond d'archaïsme (comme son an-
cêtre, un auxiliaire du roi, le dictateur est chargé de tabous sans âge :
il ne peut monter à cheval, mais conduit un char), la dictature est une
création républicaine artificielle : résurgence momentanée, en cas de
péril militaire ou de révolution, de Vimperium totalisant royal. Fré-
quente aux 5e et 4e s., elle disparaît pratiquement au 3e s., sauf pendant
les guerres puniques (249, 217, 216, 210, 202) et totalement après,
jusqu'aux dictatures constitutionnellement aberrantes de Sylla et de
César ; aholib officiellement par une loi de 44 av. J.-C. Désignation :
nommé par les consuls sur proposition du Sénat, investi par les comi-
ces curiates convoqués par lui-même, le dictateur doit aussitôt dési-
gner un adjoint, le maître de cavalerie qui lui est étroitement subor-
donné. Pouvoirs : imperium supérieur (24 licteurs : contraction de
Vimperium de chaque consul) ; ne supprime pas les magistrats ordi-
naires, mais ils lui doivent obéissance ; jusqu'en 300, ignorant la dis-
tinction domi-militiae, il échappe à la puissance tribunicienne et à la
provocatio ad populum. Durée : six mois maximum1.
351 2" L'interrègne 0 Plutôt que magistrature, il comble le vide entre deux
magistratures. Définition et fonction inchangées depuis la Royauté :
lorsque le pouvoir est vacant et la chaîne des auspices rompue, le droit
d'auspicium fait aussitôt retour aux Patres (aux sénateurs patriciens),
en vertu d'un privilège inhérent à leur qualité et jamais partagé avec
les plébéiens. A tour de rôle, pendant cinq jours, un interroi est coopté
par ses pairs ; il gère les affaires courantes et, en vertu de son impe-
rium et de son auspicium, organise, si possible, les élections consulai-
res (ou nomme un dictateur).
1. Sont laissées de côté les dictatures spéciales, à durée très brève : pour dédier un
temple, procéder à des élections (lorsque les consuls, retenus au loin, ne peuvent se
rendre a nome), planter le clou prophylactique afin d'enrayer une épidémie...
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 245
355 6° L'édilité 0 Historique : deux édiles plébéiens, créés depuis 493 pour
conserver les archives de la plèbe ; puis deux édiles curules en 366
(très vite accessibles aux plébéiens). Fusion rapide de leurs pouvoirs
— mais non de leur désignation : élection des deux premiers par le
concile de la plèbe convoqué par un tribun ; et des seconds par les
comices tributes, sous la présidence d'un consul ou préteur. Pouvoir et
compétence •. pas d'imperium ; juridiction civile (avec édit annuel, sur
le modèle du préteur dont ils sont une image réduite), compétents
pour les litiges nés de ventes sur les marchés ; animaux et surtout
esclaves. Plus largement, maintien de l'ordre public (incendie, salubrité
publique, voirie) et de l'ordre social : approvisionnement en blé ; orga-
nisation des jeux publics.
I
356 7° La questure 0 Quatre questeurs remontent aux origines de la Ré-
publique ; il s'en ajoutera deux autres pour la monnaie au 3e s., puis
deux encore pour la Sicile et la Sardaigne. Elus par les comices tributes
présidés par un consul ou un préteur, ils furent d'abord chargés de
l'instruction (quaerere = faire une enquête) des affaires criminelles,
pour le compte du peuple et des consuls. Parallèlement, avec le temps,
des pouvoirs financiers s'y ajoutent : administration du trésor public
et, au P'r s., gestion de la comptabilité des gouverneurs provinciaux.
357 8" Le tribunal de la plèbe 0 Historique : supra, nos 291 à 293. Election :
par le concile de la plèbe, sous la présidence d'un tribun ; charge ré-
servée (comme l'édilité plébéienne) aux seuls plébéiens. Pouvoir: pas
d''imperium, mais puissance sacro-sainte, inviolable, majeure (sans ef-
fet cependant à l'en contre du dictateur jusqu'en 300, ni des censeurs),
sous forme du pouvoir d'auxilium emportant un droit de veto général
[supra, n0 292). Au 3e s., les tribuns acquièrent le droit d'agir avec le
Sénat (c'était son intérêt, afin de mieux contrôler l'élaboration des plé-
biscites) ; au milieu du 2e s., ils entrent au Sénat. Ils ne disposent pas
du droit de convoquer le peuple, au sens juridique du terme, à savoir
les comices centuriates ni tributes.
SECTION 2
LE PEUPLE
§1
LA CITOYENNETÉ
Qr ,
,ener
a
osité romaine 0 La citoyenneté romaine, par son ouverture,
nche sur les habitudes grecques, avares d'un privilège que les cités
248 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
ont cherché à contenir dans les plus strictes limites (cf. supra, nos 16 et
s. ; 36-37).
a) La naissance. Si l'union est reconnue comme légitime (exis-
tence, entre les deux époux, du droit de contracter un juste mariage :
conubium), l'enfant suit la condition du père : romain si celui-ci l'est ;
sinon, latin ou pérégrin. Si l'union est illégitime, l'enfant prend la ci-
toyenneté de sa mère ; il sera romain si celle-ci l'est. Laxisme évident,
corrigé au début du 1er s.
h) L'affranchissement. En libérant son esclave, acte purement
privé, le maître crée un nouveau citoyen, acte de la souveraineté pu-
blique. L'originalité romaine est totale. Quelle que soit la forme de
l'affranchissement (par testament, par déclaration au censeur lors du
cens, par un rituel formaliste accompli devant le préteur), son effet est
le même ; par la volonté du maître, l'affranchi accède à la citoyenneté
et aux droits politiques.
En pratique, quelques restrictions temporaires1 suivent le nouvel
affranchi : la carrière des honneurs et l'accès au Sénat restent fermés
à la première génération. Mais c'est peu au regard du poids politique
que les affranchis, par leur nombre, représentent dans les assemblées
(assemblées tributes). Cette masse électorale fut un enjeu dans les
luttes du pouvoir. Après la tentative d'Appius Claudius de 312, les voix
des affranchis seront constamment déplacées des tribus rustiques (où
elles ont de l'influence) vers les tribus urbaines (où elles ne représen-
tent rien) et vice versa (ainsi, en 189, en 115, en 88, en 67, en 58 ...).
c) L'intégration des conquêtes et les privilèges individuels. Les voies
d'accès à la citoyenneté sont nombreuses : annexion des cités conqui-
ses (en Italie) ; droit d'immigration latin ; privilège des magistrats la-
tins ; prime offerte (à partir du 2e s.) aux accusateurs victorieux d'un
magistrat concussionnaire ; décision du général de récompenser le
courage militaire...
Le résultat : une démographie en expansion, du 4e au milieu du 2''
s. — en dépit des pertes dues à la guerre — ; une cité relativement
ouverte ; une capacité d'intégration remarquable ; une population (no-
tamment par l'apport servile) qui se renouvelle complètement en trois
ou quatre générations.
§2
L'ORGANISATION
DES ASSEMBLÉES POPULAIRES
!. tout lien d'ordre privé n'est pas rompu entre le patron et son affranchi. CeluH'',
lié par un devoir de respect et de reconnaissance, doit un certain nombre de journées
travail à son ancien maître.
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 249
360 17
lJn
vestige 0 II remonte à l'époque royale {supra, n0261), maintenu
sous la forme de 30 licteurs représentant les citoyens des trente curies
archaïques. Vote la loi curiate d'investiture des hauts magistrats. Veille
au respect des structures familiales, sous la présidence du Grand Pon-
tife : autorise les adoptions qui éteignent un foyer ; valide-un certain
type de testament.
v
Définition de la centurie 0 La centurie est d'abord une unité de
ote ; elle équivaut à une voix à l'assemblée. Elle est aussi un cadre de
^Partition, militaire et fiscal : chaque centurie doit fournir un nombre
if orme de soldats équipés et réunir la même part du tribut (l'un et
autre variant selon les besoins de l'année). Or, ces centuries ne sont
Pas composées d'un nombre identique de citoyens. Tout le secret du
système centuriate est là : plus les centuries sont peuplées, plus la
^ntribution qui incombe à chaque tête est légère, et plus légers seront
'■ L'examen des lieux do réunion des diverses assemblées a permis de suggérer
fe maximum
et,tlu Capitule (Cf. 11.desMac
participants : 35 àAthenaeum
Mullen, dans 40 000 au Champ
1980, p.de454
Mars, 20 à 25 000 au forui
et s.).
250 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§3
LES POUVOIRS DES COMICES
VOLONTE POPULAIRE
ET PUISSANCE DU MAGISTRAT
pour la législation (complétées par une quatrième loi (en 107) pour les
procès de perduellio). Las ! Les passerelles menant aux urnes (et dont
Fétroitesse faisait fonction d'isoloir) étaient encore trop larges ou trop
basses : elles toléraient des regards indiscrets ... Il fallut en rectifier le
profil en 119. Toute une partie de l'opinion conservatrice ne cessa de
combattre la réforme : source d'anarchie, ruine de l'autorité bienfai-
sante des nobles. Cicéron, dans son projet de constitution idéale, sug-
gérera de lever l'interdiction du vote oral et de rendre facultatif le
secret du vote {Traité des lois, 3, 33 s.). Il fallait à tout prix laisser les
« gens de bien », les oligarques, proclamer leur vote : l'égarement du
peuple serait évité.
I
369 c) Procédure du vote 0 S'il tourne mal, le magistrat peut l'ajourner.
Le prétexte d'un- présage funeste, dont le signe arrive au moment op-
portun, ou même la volonté souveraine du président peut tout arrêter.
Le vote cesse dès qu'une majorité est connue (le reste ne vote pas). La
proclamation (renuntiatio) du vote est indispensable. Le magistrat
peut la refuser ou un tribun peut opposer son veto à la proclamation.
Dans les deux cas, le vote est non avenu.
Le peuple « ordonne » certes ; mais sa volonté n'est exécutoire que
parce que le magistrat l'a décidé. On va le constater : selon le type
d'assemblée, la compétence du peuple diffère. L'une prononce la mort,
l'autre une amende ; l'une choisit les magistrats supérieurs, l'autre les
magistrats inférieurs. C'est pourtant toujours le même peuple: mais
réuni chaque fois par une puissance différente. Rien ne montre mieux
la personnalité essentielle du président. C'est d'elle que le peuple re-
çoit au fond sa compétence.
a
) La juridiction criminelle de première instance : trois sources.
1° Les comices centuriates sont seuls compétents pour juger les cri-
mes politiques et les crimes de droit commun (meurtre et assimilés au
meurtre) punis de mort. Par l'effet des XII Tables, cette justice crimi-
nelle capitale est passée des consuls au peuple {supra, n" 303). Les
questeurs (au nom des consuls) instruisent l'affaire, convoquent l'as-
semblée, font prononcer la mort, en assurent l'exécution.
2" L'assemblée tribute, sous la présidence des tribuns ou des édi-
les
. exerce (selon la même procédure que ci-dessus) une juridiction
Cfimmelle politique fort importante par son volume infligeant des
nniendes (jamais la mort).
3° Les affaires de perduellio. Définition: atteintes aux droits de la
Plèbe ; puis, extension au 3e s. aux fautes des magistrats et aux crimes
contre le peuple. Sanctions : la mort. Procédure : du 5e au 3e s., la per-
duellio est réprimée en public par les tribuns eux-mêmes ; le peuple
h® juge pas (et n'a pas à juger) l'individu maudit. Au 3e s., changement
uecisif avec la nouvelle définition du crime : le tribun ne juge plus,
homme
s
un procureur, il accuse, instruit, établit la culpabilité et défère,
pus forme d'une interrogation, la décision ultime aux comices centu-
"al(-s (convoqués par un magistrat à imperium au nom du tribun).
1. Mais les haches Subsistent militiae. Formellement, le territoire hors la Ville reste
militaire. C'est très symbolique.
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 257
L'ELABORATION DE LA LOI :
LES COMICES LÉGISLATIFS
l
.SECTION 3
LE SÉNAT
§1
L'ORGANISATION DU SÉNAT :
SÉNATEURS ET CONSEIL
76
L'accès au Sénat 0 En donnant aux censeurs la mission d'ouvrir le
^énat «aux meilleurs», la lex Ovinia (318-313) refoula le principe ^
d une dignité à vie. A chaque lustre, la liste est soumise à révision.
Mais il faut reconnaître que, en fait, elle fut remarquablement stable :
la liberté des censeurs ne cessa de se contracter. Dès 200, tout édile
curule y accède de droit ; puis vers 120, ce sont les tribuns ; sous Sylla
enfin, les questeurs : la possibilité de choisir a disparu.
■ i?"1™ le Sénat et le peuple, il n'y a aucun lien : la différence entre
le Sénat de Rome et la Boulé de Clisthène est radicale. Par sa compo-
sition, le Sénat n'est pas une émanation de l'assemblée ; il n'en repré-
sente aucune des divisions. Par son travail, même indépendance abso-
lue : les sénateurs n'ont pas accès, officiellement, à l'une des
Assemblées du peuple. Par ses pouvoirs, certes, le Sénat contrôle les
manifestations de volonté populaire ; mais toujours par une voie obli-
que ; par l'intermédiaire des magistrats. En réalité, il est un conseil de
gouvernement, oligarchique, comparable à l'Aréopage de l'Athènes
Pfé-démocratique.
57? unc
, seance à la Curie : le conseil des magistrats 0 Le Sénat, démuni
ue souveraineté, ne peut se réunir lui-même. Il doit être appelé par un
magistrat disposant du « droit d'agir avec le Sénat » (émanation de l'/m-
Perium ; droit étendu aux tribuns de la plèbe). La séance se déroulera
a la Curie, portes ouvertes (sauf si le secret s'impose : diplomatie ...),
ije qui permet, notamment aux fils de sénateurs s'initiant à la politique,
ae suivre les débats de l'entrée. Les sénateurs sont assis ; le magistrat,
Résident, ne dispose pas de tribune. Il présente alors la question qui
justifie la réunion. Une fois le problème exposé et la discussion close,
e
magistrat procède à V interrogatio des sénateurs : individuellement,
Salement et selon une stricte hiérarchie. Le princeps du Sénat en pre-
mier (c'est un patricien, ancien censeur), puis les anciens censeurs,
Puis les consuls, et ainsi de suite. Les sénateurs exprimeront leur ré-
ponse (sententia) de la manière la plus libre quant à la forme (aussi
migue qu'ils voudront ; d'où des possibilités d'obstruction) et quant au
ond : ils peuvent s'évader de la question principale et en aborder une
Utre : « par ailleurs, je pense que ... ». On connaît le fameux ceterum
fuseo... de Caton le Censeur dont chaque intervention revenait à son
>
isession de détruire Carthage.
I On ne recueille pas 300 avis. Quand les plus autorisés (les mem-
,res de la nobilitas) ont exprimé leur pensée et orienté la conviction
^es autres, le reste du Sénat se contente de « voler avec ses pieds » ; ces
, Pedarù » se déplacent vers celui des deux groupes qui correspond à
Ur intention au moment du scrutin qu'organise le magistrat. Celui-ci
1
effet, une fois informé, recueille les opinions exprimées, les re-
260 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
groupe et les soumet au vote pour savoir si elles ont pour elles la
majorité : le texte ainsi voté est un sénatus-consulte (on y revient).
Les sénateurs ont un pouvoir de conseil illimité : il s'apparente à un
droit d'initiative qui leur fait défaut stricto sensu. Le magistrat, au con-
traire, une fois sa question posée, ne présente aucune proposition, à
l'inverse de ce qu'il fait devant l'assemblée où le texte voté émane de
lui, et de lui seul. Il n'est là que pour écouter les avis qu'il a sollicités
et méditer les conseils qui lui sont prodigués.
§2
1
LES POUVOIRS DU SÉNAT
^'9 r es ,
domaines d'action du Sénat 0 Son rôle s'accrut au rythme de la
Puissance de Rome. Devenue mondiale, il devenait impossible à quel-
ques magistrats de tout maîtriser ; impensable aussi de confier au peu-
P'e des questions trop techniques. Rien, alors, n'échappera au Sénat.
a) L'élaboration de la lop : on a constaté le rôle déterminant du
fuagistrat. Vauctoritas du Sénat y occupe une place aussi importante,
ba forme, primitivement, fut celle d'une ratification : donc après le
Vo
te de la lex rogata. Mais la lex Publilia, en 339 {supra, n" 313), ren-
v
pi"sa la procédure et fit intervenir le Sénat avant le vote populaire,
Réduisant notablement la signification politique du sénatus-consulte
v'Uais non son efficacité réelle). Avec l'ouverture progressive du Sénat
fux plébéiens, Vauctoritas préalable émana de tous les sénateurs
Ihomme pour toutes les autres compétences du Sénat).
Pour les plébiscites seuls une certaine spécificité de Vauctoritas se
baintint quelque temps. Pour ceux d'entre eux à qui la plèbe voudrait
attribuer une validité générale et non exclusivement plébéienne, la loi
dbliha ne déplaça pas le moment du contrôle : ils resteront soumis à
atification, de la seule fraction patricienne du Sénat (auctoritas pa-
pm~ des patriciens). La loi Hortensia (286) effaça la différence.
auctoritas pair uni disparut, noyée au sein de Vauctoritas senatus.
/.0Ut le Sénat patricio-plébéien donnera son avis avant le vote du plé-
Sc
ite ou de la loi.
': Ce que l'on dit ici du vote de la loi s'applique aussi aux élections el à la juridiction
el e es stes
^ni2
1 { ' ' "soumises
également de candidats et lesdudemandes
à Vauctoritas Sénat. de peine présentées par le magistrat
262 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
CONCLUSION -
L'ÉQUILIBRE DES POUVOIRS
:
qu ,,a 'Home,
n ^le o! Çartdans
Sénat^ ^était liage,la la voix dudepeuple
plénitude était devenue
son autorité. prépondérante,
Chez les Carthaginois, tandis
c'élail
I avis du grand nombre qui prévalait ; chez les Romains, celui de l'élite des citoyens, en
sorte que, la politique menée par ces derniers étant la meilleure, ils purent l'emporter
finalement dans la guerre contre Carthage ».
LES ORGANES DU GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN 265
'
;i i ■ ■ 4 ■ • ^ fi Jiflsî ■
TITRE 2
LA CRISE
DE LA RÉPUBLIQUE
ET L'EMPIRE (150 AV. J.-C-
FIN DU 3e S. AP. J.-C.)
LA FAILLITE
DE LA RÉPUBLIQUE
(150-30 AV. J.-C.)
i
La disparition de la classe moyenne sous l'effet de la crise écono-
mique et sociale iiée de la conquête affecte, par contrecoup, tout le jeu
politique, faussé. Quelques théoriciens, trop rares, car Rome ne se mit
que sur le tard à la réflexion politique, tentent, par des réformes, de
rétablir les conditions de l'équilibre. En vain. Les ambitieux, plus
nombreux que les doctrinaires, ne s'embarrassent guère de program-
mes. Ils multiplient à l'envi les batailles de clans et les coups d'Etat à
la recherche du pouvoir personnel.
Section 1. La disparition de la classe moyenne ; Section 2. Réfor-
mes et coups d'Etat.
SECTION 1
LA DISPARITION
DE LA CLASSE MOYENNE
§1
LA CRISE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
La paix sociale, à Rome, était fondée sur une classe de petits pro-
priétaires, ûme des assemblées et support de l'armée, et sur une masse
de main-d'œuvre servile, suffisante pour aider à l'exploitation du sol
mais pas excessive au point de menacer la société. Or ce double équi-
libre ne survit pas à la conquête. La naissance d'un capitalisme finan-
cier, avec les sociétés de publicains, aliène l'indépendance politique de
la classe moyenne et la détourne de la culture. Les effets dévastateurs
LA CRISE DE LA RÉPUBLIQUE 269
1. On est passé de 337 000 citoyens mûtes adultes (en 164) à 318000 (en 136). La
population civique totale (trois fois, en gros, le chiffre des citoyens recensés) passe en
conséquence de 1 011 000 <1 954 000.
LA CRISE DE LA RÉPUBLIQUE 271
391 L'Italie 0 Rome ne ménage plus des Alliés qu'aucune menace exté-
rieure ne peut désormais inciter à la défection. Leur condition se dur-
cit. Les charges militaires s'accroissent : les auxiliaires doivent redou-
bler d'efforts ipour compenser les vides des légions, tandis que les
récompenses s'évanouissent. L'immigration latine est pratiquement
stoppée depuis ,177 et, après la dernière colonie latine fondée en 183,
les Alliés n'ont plus accès à Vager publicus. Non protégés par \es leges
Porciae (195), les Italiens sont sans recours contre l'arbitraire des ma-
gistrats : une différence choquante qu'ils éprouvent, notamment au
sein de l'armée, comme une humiliation injustifiée. Progressivement
l'idée prend corps : l'accès à la citoyenneté romaine saura apporter
l'égalité des droits, le juste partage des terres et un secours contre
l'arrogance.
Le problème agraire est au cœur de la crise. C'est le déséquilibre
dans la répartition du sol qui a provoqué, à Rome, la disparition de la
classe moyenne ; qui soulève l'Italie ; et qui mine l'armée. La première
réforme sera une réforme agraire, mais quelle tempête elle soulèvera
dans une cité divisée !
§2
RUPTURE DE L'ÉQUILIBRE POLITIQUE :
« OPTIMATES » ET « POPULARES »
b
> L'idéologie populaire 0 Le courant réformateur, ou démocratique,
Révèle sa puissante originalité, et par ses objectifs, et par ses moyens
d action.
1" Agir pour le peuple: — En servant ses intérêts matériels (com-
'noda populi), on améliore ses conditions de vie. Des réformes agrai-
res
et des distributions de blé (financées par les revenus des provin-
ces) doivent rétablir le lien naturel entre l'artisan de la conquête et son
276 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
407 Le S.-C. Ultime (121) 0 Alors le Sénat sort une arme que les années,
depuis la misé à mort de Tiberius, lui ont permis de fourbir : c'est le
Sénatus-Consulte Ultime. La théorie en est simple. Le Sénat, gardien de
l'Etat, s'attribue le pouvoir de décréter ennemi public l'ennemi de l'in-
térieur et de lui déclarer la guerre. Pour abattre par tous les moyens
le hors-la-loi, le Sénat proclame l'état d'urgence par un sénatus-
consulte de dernier recours (ultime), suspend la Constitution et en
renverse les bornes : la puissance tribunicienne, la frontière du pome-
rium, la provocatio ad populum s'effacent toutes. Quant aux consuls
ils deviennent les lieutenants du Sénat, exécutants de ses ordres. C'est,
en quelque sorte, le rétablissement de la dictature des temps les plus
reculés, mais au profit du Sénat.
Anciens et Modernes ont discuté à l'envi la légalité du procédé.
« Caricature du droit », « mystification reposant sur un sophisme » « pa-
ravent légal », ou, à l'inverse, conscience du Sénat d'être le gardien de
la loi et donc de pouvoir la suspendre pour mieux la rétablir. On re-
marquera simplement que chaque fois (121, 100, 88, 77, 63, 49) qu'il
sera fait usage du S.-C.IL, les populares — qui en furent toujours les
victimes — contesteront formellement la légalité du procédé. Car il
n'appartient pas au Sénat de déclarer la guerre, ni de priver un citoyen
de sa citoyenneté. Car un citoyen révolutionnaire reste toujours un
citoyen (avec le droit, intangible, à la provocatio). Car la loi martiale
suppose résolu le problème véritable : qu'est-ce qu'un ennemi de
l'Etat ? Il est évident que le Sénat fut conduit à élaborer cette douteuse
construction dans l'angoisse de perdre le pouvoir. Il priva les assem-
blées du droit d'exclure l'un des leurs, conscient que le peuple n'était
pas de son côté.
En 121, Caius, qui a échoué devant un troisième tribunat, ne me-
nace plus guère. Mais sa réforme agraire, en Italie du Sud, en Afrique,
va bon train. C'est alors que le Sénat enjoint solennellement au consul
« de prendre ses dispositions pour que la République ne subisse aucun
dommage » : en clair, de préparer ses troupes. Pour la première fois,
l'armée est lancée contre des citoyens. Avec Caius Gracchus et Fui vins
Flaccus, il en périt trois mille, dans la rue ou les supplices qui suivi-
rent.
Le Sénat célébra la « paix » en consacrant un temple à la « Concorde
Civique Rétablie». Pourtant la Cité est plus divisée que jamais. Le
temps des réformes est clos. L'ère des règlements de comptes com-
mence.
CRISE DE LA RÉPUBLIQUE 283
§2
RÈGLEMENTS DE COMPTE
ET RÉACTION OLIGARCHIQUE :
DE LA MORT DES GRACQUES À SYLLA
(121-78)
408 La
r guerre des clans 0 La période qui s'ouvre après la mort des Grac-
ques est dominée par une stupéfiante carence. Il n'y a plus de volonté
de réformer, donc plus de programme cohérent d'améliorations.
L'imagination a quitté les populares qui se bornent, par démagogie
souvent, à relancer certains slogans de l'idéologie gracquienne. Quant
à l'oligarchie, son œuvre reste encore, pour l'essentiel, un travail de
démolition : le devenir de la réforme des Gracques est révélateur(ï).
Le jeu politique s'est compliqué avec l'intervention, sur l'échiquier
du pouvoir, des chevaliers. Ils occuperont dans cette lutte de clans —
ce n'est pas encore la guerre civile — un rôle d'arbitre, entre les opti-
males, d'un côté, et les populares de l'autre. Marius, l'homme nouveau
au plein sens du terme, l'illustrera (107-88) (II).
Les mille atermoiements du pouvoir, ballotté entre des idéologies
contradictoires, finirent par lasser l'Italie; la réforme agraire avait
soulevé sa juste inquiétude. Aucun projet ferme ou fiable ne vient la
dissiper. C'est alors l'insurrection (90-88) (III).
Il faudra, de fait, attendre Sylla (82-78), pour trouver, avec sa dic-
tature, un effort profond de renouvellement. Son œuvre de restauration
aristocratique, rejoint, par son ampleur, le corps des réformes grac-
fiuiennes (IV).
combera, tribun pour la troisième fois (en 100), victime d'un nouveau
Sénatus-Consulte Ultime. Par la suite le sort de la terre restera lié à
celui des vétérans. Sylla, Pompée, César les installeront outre-mer ou,
le plus souvent, en Italie même, sur les terres confisquées aux victimes
des guerres civiles.
— La loi frumentaire de C. Gracchus n'eut pas meilleure fortune.
Dès 120, le prix du blé est rehaussé et les portions distribuées sont
réduites. Cicéron louera la sagesse de ces mesures, attribuées à l'an-
cien tribun déposé, Octavius.
— La loi judiciaire gracquienne en revanche résista. Les chevaliers
ne lâchent pas, au moins dans l'immédiat, leur pouvoir de juger. Et
même, ils l'étendent. A côté du tribunal jugeant les extorsions des gou-
verneurs, Saturninus institue en 103 une seconde cour criminelle per-
manente devant' laquelle seront traduits les magistrats « coupables
d'avoir attenté aux droits du peuple» (tribunal de maiestate). Or ces
tribunaux, par le nombre des procès qu'ils connurent, par la person-
nalité des accusés, par le renom des orateurs soutenant l'accusation
ou présentant la défense, devinrent l'une des pièces essentielles de la
vie politique. Ils furent d'abord le champ clos, où se réglaient les
comptes des factions rivales optimates/populares ; mais ils introduisi-
rent aussi l'idée d'une responsabilité pénale des magistrats, dont l'ab-
sence était jusqu'alors l'un des points les plus faibles de la Constitu-
tion. Entrer dans ces tribunaux devient l'un des enjeux du pouvoir : la
classe sénatoriale ne cesse de lutter pour retrouver son monopole de
juge. Elle triomphe en 106 ; mais, dès 103, Saturninus rend à l'ordre
équestre ce privilège qui consacre une montée politique, dont C. Ma-
rius est le représentant le plus achevé.
fait vivre. C'est capital. Un lien neuf, de clie/it à patron, s'établit entre
le chef et son armée privée. Un lien qui se prolonge au delà des cam-
pagnes : il assure au général-consul, car le soldat est aussi citoyen, des
noyaux décidés dans les assemblées. L'indépendance du magistrat —
dont la force ne dépend plus du Sénat — est devenue totale. Le moyen
d'action du chef révolutionnaire est trouvé.
fi Pas de loi pour une dictalure ordinaire ; la nomination par l'interroi suffit.
288 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§3 -
LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE :
L'AFFIRMATION
DU POUVOIR PERSONNEL (78-30)
417 Retour aux errements passés 0 La trêve fut courte. Dès le départ de
Sylla, les vieilles luttes reprennent. Seuls les acteurs ont changé.
Le consul de 78, Lépide, prend fait et cause pour les populares et
rameute toutes les victimes de la dictature syllanienne ; les fils de
proscrits qui, derrière Sertorius, commencent en Espagne une longue
marche de révolte ; les paysans italiens que les vétérans syllaniens,
sous le prétexte de venger la Guerre Sociale, ont expropriés pu1'
dizaines de milliers ; les nostalgiques de la puissance tribunicienne ;
la masse des paupérisés enfin. A l'opposé, affrontant le « consul sub-
versif », l'ordre sénatorial — qui lance contre lui son S.-C. Ultime et
l'abat —, les chevaliers et d'autres ambitieux. Plus que jamais les fac'
lions rivales se vident de leur substance. Ce ne sont plus que des coa-
litions hétérogènes, aux slogans usés, où le cynisme trouve un refug6
et le pouvoir personnel, l'outil de son ascension.
LA CRISE DE LA RÉPUBLIQUE 289
« Tous ceux qui ont jeté le trouble dans l'Etat sous de beaux prétex-
tes, les uns se posant en défenseurs des droits du peuple, les autres
Pour donner toute sa force à l'autorité du Sénat, tout en alléguant le
bien public, travaillaient chacun pour sa propre puissance ».
Salluste (Conj. CaL, 38, 3), sévère mais juste, renvoie dos à dos
populares et optimales de ces années 70-4G. Mais le Sénat ? Revigoré
Par Sylla, quelle autorité a-t-il exercée ? De fait, aucune. Pléthorique et
impotent, il assiste, au mieux courroucé, au pire muet, mais toujours
conscient, à l'inexorable dégradation de son pouvoir. Atteint par les
Populares, atteint par l'ordre équestre, atteint enfin par la montée du
pouvoir personnel, il n'est pas même l'arbitre de ces tendances diver-
gentes. Au contraire, elles savent s'unir ... contre le Sénat lui-même.
Trois destinées hors du commun se détachent durant cette période
qui, par étapes presque insensibles, efface la République et grave le
Profil de la monarchie : Pompée, César et Cicéron.
A POMPEE (82-49)
a
) La politique du balancier (82-70)
420 1" La guerre contre les pirates 0 La piraterie, partie de Crète au début
du siècle, infestait maintenant toute la Méditerranée, menaçait le ravi-
taillement de Rome, affectait les revenus des chevaliers. En 67, le tri-
bun Gabinius fit voter une loi {lex Gabinia de bello piratico) confiant
au Sénat la désignation d'un consulaire muni des pleins pouvoirs pour
nettoyer les mers. Ce personnage (qui ne pouvait être que Pompée)
disposerait d'un imperiurn proconsulaire pour trois ans, sur toutes les
mers et à l'intérieur des côtes (Italie comprise) sur une frange large de
75 km (Rome tomberait en son pouvoir). Il puiserait sans limite dans
les caisses de l'Etat, tiendrait sous ses ordres 500 navires, 20 légions
(120 000 hommes et 50 000 cavaliers). Plus encore : il aurait le droit de
nommer 25 légats avec rang prétorien. Proposition extraordinaire que
l'on put qualifier (E. Meyer) de « déclaration de faillite de la Républi-
que » ; car ce pouvoir, précédent immédiat de la désignation par l'em-
pereur des légats proprétoriens (gouverneurs des provinces), avouait
publiquement l'impuissance du Sénat, normalement seul compétent
pour désigner les pro-magistrats que sont, en fait ces légats.
Le Sénat opposa à cet arrêt de mort une résistance farouche, à
l'unanimité sauf un : le questorien Julius Caesar prit seul la défense
d'une innovation qui rejoignait si exactement ses secrètes ambitions.
Malgré l'opposition, la loi fut votée. En quelques mois, avec une admi-
rable humanité, Pompée supprima les foyers de piraterie.
421 2" La guerre contre Mithridate 0 La lex Manilia (66) ajouta l'année
suivante aux pouvoirs de Pompée V imperiurn sur toute l'Asie (un con-
tinent !) et le droit d'établir des traités au nom du peuple romain : « Une
monarchie de fait dans le cadre vermoulu de la constitution républi-
caine », que le Sénat laissa passer cette fois sans réagir. La loi souleva
la joie de César. Maître de l'Orient, Pompée accomplit seul, en quatre
ans, sans l'assistance de la moindre commission sénatoriale, un chef-
d'œuvre. Après des siècles de guerre, l'Asie goûte enfin cette grande
paix annonciatrice de la Fax Romana impériale. Les haines du monde
grec contre Rome s'apaisent après la mort de Mithridate (en 63), qui
les avait attisées pendant un demi-siècle. Le peuple romain s'est enri-
chi : la Bithynie-Pont, Chypre, la Crète, la Syrie agrandie jusqu'à Gaza
s'ajoutent au nombre des provinces. Un glacis d'Etats-sujets protège
des barbares ces nouvelles possessions. L'Egypte encerclée compte ses
dernières années de liberté. Sans oublier l'or. L'or de l'Orient, dont
Pompée gave ses soldats, et cpii, en un flot maintenant continu (tributs,
redevances, dîmes...) augmente, d'un coup, les ressources du Trésor
de 50 %.
entrât dans Rome avec ses légions. Mais, convaincu que le prestige et
la popularité du princeps suffiront, il congédie ses soldats. Or, que
retrouve-t-il ? Un Sénat jaloux et malveillant qui, la peur passée, refuse
de ratifier son œuvre provinciale et d'attribuer des terres à ses vété-
rans ; une masse versatile dont César, entre temps, lui a ravi l'appui.
Le prestige du princeps est sans prise sur une Cité divisée. Cicéron s'en
souviendra.
En dispersant ses légions, Pompée a perdu le pouvoir suprême. Il
doit maintenant le partager avec César, avant d'être contraint, par la
lorce, de le lui abandonner.
'25 1
1" Le complot à trois, dit « triumvirat >> 0 Impossible à un seul, le
pouvoir se fera à trois. Né en 60, dans le secret, comme une « conspi-
ration permanente », une conjuration figue Pompée, qui apporte son
prestige et sa fortune, Licinius Crassus, qui assure l'appui des cheva-
iers publicains, et César, qui ne jette à peu près rien dans la corbeille
mais en espère beaucoup. L'ensemble s'unit contre le Sénat, contre les
Partisans de la légalité, Caton d'Utique ou Cicéron, contre la constitn-
bon républicaine. Ce cartel de gouvernement est traditionnellement
appelé «Premier Triumvirat» pour le distinguer du Second (de 43).
Mais cette désignation doit être évitée. Un triumvirat est une magistra-
mre extraordinaire, mais constitutionnelle ; or l'entente de 60 n'a au-
cune base légale (et ne cherche pas à en avoir) : elle n'est qu'un pacte
conclu pour s'emparer de l'Etat. Le seul Triumvirat qui conduira à un
Partage officiel de l'autorité suprême naîtra en 43 : véritable magistra-
ture collégiale et munie de base légale (infra, n0431).
César, élu consul en 59 avec l'appui de ses deux complices, fait
voter les lois qu'ils attendent ; une loi agraire pour les vétérans de
t ompée ; la ratification de son organisation provinciale ; une réduction
u un tiers des versements dus par les sociétés de publicains. César vise
et atteint deux fois le Sénat : et par une nouvelle loi de repetundis,
excellente d'ailleurs (à travers l'Empire, elle parviendra au Digeste),
Précisant avec toute la rigueur souhaitable les obligations des gouver-
jtcurs, et par une réduction de l'autorité des sénateurs dans les jurys.
Le peuple, dont l'appui, en revanche, est nécessaire, profite d'une loi
Agraire généreuse. Mais la meilleure part revient à César lui-même,
ïui se fait donner pour cinq ans le gouvernement des deux Gaules
'Lispadane et Transpadane ; au Sud et au Nord du Pô). Mission appa-
remment
a
modeste ; elle lui permettra, en fait, de mettre la main sur la
ule Barbare, la conquérir et en rapporter ce qui lui fait défaut : une
ar
mée dévouée, le prestige, et l'argent.
. Pompée recueillera quelques consolations. En 57, il reçoit, pour
Cln
(
q ans, Y approvisionnement de la Ville (cura annonae), mais avec
mte puissance (imperium proconsulaire infini) pour l'assurer. Pou-
;0ir redoutable : nourrir (ou affamer) Rome. Ce sera l'un des premiers
Pouvoirs de l'empereur. En 56, est renouvelée l'entente — cette fois au
an
d jour. César est prolongé pour cinq ans ; Crassus prend le coin-
292 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
mandement de la guerre contre les Parthes (où il périt dans une ef-
froyable défaite en 53) ; Pompée se fait donner l'Espagne.
2" Pour museler les résistances 0 Le Sénat perd son hostilité en per-
dant son identité. César le fait passer de 600 à 900 membres en récom-
pensant de leur docilité nombre de chevaliers, des bourgeois des mu-
dicipes italiens, des provinciaux (Espagnols, Gaulois), des affranchis.
Un même coup, le grand Conseil de Rome devient le grand Conseil de
empire. L'ordre équestre: César l'ouvre pratiquement à la première
classe censitaire ; ici encore l'orgueil (et les prétentions politiques) de
ancienne aristocratie de la finance est ruiné. Pour plier les magistra-
ures à son pouvoir, César ies muftiplie : le nombre des préteurs monte
a
seize ; celui des questeurs à quarante. Surtout, il les désigne lui-
inerne, souvent pour peu de temps, afin d'en flatter plus : consuls nom-
dtés pour trois mois, et même pour une journée seulement ! La prati-
que impériale des consuls suffects apparaît à l'horizon.
ves que la diaspora installe un peu partout dans l'empire), voient dans
l'autorité de Rome l'espoir et la sécurité.
b) L'HÉRITAGE (44-30)
c
1- Actium, promontoire sur la cAte ouest de la Grèce, au pied duquel se déroula la
elèbre bataille navale, gagnée par Octave et Agrippa.
296 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
tâche est de conserver l'équilibre des pouvoirs tel qu'il vient d'être
décrit. Alors, dans le respect de la légalité, cet homme de vertu pourra
tenir le gouvernail de l'Etat (gubernator) et, par cet imperium réhabi-
lité, être le guide, le rector de l'Etat.
Un modèle ? Un émule ? On a songé à Pompée pour le premier, et
au Principal d'Auguste pour le second. Mais l'un et l'autre doivent être
écartés. Car rien, dans le comportement de Pompée, ne conforte l'idée
que Cicéron eût songé à lui comme rector âe l'Etat. Bien au contraire :
« Pompée n'a jamais pensé, à aucun moment de sa vie et moins que
jamais en ce moment, au bonheur des citoyens et au salut de l'Etat.
L'un comme l'autre (Pompée et César) ne cherchent qu'à devenir les
maîtres (dominium) ... Un pouvoir à la Sylla, voilà ce qu'il veut ... »
{Lettre de Cicéron à Atticus 8, 11, écrite en 49). On rejettera, de même,
I idée qu'Auguste se soit approprié la théorie cicéronienne du meilleur
citoyen. Tout les sépare : le vocabulaire (princeps d'un côté, rector de
1 autre), et surtout l'analyse de leur pouvoir. Le principal s'établira sur
une concentration totalement illégale de puissances républicaines ; le
chef vertueux de Cicéron ne doit agir que dans le respect d'une stricte
légalité.
Le modèle cicéronien ne fut toujours pas suivi.
LE REGIME IMPERIAL
(de 27 av. J.-C. à la fin
du 3e s. ap. J.-C.)
SECTION 1
L'EMPEREUR
§1
AUGUSTE
ET LA FONDATION DU PRINCIPAT
A LA LEGALISATION DU POUVOIR
B L'ORGANISATION DU POUVOIR
§2
DU PRINCIPAT AU DOMINAT
448 La dynastie des Antonins (96-192) () Trajan (98-117) est, comme Ha-
drien (117-138), originaire d'Espagne (descendants tous deux d'immi-
grés italiens). Leur règne marque le début de l'Empire dit « humanis-
tique ».
Le Sénat n'est plus un rival ou un censeur jaloux. Domestiqué par
des nominations massives, il est apaisé par une politique qui exalte sa
sécurité et sa liberté. Ses privilèges, garantis, lui permettent, dans le
bien-être, de gérer des fortunes considérables ; sa sécurité personnelle
n'est plus mqnacée par les condamnations du siècle précédent. Ama-
doué, il laisse les empereurs renforcer durant cette longue dynastie
leur puissanceelle s'incarne de plus en plus dans un Etat.
Trajan organise son conseil (le Sénat n'en fait plus office) ; il.déve-
loppe les dépenses de l'Etat (fondations alimentaires, routes, construc-
tions, guerres — contre les Daces et les Parthes), ce qui le conduit à
contrôler des secteurs toujours plus vastes.
Hadrien réorganise ses services centraux, définitivement tenus par
des chevaliers. Il fait entrer des juristes dans le conseil impérial dont
les tâches, techniques et spécialisées, en font l'ébauche d'un Conseil
d'Etat. La législation impériale se développe. Les dernières survivan-
ces de l'activité des magistrats (celle du préteur, notamment) s'étei-
gnent. Avec le déclin des pouvoirs du Sénat et le développement de la
bureaucratie impériale, l'empereur apparaît comme un maître, un do-
minus (déjà au profit de Trajan, de la part d'un Sénat courtisan). In-
sensiblement, mais inexorablement, on glisse du Principal (de prin-
ceps) au Dominât (de dominus). L'empereur est le maître par sa force,
mais aussi par ses devoirs de protection, de bienfaisance, de provi-
dence, qui culminent avec Antonin, dit le Pieux.
Antonin (138-161), entré par adoption dans la famille d'Hadrien, esl
un provincial de la Gaule du Sud (Narbonnaise). Son règne est celui
du bonheur ; celui qu'apportent la paix, la fameuse Pax Romana, une
excellente administration, dont profitent les provinces, et une généro-
sité, par des remises d'impôt, qui s'adresse à tous.
Mais après 161, l'Empire subit les premiers assauts de ces inva-
sions qui finiront par l'emporter. Sous les règnes de Marc Aurèle
(161-180), arrière-arrière-petit-neveu de Trajan, et de son fils Corn-
mode (180-192), l'euphorie, que veut entretenir une législation huma-
nitaire persévérante, est ébranlée par une crise économique, doublée
d'une crise financière. Sous la pression des Goths, les guerres danu-
biennes ruinent des provinces en plein développement, soumises au
pillage de populations qui escaladent un limes (longue muraille défen-
sive) peu dissuasif. En Orient, l'éternel conflit avec les Parthes re-
prend. Pour alimenter ces dépenses, la fiscalité s'alourdit : impôt en
nature introduit en Egypte pour l'entretien des troupes ; taxes « excep-
tionnelles » sur les régions-frontières ; alourdissement des charges des
cités qui, n'y pouvant souvent faire face (surtout en Orient), sont con-
traintes d'accepter la tutelle de l'Etat. Les nécessités fiscales aboutis-
sent au renforcement de l'autorité centrale. Les membres du conseil
impérial reçoivent un statut permanent. Le Sénat n'est plus qu'une
LE RÉGIME IMPÉRIAL 307
1(1
dynastie des Sévères (193-23J) 0 Imposé par les légions station-
nées en Pannonie (actuelles Yougoslavie et Hongrie), Septime Sévère
(193-211) est le premier empereur de sang non italien. Cet africain
d origine punique subira très fortement l'influence de l'impératrice sy-
rienne Julia Domna ; elle l'étendra sur son fils, Caracalla (211-217),
Puis transmettra le pouvoir à sa propre famille, les Syriens Elagabal
(218-222) et Sévère Alexandre {222-255). Méprisant la tradition respec-
tueuse des privilèges du Sénat, de Rome et de l'Italie, le pouvoir, entre
tes mains de chefs imposés par l'armée, s'affirme comme une monar-
chie :
a) militaire. L'empereur garde en permanence le litre de procon-
sul, même à Rome et en Italie (par définition hors du système provin-
cial). Les cohortes prétoriennes, aux effectifs doublés, échappent aux
Italiens, remplacés par des Illyriens. Les privilèges des militaires
(solde doublée ; acquisition du droit de se marier) se renforcent.
b) antisénatoriale. La classe sénatoriale perd ses fonctions les plus
Prestigieuses (la préfecture de la Ville) au profit des chevaliers, alors
que l'orientalisation (57 % des provinciaux) progresse. L'empereur ne
ht même plus ses discours : il les fait lire en son absence ; le Sénat
approuve, en chœur, la volonté impériale et loue sa grandeur dans des
htanies scandées plusieurs fois de suite.
c) absolue. A la toute puissance de l'Etat correspond l'apogée de la
science juridique. Comme Philippe le Bel appuyé sur ses légistes, les
Sévères s'entourent de très grands juristes (les préfets du prétoire Pa-
P'nien, Paul, Ulpien) qui mettent leur science au service du pouvoir.
est Ulpien qui forge ces maximes reprises par tous les absolutismes
he l'avenir : quod principi plaçait, legis habet vigorem (ce qui plaît au
PHnce, a valeur de loi) et princeps legibus solutus est (le prince est
^'-dessus des lois). Des milliers de requêtes affluent de tout l'empire
(de fonctionnaires ou de particuliers) vers le conseil impérial : en cen-
Ralisant les réponses, il élabore un droit nouveau. La pression fiscale
he se relâche pas. Elle conduit à une législation omniprésente (les
hhmunités que l'on concède ... ou que l'on dénonce) et à la mainmise
du Prince sur l'économie (grands domaines confisqués). Etre hors du
commun, l'empereur élève des édifices gigantesques (Thermes de Ca-
ra
calla, à Rome).
d) égalitaire. Pour ces non-Romains que sont les Sévères, les privi-
lèges romano-italiques ne sont qu'anachronisme. Pour ces réalistes qui
.le s'encombrent pas de sentimentalité, il n'y a qu'un tout: l'Empire.
^ diffusion du stoïcisme égalitaire fait le reste : c'est, en 212, la très
308 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§3
LE POUVOIR IMPÉRIAL
i2
2" Lu
/ puissance tribunicienne 0 Comme pour Auguste, elle restera
d'ujours détachée de la charge de tribun, (pie l'empereur ne revêt pas
cuuciellement, c'est la racine la plus importante du pouvoir. Renouve-
ee
automatiquement chaque année, elle sert à calculer la durée du
310 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
règne ; et c'est du jour où elle est attribuée par le Sénat1, que com-
mence le pouvoir.
La puissance tribunicienne a une triple efficacité. A défaut du con-
sulat que les empereurs évitent d'occuper systématiquement (à l'ex-
ception de Vespasien), elle confère des pouvoirs civils d'ordre politique
essentiels, telle la convocation du Sénat. Elle accorde, en second lieu,
à l'empereur et à tout ce qui participe de son pouvoir, une inviolabilité
sacro-sainte. Enfin, et c'est le plus important, par cette puissance, l'em-
pereur récupère la vocation démocratique et populaire du tribunal de
la plèbe et la fait sienne : il prend soin du peuple, le nourrit, le distrait
et le protège. Son auxilium aide à expliquer la naissance de la justice
civile impériale.
c
) Les fondements charismatiques
tij , , .
'"e culte impérial 0 La dimension religieuse du pouvoir fut très vite
Perçue. Mais, avertis par l'expérience malheureuse de César, les em-
pereurs des deux premiers siècles se sont montrés prudents devant
Pne exaltation souvent excessive de leur puissance.
1" Le culte dans les provinces. Les provinces, notamment orientales,
habituées de tout temps à identifier le pouvoir politique et la puissance
Pivine, ont spontanément cherché à développer un culte rendu à la
Personne vivante de l'empereur. Auguste dut réfréner cette tendance.
"Os successeurs agirent de même.
Auguste admit que sa personne reçût des honneurs divins, mais
dans la mesure seule où une même communauté religieuse englobe-
fa
tt et sa personne et la déesse Rome. La personne divine impériale
devait se fondre dans l'idée de Rome et en renforcer l'éclat. Sous cette
condition, il toléra de la part de l'Orient la naissance d'un culte avec
temples et collèges de prêtres. Conscient de l'autorité que l'Etat y trou-
Ve
fait, il transposa cette organisation cultuelle dans les provinces oc-
Ddentales : dans chacune, un lieu est choisi, un autel élevé, un prêtre
** de Rome et d'Auguste » désigné. La vocation de ce centre est émi-
donunent politique. Les sacrifices annuels seront l'occasion de ras-
semblements où l'on répartira les impôts, d'où l'on adressera des do-
Jeances au gouverneur et d'où partiront les vœux destinés à
empereur.
. S" Le culte en Italie et à Rome. Ici, ne tolérant aucun culte officiel à
eur personne, les empereurs julio-claudiens institutionnalisent d'au-
res pratiques, de trois types. 1) Un culte au Génie de l'empereur:
dealisation de sa force Vitale. 2) Un culte à des divinités traditionnel-
es, mais associées à la famille impériale : Vénus et Mars, dieux tuté-
312 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
1. Les preuves, rassemblées tout récemment, sont éclairantes. Du I"' au y s., le dé-
funt est élevé parmi les dieux de l'Etat seulement lorsque joue le principe dynastique : "■
G esche, Die Divinisierung der rômischen Kaiser, Chiron 8, 1978, p. 577-390.
LE RÉGIME IMPÉRIAL 313
a
) L'ambiguïté du pouvoir 0 Si l'on conçoit le Principal comme un
pouvoir de droit, l'empereur doit être élu et investi comme le sont les
magistrats. Le choix du successeur et la collation de ses pouvoirs ap-
partiennent, selon cette analyse, au peuple et au Sénat — ou au Sénat
seul, après le déclin des assemblées populaires. Selon cette conception,
i hérédité du pouvoir est à rejeter.
Si, au contraire, on comprend les pouvoirs de l'empereur comme
une puissance personnelle fondée sur la richesse, sur l'éclat de sa Mai-
son (serviteurs et fidèles), sur la force des liens de clientèle (masse ur-
baine, populations provinciales et surtout l'armée), l'hérédité de la
Puissance impériale va de soi: tous ses éléments sont dévolus par
succession à l'héritier du défunt. Le principe dynastique s'impose.
Or le pouvoir impérial, dès Auguste, on l'a vu, est un amalgame de
ces deux conceptions. Les empereurs devront tenter la synthèse : con-
céder au Sénat le choix et l'investiture du nouvel empereur, mais en
même temps assurer à l'héritier la transmission du titre et de la puis-
sance. I oui l'art des empereurs fut de concilier ces deux contraires. Ils
appliqueront, enfuit, la solution dynastique, mais la masqueront der-
fière les apparences d'un choix sénatorial. Avec le déclin du Sénat, le
Principe dynastique subsistera seul, combiné avec des coups de force
militaires.
SECTION 2
L'EMPIRE
§1
L'ADMINISTRATION IMPÉRIALE
tion (B), ils ne laisseront aux organes anciens (Cl qu'un rôle fort mo-
deste.
461 L'ordre équestre 0 Les chevaliers de l'Empire, par leur origine sociale,
doivent être bien séparés des chevaliers républicains. Entre l'ancien
ordre et le nouveau, il n'y a que deux points communs : un cens mini-
mum est exigé (400 000 sesterces : c'est le chiffre ancien ; il ne repré-
sente plus la richesse) et un choix, qui marque l'entrée dans l'ordre.
L'empereur, à la place du censeur disparu, décerne maintenant cette
dignité.
Elle n'est pas héréditaire (à la différence de l'ordre sénatorial). Dans
le recrutement de cet ordre, qui atteindra plusieurs milliers de person-
nes, l'empereur a pratiqué un choix très ouvert : ni l'origine sociale, ni
l'origine géographique des individus ne jouent un rôle ; au contraire,
la valeur et la capacité de servir. Tous les chevaliers ne passeront pas
au service de l'empereur, cela s'entend. Mais ceux qui, à l'occasion cle
leur carrière militaire, auront fait preuve de compétence et de loyauté,
accéderont à une carrière administrative spécifique, réservée aux che-
valiers.
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318 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
463 Au 1" s., les services centraux de l'empire sont gérés comme le se-
raient les bureaux d'une grosse compagnie privée. L'empereur les fait
administrer, comme sa Maison, par ses affranchis et ses esclaves. C'est
eux qui prendront la tête des futurs ministères (notamment celui des
finances). Une hiérarchie apparaît ; des salaires aussi. Puis Hadrien
remplace définitivement les affranchis par des chevaliers. L'adminis-
tration quitte le domaine privé ; elle devient publique.
a) La répression criminelle
pire, les peines varieront selon la condition sociale des accusés. Aux
classes supérieures, aux honestiores (sénateurs, ordre équestre, mem-
bres des sénats municipaux ou décurions), des peines plus légères,
alors que les humiliores, catégorie des plus humbles sans rien qui évo-
que les classes dites dangereuses, sont les victimes de cette discrimi-
nation.
Telle qu'elle est définie à grands traits, la procédure extra ordinem
inspire deux ordres de juridiction ; celle que Vempereur exerce, direc-
tement ou au moyen de la délégation, et celle dont le Sénat, nouvelle
cour de justice, s'est trouvé investi.
h) Les FINANCES
7
t / u naissance d'une administration financière 0 1° Une première
"bservalion s'impose : Vaccroissement des dépenses de l'Etat. Il faut
Payer une armée permanente, lourde de 300 000 hommes (légions et
cohortes auxiliaires) ; subvenir aux besoins des vétérans ; rétribuer les
totictionnaires et une bureaucratie qui engouffre des sommes énormes
Abandon du principe républicain de la charge gratuite) ; entretenir les
ro
utes, les aqueducs, le service de la poste ; financer une œuvre urba-
324 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
res », qui restent éponymes. Les consuls ont gagné quelques fonctions
judiciaires ; mais l'intérêt de la charge est de donner accès aux hauts
postes consulaires de la carrière sénatoriale. Les fonctions juridiction-
nelles des préteurs urbain et pérégrin déclinent à mesure que leur édit
judiciaire se lige. Il est complètement sclérosé au milieu du 2e s. (infra,
n 494). Le tribunal de la plèbe est resté, inerte devant la puissance
tribunicienne impériale ; sa juridiction criminelle n'a pas survécu au
dépérissement des assemblées de la plèbe. Les édiles conservent la
juridiction des marchés, mais l'approvisionnement de la Ville leur a
échappé. Les questeurs sont remplacés dans la gestion de Vaerarium
par des préteurs de Vaerarium.
475 ,
Les assemblées populaires 0 Leur déclin est irrémédiable : que repré-
senteraient ces assemblées urbaines face au million et demi de ci-
toyens mâles adultes dénombré à l'époque d'Auguste ? La fonction ju-
ndictionnelle des assemblées avait pratiquement disparu dès Sylla par
la création de multiples tribunaux criminels permanents. Leur fonc-
aon législative résiste mieux ; Auguste fera voter un grand nombre de
'ois (lois démographiques pour encourager les naissances et lutter
contre le célibat ; lois morales pour regénérer les mœurs et réprimer
'adultère ; lois restrictives de la capacité d'affranchir les esclaves ...).
Mais c'est le chant du cygne. La dernière loi, sur le tard, sera volée
sous Nerva. La fonction électorale a été totalement accaparée par l'em-
Pereur. Auguste et Tibère ont élaboré un système fort complexe, qui
confie à des commissions mixtes de sénateurs et de chevaliers !'« élec-
tion » des magistrats. Mais ces commissions ne font qu'acclamer les
candidats du Prince ou ceux qui se prévalent de sa recommandation.
174 .
Le Sénat b Le seul organe à avoir gardé un prestige considérable. Son
recrutement {supra, n0459) est entre les mains de l'empereur. D'un
côté, le Sénat a perdu la politique étrangère, militaire, financière. D'un
a
utre, il a gagné : si l'investiture de l'empereur est éminemment for-
d^elle, le Sénat peut condamner le règne achevé (damnatio memo-
ri
ae) ; les sénatus-consultes deviennent une source fondamentale du
droit (infra, n0 490), mais parce que l'empereur les inspire. C'est sur-
'out la juridiction sénatoriale qui progresse, mais le châtiment des at-
teintes à la majesté impériale ne concède au Sénat qu'une indépen-
dance illusoire.
§2
TERRITOIRE ET SUJETS :
L'ŒUVRE DE ROMANI S ATI ON
A LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL
B L'URBANISATION DE L'OCCIDENT
ET L'AUTONOMIE MUNICIPALE
a) L'URBANISATION DE L'OCCIDENT
bronzes, que le sol espagnol livre peu à peu à notre connaissance), une
constitution uniforme. Ils sont érigés en « villes », jouissant d'une au-
tonomie qui fait de chacun d'eux « une petite Rome ». Les duumvirs,
couple de magistrats annuels, disent le droit et gèrent le patrimoine
communal ; tous les cinq ans, ils ajoutent à leurs fonctions celle du
recensement. Dans leur mission de police, ils sont aidés par deux édi-
les, annuels aussi. Tous sont élus par l'assemblée des habitants. A leur
sortie de charge, ils retrouvent dans le sénat local (les décurions) les
plus riches du municipe. C'est une administration modèle.
Pourquoi « latin » ? C'est que l'empereur a repris à son compte le
privilège si original des colonies latines de la République (supra,
0
n 529) : les charges municipales donnent accès, en récompense, à la
citoyenneté romaine. L'adhésion des élites locales est immédiate. La
réforme municipale est assurée du succès.
Le droit latin a largement débordé l'Espagne. Les provinces celti-
ques l'ont connu — mais avec une moindre densité —. Hadrien l'in-
troduit sur une grande échelle en Afrique : tantôt pour modifier (en la
romanisant) la constitution indigène des cités puniques, tantôt pour
fixer un nomadisme endémique, là où aucun noyau stable n'existait
encore.
Le municipe latin a conduit vers les bureaux du gouverneur et
placé au service de l'empereur les meilleurs des provinciaux, nou-
veaux citoyens. Il a permis, sur place, aux anciens magistrats de pré-
parer la romanisation de leurs compatriotes.
C L'EXEMPLE GAULOIS
a) La Gaule Narbonnaise
1. Latin Junien-. ne pas te confondre avec les Latins des mnnicipes. «Junien» : du
nom d'une des lois (Junia) d'Auguste; «Latin»: parce que (comme pour le Latin des
ffiunicipes) des passerelles étaient prévues pour qu'il pût accéder à la citoyenneté (en
ncceptant divers métiers pénibles, en servant six ans dans les cohortes des vigiles, en
Procréant trois enfants...). Le Latin Junien «vit libre, mais meurt esclave»: ses biens
retournent à son ancien maître. Déditices : ne peuvent jamais devenir citoyens. Véritables
•tpatrides, hors de tout système de protection juridique dont l'existence suppose l'appar-
tenance à une organisation civique, romaine ou pérégrine (pour eux, il n'y a, par défini-
tion, ni mariage, ni succession, ni tutelle).
334 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
§3
LES SOURCES DU DROIT
[À"] LE SÉNATUS-COIMSULTE
1. Les lois d'Auguste sur.les affranchissements ne sont pas abolies. Les affranchisse-
htents contraires aux lois créeront, après 212, de nouveaux Latins Juniens et déditices.
Ces catégories ne disparaîtront qu'avec .lustinien.
336 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
s'engager pour autrui (S.C. Vélléien) ; la paix des secondes veut que
l'on ne prête pas d'argent aux fils de famille (S.C. Macédonien). Mesu-
res nouvelles, naturellement inspirées par l'empereur, source vérita-
ble de l'innovation, mais qui s'en remettent toujours aux initiatives
prétoriennes pour sanctionner la prohibition. Toutefois, le Sénat ose
parfois enjoindre au préteur d'apporter un concours plus positif, ou
actif, en accordant une action « utile » (infra, n0 528) aux bénéficiaires
d'un fidéicommis.
Au 2e s., le Sénat a fait un grand pas. Il édicté maintenant des nor-
mes qui ont valeur de ius civile. La mère reçoit le droit (muni d'une
action) de succéder aux biens de ses enfants (et réciproquement) : S.C.
Tertullien et Orfitien, 160 et 178. Le Sénat a accaparé exactement l'au-
torité normative comitiale dans ses manifestations les plus complètes.
Mais il ne faut pas s'y tromper. Le Sénat n'est qu'un prête-nom. Quand
le pouvoir impérial juge que la comédie a assez duré, à la fin du 2e s.,
l'empereur renonce à ces apparences. Désormais le discours tenu au
Sénat au nom de l'empereur prend le premier rang. On ne parlera plus
que de Voratio principis in senatu habita, du discours que l'empereur
a tenu au Sénat. Il suffira à fonder le droit nouveau. On se contentera
de l'assistance passive du Sénat. Uauctoritas du Prince a étouffé Vauc-
toritas du Sénat. f
L'EDIT DU MAGISTRAT :
LE DROIT PRÉTORIEN
délivre des actions. Mais il est maître de créer des actions toujours
plus nombreuses, d'organiser des procès toujours plus variés.
L'action sera donc définie à Rome comme la sanction d'une situa-
tion que le préteur a prise en considération et décidé de protéger. Le
droit (ou situation juridiquement sanctionnée) ne naît qu'à partir du
moment où l'action est offerte par le préteur. Sans action, pas de droit.
L'action fait le droit : l'action précède le droit. Le concept romain esl
l'opposé du concept moderne. C'est en créant des actions toujours plus
nombreuses que le préteur a allongé la liste des droits. Par exemple :
le contrat de vente n'est apparu que le jour où le préteur a décidé de
protéger la situation du vendeur impayé et lui a promis une action
(« l'action de vente »). Ainsi s'est construit le droit romain.
494 d) Evolution de l'édit 0 L'édit est apparu avec cette fonction essen-
tielle vers les années 125 av. J.-C. (à la suite d'une loi reconnaissant
au préteur la liberté illimitée de créer des actions). L'édit est resté
vivant jusqu'au milieu du 1er s. ap. J.-C. A partir de cette date, il com-
mence à se figer ; vers les années 120, il l'est totalement. Il ne se re-
nouvelle plus. Pourquoi ? Le préteur a subi la concurrence de deux
sources nouvelles du droit : les constitutions impériales et la « juris
prudentia » (infra, n0 497) : deux sources plus ou moins entre les mains
de l'empereur. Le pouvoir l'a emporté.
Hadrien prit acte de la pétrification de l'édit ; il chargea le grand
juriste Julien de lui donner sa forme définitive. L'édit, dit alors perpé-
tuel, restera la base du pouvoir d'agir en justice jusqu'au 6e s., en dépit
des atteintes1 (et des bouleversements !) apportées par la procédure
« extraordinaire » du juge-fonctionnaire. Au début de ce siècle, le sa-
vant allemand Lenel a reconstitué à partir des commentaires anciens
à l'Edit Perpétuel son texte même. Son ouvrage, fondamental, « L'Edit
Perpétuel», donne une idée de ce que pouvait être l'album prétorien.
[F] LA «JURISPRUDENCE»
(IURIS PRUDENTIA), OU SCIENCE DU DROIT
§4
LA SANCTION DU DROIT
Notions fondamentales
sur le procès privé romain
1. Destinée à servir d'introduction aux cours d'histoire du droit des obligations, des
biens, et de la famille.
SOURCES ET SANCTION DU DROIT 341
de rappeler que le droit privé romain dans son évolution et son enri-
chissement séculaires doit peu à la loi. Si les Romains furent un peuple
de juristes et non un peuple de législateurs, ce fut bien par le rôle
éminent que tint, à partir de l'âge dit classique (IIe siècle avant J.-C.),
l'autorité chargée de la juridiction, le préteur. En sanctionnant avec
audace et génie des situations de fait toujours plus nombreuses, le
préteur, aidé de professionnels du droit à la science inégalée, a décou-
vert les catégories qui dominent toujours notre manière de penser le
droit. Pas d'étude sérieuse du droit privé romain sans une maîtrise
parfaite — et préalable — de sa sanction.
La Rome archaïque, avec les actions de ta loi, utilisa une procédure
lourde, formaliste, primitivement indirecte et ignorant l'idée, si natu-
relle en apparence, de demandeur et de défendeur. Cette procédure,
dont les origines, pour les actions les plus anciennes, ne sont pas his-
toriquement décelables, fut placée par la loi des XII Tables au service
des droits légalement garantis ; elle domina, mais en s'améliorant, le
premier âge républicain, jusqu'au IIe siècle avant notre ère. Avec la
conquête, les échanges s'intensifient ; les contacts se multiplient avec
les non-Romains ; les transactions souvent entre parties lointaines font
appel au crédit — donc à la confiance et à la bonne foi —. Le préteur
commence alors une profonde activité d'innovation, qui se prolonge
jusqu'au premier siècle de l'Empire, grâce aux ressources techniques
de la procédure dite formulaire. Mais dès les premiers empereurs, la
justice se fonctionnarise. Le juge nouveau, qui a absorbé l'autorité
juridictionnelle du magistrat républicain, n'a pas acquis en revanche
ses capacités de création. Le droit pourtant ne se déssèche pas ; grâce
à l'activité intense des professionnels du droit (les prudents : supra,
ii0497), les découvertes antérieures, méditées, approfondies durant la
procédure dite cognitoire ou extra-ordinaire, sont définitivement con-
sacrées, prêtes, en un mot, à subir avec succès l'épreuve du temps.
501 Les cinq legis actiones 0 En dépit d'une même qualification, des dif-
férences importantes séparent les unes des autres. Leur âge, tout
d'abord. Trois sont antérieures aux XII Tables : la legis actio sacra-
mento (ou action par le serment — au sens de pari —), la manus iniec-
tio (saisie privée ou mainmise), la pignons capio (ou prise de gage) ;
la quatrième, la iudicis arbitrive postulatio (demande de juge ou d'ar-
bitre) est née avec les XII Tables ; la dernière, la condictio, fut créée
par une loi vers le 3e siècle avant J.-C.
Leur domaine d'application ensuite : trois sont des procédures de
jugement, deux d'exécution. Pour les premières, seul le sacramentum
est une procédure générale, apte à sanctionner tout droit sur une per-
sonne ou sur une chose ; au contraire la i.a.p. ne protège que les créan-
ces nées d'une stipulation (contrat solennel oral, créant une obligation
de faire, de payer, de transférer), et la condictio ne sanctionne que les
dettes d'argent ou de choses déterminées. Pour les secondes, la m.i.
implique normalement qu'un jugement ait été prononcé et une con-
damnation formulée ou qu'il s'agisse d'un titre ou d'un droit dispen-
sant d'un jugement ; quant à la p.c., elle assure à quelques créanciers
SOURCES ET SANCTION DU DROIT 343
Pour mieux se faire comprendre par ses étudiants, Gains, dans ses
Institutes décrit concrètement le fonctionnement de cette procédure
archaïque et choisit le cas de la revendication d'un esclave (action
réelle : sacramentum in rem). Suivons l'illustre devancier en déroulant,
de la citation en justice à l'exécution du jugement, les diverses phases
de la procédure. Quelques mots sur le sacramentum in personam sui-
vront.
502
1" La citation à comparaître 0 Elle est affaire privée : Rome,
jusqu'au IIe siècle avant J.-C., ignora toute forme de contrainte publi-
que même indirecte pour forcer un individu à comparaître devant le
tribunal. Celui qui déclenche les hostilités judiciaires devra donc ne
compter que sur ses forces (et celles de son entourage) pour traîner
son adversaire devant le magistrat. Le voisinage, appelé à la rescousse,
témoignera de la légitimité de la force, justifiée par le refus d'obtem-
pérer sans discussion à la citation en justice. Un garant (vindex —
celui qui «dit non» : cette étymologie possible marque l'intervention
d'un opposant) peut voler au secours du cité, faire lâcher prise au
saisissant, mais dans le seul effet de remettre à plus tard la comparu-
tion de l'adversaire — auquel le vindex ne peut se substituer pour agir
à sa place —.
Soj
2" Le choix de l'action 0 Une fois présents devant le tribunal, les
plaideurs requièrent du magistrat l'ouverture de la procédure. Pour
l'obtenir, ils doivent convaincre l'autorité que l'objet de leur litige cor-
respond exactement à l'une des catégories prévues par la loi. On le
comprend : une action de la loi ne saurait vagabonder ni prendre avec
la loi une liberté quelconque ; quant au magistrat, dénué de toute
marge de manœuvre, il ne peut décider de protéger une situation que
la loi aurait ignorée. Aussi, calquées sur les dispositions de la loi des
XII Tables, toute une série d'actions (au sens de demandes d'ouverture
de procès fondées sur un droit lésé ; en fait il y a une action spécifique
Pour chaque droit) ont été formulées par les interprètes de la loi, qui
ont veillé à ce que chaque action collât rigoureusement à une disposi-
hon légale. C'est aux parties qu'il revenait, à leurs risques et périls
(mais des spécialistes offraient leurs services), de déceler l'action adé-
fiuate et de l'invoquer sans rien omettre ni rien ajouter devant le ma-
gistrat. Si l'on se trompait de formule, si l'on réclamait l'action dénon-
çant l'os brisé (osfractum), alors qu'en fait (autre hypothèse prévue et
sanctionnée différemment par la loi) le dommage subi était un mem-
344 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
c) Lacondictio
509 Créances civiles abstraites 0 Plus récente, cette dernière, par la date,
des actions de la loi est un élargissement de la précédente, sanction-
nant comme celle-ci les obligations civiles {dare oportere) de payer ou
de fournir une chose, mais avec une différence essentielle. Alors que
la i.a.p. implique la mention de la cause de la dette (stipulalio), au
contraire, la condictio n'invoque qu'une créance certaine abstraite : les
obligations nées d'un contrat réel {mutuum), par ex., donnent accès à
cette action. Le nom de condictio provient d'un détail de la procédure ;
le demandeur, au cours d'une première audience devant le magistrat,
notifie à son adversaire {condicere) qu'il devra comparaître au terme
de trente jours — délai imposé par la loi pour susciter des paiements
même tardifs.
1° La manus iniectio
510 /. Le complément nécessaire d'une justice publique aux ambitions
limitées 0 La m.L, ou saisie de la personne du débiteur par le créan-
SOURCES ET SANCTION DU DROIT 347
a) Le déroulement de ltnstance
516 1" La citation (in lus vocatio) 0 A côté du recours, encore possible,
à la force privée, il existe désormais des moyens plus efficaces pour
contraindre le défendeur à comparaître. Le demandeur obtient du pré-
teur qu'il prononce par un décret l'envoi en possession {missio in
bond) des biens du défendeur, mesure conservatoire qui donne au
demandeur un droit de garde sur l'ensemble du patrimoine saisi. Si
cela ne suffit pas, la vente aux enchères (venditio honorum) de l'en-
semble du patrimoine sera décidée et le procès reprendra — mais
contre l'acquéreur des biens du « liquidé », cette fois. Il était fréquent
qu'une assignation à comparaître à jour fixe fît l'objet d'un accord
extra-judiciaire (vadimonium), acte par lequel le défendeur promettait
sous la menace d'une peine (la valeur du litige) de comparaître à telle
date.
1° Structure de la formule
malo Àuli Agerii factum sit nequefiat [si dans ladite affaire il n'a été
commis ni n'est commis de dol de la part d'A.A.].
524 Actions civiles 0 Cette première classification est liée aux origines de
la procédure formulaire. Lorsque le préteur commença à innover en
attribuant par décret au juge des instructions ou des formules ne dé-
coulant pas de la loi, il ne fit pas table rase du passé. Il conserva très
normalement un certain nombre de droits essentiels fondés sur la loi
(ou encore, expression synonyme, sur le ius civile) et les transvasa
presque sans altération dans la procédure formulaire. Ce sont précisé-
ment les actions dites civiles : on les définira comme toutes les actions
protégeant des droits qui, avant la procédure formulaire, étaient légi-
times, garantis par la loi, donc sanctionnés par des actions de la loi. Le
préteur reprit à son compte ces actions et en publia la formule dans
son édit. Dans tous ces cas, le fondement de la procédure reste la loi
(ou le ius civile) ■ la iurisdictio du préteur n'en est pas la source origi-
nale.
Entrent dans cette catégorie la revendication, par laquelle le de-
mandeur fonde son droit sur le ius Quiritium — donc le ius civile —,
et les actions personnelles qui se réfèrent à un « devoir de payer » (dure
Les actions fictices (et plus largement les actions utiles : infra, n" 528)
et les actions in factum ressortissent toutes deux à la catégorie des
actions prétoriennes on Ta vu. Mais, au fond, il y a , de Tune à l'autre,
528 L'action directe est celle qui ne sort pas de son propre domaine, appli-
quée dans le cas pour lequel elle a été prévue. L'action utile est au
contraire une action qui, pour des besoins pratiques, est étendue « uti-
lement » au delà de son propre domaine. Toutes les actions utiles sont
prétoriennes (ou honoraires), car toutes ces extensions sont l'œuvre
du préteur.
Les actions utiles recouvrent les actions fictices (cf. ci-dessus) mais
les dépassent, car il y a des procédés d'extension utiles autres que la
fiction : ainsi les actions à transposition de personnes.
Les formules de ces dernières sont des formules dans lesquelles les
noms des deux parties figurant dans Vintentio ne correspondent pas à
ceux qui figurent dans la condemnatio. A quoi bon ? Tout simplement
à parvenir, dans quelques cas privilégiés, aux effets d'une représenta-
tion parfaite (que Rome, au demeurant, n'a jamais connue en tant que
telle). Le procédé est aussi ingénieux qu'expéditif. Prenons l'exemple
d'un fils de famille qui passe un contrat pour le compte de son père.
La formule de l'action née du contrat mentionne dans Vintentio le nom
du fils, puisque c'est lui qui a passé l'acte et qui est créancier. Mais la
condemnatio portera le nom du père, car c'est à lui de profiter de l'acte
et de bénéficier de la condamnation du débiteur. Autre exemple : l'ac-
tion contre l'acquéreur des biens d'un liquidé judiciaire qui, par trans-
position, prend la place du débiteur failli.
529 Les actions de bonne foi sont incontestablement des actions créées par
le préteur — probablement très tôt — du moins pour les principaux
contrats consensuels (vente, louage, mandat, société). Mais ce ne fut
pas par le biais de l'action in factum que fit son entrée dans le droit
l'obligation, purement consensuelle et fondée sur la bonne foi, de res-
pecter certains engagements. Le préteur, conscient de la portée de ces
innovations (l'idée même, absolument inédite, d'un engagement con-
sensuel), les plaça dans le sillage du ius civile. Il fabriqua ainsi un
oportere exfide bona, un devoir civil exigé par des considérations mo-
rales. Il ne doit pas y avoir d'équivoque: cet oportere n'a aucune
SOURCES ET SANCTION DU DROIT 357
5) Tableau récapitulatif
t i
fictices à transpo-
sition de
personnes 1r
civiles prétoriennes
de droit de bonne
strict foi
551 lurisdictio —- imperium 0 Alors que les actions sont issues de la iuris
dictio du préteur (fondée, certes, sur Y imperium, mais le lien est si
ancien qu'il est devenu très lâche), le préteur a recouru fréquemment
a la puissance émanant directement de son imperium pour imposer
des mesures complétant son œuvre juridictionnelle. On en distingue
quatre. 1) En contraignant, sous la menace d'un envoi en possession,
1 une des parties au procès à s'engager (à fournir caution) par une
stipulation (contrat solennel oral) ; cas des stipulations dites prétorien-
nes. 2) En autorisant, par un envoi en possession (missio in possessio-
nem), une personne à s'emparer des biens d'un autre ; moyen de pres-
sion très efficace en cours de jugement ou d'exécution. 3) En décidant
de ne pas tenir compte d'un acte, passé par exemple par un incapable,
le prêteur, par une véritable nullité, procède à une restitutio in inte-
grum (remise des choses en l'état). 4) En interdisant tout trouble ap-
porte a la situation de l'actuel détenteur paisible d'un bien, le préteur,
par des interdits, a découvert la protection possessoire, découvert aussi
la si Iructueuse distinction entre la possession et la propriété.
SOURCES ET SANCTION DU DROIT 359
2° Le procès cognitoire
.
1
■
TITRE 3
L'ANTIQUITÉ TARDIVE
(284-565)
SECTION 1
LE POUVOIR IMPÉRIAL :
PARTAGE ET ABSOLUTISME
§1
LA DIVISION DU POUVOIR
LE PARTAGE
ENTRE L'ORIENT ET L'OCCIDENT (312-395)
Ses successeurs en feront les bases d'un partage territorial que la té-
trarchie avait réussi à éviter. Ce sera décisif pour l'avenir.
En 326, Constantin abandonne Rome pour fonder à Byzance une
« seconde Rome » {altéra Roma) : ce sera Constantinople. Par cette se-
conde réforme, il donnait au futur Empire d'Orient la capitale qui lui
manquait.
540 Ses successeurs 0 Après la mort de Constantin, il n'y aura plus que de
très brefs moments d'unité : de 350 à 361 ; de 361 à 363 (court règne
de Julien, dit l'Apostat) ; de 392 à 395. Ces parenthèses mises à part,
l'Empire est en fait partagé territorialement : entre Constance II
(337-361 : Orient) et Constant (337-350 : Occident) ; entre Valentinien
I (364-375 : Occident) et son frère Valens (364-378 : Orient) ; entre Gra-
tien (fils de Valentinien I, 375-383 : Occident) puis Valentinien II
(383-392 : Occident) et Théodose I (général espagnol, 379-395 :
Orient) ; entre Honorius (fils de Théodose, 395-423 : Occident) et son
frère Arcadius (395-408 ; Orient) ; entre Valentinien III (fils de Galla
Placidia, sœur d'Honorius, 424-455 : Occident) et Théodose II (cousin
d'Arcadius, 408-450 : Orient). Par la suite, il n'y eut plus de liens de
parenté entre les empereurs des deux parties de l'Empire.
Sans doute, de Constantin à la disparition du dernier empereur
d'Occident (476), l'unité est-elle formellement maintenue. Officielle-
ment, il n'y a qu'un Empire. Les lois sont placées sous l'autorité com-
mune des empereurs régnants (c'est ainsi qu'elles figurent dans les
Codes). De même, un seul Auguste (le plus âgé) désigne les consuls
dont la paire reste unique (mais sans contenu) pour l'Empire.
C'est une façade. La réalité est différente. Les chancelleries (Con-
seil impérial, services centraux) et les préfectures du prétoire d'Orient
et d'Occident sont autonomes depuis 364. Les lois n'émanent que
d'une seule des deux chancelleries ; elles n'ont pour destinataire que
la pars imperii, la « partie d'Empire » de chaque empereur. Tout ce qui
fait un Etat, trésors, justice (et appel à l'empereur), administration,
armées, sont séparés par une frontière étanche, même si tous les ha-
bitants, en Orient et en Occident, restent unis par la même citoyenneté
romaine.
§2
L'ABSOLUTISME MONARCHIQUE
SECTION 2
LA POLITIQUE RELIGIEUSE :
L'EMPEREUR ET LES CHRÉTIENS
H(i
La religion et le civisme 0 L'apparition du christianisme a introduit
dans la vie politique romaine une donnée absolument nouvelle. Dans
les cités antiques (Grèce ou Rome), la religion est un élément essentiel
de la vie politique. Les dieux officiels de la cité apportent à l'Etat le
salut et la puissance ; ils renforcent le pouvoir et le rendent sacré ; ils
assurent, autour des mêmes cultes, la cohésion et la loyauté de tous.
Le culte des divinités poliades est le plus important acte civique. Il est
patriotisme.
Or le christianisme des origines est d'une autre nature. Il n'est pas
romain. Il n'a pas vocation à servir la cité terrestre. Il prêche le déta-
chement des réalités de ce monde. Universel et céleste, il est suspect.
D'où très vite l'hostilité du pouvoir.
§1
DE L'IGNORANCE À LA PERSÉCUTION
(DU 1er s. À 311)
§2
L'EMPIRE CHRÉTIEN
["Â"| LE CHRISTIANISME.
RELIGION OFFICIELLE DE L'EMPIRE
1. Derrière l'évêque Arius, l'Eglise arienne — qui finira par être condamnée comme
hérétique — proclame l'infériorité du Christ, personne humaine, au Père. Le concile de
Nicée affirmera la consubstantialité (ou identité substantielle) du Père, du Fils et de l'Es-
prit.
374 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
B LE CHRISTIANISME
ET LE DÉCLIN DE ROME
551 Les empereurs néophytes 0 Leur zèle n'a pas été sans danger pour
leur autorité. Leur politique a soulevé l'hostilité des milieux païens
traditionnels. Mais, à la fin du 4e s., le combat d'arrière-garde de ces
intellectuels et aristocrates ne pèse plus lourd.
Plus important : en devenant chrétien l'empereur se soumet au
contrôle de l'évêque, juge au spirituel de l'action politique de l'empe-
reur. Le grand saint Ambroise, évêque de Milan, l'affirmera courageu-
sement en 390. Théodose avait châtié une émeute populaire par un
horrible massacre perpétré dans l'amphithéâtre de Thessalonique. In-
digné, Ambroise infligea à l'empereur, sous la menace de l'excommu-
nication, une pénitence publique. Théodose finit par se soumettre.
Enfin, l'autorité impériale ne gagna rien à s'immiscer dans les
questions de dogme ; elle mettait son indépendance en jeu, comme
celle de l'Eglise. La menace, pour celle-ci, du césaropapisme (César
tenant le rôle de chef de l'Eglise) se confirmera ; mais dans l'empire
byzantin seulement (signe de vitalité de l'autorité monarchique).
I. « Tous les peuples que régit la modération de notre Clémence, nous voulons qu'ils
s'engagent dans la religion que le divin Pierre Apôtre a apportée aux Romains... Nous
ordonnons que ceux qui suivent cette loi (celle qu'a édictée le concile de Nicée) prennent
le nom de Chrétiens Catholiques et que les autres, que nous jugeons déments et insensés,
assument l'infamie du dogme hérétique, que leurs assemblées ne puissent recevoir le
nom d'églises, pour être enfin châtiés, d'abord par la vengeance divine, ensuite par notre
décision, que nous a inspirée la volonté céleste » (C. Th. 16, 1, 2).
L'ANTIQUITÉ TARDIVE (284-565) 375
1. L'œuvre de saint Augustin dans son diocèse d'Hippone est exemplaire. Voir à ce
sujet l'ouvrage de CI. Lepelleï, Les cités de l'Afrique romaine au Bas-Empire, Paris, 1979
Des lettres d'Augustin, découvertes tout récemment, illustrent cette activité'féconde ■ cf
les études rassemblées sous le titre Les lettres de saint Augustin découvertes nar / Divink
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Pavio (OH* ' '
376 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
SECTION 3
LA CENTRALISATION
BUREAUCRATIQUE
ET LE DIRIGISME
§1
LE GOUVERNEMENT CENTRAL
ET L'ADMINISTRATION LOCALE
B L'ADMINISTRATION PROVINCIALE
559 a) Les provinces 0 Elles volent en éclats. De 48 (en 284), elles passent
à 104 avec Dioclétien. L'Italie a perdu son statut privilégié ; à son tour,
elle est entrée dans le système provincial, divisée en douze provinces
1. Un honneur que l'on commémore par des diptyques en ivoire, offerts aux amis.
Les grands musées d'Europe conservent plusieurs exemplaires de cet art typique de
l'Antiquité Tardive. Le consul, campé sur son siège curule, d'une main tient le sceptre,
symbole de sa toute théorique fonction, et, de l'autre, le mouchoir avec lequel il donne le
signal de départ aux jeux du cirque. C'est devenu l'essentiel de sa charge.
L'ANTIQUITÉ TARDIVE (284-565) 379
c
''' ) Les préfectures du prétoire 0 Premier ministre et vice-empereur
jusqu'à Constantin, le préfet du prétoire est réduit par cet empereur au
rôle d'un agent, subordonné, de la centralisation provinciale. Ecarté de
la cour et du gouvernement, il devient un préfet de région. Trois ou
quatre (le chiffre variera) préfectures sont créées par Constantin. La
première regroupe la Gaule, la Bretagne et l'Espagne, avec Trêves
pour capitale, puis, après 400, un repli sur Arles ; la seconde (Italie,
Afrique, Milan) a son siège à Milan ; la troisième (Orient) rayonne de
Constantinople ; la quatrième, non définitive, autour de Sirmium, ad-
ministre l'illyrie. Les pouvoirs des préfets du prétoire sont restreints
aux affaires civiles. Ils sont juges d'appel (mais pas d'appel de leurs
jugements à l'empereur) ; ils gèrent l'annone (perception et ravitaille-
ment de l'armée) ; ils inspirent de nombreuses constitutions impéria-
les qui leur sont spécialement adressées en réponse.
Déconcentration et hiérarchie : telle une pyramide, l'organisation
provinciale doit assurer la transmission et l'exécution des directives
impériales. L'autorité centrale gagne en efficacité.
380 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
[cl L'ARMÉE
D LE PERSONNEL ADMINISTRATIF
§2
LA CRISE ÉCONOMIQUE
ET LE DIRIGISME
66
la nouvelle organisation fiscale 0 Les impôts traditionnels en argent
n'ont pas survécu à la crise du 3° s. : du fait de l'inflation, ils ne rap-
portent plus rien. Dioctétien réorganise tout le système de l'imposition.
L'impôt de base sera désormais payé en nature et établi sur la base de
nouvelles unités fiscales, les juga et les capita. La jugatio porte sur la
terre ; la capitatio porte sur les personnes (de cap ut, la tête) et le chep-
tel : quelle que soit l'assiette de l'impôt, c'est toujours la capacité de
production agricole qui supporte l'impôt.
Chaque exploitation est divisée en juga : ils sont des unités fiscales
abstraites. Plus le sol est fertile et la culture lucrative, plus les unités,
pour une superficie donnée, seront nombreuses. Ainsi, en Syrie, un
jugum correspond à 1,25 ha de vignes, ou à 5 ha de terres labourées,
ou à 225 souches d'oliviers en plaine, ou à 450 souches d'oliviers en
terrain montagneux. Le capitum frappe le producteur (propriétaire ou
colon), à raison de 1 pour un homme, 1/2 pour une femme. Tous les
habitants et toutes les terres de l'Empire sont soumis à l'impôt sur la
base de ces unités de répartition. Pour assurer cette nouvelle forme
d'imposition, Dioclétien entreprit un immense travail de recensement
(tous les individus et le cheptel) et de cadastre ; l'œuvre ne fut pas
achevée avant les années 310. Des révisions générales auront lieu tous
les quinze ans.
L'impôt, très lourd, est perçu par les décurions ; les arriérés, en cas
de mauvaise récolte, sont exigibles l'année suivante.
B LE DIRIGISME
L « Bien que par leur condition, ils paraissent libres (ingénus), on les considère ce-
pendant esclaves de la terre pour laquelle ils sont nés » (constitution de Thédose r
rapportée au Code de Juslinien, 11, 52, 1).
386 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
SECTION 4
LES SOURCES DU DROIT
§1
LES CONSTITUTIONS IMPÉRIALES
ET LE « IUS VETUS »
^ D que s il nommé
ellicace par les préfets
restait étranger du prétoire,
aux hiérarchies le defensor
locales. nelepouvait
Mais dès 5e s., il jouer
est éluunparmi
rôle
les notables locaux, dès lors soumis à la puissance des grands propriétaires.
L'ANTIQUITÉ TARDIVE (284-565) 387
LA DOCTRINE CLASSIQUE.
OU « IUS VETUS »
574 L'âge des abrégés 0 Les constitutions impériales ne règlent pas tout, il
s'en faut. L'œuvre doctrinale des juristes classiques (le''-5e s.) reste ap-
plicable. Ce sont les commentaires à l'Edit du préteur, les responsa et
les exposés du droit civil. Ce droit, appelé « vieux droit » par opposition
aux lois nouvelles, continue à fournir aux juges la solution des procès.
Mais des innovations l'affectent aux 4e et 5e s.
Devenu trop savant et trop subtil, ce droit est l'objet d'un travail de
simplification et d'abrègement. Dans les universités, où l'activité d'en-
seignement reste vivante (à Rome, Constantinople, Alexandrie, Athè-
nes et surtout Beyrouth), l'œuvre créatrice s'est tarie. On glose, on
résume, on publie des manuels destinés aux étudiants et aux prati-
ciens. Ainsi, des compilations anonymes et sommaires, issues, par ré-
duction, de la grande jurisprudence classique, apparaissent au 4e s.
Vers 325, les Sentences de Paul, extraites des ouvrages de Paul, expo-
sent des maximes simples sans discussion juridique. Il en sera de
même pour l'œuvre d'UIpien (les Règles d'Ulpien).
Cela ne suffit pas. Pour aider les juges à se faire une opinion au
milieu de la masse de la jurisprudence classique, pour les guider à
travers les solutions souvent contradictoires et parfois dépassées que
les plaideurs invoquent chacun pour leur cause, la célèbre loi des cita-
tions est rendue en 426 par Valentinien III1. La loi privilégie cinq auto-
rités ; Gaius, Paul, Ulpien, Papinien et Modestin. Les autres œuvres
pourront être invoquées devant le juge à la condition qu'elles soient
citées par l'un des cinq Grands. Sinon, seule l'opinion de ces derniers
est recevable. Si leurs cinq avis ne sont pas unanimes, il faudra suivre
la majorité. En cas de partage égal, l'opinion de Papinien l'emportera.
Et pour le cas où Papinien ne se serait pas prononcé, le juge retrouvera
sa liberté d'appréciation. Simpliste et non rationnel, ce « mécanisme
déplorable » (J. Gaudemet) révèle la médiocrité des juges et les incon-
vénients d'une doctrine souvent discordante.
§2
LES COUTUMES PROVINCIALES
ET LE DROIT « VULGAIRE »
ces créations coutumières, dans les deux cas, échappent par définition
à l'autorité impériale. Elles menacent l'unité du droit.
5
75 Les droits locaux provinciaux 0 Ils n'ont pas disparu après l'édit de
Caracalla. Au contraire, en tolérant officiellement leur maintien au
profit des nouveaux Romains, l'édit renforcera leur capacité de conta-
mination sur le droit officiel. C'est en Orient surtout que l'on constate
la pénétration des usages locaux. La conception hellénistique des ar-
rhes ou l'importance de l'acte écrit en sont des exemples parmi bien
d'autres.
5
76 Le droit vulgaire <} Différemment, il n'est pas le produit de coutumes
pérégrines. Le droit vulgaire est un droit romain ; mais il se distingue
du droit officiel comme le latin vulgaire, ou la langue parlée, se sépare
de la langue littéraire. C'est un droit né de la pratique. Il applique, mais
en les dénaturant et en les simplifiant, les concepts théoriques. Adapté
aux besoins de la vie, il donne la priorité aux réalités économiques.
Œuvre de praticiens, il refuse les constructions subtiles des profes-
seurs. Ainsi on voit apparaître les notions, juridiquement aberrantes,
de propriété inaliénable ou de propriété limitée dans le temps. La pos-
session de longue durée et l'usufruit sont confondus avec la propriété.
Ce droit vulgaire émerge à partir de la fin du 3" s. Il s'affirme, profitant
du déclin de la jurisprudence, et tend à envahir les chancelleries que
ne protège plus la science des grands juristes.
Face à ces deux formes nouvelles de coutume, quelle attitude pren-
dra le pouvoir ? Certains, comme Dioclétien, opposeront aux usages
pr ovinciaux et aux déviations vulgaires le barrage de leurs rescrits.
Mais d'autres, comme Constantin, seront beaucoup moins sensibles à
la défense de la pureté classique. Leurs constitutions sont perméables
à bien des innovations provinciales et vulgaires. Ces tendances hété-
rogènes, en rupture avec l'unité du droit romain, vont-elles l'empor-
ter ? Il appartenait à Justinien, le restaurateur éphémère de l'unité ro-
maine, de sauver la tradition classique. Son œuvre de compilation,
magnifique, couronne sa croisade.
§3
LA COMPILATION DE JUSTINIEN
B LE DIGESTE (533)
579 Son élaboration 0 Ce recueil, le plus important par son volume et les
travaux de préparation qui l'ont fait naître, ne contient que le ius, c'est-
à-dire des extraits de la jurisprudence classique. Son nom Digesta (en
grec Paride des) lui vient de ce qu'il amalgamait le droit civil et le droit
prétorien. Sa réalisation posa d'énormes difficultés pratiques. La
masse de la jurisprudence était considérable (quelque 1 600 livres à
dépouiller), répartie sur plus de 5 siècles (du 2° s. avant au 3e s. après
J.-C.), en partie dépassée et, comme on le devine, remplie de contra-
dictions entre les opinions des divers auteurs et leurs écoles. De cette
L'ANTIQUITÉ TARDIVE (284-565) 391
)80
L'œuvre accomplie 0 Le travail fut achevé en un temps record. Dix
années avaient été prévues : trois suffirent. Des trois millions de lignes
que formaient les matériaux de départ (au dire de Justinien),
150 000 seulement furent extraites. Les œuvres de trente-huit juristes
différents ont fourni les citations ; elles vont de Q. Mucius Scaevola (la
fin du 2e s. avant J.-C.) à Hermogénien (la fin du 3e s. après J.-C.). Mais
ce sont essentiellement Gaius, Paul, Papinien et, plus que tous les au-
tres, Ulpien, qui ont donné la matière du Digeste. Le tout fut ordonné
selon un plan à moitié rigoureux, s'inspirant du plan des commentai-
res à l'Edit. Précédés des trois constitutions qui ont ordonné la compi-
lation et fixé sa méthode, cinquante livres composent le Digeste. Cha-
que livre est divisé en titres. Chaque titre répond à un thème : par
exemple, le titre 5 du livre 23 est consacré aux « fonds dotaux ». Enfin
les titres sont formés Aes fragments des œuvres des prudents. Chaque
fragment est numéroté ; il est précédé de son « inscription » : elle indi-
que l'auteur du fragment et le titre de l'ouvrage dont provient l'extrait1.
blées sous le titre de Novelles (infra, n" 583). C'est vis-à-vis des Novel-
les que l'actualité du Digeste doit être appréciée.
De fait, le Digeste n'a pas connu le succès auprès des praticiens. Ni
en Occident où il fut introduit à la faveur des reconquêtes de Bélisaire
mais aussitôt oublié, ni en Orient, ni même à Constantinople où il ne
fut guère utilisé. Aussi les manuscrits du Digeste sont-ils très rares. Un
seul, la « Florentine », du 6'" ou du 7e s., est complet.
La signification idéologique du Digeste en ressort plus nettement.
La volonté impériale qui l'anime affirme la permanence et la supério-
rité de la culture romaine. Elle défend la pureté du droit classique
contre les déviations vulgaires. L'unité du droit se place au service de
l'unité du pouvoir. Efforts tardifs et sans doute vains dans l'immédiat.
Mais le Digeste, redécouvert en Occident au 12e s., transmettra à la
civilisation occidentale l'incomparable perfection du droit romain
classique. Sans Justinien, l'œuvre juridique de la Rome classique eût
été engloutie.
0 LES INSTITUTES
D LES NOVELLES
Bibliographie et lectures 0
1) Pouvoir et administration : W. Seston, Dioclétien et la Tétrarchie,
Paris, 1946 ; R. Rémondon, La crise de l'Empire romain de Marc Aurèle
à Anastase (518)2, Paris, 1970 (Nouvelle Clio) ; A. Piganiol, L'Empire
Chrétien2, Paris, 1972, (Histoire Générale) ; P. Petit, Histoire Générale de
l'Empire romain, Paris, 1974, p. 527-750. Deux empereurs marquants :
Konstantin der Grosse (éd. H. Kraft), Darmstadt, 1974 (recueil d'études,
par les meilleurs spécialistes) et, sur Julien, l'ouvrage classique de
J. Ridez, La vie de l'empereur Julien, Paris, 1930, auquel on ajoutera le
portrait de Julien dit l'Apostat par L. Jerphagnon, Paris, 1986. Sous le
titre Antico, tardoantico ed erà constantiniana, Rome, 1974, S. Mazza-
rino a regroupé une série d'études originales et très suggestives sur
l'histoire culturelle, politique, religieuse du 4e s. (l'autel de la Victoire
394 LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE ROME
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TABLEAUX
CHRONOLOGIQUES
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INDEX ALPHABÉTIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
AVANT-PROPOS XIX
Bibliographie et lectures 20
424 TABLE DES MATIÈRES
PREMIERE PARTIE
LA GRÈCE 23
Bibliographie et lectures 41
§3. — L'ostracisme 75
§ 4. — Démocratie ? 77
Bibliographie et lectures 7g
426 TABLE DES MATIÈRES
§ 1. — L'ecclésia 100
A. — Le règlement de l'assemblée 100
B. — La souveraineté de l'ecclésia 102
C. — Les pouvoirs de l'ecclésia 104
§2. — Le Conseil ou Boulé 106
§3. — Les magistrats 107
A. — L'organisation des magistratures 107
B. — Contrôles populaires sur les magistratures 109
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§ 4. — La Justice jqq
Bibliographie et lectures
Conclusion 171
DEUXIÈME PARTIE
LES INSTITUTIONS POLITIQUES
ET SOCIALES DE ROME 173
er
§ 1. — De l'ignorance à la persécution (du 1 s. à 311) 371
§2. — L'Empire chrétien 372
^ Le christianisme, religion officielle de l'Empire 373
B. — Le christianisme et le déclin de Rome 374
Conclusions 393
Cartes
DROIT PRIVÉ
CONTENTIEUX ADMINISTRATIF,
par Ch. DEBBASCH et J.-C. RICCI.
DROIT ADMINISTRATIF,
— Données juridiques fondamentales. Organisation administrative.
Formes de l'action administrative,
par J. RIVERO et J. WALINE.
DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS,
— Domaine. Travaux publics. Expropriation,
par J.-M. AUBY et P. BON.
DROIT DE L'AUDIOVISUEL,
par Ch. DEBBASCH.
DROIT BUDGÉTAIRE ET COMPTABILITÉ PUBLIQUE,
par L. TROTABAS et J.-M. COTTERET.
DROIT DE L'ENVIRONNEMENT,
par M. PRIEUR.
DROIT FISCAL,
par L. TROTABAS et J.-M. COTTERET.
DROIT FISCAL INTERNATIONAL ET EUROPÉEN
par L. CARTOU.
DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE,
— Etat. Collectivités locales. Hôpitaux,
par J.-M. AUBY et J.-B. AUBY.
DROIT INTERNATIONAL DU DÉVELOPPEMENT
par G. FEUER et H. CASSAN.
DROIT INTERNATIONAL PUBLIC,
par P.-M, DUPUY,
DROIT DE L'URBANISME,
par H. JACQUOT.
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DROIT PRIVÉ
DROIT PUBLIC
DROIT ADMINISTRATIF,
— Actes administratifs. Organisation administrative. Police. Service public.
Responsabilité. Contentieux.
— Fonction publique de l'État et territoriale. Domaine public. Expropriation.
Réquisitions, Travaux publics,
par G, PEISER.
ADMINISTRATION DE L'ÉTAT,
par F. CHAUVIN.
ADMINISTRATION RÉGIONALE, DÉPARTEMENTALE ET MUNICIPALE
par J. MOREAU.
DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES,
par B. JEANNEAU.
CONTENTIEUX ADMINISTRATIF,
par G. PEISER.
DROIT EUROPÉEN,
par J.-C. GAUTRON.
FINANCES LOCALES,
par R. MUZELLEC.
FINANCES PUBLIQUES,
— Budget et pouvoir financier,
— Droit fiscal,
par F. DERUEL.
HISTOIRE DES IDÉES POLITIQUES DE L'ANTIQUITÉ À LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE
par D. G. LAVROFF.
HISTOIRE DES IDÉES POLITIQUES DEPUIS LE XIXe SIÈCLE
par D.-G. LAVROFF.
HISTOIRE DES INSTITUTIONS PUBLIQUES ET DES FAITS SOCIAUX
(XI-XIXe siècles),
par J. HILAIRE.
HISTOIRE DES INSTITUTIONS PUBLIQUES DE LA FRANCE (de 1789 à nos iours)
par P. VILLARD.
INSTITUTIONS INTERNATIONALES,
par J. CHARPENTIER.
INTRODUCTION À LA SCIENCE POLITIQUE
par J. BAUDOUIN.
DROIT INTERNATIONAL PUBLIC,
par D. RUZIÉ.
LIBERTÉS PUBLIQUES,
par J. ROCHE et A. POUILLE.
RELATIONS INTERNATIONALES,
par M. GOUNELLE.
DROIT DE LA SANTÉ PUBLIQUE,
par J. MOREAU et D. TRUCHET.
DROIT DES SERVICES PUBLICS,
par J. CARBAJO,
DROIT DE L'URBANISME,
par J. MORAND-DEVILLER,
CAPACITÉ EN DROIT
DROIT CIVIL,
par Ph. BIHR.
DROIT COMMERCIAL,
par J,-P. LE GALL.
DROIT PUBLIC,
par L DUBOUIS et G. PEISER.
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publiés annuellement :
• Code civil
• Code de commerce
• Code pénal
Nouveau code pénal
• Code de procédure pénale
et code de justice militaire (un volume)
• Code du travail
• Nouveau code de procédure civile
publiés périodiquement :
• Code administratif
• Code des assurances
• Code des baux et de la copropriété
• Code de la construction et de l'habitation
• Code électoral
• Code de l'environnement
• Code européen des affaires
• Code européen de la concurrence
• Code européen des personnes
• Code général des impôts
• Code rural et code forestier (un volume)
• Codes de la santé publique,
de la famille et de l'aide sociale (un volume)
• Code de la sécurité sociale
et code de la mutualité (un volume)
• Code des sociétés
• Code de l'urbanisme
• Livre des procédures fiscales
■
Imprimé en France
■
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Il
,
1
;
Michel Humbert, agrégé des facultés de droit, ancien membre de l'École
française de Rome, est professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II).
Conçu dans l'esprit de rendre au droit et aux idées politiques leur place dans
l'histoire ancienne, l'ouvrage rétablit les principaux types de pouvoir au sein des
grands courants de la pensée antique. Ainsi est privilégié le lien entre structure
politique et support idéologique, mécanisme de la décision et réalités sociales,
organisation du droit et forme du pouvoir.
La Grèce, dominée par la démocratie radicale d'Athènes, offre l'exemple d'une
exceptionnelle réalisation de l'esprit, tendue par une pensée rationnelle. Rome,
à l'opposé, en sa république oligarchique bâtie au fil des siècles, révèle l'effica-
cité du pragmatisme, aussi secret dans sa science du gouvernement que redou-
table dans son œuvre d'administration. L'art de faire des révolutions qui passent
inaperçues, encore un trait du génie romain : l'Empire, par d'insensibles étapes,
conduit à un État très moderne, avec sa bureaucratie, sa centralisation, son
monopole du droit entre les mains du pouvoir.