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Ousoul Al Fiqh NE

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DR HASSAN AMDOUNI

LES FONDEMENTS
DU DROIT
MUSULMAN

‫أصول الفقه‬
Ousoûl Al-Fiqh Al islâmî
Translittération de l’alphabet arabe
Consonnes
’ ‫ء‬ d ‫د‬ d ‫ض‬ k ‫ك‬
b ‫ب‬ dh ‫ذ‬ t ‫ط‬ l ‫ل‬
t ‫ت‬ r ‫ر‬ z ‫ظ‬ m ‫م‬
th ‫ث‬ z ‫ز‬ ‘ ‫ع‬ n ‫ن‬
j ‫ج‬ s ‫س‬ gh ‫غ‬ h ‫ﻫ‬
h ‫ح‬ ch ‫ش‬ f ‫ف‬ w ‫و‬
kh ‫خ‬ s ‫ص‬ q ‫ق‬ y ‫ي‬

Voyelles longues Voyelles brèves


‫آ‬â ً- an َ- a
‫ ُـو‬oû ٌ- oun ُ- ou
‫ ـيـي‬î ٍ- in ِ- i

Diphtongues

‫أو‬ aw
‫ـي‬ ay aï
‫ـيـ‬ iy
‫ـو‬ ouw
Particularités

‫ﺔﺓ‬ a, at (état construit)


(article) (al-qamariya) al
‫ٱلـ‬
َّ (article) (ach-chamsiya) an-n…, ar-r…
Les fondements du droit musulman

Au Nom d’Allâh,
Le Très Clément par essence,
Le Très Miséricordieux par excellence

Louange à Allâh, Puissant et Grand, comme cela convient à Sa


Magnificence et à Sa Majesté. Nous Lui demandons de répandre Ses
Grâces sur Son Messager Mouhammad Son serviteur et Envoyé, ainsi
que sur sa famille purifiée et tous ses nobles Compagnons.
Nous prions Dieu (U) d’éclairer nos cœurs par la lumière de Sa
Guidance. Qu’Il ne nous impose pas une charge au-dessus de nos
capacités. Que, par Son noble Secours, Il nous accorde, à tous, la
clairvoyance et l’obéissance à Ses Commandements. Que par Son
Assistance, Il nous procure le savoir utile et la sincérité dans l’action.
Ousoûl al fiqh est l’une des merveilles de la pensée juridique musul-
mane. C’est la science des normes et de la Théorie juridique.
A travers ses définitions, son historique, l’analyse de ses courants
et de son mécanisme, cet ouvrage, loin d’être vulgarisé, est une matière
solide que je mets entre les mains des spécialistes de Droit et des étu-
diants. C’est un ouvrage complet et méthodique de cette science. On
y trouve aussi, les principes des écoles de Droit dans l’élaboration de
leurs règles secondaires (al fouroû’) à partir des ousoûls. C’est-à-dire, la
connaissance des procédures et des méthodologies auxquelles recourent
les écoles de Droit dans leur argumentation juridique afin de donner
aux cas nouveaux les statuts légaux concordants.
La discipline d’Ou'oûl al fiqh (Fondements, Principes du Droit ou
Méthodologie ou Théorie juridique) occupe une place centrale dans le
dispositif des sciences religieuses musulmanes.

5
Les fondements du droit musulman

Cette branche du savoir a été, et l’est encore, source d’intérêt par


divers milieux de l’élite intellectuelle musulmane. Elle sera rapide-
ment enrichie d’un certain nombre de problématiques qui touchent
à la Théologie, c’est ce que nous avions tenté de démonter dans notre
ouvrage, à travers la question du housn et du qoubh, et bien d’autres.
Dans mon ouvrage, j’ai traité aussi bien de questions théoriques
liées au Droit : les Cinq qualifications légales = les règles de droit pres-
criptives : al houkm at-taklîfî, et les règles de droit stipulatives (al houkm
al wad‘î) ; les fondements du Texte révélé, les conditions requises par
l’érudition (al ijtihâd), lors du chapitre réservé au Consensus, le classe-
ment des différents types de raisonnement juridique …).
Tout en se référant aux sources arabes, j’ai adopté une démarche,
qui combine la théorie à la pratique afin que cette science ne soit pas
perçue comme une science abstraite et hors de portée.
J’espère avoir réussi à honorer cette science si prestigieuse, et avoir
apporté aux lecteurs, une connaissance effective qui leur permettra
de comprendre le fonctionnement des Textes et d’appréhender leur
contenu avec savoir et esprit analytique. Une perception clairvoyante
des causes qui sont à l’origine des divergences entre les savants, et sur-
tout la découverte des sagesses, des subtilités et des Finalités de la Loi
divine.
Je suis reconnaissant à mon Seigneur (Le Majestueux) de m’avoir
accordé Son Soutien et Son Assistance. Je Le loue pour Ses Bienfaits
indéfinis et je Lui demande pardon pour mes oublis et erreurs.
En vérité, Il n’y a de force, ni de puissance qu’en Allâh, Le Très
Haut, Le Seul digne de Grandeur.
Paix et Bénédiction sur le bien aimé, le Prophète béni.
Louange à Allah (U)
 Hassan Amdouni

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Les fondements du droit musulman

Livre I

LES SOURCES
DE LA RÈGLE
DE DROIT
Masâdir at-Tachrî‘

7
première
partie

LES SOURCE
DE LA RÈGLE DE DROIT
SUJETS D'ACCORD
Les fondements du droit musulman

INTRODUCTION
GÉNÉRALE

DÉFINITIONS ET HISTORIQUE
DE LA SCIENCE
DE OUSOÛL AL FIQH

Définitions
Définition Littérale du terme : al asl
Ousoûl Al Fiqh est un mot composé de deux termes (lafz mourakkab) :
ousoûl et fiqh.
En réalité, on devrait employer la formulation : ousoûl lil-fiqh avec
l’adjonction de la particule « al-lâm ».
Ce n’est pas un kalâm : ensemble de paroles, qui en règle générale se
compose de trois mots ou plus, et qui aboutit à un sens complet (sujet,
verbe et complément).
Ce n’est pas une kalima : un mot.
Mais donc une lafzah, un nom composé.
Le singulier du terme est al asl et le pluriel est al ousoûl.
Significations du terme asl
- Dans la langue, c’est un terme qui désigne toute chose qui sert
comme base de construction (édifice).
C’est le support sur lequel on construit et cette construction peut
être d’ordre moral ou matériel (physique).

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Les fondements du droit musulman

On dit pour le sens moral : cette règle légale a comme base tel argu-
ment (mabnâhâ) ou bien la règle légale suivante contient tel argument.
Cet argument sur lequel s’est fondée la règle, c’est la base, l’origine
ou al asl.
- Le terme asl s’utilise aussi, d’après sa définition conventionnelle pour
désigner différentes choses :
* Pour désigner le sens de « preuve » : ad-dalîl.
On dit : « al aslou fî woujoûbi as-salâti qawlouhou Ta‘âlâ… »
La preuve selon laquelle la prière est obligatoire est la Parole de
Dieu (U) : « … ».
Donc al asl = ad-dalîl.
* Le terme asl désigne également al moustashabb, l’idée d’un accom-
pagnement en vue de faire perdurer quelque chose.
Il s’agit en Sciences des Fondements du Droit, du principe de la
présomption de continuité de la règle, qui désigne l’état initial ou de
départ qui ne change pas, tant que n’existe pas la preuve du contraire.
Donc, selon ce principe, sans la preuve du contraire, on demeure
dans sa situation d’origine, telle que l’état d’innocence en l’absence de
preuve d’accusation. Cela s’appelle en arabe : al barâ’atou al asliyyah.
L’état initial : le jugement (houkm) de la licéité d’une chose, sans
l’intervention de la preuve de son contraire, stipule sa permission. On
dit : al aslou f îl achyâ’i al ibâhatou.
Tant que les textes ne contiennent pas d’indications qui stipulent
l’interdiction, la permission demeure la norme.
Cet état initial, c’est ce qui est désigné par al asl.
* De même, le terme al asl s’utilise dans l’analogie légale (al qiyâs ach-
char‘î) pour désigner le cas en question ou la question principale
de l’analogie.
* Le terme asl peut aussi désigner le sens (le plus) plausible entre deux
avis (ou deux sens).

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Les fondements du droit musulman

On dit : le premier avis ou le premier sens est le plus plausible


ar-râjih. Tandis que le deuxième avis ou le deuxième sens est le moins
plausible : al marjoûh.
Ar-râjih signifie le sens le plus plausible (qui a la priorité sur l’autre)
et le sens ou l’avis le plus fondé s’appelle : al asl.
* Une autre utilisation du terme asl est possible lorsque l’on souhaite
parler de la notoriété (morale ou religieuse) ou de la noblesse de
caractère de quelqu’un : Foulân dhoû asl.

Remarque :
A travers toutes ces définitions du terme asl, nous constatons qu’il
tourne autour du sens suivant de la construction (ou édifice) al binâ’ ;
la base ou l’origine de quelque chose.

Définition conventionnelle du terme al asl


Selon la terminologie de Ahl Al-Ousoûl (savants de la Théorie du
Droit), ce terme est utilisé pour désigner le sens de :
- Preuve (de la règle)
- Base (de la règle)
- Source (de la règle)

Définition Littéraire du terme al Fiqh


Le terme fiqh est un dérivé du verbe faqiha, yafqahou : comprendre avec
maîtrise. Il s’agit d’une compréhension approfondie. Al fiqhou houwa
al fahmou al ‘amîq.
Tout individu qui maîtrise un art, avec qualité, peut être considéré
comme un faqîh dans son domaine de compétences. On appelait jadis
le médecin : faqîh al badan, etc.
Le terme fiqh a évolué pour ne désigner que la maîtrise des sciences
religieuses (les sciences les plus honorables).

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Les fondements du droit musulman

Puis, le terme a, encore, évolué pour désigner l’aspect légal de la


religion, la science du Droit canonique.
Pour réserver ce terme, les juristes se sont appuyés sur La Parole
de Dieu (U) : ( … Pourquoi de chaque clan quelques hommes ne
viendraient-ils pas s’instruire dans la religion pour pouvoir à leur
retour, avertir leur peuple… ) (Ste 9/V.122)
Et également sur le hadîth du Prophète (r), dans lequel il a invoqué
Dieu en faveur d’Ibn ‘Abbas (t), en ces termes : « Seigneur accordes-
lui la compréhension approfondie de la Religion, et apprends-lui
l’explication du Coran. : faqqih-hou f î ad-dîn… » (Les Sounan).
Le fiqh signifie dépasser, dans la compréhension, le niveau littéral
des Textes pour réussir à saisir leurs finalités et leurs sens profonds.

Définition Conventionnelle du terme Fiqh


C’est la connaissance des règles légales pratiques, déduites de leurs
sources et détaillées par le procédé d’examen rationnel appelé ijtihâd.
Après avoir expliqué le terme composé de Ousoûl al fiqh, nous
allons, à présent, dans cette introduction générale nous focaliser sur sa
définition conventionnelle et aborder avec détails cette science et son
fonctionnement.

Définition Conventionnelle de Ousoûl al fiqh


C’est la science (la connaissance) des sources (des preuves) du Droit.
Autrement, les voies ou les moyens qui permettent l’élaboration des
règles de base du Droit.
C’est-à-dire :
Le travail du Ousoûlî consiste à élaborer des règles de base ou des
fondements qui vont régir l’élaboration des méthodes destinées à la
déduction des règles de Droit.

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Les fondements du droit musulman

Ces règles de base vont éclairer, délimiter et codifier les démarches


du faqîh (juriste) dans son effort de déduction (ou d’extraction) des
règles secondaires pratiques.
Ainsi la Parole de Dieu (U) : ( Pratiquez la prière.) (Ste 2/ V.43)
Et la Parole de Dieu (U) : ( Evitez la fornication. ) (Ste 6/V.151)
Le Ousoûlî va les examiner selon un point de vue particulier, à la fois
général et abstrait. Il considèrera le premier verset indique un ordre et
le deuxième comme une interdiction.

Il en déduira les effets suivants :


Que l’impératif, en absence d’un indice formel déviant son sens pre-
mier vers une autre signification, implique forcément l’obligation de
faire ou de ne pas faire.

La conséquence :
- Le caractère obligatoire de la prière.
- Le caractère prohibé de la fornication.
Le Ousoûlî ne parle pas de comment faire la prière, ni de la punition
réservée à celui qui la délaisse, etc. Ceci n’est pas son domaine, mais
plutôt celui du faqîh (le juriste).
Ainsi, par comparaison au ousoûlî, le faqîh envisage, certes, le même
Texte mais selon un point de vue relatif à l’aspect pratique et social.
Par exemple, il en tire ces conséquences :
- Punition de celui qui ne prie pas.
- Sanction et punition pour celui qui commet la fornication.

Conclusion
La différence entre le ousoûlî et le faqîh , c’est que le premier nous
donne des règles de base, des formules telles que :
- L’impératif (al amr) = soit l’obligation de faire, sous telle circonstance ;

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Les fondements du droit musulman

- L’impératif = soit la recommandation (an-nadbiyyatou) selon indice


circonstancié.
Il examine les termes, les classifie mais ne va pas plus loin. Il clas-
sifie, par exemple, après étude et preuves à l’appui an-nahy comme le
fait de défendre quelque chose.
Il fera la différence entre an-nahy, synonyme de hirmah (la prohi-
bition ou l’interdiction) et an-nahy signifiant de la répréhension (al
karâhiyya).
Une fois ce travail accompli, le second, qui peut être la même per-
sonne, se munit de ces formules pour se plonger dans les Textes. Il
examine tous les aspects d’un acte (comme la prière) et applique à
chacun de ses aspects une sentence. Ainsi, il déduit les composantes
obligatoires d’un acte et son invalidité en l’absence de celles-ci, etc.

Note importante :
On ne peut pas être un juriste érudit sans maîtriser la science de ousoûl
al fiqh.
Donc, ici nous parlons des règles de base globales (qawâ‘id koul-
liyya), qui vont servir à la prononciation de sentences juridiques… ou
à l’élaboration de règles secondaires du Droit.
Aboû Hâmid Al Ghazâlî donne à cette science la définition
suivante :
َ ‫ال َلتِ َها َع َل تِ ْل َك‬
‫األ ْح َكام‬ ِ ‫الش ِع َّي ِة َو ِف ُو ُج‬
َ ‫وه ِد‬ َ ‫اح ُث ِف َأ ِد َّل ِة‬
ْ َّ ‫األ ْح َكا ِم‬ ِ ‫الع ْل ُم ال َب‬
ِ ‫ُه َو‬

Traduction :
« C’est la science qui étudie les sources (preuves) des règles légales
selon leurs différentes manières d’indiquer ces mêmes règles » (Réf. Al
Moustasfâ Tome 1 - page 5.)
Puisque le Droit se réfère essentiellement au Coran et à la Sounna ainsi
qu’à deux autres sources qui en sont dépendantes, à savoir le Consensus
et l’Analogie, les Ousoûliyyoûn sont unanimes à considérer ces quatre
sources légales comme étant les sources des règles du Droit musulman.

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Les fondements du droit musulman

Note : À l’exception des Zahirîtes qui n’acceptent pas l’analogie comme


source.
Après analyse, nous constatons qu’Ahl al Ousoûl distingue :
Deux sources de base de la règle de Droit : Le Coran et la Sounna.
Et deux sources dérivées ou dépendantes : le Consensus et
l’Analogie.
Le cheykh ‘Oubayd Al-Hâdî Al-Mansôurî Al-Azharî a dit, dans
son ouvrage intitulé Yatîmatou Az-Zamân1 (page 19, Edition 1351 – 1933) :
« Les quatre sources de la règle de Droit sont stipulées dans le Coran :
Allâh (U) dit : ( Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au
Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement.
Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au
Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux
et de meilleure interprétation (et aboutissement). ) (Ste 4/V.59)
Dans ce verset, Allâh (U) évoque les quatre sources qui sont sujets
d’accord entre les Ousoûliyyoûn :
La Parole de Dieu (U) : « Obéissez à Allâh » : L’obligation de se
référer au Livre d’Allâh (U), le Coran.
La Parole de Dieu (U) : « Obéissez au Messager » : L’obligation de
suivre la Sounna du Prophète (r).
La Parole de Dieu (U) : «… et à ceux qui détiennent le commande��-
ment » : L’obligation de suivre le Consensus.
Notes : La Parole de Dieu (U) : « … Ceux qui détiennent le comman�-
dement … » ; Les savants et les dirigeants.
Selon, Ibn ‘Abbâs (t) ce sont les érudits de la Oumma.
Quant à la Parole de Dieu (U) : «… si vous vous disputez en quoi
que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager » ; c’est l’obligation de
se référer à l’Analogie, qui doit se faire sur la base du Coran et la
Sounna ».

1 La perle rare du temps’ ou ‘la perle de tous les temps’.

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Les fondements du droit musulman

Aussi, comme indiqué plus haut, la Science de Ousoûl Al Fiqh est la


science qui étudie les sources de la Loi et ses principes généraux.
Elle étudie également les éléments communs qui régissent l’éla-
boration des règles de droit (pas les règles elles-mêmes), les relations
qui existent entre ces éléments et les conditions requises pour assumer
cette recherche.
Le Ousoûlî explique la notion de l’obligation, de l’interdiction, de
la recommandation, de l’empêchement légal, etc. Il ne s’intéresse pas à
l’élaboration des règles secondaires ; c’est le travail du juriste.
Le travail du Ousoûlî est davantage important, car sans sa recherche,
la déduction ou la classification des règles de Droit pratiques reste-
raient injustifiées ou non fondées.

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Les fondements du droit musulman

Le sujet de cette science


Le domaine de travail du Ousoûlî est les Sources de la Loi.
Ils (les Ousoûliyyoûn) étudient les sources de la Loi de manière bien
spécifique, de façon à les prendre comme référents et comme sources
des règles globales (de base) de la Loi.
Ainsi Ahl al Ousoûl s’intéresse à :
- la notion de l’ordre (al amr) ;
- la notion de la négation (an- nahy) ;
- la notion du général et du spécifique (al ‘âmm wal-khâss) ;
- les particules et à leur incidence sur les règles de Droit (houroûf al
ma‘ânî wa dilâlâtouhâ ach-char‘iyya) ;
- l’abrogation (an-naskh) ;
- l’opposition entre les sources (at-ta‘âroud) ;
- la notion de la balance (at-tarjîh) ;
- l’érudition et au conformisme (al ijtihâd – at-taqlîd), etc.

Exemples :
Le Coran est la première source de la règle du Droit, mais ses Textes à
dimension législative ne sont pas tous égaux. Car il existe des :
- Textes d’application générale (absolue),
- Textes stipulant l’impératif.
- Textes ayant pour fonction la spécification (takhsîs) d’une règle
générale, etc.
Donc, les Textes de la Loi n’ont ni la même teneur, ni le même
discours. Les demandes sont faites de manières différentes.
Le Ousoûlî étudie chacun des discours du Texte légal (Coran ou
Sounna) pour parvenir, via chacun ou l’ensemble, à l’élaboration d’une
règle globale.

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Les fondements du droit musulman

Le Ousoûlî déduit des règles globales et dans sa recherche, il s’ap-


puie sur :
- La langue arabe et ses sciences,
Il est une condition sine qua non (chart lâzim) que le Ousoûlî soit un
linguiste. Il doit absolument maîtriser la langue arabe et ses sciences.
- L’utilisation légale des termes et de leurs significations. Car la défi-
nition usuelle n’est pas forcément la définition légale.

Exemples :
- Le mot « salâh »
Quand le Ousoûlî applique le procédé à ce terme, il établit au cours
de sa recherche une distinction entre la signification littérale de ce
terme et sa signification légale.
- Ainsi, du point de vue de la langue, elle signifie l’invocation
(ad-dou‘â’),
- Du point de vue légal, un acte cultuel bien défini, composé de for-
mules et de mouvements bien spécifiques.
De même, les Textes de la Loi sont de deux sortes :
- Explicite : al qat‘î
- Probant : az-zannî
Comment définir l’explicite du probant ? Comment aborder l’un
ou l’autre type de Texte ? Quelles sont les règles qui régissent cette
démarche ?

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Les fondements du droit musulman

Pourquoi a-t-on besoin


de cette science ?
L’acte de légiférer est la conséquence d’un besoin pour une commu-
nauté. La législation qui ne provient pas d’un besoin est en quelque
sorte un luxe.

Remarque :
La position de l’imâm Mâlik (?) sur cette question se résume à
cette célèbre citation : « Laisse-la (la question) jusqu’à ce qu’elle se
présente ! »
Ainsi, selon lui, la fiction juridique sous la forme de suppositions
pour répondre à des questions non encore survenues n’était pas d’ac-
tualité. Cela allait bien au-delà des besoins de la communauté.
Cette méthode n’était pas celle qu’avait adoptée l’école Hanafite,
notamment dans le domaine des transactions financières. Mais le
risque serait que cela devienne de la futilité.
Donc, il y a un besoin légal, et c’est pour cette raison que l’on
dit : « L’acte de légiférer est le fruit du besoin : at-tachrî‘ou walîdou al
hâjati ».
Puisque le besoin (législatif ) se fait sentir dans toute communauté
à travers son évolution historique, et les Musulmans le sachant, ils
ont pris conscience de la nécessité de l’ijtihâd et ont voulu protéger le
recours à celui-ci par des règles (par un code).
Cela pour qu’il soit préservé de l’erreur et aussi pour que les igno-
rants (ou les incapables) ne s’infiltrent pas dans ce domaine, d’où la
naissance de la science de Ousoûl d’Al fiqh.
Cette science est une science indépendante, mais elle a tiré profit de
beaucoup d’autres sciences, telles que :
Les sciences des lectures Coraniques : al qirâ’ât.
La science de l’abrogeant et de l’abrogé : an-nâsikh wal mansoûkh.

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Les fondements du droit musulman

Les sciences de la Sounna (‘Ouloûm al hadîth), telle que la science


des degrés de l’authenticité du hadîth (marâtib al hadîth).
Les sciences de la langue : ‘ouloûm al-lougha.
La logique d’Aristote, qui a été étudiée, analysée puis critiquée
par les Musulmans, qui vont, ensuite, élaborer leur propre logique (al
mantiq) et concevoir l’induction (al istiqrâ’).

Utilité de cette science


En quoi cette science est utile à l’étudiant des Sciences Islamiques ?
Ousoûl Al Fiqh permet à l’étudiant d’acquérir la compétence de
connaître les règles légales à partir de leurs sources.
Celle de comprendre la méthodologie de l’érudit dans son ijtihâd
(dans toutes ses formes).
Celle de comparer les avis des écoles et de faire la balance entre-elles.

Historique de cette science


Quand le volume de la Oumma augmenta suite à l’adhésion à l’Islam
de nouveaux peuples, on vit naître des cas juridiques et des situations
nouvelles qui avaient besoin de réponses. Donc, il y eut, à la fois un
besoin juridique à suppléer, mais aussi le besoin de protéger la Loi de
Dieu (U) de l’ignorance des gens et de leurs prétentions. C’est dans ce
contexte qu’est née la science de Ousoûl Al Fiqh.
Chacun, bien évidemment, prétend que son savant (ou son maître)
est à l’origine de cette science, alors que sans aucun doute, ce fut l’Imâm
Ach-Châfi‘î (?) qui l’a codifiée. Abordons les différents avis sur l’ori-
gine de cette science.

La position d’Aboû Al-Wafâ’ Al-Afghânî


Aboû Al-Wafâ Al-Afghânî, dans l’introduction du livre de l’Imâm
As-Sarkhasî, intitulé «Al Ousoûl », affirme que le premier à avoir

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Les fondements du droit musulman

rédigé un ouvrage de Ousoûl Al Fiqh est Abou Hanîfa An-Nou‘mân


(?), qui a explicité les ‘voies de la déduction’2 des règles dans son
ouvrage intitulé « Ar-Ray’ou » (‫)الر ْأ ُي‬.
َّ
De même, Aboû Al-Wafâ’ affirme que les deux compagnons d’Aboû
Hanîfa, Al Qâdî Aboû Yoûsouf et al imâm Ach-Chaybânî, ont eux
aussi rédigés des livres dans cette science.
Il dit également que l’imâm Ach-Châfi‘î leur est postérieur.

La position des Chi‘îtes imamites


Cette tendance a été exprimée par Âyatou Allâh Hasan As-Sadr. Il fait
parti des chi‘îtes imâmites (les Duodécimains ; ceux qui affirment qu’il
y a douze imâms infaillibles).
Il affirme que le premier à avoir rédigé un écrit dans cette science
est le cinquième imâm, Mouhammad Al-Bâqir (Né en 57H). Puis
son fils, Ja‘far As-Sâdiq, sixième imâm, (cheykh de l’Imâm Mâlik et
d’Aboû Hanîfa, (Né en 80H à Médine).
Il dit que ce sont ces deux imâms qui ont dicté les règles de cette
science à leurs élèves.

La position du cheykh Mouhammad Aboû Zahra


Le cheykh Mouhammad Aboû Zahra, dans son ouvrage intitulé
« Ousoûl Al Fiqh », ne récuse pas tout à fait les positions avancées
par l’une ou l’autre tendance. Il accepte l’éventualité que chacun de
ces savants (Aboû Hanîfa ou le cinquième et le sixième imâms) aient
pu éventuellement dicter des règles de ousoûl al fiqh à leurs élèves.
Mais prétendre qu’ils sont les codificateurs de cette science, cela est
incorrecte, unanimement. Car, pour les Hanafites du moins, les règles
de base de la science d’Ousoûl al fiqh selon leur école ont été déduites
à partir des règles secondaires pratiques de leur école.

2 ِ ‫إل ْستِ ْن َب‬


Voies de déduction : ‫اط‬ ِ ‫ُط ُر ُق ا‬

23
Les fondements du droit musulman

La sience des Ousoûl à l'époque du Prophète (r)


Certains ont prétendu que cette science était déjà apparue à l’époque
du Prophète (r). Ceci peut être réfuté facilement, car le Prophète (r)
ne faisait que transmettre la Révélation sous la forme du Coran ou de
la Sounna. Il ne faisait pas d’ijtihâd, mais se prononçait en se référant
à la Révélation et non pas à ses propres avis.

À l'époque des Compagnons (y)


Quant aux Compagnons (y), on constate que certains d’entre eux ont
élaboré des règles pour justifier certaines sentences légales.

Exemple 1 :
Ainsi, l’imâm ‘Alî (t) a fixé une nouvelle peine pour le buveur de
boissons enivrantes, qui s’y adonnait en public, et ceci en se référant à
la règle de la « fermeture des prétextes ou le Principe de précaution :
sadd adh-dharâ’i‘, nommée al-ma’âl (‫آل‬ ُ َ‫ = امل‬la conséquence de l’acte). Il
a, en effet, considéré que l’individu ivre, en raison de son état d’ébriété,
risquait de calomnier (= la conséquence) ses concitoyens, aussi lui a-t-il
infligé la sentence du calomniateur (quatre vingt coups). Il a déduit
cette sentence en se basant sur une règle d’Ousoûl al fiqh sans savoir
que ça en était une.

Exemple 2 :
‘Abd Allâh Ibn Mas‘oûd (t) a dit :
«J’atteste par Dieu ! Que le verset de la sourate an-Nisâ’ as-soughrâ,(1)
a été révélé après le verset de la sourate An-Nisâ’ al koubrâ».
1. La petite sourate des femmes = Sourate le Divorce
2. La grande sourate des femmes3 = Sourate la Vache

3 La grande Sourate des femmes ici est la Sourate Al Baqara et non pas la Sourate
An-Nisâ’, car la première contient plus de règles concernant les femmes.

24
Les fondements du droit musulman

Par cette déclaration, Ibn Mas‘oûd (t) fait appel à deux questions
de Ousoûl al fiqh :
La spécification du général (takhsîs al ‘âmm) et l’abrogation (an-nâ-
sikh wal mansoûkh).
Il n’a pas utilisé ces deux termes, mais en disant ‘après’, il a voulu
dire que les règles de la Sourate At-Talâq avaient spécifié et abrogé
certaines règles de la Sourate 2 : la Vache.
Il a donc fait allusion à deux domaines de ousoûl al fiqh sans utiliser
la terminologie des spécialistes de cette science.
Ceci illustre que déjà les Compagnons, ainsi que leurs Successeurs
(At-Tâbi‘oûn) avaient en tête l’idée de cette science.
Néanmoins, c’est à l’imâm Ach-Châfi‘î qu’est revenu l’honneur de
systématiser et codifier ce que ‘tout le monde savait’.

Exemple 3 :
Le calife ‘Oumar (t), en sa qualité de calife, quand il a désigné le juge
Chourayh (Tâbi‘î) à la magistrature de Koûfa, lui a recommandé ce
qui suit :
« Regarde dans le Livre de Dieu (U). Si tu trouves la réponse, n’in-
terroge personne d’autre. Si tu ne trouves rien, alors suit la Sounna du
Messager de Dieu. Si tu ne trouves pas de réponse dans la Sounna,
alors fait ton propre effort de réflexion (al ijtihâd) : fajtahid bi-ra’yika ».
De même, nous trouvons une indication du calife ‘Oumar (t) au
niveau de la recherche analogique dans sa lettre adressée à toute la
magistrature :
« ... ‫ور‬ ُ ‫س‬
َ ‫األ ُم‬ ِ ِ‫… « » َو َقاي‬wa qâyis al oumoûr… »
Donc, il recommande de recourir à l’analogie.
En somme, les Compagnons (y) ainsi que leurs successeurs se sont
toujours prononcés en se basant sur une règle qui allait devenir l’une
des sources de la règle de droit : al maslaha (le principe de l’intérêt).

25
Les fondements du droit musulman

Ce principe a été initié par le Prophète (r) : « Là où il y a l’intérêt


(de la Oumma), il y a la Loi de Dieu ».
A la condition que cette utilité ou intérêt soit conforme à la Loi de
Dieu (U), bien entendu !
L’élargissement de l’état Musulman a, également, engendré des
situations nouvelles, certaines négatives telle la propagation de l’erreur
dans la langue arabe al-lahnou. Il s’agissait d’erreurs grammaticales qui
risquaient de mener à des déviations dans la transmission du Coran et
de la Sounna. Alors, le besoin s’est imposé de protéger les Textes de la
Loi, et la codification des règles a contribué à cette protection.
Ces erreurs ont engendré de la confusion dans les avis, de mau-
vaises interprétations et même des tentatives de sectes pour justifier
leur doctrine.
Allâh (U) a confirmé Sa protection des Textes à travers des hommes
et des femmes qui ont fait des efforts inimaginables pour les défendre :
par la mémorisation, l’assemblage par écrit et la codification.
La codification allait protéger les Textes contre les mauvaises inter-
prétations, et aussi contre ce qu’on appelle en arabe ad-dakhîlou, un
‘corps étranger’ qui vient s’implanter dans un endroit qui n’est pas le
sien. Cette image pour qualifier un individu qui n’est ni compétent ni
qualifié, mais qui veut s’imposer comme tel.
Ibn Khaldoûn, dans sa « Mouqaddima » , a dit : 4

« Le premier à avoir rédigé un ouvrage complet et bien structuré dans


cette science fut Imâm Ach-Châfi‘i dans son ouvrage « Ar-Risâla ». Il
a abordé, dans cet ouvrage, des sujets tels que : l’ordre et la négation,
l’abrogation, la ‘illa (la cause), son importance et ses différentes caté-
gories, l’analogie. Puis lui a succédé les Hanafites qui ont également
rédigé en Ousoûl Al Fiqh. Ils ont analysé avec détails toutes ces règles
et ont élargi le débat ».

4 Edition arabe, page 455. Cet ouvrage a été traduit en français par Vincent
Monteil.

26
Les fondements du droit musulman

Dans un autre passage, il a dit : « Sachez que l’attribution de la


science de Ousoûl al fiqh à Ach-Châfi‘î est semblable à l’attribution de
la logique à Aristote ( ). Il est aussi similaire à l’attribution de la science
5

de la métrique ( ) (règle de la poésie) à Al-Khalîl Ibn Ahmad. Car


6

les gens avant lui argumentaient leur discours juridique en se basant


sur leur nature (al fitra). Cette fitra, qui n’était pas encore souillée, les
aidait à comprendre et leurs permettait de saisir le sens du Discours
divin sans se référer à des règles. Cependant il y avait une imprécision
si cette nature ne s’appuyait pas sur un code global. C’est la démarche
accomplit par Aristote auparavant aussi qui, après retraite, a mis sur
pieds un code permettant aux gens de justifier leur argumentation. Al
Khalîl Ibn Ahmad a fait de même pour la métrique (‘ilm al ‘aroûd).
L’imâm Ach-Châfi‘î a mis sur pieds un code auquel doivent se réfé-
rer tous les gens pour cerner les indications de la Loi et pour justifier
certaines oppositions entre les textes ou les arguments… » (Même
référence).
Az-Zarkachî (745-794H), dans son livre intitulé « Ousoûl Al
Fiqh », Chapitre ‘L’imâm Ach-Châfi‘î’, le premier à avoir écrit dans
la science de Ousoûl al fiqh, dit : « Il a rédigé Ar-Risâla, Ahkâm Al
Qour’ân, et le livre Ikhtilâfou Al Hadîth wa Ibtâlou Al Istihsân’( ). Il a 7

aussi écrit ‘Jimâ‘ou Al ‘ilm… »


Imâm Al-Haramayn Al-Jouwaynî (1028-1086 JC/419-478 H) a
dit dans son commentaire de Ar-Risâla de Ach-Châfi‘î : « Personne
n’a devancé Ach-Châfi‘î dans la rédaction d’un ouvrage traitant de
Ousoûl al fiqh. Nous avons regardé dans les œuvres de nos prédé-
cesseurs, parmi les Tâbi‘în et leurs successeurs, et on n’a pas trouvé de
traces de livres de Ousoûl al fiqh… »

5 Aristote est appelé ‫ َأ ِر ْس ُطو‬ou ‫يس‬ َ ‫ َأ ِر ْس ُط‬en arabe.


ْ ِ‫وطال‬
6 La métrique (règles de poésie, prosodie) est appelée ‫وض‬ ُ ‫الع ُر‬
َ en arabe. Il y a 16
règles (bahr) dans la poésie arabe.
7 L’imâm Ach-Châfi‘î était un grand opposant de « l’appréciation de l’érudit : al
istihsân».

27
Les fondements du droit musulman

Conclusion
Après analyse, on constate que l’Imâm Ach-Châfi‘î a été le premier à
avoir codifié cette science, et ce qui l’y a poussé, c’est la propagation de
la controverse et des querelles juridiques (al jidâl).
Au lieu de se prononcer avec leurs arguments de manière posée, les
gens à son époque, prétendaient tous avoir raison. Ces disputes non
fondées ont fait craindre à l’imâm Ach-Châfi‘î le pire et pour protéger
les Textes, il prit la décision d’écrire cet ouvrage.
Les querelles se sont multipliées au sujet de :
- la relation de la Sounna avec le Coran,
- la valeur de l’avis du Compagnon,
- l’analogie et le domaine de son utilisation,
- les significations des termes et des particules, tel que : les débats sur
le terme ‘associé’ et leurs incidences sur les règles juridiques.
Après l’imâm Ach-Châfi‘î, les écrits vont se multiplier et vont naître
des courants de Ousoûl al fiqh (des écoles ou des tendances).

Les tendances d’ousoûl al fiqh


Il existe deux grandes tendances (écoles) : les deux principaux cou-
rants et un courant intermédiaire.
- La tendance des Ach-Châfi‘iyya
- L’école Hanafite (Tarîqatou Al-Ahnâf)
- Un courant intermédiaire

A : la méthode Ach-Châfi‘iyya
On appelle aussi cette école, surnommé le courant des Théologiens
ُ
scolastiques (Tarîqatou Al-Moutakalimîn), Al Ousoûliyyah (‫)األ ُصولِ َّي ُة‬.

28
Les fondements du droit musulman

Méthodologie :
La tendance se réfère à la méthode de l’imâm Ach-Châfi‘î au niveau
de cette science, ceci comme suit :
Il convient de se référer aux sources de la Loi et à partir de ces
sources, d’élaborer des règles de base (appuyées sur des arguments) qui
vont, à leur tour, servir aux juristes pour déduire des règles secondaires ;
d’élaborer ou de systématiser des règles de base en s’appuyant sur des
arguments :
َ ِ‫الع َّام ِة ُمؤَ َّيدَ ٌة ب‬
‫األ ِد َّل ِة‬ ِ ‫َتق ِْعيدُ ال َق َو‬
َ ُ‫اعد‬
Donc, il s’agit d’extraire des règles de base à partir des sources, sur
l’appui d’arguments. Il faut que ces règles de base, déduites des sources,
soient argumentées, appuyées par des preuves.
C’est une tendance qui ne tient pas compte du Droit. Elle s’intéresse
avant tout à déduire des règles de base, appliquées dans le domaine du
Droit. Ils ne tiennent pas compte des avis de leur école juridique ni
de l’avis de leur Imâm. L’avis de l’Imâm sera examiné à la lumière de
ces règles. Si l’avis tient, il sera gardé et s’il ne tient pas, il sera rejeté.
Cette tendance donne la priorité à la règle de base sur la règle
secondaire.
Ousoûl Al Fiqh : règles de base qui doivent être appuyées par des
preuves (Coran, Sounna).
Fiqh : Le Fiqh dépend d’Ousoûl Al Fiqh. Les avis doivent toujours
être appuyés par des règles de base.
Ce sont les règles qui sont juge et qui décident si un avis est bon
ou mauvais. Si une règle secondaire n’est pas appuyée par une règle de
base, elle sera rejetée.
Cette école s’intéresse avant tout à l’aspect théorique et cette théo-
rie est argumentée.
Ce courant est formé essentiellement des Mâlikites et Châfi‘ites.
Les Hanbalites suivent cette méthode car ils n’ont pas un courant de
Ousoûl Al Fiqh très fort. Il n’y a pas vraiment d’ouvrages en Ousoûl Al

29
Les fondements du droit musulman

Fiqh Hanbalite. Les Mou’tazilites scolastiques figure également dans


ce courant. Il s’agit donc de la Majorité.

- Ouvrages de référence de la tendance Chafi‘îte


* Le premier à avoir écrit un ouvrage important de Ousoûl Al Fiqh
fut le Qâdî ‘Abd Al-Jabbâr, le Mou‘tazilite, intitulé Al-‘Oumda
(‫)الع ْمدَ ُة‬
ُ 8.
* Cet ouvrage a été commenté par Aboû Al-Hasan Ibn ‘Alî Ibn
At-Tayyib, le Mou‘tazilite, mort en 436H, dans son ouvrage inti-
tulé Al-Mou‘tamad ( ُ‫ )ا ُمل ْعت ََمد‬.
9

ُ ‫)الب َه‬
* Puis, il y a eu le livre Al-Bourhân (‫ان‬ ُْ
10
de l’imâm Al-Jouwayinî,
surnommé Imâm Al-Haramayn, mort en 478H.
* Puis, il y eut le livre Al-Moustasfâ (‫)ا ُمل ْستَص َفى‬11 d’Aboû Hâmid
Al-Ghazâlî (M : 505H).
Ces quatre ouvrages sont les références de base (les piliers) de cette
tendance et même de toutes les tendances de Ousoûl Al Fiqh.
* Après cette génération, vint Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî, mort en 606H,
qui a résumé ces quatre ouvrages dans son livre intitulé Al Mahsoûl.
* Il sera suivi par Sirâjou Ad-Dîn Al-Armawî qui va résumer le livre
de Ar-Râzî, dans son ouvrage intitulé At-Tahsîl.
* Après, on retrouvera Tâj Ad-Dîn Al-Armawî qui va lui aussi résu-
mer le livre Al-Mahsôul, et l’intituler Al-Hâsil.
* Ils seront suivis par l’imâm Al-Qarâfî (mort : 684H) qui rédigera
At-Tanqîhât. Cet ouvrage est la somme des livres Al Hâsil et
At-Tahsîl. Il va en faire une introduction à son fameux ouvrage de
Fiqh Malikite : Adh-Dhakhîratou.

8 Al ‘Oumda : support, appui, pilier, soutien, refuge


9 Al Mou‘tamad : Celui sur qui on s’appuie. Celui qui est pris en considération.
10 Al Bourhân : La preuve évidente.
11 Al Moustasfâ : La meilleure chose extraite. Les meilleures connaissances choisies.

30
Les fondements du droit musulman

* Puis il y a le Qâdî ‘Abd Allâh Al-Baydâwî (mort : 685H) qui va


produire Al-Minhâj, un résumé de Al-Mahsôul, Al-Hâsil et
At-Tahsîl.
* A leur suite, l’Imâm Ibn Al-Hâjib avec son ouvrage Mountahâ
as-Sou’l wal Amal fî ‘ilmay Al Ousoûli wal Jadal. 12

Remarque :
Cet ouvrage d’Ibn Al Hâjib est un résumé de l’ouvrage de Sayfou
Ad-Dîn Al-Âmidî (Mort : 631H), qui a écrit l’un des premiers
ouvrages de Ousoûl, Al-Ihkâm fî Ousôul Al-Ahkâm. (Il date de la
même époque que Ar-Râzi).
L’imâm Ibn Al-Hâjib va résumer son propre ouvrage dans le livre
Moukhtasar Al-Mountahâ.
Puis, tous les écrits qui viendront après ces ouvrages de référence
seront des commentaires ou des résumés.
Le meilleur résumé de l’ouvrage d’Ibn Hâjib est le livre de ‘Adoud
Ad-Dîn (Mort : 756H), intitulé Ach-Charh ‘alâ Al-Moukhtasar (le
commentaire sur Al-Moukhtasar).

Note :
La relation entre les différents ouvrages est illustrée dans la page
suivante.

12 Dernière source pour les sciences de Ousoûl et de la Controverse.

31
Al-‘Oumdatou (ُ‫)اﻟﻌُﻣْدَة‬

Qâdhi ‘Abd Al-Jabbâr


‫اﻟﻘَﺎضِ◌ِي ﻋَﺑد اﻟﺟَﺑﱠﺎر‬ Al-Mahsôul (ُ‫)اﻟﻣَﺣْﺻُول‬
Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzi
‫( ﻓَﺧْر اﻟدﱢﯾن اﻟرﱠازِي‬606H)
Al-Minhâj (ُ‫)اﻟﻣِﻧْﮭَﺎج‬
‘Abd Allah Al-Baydhâwî
Al-Mou’tamad (ُ‫)اﻟﻣُﻌْﺗَﻣَد‬
‫( ﻋَﺒﺪ ﷲ اﻟﺒَﯿﻀَﺎوِي‬685H)
Abou Al-Hassan Ibn ‘Alî Ibn At-Tayyib
‫( اﺑو ﺣﺳن ﺑن ﻋﻠﻲ ﺑن اﻟطﱠﯾﱢب‬436H)
At-Tahsîl (ُ‫)اﻟﺗﱠﺣْﺻِﯾل‬
Sirâjou Ad-Dîn Al-Armawî
Al-Bourhân (ُ‫)اﻟﺑُرْھَﺎن‬ ‫اﻟﺳﱢرَاجُ اﻟدﱢﯾن اﻷَرْﻣَوِي‬
Imâm Al-Jouwayni Al-Haramayn At-Tanqihât (ُ‫تﱠ◌ِﻧْﻘِﯾﺣَﺎت‬
) ‫اﻟ‬
‫( اﻹﻣﺎم اﻟﺟُوَﯾﻧﻲ‬478H) Al-Qarafî
Al-Hâsil (‫)اﻟﺣَﺎﺻِل‬ ‫( اﻟﻘَرَاﻓِﻲ‬684H)
Tâj Ad-Dîn Al-Armawî
Al-Moustasfâ (‫) اﻟﻣُﺳْﺗَﺻﻔَﻰ‬ ‫تَ◌َاجُ اﻟدﱢﯾن اﻷَرْﻣَوِي‬
Abou Hâmid Al-Ghazâlî
‫( أﺑو ﺣَﺎﻣد اﻟﻐزَاﻟﻲ‬505H)

Al-Ihkâm fî Ousoûli Al-Ahkâm Mountahâ As-Sou’l wa Al-Amal fî ‘ilmay Al-Ousoûli wa Al-Jadal

(‫) اﻹﺣﻛﺎم ﻓﻲ أُﺻول اﻷﺣﻛﺎم‬ (‫) ﻣُﻨْﺘَﮭَﻰ اﻟﺴﱡﺆْل وَ اﻷَﻣَﻞُ ﻓِﻲ ﻋِﻠْﻤَﻲْ اﻷُﺻُﻮلِ وَ اﻟﺠَﺪَل‬
Sayfou Ad-Dîn Al-Âmidî Imâm Ibn Hâjib
Références de base (631H)
‫ﺳَﯾفُ اﻟدﱢﯾن اﻵﻣِدِي‬ ‫اﺑﻦ اﻟﺤَﺎﺟِﺐ‬

Moukhtasarou Al-Mountahâ

(‫) ﻣُﺧْﺗَﺻَرُ اﻟﻣُﻧْﺗَﮭَﻰ‬


Imâm Ibn Hâjib
‫اﺑن اﻟﺣَﺎﺟِب‬

Ach-Charhou ‘alâ Al-Moukhtasar

(ِ‫)اﻟﺷﱠرْحُ ﻋَﻠَﻰ اﻟﻣُﺧْﺗَﺻَر‬


‘Adhoudou Ad-Dîn
(756H)
‫ﻋَﺿُدُ اﻟدﱢﯾن‬
Les fondements du droit musulman

B : La méthode des Hanafites


On appelle également cette tendance Tarîqatou Al-Ahnâf.

Méthodologie :
La méthode des Hanafites consiste à élaborer les règles de Ousoûl
Al Fiqh en partant des ijtihadât de leurs imâms (ou de leurs érudits).
La science de Ousoûl Al Fiqh a été mise au service du Fiqh de leur
école (du droit), pour le justifier et pour l’argumenter. Les questions
secondaires pratiques jouent le rôle de base et non le contraire : « Al
fourôu’ou asloun, fahiya hâkimatoun wa laysa al ‘aksou ».
Dans la première tendance, nous avons vu que les règles de base
sont maîtresses. Dans cette tendance, c’est le Droit (le fiqh) qui va
déterminer les règles de base et en être la source. C’est donc Al Fiqh
qui est la référence.

Ouvrages de référence de la tendance Hanafîte :


- Kitâb Al-Ousôul de Abou Bakr Ibn Ahmad Ibn ‘Alî, connu sous le
nom d’Al Jassâs (Mort : 370H).
* Al-Ousôul, de l’imâm Al Karkhî (Mort : 340H).
* Taqwîmou al adilla, de l’imâm Ad-Dabbôusî (Mort en 430H).
* Kanzou al wousoûl ilâ ma‘rifati ‘ilmi Al-Ousoûl, de l’imâm
Al-Bazdawî (Mort en 482H).

C : Un courant intermédiaire
Le troisième courant est un courant intermédiaire qui se situe entre
la tendance Châfi‘iya et Hanafite, et dont les ouvrages combinent les
deux tendances.

Méthodologie :
Ils cherchent les règles de base du droit et les justifient par les règles
secondaires existantes à travers une application. Il y a une recherche

33
Les fondements du droit musulman

via les Sources, les Textes, mais en même temps, il y a une justification
via les règles secondaires.
Cette tendance est principalement représentée par des Hanafites
postérieurs. En fait, ces Hanafites reconnurent que la démarche
Châfi‘ite était plus authentique, mais sans pour autant renier ou négli-
ger leur patrimoine juridique.

Ouvrages de référence
* Le livre de Ibn As-Sâ’âtî (Hanafite, mort en 694H), Badî‘ou
an-nizâmi al-Jâmi‘i bayna kitâbay Al-Bazdawî wa Al-Ihkâm lil
Âmidî
* As-Souboukî (Châfi‘îte, mort en 771H), Jam‘ al-Jawâmi‘
* Le livre d’Al-Hasan Ibn Châh Al-Finnârî (Mort en 886H).

Quelques références simplifiées pour l’étude de cette science


- Mouhammad Ma‘rôuf Ad-Dawâlîbî, Al Madkhal ilâ ‘ilm Ousoûl
Al Fiqh
ّ - ‫املَدْ َخ ُل إِىل ِع ْل ِم ُأ ُصول الفقه‬
‫حممد َم ْع ُروف الدَّ َوالِيبِي‬
- Cheykh Mouhammad Aboû Zahra, Ousoûl Al Fiqh
ّ - ‫ُأ ُصول الفقه‬
‫حممد أبو َز ْه َرة‬
- Cheykh ‘Abd Ar-Rahmân Al Mahallâwî, Tashîl Al-Wousoûl ilâ
‘ilmi Al-Ousoûl
ُ
‫ال ِوي‬ َّ ‫ َع ْبد‬- ‫ول إىل ِع ْل ِم األ ُصول‬
َّ ‫الر ْحَان املَ َح‬ ِ ‫الو ُص‬
ُ ‫يل‬ُ ‫َت ِس ِه‬
- Ousoûl al Fiqh al islâmî : Wahba Az-Zouhaylî
- Al Wajîz fî Ousoûl Al Fiqh : Abd Al Karîm Zaydân.

34
Les fondements du droit musulman

LES SOURCES DE
LA RÈGLE DE DROIT
ISLAMIQUE
Masâdir at-tachrî‘
al adillah ach-char‘iyya

LE SAINT CORAN

Introduction

Q uand on aborde le domaine des sources du Droit, on aborde


et la question des arguments sur lesquels elles se reposent et celle
des sources à partir desquelles les règles de Droit sont extraites.
Al Fiqh s’appuie sur la preuve pour se justifier ; la source d’où les
règles sont tirées. Le Coran est donc une source d’où l’on va puiser les
règles légales.
Ces sources qui s’appellent également « Al Masâdir » se réfèrent
toutes à la Révélation (Al-Wahyou : Coran et Sounna).
Al-Wahyou a aussi pour synonyme le terme : an-naqlou.

Ces Sources sont de deux sortes :


* Les sources mères, les Références de base (masâdir asliyyah) : le
Coran et la Sounna

35
Les fondements du droit musulman

* Les sources dépendantes (masâdir taba‘iyyah) : le Consensus et


l’Analogie.
Bien que ces deux dernières sources soient indépendantes et qu’elles
aient leurs propres règles et conditions, elles ont besoin du Coran et de
la Sounna pour les justifier et les argumenter.
Voir : Cheyk Mouhammad Al Hâdî Ibn Al Qâdî (érudit Hanafite
de la Zaytoûna) : sujet intitulé “At-Tachrî‘ al islâmî fî dawrihi al
awwal”.13 La revue Az-Zaytouna - Volume 9, page 23, année 1955.

Définitions
Définition Littérale du terme Qour’ân
Le terme « Qour’ân », dans la langue, est synonyme de lecture (al
qirâ’atou). Cette signification se trouve au sein du saint Coran lui-
même, dans la Parole de Dieu (U) :

( ‫ج َع ُه َو ُق ْر َءا َن ُه َفإِ َذا َق َر ْأ َنا ُه َفا َّتبِ ْع ُق ْر َءا َنه‬


ْ َ ‫) إِ َّن َع َل ْينَا‬
( Son rassemblement (dans ton cœur et sa fixation dans ta mémoire)
Nous incombent, ainsi que la façon de le réciter. Quand donc Nous le
récitons, suis sa récitation. ) (Ste 75 /V.17- 18)
De même, le Coran est appelé Fourqân. C’est une parole qui fait la
différence entre la vérité et le mensonge. Il est Le Discernement.
Dieu (U) dit : ( Qu’on exalte la Bénédiction de Celui qui a fait
descendre le Livre de Discernement sur Son serviteur, afin qu’il soit un
avertisseur à l’univers. ) (Ste 25/V.1)
Dans la lecture d’Ibn Kathîr, le Coran se lit aussi Qourân, issu du
verbe qarana qui signifie : grouper.

13 La législation musulmane dans sa première étape de codification.

36
Les fondements du droit musulman

Ainsi, le Coran est un livre dont les mots sont groupés et consti-
tue un ensemble de textes à lire. (Réf. voir Az-Zourqânî, Manâhil al ‘irfân fî
‘ouloûm al Qour’ân, tome 1 ; page 14)

Définition Conventionnelle du terme Qour’ân


Il y a une définition commune entre les Ahl al Ousoûl, les Théologiens
et les Juristes.

Définition de base :
« C’est la Parole de Dieu descendue sur le Prophète (r), qui débute par
la sourate Al-Fâtiha (L’Ouverture), et se termine par la sourate An-Nâs
(Les Gens) ; elle nous a été transmise par la voie du tawâtour, généra-
tion après génération - par écrit et par voie orale - sans modification
ni changement, et qu’Allâh (U) a pris l’engagement de préserver (de
toute modification). Dieu Exalté a dit : ( En vérité, c’est Nous qui avons
fait descendre le Rappel et c’est Nous qui en sommes gardien.) (Ste 15/V.9)
D’autres ont rajouté : «… Et dont la lecture est en soi est un acte
d’adoration.»

Les caractéristiques du Saint Coran


1- Ses termes et ses significations sont d’origine Divine.
2- Le Prophète (r) n’était qu’un transmetteur.
3- Révélé en langue arabe pure et explicite.
4- Son langage et son style sont défiants (mou‘jiz) ; Dieu (U) dit :
( Un Coran [en langue] arabe, dénué de tortuosité, afin qu’ils soient
pieux ! ) (Ste 39/V.28)
5- Sa langue est un mélange de la douceur de la langue des citadins
(raffinement) et de la rigueur de la langue des bédouins.
6- Le miracle de son style (l’aspect ‘musicale’). Sa musique rythmique
n’est pas due à une sorte de métrique poétique. L’effet sonantique
du Texte sur l’auditeur est indéniable.

37
Les fondements du droit musulman

7- Sa langue ne peut pas être traitée d’étrange, dans le sens que tous
les termes du Coran sont connus.
8- Son style est concis et limpide.
9- L’Être dont ce texte émane est un Être Parfait ; c’est le Seigneur
qui a crée l’Univers et dont la science est complète.
10- Son style véhicule des sujets diversifiés (‘aqîda, charî‘a, guidance,
organisation sociale, etc.). Son style est unique et captivant et il a
abordé tous les domaines de la vie. Le saint Coran est une orga-
nisation textuelle qui englobe les mots et les sens dans un style
unique et défiant.

Le caractère miraculeux du style du saint Coran


On entend par al i‘jâz al Qour’ânî, son caractère inimitable (forme et
contenu).
Dans un premier temps, le saint Coran a invité les Arabes (peuple
éloquent et maître du verbe) à faire un traité semblable à celui du
Coran : ( Diront-ils qu’il a inventé ce Coran ? Bien loin de là ! Ce sont
eux-mêmes qui refusent d’y croire. Qu’ils essaient donc à composer une
œuvre semblable, s’ils s’estiment vraiment de bonne foi ! ) (Ste 52/V.33-34)
Les historiens nous ont rapporté qu’il y avait eu un certain nombre
d’hommes de lettres qui ont voulu relever ce défi, mais ils se sont ridi-
culisés par la grande majorité des rhétoriciens. On cite parmi eux :
- Le faux prophète Mousaylima d’al Yamâma. Il a composé de la
prose rimée dans laquelle il a voulu imiter quelques petites sourates
du Coran ;
- Ja‘d Ibn Dihâm exécuté en 105H/732JC. Il a essayé de surpasser le
Texte révélé de point de vue artistique ;
- Bachchar Ibn Bourd (le poète). (Mort : 166H/783JC), a tenté de
surpasser la sourate le Rassemblement (al Hachr) ;
- Ibn Ar-Râwandî (Mort : 250H ou 297H/912JC), célèbre pour ses
attaques contre le Coran et le Prophète (r) ;

38
Les fondements du droit musulman

- Al Hillî (m : 449H/1057JC) a fait des essaies en la matière ;


- Mouhammad ‘Alî (fondateur de la secte al Bahâ’iyya) a composé un
ouvrage intitulé « al bayân », destiné à compléter sinon à remplacer
le Coran….
La suprématie du Coran réside dans ses phrases (versets), ses sens
et ses règles. L’accord entre ses théories et celles découvertes par la
science.
La parfaite éloquence de ses phrases qui a surpris et laissée per-
plexes les grands poètes, lexicographes et les connaisseurs de la langue
arabe dans sa pureté extrême.
Tous les procédés linguistiques y sont réunis : la métaphore sous ses
différentes formes (al majâz), l’allégorie (al isti‘ârah), la comparaison
(at-tachbîh), la périphrase imagée (al kinâyah), les récits (al qasas), les
exemples (al amthâl), les serments (al qasam)….
Le débat sur l’inimitabilité du Coran a abouti à l’affirmation qu’il
n’existe pas un mot dans le saint Coran qui n’occupe pas la place qui
lui convient par excellence.
Dr Drâz a dit dans son ouvrage « Initiation au Coran » : « Les syl-
labes sont disposées dans un rythme plus harmonieux que la prose,
moins rigoureux que la poésie, assez varié pour soutenir l’admiration
de l’auditeur, mais assez homogène pour ne pas briser l’ambiance géné-
rale de chaque chapitre. »

La descente fragmentée du saint Coran et sa relation


avec Ousoûl al Fiqh (nouzoûlouhou mounajjaman)
Sa descente est fragmentée et étalée dans le temps.
La descente fragmentée du Coran renferme beaucoup de sagesse.
Ce qui nous interpelle en la matière, c’est la relation qui existe entre la
descente fragmentée et les questions nouvelles qui se sont posées à la
communauté et auxquelles la Révélation a apporté des réponses.

39
Les fondements du droit musulman

Il est clair que ces événements n’ont pas eu lieu en un seul moment,
mais en différentes circonstances.
Grâce à la descente fragmentée du Coran, les érudits ont pu
connaître l’abrogeant et l’abrogé (an-nâsikh wal mansoûkh).
Le but de cette descente fragmentée et de l’abrogation, c’est la gra-
dation dans la promulgation de lois.

Les règles issues


du saint Coran et leur exposé
Le Coran a un style spécial dans son énoncé et sa formulation des
règles légales :
Nous devons savoir, avant tout, que les règles au sein du saint Coran
sont de trois sortes :
1- Les règles traitant des questions dogmatiques :
Ahkâmoun i‘tiqâdiyyah
2- Les règles traitant des questions morales et éthiques :
Ahkâmoun khoulouqiyyah
3- Les règles traitant des relations sociales et pratiques :
Ahkâmoun ‘amaliyyah

Détails
1. Les règles traitant des questions dogmatiques
Ahkâmoun i‘tiqâdiyyah
Ce sont des règles qui s’intéressent à l’aspect dogmatique ; des
règles qui précisent ce que la personne responsable (al-moukallaf) doit
acquérir en fait de conviction au sujet des fondements de la foi (en
Dieu, en Ses Anges, en Ses Livres, etc.)
2- Les règles traitant des questions morales et éthiques :
Ahkâmoun khoulouqiyyah

40
Les fondements du droit musulman

Ce sont des règles qui vont définir les vertus morales qui doivent
qualifier le comportement du moukallaf.
3- Les règles traitant des relations sociales et pratiques :
Ahkâmoun ‘amaliyyah
Ce sont des règles pratiques qui s’intéressent aux différents types
de comportement sociaux, aux paroles, aux transactions commerciales
conclues et aux relations conduites par al moukallaf autant vis-à-vis de
sa propre personne que vis-à-vis d’autrui.
Cet ensemble est ce qu’on appelle « Fiqh Al Qour’ân ». C’est l’en-
semble des règles qui concerne la science de Ousoûl al fiqh.
Cet ensemble de Ahkâm ‘amaliyyah se subdivise en deux.

A. Les règles cultuelles : Ahkâmou al ‘ibâdât


Ces règles ont pour but de réglementer et de régir la relation du ser-
viteur avec son Seigneur (U) par la prière, la Zakât, le jeûne, le pèleri-
nage, les serments, les expiations, les vœux, etc.

B. Les règles des pratiques sociales : Ahkâm al mou‘âmalât


Cette catégorie regroupe tout ce qui traite des contrats (de vente, d’as-
sociation), des échanges, des peines légales, etc. Ces règles visent à
réglementer les relations entre des individus ou des groupes.

Introduction
Les versets qui traitent des règles pratiques sont connus par les spécia-
listes sous le nom de « versets à dispositions légales ou juridiques » (Âyât
al ahkâm).
Certains érudits, anciens et contemporains, ont réservé des ouvrages
indépendants à ces versets, parmi lesquelles on retrouve :
- L’imâm Aboû Bakr Ar-Râzi Al-Hanafî, connu sous le nom de
Al-Jassâs (Mort en 370H) : Ahkâm Al-Qour’ân.
- L’imâm Ach-Châfi‘î (Mort en 204H) : Ahkâm Al-Qour’ân.

41
Les fondements du droit musulman

- L’imâm Aboû Bakr Ibn Al ‘Arabî Al-Mâlikî (Mort en 543H) :


Ahkâm Al-Qour’ân.
- L’imâm Al-Hâfiz As-Souyoûtî (Mort en 911H) : Al iklîl wa istin-
bât at-tanzîl.
- Cheykh Mouhammad As-Sâboûnî (contemporain) : Âyât al ahkâm.
Note : La connaissance de ces versets est une des conditions pour al
ijtihâd (l’érudition).
Les savants ont toujours divergé au sujet du nombre de ces versets.
Selon la Majorité, il y aurait 500 versets, et selon d’autres, plus de 500.14
- Voir aussi Az-Zarkachî (m : 745-794H), dans Al Bourhân fî ‘ouloûm
al Qour’ân, Tome 2, page 3, qui a commenté la position de ceux qui
avancent un nombre supérieur à 500 versets, en disant : « Il se peut que
ces savants aient voulu inclure dans les versets à dispositions légales
ceux qui traitent des récits ou des paraboles pouvant servir de sources
à la déduction de règles ». (Ibid. pp : 3-4).
L’imâm Ach-Chirbînî, mort en 977H, a contesté dans son ouvrage
« Moughnî Al Mouhtâj », le nombre limité de 500 versets juridique en
disant : « Comme on peut déduire les règles des ordres et des interdits,
on peut également les déduire des récits et des exhortations15 ». (Réf :
Moughnî Al Mouhtâj : tome 4, page 376).
L’imâm Az-Zarkachî a dit : « La connaissance des règles du Coran
s’obtient de deux façons.
A : Ce que le Coran a lui-même spécifié.
Ces règles sont nombreuses ; on les retrouve dans les Sourate Al
Baqarah (Ste 2), An-Nisâ’ (Ste 4), Al Mâ’ida (Ste 5), Al An‘âm (Ste 6).
B : Les règles cernées par la voie de l’induction (al istiqrâ’) et de la
déduction (al istinbât).
Ces règles se subdivisent en deux :
14 Cheykh Y.Al Qaradâwî a détaillé cette question dans son livre : Al Ijtihâd fî
Ach-Charî‘a al Islâmîyya (L’érudition dans la Loi Islamique).
15 Exhortations : ‫اع ُظ‬ِ ‫ املَ َو‬- ‫َم ْو ِع َظ ٌة‬

42
Les fondements du droit musulman

* Règles déduites par induction ou par déduction sans rattachement


(bighayri damîma).

Exemple :
L’imâm Ach-Châfi‘î a déduit la règle de l’interdiction de la masturba-
tion (al istimnâ’) de la sourate 23 /V6-7.
* Règles déduites en rattachant un verset à un autre ou à d’autres (mâ
istounbita bi-damîma).

Exemple :
Le rattachement du verset 15 de la sourate 46 au verset 14 de la sourate
31, a permis à ‘Alî et à Ibn ‘Abbâs (y) de définir la durée minimale
d’une grossesse à six mois.
Le premier verset fixe la durée maximale de l’allaitement à deux
ans (vingt-quatre mois), et l’autre verset indique que la durée de la
grossesse et de l’allaitement sont d’une durée de trente mois. En sous-
trayant la durée de l’allaitement légal de la durée globale, ils ont déduit
qu’une grossesse de six mois était légale. Le conjoint ne peut renier
l’enfant, ni accuser son épouse d’adultère.

Les règles légales issues du saint Coran


Comme il est mentionné plus haut, les règles légales sont de trois
sortes.
1. Les règles traitant des questions dogmatiques :
Ahkâmoun i‘tiqâdiyyah
2. Les règles traitant des questions morales et éthiques :
Ahkâmoun khoulouqiyyah
3. Les règles traitant des relations sociales et pratiques :
Ahkâmoun ‘amaliyyah
1. Les règles traitant des questions dogmatiques :
Ahkâmoun i‘tiqâdiyyah

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Les fondements du droit musulman

Ce sont des règles qui concernent le domaine du dogme ou des


éléments de la foi et ce que nous devons affirmer à Dieu (U). Ces
règles englobent toutes les questions concernant le monde invisible
(les Anges, Le Jour Dernier, etc.), mais aussi concernant la Prophétie
(An-noubouwwa).
2. Les règles traitant des questions morales et éthiques
Ahkâmoun khoulouqiyyah
Ce sont des règles qui définissent l’ensemble des vertus que le ‘res-
ponsable’ (al-moukallaf) doit chercher à acquérir ainsi que les méfaits
et défauts qu’il doit éviter et les règles qui en découlent en fait de
récompense ou de sanction, etc.
3. Les règles traitant des relations sociales et pratiques
Ahkâmoun ‘amaliyyah :
Ce sont des règles juridiques pratiques et elles sont de deux sortes.
A. Ahkâm al ‘ibâdât
Cette catégorie comprend les règles pratiques qui se rapportent au
culte comme la prière, le jeûne, la Zakât, le Hajj, les vœux, les sermons,
etc. C’est l’ensemble des règles qui régissent la relation du croyant (ser-
viteur) avec Son Seigneur.
B. Ahkâm al mou‘âmalât
Ce champ regroupe les règles pratiques qui concernent les contrats
(de vente), les sociétés, les sanctions pénales et les procédures judiciaires
(témoignages). Ce sont toutes les règles qui permettent d’encadrer les
relations entre les croyants (individus ou groupes).
Ces règles des relations sociales se subdivisent en sept :
- Le Droit familial : Ahkâmou al ahwâl ach-chakhsiyyah
Ce sont les règles qui structurent la famille, depuis sa formation
jusqu’à sa dissolution (divorce).
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles tourne
autour de 70 versets.

44
Les fondements du droit musulman

- Le Droit civil : Al ahkâm al madaniyyah


C’est l’ensemble des règles qui régissent les échanges,16 les contrats
de vente, de location, les dettes, les gages, etc.
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles se chiffre
également autour de 70 versets.
- Le Code pénal : Al ahkâm al jinâ’iyyah
Ce sont des règles qui définissent et fixent les peines des crimes et
délits. Le but de ces règles consiste à préserver la vie des gens et leurs
droits ainsi que de définir la relation entre le coupable et la victime et
entre le coupable et la Communauté (oumma).
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles est plus ou
moins de 30 versets.
- Les Procédures civiles et pénales : Ahkâm al mourâfa‘ât wal ijrâ’ât
al madaniyyah wal jinâ’iyyah
C’est l’ensemble des règles qui définissent le fonctionnement de la
justice dans le but d’en faire une réalité à travers la fixation des procé-
dures à suivre en matière de témoignages, de serments17, de sentences,
etc. Ce sont des règles qui définissent la relation du juge avec le justi-
ciable dans le but de réaliser l’équité entre les gens.
Le nombre de ces versets est environ de 13.
- Le Droit constitutionnel : Al ahkâm ad-doustoûriyyah
Ce sont des règles en relation avec le système politique ; elles s’in-
téressent aux relations gouvernants / gouvernés (le mode d’élection, de
choix, de consultation, etc.)
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles se quantifie
à 17.
- Le Droit international : Al ahkâm ad-douwaliyyah

16 َ ‫ ا ُمل َبا َد‬: les échanges


Al moubâdalât – ‫ال ُة‬
17 Le serment est un élément dans la procédure judiciaire en Islam.

45
Les fondements du droit musulman

Ce sont des règles qui définissent la relation de l’état musulman avec


les autres états, mais aussi le statut des non musulmans au sein de l’état
musulman, en état de conflit ou de paix.
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles tourne
autour de 25.
- Règles économiques et financières : Al ahkâm al iqtisâdiyyah wal
mâliyyah
Ce sont des règles qui traitent des affaires économiques et finan-
cières. Ces règles régissent les ressources, les droits et les devoirs des
individus dans leurs relations avec l’état et entre eux (la relation entre
les riches et les pauvres).
Le nombre des versets qui traitent de ce type de règles est environ
de 10.
Note : Voir notre tableau récapitulatif des règles légales issues du saint
Coran.

46
Règles Légales Issues du Coran

Ahkâmoun I’tiqâdiyatoun
ٌ‫أَﺣْﻛَﺎمٌ إِﻋْﺗِﻘَﺎدِﯾﱠﺔ‬
Ahkâmoun Khoulouqiyatoun
ٌ‫أَﺣْﻛَﺎمٌ ﺧُﻠُﻘِﯾﱠﺔ‬
Ahkâmoun ‘Amaliyatoun
ٌ‫أَﺣْﻛَﺎمٌ ﻋَﻣَﻠِﯾﱠﺔ‬

Ahkâm Al-‘Ibâdâti Ahkâm Al-Mou’âmâlati


ِ‫أَﺣْﻛَﺎم اﻟﻌِﺑَﺎدَات‬ ِ‫أَﺣْﻛَﺎم اﻟﻣُﻌَﺎﻣَﻼَت‬

Le droit familial Le droit constitutionnel

Ahkâmou Al-Ahwâli Ach-Chakhŝiyati Aĥkâmou Ad-Doustoûriyati


ِ‫أَﺣْﻛَﺎم اﻷﺣْوَالِ اﻟﺷﱠﺧْﺻِﯾﱠﺔ‬ ِ‫اﻷَ◌َﺣْﻛَﺎم اﻟدﱡﺳْﺗُورِﯾﱠﺔ‬
Le droit civil Le droit international

Ahkâmou Al-Madaniyatou Aĥkâmou Ad-Douwaliyati

ِ‫اﻷَﺣْﻛَﺎم اﻟﻣَدَﻧِﯾﱠﺔ‬ ‫اﻷَ◌َﺣْﻛَﺎم اﻟدﱡوَﻟِﯾﱠﺔﱢ‬


Le code pénal
Règles économiques et financières
Ahkâmou Al-Jinâ-iyatou
Aĥkâmou Al Iqtiŝâdiyati wa Al-Mâliyati
ِ‫اﻷَﺣْﻛَﺎم اﻟﺟِﻧَﺎﺋِﯾﱠﺔ‬
ِ‫اﻷَﺣْﻛَﺎم اﻹِﻗْﺗِﺻَﺎدِﯾﱠﺔِ وَ اﻟﻣَﺎﻟِﯾﱠﺔ‬
Les procédures civiles et pénales
Ahkâmou Al-Mourâfa’âti wa Al-Ijrâ’âti Al-

Madaniyyati wa Al-Jinâ-iyyati
ِ‫أَﺣْﻛَﺎم اﻟﻣُرَاﻓَﻌَﺎتِ وَ اﻹِﺟْرَاءَاتِ اﻟﻣَدَﻧِﯾﱠﺔِ وَ اﻟﺟِﻧَﺎﺋِﯾﱠﺔ‬
Les fondements du droit musulman

Le style du Coran dans l’exposé


des règles légales
Il y a deux éléments d’importance dans l’étude de ce sujet, le style
(ousloûb al Qour’ân) et l’exposé (al bayân al Qour’ânî).
I. Le style : ousloûb al Qour’ân
Il faut rappeler qu’au sein du saint Coran, toutes les règles sont
liées entre elles, quel que soit le sujet. Ainsi aperçoit-on des ques-
tions pratiques juridiques en étroite relation avec des questions d’ordre
dogmatique.
Allâh (U) parle de nourriture licite ou illicite, et en même temps
du Jour Dernier.
Le style utilisé dans l’exposé Coranique est pluriel.
Le Coran est un Livre révélé, défiant et éloquent, il utilise un style
captivant à tout niveau, également dans la formulation des règles, de
façon à garder l’interpellé en haleine, à maintenir éveillé son intérêt
quant à la suite à donner à la lecture d’un ordre de faire quelque chose.
Lorsqu’il s’agit d’un acte à éviter, le style utilisé suscite le rejet et le
dégoût.
L’ordre de faire se formule sous le mode de l’impératif, mais est aussi
accompagné par l’évocation d’une récompense ou par la félicitation de
celui qui s’adonne à l’acte.
Quand Dieu (U) s’adresse à nous pour nous interdire un acte, Il
utilise le mode d’an-nahy (défense de faire). Mais l’interdit peut autant
être formulé par le dénigrement de l’acte décrit comme pervers et impur
ou la réprimande de celui qui s’y adonne, et le risque de châtiment qui
l’accompagne, comme la colère de Dieu (U) ou la damnation, etc.
Quand il s’agit d’un acte permis (halâl ou moubâh), le Coran uti-
lise des termes qui impliquent la licéité (al hilliyya) ou des termes qui
indiquent la permission de faire (al idhn). On trouve aussi des termes

48
Les fondements du droit musulman

qui indiquent l’absence de griefs,( ) nafy al haraj ou nafy al jounâh ; ce


18

qui implique qu’il n’y a ni délit ni sanction.


Le saint Coran utilise le style de la répétition (at-tikrâr) et de
l’insistance (at-ta’kîd). Ainsi, une règle peut être répétée à différents
endroits du Coran dans le but de rappeler (at-tadhkîr) son importance.
Le saint Coran utilise également un style où les règles sont réparties
et dispersées dans l’ensemble du texte coranique.
Les causes de cette dispersion sont :
Le saint Coran n’est pas uniquement un livre de droit. C’est un
Livre de guidance, de spiritualité, d’éthique, d’adoration, de pratiques
cultuelles…
Le saint Coran met en exergue les relations entre les différents
domaines et le droit. Ainsi, les règles pratiques sont en relation avec les
règles d’éthique qui dépendent des règles dogmatiques. Les éléments
de comportement et de foi ne peuvent être dissociés dans l’Islam.
Les savants disent à ce sujet qu’il existe une relation indissociable
entre la foi et le comportement.
Le fait que les règles soient parsemées ainsi dans l’ensemble du
Livre révélé, oblige le lecteur à s’arrêter à chaque instant, et lui en
facilite la compréhension. Cela éloigne de lui le risque de lassitude et
rend plus aisée sa méditation.
II. L’exposé : al bayân
Comment le Coran expose-t-Il les règles ? Va-t-Il donner des
règles détaillées ou plutôt une vision générale ?
L’exposé du Coran est réparti en trois formes :
1. Un exposé des principes généraux (des règles générales) qui vont
être à la base de l’élaboration des règles secondaires.
Rappel des règles (de base) et des principes.

18 Objections, c’est-à-dire qu’Allâh (U) n’en voudra pas à celui qui le fait.

49
Les fondements du droit musulman

On n’y trouve pas de détails sur ce que nous devons faire, unique-
ment une règle de base. Ces principes vont servir à déduire des règles
secondaires et détaillées.

Exemples :
- Dieu (U) ordonne le respect de la règle (de base) de la consultation :
ach-choûrâ (Ste 42/V.38)
- Dieu (U) ordonne l’application du principe de la justice : al ‘adl
(Ste 16/V.90)
2. Un exposé général : bayân ijmâlî
Les règles sont exposées de façon générale et nécessitent qu’on les
détaille.

Exemples :
- L’ordre de s’acquitter de la Zakât.
- L’obligation d’accomplir le Hajj.
- L’obligation de recourir à la sentence pénale (al qisâs).
Nous constatons que ce genre de règles générales nécessite des
détails.
3. Un exposé détaillé : bayân tafsîlî
Cette catégorie représente la plus grande partie des règles dans le
Coran. La plus grande partie des règles juridiques Coraniques sont les
règles du dogme et de la morale tandis que les règles pratiques ont été
citées d’une façon globale dans le Coran et détaillées par le Prophète
(r) à travers sa Sounna. Car une des fonctions du Prophète (r) est de
détailler et d’expliciter les règles pratiques.

50
Les fondements du droit musulman

La prise en considération
de l’argumentation coranique

Houjjiyat al Qour’ân
Le Coran est une source d’argumentation légale, une preuve légale
sujette d’unanimité.
Ses règles sont de stricte observance. Tout fidèle doit s’y soumettre
car Il est la Parole de Dieu, transmise par la voie d’at-tawâtour, qui lève
toute sorte de doute et de remise en cause.
La preuve qu’Il est d’origine Divine, c’est qu’Il a défié tous les
Hommes (pas uniquement les Arabes).
L’unanimité s’est faite autour du Coran, et sur le fait qu’on ne peut
recourir à une autre source sans avoir regardé (et épuisé) dans le Coran.

L’indication Coranique des règles juridiques


Dalâlat al Qour’ân
Tout le saint Coran est d’origine sûre et certaine (qat‘i ath-thouboût ou
al wouroûd)
Nous pouvons affirmer sans ambiguïté que le saint Coran que nous
récitons est le même transmis par le prophète Mouhammad (r). Il n’y
a pas eu d’altérations ni de modifications.
La question qui se pose est, uniquement, au niveau de son indica-
tion : (dalâlatouhou).
Cette indication est de deux sortes :
1. L’évident : Indication sûre et certaine (indiscutable), évidente
(qat‘iyya).

51
Les fondements du droit musulman

2. Le probant   : Indication probante qui peut suggérer de multiples


19

significations (zanniyya).

Détails :
1. L’évident : al qat‘iy
Il s’agit des règles qui ne peuvent supposer qu’un seul et unique sens
telles que les règles concernant le nombre de divorce, les femmes inter-
dites au mariage (al mahârim), les peines légales, les successions, etc.

Exemple :
Les règles légales concernant les successions (partage des héritages),
les peines légales (al houdoûd), expiations (al kaffârât)…

Illustration :
Dieu (U) dit : ( La fornicatrice et le fornicateur, fouettez-les chacun de
cent coups de fouet… ) (Ste 24/V.2)
Ici, le nombre « cent coups » ne peut signifier autre chose que ce
qu’il indique du point de vue numérique. Le sens est évident, il ne
nécessite aucune explication supplémentaire, ni aucune interprétation.
Dieu (U) dit aussi : ( …au fils, une part équivalente à celle de deux
filles… ) (Ste 4/V.11)
Ce verset indique la part de l’héritage pour le garçon et pour la fille
de manière claire.
2. Le probant : az-zannî
C’est celui qui suppose plus d’une interprétation. Soit, c’est un terme
qui suppose plusieurs sens (a), soit un terme qui peut suggérer un autre
sens (b).

Exemples :
- Le terme « qour’ » suggère deux sens (Voir Ste 2/ V.228) :

19 َّ signifie ‘le probant’ et pas ‘le doute’.


‫الظن ُِّّي‬

52
Les fondements du droit musulman

a. al hayd (le cycle menstruel) ; c’est le sens du verset.


b. at-touhr (la purification cyclique de la femme).
Le terme qour’ est un terme associé (lafz mouchtarak). Il suppose
deux sens. Donc il ne possède pas un sens unique.
- Le terme « al maytah » (le cadavre) cité dans Ste 5/V.3, à première
vue, suppose l’interdiction de toute sorte de bête morte. Cependant,
il existe des cadavres licites à la consommation, à l’exemple du pois-
son ; c’est un cadavre, mais il est halâl, et les sauterelles également
sont permises, car elles font partie de cette catégorie.
Donc, ce terme a nécessité une explication pour exclure certaines
bêtes mortes. En vérité, il ne vise que le bétail ; c’est le cadavre de
ceux-ci qui n’est pas licite à la consommation.
Puisqu’il existe un double sens, il y a nécessité d’une interprétation.
Ce terme à double sens requiert plus de détail (par l’érudit).

53
Les fondements du droit musulman

L’ABROGEANT
ET L’ABROGÉ
An-nâsikh wal mansoûkh

Définitions
Définition littérale du terme an-naskh
Ce terme a pour synonyme en langue arabe : al izâla, l’acte d’effacer ou
de déplacer et ar-raf‘ou, celui de lever quelque chose (la levée).

Illustration :
On dit en arabe : nasakhat ach-chamsou az-zilla : le soleil a effacé
l’ombre. Nasakhat ar-rîhou al athara : le vent a effacé les traces.
On utilise ce terme également comme synonyme de an-naqlou,
copier, reproduire.

Exemple :
On dit en arabe :
Nasakhtou al kitâba : j’ai recopié le livre.
*********
Dans le saint Coran, ce terme a été utilisé pour trois significations (deux
des sens linguistique précités et un sens selon la terminologie juridique).

A. Sens linguistiques
- al izâlatou, ar-raf‘ou = effacer, lever.
Dieu (U) dit : ( …Allâh efface ce que le Diable suggère… fayan-
sakhou Allâhou mâ youlqî ach-chaytânou…) (Ste 22/V.52)

54
Les fondements du droit musulman

- an-naqlou = copier, reproduire.


Dieu (U) dit : ( Voilà notre Livre. Il parle de vous en toute vérité
car Nous enregistrions [tout] ce que vous faisiez, hâdhâ kitâbounâ yan-
tiqou ‘alaykoum bil-haqqi innâ kounnâ nastansikhou mâ kountoum
ta‘maloûn. ) (Ste 45/V.29)
Voir aussi sourate 7/V.154.
Dieu (U) dit : ( Et quand la colère de Moïse se fût calmée, il prit
les tablettes. Il y avait dans leur texte guide et miséricorde à l’intention
de ceux qui craignent leur Seigneur, wa lammâ sakata ‘an Moûsâ al
ghadaba akhadha al alwâha wa f î nouskhatihâ houdan wa rahmatan
lilladhîna houm li-rabbihim yarhaboûn. )

B. Sens légal
A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( Si Nous abrogeons un verset
quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meil-
leur ou un semblable, mâ nansakh min âyatin aw nounsihâ na’ti bikhay-
rin minhâ aw mithlihâ… ) (Ste 2/V.106)
Il s’agit de la levée légale (l’abrogation) d’une sentence par un nou-
veau texte légal.

Définition Conventionnelle du terme an-naskh


Définition en poésie
Le cheykh Mouhammad Al Amîn Ach-Chinqîtî a dit dans son com-
mentaire sur Marâqî As-Sa‘oûd :

‫الز َم ِن‬
َّ ‫ان‬ ُ ‫ل ْك ٍم َأ ْو َب َي‬
ُ ِ ‫َر ْف ٌع‬
َ ِ ‫الق ِر َء‬ ُ ‫بِ ُم ْح َك ِم‬
ُّ ِ‫ان أ ْو ب‬
‫السن َِن‬
Traduction :
La levée d’une règle ou la définition du temps
(de la descente d’une règle) ;

55
Les fondements du droit musulman

Par le Coran explicite ou par la Sounna.

Note :
L’abrogation se fait par le Coran ou par la Sounna. Le Consensus ne
peut pas abroger !

Définition
An-naskh (l’abrogation), c’est le fait de lever, par la suppression, une
règle légale confirmée par un texte antérieur. Cette suppression va se
faire a posteriori, par un texte postérieur survenu après un laps de
temps ( ) (assez) important.
20

Note : La différence entre l’abrogation (an-naskh) et la spécification


(at-takhsîs) :

Spécification Abrogation
ُ‫اﻟﺗﱠﺧْﺻِﯾص‬ ُ‫اﻟﻧﱠﺳْﺦ‬

Tout de suite Après un laps de temps : ‫اﻟﺘﱠﺮَاﺧِﻲﱡ‬

1 ‫ﺧِطَﺎب‬ 2 ‫ﺧِطَﺎب‬ 1 ‫ﺧِطَﺎب‬ 2 ‫ﺧِطَﺎب‬


t t

La deuxième règle vient tout de suite La deuxième règle vient après un laps de temps
après la première règle. qui permet aux gens de mettre en pratique
la première règle.

20 Laps de temps permettant la mise en application de la règle (pour un certain


temps) : at-tarâkhî.

56
Les fondements du droit musulman

Qu’est-ce que l’abrogation (An-naskh) ?


L’abrogation n’implique pas forcement la substitution. La levée peut
être définitive et sans substitution.
Allâh (U) met ainsi fin à une règle sans la remplacer. La règle dis-
paraît quand son utilité n’est plus, selon la Science d’Allâh (U).
1. Abrogation sans substitution, naskh bilâ badal
L’abrogation doit survenir sur le même sujet.

Exemple :
L’abrogation de la direction de la Qibla d’Al-Qouds vers Al-Ka‘ba
(Makka). L’abrogeant et l’abrogé traitent de la même question : la
Qibla.
2. L’abrogation peut se faire par un nouveau discours (texte), naskh
bi-khitâb jadîd
Une règle est levée et substituée par une nouvelle règle. L’abrogation
va engendrer une nouvelle règle.

Exemple :
Allâh (U) a indiqué que lors du partage d’un héritage, il faut laisser un
testament pour les héritiers. Ensuite, le Prophète (r) l’a abrogé par le
hadîth suivant : « Dieu a accordé à chacun la part qui lui revient de
droit, dès lors, il n’y a plus de testament pour un héritier ». (Rapporté
par Aboû Dâwoûd)
Nous constatons que le sujet est le même : la succession (l’héri-
tage) ; il y a une levée de la première règle qui a été substituée par une
autre règle (un nouveau texte).

57
Les fondements du droit musulman

Les différents
types d’abrogation
1. L’abrogation qui intervient sur le texte uniquement.
La règle demeure d’application, mais le support textuel disparaît.
Donc, l’abrogation peut concerner le texte sans la règle.
Le texte va être levé mais pas la sentence (al houkm).

Exemple :
L’abrogation du verset concernant la lapidation dont le texte était « Le
vieux et la vieille, s’ils commettent l’adultère, lapidez-les, sanction de la
part de Dieu, et Dieu est Puissant, Sage ».
Ce verset faisait partie de la sourate At-Tawba (Ste 9), mais il
n’existe plus. Dans une autre version rapportée d’après ‘Oumar Ibn
Al-Khattâb, elle faisait partie de la sourate Al-Ahzâb (Ste 33).

2. L’abrogation peut concerner la règle et pas le texte.


C’est le genre d’abrogation le plus fréquent et le plus omniprésent dans
le Coran.

Exemple :
Le verset 40 de la Sourate 2, instituant le deuil du veuvage (‘iddat
al wafât) à un an, a été remplacé par le verset 234 de la Sourate 2, le
limitant à 4 mois et 10 jours.

3. L’abrogation peut intervenir au niveau de la règle et du


texte en même temps.
Exemple :
Pour cette catégorie d’abrogation (où le texte est levé ainsi que sa sen-
tence), nous citons ce qu’a rapporté l’imâm Ach-Châfi‘î sur l’abrogation
du texte codifiant le lien de parenté par allaitement, et le conditionnant

58
Les fondements du droit musulman

au nombre de dix tétées puis de cinq, le tout ayant été abrogé. Le


verset était : « Dix tétés recensées rendent illicite le lien matrimonial,
‘achrou rada‘âtin ma‘loûmâtin youharrimna… », puis il a été abrogé
par la Parole de Dieu (U) : « Cinq recensées… khamsin ma‘loûmâtin. » ;
ensuite ce verset et sa sentence ont été levés. (Rapporté par Al Boukhâri,
Mouslim et autres, d’après Sa‘îd Ibn Al Mousayyab).
Cependant, dans le Sahîh, d’après la mère des Croyants ‘Â’icha (Que
Dieu soit satisfait d’elle), la sentence de ce verset abrogé est toujours
d’application. Elle a dit : « Parmi le Coran révélé, il y avait la Parole de
Dieu : « Dix tétés successives rendent illicites… », puis ce nombre a été
abrogé par le nombre de cinq tétés ». (Rapporté par Mouslim)

L’abrogation chez les Prédécesseurs (As-Salaf as-Sâlih)


Selon Ibn Al Qayyim, les prédécesseurs (parmi les Compagnons,
21

leurs Successeurs -At-Tâbi‘oûn- et leurs Suivants -Tâbi‘oû at-Tâbi‘în-),


utilisaient les termes « an-nâsikh wal mansoûkh » pour indiquer la levée
d’une règle légale. Mais ils utilisaient aussi ces termes pour indiquer la
levée de la signification du général ou d’un sens absolu, soit par la
spécification soit par la délimitation.
La levée de la signification du général (spécification) ou d’un sens
absolu (délimitation) : raf‘ dalâlat al ‘âmm- (takhsîs)- aw al moutlaq
-(taqyîd)-.
Donc, chez les prédécesseurs, le terme « an-naskh » pouvait signifier
trois choses à la fois :
- La levée.
- La spécification.
- La délimitation.
La différence entre ces trois catégories n’a été établie qu’après.

21 Ibn Al Qayyim ou Ibn Qayyim Al Jawziyya. C’est un surnom tiré du métier


de son père qui était proviseur d’une école à Damas (Al Jawziyya).

59
Les fondements du droit musulman

Ce terme s’utilise pareillement pour expliquer ou rendre visible un


sens. Par exemple, ils appelaient at-tafsîr aussi naskh. De même, l’ex-
ception (al istithnâ’) et la condition (ach-chart) s’appellent naskh chez
eux.
Les Prédécesseurs, à chaque levée d’une indication apparente pour
élucider le sens voulu, utilisaient le terme naskh. (Ref. Ibn Al Qayyim ;
A‘lâm al mouwaqqi‘în.Tome 1, page 28).
L’imâm Ach-Châtibî, dans son ouvrage Al-Mouwâfaqât,22 a dit :
« Il apparaît du discours des Prédécesseurs que le terme « an-naskh » a
une utilisation plus étendue que celle qui est constatée dans le discours
de Ahl Al Ousoûl… » (Ref. Al Mouwâfaqât. Tome 3, page 75).

L’abrogeant et l’abrogé
dans le saint Coran
Ceci est un résumé de ce que l’imâm As-Souyoûtî (?) a proposé dans
son livre « Al Itqân fî ‘Ouloûm Al-Qour’ân » Tome 2, page 28.
Il a dit concernant la question de l’abrogation : « On peut dire qu’il
existe quatre sortes d’abrogation dans le Coran (c’est son avis et il y a
divergence sur quelques points).
1. Une partie du Coran sans abrogation (ni abrogeant ni abrogé)
Cela concerne au total 43 sourates où il n’y a ni abrogeant ni abrogé :
Ste1, Ste 12, Ste 36, Ste 49, Ste 55, Ste 57, Ste 61, Ste 62, Ste 66, Ste
67, Ste 69, Ste 71, Ste 72, Ste 77, Ste 78, Ste 79, Ste 82, Ste 83, Ste
84, Ste 85, Ste 89, et toutes les Sourates qui suivent jusqu’à la fin du
Coran, excepté Ste 95, Ste 103, Ste 109 où il y a abrogation.
2. Une partie avec abrogeant (an-nâsikh) et abrogé (al mansoûkh)

22 “Ce qui est conforme”, c’est un livre de référence parmi la génération


d’Al-Khalaf (les savants postérieurs).

60
Les fondements du droit musulman

Le nombre des sourates de cette catégorie est de vingt-cinq :


Ste 2, Ste 3, Ste 4, Ste 5, Ste 22, Ste 24, Ste 25, Ste 26, Ste 27, Ste 28,
Ste 29, Ste 30, Ste 31, Ste 33, Ste 34, Ste 40, Ste 42, Ste 51, Ste 52, Ste
56, Ste 58, Ste 73, Ste 74, Ste 81, Ste 103.
3. Une partie où il n’y a que l’abrogeant (an-nâsikh)
Le nombre des sourates de cette catégorie se chiffre à six :
Ste 48, Ste 59, Ste 63, Ste 64, Ste 65, Ste 87.
4. Une partie où il n’y a que l’abrogé (al mansoûkh)
Le nombre des sourates de cette catégorie est de quarante, mais il
existe une divergence à ce sujet.

Exemple d’une abrogation (sans substitution) :


D’après Isma‘îl Ibn Ja‘far, d’après Al Moubârak Ibn Fadâla, d’après
‘Âsim, d’après Ibn Abî An-Noujoûd, d’après Dharr Ibn Habach qui a
rapporté : « Oubay Ibn Ka‘b m’interrogea. Quelle est la longueur de la
sourate les Coalisés (Ste 33) selon toi ? » J’ai répondu 72 ou 73 versets !
Alors il me dit : « Elle avait la longueur de la sourate Al Baqara ».
Notre mère ‘Â’icha (Que Dieu soit satisfait d’elle) a rapporté la
même information ». (Voir : Al Itqân, Tome 2, page 32)

Quelques exemples de l’abrogation dans le saint Coran


Référence, « An-nasikh wal mansoûkh » du Qâdî Aboû Bakr Ibn Al
‘Arabî 23 :
Ste 2 (Al-Baqara) : V.180, V.183, V.184, V.187, V.215, V.219, V.240.
Ste 3 (Al-‘Imrân) : V.20, V.126
Ste 4 (An-Nisâ’) : V.3, V.90
Ste 7 (Al-A’râf ) : V.183, V.199 (sujet de divergence)
Ste 9 (At-Tawbah) : V.43 (il y a 9 versets au total)
Ste 12 (Yoûsouf ) : V.101

23 Juriste Malikite, mort en l’an 543H.

61
Les fondements du droit musulman

Ste 21 (Al-Anbiyâ’) : V.109


Ste 33 (Al-Ahzâb) : V.52, V.53
Ste 42 (Ach-Choûrâ) : V.6, V.15, V.48
Ste 52 (At-Toûr) : V.31, V.48
Ste 60 (Al-Moumtahanah) : V.10
Ste 73 (Al-Mouzzammil) : V.1, V.4, V.10, V.11
Dans ces versets, il y a soit un abrogeant, soit un abrogé.

L’abrogation dans les sources


de la loi : Coran et Sounna
Remarques
Pour qu’il y ait abrogation, il faut un texte égal ou plus fort que le texte
à abroger (au niveau de la fiabilité). De ce fait, la Sounna isolée (hadîth
ahâd) ne peut pas abroger le Coran.

L’abrogation se fait par des Textes légaux (au niveau de la fiabilité).


Exemples :
- Le Coran abroge le Coran.
- Le Coran abrogera Sounna (moutawâtara et ahâd).
- La Sounna abroge la Sounna.
- La Sounna ahâd abroge la Sounna ahâd.
- La Sounna al moutawâtara peut abroger la Sounna al moutawâtara.
- La Sounna moutawâtara peut abroger la Sounna ahâd.
- La Sounna ahâd ne peut pas abroger la Sounna moutawâtara (selon
l’avis de la Majorité).

62
Les fondements du droit musulman

- La Sounna moutawâtara peut abroger le Coran (selon l’avis de la


Majorité).
- L’abrogation ne peut pas se faire par le Consensus, ni par l’Analogie.

Note :
Le Consensus ne peut pas être abrogé par le Consensus !
Il y a un principe établi par les savants : le Consensus n’abroge pas et
n’est pas abrogeable. De même, l’Analogie ne peut abroger ni le Coran,
ni la Sounna, ni le Consensus.

Détails :
1. L’abrogation du Coran par le Coran
Remarques préliminaires
Il y a unanimité des savants de l’Islam que le Coran en entier ne peut
être sujet d’abrogation parce qu’Il est miraculeux, défiant par son style,
son contenu et sa forme.
C’est un Miracle éternel, et ses sentences sont définitives. Il est la
dernière Loi divine révélée aux Hommes.
Ses sentences sont d’application jusqu’à la fin des temps, de ce
fait son omniprésence est nécessaire. D’où la restriction de la règle
de l’abrogation. Car les savants désignent par le terme « an-naskh »,
la spécification et la délimitation dans l’application d’une sentence
(at-takhsîs).
Malgré la confirmation de l’abrogation, certains autres
savants n’ont pas admis l’abrogation du Coran par une autre
partie du Coran ; parmi eux, il y a Aboû Mouslim Al Asfahânî.
Mais la position de la Majorité de Ahl Al Ousoûl accepte l’abrogation
dans le saint Coran.
La majorité de Ahl Al Ousoûl confirme l’abrogation du Coran par
le Coran, parce qu’Ils sont égaux au niveau de la certitude quant à

63
Les fondements du droit musulman

leur origine (de l’abrogeant et de l’abrogé), et parce que l’abrogation a


réellement eu lieu dans le Coran.

Exemples :
Ste 2/V.180 a été abrogé par Ste 4/V.7.
Ste 2/V.240 a été abrogé par Ste 2/V.234.
Ste 58/V.12 a été abrogé par Ste 58/V.13.

2 : L’abrogation de la Sounna par la Sounna


Ahl Al Ousoûl sont unanimes que la Sounna abroge la Sounna.
- Le hadîth moutawâtar( ) par le hadîth moutawâtar.
24

- Le hadîth ahâd( ) par le hadîth moutawâtar.


25

- Le hadîth machhoûr( ) (le notoire), par le hadîth moutawâtar.


26

- Le hadîth ahâd par le hadîth ahâd.


- Le hadîth machhoûr par le hadîth machhoûr.
- Le hadîth moutawâtar par le hadîth machhoûr, chez les Hanafites
uniquement.
- Le Coran abroge la Sounna moutawâtara (pour la Majorité - voir
plus bas).

24 Hadîth moutawâtar rapporté par un grand nombre de rapporteurs honorables


à chaque maillon de la chaîne.
25 Hadîth ahâd rapporté par un seul rapporteur.
26 Hadîth machhoûr rapporté par un nombre important (+2), mais qui n’atteint pas
le nombre du moutawâtar.

64
Les fondements du droit musulman

Les différents types d’abrogation sont illustrés


ci-dessous :
Coran
Coran Coran

(1) (3) (3)

Hadith Sounna
Moutawâtir
ُ‫اﻟﻣُﺗَوَاﺗِر‬

(1) (2)
Hadith Hadith
Machhoûr Hadith Ahad
ُ‫اﻟﻣَﺷْﮭُور‬ Moutawâtir ُ‫اﻻَﺣَﺎد‬
ُ‫اﻟﻣُﺗَوَاﺗِر‬

Hadith Hadith
Machhoûr Ahad
ُ‫اﻟﻣَﺷْﮭُور‬ ُ‫اﻻَﺣَﺎد‬

(1) : Selon les Hanafites uniquement.


(2) : Les Dhahirites acceptent l’abrogation du Moutawâtir par le Ahad.
(3) : La Majorité sauf Imâm Ach-Châfi’î.

Exemples d’abrogation d’un hadîth ahâd par un hadîth ahâd :


- L’interdiction de visiter les tombes et d’économiser la viande des
sacrifices, d’après Ad-Dâraqoutnî. Cette sentence a été abrogée par
la permission rapportée par Ahmad et autres.
- Le hadîth rapporté par Ahmad, d’après Ibn ‘Oumar (t) sur la
condamnation à mort du buveur invétéré s’il a été puni trois fois
auparavant, a été abrogée par le hadîth d’Aboû Dâwoûd (et rap-
porté par At-Tirmidhî), dans lequel on a rapporté que le Prophète
(r) n’a pas condamné à mort une personne qui avait bu plus de
quatre fois.
Concernant l’abrogation du hadîth moutawâtar par un hadîth ahâd :

65
Les fondements du droit musulman

Selon la Majorité, ceci est admis du point de vue du raisonnement,


mais n’a pas eu lieu d’un point de vue légal.
Les Zahirites affirment l’abrogation du moutawâtar par al ahâd.
L’avis de la Majorité est appuyé par la position des Compagnons
(C), à l’exemple de ce qu’a dit ‘Oumar (t) à Fâtima Bint Qays, qui
avait rapporté que lorsque son mari l’avait divorcé, le Prophète (r) ne
lui avait fixé ni pension, ni logement, qu’elle n’était pas restée chez son
mari, mais avait passé sa ‘idda ailleurs.
Autrement dit, elle n’avait ni pension (nafaqa), ni logement pendant
la ‘idda (période de viduité), alors que dans le Coran, il est question de
la prise en charge de la divorcée durant al ‘idda qu’elle doit passer dans
le domicile conjugal.
‘Oumar (t) lui a dit : « Nous n’allons pas délaisser Le Livre de
notre Seigneur, ni la Sounna de notre Prophète (r) pour la parole
d’une femme ; nous ne savons pas si elle dit vrai ou si elle ment. Et
nous ne savons pas si elle a bien mémorisé ou si elle a oublié ».
Quant aux Zahirîtes, ils avancent des arguments prouvant la prise
en considération de l’information isolée (ahâd) dans le domaine de
l’abrogation du moutawâtar.
Ils citent l’abrogation de la Qibla pour la prière d’Al Qouds vers
Mecca. La direction de la prière vers Al Qouds (Bayt Al-Maqdis) était
confirmée par une Sounna moutawâtara, puis, un jour que les gens de
Qoubâ’ priaient vers Bayt Al-Maqdis, un Compagnon arriva, les infor-
mant que la direction de la prière avait été modifiée vers la Ka‘ba. Alors
les Compagnons changèrent de direction durant leur prière. Ainsi, les
Compagnons ont accepté l’information d’un seul (ahâd).

Remarque
L’avis des Zahirîtes n’est pas plausible, parce qu’en vérité, c’est le Coran
qui a abrogé la direction de la prière. Quant au Compagnon, il avait
annoncé qu’il y avait eu une Révélation instituant une nouvelle direc-
tion de la prière vers Bayt Al-Harâm.

66
Les fondements du droit musulman

3. L’abrogation de la Sounna par le Coran


C’est l’avis de la Majorité de Ahl Al Ousoûl (y compris les Zahirîtes),
mais l’imâm Ach-Châfi’î s’y oppose.
La Majorité dit que ce genre d’abrogation a effectivement eu lieu,
car le Coran est plus fort que la Sounna. Il est la référence absolue et
prioritaire. Les exemples authentiques le prouvent.
- La Sounna moutawâtara qui a fixé la Qibla vers Bayt Al-Maqdis a
été abrogée par le verset 144 de la Sourate 2, qui instituait désor-
mais la Qibla vers la Ka‘ba (Al Bayt Al-Harâm).
- La Sounna moutawâtara, qui a rapporté le contenu du pacte de
Al-Houdaybiya (signé en Dhoû al Qi‘da, en l’an 6 de l’Hégire)
dans lequel le Prophète (r), avait accepté de rendre les femmes
émigrantes musulmanes aux mécréants, a été abrogé par Dieu (U)
dans la Sourate 60/V.10. Les hommes pouvaient être rendus mais
pas les femmes musulmanes.
- L’obligation de jeûner le jour de ‘Âchoûra, instituée par la Sounna,
a été abrogée par la Sourate 2, V.185, instituant le jeûne du mois
de Ramadan.
Donc, l’avis majoritaire est plus plausible que l’avis de l’imâm Ach-
Châfi‘î sur ce sujet.
L’imâm Ach-Châfi‘î base sa position sur la Sourate 16/V.44, qui
stipule que la Sounna a une seule fonction, celle d’expliciter le Coran
(tabyîn), et non pas de l’abroger.
La position de l’imâm Ach-Châfi‘î est d’ordre théorique, car les
faits la contredisent, et elle n’est justifiée que par sa crainte qu’on ne
délaisse la Sounna du Prophète (r), en supposant qu’elle puisse être
abrogée.

67
Les fondements du droit musulman

4. L’abrogation du Coran par la Sounna


La divergence oppose la Majorité avec l’imâm Ach-Châfi‘î à ce sujet.
La position de la Majorité (y compris les Zahirîes) est l’absence
d’empêchement légal et rationnel à ce que la Sounna moutawâtara
puisse abroger le Coran.

Note :
Les Hanafites acceptent même que le hadîth al machhoûr (le notoire)
puisse abroger le Coran.
La Majorité cite, entre autres, l’exemple du verset se rapportant au
partage des successions (Ste 2/V.180) :
Dieu (U) dit : (On vous a prescrit, quand la mort est proche de l’un
de vous et s’il laisse des biens, de faire un testament en règle en faveur de
ses père et mère et de ses plus proches. C’est un devoir pour les pieux ).
Ils disent que cette règle a été abrogée par le hadîth du Prophète
(r) : « Dieu a accordé à chacun la part qui lui revient de droit, dès
lors, il n’y a plus de testament pour un héritier ». (Rapporté par aboû
Dâwoûd)

Remarque :
Selon Ibn ‘Abbâs (t), ce n’est pas ce hadîth qui a abrogé le verset, mais
plutôt le verset 7 de la sourate 4 (âyat Al mawarîth).
Dieu (U) dit :« Aux hommes revient une part de ce qu’ont laissé les père et
mère ainsi que les proches ; et aux femmes une part de ce qu’ont laissé les père
et mère ainsi que les proches, que ce soit peu ou beaucoup : une part fixée ».
Réf. Pour plus d’informations sur cette question, voir Az-Zourqânî « Manâhil Al
‘Irfân fî ‘Ouloûm Al-Qour’ân », Tome 2, pp : 237-244. 
Voir aussi « Al Moudhakkira fî Ousoûl Al Fiqh »27 d’Ach-Chinqîtî, pp : 64, 65.

27 Commentaire de « Rawdatou An-Nâzir », d’Ibn Qoudâma Le Hanbalite.

68
Les fondements du droit musulman

La différence entre
la spécification et l’abrogation
Spécification Abrogation
ُ‫اﻟﺗﱠﺧْﺻِﯾص‬ ُ‫اﻟﻧﱠﺳْﺦ‬

Tout de suite Après un laps de temps : ‫اﻟﺘﱠﺮَاﺧِﻲﱡ‬

1 ‫ﺧِطَﺎب‬ 2 ‫ﺧِطَﺎب‬ 1 ‫ﺧِطَﺎب‬ 2 ‫ﺧِطَﺎب‬


t t

La deuxième règle vient tout de suite La deuxième règle vient après un laps de temps
après la première règle. qui permet aux gens de mettre en pratique
la première règle.

1. Similitudes
- Il existe une similitude entre les deux règles car chacune a le but de
limiter l’application de la règle ou certains de ses aspects.
- L’abrogation est une délimitation (tahdîd) de la règle par rapport au
temps (la règle est valable pour un certain temps).
- La spécification est une délimitation de la règle par rapport aux
individus interpellés.

2. Différences
- La notion de « at-tarâkhî » est une notion de temps et d’interven-
tion endéans ce temps. Cette condition est exigée pour l’abrogation
et signifie « l’écoulement d’un temps assez important » permettant
la mise en application de la règle avant son abrogation. Si le temps
est court, il s’agit d’une spécification. Car la spécification intervient
tout de suite. (Réf. ‘Abd Al-‘Azîz Al-Boukhârî (Mort en 330H : Kachf al
asrâr ‘alâ Ousoûl Al-Bazdawî).

69
Les fondements du droit musulman

- La spécification signifie la délimitation de l’application de la règle


de sorte à ne concerner qu’une partie des interpellés (ba‘dou al
moukallafîn).
- L’abrogation (an-naskh) est la levée d’une règle pour tous les inter-
pellés (koullou al moukallafîn).
C’est pour cette raison qu’on a dit : « L’abrogation, c’est le fait de
mettre fin (à une règle) après son maintien et sa mise en application :
inhâ’oun ba‘da thouboûtin ».
- L’abrogation ne peut se faire que par un texte légal (an-naqlou :
Coran ou Sounna moutawâtara). Ce texte légal doit être d’origine
sûre et certaine (qat‘î al wouroûd).
- La spécification peut se réaliser par l’énoncé d’un texte isolé (ahâd)
ou par le biais d’une analogie.
Ainsi la spécification a pour procédés :
Un moyen légal : un texte légal (ahâd).
Un moyen rationnel : ijtihâd (l’analogie).
Exemples d’une spécification par un hadîth isolé (ahâd) :
Dieu, Exalté, dit : ( Voici ce qu’Allâh vous enjoint au sujet de vos
enfants… ) (Ste 4/V.11)
Dieu (U) parle dans ce verset de l’obligation de partager l’héritage.
Ce verset est général, à savoir que tout ce que nous laissons comme
patrimoine, nos enfants y ont droit.
Cette règle a été spécifiée par le hadîth ahâd, qui précise que le
patrimoine des Prophètes (Paix sur eux) est exclu des règles de l’hé-
ritage. A leur mort (Paix sur eux), leur patrimoine ne se partage pas,
mais est donné en aumône.
Le Prophète (r) a dit : « Certes, nous les Prophètes nos biens ne
seront pas hérités… »
Ce hadîth a été rapporté par Ach-Chaykhân : Al Boukhârî et
Mouslim, l’imâm Mâlik, Ahmad, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î et autres,

70
Les fondements du droit musulman

d’après Abou Bakr (t), qui a fait référence à ceci quand Fâtima, la
fille du Prophète (r), est venue réclamer son héritage, après la mort
du Prophète (r).
Dieu (U) dit : ( Vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, tantes
paternelles et tantes maternelles, filles d’un frère et filles d’une sœur…
A part cela, il vous est permis de les rechercher… ) (Ste 4/V.22-24)
Dans ces versets, Dieu (U) a énuméré les femmes interdites au
mariage, et puis a dit qu’autres que celles mentionnées sont permises.
Alors un hadîth a été énoncé pour spécifier des femmes qui ne sont
pas citées dans le verset, mais qui sont également interdites. Le hadîth
spécifie qu’on ne peut pas épouser une femme et sa tante en même
temps, ni deux sœurs en même temps. (Rapporté par Al Boukhâri, Mouslim,
At-Tirmidhî, An-Nasâ’î, Ahmad et Ad-Dârimî).

Conclusion
La citation suivante d’Ibn Hazm dans son livre « Al-Ihkâm fî
ousôuli al ahkâm » résume ce qu’est l’abrogation légale :

‫وع َك َم‬ ٌ ‫ص َأ ْو َأ ْش َخ‬


ِ ‫اص ِم ْن َسائِ ِر ال َّن‬ َّ ‫يص َأ ْن ُ َي‬
ٌ ‫ص َش ْخ‬ ُ ‫ان َح ًقا َو ال َّت ْخ ِص‬
َ ‫ال َّن ْس ُخ ُه َو َر ْف ُع ُح ْك ٍم َقدْ َك‬
‫ض ال َّت َه ُّج ِد‬ ُ ‫الر ُس‬
ِ ‫ول صىل اهلل عليه و سلم بِ َف ْر‬ َّ ‫ص‬َّ ‫ُخ‬
Traduction :
« L’abrogation, c’est la levée d’une règle qui a vraiment existé et qui n’est
plus là, et la spécification consiste à singulariser une personne ou un
groupe de personnes de l’ensemble du genre, comme le Prophète (r) a
été singularisé par la prescription de la prière de la nuit (At-tahajjoud)».

Le moyen légal pour connaître l’abrogation


Les voies légales qui permettent d’affirmer une abrogation sont au
nombre de trois.

71
Les fondements du droit musulman

1. Le Texte (An-naqlou)
C’est le Texte même (Coran ou Sounna) qui stipule qu’il y a abroga-
tion ou ce sont les termes du texte qui indiquent qu’il y a abrogation
(dalâlatou al-lafz : l’indication du terme).

Exemple :
Le hadîth concernant l’interdiction de visiter les cimetières et les
tombes, rapporté par Ahmad et autres.
« Je vous avais interdis de visiter les tombes, vous pouvez les
visiter maintenant ».
C’est le texte même qui indique qu’il existait une interdiction qui
a été abrogée.

2. La voie du rapporteur
L’abrogation peut aussi être affirmée par la voie du transmetteur, qui
est le Compagnon qui dit : « J’ai entendu le Prophète (r) dire (ou
je l’ai vu faire), durant l’année de la prise de Mekka et je l’ai vu faire
autrement lors de son pèlerinage d’adieu ».
Cette chronologie des événements montre qu’il existe une abroga-
tion par la transmission du Compagnon.

3. Le Consensus
Le Consensus est un moyen légal pour confirmer l’abrogation. S’il y a
unanimité qu’il y a eu abrogation, c’est une voie tout à fait légale.
Note : Les voies principales de l’abrogation sont le Coran, la Sounna
ou la transmission du Compagnon. La transmission du Compagnon
est assujettie aux mêmes règles de sélection du hadîth.

72
Les fondements du droit musulman

LES RÈGLES LINGUISTIQUES


PERMETTANT LA DÉDUCION
DES RÈGLES LÉGALES

Introduction
Le noble Coran a été révélé en langue arabe pure et la Sounna a été
exprimée en langue arabe pure. Ceci veut dire que nous ne pouvons pas
comprendre les significations du Coran et de la Sounna sans connaître
les styles et les modes d’expression de la langue arabe.
Le but est de saisir le sens du Discours divin (khitâb Allâh).
Qu’est-ce que Dieu (U) veut de nous ?
On ne peut pas comprendre la Loi de Dieu (U) si l’on ne comprend
pas les termes qui l’ont exprimé.
On doit pouvoir faire la différence et la distinction entre les termes
des textes légaux, et savoir quand ces termes ont :
- Un sens général ou spécifique ?
- Un sens limité ou absolu ?
- Un sens associé ou unique ?
- Un sens explicite ou caché ?
- Un sens réel ou figuré ? Etc.
C’est pour cette raison qu’Ahl Al Ousoûl se sont intéressés à l’étude
des styles d’expression de la langue arabe.
Rappelons qu’une des conditions nécessaires pour être Ousoûlî, c’est
la maîtrise de la langue arabe.
Les ouvrages de cette discipline (Ousoûl Al Fiqh) ont été essentiel-
lement rédigés pour comprendre et saisir la signification Coranique ou

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Les fondements du droit musulman

Prophétique, afin de parvenir à l’élaboration des méthodes de déduc-


tion des règles juridiques.
De même, il faut se rappeler que la science de Ousoûl Al Fiqh
est fondée, entre autres, sur des bases grammaticales rhétoriques et
lexicographiques.
On dit que le pivot de cette science, c’est le voyage permanent entre
le sens et la forme. Des termes peuvent avoir la même forme mais un
autre sens. Ce voyage est nécessaire, et entre les sciences de la langue
arabe et de la méthodologie du Droit, une union est indispensable.
Les juristes sont persuadés que le contenu du discours arabe est de
deux genres :
1. Performatif (inchâ’î) : « Je vais instituer quelque chose dans mon
discours ».
2. Informatif (ikhbârî) : « Je ne fais que véhiculer une information ».
Le Coran est informatif, car Dieu (U) informe Ses serviteurs.
Ce discours informatif se subdivise d’après les juristes en deux :
1. L’autorisation (dans le sens de la licéité) : al ibâha
2. L’ordre (al amr) :
- L’ordre d’exécuter (al wâjib)
- L’ordre de s’abstenir (al harâm)
Toutes les recherches vont tenter de cerner les lieux d’énoncé de
l’ordre, de la permission, etc., ceci du point de vue juridique pour per-
mettre aux moukallaf de vivre leur religion, et d’être en harmonie avec
le Discours Divin qui leur demande une chose précise.
Les études linguistiques occupent une place importante dans les
ouvrages de Ousoûl Al Fiqh.
L’imâm Al Jouwayni (?) a dit : « Sache que la plupart des discus-
sions de la méthodologie juridique sont liées aux formes (des termes)
et à leur sens… » (Réf : Al Bourhân, Vol 1, page 169).

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Les fondements du droit musulman

L’imâm Ach-Châfi‘î (?) a dit : « Celui qui ne connaît pas la richesse


immense de la langue des Arabes, ses multiples modes d’expression, ses
manières, ses phrases concises, etc. ne peut pas connaître la science de
l’expression Coranique ». (Réf : Ar-Risâla (texte arabe), page 50. Edition 1940).
Les juristes, en étudiant la langue pour la mettre au service des
Textes, ont synthétisé les études grammaticales par la division du mot
en :
Nom (ism) : verbe (fi‘l) et particule (harf), et ont étudié les condi-
tions de chacun.

Exemple :
Ils ont étudié le mot quand il est employé par :
- l’usage (al ‘ourf)
- la réalité (al wâqi‘)
- la Loi (ach-char‘)
Tout cela dans le but d’en saisir le sens. Ces études vont se faire par
la connaissance des règles lexicographiques : les lois de l’explication du
texte arabe.

Exemples :
Les sens seront étudiés avec détail dans les livres du raisonnement
analogique (Al Qiyâs).

Définitions et significations des termes


La division et la classification des termes dans la Méthodologie juri-
dique (Al Ousoûl), pour en saisir les sens légaux, s’effectue comme
suit :

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Les fondements du droit musulman

Division et classification des


termes par rapport au lafz
(le terme lui-même)
Dans ce cas, le terme a été choisi pour indiquer un sens spécifique
(wad‘ al-lafz lil ma‘nâ)
En ce cas, il existe trois sortes de termes :
1. Al Khâs : le terme spécifique
2. Al Mouchtarak : le terme associé
3. Al ‘Âmm : le terme générique

Détails

1. Al Khâs : le terme spécifique


Note : Al Khâs ne désigne pas la spécification (at-atakhsîs).

Définition
Il s’agit d’un terme imposé conventionnellement pour indiquer un sens
unique. Il n’admet pas d’interprétations explicatives.
Ce qu’il signifie est son sens.

Exemples :
- Le terme « insân » est spécifique pour le genre humain.
- Le terme « rajoul » est spécifique pour désigner dans l’espèce le mâle
humain.
- Le terme ‘Alî est un nom précis, unique.
Un grand nombre de termes dans le Coran sont du genre spéci-
fique. Ils ne sont pas sujets à l’interprétation.

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Les fondements du droit musulman

Application dans le saint Coran


Dieu (U) dit : ( L’expiation en sera de nourrir dix pauvres, … ) (Ste
5/V.89)
Le terme « dix » ne peut pas supposer un autre nombre. Même avec
une bonne intention, on ne peut pas en faire « onze ». Car Allâh (U)
a clairement spécifié 10 et non pas 11.

Le terme spécifique est de différentes sortes


A. Al khâs al ‘adadî : le spécifique numérique
C’est un spécifique au niveau du nombre cité. Le nombre indique son
vrai sens, malgré qu’il suppose une grande quantité. Le nombre est un
terme spécifique.

Exemple :
- Le nombre de coups infligé au calomniateur : 80 coups.
- Le nombre de coups infligé aux fornicateurs célibataires : 100 coups.

B. Al khâs al moutlaq : le spécifique étendu


Il indique un sens particulier mais imprécis, mais il est étendu dans un
genre précis.

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( … doivent libérer un captif croyant… ) (Ste
58/V.3)
Le captif croyant peut être mâle ou femelle. Le spécifique est qu’il
(elle) soit croyant(e), et il est étendu, puisque ce captif peut être un
homme ou une femme.

Remarque :
Le spécifique étendu peut être limité, telle que la délimitation du terme
« wasiyya » dans les versets 11-12, de la Sourate 4.

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Les fondements du droit musulman

Dieu (U) dit : ( …Après exécution du testament ou paiement d’une


dette…)
Le testament a été limité au tiers du patrimoine du défunt dans le
hadîth de Sa‘d Ibn Abî Waqqâs.
De même, on ne peut répartir l’héritage (entre les héritiers) qu’après
avoir exécuté le testament et qu’après avoir payé les dettes.

C. Al khâs al mouqayyad : le spécifique limité


Il a été limité par un terme (l’accompagnant), pour qu’il y ait plus de
précision dans la spécification.
On dit un homme croyant.

Exemples :
Concernant l’expiation qui incombe à l’homme qui commet le délit de
« az-zihâr » : un mari qui dit à sa femme qu’elle lui est interdite telle
sa mère.
La Parole de Dieu (U) : ( Mais celui qui n’en trouve pas les moyens,
doit jeûner alors deux mois consécutifs avant d’avoir aucun contact
[conjugal] avec sa femme… ) (Ste 5/-V.4)
L’expiation est la libération d’un captif ou le jeûne de deux mois
consécutifs.
Le terme « consécutifs » est venu pour préciser ; c’est une spécifica-
tion de ce qui était déjà limité : le jeûne.

D. Al amr : l’ordre (l’impératif )

Remarque :
Lorsque l’impératif exprime un ordre venant du haut vers le bas, c’est
un ordre qui indique l’obligation. Il est exprimé par le mode de l’im-
pératif ou le mode de l’indicatif avec la particule (al-lâm).
A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( …fal-yasoumhou : qu’il le
jeûne… ) (Ste 2/V.184)

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Les fondements du droit musulman

Quand on est face à cette formulation, cela indique un sens unique


dont l’on ne peut dévier qu’avec un indice (qarîna).
C’est la position de la majorité de Ahl Al Ousoûl : Ach-Châfi‘î, une
grande majorité des Hanafites et autres. C’est l’avis qu’avaient choisi
Ibn Al Hâjib et Al Baydâwî.

Exemples :
Dieu (U) dit : ( …Et laissez tout négoce… ) (Ste 62/V.9)
L’ordre concerne une qualité légale différente :
- ordre à ne pas faire : an-nahy  l’interdiction : al harâm
- ordre de faire : al amr  l’obligatoire : al wâjib
A l’exemple de la Parole de Dieu (r) : (…Et n’épousez pas les femmes
associatrices tant qu’elles n’auront pas la foi… ) (Ste 2/V.221)

2. Al Mouchtarak : le terme associé

Définition
Il s’agit d’un terme qui désigne, en un même temps, plusieurs individus
ou objets tel le terme « qour’ » de la Sourate 2/Verset 228, qui indique,
à la fois, les menstrues (al hayd) et l’arrêt de l’écoulement du sang des
menstrues (at-touhr).
Ce genre de terme nécessite examen et vérification pour déterminer
(ou cerner) le sens voulu par le Législateur.
Quelles sont les causes qui sont à l’origine du terme associé ?
* La multiplication des langues arabes (pas dialectes !) Cette diversité
des langues arabes faisait que les tribus désignaient différemment
les choses, bien qu’il s’agisse de la même chose.
* Le terme a été institué pour désigner un sens original, et va être
conventionnellement utilisé pour désigner autre chose, et avec le
temps les gens oublient le sens commun et gardent dans leur esprit
cette diversification du sens.

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Les fondements du droit musulman

Au début, il y a un sens original et un autre sens. Avec le temps, les


gens oublient qu’il y avait un sens original.
A l’exemple du terme « qour’ », qui, initialement, désignait le signe
qui annonçait le moment de l’avènement cyclique d’un événement.
Les Arabes ont utilisé ce terme pour :
- l’apparition saisonnière de la fièvre,
- le cycle de la femme,
- la saison du vent du désert,
- l’apparition des pléiades (étoiles),
- la saison des pluies.
Le point commun à toutes ses significations est la périodicité qui
est le vrai sens.
* Le terme est déplacé de son sens originel vers un sens convention-
nel, ainsi s’il n’était au départ qu’une vérité linguistique, il s’enrichit
par la suite d’un sens usuel. Aussi est-il transmis comme étant un
terme à deux sens dans lesquels il s’associe.
* Ce terme peut être associé entre un sens linguistique et un sens
conventionnel légal (istilâhî char‘î).
A l’exemple du terme « salâh ». Ce terme signifie dans la langue
l’invocation (ad-dou‘â’) alors que d’un point de vue conventionnel, il
indique une pratique rituelle bien définie, composée de mouvements
et de formules spécifiques, qui débute par at-takbîr, et se termine par
at-taslîm.
La règle générale dans ce cas est :
« Lorsqu’on doit choisir entre une signification linguistique et juri-
dique, c’est le sens légal (juridique) qui a la priorité. Sauf s’il y a un
indice (qarîna) qui va donner la priorité au sens linguistique.

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Les fondements du droit musulman

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( Dieu et Ses Anges prient sur le Prophète… )
(Ste 33/V.56) ; l’indice indique que le sens de « as-salâh » dans ce verset
désigne le sens linguistique du terme, car le Prophète (r) ne peut
pas être sujet de prières, selon la définition conventionnelle du terme
« salâh ».

3. Al ‘Âmm : le terme générique


Le terme générique est un terme qui indique, en un même temps,
plusieurs individus ou choses. Comme le mot « Musulman » qui
28

englobe tous les Musulmans ou le terme « voleur » qui englobe tout


voleur, sans en délimiter le sens par un nombre précis de voleurs. Tout
individu qui cadre avec la définition du vol est voleur.

Exemples :
- La Parole de Dieu (U) : ( Le voleur et la voleuse… ) (Ste 5/V.38)
- Le Prophète (r) a dit : « Tout (man) individu qui jette les armes,
est en sécurité ». (Rapporté par Mouslim)
Le terme « man » est un terme générique qui désigne tout individu,
en l’occurrence qui a jeté les armes comme signe de cessation des hos-
tilités. Donc tout individu, sans distinction, qui jette ses armes peut
bénéficier de la sécurité.
Le générique réel (‘âmm moutlaq), c’est lorsqu’il n’y a aucun indice,
ni terme qui peut le spécifier. Car il peut y avoir un générique, mais qui
peut supposer une spécification (s’il y a un argument).

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( … Et les femmes divorcées doivent observer
un délai d’attente de trois menstrues… ) (Ste 2/V.228)

28 Le terme « chay’, pluriel achyâ’, s’utilise pour ‘des choses’ (de toute sorte) en
général (animé et non animé).

81
Les fondements du droit musulman

Le terme «divorcées» (al moutallaqât) est générique en apparence,


mais il y a la preuve que la Loi a exclu de cette règle générale une
catégorie de divorcées : la femme enceinte dont le délai de viduité dure
jusqu’à l’accouchement.

Division des termes selon qu’ils


soient explicites (az-zouhoûr)
ou implicites (al khafâ’)
1. Les termes explicites : az-zouhoûr
Parmi les termes explicites, il y a :
A. An-Nass : le péremptoire (= le concluant)
29

B. Al Moufassar : l’annoté
C. Al Mouhkam : l’évident (le fortifié)

Détails

A. An-Nass : Le péremptoire
Il s’agit d’un terme qui n’admet pas d’interprétation. Ce sont des
termes formels dont nul besoin de leur trouver des explications. En les
lisant, d’emblée leur signification est claire.

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( … Allâh a rendu licite le commerce, et illicite
l’intérêt… ) (Ste 2/V.276)
Le sens réel, c’est ce qu’a indiqué le texte. Voir aussi Ste 5/V.3.

29 Péremptoire = concluant, solide.

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Les fondements du droit musulman

B. Al Moufassar : l’annoté
C’est un terme qui indique d’évidence un sens premier : une qualité
légale et qui ne peut pas avoir un deuxième sens, puisqu’il est explicite.
Seulement, il se peut que le sens soit abrogé.

Exemple :
Dieu (U) dit : ( Combattez les associateurs sans exception, comme ils
vous combattent sans exception… ) (Ste 9/V.36)
Ce sens a été spécifié pour rester limité en cas de guerre.
Le terme est explicite, mais son premier sens n’est ni forcement
d’application, ni sans restriction, ni non abrogé.

C. Al Mouhkam : l’évident (le fortifié)


Selon As-Sarkhasî (juriste, ousoûlî hanafite) :
C’est un terme qui échappe à toute autre interprétation et abroga-
tion. Son sens est sûr et certain. Il est formel, et il ne peut supposer ni
interprétation, ni spécification, ni abrogation. Que ce soit à l’époque
du Prophète (r) ou après sa mort.

Exemple :
L’interdiction d’épouser les épouses du Prophète (r). C’était ainsi à son
époque et après sa mort. Voir Ste 33/V.53.

2. Les termes implicites : al khafâ’


Introduction
C’est un terme qui a une signification obscure, latente. Son sens porte à
confusion et le Vouloir du Seigneur n’est pas évident, aussi on ne peut
le comprendre qu’après recherche.
C’est un terme qui recèle une ambiguïté parmi ses significations. Il
peut signifier plusieurs choses comme il peut être assimilé à un autre
sens ; il pourrait alors être confondu avec un sens autre que son sens

83
Les fondements du droit musulman

réel. Ce que le Législateur veut n’est pas évident et demande un travail


de recherche pour le cerner.

Exemple :
Dieu (U) dit : ( Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main, en
punition… ) (Ste 5/V.38)
Le terme « voleur » a une signification évidente ; il s’agit d’un indi-
vidu pubère, saint d’esprit, qui a dérobé un objet de la valeur définie
d’un hirz , et sans qu’il n’y ait aucun doute.
30

Autrement, on ne peut pas qualifier de voleur une personne qui


prend quelque chose laissée sans protection ou un objet trouvé par
terre et ramassé.
Mais le sens de l’acte de vol demeure toutefois latent quand il
s’agit d’un objet méprisé, enterré ou enfermé, à l’exemple de l’acte du
« an-nâbich », personne qui déterre les morts pour leur voler des objets
de valeur.
La question qui se pose alors dans ce cas de figure : s’agit-il de vol
ou pas ?
La démarche consiste à définir l’acte du « nâbich » (le déterreur) de
façon à découvrir et cerner si le sens de vol se retrouve dans son acte.
Si, après étude, on confirme que le sens de vol est présent, on applique
la peine légale. Mais si le sens de vol est incomplet dans cet acte de
« nabch », la punition sera alors correctionnelle (ta‘zîr), définie par le
juge selon l’intérêt (de la communauté, de la victime, du coupable, etc.)
Cette question a engendré deux positions :
- De l’avis des Compagnons tels que : ‘Oumar, ‘Abd-Allâh Ibn
Mas‘oûd, ‘Abd-Allâh Ibn Az-Zoubayr, notre mère ‘Â’icha (Que
Dieu soit satisfait d’eux tous), c’est assimilé à un vol punissable par
la coupe de la main.

30 Hirz : un endroit où on a caché, protégé l’objet.

84
Les fondements du droit musulman

Notre mère ‘Â’icha (Que Dieu soit satisfait d’elle) a dit : « Le voleur
de nos morts est comme le voleur de nos vivants ».
Cet avis est aussi celui de l’imâm Mâlik, de l’imâm Ach-Châfi‘î, de
l’imâm Ahmad et d’Aboû Yoûsouf (le compagnon de l’imâm Aboû
Hanîfa), donc de la Majorité.
- L’autre tendance, qui est à l’opposé, est celle de l’imâm Aboû Hanîfa
et de son élève Mouhammad Al Hasan Ach-Chaybânî. Ils n’ap-
pliquent pas la peine de vol sur « an-nâbich », parce qu’ils disent
qu’il a pris un objet méprisé et délaissé.

A. Al Mouchkal : le problématique
Son sens réel ne se distingue pas des autres sens qu’il peut signifier.
Pour cerner son véritable sens, cela nécessite de l’analyse ainsi que de
la recherche d’indices et d’arguments.
C’est un terme qui a été institué dans son essence pour supposer
plusieurs sens à la fois, et qui font tous partie de sa nature. Ce qui nous
intéresse, c’est son sens dans un contexte spécifique, et cela nécessite de
la recherche ; un ijtihâd (un effort dans le sens large) pour distinguer
entre les plusieurs sens qu’il suggère.

Exemples :
- Dieu (U) dit : ( … ou que ne se désiste celui entre les mains de qui est
la conclusion du mariage… ) (Ste 2/V.237)
Il s’agit de celui qui possède l’autorité de conclure ou défaire le
contrat de mariage. Cette personne peut être :
- le conjoint : pour la Majorité, à savoir les Compagnons et leurs
Successeurs, les Hanafites, les Chafi‘îtes et les Hanbalites, le verset
a le sens suivant : « Excepté si le conjoint se désiste ».
- le tuteur : pour les Mâlikites, ainsi le sens est : « Excepté si le tuteur
se désiste ».
La conséquence de ces deux explications :

85
Les fondements du droit musulman

Pour les Hanafites : si c’est le mari qui se désiste, la femme garde


toute la dot.
Selon les Mâlikites : si c’est le tuteur de l’épouse qui se désiste, le
mari garde toute la dot.
- La Parole de Dieu (U) : ( Vos femmes sont votre champs de labour,
venez à votre champs de quelque façon que vous voulez… : fa’toû
harthakoum annâ chi’toum… ) (Ste 2/V. 223)
Le terme « annâ » a pour sens : « kayfa » (de quelque façon que), et
le sens de « min ayna » (par où).
Le sens désigné par ce terme mouchkil ne peut être compris qu’à
l’aide d’un indice qui le révèle et aide à l’élucidation de son sens caché.
L’indice pour ce verset est le hadîth du Prophète (r), qui commente
ce verset : « Ayez des rapports avec elles par devant, par derrière ou
couché sur le dos, mais toujours dans le lieu du coït (le vagin) ».
(Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Donc, le sens de « annâ » est « de quelque façon que vous voulez ».
Il est question des positions et non du lieu du coït.
La balance (le pour ou le contre) entre les avis juridiques a accordé
l’avantage, grâce à cette indice (al qarîna), au premier sens, et a mis en
cause le sens de « min ayna » : par où…

B. Al Moujmal : le collectif
Ce terme a un sens polysémique. Il désigne plusieurs sens. Il est plus
latent et plus problématique qu’Al Mouchkal. On ne peut saisir sa
signification que grâce à une explication émanant de celui qui initie le
discours. On ne peut le cerner par la raison et la recherche, mais pas
par une transmission de la part de l’interlocuteur. Il est à l’opposé du
« Moufassar » : l’annoté.
La cause de son ambiguïté réside dans la multiplication de ses sens,
qui se bousculent les uns les autres. Chaque signification bouscule

86
Les fondements du droit musulman

l’autre pour se mettre en évidence. (Réf : As-Sarkhasî : al Asrâr. Tome 1,


page 54).
L’association entre ses sens s’explique en trois raisons :
a -l’étrangeté et la singularité du terme. A l’exemple des termes cora-
niques suivants : al qâri‘a ; al hâqqa ; haloû‘…
Ces termes sont étranges et n’ont pu être compris que grâce à l’in-
tervention du Législateur, qui a Lui-même élucidé leur sens.
Ainsi, pour le terme « al haloû‘an », Dieu (U) l’a explicité par les
détails suivants : ( l’Homme a été créé inquiet, quand le malheur le
touche, il est angoissé, et quand un quelconque bien lui est accordé, il
est grand avare…, inna al insâna khouliqa haloû‘an : idhâ massahou
ach-charrou jazoû‘an wa idhâ massahou al khayrou manoû‘an… ) (Ste
70/V.20-22)
b- le transfert du terme de son sens linguistique vers un sens conven-
tionnel légal tel que les termes : as-salâh ; az-zakâh ; ar-ribâ, etc.
Le Législateur les a dépouillés de leur sens linguistique pour leur
attribuer des sens conventionnels légaux et la Sounna a explicité leur
signification.
c - l’association dans le sens sans la présence d’indice.

Exemples :
- Le terme al mawâlî, pluriel de : al mawlâ, suppose deux sens :
- l’affranchisseur = al mou‘tiq
- l’affranchi = al mou‘taq
Supposons que quelqu’un ait laissé un testament après sa mort : « Je
lègue un tiers de mon patrimoine à mon mawlâ ». Cette personne a eu
un mawlâ (« affranchisseur ») qui l’a libérée ; il était donc lui-même
un affranchi. Néanmoins, à sa mort, il a laissé un mawlâ qu’il avait
affranchi. En conséquence, il était de ce fait également un affranchis-
seur. A qui doit-on céder ce testament : à son affranchisseur ou à son
affranchi ?

87
Les fondements du droit musulman

Pour les Hanafites, cette ambiguïté a engendré la nullité du testa-


ment et sa non-exécution ; ce testament est taxé d’invalide.
Puisque le terme signifie les deux situations, ce testament ne peut
pas être exécuté car la personne à qui on lèguerait ce tiers des biens
pourrait être n’importe laquelle des deux, voire les deux à la fois (l’af-
franchisseur et l’affranchi).
- Parmi ces termes polysémiques, on trouve aussi le terme az-zakâh
qui signifie dans la langue la progression et la purification. L’Islam
lui a donné un nouveau sens spécifique et apparenté aux piliers de la
religion.
Le terme salât également cité dans le Coran peut signifier plusieurs
choses. Le Coran l’a cité d’une manière générale sans explication du
sens qu’il suggère, et c’est la Sounna qui l’a défini en lui donnant un
sens bien précis.

C. Al Moutachâbih : le ressemblant (l’ambigu)


C’est un terme, (dans le Coran), dont le sens est caché et qu’on déses-
père de cerner en ce bas monde à cause de l’absence d’indice. Nous
n’avons ni explication ni indice le concernant.
Il est à l’opposé du terme al Mouhkam (l’évident).
Le terme Al Moutachâbih se situe dans le plus haut degré parmi les
termes latents et cachés.

Exemples :
- Les ouvertures des Sourates (fawâtih as-souwar) : alif ; lâm mîm ;
ha mîm ; kâf ha ya ‘ayn sâd, etc.
Malgré toutes les explications données par les exégètes, il n’existe
aucune preuve des sens suggérés.
(Voir Az-Zourqânî : Manâhil al ‘irfân fî ‘ouloûm al Qour’ân)
- Les Attributs de Dieu (U) qui semblent indiquer des attributs com-
muns aux contingents (les créatures) telles que, la main, l’ouïe…

88
Les fondements du droit musulman

La démarche la plus sage, c’est d’avoir la même attitude que les


Compagnons (y) et leurs Prédécesseurs : croire en ces termes sans
chercher à les comprendre ou à les interpréter et ni à les assimiler, de
point de vue sens, à ceux des créatures.
« Amirroûhâ », a dit l’imâm Mâlik (Qu’Allâh lui accorde miséri-
corde) : « Faites-les passer sans s’y arrêter… »
Dieu (U) dit à leur sujet : ( …Mais ceux qui sont bien enracinés dans
la science disent : « Nous y croyons, tout est de la part de notre Seigneur ! »
Mais, seuls les doués d’intelligence s’en rappellent. ) (Ste 3/V.7)
Nos prédécesseurs pieux n’ont pas perdu leur temps à expliquer les
termes Moutachâbih.
La position légale concernant les termes ambigus est :
« Avoir la conviction que ce qu’ils contiennent est vérité ; il faut
croire en ses termes et ne pas s’entêter à vouloir connaître leur signi-
fication ».

89
Les fondements du droit musulman

Division des termes selon


la précision sémantique
C’est un procédé d’indication du texte. Comment le texte va-t-il indi-
quer un sens ?

1. Al Mantoûq : L’énoncé
C’est ce qu’indique le terme dans une position de prononciation
(d’énonciation). En prononçant le terme, son sens est saisi. C’est ce
qu’on appelle le ‘sens textuel’ du terme, désignant un objet bien précis,
rien que lui.
Il peut aussi être défini comme le sens évident de l’énoncé. Ce terme
indique un sens de base mais peut être employé pour désigner un deu-
xième sens en la présence d’un indice.
Il peut avoir aussi un sens polysémique, indiquer plusieurs sens à
la fois.

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( …alors ne leur dis point « Ouff »… )
(Ste17/V.23)
Dire « ouff » à ses parents est un péché majeur en Islam !
- Un autre exemple, le hadîth rapporté par Al Boukhâri, An-Nasâ’î,
Ad-Dâraqoutnî et autres :
Le Prophète (r) a dit : « Les troupeaux des ovins, qui sont laissés
libres dans les pâturages (al ghanam as-sâ’ima), sont assujettis à la
Zakât ».
La Zakât ne concerne pas uniquement les animaux engraissés.
Ici, le terme « as-sâ’ima » est clair ; c’est un énoncé évident (mantoûq
sarîh).

90
Les fondements du droit musulman

2. Al Mafhoûm : La signification (implicite)


Il signifie un sens acquis du terme selon sa définition terminologique.
En outre, le terme énoncé indique un implicite qui va au delà de son
sens de base, qu’il corresponde ou non à son premier sens.
Ce terme est de deux sortes :
a - Mafhoûm al mouwâfaqa : La signification implicite concordante
à l’énoncé.

Exemple :
Dieu (U) dit : ( … alors ne leur dis point : « Ouff »… ) (Ste 17/V.23)
On a déduit par le biais de la signification implicite concordante à
l’énoncé, l’interdiction de frapper les parents.
C’est ce qu’Allâh (U) a voulu dire de manière implicite.
Le sens implicite, passé sous silence, mérite a fortiori la sentence
énoncée.
b - Mafhoûm al moukhâlafa. La signification implicite contraire
Le statut du sens compris dans le terme énoncé est contraire au sens
de base du terme énoncé.
La lecture du terme peut suggérer une signification qui est contraire
au sens de base.

Exemple :
Dieu (U) dit : ( … On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme
libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme … )
(Ste 2/V.178)
L’indication implicite contraire supposerait qu’on ne puisse pas tuer
un homme pour une femme. Mais les juristes en ont déduit un sens
contraire au sens de base ; l’homme peut être tué en cas de l’homicide
volontaire d’une femme. Ce sens a été fixé à l’aide du verset 45 de la
Sourate 5, dans lequel Dieu (U) dit : ( Et Nous y avons prescrit pour
eux vie pour vie… )

91
Les fondements du droit musulman

Le sens propre (Al Haqîqa) et


le sens figuré (Al Majâz)
1. Al Haqîqa : le sens propre ou le sens réel
C’est lorsque le terme est utilisé pour indiquer son sens propre ou
réel.
Al haqîqa est plurielle :
a - haqîqa loughawiyya : sens propre linguistique ;
b - haqîqa char‘iyya : sens propre légal (de point de vue Loi de Dieu
-r-) ;
c - haqîqa ‘ourfiyya khâssah : sens propre usuel privé ;
d - haqîqa ‘ourfiyya ‘âmmah : sens propre usuel général ;
2. Al Majâz : le sens figuré  
C’est lorsqu’un terme est utilisé pour désigner un autre sens que
son sens propre. On dit qu’il s’agit d’un terme figuré ou métaphorique.
(Voir l’imâm Al-Jouwaynî, Al Waraqât, p 102, année 1930).
Puisque l’on ne peut pas utiliser un terme dans ses deux sens propre
et figuré, simultanément, en conséquence c’est le sens propre qui a la
priorité, sauf en présence d’un indice (dans le contexte) qui fait préva-
loir le deuxième sens (figuré).
Quand on est confronté à un terme polysémique, on cherche avant
tout le sens figuré du mot.
Il existe une règle générale dans les Textes de la Loi : le sens légal
a toujours la priorité sur le sens linguistique (lexicologique) ou sur
le sens usuel du terme. S’il n’y a pas un sens légal précis, c’est le sens
linguistique qui devient le sens légal.

92
Les fondements du droit musulman

Exemple :
La Parole de Dieu (U) : ( … ou si vous avez touché (lâmastoum) aux
femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre
pure… ) (Ste 5/V.6)
Le terme lâmasa suppose deux significations :
- Le sens réel : le fait de toucher avec la main, le contact avec la main.
- Le sens figuré : les relations conjugales.
L’imâm Ach-Châfi‘î affirme qu’il n’existe pas d’indice qui puisse
dévier le terme de son sens réel vers son sens figuré. C’est pour cette
raison qu’il s’est prononcé pour l’invalidité des ablutions d’un homme
qui touche de la main d’une femme étrangère. C’est un argument pure-
ment linguistique.
L’autre position d’Aboû Hanîfa et d’autres juristes fait prévaloir le
sens figuré, celui des rapports sexuels.
L’imâm Aboû Hanîfa base son avis sur des hadîth authentiques qui
prouvent que le Prophète (r) avait l’habitude de toucher ses femmes
sans refaire ses ablutions. Ainsi, le terme lâmasa ne veut pas dire tou-
cher avec la main, mais signifie bien les rapports conjugaux.

Exemples du sens figuré dans le saint Coran :


- La Parole de Dieu (U) : ( Et interroge le village …, was’ali al
qaryata allatî kounnâ f îhâ… ) (Ste 12/V.82)
Traduire ceci, littéralement, reviendrait à poser la question au « vil-
lage » donc à ses habitations. Le village n’étant pas une personne, le
sens réel sous-entendu est : « questionnes les habitants du village ».
- La Parole de Dieu (U) : ( … Ensuite ils y trouvèrent un mur qui
voulait s’écrouler. Il le redressa : fawajadâ f îhâ jidâran yourîdou an
yanqadda fa-aqâmah…) (Ste 18/V.77)
Le texte Coranique attribue au mur une volonté de s’abattre, alors
que la volonté est une qualité propre aux êtres animés.

93
Les fondements du droit musulman

- Autre exemple avec le terme “al ghâ’it”. Dieu (U) dit : ( …si l’un de
vous revient du lieu où il a fait ses besoins… ) (Ste 5/V.6)
Le sens propre du terme “al ghâ’it”, c’est « lieu bas et creux ».
L’homme qui va faire ses besoins se dirige vers « al ghâ’it » (le lieu)
pour se cacher des regards.
Le terme est passé de son sens propre à un sens figuré pour dési-
gner les selles et non plus le lieu. Il y a eu un déplacement du son sens
propre du terme vers un sens figuré. Ce sens figuré s’est affirmé pour
se substituer définitivement au sens réel.
C’est le sens figuré qui a pris la place du sens réel pour devenir lui-
même le sens réel.
Dans ce cas où le sens figuré va dominer, on parle d’un sens propre
‘usuel’, mais il reste toujours un sens figuré par rapport à son sens
lexicologique original.

Le sens figuré est de différentes sortes :


a- Majâz loughawî : sens figuré linguistique
Exemple : l’utilisation du terme « lion » pour désigner un homme
courageux ou l’utilisation du terme « salâh » selon son sens linguistique
réel : les invocations (ad-dou‘â’).

b- Majâz char‘î : sens figuré légal


Il s’agit de l’utilisation d’un terme dans un sens autre que celui pour
lequel il est établi, à cause d’un indice légal, à l’image du terme « ‘aqd »,
qui a un sens propre selon sa linguistique et figuré selon le sens légal
qui lui est donné.
c- Majâz ‘ourf î khâss : sens figuré usuel privé.
d- Majâz ‘ourf î âmm : sens figuré usuel général.

94
Les fondements du droit musulman

LA SOUNNA

Définitions
Définition Littérale

L e terme « as-sounna », au pluriel « sounan » est dérivé du verbe


« sanna, yasounnou » qui a le sens de « bayyana » expliciter quelque
chose.
Ach-Chawkânî a rapporté, d’après Al Kisâ’î, que le terme
« as-sounna » est synonyme de « ad-dawâmou » : la continuité, la per-
sistance, la régularité et la permanence.
Il s’agit de la chose à laquelle on s’adonne avec continuité, avec
régularité, qui alors devient une « sounna ».
At-Tabarî a dit : « C’est l’exemple (le modèle) suivi ».
C’est l’exemple à suivre qui, à cause de sa répétition, devient un
modèle.
Al-Azharî a dit : « as-sounna, c’est la conduite louable et droite
(jugement moral) ».
Al-Khattâbî a dit : « En vérité, le sens du terme sounna est la
conduite louable (at-tarîqatou al mahmoûdatou). Lorsque vous trouvez
ce terme utilisé dans l’absolu (sans qualificatif ), vous devez le conduire
vers ce sens là, qui est positif : la conduite bonne, louable ».
Ce terme peut aussi être utilisé pour désigner une mauvaise conduite,
et à ce moment là, il est accompagné d’un qualificatif négatif. On dit :
sounna sayyi’a, comme dans le hadîth Prophétique : « Celui qui établit
une mauvaise conduite…, man sanna sounnatan sayyi’atan… »
(Rapporté par Mouslim)».

95
Les fondements du droit musulman

Al-Jawharî a dit dans son « As-Sihâh » : « C’est la méthode


31

(at-tarîqa) et la conduite (as-sîra) de quelqu’un ».


C’est dans ce sens là, que Dieu (U) a utilisé le terme sounna dans
la Sourate 48/Verset 23 (Al Fath) : ( …Et tu ne trouveras jamais de
changement à la règle d’Allâh, wa lan tajida li-sounnati Allâhi tab-
dîla… )On ne peut pas modifier la règle de Sa Sagesse.
L’imâm Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî a dit dans son exégèse Mafâtîhou
Al-Ghayb : « Il y a trois dérivés pour le terme sounna :
* Ce terme est sur le mode de « fou‘la » Ce mode indique une action
répétitive.
Cette image a été reprise de l’action répétitive du versement de
l’eau. On dit : sanna al mâ’a  wâlâ sabbahou = versement avec la
même fréquence, la même quantité, sans interruption.
Les Arabes, lorsqu’ils voient une action qui se répète avec une même
fréquence, disent que ça ressemble à : « al mâ’ou al masnoûn ».
Les Arabes ont comparé la conduite louable (où il n’y a pas de
changement) au versement de l’eau dans sa fréquence, sa répétition et
sa régularité.
* As-sounna peut être un dérivé du verbe « sanatou an-nasla ».
Travailler une chose pointue (comme une lance). C’est aiguiser
l’objet grâce à la fréquence du passage de l’outil (ex. : un marteau).
Lorsqu’il y a répétition des coups, on dit que l’objet devient
« masnoûnoun ».
Il y a toujours cette idée de répétition et de fréquence.
* Ce terme peut être emprunté au verbe « sanna ».
On dit « sanna » les chameaux : bien les traiter et bien veiller sur
eux.
Dans ces trois définitions, on retrouve quelque chose de louable, de
positif, soit au niveau de la répétition de l’acte (comme l’eau), soit dans

31 Auteur de As-Sihâh, dictionnaire arabe.

96
Les fondements du droit musulman

la fréquence du mouvement, comme à la forge pour bien aiguiser une


épée ou une lance, soit dans la bonne conduite envers son troupeau (en
veillant sur sa sécurité, en le promenant dans les meilleurs pâturages).
Puisque le Prophète (r) a veillé à la répétition de ses actes dans le
temps, on a utilisé ce terme « Sounna », dérivé du verbe « sanna ».
(Réf : Ar-Râzî : Tafsîr : Mafâtîh al ghayb, tome 3, page 54).

Remarque
Les savants de Ousoûl Al Fiqh vont plutôt choisir, d’un point de vue
linguistique, comme définition à la Sounna la conduite et l’habitude
(at-tarîqa).
Dans le saint Coran, le terme « sounna » a été cité au singulier et au
pluriel dans dix sourates. A seize reprises au pluriel « sounan » et pour
le reste au singulier « sounna ».
« As-sounna » ou « as-sounan » ont pour synonyme le terme
« nâmoûs », au pluriel : « nawâmîs ». Ce sont les lois que Dieu (U) a
établies pour régir la Création.

Définition Conventionnelle

I. La définition des spécialistes du hadîth


(al Mouhaddithoûn)
Ahl al hadîth vont s’intéresser à la vie du Prophète (r), en sa qua-
lité d’Imâm guide, qu’Allâh (U) a qualifié comme le meilleur modèle
(l’exemple à suivre, le bon modèle : iswah hasanah).
Ainsi pour eux, la Sounna, c’est l’ensemble des informations qui
concerne le Prophète (r), sur le plan moral (ses qualités) et sur le
plan physique : (comment il marchait, mangeait…, son aspect, etc.) :
ach-chamâ’il. La Sounna comporte aussi toutes les nouvelles le concer-
nant, avant et après sa mission prophétique, et toute parole, acte et
approbation émanant de lui ». (Réf. Commentaire du cheykh Ach-Chinqîtî
sur « Rawdat An-Nâzir, d’Ibn Qoudâma, page 95).

97
Les fondements du droit musulman

II. La définition des Ahl Al Fiqh (les Juristes)


Les Juristes ont d’abord recherché dans la vie du Prophète (r), tout ce
qui pouvait indiquer une règle légale (houkm). Donc la Sounna pour
eux, c’est ce qui était confirmé d’après le Prophète (r), mais qui n’avait
pas le statut d’obligation (de faire : al wâjib- et de ne pas faire : al
harâm-).
Ils vont consigner tous les actes qu’on appelle « al mandoûb ou al
moustahab » (recommandé, semi-obligatoire). (Ref. Mouhammad ‘Ajjâj Al
Khatîb : La Sounna avant son assemblage, pp : 15, 16)

III. La définition des Ahl Al Ousoûl


Chez la Majorité de Ahl Al Ousoûl, la définition de la Sounna, est la
suivante : « La Sounna c’est l’ensemble d’actes, de paroles et d’appro-
bations émanant du Prophète (r), autre que le Coran, qui confirment
les règles légales ou les décrètent ».

Note :
Cette définition nous informe que la Sounna a plusieurs fonctions ;
de promulgation et de confirmation de ce qui a été légiféré par le saint
Coran.
Nous remarquons qu’Ahl Al Ousoûl s’intéresse à la conduite
(Sounna) du Prophète (r) en sa qualité de législateur qui explicite la
Loi de Dieu (U), et qui établit les règles de base pour les érudits de sa
communauté après lui.

Exemple :
La parole du Prophète (r) : « Priez comme vous m’avez vu prier ».
(Rapporté par Boukhârî, Ahmad, Aboû Dawoûd et autres)

Remarques :
1. La Sounna pratique est plus explicite et évidente que la Sounna
orale, qui est plus abstraite et qui peut être sujette à interprétations.

98
Les fondements du droit musulman

Ces trois formes de la Sounna du Prophète (r) : af‘âlouh (ses


actions), aqawâlouh (ses dires) et taqrîrâtouh (ses approbations) ne
peuvent être sujettes au doute, car le Prophète (r) est infaillible, et le
miracle qui accompagne sa Da‘wa confirme sa véracité au niveau de
ses paroles, de ses actions et de ses approbations. Il n’y a pas d’erreur.
2. la différence entre as-sounna, al khabar et al athar.
- Al khabar, à l’exemple du hadîth, désigne toute information attri-
buée au Prophète (r) ou au Compagnon ou à quelqu’un de posté-
rieur à la génération des Compagnons. Il peut s’agir d’une parole,
d’une action, d’une approbation ou d’une qualité.
- Al athar est un terme que l’on utilise pour le hadîth ; il peut être
marfoû‘ (élevé jusqu’au Prophète-Paix sur lui-) ou mawqoûf (fixé
au Compagnon). Quant aux juristes, ils utilisent ce terme pour ne
désigner que le hadîth mawqoûf.

99
Les fondements du droit musulman

la prise en considération de la Sounna


en matière d’argumentation juridique.
Houjjiyyatou As-Sounna
Al-Houjjiyyah, c’est l’obligation d’y recourir comme source de la Loi,
et de mettre en pratique ses prescriptions du fait qu’elle soit aussi l’ex-
pression de la Loi Divine.

Les supporters à la prise en considération de la Sounna


et leurs arguments
C’est la position de l’orthodoxie sounnite, qui est la majorité absolue
des savants de l’Islam.
Ishâq Ibn Râhawayh a dit : « Celui qui a reçu une nouvelle d’après le
Prophète (r), et reconnaît son authenticité, puis la rejette sans raison,
est un mécréant ».
Quant à Ibn Hazm, dans son livre Al-Ihkâm fî Ousoûl al-Ahkâm,
32

il a dit : « Il ne convient pas pour un Musulman qui reconnaît le mono-


théisme de se détourner du Coran et de la Sounna du Prophète (r).
S’il s’en détourne, après preuve, il est jugé pervers (fâsiq). » 33

Ibn ‘Abd Al-Barr dans son livre « Jâmi‘ bayân al ‘ilmi wa fadlih » 34

a dit : « Le reniement de la Sounna comme source de la Loi implique


nécessairement le statut (la sentence) de l’apostasie ».
Ils justifient leur position par le Coran, la Sounna, le Consensus et
par la raison.

32 Ibn Hazm est le chef de l’école zahirite andalouse, et il est l’auteur du livre de
fiqh ‘Al Mouhallâ’, ainsi que d’autres éminents ouvrages dans les diverses branches
des sciences religieuses et de la littérature.
33 « Al fisq » signifie la perversité ou la mécréance. Al fâsiq, c’est le pervers ou le
mécréant.
34 Ibn ‘Abd Al Barr, savant de hadîth et juriste andalou Malikite, a regroupé
dans ce livre tout ce qui montre l’importance du savoir et ses mérites.

100
Les fondements du droit musulman

- Le saint Coran :
La confirmation par les Textes Coraniques de l’obligation de suivre la
Sounna et d’obéir au Prophète (r).
Dieu (U) dit : ( Dis : « Obéissez à Allâh et au Messager. Et si vous
tournez le dos…alors Allâh n’aime pas les infidèles ! ) (Ste 3/V.32)
Dieu (U) dit aussi : ( Obéissez à Allâh, obéissez au Messager,
et prenez garde ! Si ensuite vous vous détournez…alors sachez qu’il
n’incombe à Notre Messager que de transmettre le message clairement ).
(Ste 5/V.92)
Dieu (U) dit : ( Et ils disent : « Nous croyons en Allâh et au Messager
et nous obéissons ». Puis, après cela, une partie d’entre eux fait volte-face.
Ce n’est point ceux-là les croyants. Et quand on les appelle vers Allâh et
Son Messager pour que celui-ci juge parmi eux, voilà que quelques-uns
d’entre eux s’éloignent..../…La seule parole des croyants, quand on les
appelle vers Allâh et Son Messager pour que celui-ci juge entre eux, est
de dire : « Nous entendons et nous obéissons. » Les voilà les bienheureux.
Et quiconque obéit à Allâh et à Son Messager, et craint Allâh et Le
redoute… alors, voilà ceux qui récoltent le succès. Dis : « Obéissez à Allâh
et obéissez au Messager…/… Et si vous lui obéissez, vous serez bien
guidés ». Et il n’incombe au Messager que de transmettre explicitement
(son message). ) (Ste 24, V.47-54)
Dans ces versets, Dieu (U) ne cesse de répéter qu’il faut Lui obéir,
comme il faut obéir au Prophète (r) et recourir à son Message.
Dieu (U) dit ailleurs : (Que ceux qui s’opposent à son commandement
prennent garde qu’une épreuve ne les atteigne ou que ne les atteigne un
châtiment douloureux ). (Ste 24/V.63)
Donc, c’est le saint Coran lui-même qui a confirmé cette vérité. Ce
n’est pas le Prophète (r) qui l’a dite, mais c’est Allâh (U) qui a décrété
dans les Textes révélés d’obéir à Son Messager et de le suivre.

101
Les fondements du droit musulman

- La Sounna :
Le Prophète (r) a dit : « J’ai laissé parmi vous deux choses, si vous
vous y maintenez, vous ne serez point égarés : le Livre de Dieu et
la Sounna de Son Prophète… » (Rapporté par Mâlik, dans son Mouwatta’)
Ils citent aussi, le hadîth de Mou‘âdh (Qu’Allâh soit satisfait de lui),
dans lequel le Messager de Dieu (r) a ratifié son recours à sa Sounna,
s’il ne trouvait pas de réponse dans le Livre de Dieu. (Rapporté par Aboû
Dâwoûd)
- Le Consensus : Al Ijmâ‘
Le consensus continu, à travers toutes les générations de l’Islam,
confirme que tous les érudits de la Oumma ont toujours pris en consi-
dération la Sounna dans l’argumentation juridique, et dans la pratique
de l’Islam. S’il y a divergence, c’est au sujet de l’authenticité ou dans la
signification du Texte.
- Du point de vue rationnel :
Considérer la Sounna comme houjja (preuve) est chose naturelle parce
que le transmetteur du saint Coran ne peut pas transmettre une chose
en contradiction avec sa Mission et son Message.
C’est pour cette raison là qu’Ahl Al Ousoûl ont dit qu’elle est une
nécessité religieuse. On ne peut pas comprendre la religion sans se réfé-
rer au transmetteur. On ne peut pas dissocier le Prophète (r) comme
transmetteur de la Révélation et comme exécuteur de la Révélation.
L’imâm Ach-Châfi’î dans son ouvrage « Al Oumm » a réservé tout
un chapitre dans lequel il a exposé les dires des différentes tendances
qui rejettent la Sounna. Puis il a résumé en sept points (7), les argu-
ments des Sounnites pour justifier le recours à la Sounna :
A. Le principe de l’infaillibilité (al ‘isma) du Prophète (r).
La Sounna découle de l’état d’infaillibilité qui est l’une des qualités
obligatoires de la Prophétie. Tout ce qui émane du Prophète (r) doit
être considéré d’origine divine d’un point de vue rationnel et légal.

102
Les fondements du droit musulman

B. L’attitude des Compagnons (y) qui ont fait du Prophète (r)


leur référence unique pour la compréhension de l’Islam et sa mise en
pratique.
C. L’ordre formel du saint Coran de s’attacher fermement à la Sounna
du Messager de Dieu (r), et de suivre son exemple. Dieu (U) dit : ( Et
ils disent : « Nous croyons en Allâh et au Messager et nous obéissons ».
Puis, après cela, une partie d’entre eux fait volte-face. Ce n’est point
ceux-là les croyants. ) (Ste 24/V.45)
D. La Sounna elle-même rappelle que l’on doit obéissance au Prophète
(r) en sa qualité de Messager infaillible. Le Prophète (r) a dit à ce
sujet : « Certes, j’ai reçu le Livre et son équivalent avec lui.» (Rapporté
par Aboû Dawoûd et Al Hâkim)
E. L’impossibilité de se suffire du Coran pour la mise en pratique de
l’Islam, et de se référer à sa seule raison pour une compréhension juste
des Textes révélés. Car le Coran contient beaucoup de règles générales.
C’est la raison pour laquelle l’imâm Al Awzâ‘î a dit : « Le Coran a plus
besoin de la Sounna que la Sounna du Coran. »
F. La Sounna est de deux sortes :

Une Sounna révélée


La Sounna révélée (dont la forme et le contenu sont Divins) ; c’est le
Coran et le hadîth Qoudousî pour ceux qui disent qu’il s’agit d’une
Révélation.
Note : Il y a divergence sur le statut du hadîth Qoudousî.

Une Sounna qui a le statut de révélation


Il s’agit du hadîth prophétique, qui lui aussi, est une information pro-
tégée (préservée) de l’erreur, puisque le saint Coran confirme ceci.
Dieu (U) dit : ( Et il ne prononce rien sous l’effet de la passion ; ce n’est
rien d’autre qu’une révélation inspirée. ) (Ste 53/V3-4)

103
Les fondements du droit musulman

G. Le Consensus
L’analyse de la vie des différentes générations antérieures et postérieures
prouve qu’elles se sont toutes référées à la Sounna, sans exception. S’il
y a eu des divergences, c’est très certainement sur l’authenticité d’un
texte ou sur sa signification et son indication.
Ainsi Aboû Bakr (t) disait au sujet de la Sounna : « Je ne délais-
serai pas quelque chose que le Prophète (r) avait l’habitude de faire,
et qu’à mon tour je ne mettrai pas en pratique. Très certainement,
j’ai peur qu’en délaissant quelque chose de sa Sounna, je m’égare ! »
(Rapporté par Al Boukhâri, Mouslim, Aboû Dawoûd et autres. Le Qâdî ‘Iyâd, l’a
rapporté aussi dans son livre Ach- Chifâ’)

Les opposants à la prise en considération


de la Sounna et leurs arguments
L’imâm Ach-Châtibî a dit : « Le fait de se suffire du Coran, c’est l’avis
d’un groupe de gens qui n’ont aucune moralité. Ils se situent en dehors
de la conduite du Prophète (r). Ils se basent sur les règles du Livre qui,
selon eux, a tout explicité. Ils ont rejeté les règles légales issues de la
Sounna du Prophète (r). Cette attitude les a exclus de la communauté
et les a conduits à interpréter le Coran d’une manière non conforme
au Vouloir de Dieu (U). On a rapporté que le Prophète (r) a dit :
« Ce que je redoute le plus pour ma communauté est :
- la maîtrise du Coran par un hypocrite qui l’utiliserait pour polémi-
quer avec les croyants ;
- le matérialisme de ceux qui détiennent richesse et biens au point
qu’ils délaissent la prière. » (Réf. Ach-Châtibî : Al Mouwâfaqât. Tome 4)
Parmi ceux qui ont renié la Sounna, il y a deux groupes :
- Un groupe qui remet en cause son authenticité mais pas son exis-
tence. Ils disent que la Sounna que nous avons n’est pas authen-
tique, et qu’elle est douteuse.
Parmi eux, il y a les extrémistes de ceux qu’on appelle, les partisans
(chî‘a) de ‘Alî (t). Ils rejettent tout ce qu’ont rapporté les Compagnons
(y), qu’ils accusent d’avoir soutenu ceux qui ont usurpé le califat à

104
Les fondements du droit musulman

‘Alî (t). Pour eux, reconnaître la légitimité d’un autre que ‘Alî (t),
implique le rejet de leur transmission parce qu’ils sont considérés
comme « kouffâr ». Selon cette logique, ils ne peuvent pas accepter une
chose rapportée par des mécréants et ils ont leurs propres rapporteurs.
- Le deuxième groupe extrémiste est composé des Kharijites, qui
se limitent à une sounna rapportée par les leurs. Ils ont rejeté la
Sounna adoptée par Al Joumhoûr (la Majorité) parce qu’ils disent
que cette majorité a suivi des imâms (autorités) égarés.
Ils n’acceptent que les hadîth (ou versions de hadîth) de certains
Compagnons, et ils excluent les autres en disant qu’ils ont suivi des
tyrans. Ils mettent en cause leur honorabilité et leur fiabilité.
‘Abd-Ar-Rahmân Ibn Mahdî a dit : « Les Zindîq et les Kharijites
ont forgé le hadîth attribué au Messager de Dieu (r) : « Mettez tout
ce que l’on vous transmet de ma part à l’analyse du Coran. S’il est
conforme au Livre de Dieu (U), je l’ai assurément dit, et s’il s’y oppose,
certes, je ne l’ai pas dit. Comment pourrais-je diverger du Livre de
Dieu (U), alors que c’est grâce à Lui qu’ ‘Il m’a guidé ? »
Yahyâ Ibn Ma‘în a dit à son sujet : « C’est un hadîth forgé ! »
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit : « Aucun rapporteur quelle que soit sa
valeur ne l’a rapporté ! »
- La position des Chi‘ites imamites
Une autre tendance refuse l’ensemble des hadîth qui ne vient pas de
leurs imâms infaillibles, par la lignée de Ahl Al Bayt. Parmi eux, il y a
les Chi‘îtes imâmites.

Leurs arguments :
Ces opposants à la Sounna disent que le Livre révélé suffit à lui-même.
Dieu (U) l’a fait descendre pour être la référence unique. Dieu (U)
n’a-t-Il pas dit : ( Nous n’avons rien omis d’écrire dans le Livre… )
(Ste 6/V.38)
Dieu (U) dit aussi : ( Et Nous avons fait descendre sur toi le Livre,
comme exposé explicite de toute chose… ) (Ste 16/V.89)

105
Les fondements du droit musulman

Concernant ces versets, la Majorité rapporte le hadîth d’Ibn


Mas‘oûd (t) qui, lors d’une séance de hadîth, a maudi les femmes qui
se tatouaient... (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim) ; alors une
femme des Banoû Asad se présenta chez lui et lui dit : « Tu maudis
les femmes qui se tatouent ? » Ibn Mas‘oûd (t) lui dit : « Pourquoi ne
devrais-je pas maudire celles que le Messager de Dieu (r) a maudi,
et ceci est mentionné dans le Livre de Dieu (U)! » La femme rétor-
qua : « J’ai lu le Coran et je n’y ai pas trouvé de trace à ce sujet ! »
Ibn Mas‘oûd (t) lui dit : « Si tu avais lu le Coran, tu l’aurais, très
certainement, trouvé ! Dieu (U) dit : (Prenez ce que le Messager vous
transmet ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en ; et craignez Allâh,
car Allâh est dur en punition.) (Ste 59/V.7)
De même, cette tendance soutient que la Sounna n’a pas été pré-
servée de la modification comme le Coran. Dieu (U) l’a exclue de Son
Discours : ( En vérité, c’est Nous qui avons fait descendre le Rappel (le
Coran), et c’est Nous qui en sommes gardien.) (Ste 15/V.9)
La Majorité a répondu à cet argument, en disant que le Rappel dont
il est question dans ce verset peut supposer autre chose que le Coran.
Il peut supposer la Charî‘a (la Loi) qui a pour source le Coran et la
Sounna.

Les différents type de Sounna pris


en considération par Ahl Al Ousoûl
I. La Sounna à chaîne continue
- Pour la Majorité, la Sounna à chaîne continue est de deux sortes :
moutawâtar et ahâd, sans faire ni de subdivision, ni de distinction,
qu’il soit isolé ou répandu.
- Pour les Hanafites, la Sounna est de trois sortes :
moutawâtar, mach-hour et ahâd.

106
Les fondements du droit musulman

1. Al Moutawâtar
Du point de vue de la langue
Le mot tawâtour signifie l’arrivé d’individus, à la suite les uns des
autres avec un laps temps qui les sépare. C’est cet arrivage successif
avec rupture qu’on appelle ‘tawâtour’.
Ce sens est repris dans la Parole de Dieu (U) : ( Ensuite, Nous
envoyâmes successivement Nos messagers…, thoumma arsalnâ
rousoulanâ tatrâ … ) (Ste 23/V.44)
At-tawâtour signifie encore la succession, dans absolu, mais sans la
définition du comment = at-tatâbou‘.
Du point de vue légal
Il s’agit d’une information (khabar), d’après le Prophète (r), rap-
portée par un nombre important de personnes, d’après un nombre
important de rapporteurs, avec l’impossibilité qu’ils aient pu entre eux
s’accorder sur un mensonge.
Cette qualité est observée du début de la chaîne jusqu’à sa fin (le
moment de sa codification).
- Le Moutawâtar est de deux sortes :

a. Moutawâtar verbal (moutawâtar lafzî)


C’est l’accord unanime de tous les rapporteurs de toutes les générations
de la chaîne sur les mêmes termes d’un hadîth.
Ce genre de hadîth moutawâtar est très rare parmi les hadîth
prophétiques.

Exemples :
- La parole du Prophète (r) : « Celui qui m’attribue des dires
mensongers volontairement, qu’il se réserve sa place en Enfer ».
(Rapporté par Al Boukhârî, Mouslim et autres)
Ce hadîth a été rapporté par soixante Compagnons.

107
Les fondements du droit musulman

- Le hadîth de l’essuyage sur les chaussons (al mash ‘alâ al khouffayn).


Il a été rapporté par quarante Compagnons puis s’est répandu et
transmis par tawâtour sur des générations successives.
Il s’agit donc des dires, mais aussi de la pratique du Prophète (r). Il
faut remarquer que la pratique a été décrite par un dire.

b. Moutawâtar par le sens (moutawâtar ma‘nawî)


Il s’agit d’un même hadîth transmis par un nombre important de rap-
porteurs, mais avec une variation dans les versions ou une différence
légère dans les termes. Cependant, il y a accord total sur le sens véhi-
culé par le hadîth.

Exemple :
Le hadîth du Prophète (r) : « Très certainement, ma communauté
ne sera jamais unanime sur une quelconque question d’égarement ».
(Rapporté par Ibn Mâjah)
Ce hadîth a été rapporté par des voies de transmission différentes,
et des versions différentes, mais toutes s’accordent sur un sens unique :
l’infaillibilité de la Oumma et sa préservation de l’égarement.

Autres exemples :
- le hadîth concernant le fait de lever les mains lors des invocations,
le hadîth du bassin (hadîth al hawd).
Ce genre de hadîth moutawâtar est nombreux dans la Sounna.
- Les conditions de son acceptation
L’acceptation du moutawâtar nécessite trois conditions :
A. Il faut que l’information concerne quelque chose de matérielle, de
physique, et non pas une chose morale ou abstraite, ni une pensée. On
peut la justifier par un dire ou un fait du Prophète (r).
B. L’information doit être transmise de la sorte suivante : « Nous
avons entendu… »
« Nous avons vu… »

108
Les fondements du droit musulman

C. Le nombre de rapporteurs doit être important pour éliminer toute


possibilité d’accord sur le mensonge.
Ce nombre important doit se confirmer à toutes les étapes de la chaîne.
- Concernant le nombre de rapporteurs :
Il existe un débat à ce sujet. La position la plus plausible est celle qui
se positionne à ne pas définir un nombre précis mais qui prend en
considération la notion du pluriel (du groupe), qui doit se vérifier à
toutes les étapes.
Cependant, parmi les savants, il y a beaucoup de propositions. Il
y en ceux qui disent : deux, quatre, cinq, vingt, trente, soixante-dix
rapporteurs.
Les imâms Al Âmidî et Ibn Al Hâjib disent que le nombre de
rapporteurs doit être supérieur à trois. Selon eux, il en faut trois et plus,
au niveau de chaque étape.
Pour le hadîth moutawâtar, il n’exige pas que tous les rapporteurs
soient Musulmans ou honorables. Ils acceptent donc la transmission
d’un non Musulman. Ils disent que ce rapporteur ne fait que confirmer
ce que les rapporteurs Musulmans disent, que c’est plutôt un renfor-
cement pour le hadîth.
Ils avancent que la multiplication (d’un nombre important à chaque
étape) lève la possibilité d’un accord autour d’un mensonge.
Selon les spécialistes, pour le hadîth moutawâtar, la transmission suc-
cessive doit être confirmée par les trois premières générations (As-Salaf
As-Sâlih) : As-Sahâbatou, At-Tâbi‘oûn et Tâbi‘oû At-Tâbi‘în). Après
ceux-là, il y a eu la codification du hadîth.
- Statut du moutawâtar :
Ces deux types de hadîth moutawâtar sont considérés sûr et cer-
tain au niveau de l’origine : qat‘î ath-thouboût ou qat‘î al wouroûd et
de l’indication (ad-dalâlah). Il y a obligation de mettre en pratique les
sentences qu’ils contiennent, et de les prendre en considération dans
la déduction des règles légales.

109
Les fondements du droit musulman

2. Al Mach-hoûr : Le Notoire
Certains l’appellent aussi al hadîth al moustafîd. Ceci peut être traduit
en hadîth répandu.
C’est un hadîth qui est intermédiaire entre le hadîth al moutawâtar
et le hadîth al ahâd.
Le nombre de rapporteurs doit être de deux à son début puis à
chaque étape. Certains chiffrent ce nombre à trois rapporteurs.
Les Hanafites le considèrent comme une subdivision du hadîth
moutawâtar.
En réalité, le hadîth mach-hoûr est un hadîth ahâd qui s’est répandu
après les Compagnons (y), et qui a été rapporté par un nombre impor-
tant de rapporteurs qui n’ont pas pu s’accorder autour d’un mensonge.
Donc, si la condition du tawâtour ne s’est pas vérifiée au niveau de
la première génération, c’est pour ensuite se constituer à partir de sa
seconde.

Le Prophète (PSL)

As-Sahâbatou Un seul rapporteur

At-Tabi’oûna Nombre important de rapporteurs

Tâbi’ou At-Tabi’îna Nombre important de rapporteurs

Exemples :
- Le hadîth du Prophète (r) d’après ‘Oumar Ibn Al Khattâb (t) :
« Les actions procèdent uniquement des intentions…, innamâ
al a‘mâlou bin-niyyât…» (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Ce hadîth était ahâd au début, puis il s’est répandu.

110
Les fondements du droit musulman

- Le hadîh du Prophète (r) d’après ‘Abd Allâh Ibn ‘Oumar


(t) : « L ’Islam est bâti sur cinq piliers… : Bouniya Al-Islâmou ‘alâ
khams…» (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
- Statut du hadîth mach-hoûr :
Ce hadîth se situe au plus haut degré du hadîth ahâd et pour la
majorité de Ahl Al Ousoûl, il implique une certitude probante (zann
ghâlib).
Pour les Hanafites, ce genre de hadîth implique la certitude (al yaqîn
= qat‘î). Mais il a toujours un degré inférieur au hadîth moutawâtar.
‘Îsâ Ibn Abân a dit : « Al mach-hoûr engendre obligatoirement une
connaissance sûre et apaisante, mais pas aussi certaine que la certitude.
C’est pour cette raison qu’il est inférieur au moutawâtar, et qu’il est
supérieur au hadîth âhâd ».
Ahl Al Ousoûl considère que celui qui met en cause ce hadîth est
un « fâsiq » ; que c’est une déviation qui mène à la mécréance.
Il est permis de recourir au hadîth mach-hoûr pour délimiter le
Texte légal absolu (moutlaq) et spécifier le général (al ‘âmm).

3. Al Ahâd : le singulier ou l’isolé


Le hadîth ahâd est d’un degré inférieur au hadîth moutawâtar ou
mach-hoûr (notoire), au niveau du nombre de ses rapporteurs.
Ce hadîth est rapporté par un ou deux rapporteurs tout au long de
sa chaîne de transmission.

111
Les fondements du droit musulman

Le Prophète (PSL)

As-Sahâbatou Un ou deux rapporteurs

At-Tabi’oûna Un ou deux rapporteurs

Tâbi’ou At-Tabi’îna Un ou deux rapporteurs

Les arguments de la Majorité pour confirmer la prise en considé-


ration du hadîth ahâd :
La Majorité classe le hadîth ahâd parmi les preuves probantes (hou-
jjah zanniyyah) à prendre en considération en matière d’argumenta-
tion légale.
Les savants de cette tendance s’appuient sur le saint Coran, la
Sounna et le Consensus pour soutenir leur avis.
* Arguments du saint Coran :
Ils ont cité un nombre de versets, entre autres :
La Parole de Dieu (U) : ( Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous
apporte une nouvelle, prenez soin d›en vérifier la teneur, vous risquerez
autrement, de causer du tort à des innocents, par inadvertance, ce dont
vous auriez ensuite à regretter ). (Ste 49/V.6)
A contrario, le verset sous-entend que seule l’information du per-
vers doit être sujette à analyse ; quant à l’information de la personne
honorable, elle est acceptée.
Le Prophète (r) avait envoyé Al Walîd Ibn ‘Ouqba Ibn Mou‘ît
pour collecter la zakât. Quand il parvint aux environs de la tribu à qui
il avait été envoyé, il paniqua et crut que ses membres avaient apostasié.
Il revint auprès du Messager de Dieu (r) et l’informa de l’apostasie
de ces gens qui voulurent le tuer. Le Messager de Dieu prit la décision

112
Les fondements du droit musulman

de les combattre, alors Dieu (U) révéla ce verset. (Voir Ibn Kathîr : Tafsîr.
Tome 4, page 309)
La cause de la révélation de ce verset résulte de l’initiative du
Messager de Dieu (r), qui a pris en considération une information
singulière pour prendre une décision à dimension juridique légale. Si
se rapporter au seul témoignage du Compagnon avait été interdit,
Dieu (U) l’aurait fait savoir à Son Messager (r).
La Parole de Dieu (U) : ( Ceux qui s’emploient à cacher aux humains
Nos messages de vérité, clairement exposés dans les Ecritures, ceux-là
seront maudits de Dieu et le seront de même des Hommes ). (Ste 2/V.159)
L’argumentation de ce verset est la promesse de Dieu (U) d’un
châtiment douloureux à ceux qui ne transmettent pas les règles de
guidance ; ce texte démontre donc l’obligation de manifester la Vérité
et les Commandements de Dieu (U). Ce que l’individu a entendu de
la bouche du Prophète (r), même s’il est isolé, est une guidance qu’il
est tenu de transmettre et ne pas garder secrète.
* Arguments de la Sounna :
- De nombreuses anecdotes prouvent que l’Envoyé de Dieu (r)
avait l’habitude de prendre en considération l’information singulière
de Ses Compagnons ou de confier, à l’un ou l’autre, la responsabilité
individuelle de la transmission des règles de l ‘Islam :

Exemples :
- Il a envoyé (r) ‘Alî seul, et Mou‘âdh Ibn Jabal au Yémen
- Il a envoyé (r) Mous‘ab Ibn ‘Oumayr à Médine avant l’Hégire pour
apprendre aux nouveaux Musulmans le Coran et les pratiques de
l’Islam.
Ceci confirme la valeur de l’information singulière et sa fiabilité. Ces
Compagnons ont agi en leur qualité de transmetteur entre le Messager
de Dieu (r) et les Musulmans auprès desquels ils étaient dépêchés.

113
Les fondements du droit musulman

- Son acceptation (r) de l’information singulière telle que l’ac-


ceptation du témoignage du bédouin concernant le croissant du
Ramadan. (Rapporté par Aboû Dâwoûd et autres), etc.
* Arguments du Consensus :
- L’accord a été établi entre les Compagnons, (y) qu’il fallait exécuter
le contenu du hadîth ahâd et l’accepter.
Ils ont accepté le hadîth ahâd à maintes reprises, et dans des cir-
constances innombrables :
Ainsi, ils ont ratifié l’information singulière rapportée par Aboû Bakr
(t) au sujet de l’élection du calife : « les califes sont de Qouraych… »
(Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Ils ont accepté son information sur le lieu de l’enterrement du
Prophète (r), sur la non répartition de son patrimoine (r).
L’acceptation d’Aboû Bakr à prendre en considération le hadîth
ahâd rapporté par Al Moughîra Ibn Chou‘ba et Mouhammad Ibn
Maslama, selon lequel le Prophète (r) a accordé la part de 1/6 de
l’héritage à la grand-mère. (Rapporté par Ahmad et autres)
L’acceptation de la Majorité des savants du hadîth de ‘Â’icha (Que
Dieu soit satisfait d’elle), concernant l’obligation de faire le grand
lavage suite à la rencontre de l’extrémité des deux sexes. (Rapporté par
Mouslim, Ahmad et autres)
- ‘Oumar (t) a accepté l’information ahâd de ‘Abd Ar-Rahmân Ibn
‘Awf sur le prélèvement de la jizya aux Mazdéens. (Rapporté par
Mâlik)
- Les gens de Qoubâ’ se sont fiés à l’information d’un seul Compagnon
au sujet de l’abrogation de la direction de la Qibla. (Rapporté par Al
Boukhârî et Mouslim)
- Statut du hadîth ahâd :
Chez la Majorité de Ahl Al Ousoûl, le hadîth ahâd implique le sens du
« fort probable » ou de la certitude probante (zann ghâlib).
Cependant, il existe d’autres avis quant à sa valeur.

114
Les fondements du droit musulman

- Il signifie la certitude (al yaqîn) si les rapporteurs sont honorables


et précis dans la transmission de leur information. Ils exigent que
les rapporteurs soient :
- Honorables ‘oudoûl. L’honorabilité = al ‘adâla
- Précis dâbitîn. La précision = ad-dabt
Ceci est l’avis des Zâhirîtes et des certains Mâlikites (d’Andalousie).
Le hadîth ahâd est sûr et certain s’il est entouré d’indices qui confir-
ment sa véracité. A l’exemple des hadîth rapportés par Al Boukhâri et
Mouslim.
Dans ce cas, le sérieux des indices découle de la rigueur dans la
sélection et dans l’analyse de la chaîne de transmission.
Parmi ceux qui sont de cet avis :
L’Imâm Al-Âmidî (Chafi‘îte), Ibn Al-Hâjib (Mâlikite), Imâm
Al-Haramayn Al-Jouwaynî (Châfi‘îte), Al-Baydâwi (Châfi‘îte) et une
version d’après l’imâm Ahmad qui a aussi adopté cet avis.

*********

- La grande majorité des hadîth du Prophète (r) sont des hadîths


ahâd.
La Majorité des savants de l’Islam n’accepte le hadîth ahâd que
pour les pratiques cultuelles. Elle ne l’accepte pas pour le Dogme
(Al ‘aqîda) où elle exige at-tawâtour.
Les Hanbalites l’acceptent pour le dogme s’il est confirmé par des
chaînes authentiques.
La grande majorité des savants accepte le hadîth ahâd pour les
peines légales, excepté une grande majorité de Hanafites.
Le hadîth ahâd a priorité sur l’analogie (Al Qiyâs) car l’analogie est
une déduction alors que le hadîth ahâd est un Texte révélé.

115
Les fondements du droit musulman

- Les savants sont unanimes que le hadîth ahâd est une preuve pour :
la fatwâ, la preuve testimoniale et les affaires courantes de la vie de
tous les jours.
La Majorité des fouqahâ’ prend en considération le hadîth ahâd
dans les règles secondaires pratiques, car le Coran, la sounna et la
raison l’approuvent et le justifient.
- Les Chi‘îtes, Al Joubbâ’î, Ibn Dâwoûd le zahirite, Al Qâsânî et cer-
tains innovateurs ont rejeté l’exécution et la prise en considération
du hadîth ahâd.
- Les conditions du transmis (le texte : al matn)
- L’imâm Mâlik a avancé une condition selon laquelle le hadîth ahâd
ne doit pas s’opposer à l’usage des gens de Médine.
Ils avancent également pour la transmission de ce hadîth qu’il a
été décidé par tous les spécialistes d’accepter la transmission de la
femme au même titre que celle de l’homme. Qu’est-ce qui justifie cette
analogie ?
- Conditions du transmetteur : ar-râwî
La Majorité a exigé que le transmetteur d’un hadîth ahâd satisfasse
aux quatre conditions suivantes :
- Al Islam : être Musulman
La transmission du hadîth ahâd par un non Musulman n’est pas
acceptée.
Concernant la personne « majhoûl al hâl » dont on ignore l’état de
son honorabilité morale et doctrinale, seuls les Hanafites refusent sa
transmission, tant qu’il n’y a pas de certitude.
Les autres s’accordent à dire que tout ignorer à son sujet (islam ou
pas, etc.), implique la possibilité qu’il soit Musulman et honorable.
Cette ignorance n’est pas une raison suffisante pour le mettre en cause
et rejeter sa transmission. Ils acceptent sa transmission (à condition
qu’il satisfasse à toutes les autres conditions).

116
Les fondements du droit musulman

- At-taklîf : La responsabilité = al bouloûgh et al ‘aql


Il s’agit de la puberté, le fait d’être saint d’esprit et mature.
On n’accepte pas la transmission d’un enfant en bas âge, ni celle des
personnes simples d’esprit, ni celle des fous.
C’est pourquoi, ils n’ont pas accepté les transmissions d’Ibn ‘Abbâs,
d’Ibn Az-Zoubayr, d’An-Nou‘mân Ibn Bachîr et autres tant qu’ils
étaient enfants alors qu’ils avaient entendu des hadîth de la bouche
du Prophète (r), et ont attendu qu’ils atteignent leur puberté pour
prendre en considération leurs transmissions. (Réf. Aboû Hâmid Al
Ghazâlî : Al Moustasfâ. Tome 1, page 156)
- Al ‘adâla : L’honorabilité
Al ‘adl, c’est la droiture de quelqu’un dans sa mise en pratique de la
religion. Il est juste et véridique dans sa manière d’être au niveau de la
pratique et de la conduite.
Il s’agit d’une attitude morale invariable qui incite la personne à
nourrir le souci permanent de la crainte de Dieu (U).
C’est une personne qui s’observe pour tenter de rester en conformité
avec ce que Dieu veut. C’est la personne qu’on voit exécuter les ordres
et éviter les interdits (et ce qui est répréhensible) dans sa pratique. C’est
quelqu’un qui évite tout acte de perversité.
Ibn ‘Âsim a dit :

‫الك َبائِ َرا‬


َ ‫العدْ ُل َم ْن َ ْي َتنِ ُب‬
َ
‫الص َغائِ َرا‬َّ ‫ب‬ َ ‫َو َي َّت ِقي ِف‬
ِ ‫األ ْغ َل‬
Traduction :

L’honorable est celui qui évite les péchés majeurs,


Et se préserve dans la plupart du temps des péchés mineurs.

*********

117
Les fondements du droit musulman

Ad-Dabt : La précision dans la transmission


Il faut que le transmetteur n’est pas la réputation de :
L’oubli ; l’imprécision ; l’erreur ; la fabulation (transformer une
information) ; la supposition.
On reconnaît la précision du transmetteur lorsque grosso modo, ses
transmissions rejoignent celles des rapporteurs réputés honorables, véri-
diques et sûrs.(Réf.As-Souyoûtî :Tadrîb ar-râwî fî charhTaqrîb An-Nawâwî.Tome 1,
page 304)
D’autres conditions ont été émises par les savants ; nous les citons
sans trop de détails :
- Les Hanafites exigent que la conduite d’un rapporteur de hadîth
âhâd ne contredise pas la mise en pratique dudit hadîth. Auquel
cas, ils ne l’acceptent pas.
- D’autres exigent que le hadîth ahâd soit rapporté par deux per-
sonnes, qui le rapportent elles-mêmes d’après deux autres per-
sonnes qui les précèdent, qui le rapportent également d’après deux
autres personnes qui les précèdent, jusqu’à la codification.
Parmi ceux qui ont émis cette condition : Al Joubbâ’î. 35

Il prétend s’appuyer sur une analogie avec le témoignage qui néces-


site deux témoins.
La Majorité a réfuté son avis car la chahâda n’a pas pour base légale
uniquement deux personnes. Elle change en fonction des témoins, tel
que cela a été défini par le Législateur : le témoignage peut être délivré
par deux hommes, un homme et deux femmes ou par quatre femmes.
II. La Sounna à chaîne discontinue - Al Marâsîl
Al moursal, au pluriel marâsîl : les hadîth détachés, relâchés.
Définitions
Définition en poésie de Sâhib Al Marâqî :

35 Al-Joubbâ’î était un cheykh Mou’tazilite. Il était le cheykh de l’imâm Abou


Al-Hasan Al-Ach‘arî, avant son retour au Sounnisme.

118
Les fondements du droit musulman

ِ‫ﻗَﺎلَ إِﻣَﺎمُ اﻷَﻋْﺟَﻣِﯾنَ وَ اﻟﻌَرَب‬ ... ْ‫وَﻣُرْﺳَلٌ ﻗَوْﻟَﺔُ ﻏَﯾْرُ ﻣَنْ ﺻَﺣِب‬

ٍ‫أَوْ اﻟﻛَﺑِﯾرُ ﻗَﺎلَ ﺧَﯾْرُ ﺷَﺎﻓِﻊ‬ ... ‫ﻋِﻧْدَ اﻟﻣُﺣَدﱢﺛِﯾنَ ﻗَوْلُ اﻟﺗﱠﺎﺑِﻌِﻲ‬

‫ﻋَﻠَﯾْﮫِ ﻣُﺳْﻧَدٌ وَ ﻋَﻛْسٌ ﺻَﺣﱠﺣَﺎ‬ ... ‫وَھُوَ ﺣُﺟﱠﺔٌ وَ ﻟَﻛِنْ رُﺟﱢﺣَﺎ‬

Traduction :
Le hadîth détaché, c’est la parole de celui qui n’était pas un Compagnon,
Quand il rapporte que L’imâm des Non arabes et des Arabes a dit :
Chez les mouhaddithîn, c’est la parole du Tâbi‘î
Ou le grand (Tâbi‘î) qui dit : le meilleur des intercesseurs a dit
Et il est pris en considération dans l’argumentation juridique, mais
certains,
Donnent préférence au hadîth mousnad, et d’autres disent le
contraire.

Commentaire :
Certains avancent que le hadîth détaché (al moursal) est la parole
de celui qui n’a pas accompagné le Prophète (r). Dans ce qu’il rap-
porte, il dit directement : « Le Prophète (r) a dit : « … ». Il saute
ainsi le Compagnon entre lui et le Prophète (r). Il rattache le hadîth
au Prophète (r), mais avec une boucle qui manque (au niveau du
Compagnon).
Ceci ne veut pas nécessairement dire que le hadîth est faible.
Cette omission peut avoir pour raison la certitude de la personne
quant à ce qu’elle rapporte.
Note : « L’imâm des non arabes et des arabes », c’est le Prophète (r).

119
Les fondements du droit musulman

Pour les savants du hadîth (al mouhaddithoûn), le hadîth al mour-


sal, c’est quand un Tâbi‘î (ou un grand Tâbi‘î) parle dans l’absolu. Il dit :
« Le Prophète (r) a dit : « … », Et cela sans se référer au Compagnon.
Note : « Le meilleur des intercesseurs», c’est le Prophète (r).
Le hadîth al moursal est pris en considération dans l’argumentation
des règles de Droit.
Certains donnent préférence au hadîth al mousnad ; chez d’autres
c’est le contraire, ils donnent la préférence au hadîth al moursal.

Définition selon Ahl Al Hadîth


C’est la parole du Tâbi‘î (le Compagnon du Compagnon). Il rapporte
un dire ou un acte du Prophète (r) : « Le Prophète (r) a dit ceci ou
il a fait cela… »

Définition selon Ahl Al Ousoûl


C’est lorsque l’honorable (al ‘adlou) qui n’a pas rencontré le Prophète
(r) dit : « le Prophète (r) a dit : « … » ; Ou la parole de celui qui, tout
en n’étant pas contemporain du Compagnon (ou qui n’a pas rencontré
le Compagnon), dit : « Le Compagnon a dit, le Prophète (r) a dit :
« … ».
Cette personne n’a donc pas rencontré le Prophète (r), ni le
Compagnon. Cependant, cette personne peut être honorable et
savante, et le fait qu’elle ne cite pas la référence ne veut pas dire qu’elle
n’en a pas.
La définition du hadîth moursal chez Ahl Al Ousoûl est plus éten-
due (plus générale) puisqu’elle englobe la définition d’Ahl al Hadîh.
- Le hadîth al moursal chez Ahl Al Ousoûl englobe :
* Le hadîth al mounqati‘ (hadîth interrompu ou discontinu).
* Le hadîth al mou‘dal (hadîth défaillant).
* Le hadîth al moursal, tel que défini chez Ahl Al Hadîth.

120
Les fondements du droit musulman

La prise en considération du hadîth Al Moursal


Note : Le hadîth al moursal d’après un autre que le Compagnon est
rapporté par quelqu’un qui a omis le Compagnon dans la chaîne.
Il y a unanimité sur l’acceptation du moursal du Compagnon. Car le
Compagnon détache son hadîth suite à l’écoute d’un autre Compagnon.
Tous les Compagnons du Prophète (r) sont honorables.

Exemples :
Le hadîth par Ibn ‘Abbâs (t), le Prophète (r) a dit : « L’usure n’est
autre que l’usure de crédit. » (Rapporté par Mouslim) :
Quand les Compagnons ont interpellé Ibn ‘Abbâs sur ce hadîth, il
a dit « C’est Ousâma Ibn Zayd qui m’en a informé ».
Al-Barâ’ Ibn ‘Âzîb (t) a dit :
« Tout ce que nous vous avons rapporté, nous ne l’avons pas entendu
de la bouche du Prophète (r), cependant nous ne mentons pas ».
Par là, il veut dire qu’ils rapportent les hadîth les uns des autres.
Ce genre de hadîth détaché (moursal) est appelé « marâsîl as-Sahâba »
(les hadîth détachés d’après les Compagnons).
Ce genre de hadîth moursal est sujet d’unanimité au niveau de sa
prise en considération et de sa mise en pratique.
Cependant, il y a des divergences parmi Ahl Al Ousoûl quant à sa
prise en considération lorsqu’il provient d’autres rapporteurs.

Première tendance
Chez la majorité de Ahl Al Hadîth, il est rejeté parce qu’on ignore le
maillon qui manque dans la chaîne.
Les Zâhirîtes rejettent le hadîth al moursal qui a été rapporté après
les deux premières générations (après l’an 200H).

121
Les fondements du droit musulman

Deuxième tendance
Selon cette tendance de la Majorité, il est pris en considération. C’est
l’avis le plus répandu d’après l’imâm Aboû Hanîfa, l’imâm Mâlik
et l’imâm Ahmad, certains Châfi‘îtes comme Al Âmidî et aussi les
Mou‘tazilites.
Ils considèrent le hadîth al moursal (de ce type) plus fort que le
hadîth al mousnad (l’élevé ininterrompu).

Note :
Le hadîth al mousnad, c’est le hadîth dans lequel on attribue un dire ou
une action à quelqu’un que l’on n’a pas rencontré. C’est quand quelqu’un
prétend avoir vu ou entendu une chose d’une personne qu’il n’a pas
rencontrée. Il dit « Le Compagnon a dit… » ou « Le Prophète (r) a
dit : « … », alors qu’il n’a rencontré ni le Compagnon, ni le Prophète
(r).
Donc cette tendance considère le hadîth al moursal plus fort que le
hadîth al mousnad selon le principe suivant :
« C’est celui qui attribue un hadîth à quelqu’un d’autre (man asnada)
et l’impute à autrui (n’engage pas sa responsabilité).
Tandis que celui qui détache un hadîth (man arsala), il engage
sa responsabilité quant à l’information qu’il relâche (détache) : man
asnada laka faqad ahâlaka, wa man arsala faqad takaffala laka. »
Ce principe explique la raison pour laquelle ils privilégient le
hadîth al moursal sur le hadîth al mousnad.
Celui qui attribue un dire à quelqu’un d’autre, il le lui impute :
« Foulân (Untel) a dit … ». Il n’assume pas de responsabilité propre.
Néanmoins celui qui détache le hadîth prend l’information à son
compte et, ainsi met en cause son honorabilité. Cela implique qu’il soit
sûr de son information.

122
Les fondements du droit musulman

Troisième tendance
C’est la tendance qui donne la priorité au hadîth al mousnad, quand il y
a une opposition entre lui et le hadîth al moursal au niveau d’une règle
stipulée dans les deux hadîth ; cela parce qu’il existe la possibilité de
connaître celui qui s’attribue cette parole (dans le hadîth al mousnad)
et cela est meilleur à un hadîth où il manque un maillon (le hadîth al
moursal).

Quatrième tendance : La position de l’imâm Ach-Châfi‘î


Il a une position médiane, entre ceux qui rejettent le moursal et ceux
qui l’adoptent. L’imâm Ach-Châfi‘î a émis cinq conditions pour l’ac-
ceptation du moursal :
* Il faut qu’il soit fortifié au niveau de sa signification par un hadîth
mousnad.
* Il faut qu’il concorde avec un hadîth moursal agréé par les savants.
* Il faut qu’il soit appuyé par les dires d’un Compagnon.
* Il faut qu’il soit fortifié par les avis d’un grand nombre de savants
(érudits Musulmans) ou que son contenu soit conforme à des
fatâwa émises par des érudits. Il s’agit bien évident de fatâwas
portant sur le même sujet.
* Il faut que le rapporteur qui a détaché le hadîth l’ait reçu d’un autre
rapporteur honorable. Il doit justifier de qui, il a reçu son infor-
mation et ce rapporteur doit être connu. C’est pour cette raison
que l’imâm Ach-Châfi‘î n’accepte que les marâsîl des éminents
Compagnons des Compagnons tels que Az-Zouhrî et Sa‘îd Ibn
Al Mousayyib36, qui ont détaché leurs hadîth, d’après d’honorables
véridiques tels que Al Hassan Al Basrî, Ach-Cha‘bî et Ibn Sîrîn.
(Réf. Al-Bourhân de l’imâm Al-Jouwaynî. Tome1, page 634. Voir aussi : Ibn
As-Salâh dans « Al-Mouqaddima fî Al-Moustalah », page 49).

36 Sa’îd Ibn Al Mousayyib était un grand Tâbi‘î, mort en l’an 93H ou 94H.

123
Les fondements du droit musulman

Cinquième tendance
C’est la position d’Ibn Al Hâjib et d’Ibn Al Houmâm qui n’acceptent
que les marâsîl des imâm érudits, réputés pour leur précision.
Tâj Ad-Dîn As-Soubkî a dit : « Les imâm précis dans la trans-
mission sont les Compagnons, les Compagnons des Compagnons et
les Compagnons des Compagnons des Compagnons : As-Sahâba,
At-Tâbi‘oûn et Tâbi‘oû at-Tâbi‘în. »

Sixième tendance de ‘Îsâ Ibn Abân :


Si le moursal est détaché par un savant, quel qu’il soit tant qu’il fait
partie des trois premières générations, son moursal est accepté, même
s’il ne fait pas partie des imâm de la transmission.

La relation de la sounna avec le coran


et son rôle dans la légifération
Depuis l’avènement de l’Islam, la Sounna du Prophète (r) a été consi-
dérée par tous les savants musulmans, à quelque époque, comme une
source d’autorité et d’argumentation légale, tout comme le saint Coran.
La Majorité la place après le saint Coran, mais d’autres, à l’exemple
de ‘Abd Al Ghanî Abd Al Khâliq dans son livre Houjjiyyat As-Sounna,
la placent au même niveau que le Coran du point de vue de l’argumen-
tation juridique. Cependant, le Coran lui est supérieur, car Son verbe et
son sens sont tous les deux d’origines divines, sa lecture dans les actes
d’adoration est requise et il est un miracle défiant les Hommes.
Lorsqu’on utilise la Sounna comme source de la règle de Droit,
cela nécessite la connaissance des degrés du hadîth (marâtib al hadîth),
la compréhension juste des Textes (al moutoûn), la connaissance de
l’abrogation et surtout celle de l’ensemble des hadîth qui se rapportent
au même sujet.

124
Les fondements du droit musulman

Il faut aussi savoir distinguer la signification des termes du hadîth


(ad-dalâlah). Ainsi, l’impératif stipule la recommandation et non
l’obligation, etc.
La Sounna est une source de la Loi à laquelle se réfère le moujtahid,
mais on peut aussi dire que la Sounna est la source à laquelle se réfèrent
les éducateurs, les juges, les économes, les sociologues, etc.

La relation de la Sounna avec le Coran


Puisque le Coran est la Parole de Dieu (U), il est de toute évidence
impossible aux Hommes d’en cerner la véritable signification sur la
seule base de leur intelligence. C’est pourquoi, Allâh (U) dans Sa Bonté,
nous a envoyé le Messager pour expliciter Sa Parole et La rendre plus
évidente ; cela par ses dires, ses actions et ses approbations, et par sa
façon d’être : As-Sounna.
Dieu (U) dit : ( … Afin que tu expliques aux Hommes ce qui leur a
été révélé…) (Ste 16/V.44)
- La Sounna confirme ce qui a été révélé dans le Coran
La Sounna confirme ce qui a été révélé dans le Coran, soit en repre-
nant les mêmes sujets que le Coran aborde, soit en reprenant des sujets
et des sentences similaires, soit en les explicitant.

Exemples :
- Dieu (U) dit : ( Et accomplissez la Salât, et acquittez la Zakât, et
inclinez-vous avec ceux qui s’inclinent ). (Ste 2/V.43)
- Dieu (U) dit aussi : ( Dieu a prescrit aux êtres humains, par déférence
envers Lui de se rendre en pèlerinage à Sa Demeure, pour quiconque
en a les moyens ). (Ste 3/V.97)
Ces versets ont été confirmés par le hadîth de l’Envoyé de Dieu
(r), relaté par ‘Abd Allâh Ibn ‘Oumar (t) : « L’Islam repose sur cinq
piliers : le témoignage qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allâh et que
Mouhammad est Son Messager, l’accomplissement de la prière,

125
Les fondements du droit musulman

l’acquittement de la zakât, le pèlerinage à la Maison d’Allâh et le


jeûne du mois de ramadân ». (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
- La Sounna détaille et explicite ce qui a été révélé dans le saint
Coran, à l’exemple des modalités des pratiques cultuelles ou des
peines légales.

Exemples :
- Dieu (U) dit : ( Mangez et buvez jusqu’à ce que vous distinguez la
ligne blanche de la ligne noire de l’aube… ) (Ste 2/V.187)
La Sounna a détaillé le début et la fin du jeûne. Le Prophète (r) a
expliqué ce verset, et ce qu’il signifie en fait de limites.
Il a expliqué que la ligne blanche désigne les premières lueurs de
l’aube naissante, et que la ligne noire désigne la nuit. (Rapporté par Al
Boukhârî et autres)
- Dieu (U) dit : ( Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main,
en punition de ce qu’ils ont commis, et comme châtiment de la part
d’Allâh… ) (Ste 5/V.38)
La Sounna a détaillé ce qu’est un vol, la valeur de l’objet volée et la
façon de couper la main.
- La Sounna légifère
La Sounna peut légiférer des règles qui ne sont pas dans le saint
Coran. La Sounna est ainsi une source de la Loi indépendante du saint
Coran.

Exemples :
- L’interdiction d’unir dans un mariage une femme et sa tante.
- La fixation de la part de la grand-mère lors de la distribution de la
succession à 1/6ème.
- La zakât de la rupture du jeûne (zakât al fitr).
- L’essuyage sur les chaussons (al mash ‘alâ al khouffayn).
- La diyya pour les membres coupés ou endommagés.

126
Les fondements du droit musulman

- Le droit de reprise de la part de l’associé (ach-chouf‘a).


- L’interdiction du port de bijoux en or pour les hommes.
- La Sounna restreint
La Sounna peut restreindre le champ d’application d’une règle
exprimée en termes généraux (takhsîs) ou étendue (moutlaq).

Exemples :
- Le Coran parle du droit à l’héritage d’une façon générale.
Dieu (U) dit : ( Voici ce qu’Allâh vous enjoint au sujet de vos enfants :
au fils, une part équivalente à celle de deux filles. ) (Ste 4/V.11)
La Sounna a légiféré que les Prophètes (Paix sur eux) ne lèguent
pas d’héritage.
Il a dit (r) : « Quant à nous, les Prophètes, les nôtres n’héritent
pas de nous ; tout ce que nous laissons est distribué en aumônes ».
(Rapporté par Al Boukhârî, Mouslim et Mâlik)
- Dieu (U) a cité le testament en des termes généraux : (…S’il laisse
des frères et sœurs, le sixième reviendra à sa mère, cela après qu’on aura
exécuté les legs et payé les dettes du défunt… ) (Ste 4/V.11)
La Sounna a restreint la valeur du legs au tiers (1/3) de l’héritage.
- La Sounna élargie le champ d’application d’une règle légale

Exemple :
Le hadîth du Compagnon qui avait embrassé une femme qui lui
était étrangère, et qui pris de regret, en avait informé le Prophète (r), ce
qui a entraîné la révélation du verset : ( … Les bonnes actions dissipent
les mauvaises… ) (Ste 11/V.114)
Le Compagnon concerné demanda alors au Prophète (r) si ce
verset ne concernait que lui. Le Prophète (r) lui répondit : « Non,
c’est pour l’ensemble de ma communauté ! » (Rapporté par Al Boukhârî
et Mouslim)

127
Les fondements du droit musulman

Donc, le Prophète (r) a élargi le champ d’application de cette règle


à tous les croyants.
- La Sounna al moutawâtara abroge le Coran
Selon l’avis de la Majorité, y compris al Baydâwî et Al Isnawî les
chafi‘îtes, la Sounna al moutawâtara abroge le Coran.
L’imâm Ach-Châfi‘î ne partage pas cet avis car la Sounna ne peut
pas abroger le saint Coran, et en raison du témoignage du Coran lui-
même. Dieu (U) dit : ( Si Nous abrogeons un verset ou que Nous le
fassions oublier, Nous en apportons un meilleur ou un semblable. Ne
sais-tu pas que la Puissance de Dieu est infinie ? ) (Ste 2/V.106)

Exemples :
- Le hadîth du Prophète (r) : ( Pas de legs supplémentaire pour l’un
des héritiers légaux. ) (Rapporté par Aboû Dâwoûd)
Pour la Majorité des juristes, ce hadîth abroge le verset dans lequel
Dieu (U) dit : ( Il vous a prescrit, à l’article de la mort, si vous laissez
des biens, de tester au profit de vos pères et mère et de vos proches de la
manière reconnue et convenable. ) (Ste 2/V.180)

128
Les fondements du droit musulman

LES ACTIONS DU PROPHÈTE (r)


Les actions du Prophète (r) sont plurielles :

1-Les actions naturelles (af‘âl jibilliyya)


Ce sont les actions qu’une personne accomplit par nature, qui font partie
de sa constitution physique, comme marcher, s’asseoir, etc. Ces actes ne
sont pas assujettis à une quelconque obligation ou recommandation.
Il n’y a pas de divergence entre les juristes que le statut de ce genre
d’action du Prophète (r) est la permission (al ibâha).
Les personnes responsables (al moukallafoûn) ne sont pas légale-
ment interpellées pour s’en acquitter mais le peuvent si elles le désirent.
Un nombre très restreint d’entre les savants leur ont accordés le statut
du Recommandé (al mandoûb).
2-Les actions légales qui ont pour fonction d’expliciter le Coran. Ces
explications du Prophète (r) est une législation qui nous est adressée.
Cette explication a force de loi pour nous, et nous sommes obligés de
prendre cette action en considération. Leur Statut est égal à celui du
texte coranique et ils prennent la sentence signifiée (la recommanda-
tion ou l’obligation ou l’interdiction ou la permission).
Allâh (U) dit : ( Ce que le Messager vous apporte prenez-le et ce qu’il
vous défend, renoncez-y.) (Ste 59/V.7)
Voir aussi Ste 3/V.97, entre autres.

Exemples :
- L’ordre de prier comme lui (Hadîth rapporté par Al Boukhârî)
- Le fait de suivre son exemple dans l’accomplissement des rites du
Hajj… (Hadîth rapporté par Mouslim, Ahmad et An-Nasâ’î)

3-Les actes sont propres au Prophète (r)


Il s’agit d’actes dont on est sûr qu’ils ne s’adressent qu’au Prophète (r).

129
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- Le jeûne continu sans rupture ni sahoûr (sawm al wisâl).
- L’obligation de s’acquitter de la prière du Douhâ.
- L’obligation d’accomplir les prières nocturnes (salât al qiyâm ou
at-tahajjoud).
- Son mariage avec plus que quatre femmes.
Ce genre d’actions est propre au Prophète (r). Il est interdit à sa
Communauté de l’imiter et de les exécuter. Cette affirmation est sujet
d’unanimité et a été énoncée par le saint Coran lui-même.

4-Des actions qui n’ont pas la fonction d’expliciter une règle.


Ce genre d’actions suppose deux possibilités :
a- des actions où l’on a pu distinguer, par le biais d’un indice (qarî-
nah), leur statut (l’obligation, la recommandation, l’interdic-
tion, etc.), et quelles sont des actes de dévotion ; à l’exemple du
jeûne de ‘Âchoûrâ’, alors on les inclut dans la catégorie des actes
recommandés.
b- des actions dont on n’a pas pu déceler qu’elles ont pour but l’ado-
ration. On leur accorde le statut du moubâh (le permis).
A l’exemple du choix de l’emplacement de la bataille de Badr (que
le Compagnon avait discuté et avait suggéré son changement).
Cependant, concernant la première catégorie de ce dernier genre,
les juristes ont divergé, lorsqu’il est évident que l’action vise l’adoration
et la dévotion.
- Certains ont dit qu’elles avaient le statut de l’obligation pour le
Messager de Dieu (r), c’est l’avis de la Majorité des savants : parmi
eux l’imâm Ahmad, l’avis le plus plausible de l’imâm Mâlik, une
partie des Mou‘tazilîtes, Ibn Sourayj et Ibn As-Sam‘ânî.
Quant aux fidèles, certains leur ont accordées le statut de l’obli-
gation. C’est l’avis de Mâlik, Al Abhourî, certains Chafi‘îtes et les
Hanbalites.

130
Les fondements du droit musulman

D’autres ont jugé ces actions recommandées pour la communauté,


et d’autres les ont classées parmi les actes permis, à l’exemple d’Al Bâjî,
Al Karkhî, As-Sarkhasî et Al Jassâs.
Il y a une dernière tendance concerne ceux qui se sont abstenus d’ac-
corder un statut à ce type d’actions du Prophète (r). Parmi les savants
de cette tendance : As-Sayrafî, la grande majorité des Mou‘tazilites,
Ar-Râzî qui l’a jugée la plus plausible, et son adoption par Aboû Al
Khattâb et un grand nombre de Théologiens.

131
Les fondements du droit musulman

L’ŒUVRE DES
GENS DE MEDINE
‘AMAL AHL AL MADÎNA

Définition
Il s’agit de l’unanimité ou de l’accord des érudits de la ville sainte de
Médine sur une question juridique à une époque précise.
On a rapporté, selon l’imâm Mâlik, que le Consensus des gens de
Médine est une source d’argumentation.
Il faut noter que ce sont surtout les Mâlikites qui prennent en
considération cette source ; pas les autres écoles.
Cependant, les Malikites ont divergé dans leur explication quant à
cette position de l’imâm Mâlik.
Parmi les avis qui ont été donnés pour expliquer cette position :
- Si les Gens de Médine rapportent une information (an-naql) d’après
le Prophète (r), on prend leur transmission en considération, même
si les autres érudits et rapporteurs ne sont pas d’accords.
- Certains ont dit que les gens de Médine étaient une référence au
niveau de leur transmission (an-naql).
- Ils sont une référence qu’il s’agisse d’une transmission ou d’un ijti-
hâd de leur part.
- S’il y a unanimité (ijmâ‘) entre eux sur une question, leur unanimité
a priorité sur toute autre unanimité.
Que veut dire cette unanimité (ijmâ‘) ?
Après analyse, il apparaît qu’il est question de l’unanimité des éru-
dits des trois premières générations de Médine :

132
Les fondements du droit musulman

Les Compagnons (As-Sahâba), At-Tâbi‘oûn et Tâbi‘oû At-Tâbi‘în.


Et il apparaît aussi que le Consensus des Gens de Médine est sub-
divisé en deux :
a- Ce qui est limité à une transmission d’après le Prophète (r). Selon
la plus grande majorité des avis des savants, ce genre de transmis-
sion fait l’objet d’une acceptation et est pris en considération. Ils
disent que lorsqu’il s’agit d’une transmission de leur part, il est
houjja (preuve et source d’argumentation).
b- Leur transmission (naql) a la priorité sur toute autre transmission,
car les Gens de Médine ont vécu avec le Prophète (r) et ont connu
la période de la promulgation des lois.
Concernant l’accord des Gens de Médine qui n’est pas issu d’une
transmission (an-naql), mais d’un ijtihâd ou d’une déduction, il y a
désaccord.
Ibn Taymiyya (?) a dit sur cette question : « Le Consensus des
Gens de Médine est de quatre sortes :
- « Selon la première tendance, c’est toute la transmission réalisée
par les Gens de Médine, d’après le Prophète (r), tel leur transmis-
sion de la valeur du « moudd », du « sâ‘ », la dispense de la Zakât
sur les légumes, etc.…
- « Selon la deuxième tendance, c’est la prise en considération de
l’œuvre des Gens de Médine avant l’assassinat de ‘Outhmân (t).
Il est une source d’argumentation chez les Mâlikites. C’est aussi ce
qu’a stipulé l’imâm Ach-Châfi’î et c’est ce qui apparaît de l’avis de
l’imâm Ahmad ».
- « Selon la troisième tendance, c’est lorsqu’il y a une contradiction
entre deux hadîth portant sur la même question ou entre deux
analogies qui s’opposent, et qu’on ne possède aucune base textuelle
ou argumentative pour faire la balance (pour ou contre) entres
les différents avis juridiques. Alors, ils se réfèrent à l’œuvre des
gens de Médine. C’est l’avis de l’imâm Mâlik et de l’imâm Ach-
Châfi‘î. L’imâm Aboû Hanîfa ne se réfère pas à l’œuvre des gens

133
Les fondements du droit musulman

de Médine. Les compagnons de l’imâm Ahmad ont deux avis sur


cette question ».
- « Selon la quatrième tendance, lorsque l’on parle de « l’œuvre des
Gens de Médine », on désigne l’œuvre des gens de Médine qui
est postérieure aux trois premières générations. On les appelle al
Mouta’akhkhiroûn. Chez la Majorité des savants, ce Consensus n’est
pas une source d’argumentation légale ». (Ref. Ibn Taymiyya : Al Fatâwâ
Al Koubrâ. Tome 20, page 494.)

La prise en considération du
consensus des gens de Médine
Houjjiyyat ijmâ‘ ahl al madîna
Il y a divergence entre les savants à ce sujet :
A. Avis de l’imâm Mâlik (?), le Consensus des Gens de Médine est
une preuve légale. Il s’est appuyé pour prouver la justesse de son avis
sur des Textes et des arguments rationnels.
L’imâm Mâlik cite de nombreux hadîth qui traitent des mérites de
Médine pour accorder la priorité à l’œuvre des Gens de Médine.
Le Prophète (r) a dit : « Médine rejette tout ce qui est vice,
perversité, à l’image de la cheminée du forgeron qui ôte les mauvaises
odeurs du fer ». (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim).
Le hadîth prouve que Médine et ses érudits sont préservés de l’er-
reur et de toute forme de vice ; ceci prouve l’authenticité de leurs avis.
L’imâm Mâlik rappelle que le Coran législatif a été révélé à Médine.
Ses habitants étaient les témoins de sa révélation. Les premiers textes
législatifs ont interpellé exclusivement les Gens de Médine. Et ils
étaient les héritiers de la Sounna du Prophète (r) qui s’était dévelop-
pée parmi eux.
Médine était la maison de l’émigration du Messager de Dieu (r).
Elle était le lieu de sa dernière demeure (sa tombe), le lieu de la descente

134
Les fondements du droit musulman

de la Révélation et du rassemblement des Compagnons (Qu’Allâh soit


satisfait d’eux), les héritiers de la science prophétique.
Les Gens de Médine étaient les plus aptes à faire la différence entre
l’abrogé et l’abrogeant. Ils étaient les témoins de la signification des
Textes légaux.
La transmission des Gens de Médine avait la priorité sur toute
autre transmission.
Toutes ces raisons font que leur Consensus est une preuve pour les
autres. (Réf. Ibn Al Hâjib : Al ‘Adoud. Tome 2, page 35)
B. L’avis du Joumhoûr
Les savants de la Majorité ont rejeté l’explication qui consiste à dire
que tout ce qui est en dehors de Médine est mauvais.
Par ailleurs, ils rappellent l’existence des hadîth qui parlent des
mérites de Mekka, et l’on ne peut pas affirmer que Mekka est de
moindre valeur que Médine.
En outre, il existe des hadîth qui parlent des mérites d’autres villes
ou régions telles : Ach-Châm, Yemen, Al Qouds, etc.
Ceci prouve que l’exclusivité du mérite ne revient pas qu’à Médine.
Aussi, ces hadîth ne peuvent servir à prétendre que tout ce qui est
en dehors de Médine n’est pas acceptable.
Pour la Majorité, le Consensus des Gens de Médine ne s’identi-
fie pas à la définition conventionnelle de l’Ijmâ‘ légal, car ils ne sont
qu’une partie de la Oumma.
Le fait d’accorder la priorité à la transmission des Gens de Médine
ne leur accorde pas l’exclusivité de la justesse ou de la validité de leur
ijtihâd.
Le fait d’avoir été témoin de la Révélation n’est pas une preuve que
la science de la Loi est propre aux Gens de Médine.

135
Les fondements du droit musulman

La divergence entre l’imâm Mâlik et la Majorité au sujet de la prise


en considération de l’œuvre des Gens de Médine a eu des conséquences
sur maintes questions juridiques.

Exemples :
- Leur divergence au sujet de la femme atteinte de métrorragie (al
istihâda)
- L’appel et l’annonce de la prière (al iqâma et al adhân), etc.

136
Les fondements du droit musulman

LE CONSENSUS
AL IJM‘
Le Consensus - Al-Ijmâ‘ est une forme d’ijtihâd, de réflexion juridique
rationnelle collective.

Introduction
L’idée du Consensus à l’époque des Compagnons
Après la mort du Prophète (r), le besoin s’est fait sentir d’apporter
des réponses à des questions nouvelles. Le Prophète (r) était infail-
lible, il recevait ses réponses par la voie de la Révélation ; aussi, les
Compagnons (y), par crainte de tomber dans l’erreur, ont choisi la voie
de la réflexion juridique de groupe.
Pour se protéger de l’erreur, ils ont construit une méthode de
réflexion de groupe.
Nous constatons que cette peur existait déjà chez eux dans la trans-
mission des hadîth. Les Califes vont accorder la préférence à la consul-
tation (ach-choûrâ). Ils stimulaient les érudits parmi les Compagnons
(Qu’Allâh soit satisfait d’eux) pour qu’ils apportent des réponses à des
questions qui n’avaient pas été soulevées par le saint Coran, ni par la
Sounna.

Remarque :
Cette réflexion juridique de groupe ne se fera pas en rupture avec les
Textes de la Loi.
Puisque Al Ijmâ‘ est une forme d’effort de réflexion juridique, on
utilisera la terminologie suivante :
Un consensus établi par un groupe sera appelé Al Ijmâ‘.

137
Les fondements du droit musulman

Un consensus établi par un individu isolé sera appelé « réflexion


juridique analogique », Ijtihâd Qiyasî.

L’idée du Consensus à l’époque des Tâbi‘în


Durant cette période, le Consensus va diminuer à cause de la mobili-
sation des Compagnons, des savants Musulmans et de leurs étudiants
à travers les différentes contrées du monde Musulman.
Al Ijmâ‘, comme idée n’était plus aussi présente à cette époque,
qu’elle ne l’était à celle des Compagnons. Le Consensus a été réduit au
niveau du Droit pendant cette période.

L’idée du Consensus à l’époque des écoles juridiques


C’est l’époque des Tâbi‘oû At-Tâbi‘în.
Durant cette époque, les érudits vont s’attacher au consensus anté-
rieur des Compagnons pour qu’ils ne soient pas accusés de vouloir
diverger d’avec les autres.
L’imâm Mâlik était très attaché au Consensus des gens de Médine.
Aboû Hanîfa était attaché au Consensus des érudits de Koûfa.
L’idée du Consensus à l’époque des écoles juridiques institutionnalisées
C’est l’époque des écoles auxquelles se rallient des disciples partout
dans le Monde Musulman.
Chaque groupe va s’attacher au consensus de son école (même s’il est
incorrect !) L’effort de réflexion va diminuer et le fanatisme juridique
va naître. C’est le siècle du début de la décadence des Musulmans.
Chacun appuie sa démarche sur des preuves qui justifient leur
consensus. Cependant ce qui est resté, c’est l’attachement unanime au
Consensus des Compagnons (Qu’Allâh soit satisfait d’eux).
Une vérité va s’installer dans l’esprit des Musulmans : le Consensus
est une source formelle de la règle de Droit, une source sûre et certaine.

138
Les fondements du droit musulman

Conclusion
Les juristes de toutes les époques remettent en cause ceux qui rejettent
le Consensus des prédécesseurs pieux, et plus précisément celui des
Compagnons, en raison de leur intégrité et des hadîth qui confirment
leur honorabilité.

Le Consensus dans la réalité


Aboû Ishâq Al Isfirâyînî a dit :
« Nous savons que les questions qui ont été le sujet d’un consensus
dépassent les vingt milles (20.000). »
Est-ce que cette affirmation est véridique ?
Est-ce que cette définition est conforme à la réalité ?
Sommes-nous devant le Consensus considéré comme troisième
source de la Loi ?
Est-ce que la définition des juristes est conforme à la définition de
Ahl Al Ousoûl qui a fait du Consensus une source sûre et certaine, que
celui qui le renie est traité de pervers ou de mécréant ?
Ces consensus juridiques méritent analyse et réflexion car certains
consensus devraient s’appeler avis de la Majorité (al joumhoûr) ».
Nous constatons que certains appliquent le terme « Al Joumhoûr » à
« Al Ijmâ‘ ». Cette démarche est erronée car « Al akthariyya (la majo-
rité) n’est pas l’égale de Al-Jamî‘ (tout le groupe : l’unanimité!)
Al akthar ou Al akthariyya, c’est la grande majorité et Al Jamî‘ c’est
tout le monde sans exception !
En matière de Consensus, il suffit qu’un seul érudit ne soit pas du
même avis pour qu’il n’y ait pas de Consensus !
Nous constatons également que certains confondent le terme
Consensus avec l’accord des quatre écoles juridiques.

139
Les fondements du droit musulman

Définitions
Définition Littérale du terme
Al Ijmâ‘ du point de vue linguistique s’utilise pour désigner deux
significations :
- al ‘azm et at-tasmîm : prendre la résolution d’agir, se préparer à agir.
A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( … Ainsi mettez tout en
œuvre contre moi ! Faites appel s’il le faut à l’assistance de vos divinités,
surtout ne vous faites aucun scrupule à mon égard…, …fa-ajmi‘oû
amrakoum wa chourakâ’akoum… ) (Ste 10/V.71)
C’est en ce sens que le Prophète (r) s’est exprimé au sujet de l’in-
tention du jeûne. Il a dit (r) « Celui qui n’a pas pris la résolution de
jeûner pendant la nuit n’a pas de jeûne, man lam youjmi‘ as-siyâma
bil-layl, falâ siyâma lah. » (Rapporté par Ahmad d’après Hafsa, et par Aboû
Dawoûd, At-Tirmidhî, et An-Nasâ’î.)

Remarque :
Ce hadîth a été utilisé comme argument par les Malikites pour exiger
la formulation de l’intention du jeûne (obligatoire) durant la nuit
(avant l’aube).
- Parmi les significations du terme retrouvons le sens de :
Al ittifâq : l’accord.
On dit en arabe : « ajma‘oû ‘alâ al amr : ils se sont mis d’accord sur
telle question. »
On se pose la question en matière de consensus sur la différence et
la relation présentes entre al ‘azm et al ittifâq.
- al ‘azm peut être initié par une seule personne.
- al ittifâq nécessite un groupe car il s’agit d’un accord.

Note :
Il y a divergence d’opinions sur la notion de groupe.

140
Les fondements du droit musulman

Qu’est-ce qu’un groupe ? Quel est le nombre minimal de personnes


à réunir pour former un groupe : deux ou trois ?
Quand on parle d’accord (ittifâq), on suppose d’office la volonté
de s’accorder tandis qu’al ‘azm implique une décision ou une initiative
personnelle.
Lorsque al ‘azm provient d’un groupe, il peut aussi signifier al itti-
fâq. Mais al ‘azm d’un individu ne peut pas avoir le sens d’al ittifâq.
Donc, tout ittifâq est aussi un ‘azm, mais tout ‘azm n’est pas force-
ment un ittifâq.
On dit en arabe : « yalzamou mina al ittifâqi al ‘azmou, wa lâ yalza-
mou mina al ‘azmi al ittifâq ».
Le terme Al Ijmâ‘ est donc partagé entre ces deux sens : al ‘azm et
al ittifâq.

Définition Conventionnelle
- La définition de Mouhammad Ibn Hamza Al Ghifârî (Mort en
834H) dans son livre « Fousoûl Al-Badâ’i‘ fî Fousoûli Ach-Charâ’i‘»
est : « Le consensus, c’est l’accord des érudits d’une génération de la
Oumma de Mouhammad (r) sur une règle juridique ».
- La définition d’Al-Kamâl Ibn Al-Houmâm
Al-Kamâl Ibn Al-Houmâm (Mort en 861H) a dit dans son
« At-Tahrîr » : « C’est l’accord des érudits d’une génération de la
Oumma de Mouhammad sur une question légale ».

Analyse de la Définition
- Nous constatons que la première condition pour la réalisation du
Consensus, c’est l’accord (al ittifâq).
Cette condition va lever toute possibilité de divergence.
- Une deuxième condition exige que la provenance de l’accord vienne
des érudits et non pas de la masse (al ‘âmma) qui est exclue du
Consensus.

141
Les fondements du droit musulman

Il s’agit de l’érudit indépendant : al moujtahid al moutlaq.


Les termes de cette définition - al moujtahid, la Oumma de
Mouhammad (r), l’époque (al ‘asr) - nécessitent une explication :

A - Al Moujtahid : l’érudit
Ibn Hazm a dit dans son livre Al Ahkâm : « Ce sont les érudits, les
savants = al ‘oulamâ’».
Al-Bazdawî dans son livre Al Ousoûl a dit : « Certains les ont
appelés les gens de l’opinion ahlou Ar-Ra’y ».
Al-Âmidî dans son livre Al Ahkâm a dit : « Il s’agit de Ahlou
Al-Halli wal-‘Aqd ». Ce sont ceux qui sont capables de donner des
solutions et de prendre des décisions ».
Ce sont donc les érudits de la Oumma.
Ce sont ceux qui sont désigné par la Parole divine : ( …très
certainement y auront connaissance ceux qui ont aptitude à déduire… )
(Ste4/V.83)
Ceux qui savent déduire (les règles) et sont aptes à le faire, ce sont
les savants, les érudits.
Ibn Al-Hâjib dans son livre Al Mountahâ( ) a dit : « Si nous
37

incluons dans le Consensus les personnes qui ne font pas partie de


Ahlou Al-Halli wal-‘Aqd, cela reviendra à y introduire ceux qui ne font
pas partie des érudits ».
Ainsi, chez Ahl Al-Ousoûl, les spécialistes des autres sciences ne
peuvent se faire valoir de Ahlou Al-Halli wal-‘Aqd. On y exclut les spé-
cialistes qui n’ont pas de connaissance en sciences juridiques comme
les théologiens, les linguistes, les grammairiens, etc.

B - La Oumma de Mouhammad (r)


Il s’agit d’un élément de prééminence que Dieu (U) a accordé à cette
communauté à qui Il a envoyé Son dernier Messager (r).

37 Al-Mountahâ : la finalité (de quelque chose).

142
Les fondements du droit musulman

Dieu (U) a honoré cette communauté en lui permettant d’être


préservée de l’erreur quand ses érudits s’accordent sur une question
juridique.
La parole du Prophète (r) : « Les savants de ma communauté ne
peuvent jamais s’accorder sur un sujet d’égarement ». (Rapporté par
At-Tirmidhî et Aboû Dawoûd)
Il s’agit des savants qui réunissent les deux qualités de la science et
de l’honorabilité.

Question :
Qui sont les Ahlou Al-Halli wal-‘Aqd ?
- Aboû Hâmid Al-Ghazâlî a dit dans son Moustasfâ : « Il s’agit de
tout érudit dont on accepte les avis juridiques (les fatâwâ)». (Réf.
Tome 1, page 115).
Il s’agit des érudits dont les avis juridiques sont acceptés favorable-
ment par les autres érudits.
Il y a cinq conditions pour l’érudition :
1 : La connaissance du Coran.
La connaissance de ses significations linguistiques et légales.
On n’exige pas la mémorisation du Coran dans sa totalité par l’érudit,
mais la connaissance de tous ses sujets et celle, en détail, des sciences
qui lui sont propres (abrogeant et abrogé, spécifique et général, son
absolu et son restreint, les causes de la Révélation, etc.)
2 : La connaissance de la Sounna et ses sciences.
Il doit maîtriser les chaînes (al asânîd) et les Textes (al moutoûn).
Il doit maîtriser la science des chaînes du hadîth et savoir l’analyser
de façon à faire la différence entre les chaînes justes ou fausses.
3 : La connaissance de toutes les questions sujettes au consensus.
L’érudit doit connaître toutes les questions antérieures, de l’époque
des Compagnons (y) jusqu’à celle des imâm moujtahid.

143
Les fondements du droit musulman

De même, il doit connaître les causes des divergences entre les


juristes et les méthodologies des différentes écoles de droit.
4 : La maîtrise de la science de Ousoûl Al-Fiqh.
L’érudit doit maîtriser la science de Ousoûl Al-Fiqh, car cette
science est nécessaire pour la déduction des règles.
L’imâm Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî a dit : « L’une des sciences les plus
importantes pour l’érudit, c’est la science des Fondements du Droit ».
5 : La connaissance des sciences de la langue (arabe).
L’imâm Al-Mâwardî( ) a dit : « La connaissance de la langue arabe
38

est une obligation pour tous les Musulmans, qu’il s’agisse des érudits
ou des autres ».
Il s’agit de maîtriser la langue arabe dont dépend la compréhension
des Textes légaux. Cela ne peut se faire que par la maîtrise de :
- la grammaire ; la conjugaison ; la science des idées (‘ilm al ma‘ânî) ;
la science de l’exposé (‘ilm al bayân) ; la philosophie de la langue ;
la sémantique (fiqh al-loughah), etc.
L’imâm Ach-Châtibî a classifié les spécialistes de la Loi par rapport
à leur maîtrise de la langue arabe.
Il a dit : « S’il est débutant dans la langue arabe, il est débutant
dans la compréhension de la Loi. S’il atteint un niveau moyen dans la
langue, il atteint un niveau moyen dans la compréhension de la Loi.
S’il arrive à la maîtrise de la langue, il en sera ainsi de la compréhension
de la Loi. Celui qui n’arrive pas à atteindre ce degré ne peut pas être
une référence, et ses dires (ses avis) ne sont pas acceptés ». (Réf. Voir Al
Mouwafaqât, Tome 4, page 114) (Voir aussi : Aboû Zahra, dans son livre Ousoûl
Al-Fiqh, pp : 380, 381)

38 Les imâms Al-Mâwardî et Al-Jourjânî étaient des grands imâms spécialistes du


i‘jâz du Coran dans sa dimension linguistique.

144
Les fondements du droit musulman

C - Al ‘Asr : l’époque
Il est question de l’unanimité de tous les érudits d’une même géné-
ration ou d’une époque commune, ce qui correspond à l’équivalent de
l’écoulement d’un siècle.
Certains ont dit : «… En une époque quelconque : fî ‘asrin mâ.»
D’autres ont dit qu’il s’agissait d’une époque bien précise, bien
déterminée.
Ce qui nous importe dans cette partie de la définition, c’est la déli-
mitation et la limite que contient le mot ‘asr (époque). Lorsqu’on dit
‘asr, on identifie les érudits d’une époque bien précis. En Ousoûl al
Fiqh, cela veut dire qu’il existe une unité entre les érudits d’un même
temps : ittihâd az-zamân. Ils se rejoignent, ils se sont unis dans la
même époque. Il y a un temps commun à ces érudits qui est al ‘asr
(l’époque ou la génération).
Selon notre définition, l’époque commune est une condition néces-
saire pour que le Consensus puisse exister dans la réalité.
C’est une condition nécessaire pour confirmer les règles de Droit
déduites par le biais du Consensus. Cela veut dire qu’il s’agit d’un acte
légal posé en même temps par ceux qui en ont le droit, ou dirons-nous
plutôt l’obligation (les érudits). Car la continuité de l’ijtihâd est un des
objectifs de la Loi.
Il y a des divergences parmi Ahl al Ousoûl au niveau de la manière
de formuler cette condition.
Le Consensus (al ijmâ‘) fourni ainsi, a force de loi et se noue en
preuve pour ceux qui succèdent (les générations postérieures).
Le Consensus de chaque génération est une preuve pour la Oumma
toute entière, comme l’est le Consensus des Compagnons (Que Dieu
soit satisfait d’eux tous).
A. La Majorité (al joumhoûr) de Ahl Al Ousoûl considère que l’écou-
lement de toute la génération n’est pas une condition pour la prise en
considération du Consensus. Il suffit que tous les érudits (al moujta-

145
Les fondements du droit musulman

hidoûn) de l’époque se mettent d’accord en un instant bien précis pour


que l’on affirme qu’al ijmâ‘ a eu lieu, car ces savants estiment que les
Textes légaux instituant le Consensus n’ont pas précisé cette condition
(l’écoulement de la génération ou de l’époque).
Al-‘Attâr dans sa « Al-Hâchiyya » sur le livre « Jam‘Al-Jawâmi‘»
de l’imâm As-Souboukî a dit : « Le mot ‘asr (époque) veut dire une
époque, qu’elle soit longue ou courte ».
B. L’imâm Ahmad Ibn Hanbal (?) dans l’un de ses deux avis et cer-
tains Chafi‘îtes ont exigé l’écoulement de toute l’époque, à savoir la
disparition de toute la génération pour que le Consensus devienne une
houjja (source d’argumentation légale). Selon cette tendance, l’écoule-
ment de l’époque est nécessaire, car il y a, toujours, la possibilité que
l’un ou l’autre érudit change d’avis.
Sur la base de cette condition émerge une autre définition du
Consensus :
« Le Consensus est l’accord des savants d’une époque quelconque ;
un accord continu toute la durée de l’époque (jusqu’à sa fin) : ittifâqou
ahlou al halli wal ‘aqdi fî ‘asrin mina al ‘ousoûri ittifâqn moustamirran ilâ
inqirâdi al ‘asri ».
C’est pour cette raison que l’imâm Al Âmidî a marqué son opposi-
tion à la définition du consensus donné par Abou Hâmid Al Ghazâlî
dans son livre « Al-Moustasfâ » : « Le Consensus, c’est l’accord propre
à la Communauté de Mouhammad (r) sur une question religieuse ».
L’imâm Al Âmidî critique l’imâm Al Ghazâlî, car il a omis de
mentionner les savants (Ahl Al Halli wal-‘aqd), et parce qu’il n’a pas
délimité le consensus par l’époque.

146
Les fondements du droit musulman

Questions spéciales
1. Si les érudits d’une époque divergent en deux tendances, est-il
permis à la génération suivante d’exprimer un troisième avis ?
- La Majorité des savants interdit de s’écarter de ces deux avis expri-
més par la génération précédente.
- Certains Hanafites, certains Zahirîtes et les Chi‘îtes ont permis
d’exprimer un troisième avis, car les érudits antérieurs concernés
n’ont pas déclaré interdit une telle démarche, et rien dans les Textes
légaux ne s’y opposent.
2. Si les érudits d’une époque divergent sur une question légale, puis se
mettent d’accord, ce Consensus est-il correct ?
- Ce Consensus est légal car il a eu lieu selon l’ensemble des savants.
3. Si les érudits d’une époque ont divergé et si la génération suivante
se met d’accord sur cette même question, ce nouveau Consensus a-t-il
force de loi ?
- Aboû Al Khattâb et les Hanafites affirment qu’il s’agit d’un
Consensus légal. Cet avis est le plus plausible, car le Prophète (r)
a dit : « Il y aura toujours un groupe de ma Communauté sur la
voie de la Vérité… » (Rapporté Al Boukhârî et Mouslim)
- Le Qâdî Aboû Ya‘lâ et certains Chafi‘îtes infirment ce Consensus.
4. Si deux générations d’érudits s’associent à une même époque, doit-on
prendre en considération l’avis de la génération la plus récente ? Par
exemple : doit-on tenir compte de l’avis du Tâbi‘î (Compagnon des
Compagnons) qui a atteint le degré de l’érudition du vivant des
Compagnons du Prophète (r) ?
- La Majorité des Ahl Al Ousoûl estime que son avis doit être pris en
compte, car il fait partie de la Oumma de l’époque. Les Compagnons
du Prophète (r) eux-mêmes ont agi ainsi et ont légitimé l’ijtihâd
de leurs Tâbi‘în (Compagnons).

147
Les fondements du droit musulman

Ainsi le calife ‘Oumar (t) a désigné Chourayh au poste de juge et


lui a écrit : «… Quand il s’agit d’une question à laquelle tu ne trouves
pas de réponse dans la Sounna, uses de ton effort de déduction ! »
Cette tendance avance d’autres arguments pour appuyer sa position
à l’exemple de ce qu’a rapporté l’imâm Ahmad : un homme a interrogé
Anas Ibn Mâlik (t) qui lui dit : « Interroge à son sujet notre maître
Al Hassan (Al Basrî). Nous étions présents (aux côtés de l’Envoyé de
Dieu), et il était absent. Mais il a mémorisé et nous avons oublié. Sachez
que le mérite du Compagnon, c’est d’avoir accompagné le Messager de
Dieu (r) ». Puis Anas (t) ajouta : « Mais vous avez parmi vous Aboû
Ach-Cha‘thâ’ ( Jâbir Ibn Zayd) !? »
De même, les érudits de cette tendance rapportent qu’il y avait
parmi les Compagnons des Compagnons, des érudits plus versés que
certains Compagnons (y), à l’exemple de Sa‘îd Ibn Al Mousayyab
(?).
- Le Qâdî Aboû Ya‘lâ et certains Chafi‘îtes récusent l’ijtihâd du Tâbi‘î,
car seul le Consensus des Compagnons compte à leur époque.
Pour les Zâhirites, seul le Consensus des Compagnons du Prophète
(r) est reconnu comme une source de la règle de Droit. Ils suppriment
l’usage du raisonnement analogique (al qiyâs), et ordonnent de s’en
tenir aux Textes de la Loi (Coran et Sounna), en s’appuyant exclusi-
vement sur eux.
Le seul ijmâ‘ valide ne peut être que celui qui se forme à partir d’un
Texte révélé, d’une parole ou d’un acte de l’Envoyé de Dieu (r). De
ce fait, l’ijmâ‘ est, non seulement extrêmement limité, mais annexé,
pourrait-on dire, au Coran et à la Sounna.
« Sachez, dit Ibn Hazm, que celui qui suit le texte du Coran et la
Sounna à chaîne continue de transmetteurs sûrs remontant jusqu’au
Prophète de Dieu (r), suit certainement al ijmâ‘ ». (Réf : Ibn Hazm :
Ihkâm. Tome 1, page 71)
Malgré cette position de base de la seule reconnaissance de l’ijmâ‘
des Compagnons, il ressort de la recherche d’Ibn Hazm, que l’ijmâ‘ est

148
Les fondements du droit musulman

bien le Consensus de la Communauté musulmane en tout lieu et à toute


époque, tant qu’il reflète exactement le Consensus des Compagnons.

Remarque
Il n’existe pas de divergences chez la Majorité des spécialistes de la
science des Fondements du Droit quant à ne pas tenir compte de l’avis
du Tâbi‘î qui n’a pas atteint le degré de l’érudition lors de l’établisse-
ment du Consensus des Compagnons du Prophète (r). Seuls ceux qui
exigent l’écoulement de l’époque toute entière prennent en considéra-
tion l’avis du Tâbi‘î.

La prise en considération
du Consensus
Houjjiyyat al ijmâ‘

Les supporters de l’Ijma‘ et de sa prise en considération


La Majorité des savants s’accorde autour de la prise en considération
de l’Ijmâ‘ qui constitue une source et une preuve (houjja) en matière
des règles de Droit.
Ils affirment que le Consensus est une preuve sûre et certaine
(dalîloun qat‘î) et que chaque Musulman doit s’y soumettre (à ses sen-
tences). C’est la troisième source de la règle de Droit en Islâm, après le
saint Coran et la Sounna du Prophète (r).
C’est l’avis des quatre imâms des écoles juridiques (Aboû Hanîfa,
Mâlik Ibn Anas, Ach-Châfi‘î et Ahmad et des Théologiens scolas-
tiques (al moutakallimoûn).
Parmi les arguments avancés par la Majorité, cinq versets du saint
Coran sont énumérés :
- La Parole de Dieu (U) : ( Et attachez-vous fermement tous ensemble
à la « Corde » de Dieu et ne vous divisez pas ; et rappelez-vous le

149
Les fondements du droit musulman

Bienfait d’Allâh sur vous lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui
réconcilia vos cœurs. Puis, par Son Bienfait, vous êtes devenus frères.
Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous
en a sauvés. Ainsi Allâh vous montre Ses Signes afin que vous soyez
bien guidés. ) (Ste 3/V.103)
- La Parole de Dieu (U) : ( Et quiconque fait scission d’avec le
Messager, après que le droit chemin lui soit apparu et suit un sentier
autre que celui des Croyants, alors Nous le laisserons suivre le chemin
qu’il s’est choisi, et Nous le brûlerons dans l’Enfer. Et quelle mauvaise
destination ! ) (Ste 4/V.115)
- La Parole de Dieu (U) : ( Parmi ceux que Nous avons créés, il y a
une Communauté qui guide (les autres) selon la Vérité, et par celle-ci
exerce la justice ) (Ste 7/V.181)
- La Parole de Dieu (U) : ( Sur quelque objet que portent vos différends,
c’est à Dieu seul de départager… ) (Ste 42/V.10)
Le sens du verset est que chaque fois que vous vous mettez d’accord
sur une sentence, vous êtes sur la voie de la rectitude.
- La Parole où Dieu (U) dit : ( Ô Vous qui avez cru ! Obéissez à
Dieu, obéissez au Messager, et ne rendez pas vaines vos œuvres )
(Ste 47/V.33)
En commentant ce verset, Ibn ‘Abbâs (t) a dit : « Ouloû al amr »
sont les savants ».
Dans le verset suivant, la preuve est qu’Allâh (U) a menacé de châ-
timent ceux qui s’éloignent de la voie du Prophète (r) et de la voie des
Croyants. Dieu (U) a lié, par la menace, la dissidence vis-à-vis de Son
Messager (r) et le schisme de la voie des Croyants.
Dieu (U) dit : ( Et quiconque fait scission d’avec le Messager, après
que le droit chemin lui soit apparu et suit un sentier autre que celui
des Croyants, alors Nous le laisserons suivre le chemin qu’il s’est choisi,
et Nous le brûlerons dans l’Enfer. Et quelle mauvaise destination ! )
(Ste 4/V.115)

150
Les fondements du droit musulman

Ceci veut dire qu’il est formellement interdit de rejeter ou de


remettre en cause ses sentences.
C’est à partir de ces significations, déduites, que la Majorité a consi-
déré mécréant celui qui renie le principe d’al ijmâ‘. De là, ils ont pro-
mulgué la règle suivante : « Al ijmâ‘ ne peut être abrogé, et ne peut être
abrogeant : al ijmâ‘ la younasakh wa lâ younsikh ».
Le Consensus élève la règle de Droit du degré de la probité
(az-zann) au degré de la certitude (al qat‘iyya). Ainsi, une règle issue
d’un hadîth isolé (hadîth ahâd) ou d’une information à source unique
(khabar al wâhid) est élevée suite à un accord unanime des érudits de
l’époque relevant son sens au degré de la certitude et de l’affirmation
catégorique.
Il y a de nombreux hadîth qui prouvent que la Oumma du prophète
Mouhammad (r) est préservée de l’erreur en la matière, ce qui confir-
ment la véracité et la force juridique du Consensus communautaire.
Parmi les autres arguments de la Majorité, il y a l’ensemble des
hadîth de l’Envoyé de Dieu (r), qui enjoint aux fidèles de s’en tenir
fermement à l’avis du groupe (al jamâ‘a) :
- Le Messager de Dieu (r) a dit : « Celui qui se sépare du groupe,
ne serait-ce que d’un empan, s’est défait de l’Islâm.» (Rapporté par
Ahmad, Aboû Dâwoûd, Al Hâkim et autres)
- Le Messager de Dieu (r) a dit : « Celui qui souhaite se retrouver
au fin fond du Paradis, qu’il se cramponne fermement au groupe
(des croyants)… » (Rapporté par Ahmad et Ibn Hibbân)
- Dans une version d’Al Bazzâr, le Messager de Dieu (r) a dit : « Celui
d’entre vous qui aimerait recevoir comme récompense la
résidence au fin fond du Paradis, qu’il se cramponne au groupe,
car Satan est avec celui qui est seul, et il est plus éloigné lorsqu’il
s’agit de deux… »
- Le Messager de Dieu (r) a dit : « Dieu (U) a accordé pour vous
à votre Prophète trois choses : il n’invoquera pas Dieu contre
vous pour vous détruire d’un Châtiment généralisé, les mauvais

151
Les fondements du droit musulman

n’auront jamais la victoire sur les gens de la Vérité et vous ne


vous accorderez jamais sur un sujet d’égarement ». (Rapporté par
Aboû Dâwoûd)
- Le Messager de Dieu (r) a dit : « Très certainement, ma
communauté ne sera jamais unanime sur une quelconque
question d’égarement ». (Rapporté par Ibn Mâjah)
- At-Tirmidhî a rapporté un autre hadîth avec une version légère-
ment différente. Dans la version d’Ahmad, le Messager de Dieu
(r) a dit : « J’ai demandé à mon Seigneur que ma communauté
ne s’accorde jamais sur un sujet d’égarement».
Tous ces hadîth et autres, si isolés, n’atteignent pas le degré d’at-tawâ-
tour, mais mis ensemble, ils élèvent l’information qu’ils véhiculent au
degré du moutawâtar al ma‘nawî, et confirment la préservation de la
Oumma de l’erreur.
On peut résumer l’avis de la Majorité comme suit :
La prise en considération de l’ijmâ‘ est une obligation. Il est une
preuve sûre et certaine.
Quand il s’agit d’un Consensus transmis par la voie du tawâtour,
celui qui le renie est mécréant. Certains le classent parmi les dissidents
égarés. (Avis cités par Ibn Hazm)
Quant au Consensus transmis par la voie du ahâd (transmission
unique), il n’engendre qu’un avis probant (az-zann).
Al Âmidi, Al Isnawî et Ibn Al Hâjib jugent mécréant tout individu
qui renie un consensus notoire et connu par tous.
Quant au Consensus qui concerne des questions de spécialistes, le
commun des Musulmans n’est pas censé en être informé, aussi sa foi
ne peut pas être remise en cause en cas de reniement ou de discussion.
(Voir Al Âmidi : Al Ihkâm tome 1, page 144)
Parmi les savants qui confirment le Consensus, certains, à l’exemple
de l’imâm Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî, ont stipulé qu’al Ijmâ‘ n’exprime
qu’un avis probant (zannî).

152
Les fondements du droit musulman

Certains Hanafites, tel que Al Bazdawî, ont dit : « Le Consensus


est de différents degrés. Il y a celui des Compagnons qui est transmis
à l’exemple du Coran et la Sounna par des masses de rapporteurs avec
des chaînes continues (al moutawâtara). Le Consensus des Tâbi‘în et
de leurs Tâbi‘în est à l’égal du hadîth notoire (al machhoûr). Quant au
Consensus qui a eu lieu antérieurement et qui a fait l’objet de diver-
gence, il est l’égal d’un hadîth isolé (khabar al wâhid) ».
Ibn Al Hâjib a dit : « … ainsi il apparaît que la prononciation de
l’excommunion de celui qui renie le Consensus nécessite analyse et
détails avant d’être verbalisé sans restriction ». (Voir Charh Al ‘Adoud, sur
l’Abrégé d’Ibn Al Hâjib)
Cet avis a aussi été exprimé par lmâm Al Haramayn Al Jouwaynî.

Les opposants au Consensus et leurs arguments


Parmi les adhérents à ce courant, on trouve An-Nazzâm et Al Qâchânî
les Mou‘tazilites, les Kharijites et les Chi‘îtes.
- An-Nazzâm et les Mou‘tazilites qui suivent sa tendance donnent
une toute autre définition au Consensus. Ils disent : « Le Consensus
est tout avis qui peut servir d’argument et de preuve… »
- Les Kharijites, groupe dissident, ne considèrent pas le Consensus
des Compagnons comme une source légale d’argumentation juri-
dique à cause de la division qui a eu lieu entre les Compagnons ;
seul le Consensus des Compagnons qui a eu lieu avant la crise et
la division peut être pris en compte, ainsi que le Consensus de leur
groupe, car ceux-là seraient les Croyants véritables.
- Les Chi‘îtes : Ils remettent en cause le principe du Consensus, car
seul avis de l’imâm infaillible compte.
Quant aux Chi‘îtes qui considèrent que l’imâm est encore voilé, seul
l’accord de Ahl Al Bayt (les Gens de la famille du Prophète (r), est
pris en considération.

153
Les fondements du droit musulman

Tous ces groupes s’accordent à nier le Consensus tel qu’il est défini
par la Majorité. Ils affirment que ce genre de consensus ne s’est jamais
concrétisé et que sa transmission est impossible.
Ils avancent des arguments issus du Coran, de la Sounna ainsi que
des arguments rationnels tels que leur analyse du verset 59 de la sou-
rate 4 : « Ô les Croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à
ceux d’entre vous qui détiennent le commandement. Puis, si vous vous
disputez en quel que ce soit, renvoyez-le (fa-rouddoûhou) à Allâh et au
Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier… »
Et ils disent « ar-radd » dans ce passage coranique en situation de
litige s’effectue uniquement vers Dieu (U) et Son Messager (r), et non
pas par le recours à l’avis des érudits de la Oumma. Ceci prouve que
l’on n’a nullement besoin du Consensus.
Quant au verset 89 de la sourate 16, il est explicite puisqu’il affirme
que le Livre contient l’explication de toute chose. Dieu (U) dit : « …
Et Nous avons fait descendre sur toi le Livre, comme un exposé explicite
de toute chose… »
Les opposants au Consensus se sont référés à la Sounna pour réfu-
ter la position du joumhoûr (la Majorité).
Ils ont cité, entre autres, le hadîth dans lequel le Prophète
(r) s’adressa à Mou‘âdh (t) quand il le dépêcha au Yémen, et dans
lequel Il l’interrogea sur ses recours textuels en cas de litige pour pro-
noncer ses sentences, à quoi Mou‘âdh répondit : la Parole de Dieu (U),
la Sounna de Son Messager (Paix sur lui, mais il n’a pas fait allusion
au Consensus. Le Prophète (r) ne lui a pas ordonné de s’y référer.
(Le hadîth a été rapporté par Aboû Dâwoûd, Ahmad, At-Tirmidî,
At-Tabarânî et Al Baghawî)
Ils ont cité aussi le hadîth du Prophète (r) : « Ne redevenez pas,
après ma mort, tels des mécréants vous entretuant entre vous… »
(Rapporté par Al Boukhârî)
Et le hadîth : «Vous allez suivre, pas à pas, les comportements de
ceux qui vous ont précédés (les non musulmans)… » (Rapporté par Al
Boukhârî et Mouslim)

154
Les fondements du droit musulman

Les opposants au Consensus affirment que l’on ne peut pas se fier


au Consensus de gens qui vont s’éloigner de la Religion et suivre les
traces des Non Musulmans.
Ils ont aussi argumenté leur avis par le hadîth suivant : « Dieu ne
retire pas par la force le savoir (religieux) entre les Hommes. Mais Il
le leur retire par la mort des savants, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun,
alors les gens nommeront à leurs têtes des ignorants. Ils seront
interrogés et ils répondront sans aucune science. Ils s’égareront et
égareront les autres. » (Rapporté par Al Boukhârî, Mouslim et autres)
Ce hadîth prouve, ont-ils dit, qu’il y aura des époques sans possibi-
lité d’ijmâ‘ à cause de l’inexistence de savants.
D’un point de vue rationnel, ils affirment pour tout homme la pos-
sibilité de commettre une erreur, fait tangible dont ils ne voient pas
pourquoi le groupe serait préservé ?
La Majorité a répondu à tous les arguments des opposants en
démontrant que les versets précités ne remettaient pas en cause le
Consensus. Le fait que le saint Coran soit la source de toute chose, n’est
pas en opposition avec la confirmation du Consensus, car le Coran
contient aussi des règles globales et toutes ses règles ne sont pas détail-
lées. En plus, le Consensus est une source dépendante du saint Coran.
Quant aux déviations qui apparaîtront au sein de la Oumma et qui
ont été soulevées par le Coran et les hadîth, elles ne concernent pas
toute la Communauté.
Pour la Majorité, la disparition des savants est une vérité prophé-
tique, et elle confirme que le Consensus n’existera plus, mais unique-
ment à l’approche de l’Heure dernière, car parmi les conditions de sa
validité, c’est qu’il soit élaboré par les érudits.
Quant à l’argument rationnel qui exclut l’infaillibilité de l’Homme,
il ne remet pas en cause selon la Majorité la prééminence accordée par
Dieu (U) à l’ensemble de la Oumma lorsqu’elle se prononce en accord
sur une quelconque question légale. (Voir Al Âmidî, Al Ahkâm, tome 1, pp :
151-152 et 156, où il réfute tous les arguments de An-Nazzâm en la matière).

155
Les fondements du droit musulman

Les différentes sorte de Consensus


Les spécialistes de Ousoûl al Fiqh ont divisé le Consensus en deux
sortes, en fonction de sa formation et de sa réalisation :

I : Le Consensus explicite ou actif :


al ijmâ‘ as-sarîh ou an-noutqî
Ce genre de Consensus est considéré comme une preuve (dalîl) sûre et
certaine (qat‘î), comme on l’avait exposé antérieurement.
Il s’agit d’un Consensus établi après que chaque érudit de l’époque
se soit prononcé sur la question à débattre, soit en session plénière les
réunissant tous, soit individuellement ; et l’avis émis rejoint celui de
tous les érudits de l’époque. On dit qu’il y a « ittihâd al fatâwâ ».

II : Le Consensus implicite ou passif :


al ijmâ‘ as-soukoûtî
Il s’agit d’une situation où un certain nombre d’érudits d’une même
époque se prononce sur une même question juridique, alors que le reste
des érudits se tait, bien qu’informés du débat et de la question posée ;
ils n’expriment ni leur désapprobation, ni leur accord.
A propos de ce genre de Consensus, cinq tendances se dessinent :
- A. l’avis de l’imâm Ach-Châfi‘î, des Malikites, de ‘Îsâ Ibn Abân, de
Al Bâqillânî, de Dâwoûd le Zahirite et de l’imâm Fakhr Ad-Dîn
Ar-Râzî : ils rejettent ce genre de Ijmâ‘. Il n’est pas une preuve
d’argumentation légale. Ils disent : « On ne peut pas attribuer une
position à celui qui s’est abstenu de formuler un avis : « la younsabou
li-sâkitin qawloun.» ; le silence n’est pas forcément le signe d’un
consentement ou d’un accord.
Les membres de cette tendance citent à l’appui le hadîth dans lequel
le Messager de Dieu (r) ne s’est pas fié au silence d’Aboû Bakr et de
‘Oumar (y), quand Dhoû al Yadayn lui avait fait la remarque qu’il
avait raccourci sa prière de quatre raka‘ates. Le Messager de Dieu (r)

156
Les fondements du droit musulman

s’adressa à ses deux Compagnons et leur demanda : « Est-ce que c’est


vrai ce qu’a dit Dhoû al Yadayn ? » Aboû Bakr et ‘Oumar lui répon-
dirent : « Oui ! » (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Ceci prouve que le questionnement est important et est nécessaire
si l’on veut attribuer à quelqu’un un avis quelconque. Le silence n’est
pas une réponse en soi. C’est dans ce sens que ‘Oumar (t) a agi en sa
qualité de Calife, quand il a interrogé les membres de la consultation
sur le partage de l’excédent du butin. Les Compagnons lui ont suggéré
de le mettre en réserve pour des situations de besoin. Mais ‘Alî (t)
resta silencieux. Alors le Calife lui demanda son avis explicite sans se
contenter de son silence comme expression de son accord. Il lui posa
personnellement la question et son avis s’avéra complètement opposé
à celui des autres. ‘Alî (t) lui rapporta un hadîth du Messager de Dieu
(r) stipulant le partage de cet excédent. Le Calife ratifia son avis et
agit conformément aux directives du hadîth.
De même, quand on l’informa du comportement immoral d’une
femme et qu’il dépêcha le chef de la police pour lui enjoindre de chan-
ger d’attitude, celle-ci, de crainte, à la vue de l’émissaire du Calife,
fit une fausse couche. Pris de regret, ‘Oumar (t) demanda aux
Compagnons s’il lui devait la diyya (le prix du sang pour l’avortant).
Les Compagnons lui dirent qu’il n’avait à s’acquitter d’aucune amende.
Mais le Calife s’adressa à ‘Alî (t), qui n’avait pas encore pris la parole
et ‘Alî lui dit : « Je pense que tu lui dois al ghourra (ad-diyya) ».
Toutes ces anecdotes prouvent que le silence n’est pas forcément la
preuve d’un accord.
Les savants de cette tendance ajoutent d’autres arguments
rationnels :
Ils disent que le savant pourrait s’abstenir par crainte ou par respect.
Ainsi, on demanda à ‘Abd-Allâh Ibn ‘Abbâs (t) : « Pourquoi t’être tu
sans informer le calife ‘Oumar de ta position au sujet de la question
posée sur « al ‘awl »* ? » Il répondit : « Par respect ! C’est un homme
qui a du charisme ! »

157
Les fondements du droit musulman

Note : * al ‘awl : c’est lorsque les parts des héritiers légaux dépassent la
valeur du patrimoine laissé par le défunt.

Remarque
Certains spécialistes ont remis en cause l’authenticité de cette infor-
mation car c’est le calife ‘Oumar (t) qui avait convié ‘Abd-Allâh Ibn
‘Abbâs (t) à l’assemblée de la consultation. Et le silence dans de telles
circonstances est non conforme à la Loi et c’est une forme de tromperie
qu’on ne peut attribuer à ‘Abd-Allâh Ibn ‘Abbâs (t).
Les opposants à ce genre de Consensus disent que le silence peut se
justifier par un désir de recherche de preuves supplémentaires ou par
la volonté de conduire une analyse plus profonde. Comment dès lors,
décide-t-on sans hésitation qu’il s’agit d’un accord unanime?!
-B. L’avis de la grande majorité des Hanafîtes et de l’imâm Ahmad
Le Consensus implicite est un Consensus légal, il est une preuve, et
il est une source légale sûre et certaine de la règle de Droit.
Leurs arguments sont les suivants :
- Les savants sont unanimes que le Consensus implicite est une source
sûre et certaine dans les questions dogmatiques. Par analogie, on y
inclut aussi les règles légales pratiques.
- Il est de coutume, dans les sphères juridiques, que les savants qui
ont le plus de notoriété et qui sont les plus âgés se prononcent
en premier sur les nouvelles questions ; les plus jeunes formulent
leur accord en acceptant l’avis s’ils ne trouvent pas utile de se pro-
noncer puisque l’avis a déjà été donné. Ils ratifient par leur silence
l’avis formulé.
Les savants de cette tendance ont émis des conditions pour l’accep-
tation du ijmâ‘ as-soukoûtî :
- Le silence de l’érudit doit être neutre. Il ne doit signifier ni le refus,
ni l’accord.
- L’avis formulé par certains érudits doit être répandu et connu par
tous les érudits de l’époque.

158
Les fondements du droit musulman

- L’écoulement d’un laps de temps assez important permettant à


chaque érudit de réfléchir et d’analyser la question posée.
- La question débattue doit être une question de réflexion juridique
(ijtihâdiyya).
- L’absence de toutes les sortes d’empêchements psychologiques ou
physiques qui contraindraient l’érudit à ne pas se prononcer telle la
peur d’un dictateur.
Si toutes ces conditions sont réunies, et qu’aucune opposition n’a
été recensée de la part des savants qui savent pertinemment qu’il est
de leur devoir de conseiller la Oumma et de ne pas se taire sur le mal
et l’erreur, cet ijmâ‘ soukoûtî est alors une source légale sûre et certaine
de la règle de Droit en Islâm.
-C. Al ijmâ ‘ as-soukoûtî est une preuve légale uniquement pour
les avis juridiques (al fatâwâ), et non pour les règles de Droit (al
ahkâm). Car l’avis juridique est un avis personnel qui peut être sujet
à l’erreur. Le fait qu’il soit appuyé par le silence d’érudits présents le
fortifie dans ce cadre uniquement. Parmi ceux qui ont exprimé cet
avis, nous citons Aboû Hourayra.
-D. La tendance de Aboû ‘Alî Al Joubbâ’î (mou‘tazilite), l’un des
deux avis de Ahmad et de la plus grande majorité des Chafi‘îtes :
al ijmâ‘ as-soukoûtî ne devient un Consensus légal qu’après l’écoule-
ment de toute l’époque et la disparition de tous les érudits de cette
génération.
-E. L’avis d’Ibn Abî Hâchim Ibn Abî ‘Alî et l’un des deux avis de
l’imâm Ach-Châfi‘î : ce n’est pas un Consensus légal, mais il peut
servir de preuve (houjja).
Al Âmidî, Ibn Al Hâjib (malikite) et Al Karkhî (hanafite) l’ont
considéré comme un Consensus probant (ijmâ‘ zannî)

159
Les fondements du droit musulman

Quel est le nombre éxige pour


la réalisation du Consensus ?
Selon la très grande majorité de Ahl Al Ousoûl, le Consensus a lieu
quelque soit le nombre des érudits de l’époque, même si leur nombre
n’atteint pas celui qui est exigé pour at-tawâtour.
Ainsi, si durant une génération il n’y avait qu’un seul érudit, son avis
est considéré comme le Consensus de la Oumma de l’époque. Car l’in-
dividu isolé peut être une Oumma à lui seul. Dieu (U) a dit d’Ibrâhîm
(r) qu’il était une « oumma ». (Voir : Sourate 16/Verset 120)

L’appui du consensus
Quand on parle de l’appui du Consensus, on veut parler de la preuve ou
de l’argument utilisé par les érudits pour confirmer leur avis juridique.
La Majorité des savants ont exigé que le Consensus s’appuie sur
un Texte légal ou une analogie correcte. On ne peut pas tenir compte
d’un avis légal sans justificatif légal. L’effort juridique (al ijtihâd) sans
argument est faux et il est rejeté.
Dieu (U) dit : ( Ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance.
L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé )
(Ste 17/V.36)
Les savants qui forment le Consensus sont tenus d’argumenter leur
ijtihâd ; ils ne peuvent pas agir en toute indépendance des Textes de
la Loi de Dieu (U) d’où leur obligation d’avoir un appui qui justifie et
authentifie leurs avis juridiques.
L’appui qui justifie les avis juridiques est le moyen qui unit les
savants. Il est aussi la limite qui préserve les savants de tomber dans
l’erreur de s’opposer aux Textes légaux.
Il faut rappeler que l’avis de l’érudit est soit la compréhension d’un
Texte légal, soit la déduction d’une règle de droit par le biais de l’ana-
logie, soit une déduction à partir des règles globales de Loi, de l’esprit
de la Loi ou en référence aux Buts fondamentaux de la Loi. L’effort

160
Les fondements du droit musulman

juridique est aussi une déduction appuyée par l’une des preuves légales,
à l’exemple de l’appréciation de l’érudit (al istihsân), de l’usage (al ‘ourf),
de la présomption de la continuité de l’application de la règle (al isti-
shâb), etc.
Al Qâdî ‘Abd Al Jabbâr et Al Âmidî n’exigent pas de justificatif
pour le Consensus, car Allâh (U), disent-ils, peut inspirer à Son servi-
teur la réponse qui convient et le diriger vers la vérité.
La Majorité rejette cet avis et le juge non fondé car la Loi de Dieu
(U) ne peut être assujettie à l’inspiration des personnes sans référence
au Législateur légal (le Prophète de Dieu (r) et à la Révélation. Cette
perspective ouvre la porte à la voie de la passion qui est une démarche
interdite.

Quels sont les arguments légaux


pris à l’appui du Consensus ?
La Majorité a divergé sur le genre d’arguments à utiliser pour justifier
l’ijmâ‘ :
- La grande majorité d’entre eux a exigé que l’appui soit un Texte légal
sûr et certain (Coran ou Sounna moutawâtara) ou une source pro-
bante (zannî) : l’analogie ou l’information isolé (al qiyâs ou khabar
al wâhid).
- Le deuxième groupe composé des Chi‘îtes, des Zahirites, d’Ibn Jarîr
At-Tabarî, de Al Qâchânî le mou‘tazilite, n’accepte comme appui
du Consensus qu’une preuve sûre et certaine (qat‘î). Ces savants
rejettent un Consensus élaboré sur la base d’une preuve probante :
l’analogie et l’information isolée (al qiyâs ou khabar al wâhid).
Al Bazdawî qui a rapporté cette information et y a inclu les Zahirites,
cependant la lecture des positions des Zahirites prouve qu’Ibn Hazm
ne rejette pas l’information isolée, car il s’agit d’un Texte légal.
(Réf : Ibn Hazm : Al Ihkâm)

161
Les fondements du droit musulman

Quelques exemples
de Consensus communautaire
Ibn Hazm a recensé dans son ouvrage « Marâtib Al Ijmâ‘ », dans
plus de cinquante huit chapitres du Droit, les différentes sortes de
Consensus établis par la Oumma tout au long de son histoire jusqu’à
son époque. Nous en citons quelques Exemples :
1- Les savants sont unanimes que l’eau stagnant en grande quantité
est pure purifiante, tant qu’aucun de ses trois éléments, à savoir sa
couleur, son odeur et son goût n’ait pas été altéré.
Cette quantité, par principe, une fois remuée ne laisse pas paraître
l’effet du mouvement sur les côtés.
2- Les savants sont unanimes qu’aucune personne responsable n’est
dispensée de l’acquittement des prières obligatoires, et qu’il est
interdit de les reporter en dehors du temps légal, même en cas
d’excuse légale. La personne est tenue de s’en acquitter selon sa
capacité quel que soit la circonstance.
3- Les savants sont unanimes que l’enterrement des Musulmans est
une obligation.
4- Les savants sont unanimes qu’il n’est pas permis de réclamer le
retrait du gage (ar-rahn) déposé sans contre partie.
5- Les savants sont unanimes que celui qui dispose d’un dépôt en est
garant jusqu’à ce qu’il le restitue entièrement.
6- Les savants sont unanimes que celui qui vend un produit qui ne lui
appartient pas, sans le consentement de son propriétaire, a conclu
une vente invalide.
7- Les savants sont unanimes que celui qui revivifie une terre morte
sans propriétaire et qui ne contient pas de minerais qui puissent
être d’utilité publique, peut s’approprier cette terre sans que le Chef
de l’Exécutif ne puisse la lui retirer.

162
Les fondements du droit musulman

8- Les savants sont unanimes que l’exécution du testament ne peut


avoir lieu, tant que l’on n’a pas réglé les dettes du défunt.
9- Les savants sont unanimes que l’annonce des fiançailles pendant
la période de viduité est interdite.
10- Les savants sont unanimes d’accorder à la grande mère le 1/6ème
de l’héritage.
11- Les savants sont unanimes à interdire la graisse de porc par ana-
logie sur l’interdiction de sa chair.
13- Les savants sont unanimes que le fait d’afficher en public ses
péchés mineurs ou majeurs met en cause l’honorabilité de la per-
sonne et le rejet de son témoignage.
14- Les savants sont unanimes que les dons à parts égales à tous ses
enfants mâles s’il n’y a pas de filles ou à toutes ses filles en l’absence
de garçons, sont valides et effectifs.
15- Les savants sont unanimes que la vie du Non musulman vivant
parmi les Musulmans, et qui respecte ses engagements, est sacrée
et doit être protégée.
16- Les savants sont unanimes que la course à pieds, les compétitions
de tir à l’arc et les courses de chevaux sont permis.
17- Les savants sont unanimes que Les non Musulmans vivant en
terre d’Islam sont concernés par la participation à la défense du
pays en cas d’agression extérieure. C’est une obligation qui incombe
uniquement aux personnes pubères et capables physiquement.

163
Les fondements du droit musulman

L’ANALOGIE
AL QIYÂS

Définitions
Définition linguistique du terme Al Qiyâs
Il existe trois significations, dans la langue arabe, au terme qiyâs.
1. Qiyâs au sens d’égaler, de mesurer : al mousâwât ou at-taswiya.
Le qiyâs consiste à placer au même niveau, à établir une égalité phy-
sique ou morale entre deux choses ou deux éléments ou deux entités,
en les mesurant l’une par rapport à l’autre.
- Sur le plan physique ou matériel, on dit : « Untel cherche à savoir
si une chaussure équivaut à une autre et pour ce faire mesure l’une
par rapport à l’autre : qâsa an-na‘la bi an-na‘li. »
- Sur le plan moral, on dit : « Untel n’est pas comparable à untel :
Foulân lâ youqâsou bi-foulân. »
On ne peut pas le placer sur le même pied d’égalité qu’untel, on ne
peut le mesurer à lui car il est plus honorable.
2. Le terme qiyâs peut signifier l’évaluation : at-taqdîr.
On dit : « J’ai évalué, j’ai mesuré ce vêtement par coudée ; cette
évaluation implique l’utilisation d’un moyen (d’une mesure) ».
3. Ce terme s’utilise pour s’assurer de l’égalité entre deux choses en
revenant au sens de l’évaluation mais dans l’absolu.
On dit : « J’ai mesuré cette chose à …, et il s’est avéré qu’elle lui était
égale. »

164
Les fondements du droit musulman

Le verbe qâsa peut être transitif ; il s’utilise alors avec la particule


« al bâ’ » car il véhicule le sens de la construction ou de l’élaboration :
al binâ’.

Remarque
Dans la terminologie des spécialistes des Fondements du Droit musul-
man (Ahl al Ousoûl), le terme qiyâs sous sa forme verbal est transitif,
il s’utilise alors avec la particule « ‘alâ », ce qui signifie : rattacher une
chose à une autre. On dit : « qistou ach-charâba ‘alâ al khamr : j’ai rat-
taché la sentence appliquée à cette boisson, (du point de vue de son
interdiction) à celle des boissons enivrantes ».
Son interdiction est le résultat d’un rattachement, d’une liaison
entre sa sentence et la sentence légale des boissons enivrantes. (Réf. Al
Jawharî, As-Sihâh, tome 3, page 968. Ibn Manzoûr : Lisân Al ‘Arab, tome 6, page
187)

Définition conventionnelle du terme Al Qiyâs


Remarques préliminaires
Il existe différentes définitions de l’Analogie du point de vue conven-
tionnel et ces divergences entre Ahl Al Ousoûl découlent de la manière
dont chacun considère l’Analogie.
1. Un groupe l’assimile à un effort de réflexion juridique (ijtihâd)
opéré par un effort de réflexion rationnelle de la part de l’érudit.
2. D’autres à une œuvre de Dieu (U), qui a institué cet argument
légal pour que les Hommes puissent saisir le sens de Son Discours
et de Ses Prescriptions à partir du Livre révélé et de la Sounna de
Son Envoyé (r).
Pour cette tendance l’Analogie n’est pas une œuvre de l’érudit (al
moujtahid) mais plutôt une source et un argument légal.
3. Un autre groupe parmi Ahl Al Ousoûl considère le Qiyâs de l’éru-
dit comme une œuvre qui dépend de ses aptitudes et de son degré
d’érudition.

165
Les fondements du droit musulman

Sélection de quelques définitions


conventionnelles de l’Analogie
1. Ibn Al Hâjib (mort 646 H)
« L’Analogie consiste à aligner une question subsidiaire (nouvelle)
sur une question principale (stipulée dans les Textes) en raison d’une
cause commune : Al Qiyâs houwa mousâwâtou far‘in ‘alâ aslin f î ‘illati
houkmihi ».
Cette définition d’Ibn Al Hâjib nous enseigne qu’Al Qiyâs est com-
posé de quatre éléments constitutifs :
- la question subsidiaire ou nouvelle : al far‘ou
- la question principale stipulée dans les Textes : al aslou
- la cause : al ‘illatou
- la sentence légale stipulée dans les Textes : al houkmou
2. Imâm al Haramayn Al Jouwaynî (mort 478H)
« L’Analogie consiste à rapporter une question d’espèce à un prin-
cipe en vertu d’un lien qui les unit au point de vue de la règle juridique
à laquelle ils doivent être soumis ». (Réf : Waraqât, trad. Léon Bercher. Page
203. Revue Tunisienne : 1930)
3. « Al Qiyâs c’est faire transiter ou passer la sentence ou le jugement
de la question énoncée par les Textes (Coran ou Sounna) à un cas
nouveau en raison d’un élément commun qui les lie ou dans lequel
ils s’associent l’un et l’autre : Al Qiyâs houwa ta‘diyatou houkmi al
mansoûsi ‘alayhi ilâ ghayrihi bi-jâmi‘in ».

Remarque
L’Analogie s’opère toujours par la recherche des causes communes.
Il faut que les deux questions proposées aient une cause (‘illa) com-
mune. L’érudit qui s’adonne à l’ijtihâd en recourant à l’Analogie doit
connaître toutes les questions principales (al masâ’il al asliyya) des
Textes légaux (Coran et Sounna), et en avoir fixé les causes.

166
Les fondements du droit musulman

L’Analogie ne doit pas se réaliser sur la base d’une simple ressem-


blance fictive qui se limiterait à la forme extérieure mais doit com-
prendre la recherche des véritables causes communes.
Dans le cas de l’usure de surplus (ribâ al fadl), le transit de la sentence
stipulée dans la Sounna relative à son interdiction lors de l’échange du
blé par le blé à celle du surplus lors de l’échange du riz par le riz, a
nécessité de la part de l’érudit la fixation de la cause dans la question
principale stipulée par le Texte légal (la Sounna), puis la recherche
de la même cause dans le cas nouveau, pour pouvoir lui appliquer la
sentence du cas principal.
Le but de cette démarche analogique est de dévoiler la sentence
légale (al houkm) dans le cas nouveau. Lorsque l’érudit reconnaît la
cause de la sentence (‘illat al houkm) dans le Texte légal (Coran ou
Sounna) puis constate la présence de cette même cause dans un autre
cas, alors il acquiert la certitude probante (zann ghâlib) que ces deux
cas s’associent dans la même sentence. Le fait de rattacher ou de lier
les deux cas l’un à l’autre s’appelle : al Qiyâs.
Il existe une condition incessante et principale dans toute analogie,
c’est la conformité (al intizâm) et la concordance (al ittifâq) entre le cas
principal et le cas nouveau au niveau de la cause (al ‘illa).
On ne peut recourir à l’analogie que si on a compris le sujet et réuni
toutes les conditions requises.

167
Les fondements du droit musulman

La prise en considération de l’Analogie


HOUJJIYYAT Al QIYÂS
Remarques préliminaires
- Les érudits sont unanimes que l’Analogie est une source d’argu-
mentation légale dans toutes les questions pratiques de la vie de
tous les jours. Ils excluent de son champs toutes les questions dog-
matiques ou morales qui ne sont pas sujettes à l’ijtihâd, car ce sont
des vérités immuables, finies et définies par Le Législateur Sage et
Omniscient (U), et transmises par la Révélation dans les Textes
de la Loi (Coran et Sounna). (Réf. Ach-Chawkânî : Irchâd al fouhoûl,
page 199)
- La Majorité des savants a accepté la possibilité de l’application ou
du recours à l’Analogie comme un acte de dévotion, mais unique-
ment du point de vue du raisonnement rationnel. Quant à sa mise
en application, c’est une obligation légale. Ibn As-Soubkî a dit :
« L’analogie fait partie de la Religion, car Dieu (U) a ordonné
d’y recourir dans Sa Parole : ( Que cela soit pour vous un exemple
édifiant ô vous qui êtes doués de clairvoyance, …Fa‘tabiroû yâ oulî
al absâr ) (Ste 59/V.2)
- Al Qaffâl (le chafi‘îte) et Aboû Al Housayn Al Basrî (le mou‘ta-
zilite) disent que la raison, ainsi que les Textes légaux (Coran et
Sounna) indiquent l’obligation de recourir à l’Analogie.

Les Supporters du Qiyâs


A- La Majorité de Ahl Al Ousoûl parmi la génération des Compagnons
(as-Sahâba), des Successeurs (at-Tâbi‘oûn), des juristes (al fou-
qahâ’), y compris les quatre imâms des écoles de Droit, ainsi que
les Théologiens (al moutakallimoûn) assimile l’Analogie à l’une des
sources légales principales de la règle de Droit islamique. On doit
se soumettre à ses sentences.

168
Les fondements du droit musulman

Lorsqu’un résultat analogique juste est confirmé, il faut le prendre


en considération et l’appliquer.
B- Al Qâsânî ou Al Qâchânî, An-Nahrawânî et Dâwoûd Al
Asfahânî avancent que le recours à l’Analogie et sa mise en pra-
tique ne se réalisent que dans deux cas :
* Lorsque la cause du cas principal est mentionnée explicitement ou
par allusion dans le Texte légal ; impliquant que la cause ne doit
pas être une cause déduite.
* Lorsque la sentence légale du cas principal est plus appropriée pour
le cas nouveau.
A l’exemple du Texte légal interdisant le mépris envers les parents
en leur disant : ( ouff. ) (Ste 17/V.23)
Cette sentence est à appliquer prioritairement par le biais de l’ana-
logie (qiyâs al awlâ) au cas nouveau : celui de frapper ses parents.
La Majorité qui prend en considération al Qiyâs se réfère pour
appuyer son avis au :
- Saint Coran ;
- Sounna prophétique ;
- Consensus de la Oumma ;
- Raison et les preuves rationnelles.

A. Le saint Coran
Dieu (U) dit : ( …Que cela soit pour vous un exemple édifiant ô vous
qui êtes doués de clairvoyance. ) (Ste 59/V.2)
La Parole de Dieu (U) « …Fa‘tabiroû… » : Tirer leçon de quelque
chose, ne peut se faire qu’en recourant à l’Analogie.
Parce que le terme « al i‘tibâr » est un dérivé du verbe ‘abara,
‘ouboûroun, qui signifie passer d’un côté ou d’un endroit à l’autre, et
l’Analogie consiste à transférer une sentence d’un lieu à un autre.

169
Les fondements du droit musulman

Dans ce verset, Dieu (U) demande d’opérer cet acte de transition


et de transfert entre le cas principal, dont la sentence est stipulée dans
les Textes, et le cas nouveau.
Même sur le plan moral, la Majorité dit que ce verset insiste sur
l’acte de tirer des leçons de l’événement ou de la parabole citée ou du
récit « al itti‘âz et al i‘tibâr », qui appellent nécessairement quand on
les réalise à passer vers quelque chose. Car lorsqu’on tire une leçon, il
en résulte forcément une réaction nouvelle et un passage vers quelque
chose d’autre.
La Parole de Dieu (U) : ( Ô les Croyants ! Obéissez à Dieu, et
obéissez au Messager et à ceux qui ont la tutelle sur vous (les savants),
et quand vous vous trouvez devant un litige sur une quelconque affaire,
(fa-rouddoûhou) ramenez-le à Dieu et au Messager, si vous croyez en
Dieu et au Jour dernier ). (Ste 4/V.59)
Dans ce verset, Dieu (U) ordonne aux Croyants de Lui obéir, ainsi
qu’à Son Messager (r).
Quand Il parle de différends et de litiges, Il énonce le recours à
l’Analogie, car l’action de « radd » de la part des Savants, vers Dieu et
Son Messager, ne peut se faire qu’à travers un effort de réflexion, une
comparaison et la recherche d’une égalisation (mousâwât).
La Parole de Dieu (U) : ( Quand leur parvient une nouvelle, ils
s’empressent aussitôt de la divulguer partout, qu’elle soit rassurante ou
alarmante, alors qu’ils feraient mieux de s’en remettre au Prophète et
aux responsables d’entre eux, seuls à même d’en pénétrer le sens et de
l’utiliser à propos… » «… la‘alimahou alladhîna yastanbitoûnahou min-
houm… ) (Ste 4/V.83)
Dans ce verset, il est question de déduction des règles (al istinbât)
par les érudits. (Ref. Al Âmidî : Al Ahkâm, tome 3, page 112)

B. La Sounna
- Le hadîth de Mou‘âdh (t) quand il a été envoyé par l’Envoyé de
Dieu (r) au Yémen, et dans lequel le Prophète (r) l’a interrogé

170
Les fondements du droit musulman

sur sa façon de procéder en cas de litige. Ce dernier lui répondit :


« Je rendrai mon jugement selon le Livre de Dieu…/… si je ne
trouve pas de réponse, je me réfèrerai à la Sounna de l’Envoyé de
Dieu…/… et si je ne trouve pas de réponse dans la Sounna de Son
Messager, je n’épargnerai pas mes efforts pour trouver une solu-
tion…» (Rapporté par Aboû Dâwoûd)

Remarque
Malgré la mise en cause de l’authenticité de ce hadîth par les opposants
à l’Analogie, la Majorité le prend en considération, à cause de la multi-
plication des voies de sa transmission. En plus, la Oumma a considéré
unanimement son contenu conforme à la Loi de Dieu (U).
- Un autre argument de la Sounna cité par la Majorité de Ahl al
Ousoûl, le hadîth rapporté par Al Boukhârî, Mouslim et autres.
« Un bédouin se présenta devant le Prophète (r) pour expliquer
le pourquoi de son reniement de l’enfant basané dont sa femme a
accouché.
Le Prophète (r) lui dit : « As-tu des chameaux ? »
L’homme répondit par l’affirmative.
Le Prophète (r) lui demanda : « Y en a t-il parmi eux un de couleur
foncée ? »
L’homme dit : « Oui ! »
Le Prophète (r) lui dit : « Comment peux-tu expliquer cette
couleur différente ? »
L’homme dit : « En raison de l’hérédité ! »
Le Prophète (r) lui dit alors : « Si cet enfant ne te ressemble pas,
cela est dû certainement à des raisons d’hérédité familiale !»
On constate dans ce hadîth que le Messager de Dieu (r) a utilisé
la méthode de l’Analogie en comparant les résultats héréditaires parmi
les chameaux et la relation génétique entre cet enfant né de couleur
foncée et son père.
- Hadîth rapporté par Aboû Dâwoûd et Al Hâkim qui l’a authentifié.

171
Les fondements du droit musulman

‘Oumar (t) a interrogé le Prophète (r) au sujet du baiser du


jeûneur. Le Prophète (r) lui a dit : « Vois-tu, quand tu te rinces la
bouche, alors que tu jeûnes, cela affecte-t-il ton jeûne ? »
‘Oumar (t) dit : « Non ! »
Le Prophète (r) lui dit alors : « Alors, pourquoi tant de
désolation ?! »
Le Messager de Dieu (r) a attiré l’attention de ‘Oumar (t), par le
biais de l’Analogie, entre le baiser et le rinçage, quant à la validité du
jeûne. Il lui suggère d’appliquer la sentence du rinçage de la bouche au
baiser affectueux donné à son épouse durant le jeûne.

C. Le Consensus
Il est question du Consensus des Compagnons (y), qui ont toujours
eu recours à l’Analogie. Aucun ne l’a réfuté ou contesté.
Ainsi ‘Oumar (t) a écrit dans sa lettre de justice destinée à Aboû
Moûsâ Al Ach‘arî (t), et aux juges : « Puis, je te recommande d’être
clairvoyant, bien clairvoyant lors des dépositions, quand il est question
d’un type de litige pour lequel il n’y a de jugement ni dans le Coran, ni
dans la Sounna. Procède par analogie (al Qiyâs), uses de comparaisons
entre les cas qui se ressemblent, et opte dans ton jugement pour un
raisonnement qui t’aide à déduire le jugement qui satisfasse le plus
Dieu, et qui te semble être le plus proche de la vérité.» (Réf : Ibn Al
Qayyim, A’lâm al mouwaqqi’în, tome 1, page 63)
Ibn Al Qayyim a dit à ce sujet : « L’unanimité est acquise auprès des
savants, que ce qui est analogue à la vérité, est vérité : Al ijmâ’ou hâsi-
loun ladâ ahlou al ‘ilmi, anna nazîra al haqqi haqqoun ; et que ce qui est
similaire au faux est faux. Il n’est donc pas permis à quiconque de nier
l’analogie, car il s’agit, en vérité, de comparaison (mouqârana) entre les
choses, puis de reproduction. » (Réf : Ibn al Qayyim : A‘lâm al mouwaqqi‘în.
Tome 1. p 205 et suivantes)
Autre exemple prouvant le recours à l’Analogie par les Compagnons,
et qui est sujet à unanimité. La décision d’Aboû Bakr (t) de com-

172
Les fondements du droit musulman

battre les apostats et ceux qui refusaient de s’acquitter de la zakât. La


décision du Calife a été fondée sur la base d’une analogie entre le rejet
de la prière et le refus de payer la zakât. Il a dit : « Je me battrais contre
tout individu qui fait la différence entre la zakât et la prière ». (Rapporté
par Al Boukhârî, Mouslim Ibn Mâjah et autres)
La décision du Calife a été ratifiée par l’assemblée des Compagnons,
bien qu’elle fût élaborée sur la base d’une Analogie.

D. Les preuves rationnelles


En résumé, la Majorité avance l’argumentation rationnelle suivante :
Le non recours à l’Analogie aurait engendré un vide juridique face
aux nouvelles situations et questions auxquelles auraient été confronté
les Musulmans.
Dans ce contexte, la meilleure démarche et la plus sûre a été de se
référer aux problèmes déjà résolus dans les Textes légaux ?
Cette démarche analogique donna des réponses (des sentences)
sûres et certaines ou probantes.
Car la Loi islamique musulmane n’est pas limitée dans le temps ;
elle n’a pas été légiférée pour une période particulière. Son application
est illimitée dans le temps et dans l’espace jusqu’à ce que sonne l’Heure
dernière. D’où la nécessité de répondre à toutes les questions nouvelles.
L’Analogie est un des moyens légaux qui le permette.
L’imâm Al Mouzanî (compagnon de l’imâm Ach-Châfi‘î) a
dit : « Tous les érudits, depuis l’époque du Messager de Dieu (r),
jusqu’à nos jours ont eu recours à l’Analogie dans tous les domaines
de la Religion ».
Le recours à l’Analogie est aisé, car il a été confirmé que toutes les
sentences légales étaient motivées par une cause (‘illa) intelligible ;
pourquoi dès lors, ne pas utiliser cette espace juridique pour des causes
concordantes (al ‘illa la mounâsiba) dans la déduction de nouvelles
règles de droit pour les questions nouvelles ? (Ref. Al Âmidî : Al Ihkâm,
tome 3, page 123)

173
Les fondements du droit musulman

Les Opposants au Consensus et leurs arguments


Les Chi‘îtes, An-Nazzâm (le mou‘tazilite), Yahyâ Al iskâfî, les Zâhirites
et un groupe de Ahl al Ousoûl parmi les Mou‘tazilites de Baghdâd.
* Les Zâhirites : Il est possible de concevoir selon le point de vue
d’un raisonnement rationnel l’Analogie, mais aucun Texte légal ne
le prouve, ni n’indique l’obligation d’y recourir ou de le prendre en
considération.
* Les Chi‘îtes et An-Nazzâm : considérer que l’application de l’Ana-
logie est un acte religieux de dévotion est impossible rationnelle-
ment, car la divergence des analogies entre les érudits risqueraient
de placer les Musulmans dans des situations contradictoires.
Les Chi‘ites rejettent l’Analogie car leur doctrine affirme que
d’après les transmissions moutawâtara d’après Ahl Al Bayt, l’analogie
n’est pas à prendre en considération.
Cependant, on constate qu’ils ne rejettent que les analogies dont la
cause est une cause déduite (‘illa moustanbata).
Les Causes stipulées explicitement dans les Textes et qui sont évi-
dentes dans les cas nouveaux sont prises en considération. Mais ils
n’appellent pas cela une analogie, mais plutôt une règle légale.
Al Haydarî (chi‘îte) a dit dans son ouvrage « Ousoûl al istinbât » :
« Pour nous, l’Analogie et l’appréciation de l’érudit (al istihsân) ne
prouvent aucune règle de Droit et ne servent à réfuter aucune règle
de Droit ».

A. Le saint Coran :
Parmi les arguments coraniques, ils citent, entre autres, les versets
suivants :
Dieu (U) dit : ( (Satan) ne vous commande que le mal et la turpitude,
et de dire contre Allâh ce que vous ne savez pas ). (Ste 2/V.169)
Dieu (U) dit aussi : (…Nous n’avons rien omis d’écrire dans le
Livre… ) (Ste 6/V.38)

174
Les fondements du droit musulman

La Parole de Dieu (U) : ( Et la plupart d’entre eux ne suivent que


conjecture. Mais la conjecture ne sert à rien contre la vérité… ) (Ste
10/V.36)
Ce texte prouve que l’Analogie n’est qu’un avis probant, et la Loi de
Dieu nous interdit de suivre l’incertitude : (az-zann).
Dieu (U) dit : ( Ô vous qui avez cru ! Ne devancez pas Allâh et Son
Messager. Et craignez Allâh. Allâh est Audient et Omniscient ). (Ste
49/V.1)
Ce verset stipule clairement qu’on ne doit pas se prononcer en
dehors des Textes coraniques et prophétiques, donc l’Analogie est
refusée légalement.

B. La Sounna
Le hadîth rapporté par Al Hâkim dans son Moustadrak où Le
Prophète (r) a dit : « Ma Communauté se divisera en soixante-
dix et quelques sectes. La plus égarée d’entre elles se composera
d’individus qui recourent à l’analogie et qui se prononcent selon leur
propre opinion, ainsi ils rendront licite l’illicite et illicite le licite ».
Les Opposants affirment que ce hadîth est une preuve évidente
pour le rejet de l’Analogie.

Remarque
Les Supporters du Qiyâs affirment que l’Analogie dont il est question
dans ce hadîth, et qui est mise en cause, est celle qui suit la passion.
- Le Prophète (r) a dit : « Ma Communauté agira conformément
au Livre, puis elle le délaissera pour la Sounna, puis elle le
délaissera pour l’Analogie ; lorsqu’elle agira ainsi, elle sera
égarée.» (Rapporté par Aboû Ya‘lâ)

175
Les fondements du droit musulman

Remarque
Les Savants ont mis en cause l’authenticité de ce hadîth. Ibn Hazm
a dit, que ‘Abd Ar-Rahmân Al Waqâsî est un rapporteur rejeté, et il a
confirmé que ce hadîth a été jugé unanimement faible.

C. Le Consensus
Les négateurs du Qiyâs affirment que les Compagnons du Prophète
(r) sont tous d’accord sur le rejet de l’Analogie, et que certains d’entre
eux ont dénigré le recours à ce mode de déduction des règles légales.
Ils citent pour illustration de leur avis la citation d’Aboû Bakr (t)
qui a dit : « Quel ciel pourrait me couvrir et quelle terre pourrait me
contenir si je m’exprime dans la religion selon ma propre opinion ! »
(Réf : Ibn Al Qayyim, A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 1, page 54)
De même le calife ‘Oumar Ibn Al Khattâb (t) a averti les
Musulmans contre le recours à l’Analogie, et il a dit : « Prenez garde
à la moukâyala ! »
On lui demanda : « Qu’est ce qu’al moukâyala ? »
Il répondit : « Al mouqâyasa ! » (Réf. Al faqîh wal moutafaqqih, tome 1,
page 282)

D. Les preuves rationnelles


L’Analogie mène à la divergence et au conflit entre les érudits, puisqu’elle
est élaborée sur la base d’arguments probants. A ce sujet Dieu (U) dit :
( Et obéissez à Allâh et à Son Messager ; et ne vous disputez pas, sinon
vous fléchirez et perdrez votre force. Et soyez endurants, car Allâh est
avec les endurants ). (Ste 8/V.46)
Il est clair qu’Allâh (U) appelle la Communauté à l’union et à
délaisser tout ce qui peut la mettre en cause.
L’Analogie consiste à rechercher les similitudes, et on constate que
dans la Loi, la similitude ne mène pas forcément à la même sentence.

176
Les fondements du droit musulman

Par exemple, le cas de la femme en menstrues qui doit compenser le


jeûne mais pas les prières, alors qu’il s’agit de deux pratiques religieuses.

Autres Exemples :
- l’éjaculation volontaire et la sortie du sperme (al maniy) engendre
l’annulation du jeûne, tandis que la sortie de l’urine ou du liquide
prostatique (al madhy) ne l’annulent pas, alors que tous ces élé-
ments proviennent du même orifice !
- l‘usurpation (al ghasb) d’un bien en grande quantité n’engendre pas
la coupe de la main, alors que le vol (as-sariqa) est sanctionné par
cette peine légale.

Remarque :
Tous ces arguments ont été réfutés par la Majorité, soit par la remise
en cause de l’authenticité de l’information, soit par la remise en cause
de l’interprétation donnée, soit à cause du faux contexte dans lesquels
ils ont été considérés.

177
Les fondements du droit musulman

Les éléments constitutifs


de l’Analogie et leurs conditions
Arkân Al Qiyâs

Définition du terme « Roukn »


Ar-Roukn est la partie intégrante, physique ou morale d’une chose sans
laquelle elle ne peut exister ; c’est un de ses piliers.
On dit en arabe : « Ar-roukn houwa jouz’ou ach-chay’i alladhî lâ yata-
haqqaqou illâ bihi ».
L’Analogie se compose de quatre éléments nécessaires pour la
considérer correcte :
1. La question principale : Al asl
2. La règle ou la sentence légale : Al houkm
3. Le cas nouveau : Al far‘
4. La cause ou la raison d’être de la sentence : Al ‘illa

*********

détails

1. La question principale : Al Asl


C’est le lieu (abstraitement) où se situe la sentence légale (al houkm).
Certains savants appellent al asl : an-nas. Il s’agit du Texte légal (Coran
ou Sounna).
La Majorité de Ahl Al Ousoûl y ajoute aussi le Consensus.

178
Les fondements du droit musulman

Al asl est le cas principal cité dans le Texte légal. Par exemple, la
question de la boisson enivrante (al khamr) est un asl. Son interdiction
est confirmée par les Textes de la Loi.
La condition principale de ce cas majeur (al asl) est de ne pas être,
lui-même, un cas secondaire issu d’une analogie établie à partir d’un
autre cas principal (un autre asl).
A chaque fois que l’on a une analogie, on se réfère au Coran, à la
Sounna et au Consensus.

2. La règle ou la sentence légale : Al Houkm


Il s’agit de la règle légale stipulée dans le Texte et dont on désire appli-
quer la sentence au cas nouveau ou secondaire (l’interdiction, la licéité
ou la recommandation…)
Les conditions de la sentence du cas principal sont les suivantes :
* La sentence doit être une sentence légale (char‘iyya) et non pas
rationnelle (‘aqliyya).
* La sentence doit être confirmée par un argument légal issu des
Textes et non de l’ijtihâd (effort de réflexion juridique).
* Cette règle doit être confirmée, et non abrogée, car la ‘illa (la cause)
qui en serait déduite serait invalidée.
* Cette règle doit être unique et n’avoir pas de semblable dans la Loi.
* Elle doit être prise en considération et mise en pratique par l’érudit
qui l’a déduite.
* Cette sentence doit être le sujet d’une unanimité des érudits, car on
ne peut pas reconnaître à cette règle une quelconque divergence.

Autres conditions supplémentaires


* Il ne faut pas que « al asl » traite, en même temps, du cas secondaire
et du cas principal, car il n’existe pas de raison à une analogie dans un
tel contexte.

179
Les fondements du droit musulman

Exemple :
Le Prophète (r) : « Tout Produit enivrant est interdit : koullou
mouskirin harâm ». (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Si l’érudit décide de faire une analogie entre le vin (al khamr) et
le raisin sec bouilli (an-nabîdh), prétextant que la cause commune
est l’ivresse (al iskâr), l’analogie dans ce cas est inutile car le terme
« mouskir : enivrant », dans le hadîth englobe aussi, par principe,
« an-nabîdh ».
Cette opération analogique est une perte de temps. Le hadîth étant
explicite sur le sujet.
* La règle du cas principal doit être intelligible ; on doit pouvoir la
cerner par la raison. Elle n’est pas abstraite. On ne peut pas procéder à
l’Analogie sur une chose insaisissable, telles que les pratiques cultuelles
(al ‘ibâdât). C’est pour cette raison que l’on parle de hikma dans al
‘ibâdât (sagesse), et non pas de ‘illa (cause).
* Elle doit faire partie des règles de Droit pratique. On ne peut
pas effectuer d’analogie sur des questions dogmatiques, morales ou
cultuelles. Car on ne peut pas déduire de nouvelles règles pour le
Dogme ou de nouvelles pratiques cultuelles ou de nouvelles règles
morales par l’analogie.
Le domaine de la science des Ousoûl Al Fiqh ne concerne que les
règles pratiques (al ahkâm al ‘amaliyya).
* Cette sentence ne peut pas être propre au Prophète (r), ni faire
partie de ses spécificités.
Exemple : Son acceptation (r) du témoignage unique d’Aboû
Khouzayma Al Ansârî (t), alors que la règle légale coranique exige la
présence de deux témoins instrumentaires.

3. Le cas nouveau : Al Far‘


Il s’agit de la nouvelle question, qui n’a pas de réponse dans les Textes
légaux ou dans les sources légales, à laquelle les érudits veulent appli-
quer la règle du cas principal en la lui transposant.

180
Les fondements du droit musulman

Les conditions du far‘


* La présence de la cause du cas principal doit se vérifier dans le
cas nouveau ; autrement dit une similitude (y compris du genre)
totale entre les deux causes doit apparaître. L’Analogie est donc
impossible s’il n’y a pas d’égalité entre les deux causes, auquel cas, il
en découlerait deux sentences différentes. Une analogie sur la base
d’une ressemblance légère est incorrecte ; on appelle cette forme
de raisonnement analogique une analogie tronquée (qiyâs ma‘a al
fâriq).

Exemple :
L’avis des Hanafites, réfuté par la Majorité, qui autorise la femme
pubère à conclure son mariage sans le consentement, ni la présence
d’un tuteur a été construit par analogie sur son droit de conclure des
contrats de transactions financières.
Pour la Majorité, il s’agit d’une analogie tronquée (qiyâs ma‘a al
fâriq), car les contrats de transactions financières, dont la femme peut
disposer librement, ressortent du droit privé alors que le mariage
dépend du droit familial. C’est un contrat qui engage les familles par
un lien d’alliance et qui implique le tuteur dans le mariage.
* Ce cas nouveau ne doit pas devancer dans l’ordre chronologique le
cas principal, al far‘, qui doit toujours être postérieur à al asl. Une
analogie, sur des questions relatives aux ablutions, ne peut pas se
construire sur des règles propres au tayammoum, car les ablutions,
ayant été prescrites et légiférées en premier (avant le tayammoum),
ont le statut du cas principal al asl.
* La règle que l’on transpose au cas nouveau ne doit pas être plus
forte que la règle du cas principal. La sentence ou la règle du cas
principal doit convenir au cas nouveau (al far‘) et être du même
genre et de la même force que celle appliquée au cas principal (al
asl). Elle doit lui être égale et semblable. (Réf : Aboû Hâmid Al Ghazâlî,
Al Moustasfâ)
4 : La Cause : Al ‘Illa

181
Les fondements du droit musulman

LA CAUSE ET SES VOIES DE


DÉDUCTION
Al ‘Illa Wa Masâlikouhâ

Introduction
Les spécialistes de la Méthodologie du Droit (Ousoûl al Fiqh) défi-
nissent l’Analogie d’induction scientifique précise : « al Qiyâs istiqrâ’oun
‘ilmiyyoun daqîq ».
Celle-ci se base sur deux principes fondamentaux :
1. Le principe de la causalité (al ‘illiyya)
La règle de la cause et son effet stipulent que toute chose a une
cause ; autrement dit que l’existence d’une règle (houkm) dépend de
celle d’une cause : « likoulli ma‘loûlin ‘illa »
2. Le principe de la fréquence ou de la régularité dans les événements
(al ittirâd)
Ce principe signifie que la cause produit en permanence les mêmes
effets ; que la cause présente dans des circonstances identiques produit
nécessairement le même causé (al ma‘loûl).
Selon Ahl Al Ousoûl, al Qiyâs permet d’établir de façon formelle et
catégorique, par la recherche et la déduction, la cause du cas principal
et de fixer la même cause dans le cas nouveau.
Les moyens et la méthode de la recherche de la cause ont été définis
par Ahl Al Ousoûl qui les ont appelés : masâlik al ‘illa.

182
Les fondements du droit musulman

Définitions d’al ‘illa


Définition littérale du terme « ‘illa »
Al ‘illa est un nom qu’on utilise en langue arabe pour désigner un fait
qui est à l’origine du changement de l’état de quelque chose.
On appelle la maladie ‘illa, car elle modifie et change l’état du corps.
Et on dit du malade qu’il est ma‘loûl.

Définition conventionnelle du terme « ‘illa »


Al ‘illa a plusieurs noms du point de vue légal.
On l’appelle :
- As-sababou ; al amâratou : ad-dâ‘î : al moustad‘î : al bâ‘ithou; al
hâmilou : ad-dalîlou : al manâtou ; al mouqtadî ; al moûjibou ; al
mou’aththirou ; as-sifatou. (Réf. Al Bazdawî : Al Mouqtarah)

Choix de quelques définitions


- « Al ‘illa est le qualificatif (al wasfou) commun entre le cas principal
et le cas nouveau ».
- « Al ‘illa est le qualificatif qui fait connaître la sentence légale ».
- « La cause est le signe indicateur de la raison d’être de la sentence ».
- « Al ‘illa est le qualificatif (al wasfou) apparent et précis qui cor-
respond à la règle qui engendre un intérêt pour les Hommes ou
repousse d’eux une nuisance ou leur garantit une utilité ». (Réf :
Ibn Qoudâma, Rawdat An-Nazîr. Commentaire Ach-Chinqîtî)
- « Al ‘illa est l’élément qui agit en lui-même (al mou’aththirou bi-dhâ-
tihi) sur la règle ». (Définition des Mou‘tazilites)
- « Al ‘illa est l’élément qui agit sur la règle par assignation de Dieu
(U), et non par lui-même ». (Réf : Aboû Hâmid Al Ghazâlî : Al Moustasfâ)

183
Les fondements du droit musulman

Les conditions de la cause


Les Spécialistes de la Méthodologie du Droit ont fixé vingt quatre
conditions à la cause. Certaines sont sujettes à des accords et d’autres
à des divergences.
Nous allons dans cet exposé nous limiter aux conditions les plus
importantes.

1. La cause doit être un qualificatif évident et apparent (wasf zâhir


wa jaliy).
La cause cachée ne peut être constatée, ni son existence vérifiée, ni sa
présence confirmée dans le cas nouveau (al far‘). Car la cause indique
la présence de la sentence, elle la motive.
Parler de l’évidence de la ‘illa, c’est traduire la possibilité de la cerner
et de la saisir par l’un de nos sens.
Le bas âge (as-sighar), cause qui justifie la tutelle (al walâya), est un
qualificatif évident et apparent. On peut le constater dans la réalité.
Le consentement mutuel de deux contractants, qui expriment inté-
rieurement leur volonté, ne peut pas, par contre, être considéré comme
la cause valide d’un contrat. Aussi, le Législateur l’a substitué pour vali-
der le contrat par la formule verbale de la demande et de l’acceptation
entre les contractants : al îjâb wal qaboûl, elle est évidente et apparente.

2. La cause doit être précise (moundabita).


La cause ne doit pas changer d’un individu à un autre, d’un lieu à un
autre et d’une situation à une autre. Elle doit demeurer la même en
toute situation et circonstance. La même cause doit être retrouvée, quel
que soit le contexte. Ainsi le raccourcissement de la prière est dû au
voyage (as-safar) et non pas à la fatigue (al machaqqah).
C’est une erreur que de considérer la fatigue comme la cause du rac-
courcissement de la prière, car la fatigue est un mobile qui varie d’une
personne à une autre. Il est plutôt question de la hikma (la sagesse)
du raccourcissement. La sagesse change par rapport aux lieux, aux

184
Les fondements du droit musulman

époques et aux individus, raison pour laquelle il ne faut pas confondre


al ‘illa et al hikma d’une règle légale.

3. La cause doit être confirmée par une voie légale, comme sa règle
(al houkm), pour être correcte, et non rejetée par les Textes de la Loi
ou par le Consensus.

4. Elle doit être un qualificatif que l’on peut transiter au far‘


(mouta‘addiya)
La cause ne se limite pas à sa sentence, elle doit pouvoir se trouver dans
d’autres situations. Dans le cas contraire, une analogie sur la base d’une
cause pareille est impossible. La cause doit se poursuivre à travers ses
conséquences, et se retrouver dans sa lettre et dans son esprit.
Si des cas ne peuvent pas s’associer au cas principal dans cette cause,
elle est alors à exclure du raisonnement analogique.
L’exemple le plus explicite d’une cause mouta‘addiyya : l’ivresse (al
iskâr).
Cette cause est présente dans le jus de raisin, et autres produits et
boissons. On ne peut justifier l’interdiction du vin sur la base qu’il
s’agisse d’un jus de raison fermenté ; cette cause est unique au vin
tandis que l’ivresse est une cause propre au vin et à d’autres boissons.
Les savants sont unanimes que la motivation d’une règle légale
repose sur une cause confirmée par un Texte légal ou par un Consensus.
Quand la cause est déduite par ijtihâd, et qu’elle est qâsira (limitée à a
sentence), les Hanafites rejettent son utilisation dans une analogie car
le fondement principal de l’analogie, c’est la conformité de la cause du
cas principal à la cause du cas nouveau ou subsidiaire, qu’on a appelé
al far‘.
La Majorité : Les Malikites, les Chafi‘îtes, les Hanbalites et la
grande majorité des fouqahâ’ et des Théologiens n’accepte pas la cause
limitée, mais la prend en considération, car elle permet de démontrer
que la règle vise le bien-être des individus, et justifie la sagesse de sa

185
Les fondements du droit musulman

prescription. Ainsi, elle est un moyen qui incite à l’obéissance et à la


mise en pratique de la règle.

5. La cause doit correspondre à la règle (mounâsiba lil houkm)


La cause doit convenir à la règle, et cela à travers l’intérêt (al mas-
laha) qui découle de la relation entre al ‘illa et al houkm. Ainsi l’ivresse
(cause) justifie l’interdire la boisson enivrante (al houkm).
Cette correspondance (mounâsaba) implique également le refus de
toute cause, qui semble en apparence correspondre et convenir à la
règle, mais que Le Législateur a rejetée et n’a pas prise en considération.

Exemple :
- Peut-on considérer le contrat de mariage comme une cause donnant
à chacun des deux conjoints, placés sur le même pied d’égalité, le
droit de prononcer le divorce ?
Cette cause semble correspondre au houkm, car le contrat est un
accord entre les deux partenaires, aussi doit-il en résulter, dans l’absolu,
les mêmes droits pour chacun. Cependant, Le Législateur a annulé
ce wasf (qualificatif ), et ne l’a pas retenu, et il a donné la priorité à
l’homme en matière de divorce. Le Messager de Dieu (r) a dit : « La
prononciation du divorce appartient à celui qui a demandé la main
et qui a la responsabilité (familiale)». (Rapporté par Ibn Mâjah, d’après Ibn
‘Abbâs, et par Ad-Dâraqoutnî, d’après Ibn Louhay‘a)

Remarque
Ahl Al Ousoûl rejette toute cause, même si elle est fréquente (mout-
tarida), s’il n’y a pas correspondance et concordance entre cette cause
et sa sentence.

6. La ‘illa doit être unique dans le cas principal (mouttahida fil asl)
Aucune seconde cause ne peut s’associer à la première dans le cas prin-
cipal, et aucune autre, s’y opposer.

186
Les fondements du droit musulman

7. Elle doit agir sur la règle (mou’aththira fil houkm)


La cause entraîne la règle. Il existe une constance dans le rapport entre
la cause et la règle qu’elle fait naître ; autrement dit, la règle doit être
subordonnée à l’existence ou à la non-existence de la cause. (Voir : Imâm
Al Haramayn Al Jouwaynî : Waraqât)

8. La cause doit accompagner positivement et négativement la


sentence (ad-dawarân al woujoûdî wal ‘adamî)
C’est ce qu’Al Jouwaynî a expliqué dans son ouvrage « Waraqât » en
disant : « La sentence doit être subordonnée à la Cause, à son existence
ou à sa non-existence. La Cause entraîne la règle et la règle est entraî-
née par la cause ».
Si l’une existe, l’autre forcément, et si elle n’existe pas, l’autre
également.

Exemple :
Al iskâr (l’ivresse) est à l’origine de l’interdiction de la boisson eni-
vrante : tel le vin. Si le vin enivrant se transforme en vinaigre (al khall),
il n’est plus enivrant et la sentence le concernant n’existe plus, car la
cause de l’interdiction a disparu et la sentence à son tour. Le statut de
cette nouvelle boisson, bien qu’elle soit issue du vin, est la licéité (al
hilliyya).

187
Les fondements du droit musulman

Les voies de fixation et de


déduction de la cause
Masâlik Al ‘Illa

Préambule
La réalisation d’une analogie ne se limite pas uniquement à la recherche
de l’élément (la cause) qui justifie la transposition de la sentence du cas
principal vers le cas nouveau. L’effort du spécialiste de Ousoûl al fiqh
consiste aussi à s’assurer de l’existence de cette cause, de sa validité et
légalité (char‘iyya).
Ainsi, les érudits de cette science ont mis sur pied des règles qui
leur permettent de fixer et de connaître la cause légale, parmi lesquelles
nous analyserons celles qui suivent :
Al Âmidî a dit : « les voies de la cause sont de deux sortes, des voies
ou des règles issues des Textes (masâlik naqliyya), et des voies issues de
l’ijtihâd, appelées masâlik ‘aqliyya.»

I. Les voies issues des Textes : al masâlik an-naqliyya


Al ‘illa est stipulé par le Texte légal.
Le Texte légal dont il est question ici, c’est le saint Coran ou la Sounna.
Le Texte indique que tel qualificatif est la cause de la sentence qu’il
énonce. Cette désignation par le Texte légal diffère selon son degré
d’évidence, d’où la classification suivante :

1. Enonciation explicite (Nas sarîh)


La ‘illa est évidente par l’utilisation claire des particules de la motiva-
tion qui la détermine.

188
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- La Parole de Dieu (U) : ( C’est pourquoi Nous avons prescrit pour
les Enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable
d’un meurtre ou d’une corruption sur terre, c’est comme s’il avait
tué l’humanité toute entière… : Min ajli dhâlika katabnâ ‘alâ banî
Isrâ’îla… ) (Ste 5/V.32)
- La Parole de Dieu (U) : ( Le butin provenant des biens des habitants
des Cités, qu’Allâh a accordé sans combat à Son Messager, revient à
Dieu, au Messager aux proches parents, aux orphelins, aux pauvres
et aux voyageurs en détresse, afin que les biens ne soient pas partagés
entre les seuls riches d’entre vous… : kay lâ yakoûna doûlatan bayna
la aghniyâ’i minkoum… ) (Ste 59/V.7)
Pour d’autres exemples, voir aussi les Sourate 2/V.222 ; Sourate
3/Verset 159 ; Sourate 4/V.160 ; Sourate 5/Verset 90 ; Sourate 20/
Verset 14 ; Sourate 14/V.78 ; Sourate 28/V.13 ; Sourate 51/Verset 56 ;
Sourate 57/V.23
- Le Prophète de Dieu (r) a dit : « Certes, (innamâ) je vous avais
interdit de faire provisions de la viande du sacrifice à cause (min
ajli) des pèlerins, mais maintenant mangez-y et faites en des pro-
visions… » (Rapporté par Mouslim)
- Le Prophète de Dieu (r) a dit : « Certes, (innamâ) la permission
a été institué, avant d’entrer chez les gens, pour préserver (les
intimités) du regard ». (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
La cause est évidente grâce aux particules de la motivation (houroûf
at-ta‘lîl), telles que :
Al-lâm ; al bâ’ ; anna ; inna ; kay ; in ; idhan ; min…

2. Enonciation de la cause par allusion discrète (al Îmâ’)


Par ce procédé, le Législateur (ach-Châri‘ou) fait allusion à la cause en
attirant l’attention sur ses conséquences ou en la mentionnant dans un
cadre général, tel que dans le cadre d’un récit, ou encore par l’intermé-
diaire d’un indice (qarîna).

189
Les fondements du droit musulman

Exemple :
- Concernant le pèlerin mort en état de sacralisation à la suite d’une
chute, le Messager de Dieu (r) a dit : « Ne le parfumez pas ! Car
il sera ressuscité, le Jour du Jugement dernier, alors qu’il répète
la formule de la « talbiyya ». (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)

3. Le Texte légal établit la cause par l’ordonnancement de la sen-


tence sur un qualificatif construit avec la particule al fâ’ : Tartîb al
houkm ‘alâ al wasf bi-fâ’ atta‘qîb.
La conséquence de la cause intervient sous la forme d’un houkm
apportant une réponse à une situation ou à une question.

Exemple :
- La Parole du Prophète (r) : « Celui qui revivifie une terre inculte,
délaissée, elle est à lui : fa-hiya lahou… » (Rapporté par Al Boukhârî,
Mouslim, Ahmad et autres)

II. Voies issues de l’ijtihâd : al Masâlik al ‘aqliyya


- Le Consensus (al ijmâ‘)
Al Ijmâ‘ est un ijtihâd de groupe. En l’occurrence, il s’agit d’un effort
de réflexion juridique qui engage tous les érudits d’une même époque
à dire que tel qualificatif est la cause de telle sentence.

Par Exemple :
- L’unanimité acquise par les prédécesseurs pieux (as-salaf) que le
bas-âge (as-sighar) est la cause de la tutelle sur l’enfant.
- L’unanimité à accorder, en priorité, la tutelle sur l’orphelin en bas-
âge au frère issu des deux parents, avant de l’accorder au demi-frère.

- L’Induction (al istiqrâ’)


Il s’agit de la démarche rationnelle de déduction de la cause. La
recherche de la cause occupe une place importante dans la recherche

190
Les fondements du droit musulman

analogique. Les érudits musulmans ont développé des compétences


incroyables pour fixer les véritables causes, et cela par un travail de
sélection, puis d’élimination des causes incorrectes. On appelle cette
recherche rationnelle de la cause : takhrîj al manât. (Voir Aboû Hâmid
AL Ghazâlî, Al Moustasfâ. Tome 2, page 336)

III. Les voies les plus importantes pour cerner les causes
déduites
I. As-sabr wa at-taqsîm
* Du point de vue linguistique, le terme as-sabr est synonyme de al
ikhtibâr = tester, mettre à l’épreuve, évaluer.
Le terme at-taqsîm signifie al hasr et al jam‘ = la délimitation, la
réunion, le recensement et le groupement de quelque chose.
* Du point de vue conventionnel, il s’agit de réunir toutes les causes
supposées d’une sentence, puis de les tester une à une, pour dis-
tinguer celle qui convient et répond aux différentes conditions
stipulées. Ensuite, l’érudit procède à une élimination des causes à
déconsidérer jusqu’à la fixation de la cause correcte.
L’imâm Al Baydâwî dans son « Minhâj » a dit : « On aurait dû
appeler cette voie « at-taqsîm et as-sabr », plutôt que « as-sabr et at-ta-
qsîm », car logiquement, on procède d’abord à une sélection des diffé-
rentes causes, puis à leur élimination une à une jusqu’à la bonne ».
La recherche de la ‘illa par la voie de la déduction nécessite de
l’expérience de la part de l’érudit, la connaissance des Textes de la Loi,
la maîtrise de la langue arabe, la connaissance approfondie et globale
de la science de Ousoûl al fiqh et des Textes juridiques.
Le Ousoûlî se base dans sa réflexion sur la logique mise sur pied
par les Musulmans, qui s’appuie sur les principes de la motivation (al
‘illiyya) correcte et précise, avec une terminologie qui lui est propre.
Les savants musulmans ont mis sur pied ce procédé analytique sans
avoir pris modèle sur la logique aristotélique. (Réf. Ibn Taymiyya, Al Qiyâs
fî Ach-Char‘ al islâmî)

191
Les fondements du droit musulman

Exemples :
Concernant les catégories citées dans le hadîth sur l’interdiction de
l’usure de surplus (ribâ al fadl), quelle est la cause de son interdiction
au sujet des aliments stipulés dans le hadîth de ‘Oubâda Ibn As-Sâmit.
Le Prophète (r) a dit : « Ne vendez pas du blé contre du blé, ni de
l’orge contre de l’orge, ni des dattes contre des dattes et ni du sel
contre du sel… » (Rapporté par Mouslim)
S’agit-il d’aliments ? De produits pesés (nourriture) ? De provisions ?
Les érudits diffèrent dans leurs compétences et analyses, d’où diver-
gence en la matière. Ces divergences dans la fixation de la ‘illa déduite
est l’une des causes de la divergence juridique.

II. Al Mounâsaba : la Concordance


On l’appelle aussi al ikhâla, al maslaha, ri‘âyat al maqâsid ou al istidlâl
ou takhrîj al manât.
C’est une démarche rationnelle pour déduire la cause par extraction.
- Il semble à l’érudit, d’une façon probante, que tel qualificatif est la
cause de telle sentence.
Pour les Hanafites et les Chafi‘îtes, la concordance ne peut être
un moyen qui confirme la cause, que si elle est justifiée par un Texte
légal ou par le Consensus. A l’exemple de la concordance observée par
le Législateur pour la préservation des cinq Universaux (al koulliyyât
al khams : la préservation de la Religion, la préservation de la Vie, la
préservation de la Raison, la préservation des Biens privés et la préser-
vation de la Filiation ou de l’Honneur), que tel qualificatif est la cause.
Pour les Malikites et les Hanbalites, la démonstration d’une
concordance dont découle un bien (maslaha) conforme à la Loi, suffit
à considérer ce qualificatif comme la cause de telle sentence. Il n’est
pas nécessaire que la concordance soit justifiée par le Texte ou par le
Consensus.
Cette divergence a subdivisé la cause concordante en trois :
1. Cause concordante agissante : al mounâsib al mou’aththir

192
Les fondements du droit musulman

2. Cause concordante assortie : al mounâsib al moulâ’im ou al


mou‘tabar
3. Cause concordante proscrite : al mounâsib al malghî

Détails
1. Cause concordante agissante : al mounâsib al mou’aththir
Il s’agit d’un qualificatif que le Texte ou le Consensus désigne
comme la cause qui opère un effet évident sur la sentence ou son genre.

Exemples :
- L’ivresse (al iskâr) est la cause qui est à l’origine de l’interdiction du
vin. Il existe une concordance et un impact de la ‘illa sur la règle.
Cette cause agit sur al houkm et concorde également avec la pré-
servation de l’un des cinq universaux : la préservation de la raison.
2. Cause concordante assortie : al mounâsib al moulâ’im ou al
mou‘tabar
Il s’agit de tout qualificatif (wasf) que le Texte légal n’assimile pas
à une cause, mais qui est pourtant retenu parce qu’il figure parmi les
règles qui sont motivées par Le Législateur à travers des sentences
secondaires. Le Législateur a légiféré, conformément à ce qualificatif,
des règles secondaires qui appartiennent à son genre, sans pour autant
l’avoir textuellement mentionné ou en avoir fait allusion.
Le fait de prendre en compte « al mounâsib al mou‘tabar » dans la
motivation (at-ta‘lîl) est prouvé par l’induction (al istiqrâ’) et l’analyse
de l’ensemble des règles légales, qui indiquent que toute règle légale
a pour finalité un intérêt (maslaha) pour les Hommes. La prise en
considération de ce genre de ‘illa est donc une maslaha légale.
Si l’érudit a un doute probant (zann) que tel qualificatif concordant
est la cause de telle sentence, cette concordance est retenue et acceptée
comme l’une des voies de la cause légale.

193
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- La priorité accordée au frère germain sur le demi-frère, en matière
d’héritage, a servi par analogie à lui accorder la priorité sur la
prise en charge de l’enfant en bas âge (al walâya), en raison que le
Législateur lui a toujours accordé, dans les autres sentences secon-
daires, la priorité.
- La difficulté, que partage la femme indisposée et le voyageur, est
à l’origine de la dispense de la compensation des prières passées
pour la femme en menstrues, de la diminution des prières de quatre
raka‘âtes à deux pour le voyageur et de leur dispense de l’acquitte-
ment du jeûne.
La difficulté est bipolaire en raison du voyage et en raison du
cycle menstruel. La dispense de la prière est une sorte de sentence.
Néanmoins, cette sentence de l’exemption de la prière se différencie
d’un individu à l’autre, c’est pourquoi la notion de la difficulté est com-
prise dans l’absolu. Ceci a donné naissance à des sentences concor-
dantes et agissantes. Dans le sujet abordé, la difficulté est concordante
à la sentence d’allégement ou de dispense, et elle a été retenue parce
que le Législateur, qui l’a intégrée dans ce genre de qualificatif (la dif-
ficulté dans l’absolu), qui a agi sur cette sorte de sentence (la dispense
ou la diminution de nombre de raka‘âtes).
Pour mieux expliciter cette voie, on peut dire ce qui suit :
Il s’agit d’une voie de déduction de la cause que le Texte légal lui-
même ne peut pas directement prouver, mais qui a été appuyée par un
ensemble de textes à travers des questions du même genre.
Il s’agit, d’une part, d’une cause qui est concordante (mounâsiba)
d’autre part d’une cause qui est assortie (mou‘tabara) à l’un des sujets.
Dans notre exemple, il est question de la compensation ou de la
dispense.
C’est une cause qui agit (il en résulte la même sentence) de la même
manière dans différentes situations. La cause étant la difficulté (al
machaqqa).

194
Les fondements du droit musulman

3. Cause concordante proscrite : al mounâsib al malghî


Cette cause concordante proscrite est invalidée, rejetée et décon-
sidérée par le Législateur. L’érudit estime cette cause utile car source
d’intérêt, mais le Législateur, à travers des règles pratiques secondaires
indique son refus. Ce type de cause ne peut pas servir pour la motiva-
tion des sentences.

Exemples :
- Le frère et la sœur germains sont égaux dans la filiation. Ce qua-
lificatif concorderait à la décision de leur accorder des parts iden-
tiques dans la succession. Mais le Législateur contredit cet état de
fait et dit (U) : ( …Au frère revient une part égale à celle de deux
sœurs… ) (Ste 4/V.176)
- L’imposition du jeûne à deux mois successifs (qualificatif ) pour le
riche qui a rompu volontairement son jeûne concorde (mounâsib)
au statut du riche qui ne peut être sanctionné que de la sorte. L’élève
de l’imâm Mâlik (?), Yahyâ Ibn Yahyâ Al-Laythî, a sanctionné un
prince andalou, qui avait rompu volontairement son jeûne du mois
de ramadan, en lui imposant un jeûne de deux mois consécutifs.
Yahyâ avait voulu sanctionner et réprimander le prince par une
difficulté, car la libération d’un captif, ou le don de nourriture à
soixante pauvres, lui était aisée.
Cette motivation de Yahyâ est en apparence concordante mais non
prisée. Dans le hadîth relaté par Aboû Hourayra (t), l’Envoyé de
Dieu (r) indiqua au campagnard, qui avait eu des relations sexuelles
volontaires avec sa femme durant le jeûne du mois de ramadan, que
l’expiation s’établissait selon l’ordre suivant : la libération d’un captif,
le jeûne de deux mois successifs ou le don de nourriture à soixante
pauvres. (Rapporté par Les Six)
Nous citons une quatrième catégorie de cause déduite, mais qui est
un sujet de divergence parmi Ahl Al Ousoûl.

195
Les fondements du droit musulman

4 : La cause concordante libérée ou courante : al mounâsib al


moursal
Il s’agit d’un qualificatif concordant (mounâsib) que le Législateur
ni ne retient, ni ne rejette (neutralité). On l’appelle al mounâsib al
moursal parce qu’il est neutre. Certains savants l’appellent al masâlih
al moursalah.
L’imâm Aboû Hâmid Al Ghazâlî l’a surnommé al istislâh.
Ibn Al Hâjib et Ibn Al Houmâm appellent al maslaha al moursalah :
al moulâ’im al moursal.
Est-ce qu’al mounâsib al moursal peut servir de motivation ?
Cette question est sujette à divergence entre les spécialistes.
- Les Hanafites et les Chafi‘îtes n’incluent pas al mounâsib al moursal
parmi les moyens de la motivation des sentences légales. Selon
eux, il n’existe pas de preuve légale légitimant cette voie. Par ail-
leurs, la cause pourrait être autre que celle désignée par cette voie
puisqu’elle n’est pas cernable. Enfin, il est défendu d’élaborer une
sentence légale sur la base d’une cause non appuyée par une preuve
issue de la Loi.
Dieu (U) dit : ( Et ne poursuit pas ce dont tu n’as aucune connaissance.
L’ouïe, la vue, et le cœur : sur tout, en vérité, on sera interrogé. ) (Ste
17/V.36)
- Les Malikites et les Hanbalites valident le recours à cette voie pour
confirmer la cause, puisque le Législateur ne l’a pas rejetée. Il suffit
qu’il y ait concordance entre ce qualificatif et la sentence. L’effort
fourni pour cerner la cause et l’émission d’un avis probant sur la
base de ce procédé, suffit à l’adopter.
L’imâm Aboû Hâmid Al Ghazâlî a pris partie pour la deuxième
tendance, tout en limitant le recours à ce procédé à la condition que
l’intérêt recherché soit sûr et certain, et figure parmi les nécessités
(ad-daroûriyyât).

196
Les fondements du droit musulman

Cela fait partie, a-t-il dit, de la règle : « Les choses nécessaires lèvent
les interdits : ad-daroûrât toubîhou al mahzoûrât ».
Dans son livre «Al Moustasfa», l’imâm Al Ghazâlî a limité l’uti-
lisation d’al maslaha al moursalah et a imposé des conditions à son
utilisation :
* qu’elle soit l’une des cinq nécessités ou les Cinq Universaux (ad-da-
roûriyyât al khams). Si elle fait partie des utilités (al hâjiyyât) ou des
commodités (at-tahsîniyyât), elle n’est pas prise en compte ;
* qu’elle soit globale et concerne tous les musulmans ;
* qu’elle soit catégorique ou quasi-catégorique.

Remarque
On dit que, seule l’école Malikite valide le recours à al maslaha al
moursalah, mais l’imâm Chihâb Ad-Dîn Al Qarâfî Al Mâlikî dément
cette rumeur et dit : « Si tu étudies les écoles quand elles comparent,
rassemblent ou séparent deux affaires, tu remarqueras qu’elles ne pro-
posent pas d’argument explicite justifiant l’une ou l’autre démarche
juridique, mais qu’elles se limitent à la circonstance et à la concordance
(al mounâsaba), et c’est cela qu’on appelle «al maslaha al moursalah», et
ceci prouve qu’elle existe dans toutes les écoles ».
Quant à l’imâm Ach-Châtibî, il propose d’autres conditions, au
nombre de trois :
* l’intérêt libéré ou courant doit être raisonnable en soi ;
* al maslaha al moursalah doit être conforme aux objectifs de la Loi ;
* al maslaha al moursalah doit préserver une chose nécessaire ou éviter
un interdit religieux.
Attention : l’intérêt doit être réel et concret, et surtout pas imaginaire,
autrement qu’il ne doit pas se baser sur des désirs, une conception
erronée de la question, un imaginaire, des intérêts personnels, etc.

197
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- Si des ennemis utilisent des prisonniers musulmans comme bou-
clier, il est permis de leur tirer dessus si la capitulation risque d’en-
gendrer une occupation totale du pays.
- La mise sur pied du cadastre, la frappe de la monnaie et même
l’assemblage du Coran par les Compagnons (y) a été décidée sur
la base de ce principe.

IV. Tanqîh al manât


- Al manât est l’un des noms de la cause (al ‘illa). C’est le lieu de la
sentence, son attache.
- At-tanqîh a pour synonyme dans la langue arabe : les termes at-ta-
hdhîb, at-takhlîs et at-tamyîz.
La signification littérale de ces termes est : amender, éliminer,
débarrasser.
Certains Ahl al Ousoûl, tels que Al Baydâwî et certains Chafi‘îtes,
ont considéré tanqîh al manât comme l’une des voies de la ‘illa.
Il y a eu divergence dans la définition de cette voie. Ainsi Al Âmidî
propose la définition suivante : « C’est le fait de déployer un effort
de réflexion juridique dans le but de localiser la véritable cause sur
laquelle le Législateur a motivé Sa sentence, par l’élimination de tout
qualificatif qui n’a pas lieu d’être comme motivation de la sentence ».
(Réf : Al Âmidî : Al Ihkâm, tome 3, page 63)

Remarque
On constate que Tanqîh al manât ressemble à As-sabr wa at-taqsîm,
cependant il existe une différence entre les deux. Dans la voie du tanqîh
al manât, le Texte légal indique la cause, mais elle n’est pas toujours
évidente. Elle se trouve mélangée à d’autres causes incorrectes.
Le travail de l’érudit consiste, dès lors, à l’extraire par élimination
des autres. Dans as-sabr wa at-taqsîm, en raison de l’absence totale de
toute indication dans le Texte, l’érudit va déployer un effort dans la

198
Les fondements du droit musulman

recherche de toutes les causes supposées, puis va procéder, par élimi-


nation, à la poursuite de la véritable cause qui motive la sentence.

Exemple :
- La motivation de l’expiation que le Prophète (r), a prononcée à l’en-
contre de l’homme qui a eu des rapports avec son conjoint durant
le jour du jeûne du Ramadan. (Rapporté par les Six)
L’homme concerné par cette sentence était un campagnard et le
rapport sexuel avait eu lieu avec son épouse. Ces aspects personnels
ont été écartés par les érudits qui se sont focalisés sur la véritable cause.
La sentence n’a été motivée ni par l’identité de l’homme, ni par le
rapport sexuel (tout rapport est interdit durant le jeûne du mois de
ramadan) ; la question est impersonnelle. La cause de l’expiation (al
kaffâra) est la rupture du jeûne par un rapport sexuel.

Différence entre Tanqîh al manât et Takhrîj al manât


- Takhrîj al manât c’est l’effort de réflexion dirigé vers la déduction,
par n’importe quelle voie, (as-sabr et at-taqsîm ou al mounâsaba…)
de la cause concordante d’une sentence décrétée par un Texte légal
ou un Consensus.

Exemple :
La recherche, par la voie du sabr et du at-taqsîm, de l’exacte cause de
l’interdiction de l’usure de surplus (ribâ al fadl), dans le hadîth de
‘Oubâda Ibn As-Sâmit suppose ces questions : s’agit-il d’aliments ?
De pesée ou de provisions ?

- Qu’est-ce que Tahqîh al manât ?


Cela consiste à localiser la cause du cas principal dans un cas nouveau
(al far‘).
Al Baydâwî l’a défini comme suit : « tanqîh al manât », c’est le fait
de rattacher le cas nouveau au cas principal par l’élimination de leurs

199
Les fondements du droit musulman

différences : tanqîhou al manâti houwa ilhâqou al far‘i bil asli bi-ilghâ’i


al fâriqi. »
Pour accomplir cet effort, il faut connaître toutes les sentences
légales et leurs causes. Le travail de l’érudit consiste à prouver, avec
argument à l’appui, que la cause existe dans le cas secondaire (nou-
veau), à l’instar du cas principal (al asl).
L’Analogie ne consiste-t-elle pas à « …transposer ou faire passer la
sentence ou le jugement de la question énoncée par les Textes (Coran
ou Sounna), à un cas nouveau en raison d’un élément commun dans
lequel ils s’associent : la cause commune »?

Exemple :
- Le fait de prouver que la nuisance (al adhâ) qu’engendrent les mens-
trues (al hayd), stipulées par le Texte légal (Ste 2/V.222), est la
cause de l’interdiction des rapports sexuels durant cette période, et
également au moment des lochies (an-nifâs).

Questions diverses concernant al ‘illa


1. Peut-on motiver une sentence par deux causes ?
- Certains érudits l’ont permis, mais la Majorité des ousoûliyyoûn
réfute cette démarche qui ne rentre pas dans le cadre d’un raison-
nement analogique correct.

2. La cause doit-elle toujours être constante ? Doit-elle se réaliser


en permanence pour que sa sentence soit d’application ?

Exemple :
Doit-on interdire une boisson chaque fois qu’il y a ivresse (la cause) ou
peut-on l’interdire en se suffisant de l’interdiction générale et courante
après définition de la cause ?

200
Les fondements du droit musulman

- L’imâm Aboû Hanîfa, l’imâm Mâlik et Aboû Al Khattâb n’exigent


pas sa permanence. Ils se suffisent, après l’avoir spécifiée, de l’ap-
plication générale de la sentence.
- Certains n’exigent sa permanence et sa constance que dans les
causes explicitement formulées par les Textes, mais pas dans les
causes déduites.

Différences entre la ‘illa (la cause) et al hikma (la sagesse) d’une


sentence légale
La ‘illa motive la sentence légale et elle est toujours déduite du Texte.
- La sagesse (al hikma) recherche, à travers son rôle, la finalité pour
laquelle Allâh l’a légiférée.

Exemple :
- La Parole de Dieu (U) : (…Afin qu’ils y trouvent certains profits
matériels, et qu’ils rendent grâce à Dieu… ) (Ste 22/V.28)
La sagesse : bénéfices matériels et spirituels.
- La Parole de Dieu (U) : ( Accomplis strictement la prière : la prière
préserve des turpitudes et des actes blâmables… ) (Ste 29/V.45)
La sagesse : la prière empêche le croyant de commettre des turpi-
tudes et des vices.
La grande majorité de Ahl Al Ousoûl s’oppose à ce que l’analogie
se base sur la sagesse. Cependant, certains le permettent lorsque la
sagesse est précise (moundabita).
L’imâm Ibn Taymiyya et son élève, l’imâm Ibn Al Qayyim et d’une
façon générale, les Hanbalites ont eu recours à la sagesse pour établir
des analogies.

201
Les fondements du droit musulman

Les différentes sortes d’Analogies


L’Analogie se subdivise en cinq catégories, mais je n’en citerai que deux,
qui me semble être les plus importantes et les plus représentatives.

I. La première catégorie comprend l’Analogie dont la cause est


certaine et évidente dans le cas principal :
1. Analogie a fortiori : qiyâs al awlâ
2. Analogie correspondante : qiyâs al mousâwî
3. Analogie inférieure : qiyâs al adnâ

Détails

1. Analogie a fortiori (ou prioritaire) : Qiyâs al awlâ


Cette analogie suppose que le cas secondaire (nouveau) mérite plus
la sentence de son cas principal que celui-ci. La cause y est plus forte
et plus évidente. La sentence lui est plus appropriée que dans le cas
principal.
Exemple : la priorité de l’interdiction de violenter ses parents sur l’in-
terdiction de leur dire : ouff ! (Ste 17/V.21)
Le Texte légal a énoncé l’interdiction de dire ouff à ses parents. C’est
une attitude de mauvais traitement et d’impiété filiale sanctionnée par
la Loi de Dieu (U).
Le fait de frapper ses parents, est un cas nouveau, non stipulé par
les Textes légaux. L’interdiction est plus encore appropriée à la violence
physique envers les parents qu’à l’indécence verbale à leur encontre.

2. Analogie correspondante : Qiyâs al mousâwî


C’est lorsque l’on constate que le cas secondaire (nouveau) est tout
à fait identique au cas principal, sans aucune préférence ni supério-
rité, au niveau de l’égalité des sentences qui s’appliquent à leurs causes
communes.

202
Les fondements du droit musulman

Exemple :
Dieu (U) annonce un châtiment douloureux à ceux qui consomment
injustement les biens des orphelins dont ils sont les tuteurs. (Ste 4/V.10)
Cette sentence est appliquée de la même manière au cas nouveau :
gaspiller les biens de l’orphelin.

3. Analogie inférieure : Qiyâs al adnâ


Il s’agit d’une analogie établie sur la base d’une cause qui est moins
évidente dans le cas nouveau. Il existe une certaine association dans
certains éléments de la ‘illa du cas principal avec celle du cas nouveau,
mais il n’y a pas une similitude totale.

Exemple :
L’analogie des pommes avec le blé, en vue d’interdire leur échange
contre d’autres pommes, pour éviter le cadre de l’usure de surplus,
suggère que leur cause commune, selon l’imâm Ach-Châfi‘î, c’est leur
statut de nourriture.
Pourquoi la cause est-elle faible dans ce cas-ci ?
L’interdiction de l’usure de surplus (at-tafâdoul), lors de l’échange
du blé contre du blé, a trois causes possibles : l’alimentaire, le pesage
ou le produit. Ces différentes causes recensées s’appliquent moins aux
pommes, pour lequel on ne recense qu’une éventuelle cause commune
au blé : il s’agit d’un aliment.
Même démarche concernant l’analogie du jus de raisin sec fermenté
(an-nabîdh) sur le vin pour l’interdire.

II. La deuxième subdivision traite de l’Analogie par rapport à sa


force et à l’évidence de sa cause :
1. Analogie explicite et évidente : qiyâs jaliy
2. Analogie latente ou cachée : qiyâs khafiy

203
Les fondements du droit musulman

Détails

1. Analogie explicite et évidente : Qiyâs jaliy


Il y a unanimité et affirmation de l’absence de différences entre le cas
principal et le cas nouveau. On n’accorde aucune importance, dans ce
cas, à l’origine de la cause : énoncée par les Textes ou déduite.
Pour les Hanafites, l’analogie évidente est celle où la cause est tel-
lement apparente (il s’agit de la cause commune dans al asl et dans al
far‘), qu’elle ne laisse aucun doute dans l’esprit.

Exemples :
- L’analogie construite sur la libération d’une partie d’une personne
captive, par l’un des deux associées, engendre nécessairement la
libération de l’ensemble de la personne. Celui qui l’a libérée com-
pensera son associé, sur ses propres biens, pour sa part non libérée.
- La libération des femmes captives, par analogie à celle des hommes
captifs, stipulée dans le Texte, a pour cause le désir de liberté commun
aux deux ; le Législateur a, Lui-même, loué cette démarche pour
abolir l’esclavagisme.
Il n’y a pas de différence dans la captivité. Le Législateur ne prend
pas en considération le sexe dans l’acte d’affranchissement des captifs.

2. Analogie latente ou cachée : Qiyâs khafiy


C’est lorsqu’on a une cause déduite dans le cas principal ou une incer-
titude sur l’absence de différences entre la cause du cas principal et la
cause du cas secondaire.
Les Hanafites appellent l’analogie latente al istihsân (l’appréciation
de l’érudit ou le choix préférentiel).
Al istihsân consiste à appliquer, à un cas juridique semblable à un
autre, un jugement différent à ce qui doit lui être appliqué par analogie,
et ce, pour des raisons que l’érudit apprécient et considèrent meilleures,
et pour réaliser l’intérêt et l’équité.

204
Les fondements du droit musulman

3 : L’Analogie Incorrecte ou Invalide


L’analogie par similitude externe : qiyâs ach-chabah
Il s’agit d’une ressemblance fictive entre les deux causes. Il s’agit
d’une ressemblance ou d’une similitude sans aucun lien avec la véri-
table cause commune, qui doit engendrer la transition de la règle du
cas principal vers le cas nouveau.
Exemples d’analogies incorrectes à cause de la similitude externe :
- L’analogie de l’usure avec la vente pour le valider, en prétextant sa
similitude, puisqu’il nécessite, comme dans la vente, le consente-
ment mutuel des deux contractants.
Dieu (U) a réfuté cette fausse analogie en disant : ( …Cela parce
qu’ils disent : « le commerce est tout à fait comme l’intérêt » Alors qu’Allâh
a rendu licite la vente et a interdit l’usure ). (Ste 2/V.275)
- L’analogie des demi-frères du prophète de Dieu Youssef (r) entre
Youssef et Benjamin pour accuser ce dernier de vol, en prétendant qu’il
avait agi ainsi comme son frère l’avait fait auparavant, ceci sans aucune
preuve ; uniquement en se référant à leur lien de fraternité commune.
(Voir Ste 11/V.77)
Nous sommes devant un cas d’analogie sans similitude de fond, et
justifiée par une abstraction sans lien avec la véritable cause telle qu’elle
a été définie par Ahl Al Ousoûl.
Pour plus de détail : Voir Ibn Al Qayyim : A‘lâm al mouwaqqi‘în.
Tome 1, p : 145 et pp : 150-161)

Les domaines de l’Analogie


L’Analogie légale a pour domaine spécifique les règles légales. La règle
de base de la question principale doit être une règle issue des sources
légales (Coran, Sounna et Consensus).
L’Analogie n’intervient ni dans le Dogme, ni dans le Culte.

205
Les fondements du droit musulman

Néanmoins, les savants ont divergé sur la prise en considération


de l’Analogie dans le champ pénal (les peines légales : al houdoûd), les
expiations (al kaffârât) et la fixation de certaines règles stipulatives,
telles que la condition de validité d’un acte (ach-chart) ou la cause
(as-asab).
La divergence a aussi porté sur certaines sentences rationnelles ou
issues de divergences linguistiques ou d’usage.
A- La Majorité valide le recours à l’Analogie dans les peines légales
et les actes d’expiation, comme cela est valable pour l’ensemble des
sentences légales pratiques, à condition qu’il s’agisse d’une analogie
juste répondant à toutes les conditions de l’Analogie.
Cette tendance se réfère pour appuyer son avis, à des arguments du
Coran et de la Sounna et au Consensus des Compagnons (y).
- Le saint Coran :
Ils disent que Dieu (U) appelle Ses serviteurs à tirer des leçons. Ceci
implique la déduction de nouvelles règles. A l’exemple de la Parole de
Dieu (U) : ( …Que cela soit pour vous un exemple édifiant ô vous qui
êtes doués de clairvoyance. ) (Ste 59/V.2)
- La Sounna :
Le hadîth de Mou‘âdh (t), entre autres, quand il a été envoyé par
l’Envoyé de Dieu (r) au Yémen, et dans lequel le Prophète (r) l’a
interrogé sur sa façon de procéder en cas de litige. Ce dernier répondit :
« Je rendrai mon jugement selon le Livre de Dieu…/… si je ne trouve
pas de réponse, je me réfèrerai à la Sounna de l’Envoyé de Dieu…/…
et si je ne trouve pas de réponses dans la Sounna de Son Messager, je
n’épargnerai pas mes efforts pour trouver une solution…» (Rapporté
par Aboû Dâwoûd)
- Le Consensus :
Il n’y a pas plus édifiant que l’acceptation par les Compagnons (y), de
l’analogie de l’imâm ‘Alî (t), qui a fixé à quatre-vingt coups la peine
de l’ivrogne, par analogie à celle de la diffamation (al qadhf). Il a dit,

206
Les fondements du droit musulman

concernant l’ivrogne : «…Quand il boit, il devient ivre. Quand il est ivre,


il délire. Quand il délire, il diffame. » (Rapporté par Ad-Dâraqoutnî)

Exemples :
- L’analogie concernant an-nabbâch (le déterreur de morts pour les
voler) à qui, on applique la peine légale du vol. La cause commune
est le vol des biens privés cachés.
- L’analogie qui sanctionne l’homosexualité sur base de la fornication.
La cause commune est la pénétration (al îlâj).
- L’analogie, entre l’homicide avec préméditation et l’homicide invo-
lontaire, pour permettre le paiement de la diyya (le prix du sang),
au lieu de la peine de mort. La cause commune est la mort affligée
à la victime.
B- Les Hanafites ne permettent pas l’Analogie dans ces domaines de
la Loi, tout comme pour les questions dogmatiques et cultuelles.
Les Hanafites ont justifié leur position sur la mise en évidence de
la valeur probante des sentences issues de l’Analogie. On ne peut pas
se baser sur le probant, disent-ils, pour fixer des sentences pénales,
dont les accusations peuvent être mises en cause par le moindre doute,
tel que l’a spécifié le Messager de Dieu (r), qui a dit : « Repoussez
l’application des peines légales, dès qu’il y a un moindre doute. »
Rapporté par Ibn‘Adiy, d’après Ibn Mas’oûd)
C- Les Malikites, certains Hanafites et les Chafi‘îtes et un grand
nombre de Ahl Al Ousoûl, se sont opposés à ce que les empêche-
ments à l’application d’une sentence (al mawâni‘), la cause d’une
sentence* ou sa condition soient fondés sur l’analogie.
D’autres savants (Hanafites, Chafi‘îtes et Hanbalites) ont permis
ce genre d’analogie, et ont proposé des exemples, tel que l’Analogie
établie sur la propreté du lieu, condition de la validité de la prière, pour
exiger la propreté de la protection (as-soutra).
* Note : Il n’est pas question, ici, de la cause « al ‘illa », mais de la règle
stipulative (houkm wad‘î), qui s’appelle aussi as-sabab.

207
Les fondements du droit musulman

(Voir Ibn Qoudâma : Commentaire de Rawdat an-nazîr, par


Cheykh Ach-Chinqîtî)
- Concernant les questions linguistiques
La majorité des savants de la langue et certains Ousoûlî, tels que
Ar-Râzî et Al Baydâwî ont permis le recours à l’analogie dans la
langue.
La grande majorité des savants Chafi‘îtes et Hanafîtes, et même
des Malikites, à l’exemple d’Ibn Al Hâjib et d’Al Âmidî, se sont
opposés à cette démarche, considérant que les termes avaient été éta-
blis pour désigner des entités bien précises, et que l’on ne pouvait pas
transposer le nom d’une chose à une autre.
Ceux qui le permettent, considèrent que les termes ont des signi-
fications qui les accompagnent dans leur existence ou non-existence.
Ainsi le terme khamr, qui a été établi pour désigner le jus de raisin
fermenté, en cas d’absence de fermentation, n’est pas un nom « actif »,
la question est : « Peut-on appeler, par analogie, tout autre produit fer-
menté et enivrant : khamr ? »

Remarque
Le débat diverge sur les noms issus des sens. Certains le permettent,
et d’autres s’y opposent.
- Concernant les questions d’usage (al ‘âdât), les savants sont unanimes
à refuser de prendre en considération l’habitude d’une personne,
des critères physiques ou caractériels propres à la personne comme
références analogiques. Car elles sont imprécises et peuvent ne pas
se reproduire chez une autre personne.
Rappelons que l’analogie correcte nécessite une précision dans le
qualificatif commun : al ‘illa. Ceci est impossible à obtenir dans ce
domaine.

208
Les fondements du droit musulman

Exemple :
On ne peut définir la durée minimale ou maximale des menstrues ou
des lochies d’une femme sur la base d’une analogie établie sur leur
durée chez une autre femme.

La mise en cause d’une Analogie


Ibn Al Hâjib a chiffré les différentes oppositions à l’analogie à vingt-
cinq. Ar-Râzî a quatre. Quant à l’imâm Ach-Chawkânî, il en a
dénombré vingt-huit.
Des savants n’ont pas tenu à en parler dans leurs ouvrages de Ousoûl,
associant la question à de la Théologie scholastique et aux questions du
jidâl. (Réf : Al Ghazâlî : Al Moustasfâ).
Les plus importantes remises en cause sont :
1. La remise en cause concernant al houkm
2. La remise en cause concernant al ‘illa.

Choix d’illustrations :
1. La remise en cause de la présence du houkm dans la question prin-
cipale (al asl) ou l’opposition contre l’existence du houkm dans al far‘.

Exemples :
- L’opposition des Malikites et des Zahirîtes contre l’avis des Chafi‘îtes
qui confirment, par analogie, l’obligation de laver l’ustensile si un
porc vient s’y abreuver ou le lécher.
Le hadîth de l’obligation du lavage de l’ustensile après le léchage
d’un chien (Rapporté par Mouslim).
Les Malikites et les Zahirîtes s’opposent à la sentence de l’obliga-
tion du lavage de l’ustensile à cause du chien. C’est que le lavage à sept
reprises de l’ustensile, disent-ils, est exigé uniquement par dévotion en
exécution de l’ordre du Prophète (r). Dire que le lavage est obligatoire

209
Les fondements du droit musulman

à cause de l’impureté du chien est faux. Donc la sentence qui est à la


base de cette analogie est remise en cause.
2. L’opposition concernant l’existence de la ‘illa dans le cas principal
(al asl).

Exemple :
Les Chafi‘îtes et certains Malikites affirment que le respect de l’ordre
(at-tartîb) dans les ablutions est obligatoire. Ils ont exigé l’ordre par
analogie sur la prière.
Les Hanafites et certains Malikites se sont opposés à cette affirma-
tion, considérant que la ‘illa citée pour le renouvellement des ablutions
et l’exigence de l’ordre, n’existe pas dans le cas principal de la prière.
L’incident (al hadath) n’invalide pas la prière, il invalide uniquement la
tahâra, qui par son invalidité a engendré l’invalidité de la prière.
- L’opposition quant à l’existence de la ‘illa dans le cas secondaire (al
far‘).

Exemple :
- Les Malikites permettent le louage (al ijâra) du service d’une
personne pour qu’elle accomplisse le pèlerinage à la place d’une
personne morte. Ils ont dit que le pèlerinage était un acte que l’on
pouvait faire à la place de quelqu’un d’autre, donc par analogie, le
louage de ce service est permis, comme il est permis pour la loca-
tion du service d’un couturier.
- Les Hanafites s’opposent à cette analogie parce que la cause (la
location du service) est inexistante dans la question du hajj.

210
deuxieme
partie

LES SOURCES
DE LA RÈGLE
DE DROIT SUJETTES
AUX DIVERGENCES
Les fondements du droit musulman

L’APPRÉCIATION
DE L’ÉRUDIT
AL ISTIHSÂN
L’appréciation de l’érudit ou le Rationnel spontané, est basé sur le prin-
cipe de l’équité et la recherche de l’intérêt pour les gens (al maslaha).

Définitions
Définition littérale
Ce terme est calibré suivant le mode de « istif‘âl » : istihsân. C’est un
dérivé du terme « al housn » : ce qui est jugé beau : le beau ou le bon.
On dit en arabe : « istahsana kadhâ : ‘addahou hasan, i‘taqadahou
hasan : le fait de considérer telle chose bonne ou appréciable. Il croit
que c’est quelque chose de bon. Il est quasi sur, mais pas sur et certain.
Ceci se dit d’une opinion, d’un avis ou de quelque chose : « istahsana
al qawla, ar-ra’ya, at-ta‘âma, ach-charâba : il l’a jugé bon, il a apprécié :
le discours, l’opinion ou l’avis, la nourriture ou la boisson.
Dans le saint Coran, il y a, en effet, l’utilisation de ce terme selon
le sens littéraire, telle que la Parole d’Allâh (U) : ( Annonce la bonne
nouvelle à Mes serviteurs ; ceux qui prêtent l’oreille à Mes Paroles,
puis suivent ce qu’elles contiennent de meilleur…. : fabach-chir ‘ibâdi
al-ladhîna yastami‘oûna al qawla fayattabi‘oûna ahsanahou… )
(Ste 39/V.17-18)
Dans la Sounna, ce terme a été utilisé aussi. Le Prophète (r) a dit :
« Ce que les Musulmans jugent, qu’il est bon (hasan), il est bon (hasan)
aux « Yeux » d’Allâh (U). » (Rapporté par l’imâm Ahmad)
Chez les juristes, on trouve une utilisation du terme « istihsân »,
selon le sens littéral.

213
Les fondements du droit musulman

On dit, par exemple : « les fouqahâ’ ont trouvé bien (hasan) ou ils
ont apprécié, que le prix du bain public ne soit pas évalué, proportion-
nellement à la quantité d’eau utilisée : istahsanoû doukhoûl al hammâm
min ghayri taqdîri ‘iwadî al mâ’. »

Définition Conventionnelle
- L’imâm Aboû Al Hassan Al Karkhî a donné la définition suivante
de l’istihsân : « C’est l’application à un cas juridique semblable à
une autre, une solution différente de ce que l’analogie stipule, et
ce pour des raisons de justice et d’équité. » (Réf : Charh Ousoûl Al
Bazdawî. Tome 4, page 3)
- As-Sarkhasî propose la définition suivante : « Al Istihsân consiste
à écarter la solution qui découle d’une analogie correcte, au profit
d’une autre solution considérée plus apte à répondre aux besoins
du bien commun (al maslaha al ‘âmma). » (Réf : Al Mabsoût. Tome 10,
page 145)
Donc, on ne peut parler d’istihsân qu’à la suite d’une analogie.
- Ibn Al ‘Arabî, juriste malikite, a dit : « L’appréciation consiste à
délaisser le résultat soutenu par la preuve, et se permettre de ne pas
l’adopter, à cause d’une opposition entre la règle prouvée et une
autre preuve dans certaines de ses exigences. Et ce délaissement est
de différentes sortes :
- un délaissement du résultat de l’analogie, pour l’usage (al ‘ourf) ;
- un délaissement en faveur d’un Consensus (al ijmâ‘) ;
- un délaissement du à un intérêt (al maslaha) ;
- un délaissement pour faciliter ou repousser une difficulté. »
L’appréciation de l’érudit est une forme d’analogie latente en faveur
de laquelle on a délaissé le résultat d’une analogie explicite pour une
raison d ‘intérêt, appréciée par l’érudit.

214
Les fondements du droit musulman

Dans une opération d’appréciation (istihsân), la cause est plus


cachée, et est moins évidente que la cause, que l’on peut rencontrer
dans une analogie habituelle.
L’imâm Ach-Chawkânî a cité un ensemble de définitions d’Al istih-
sân et a dit : « Les avis relatifs à la nature d’Al istihsân sont divergents.
Il y a ceux qui l’ont considéré comme une preuve que l’érudit connaît,
mais ne peut l’exprimer. D’autres le considèrent comme la renonciation
à une analogie pour une autre analogie plus forte. Il est dit aussi, qu’Al
istihsân est l’utilisation d’un intérêt particulier à la place d’une analogie
globale.» (Réf : Ach-Chawkânî : Irchâd Al Fouhoûl)

La prise en considération
de l’Appréciation
Houjjiyyat Al Istihsân

Les Supporters de l’Istihsân


Les Hanafites, les Malikites et les Hanbalites.
- Les Hanafites : Al Istihsân consiste à prendre en considération
l’argument et la preuve la plus forte, même si elle est latente, dans
une opération analogique.
Il arrive que l’analogie mène vers des résultats contraires aux objec-
tifs de la Loi d’Allâh (U). Dans ce cas, l’érudit délaisse l’analogie appa-
rente en faveur d’une l’analogie cachée.
Il délaisse un jugement global (houkm al koullî), en faveur d’un juge-
ment partiel (houkm jouz’î), et ce, afin d’éviter un préjudice et réaliser
l’équité.
- Pour l’imâm Mâlik, l’appréciation sert à remédier à certains aspects
négatifs de l’analogie stricte.

215
Les fondements du droit musulman

Pour l’imâm Mâlik, le fait de s’attacher à l’analogie risque, parfois,


de faire perdre l’intérêt des gens. C’est pour cette raison que l’on raconte
qu’il avait dit : « Les neuf-dixième de la science, sont de l’istihsân.»
Il a dit aussi : « Celui qui ne cesse de recourir à l’analogie risque de
s’éloigner de l’esprit de la Sounna.» (Réf : Ach-Châtibî : Al I‘tisâm, Tome 2,
page 138)
Al Istihsân est assimilé par les Malikites au Principe de l’intérêt
relâché (al maslaha al moursalah).
L’imâm Mâlik considère al istihsân comme un sous ensemble ou
une part (qasîm) de la maslaha al moursalah.
- Les Hanbalites disent : « Al istihsân c’est le fait de prononcer une
sentence, contrairement à la sentence prononcée dans de cas sem-
blables à cause d’un argument légal qui le justifie. »
Ainsi, l’imâm Ahmad a dit : « Par principe la purification pulvé-
rale se substitue à l’eau, dès lors, une fois accomplie, la personne peut
accomplir des prières obligatoires et surérogatoires, tant qu’elle n’a pas
invalidée son tayammoum par un hadath. Mais, par appréciation, la
personne, qui recourt au tayammoum, le refait pour chaque prière.»
(Réf : ‘Abd Al Qâdir Ibn Chaybat Al Hamd : Imtâ‘ al ‘ouqoûl bi-rawdat al ousoûl,
pp : 105-106)
Selon ses supporters, cette source intervient pour corriger le rai-
sonnement par analogie, dans le sens qu’il s’agit, ici, d’une opinion
discrétionnaire, en rupture de la stricte analogie avec laquelle on rompt
pour des raisons d’intérêt (maslaha).
Pour la Majorité, al Istihsân est une disposition d’exception de
l’analogie.
L’imâm Ach-Châtibî (malikite) a dit à propos d’Al Istihsân :
« Pour nous, et pour les Hanafites, Al Istihsân consiste à choisir la
preuve la plus forte.»

216
Les fondements du droit musulman

Pour la Majorité, le fait de recourir à Al Istihsân, est, en vérité, un


recours à la facilité, par renonciation à la difficulté. La facilité est un
principe fondamental dans la Loi islamique.
Allâh (U) dit : ( Allâh veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la
difficulté pour vous… ) (Ste 2/V .185)
En plus, l’appréciation a été confirmée par les sources sujettes d’ac-
cord : le Coran, la Sounna, le Consensus et l’Analogie.
- Dans le saint Coran, Allâh (U) appelle les croyants à suivre ce
qui est jugé meilleur, à l’exemple de la Parole d’Allâh (U) :
( Et suivez la meilleure Révélation qui vous est descendue de la part
de votre Seigneur… : wat-tabi‘oû ahsana mâ ounzila ilaykoum min
Rabbikoum…) (Ste 39/V.55)
Le Fait Qu’Allâh (U) leur demande le meilleur de ce qui leur a
été révélé, prouve que le recours à la sentence qui est la meilleure est
conforme au Vouloir d’Allâh (U).
Allâh (U) dit aussi : ( Ceux qui prêtent l’oreille à la Parole, puis
suivent ce qu’elle contient de meilleure… : Allâdhîna yastami‘oûna al
qawla fa-yattabi‘oûna ahsanahou… ) (Ste 39/V.18)
- Quand on se réfère à la Sounna, on constate qu’elle a confirmé,
par appréciation sur la base de l’intérêt, des contrats, tels que : les
contrats de as-salam, alors que le Prophète (r) avait interdit l’objet
inexistant. Et la Sounna a validé le contrat d’al ijâra ou d’autres
règles légales, comme celle concernant la validité du jeûne de celui
qui l’avait rompu par oubli.
Le Prophète (r) n’a-t-il pas dit : « Ce que les Musulmans jugent
bon, il l’est aussi par Allâh ! » (Rapporté par Ahmad, dans son livre :
As-Sounna, d’après Ibn Mas‘oûd. As-Sahnâwî a dit, à son sujet : hadîth mawqoûf
hasan).
- Par Consensus : La validité par appréciation et souci d’équité, on
a validé le contrat d’al istisnâ‘ ; la levée des souillures des bassins
et des puits par vidange. L’appréciation de payer un prix forfaitaire

217
Les fondements du droit musulman

pour le bain, et non pas par rapport à la quantité d’eau usée, ni par
rapport au temps passé dans le bain.
Par Analogie : Le fait de remettre l’analyse et la prise en considéra-
tion des serments aux usages établis…

Les opposants à l’Istihsân


Il s’agit principalement de l’imâm Ach-Châfi‘î, les Zahirites, les
Mou‘tazilites et les Chi‘îtes.
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit, au sujet d’Al Istihsân : « Celui qui appré-
cie, il s’arroge le droit de légiférer. » C’est-à-dire : il a institué une nou-
velle charî‘a, alors Qu’Allâh (U) seul est le Législateur ! », D’où son
opposition ferme à Al Istihsân.
Il a justifié sa position par les arguments suivants :
-a : Les Prescriptions divines stipulent l’obligation de se soumettre
à Allâh (U) et à Son Messager (r), ainsi Allâh (U) a demandé
aux fidèles de se référer à Sa Loi, et de maîtriser leurs passions, et
quand un conflit survient ; ils doivent chercher sa solution dans le
Coran et la Sounna.
Allâh (U) dit : ( Juge alors entre eux d’après ce qu’Allâh a fait
descendre. Ne suis pas leurs passions, et prends garde qu’ils ne te tentent
de t’éloigner d’une partie de ce qu’Allâh t’a révélé. ) (Ste 3/V.49)
Et vu, qu’Al istihsân n’étant pas ni texte de Coran, ni un texte de la
Sounna ; mais plutôt une solution d’opportunité, donc elle ne se justifie
pas.
Allâh (U) n’a-t-Il pas dit : ( Si vous vous disputez en quoi que ce soit,
renvoyez-le à Allâh et au Messager… ) (Ste 4/V.59)
-b : Les dispositions de la Loi, a-t-il dit, émanent directement du
Coran et de la Sounna, et si le principe de l’équité ou l’appréciation
de l’érudit propose des règles déduites de la Loi, comment, dès
lors, peut-on y recourir pour corriger des solutions de la déduction
analogique légale, qui est faite sur la base des Textes légaux (Coran
ou Sounna) ?

218
Les fondements du droit musulman

-c : Le Prophète (r) est notre unique modèle. Nous constatons


qu’il n’a jamais pris d’initiatives, qui ont pour base le principe de
l’appréciation !
En plus, Al istihsân est une analogie (latente), comment peut-on
corriger une analogie explicite par une autre analogie ?

Deux exemples illustrent cette affirmation :


* Concernant la question du zihâr : serment par assimilation inces-
tueuse. C’est le fait que le mari dise à son épouse : « Tu es pour moi,
comme le dos de ma mère. » (Voir Ste 58 : la Discussion)
Le mari a assimilé le corps de son épouse à celui d’une femme
mahram, qui ne lui est pas permise.
* La reconnaissance d’un enfant né ou à naître d’une femme accusée
d’adultère. (Voir Ste 24 : La Lumière).
Dans ces deux cas, le Prophète (r) n’a pas répondu aux interpella-
tions des personnes concernées immédiatement, malgré l’urgence des
deux situations. Il n’a pas fait appel à l’appréciation, mais il a attendu
la descente d’une Révélation d’Allâh (U).
-d : Le Prophète (r) n’a pas ratifié la sentence appliquée par un
Compagnon, qui a tué un homme qui a proclamé la chahâda lors
d’une bataille. Il a prétexté que l’homme l’avait prononcé par peur
et non pas par conviction. Le Prophète (r) s’était mis en colère
contre cette appréciation politico-militaire et a désapprouvé ce
meurtre.
-e : L’Analogie est une pratique légale, qui a ses règles bien établies,
ce qui n’est pas le cas d’Al istihsân, qui n’obéit qu’aux impressions
de l’érudit, et qui répond à un besoin ponctuel. La correction d’une
incompatibilité juridique n’a pas de technique précise, ce qui rend
cette démarche incertaine et toutes les positions adoptées fluc-
tuantes, et ce ci affecte l’unité de l’ensemble des règles légales.
-f : Le principe de l’équité ou l’Appréciation de l’érudit, risque de
donner une suprématie à la raison sur les autres sources de la

219
Les fondements du droit musulman

Loi. Comme si l’on disait : « Il n’est plus nécessaire de recourir


aux Textes originaux pour adopter des solutions pour les toutes
questions nouvelles ! » (Réf : Ach-Châfi‘î : Kitâb Al Oumm, Chapitre :
L’annulation d’Al istihsân.)

Remarque :
Malgré toutes ces objections de l’imâm Ach-Châfi‘î, nous constatons
que les érudits de l’école chafi‘îte ont eu recours à cette source pour
solutionner certains problèmes.
- Parmi les arguments des opposants, l’attitude des Compagnons
(Qu’Allâh soit satisfait d’eux), qui ne se sont jamais permis d’ap-
précier sans preuve une quelconque règle. Ils étaient stricte dans
leur recours aux Textes ou à applique la règle de la similitude
(l’Analogie).
Même Mou‘âdh (Qu’Allâh soit satisfait de lui), quand il a été inter-
rogé par le Prophète (r) sur sa règle de conduite face aux nouvelles
questions, il a parlé d’ijtihâd, et non pas d’appréciation.

Analyse des deux positions


En comparant les arguments des supporters d’Al istihsân et des oppo-
sants, il apparaît qu’il y a un point commun entre les deux groupes, c’est
que le rejet ne concerne que l’appréciation qui est le fruit de la passion,
et qui ne se base que sur une argumentation rationnelle en rupture avec
la Loi et ses Textes. Ce genre d’Appréciation n’est nullement validé par
les supporters d’Al istihsân.
L’imâm Al Bazdawî a dit : « L’imâm Aboû Hanîfa (Qu’Allâh Le
Très Haut le bénisse) est plus digne, et il est plus élevé sur cette cri-
tique, car sa crainte d’Allâh fait, qu’il ne s’est jamais prononcé, par
passion ou par simple désir personnel dans la religion, alors qu’il y a
une preuve légale en la matière. » (Réf : Al Bazdawî : Kachf al asrâr. Tome 2,
page 1123)

220
Les fondements du droit musulman

Il apparaît que la divergence entre les deux tendances, est une diver-
gence au niveau des termes.
Ainsi Al Qaffâl le chafi‘îte a dit : « Si l’appréciation consiste à se
prononcer sur la base d’une appréciation par goût et sans argument à
l’appui, elle est jugée invalide et rejetée. Personne parmi les érudits ne
l’accepte, et n’a agit dans ce sens. Mais si al istihsân, c’est le fait de se
détourner d’une sentence vers une autre, car la preuve et l’argument
sont plus forts, cette forme d’appréciation, personne ne l’a remise en
cause et ne s’en est détournée. » (Réf : Ach-Chawkanî : Irchâd al fouhoûl, page
212. Voir aussi : At-Taftazânî : At-Talwîh. Tome 1, pp : 81-82)
Malgré ce débat, nous constatons qu’Al Istihsân a été pratiqué
par tous les imâm. Le recours à Al Istihsân n’est pas l’exclusivité des
Hanafites. Il paraît que la position des Hanafites vis-à-vis d’al istihsân,
ainsi que des formulations de leurs imâms, qu’ils ne considèrent pas
l’istihsân une source indépendante de la règle de Droit, mais il s’agit,
plutôt, d’une voie d’exception dépendante de l’analogie légale. Il est
comme des rênes à l’analogie, cat ils craignent, qu’à force de se fieur et
de s’aligner sur les résultats de l’analogie, en toute situation, que cela
ne mène à voiler une des finalités essentielles de la Loi : la facilité et la
recherche de l’équité et de l’intérêt.
En vérité, toutes les écoles et les imâms ont usé de l’istihsân. Al
‘Amidî (chafi‘îte) a rapporté, dans son ouvrage ‘Al Ihkâm fî ousoûl al
ahkâm’, un certain nombre d’avis juridiques de l’imâm Ach-Châfi‘î,
émis sur la base d’Al Istihsân. Limâm Ach-Châfi‘î s’oppose, en vérité,
à l’ijtihâd par le biais de l’Isithsân, qui ne se réfère pas à un texte solide
et aux preuves qui conviennent.

221
Les fondements du droit musulman

Les différentes sortes d’Istihsân


Il y a deux types de classification d’Al Istihsân.
I : Classification par rapport à sa force et à son évidence.
1 : Par rapport à sa force et à son évidence, même s’il est latent,
Cette forme d’Ihtisân s’exprime en face d’une analogie dont l’effet
est faible, malgré son apparence.

Exemple :
Les Hanafites se sont prononcés sur la pureté du restant du breuvage
(sou’r) des rapaces, tels que : le vautour, l’aigle ou le corbeau…
Suivant le raisonnement analogique, on devrait se prononcer pour
leur impureté par analogie sur le sou’r des fauves et des carnivores, à
l’exemple du : lion, le loup ou les guépards. Car la sentence concernant
le sou’r, suit la sentence prononcée au sujet de la chair de ces bêtes.
C’est-à-dire : toutes les bêtes dont la chaire est illicite à la consomma-
tion, le restant de son breuvage l’est aussi. Puisque la salive de ces bêtes
se mélange avec l’eau, engendrant ainsi sa souillure, d’où l’interdiction
de se servir de leur sou’r.
Mais par appréciation, on n’a pas suivi le résultat de l’analogie, car
les rapaces boivent avec leur bec, qui est un os sec. En plus l’os du mort
est jugé pur, à fortiori celui du vivant l’est aussi. L’eau n’est pas souillée
à la rencontre du bec. Par là, on lui accorde le même statut que le sou’r
de l’être humain. Cependant, l’utilisation de leur sou’r (le restant de leur
breuvage) est jugé makroûh (répréhensible), car les rapaces consom-
ment de la charogne, il y a un risque que leur bec ne soit souillé.
Nous constatons, par cette illustration, que l’appréciation, qui est
une analogie latente dans cette question, est plus évidente que l’analo-
gie normale. (Réf : As-Sarkhasî : Al Ousoûl, Tome 2, page 203)
Dans le premier cas, Al istihsân est donné prioritaire par rapport à
l’Analogie

222
Les fondements du droit musulman

2 : Istihsân dont l’effet est évident, mais les effets négatifs cachés
Dans ce ca, la priorité est accordée à l’analogie

Remarque :
La prise en considération d’Al istihsân n’est pas tributaire de son évi-
dence, mais par rapport à ses effets.

Exemple de cette deuxième sorte d’istihsân :


- La prosternation obligatoire de la récitation coranique, durant
la prière : (sajdatou at-tilâwati al wâjibati fî as-salâh).
L’analogie stipule l’interdiction de l’accomplir par intention com-
binée, avec l’inclinaison (ar-roukoû‘). Cependant les Hanafites ont
permis son accomplissement durant l’inclinaison de la prière, en
formulant l’intention, d’accomplir la prosternation de la récitation
(sajdat at-tilâwah). Ils justifient leur position, en disant que le but de
la prosternation est de glorifier Allâh (U), et Lui exprimer notre ser-
vitude, contrairement aux mécréants qui se comportent avec arrogance
et rébellion avec Allâh (U). Ce sens est exprimé aussi par l’inclinai-
son, car il y a une conformité entre les deux expressions au niveau de
leur finalité, et la preuve est que le terme roukoû‘, a pour synonyme
dans le saint Coran, le terme soujoûd. Allâh (U) dit : (… Et Dâwoûd
pensa alors que Nous l’avions mis à l’épreuve. Il demanda pardon à son
Seigneur et tomba prosterné et se repentit… : …Wa kharra râki‘an (sâji-
dan) wa anâb. ) (Ste 38/V.24)
Là, il s’agit d’une analogie évidente dont la justesse et cachée, alors
qu’elle contient une invalidité en apparence. Car ceci implique la vali-
dité d’un acte prescrit accompli par l’intermédiaire d’un autre.
Mais l’appréciation, dans ce cas de figure, interdit cette démarche.
Car le Législateur a demandé explicitement d’accomplir une pros-
ternation, par analogie sur la prosternation de la prière, à laquelle
l’inclinaison ne peut pas se substituer, la personne doit accomplir
la prosternation de la récitation. Al istihsân, ici, selon les Hanafites,
présente un défaut caché, car le fait d’aligner la prosternation de la

223
Les fondements du droit musulman

récitation coranique, sur celle de la prière, est une analogie avec diffé-
rence (qiyâs ma‘a al fâriq). Car l’inclinaison et la prosternation, dans la
prière, ont exigé individuellement par une demande spécifique, ce qui
n’est pas le cas de la prosternation de la récitation, qui a pour finalité
la glorification d’Allâh (U) qui peut être exprimée par tout ce que le
Législateur a appelé acte de dévotion, y compris l’inclinaison. (Réf :
As-Sarkhasî : Al Ousoûl)

II : Classification par rapport aux supports et aux preuves qui le


justifient.
Il s’agit de l’appréciation qui consiste à se détourner de la règle issue
de l’analogie, pour une autre latente, et ce par considération du support
sur lequel, elle a été construite.
Cette d’appréciation se subdivise en plusieurs sortes :
Cette première subdivision est celle proposée par les Hanafites

1 : Appréciation sur base d’un Texte légal (Coran ou Sounna)


L’érudit ne prend pas en considération une sentence émanant de
l’analogie, et sa démarche appréciative est appuyée par un Texte légal :
Coran ou Sounna.

Exemple :
Le testament est légiféré par appréciation (istihsânan), alors que le rai-
sonnement analogique la rejette. Car le testament (al wasiyya) signifie,
la validité des agissements du défunt sur ses biens, alors que la mort
met fin, légalement, à ce droit, et c’est Allâh (U) qui dispose de ses
biens puisqu’Il a fixé la répartition par le biais de toutes les sentences
se rapportant aux successions. Cependant, le Texte, lui-même donne
appui à cette appréciation, qui permet au défunt de céder, après sa
mort, une part de ses biens à d’autres personnes que les héritiers légaux.
Allâh (U) : ( …Mais s’il a des frères, à la mère alors le sixième de ce
qu’il laisse, après exécutions du testament qu’il aurait fait ou paiement
d’une dette… ) (Ste 4/V.11)

224
Les fondements du droit musulman

Le Prophète (r) a dit : « Allâh vous a fait don d’un tiers de vos
biens. » (Rapporté par Ibn Mâjah)
Si nous nous appliquons à une application stricte de l’analogie, ce
testament est caduc et ne peut être pris en considération, mais l’énon-
ciation par le Législateur du testament permet à l’érudit par appré-
ciation de valider le testament en s’appuyant sur les Textes de la Loi
(Coran et Sounna).

2 : Appréciation basée sur un Consensus


Les érudits se mettent d’accord sur une sentence légale qui, par prin-
cipe s’oppose, à une sentence légale issue de l’analogie.

Exemples :
- La fixation du prix du bain public par appréciation sans tenir compte
ni de la durée, ni de la quantité d’eau utilisée.
L’analogie rendrait cette disposition illégale due à l’ignorance et
au risque éventuel subi par le propriétaire. Mais cette sentence a été
délaissée par appréciation unanime, car les gens ont pris l’habitude
d’agir de la sorte, cela offre plus de facilité.
- La validité du contrat d’al istisnâ‘ : il s’agit d’un contrat ayant pour
sujet la fabrication d’un produit dont les éléments et les caractéris-
tiques, le prix ont été définis, sans avoir défini dans le temps la date
de la livraison. Selon l’analogie ce contrat est invalide, car l’objet du
contrat (le vêtement ou le produit) est inexistant au moment de la
conclusion du contrat.
Cette transaction est validée par istihsân, car l’unanimité est établie
à son sujet depuis toujours sans qu’il y ait eu contestation ou mise en
cause.

3 : Appréciation dont le support est la nécessité (ad-daroûra)


C’est-à-dire, que l’érudit prend en considération le cas de besoin pour
repousser un dommage.

225
Les fondements du droit musulman

Exemple :
La permission recourir à la levée d’une impureté des puits ou des bas-
sins par vidange.
L’analogie exige que l’on vide totalement ces lieux suite au contact
avec la souillure, car on en peut obtenir une purification de ces lieux
par le vidange ou en déversant de l’eau pure. La vidange d’une partie
de cette eau ne lève pas la souillure qui a affecté le restant, mais vu le
besoin de l’eau et sa rareté dans certaines régions, les érudits ont, par
appréciation et par nécessité, la purification de ces lieux par ce moyen,
car la nécessité a un impact juridique direct dans la suspension ou la
levée de la sentence légale.

4 : Appréciation dont le support est l’usage (al ‘ourf)

Exemple :
Ce genre d’appréciation intervient dans tout ce qui est communément
établi par usage dans les habitudes des gens, qui pare principe s’oppose
à une analogie ou à une règle de base.

Exemples :
- Le fait de mettre en waqf ou houbous le mobilier malgré l’inexistence
d’un texte en la matière, mais les gens ont coutume de le faire.
- Celui qui jure de ne pas consommer de la chair (lahm : viande), puis
consomme du poisson. Le saint Coran a appelé le poisson : de la
chair (viande).
Allâh (U) dit au sujet de la mer : ( …Cependant de chacune vous
mangez une chair fraîche… ) (Ste 35/V.12)
Par appréciation, et selon l’usage, cette personne n’est pas assujettie
à l’expiation, car les gens dans leurs usages n’appellent pas le poisson :
lahm (viande).

226
Les fondements du droit musulman

5 : Appréciation dont le support est l’intérêt (al maslaha)


Ce genre d’istihsân a lieu quand on est confronté à des questions
où la règle établie implique l’application d’une sentence confirmée, et
pour des raisons d’utilité et d’intérêt on s’aligne sur une règle d’excep-
tion (istithnâ’)

Exemple :
- La sentence prononcée engageant la responsabilité du couturier,
du teinturier ou d’autres corps de métier. La personne est garante
(dâmin) du bien qui lui a été livré pour confection ou fabrication,
en cas de perte, de destruction d’altération ou de dommage. Cette
sentence est prononcée en opposition à la règle issue de l’analogie
qui lève toute responsabilité qu’en cas de négligence ou non-respect
des règles.
Par appréciation, les érudits ont institué l’obligation de la garantie
qui incombe à ces hommes de métier, et ils ne sont dégagés de toute
responsabilité qu’en cas d’incidents généralisés ou de forces majeures :
incendies graves ou intempéries généralisés.
Les érudits se sont détournés de la sentence issue de l’analogie pour
protéger les biens des gens, et à cause de la multiplication de délits et
la propagation de ce phénomène en société.

6 : Appréciation dont le support est la facilité (at-taysîr)


Pour illustrer ce type d’Istihsân, nous citons la permission accordée par
les savants Malikites à échanger un dirham contre un autre, alors qu’ils
n’ont pas le même poids, pour lever les difficultés que cela risque d’en-
gendrer lors des échanges commerciaux et les différentes transactions.
Car la levée de la gêne est demandée légalement.
***
Les Malikites subdivisent al Istihsân, selon Ibn Al ‘Arabî, une
appréciation pour la prise en considération de l’usage ; Istihsân dont le
support est l’intérêt (al maslahah) ; Appréciation dont le support est le

227
Les fondements du droit musulman

Consensus et un Istihsân dont le support est la facilité dont le but de


lever une difficulté.
Mais certains spécialistes affirment que les Malikites n’adoptent
qu’un seul type d’Istihsân : Appréciation dont le support est l’intérêt
(al maslaha), car c’est la disposition prise en considération par l’imâm
Ach-Châtibî.

Exemples de sentences légales


pronocées par appréciation
1 : Parmi les exemples de l’istihsân, il y a ce qu’on appelle «la question
commune» dans l’héritage, c’est à dire quand une femme meurt et
laisse un mari, une mère et des frères par la mère, et des frères ger-
mains : l’analogie ici impose une moitié au mari, un sixième pour
la mère, un tiers pour les frères par la mère, tandis que les frères
germains n’auront rien.
Ce genre d’affaire a été exposé à ‘Oumar (Qu’Allâh soit satisfait de
lui), qui n’a rien donné de l’héritage aux frères germains. Ces derniers
contestèrent cette décision et lui dirent : « Ô Prince des Croyants !
Suppose que notre père ait été un himâr (un âne), ne nous sommes
nous pas de la même mère ?» Aussitôt, ‘Oumar (Qu’Allâh soit satisfait
de lui) changea le premier partage et partagea [l’héritage] entre eux à
égalité. On surnomma cette question juridique «al himâriyya» ou la
question commune.
Selon Aboû Zahra, le calife ‘Oumar (t) fut le premier à recourir à
Al istihsân. (Réf : Aboû Zahra : la vie de l’imâm Mâlik, page : 378)
2 : Parmi les exemples de l’Istihsân, il y a la permission de voir les
parties intimes pour raison médicale, ce qui est l’exception à la règle
générale qui interdit cela et ce, en raison de la nécessite d’éviter un
préjudice.
3 : La règle est que l’analogie exige l’honorabilité pour accepter un
témoin, mais l’imâm Mâlik ne l’exige pas dans le cas où cette qua-
lité serait rare chez une population.

228
Les fondements du droit musulman

4 : Par appréciation, l’imâm Mâlik a aussi autorisé le risque léger


(gharar yasîr), quand il s’agit des délais, parce que les gens se sont
habitués à cela.
5 : Les juristes ont divergé au sujet de l’homme qui a dit : « Mon bien
est pour la cause d’Allâh : mâlî fî sabîlil-llâh », sans précision, que
doit-il faire ?
Doit-il faire don de tous ses biens ou d’une part de ses biens ?
- L’imâm Aboû Hanîfa et ses deux Compagnons ont dit : il ne doit
donner que les biens qui sont, d’habitude assujettis à la zakât, tels
que les métaux précieux (l’or et l’argent), le bétail et les capitaux
issus du commerce.
- L’imâm Mâlik et l’imâm Ahmad l’assignent à faire don du tiers de
tous ses biens.
- L’imâm Ach-Châfi‘î et Zafar, le compagnon d’Aboû Hanîfa, se sont
prononcés pour le don de tous ses biens.
Dans cette affaire, l’imâm Aboû Hanîfa et son école se sont pro-
noncés sur la base d’Al Istihsân, qui renvois vers les biens assujettis à la
zakât uniquement, car le serviteur ne peut pas dépasser ce Qu’Allâh
(U) lui a imposé. Il leur a imposé de s’acquitter d’un dû sur leurs zakât
et non pas plus.
6 : Celui qui a fait don de tous ses biens, et n’a pas formulé l’intention
d’y inclure dans ce don l’acquittement de la zakât annuelle, dont le
terme est arrivé.
Nous savons que tous les savants sont unanimes que l’intention est
une condition de validité de l’acquittement de la zakât qui doit être
formulée, soit au moment où il sort la part de la zakât du reste de ses
biens ou au moment de son versement aux bénéficiaires.
Est-ce que l’absence de l’intention implique la dispense ou l’on
considère qu’il n’y a pas eu acquittement et la personne reste toujours
redevable de sa valeur ?
- Les Hanafites le dispense de la zakât par Istihsân, contrairement à
l’analogie, parce que la zakât obligatoire a été versée avec l’ensemble

229
Les fondements du droit musulman

des biens offerts pour Allâh (U) : aux nécessiteux. Par le versement
de la totalité des biens, la personne s’est acquittée de la part obli-
gatoire qui ne représente qu’une petite partie de l’ensemble donné.
Il n’y a pas donc besoin de mentionner (la part de la zakât) avec
précision pour le singulariser.
- Ach-Châfi‘î et Ahmad ne le dispense de la zakât, car il n’a pas
spécifié la part obligatoire. L’imâm An- Nawawî a dit : « Il n’a pas
formulé l’intention de l’acquittement de l’obligatoire, à l’exemple
de celui qui accomplie cent raka‘ates surérogatoires, sans formu-
ler l’intention de l’acquittement de la prière prescrite, il en reste
redevable. »
7 : L’imâm Mâlik, par appréciation, accorde le droit à la chouf‘a (droit
de reprise) à pour la personne qui a été chargée de gérer une terre
(al ‘âriya) sans pour autant qu’elle soit sous sa propriété.
8 : L’imâm Ach-Châfi‘î a fixé, par istihsân, la valeur de la mout‘a accor-
dée à la femme à la suite du divorce, à 30 dirhams, et que pour la
chouf‘a, la période d’intercession soit de 3 jours.
9 : Les Imâms ont divergé au sujet du brigandage quand il a eu lieu
à l’intérieur de la cité ou dans ses environs, doit-on l’assimiler au
banditisme ?
- L’imâm Mâlik, l’imâm Ach-Châfi‘î et la grande majorité des
Compagnons de l’imâm Ahmad, que le banditisme à l’intérieur
des cités ou dans le désert ou sur les chemins sont tous assimilés
au même délit et sa sanction est la même appliquée pour al hirâba
(le brigandage)). (Voir Ibn Rouchd : Bidâya, tome 2, page 445 ; Ach-Châfi‘î :
Al Oumm, tome 6, page 140 ; Ibn Qoudâma : Al Moughnî, tome 4, page 319)
- Quant à l’imâm Aboû Hanîfa et l’imâm Ahmad, par Istihsân, ils
ont fait la distinction entre le brigandage des grands chemins et celui
commis dans les cités. Car disent-ils, en ville il y a la possibilité de faire
appel à l’aide des autorités et le risque est moindre et les conséquences
sont moins graves. Pour cela on les assimile à des voleurs et non pas à
des brigands.
10 : Exemples de l’usage de l’Istihsân chez l’imâm Ahmad :

230
Les fondements du droit musulman

- Par Istihsân, l’Imâm, demande de refaire le tayammoum avec du


sable pour chaque prière, alors que par analogie sur les ablutions, la
personne n’est pas obligée de le refaire, tant qu’il n’y a pas d’incident
(hadath), qui lui fait perdre son état de purification légale.
- Par appréciation, concernant al ghâsib (l’usurpateur) d’une terre
agricole, L’imâm Ahmad accorde les biens de la terre au vrai pro-
priétaire et l’usurpateur ne récupère que ses dépenses.
11 : Concernant le contrat de vente accompagné de la condition du
payement après un délai bien déterminé. C’est-à-dire : le vendeur,
dit : « Je t’ai vendu tel produit à condition que tu me payes dans un
délai de trois jours.
- L’imâm Ach-Châfi‘î, dans l’un de ses deux avis le plus plausible,
et Zafar l’un des compagnons d’Aboû Hanîfa, ont jugé le contrat
invalide, car il ne s’agit pas d’une vente avec option (bay‘ al khiyâr),
il s’agit là d’une condition nulle, car cela n’est pas conforme au
contrat de vente type.
- L’imâm Aboû Hanîfa, l’imâm Ahmad : le contrat est valide et la
condition est correcte, par Appréciation. Ils se sont accordés sur le
délai de trois jours. Mais Aboû Hanîfa et Aboû Yoûsouf n’ont pas
permis de les dépasser, et Ahmad et Ach-Chaybânî, l’autre compa-
gnon d’Aboû Hanîfa, ont validé un délai qui dépasse les trois jours.

Conclusion
Al Istihsân n’est pas une source de la règle de Droit indépendante, car
ses sentences se fondent en principe sur une analogie (qiyâs) implicite
(khafiy) à laquelle on donne la priorité sur une analogie explicite (jaliy)
ou évidente. En vérité, il s’agit de l’application de la règle d’al istithnâ’
(l’exception) de la règle commune ou universelle à cause d’un intérêt
commun recherché.

231
Les fondements du droit musulman

LE PRINCIPE DE L’INTERÊT
RELÂCHE
Al Istislâh
Ou Al Maslaha Al Moursalah

Dénomination
- Ibn Al Hâjib a désigné cette source par le terme : al mounâsib al
moursal. C’est-à-dire : l’élaboration de la règle sur la base du quali-
ficatif qui lui convient, à savoir, dans ce sujet : la notion de l’intérêt.
- Aboû Hâmid Al Ghazâlî : al istislâh.
- Al Jouwaynî (imâm Al Haramayn) : al istidlâl.
- Az-Zarkachî : al istidlâl al moursal
- Ibn Rouchd l’a nommé pour sa part : al-qiyâs al-moursal.
- Certains savants l’ont nommé : Qiyâs al-maslaha.

Historique
On considère historiquement que les Malikites sont les inventeurs du
principe d’al maslaha al moursalah et de ce terme, quand le besoin s’est
fait sentir dans l’argumentation légale par d’autres procédés, et quand
l’ijtihâd ne pouvait pas se justifier par l’analogie en l’absence totale de
textes légaux.
Ensuite vint l’Imâm Aboû Hâmid Al Ghazâlî, au 5ème siècle de l’Hé-
gire, et il a inventé, dans son ouvrage, Al Moustasfâ, d’autres termes
conventionnelles, à l’exemple du terme : al istislâh, pour désigner al
masâlih al moursalah. Cheykh Az-Zarqâ’ a dit, à son sujet, qu’il s’agit là

232
Les fondements du droit musulman

d’un terme bien choisi pour désigner cette source. (Voir. M.Az-Zarqâ’ : Al
Istislâh wal masâlih al moursalah. Page 59)
Les Hanafites n’ont pas effectué des recherches objectives au sujet
des masâlih al moursalah, avec une méthodologie précise et évidente,
qui permet au chercheur de bien délimiter leur position. Ils ont fondé
leur fatâwâs essentiellement sur l’appréciation de l’érudit (al istihsân).
(Réf : M.Az-Zarqâ’ : Al Istislâh wal masâlih al moursalah, page 59)
Les Hanafites ont jugé al maslaha al mourslah, comme une part de
l’Istihsân. C’est ce qu’ils ont nommé, dans leur division de l’Istihsân :
Istihsân ad-daroûra (appréciation pour cause de nécessité).
Quant aux Malikites, ils ont défini la théorie de la maslaha al mour-
salah et lui ont accordé une dimension plus générale qu’al istihsân. Car
al istihsân, selon eux, n’est qu’une exception de l’analogie, quand l’in-
térêt exige de s’en éloigner (l’analogie) pour éviter le problème qu’elle
cause (l’analogie), dans certaines situations.
Ainsi, nous constatons que les Malikites ont considéré al masâlih
al moursalah comme une source indépendante. L’imâm Mâlik était le
leader des érudits et juristes qui recouraient en fréquence au principe
de l’Intérêt relâché.

Définitions
Définition Littérale
Ce terme est synonyme au terme : manfa‘a.
Il sous entend tout ce qui peut être source de bien et d’utilité (naf‘).
On dit que l’on juge quelque chose utile ou bénéfique : istaslaha telle
chose : c’est-à-dire : la juger bonne et utile.
Ainsi tout ce qui peut être utile ou qui contient une utilité ou
peut être source d’utilité, s’appelle : maslaha. (Réf : Dr Mouhammad Sa‘îd
Ramadân Al Boûtî, Dawâbit al maslaha, p 23)

233
Les fondements du droit musulman

Pour Ibn Manzoûr, toute chose qui contient un bienfait soit par
l’acquisition et la mise en pratique d’une action ou en repoussant et
en préservant d’un dommage et d’une nuisance, mérite d’être appelé :
maslaha. (Voir : Ibn Manzoûr : Lisân al ‘Arab, article : salaha).
Il apparaît, de point de vue langue, qu’al maslaha et al istislâh sont
synonymes, puisqu’ils indiquent, tous deux, tout ce qui peut être utile
et favorable, ainsi il y a opposition entre leur signification et la signifi-
cation du terme : mafsada et madarra : nuisance et le dommage.

Définitions Conventionnelles
«C’est un principe général, qui consiste à réaliser l’intérêt et à repousser
la nuisance (ou le dommage).» (Réf : Aboû Hâmid Al Ghazâlî : al Moustasfâ)
« C’est la prise en considération de l’intérêt (al maslaha) des gens
et la réalisation de la justice. » (Réf : Ibn Rouchd : Bidâyat, tome 1, page 284)
Pour Mouhammad Sa‘îd Ramadân Al Boûtî, al maslaha (l’intérêt)
que le Législateur Sage vise, c’est celui qui a pour but de sauvegarder
la religion des gens, leur vie, leur raison, leurs descendances et leurs
biens, et repousse tout ce qui peut les mettre en cause.» (Voir : Dawâbit
al maslaha)
Nous constatons que le Dr El Boûtî s’intéresse, à travers cette deu-
xième définition qu’il nous propose, à un type d’intérêts : les cinq uni-
versaux (al koulliyyât al khams).
Le cheykh Abd Al Wahhâb Khallâf, dit qu’il s’agit, là de l’un des
moyens de législation les plus fertiles là où il n’existe pas de texte. (Réf :
Ousoûl al fiqh. Texte arabe; page 386)
Donc, al istislâh ou al maslaha al moursalah, c’est le fait d’utiliser
comme argument (dalîl), les «intérêts courants ou relâchés», qui ne
sont ni interdits ou refusé, ni autorisés par aucun Texte légal.
Il s’agit d’un intérêt qui veille à préserver les finalités de la Loi, confor-
mément à la définition de l’intérêt légal (al maslaha ach-Char‘iyya).
Ainsi, il apparaît de cet échantillon des définitions des Ousoûliyyoûn,
que l’on ne peut considérer maslaha, tout intérêt supposé, mais qui ne

234
Les fondements du droit musulman

cadre pas avec la règle de l’intérêt tel qu’il est défini par la Loi ; tout ce
qui ne va pas dans le sens des objectifs définis par la Loi ; tout intérêt
tiraillé entre des Textes qui prouvent sa non prise en considération
ou sa prise en considération par Le Législateur ; tout intérêt à lequel
s’oppose un Texte légal ou une analogie correcte. Dans tous ces cas, il
ne s’agit plus d’un intérêt relâché selon les définitions précitées.

La prise en considération
de l'Intérêt relâché
Houjjiyyat Al Istislâh
Nous avons recensé trois tendances :
Cependant, il y a unanimité qu’on ne peut recourir à al Istislâh pour
fixer les pratiques du Culte, les peines légales, les actes d’expiation, les
prescriptions légales et tout ce qui a été déterminé par La Loi.

les supporters d’al istislâh


La majorité des savants considère l’intérêt comme une preuve légale
sur laquelle se base la législation, la Fatwa ou le juge. Celui qui par-
coure les livres du Droit musulman, trouvera des centaines d’exemples
de sentences qui se sont basées sur la réalisation d’intérêt ou l’empê-
chement d’un préjudice.
Prennent en considération l‘intérêt relâché, pour la déduction de
règles légales, les imâm Mâlik, Ach-Châfi‘î (selon une version), Ahmad
et un bon nombre de savants hanafites. De nombreux savants, comme
imâm al Haramayn Al Jouwaynî dans son Bourhân ou le mou‘tazilite
Aboû Al-Housayn al-Basrî dans Al-Mou‘tamad fî ousoûl al-fiqh.
- L’avis des Malikites
Le principe de la maslaha al moursalah occupe une place de grande
importance dans la méthodologie juridique de l’imâm Mâlik (Qu’Allâh
lui accorde miséricorde). Il l’a considéré une source indépendante de

235
Les fondements du droit musulman

la règle de Droit. Les juristes sont unanimes à considérer le fiqh de


l’imâm Mâlik est le fiqh de la maslaha. (Réf : Dr Housayn Hâmid Hassân :
Nazariyyat al maslahah, p 50)
Les avis de l’imâm ne sont pas motivés par la passion ou l’appré-
ciation non fondée. Selon lui, le recours à l’intérêt est une exigence des
Textes de la Loi.
Expliquant la méthode du maître de son école, Ach-Châtibî a dit :
« L’Imâm a usé d’al istirsâl avec performance et avec la maîtrise de celui
qui connaît d’une manière approfondie les sens de l’intérêt, tout en
prenant en considération le Vouloir du Législateur, sans l’outrepasser,
ni s’y opposer. Certains ont critiqué Mâlik et son recours abusif (ont-
ils dit) à al istirsâl, ils ont prétendu qu’il s’est défait de la méthodologie
des prédécesseurs et leur attachement aux Sources. Il a ouvert sans res-
triction la porte toute grande devant l’acte de légifiération sans limite !
En vérité, ceci est infondé. L’Imâm (Qu’Allâh lui fasse miséricorde)
est loin de tout cela. N’était-ce pas lui qui s’est choisi comme métho-
dologie l’attachement aux avis des prédécesseurs, à tel point que le
non initié croirait que son fiqh n’est que l’expression d’un conformisme
absolu ! » (Réf : Ach-Châtibî : Al I‘tisâm, tome 2, pp : 133-132)
Ailleurs Ach-Châtibî dit : « L’imâm Mâlik a délimité l’élabora-
tion des règles sur la base du relâchement de la maslaha (al istirsâl),
en exigeant que ce dernier (al maslaha al moursalah) doit prendre en
considération les finalités visées par la Loi, de ne pas les dépasser, ni
s’y opposer et ni s’opposer à ses Sources (Coran et Sounna). » (Réf : Al
I’tisâm, tome 2, page 312-311)
- Les Hanbalites
Ils sont considérés les deuxièmes supporters, après les Malikites, des
masâlih al moursalah, sans pour autant la considérer comme une source
indépendante, à l’instar du Coran et de la Sounna. L’imâm Ahmad
la juge comme l’une des formes de l’analogie, qui est essentielle dans
l’argumentation légale. (Voir : Dr M. S. Ramadan Al Boûtî : Dawâbit al mas-
laha, page 320)

236
Les fondements du droit musulman

Une analyse approfondie du fiqh de l’imâm Ahmad (Qu’Allâh lui


accorde miséricorde), démontre que l’imâm Ahmad s’est aligné sur
l’avis des Compagnons et leur méthode en recourant à la maslaha.
Ainsi, les Compagnons du Prophète-Paix sur lui- (Qu’Allâh soit
satisfait d’eux), qui étaient les mieux informés dans la connaissance
de La Loi, utilisaient fréquemment l’intérêt, ce fut le cas d’Aboû Bakr
(Qu’Allâh soit satisfait de lui), quand il a pris la décision d’assembler
le saint Coran et quand il a désigné ‘Oumar (Qu’Allâh soit satisfait de
lui) pour sa succession, alors que le Prophète (r) ne l’a pas fait.
C’est l’intérêt aussi, qui a poussé ‘Oumar (Qu’Allâh soit satisfait de
lui) à mettre en place l’impôt du kharâj, l’administration fiscale, les pri-
sons, etc. C’est ce principe, qui a poussé le calife ‘Outhmân (Qu’Allâh
soit satisfait de lui) a unir les Musulmans autour d’une seule copie du
Coran. Le rajout du deuxième appel à la prière.
Et c’est l’intérêt qui a poussé ‘Alî (Qu’Allâh soit satisfait de lui) a
ordonné à Aboû Al Aswad Ad-Dou’alî d’élaborer les principes de la
grammaire, de garantir les moyens de production des artisans s’ils ne
prouvent pas que le sinistre qui les a touchés était de leur fait et il a dit :
« Les gens ne s’améliorent qu’avec ça.» (Voir : Tanqîh Al fousoûl, pp.198-
199 et Masâdir At-tachrî‘, pp.85-88)
On peut dire que l’ijtihâd hanbalite s’est appuyé sur la maslaha,
mais à la différence des Malikites, les Hanbalites ne l’ont pas considéré
comme une source indépendante de la règle de Droit. Ils jugent ce
principe comme une forme de l’ijtihâd analogique.
Ibn Al Qayyim dans son analyse des sources de l’ijtihâd de l’imâm
Ahmad, n’a pas cité la maslaha. Cependant, l’école en a fait l’un des
bases de son argumentation juridique, et en fait usage régulièrement.
(Voir : Aboû Zahra : la vie de l’imâm Ahmad, page 303)
Nous trouvons illustration de cette forme d’ijtihâd maslahî, dans la
méthodologie juridique de l’imâm Ahmad et de son école, parsemé
dans les œuvres d’Ibn Al Qayyim : A‘lâm al mouwaqqi‘în, Miftâh
As-Sa‘âda, Zâd al Ma‘âd…

237
Les fondements du droit musulman

Ibn Al Qayyim a dit : « Parmi les Musulmans, il y en a ceux qui


ont délaissés la prise en considération des intérêts relâchés. Par cette
attitude, ils ont rendu la Loi incapable de répondre aux attentes des
gens et de leur garantir tout ce qui leur est utile. Par cette attitude, ils
ont fait comme si la Loi avait besoin d’un complément, incapable de
se suffire à elle-même. En vérité, ils ont fermé devant eux des voies
correctes et justes, parmi les voies de la Vérité et de la justice.» (Réf :
A‘lâm al mouwaqqi‘în)
En expliquant l’esprit de la Loi, Ibn Al Qayyim a dit aussi : « Les
principes et les fondements de la Charî‘a concernant les prescriptions
et les intérêts humains d’ici-bas et dans l’Au-delà sont tous [fondés]
sur la justice, la miséricorde, le bien de l’homme et la sagesse. Toute
situation où la justice fait place à la tyrannie, la miséricorde à la dif-
ficulté, le bien à la corruption, la sagesse à l’absurdité, n’a rien à voir
avec la Charî‘a, même si elle résulte d’une interprétation allégorique
(ta’wîl). Car la Charî‘a, c’est la justice d’Allâh parmi Ses serviteurs, la
Miséricorde d’Allâh parmi Ses créatures, Son Ombre sur Sa terre, et
Sa Sagesse qui est, tout à la fois, la preuve de Sa propre Existence et le
meilleur témoignage de l’authenticité de Son Prophète (r).»
On peut dire que les deux imâms Mâlik et Ahmad, ont adopté le
principe de l’Intérêt relâché. Ibn Daqîq Al ‘Îd a dit : « Il n’y a aucun
doute que Mâlik a, plus que tout autre érudit, a accordé plus d’intérêt
à cette source et c’est aussi l’avis de Ahmad. » (Réf : Ach-Chawkânî : Irchâd
al fouhoûl, page 403)

A : Les arguments légaux


Le Coran, la Sounna et le Consensus prouvent que la Loi a été insti-
tuée dans le but de préserver les intérêts des gens.
- Dans le Coran, nous constatons Qu’Allâh (U) a institué Sa Loi et
Ses sentences pour la réalisation et la préservation des intérêts de
Ses serviteurs. Ainsi, les peines légales et les prescriptions et les
Interdictions ont été légiférés pour repousser toute forme de dom-
mage et de nuisance et réaliser le bien être des Hommes. Allâh (U)
dit : (Si quelqu’un se trouve contraint par la faim, sans inclination,

238
Les fondements du droit musulman

vers le péché, alors Allâh est Pardonneur et Miséricordieux.)


(Ste 5/V.3)
De même, la Parole d’Allâh (U) : ( Et Nous ne t’avons envoyé qu’en
miséricorde pour l’Univers.) (Ste 21/V.107)
Allâh (U) dit aussi : (…Et Il ne vous a point imposé de gêne dans la
Religion. ) (Ste 22/V.78)
Allâh (U) dit ailleurs : ( Et accomplis la prière, certes, la prière pré-
serve de la turpitude et du blâmable.) (Ste 29/V.45)
Allâh (U) dit : ( Allâh veut pour vous la facilité, Il ne veut pas pour
vous la difficulté.) (Ste 2/V.185)
En général, on constate que les Textes du saint Coran, prennent en
considération la règle de la maslaha de deux manières :
1- Ils ne détaillent pas les règles légales. L’option générale de la Loi,
est qu’elle se présente sous la forme de Loi globale, cherchant à
prendre en considération l’évolution de la vie humaine, et par-là,
les sentences sont plutôt exposées sous la forme de règles de bases
ou de principes généraux, à l’exemple de la règle de la consultation,
la justice, l’égalité. Les peines légales sont limitées à cinq délits,
pour laisser l’appréciation, dans le cadre de la Loi et ses objectifs
à l’élaboration des peines correctionnelles (at-ta‘zîrât). Sur le plan
économique, les Textes ont institué la Zakât et ont insisté sur le
partage et le rôle de l’Etat dans l’élaboration de la justice sociale et
économique.
2- Les Textes coraniques ont motivé toujours les sentences par l’énoncé
de l’intérêt qu’ils visent à réaliser soit d’une manière explicite ou
par allusion. Par exemple, Allâh (U) dit : (Satan ne veut que jeter
parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l’inimitié et la haine,
et vous détourner de l’évocation d’Allâh et de la prière…) (Ste 5/V91)
- Quant à la Sounna, de nombreux hadîth du Prophète (r), prouvent
qu’il a toujours veillé à mettre en pratique et à choisir tout ce qui
est bénéfique à sa communauté. Il a démontré (r), par ses dires,
ses actes et ses approbations que la Religion est une religion de

239
Les fondements du droit musulman

bien et d’aisance. Ainsi l’Envoyé d’Allâh (r) a délaissé des actes


dans des moments où ils peuvent causer des dommages au groupe.
Exemples : sa rupture du jeûne du Ramadan, l’année de la prise de
Mecca, quand il a été informé de l’épuisement de ses Compagnons.
Son approbation du recours de ‘Amr Ibn Al ‘Âs (Qu’Allâh soit
satisfait de lui) au tayammoum pour lever l’état de souillure majeure
en voyage, parce qu’il craignait la maladie s’il se lavait dans le froid.
Al Boukhârî a rapporté avec sa chaîne, que ‘Amr Ibn Al ‘Âs
(Qu’Allâh soit satisfait de lui), a été chargé par le Prophète (r), pour
diriger une expédition, durant la nuit, il s’est trouvé en état de janâba.
C’était une nuit de grand froid, craignant de tomber malade, il recou-
rut au tayammoum et récita la Parole d’Allâh (U) : ( Ne commettez pas
le suicide, Allâh est plein de compassion pour vous.. ) (Ste 5/V.29). Quand
on rapporta le fait au Prophète (r), il ne le critiqua et approuva son
action.»
Parmi ses dires (r) : « Si je ne craignais pas de trop charger (de
difficultés) ma communauté, je leur ordonnerais de se brosser les
dents avec le siwâk à chaque prière. » (Rapporté par Mâlik)
Les décisions des Compagnons (Qu’Allâh soit satisfait d’eux)
- Les Califes bien guidés se sont prononcés au sujet du nantissement
des artisans (tadmîn as-sounnâ‘). ‘Alî (Qu’Allâh soit satisfait de lui)
a dit à ce sujet : « C’est le seul moyen pour corriger les gens. » (Réf :
Ach-Châtibî : Al I‘tisâm, tome 2, page 292. Rapporté avec sa chaîne par l’imâm
Ach-Châfi‘î).
- ‘Oumar (Qu’Allâh soit satisfait de lui) a décrété que le groupe de
personnes qui ont participé activement à l’assassinat d’une seule
personne seront toutes condamnées pour homicide volontaire. Le
calife ‘Oumar ne s’est pas appuyé dans cette décision, ni sur un
texte, ni sur une analogie. Son seul appui est le principe de l’intérêt
relâché. Le but est de préserver la vie des gens innocents, et pour
que l’on ne porte pas atteinte avec légèreté à la vie des autres.

240
Les fondements du droit musulman

Arguments rationnels
Cette tendance appuie sa thèse par le fait que toutes les règles légales
ont été légiférées dans le but de préserver ou de réaliser l’intérêt des
gens. Lorsqu’on est en présence d’un Texte légal, un Consensus ou une
Analogie, la règle de l’intérêt est omniprésente, et dans ce cadre légal,
la priorité est accordée à la règle légale issue de ces Sources. Mais lors-
qu’on se trouve devant des situations où il y a absence de règles issues
des Sources, et que l’on a une certitude rationnelle qu’il y a intérêt de
se prononcer d’une certaine manière, cette certitude est requise et sert
de base pour justifier la sentence. En l’absence de Textes légaux, la prise
en considération de la source probante (al maslaha al moursalah) est
requise par Allâh (U), car là où il y a un intérêt, il y a la Loi d’Allâh
(U). (Réf : Abd Al Wahhâb Khallâf, Masâdir At-Tachrî‘..., page 90)
Les supporters de l’intérêt relâché, insistent sur le fait, que bien
qu’on ne recourt à ce principe, qu’en l’absence d’un Texte, ce genre d’in-
térêt n’est considéré que par rapport à la catégorie générale ou genre (al
jins) : al masâlih, à laquelle il appartient, ce qui veut dire, que quelque
part, il a également un fondement dans les Textes légaux.

Autres arguments
- Les changements survenus dans la vie des gens et les différences
entre les époques, les lieux et les circonstances nécessitent diffé-
rentes appréciations. Les érudits sont obligés de prendre en consi-
dération ces changements en recourant au principe de l’intérêt
indéterminé pour résoudre les problèmes des gens, qui risque, en
l’absence d’une telle démarche, de devenir difficile et insuppor-
table, alors que la Loi est sensée être capable de résoudre tous les
problèmes en toute époque et en tout lieu !
- L’intérêt indéterminé ou relâché, fait partie des finalités de la Loi
(maqâsid Ach-Charî‘a), qui a pour principe la continuité de l’ijtihâd
et la réalisation des intérêts des gens.

241
Les fondements du droit musulman

Les opposants a al istislâh


On cite la ferme opposition manifestée par l’école zahirite et en parti-
culier Ibn Hazm, qui suggère, qu’il n’y avait pas lieu de parler d’istislâh,
car la Loi d’Allâh, elle-même et toutes ses prescriptions, sont fondées
sur al-masâlih, qui représentent à la fois le contenu et l’objectif des lois
révélées.
L’imâm Ach-Châfi‘î n’accepte al maslaha al moursalah, que s’il trouve
une ressemblance entre cet intérêt inopiné et un intérêt confirmé par
les Textes légaux ou avec un intérêt sujet d’unanimité.
C’est-à-dire, il n’adhère pas au principe de la maslaha al moursalah
adopté par l’imâm Mâlik. Pour l’imâm Ach-Châfi‘î, la Charî‘a a pris
en charge tous les intérêts des Hommes, soit à travers les Textes légaux
et ses sentences ou en y faisant allusion par le biais de l’analogie légale.
Cette position de l’imâm Ach-Châfi‘î semble ambiguë, et c’est ce
qui explique le désaccord et l’instabilité des avis de son école à ce sujet.
La principale raison de désaccord avec les supporters de la maslaha
al moursalah, était la crainte, parmi les opposants à l’existence même
d’al-maslaha al-moursalah, qu’une telle notion, le champ étant désor-
mais très ouvert, puisse ensuite permettre aux Erudits de formuler des
prescriptions sans se référer au Coran et à la Sounna, sur la base d’une
élaboration exclusivement rationnelle et totalement libre, et tout cela
au nom d’une « difficulté lointaine ».
L’analyse de la position de l’imâm nous montre qu’en vérité, son
rejet n’est pas dirigé vers la prise en considération de la maslaha al
moursalah en soi, mais la crainte d’une déviation passionnée qui cher-
chera à se justifier par la maslaha.
Az-Zinjânî a dit : « L’imâm Ach-Châfi‘î (Qu’Allâh lui accorde
miséricorde) a jugé permis le fait de s’attacher aux intérêts qui s’ap-
puient sur un houkm universel (koullî), même s’il n’est pas confirmé par
une sentence particulière (jouz’î).» (Réf :Takhrîj al Ousoûl ‘alâ al fouroû‘)
L’imâm Ibn Hajar a dit dans son commentaire sur le hadîth du
Prophète (r) : «Toute innovation qui ne fait pas partie de notre

242
Les fondements du droit musulman

Règle-ci, doit être rejetée.»,  l’imâm Ach-Châfi‘î a dit : « Celui qui


innove en s’opposant au Livre, à la Sounna, au Consensus ou à une
transmission, c’est ça la bid‘a égarante, tandis que celui qui innove dans
le bien et ne se met en porte à faux avec (ces Sources), c’est ça la bonne
bid‘a louable. » (Réf : Al Fath al moubîn bi-charh al arba‘în, page 94)
Il paraît clairement de ce discours de l’imâm Ach-Châfi‘î que cette
bid‘a louable n’a pas d’assise ni dans le Coran, ni dans la Sounna et ni
dans l’analogie, si ce n’est qu’elle est un bien. Le bien dans son sens le
plus large, et ceci est conforme sûrement aux objectifs de la Loi et à
ses sentences. Nous pensons que l’intérêt relâché cadre bien avec cela
et n’en sort pas.
Une lecture approfondie des sources chafi‘îtes démontre l’absence
d’un consensus au sein de l’école pour le rejet de la maslaha al moursalah.
L’école zahirite ainsi que certains savants chafi‘îtes ne reconnais-
saient pas al-maslaha al-moursalah – ne se référant pas aux sources
– comme preuve juridique : ils y voyaient une preuve trompeuse falla-
cieuse (wahmiyya) et non valide pour la législation.
Ces craintes étaient en fait fondées, puisque au cours de l’Histoire
certains savants, au nom d’al-maslaha, ont formulé des jugements et,
parfois, ont totalement modifié et dérangé le mode et les exigences de
l’utilisation des instruments juridiques à l’intérieur du cadre islamique.
Ce fut par exemple le cas, du célèbre juriste Najm Ad-Dîn At-Toûfî,
qui en vint à donner à al-maslaha la priorité sur les textes du Coran et
de la Sounna qui, selon lui, ne devaient être appliqués que, comme le
dit Al-Mahmasânî, « …dans la mesure où l’intérêt public ne nécessi-
tait pas autre chose.»
Les Hanafites ont opté pour la même position que celle de l’imâm
Ach-Châfi‘î. Chacun d’entre eux l’accepte sans pour autant considérer
le principe de l’intérêt relâché comme une source indépendante.
Le cheykh ‘Abd Al Wahhâb Khallâf affirme que l’avis le plus
répandu dans certains livres hanafites, est la non considération des
masâlih al moursalah, et ils ne l’incluent pas parmi les preuves légales.

243
Les fondements du droit musulman

Car ce principe ne repose sur aucun argument légal et oscille entre la


validité et l’invalidité.
Selon nous, cet avis n’est pas unanime, car dans d’autres ouvrages,
on rapporte que l’imâm Aboû Hanîfa l’a considéré et selon d’autres
versions, il l’a dénié.
De même, il nous semble important de rappeler que l’imâm Aboû
Hanîfa et son maître Ibrâhîm An-Nakha‘î étaient les champions de
l’opinion, et surtout ce dernier, qui se prononçait toujours en évoquant
l’intérêt et en servait dans son argumentation !
L’école hanafite n’a pas dénié complètement al maslaha al moursalah,
puisqu’elle cite parmi les sortes d’al istihsân, celui dont l’appui est al
maslaha al moursalah.

La position d’Aboû Hâmid Al Ghazâlî ?


dans son ‘Al Moustasfâ min ‘ilm al-ousoûl’, Al Ghazâlî déclare très
précisément : « Dans sa signification essentielle, (al-maslaha) est une
expression qui veut dire rechercher quelque chose d’utile (manfa‘a)
ou écarter quelque chose de nuisible (madarra). Mais ce n’est pas ce
que nous voulons dire, parce que rechercher l’utilité et écarter le mal
sont les objectifs (maqâsid) visés par la création, et le bien (salâh) dans
la création de l’humanité consiste en la réalisation de ces objectifs
(maqâsid). Ce que nous entendons par maslaha, c’est la préservation de
l’objectif (maqsoûd) de la Loi (ach-char‘) qui consiste en cinq choses :
la préservation de la religion, celle de la vie, celle de la raison, celle de
la descendance et celle de la propriété. Ce qui assure la préservation de
ces cinq principes (ousoûl) est maslaha ; ce qui va à l’encontre de leur
préservation est mafsada, et l’écarter est maslaha. »
Al Ghazâlî a divisé al maslaha en trois sortes :
* Un groupe de masâlih que le Législateur a pris en considération et
ce groupe est une référence légale.
* Un deuxième groupe que les Textes légaux ont témoigné de leur
invalidité, tel que, al maslaha qui a motivé la fatwâ d’Al-Layth

244
Les fondements du droit musulman

adressé à un émir Oumayyade qui a rompu son jeûne volontaire par


des relations sexuelles. Il lui a imposé de jeûner deux mois consé-
cutifs pour expier de son acte, au lieu de la libération d’un captif
comme cela est stipulé dans les Textes légaux. Cet avis est motivé
par un intérêt non considéré par le Législateur.
* La troisième catégorie de masâlih, selon Al Ghazâlî, se sont des
masâlih que le Législateur n’a pas pris en considération, ni rejetés.
Ce genre est sujet d’analyse avant de se prononcer.
En vérité, l’imâm Al Ghazâlî prend en considération la maslaha al
moursalah, qu’il a surnommé al Istislâh, mais il l’a entouré de conditions :
1. Qu’elle soit nécessaire, c’est-à-dire, qu’elle soit en rapport avec l’une
des cinq nécessités (al koulliyyât al khams). Si elle fait partie des
utilités et des superflus, elle n’est pas pris en compte.
C’est-à-dire : qu’Al-Ghazâlî, se réfère au sens vaste de maslaha. Il
mentionne les trois différents types :
- ad-daroûriyyât (les nécessités), catégorie qui concerne les cinq
Finalités de la Loi (al maqâsid ach-Char‘iyya ou al koulliyyât al
khams : les Cinq universaux), à savoir la préservation de la Religion,
de la vie, de la raison, de l’honneur et la filiation et des biens.
- Al-hâjiyyât (les utilités) concerne la prévention de ce qui pourrait
être une source de difficulté et de gêne dans la vie de la commu-
nauté, sans pour autant conduire à la mort ou à la destruction.
- Enfin, nous avons at-tahsîniyyât ou al-kamâliyyât (les commodités)
qui touche à tout ce qui peut apporter un confort.
2. Qu’elle soit globale (koulliyya) : c’est à dire qu’elle concerne tous les
Musulmans,
3. Qu’elle soit catégorique ou quasi-catégorique (haqîqiyya ou
qat‘iyya). (Réf : Al Moustasfâ, tome 1, page 311)
Al Ghazâlî avait peur d’une approche purement rationnelle et
sans lien avec la Loi, c’est ce qui le poussa al-Ghazâlî à restreindre
la recherche d’al-maslaha au champ d’application d’al-qiyâs (l’analo-

245
Les fondements du droit musulman

gie) qui, par nature, nécessite un lien très proche avec le texte afin
d’en extraire la raison d’être (‘illa) sur laquelle repose le raisonnement
analogique.
Selon Al Isnawî : « Al Ghazâlî, ne prend en considération, al mas-
laha al moursalah, que si elle est nécessaire, globale (générale) et caté-
gorique.» (Réf : Charh as-Sou’l ‘alâ al Minhâj, tome 3, page 136)
Al Ghazâlî ne juge pas al maslaha al moursalah comme étant une
source indépendante, mais plutôt, al masâlih ne sont sujets d’ijtihâd
qu’en cas de nécessité, et en ayant pour appui les Textes de la Loi. Car
seul les Textes (Coran et Sounna) et le Consensus, peuvent indiquer
les Objectifs de la Loi. Celui qui ne s’appuie que sur le principe de
l’intérêt sans appui de la Loi est dans l’erreur, dit Al Ghazâlî.
Pour Al Ghazâlî, celui qui apprécie (istahsana), il légifère (charra‘a),
celui qui prend en considération al istislâh, il explicite la Loi (charaha).
A partir de là, nous pouvons dire qu’Al Ghazâlî suit la méthode de
l’imâm Ach-Châfi‘î et s’aligne sur sa position, mais d’un autre côté il
fait partie de la Majorité, puisqu’il confirme al maslaha al moursalah.

La position de L’imâm Ach-Châtibî ?


Quand à l’imâm Ach-Châtibî, il n’a pas repris les mêmes conditions
que celles d’Al Ghazâlî, mais il en a proposé trois autres : L’analyse
et l’identification doivent être effectuées avec une extrême attention,
afin que nous soyons sûrs que nous sommes en présence d’une mas-
laha réelle (haqîqiyya), et pas seulement apparente ou spécieuse, fictive
(wahmiyya).
Le savant doit atteindre un degré élevé de certitude que la formu-
lation d’une prescription, dans le respect du cadre islamique, écartera
une difficulté et n’augmentera pas au contraire les maux.
La maslaha doit être générale (koulliyya) et profiter au peuple et à
la société dans leur ensemble, et pas seulement à un groupe, une classe
ou un individu.

246
Les fondements du droit musulman

La maslaha ne doit pas être en contradiction ou en conflit avec un


texte du Coran ou de la Sounna authentique. En pareil cas, il s’agit non
plus de maslaha moursalah, mais bien de maslaha moulghât.
Mais aussi, la maslaha al moursalah doit être raisonnable en soi, elle
doit être conforme aux objectifs de la Charî‘a, et elle doit préserver
une chose nécessaire ou éviter une interdiction de la religion, et que le
bien qu’elle tend à réaliser soit supérieur au mal et au dommage qu’elle
risque d’engendrer.

At-toûfî et sa théorie
Son nom est Najm Ad-Dîn Aboû Ar-Rabî‘ Soulaymân Ibn ‘Abd Al
Qawiy Ibn ‘Abd Al Karîm At-Toûfî As-Sarsarî, juriste, il était de ten-
dance hanbalite. Il est né dans le village de Toûf ou de Toûfâs en l’an
656H, de la région de Sarsar en Irâk. Il est arrivé à Baghdâd en l’an
691H, puis il l’a quitté pour Damas en l’an 704H. Il a visité l’Egypte
et s’était installé pour quelque temps dans les Lieux saints (Mecca et
Médine). Il est mort dans Al Khalîl, en Palestine en l’an 716H.
Il a suivi l’enseignement d’un nombre important de machâyikhs et
devenu une référence en Sciences du Coran, le Hadîth, Al Ousoûl, Al
Fiqh, la langue arabe et la littérature.
La doctrine de At-Toûfî se résume au fait de favoriser l’intérêt sur les
Textes légaux, excepté dans le culte et les règles fixées par le Législateur
quantitativement. Il proclame que les intérêts islamiques sont plus
forts comme preuves et sont capable d’outrepasser des Textes légaux et
le Consensus. La raison est capable, toute seule, de cerner al maslaha
et le mal dans le domaine des mou‘âmalât (les relations sociales). On
peut dire que cet avis est très proche de celui des Mou‘tazilites, si ce
n’est pas le même !
L’expérience et l’usage permet à la raison de mieux définir al mas-
laha que les Sources légales !
Cette tendance de At-Toûfî s’oppose à l’avis de la Majorité des
savants, qui affirme que l’intérêt et le bien, et en opposition le mal et
la nuisance, ne peuvent être connus sans l’appui des Textes de la Loi,

247
Les fondements du droit musulman

qui témoignent de leur prise en considération ou non. Car les raisons


ne sont pas toutes égales dans leur perception des choses, dans leur
maturité, dans leur connaissance et dans leur objectivité.
La théorie de At-Toûfi a été élaborée sur la base de la règle énoncée
par Ibn Al Qayyim, stipulant que « la Loi est venue pour réaliser l’in-
térêt des gens, là où il y a un intérêt, il y a la Loi d’Allâh.»
Ainsi, l’intérêt devient un référentiel dans l’absolu, sans restriction.
S’il y a opposition entre la maslaha et le Texte légal, on doit intérpréter
le Texte, pour que l’intérêt domine toujours. At-Toûfî n’a pas exigé
que la maslaha soit du domaine du nécessaire (ad-daroûrî) pour qu’elle
soit considérée. Les Textes, selon lui, ne sont que des moyens pour la
réalisation des intérêts.
Cette position et ses arguments rationnels sont pleins d’inconsis-
tances et d’incohérence quand il affirme que les Textes légaux contre-
disent réellement des intérêts islamiques, alors qu’en même temps il
confirme que les Textes légaux ont été révélés seulement pour servir
les intérêts des Hommes !
At-Toûfî est toujours resté isolé partout, et son opinion a toujours
été jugée comme étrange et marginal (châdh). Elle a été rejetée par
l’ensemble des érudits de la Oumma, à cause de ses inconsistances
rationnelles et manque d’arguments légaux. Cependant, l’ère du post
colonialisme a vu la naissance de courants, qui, parfois, au nom du
progressisme et parfois au nom d’une rébellion contre le religieux,
appellent, au nom de l’Islam et des Musulmans, à réintépréter les
Textes de la Loi ou à leur délaissement au nom de la maslaha.
La doctrine d’At-Toufî a été ranimée de nos jours sous la forme
d’un appel à l’attachement à l’esprit et aux objectifs de la Loi et non
pas à la forme des Textes. Les objectifs ont primauté sur la lettre qui
a fait ses preuves pour un certain temps, et il est dans l’intérêt de la
Oumma de le dépasser !
(Voir à ce sujet le débat du Dr Ahmad Ar-Raysoûnî avec Mouhammad
Jamâl Bâroût au sujet de la relation entre les Textes légaux et al mas-
laha, dans : Al ijtihâd : An-nas, al wâqi‘ wal maslahah.)

248
Les fondements du droit musulman

Les différentes sortes


de masâlih moursalah
Il faut rappeler que le Législateur a pris en considération un certain
nombre d’intérêts, puisque la Loi est faite sur le principe de la préser-
vation des intérêts des Hommes.
Ainsi, il y a des intérêts institués par La Loi appelés :
- Masâlih mou‘tabarah ‘intérêts prise en considération).
A l’exemple de l’interdiction des boissons enivrantes.
- D’autres ont été rejetés et refusés par la Loi, appelés : masâlih moul-
ghât, même si l’Homme en voit une centaine utilité, tel que l’égalité
entre les parts des héritiers hommes et femmes ou le suicide.
- A côté de ce genre de masâlih, il y a un certain nombre d’intérêts
dont l’érudit estime qu’ils sont favorables aux humains, et qui n’ont
pas été sanctionnés par les Textes légaux, alors il élabore sur sa
base des sentences légales. Ce type d’intérêts s’appelle : al maslaha
al moursalah ou al istislâh ou al istidlâl al moursal ou al mounâsib al
moursal.

Détails :
1 : Si al-maslaha se fonde sur une indication textuelle (donc extraite
du Coran ou de la Sounna ou du Consensus), on l’appelle maslaha
mou‘tabara (accréditée) et sa prise en compte ne peut pas être discutée.
A l’exemple des cinq universaux (al koulliyyât al khams) et les sentences
qui ont été prescrites pour leur préservation.
2 : Si, au contraire, la maslaha invoquée est en contradiction avec un
texte indiscutable (nas qat‘î), on l’appellera moulghât (discréditée) et
elle ne pourra être prise en compte. Elle est n’est pas réelle (haqîqiyya),
mais supposée (wahmiyya). Tels que la répartition en parts égaux de
l’héritage entre femmes et hommes, au nom de l’égalité, autrement que
ce qui a été stipulé par la Loi (Voir Ste 4/V11).

249
Les fondements du droit musulman

La levée de l’interdiction de l’usure au nom du profit que réalise


l’endetté.
3 : Le troisième type concerne la situation où il n’y a pas de texte : le
Coran et la Sounna ne confirment pas, mais n’infirment pas non plus,
la maslaha apparue après l’époque de la Révélation. Une maslaha de ce
type est appelée moursalah (indéterminée), car elle permet aux érudits
de s’appuyer sur le principe de la maslaha, lors de leur ijtihâd per-
sonnel, afin de formuler une décision juridique, conforme au contexte
historique et géographique, en s’efforçant du mieux qu’ils peuvent de
demeurer fidèles aux commandements et à l’esprit du cadre juridique
islamique là où le texte, la « lettre » de la Loi, ne se prononce pas.

Les Écoles de Droit et


al masalaha al mourasalah
Certains jurisconsultes ont nié catégoriquement l’Istislah en tant
que preuve indépendante sur lequel se basent la Fatwa, le juge et la
législation.
On dit que seule l’école Malikite utilisait al maslaha al moursalah
comme base de preuve. Mais l’imâm Chihâb Ad-Dîn Al Qarâfi al
mâlikî répond à cette rumeur : « Si tu étudies les écoles quand elles
comparent, ou rassemblent, ou séparent entre deux affaires, elles ne
demandent pas un témoin en appui au sens pour lequel elles ont ras-
semblé ou séparé, mais elles se limitent de la circonstance, et c’est cela
qu’on appelle «al maslaha al moursalah», ce qui prouve qu’elle existe
dans toutes les écoles. » (Réf : Charh Tanqîh Al fousoûl : p.171)
Il apparait que les Compagnons du Prophète (r) ne considéraient
pas ces conditions dans leur travail. Leur seul souci était la préservation
de l’intérêt.
Il faut attirer l’intention sur le fait que la question la plus impor-
tante est que l’intérêt soit réel et non imaginaire, c’est à dire qu’il ne

250
Les fondements du droit musulman

soit pas basé sur les désirs, la mauvaise conception, l’imaginaire, les
intérêts personnels etc.
Il est important de signaler ici, que les jugements basés sur l’inté-
rêt, demeurent tant que l’intérêt existe. S’il disparaît, le jugement doit
changer en conséquence, parce que le jugement dépend de sa cause.
La très grande majorité des Ousoûliyyoûn s’accordent à dire qu’il
n’y a pas d’ijtihâd (donc, ni maslaha, ni istislâh, ni qiyâs, ni istihsân
et ni besoin d’ijmâ‘) en ce qui concerne le culte (al-‘ibâdât), dont les
prescriptions et les modalités nous sont connues grâce à la Révélation
et doivent être appliquées telles qu’elles ont été révélées au Prophète
(r) et enseignées et expliquées par lui. De même, lorsqu’il existe dans
les sources des injonctions claires et détaillées (seules peu de prescrip-
tions correspondent en fait à ce critère), celles-ci doivent être appli-
quées (sans que soit négligée, bien entendu, une vision d’ensemble des
objectifs du droit islamique et de la situation sociale, comme nous
l’expliquons).
1-Les Malikites, les Hanbalites, Aboû Yoûsouf et Mouhammad :
l’ouvrier ou l’artisan est toujours garant du produit qu’on lui confie.
Cette disposition est prise par crainte, que si on limitait leur respon-
sabilité aux cas de négligence, il y aura le risque de porter atteinte aux
biens d’autrui. L’imâm Mâlik s’est basé dans cet avis sur le principe de
l’intérêt relâché. En vérité, l’objet détruit entre les mains de l’artisan,
à l’origine, celui-ci n’en est nullement responsable conformément à
la Sounna du Prophète (r). Mais compte tenu, que les artisans sont
devenus très négligents et ne sauvegardent plus les droits des gens,
l’imâm s’est prononcé autrement dans le but de préserver les droits.
Quant à l’imâm Ahmad et Aboû Yoûsouf et Mouhammad, qui par-
tagent la même opinion que l’imâm Mâlik, ils se sont appuyés sur l’avis
des Compagnons sur cette question.
2-L’imâm Mâlik a jugé que le gage déposé par l’endetté sera considéré
comme un dépôt (al amânah), s’il s’agit d’un bien dégradable dont
on connaît la nature, et c’est un gage dont il est garant de la valeur,
s’il s’agit d’un bien dont il ignore la dégradation. L’avis des Malikites

251
Les fondements du droit musulman

s‘appui sur la maslaha al moursalah, qui consiste à juger le créancier


responsable et accusé de laxisme et de dégradation volontaire dans tout
bien dont on ignore la détérioration.
3-L’imâm Mâlik accepte le témoignage des enfants les uns contre les
autres dans les délits de blessures ou de détérioration de vêtements,
car en général, dans des situations pareilles, les enfants ne mentent
pas, et si on réfute leurs témoignages, il y aura des droits qui seront
lésés. L’imâm Mâlik a justifié son avis par le principe de la maslaha al
moursalah.
4-En cas d’accusation d’une personne, les trois imâms : Aboû Hanîfa,
Ach-Châfi‘î et Ahmad, pour le disculper exigent le serment.
L’imâm Mâlik ne l’exige qu’ne cas de preuve de fréquentation entre
les deux personnes en litige.
L’imâm Mâlik fait appel à l’avis de gens de Médine et au principe
de la maslaha al moursalah, pour préserver l’honorabilité des gens de
se faire traîner en justice en longueur de journées, surtout dans les
époques postérieures où la moralité des gens a baissé. Il exige de l’ac-
cusé d’apporter les preuves et libère l’accusé du serment, sauf si les deux
personnes en litige se connaissaient.
5-Ibn Al Qayyim a rapporté dans son ouvrage A’lâm al mouwaqqi’în,
la position des Hanbalites permettant l’intervention de l’Etat dans la
Tarification et la fixation des prix des marchandises en cas de besoin.
6-Chourayh a rapporté d’après Ibn Abî Laylâ, qui s’est prononcé sur
la base de la maslaha, que si un individu prête un terrain à un autre
pour y construire une habitation, sans lui fixer de délai, puis décide de
le mettre dehors, le prêteur du terrain est tenu de lui payer la valeur de
l’habitation.
7-L’imâm Mâlik permet que l’Etat impose les riches, en cas de déficit
dans la trésorerie pour le payement des soldes de l’armée.

252
Les fondements du droit musulman

LA PRÉSOMPTION DE
CONTINUITÉ DE LA RÈGLE
Al Istis-HÂb

Introduction
Al Istishâb c’est une procédure juridique (que l’on peut désigner comme
étant la “présomption de continuité”) qui consiste à conserver le carac-
tère juridique déjà établi d’une action/chose en raison de l’absence d’un
quelconque argument permettant de déterminer un changement de
statut.
L’Istishâb, c’est-à-dire le principe qui traite de l’état d’une chose,
approuvée ou désapprouvée dans le présent et l’avenir, par référence
au caractère positif ou négatif qu’elle avait dans le passé. Il s’entend à
l’état inhérent à la chose à l’égard de laquelle on recherche le point de
vue de la Loi.

Définitions
Sens propre du terme : «istishâb»
On dit en arabe : istashabtou al kitâb : hamaltouhou souhbatî : je l’ai pris
avec moi. Dans le sens d’al istishâb, il y a l’idée d’une relation inces-
sante : continue, qu’on ne peut défaire, séparer.
Il est question d’istishâb al hâl : lorsqu’on s’attache à une situation
ou à une confirmation sans s’en défaire.

253
Les fondements du droit musulman

Définition juridique
D’après Ibn Al Qayyim : « Al Istishâb c’est la continuité de la confir-
mation de ce qui a été affirmé ou de ce qui a été renié jusqu’à ce qu’une
preuve vienne infirmer cette confirmation et indique le changement de
la situation juridique établie. » (Réf : A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 1 page 339)
Ainsi l’istishâb apparaît comme étant une attitude juridique qui
consiste à entériner une sentence confirmée dans un temps postérieur,
tant qu’il n’y a pas de preuve de changement engendrant une modifi-
cation de la règle ou de la sentence en vigueur.
- Selon Ibn Taymiyya dans Ses Fatâwas : « Al Istishâb est la dernière
source de Droit auquel se réfère l’érudit quand il n’y a pas d’autres
arguments légaux. » (Réf : Al Fatâwas al Koubrâ, tome 29, page 116)
- L’imâm Mâlik Ibn Anas a dit : « Une chose garde son statut initial
jusqu’à preuve du changement. » (Réf : Al Qarâfî : At-Tanqîh, page 347)
Il résulte de ses définitions :
Qu’il s’agit d’un moyen ou d’une procédure permettant le maintien
d’une règle de droit ou son infirmation.

Les juristes face a la prise en


considération d’al istishâb
les juristes ont divergé en trois tendances à ce sujet :

I : La Première tendance
Elle qui considère al Istishâb comme une source dans l’absolu de la
règle du Droit, qu’il s’agit d’une affirmation de la règle ou de son
infirmation.
Cet avis est celui de la Majorité, composée essentiellement de
l’imâm Mâlik, les Compagnons de Ach-Châfi‘î, des Hanbalites et des
Zahirites.

254
Les fondements du droit musulman

Leurs arguments
A : Les Textes légaux
Le Prophète (r) a dit : « Le Diable vient semer le doute parmi l’un
d’entre vous en lui disant tu as perdu tes ablutions, qu’il ne prenne
pas en compte cela tant qu’il n’a pas entendu un bruit ou senti une
odeur ! » (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Le Prophète d’Allâh (r) en sa qualité de législateur (moucharri‘)
a pris en considération l’état initial et a prononcé une sentence de la
continuité de l’état de purification, jusqu’à preuve contraire : la perte
des ablutions.
B : Le Consensus (Al Ijmâ‘)
- Ainsi la présomption de continuité de la règle est confirmée dans le
cas où un individu doute s’il a divorcé (verbalement) sa femme ou
non, il y a unanimité que le lien matrimonial n’est pas défait et que
la vie commune continue.
- La règle légale, si elle est confirmée c’est parce qu’elle est bénéfique
et représente un intérêt (maslaha). Il y a unanimité que la maslaha
légale n’est pas limitée dans le temps. Donc, l’ancienne règle est
toujours utile dans l’avenir et son application perdure.
II : La Deuxième tendance
Cette tendance considère la présomption de la continuité de la règle,
comme une preuve dans la négation primordiale (an-nafy al aslî), mais
elle ne peut confirmer une règle légale. C’est-à-dire, qu’elle est accep-
tée comme preuve légale pour nier une nouvelle situation, non pas
pour faire perdurer la prise en considération d’une sentence (règle)
qui engendrera des effets nouveaux : houwa houjjatoun li-addaf‘î lâ
lil-ithbâti.
Cette position est celle de certains Hanafites, comme As-Sarkhasî,
Al Bazdawî.

255
Les fondements du droit musulman

Exemple :
L’épouse du disparu, les Hanafites ont repoussé par le recours à al isti-
shâb, qu’il soit considéré mort, pour qu’il n’en découle pas une nouvelle
règle.
On utilise al Istishâb pour réfuter les dires qui prétendent qu’il y a
un changement de situation : istishâb al hâl.
Leurs arguments
L’effort juridique (ijtihâd) sur la base d’al Istishâb donne lieu à une cer-
titude probante (zann ghâlib). Cette certitude probante n’est pas assez
fort pour lever une règle existante pout instituer une nouvelle. C’est
la raison pour laquelle on lui accorde de l’importance pour repousser
une sentence dans le but de préserver l’existent et pour que les choses
restent comme elles l’étaient. : Inna al istishâba yakf î f î ad-daf‘î wa
baqâ’i mâ kâna ‘alâ mâ kân.
III : La Troisième tendance
Ce n’est pas une source de la règle du Droit, ni pour confirmer (le
maintien de l’application d’une règle), ni pour infirmer la continuité
d’un état juridique. C’est l’avis des Hanafites et de l’imâm Ach-Châfi‘î.
Leurs arguments
- Les actes de purification tout comme les interdits et les obligations
sont tous des sentences légales qui ne peuvent être confirmées que
s’ils sont appuyés par des preuves légales, définis par les Textes de
la Loi : Coran, Sounna ou par le biais du Consensus et l’Analogie.
Al Istishâb n’en fait partie.
- Le fait de s’attacher à Al Istishâb peut mener à une opposition aux
sources de la Loi. Ainsi, par Istishâb, celui qui use du tayammoum,
s’il trouve l’eau refait ses ablutions, mais selon al istishâb, s’il trouve
l’eau alors qu’il est entrain de prier, il arrête sa prière et refait ses
ablutions.

256
Les fondements du droit musulman

Cette position est en opposition avec le Consensus qui affirme la


validité de la purification par tayammoum et la validité de la prière qui
est déjà entamée.

Les différentes sortes d’al istishâb


pour la Majorité Al Istishâb est une preuve légale qui a son rôle et
son importance. Al Khawârizmî dans son ouvrage Al Kâfî a dit : « Al
Istishâb est le dernier recours pour la fatwâ en l’absence d’un argument
dans le Coran, la Sounna, le Consensus ou l’Analogie. »
La Majorité a subdivisé Al Istishâb en trois sortes
1 : Le principe de la permission ou la licéité originelle énoncée :
Istishâb houkm al ibâha al asliyya lil-achyâ’
Ainsi les choses utiles telles : la nourriture, les boissons, les bestiaux
ou les végétaux, on ne peut les interdire sans preuve légale. Le principe
c’est qu’ils sont permis, car toutes les créatures sont considérées licites
à la consommation et l’interdiction intervient par l’énoncé explicite
d’un Texte ou argument légal en cas où ils représentent une nuisance
pour l’Homme.
Allâh (U) dit : ( C’est Lui qui créa, pour vous, tout ce qu’il y a sur
terre, puis, avisant le ciel, Il l’organisa en sept cieux distincts dans Sa
Science infinie. ) (Ste 2/V.29)
Allâh (U) dit aussi : ( Tout ce qui est dans les cieux, tout ce qui est sur
terre vous est assujetti par Allâh, de Qui tout procède. Quel signe pour
qui sait y réfléchir ? ) (Ste 45/V.13)
Quant aux choses nuisibles, elles sont interdites par l’interdiction
originelle. Le Prophète (r) a dit : « Lâ darara wa lâ dirâra : On ne
peut pas faire du mal par principe, et on ne peut répondre au mal par
le mal ! » (Rapporté par Ahmad et Ibn Mâjah. Sahîh)
2 : Le principe de la présomption de continuité du principe de l’in-
nocence originelle : Istishâb al barâ’a al asliyyah ou al ‘adam al aslî.

257
Les fondements du droit musulman

Tout individu est censé être innocent, non coupable sauf par une
preuve tangible. Il incombe à l’accusateur d’apporter la preuve de la
culpabilité de l’accusé et non pas à l’accusé d’apporter la preuve sur
son innocence.
Un autre exemple si le contractant dans le contrat d’al moudâraba*
affirme ne pas avoir fait de bénéfices, son avis ne peut être mis en
cause jusqu’à la preuve du contraire, car le principe dans un contrat de
moudâraba est l’absence de gain jusqu’à ce qu’il y ai activité et preuves.

* Note :
Al moudâraba est un contrat d’association dans lequel une partie des
associés apporte le capital et l’autre partie y participe par le travail.

3 : La présomption de la continuité du qualificatif accompagnant


la règle jusqu’à ce qu’il y a preuve du contraire : Istishâb al wasf al
moubayyin lil-houkmi hattâ yaqoûma ad-dalîlou ‘alâ dhâlika.
Dès lors quand une personne affirme, avec preuves à l’appui, sa pro-
priété sur un bien, ce bien lui appartient jusqu’à ce que l’on apporte la
preuve du transfert de la propriété à une autre personne par la vente
ou la donation…
De même la confirmation de la continuité du lien matrimonial à
cause d’un contrat de mariage existant, jusqu’à ce qu’il y a preuve sur
la dissolution du mariage.

Les Imâms et al istishâb


- L’imâm Mâlik se réfère à al Istishâb pour écarter (infirmer) un juge-
ment ou le maintenir (confirmer).
Pour illustrer cela, on peut citer la fameuse mas’ala du disparu (al
mafqoûd) :
Sur base de cette source, l’imâm Mâlik considère le disparu au sujet
duquel il y a absence totale d’informations quant à sa mort ou à sa
disparition, comme étant vivant. De ce fait, il lui accorde tous les doits

258
Les fondements du droit musulman

du vivant, tels que la préservation et le maintien de son patrimoine et


sa non distribution aux héritiers.
L’imâm Mâlik ne valide pas la prière accompagnée d’un doute en ce
qui concerne l’annulation des ablutions, bien qu’il accepte la règle qui
stipule : Le doute ne peut être levé que par la certitude », Ce qui veut
dire en principe : refaire les ablutions. Il justifie sa position en disant :
« L’état initial qui reste en vigueur à la base, c’est que cette personne
n’est pas dispensée de la prière puisque par principe elle est sûre d’avoir
fait les ablutions. »
Le principe bien connu de la jurisprudence qui stipule que “la cer-
titude qui est déjà établie ne s’efface pas face au simple doute” – “al
yaqînou la yazoûlou bi ach-chakk”, Ainsi, la personne qui ne sait plus
si ses ablutions ont été perdues ou non (elle est donc confrontée à un
doute), elle devra se considérer comme étant toujours en état de pureté
rituelle, et ce, justement suivant la procédure de l’istishâb : le simple
doute ne constituant pas un argument probant.
C’est cette même procédure qui est prise en compte pour considérer
qu’une action/chose ne relevant du domaine des pratiques purement
rituelles (ibâdât) reste, jusqu’à preuve du contraire, licite
- Ibn Al Qayyim affirme que l’imâm Ahmad prend en considération
le principe de la continuité de la règle uniquement dans le domaine
des mou‘âmalât et non pas pour al ‘ibâdat.
Chez les Hanbalites, le contrat est l’arbitre légal (la loi) entre les
deux contractants. Cette règle dérive du principe d’Al Istishâb en
matière de contrat.
- La divergence entre les imâm dans l’acceptation du principe de la
présomption de la continuité a engendré des divergences juridiques,
et l’exemple qui illustre le mieux cette divergence d’opinion, est la
question du disparu (al mafqoûd), au sujet duquel, il y a absence
totale d’informations ou d’indices au sujet de sa mort ou de sa
survie. Ainsi, les Malikites et les Chafi‘îtes et ceux qui partagent
leur tendance, considère cette personne toujours vivante, donc elle
hérite ; si elle fait partie des héritiers légaux, et on lui garde sa part,
ainsi que son droit de toute forme de testament, et ce en applica-

259
Les fondements du droit musulman

tion de principe de la continuité, qui fait qu’on la considère toujours


vivante jusqu’à la preuve de sa mort. Elle garde ses biens intacts et
à sa disposition.
Les Hanbalites, quant à eux, lui accordent ce droit durant 4 années
de sa disparition. Ensuite, ses biens seront partagés entre ses héritiers
légaux et il n’a plus droit d’hériter d’autrui.
Les Hanafites lui préservent ses biens, qui doivent rester à sa dis-
position, ainsi que sa femme, qui garde le statut d’épouse. Pour cette
école, le disparu est toujours vivant en ce qui concerne ses droits sur
ses biens et son épouse, mais il est jugé mort quand il s’agit des biens
d’autrui, à lesquels il n’a plus droit, ni par testament ou par legs légaux,
jusqu’à qu’il y a une preuve tangible qui prouve son décès ou que le juge
prononce une sentence par laquelle il décrète sa mort.

Conclusion
Al Istishâb est, en vérité, le principe qui traite de l’état d’une chose
approuvée ou désapprouvée dans le présent et l’avenir, par référence
au caractère positif ou négatif qu’elle avait dans le passé. Il s’entend à
l’état inhérent à la chose à l’égard de laquelle on recherche le point de
vue de la Loi.
Plusieurs règles du droit pénal et civil sont issues de ce principe,
telles que :
- Le licite (le permis) ne peut être interdit que par une preuve légale
qui prouve le changement de son statut juridique.
- Toute règle qui n’a pas l’objet d’une preuve légale nouvelle, garde sa
sentence initiale.
- La certitude ne peut être annulée que par une preuve aussi sûre et
certaine.
Toute chose que le législateur n’a pas interdit ou a permis, reste
comme telle et garde sa sentence de base, jusqu’à la preuve du contraire.
Chez Ahl Al Ousoûl, la continuité dans la prise en considération du
(sens) générique (al ‘âmm), c’est-à-dire un texte reste général, jusqu’à ce
qu’intervient une spécification (takhsîs).

260
Les fondements du droit musulman

L’AVIS DU COMPAGNON
Qawl As-SahÂbî

Introduction
Les mérites des Compagnons (Qu’Allâh soient satisfait d’eux)
Les savants de l’Islam, parmi nos prédécesseurs pieux se sont tous
accordés à affirmer l’honorabilité à tous les Compagnons du prophète
(r). On ne peut mettre en cause leur honnêteté ni leurs transmissions.
Allâh (U) a fait l’éloge des Compagnons dans de nombreux versets
du saint Coran.
Allâh (U) dit : ( Mouhammad est le Messager d’Allâh ! Ceux qui sont
avec lui (ses Compagnons), sont sévères à l’égard des incroyants, pleins
de compassion entre eux. Tu les vois, en cours de prières, qui s’inclinent
et se prosternent humblement, recherchant grâce et assentiment auprès
du Seigneur. On les reconnaît à ce signe distinctif : la trace de leurs
pratiques pieuses, emprunte sur leurs fronts. Voici dans la Thorah et
l’Evangile la parabole qui les dépeint : tel un grain qui émet ses jeunes
pousses, puis gonflé de sève, se dresse fièrement sur ses tiges, à la grande
joie du laboureur ; tel ils apparaissent dans leur force face aux infidèles
courroucés. A ceux d’entre eux qui croient et font œuvre pie, Allâh promet
pardon et récompense infinie. ) (Ste 48/V18)
Le Messager d’Allâh (r) a stipulé ceci dans le hadîth rapporté
par Al ‘Irbâs Ibn Sâriya, en disant : « Suivez ma Sounna, ainsi que
celle de mes successeurs bien guidés, après moi. Attachez-vous à
elle et maintenez-la ! Et prenez garde à l’innovation ! » (Rapporté par
At-Tirmidhî)
Anas a rapporté aussi que l’Envoyé d’Allâh (r) a dit : « Allâh m’a
élu et a élu pour moi des Compagnons, des frères et des beaux-
parents. Un temps viendra où ils seront insultés et calomniés ; ceux

261
Les fondements du droit musulman

qui feront cela, ne mangez pas avec eux, ne buvez pas en leur com-
39

pagnie, n’en faites pas des parents par Alliance (par le mariage), ne
priez pas sur eux lorsqu’ils meurent, et ne vous joignez pas à eux
pour la prière.» (Rapporté par Al ‘Ouqaylî)
Le Prophète (r) a dit encore : « La meilleure génération (de
l’Islam) c’est la mienne, puis celle qui suivra puis celle qui succédera. »
(Rapporté par Al Boukhârî)

Définitions
A partir des définitions, deux tendances se dégagent :
1 : Définition des savants du Hadîth et des Théologiens scolastiques
(Al moutakallimoûn).
Ils accordent le statut de Sâhib (Compagnon) à tout individu qui a
rencontré l’Envoyé d’Allâh (r) ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, a
cru en lui et est mort musulman.
- Selon Ibn Al Madînî (cheykh d’Al Boukhârî), le Sahâbî (le
Compagnon) est tout individu musulman qui a vu le Prophète
(r), ne serait-ce qu’une fois et pour un laps de temps très court.
Certains savants du Hadîth ont rajouté : sain d’esprit et pubert.
- Aboû Bakr Ibn Fourk a proposé la définition suivante : Il s’agit
d’une personne qui s’est assis en compagnie du Prophète (r), dans
plusieurs réunions privilégiées et ne faisait pas partie des personnes
qui se sont présentées avec les délégations reçues par le Prophète
(r) l’année de la reprise de la Mecque.
- On a interrogé Anas Ibn Mâlik (Qu’Allâh soit satisfait de lui) :
« Es-tu l’un des derniers Compagnons de l’Envoyé d’Allâh (r)
encore en vie ? »

39 Ntr : il est question de toute sorte de boisson permise, et non pas d’alcool.

262
Les fondements du droit musulman

Il répondit : « Il reste encore quelques bédouins, mais je suis le der-


nier de ses Compagnons ! » (Réf : Ibn Sa‘d : At-Tabaqât al koubrâ)
- Ibn Hajar Al ‘Asqalânî (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a dit :
« Et la plus juste définition du Compagnon de l’Envoyé d’Allâh
(r) à laquelle je me suis arrêté est celle-ci : le Compagnon est celui
qui a rencontré le Prophète, (r), croyant en lui (au moment de la
rencontre) et qui mourut en musulman. Celui qui l’a rencontré
inclus à la fois celui qui l’a côtoyé longuement ou brièvement, celui
qui a rapporté de lui (des hadîth) et celui qui n’a pas rapporté, celui
qui a participé avec lui à des expéditions et qui n’a pas participé,
celui qui l’a vu de ses yeux, même non rapproché de lui et celui qui
n’a pu le voir en raison d’un empêchement comme la “ cécité ”.
Leur nombre est considéré par beaucoup à 114000 Compagnons.
(Réf : Al Isâba, tome 1, page 7)
- D’autres spécialistes ont rajouté :
« Le Compagnon est celui qui a résidé et s’est réuni avec le Prophète
(r) durant un an ou deux, a participé à ses côtés à une ou deux batailles. »
Cette définition est celle du Tâbi‘î, Sa‘îd Ibn Al Mousayyab
(Qu’Allâh lui ccorde miséricorde).
2 : Définition d’Ahl al Ousoûl
As-Sahâbî c’est une personne qui a rencontré le Prophète (r), est
restée avec lui pour une durée assez importante, une durée nécessaire
pour que l’on parle d’accompagnement sans rupture et d’apprentissage
continus : mousâhabatoun wa moulâzamatoun wa talaqqî.
Parmi les Compagnons qui répondent à ces critères, ils citent : les
Quatre Califes (Aboû Bakr, ‘Oumar, ‘Outhmân et ‘Alî) ; Zayd Ibn
Thâbit, Ibn ‘Oumar, Mou‘âdh Ibn Jabal, Salmân, Aboû Hourayra,
Aboû Moûsâ Al Ach‘arî, ‘Â’icha, Oumm Salama, Jâbir… (Qu’Allâh
soit satisfait d’eux tous).
Il s’agit de Compagnons, qui ont suivi le Prophète (r) reçu son
enseignement, vécu avec lui, combattu à ses côtés et ont participé acti-

263
Les fondements du droit musulman

vement à al défense et à la propagation de l’Islam et de ses enseigne-


ments et sont morts musulmans.
Ibn Al Qayyim (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a dit : « Ceux
là sont les références pour les gens dans la compréhension de ce que
l’Envoyé d’Allâh (r) a reçu et a transmis aux gens de la part de Son
Seigneur. » (Réf : A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 1, page 12)
Al-Layth a rapporté, d’après Moujâhid, qui a dit : « Les savants se
sont les Compagnons de Mouhammad (r) : al ‘oulamâ’ houm ashâbou
Mouhammad. »
***
Ainsi dans le livre Fath al moughîth, Charh alfiyyat al hadîth d’As-
Sakhâwî, sur le Matn de Az-Zayn al ‘Irâqî, on trouve le résumé de
toutes ces tendances, il dit (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) :
Râ’î an-Nabiyyi mousliman dhoû souhbatin
wa qîla in tâlat wa lam youthabbiti
Wa qîla : man aqâma ‘âman wa ghazâ
ma‘ahou, wa dhâ li-Ibni al Mousayyabi ‘azâ
Wa tou‘rafou as-souhbatou bi-chtihârin aw
tawâtourin aw qawli sâhibin wa law
Qad idda‘âhâ wa houwa ‘adloun qoubilâ
wa houm ‘oudoûloun, qîla lâ man dakhala
Fî fitnatin, wal moukthiroûna sittatoun
Anasoun wa Ibnou ‘Oumara, As-Siddîqatou
Al bahrou Jâbiroun, Aboû Hourayrata
Aktharouhoum wal bahrou fil haqîqati
Aktharou fatwâ wa houwa Ibn ‘Oumarâ
Wa Ibn Az-Zoubayri wa Ibnou ‘Amrin qad jarâ
‘Alayhim bi ach-chouhrati Al ‘Abâdilatou

264
Les fondements du droit musulman

Laysa Ibn Mas‘oûdin wa lâ man châkalah


Wa houwa Ibn Zaydin wa Ibnou ‘Abbâssin lahoum
Fil fiqhi atbâ‘oun yarawna qawlahoum
Wa qâla Masroûqoun intahâ al ‘ilmou ilâ
Sittati ashâbin kibârin noubalâ
Zaydin, Abî Ad-Dardâ’a, ma‘ Oubayyin
‘Oumara, ‘Abd Allâhi ma‘ ‘Aliyyin
Thoumma intahâ lidhayni, wal ba‘dou ja‘al
Al Ach‘ariyyi ‘an Abî Ad-Dardâ’i badal

Traduction :
Celui qui a vu le Prophète tout en étant musulman
et l’a accompagné,
Même s’il n’a pas transmis d’informations d’après lui.
On a dit aussi : c’est celui qui l’a accompagné durant une année et
a participé à des batailles avec lui,
Cet avis est attribué à Ibn Al Mousayyab
On reconnaît à quelqu’un l’accompagnement
par le fait qu’il est reconnu,
Ou par voie de tawâtour et l’affirmation
de l’un de ses compagnons.
Et si celui qui se proclame être Compagnon est un honorable cela
est agréé,
Car tous les Compagnons sont honorables,
Cependant, certains rejettent ceux qui ont participé,
A la grande crise (al fitna), les plus grands rapporteurs sont six
Anas, Ibn ‘Oumar, la véridique (‘Â’icha)

265
Les fondements du droit musulman

La mer40 Jâbir, Aboû Hourayra est celui qui a rapporté le plus,


il est, en vérité, la mer
Ceux qui sont les plus répétés dans la fatwâ sont Ibn ‘Oumar,
Ibn Az-Zoubayr, Ibn ‘Amr, connus
Par le surnom des ‘Abâdila, on y inclut pas Ibn Mas‘oûd
et ses semblables
Ce sont Ibn Zay, Ibn ‘Abbâs, qui ont des disciples
dans le fiqh qui transmettent leurs avis
Masroûq a dit la science est tenue entre les mains de six grands
nobles Compagnons, Zayd, Aboû Ad-Dardâ’, avec Oubay, ‘Oumar,
‘Abd-Allâh et avec eux ‘Alî
Certains se sont limités à ceux-là, et d’autres ont substitué Aboû
Ad-Dardâ’ par Al Ach‘arî…
***

Que veut-on dire par l’Opinion du Compagnon ?


(Madh-hab as-Sahâbî)
Il s’agit des avis juridiques (fatâwas) ou jugements (qadâ’) prononcés
par le Compagnon concernant une affaire ou une question juridique
en l’absence d’un texte légal (Coran ou Sounna) ou d’un Consensus
(ijmâ‘).
Si cette opinion nous a été transmise par des voies sures, sommes-
nous tenus à la prendre en considération et à s’y référer dans nos
jugements ? Cet avis a-t-il la priorité sur l’Analogie (al qiyâs) ? A-t-il
prépondérance sur les avis des érudits d’entre les Tâbi‘în ?

40 N.T.D. la mer : Celui au savoir le plus étendu.

266
Les fondements du droit musulman

Prise en considération
de l’avis du Compagnon t
Al Âmidî a dit : « Tous les savants sont unanimes que les avis des savants
parmi les Compagnons (Qu’Allâh soit satisfait d’eux) se valent, et on
ne peut réfuter l’avis de l’un d’entre eux par l’avis d’un autre, même s’il
est plus savant ou qu’il soit un imâm, un calife ou un mouftî. Les savants
ont divergé quant à la prédominance de l’avis du Compagnon a prio-
rité sur celui du Tâbi‘î érudits. Les Ach‘arites, les Mou‘tazilites, l’imâm
Mâlik Ibn Anas, Al Fakhr Ar-Râzî, Al Barda‘î (hanafite), Ach-Châfi‘î
dans une de ses opinions, tout ce groupe accordent la priorité à l’avis
du Compagnon sur l’Analogie. Un autre groupe lui accorde unique-
ment priorité en cas d’opposition avec l’Analogie. Un autre groupe le
prenne en considération dans l’argumentation lorsqu’il s’agit des avis
d’Aboû Bakr et de ‘Oumar (Que Dieu soit satisfait d’eux. Ils citent
à l’appui de leur position, le hadîth du Prophète (r), qui a dit : « Je
vous recommande de suivre mes Deux successeurs.. » (Rapporté par
At-Tirmidhî et autres)
Il y a aussi ceux qui limitent cette prise en considération aux Quatre
Califes bien guidés (y), car le Prophète (r) a dit : « Attachez-vous
à ma Sounna et à la sounna des Califes bien guidés après moi. »
(Rapporté par Aboû Dâwoûd, At-Tirmidhî et Ibn Mâjah).
Al Moukhtâr a rejeté l’avis des Compagnons, quant à Al Bazdawî
et As-Sarakhsî (hanafites), ils prennent en considération l’avis du
Compagnon sans restriction. » (Réf : Al Âmidî : Al Ahkâm).

Arguments de ceux qui prennent en considération l’Avis du


Compagnon
Les qualités et les mérites des Compagnons sont tellement nom-
breux qu’on ne peut les dénombrer. Les savants de l’Orthodoxie (les
Sounnites) sont tous d’accord à dire que tous les Compagnons du
Prophète (r) sont tous honorables (‘oudoûl). Celui qui met en doute
cette affirmation est un innovateur, un hypocrite et un pervers !

267
Les fondements du droit musulman

La Sounna
Le Messager d’Allâh (r) a dit : « Allâh (craignez-Le) ! Allâh
(craignez-Le) ! En ce qui concerne mes Compagnons ! Ne les
prenez pas pour cibles, après moi ! Celui qui les aime, de mon amour
je l’aimerai; celui qui aura éprouvé de l’inimitié envers eux, ma haine
lui sera accordée. Celui qui leur porte préjudice, il cherche par là à
me nuire ! Quant à celui qui me nuit, il a, en vérité, cherché à nuire
à Allâh ! Celui qui veut nuire à Allâh, Allâh risque de faire tomber
sur lui Sa Colère, à tout moment ! » (Rapporté par At-Tirmidhî)
Le Messager d’Allâh (r) a stipulé ceci dans le hadîth rapporté
par Al ‘Irbâs Ibn Sâriya, en disant : « Suivez ma Sounna, ainsi que
celle de mes successeurs bien guidés, après moi. Attachez-vous à
elle et maintenez-la ! Et prenez garde à l’innovation ! » (Rapporté par
At-Tirmidhî)
La prise en considération de leur avis en priorité, se justifie par la
probabilité, qu’il s’appuie sur une information reçue de la bouche du
Prophète (r), d’une compréhension déduite par l’observation répétée
des agissements du Messager de Dieu (r).
Et s’il s’agit d’opinion personnelle, celle-ci elle est plus plausible
et plus proche de la vérité que les avis d’autrui. Les Compagnons ont
eu le mérite de l’accompagnement du Prophète (r), d’avoir reçu son
enseignement directement et d’être témoins directs de la Révélation,
qui les interpelait dans leur langue et s’adressait à eux en premier
lieu… » (Réf : An-Nasafî : Kachf al asrâr. T 2, page 101)

Les Opposants et leurs Arguments


Le saint Coran
Allâh (U) dit : ( Que cela soit pour vous un exemple édifiant, ô vous qui
êtes doués de clairvoyance. ) (Ste 59/V.2)
Allâh (U) appelle clairement les érudits de la Oumma et les gens
sensés et doués de clairvoyance à l’Ijtihâd et à délaisser le conformisme.
L’Ijtihâd consiste à rechercher le dalîl (l’argument). Si tel est le cas, on

268
Les fondements du droit musulman

ne peut délaisser l’Analogie (ijtihâd) pour l’avis du Compagnon. Ainsi,


nous constatons que, bien que l’avis du Compagnon se base sur la trans-
mission, il est classé unanimement, dans l’ordre des Sources de la Loi
(Masâdir at-Tachrî‘), après le saint Coran la Sounna et le Consensus (al
Ijmâ‘). Le Consensus étant de l’Ijtihâd, c’est là une preuve évidente sur
la priorité accordée à l’Ijtihâd (al Ijmâ’) sur le conformisme représenté
en l’alignement sur l’avis du Compagnon.

Le Consensus
Les Compagnons se sont accordés sur le principe de la divergence
entre eux. Dès lors, pourquoi doit-on contraindre les érudits parmi
Suivants (At-Tâbi‘oûn) à se confirmer à cette règle et à leurs avis?

L’argumentation rationnelle
Le Compagnon moujtahid n’est pas infaillible. Ses avis sont sujets à
l’erreur comme tout autre humain. Ainsi, les érudits parmi les Tâbi‘în
ne sont pas tenus à s’aligner sur leurs avis. L’avis du Compagnon ne
peut évincer l’Analogie, car il n’a même pas le statut du l’information
marfoû‘ (élevé).

L’attitude des Compagnons


Les Compagnons ratifiaient les efforts déployés par les Tâbi‘în, et ren-
voyaient à leur ijtihâd. Ceci prouve la légalité de l’ijtihâd et des Tâbi‘în,
même s’il était non conforme à celui des Compagnons (y).

Exemples
* Chourayh (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a divergé avec ‘Alî
(Qu’Allâh soit satisfait de lui), qui validait le témoignage du fils en
faveur du père, alors que Chourayh le rejetait.
* Masroûq a divergé avec Ibn ‘Abbâs (Qu’Allâh soit satisfait d’eux)
concernant l’expiation du vœu d’un homme à égorger son enfant.
Ibn ‘Abbâs a fixé l’expiation à 100 chameaux, et Masroûq à un
bélier, et il a dit : « Son fils n’est pas meilleur qu’Ismâ‘îl, qu’Allâh
(U) a racheté contre un bélier! » Ibn ‘Abbâs (Qu’Allâh soit satisfait

269
Les fondements du droit musulman

de lui) est revenu sur son avis et s’est aligné sur celui de Masroûq
(Qu’Allâh lui accorde miséricorde).
* Anas Ibn Mâlik (Qu’Allâh soit satisfait de lui) avait l’habitude de
renvoyer les gens à Al Hassan Al Basrî (Qu’Allâh lui accorde misé-
ricorde), pour répondre à leurs interrogations. Il disait aux gens :
« Interrogez notre maître Al Hassan !»
L’imâm Ach-Chawkânî a dit : « En vérité, l’Avis du Compagnon
n’est pas source d’argumentation : car Allâh (U) n’a envoyé pour
cette Oumma qu’un seul Prophète (r), et nous n’avons qu’un unique
Messager (infaillible), un seul Livre et toute la Oumma est appelée à
ne suivre que le Livre de Dieu et la Sounna du Messager. » (Réf : Ach-
Chawkânî : Irchâd al Fouhoûl, page 214).

Détails des avis des Imâms


Al Awzâ‘î ?
Il appuyait la Sounna par les avis des Compagnons et des transmis-
sions des honorables érudits de la deuxième génération (at-Tâbi‘oûn).
Il accordait de l’importance à l’œuvre des gens de Médine (‘amal ahl
al Madîna).

L’imâm Aboû Hanîfa ?


Nous avons mentionné qu’en l’absence de Texte (Coran ou Sounna),
Aboû Hanîfa affirmait qu’il recourait aux décisions des Compagnons.
Si les Compagnons divergeaient, il sélectionnait la position qu’il vou-
lait, mais jamais ne faisait passer l’opinion d’autres personnes sur celle
des Compagnons. Lorsqu’il s’agissait de la génération des Tâbi‘oûn, tels
qu’Ibrâhîm An-Nakha‘î, Ibn Sîrîn, Sa‘îd Ibn Al-Mousayyab et d’autres,
il exerçait l’ijtihâd tout comme ils le firent. Il ne suivait ni n’imitait
l’opinion d’un tâbi‘î comme c’était le cas avec les Compagnons. Il n’ac-
cordait pas la préférence aux avis d’autrui sur ceux des Compagnons
(y). Mais il choisissait à l’intérieur de l’Ijtihâd des Compagnons, à qui
il accordait l’avantage sur tout autre avis.

270
Les fondements du droit musulman

Il arrivait qu’Aboû Hanîfa diffère des Compagnons sur des sujets


où il y avait du champ pour l’opinion. Dans tout autre cas où il existait
une transmission assurée, il les suivait. C’est pour cette raison que, sui-
vant la position d’Anas et de ‘Outhmân Ibn Abî Al ‘Âs, il considérait
que la période des menstrues s’échelonnait de 3 à 10 jours maximum.
Il estimait que ce genre de cas relève de la transmission orale et non
de l’ijtihâd.
Bref, Aboû Hanîfa plaçait la position des Compagnons avant
l’Analogie et ceci est évident dans beaucoup de ses décisions. Plus
tard, certains Hanafites firent l’inverse. Aboû Hanîfa ne considérait
pas obligatoire de suivre les fatwas des Tâbi‘în.

Les Malikites
Al Mouwatta’ de l’imâm Mâlik renferme une multitude d’avis des
Compagnons.
Dans sa lettre adressée à Al-Layth Ibn Sa‘d en Egypte, l’imâm Mâlik
l’incite à ne pas formuler des avis s’opposant à ceux des Compagnons.
Il a même qualifié cette démarche comme une forme d’égarement, et
il se réfère à la sourate 9, verset 100 et à la sourate 39, verset 18 pour
appuyer ses avis. (Réf : M. al Qattân : Târîkh at-tachrî‘, pp : 348-349)
Vient ensuite, la cinquième source qui repose sur l’opinion expri-
mée par l’un des Compagnons du Prophète (r). Car l’interprétation
de celui-ci est plus valable que celle des autres imâms ou savants en
raison du fait qu’il est plus proche de l’ère du Prophète (r) et qu’il a
reçu ses connaissances de la bouche même de l’Envoyé d’Allâh (r), et
qu’il a reçu ses connaissances de la bouche même de l’Envoyé d’Allâh
(r). Ainsi, ses effets d’interprétation doivent, assurément, avoir plus de
rapports avec la vérité.
Après les pratiques des habitants de Médine, l’imâm Mâlik tient
compte de l’avis du Compagnon étant précisé que celle-ci ne s’en-
tendent pas des paroles exprimées d’habitude par le Compagnon
comme : « Telle chose fait partie de la Sounna » ou « Du temps de
l’Envoyé d’Allâh (r), on voyait telle ou telle chose », car cela entre dans

271
Les fondements du droit musulman

le cadre des paroles rapportées mot pour mot et non celui des pratiques
ou des opinions personnelles du compagnon.
Ibn Al Qayyim a dit : « L’imâm Mâlik accorde la priorité à l’avis des
Compagnons sur l’Analogie.» (Réf : A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 1, page 36)
Cette même information a été rapportée par Ibn Qoudâma le han-
balite. (Réf : Rawdat an-nâzir, page 162)
Pour l’imâm Mâlik, l’avis du Compagnon peut spécifier le général :
takhsîs al ‘âmm. (Réf : Rawadat an-nâzir, page 162)
L’avis du Compagnon ne peut atteindre le statut du hadîth marfoû‘,
que s’il résulte d’un raisonnement basé sur un Texte légal.
Ainsi, par exemple pour définir la prière médiane : as-salât al woustâ,
l’imâm Mâlik s’aligne sur l’avis de ‘Alî Ibn Abî Tâlib et d’Ibn ‘Abbâs
(Qu’Allâh soit satisfait d’eux), qui ont stipulé, qu’il s’agit de la prière
du Soubh. (Réf : Rawadat an-Nâzir, page 163)

L’imâm Achâ-Châfi‘î ? et Les Chafi‘îtes


Ils prennent en considération l’Avis du Compagnon et ce, lorsque
l’un des Compagnons du Prophète (r) a émis une opinion sur un sujet
particulier, et que l’on sait qu’aucun autre Compagnon ne s’est pas
opposé à lui à ce sujet. L’opinion d’un Compagnon est meilleure pour
nous que notre propre opinion, disent-ils.
Nous avons déjà mentionné qu’Ach-Châfi‘î plaçait les avis des
Compagnons au quatrième rang après le Livre, la Sounna et le consen-
sus, et avant l’analogie ; et qu’il acceptait l’avis d’un Compagnon s’il
n’était pas contesté, et choisissait parmi eux lorsqu’il y avait des avis
divergents. Ainsi, il acceptait les avis des Compagnons et les utilisait
pour en dériver des jugements. On pourrait penser qu’il faisait cela dans
le cadre de son ancienne école, et pas dans la nouvelle – mais ce n’est
pas ce que l’on trouve dans la Risâla égyptienne, rapporté par Ar-Rabî‘,
et dans al-Oumm, qui organise la nouvelle école. En fait, il fit la même
chose dans chacune des deux écoles, comme l’établit Ibn Al-Qayyim
dans I‘lâm al-Mouwaqqi‘în. Cependant, il apparaît qu’il ne considérait

272
Les fondements du droit musulman

pas que les avis des Tâbi’în (Compagnons des Compagnons) aient en
eux-mêmes valeur de preuve.

L’imâm Ahmad ?
I y a deux avis, qui nous sont rapportés d’après cet Imâm. Le premier
est semblable à celui de l’imâm Ach-Châfi‘î. L’autre est semblable à
celui des imâm Aboû Hanîfa et Mâlik.
Cependant, Ibn Al Qayyim dans Son I’lâm (T1/P30) ; il tranchait
que l’imâm Ahmad prenait en considération l’avis du Compagnon.
Il plaçait l’avis du Compagnon tout de suite après la Sounna dan son
argumentation. Il lui accordait la priorité sur le hadîth relâché (mour-
sal) et le hadîth faible (da‘îf).

Conclusion
Les Compagnons (y) jouissent d’un statut spécial. Cependant, de
nombreux savants ne considèrent pas leurs avis, comme étant une
source indépendante de la Loi. Donc, il y a des divergences quant à sa
prise en considération.
Ibn Al Hâjib a dit : « L’avis du Compagnon ne peut être utilisé
comme argument pour réfuter l’avis d’un autre Compagnon, ni pour
réfuter l’avis d’un autre érudit d’une autre génération. » (Réf : Ibn Al
Hâjib : Moukhtasar al Mountahâ, page 219).
Mais nous avons en contre partie, l’autre tendance qui est la plus
confirmée qui s’attache à l’Avis du Compagnon et en fait une référence
indiscutable.
L’imâm Ach-Châtibî a dit dans ses Mouwâfaqât : « Les
Prédécesseurs pieux (as-Salaf) et leurs Successeurs (al khalaf) éprou-
vaient de la crainte à diverger des avis des Compagnons (Qu’Allâh soit
satisfait d’eux). Ils font référence à leurs avis quand il y a divergences
entre leurs avis. Ils s’y référaient pour appuyer le leur. Selon eux, les
Compagnons sont une référence incontournable dans la Loi. Il est
obligatoire de les suivre, de se conformer et de s’aligner sur leurs avis. »
(Réf : Al Mouwâfaqât, tome 4 ; page 77)

273
Les fondements du droit musulman

L’USAGE
Al ‘Ourf

Introduction
En l’absence de Textes, il y a une zone de vide que l’on peut appeler
Zone de vide juridique, les savants sont unanimes que l’on peut recou-
rir, entre autres, à l’Usage ou la Coutume pour trouver des réponses
juridiques à des cas bien définis.
Quand on dit usage ou coutume, on vise par cela les pratiques et les
usages dont les gens se sont habitués dans leur vie, que ce soit un usage
verbal ou oral ou un usage de travail et d’action, général ou particulier.
Quand l’Islam est arrivé, il a soit confirmé les coutumes existantes
des Arabes, soit les a infirmé, soit enfin les a adapté à ses principes et
ses orientations. La Charî‘a a laissé beaucoup de choses à l’appréciation
de la coutume, sans les limiter catégoriquement, comme le dit le saint
Coran : ( A charge pour lui de pourvoir à la nourriture et à l’habillement
de la mère d’une manière convenable. ) (Ste 2/V.233)
* et aussi la Parole d’Allâh (U) : ( Les femmes divorcées ont droit à
une honnête indemnité d’entretien.) (Ste 2/V.241)
Dans ce cas précis, la coutume qui sert à déterminer la dépense pour
la femme et l’indemnité pour la divorcée.

Définitions
Définition littérale
Le terme ‘Ourf est un dérivé du terme ma‘rifa : la connaissance.

274
Les fondements du droit musulman

Il est utilisé aussi pour désigner la chose habituelle, qu’on apprécie,


que les raisons sensées acceptent sans grande difficulté.
Parmi les sens de ce terme, al ‘ourf ou al ma‘roûf : le convenable.
Allâh (U) dit : ( Khoudhi al ‘afwa wa’mour bil ‘ourfi wa a‘rid ‘ani al
jâhilîna : Fais-toi conciliant, ordonne le convenable et évite les igno-
rants.) (Ste 7/V.199)
Al ‘ourf : toute sorte de bien qu’an-nafs (saine) reconnaît et s’apaise
en sa présence. C’est à l’opposé du mounkar (le blâmable).
De point de vue langue, Al ‘Ourf se dit pour désigner une colline de
sable (l’élévation) ; le toupet où les cheveux prennent racine ; la crête
du coq et la crinière du cheval.
Ibn Fâris (linguiste) a dit : « Le sens de ce terme revient à l’idée de
la succession, de la fréquence d’une action suivie. »
Il y aussi le terme « al ‘Âdah », qui a un sens plus large que « al
‘Ourf », cependant les deux termes sont très voisins.
Les Juristes utilisent les deux termes pour désigner la Coutume ou
l’Usage.

Définition Conventionnelle
‘Abd Allâh Ibn Ahmad An-Nasafî (hanafite) a donné la définition
suivante du ‘Ourf : « L’usage (al ‘Ourf) et l’habitude (al ‘Âdah), c’est ce
qui est répandu et devenu notoire parmi les gens et qui l’ont accepté
comme un fait, car il a été agréé par les natures saines et s’est ancré dans
les âmes par l’appui de la raison. » (Réf : An-Nasafi : Al Moustasfâ)
Ibn ‘Âchoûr a dit : « Al ‘Ourf c’est ce que les gens ont pris l’habitude,
la plus part du temps, de faire ou de délaisser en parole ou en action. »
(Réf : Hâchiyat at-tawdîh wa at-tashîh, tome 1, page 248)
Az-Zarqâ’ a dit : « Al ‘Ourf est l’habitude, en parole ou en action,
de la grande majorité de gens au sein d’un groupe. » (Réf : Al Madkhal al
fiqhî al ‘Âmm. Tome 2, page 840)

275
Les fondements du droit musulman

Il s’agit donc d’une pratique collective, en acte ou en parole, suivie


par la plupart des gens ou par les habitants d’une région, d’un pays ou
par un corps de métier, comme l’usage entre commerçants.

Prise en considération du ‘ourf


Houjjiyatouhou
En Droit, la coutume est une règle issue de pratiques et d’usages com-
muns consacrés par le temps et qui constitue une source de droit à
condition de ne pas aller à l’encontre de la Loi (Ach-Charî‘a) et adopté
par tous sans distinction de classes.
Les Hanafites et les Malikites ont recours, en l’absence d’un Texte
légal. D’autres érudits l’ont déjà pris en considération, parmi les Tâbi‘în
et leurs successeurs : Qâdî Chourayh, Ibn Sîrîn, l’imâm At-Tabarî, Al
Boukhârî et bien d’autres savants de toutes les écoles.
- Ibn ‘Âbidîn (Hanafite) a dit :
Wal ‘ourfou fi ach-char‘i lahou i‘tibârou,
lidhâ ‘alayhi al houkmou youdârou.

Traduction :
Et l’usage, de point de vue légal, est considéré ;
Ainsi la sentence (al houkm) sur sa base est élaborée. »
- L’imâm Ibn al ‘Arabî (Malikite) a dit : « Al ‘Ourf est une source de
la Loi à laquelle on doit se référer dans l’énoncé des jugements. »
- Al Qarâfî (Malikite) affirme que les juristes sont unanimes que
l’Usage est une des sources de la pensée juridique de l’imâm Mâlik.
(Réf : At-Tanqîh, page 447)
- L’imâm As-Souyoûtî (Chafi‘îte) a dit : « La sentence qui est issue
du ‘Ourf, est confirmée par un argument légal. » (Réf : Al achbâh wa
an-nazâ’ir)

276
Les fondements du droit musulman

- Ibn Qoudâma (Hanbalite) a dit : « Allâh (U) a rendu licite la vente,


mais n’a pas explicité le comment, dès lors, on est tenu de se référer
à l’Usage.» (Réf : Al Moughnî, tome 6, page 8)
- L’auteur de Charh Moukhtasar Ar-Rawda (Hanbalite) a dit : « Nos
compagnons se référent à l’Usage des Gens dans tout ce qui ne
trouve pas délimitation et définition dans les Textes de la Loi. »
(Réf : Charh Moukhtasar Ar-Rawda, tome 3, page 212)
- Ibn Al Qayyim en fait source d’arbitrage et une référence à laquelle on
doit se référer (charî’atoun mouhakkamah). (Réf : I‘lâm al mouwaqqi‘în)
- Aboû Zahra dans son ouvrage ‘‘Ousoûl al Fiqh’’ a dit : « Ce qui
est confirmé par l’Usage est l’égal de ce qui est confirmé par les
Textes. »
Les Chafi‘îtes et les Hanbalites, bien que le recours au ‘Ourf est
fréquent et omniprésent dans leur Fiqh, ne jugent pas al ‘Ourf comme
une source indépendante de la règle de Droit.
L’Usage ne fait pas partie des Ousoûls (des sources).
Les Chafi‘îtes et les Hanbalites prennent en considération l’usage
pratique (al ‘Ourf al ‘amalî).
Ils acceptent al ‘Ourf comme argument pour confirmer ou pour
déduire des sentences, mais pas comme une source. La prise en compte
de l’Usage dans l’argumentation est justifiée par le Principe de l’intérêt
libéré ou indéterminé (al maslaha al moursalah).

Les arguments légaux


qui valident Al ‘Ourf
Le saint Coran
Allâh (U) dit : ( « Khoudhi al ‘afwa wa’mour bil ‘ourfi wa a‘rid ‘ani
al jâhilîna : Fais-toi conciliant, ordonne le convenable et évite les igno-
rants.) (Ste 7/V.199)

277
Les fondements du droit musulman

Dan ce verset, Allâh (U) appelle Son Prophète (r) à prendre en


considération les Usages des gens. Qu’ils ont adopté et valorisé confor-
mément à l’intérêt (al maslaha) et à la bonne moralité.
On a récence plusieurs versets qui font référence à l’Usage. On cite,
entre autres : Ste 2/V.231 et 236. Ste 4/V.19.

La Sounna
Les juristes ont vanté la coutume sur laquelle ils en ont fait source d’un
bon nombre de leurs sentences.
Pour confirmer son importance, ils se sont basés sur ce qui a été rap-
porté par Ibn Mas‘oûd (Qu’Allâh soit satisfait de lui), que le Prophète
(r) a dit : « Ce que les musulmans jugent bon, il l’est aussi auprès
d’Allâh. » (Rapporté par Ahmad, Al Bazzâr, At-Tabarânî et At-Tayâlousî)
Le Prophète (r) a dit : « Vous êtes envoyés pour faciliter et non
rendre [les choses] difficiles. » (Rapporté par At-Tirmidhi, d’après Aboû
Hourayra)
Parmi les arguments avancés par les Malikites, le hadîth de
Hind Fille de ‘Outba, épouse d’Aboû Soufyân. Elle s’était plainte au
Prophète (r) de l’attitude d’Aboû Soufyân, qui restreignait au maxi-
mum les dépenses familiales jusqu’à la laisser dans le besoin ainsi que
ses enfants. Le Prophète (r) lui dit : «… de prendre de ses biens,
sans sa permission, selon les usages, ce qui lui suffirait à elle et à ses
enfants (bil ma‘roûf). » (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)
Il lui a permis (r) de prendre comme nafaqa (pension alimen-
taire), ce qui est nécessaire, conformément aux usages (selon ce qui est
convenu…). Le hadîth est explicite quant à la prise en considération
du ‘Ourf.

Le Consensus (Al Ijmâ‘)


L’imâm Ach-Chawkânî a défini le Consensus comme suit : « L’accord
des érudits d’une génération de la Oumma de Mouhammad (r), après
sa mort, sur une question quelconque. » (Réf : Irchâd al Fouhoûl, page 71)

278
Les fondements du droit musulman

Puis, il a dit : « Le fait de dire : « Sur une question quelconque… » ;


Cela suppose une question légale ou rationnelle ou d’usage ou
linguistique. »

La Règle de la Levée de la Gêne


Allâh (U) dit aussi : ( C’est Lui Qui vous a promu à cet honneur, ne
vous astreignant à nulle gêne dans votre religion..) (Ste 22/V.78)
Parmi les règles établies dans la Loi, la règle de la levée de la gêne
(raf‘ al haraj). Ainsi, l’imâm Ach-Châtibî a dit : « La prise en compte
des usages et des coutumes des gens dans le Droit les libère d’un taklîf
insupportable. Le fait de les charger de l’insupportable et des difficul-
tés est non conforme à la Loi, Il n’est pas permis et ne peut avoir lieu. »
(Réf : Al Mouwâfaqât, tome 2, page 288)

La Prise en compte du Principe de l’Intérêt


La religion est venue pour faciliter la vie des gens. Allâh (U) dit : ( Allâh
entend vous mettre à votre aise et non vous imposer de contrainte.) (Ste
2/V.185)
L’érudit ‘Alî Al Khafîf a dit : « L’élaboration des sentences légales
sur la base du ‘Ourf valide est, en vérité, un recours au principe de la
maslaha et non pas à l’action des hommes. » (Réf : Asbâb ikhtilâf al fou-
qahâ’, page 255)
La préservation et la prise en compte de l’Usage, dans ce cas, est
comme la préservation de l’intérêt (al maslaha). En effet, c’est dans
l’intérêt des gens de conserver ce dont ils ont l’habitude, car il leur est
difficile de s’en défaire.
Aboû Zahra a dit : « Sans nul doute, la prise en compte du ‘Ourf qui
est correct est une forme de maslaha, qu’aucun érudit ne doit délaisser,
il doit le prendre en compte. » (Réf : Aboû Zahra, la vie de l’imâm Mâlik,
page 353)

279
Les fondements du droit musulman

Remarque :
Certains savants ont mis en cause al ‘Ourf, ils ont discuté l’argument
proposé par la Majorité et disent :
Le verset 199 de la sourate Al Baqara, proposé comme argument,
est mecquois et en cette période il n’y avait pas encore de sentences
légales, donc le verset met plutôt t l’accent sur l’importance des bonnes
vertus auxquelles il faudra faire appel dans les relations avec autrui.
L’Usage indiqué dans le verset, c’est l’Usage que la Loi de Dieu (U)
ratifie et juge bon. Donc, il ne s’agit pas d’un usage indépendant de la
Loi. Le fait que le Prophète (r) a informé que sa mission consiste à
modifier les mœurs de la Jâhiliyya, est une preuve explicite que l’Usage
n’est pas et ne peux pas être une source indépendante de la Loi de Dieu
(U).
Quant au hadîth d’Ibn Mas‘oûd (t), il est plutôt une citation du
Compagnon et l’imâm Az-Zayla‘î a affirmé trois voies pour cette cita-
tion, touts s’arrêtent au niveau d’Ibn Mas‘oûd (t).
Mais d’autres savants ont jugé ce hadîth marfoû‘, tout en confirmant
l’honorabilité et la fiabilité à tous ses transmetteurs.
Les opposants disent aussi, que dans le cas, où l’on accepte cette
information comme étant un hadîth du Prophète (r), on ne peut
affirmer qu’il vise l’Usage, mais plutôt le Consensus (al Ijmâ‘) des
Musulmans (al ‘Oulamâ’).

Conditions de la prise en
considération du ‘ourf
Pour que l’Usage soit pris en considération, il doit répondre aux condi-
tions suivantes :
- L’Usage (al ‘Ourf) n’est pris en compte qu’en cas d’inexistence de
Texte confirmé ou de Consensus sûr, ou s’il n’en résulte pas un
préjudice sûr ou probable. Les jugements basés sur l’Usage change

280
Les fondements du droit musulman

dans le temps et dans l’espace. (Réf : A. Khallâf, ‘Ilm Ousoûl Al Fiqh, p.


91)
- Il ne doit pas être opposé à un Texte de la Loi (Coran ou Sounna)
ou mettre en cause un fondement légal (asl) sur et certain. Car la
Loi est venue pour que les moukallaf s’y soumettent, et non pas
pour qu’elle soit soumise aux règles conventionnellement établies
par les gens selon leurs usages et coutumes.
- L’usage doit être fréquent, constant et permanent : il doit être
répandu, connu et les gens s’y référaient en permanence.
- Il doit être existant et bien établi au moment où l’on s’y réfère pout
apporter une réponse à telle ou telle mas’ala (problème juridique).
Il ne faut pas l’inventer. Il ne doit pas être circonstanciel.

L’importance de l’Usage
La Charî‘a a volontairement laissé beaucoup de questions à l’apprécia-
tion de l’Usage. Elle ne s’est pas prononcée à leur sujet d’une manière
catégorique pour que la Loi ne soit pas figée, vu l’évolution de la vie des
Hommes dans certains de ses aspects. Elle a laissé le soin à l’Usage cor-
recte (valide) pour qu’il détermine les sentences qui leur conviennent,
fixe les limites et les détails.
Ainsi, le Législateur (U) n’a pas défini la valeur de la pension due
à la femme divorcée. Allâh (U) dit : ( A charge pour lui de pourvoir à
la nourriture et à l’habillement de la mère d’une manière convenable. )
(Ste 2/V.233)
Le Législateur (U) dans ce cas, et dans bien d’autres, a émis une
sentence, mais ne l’a pas précisé : ceci prouve qu’Il a volontairement
laissé un vide juridique à l’Usage de le définir selon l’intérêt des gens.
(Réf : Ibn Qoudâma : Al Moughnî : tome 3, page 505)
Il est évident que l’érudit ou le juge ne peuvent négliger les bons
usages. Cette importance du ‘Ourf a motivé, par exemple, les change-
ments des avis de l’imâm Ach-Châfi‘î après son départ de l’Iraq pour

281
Les fondements du droit musulman

s’installer en Egypte. Ces changements sont dues à sa prise en consi-


dération des ‘Ourf et aux changements du lieu et des circonstances.
Le fait de se référer au ‘Ourf et de connaître les Usages des gens,
des régions et des métiers est jugé nécessaire et obligatoire pour tout
érudit, car cela fait partie de la connaissance du milieu et de la réalité
(fiqh al wâqi‘).
Al Hâfiz Al Khatîb Al Baghdâdî a dit : « L’érudit a besoin de
connaître toute chose se rapportant aux affaires de cette vie d’ici-bas
et de l’au-delà. Il doit connaître les opposés, le nuisible et l’utile, le
sérieux et ce qui fait partie des badinages Il a besoin de connaître les
coutumes et les usages répandus parmi les gens. » (Réf : Al faqîh wal
moutafaqqih, tome 2, page 158)
Parmi les règles célèbres du Droit : « L’Usage sert dans les juge-
ments », et aussi : « La désignation (d’une sentence) par al ‘Ourf est
comme la désignation par le Texte », ou « Ce qui est interdit par al
‘Ourf, ressemble à l’interdit en réalité ».
Leur principe est que, ‘ce qui est confirmé par un usage valide, est
considéré comme confirmé par un Texte légal. (Réf : As-Sarkhasî le hana-
fite : Al Mabsoût.)

Les différentes sortes de ‘ourf


Il y a plusieurs subdivisions du ‘Ourf. Ainsi, il est subdivisé par rapport
à sa validité, par rapport à son étendu et par rapport à son sujet

I : L’Usage par rapport à sa validité


Il se subdivise en deux sortes : Usage correcte, valide et Usage incor-
recte, invalide.

282
Les fondements du droit musulman

1 : L’Usage correct ou valide


Cet Usage, s’il ne s’oppose pas à la Loi de Dieu (U), et ne représente
pas une source de nuisance (n’engendre pas un mal et ne met pas en
cause un intérêt (maslaha).

2 : L’Usage incorrect ou invalide


C’est tout usage qui s’oppose à des Sentences légales émises par les
Textes. Ce genre d’Usage, même s’il est adopté par une majorité, n’est
pas pris en considération et il n’a pas force de loi.
Ainsi l’Usage qui met en cause les Textes de la Loi rendant l’illicite
licite ou annulant les obligations on substituant des sentences légales
par d’autres au nom de l’évolution des mœurs ou servant à propager des
turpitudes dans la vie des gens ou des innovations (al bida‘), ce genre
d’usage est rejeté.

II : L’Usage par rapport à son étendu.


Il se divise en :

1 : Usage Général :
C’est ce que tous les gens, partout, et sans exception, ont adopté sans
distinction. Il peut être un usage verbal ou pratique. Il est adopté par
la grande majorité absolue des gens, d’un pays.

2 : Usage particulier
Cet Usage concerne des us et coutumes sujets d’accord entre les habi-
tants d’une ville ou d’un village, d’une région, d’une religion, d’un corps
de métier : les commerçants ou les agriculteurs ou les éleveurs…

III : L’Usage par rapport à son sujet


1 : Usage Oral ou verbal (‘Ourf Qawlî)
C’est l’accord conventionnel entre les gens, que tel terme a une signi-
fication bien déterminé chez eux, même si elle n’est pas conforme à

283
Les fondements du droit musulman

la langue. Chaque fois que ce terme est prononcé dans l’absolu sans
précision, il renvoie vers le sens préétabli par l’Usage courant.

Exemples
- Le terme « walad » : dans la langue arabe, indique aussi bien l’enfant
qu’il soit garçon ou fille. Dans l’Usage, il désigne plus particulière-
ment le garçon.
- Le poisson n’est pas de la viande (al-lahm), alors que dans la langue
arabe on intègre le poisson dans la catégorie des viandes. Dans
l’usage « al-lahm » est autre que poisson.
- « Darâhim » : désigne toute sorte de monnaie. De point de vue
langue, le dirham est une pièce de monnaie en argent ayant des
caractéristiques bien précises.
- Dans cet Usage oral on inclut aussi les mots ou termes que les
gens ont institué par usage dans le domaine des transactions, de la
formulation des contrats et des ratifications.
Les termes concernant les donations (al hibât), les dons pieux (al
waqf), les serments (al qasam), les vœux (an-noudhoûr), les termes uti-
lisés pour énoncer un divorce…

Remarque
En plus de l’Usage verbal, qui est la conséquence de l’accord conven-
tionnel entre les gens, il y a un Usage verba légal (‘Ourf loughawi char‘î).
Il s’agit de termes à qui le Législateur (U) a conféré un sens autre que
le sens littéral. Tels que les termes : as-salâh ; al qadhf ; az-zakâh….

Démonstration
Le terme : As-salâh :
L’imâm An-Nawawî (?) a dit : « As-salâh », du point de vue de la
langue, signifie l’invocation ad-dou‘â’. Et la prière légale a été appelée
salâh, parce qu’elle contient du dou‘â’. Cet avis est celui de la majorité
des linguistes. » (Réf : Al Majmoû‘. Tome 3, page 3.)

284
Les fondements du droit musulman

Selon la terminologie légale, la prière est un acte de dévotion spéci-


fique : ‘ibâda makhsoûsah. Les Malikites ajoutent : une adoration pra-
tique : ‘ibâda fi‘liyyah, composée de prosternations et d’inclinaisons et
d’un ensemble de paroles et d’actes spécifiques fixés par le Législateur
(U).

2 : L’Usage Pratique (Al ‘Ourf al ‘amalî)


Il s’agit de ce que les gens ont institué par habitude dans leurs diffé-
rentes relations et transactions sans recourir à un langage spécifique. Il
s’agit d’un usage actif.

Exemples
- Vendre et acheter sans prononcer la formule de « at-taradî » (l’ac-
ceptation), mais c’est l’acte qui détermine qu’il y a eu acceptation
de part et d’autre du contrat et de l’accord.
- Le fait de différer une partie du mahr (la dot). Le versement se fera
en deux parties. L’Usage accepte le principe qu’une partie de la dot
soit différée.
C’est l’Usage qui fixe la valeur de la nafaqa due à une femme à la
suite d’un divorce.
On inclut dans cette catégorie, l’usage vestimentaire et alimentaire.
Les relations civiles. Les mimiques et les attitudes (la retenue et son
expression).
Le mode de paiement des salaires lorsqu’il n’est pas défini et lais-
ser sa fixation à l’usage. La procédure de paiement d’une commande
(acompte ou différé)…

285
Les fondements du droit musulman

Règles et sentences déduites sur


base du ‘Ourf et de son évolution
- Chez les Malikites, en cas de litige, entre époux, lors de la séparation
des biens, l’imâm Mâlik accorde à l’épouse tout ce qui est d’usage
utilisé par les femmes, et à l’époux tout ce qui est d’usage utilisé par
les hommes.
- En cas de différend entre les époux, après la consommation du
mariage, au sujet du versement de la dot, pour l’imâm Mâlik c’est la
parole de l’homme qui est retenue. Mais à cause des changements
des habitudes, le qâdî Ismâ‘îl, (le malikite), a commenté l’avis de
son Imâm en disant : « C’était l’Usage à Médine, le mariage ne
pouvait être consommé qu’après le versement de la totalité de la
dot. Ainsi si la femme reniait son versement, c’était la parole de
l’homme qui était retenue. Mais aujourd’hui les habitudes, (le ver-
sement de la dot qui n’est plus liée à la consommation), ont changé,
la priorité est accordée, dès lors, à la femme, mais avec un serment
à l’appui. » (Réf : Aboû Zahra : Mâlik Ibn Anas, page 452)
- Les juristes font appel au ‘Ourf dans la fixation des locations (al
îjâr) ; l’acceptation d’un certain nombre de contrats : le prix du
hammâm (bain public) : On se réfère à l’Usage pour déterminer
la durée du hayd (les menstrues), la durée des lochies (an-nifâs) ;
la définition de la dot similaire (mahr al mithl) ; le prix similaire
(thaman al mithl), en cas de détérioration d’un bien dont est garant ;
la définition de l’équivalence (al kafâ’a) dans le mariage.
- Les Hanafites postérieurs ont divergé avec l’imâm Aboû Hanîfa
et ses Deux Compagnons (Aboû Yoûsouf et Ach-Chaybânî) en
plusieurs questions. En se référant à l’Usage et en prenant en consi-
dération son changement par rapport aux époques : ils ont permis
le salaire sur la récitation ou l’apprentissage du saint Coran ; le
salaire pour al adhân et pour l’imâmat de la prière.

286
Les fondements du droit musulman

Ils ont exigé, contrairement à Aboû Hanîfa, qu’en plus de l’honora-


bilité apparente reconnue publiquement, on doit tester de l’honorabi-
lité des témoins, quelque soit le sujet, pénal ou autre.
- Ibn Noujaym (hanafite) a ratifié sur base du ‘Ourf, l’acceptation du
principe du fond de commerce (al khoulouw) établi par les com-
merçants du Caire, qui considéraient qu’il y a eu une valeur ajoutée
à la boutique et qui est acquise par le travail du locataire du lieu, est
de fait et il est valide et justifié.

Différence entre la Coutume


(al ‘âdah) et l’Usage (al ‘ourf)
Beaucoup de Ahl Al Ousoûl ne font pas de distinction entre la cou-
tume (al ‘âdah) et l’Usage (al ‘Ourf). Ils les ont considérés comme deux
termes synonymes.
Ibn ‘Âbidîn (hanafite) a dit, dans ses épîtres : « Al ‘âdah et al ‘Ourf
ont le même sens. » (Tome 2, page 114)
Certains savants ont réservé le terme al‘âdah, pour l’usage pratique
(al ‘ourf al ‘amalî) et le terme ‘Ourf pour l’usage verbal (al ‘ourf al qawlî).
D’autres ont considéré la Coutume plus générale que l’Usage, dans
le sens que la Coutume s’utilise par le groupe et l’individu. Donc,
selon cet avis : « Tout Usage est une Coutume, mais toute Coutume
n’est pas forcément un Usage : Koullou ‘Ourfin ‘âdah wa laysat koullou
‘âdatin ‘ourfan. »

Différence entre l’Usage et


le Consensus (al ijmâ‘)
- L’Usage est issu de l’accord de la masse des gens (élite et peuple
confondus). Et il inclut l’Usage oral et l’Usage pratique.

287
Les fondements du droit musulman

- Le Consensus est l’affaire des érudits de la Oumma, et il a pour sujet


les règles légales.
- L’Usage est l’accord de la Majorité des gens, et il est établi même si
certains ne s’y adonnent pas ou s’y oppose.
- Le Consensus nécessite l’unanimité et ne peut exister sans l’accord
de tous les érudits.
- Le Consensus engendre une règle de Droit de la même importance
que les règles issues des Textes qu’on ne peut abroger.
- L’Usage change en fonction des époques, des lieux, des individus et
des circonstances.

288
Les fondements du droit musulman

LA FERMETURE DES VOIES


MENANT A L’INTERDIT OU LE
PRINCIPE DE PRÉCAUTION
Sadd Adh-Dharâ’i‘

Définitions
Définition littérale
Sadd Adh-dhrâ’i‘ : terme composé
Composé du mot sadd : fermeture de la faille, le fait de boucher le
la brèche, la fente. (Réf : Ibn Manzoûr : Lisân al ‘Arab. Article : sadada).
En langue arabe, le terme dharî‘a, pluriel est dharâ’i‘, indique l’idée
de ‘al imtidâd’ et ‘al harakah’ : de l’extension, l’allongement, et le mou-
vement vers l’avant.
Tous les sens dérivés reviennent à ce sens originel.
Ainsi, le terme dhirâ‘ : bras (coudée), désigne le membre qui se situe
entre le coude et les extrémités des doigts du milieu de la main. Adh-
dhirâ‘ a été appelé ainsi, car il y a une extension vers l’avant et lorsqu’il
bouge, il tend toujours vers l’avant.
- Quant au terme dhar‘, Al Jawharî (linguiste) a dit : il est à rattacher
au sens de ‘al bast’ : l’extension et l’allongement.
- Le terme dharî‘a a été utilisé dans la langue pour exprimer le sens
du terme ‘sabab’ : la cause et le moyen.
- Le terme sabab a le sens de : corde (al habl), la voie (at-tarîq), et
est utilisé pour désigner tout ce qui peut être un moyen menant à
quelque chose.

289
Les fondements du droit musulman

- Le terme dharî‘a a été utilisé aussi dans el sens de wasîla : ce qui


permet de parvenir à quelque chose, c’est pour cette raison qu’on
désigne en rabe : ach-chafî‘ : l’intercesseur par le mot : adh-dharî‘.
On dit : dhara‘tou li foulân ‘inda al amîr : j’ai intercédé en faveur
d’Untel auprès de l’émir, alors je suis dharî‘ : intercesseur (chafî‘).
- J’ai utilisé une dharî‘a : une protection qu’utilisait le chasseur pour
se cacher avant de tirer sur le gibier. Et ce terme désignait aussi
la chamelle derrière laquelle se cachait le chasseur. Il s’agit d’une
darî‘a = une cache.
- On dit en arabe : un cheval : dharî‘ : rapide.
Dhara‘a ar-rajoulou : l’homme s’est pressé dans sa marche en bou-
geant ses bras pour avancer plus vite.
- On dit : une femme dharâ‘oun et dhâri‘oun : une excellente fileuse
de laine, ayant une rapidité dans les mains. (Réf : Az-Zamakhcharî)
Donc, de ce qui précède, on peut dire que le terme dharî‘a, désigne
toute chose matérielle ou d’ordre morale ou une personne ou un animal
ou un objet ou un état ou un moyen. Ainsi, la vie en soi n’était-elle pas
faite d’une succession et de séries de dharâ‘i‘.
- De même, quand on parle de dharâ’i‘, il y a l’idée de mouvement,
de transition, d’extension, de rapprochement et de déplacement
rapide. Ceci suggère l’existence d’un autre vers lequel le mouve-
ment s’effectue et la transition a lieu.
La chose qui rapproche et facilite l’accès à une chose.
Ainsi, on ne peut parler de dharî‘a qu’en l’existence de :
- Une chose quelconque : action, objet, état….
- Un mouvement (vers l’avant), un déplacement, une transition et un
passage.
- Une chose autre que la première, et qui est visée par ce mouvement
et ce passage : la destination. La chose qui est la cible de cette
action première.

290
Les fondements du droit musulman

Adh-darî‘a le chemin, la voie et le moyen qui mène à quelque chose,


qu’il s’agit de quelque chose de bon ou de mauvais, d’ordre matériel,
moral ou autre.

Définition Juridique
Al Qarâfî a dit : « Nous interdisons tout acte permis en soi, qui peut
mener vers une nuisance ou à une désobéissance. Ceci est la tendance
de l’imâm Mâlik. » (Réf : At-Tanqîh, page 448)
Ibn Al Qayyim : « Il s’agit de tout ce qui sert de moyen et de voie
pour parvenir à quelque chose. Quand on dit : « chose », on ne vise
pas quelque chose de générale dans l’absolu. Ce que l’on comprend du
contexte du discours indique, c’est qu’il s’agit de dharî‘a en matière de
règles légales (al ahkâm ach-char‘iyya), visant des actes d’obéissance ou
de désobéissance. » (Réf : A‘lâm, tome 3, page 147)
Ibn Al ‘Arabî : « Toute action apparemment permise, utilisée pour
parvenir à ce qui est défendu par la Loi. »
Ibn Al Qayyim : « Compte tenu qu’on ne parvient à réaliser nos
objectifs que par des motifs et des moyens qui nous y mènent, ces
motifs et ces moyens sont étroitement dépendants des objectifs et
subissent le même traitement. L’aversion pour les moyens menant à
l’interdit et aux péchés et leur interdiction se mesurent d’après le degré
de réalisation de ces objectifs et tous deux sont intentionnels. Il y a
l’interdiction propre à l’objectif et celle également des moyens. »
Adh-Dharî‘a pourrait avoir un sens plus général, mais toujours cerné
par le contexte et les indices,. Il peut signifier le moyen en vue d’une
chose licite ou illicite. Si l’expédiant mène au licite, alors il est permis,
s’il est mène à l’illicite, alors il est interdit. »
Donc, one peut déduire de ces définitions que Sadd adh-dharâ’i‘
consiste à fermer et à condamner les voies d’accès ; fermeture des
voies qui peuvent conduire au mal. Ecarter le préjudice. Empêchement
d’utiliser un moyen légal en vue d’atteindre un objectif prohibé.
Eviter les causes. Quand un acte licite peut avoir des conséquences
illicites, on doit s’en abstenir.

291
Les fondements du droit musulman

Il s’agit d’un Principe qui prévoit que les moyens sont considérés
comme justiciables lorsqu’ils aboutissent à la réalisation d’une bonne
action. Au contraire, s’ils ont pour résultat un dommage ou un mal, ils
doivent être reconnus comme non justiciables.
Selon l’imâm Ach-Châtîbî, le principe des dharâ’i‘, est une règle
globale (qâ‘idah koulliyya), une source sure et certaine en soi, qui se base
sur le principe d’empêcher les moukallaf de s’adonner à un permis pour
ne pas parvenir à commetre un interdit. »
Il s’agit d’une règle globale déduite par le procédé d’al istiqrâ’
(l’induction), il en résulte une loi cadre, conforme au sens établi par
l’induction.
Selon Al Qarâfî c’est une méthode (manhaj) référant en matière de
mise en pratique des règles légales en général, et non pas une méthode
à laquelle on recourt dans la conception et dans la théorie du Droit. Il
dit : « C’est ce qui déduit par induction du sens général des Textes par
une formulation générale. »

Prise en considération des Dharâ’i‘


Al Houjjiyatou

I : Les supportres des dharâ’i‘ et leurs arguments


L’Imâm Al Qarâfî a dit : « Nous, les Malikites, avons pris en considé-
ration la confirmation et l’ouverture (Fath) ou la fermeture (Sadd) des
voies et des moyens (adh-dhrâ’i‘). Alors que Ach-Châfi‘î l’avait rejeté.
Cependant, cette source n’est pas propre à Mâlik, beaucoup d’autres
s’y sont référés, même que le principe de fermeture (as-sadd) est sujet
d’unanimité. »
L’imâm Al Qarâfî poursuit : « Puisque le moyen menant à l’Interdit
est interdit, de même le moyen qui mène à l’obligatoire, est obligatoire.
Adh-darâ’i‘ peuvent avoir aussi le statut de la répréhension (al karâha)

292
Les fondements du droit musulman

et de la recommandation (an-nadbiyya).» (Réf : Al Fouroûq, tome 2, page


33)
Selon l’imâm Al Bâjî (Malikite) : « Adh-dharî‘a désigne toute chose
qui, en apparence, semble indiquer un permis et sert à commettre l’in-
terdit. »(Réf : Al Bâjî : Al Ichârât, page 113)
L’imâm Ahmad a en fait une des sources de la règle de Droit,
comme l’imâm Mâlik. C’est l’avis de l’école hanbalite.
Ibn Taymiyya a dit : « Adh-dharî’a‘ c’est tout ce qui sert de moyen
et de voie pour parvenir à quelque chose. Puis ensuite, ce terme est
devenu, selon la terminologie des juristes, propre à tout ce qui mener
à l’interdit. » (Réf : Al Fatâwâ al koubrâ, tome 3, page 139)
Ibn Al Qayyim a dit : « Certes, Sadd adh-dharâ’i‘ est le quart de la
Religion.» (Réf : A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 3, page 171)
Il a dit aussi : «…Les moyens menant aux interdits ont le même
statut que l’interdit. Les Moyens sont étroitement liés à leurs finalités.
Le fait de les avoir repoussés ou interdits, c’est parce qu’ils mènent
forcément à leurs finalités. Ainsi, les moyens qui donnent accès aux
obéissances sont aussi désirés et recherchés que les actes d’obéissance
et de dévotion en soi.
Si le Seigneur (U) interdit quelque chose et qu’il existe des moyens
qui y mènent, Il interdit aussi ces moyens pour confirmer et consolider
l’interdiction. Il a défendu (U) de s’approcher de ce qu’Il a considéré
Son Domaine privé (Himâ Allâh : Mahârimouhou). S’il s’était tu et
laissé libre accès aux moyens menant aux Interdits, ce sera une pure
contradiction de Sa Part, alors qu’Il est (U) Le Savant par excellence
et L’Infiniment Sage, et les conséquences attendues ne seront pas les
mêmes !
Ainsi, quand un médecin prend soin d’un malade pour une la mala-
die ne nuise pas au patient, il lui interdit de consommer tout produit
nuisible qui risquerait de favoriser la progression de la maladie ou le
retard de la guérison. Si telle est la politique du médecin, que doit-on
dire, dès lors, du Seigneur des Mondes, L’Omniscient dont la Loi se
situe au plus haut degré de la perfection et de la sagesse.

293
Les fondements du droit musulman

Celui qui consulte avec attention les Sources de la Loi (Coran et


Sounna) saura, très certainement, que Dieu (U) et Son Messager (r)
ont annulé les moyens (adh-dhrâ’i‘) qui mènent vers les interdits. »
(Réf : A‘lâm al mouwaqqi‘în, tome 3, page 135)
Ibn al Qayyim déclare dans son « I‘lâm » : « Lorsqu’un objet ne
peut être atteint, sans un moyen donné, ce moyen devient partie inté-
grante de cet objet et est traité comme l’objectif lui même ».

Arguments de cette tendance


Le saint Coran
Ils se référent, entre autres, à la Parole d’Allâh (U) : ( N’insultez pas,
Croyants, ceux qui invoquent, en dehors d’Allâh, de pseudo-divinités.
En insensés qu’ils sont, ils pourraient, par dépit, insulter Dieu. ) (Ste
6/V.108)
Le fait d’éviter à ce que l’on insulte Allâh (U) est plus important
que le fait d’insulter les fausses divinités. L’intérêt qui en résulte est
plus grand. Allâh (U) a ordonné de ne pas les insulter pour fermer
devant les mécréants la voie (adh-dharî‘a) de L’insulter (U).
Allâh (U) dit aussi : ( Ô les Croyants ! N’usez plus du terme « râ‘inâ »,
employez plutôt celui « ounzournâ ». Soyez attentifs aux Ordres de Dieu.
Un châtiment douloureux sera réservé aux mécréants. ) (Ste 2/V.104)
Allâh (U) défend aux croyants d’utiliser le terme « râ‘inâ », qui
signifie : accorde-nous ton l’attention et sois à notre écoute. Ce terme
était dans le langage juif de l’époque, une insulte, qui signifiait : écoutes !
Que tu perdes ton ouïe ! »
Alors lorsque les Musulmans ont usé de ce terme, ils l’ont trouvé
comme une occasion pour dénigrer l’Envoyé de Dieu (r). Allâh (U)
ordonna aux Croyants d’utiliser un autre terme, pour fermer la voie
devant eux et cessent d’insulter Son Messager (r). (Réf : Al Qourtoubî,
Tafsîr, tome 2, page 293)
On peut se référer aussi aux Ste 7/V.163 et Ste 24/V.31.

294
Les fondements du droit musulman

La Sounna
Les hadîth qui défendent d’insulter les parents d’autrui au risque
qu’ils n’insultent en retour ses propres parents. (Rapporté par Al Boukhârî
et Mouslim)
Le Législateur (r) a interdit que l’on demande la main d’une
femme durant sa période de viduité, pour fermer la voie au risque de
la consommation durant la période de viduité. (al ‘idda).
Le Prophète (r) a défendu que l’on combine un contrat de vente
avec un emprunt, pour fermer la voie au ribâ (l’Usure).
Il a (r) interdit la tête à tête (al khoulwa) avec une femme étrangère,
pour fermer la voie devant la fornication.
Les savants qui ont pris en considération adh-dharâ’i‘, soit en les
fermant ou en prônant l’obligation de les ouvrir en cas d’obligation,
ont analysé les conséquences des actes et dont on cherche par leur
biais de s’adonner à un interdit. A l’exemple de celui qui épouse une
femme divorcée à trois reprises, (sans consommation), dans le but de
la rendre licite à son ex époux. Celui qui agit avec cette intention,
cherche, en vérité, à détruire et à mettre en cause la Loi de Dieu (U)
et Ses Commandements, Son action est rejetée et considéré nulle.

II : Les opposants et leurs arguments


Aboû Hanîfa, Ach-Châfi‘î ont rejeté le Principe de précaution comme
étant une source indépendante de Ousoûl al Fiqh, mais ils l’ont pris
en considération dans certaines cas et l’ont remis en question dans
d’autres. Quant à Ibn Hazm et les Zahirites, ils ne le considèrent pas
du tout dans leur argumentation juridique, ni dans la déduction des
règles légales. Il s’agit, selon lui, d’une forme d’ijtihâd basé sur l’opinion
qui est refusée.
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit, dan son ‘Oumm’ : « Les moyens ne sont
pas interdits (lâ toumna‘ou) ! »
Ainsi, les Hanafites et les Chafi‘îtes, malgré leur rejet de ce principe,
ils s’accordent avec les imâm Malik et Ahmad à prendre en consi-

295
Les fondements du droit musulman

dération adh-dhrâ’i‘ qui mènent vers le Bien, ainsi que ceux qui sont
probants (zanniyya), qui mènent vers la nuisance ; mais la moindre
supposition n’annule pas.
Les dharâ’i‘ qui mènent d’une manière sure et certaine vers l’inter-
dit, sont défendus.
Si nous résumons la position de cette tendance :
Wasîla (dharî‘a)  une maslaha (intérêt)  Permise.
Wasîla (dharî‘a) zanniyya (probante)  mafsada (nuisance ou
dommage)  n’est pas défendue.
Wasîla (Dharî‘a)  nuisance défendue.
Wasîla  engendrera peut être une nuisance = sujet de divergence.
Argument :
Allâh (U) dit : ( Certes, la conjecture ne saurait tenir lieu de vérité. )
(Ste 53 /V.28)
C’est-à-dire : le probant ne saurait se substituer à ce qui est sûr et
certain.

Les différentes sortes de Dharâ’i‘


Les juristes distinguent trois degrés de fréquence : imminent, fréquent
et rare.

1 : Imminent
Moyen ou voie qui mène très certainement à la nuisance. Il est défendu
sans nul doute. Cependant, il arrive que le mal engendré est du à un
acte légalement admis par principe. A savoir il en résulte, en général,
plus de bien que de mal.

296
Les fondements du droit musulman

Exemple :
Le fait de creuser un puits sur le chemin des gens  acte admis, mais
s’il mène vers une nuisance, car il empêche le passage des gens ou le
risque d’y tomber  il devient interdit.

2 : Fréquent
Telle que la vente du raisin à une personne pour en faire du vin
doit être prohibée. Dans ce cas, le risque d’issue fâcheuses est « kathîr
» (fréquent) et doit être évité.

3 : Rare
Exemple d’occurrence rare (nâdir) : la culture de vigne, bien qu’elle
sert à fabriquer l’alcool, sa plantation n’est pas interdite, car elle pré-
sente de nombreux avantages qui éclipsent le faible risque de dégats.
Lors de la vente, on se demande si l’acheteur en fera un usage interdit
ou autre. L’imâm Ach-Châfi‘î. Il s’agit de supposition probante.
La troisième catégorie est centrée sur l’intention de la personne
plutôt que sur le résultat possible. En raison de l’importance de
l’intention.
Les quatre écoles divergent quant à leurs recours au « sadd adh-dha-
ri‘a » : les Hanbalites et les Malikites s’en réclament le plus fréquem-
ment. La raison en est la différence de leur méthodologie pour établir
l’intention d’une personne.

Le Principe de l’ouverture des Dharâ’i‘


L’imâm Al Qarâfî a dit : « Saches que le moyen, (adh-dharî‘a) comme
il est obligatoire de le barrer, il arrive qu’il faut l’ouvrir (le permettre),
de même il peut être répréhensible, permis ou recommandé. Ainsi la
fornication est interdite  le regard qui mène à la fornication est
interdit. »

297
Les fondements du droit musulman

Sadd Adh-dhrâ’i‘ et les Écoles de Droit


Ce principe offre une faculté importante de faire un usage libre des
dispositions de la loi de façon à les rendre plus souples et plus pra-
tiques. Parmi les exemples les plus justiciables, il y a celui de donner
une rançon à l’ennemi pour la libération des prisonniers. Le versement
de cette rançon est interdit ; mais s’il aboutit à faire libérer des prison-
niers musulmans, il doit être considéré comme toléré et autorisé.

Autres Exemples :
L’interdiction de la vente de raisin à celui dont on sait qu’il va le trans-
former en vin : interdiction à la femme de travailler en dépit du profit
qu’elle en tirerait, si son travail l’amène à se mêler aux hommes ou
à s’isoler avec eux. Le préjudice prédominé n’est pas pris en consi-
dération. Ce sont les préjudices autorisés ou obligatoires comportant
un avantage prédominant telles : l’autorisation d’amputer un membre
malade pour sauvegarder la vie de la personne légalement responsable :
l’autorisation de mentir pour réconcilier des personnes qui se sont dis-
putées. Dans pareils cas on choisit le préjudice le moins grave pour
écarter le pire. Sa fonction est pratiquement d’empêcher l’usage des
moyens légaux pour parvenir à des fins illégaux.
- Ach-Châfi‘î n’accordait aucune part d’héritage à la femme divorcée
au cours de la dernière maladie de son époux. Il dit qu’il n’y a aucune
preuve de ce que le mari l’ait répudiée simplement pour l’empê-
cher d’hériter. Pour les autres, ils considèrent les circonstances pour
établir la preuve. Le fait que le mari ait déclaré la répudiation au
cours de sa dernière maladie est une indication de ce qu’il désirerait
ce faisant empêcher sa femme d’hériter, cette intention injuste est
annulée en accordant à cette dernière sa part de l’héritage en dépit
du divorce.
- L’imâm Mâlik dans l’avis notoire de l’école, invalide le mariage qui
a eu lieu durant la maladie de l’époux dont le décès est imminent.
L’avis de l’imâm Mâlik se fonde sur le principe de précaution et la

298
Les fondements du droit musulman

fermeture des voies : il y a le risque, que le malade cherchait à nuire


aux héritiers légaux en leur imposant un nouveau bénéficiaire.
La Majorité valide le mariage, car il répond à toutes les condi-
tions légales. Ach-Châfi‘î s’est référé ici à l’une des sources de son
Droit, qu’est l’Avis du Compagnon (Qawl As-Sahâbî). Il a rapporté que
Mou‘âdh (t) avait dit, lors de sa dernière maladie : « Mariez-moi ! Je
ne veux pas rencontrer Dieu (U) célibataire ! »
- Concernant la recevabilité du témoignage : L’imâm Mâlik et l’imâm
Ahmad, ne valident pas, par sadd adh-dharâ’i‘, le témoignage des
époux, l’un en faveur de l’autre, ni le témoignage des enfants en
faveur de leurs parents, ni celui des parents en faveur de leurs
enfants. Il y a le risque de complaisance.
Ath-Thawrî et Ibn Abî Laylâ n’ont pas partagé cet avis, et ils ont
validé ces témoignages.

- Concernant les sentences du Juge savant :


Mâlik et Ahmad ne lui accordent pas le droit de se référer à sa science,
mais de se baser, dans sa procédure, sur les preuves et les aveux. Car
il y a le risque d’être accusé d’injustice et d’impartialité. Cet avis n’est
pas partagé par Ach-Châfi‘î et d’autres qui accordent au juge ce droit.

Conclusion
Ce concept est basé sur la tendance de la Charî‘a à prévenir le mal (dar’
al mafâsid) et à favoriser ce qui est bénéfique et utile (jalb al masâlih).
Le Principe de précaution est un prolongement de la maslaha al
moursalah. Elle constitue l’une des sources du madhhab Mâlikite et des
Hanbalites.
Elle signifie que lorsqu’on est en face d’un cas où s’opposent un
avantage et un préjudice, de telle façon que si l’on veille à chercher
l’avantage, le préjudice se concrétise et si l’on veille à écarter le pré-
judice lorsqu’on fait quelque chose ou qu’on y renonce. C’est que les
préjudices sont prompts à se répandre et que leurs effets se propagent
rapidement dans la société.

299
Les fondements du droit musulman

C’est prévenir le mal et le dommage.


Ce Principe est une des sources du Droit malikite et hanbalite par
excellence, et pour d’autres, elle est une preuve de la règle de Droit
déduite, ou plutôt c’est une règle de base sur laquelle on s’appuie pour
justifier une règle légale.

300
Les fondements du droit musulman

LES LÉGISLATIONS
ANTÉRIEURES
Char‘ou Man Kâna Qablanâ

Introduction
Ce sujet montre la relation étroite qui lie l’Islam aux messages divins
antérieurs.
Allâh (U) dit : ( Nous t’avons fait une révélation comme Nous
f îmes à Noé et aux Prophètes après lui. Et Nous avons fait révélation à
Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, à Jésus, à Job, à Jonas,
à Aaron et à Salomon, et Nous avons donné le Zabour à David. ) (Ste
4/V.163)
Le Message de l’Islam est le dernier message adressé par Allâh (U)
à l’humanité entière, le saint Coran et la Sounna ont rapporté les récits
des Prophètes précédents (Paix sur eux), mais aussi, ils ont évoqué des
aspects des lois antérieures.
Vu l’unité des messages divins et leur origine commune, est-ce que
les Musulmans sont-ils tenus de les prendre en considération dans leur
législation et de s’y référer ?
De point de vue méthodologique, nous sommes appeler à répondre
à deux autres questions, si l’on veut trouver réponse à notre problème :
1 : Est-ce que le Prophète (r) était-il appelé, avant sa mission, à
suivre une loi antérieure lors de sa quête et dans ses dévotions ?
Car s’il s’avère, qu’il était chargé de suivre une quelconque loi, et que
celle-ci n’a pas été abrogée par son message, il en résulte l’obligation de
sa prise en considération et de sa mise en pratique.

301
Les fondements du droit musulman

2 : Après l’annonce de la mission prophétique, est-ce que notre


Prophète (r) et ses disciples, sont-ils chargés de suivre par dévo-
tion des lois antérieures ?

Remarque :
- Il faut rappeler qu’il n’y a pas d’unanimité entre les érudits musul-
mans que la Loi islamique a abrogé d’une façon globale toutes les
lois antérieures.
- De point de vue de l’analyse rationnelle (al imkân al ‘aqlî : le pos-
sible rationnel), rien n’empêche que le Prophète (r) suivait des
prescriptions d’une loi antérieure à son message. De même, il est
possible que les Musulmans soient appelés à suivre certains com-
mandements de lois antérieures.
Notre analyse ne va pas porter sur le possible rationnel, mais sur
ce qui a eu lieu vraiment, et ce qu’indiquent les Textes fondateurs de
l’Islam (Coran et Sounna) à ce sujet.

Analyse des avis des


différentes tendances
Est-ce que le Prophète (r) était-il appelé, avant sa mission, à suivre
une loi antérieure lors de sa quête et dans ses dévotions ?
Les savants ont divergé en trois tendances à propos de cette
question :
A : Certains Malikites et l’ensemble des Théologiens scolastiques
(‘Oulamâ’ al kalâm) ont réfuté que le Prophète (r) avait suivi dans
ses dévotions des règles issues d’une loi antérieure.
B : Certains Hanafites, les Hanbalites, Ibn Al Hâjib et Al Baydâwî et
les Chafi‘îtes ont confirmé sa mise en pratique de règles de dévo-
tions issues de lois antérieures.

302
Les fondements du droit musulman

C : Une troisième tendance s’est abstenue de débattre sur ce sujet :


Aboû Hâmid Al Ghazâlî, Al Âmidî, Qâdî ‘Abd Al Jabbâr et d’autres
estiment qu’il n’y a pas de preuves sûres et certaines pour l’affirmer,
mais les indications des Textes laissent imaginer cette possibilité.

I : Avis de ceux qui confirment


Ceux qui ont laissé supposer que le Prophète (r) a suivi dans ses dévo-
tions des règles issues de lois antérieures ont divergé entre eux :
Il y a ceux qui ont supposé qu’il s’agit de la loi d’Âdam (r). Car elle
était la première loi divine révélée.
D’autres ont dit, qu’il s’agissait de la loi d’Ibrâhîm (r) le père des
Prophètes.
Selon d’autres, c’était la loi de Moûsâ (r). D’autres ont proposé la
loi de ‘Îsâ (r)
Allâh (U) dit : ( Il vous a légiféré en matière de religion, ce qu›Il
avait enjoint à Noé, ce que Nous t›avons révélé, ainsi que ce que Nous
avons enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus : «établissez la religion : et
n’en faites pas un sujet de division. ) (Ste 42/V.13)
On peut citer aussi : Ste 6/V.90 ; Ste 5/V.44 ; Ste 16/V.23.
Le Prophète (r) s’est référé à la Thora, quand il a appliqué la peine
de l’adultère sur les deux juifs. (Rapporté par Al Boukhârî)
Dans les Récits authentiques de la Sîra, le Prophète (r) cherchait
sans cesse à s’informer sur le culte d’Ibrâhîm (r).
L’imâm Ach-Chawkânî a dit : « La plus probable est celle d’Ibrâhîm
(r). Car notre Prophète (r) était toujours en quête de la moindre
information sur la loi d’Ibrâhîm (r). Les versets coraniques en sont
témoins, elles indiquent, qu’il était prescrit au Prophète (r) de suivre,
avant sa mission, la loi d’Ibrâhîm (r). Notre Prophète (r) a choisi
le monothéisme (al hanîfiyya), car il était la voie la plus proche du
culte d’Ibrâhim et du monothéisme pur d’entre toutes les autres lois.»
(Réf : Irchâd al Fouhoûl, page 210)

303
Les fondements du droit musulman

Allâh (U) dit : ( Certes, les hommes les plus dignes de se réclamer
d›Abraham, sont ceux qui l›ont suivi, ainsi que ce Prophète-ci, et ceux qui
ont la foi. Et Allâh est l›allié des croyants. ) (Ste 3/V.68)

Parmi les arguments de cette tendance :


- Le Prophète (r) n’était pas différent des autres Prophètes précé-
dents qui étaient, tous interpellés, d’après le Coran, par les lois qui
leur sont antérieures.
Allâh (U) dit : ( Et quand Jésus fils de Marie dit : “Ô Enfants d’Israël,
je suis vraiment le Messager d’Allâh [envoyé] à vous, confirmateur de ce
qui, dans la Thora, est antérieur à moi, et annonciateur d’un Messager
à venir après moi, dont le nom sera “Ahmad”. Puis quand celui-ci vint
à eux avec des preuves évidentes, ils dirent : “C’est là une magie mani-
feste. ) (Ste 61/V.6)
- Parmi les exemples des pratiques suivies par le Prophète (r) et qui
étaient différentes de celles de son peuple :
Le tawâf autour de la Ka‘ba ; l’abattage rituel….
Ces attitudes ne sont pas le fruit d’un ijtihâd personnel du
Prophète  (r).
- Parmi les arguments avancés par cette tendance, la Parole d’Al-
lâh (U) : ( Voilà ceux qu’Allâh a guidé : suis donc leur guidance. )
(Ste 6/V.90)
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit, le terme « houdâ », dans le verset, désigne
la foi du monothéisme, et non pas de la Loi.

II : Avis des négateurs


Quant à la Parole d’Allâh (U) : ( Voilà ceux qu’Allâh a guidé : suis donc
leur guidance. ) (Ste 6/V.90)
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit, le terme « guidance : houdâ », dans le
verset, désigne la foi du monothéisme, et non pas la Loi.

304
Les fondements du droit musulman

- Allâh (U) a bien précisé que celui qui cherche foi, arbitrage et gui-
dance en dehors de l’Islam sera le Jour du Jugement dernier parmi
les perdants.
Allâh (U) dit : ( Et quiconque désire une religion autre que l›Islam,
ne sera point agrée, et il sera, dans l›au-delà, parmi les perdants. ) (Ste
3/V.85)
- Il n’y a pas de divergence entre les Savants de la Oumma que tout
ce qui nous a été transmis à travers les disciples des lois antérieures
n’est pas une source d’argumentation pour nous. Car les Textes
fondateurs ont subi des modifications confirmées historiquement,
ainsi que par les études comparatives des religions.
- Nous n’avons pas de preuves qu’il resterait des traces des pratiques
des lois antérieures authentiques, d’où l’impossibilité du taklîf.
Quant aux pratiques du Prophète (r), on ne peut être affirmatif en
l’absence de preuves sûres et certaines.
- Le Prophète (r) a bien indiqué qu’il a été envoyé à tous les
Hommes, alors que chaque Prophète était envoyé à son propre
peuple. (Rapporté par Al Boukhârî, Mouslim et An-Nisâ’î)
Ahmad a rapporté dans son Mousnad, qu’un jour le Prophète (r)
a aperçu ‘Oumar (t) tenant dans sa main un texte de la Thora, il s’est
mis dans un état de colère et dit : « Qu’est ce que tu fais ! Ne suis-je
pas venu avec une loi explicite et pure ? Si Moûsâ m’avait rattrapé, il
n’aurait pas d’autre choix à faire que me suivre ! »
- Si le recours aux lois antérieures était obligatoire pour le Prophète (r)
et pour ses disciples, on aurait été informé par le Prophète (r) lui-
même, car il avait pour mission la transmission des Ordres de Dieu
(U) à Ses serviteurs. De même les Compagnons (y) n’ont jamais
évoqué cette source comme référant dans leur argumentation.
- Lorsque le Prophète (r) dépêcha Mou‘âdh Ibn Jabal (t) comme
juge au Yémen, ce dernier s’était limité, dans sa réponse, au Livre de
Dieu (U), à la Sounna de Son Messager (r) et à sa propre opinion.

305
Les fondements du droit musulman

Il n’a pas évoqué les lois antérieures comme une source de la Loi
pour justifier ses sentences.
- Il y a unanimité que seule la loi islamique transmise par le pro-
phète Mouhammad (r) qui doit être mise en application par les
Musulmans en tous les temps et dans tous les lieux.

Autres questions
Règle antérieure citées par nos Textes :
Il ya différentes attitudes :
* Règles antérieure citée par nos Textes mais accompagnée d’indices
qui expriment la négation de la levée de la responsabilité (taklîf) 
N’est pas à prendre en considération ;
A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( Aux Juifs, Nous avons
interdit toute bête à ongle unique. Des bovins et des ovins, Nous leurs
avons interdit les graisses, sauf ce que portent leur dos, leurs entrailles
ou ce qui est mêlé à l’os. Ainsi les avons-Nous punis pour leur rébellion.
Et Nous sommes bien véridiques. ) (Ste 6/V.146)
* Règle que nos Textes ont reprise sans mettre en cause leur authen-
ticité, et il y a absence de preuves d’abrogation ou mention de taklîf
à notre égard.
A l’exemple des versets de la loi du talion.
Allâh (U) dit : ( Nous avons fait descendre la Thora dans laquelle il
y a guidance et lumière. C›est sur sa base que les Prophètes qui se sont
soumis à Allâh, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires
des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d’Allâh, et ils en sont les
témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Ne vendez
pas Mes Enseignements à vil prix. Ceux qui ne jugent pas d’après ce
qu’Allâh a fait descendre, les voilà les mécréants. Nous avons prescrit
dans la Thora, à ceux qui pratiquaient le judaïsme : Vie pour vie, œil
pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures

306
Les fondements du droit musulman

tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela
lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allâh a
fait descendre, ceux-là sont des injustes. ) (Ste 5/V.44-45)
* Notre Loi n’a pas abrogé le dogme du Monothéisme pure prôné
par d’autres Lois. Celle-ci est venue confirmer la foi, les vertus
morales ; à l’exemple de l’interdiction de la fornication, du vol….
* Les sentences qui ne sont pas confirmées par nos Textes : ni par le
saint Coran, ni par la Sounna du Prophète (r), il y a accord à ne
pas les prendre en considération.
* De même tout ce qui a été abrogé par notre Loi :
Exemple : le fait de se tuer pour obtenir l’absolution de ses péchés.
* Les règles et les sentences mentionnées dans les lois antérieures et
confirmées par nos Textes, sont à prendre en considération : Avis
unanime.
Exemple : la prescription du jeûne.
Allâh (U) dit : ( Ô les croyants ! Le jeûne vous est prescrit comme il
l’avait été aux confessions antérieures, ainsi atteindriez-vous la piété. )
(Ste 2/V.183)
* Dans le cas où notre Loi n’a pas mentionné l’abrogation de ses sen-
tences issues de lois antérieures, la question est sujette de détails et
de divergence entre nos savants.
* Si dans notre Loi, il y a citation de lois antérieures à l’Islam, nous
devons les prendre en considération. Cependant, les références à
cette prise en considération ce sont nos Textes uniquement. On
peut les prendre en considération en l’absence de Textes de notre
Loi qui s’y opposent ou qui les remettent en cause. En plus leurs
arguments sont sans fondement.
Cet avis est celui de la grande Majorité des Malikites, les Hanafites,
y compris Aboû Hanîfa, certains Chafi‘îtes et l’un des deux avis attri-
bué à l’imâm Ahmad.

307
Les fondements du droit musulman

L’autre avis est celui de : Ach-Châfi‘î, d’Aboû Hâmid Al Ghazâlî,


Al Âmidî, Ar-Râzî, Ibn Hazm, les Théologiens scolastiques Ach‘arites,
Mou‘tazilites et d’autres savants. Ils rejettent ce genre de lois, et se
suffisent des lois fixées et établies par nos Textes. Car leurs arguments
sont sans fondement.
Allâh (U) a dit : ( A chacun d’entre vous, Nous avons assigné une Loi
et une Voie. ) (Ste 5/V.48)
Le verset est explicite, chaque Prophète avait sa propre loi.

Conclusion
Après analyse des avis des partisans et des opposants, nous constatons
que Char‘ou man kâna qablanâ, n’est pas une source de la règle de Droit
indépendante. Même s’il y a prise en considération, cela se limite à des
questions de fouroû‘ très limitée, et nécessite un appui et une recon-
naissance de notre Loi (Coran et Sounna).
« Les lois antérieures ne sont pas considérées Notre, que si elles
sont reconnues par notre Loi, sinon elles ne font parties de notre
Législation : Char‘ou man kâna qablanâ char‘oun lanâ idhâ thabata
bi-char‘inâ, wa illâ fa-innahou laysa bi-char‘in lanân. »

Remarque :
La remise en cause et la non prise en considération inclut les versions
et les transmissions connues sous l’intitulé, des « Isrâ’îliyyât ».

308
Livre II

LA RÈGLE DE
DROIT LÉGALE
Al Houkmou Ach-Char‘îyyou
Les fondements du droit musulman

PRÉAMBULE
Ce chapitre s’intéresse à l’analyse du Discours d’Allâh (khitâbou Allâh)
-Exalté- adressé aux personnes moukallaf (responsables).
Ce Discours divin est formulé à travers les règles légales, qui sont
de deux sortes :

I : Les règles légales prescriptives : al houkm ach-char‘î at-taklîfî.


Elles interpellent les actions des personnes dites moukallaf (char-
gées de responsabilité). C’est-à-dire qui rapportent à quelque chose à
faire ou à ne pas faire.

II : Les règles légales stipulatives : al houkm ach-char‘î al wad‘î.


Ce discours stipulatif d’Allâh (U) institue une condition (chart) ou
une causalité (sabab) ou un empêchement légal (mâni‘) ou soit un état
de validité (sihha) ou d’invalidité (boutlân).

Introduction
Il faut rappeler que le but de l’étude des fondements du Droit (al Ousoûl)
c’est la connaissance des qualifications légales. Par cette connaissance,
on vise à une meilleure application des règles de la Loi. Tout cela pour
mieux adorer Allâh (U).
Les spécialistes de la science de Ousoûl al fiqh étudient les points
suivants avant d’aborder la question des règles de Droit :
I- Le Législateur : al Hâkim ;
II- L’objet de la prescription : al mahkoûmou fîh ;
III- La personne concernée par la prescription : al mahkoûmou ‘alayhi ;
IV- La prescription : la règle de Droit : al houkmou (at-taklîf î et
al-wad‘î).

313
première
partie

LA RÈGLE DE DROIT
PRESCRIPTIVE

Al Houkmou
Ach-Char‘iyyou At-Taklîfî
Les fondements du droit musulman

LE LÉGISLATEUR
Al HÂkim
Celui qui a légiféré, institué ces règles de Droit c’est Allâh (U).
Nous ne connaissons pas d’autre Législateur que Lui. Dans le saint
Coran, Allâh (U) affirme cette Vérité à maintes reprises. Il a dit, entre
autres : ( L’autorité n’est qu’à Allâh Seul : inil-houkmou illâ li-llâhi.)
(Ste 6/V57)
( Juge alors parmi eux d’après ce qu’Allâh a fait descendre : wa an
ouhkoum baynahoum bimâ anzala Allâh.) (Ste 5/V49)
Allâh (U), du fait qu’Il est le Seigneur (Ar-Rabb), qu’Il est L’Adoré
(al Ma’loûh), qu’Il a toutes les qualités de perfection (Sifâtou al kamâl),
qu’Il est exempt de tout défaut (Mounazzah), Il est L’Omniscient (al
‘Alîm), Le Sage (al Hakîm), qu’Il jouit d’une Volonté illimitée (Irâdatoun
moutlaqatoun) et que cette Volonté est agissante (fâ‘ilatoun) intervient
dans la direction de la Création, pour tout cela, Allâh (U) a le droit de
disposer de Sa Création dont Il est l’Informé par excellence.
Allâh (U) dit : ( Ne connaît-Il pas ce qu’Il a créé, alors que c’est Lui,
Le compatissant, Le Parfaitement Connaisseur : alâ ya‘lamou man kha�-
laqa wa houwa Al-Latîfou al Khabîrou.) (Ste 67/V14)
La reconnaissance de ce Législateur unique est la conséquence
parfaite de notre croyance en l’Unicité divine. Car l’Unicité signifie
la reconnaissance de Son Existence unique, qu’Il est le Seul Créateur
et Ordonnateur. Tout subsiste par Lui et Il décide de tout souveraine-
ment. Tout ce qui se passe, à tous égards, est l’effet de Sa Volonté (U).
La reconnaissance d’Allâh (U) et de Sa Seigneurie sur Sa Création
implique la soumission totale à Sa Loi et ne rien Lui associer.
Allâh (U) dit : (Ni les cieux ni la terre n’ont de mystère pour Lui. Il
sait si bien tout voir, tout entendre ; ils n’ont aucun maître hors Lui, et Il
n’associe personne à Ses Arrêts : wa lâ youchrikou f î houkmihi ahadan.)
(Ste 18/V.26)

317
Les fondements du droit musulman


Pour confirmer cette Vérité, le cheykh Mouhammad al-Amîn Ach-
Chinqîtî (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a écrit dans son commen-
taire sur ce verset : « Tous les lecteurs récitent « wa lâ youchrikou » ;
excepté Ibn ‘Âmir qui a récité « wa lâ touchrik » Le sens est qu’Allâh
(U) n’associe personne avec Lui dans son acte législatif. Le comman-
dement revient à Lui Seul, d’où les prescriptions suivantes : « al halâlou
mâ ahallâhou Allâh wal harâmou mâ harramahou Allâh ta‘âlâ.»
Ainsi, selon la majorité des lecteurs, le verbe « wa lâ youchrik » est
précédé de la particule « al-lâm » de la négation. Allâh (U) nie qu’Il
s’est donné des associés dans l’acte législatif.
Selon la deuxième lecture, le verbe « touchrik » est précédé de la
particule « al-lâm » de « an-nahy», qui a le sens de l’interdiction, ainsi
le sens est : « N’associe personne à Allâh au niveau de la référence et
de l’agir. Il est Le Seul Législateur.»
Les sens qui ont été repris dans ce verset se retrouvent dans tous les
versets qui soulèvent la question de la législation et du commandement
qui reviennent à Allâh (U) Seul.» (Réf : M. A. Chinqîtî : Adwâ’ al Bayân.
Tome 1, p. 292)
Allâh (U) est Le législateur par excellence, car la raison humaine est
incapable de cerner les vraies significations des choses. Ces jugements
sont probants et non pas sûrs et certains ; d’où la nécessité de se référer
à une source sûre et certaine qui est La Révélation (al wahy). Allâh (U)
est Le Seul capable de cerner toute la vie de l’homme comme entité
ou comme besoin.

318
Les fondements du droit musulman

L’OBJET DE LA PRESCRIPTION
Al Mahkoûmou Fîh
Il s’agit des actions des personnes responsables (af‘âl al moukallaf în)
concernées par les qualifications légales. L’action demandée et régle-
mentée en rapport avec l’injonction prescriptive (taklîfî) ou stipulative
(wad‘î), ne peut-être qu’une action connue et déterminée par le res-
ponsable, elle peut être soit obligatoire, conseillée, interdite, déconseil-
lée ou autorisée.

Les conditions de l’acte


Pour cela nous disons :
Cet acte (fi‘l) du moukallaf, pour qu’il soit concerné par les qualifi-
cations légales doit remplir cinq conditions :
1- Un acte possible : fi‘lou moumkin ou imkânouhou ;
2- L’existence de la capacité de l’accomplissement de l’acte par la per-
sonne responsable : fi‘loun dâkhiloun tahta qoudrati al moukallaf ;
3- La connaissance de l’acte, pour pouvoir le différencier d’un autre
acte : al ‘ilmou bihi ;
L’imâm Abou Hâmid Al Ghazâlî a dit à ce sujet :
« Il est incorrect d’ordonner l’acquittement d’un devoir sur lequel il
n’y a pas de preuves ou dont on ignore qu’il s’agit d’un ordre d’Allâh.»
(Réf : Al Moustasfâ)
4- La personne doit savoir qu’elle est concernée par cette Injonction
divine, soit par le Coran ou la Sounna. Elle doit savoir qu’il s’agit
d’une prescription.

319
Les fondements du droit musulman

5- Il faut qu’il y ait de la part du moukalaff une volonté libre, et l’ab-


sence de toute contrainte, par laquelle il exprime une obéissance à
Allâh (U).
D’où l’interdiction que le sujet du taklîf soit une désobéissance ou
un acte issu d’une contrainte (ikrâh).
Ceci nous mène à poser les deux questions suivantes :
Le Législateur (U) charge-Il al moukallaf de l’insupportable (bimâ
lâ youtâq) et de l’impossible (al moustahîl) ?
La réponse à ces deux questions nous renvoie aux deux premières
conditions concernant la qualité de l’acte prescrit : imkânouhou (acte
possible) et al qoudratou ‘alayhi (existence de la capacité de l’accom-
plissement par la personne), car lorsque l’acte ne fait pas partie du
domaine du moumkin (le possible), forcément, il fait partie, dès lors,
du moustahîl (l’impossible) qui est de deux sortes :
A : Al moustahîl adh-dhâtî : l’impossible en soi et par essence, quelque
chose d’impensable, qui ne peut être conçu. La raison, elle-même la
récuse et elle n’a pas lieu d’être de point de vue légal (char‘).

Exemple :
Le fait de réunir les deux opposants en même temps : tel que la
demande de faire et celle de ne pas faire un acte.
On ne peut demander à al moukallaf de prier et de ne pas prier en
même temps ! Car la capacité humaine ne peut joindre l’impossible.
(Réf : Al Ghazâlî : Al Mankhoûl, page 25)
B : Al moustahîl al ‘âdî : l’impossible ordinaire
L’impossible ordinaire, bien qu’il s’agit de quelque chose que l’on
peut imaginer, de point de vue rationnel, elle est impossible de réaliser
dans la réalité, car cela est en dehors de la capacité humaine.

Exemple :
Le fait de demander à quelqu’un de porter un rocher sur son pouce.

320
Les fondements du droit musulman

Ce genre de taklîf, Allâh (U) peut le demander à un peuple qui Lui


a désobéi, comme une forme d’épreuve pour les châtier et par mépris.
Cependant, quand on consulte la Loi de manière très approfondie, on
constate qu’Allâh (U) n’a jamais exigé de tels devoirs de Ses serviteurs.
Allâh (U) dit : ( Allâh n’impose à aucune âme une charge supérieure
à sa capacité. ) (Ste 2/V.286)

Remarque :
Certaines personnes ont imputé cette position (le taklîf par l’insup-
portable : bimâ lâ youtâq) à l’imâm Al Ach‘arî (Qu’Allâh lui accorde
miséricorde). Bien que l’on ne trouve pas une position claire de sa part
à ce sujet. Cependant, l’imâm Al Jouwaynî, Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî et
Ibn As-Soubkî ont adopté cette position en se basant sur deux règles,
qu’ils affirment tirer de la pensée d’Al Ach‘arî, à savoir : que l’homme
ne peut agir que par la qoudra dont il dispose, et cette qoudra ne lui
appartient pas, et la deuxième règle, c’est que les actes des hommes sont
créés par Allâh (U), et delà, il est clair que l’homme est moukallaf de
ce dont il n’a aucune capacité à y avoir accès.
L’étude des avis de l’imâm Al Ach‘arî nous donne la constatation
suivante :
L’imâm Al Ach‘arî divise la capacité de l’individu en deux sortes :
A : Une capacité (qoudrah) qui accompagne l’acte, et qui n’est pas
sujette à la responsabilité.
B : La deuxième, concerne l’acquisition de l’acte par le moukallaf (al
kasb), et que cela s’exprime par la résolution prise qui rend évident
l’acte. Contrairement à ce qui a été affirmé par les trois savants
précités qui considèrent que les actes humains sont créés par Allâh
(U) et de là, ils ont fait d’Al Ach‘arî un jabrite, ce qui n’est pas le
cas, puisque ce dernier a mis sur pied la théorie d’al kasb (l’acquisi-
tion des actes), qui rend la personne responsable de ces actes devant
Allâh (U) et les Hommes.
Les savants divisent la capacité comme suit :

321
Les fondements du droit musulman

1- Une capacité qui donne l’aptitude à réaliser l’acte : qoudratoun


moumakkinatoun.
Il s’agit de l’état des moyens qui permettent de réaliser l’acte. On
appelle cela en arabe : sihhatou al wasâ’il.

Exemple :
Le fait de jouir d’une bonne santé pour l’acquittement de la prescrip-
tion du hajj.
2- Une capacité qui rend aisé l’acquittement de l’acte : qoudratoun
mouyassiratoun. Elle va rendre l’acquittement aisé. C’est un plus
supplémentaire à la capacité (al qoudra), qui donne l’aptitude de
l’acte. Elle est exigée dans quasi toutes les prescriptions financières.

Exemple :
La Zakât est due dès que l’on dispose du minimum imposable (an-ni-
sâb) et l’écoulement de l’année lunaire (al hawl). Mais il s’y ajoute une
autre condition la disponibilité des biens ou l’absence de dettes, car
s’il arrive que les biens dépérissent sans la volonté du propriétaire, il y
a levée de l’obligation de l’acquittement de la Zakât, et si la personne
est endettée, comment peut-on lui réclamer d’enrichir le pauvre par
l’absence de richesse, puisqu’il y a endettement ?

Remarque :
Les actes d’expiation (al kaffârât) d’ordre matériel ne sont pas concer-
nés par cette qoudratoun mouyassirah, car ils concernent les riches et les
pauvres, donc on ne peut faire d’analogie avec la Zakât ; car al ‘illa (la
cause de la sentence) n’est pas la même.

322
Les fondements du droit musulman

La difficulté
Al Machaqqah
Le Législateur a demandé aux personnes interpellées légalement par
les Textes de la Loi (al-moukallafoûn) de fournir un effort pour s’ac-
quitter d’une obligation. Donc il est question d’une certaine charge
et difficulté exigée par Le Législateur, car on définit le taklîf comme
suit : « at-taklîfou houwa talabou mâ f îhi koulfatoun : al-koulfatou hîya
al-machaqqatou.»
Nos juristes ont divisé cette koulfa ou machaqqa (charge, difficulté)
en deux sortes :

A : Une difficulté qui ne suspend pas l’acte

Exemple :
Le froid ou la chaleur qui dure pendant une journée de Ramadan ne
lève pas l’obligation du jeûne.
De même, les douleurs qui résultent de l’application des peines
légales ne sont pas une raison par leur levée.
B : Une difficulté qui permet de suspendre les actes d’adoration dans
la grande majorité des cas. Cette difficulté a trois degrés :
1 : Machaqqa ‘azîma ou fâdihah : la grande difficulté exorbitante
accablante, telle que celle qui risque de porter dommage à l’inté-
grité physique et à la vie du moukallaf.

Exemple :
Le fait de suspendre le jeûne durant un jour pendant la chaleur est
intense, car si la personne n’arrêtait pas de jeûner, elle risquerait de
mourir de soif.

323
Les fondements du droit musulman

Remarque :
La suspension dans ce cas-ci est limitée dans le sens que la personne
lève le danger sans pour autant continuer à consommer de la boisson
tout au long de la journée. Elle doit refaire son jeûne (al-qadâ’).
2 : Machaqqatoun khaf îfah : difficulté légère, elle permet, éventuel-
lement, la suspension de l’acte d’adoration, mais elle est légère.
Telle qu’un mal de tête ou le changement d’humeur ou une légère
blessure.
Ach-Châtibî a dit à leur sujet : « L’accomplissement de ces actes
d’adoration et l’acquisition des intérêts qui en résultent sont plus
importantes que ce genre de mafâsid (dommage ou nuisance), qui n’ont
aucun effet sur les intérêts des hommes.»
3 : Machaqqatoun moutawassitah : difficulté moyenne. L’évaluation
de ce genre de difficulté est laissée à la personne responsable, à son
honnêteté, sa foi, à la qualité de sa relation avec Allâh (U).
L’imâm Ach-Chawkânî (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a dit :
« you‘tabarou ma‘ahâ fî haqqi koulli insânin bimâ younâsibouhou wa mâ
yasihhou ma‘ahou badanouhou likhtilâfihâ fî al-mahâlli : (ahwâl al-mou-
kallîfîn) : Ce qui sera pris en considération par rapport à chaque indi-
vidu est ce qui lui convient pour préserver l’intégrité de son corps, car
cette difficulté, son évaluation diffère par rapport à l’état d’un individu
à un autre.»
Ainsi, il ne s’agit pas d’une difficulté définie.
Pour mieux expliciter la notion de difficulté, nous allons proposer
une autre subdivision de la difficulté :
1 : Une difficulté qui sort de l’ordinaire : machaqqatoun khârijatoun
‘an al mou‘tâd. C’est une difficulté qui perturbe l’individu, ne rend
pas la pratique aisée. La personne ne se sent pas capable de s’ac-
quitter de l’ordre. Cette sorte de prescription peut être intégrée
dans la sorte du « at-taklîfou bimâ lâ youtâq». Ainsi, dans la question
qui traite de l’insupportable.

324
Les fondements du droit musulman

2 : Une difficulté qui n’a pas atteint la limite de l’inhabituel, mais


qui n’est pas conforme à l’ordinaire.
Cette catégorie de difficulté ne peut être sujet de suspension, il n’y
a pas de place dans ce genre de taklîf à la suspension de l’acte. Car,
par principe, tout taklîf est en soi une charge et présente une cer-
taine difficulté. Si on intègre ces charges parmi les difficultés sujettes
aux permissions (ar-roukhas), cela signifierait, la levée des Sentences
d’Allâh (U), et la mise en cause des intérêts qu’elles contiennent. Il
faut savoir que la difficulté n’est pas voulue par le Législateur, car Son
but est al-maslaha qui résulte de l’action et qui doit être bénéfique au
moukallaf : al-machaqqatou al-mousâhibatou lilfi‘li laysat maqsoûdatan
li-ch-châri‘i bal ghâyatouhou mâ fî al fi‘li mina al-masâlihi.
En vérité, Le Législateur agit comme un médecin qui prescrit au
malade certains médicaments amers, alors que son but est de lui venir
en aide et de le guérir.

Remarque :
Il résulte de cette analyse que, celui qui cherche la difficulté dans sa
pratique, sa démarche est non conforme au Vouloir du Législateur.
Ainsi, si nous prenons l’exemple du jeûne, on constate, qu’il est, en
vérité, une restriction, une limitation à la liberté de l’homme à ses plai-
sirs et désirs : boissons, nourriture et relations conjugales. Cependant,
cette restriction est une difficulté aisée engendrant une certaine soif et
une certaine faim.
Allâh (U) n’a nullement besoin d’affamer ou d’assoiffer Son ser-
viteur. En vérité, le but du jeûne c’est une maslaha physique et morale
dont va tirer profit le serviteur.
En contrepartie, Le Législateur a interdit sawm al-wisâl (jeûne
continu) et a recommandé de s’empresser de rompre son jeûne.
L’individu qui s’impose un jeûne continu impose à son corps une souf-
france interdite par Le Législateur, et pour laquelle il sera sanctionné.

325
Les fondements du droit musulman

Nous proposons ci-dessous, une troisième subdivision de la diffi-


culté par rapport à l’acte qui l’exige ou non : bi‘tibâri iqtidâ’i al-fi‘li lahâ
(al-machaqqatou) wa ‘adami iqtidâ’ihi
Elle est de deux sortes :
1 : Difficulté qu’exige l’acte, c’est-à-dire, elle est engendrée néces-
sairement par l’acte accompli. C’est une conséquence sine qua non
de l’acte.

Exemple :
Le malade incapable de jeûner ou le pèlerin qui ne peut accomplir le
rite ni à pied, ni par un quelconque autre moyen de transport qu’avec
une très grande difficulté. Ce genre d’individus est le seul à être inter-
pellé par les permissions « ar-roukhas ».
Ce genre de personnes responsables a le choix de profiter de la
permission ou de s’acquitter de l’obligation. Cet individu n’échappe
pas à deux situations :
* Il sait ou il a un doute probant que par l’acquittement de cette
obligation, il va causer à son corps ou à son esprit un « haraj »
(difficulté, mal ou une gêne).
Cette démarche n’est pas recherchée par La Loi. Ainsi, le Prophète
(r) : « C’est loin dêtre un signe de piété le jeûne durant le voyage :
laysa mina al-birri as-siyâmou f î as-safari.» (Rapporté par Al Boukhari,
Mouslim, An-Nasâ’î et Ahmad).
Nous parlons ici d’un voyage qui causera, à coup sûr, une difficulté.
On inclut dans cette catégorie, l’ensemble des actes dont on ignore
le degré de nuisance ; mais dès qu’on s’adonne à l’acte, on constate le
dommage. Ainsi, le jugement est le même.
Quand al moukallaf croit théoriquement qu’il ne subira pas de
dommage ; mais quand il passe à l’acte il en résulte une difficulté
inhabituelle et hors norme. Cette sorte de difficulté accorde le droit
à la roukhsa de la suspension de l’acte, car l’ensemble des textes de La

326
Les fondements du droit musulman

Loi attestent que Le Législateur (U) ne cherche pas à imposer à Ses


serviteurs la difficulté.
La Loi abonde des preuves que la recherche de l’aisance (at-taysîrou
wa raf‘ou al-haraj) est une caractéristique omniprésente de La Loi.
2 : Difficulté qui ne résulte pas de l’acte : machaqqatounn lâ yaqta-
dîhâ al-fi‘l. C’est le moukallaf qui en est la cause et elle est de deux
sortes :

Une difficulté volontairement recherchée


A l’exemple de l’homme qui a fait le vœu de jeûner tout en se tenant
debout sous le soleil. Le Prophète (r) a critiqué cette démarche et l’a
interdite et a dit :
« Celui qui cherche l’extrême va à sa perte. » (Rapporté par Aboû
Dâwoûd)

Une difficulté involontaire :


A l’exemple de la personne qui prie en pleine forêt et aperçoit de loin
un animal sauvage. Elle ne sait pas si elle doit rompre sa prière pour
préserver sa vie ou la continuer. Le Législateur n’a jamais recherché, au
nom de l’acquittement des devoirs, de telles formes de douleurs ou de
souffrances physiques ou morales à faire subir aux « moukallaf».
En vérité, les Textes de La Loi appellent, plutôt, à lever toutes sortes
de nuisances et de dommages dans le but d’éliminer toutes sortes de
difficultés.

327
Les fondements du droit musulman

DROITS D’ALLÂH (U)


ET LES DROITS DES HOMMES
Houqoûq AllÂH - Houqoûq Al ‘Ibâd

Introduction
Les droits se divisent en trois catégories :
A : Droit exclusif d’Allâh (U) : Haqqoûn khâlisoun li-Allâh
B : Droit spécifique des serviteurs : Haqqoun lil‘ibâdi faqat
C : Droit lié associé Allâh (U) et le serviteur : Haqqoun mouchtara-
koun bayna Allâh wal ‘abd

détails
I : Droit exclusif d’Allâh (U) : Haqqou Allâh (Ta’âlâ)
Il s’agit de ce type de droits dont résulte un intérêt général pour tous
l’Univers (avec toutes ses composantes). Il n’est pas approprié à une
catégorie de personne bien précise et on l’a attribué à Allâh (U) vu son
importance et le danger qui s’ensuit dans son délaissement, et à cause
de l’exhaustivité de ses avantages et mérites.
Et ces catégories sont très nombreuses :
* Telles que les pratiques purement cultuelles : la prière, le jeûne,…
* Les pratiques où il est question de responsabilité financière, telle
que la zakât.
* Un droit érigé par Le Législateur et qui ne concerne pas les indi-
vidus, à l’exemple du pourcentage à payer sur les trésors enfouis
(ar-rikâz)

328
Les fondements du droit musulman

* Les sanctions qui ont pour objectif la limitation ou la privation de


certains droits, telles que la privation de l’héritage pour le crime de
parricide.
* Des droits qui ont, à la fois un aspect cultuel, mais en même temps
ils expriment une sanction, telles que les expiations (al-kafârât).
Cet ensemble de qualifications légales et d’engagements font partie
des droits d’Allâh (U) dont Il a chargé les responsables, qui, en les
exécutant, expriment leur adoration et leur soumission à Allâh (U).
Leur délaissement exige le repentir et la demande de pardon à
Allâh (U).

II : Droit du serviteur : Haqq al ‘abd


Il s’agit des droits qui font partie du domaine privé, tels que le fait
d’être garant des objets dégradables.

Exemple :
La personne engage sa responsabilité lorsqu’elle reçoit en prêt une voi-
ture ou un ustensile ou un appareil… Elle est garante de ce droit (haqq)
du prêteur, mais qui peut le lever et le libérer de ce dû.
L’imâm Al Qarâfî le malékite (Qu’Allâh lui accorde miséricorde)
a dit : « Toute chose qui peut faire le sujet de dispense ou de décharge
de la part de l’homme, c’est ce que nous appelons le droit du servi-
teur : fa-koullou mâ lil ‘abdi isqâtouhou fahouwa alladhî na‘nî bihi haqqou
al-‘abd.» (Réf : Al Fouroûq, tome 1, page 141)

Exemple :
La dispense d’une dette
Le cheykh Mouhammad Sa‘îd Ramadân Al-Boutî (Qu’Allâh lui
accorde pardon et miséricorde) a dit à ce sujet : « Ahl al-Ousoûl ont
stipulé, que le serviteur a le choix, dans certaines qualifications légales,
de libérer, dispenser ou d ene pas réclamer son droit qui lui garantit
gain de cause.

329
Les fondements du droit musulman

A l’exemple du tuteur qui peut ne pas réclamer l’application de la


peine de mort contre l’assassin de son descendant. Cela sera substitué
par ad-dîyyah (le prix du sang).
De même, les créanciers ont le droit de ne pas exiger une saisie sur
les biens de l’endetté. » (Réf : Dawâbit al-maslaha, page 52)
Dans un autre passage de son ouvrage, il dit : « Cette subdivision
des qualifications légales en deux sortes : Droit d’Allâh (U) et droit
du serviteur, il faut la considérer comme une façon de parler, et à cause
de leur attribution fréquente aux hommes. Alors, qu’en vérité, tous ces
droits se rassemblent dans un seul endroit, qui est le Droit d’Allâh (U),
car ces droits se fondent, par nécessité, de la part du serviteur, sur le
principe de l’adoration et de la Rétribution divine dans l’Au-delà. Et
ce, du fait qu’Il est leur Maître et leur Créateur.» (Réf : Dawâbit al-mas-
laha, page 51)
L’imâm Al Qarâfî a dit : « Chaque droit des hommes inclut en son
sein un Droit d’Allâh (U).» (Réf : Al Fouroûq Tome 1, page 141)
Le respect des droits des autres est, en vérité, une exécution de
l’ordre d’Allâh (U), celui qui exécute cela est récompensé ; c’est ce
qui justifie que toute pratique qui se situe dans le cadre de La Loi
(de l’interdit à l’obligatoire ; le recommandé et le répréhensible) est
sujet de récompense ou de sanction en Islam, même s’il s’agit de satis-
faire son désir sexuel (dans le cadre du mariage). Le Prophète (r) a
dit : « Lorsque l’un d’entre vous satisfait son désir sexuel, il en est
récompensé… » (Rapporté par Mouslim)
L’imâm Ach-Châtibî (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) a dit : « Ce
qui différencie la notion de droit d’Allâh, qui interfère dans le droit
du serviteur en Islam, c’est la présence de l’intention par laquelle l’acte
ordinaire devient un acte d’adoration, source de récompense. Ainsi,
tout ce que le serviteur fait ou délaisse contient une forme d’adoration
en général. » (Réf : Al Mouwâfaqât.Tome.2, page.317)
C’est-à-dire, que tout acte dans lequel est présent la notion d’ado-
ration et de soumission à Allâh (U), même s’il s’adresse à un homme,
est considéré en même temps un droit d’Allâh (U).

330
Les fondements du droit musulman

III : Droit associé entre Allâh (U) et le serviteur :Haqqoun mouch-


tarakoun bayna Allâhi wal ‘abd
Il s’agit de certains droits où parfois le Droit d’Allâh (U) prend le
dessus, est plus évident et est prioritaire. Telle que la mise en applica-
tion de la peine de la diffamation (al qadhf).
Concernant cette peine, les juristes disent, même si le diffamé
n’exige pas l’application de la peine, la peine sera exécutée, car l’affaire
est devenue publique. La réputation et l’honorabilité de la personne
est déjà entachée.
Le cas où le droit du serviteur prime : la non application de la peine
de mort, pour un homicide involontaire, si le tuteur pardonne.
Lorsqu’on dit : « Haqqou Allâh » (Droits d’Allâh), c’est pour préciser
Qu’Allâh (U) n’a pas donné à l’homme des possibilités de pardon ou
de dispense ou de levée de ce droit. Il est catégorique. C’est Allâh (U)
qui décide de l’application ou du non application d’une quelconque
sentence. Alors que lorsqu’on parle de « Haqqou al-‘ibâd » (Droits des
serviteurs), c’est ce qu’Allâh (U) a conféré et accordé à l’homme.
En vérité, Tout est ramené, de toute façon, à Allâh (U). C’est Lui
qui permet et qui soustrait. Et en se soumettant, le serviteur cherche
Sa récompense.
C’est Allâh (U) qui donne la possibilité à l’individu de pouvoir
pardonner ou dispenser.
En conclusion, on peut dire, que toutes ces sortes de droits sont
indivisibles, et ceci est apparent à travers le hadîth du Prophète (r)
dans lequel, il a expliqué à Mou‘adh Ibn Jabal (t) ce que veut dire le
Droit d’Allâh (U) et le droit du serviteur.
Il a dit (r) :
- « Ô Mou‘âdh ! Sais-tu quel est le droit de Dieu sur Ses créatures
et quel est le droit des créatures sur Dieu ? »
- Je dis : « Dieu et Son Messager le savent mieux !».

331
Les fondements du droit musulman

- Il dit (r) : « Le droit de Dieu sur les créatures est qu’elles


L’adorent sans rien Lui associer : et le droit des créatures sur Dieu
est qu’Il ne soumette pas au supplice celui qui ne Lui associe rien.»
(Rapporté par Mouslim)
Le Prophète (r) a rapporté, que toutes sortes d’obédience, est une
expression de l’adoration d’Allâh (U), et donc, elle est considérée de
fait comme Droit d’Allâh (U).
Il faut comprendre le terme « adoration, selon son sens le plus large,
conformément à la Parole d’Allâh (U) : ( Certes, Je n’ai créé les Jinns et
les hommes que pour qu’ils M’adorent. ) (Ste 51/V.56)

Remarque :
L’intention doit être omniprésente dans chaque acte accompli, pour
qu’il soit considéré comme un acte de dévotion et d’adoration adressé
de la part du serviteur à Son Seigneur (U).

332
Les fondements du droit musulman

LA PERSONNE CONCERNÉE
PAR LES PRESCRIPTIONS
Al Mahkoûmou ‘Alayhi
Al Moukallaf
Il s’agit du moukallaf (la personne responsable). Cette personne, homme
ou femme, Ahl al Ousoûl ont exigé, pour que son interpellation soit
légale, une certaine aptitude et la garantie de conditions auxquelles il
ou elle doit satisfaire.
Ce chapitre est désigné par les Spécialistes sous l’intitulé de :
« Mabâhithou woujoûbi al ahliyyati wa al adâ’i »
Etudes des conditions de l’aptitude légale et de l’acquittement.
De même y sont exposés « ‘awâridouhâ al khalqiyyati wal-khoulou-
qiyyati : Les incidences physiques et morales de l’aptitude légale.
Al Ousoûliyyoûn ont aussi appelés ces incidentes : « ‘awâridouhâ
as-samâwîyyati wal-mouktasabati : Les empêchements ou incidents
innés et acquis.

333
Les fondements du droit musulman

Les conditions de l’aptitude


légale et ses empêchements
Chouroûtou Ahliyyatou At-Taklîf Wa
‘Awâridouhâ

I : Définition D’AL AHLIYYAH


Définition littérale
Al Bazdawî a dit : « Al ahliyyah est le synonyme du terme : as-salâhiyyah :
aptitude et capacité. » (Réf : Kachf al asrâr, tome 4, page 237 et Ibn Manzoûr :
Lisân al ‘Arab : article : ahl)

Définition conventionnelle
L’aptitude légale est de deux sortes :
A : Ahliyyat al woujoûb : Aptitude ou capacité d’exigibilité.
B : Ahliyyat al adâ’ : Aptitude ou capacité d’acquittement.
********

A : Ahliyyat al woujoûb : Aptitude ou capacité d’exigibilité


Il s’agit de l’aptitude de la personne à être responsable pour recevoir
ses droits et s’acquitter de ses devoirs.
Cette aptitude se divise en plusieurs sortes, et ce par rapport aux
différentes situations des personnes concernées.
Ainsi, l’embryon (al janîn) a le droit à l’aptitude d’exigibilité par-
tielle (incomplète). Il a le droit (exige) ses droits comme être disposant
d’un corps et d’une âme, indépendamment de sa mère, mais il n’a pas
à être responsable envers autrui. C’est-à-dire, on n’exige pas de lui, la
responsabilité envers les autres, Sa responsabilité individuelle n’est pas
engagée puisqu’il est toujours dans le ventre de sa mère.

334
Les fondements du droit musulman

De même, l’enfant (as-sabiy) est responsable, mais son aptitude n’est


pas complète. Il est sujet à certaines interpellations légales et pas à
d’autres. Sa Ahliyyay al woujoûb est partielle.
Ahliyyat al woujoûb complète et totale est confirmée à la personne
à sa naissance. Dès lors, elle est apte à recevoir tous ses droits et à en
donner aux autres.

B : Ahliyyat al adâ’ : Aptitude ou capacité d’acquittement.


C’est l’aptitude de la personne à s’acquitter, à accomplir et à s’adonner
à des activités qui seront considérées par la Loi, comme actions légale-
ment admises. (Réf : At-Talwîh ‘alâ At-Tawdîh, tome 2, page 161)
Cette aptitude ne peut être qu’à l’âge du discernement (tamyîz), car
ce n’est qu’à ce moment, que l’individu acquiert la capacité pour saisir
le sens du discours, ne serait-ce que d’une façon globale. A cet âge, il
est capable d’assumer certaines charges. On lui affirme, à cet âge, l’ap-
titude d’acquittement mineure ou partielle, car elle est conforme à son
développement physique et psychologique. Quant au non moumayyiz
(enfant en bas âge), on ne lui affirme ni l’aptitude d’exigibilité, ni celle
de l‘acquittement, puisqu’il ne les possède pas !
Lorsqu’il atteint l’âge de la responsabilité (taklîf) et de la maturité
légale (ar-rouchd), on lui confirme ahliyyat al adâ’ au complet.
L’imâm Al Bazdawî a dit : « Ahliyat al adâ’ interpelle deux formes
d’aptitude et de capacité : la capacité à comprendre le discours par
l’usage de la raison, et la capacité de l’action, qui est celle du corps…
/…L’être humain, au début de sa progression, ne dispose d’aucune de
ces capacités. Avant d’atteindre l’âge de la responsabilité totale, il passe
par des phases de capacité et d’aptitude partielles et incomplètes.
Ainsi, l’attardé mental (al ma‘toûh), bien qu’il dispose d’un corps
fort, il est incapable de point de vue capacité mentale (raison) ; alors on
lui a donné le statut de l’enfant moumayyiz. Qui est concerné par cer-
taines sentences et dispensé par d’autres. » (Réf : Al Bazdawî : At-Talwîh,
tome 2, page 164)

335
Les fondements du droit musulman

II : Les conditions de l’aptitude légale


Chouroûtou Ahliyyatou At-Taklîf
Les conditions requises sont les suivantes :
- Al ‘aqlou : la raison
- Al-bouloûgh : la puberté
- Al islâm : Être musulman
- Al hourriyyah : la liberté
- Bouloûgh ad-da‘wa : réception du message
- ‘Adamou al ikrâh : absence de toute contrainte
On a exprimé ces conditions requises chez le responsable autrement :
Sont soumis aux Prescriptions divines, tout individu :
- Musulman ;
- Sain d’esprit ;
- Capable : possédant la capacité d’agir ;
- Non omettant : ne pouvant se prévaloir d’un oubli ou d’une
quelconque contrainte.

Détails
* Al ‘aql - Al bouloûgh : la raison et la puberté
La raison est le moyen par lequel l’individu peut saisir le sens du
discours, connaître les choses. Et vu que cette capacité diffère d’un
individu à un autre selon sa force ou sa faiblesse, surtout dans les pre-
mières années d’évolution de l’individu, nos avants ont proposé l’ana-
lyse suivante :
Dans son évolution, l’être humain passe par cinq étapes :
1 : Avant sa naissance, lorsqu’il n’est qu’un embryon dans le ventre
de sa mère.

336
Les fondements du droit musulman

2 : La période de l’enfance (as-sighar), depuis qu’il est nourrisson,


jusqu’avant l’âge du discernement (at-tamyîz).
3 : La période du tamyîz. C’est-à-dire, depuis l’âge de sept ans jusqu’à
sa puberté. Cet avis est celui de la Majorité (al joumhoûr). On y
inclut l’adolescent qui s’approche de l’âge de la puberté. (Réf : Ibn
‘Âbidîn : Al Hâchiyah, tome 5, page 421)
4 : la puberté (al bouloûgh). C’est le passage de l’enfance vers l’âge de
la responsabilité légale (at-taklîf).
5 : L’âge du rouchd (la maturité) : la raison a atteint sa totale maturité.
Législateur a considéré la puberté (al bouloûgh) comme limite pour
parler de la maturité de la raison . 41

La Majorité des juristes ne considère que l’enfant appelé « sabîyyoun


moumayyiz », qui est capable de faire la différence entre le bien et le
mal, pas responsable dans l’absolu tant qu’il n’a pas atteint l’âge de la
puberté.
Nous avons une version de l’imâm Ahmad, qui le juge responsable,
mais c’est un avis mourajjahoun (supplanté par d’autres arguments).
Quant à l’imâm Mâlik et les autres écoles, ils le jugent respon-
sable au niveau du recommandé et le répréhensible « al mandoûb wal-
makroûh », et non pas par les qualifications obligatoires.
La puberté se reconnaît par l’apparition de certains signes phy-
siques naturels chez le garçon et la fille :
Les rêves nocturnes (al ihtilâm) ; les menstrues (filles), les poils sous
les aisselles…..
S’il y absence de signes physiques, alors on compte par années :
- L’imâm Aboû Hanîfa : 18 ans pour les garçons ; 17 ans pour les
filles.

41 Remarque : les juristes ont divergé quant à cette délimitation ; de même, ils ont
fait la différence entre la maturité physique et la maturité mentale. La différence dans
leur appréciation de ce qu’on a appelé la responsabilité juridique.

337
Les fondements du droit musulman

- L’imâm Ach-Châfi‘î, les Deux Compagnons d’Aboû Hanîfa (Aboû


Yoûssouf et Al Hassan Ach-Chaybânî), l’imâm Ahmad : 15 ans
pour les garçons et pour les filles.
- L’avis notoire des Malikites : 18 ans pour les garçons et pour les
filles. (Réf : Al Fatâwa Al Hindiyya, tome 5, page 56)
Si le jeune a atteint l’âge légal de la responsabilité, et ses facultés
sont toujours imparfaites, alors il s’agit, soit d’un attardé ou d’un simple
d’esprit ou d’un sot. Il est mis, dès lors sous tutelle et sera aligné, par
analogie, sur le cas de l’enfant moumayyiz, dont l’aptitude est partielle
et incomplète.

III : Les empêchements a la mise en pratique des


prescriptions légales
‘Awâridou Ahliyyatou At-Taklîf

De point de vue langue :


Les incidents ou les empêchements à l’aptitude s’appellent en arabe :
‘awârid ; sing : ‘ârid.
Al ‘ârid : c’est un nuage.
Allâh (U) dit : (…Ils dirent : Voici un nuage (‘âridoun) qui nous
apporte de la pluie…. ) (Ste 46/V.24)
De point de vue conventionnel, il s’agit de situations, d’états ou d’in-
cidents ou d’empêchements qui surviennent, sur une personne qui
satisfait à toutes les conditions légales requises du taklîf. Ces ‘awârid
peuvent être à l’origine d’une levée partielle ou définitive.
L’aptitude (al ahlîyatou) du moukallaf peut disparaître ou peut être
levée ou réduite par une cause extérieure. Al Ousoûliyyoûn ont analysé
ces causes et les ont divisé en deux :

338
Les fondements du droit musulman

A : Empêchements innés ou naturels : ‘Awârid samâwîyya


ou khilqîyya
Il s’agit d’empêchements hors de la portée des individus ; et les prin-
cipaux ‘awârid sont les suivants :
- L’enfance ou le bas âge : as-sighar
Il est clair que l’enfant, malgré la différence que les juristes ont fait
entre « al-moumayyîz », celui qui a atteint l’âge du discernement, et le
non moumayyîz ». Ils sont tous d’accord à ne pas le considérer respon-
sable et sujet de sanction pénale.
- La folie : al jounoûn
Cette folie est accompagnée de crises, de perturbations perma-
nentes, de colère…
Ces étapes lèvent définitivement la responsabilité. Nos juristes font
la différence entre al-jounoûn (la folie) et al‘atahou (le retard mental),
car al ma‘toûh (l’attardé mental), qui n’est pas forcément un fou. Celui-ci
sera interpellé par rapport à sa capacité à saisir et à comprendre le
Discours d’Allâh (U).
Ce sont des situations à analyser au cas par cas.
On dit à ce sujet : « ahlîyatou at-taklîfi wal-adâ’i tatafâwatou biha-
sabi al-hâlati allatî houwa ‘alayhâ. »
L’aptitude de la responsabilité et d’acquittement diffère d’une per-
sonne à une autre selon l’état de chacun.
Le réalisme de la Loi demandera à chacun selon ses aptitudes et
selon ses capacités.
L’état de folie dispense des pratiques cultuelles (al ‘ibâdât), telles
que : la prière, le jeûne, le hajj. Mais ne dispense pas de l’aptitude
d’exigibilité (ahliyyat al woujoûb) quant à ses droits ou envers les droits
des autres : ainsi, il reçoit sa part d’héritage et on ne peut dilapider et
disposer de ses biens au nom de la folie et on s’acquitte de la Zakât de
ses biens.

339
Les fondements du droit musulman

- Le sommeil : an-nawm
- L’oubli : an-nisyân
L’avis le plus plausible dans cette question, c’est que les personnes
qui se trouvent dans cette situation ne perdent pas ahliyyat al woujoûb,
ils sont aptes. L’oubli et le sommeil n’influencent pas aussi ahliyyat al
adâ’. Il s’agit d’un incident passager qui libère la personne des sanctions
quant aux Droits d’Allâh (U). Le sommeil reporte l’interpellation
jusqu’au réveil.
Ibn Qoudâma (hanbalite) dans son ouvrage « Rawdatou an-Nâzir »
écrit : « Quand à l’oubli, s’il s’agit des droits des serviteurs (hommes),
il faut compenser ; alors que lorsqu’il s’agit du Droit d’Allâh (U) non
accompli ou altéré par un oubli, la responsabilité est levée.»
Leur argument est le hadîth rapporté par Al Bayhaqî, Ibn Mâjah
et Al Hâkim. Le Prophète (r) a dit : « Allâh ne tient pas rigueur à
ma communauté ce qu’elle fait par erreur ou par oubli ou sous la
contrainte. »
Le Prophète (r) a dit aussi : « La responsabilité est levée pour
l’endormi jusqu’à son réveil, l’enfant jusqu’à ce qu’il soit pubert et
le fou jusqu’à ce qu’il retrouve la raison. » (Rapporté par Ahmad dans son
Mousnad)
D’autres juristes ont dit :
« Il n’y a pas de suspension du taklîf, il y a seulement une absence
ou une levée de la sanction, et la preuve est établie par le Consensus
puisqu’il il y a toujours une demande de compensation (qadâ’), qui est
sujet d’unanimité.»
Certains juristes malikites ont essayé de combiner les deux avis et
ont dit :
« L’absence du sommeil et de l’oubli est une condition pour la
demande d’acquittement et non pas pour l’exigibilité de l’acte : (chou-
roûtou ’adâ’in lâ chouroûtou woujoûbin).»
- L’évanouissement : al ighmâ’ou

340
Les fondements du droit musulman

Il est considéré comme une cause provisoire (‘âridoun mou’aqqa-


toun). Il a le même statut que le sommeil, à la différence que le réveil du
sommeil est plus rapide que celui qui suit un évanouissement. Certain
savants l’ont classé parmi les causes qui invalident les ablutions, même
s’il survient durant la prière.
- La maladie : al maradou
Il s’agit de la maladie qui domine la personne et la réduit à l’inca-
pacité permanente (‘ajzoun tâmmoun ‘ani al-fi‘li)
Exemple : Une personne qui a subi une opération, elle est incapable
d’accomplir l’acte.
La maladie ne lève pas l’aptitude d’action (ahliyyat at-tasarrouf),
la responsabilité légale et ce qui en résulte, qu’il s’agit de Droits de
Dieu (U) ou ceux des Hommes. La maladie, sauf dans certains cas, ne
met pas en cause la raison. La maladie est une incapacité, qui lève ou
allège les pratiques cultuelles, selon l’état du malade et la gravité de sa
maladie.
Dans certains cas, on peut mettre sous tutelle et faire opposition
à certaines de ses décisions. A l’exemple du malade dans la mort est
certaine. Ce hajr (empêchement de disposer de ses biens : mise sous
tutelle) a pour but de préserver les droits des héritiers ou des créan-
ciers. Cette question est sujet de divergence entre les savants.
- Les menstrues - les lochies (al hayd – an-nifâs)
Ils n’affectent pas ahliyyat al woujoûb, mais partiellement ahliyyat al
adâ’ (l’aptitude d’acquittement) : uniquement les actes qui nécessitent
la purification rituelle (at.-Tahar).
- La mort : al-matou
Elle lève définitivement le taklîf. Cependant les conséquences, dans
l’au-delà, des actes ne se perdent pas par la mort, qu’il s’agit d’une
rétribution ou d’une sanction. De même, les droits financiers d’autrui
sont toujours garantis (dettes)….

341
Les fondements du droit musulman

B : Empêchements acquis : ‘Awârid mouktasabah - ‘awârid


khilqîyya
- L’ignorance : al-jahlou
Il existe un débat entre Ahl al Ousoûl qui considèrent une certaine
ignorance comme acceptable et d’autres qu’ils ont refusé. Le principe
est que l’ignorance ne lève pas al ahliyyah  ne lève pas le taklîf.
L’imâm Ach-Châfi‘î a dit : « Si l’ignorant était excusé pour son
ignorance, alors on devrait considérer l’ignorance meilleure que la
science ! »
L’imâm As-Souyoûtî a dit : « Tout individu qui ignore l’interdic-
tion d’une chose connue par tout le monde, sa justification n’est pas
acceptée, sauf s’il s’agit d’un nouveau converti… »
Certains types d’ignorances sont tolérés, telles que : celle qui est due
à un ijtihâd correct.
Un autre type d’ignorance qui peut lever la responsabilité, c’est celle
qui résulte d’une confusion ; c’est-à-dire dans une situation où la sen-
tence n’est pas claire ou que sa réponse est du domaine des spécialistes.
Mais l’ignorance due à l’orgueil ne peut être évoquée pour justifier
un manquement à ses devoirs.
« L’ignorance due à l’entêtement et à l’orgueil engendre le péché » ;
d’où la non levée de la responsabilité.
- L’ivresse : as-soukrou
Ahl Al Ousoûl la divisent en deux sortes :
A : As-sakrânou at-tâfihou : c’est l’état de l’ivresse profonde où la
personne n’est plus consciente.
L’ensemble des savants exclue cette personne de toute interpellation
d’acquittement des obligations légales, car elle n’en saisit pas le sens,
cependant elle est en état de péché, et elle engage sa responsabilité
quant aux conséquences de ses actes. C’est-à-dire : ahliyyat al woujoûb
et ses conséquences sont toujours d’effet.

342
Les fondements du droit musulman

B : As-sakrânou al-mountachî : l’ivresse légère. Il y a ivresse mais la


personne est consciente : elle est dans un relatif état de sobriété.
Pour cette personne, la responsabilité demeure, tel que l’a énoncé
Ibn Qoudâma dans son ouvrage « Ar-Rawda ».
Aboû Hâmid Al Ghazâlî considère l’ivrogne, quel que soit son état :
(tâfih ou mountachî), n’est plus interpellé. Ceci est aussi l’avis de l’imâm
Ach-Châfi‘î, car une des conditions du taklîf est la compréhension du
Discours. Car l’ivresse, même légère, il peut en résulter une absence
provisoire de la conscience .42

Dans un autre passage du Moustasfâ , Al Ghazâlî écrit :


43

« L’ivrogne, d’une façon générale est dans un état plus grave que
celui de l’endormi, car ce dernier peut être réveillé à tout moment et
même plus grave que certains fous qui, eux, peuvent saisir une grande
partie de nos paroles ».
L’imâm Al Ghazâlî reprend cette discussion dans ‘al Mankhoûl’ :
« Quant à l’ivrogne, on ne lui adresse pas le discours en état d’ivresse,
mais la sentence reste toujours d’actualité et la prière est reprise par un
nouvel ordre. »

Remarque :
Les drogues sont interdites (hadîth rapporté par Ahmad, dans son
Mousnad, d’après Ibn ‘Oumar et Oumm Salama - Qu’Allâh soit satis-
fait d’eux-).
Al Qarâfî (Malikite) rapporte l’unanimité à ce sujet.
Les drogues sont assimilées à l’ivresse, mais leur nuisance est plus
grave et plus destructrice que la boisson enivrante.
Selon Al Bazdawî et Ibn Taymiyya, le consommateur de la drogue
est sanctionné par la même peine pour ivresse.

42 Al-Mankhoûl : p.28
43 T.1 p.54

343
Les fondements du droit musulman

Cependant, le trafic de drogue a été assimilé par les érudits contem-


porains au délit du ifsâd fil-ard (le fait de semer le désordre sur terre).
Il y a des décisions issues des Council du Droit musulman, qui fixe
la peine de mort pour ce délit : (Council des grands savants d’Arabie
Saoudite ; Council du Droit musulman de Jedda…)
- La contrainte : al ikrâh
Il existe deux catégories :
A : Ikrâh moulji’ : la contrainte totale
Elle lève la responsabilité et ce, unanimement
Exemple : la personne est enchaînée et privée de tout mouvement
de faire ou ne pas faire. Absente totale de choix.
B : Ikrâh ghayr moulji’ : la contrainte partielle.
Elle est sujette de divergence entre Ahl al Ousoûl.
Il est possible que cette situation permette à la personne de s’adon-
ner au sujet du taklîf car une des conditions de la responsabilité est la
capacité (l’aptitude) de s’acquitter de l’acte.
Al Ghazâlî dans son ouvrage al-Mankhoûl l , stipule que cette per-
44

sonne contrainte se trouve dans la situation de choix (faire ou ne pas


faire).
Ibn Qoudâma dans « Rawdatou An-Nâzir » écrit : « Parmi les
exemples illustrant cette situation, le cas de la personne que l’on
contraint à tuer quelqu’un d’autre tout en lui disant : tues un tel sinon
tu seras tué.
S’il obéit en tuant l’autre, il est en état de péché, car il s’agit du droit
de l’autre. Sa responsabilité n’est pas levée.
Quand l’acte contraignant ne concerne pas le droit d’autrui, après
recensement des avis des Ahl al Ousoûl, nous constatons une permis-
sion suspendant le taklîf. »

44 P.32

344
Les fondements du droit musulman

- L’erreur : al-khata’ 45

L’erreur involontaire considérée par Le Prophète (r) comme cause


légale qui suspend la responsabilité. Il a dit (r) : « Allâh ne considère
pas responsable tout acte commis par ma communauté par erreur,
par oubli ou sous la contrainte. » 46

- La mise sous tutelle : Al-hajrou


Il s’agit d’une décision judiciaire empêchant une personne de dis-
poser de ses biens, car elle est jugée inapte soit pour cause de safahoun
(légèreté dans les décisions soit par naïveté, soit à cause d’un léger
handicap mental).
Le juge va lui désigner un tuteur. Cette personne appelée « safîhoun »
demeure toujours responsable au niveau de l’acquittement de tous ses
devoirs religieux, excepté le domaine des transactions financières où il
perd ce que nous avons appelé « ahliyatou at-taklîf » (Voir la question
de la folie : al jounoûn).
- La plaisanterie : al-hazlou
Contraire : al jiddou : le sérieux.
Il s’agit d’une personne qui prononce volontairement et en toute
liberté des paroles par lesquelles elle ne vise pas le sens réel des mots
prononcés, cependant un sens figuré. Et cela pour plaisanter ou faire
rire les autres. Cette utilisation volontaire ne lève pas la responsabilité.
Nos savants ont catégorisé cette plaisanterie en trois :
A : Plaisanterie touchant à la foi
Elle entraîne l’apostasie, surtout si la personne avait l’intention de
ridiculiser la foi musulmane.

45 Remarque : Quand on parle d’erreur, elle ne peut pas concernée ce qui est
communément établi et connu par tous les croyants. Pas de négligence ! Il y a un
minimum d’infos sur l’Islam qui doit faire partie de la seconde nature des croyants.
Nous ne parlons pas des exceptions.
Ex : les rites des ablutions.
46 Ibn Mâjah, Al Bayhaqî et autres.

345
Les fondements du droit musulman

Exemple :
Faire des plaisanteries sur le Coran ! Ceci est un manque de respect
vis-à-vis du Livre d’Allâh et donc vis-à-vis d’Allâh (U).
B : Plaisanterie ayant pour but d’informer, de faire passer une infor-
mation plaisante : al ikhbârou
On n’en tient pas compte au niveau juridique

Exemples :
Une personne dit en s’adressant aux autres :
« Je me suis marié ! J’ai divorcé ! » ; Alors qu’il s’agit de mensonge.
Cela peut toutefois nuire à son honorabilité de la au niveau moral.
L’homme ne peut pas dire à son épouse, même en plaisantant : « Je
te divorce !»
C : Plaisanterie à travers laquelle on cherche à réaliser un acte :
hazloun min qabîli al-’inchâ’

Exemple :
Les plaisanteries que le Prophète (r) a dénoncées dans un hadîth, et
qui vont servir de base pour tous les juristes. Le Prophète (r) a dit :
« Trois choses dites sérieusement sont sérieuses et leurs plaisante�-
ries sont sérieuses : le mariage, le divorce et la révocation à la suite
47

du divorce.»
Ce genre de plaisanterie a pour effet la réalisation du sujet de la
plaisanterie, y compris le divorce ou la vente annoncée… Il n’y a pas
de levée de la responsabilité.
- La mécréance : al koufrou
Ahl al Ousoûl ont divergé selon trois avis sur cette question :

47 Version rapportée par Abû Dawoûd, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah. D’autres ver-
sions où « ar-rij‘atou » a été remplacé par l’affranchissement de l’esclave (al-‘itâqou)
dans une version encore (ar-rij‘atou) a été remplacé par « al-yamînou » (serment)

346
Les fondements du droit musulman

A : Tendance considérant que les mécréants sont interpellés par les


lois de l’Islam
Cette position est celle de la grande majorité.
Cependant, leur mise en pratique et leur validité dépendent de l’Is-
lam ou de leur conversion. Ils font la distinction entre la condition
d’exigibilité (chouroûtou al woujoûb) et celle de validité (chouroûtou
48

as-sihha) .49

Ils se sont référés à la Ste 74/V.42-43 ainsi que la Sourate 69/V.34


Quand on combine les deux versets, on peut dire que le châtiment
était dû parce que :
« Ils ne croyaient pas en Allâh. »
« N’aidaient pas les pauvres. »
Ces avis défendus par ach-Châfi‘î, nous donne l’exemple du mou-
hdith (celui qui en état d’impureté) est concerné par la prière en temps
légal, mais dans ce cas la condition de validité n’est pas remplie (les
ablutions ou le ghousl). Cela sous-entend que le mécréant est interpellé
par les lois islamiques, mais la condition de validité c’est l’Islam.
B : Avis de l’imâm Aboû Hanîfa
L’imâm considère que les mécréants ne sont pas concernés par l’in-
terpellation, car si l’un d’eux s’acquitte d’un acte avant sa conversion,
cela ne lui sera pas compté, car l’Islam est une condition d’exigibilité
et de validité.
C : Avis de l’imâm Ibn Qoudâma et de l’imâm Aboû Hâmid al
Ghazâlî
Les Non musulmans sont concernés par les interdits, et non par
les prescriptions. (Réf : Al Ghazâlî : Al Mankhoûl, page 31, et Ibn Qoudâma ;
Rawadat an-Nâzir)

48 Tous les Hommes sont concernés


49 S’ils n’ont pas adhérés à l’Islam, ils ne peuvent faire la prière

347
Les fondements du droit musulman

LA RÈGLE DE DROIT LÉGALE


PRESCRIPTIVE
Al Houkm Ach-Char‘î At-Taklîfî

Définitions
Définition littérale
On dit : hakama lahou, wa hakama ‘alayhi bikadhâ : idhâ mana‘ahou min
khilâfihi
C’est lorsqu’on empêche quelqu’un de s’adonner à un acte contraire
que celui énoncé.

Exemple :
Quand on demande à quelqu’un de sortir : le sens est l’empêcher de
rester : hakamtou ‘alayhi bilkhouroûj. 50

C’est pourquoi on appelle le juge « hakamoun », car il empêche les


justiciables d’aller à l’encontre de ses sentences. 51

La preuve est qu’a dit le poète Jarîr :


Abanî hanîfata ahkimoû soufahâ’akoum,
innî akhâfou ‘alaykoumoû an aghdabâ

Traduction :
Ô les Banoû Hanîfa empêchez vos simples d’esprit de dire du mal de
nous,
Car je crains pour vous ma colère !
* Ici, sa colère s’extériorisait par le biais de sa langue.

50 Empêchement : al-man‘ou : al-houkmou


51 Hakama – ahkama – hakkama : mana‘a

348
Les fondements du droit musulman

Le poète Hassân Ibn Thâbit a dit :


f î koulli yawmin min ma‘âddin
Sibâboun aw qitâloun aw hijâ’ou
Fa-nahkoumou bil-qawâfî man hajânâ
Wa nadribou hîna takhtalitou ad-dimâ’ou

Traduction :
Chaque jour, nous avons de la part de Ma‘add,
Soit des insultes ou un combat ou un dénigrement,
Alors, nous empêchons par les rimes celui qui nous dénigre,
Et nous frappons (par nos épées) lorsque le sang se mêle.

* Ces deux verbes ont la même sens que « mana‘a » : empêcher et


interdire à quelqu’un de faire quelque chose.
Donc le terme houkm est synonyme du terme qadâ’. Le sens originel
est : l’empêchement (al man‘) de faire ou de s’adonner à quelque chose,
contraire à ce qui a été décrété, décidé et prononcé.

Définitions Juridiques
« Al houkm c’est le fait de confirmer un ordre, faire preuve d’un ordre se
rapportant à quelqu’un ou à quelque chose ou sa négation par rapport
à quelqu’un ou à quelque chose.
Exemple : vous dîtes Untel est debout et Untel n’est pas debout. »
Ce houkm se subdivise d’après les Textes de la Loi et de la réalité
en trois sortes :
- Houkmoun ‘aqlîy : sentence rationnelle
Les jugements ou sentences où la raison se prononce dans le sens
de négatif ou de positif.

Exemples :
- Le tout est plus grand que la partie

349
Les fondements du droit musulman

- Un pain est plus grand qu’un morceau de pain


Preuve rationnelle de la notion du positif exprimé par la grandeur.
- Houkmoun ‘âdîy : sentence usuelle
Il s’agit de tout ce qui est reconnu comme tel par l’usage fréquent et
l’habitude fruit de l’expérience (Al-‘âdatou wa at-tajribatou ».
- Houkmou char‘îy : sentence légale
C’est ce type de sentence qui intéresse les juristes.

Définition d’Ibn Al Hâjib


Ibn al-Hâjib a défini al houkm ach-char‘iy, comme suit : « al-houkmou
houwa khitâbou Allâhi (ta‘âlâ) al-mouta‘alliqi bi- ‘af‘âli al-moukallafîna
bitarîqi al iqtidâ’i’ aw at-takhyîri aw al-wad‘i : Le Discours d’Allâh
(U) qui interpelle les actes des personnes responsables soit par une
injonction ou par une option préférentielle par choix ou par institution
en avance de règles. »

Explication de la Définition
1. « Khitâbou Allâhi (ta‘âlâ) » : il s’agit de Sa Parole (U), que certains ont
appelé « al-kalâm an-nafsî » : la Parole de l’Être qui est immatérielle.

Remarque :
Au niveau des humains, la parole immatérielle c’est ce qu’on imagine
dans notre subconscient, et que l’on n’arrive pas à articuler.
La Parole d’Allâh (U) est une parole inarticulée. Nous faisons la
différence entre une parole inarticulée et une parole prononcée ; car
celle-ci traduit dans le concret cette parole intérieure qui se situe au
niveau de notre conscience.
Attention, La Parole d’Allâh (U) n’est pas composée de sons, ni
articulée.
« Al-kalâm : la Parole » est une vérité, et c’est l’un des Attributs
d’Allâh (U).

350
Les fondements du droit musulman

« Khitâbou Allâhi (ta‘âlâ) » consiste donc en cette Parole divine


(Attribut) qu’Allâh adresse à tous Ses serviteurs. Cette Parole d’Allâh
(Attribut) est une Parole éternelle ; elle précède la parole articulée.

Remarque importante :
On ne peut dire que la langue arabe est une parole éternelle ; c’est une
langue créée « kalâmoun lafzî ».
Tout ce que la Sounna nous a rapporté qu’elle soit « qawliyya, fi‘liyya,
taqrîrîya » constitue des créneaux et des indications sur le Discours
d’Allâh (U).
De même, on a appelé « al-‘ijmâ‘ » et « al-qiyâs » sont des dalîl, car
chacun d’entre eux indique une qualification parmi celles qui sont vou-
lues par Allâh (U), car l’érudit, à travers son ijtihâd ne fait que dévoiler
les qualifications légales (al-kachfou ‘an al-ahkâmi), et n’a pas un rôle de
légiférateur, il ne peut instituer des lois (wa lâ yaqoûmou bi inchâ’i). Il
fait ainsi un travail de réflexion, à partir de Textes, de déduction.
Donc, toutes les règles de Droit considérées comme telles dans
notre Charî‘a, ainsi que les règles de base déduites des Textes, for-
ment ce que nous avons appelé « khitâbou Allâhi (ta‘âlâ) », par lequel
Il interpelle Ses serviteurs. Ce discours d’Allâh a été dévoilé soit par
l’indication verbale « biddalîli al-lafzî » : il s’agit ici du Coran et des
hadîths (parole du Prophète –Paix sur lui-) ou ce discours a été dévoilé
par la Sounna pratique (actions et approbations du Prophète- Paix sur
lui-) ; et une autre partie a été dévoilée par le moyen de la déduction
suite à un Consensus de la communauté (les érudits) ou par la réflexion
rationnelle et analogique (al ijtihadou al-qiyâsî)

2. « Af‘âlou al-moukallaf îna »


Al-houkmou ach-char‘î s’intéresse aux actes (pratiques) des personnes
jugées responsables : lorsqu’on demande au moukallaf de s’adonner
obligatoirement à un acte ou de s’en abstenir ou qu’on lui indique la
permission de faire ou de ne pas faire.

351
Les fondements du droit musulman

Tous les versets, tel que Ste 3/V.18 et ceux qui lui ressemblent ne
peuvent être inclus dans les versets contenant une qualification légale.
On ne peut donc inclure tous les versets traitant de l’Entité divine
ou de la création, du Jugement Dernier, comme faisant partie des sen-
tences légales ayant pour sujet les actes des personnes moukallaf.
Les versets contenant un houkm ach-char‘î indique un ordre de faire
ou ne pas faire adressé au responsable.

Remarque :
« Al-houkmou ne concerne pas l’être de l’individu comme entité, mais
ses actes : Al-houkmou ach-char‘î lâ yatanazzalou ‘alâ adh-dhawâti bal
‘alâ al af‘âli. »

Qu’est-ce que l’acte (al fi‘l) ?


L’acte désigné par notre définition ne se limite pas aux gestes uni-
quement, mais aussi les actes du cœur. La croyance, ainsi que les sen-
timents négatifs, on y inclut aussi les actes de la langue (al aqwâl) et
aussi les actes des différents membres.
En conclusion, le Discours d’Allâh (U) s’adresse à tout ce que peut
exprimer al moukallaf comme acte, conviction ou parole.

Qu’est-ce qu’al moukallaf ?


C’est celui qui a réunit les conditions requises d’al ahliyyah et du taklîf.
Et al On peut dire qu’il s’agit de deux conditions principales :

3. « bitarîqi al’iqtidâ’i »
Al iqtidâ’ : at-talab : al amr : c’est la demande ou l’ordre, qui est de
deux sortes :
A : Talaboun îjâbiyyoun ou woujoûdiyyoun (awjada : concrétiser)
(quelque chose de positif )
On donne naissance à quelque, à un acte. C’est une demande de
faire (talabou fi‘l).

352
Les fondements du droit musulman

Exemple : la Parole d’Allâh (U) : « Aqîmoû as-salâta : Célébrez la


prière ! »
B : La demande peut être aussi talaboun salbiyyoun ou ‘adamîyoun,
c’est-à-dire : l’ordre consiste à ne pas s’adonner à un acte. C’est une
demande de ne pas faire (talabou kaffin).
Exemple : La Parole d’Allâh (U) (… dharoû mâ baqiya mina
ar-ribâ… : …Renoncez à tout reliquat d’intérêt usuraire… ) (Ste
2/V.278)
Cette demande ou cet ordre que nous avons appelé al-iqtidâ’ est,
soit exprimée d’une manière ferme et contraignante et c’est ce que Ahl
al Ousoûl appellent al wâjib : l’obligatoire.
Si cette demande ou ordre est exprimé avec une absence de toute
contrainte et de fermeté, c’est ce qui est appelé al mandoûb ou al mous-
tahab : le recommandé.
Quand al-iqtidâ’ exprime l’absence de l’acte et sa négation, mais
d’une manière ferme et contraignante c’est al harâm ou al mahzoûr :
l’interdit.
Quand al-iqtidâ’ (la demande) de ne pas faire n’est pas fermement
exprimée avec absence de contrainte, c’est al makroûh : le répréhensible.

4. « at-takhyîr »
Nos savants ont dit que c’est une situation où il y a égalité entre al-fi‘l
et at-tark : la demande de faire et de ne pas faire l’acte.
Il y a égalité entre les deux demandes.
C’est-à-dire qu’on a libéré l’acte du moukallaf, qui a le choix entre
faire et ne pas faire ; et c’est ce que nous appelons al moubâh ou al halâl :
le permis ou le licite.
C’est la raison pour laquelle certains Ousoûliyyoûn n’ont pas consi-
déré al moubâh comme une qualification légale. Alors que d’autres le
considèrent comme telle, puisqu’il fait partie du Discours d’Allâh (U).

353
Les fondements du droit musulman

5. « aw al wad‘i »
Il s’agit de ce qu’Allâh (U) a institué comme une cause, une condition
ou un empêchement de l’acte.
Exemple : la Parole d’Allâh (U) : ( Allâh vous enjoint concernant
vos enfants aux mâles sont accordés deux parts… ) (Ste 4/V.11)
A travers, ce verset, Allâh (U) a institué le lien de parenté comme
étant la cause sabab donnant droit à l’héritage.
Le discours stipulatif (al khitâb al wad‘î) ne contient pas une
demande de faire ou ne pas faire, et il n’est pas question de choix ou de
préférence. C’est plutôt l’institution de causes (asbâb char‘iyya) pour des
mousabbabât (effets légaux), institués par le Législateur (U).
C’est ce qu’Allâh (U) a institué comme cause, condition ; le respon-
sable en tant que personne n’est pas pris en compte ( ). 52

Quand nous étudions et analysons la règle de Droit légale, nous


constatons qu’elle est de deux sortes :
I : Houkmoun char‘iyyoun taklîfi : règle de Droit légale prescriptive.
II : Houkmoun char‘iyyoun wad‘îyoun : règle de Droit légale stipulative.

Préambule
A : La position de la Majorité
La Majorité de Ahl al Ousoûl ont fixé al-houkmou ach-char‘îyyou
at-taklîfîyyou (la règle de Droit prescriptive) au nombre de cinq :

52 () Rem : le fi‘l du moukallaf est de trois sortes :


- fi‘loun idtirârîyoun : provenant de l’intérieur de la personne,
exp : tremblement de la main
- fi‘loun ikrâhîyoun : provenant de l’extérieur,
exp : tous les actes faits sous la contrainte.
- fi‘loun ikhtiyâriyoun : c’est ce que la personne fait par libre choix.

354
Les fondements du droit musulman

1- Al Wâjibou ou Al Fard (l’Obligatoire)  al-woujoûbou ou al îjâbou


(l’obligation)
2- Al Harâm ou Al Mahzoûrou (l’Interdit)  al-hirmatou ou at-tahrî-
mou (l’interdiction).
3- Al Makroûhou (le Répréhensible)  al-karâhatou (la répréhension)
4- Al Mandoûbou ou Al Moustahabbou (le Recommandé)  an-nadbou
ou an-nadbîyyatou (la recommandation)
5- Al Halâlou ou Al Moubâhou (le Permis)  at-takhyîrou : al-hillîya-
tou, al ibâhatou (la licéité, la permission, le libre choix).

B : La position des Hanafites


La deuxième position est celle des Hanafites dont la fixation des règles
dépendra de la qualité de la preuve. Leur classification dépend de la
valeur de la preuve : sûre et certaine (qat‘îyoun) : c’est al Fard et al
Harâm ou probante (zannî) : al Wâjib et Karâhat tahrîm.

DETAILS :
* Si la demande est ferme (jazm) [qat‘î] : al iqtidâ’= talaboun=
Jazmoun qat‘î : fardoun : fi‘loun wâjiboun : woujoûdî
- Jazmoun qat‘î : fardoun fi‘loun harâm : ‘adamî.
* Si la demande est probante (jazm zannî) dans son indication (zannî)
al iqtidâ’.
- Talaboun zannîyoun : al-wâjib : fi‘loun woujoûdî
- Karâhatou tahrîm : fi‘loun wajiboun ‘adamî
Pour ces derniers (les Hanafites), le Fard est plus élevé qu’Al Wâjib.
* Après, ils ajoutent la demande qui n’est pas ferme, al-iqtidâ’ ou al-lâ
jazmiyyou.
S’il s’agit de faire c’est Al Mandoûb. Et s’il s’agit de ne pas faire c’est
Al Makroûh.
C’est une demande d’acquittement d’un acte (talab). Elle englobe :

355
Les fondements du droit musulman

Al Makroûh (le répréhensible).


Al Mandoûb (le recommandé).
Al Moubâh ou Al Halâl : At-Takhyîrou : règle où il y a égalité entre la
demande de faire ou ne pas faire l’acte. Il s’agit du permis ou du licite.
Si nous nous résumons. Les Hanafites confirment les règles de droit
prescriptives selon l’ordre suivant :
Al iftirâd ; al îjâbou ; an-nadbou ; al ibâhatou ; al karâhatou
at-tanzîhiyyatou ; al karâhatou at-tahrîmiyyatou ; al harâmou.
C : Un groupe qui a limité le nombre de règles de Droit à quatre, en
excluant al Moubâh.
La raison de ce choix est, qu’ils ont considéré al Moubâh en dehors
du Discours divin, puisque les choses sont, par nature, permises. Et
lorsqu’Allâh (U) s’adresse à nous c’est pour nous responsabiliser.
Allâh (U) ne va pas interpeller l’homme sur ces choses (exemple :
boire, manger) ; car elles font partie de la composante de l’homme et
existaient chez lui, avant qu’il ne soit sujet d’interpellation et de charge
légales.

D : Avis d’un groupe minoritaire


Ils vont proposer une classification par rapport aux conséquences de
l’acquittement.
Ils vont diviser les règles de Droit prescriptives en deux sortes :
- Celles qui engendrent gêne (haraj), quand ou s’y adonne : Al Harâm
(l’Interdit) ;
- Celles qui n’engendrent pas de gêne, et il n’y a pas de mal de s’y
adonner, pas de grief, pas de sanction dans leur acquittement (mâ
lâ haraja fî fi‘lihi) :
Al Wâjib; Al Mandoûb; Al Moubâh; Al Makroûh.

356
Les fondements du droit musulman

L’OBLIGATOIRE
Al Îjâb - Al Wâjib Ou Al Fard

Définitions
Définition Littérale
Wajaba : lâzama. Al woujoûb : allouzoûm : se dit, lorsqu’une chose
tombe et reste inerte, perd tout mouvement, de sorte qu’elle reste
‘‘coller” de sa chute. Elle ne peut le quitter. A l’exemple du mort qui
tombe et qui ne bouge plus, car il y a absence de tout mouvement.
Allâh (U) dit au sujet des bêtes immolées durant le Hajj : ( …fa
idhâ wajabat jounoûbouhâ… : et une fois que la bête est abattue…) (Ste
78 / V.36)
Allâh (U) parle ici de la bête sacrifiée, lorsqu’elle tombe inerte,
on peut estimer qu’elle est morte, alors coupez-la et nourrissez-en les
pauvres.

Définition Conventionnelle
Al Wâjib ou Al Îjâb :
On a défini l’obligatoire comme suit : « Il s’agit de l’acte que Le
Législateur a exigé son acquittement d’une façon formelle et ferme….»
(Réf : Ibn Hazm : Al Ihkâm ; tome 3, page 321)
L’obligatoire est une demande (talab), dont les preuves provenant
du Législateur, exigeant l’acquittement de l’acte, sont plus effectives
et plus élevées que l’indication de ne pas faire. Il y a absence totale de
toute autre supposition. « Cette position ne laisse pas de possibilité
à aucune remise en question et implique forcément l’interdiction du
délaissement de l’acte obligatoire.» (Réf : Ad-Dabboûsî al hanafi : Taqwîm
al adillah fî Ousoûl al fiqh, page 49).

357
Les fondements du droit musulman

On a dit aussi : « Acte dont l’acquittement est récompensé et dont


le délaissement est sanctionné. »
A l’exemple de l’ordre de l’acquittement de la prière. (Réf : Al Ghazâli :
Al Moustasfâ, Tome 1, page 42)
Nous constatons que la première définition a insisté sur l’essence
de l’obligation (al mâhîyatou). On a insisté et mis en évidence l’entité
même de l’obligatoire (al wâjib).
La deuxième définition se penche sur les aspects de l’obligatoire.
(awsâf)
Quant à la troisième définition, elle s’intéresse aux conséquences
(an-natâ’ijou = al-haythîyyâtou).
Divergence entre al Joumhoûr et les Hanafites
La Majorité désigne l’obligatoire (l’obligation) par deux termes sup-
posés être synonymes à savoir : les termes al wâjib et al fard.
Pour les Hanafites, l’obligation varie par rapport à sa preuve. Si
l’obligation est affirmée par une preuve sûre et certaine (dalîloun
qat‘iy) : Coran ou hadîth moutawâtar, c’est al fard.
Quand l’argument (ad-dalîl) est sûre, mais pas certain : probant
(zannî), alors il est question d’un acte dit : wâjib.
Ainsi de point de vue sentence, celui qui renie al fard, il est jugé
mécréant, ce qui n’est pas le cas en cas de reniement du wâjib.
Les effets juridiques sont différents aussi. Ainsi, celui qui délaisse la
lecture (du Coran) dans sa prière, elle est jugée invalide, car l’ordre sûr
et certain émanant du Coran est formel. Allâh (U) dit : ( Récitez, dans
vos prières, ce que vous pourrez du Coran… ) (Ste 73/V.20)
Quant au délaissement de la récitation de la Fâtiha, en soi, n’inva-
lide pas la prière. Car sa récitation est confirmée par une information
ahâd. Le Prophète (r) a dit : « Celui qui ne récite pas l’Ouverture du
Livre sa prière est invalide.. » (Rapporté par Mouslim)
Cependant, la terminologie et la classification utilisées par la
Majorité (al joumhoûr) sont plus correctes et plus fondées, car le mode

358
Les fondements du droit musulman

de confirmation de l’obligation de point de vue force ou faiblesse de


l’argument ne peut mettre en cause l’essence même du wâjib !
En plus, le Législateur a désigné al fard (l’obligation) par le terme
d’al wâjib ! A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( Al Hajjou ach’hou-
roun ma‘loûmâtin faman farada (awjaba) f îhinna al hajja… : le pèleri-
nage a lieu en des mois déterminés. Que celui qui s’y engage s’abstienne
de l’acte charnel… ) (Ste 2/V.197)
Quant à la remise en question du contenu de la transmission ahâd
par les Hanafites, ceci n’est pas sujet à caution, car le Compagnon rap-
porteur, qui est honorable et véridique (‘adl et sadoûq), rapporte l’ordre
comme étant une obligation formelle, à laquelle il ne se soustrait, ni
lui et ni les Compagnons à qui l’information était parvenue, alors de
quel droit remet-on en cause le degré de la sentence et la réduit-on un
degré inférieur ?
Les Hanafites appellent le fard : al qat‘ et al wâjib : as-saqt ou
as-souqoût : c’est-à-dire : la régression.
Il s’agit d’une régression et une diminution de point de vue degré, et
ce par rapport au formel et qui est sûre et certain. Cette identification
et classification ne tient pas de point de vue légal.
Selon Ahl Al Ousoûl, la divergence entre la Majorité et les Hanafites
est une divergence linguistique due à l’argumentation juridique diffé-
rente utilisée par les Hanafites. Force de constater, malgré ce débat,
pour les Deux tendances, il s’agit d’un acte obligatoire. Son délaisse-
ment engendre blâme et sanction.
Pour compléter ce sujet, il me paraît intéressant de rapporter cette
information. Dans Al Mouswadda fi Ousoûl al Fiqh, page 50, d’après
Ibn ‘Aqîl Al Hanbalî, l’imâm Ahmad désignait tout ce qui est confirmé
par le noble Coran par le dénominatif : Al fard, quant au wâjib, c’est ce
qui est confirmé par la Sounna.
Il est vrai, que l’on constate une certaine similitude avec la position
des Hanafites en la matière, mais ceci n’est pas formel.

359
Les fondements du droit musulman

Les Malikites font la différence entre al fard et al wâjib uniquement


dans leur classification des rites du Hajj.
Ainsi, l’acte wâjib est celui que l’on peut compenser, rattraper ou
corriger en cas d’erreur, d’oubli ou de non acquittement par un sacrifice
(hady). Tels que : Tawâf al qoudoûm (de l’arrivée).
Tandis qu’al fard, c’est l’acte qu’on ne peut nullement compenser et
en son absence le Hajj est invalide, à l’exemple de la Station à ‘Arafât
ou la mise en état de sacralisation (al ihrâm), il s’agit de piliers du Hajj :
arkân.

Comment peut-on déduire


l’acte obligatoire?
L’acte obligatoire est saisi par la formulation indiquant une demande
ou par les indices et le contexte.
- L’obligation est déduite par l’indication explicite du Texte (dalâlat
an-nas), décrivant que l’acte d’obligatoire. La formulation par
le verbe à l’impératif (al amr). Allâh (U) dit » ( …Wa aqîmoû
as-salâta… : Célébrez la prière. ) (Ste 2/V.110)
- L’obligation est signifiée par l’usage du radical sujet d’un verbe
passif, à l’exemple de la Parole de Dieu (U), sourate 47/Verset 4 :
( Fa idhâ laqîtoumou alladhîna kafaroû fadarba ar-riqâbi : Lorsque
vous rencontrez au combat les négateurs, (qui vous combattent), por-
tez-leur des coups mortels au point d’anéantir leurs forces. )
- Le verbe au mode de l’indicatif accompagné de la particule « al-lâm »
de l’impératif. Exemple, la sourate 65/Verset 7 : ( liyounfiq dhoû
sa‘atin min sa‘atihi : L’homme aisé paiera une pension selon ses
moyens… )
- Le nom du verbe devoir. Exemple : la Parole de Dieu (U), la sou-
rate 5/Verset 105 : ( ‘alaykoum anfousoukom… : Vous devez songer

360
Les fondements du droit musulman

à votre salut ! Que vous importe que d’autres s’égarent, si vous êtes
sur la Voie de Dieu ! )
- L’ordre explicite à l’impératif. Exemple : la Parole de Dieu (U),
sourate 16/Verset 90 : ( Inna Allâha ya’mourou bil ‘adli wal ihsâni
wa îtâ’i dhî al qourbâ… : Dieu prescrit l’équité, la charité, l’assistance
bienveillante aux proches… )
- Les procédés stylistiques de la langue arabe indiquant la demande
formelle de l’acquittement de l’acte. Exemple la Parole de Dieu (U),
sourate 3/Verset 97 : ( Wa lillâhi ‘alâ an-nâsi hajjou ala bayti : Dieu
a prescrit aux Hommes, par déférence envers Lui, de se rendre en
pèlerinage à Sa Demeure, pour quiconque en a les moyens… )
- La racine du verbe indiquant le sens de l’obligation. Exemple : la
Parole de Dieu (U), sourate 2/Verset 182 : ( Yâ ayyouhâ alladhîna
âmanoû koutiba ‘alaykoumou as-siyâmou… : Croyants ! Le jeûne
vous est prescrit … )
- Le fait de décrire le délaissement de l’acte comme une rébellion, une
perversité ou la menace par une sanction grave dans ce bas-monde
et dans l’au-delà. Exemple la Parole de Dieu (U) : ( Fawayloun
lil-mousallîn alladhîna houm ‘an salâtihim sâhoûn : Malheur à ceux
qui négligent leur prière… ) (Ste 107/V.4-5)
- L’usage explicite du terme farada ou wajaba. Exemple la Parole
de Dieu (U), sourate 66/Verset 2 : ( Qad farada Allâhou lakoum
tahillata aymânikoum : Dieu a institué pour vous un moyen légal de
vous délier de certains de vos serments. )

361
Les fondements du droit musulman

La classification de l’obligatoire
La classification de l’obligation (al îjâb) se fait par rapport à différentes
considérations :
I : Obligatoire par rapport au temps de l’acquittement : Wâjib biha-
sabi waqti al adâ’.
Ce wâjib se divise en deux sortes :
1- Obligatoire large, étendu : Wâjib mouwassa‘, moutlaq.
2- Obligatoire restreint, limité : Wâjib mouqayyad, moudayyaq.
II : Obligatoire par rapport à la quantité qui lève la responsabilité
du moukallaf : Wâjib bihasabi al-miqdâri al-ladhî tabra’ou bihi
dhimmatou al moukallaf.
Il se divise en deux :
1- Obligatoire quantité définie : Wâjib mouhaddad
2- Obligatoire quantité non définie : Wâjib ghayr mouhaddad.
III : Obligatoire par rapport à l’acte exigé : Wâjib bihasabi al fi‘li al
ma’moûri bihi
Il se divise en deux sortes :
1- Obligatoire désigné, délimité : Wâjib mou‘ayyan ou mouta‘ayyan
2- Obligatoire au choix : Wâjib moukhayyar
IV : Obligatoire par rapport à l’interpellé : Wâjib bihasabi al-ma’moûr
Il est de deux sortes :
1- Obligatoire individuel : Wâjib mou‘ayyan ou fard ‘ayn
2- Obligatoire collectif ou solidaire : Wâjib kifâya ou kifâ’î ou fard
kifâya

362
Les fondements du droit musulman

Développement
I : L’Obligatoire par rapport au temps de l’acquittement :
wâjib bihasabi waqti al adâ’.
1- Obligatoire large, étendu : Wâjib mouwassa‘ moutlaq.
Il s’agit de l’obligation dont Le Législateur a demandé l’acquittement
sans fixer le temps. Le moukallaf a le droit de s’en acquitter quand cela
lui semble bon ; il doit bien entendu formuler l’intention de le faire un
jour (doit prendre une résolution interne).
Cependant, il est préférable de s’en décharger au plus vire, car la
mort survient par surprise.

Exemples :
- L’acquittement des kaffârât (les expiations). Cette expiation est
toutefois exigée de la personne sans concession ; cela ne lève aucu-
nement l’obligation.*

Remarque :
La Majorité recommande de s’acquitter des compensations en pre-
mier, avant le surérogatoire. Tandis que les Chafi‘îtes exigent l’acquit-
tement de la compensation, avant tout autre acte surérogatoire : car
c’est une dette.
- La compensation du jeûne de Ramadan.
- Le Hajj pour celui qui possède les moyens. Il est obligatoire dans
le temps (‘alâ at-tarâkhî) et non pas tout de suite (‘alâ al fawr). La
personne a le droit de s’en acquitter à n’importe quel moment de
sa vie. Bien que les hadîth incitant à son accomplissement au plus
vite sont très nombreux.

363
Les fondements du droit musulman

2-Obligatoire restreint, limité : Wâjib mouqayyad moudayyaq


Il s’agit de cet acte obligatoire dont Le Législateur a exigé l’acquitte-
ment et lui a fixé un temps limité pour l’acquittement : un temps qui
a un début et une fin.

Exemples :
- Les cinq prières, le jeûne de Ramadan, les jours des rites du Hajj.
En l’absence d’une excuse légale, si al moukallaf ne respecte pas ce
temps défini, il est jugé en état de péché (âthim).
Selon les Hanafites, ce genre d’obligation restreint (mouqayyad) se
subdivise en trois catégories :

A : Obligatoire Restreint étendu = Wâjib Mouqayyad mouwassa‘

B : Obligatoire Restreint limité = Wâjib Mouqayyad moudayyaq

C : Obligatoire Restreint avec supposition des deux possibilités =


Wâjib Mouqayyad mouwassa‘ dhoû choubouhayn

DETAILS :

A : Obligatoire Restreint étendu = Wâjib Mouqayyad


mouwassa‘ (par rapport au temps d’acquittement).
Ce temps est limité, mais large en même temps, c’est-à-dire que ce
temps défini pour l’acquittement d’un acte permet de faire plusieurs
fois cet acte.

Exemple :
Le temps de la prière du ‘Asr est limité, cependant cette durée limitée
est relativement étendue (plus d’une heure). On pourrait durant cette
durée effectuer plusieurs fois cette prière.
Ainsi, celui qui a commis une erreur pendant sa prière, il a la pos-
sibilité d’une reprise (al i‘âda) durant le temps légal.

364
Les fondements du droit musulman

De même, quand la personne souhaite refaire sa prière déjà accom-


plie individuellement, avec un groupe, ceci lui est accordé, puisqu’il se
situe dans le temps étendu (temps légal) ; et il gagnera la récompense
du groupe.
Ce temps étendu de la prière s’appelle temps mouwassa‘ ou zarf.

B : Obligatoire Restreint limité = Wâjib Mouqayyad mou-


dayyaq (par rapport au temps d’acquittement).
Il s’agit de cet acte dont le temps qui lui est attribué ne permet pas de
s’acquitter d’un autre acte que lui. On appelle ce temps : moudayyaq
ou mi‘yâr.
A l’exemple du jeûne de Ramadan, acte d’adoration qui consomme
tout le temps qui lui est attribué, il exige qu’on lui accorde son temps
propre. Acte qui consume tous son temps. On ne peut jeûner deux fois
par jour !

Remarque :
Il résulte de cette subdivision par rapport à cette obligation dont le
temps d’acquittement est fixé que, lorsqu’il s’agit d’un wâjib mouwassa‘,
l’intention est requise (dans le temps légal du soubh, je suis obligé de
formuler l’intention pour différencier cet acte obligatoire de tout autre
acte surérogatoire permis durant ce temps étendu.)
Quand il s’agit d’un obligatoire et qui est restreint dans le temps,
il est permis de s’en acquitter sans formuler l’intention ; car l’acte se
dirige vers quelque chose de précis :
« Al-wâjibou bihasabi waqti al adâ’i al-moudayyaqi yajoûzou al-qiyâ-
mou bihi bimoutlaqi an-nîyati aw bidoûni nîyatin »
A l’exemple du jeûne du mois de Ramadan.

365
Les fondements du droit musulman

C : Obligatoire Restreint avec supposition des deux possibilités =


Wâjib Mouqayyad mouwassa‘ dhoû choubouhayn (par rapport au
temps d’acquittement).
Acte obligatoire limité qui suppose les deux possibilités c’est-à-dire
d’un côté, il est étendu (mouwassa‘) et d’un côté, il est restreint, limité
(mouqayyad).
Obligatoire qui ressemble d’un côté à l’obligation limité mais
étendu, et d’un autre côté ressemble à l’obligatoire restreint réduit.

Exemple :
Le pèlerinage, ce rite est limité dans le temps, à savoir les mois du Hajj
(Ste 2/V.197). La personne ne peut pas accomplir plus qu’un hajj par
an (moudayyaq) : cependant d’un autre côté le hajj est composé d’un
certain nombre de rites qui n’occupent pas toute la période du hajj.
Le pèlerin peut les accomplir à répétition (mouwassa‘). La possibilité
d’accomplir plusieurs tawâf ; renouveler sa ‘Oumra….
Pour les Malikites, Les Chafi‘îtes et les Hanbalites, Al Wâjib se
divise en deux sortes : Wâjib moudayyaq (restreint, limité) et Wâjib
mouwassa‘ (étendu, large).
Pour la Majorité, dès que l’entrée du temps légal est annoncée, l’acte
devient obligatoire, ensuite, il devient au libre choix dans le reste du
temps légal qui lui est accordé.

Questions diverses
L’acte obligatoire qui est accompli par al moukallaf, est considéré
comme tel, soit par rapport au temps indiqué ou par rapport à l’acte.
L’intérêt de l’acte peut résider dans le temps de l’acquittement qui
lui a été assigné, mais l’intérêt (al maslaha) peut être dans l’acte lui-
même sans tenir compte du temps fixé.

366
Les fondements du droit musulman

Exemple :
La prescription du jeûne du mois de Ramadan : Allâh (U) en a fait le
mois officiel pour s’acquitter du devoir du jeûne.
Le fait qu’Allâh (U) a fixé le temps de ce devoir, c’est qu’il y a une
maslaha ; cependant si on fait abstraction de la notion du temps dans
cette obligation (jeûne), l’acte lui-même contient un intérêt.
Le jeûne de Ramadan est un acte défini dans le temps, et il y a un
intérêt dans l’acte lui-même et dans le temps qui lui est réservé.
Chaque fois que l’individu s’acquitte d’un acte dans le temps indi-
qué, il s’agit d’un adâ’.

Al adâ’ et ses différents cas


a : Adâ’ wâjiboun : acquittement obligatoire
Si al moukallaf ne s’en acquitte pas dans le temps fixé à l’acte, et il
l’a délaissé volontairement, il en résulte ithm (péché), et il doit com-
penser l’acte (qadâ’ouh). En cas d’oubli involontaire, il n’en résulte pas
un péché, mais l’acte doit être doit le compensé.
b : Adâ’oun yajibou tarkouh : acquittement que l’on délaisser
Il s’agit d’un acte obligatoire dont le délaissement est exigé par La
Loi, et même obligatoire. A l’exemple de la femme menstruée ou en
état de lochies, elle doit délaisser l’acquittement de la prière ou du
jeûne. Si elle le fait, elle agit d’une façon non conforme à La Loi.
Cependant, sa compensation est obligatoire. Bien que ce qada’ n’est
pas vraiment réel (haqîqî), mais plutôt majâzî (figuré) : car le qada’
est le fait de s’acquitter d’un acte en retard, en dehors du temps fixé.
Quant à la femme réglée, elle est dispensée du jeûne et de la prière :
on ne l’assimile pas à celui qui reprend un acte obligatoire délaissé ou
retardé volontairement. Elle a reporté cette obligation par ordre du
Législateur. Ainsi on appelle cette compensation (qadâ’) une compen-
sation au sens figuré.

367
Les fondements du droit musulman

c :Adâ’oun bi at-takhyîri fi‘louh : acquittement dont l’acquittement


est au libre choix
Le responsable a le choix de s’en acquitter ou non.

Exemple :
La situation du voyageur, qui a le choix entre le jeûne et la rupture.
Le qada’ du voyageur est aussi majâzî (au sens figuré) ; car al qada’ al
haqîqî, consiste à compenser un acte dont le temps légal est déterminé,
mais il y a eu négligence de la part du moukallaf.
Il y a un autre cas de figure de adâ’.
Il s’agit d’un acquittement sujet de divergence : adâ’oun moukhta-
lafoun fihi

Exemple :
Le cas du malade. Est-il appelé à accomplir son jeûne ?
Il est sûr que, si son jeûne risque de lui causer un dommage phy-
sique réel, l’acquittement dans le temps légal ne lui est pas réclamé.
Dans le cas où il décide de jeûner, quel statut accorde-t-on à cet
acquittement ?
Est-ce un jeûne valide ou un jeûne invalide ?
Certains juristes ont validé son jeûne, tout en signifiant qu’il a
commis un péché : sahha sawmouhou wa ‘asâ.
Pour les Zahirites, son jeûne est invalide, car il a commis un inter-
dit. L’acte est jugé inexistant : on ne peut chercher la proximité d’Allâh
(U) en désobéissant à Ses Ordres et à Sa Sagesse. Ils exigent la com-
pensation du jeûne (al qadâ’).

Qu’est ce qu’al qadâ’ ?


Définition linguistique du terme qadâ’ : l’origine du terme est
qadâyoun ; son pluriel qadâyâ et aqdiyatoun. On dit : qadâ quelque
chose : s’en acquitter : addâhou.

368
Les fondements du droit musulman

Définition juridique : C’est le fait d’exécuter l’obligation en dehors du


temps légal qui lui a été fixée.
Exception : On peut définir l’acte obligatoire, fixé au préalable, au
moment de son exécution comme étant un qadâ’.
- Le Prophète (r) avait décidé d’accomplir le hajj une année à l’avance,
et lorsqu’il l’a effectué, il l’avait appelé hajjatou al qadâ’.
- De même, la dénomination « hajjatou al-qadâ’ » est utilisée pour un
pèlerinage suspendu après l’avoir entamé. Lorsqu’on le reprendra
une année ou plusieurs années plus tard, l’intention à formuler sera
un hajj qadâ’.
- Si l’on fixe la date pour l’exécution d’un acte au préalable. Lorsque
l’on s’acquitte de l’acte, cela est un qadâ’ (par rapport à l’exécution
fixée au préalable).
- De même, le terme « qadâ’» s’emploie pour désigner tout acte obli-
gatoire accompli d’une manière non conforme à la loi et que l’on
doit corriger, parfaire ou refaire.

Exemples
- Al ma’moum al masboûq (le suiveur retardataire) qui rejoint l’imâm
dans une partie de la prière, et il lui reste de compléter sa prière :
cet accomplissement individuel s’appelle qadâ’.
- L’imâm Ach-Chafi‘i (Qu’Allâh lui accorde Sa miséricorde) exige
le qadâ’ des Sounan (sounatoun mou’akkadah) : c’est-à-dire al fajr
et al witr, car il les considère comme ayant une cause (entrée d’un
temps qui lui a été défini) ; donc on doit les reprendre. (Cfr. L’imâm
Al Qarâfî : Al Fouroûq. Al Farq n° 66.)

* At-Ta‘jîlou : Empressement dans l’acquittement de l’obligation


De point de vue juridique, c’est le fait de s’acquitter d’un Wâjib (Fard)
avant l’entrée du temps légal qui lui a été fixé par le Législateur.

369
Les fondements du droit musulman

Cette attitude est interdite, car l’acte est jugé inexistant (ma‘doûm),
de point de vue légal. Une des conditions (chart) pour la validité et
l’acceptation de l’acte n’a pas été observée.
Cependant, la Loi peut déroger à cette condition (règle). Ceci fait
partie du réalisme de la Loi et de sa prise en considération des situa-
tions d’exception (al istithnâ’).
Ainsi, la permission est accordée pour le versement de la Zakât
avant l’avènement de sa date légale (al hawl), en cas d’un besoin urgent
par l’un des bénéficiaires légaux.

* Al i‘âdatou : Acquittement ou reprise dans le temps


Elle est considérée comme une des formes d’al adâ’.
A l’exemple de celui qui célèbre la prière obligatoire du Zouhr indi-
viduellment, puis la refait en groupe.
Il existe aussi une i‘âda (reprise) que l’on va plutôt appeler qasîmoun
mina al adâ’ (branche de l’acquittement). Elle ressemble au adâ’, mais
elle est due à une erreur : tel que l’oubli de l’acte de purification. Cette
reprise (i‘âda) avant la sortie du temps légal est assimilée à un adâ’.
Cet acquittement est classé en dessous du adâ’ fait dans les normes.

II : Obligatoire par rapport à la quantité qui lève la responsabilité


du moukallaf : Wâjib bihasabi al miqdâri al-ladhî tabra’ou bihi dhim-
matou al moukallaf.
Il se divise en deux :

1-Obligatoire à quantité définie : Wâjib mouhaddad


Il s’agit de l’obligatoire dont le Législateur a exigé l’acquittement tout
en définissant la quantité (al qadr) qui lève la responsabilité et toute
poursuite ou demande (talab).

370
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- La prière : le nombre a été définie (cinq prières obligatoires). -De
même, les cycles (raka‘âtes) qui la composent.
- Ceci s’applique aussi à la zakât et au jeûne…Les diyyât (le prix
du sang), le remboursement des dettes, la remise des dépôts (al
amânât).
Ce genre d’obligation est déterminé en lui-même et ne nécessite
pas ni le consentement de la part des gens, ni le recours à une autorité.
La responsabilité n’est pas levée tant qu’il n’y a pas eu un acquittement
selon les normes déterminées par le Législateur.

2-Obligatoire à quantité non définie : Wâjib ghayr mouhaddad.


Il s’agit de l’obligatoire que le Législateur a exigé l’acquittement sans
déterminer la quantité qui lève la responsabilité. Il a exigé l’acte sans
définir ses proportions.

Exemples :
- Le fait de secourir le nécessiteux en état de détresse.
Le fait de lui venir en aide est obligatoire, mais il n’y a pas de déli-
mitation de la quantité à fournir.
- Dépenser pour la Cause de Dieu (U).
Cependant, il y a certaines questions qui ont été sujettes à des
divergences parmi nos érudits. Doit-on les inclure dans l’obligatoire
déterminé ou le non déterminé ?

Exemple :
La nafaqa (la prise en charge de l’épouse). La valeur est-elle définie ou
non définie ?
Les juristes s’accordent sur le statut obligatoire de la nafaqa. Mais
dans le cas où l’épouse est fortunée ou dispose d’un salaire, a-t-on le
droit de définir la nafaqa due par l’époux ou non ?

371
Les fondements du droit musulman

- L’imâm Mâlik s’est référé à la valeur de Médine, et la fixe à un


moudd* par jour, on y ajoute, bien entendu, l’entretien de l’épouse :
l’habillement, le logement et la parure.

* Note : un moudd est équivalent à 675 grammes.


- L’imâm Ach-Châfi‘î opte pour une nafaqa limitée (définie). Si le
mari est aisé : la charge alimentaire est fixée à deux moudd par jour.
Il se base sur la Parole de Dieu (U) : ( liyounfiq dhoû sa‘atin min
sa‘atihi : L’homme aisé paiera une pension selon ses moyens… ) (Ste
65/V.7)
- Les Autres écoles, y compris les Hanafites, considèrent la nafaqa
comme une obligation illimitée et non définie. Car Allâh (U) dit :
( Chacun le faisant selon ses moyens et de la manière reconnue conve-
nable… ) (Ste 2/V.236)

Remarque :
L’aide à la proche parenté, sauf les parents : leur prise en charge est
obligatoire, fait partie des actes de bienfaisance. C’est une aide indé-
finie, comme toutes les oeuvres de bienfaisance (la solidarité sociale,
l’aumône…)

III : Obligatoire par rapport à l’acte exigé : Wâjib bihasabi al fi‘li al


ma’moûri bihi
Il se divise en deux sortes :

1-Obligatoire désigné, délimité : Wâjib mou‘ayyan ou mouta‘ayyan


Il s’agit d’un obligatoire spécifié en soi, défini comme tel sans ambigüité.
Il s’agit de toute obligation que le Législateur a précisée parmi
d’autres obligations.
La responsabilité du moukallaf n’est pas levée tant qu’il ne s’est pas
acquitté de cet acte désigné. Il n’est pas laissé à l’individu le choix de
l’acte légal sujet de demande (talab).

372
Les fondements du droit musulman

Exemples :
La prière ; le jeûne du mois de Ramadan ; la restitution du bien usurpé,
etc.….

2- Obligatoire au choix : Wâjib moukhayyar


Il s’agit d’une demande de l’exécution d’un acte obligatoire qui se situe
dans un ensemble d’actes définis : tous ces actes ont le statut de l’obli-
gatoire, mais il n’y a pas de prééminence d’un acte par rapport à un
autre. A l’exemple des actes d’expiation (al kaffârat) exigés à la suite
d’un serment : la personne est tenue soit à nourrir dix pauvres ou de les
vêtir ou de libérer un captif…. Allâh (U) dit : ( En cas de parjure, vous
les expierez en donnant à manger à dix pauvres de ce dont vous-mêmes
nourrissez normalement les vôtres ou en leur procurant des vêtements
ou bien en affranchissant un captif. Quiconque n’en aura pas les moyens,
accomplira un jeûne de trois jours. Telle sera l’expiation de vos serments
parjurés. ) (Ste 5/V.89)
Allâh (U) dit aussi : ( Une fois la guerre terminée (les prisonniers)
vous pouvez les libérer gracieusement ou les échanger contre rançon… )
(Ste 67/V.4)

Question de Ousoûl :
Ahl Al Ousoûl ont divergé si l’ordre peut concerner un acte ambigu
parmi d’autres désignés.
Cette question est sujet de désaccord entre Al Ousoûliyyoûn de
tendance sounnite et mou‘tazilite.
- Les Sounnites disent que rien n’empêche cette possibilité, ni de
point de vue linguistique, ni rationnel et ni canonique.
Allâh (U) le peut. L’usage de la particule « aw », dans l’exemple
précité pour l’expiation d’une parjure, indique explicitement le choix.
Allâh (U) ne spécifie pas ce qu’Il préfère, il y a takhyîr, alors qu’il s’agit
d’obligations.
Selon les Sounnites, l’ensemble des juristes est unanime à ne pas
exiger l’ensemble des actes obligatoires qui constituent l’expiation.

373
Les fondements du droit musulman

Lorsque la personne est incapable de satisfaire à l’une des trois


formes d’expiations pré citées, alors elle est soustraite à cette obliga-
tion, par le jeûne de trois jours
Il n’y a pas de différence, de point de vue statut, entre un obligatoire
défini et désigné par le Législateur et le fait de laisser au moukallaf le
choix de s’acquitter d’une obligation parmi un ensemble d’actes obli-
gatoires définis.
Cette obligation s’appelle al ‘oumoûm al badalî ou al koull al badalî.
Il s’agit de l’Un qui se substitue à l’ensemble des actes (al fard as-sâdiq
al mountachir).
Si je m’acquitte d’un, c’est comme si je me suis acquitté de l’ensemble.
Dès qu’on a la capacité d’exécuter Un, cela implique l’ensemble,
donc, il y a capacité d’exécution des autres. La capacité veut dire l’apti-
tude légale d’acquittement. La négligence de l’un d’entre eux, implique
le non acquittement et il est résulte péché et sanction.
Ainsi, de point de vue rationnel, il est permis et concevable d’en-
gager un couturier et lui enjoignant, soit de coudre un pantalon ou
une chemise. Lequel des deux sera réalisé, est conforme à l’accord
établi et dégage l’ouvrier de toute autre responsabilité et de toute autre
demande (talab).
De point de vue légal, la femme qui a été demandée en mariage par
plusieurs prétendants à la fois, a le droit de choisir entre eux.
De même, lorsqu’on se trouve devant deux imâm vertueux qui se
valent, on a le droit de choisir entre eux et de récuser l’autre.
Ainsi, le choix de l’homme ne se soustrait pas à l’Ordre de Dieu (U)
stipulé à travers une demande multiple, ce que l’homme choisit, est
connu par Allâh (U) et fait partie de la Volonté de Dieu (U). L’homme
dispose en apparence du choix, alors, qu’en vérité, il ne fait qu’exécuter
ce qui est défini par Dieu (U).
- Les Mou‘tazilites nient l’existence de ce genre d’obligation où
la demande est multiple et l’ordre n’est pas définie, à cause de son
ambigüité qui s’oppose au principe de la Sagesse qui détermine les

374
Les fondements du droit musulman

Actions du Législateur (U). L’imprécision éclipse la sagesse divine.


Allâh (U) est Infiniment Sage et le taklîf ne peut porter sur un ordre
impossible à réaliser et est insupportable : celui qui mène à l’impos-
sible est en lui-même impossible et ne peut exister. Donc, il incombe
aux érudits de spécifier cette obligation par l’interprétation du Texte,
quand il s’agit d’un ordre multiple, à l’exemple des expiations.
Les Mou‘tazilites vont se diviser en deux groupes :
* Un groupe va définir l’expiation par l’interprétation du Texte en
choisissant un parmi les trois types d’expiation.
* Une tendance va exiger l’acquittement de l’ensemble des actes d’ex-
piation : woujoûb al koull.

Question de Ousoûl :

Dans quel sens de takhyîr (le libre choix) dans la Charî‘a ?


L’imâm Al Qarâfî a dit, dans ses Fouroûq, al farq 121 :
1 : « At-takhyîr est utilisé dans la Loi pour désigner le choix entre
deux choses ou plus, alors que chacune d’entre elles est obliga-
toire en soi (wâjiboun bi khousoûsihi) ou comme étant une obli-
gation située parmi un ensemble d’actes obligatoires (wâjiboun bi
‘oumoûmihi).
A l’exemple du takhyîr pour la peine du délit d’al hirâba (le bri-
gandage) : la peine est soit la mise à mort ou la crucifixion ou l’exil ou
l’emprisonnement. (Voir Ste 5/V.35)
Dès lors, certains savants ont stipulé que la particule « aw » utilisée
dans le verset, a le sens de : ou  le choix. Ainsi, il revient de droit au
chef de l’Exécutif de choisir entre les différentes sanctions pour punir
l’agresseur.
D’autres ont donné à la particule « aw » le sens de la répartition.
C’est-à-dire : la peine doit être répartie sur les différentes sortes
d’agression : le brigandage peut se limier au vol ou accompagné de
meurtre ou de viol ou il réunit toutes les agressions. Ainsi, le jugement

375
Les fondements du droit musulman

sera proportionnel à l’agression et à sa gravité. C’est l’avis d’Ibn ‘Abbâs


(t), de Qatâda et Al Hassan Al Basrî (Tâbi‘oûn) et d’Ach-Châfi‘î.
Il revient au Juge de choisir d’entre les peines définies par le
Législateur, cependant, il est toujours contraint de définir son choix
dans ce cadre, même s’il s’agit adaptée à la gravité du délit.
2 : At-takhyîr est utilisé pour désigner une chose ou plusieurs choses
qui ne sont pas obligatoires ni en soi, ni dans l’ensemble où elles
se situent.
Il s’agit du statut du « moubâh » : le permis ou le licite. Acte (s) où
l’on accorde à l’individu le choix de l’exécution ou la non exécution
d’un acte.
3 : At-takhyîr s’utilise pour le choix entre une ou plusieurs choses qui
sont obligatoire de point de vue l’ensemble mais pas en particulier.
Ceci concerne l’obligatoire ambigu parmi d’autres désignés : (kaf-
fârât al yamîn : les expiations d’une parjure).
4 : At-takhyîr désigne le choix entre deux choses que l’on ne peut
regrouper. A l’exemple du choix d’un nouveau chef de l’Exécutif
d’entre plusieurs disposant chacun des conditions requises à l’imâ-
mat. Il est permis de choisir un seul et unique imâm, même si
l’autre dispose des mêmes qualités.

IV : Obligatoire par rapport à l’interpellé : Wâjib bihasabi


al-ma’moûr
Il est de deux sortes :

1- Obligatoire individuel :
Wâjib mou‘ayyan ou wâjib ‘aynî ou fard ‘ayn
Il s’agit de l’obligation dont le Législateur a demandé l’acquittement
de la part de chaque moukallaf. Le discours s’adresse à tout le mode
sans spécification (takhsîs), ni exclusion. Tels que : l’obligation de la
prière, du jeûne, le respect des engagements et l’exécution des contrats.

376
Les fondements du droit musulman

Ce genre d’obligation n’est pas levé que par la mort du moukallaf ou


d’incapacité agréée par la Loi.
L’acquittement consiste en une exécution personnelle et indivi-
duelle de l’ordre, et ne peut être levé par un acquittement mandaté. La
négligence de cet obligatoire engendre sanction et péché.

Ce qui est pris en compte dans ce genre d’obligation : l’acte en soi


ainsi que l’exécutant.

2-Obligatoire collectif ou solidaire : Wâjib kifâya ou kifâ’î ou fard


kifâya
C’est une obligation que le Législateur a demandé l’exécution par l’en-
semble de la Oumma sans désigner quelqu’un de précis.
Lorsqu’une partie de la Oumma s’en acquitte, le reste en est déchargé.
La charge n’incombe pas à l’individu. Si une partie de la Communauté
s’en acquitte, la responsabilité n’incombe plus aux autres. L’exécution
d’une partie s’est substituée à celle des autres. Ainsi, celui qui n’a pas
fait l’acte est considéré comme avoir agi. Mais si cette obligation col-
lective est négligée par l’ensemble de la Communauté, chaque individu
est jugé, dès lors coupable et il en résulté sanction et péché. Car le
capable a été négligent et l’incapable ne l’a pas incité à s’en acquitter.

Exemples :
La fonction de juge, médecin ainsi que tous les métiers et fonctions
nécessaires à l’organisation sociale ; l’obligation d’ordonner le Bien et
d’interdire le mal ; les témoignages ; les prières funéraires ; le combat
pour la cause de Dieu ; la fatwa ; la spécialisation dans les sciences
islamiques…

377
Les fondements du droit musulman

Questions diverses de ousoûl


L’obligation collective peut-elle changer de statut ?
L’obligation collective peut changer de statut et devenir une obli-
gation personnelle (fard ‘aynî), si l’acquittement de cette obligation
dépend d’une personne bien précise ou d’un groupe d’individus bien
défini.
Lorsque cette obligation collective s’adresse à des personnes par-
ticulières, le non acquittement les met en état de péché. Le chef de
l’Exécutif ou la collectivité est en droit de le (les) contraindre en cas de
refus. S’il y a refus, la collectivité est déchargée de cette responsabilité,
seuls les individus concernés seront sujets de sanction et de péché aux
yeux de la Loi.

Exemple :
Zayd (Untel) est le seul capable d’entre le groupe de s’acquitter d’une
tâche (médecine, enseignement…). Cette charge, qui fait partie du
devoir collectif, sera considérée pour Zayd comme une obligation qui
s’adresse à lui personnellement. Son refus de l’assumer sera considéré
comme un refus de s’acquitter d’un fard ‘aynî, et il sera coupable de la
négligence d’un devoir.

Est-il correct de désigner l’obligation collective, comme étant un


wâjib ?
Cette question a été soulevée par un groupe de spécialistes de Ousoûl
al Fiqh, qui jugent déplacée l’usage du nom Wâjib ou Fard pour dési-
gner al Wâjib al kifâ’î parce que ce dernier ne s’identifie pas à l’entité et
à l’essence de l’obligatoire. L’obligatoire nécessite l’acquittement formel
et avec contrainte d’un acte, alors que le Wâjib al kifâ’î ne stipule qu’une
demande (talab : amr) d’acquittement sans aucune contrainte (ilzâm).
L’imâm Al Qarâfî a rapporté, d’après Al Âmidî, ce débat, dans son
ouvrage intitulé : « Nafâ’is al ousoûl fî charh al Mahsoûl ». Il s’allie à
l’avis de la Majorité, et a réfuté les arguments des opposants.

378
Les fondements du droit musulman

Selon lui, le mode d’interpellation n’engendre pas nécessairement


une contradiction avec l’essence d’une chose ou une remise en cause
de son entité. Car on peut exprimer une même chose de deux façons
différentes sans, pour autant, remettre en cause son entité. Ainsi, le
fait désigner une partie de notre corps comme étant la droite et l’autre
celle de gauche, celui d’en face, peut dire le contraire, et affirmer que
sa droite correspond à la gauche de celui qui en face de lui et vice
versa. Ce discours n’a modifié la notion de droite et de gauche en soi, a
affirmé Al Qarâfî. »
Un deuxième exemple : la peine légale de l’apostasie est la peine
de mort, et la peine légale pour un homicide volontaire, c’est la peine
capitale aussi. Cependant, dans le premier cas, la peine peut être sus-
pendue par le repentir, mais pas pour le deuxième délit. La notion de la
peine capitale est la même, mais le mode de la suspension est différent.
L’imâm Al Qarâfî a précisé des moyens qui permettent de différen-
cier l’obligatoire collective (al fard al kifâ’î) de l’obligatoire personnel
(al fard al ‘aynî), et il cite dix différences, nous en citons ce qui suit :
Les actes se divisent en deux sortes : actes dont al maslaha (l’inté-
rêt) se répète à chaque reprise, et des actes dont l’intérêt s’arrête à la
première mise en pratique. Le législateur Sage (Qu’Il soit glorifié) a
adressé Sa demande individuelle (talab ‘aynî) aux actions dont le bien
profite à tout chacun, et a adressé Sa demande collective (talab kifâ’î) à
des actes dont l’intérêt est limité. Ainsi, la prière prescrite est bénéfique
et sa maslaha se répète à chaque accomplissement, ce qui n’est pas le cas
de la prière funéraire (salât al janâza). L’ensemble des érudits ne voient
pas l’utilité de refaire la prière funéraire sur le mort (excepté l’imâm
Ach-Chafi‘î).
La prière funéraire est, en fait, une invocation en faveur du défunt.
Si un groupe de musulmans s’en acquitte, les autres en sont déchargés.
Le fait de refaire ces invocations est, certes, utile au défunt, mais est-ce
une raison suffisante pour prétendre que son intérêt est répétitif ?
La réponse est, que toute invocation est susceptible d’être exaucée
ou refusée, si la maslaha morale et qui est probante (zanniyya) de l’in-

379
Les fondements du droit musulman

vocation qui n’affecte que la personne du défunt, a été réalisée, il n’y a


plus besoin de la refaire, ni à la considérer comme un talab individuel.
En plus, la prière funéraire n’est pas sujette à la pratique surérogatoire
(at-tanaffoul). » (Fin citation)
Al Qarâfî dit : « Le discours (al khitâb), dans l’obligatoire collectif,
se suffit de la réalisation probante de l’acte par un groupe pour que
le reste de la Communauté en soit déchargé. Si un groupe se prête à
son exécution, cela lève toute responsabilité pour les autres. Car si l’on
exigeait la certitude, il y aura de la gêne. Alors que la Loi est construite
sur trois principes : la levée de la gêne (raf‘ al haraj), la réduction
des prescriptions et la gradation dans la légifération (at-tadarrouj f î
at-tachrî‘). »

Est-ce que l’obligatoire collectif interpelle tous les moukallaf ou


une partie d’entre eux ?
Nous avons deux tendances par rapport à cette question :
1 : Ce groupe stipule qu’al wâjib al kifâ’î s’adresse, par principe, à tous
les moukallaf. Chaque membre de la Communauté doit se sentir
concerné par son exécution et doit être prêt à s’en acquitter, sauf s’il
est assuré qu’un groupe s’en est chargé. Seule cette condition lève
la responsabilité.
2 : La deuxième tendance considère que le discours (al khitâb) ne
s’adresse qu’à un groupe déterminé, si ce groupe s’en acquitte, le
reste en est dispensé.
Cette question, malgré son apparence, est de haute importance. La
position de la Majorité de Ahl Al Ousoûl est, que tout le monde est
interpellé par al wâjib al kifâ’î. Tout individu répondant aux conditions
requises pour l’acquittement d’un wâjib collectif doit être prêt à agir
en l’occurrence.
L’imâm Ach-Châtibî dit : « Il incombe aux gouvernants de mettre
sur pied des structures pour l’acquittement des devoirs collectifs. Il est
défendu de laisser les choses sans contrôle, et ce pour repousser tout
dommage (al mafsada) éventuel et réaliser al maslaha. »

380
Les fondements du droit musulman

C’est en partant de ce principe qu’est née la Règle : « Inna mâ kâna


jâ’izan bil koulli, kâna wâjiban bil jouz’i : Ce qui est jugé permis en soi,
obtient le statut de l’obligation dans le cadre global (de la Loi). »

381
Les fondements du droit musulman

LE RECOMMANDÉ
Al Mandoûb ou Al Moustahabb

Définitions
Définition Littérale
On dit : « Nadaba al-qawma ilâ al amri, yandoubouhoum nadban : hath-
thahoum wa da‘âhoum ilayhi : un groupe l’inciter et le convier à faire...
Le poète arabe a dit :
lâ yas’aloûna akhâhoum hîna yandoubouhoum
li-nnâ’ibâti ‘alâ mâ qâla bourhânâ

Traduction :
Ils n’interrogent pas leur frère, quand il fait appel à eux,
au moment des épreuves de justifier sa demande.
On dit aussi :
« Nadabahou ilâ al amrin : da‘âhou ilayhi, fastajâba » : le fait d’inter-
peller quelqu’un au sujet de quelque chose, alors il répond favorable-
ment à la demande ou à l’appel.
Quant à la chose à laquelle on convie ou invite la personne, s’ap-
pelle : al mandoûb.
On constate, qu’il y a absence de contrainte.

Définition Conventionnelle
« Al fi‘lou al-ladhî youmdahou fâ‘ilouhou wa lâ youdhammou târikahou :
l’acte, que Le Législateur a demandé l’acquittement sans contrainte, ni
obligation. Celui qui s’y adonne sera loué et récompensé, quant à celui

382
Les fondements du droit musulman

qui le délaisse, il ne sera point blâmé, ni sanctionné. »(Réf : Ibn Hazm :


Al Ihkâm, tome 1, page 40)

Analyse de la définition :
* « Youmdahou fâ‘ilouhou » : Celui qui s’y adonne sera loué.
On remarque que, par cette précision, on a exclu du domaine du
Mandoûb, al Moubâh (le Permis). Acte qui n’est pas sujet ni à l’éloge, ni
au dénigrement et ni au blâme. De même, on a écarté du cadre de cette
définition : al Harâm (l’Interdit) et le Répréhensible (al Makroûh), car
celui qui les délaisse est sujet à l’éloge et sera félicité.
* «Wa lâ youdhammou târikahou » : on exclut l’Obligatoire (al Wâjib).
En écartant l’Obligatoire, le Permis, l’Interdit et le Répréhensible,
très certainement, il ne reste que le Recommandé (al Mandoûb).
On a dit dans notre définition, qu’il s’agit d’un fi‘l : action dans un
sens général = il s’agit de n’importe quel acte, et non pas dans un sens
précis ou particulier. On y intègre les paroles, car la parole est considé-
rée comme un acte, de point de vue légal.
Ainsi, ce que nous suggère notre nafs (kalâm an-nafs) : la parole
interne fait partie du recommandé, car celui qui a pris la résolution,
en son fort intérieur, d’accomplir un acte, et ne l’a pas fait, il lui sera
comptabilisé comme une bonne action (hasanah).
Le fait de méditer sur la création de Dieu (U) fait partie de l’évoca-
tion (dhikr) de Dieu (U). C’est un acte recommandé, qu’il s’agit d’évo-
cation verbale ou interne (par le cœur).
On a dit aussi : Al mandoûb est un acte dont la demande d’accom-
plissement est prépondérante (meilleure) qu’à son délaissement, à
l’exemple de la rédaction du contrat de la dette en présence de témoins.
(Voir Ste 2/V.282)

383
Les fondements du droit musulman

Les dénominations du mandoûb


- On l’appelle : as-sounna, donc un acte non obligatoire.
Certains ont dit que ce terme désigne le mandoûb même ; cepen-
dant, certains ont refusé ce nom comme terme spécifique au mandoûb,
car le terme as-sounna désigne aussi al-wâjib.
- On l’appelle également : nâfila, acte surérogatoire et volontaire.
- Al-moustahab, car Allâh a loué cet acte et Il l’aime
- Al ihsân (le sens est différent de celui du terme al ihsân : l’excellence,
dans la définition de la foi).
C’est un acte bénéfique et utile (an-naf‘ou). L’utile qui mène au bien.
- Housnan : bonne action, opposé à la laideur : acte de bien.
- Mouraghaban fîhi : acte que l’on incite et on engage les gens à faire.
(Réf : Ar-Râzî : Al Mahsoûl, tome 1, page 103)
- Al Qâdî Housayn (Chafi‘îte) a dit : « As-sounna c’est ce que le
Prophète (r) a pratiqué régulièrement et en public. Alors qu’al
Moustahab, c’est ce que le Prophète (r) a accompli à une ou deux
reprises.
At-Tatawwou‘ : c’est que l’individu accomplit de son propre chef,
volontairement et il y a absence de Textes qui le stipulent. »
- Quant aux Malikites, la sounna est un acte que le Prophète (r) a
pratiqué régulièrement, en permanence et en public. Tandis que
an-nâfila, c’est le premier degré de l’acte méritoire, appelé fadîla
(acte méritoire).
Al fadîla est inférieur, de point de vue mérite, à la sounna.
- Chez les Hanafites, il porte différents noms, selon son degré : sounna
mou’akkadah, sounna, fadîlah, âdâb, sounnat az-zawâ’id.
- Cependant, pour Ahl al Ousoûl (la majorité d’entre eux) et les
Chafi‘ites, tous ces termes et toutes (ces dénominations) sont des
synonymes (moutarâdifah).

384
Les fondements du droit musulman

Statut du mandoûb
Est-ce qu’al-Mandoûb est assujetti à un ordre ?

Sommes-nous appelés à son exécution ?


La position de la Majorité stipule, que l’on est interpellé par al Mandoûb
(ma’moûroûna bihi).
Seuls, Al Karkhî et Aboû Bakr Al Jassâs (hanafites) disent, qu’il
n’est pas sujet de demande d’acquittement, car s’il était sujet d’ordre
(amr), il résulterait de son délaissement un péché et la sanction. Alors
que tout le monde s’accorde que son délaissement n’est pas considéré
comme un péché. Ils appuient leur avis par un hadîth moutawâtar. Le
Prophète (r) a dit : « Si je ne craignais pas d’imposer une difficulté
(insupportable) à ma Oumma, je leur aurai imposée de recourir au
siwâk à chaque prière.» (Rapporté par Al Boukhârî, d’après Aboû Hourayra)
Ce hadîth attire notre attention que le siwâk est un acte recommandé,
car la difficulté (al machaqqa) fait partie de l’entité de l’Obligatoire.
La Majorité a répondu à cette objection en disant : « L’ordre est de
deux sortes :
- Un ordre qui signifie l’obligation. Il nécessite l’acquittement. Il
résulte de sa négligence le blâme et le dénigrement à l’encontre de
celui qui le délaisse, de même que le péché.
- Un second ordre, qui est un ordre de recommandation et qui, par-
fois, stipule la permission (al ibâha). Ce genre d’ordre n’aura pas
comme conséquence : le blâme et la sanction.
Cependant, l’analyse l’essence du recommandé, prouve qu’il s’agit
d’un acte d’obéissance à Dieu (U). L’Obéissance signifie l’acquitte-
ment d’une prescription, et le prescris peut concerner quelque chose
d’obligatoire, de recommandée ou de permise. C’est la raison pour
laquelle fut érigée la règle de Ousoûl suivante : Inna al amra ‘inda al
itlâqi wa at-tajarroudi ‘alâ al qarâ’ini, youhmalou ‘alâ al woujoûbi, wa
idhâ woujidat al qarînatou taghayyara al houkmou aw thoubbita :

385
Les fondements du droit musulman

L’Ordre dans l’absolu et en l’absence de tout indice, sera considéré


comme une obligation ; et s’il y a un indice la sentence (l’obligation)
sera soit changée ou maintenue. »

Question de Ousoûl :
Est-ce qu’al Mandoûb fait partie du taklîf
(Acte dont on doit s’acquitter) ?
Pour Al Isfirâyînî, il ne fait pas partie du domaine du taklîf.
La Majorité considère al Mandoûb faisant partie du taklîf.

Explication :
En vérité, la divergence n’est que verbale. Elle se situe au niveau des
termes utilisés ; au niveau de la définition donnée au terme taklîf.
- Certains l’ont définie comme suit : « at-taklîfou houwa ilzâmou mâ
f îhi koulfa : C’est le fait d’astreindre les personnes de s’acquitter
d’un acte dont ils sont chargés.»
Cependant, cette définition du taklîf, exclue le Mandoûb du domaine
du taklîf, car elle stipule qu’il est question d’ilzâm (contrainte), alors
que tout le monde s’accorde que le recommandé n’est pas du domaine
de l’acquittement ferme et contraignant.
- Quant à ceux qui ont expliqué at-taklîf, comme étant : « at-taklîfou
mâ fîhi koulfatoun : la responsabilité c’est tout ordre qui suppose une
charge » ; ils n’ont pas tenu compte de la présence de la contrainte
dans la demande. Ceux-là ont jugé al Mandoûb sujet de taklîf. (Réf :
Al Qarâfî : Al Fouroûq, farq 85)

Classification des actes recommandés


L’imâm Al Qarâfî a posé une règle, il a dit : « Les actes recommandés
sont de deux sortes :

386
Les fondements du droit musulman

A : Une catégorie dont l’intérêt est inférieur à l’intérêt qui résulte de


l’Obligatoire. C’est ce qui distingue le recommandé dans la plupart du
temps. Car, les Ordres de la Loi (ach-char‘) n’engendrent que des inté-
rêts réels (khâlisah) ou probants (râjihah). De même, Ses Interdictions
repoussent des dommages sures ou probantes. A l’exemple de la parole
du Prophète (r) a dit : « Dieu (U) dit : Rien ne rapproche plus Mon
serviteur de Moi, que ce que J’aime par-dessus tout, à savoir lors-
qu’il remplit les obligations religieuses que Je lui ai prescrites.
Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les actes suré-
rogatoires jusqu’à ce que Je l’aime : et lorsque Je l’aime, Je deviens
l’ouïe avec laquelle il entend, la vue avec laquelle il voit, la main avec
laquelle il s’empare et le pied avec lequel il marche…. » (Rapporté par
Al Boukhârî)
Dans ce hadîth, il y a une déclaration explicite que l’Obligatoire est
meilleur que tout autre acte. En cas d’opposition entre l’Obligatoire et
le Recommandé, la priorité est accordée à l’acquittement de l’Obliga-
toire, vu que le Recommandé lui est inférieur.

B : une catégorie d’actes recommandés dont l’intérêt a priorité sur


l’Obligatoire.
Et pour lever toute confusion, l’imâm Al Qarâfî cite un nombre
d’exemples pour réconforter son avis.

Exemple 1 :
Quand la pluie est forte et l’obscurité est totale et qu’il y a crainte de se
déplacer pour chaque prière. Dans ce cas-là, il est permis de grouper
les prières d’al Maghreb et al-‘Ichâ’.
Le fait de grouper ces prières a nécessité que l’on donne priorité au
Mandoûb (le regroupement) sur al Wâjib (respect de l’entrée du temps
légal pour chaque prière).

387
Les fondements du droit musulman

Exemple 2 :
Le fait d’accorder un délai supplémentaire à l’endetté est du domaine
de l’obligation. Cependant, le fait de suspendre la dette définitivement
est du domaine du Mandoûb.
Allâh (U) dit : ( Si votre débiteur est dans la gêne, attendez à meilleure
fortune. Si vous saviez pourtant comme il vous serait préférable de
renoncer à vos droits ! ) (Ste 2/V.280)

Exemple 3 :
La prière dans la Mosquée sainte à Mecca, la mosquée du Prophète
(r) à Médine, et à la mosquée sainte d’Al Qouds sont meilleures que
les prières célébrées dans d’autres lieux.

Exemple 4 :
La prière à la suite de l’utilisation du siwâk est meilleure que de 70
prières faites sans avoir usé de siwâk !

Exemple 5 :
Refaire une prière obligatoire accomplie individuellement, avec le
groupe à la mosquée, est recommandée, car la prière en groupe est
meilleure que la prière individuelle de 27 degrés.
Cependant Ibn Ach-Chât a répondu à tous ces arguments.
Il a démontré que l’Obligatoire a priorité dans tous les cas sur le
Recommandé. Ainsi la préférence accordée à la prière dans les trois
mosquées saintes, ne modifie, en aucun cas, le statut de la prière. Elle
est toujours obligatoire, quelque soit l’endroit où elle sera célébrée. La
manière ou le lieu lui donnera une certaine excellence, mais son statut
demeure le même.
Certains caractères apparentés à la prière lui donnent du mérité,
grâce au Mandoûb, mais la prière reste Obligatoire.

388
Les fondements du droit musulman

Questions diverses de ousoûl


Une subdivision du Mandoûb
Al Mandoûb se subdivise par rapport à son effet, son influence sur les
questions religieuses en deux sortes :
A : Recommandé qui a une influence sur les questions de la religion :
(position et statut). Cela se constate dans des situations ou actes
dans lesquels le Recommandé parachève, complète (moutammimoun)
l’Obliagtoire ou il l’introduit (mouqaddima) ou il est à son service
(khâdimoun).

Exemples :
- Le lavage des mains, le rinçage de la bouche et le nettoyage du nez
(al madmadah et al istinchâq…), ne font pas partie des actes obliga-
toires des ablutions : ce sont des actes recommandés. Ils font partie
des actes introductifs aux ablutions (mouqaddimât al woudoû’).
- L’appel à la prière et son annonce (al adhân et al iqâmah) sont au
service de la prière (khâdimât).
- Le siwâk et la toilette, le fait de retarder le sahoûr et de s’empresser
de rompre son jeûne à l’heure, font partie des actes qui parachèvent
et complètent l’Obligatoire (moutammimât).
Ce genre de recommandé rejoint l’Obligatoire, c’est ce qu’on
appelle : Sounna mou’akkadah, selon la terminologie malikite, et
Sounnat al houdâ, selon les Hanafites.
Même s’il n’est pas obligatoire en soi, il acquiert le statut de l’obli-
gatoire dans l’ensemble.
Si on le délaisse intentionnellement, il en résulte péché et sanction
et mise en cause de la validité de notre pratique cultuelle, car il y a
désobéissance au Prophète (r).
L’imâm Ach-Châtibî a dit dans ses Mouwâfaqât, Tome.1 :

389
Les fondements du droit musulman

« L’acte jugé recommandé en partie devient obligatoire dans son


contexte, à l’exemple de la prière en commun, celle des deux fêtes,
l’appel à la prière, al ‘oumra, les prières du fajr, du ach-chaf‘ wal witr,
ainsi que toutes les prières surérogatoires accompagnatrices des prières
obligatoires (sounan ar-rawâtib).
Cela veut dire, que celui qui délaisse des actes recommandés de ce
genre, son honorabilité sera mise en cause, et nous n’accepterons plus,
dès lors, son témoignage. »
B : Mandoûb qui fait partie des Finalités de la Loi
A l’exemple du mariage.
Le mariage permet de réaliser un but des buts de la Loi : perpétuer
l’espèce humaine par la descendance.
C’est pour cette raison qu’il est considéré : mandoûboun bil jouz’i,
wâjiboun bil koulli : Partiellement il garde le statut du recommandé,
mais si on l’intègre dans la religion par à rapport à son influence ou
s’il est inclus parmi les Finalités de la Loi, alors il devient obligatoire.
L’imâm As-Sarkhasî (Hanafite) dans son Ousoûl divise la sounna
(al Mandoûb) en deux sortes :
1 : Sounna (al Mandoûb), dont la mise en pratique est une gui-
dance (houdâ) et son délaissement est un égarement (dalâlah).

Exemple :
Les prières des Deux Fêtes (salâtou al-‘idayn), l’Appel à la prière (al
adhân), la prière en commun (salâtou al-jamâ‘a). C’est ce que nous
avions appelés : Sounna mou’akkadah.
2 : Sounna dont la mise en pratique est bon et son délaissement est
permis. Il s’agit d’actes et de comportements propres au Prophète (r),
et qui n’ont pas une dimension juridique. Tels que, sa manière de mar-
cher, de s’asseoir, son amour pour les vêtements de couleur blanche,
son usage du henné, etc.

390
Les fondements du droit musulman

Conclusion
Nous pouvons délimiter al Mandoûb en trois sortes :
1 : Mandoûb appelé : Sounna mou’akkadah ou Sounna al houdâ, chez les
Hanafites. Cette sorte est recommandée partiellement et acquiert le
statut de l’obligation dans l’ensemble. Celui qui la délaisse son hono-
rabilité est mise en cause et mérite réprimande, blâme et la sanction.
2 : Recommandé, appelé nâfila ou moustahab, chez certains juristes. Ce
sont les actes que le Prophète (r) a mis en pratique avec assiduité, et
qu’il a délaissé très rarement, tels que : la prière du Douhâ, les prières
accompagnatrices des prières obligatoires (ar-rawâtib), le jeûne du
lundi et du jeudi. Celui qui s’y adonne en sera récompensé et celui qui
les néglige ne sera pas sujet ni à la sanction, ni à la réprimande.
3 : Une catégorie d’actions que le Prophète (r) a accompli par habi-
tude en sa qualité d’un être humain, qui a ses propres goûts. On appelle
cette catégorie : sounnat az-zawâ’id. Celui qui les met en pratique, par
amour et imitation du Prophète (r), en sera récompensé. Il n y a pas
de grief pour les délaisser et ne pas les mettre en pratique.

*****
Il est très rare que le Mandoûb soit recommandé partiellement et
recommandé dans l’ensemble. En général, il est recommandé en soi,
obligatoire et demandé dans l’ensemble.

391
Les fondements du droit musulman

LE PERMIS – LE LICITE
Al Moubâh –Al Halâl

Définitions
Définition littérale
Ce terme est tiré du verbe : abâha ach-chay’a ’ibâhatan : azharahou :
rendre évident, apparent.
On dit : bâha bi-sirrihi : dévoiler, divulguer son secret le rendre
apparent.
Le terme ibâhah, s’utilise pour désigner le sens de la permission :
al idhnou.
Et on dit : bâha ach-chay’a abâhahou : idhâ jahara bihi : le manifester
en public, le dévoiler et le manifester publiquement.
On dit aussi : abahtouka ach-chay’a : ahlaltouhou laka : je t’ai accordé
la permission de t’adonner à quelque chose.
On constate que le sens à tous ses dérivés : az-zouhoûr - al izhârou
≠ as-sirrou.
Manifester quelque chose, la rendre apparente et la dévoiler ≠ secret.

Définition conventionnelle
Ahl al Ousoûl ont divergé dans leurs définitions du Moubah.
- Certains l’ont défini comme suit : « Al Moubâh c’est l’acte dont les
deux extrémités (les deux sentences, ou les deux demandes (at-ta-
lab) : faire et ne pas faire sont égaux. »
C’est-à-dire : il y a impossibilité de faire valoir l’une des demandes
sur l’autre.

392
Les fondements du droit musulman

- Une autre définition : « L’acte où on accorde à l’individu le choix


entre l’exécution ou la non exécution. »
Cette définition a été mise en cause par certains Ousoûliyyoûn, car
elle n’empêche pas de confondre le permis avec l’Obligatoire préfé-
rentiel (wâjib moukhayyar), où il y a un choix entre deux obligations, à
l’exemple des kaffârât (expiation).
- L’imâm Ar-Râzî dans son ouvrage Al Mahsoûl a donné la défini-
tion suivante : « Al moubâh est un acte où l’on informe celui qui s’y
adonne d’absence de grief en cas d’accomplissement ou de délais-
sement, et qu’il n’en tirera aucun profit dans l’Au-delà. »
Cette définition est incomplète, car elle exclut certains types d’actes
au sujet desquels le Législateur a informé celui qui s’y adonne, qu’il y
a égalité entre l’intérêt et le dommage qui en résulte dans ce monde
et dans l’Autre.
Ce genre d’actes est permis, même s’il contient un dommage.
A l’exemple de la consommation de l’eau avec excès est un mal, cepen-
dant l’eau et sa consommation sont toujours permises.
Une deuxième critique, s’est qu’Ar-Râzî s’est intéressée aux consé-
quences de l’acte (haythiyyâti al awsâfi), et le terme moubâh n’est pas
défini par rapport à l’acte lui-même, sur son essence (dhawât al awsâf).
D’autres Ousoûliyyoûn ont adressé une deuxième critique à cette
définition, du fait qu’al Moubâh peut ne pas avoir de lien avec un sujet
(fâ‘il). Le fait de le définir par rapport à sa nuisance ou son utilité ne
peut être accepté, alors qu’il n’y a pas d’agent actif !
- Quant à l’auteur d’Al Hâsil, Taj Ad-Dîn Al Armawî, il l’a défini
comme suit : « Acte permis de s’y adonner ou de s’y abstenir de
point de vue légal, sans éloge ni dénigrement.»
- Mais nous pouvons donner une définition, qui nous semble la meil-
leure et la plus complète, celle de l’imâm Ach-Châtibî dans ses
Mouwâfaqât : « Al Moubâh, acte par lequel n’est recherché qu’un
bien terrestre, en l’absence de toute obligation, interdiction ou
objection, et il n’e résulte ni dommage et ni intérêt. »

393
Les fondements du droit musulman

On peut inclure parmi al Moubâh toute chose faisant partie des


actes qui n’engendrent pas de gêne (haraj). Car, les prescriptions et les
interdictions de la Loi ont été légiférées pour préserver tout ce qui fait
partie des nécessités (ad-daroûriyyât), des besoins (al hâjiyyât) et des
commodités (at-tahsîniyyât).
En dehors de cela, nous trouvons des choses agréables pour notre
jouissance. Toute chose que la Loi n’a pas défendu entre dans cette
catégorie, et c’est al Moubâh ou al Halâl.

Question de Ousoûl
Est-ce qu’al Moubâh est une règle de droit prescriptive ?
Al Ousoûliyyoûn et les juristes se sont accordés pour dire qu’elle en est
une ; mais elle n’est pas sujet d’une demande du Législateur.
Seul Al Ka‘bî (mou‘tazilite) et ses partisans, qui affirment l’inexis-
tence du moubâh. Ainsi, les sentences légales sont au nombre de quatre :
al wâjib, al mandoûb, al harâm et al makroûh.
Ce groupe stipule qu’une chose ne fait partie de la Loi, que si elle fait
partie d’une demande d’exécution ou d’une demande de délaissement.

Remarque :
Ce désaccord est du aux divergences dans la définition du moubâh et
du sens qu’on lui donne.
Celui qui a considéré al moubâh comme étant un acte où il y absence
de grief, de récompense et de sanction, ne l’a pas inclu parmi les règles
légales. C’est la position d’Al Ka‘bi et ses partisans.
La Majorité a expliqué al Moubâh, comme étant une information
ou une permission de la part du Législateur (Dieu -Exalté-), Qui lève
toute sorte de responsabilité et annonce l’absence de récompense et
de sanction au cas où l’on s’adonne ou on s’abstient à de tels actes. Ce
courant a inclu al Moubâh parmi les Cinq règles de Droit prescriptives.

394
Les fondements du droit musulman

Lorsqu’on dit que le moubâh est l’acte où il y a absence de grief et


désapprobation dans son accomplissement, cela sous entend, selon Ahl
al Ousoûl, que les règles légales sont de deux sortes :
A : Une catégorie dont la mise en application n’engendre ni désap-
probation et ni reproche. Cela englobe : al wâjib, al mandoûb, al
moubâh et al makroûh.
B : Une catégorie où la mise en pratique engendre blâme et condam-
nation. Il s’agit du harâm.
Al Finnârî a dit, dans son ouvrage ‘Fousoûl al badâ’i‘ fî ousoûl
ach-charâ’i‘ : « Cette première explication du moubâh et celle des
savants antérieurs (les anciens), quant à la deuxième, c’est l’avis des
postérieurs. »
Ainsi le divorce est permis, acte dont les deux extrémités ne sont
pas égales (faire et ne pas faire). Le divorce est désapprouvé « La
chose permise qu’Allâh déteste le plus, c’est le divorce : abghadou al
halâli…. » (Rapporté par Ibn Mâjah, Al Bayhaqî et d’autres. Certains l’on jugé
moursal. Mais dans la version d’Aboû Dâwôd, il l’a rapporté avec une chaîne continue
et jugée Sahîh)
La formulation « abghadou » : indique la préférence dans un sens
ou dans l’autre. Le Prophète (r) a donné la préférence au délaissement
de l’acte (le divorce). C’est ce qui justifie la position d’Al Finnârî, que
les actes qui n’engendrent pas de désapprobation et de grief (haraj),
englobent : al wâjib, al mandoûb, al moubâh et al makroûh.
Ainsi, si on se limitait à la définition du moubah, comme étant l’acte
dont les deux extrémités sont égales (faire et ne pas faire), il est impos-
sible d’y inclure parmi, le talab (la demande) où il y a préférence entre
le délaissement de l’acte et son exécution !

395
Les fondements du droit musulman

Les voies permettant


la fixation du moubâh
1 : Par énonciation explicite de la part du Législateur (Ach-Châri‘) sur
le statut de la permission ou la licéité (al hilliyyah).
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : (Vous sont permises, aujourd’hui,
les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre,
et votre propre nourriture leur est permise. (Vous sont permises) les
femmes vertueuses d’entre les croyantes, et les femmes vertueuses d’entre
les gens qui ont reçu le Livre avant vous, si vous leur donnez leur mahr,
avec contrat de mariage, non en débauchés ni en preneurs d’amantes.
Et quiconque abjure la foi, alors vaine devient son action, et il sera dans
l’au-delà, du nombre des perdants. ) (Ste 5/V.5)
2 : Le Législateur annonce l’absence de péché (al ithm) en s’donnant
à tel ou tel acte.
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : ( Allâh vous interdit la bête
morte, le sang, la viande de porc et celle des animaux immolés aux fausses
divinités. Si n’étant pas rebelle à Allâh, ni transgresseur de Sa Loi, on se
trouve par nécessité, forcé d’en manger, il n’y aura aucun péché à encou-
rir : Allâh est Absoluteur et Miséricordieux. ) (Ste 2/V.173)
3 : Le Législateur annonce, par texte, l’absence de blâme et de désap-
probation (nafy al mou’âkhadhah wal jounâh)
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : (Vous n’encourerez de même,
aucun blâme en demandant discrètement en mariage les veuves en
période de viduité ou en concevant un tel projet en vous-mêmes. ) (Ste
2/V.235)
4 : Le Législateur annonce l’absence de reproche et de gêne (al haraj)
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : ( Il ne saurait vous être reproché
de recevoir à vos tables l’aveugle, le boiteux ou le malade ; pas plus qu’il ne
vous est interdit de vous recevoir mutuellement à table… ) (Ste 24/V.61)

396
Les fondements du droit musulman

5 : On saisit la sentence de la licéité (al ibâha), quand il s’agit d’un


ordre (l’impératif ) accompagné d’un indice qui détourne la sentence
vers la permission et la licéité.
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : ( Et [rappelez-vous], quand
Moïse demanda de l’eau pour désaltérer son peuple, c’est alors que Nous
dîmes : “Frappe le rocher avec ton bâton.” Et tout d’un coup, douze sources
en jaillirent, et chaque tribu sut où s’abreuver ! - “Mangez et buvez de ce
qu’Allah vous accorde; et ne semez pas de troubles sur la terre comme des
fauteurs de désordre. ) (Ste 2/V.60)
La Parole d’Allâh (U) : (…Mangez et buvez.. », stipule dans la
forme al amr (l’impératif - l’obligation), cependant l’indice (al qarînah)
qui détourne la sentence vers la permission (al ibâha ou al hilliyyah)
est dans le verset précédent : ( Et Nous vous couvrîmes de l›ombre d›un
nuage, et f îmes descendre sur vous la manne et les cailles : - “Mangez
des délices que Nous vous avons attribués ! ” - Ce n›est pas à Nous qu›ils
firent du tort, mais ils se firent tort à eux-mêmes. ) (Ste 2/V.57)
Les deux versets, mis ensemble, nous informent qu’Allâh (U) après
avoir honoré les Fils d’Israël, leur accorda de la subsistance qui prove-
nait du Paradis (la manne et la caille), Il a fait jaillir pour eux de l’eau et
leur permis d’en consommer “Mangez des délices que Nous vous avons
attribués ! ”
C’est en combinant les deux versets que nous saisissons, que la
forme de l’impératif, implique al ibâha.
6 : La présomption de continuité (al istishâb)
C’est-à-dire : s’il n’y a pas dans le verbe aucune indication stipulant
une qualification légale de Woujoûb (Obligation),Tahrîm (Interdiction) :
nous allons alors continuer à considérer la chose par rapport à ce qu’elle
est par principe : licite :
« Koullou chay’in lam yaqoum dalîloun moua‘yyanoun ‘alâ houkmihi,
fa-innahou yabqâ ‘alâ ’ibâhatihi al aslîyyati.»

397
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- Nous considérons les contrats et les transactions financières, où il y
a absence de preuves concernant leur nullité, comme valides.
- Al ‘ibâdât : la Majorité des savants, excepté l’imâm Malik, jugent les
ablutions, déjà effectuées, valides en cas de doute. Car la certitude
ne peut être mise en cause par le doute : al-yaqînou lâ youzâlou
bi-ach-chakki. Donc le doute n’invalide pas les ablutions.
7 : La présence, (sur la même question), d’un ordre absolu (al amrou al
moutlaq), faisant suite à une interdiction absolue (an-nahyou al mout-
laq) : ceci est un indice qui va transporter l’obligation de ne pas faire
vers la permission dans l’absolu.

Exemple :
Le Prophète (r) a dit : « Je vous avais interdit de visiter les tombes,
désormais faites-le, car ces visites adoucissent les cœurs, remplissent
les yeux de larmes et rappellent le Jour du jugement dernier. » (Hadîth,
jugé hasan, rapporté par Ahmad et Al Hâkim, d’après Anas).

Questions diverses de ousoûl


- Est-ce le Moubâh est sujet d’une demande de la part du
Législateur ?
- Peut-on considérer qu’en délaissant le Permis on exprime une
forme de dévotion (tâ‘ah)?
Deux positions sont à envisager :
- La Majorité soutient qu’al Moubâh n’est pas sujet de talab, car l’ordre
nécessite que la balance penche soit vers la demande d’exécution
ou celle de ne pas faire ; et surtout quand il est question d’un ordre
(amr), l’exécution prend la priorité.

398
Les fondements du droit musulman

Rappelons qu’al Moubâh est l’acte où il y a égalité et de choix pré-


férentiel, si on le considère sujet de demande, cela serait une contra-
diction grave !
L’auteur de, Ihkâm al ahkâm, a dit : « Celui qui renie le Permis a
dérogé et a contesté le Consensus ! » (Al Âmidî)
La Majorité soutient que, si le Permis, selon le Législateur est cet
acte qu’al-moukallaf a le choix de faire ou de délaisser ; acte dont les
deux extrémités sont égales : pas de balance, on ne peut, dès lors dire,
que le délaissement du Moubâh est une dévotion, car il n’y a pas de
demande de faire ou de ne pas faire. Car, l’adoration doit être sujet de
demande (talab), et quand il n’y a pas de demande, il n’y a pas lieu de
parler de tâ‘ah.
Le Permis est égale à l’obligatoire et du recommandé, par le fait
Qu’Allâh (U) n’a pas demandé leur délaissement.
Le délaissement de l’Obligatoire et du Mandoûb ne peut être assi-
milé à un acte de dévotion, (puisqu’ils le Législateur n’a pas demandé
leur délaissement), alors, il est impossible que le délaissement du
Permis compte aussi pour un acte de dévotion légale, car la chose ne
peut être à la fois demandée et non demandée !
Puisqu’il y a égalité, dans l’acte permis, entre l’accomplissement et
la non exécution, on ne peut supposer que celui qui s’adonne à un
Moubâh accomplit une tâ‘ah (une adoration) On peut dire, plutôt, qu’al
moubâh n’est ni un acte de dévotion, ni un acte de désobéissance.
Parmi les arguments de la Majorité : al ijmâ‘ (le Consensus), qui
affirme, que celui qui fait un vœu (nadhr) de délaisser un Permis, son
vœu n’a aucune valeur.
Le vœu qui consiste au délaissement d’un Permis n’est pas un acte
d’adoration. L’imâm Ahmad, a rapporté, dans son Mousnad, le récit de
l’homme qui a fait le vœu de jeûner debout sans se protéger du soleil.
Le Prophète (r), l’a réprimandé et lui a ordonné d’accomplir son jeûne
et de délaisser cette difficulté exorbitante qu’il s’est imposé, car c’est là
une forme de désobéissance à Allâh (U). Le Prophète (r) a considéré

399
Les fondements du droit musulman

le délaissement du permis (s’asseoir, se protéger du soleil) comme un


acte de désobéissance.
Le délaissement, dans l’absolu, est un acte qui est inclu dans le cadre
des actes volontaires et issus du libre choix (al ikhtiyâr).
- La deuxième tendance a fait du délaissement du Moubâh sujet de
demande. Ce groupe considère le délaissement comme une forme
de tâ‘ah (dévotion). Ils s’appuient sur les sens apparents de certains
Textes légaux (Coran ou hadîth), qui mettent en cause l’attache-
ment à ce bas-monde et à ses attraits.
La loi n’a pas fait l’éloge de la vie d’ici-bas.
Ils considèrent que le fait de s’adonner au Moubâh est à l’origine
de beaucoup de maux. Al Moubâh risque de détourner le serviteur de
l’essentiel pour ne penser qu’aux choses futiles.
Le Permis est une cause qui détourne des obligations et un moyen
qui peut mener aux interdictions (wasîlah ilâ al-mamnoû‘ât).
Allâh (U) ne dit-Il pas : ( A celui qui désire la vie immédiate
Nous Nous empressons d’en accorder ce que Nous voulons. Puis Nous le
vouons à la Géhenne, dont il aura à subir l’ardeur, couvert d’opprobres
et réprouvé. ) (Ste 17/ V.18)
De même, Le Prophète (r) a dit, entre autres : « Ce que je crains
le plus pour vous, c’est que la vie ici-bas ne vous ouvre ses portes,
comme cela est arrivé à ceux d’avant vous !» (Rapporté par Al Boukhârî
et Mouslim)
C’est-à-dire : attirés par ses plaisirs, ils ont oublié l’essentiel.
Ils s’alignent sur la conduite des Prédécesseurs pieux (as-salaf as-sâ-
lih). Leur attitude prouve que le délaissement du Permis est meilleur
et que le tark est une tâ‘ah. Ils délaissaient les choses permises de la vie
(l’alimentation, l’habillement) pour ne pas tomber dans la passion. S’il
y avait une demande d’effectuer, alors pourquoi l’élite de notre com-
munauté l’a-t-elle délaissée ?

400
Les fondements du droit musulman

ANALYSE :
- Nous pouvons noter ce qui suit :
- L’avis de la première tendance est fondé juridiquement ; alors que
celui de la seconde tendance est fondé au niveau spirituel.
- Il faut savoir que les permis ne sont pas tous sujets de demande
de délaissement, car si l’on accepte ce postulat, toutes les sortes
de permis seront levées, alors que la réalité prouve que la Loi isla-
mique admet le principe du permis et l’a entériné.
- Prétendre que l’abandon du Moubâh est source de bienfait, et que
le fait de s’y adonner est source de nuisance, est non fondé. Car si
ce moubâh devient un moyen (dharî‘atoun, wasîlatoun) menant à
un interdit, il deviendra alors interdit sur la base du principe de
sadd adh-dharâ’i‘. C’est ainsi que nous comprenons la phrase d’Ibn
‘Omar (y) : « Nous avions l’habitude de délaisser ce qui n’est pas
cause de dommage, par crainte de tomber dans ce qui est domma-
geable (interdit) !»
- Prétendre qu’al Moubâh va engendrer la durée du jugement est
une affirmation injustifié. L’imâm Ach-Châtibî a dit, à ce sujet :
« Le jugement ne concerne, en vérité, que la voie de l’exécution de
l’acte ou de sa non-exécution, et si ce jugement concerne la voie
du permis nous ne pouvons pas parler de voie d’exécution et de
délaissement. »
Il y a égalité entre l’exécution et la non exécution, d’où l’absence de
jugement.
- Al Moubâh fait partie des choses qu’Allâh (U) a accordées par bonté
à Ses serviteurs. Si nous supposons qu’il contienne des éléments
qui nécessitent le délaissement, il renferme aussi ce qui nécessite le
non délaissement. »
Ach-Châtibî cite ensuite la Parole d’Allâh (U) : ( Dis : « Qui a
interdit les vêtements seyants ainsi que les bonnes nourritures qu’Allâh
a conçus pour Ses serviteurs ? » Dis : « L’usage en est des plus licites pour
les croyants en cette vie, mais dans l’Autre, ils en auront le privilège

401
Les fondements du droit musulman

exclusif. » Ainsi se trouvent expliqués Nos Enseignements à des esprits


bien éclairés. ) (Ste 7/V.32)
- Celui qui tire profit du Moubâh n’est nullement sanctionné ; cepen-
dant il sera jugé sur sa reconnaissance et son ingratitude ; de même,
il sera jugé sur la manière dont on il l’a acquis et aussi sur son
utilisation pour l’acquittement de l’obligation.
A l’exemple des versets suivants : Ste Les Abeilles/V.14 et Ste 55/V.10.
Quant à l’attitude d’Ibn ‘Oumar, Aboû ‘Oubayda, ‘Alî, Aboû Dharr
et Salmân (Qu’Allâh soit satisfait d’eux), Ibn Habîb (Malikite) a rap-
porté dans le livre du jihâd, qu’ils ont délaissé le permis (al Moubâh),
en le considérant comme tel (moubâh), par moujâhada, recherche de la
transcendance et de l’excellence (al ihsân).
Si le Moubâh était sujet de délaissement, le Permis aurait été levé,
ce qui n’est pas le cas. Cet avis est celui du Joumhoûr.

402
Les fondements du droit musulman

LE RÉPRÉHENSIBLE
LE BLÂMABLE
Al Makroûh

Définitions
Définition Littérale
De point de vue langue le terme ‘ al makroûh’ est l’opposé du terme : al
mahboûb : l’apprécié. Le terme makroûh est un dérivé du terme karîha.
On désigne la guerre, par le terme : al karîha ; car elle est détestée
par principe.
On dit d’un chameau difficile et qui refuse d’obéir : jamaloun
karîhoun.
Le terme karâha et kourh ont pour synonyme : al machaqqah : la
difficulté.
On désigne par le terme kourh, ce que la personne impose à sa
propre personne, il la contraint.
Quant au terme karh, c’est l’acte auquel s’adonne la personne lors-
qu’elle est contrainte (moudtarr idtirâr).
Dans le saint Coran, Allâh (U) dit : ( Il vous est prescrit de
combattre, et vous l’avez en aversion… : wa houwa kourhoun lakoum. )
(Ste 2/V.216)
La Parole d’Allâh (U) : ( Et Nous avons enjoint à l’homme de la
bonté envers ses père et mère : sa mère l’a péniblement (avec difficulté)
porté et en a péniblement accouché; et sa gestation et sevrage durant
trente mois : hamalthou karhan… ) (Ste 46/V.15)

403
Les fondements du droit musulman

Lorsque le terme est avec damma ‫)(ك ْر ٌه‬ ُ : kourhoun. C’est un nom
(ism). Il désigne ce que la personne s’impose et contraint sa propre
personne à faire.
َ , c’est un substantif (masdar). Il
Lorsqu’il est avec al fatha )‫(ك ْر ٌه‬
exprime une contrainte externe imposée.

Définition conventionnelle
* Selon les Hanafites, c’est ce que le Législateur a demandé de délais-
ser d’une manière ferme et contraignante.
Mais selon une autre définition chez les Hanafites, conforme à
celle des autres Ousoûliyyoûn : C’est l’acte que le Législateur n’a pas
exigé le délaissement d’une manière ferme et inflexible.
Lorsque les Hanafites utilisent ce terme « al makroûh » sans préci-
ser, il renvoie vers l’Interdit, sauf s’il est indiqué qu’il s’agit de makrôuh
tanzîh, alors, il désigne l’acte dont le délaissement est meilleur : il est
synonyme de khilâf al awlâ.
En vérité, c’est al makroûh, tel qu’il est défini par les autres Ecoles.
* L’imâm Aboû Hâmid Al Ghazâlî (chafi‘îte) l’a défini comme suit :
« Al Makroûh c’est tout acte défendu sans blâmer celui qui s’y
adonne. » (Réf : Al Mankhoûl, p : 137)
* On a dit aussi : « Al Makroûh c’est l’acte dont l’abstention de faire
domine la mise en pratique. »

L’essence du makroûh
Selon la Majorité, il s’agit de l’acte dont le délaissement prévaut sur
l’exécution.

404
Les fondements du droit musulman

Les voies permettant


la fixation du makroûh
1 : L’énoncé explicite du Législateur sur le statut de la répréhension.
A l’exemple du hadîth du Prophète (r) : « Allâh vous interdit trois
choses : la désobéissance aux mères ; l’ensevelissement des
filles vivantes ; le refus de régler vos dettes et la cupidité. Et Il a de
la répugnance pour vous de trois choses : les ragots : les questions
oiseuses et la prodigalité. » (Rapporté par Boukhârî et Mouslim, d’après Al
Moughîra Ibn Chou‘ba)
2 : La formulation l’interdiction qui a été déviée par l’indice (qarî-
nah) vers la répréhension.
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : ( Ô vous qui avez cru ! Quand
on appelle à la Salât du jour du Vendredi, accourez à l’invocation d’Allâh
et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez ! )
(Ste 62/V.9)
L’ordre de délaisser la vente et le négoce est dévié par l’indice com-
pris de Sa Parole « dharoû : laissez », car la vente en elle-même n’est
pas interdite, mais pour une raison externe : le temps réservé à la prière
du vendredi.
Si l’on ne délaisse pas cet acte permis (le négoce), il y a là le risque
de négliger une obligation : l’acquittement de la prière du vendredi.
3 : La formulation (as-sîgha) qui incite au délaissement de l’acte
blâmable.
A l’exemple de la parole du Prophète (r) : « La meilleure des dots
est la plus aisée ! » (Rapporté par Ad-Dârimî)
Le terme « meilleure : khayr », indique la préférence qui va vers le
délaissement de l’exagération dans les dots.

405
Les fondements du droit musulman

Le statut du makroûh
Sas nul doute, que celui qui s’adonne à un acte répréhensible ne mérite
pas la sanction, mais plutôt, le blâme, le dénigrement et la désapproba-
tion. Tel est l’avis de la Majorité.

Les différentes sortes de makroûh


Selon les Hanafites al Makroûh se subdivise en deux sortes :
* Al Makroûh tahrîman : C’est l’acte répréhensible qui engendre
sanction, et est très proche de l’Interdit (al Harâm). Celui qui s’y
adonne, mérite sanction. L’imâm Ach-Chaybânî l’a surnommé :
harâm zannî (l’Interdit probant).
* Al Makroûhou tanzîhan : Répréhension qui vise le délaissement à
priori de l’acte.
Selon cette classification, les qualifications légales chez les Hanafites
sont au nombre de sept :
1 -Al Fard
2 -Al Wâjib
3 -Al Harâm
4 -Al Makroûh karâhat tahrîm
5 -Al Makroûh karâhat tanzîh
6 -Al Mandoûb
7 -Al Moubâh ou Al Halâl.
L’imâm Ach-Chawkânî dans son « Irchâd al fouhoûl » a dit : « Al
Makroûh désigne trois choses :
1 : Tout acte que le Législateur a demandé le délaissement par pré-
férence (nahy tanzîh). Il s’agit de l’acte dont le moukallaf a reçu
l’indication que son abandon est meilleur que sa mise en pratique.

406
Les fondements du droit musulman

2 : On appelle Makroûh, la négligence et l’abandon de ce qui est le


meilleur.
A l’exemple de celui qui prie sans appel (al adhân) et sans annonce de
la prière (al iqâma). Les juristes ont dit à son sujet : « Nous le blâmons
pour ce qu’il a fait, mais il ne refait pas sa prière : karihnâ lahou, wa lâ
you‘îd.»
3 : Al Makroûh peut être assimilé à l’Interdit.
Ibn Qoudâma a dit : « Al Makroûh est qasîm al harâm (un sous
ensemble de l’Interdit) au niveau du délaissement. »
« …Et la répréhension se différentie de l’Interdiction par le fait que
celui qui s’y adonne n’est pas sujet de blâme, et il ne résulte pas de son
acte menace (de châtiment). »
Et on a dit : « Il s’agit de l’acte dont l’abandon prévaut sur la mise
en pratique sans menace de sanction… » (Réf : Commentaire de l’Abrégé
de Rawdat An-Nâzir d’Ibn Qoudâma, par At-Toûfî, page 382)

Questions diverses de ousoûl


Quel est le statut du Makroûh de point de vue global ou partiel ?
L’imâm Ach-Châtibî a dit dan ses «Mouwâfaqât » : Le répréhensible
partiellement (bil jouz’) peut devenir interdit de point de vue global
(bil koull). C’est-à-dire, si le moukallaf s’adonne à un répréhensible par
habitude, il acquiert le statut de l’Interdit. Exemple : celui qui s’adonne
au jeu d’échec (ach-chitranj) ou au jeu de dés (an-nard). Ces deux
jeux font partie des jeux de délassement, et ils deviennent interdits
s’ils deviennent sujet de qimâr (jeux de hasard)., puis ils deviennent
interdit, s’il y a accoutumance (i‘tiyâd) et occupent tout le temps de la
personne jusqu’à le détourner de ses devoirs (pratiques religieuses et
devoirs sociaux). Si on s’y adonne avec modération, ils sont du domaine
du permis.

407
Les fondements du droit musulman

L’imâm Ach-Châtibî fait appel à la règle énoncée par l’imâm Al


Ghazâlî : « La permanence du péché mineur la transforme en péché
majeur. »
Que dire alors, lorsqu’il s’agit de la permanence du répréhensible (al
Makroûh) : il devient interdit ! (Voir Al Mouwâfaqât, tome 1, page 71)
Ibn Al Qayyim a dit, dans son livre « Badâ’i‘ou Al fawâ’id », en
commentant le hadîth : « Celui qui s’adonne aux jeux d’échec est
semblable à celui qui trompe sa main dans la viande et dans le sang
du porc. » Le hadîth ne vise pas celui y joue, mais c’est une comparai-
son éloquente empruntée pour indiquer : soit celui qui s’y adonne avec
régularité, et qui risque de tomber dans l’interdit ; soit que cela peut
être le chemin qui le mènera à commettre l’interdit par l’usurpation
des biens d’autrui sans justification légale. Ainsi ce qui mène à un
interdit, acquiert son statut. »
Dans la Risâla (fiqh Malikite), l’auteur accorde le statut de l’interdit
aux jeux d’échec. Et il dit : « Il n’y a pas de grief à saluer ceux qui jouent,
mais il est répréhensible de s’asseoir en leur compagnie. »
Cheykh Ar-Rassâ‘, dans son commentaire sur la Risâla, démontre
que ce jeu peut avoir une emprise sur le cœur et devenir une passion
qui risque d’induire la personne dans l’interdit, surtout s’il est associé
au qimâr. Il devient, dès lors, interdit. Cependant, son statut est la
répréhension, il est préférable de ne pas en faire une habitude.
Les juristes ont des avis divergents sur la question, mais nous men-
tionnons la règle qui stipule que : « le statut de la sentence légale dif-
fère selon le contexte qui l’entoure. »
L’imâm Ar-Râzî a dit, dans son Mahsoûl : « Ce terme s’utilise de
manière associée pour désigner trois choses :
1 : Ce que le Législateur a demandé d’éviter en lui faisant comprendre
que le délaissement (at-tark) est meilleur que la mise en application
de l’acte ; bien qu’il n’en résulte pas de sanction.
2 : Pour désigner l’interdit. Par exemple : l’imâm Ach-Chafi‘î, ainsi
que l’imâm Ahmad avaient l’habitude de dire : akrahou telle chose

408
Les fondements du droit musulman

(je n’aime pas telle chose) et, en vérité, ils désignaient l’interdiction.
Par pudeur envers Allâh (U), ils évitaient l’usage du terme interdit,
car Seul Allâh (U) est habilité à se prononcer de la sorte.
Ainsi, pour interdire les ablutions dans des ustensiles en or et en
argent, il disait : « Wa youkrahou an youtawadda’a f î âniyatin mina
Adh-dhahabi wal fiddati : il est défendu de faire ses ablutions dans des
ustensiles en or et en argent. »
3 : En cas de délaissement d’un acte qui est très recommandé et qui
prévaut entre d’autres actes. Tel que le délaissement de la prière
du Douhâ. Ce tark est jugé makroûh, non pas parce qu’il y a une
demande de délaissement de l’acte, mais plutôt parce que l’acte a
du mérite. Le délaissement du méritoire (al awlâ) est jugé makroûh.
(Réf : Al Mahsoûl tome 1, page 104)

409
Les fondements du droit musulman

L’INTERDIT
Al Harâm - Al Mahzoûr

Ibn Qoudâma a dit : L’Interdit est à l’opposé de l’Obligatoire.


(Réf : Rawdat an-Nâzir)

Définitions
Définition linguistique du terme
On dit en arabe : al harâmou, al hirmou, al harimou, plur : al houroum :
al mamnoû‘ ; l’interdit, le défendu. Il s’agit de l’opposé du halâl : le
licite ou le permis.
Quant au terme : Al hirmou : al man‘ou al hirmatou al hir-
mânou : il s’agit de l’interdiction, qui est l’opposé du tahlîl : la permis-
sion ou la licité.
Le poète Zouhayr ibn ’abî Soulmâ a dit :
Wa in atâhou khalîloun yawma mas’alatin
Yakoûnou lâ ghâ’ibou al mâli wa lâ hirmou

Traduction :
Lorsque son ami intime s’adresse à lui un jour de besoin,
On ne le voit pas retenir son argent et s’empêcher de le lui accorder.
Ce terme est une sifah (une qualité), mais il ressemble à un ism fâ‘il
(participe), car c’est une qualité qui dérive de l’expression harouma
ach-chay’ou et al harâm  al mamnoû‘.
Le poète Imrou’ou Al Qays a dit :
Jâlat litasra‘anî faqoultou lahâ ’aqsirî,

410
Les fondements du droit musulman

innî imri’oun sar‘î ‘alayki harâmou

Traduction :
Elle est apparue pour m’abattre, je lui ai dit arrête !
je suis un individu dont la mise à mort est interdite.
****
Dans le Saint Coran, ce terme est utilisé dans le sens d’al-man‘
(l’empêchement) :
Allâh (U) dit : ( Nous lui avions interdit (harramnâ ‘alayhi) aupa-
ravant (le sein) des nourrices. ) (Ste 28/V.12)
«Le Seigneur dit : ( Cette terre sera interdite (mouharramatoun
‘alayhim) pour quarante ans. Durant tout ce temps, ils seront condamnés
à errer. Ne te tourmente pas lesquels ils erreront sur la terre. Ne te tour-
mente pas pour ce peuple pervers ! ) (Ste 5/V.26)
( Il est défendu (wa harâmoun) [aux habitants] d’une cité que Nous
avons fait périr de revenir [à la vie d’ici-bas].) (Ste 21/V.95)

Définition conventionnelle
Ibn Qoudâma a dit : « L’Interdit c’est l’acte dont le délaissement
donne lieu à la récompense, et la mise en pratique engendre sanc-
tion et punition.» (Réf : Ar-Rawdat An-Nâzir, charh Mohammed ’Al Amîn
Ch-chinqîtî » p.22)
On a dit aussi que : « l’Interdit c’est ce que le Législateur a demandé
de délaisser de manière ferme et containte. »
C’est une définition de l’interdit-même, l’essence-même, puisque
elle s’intéresse au Discours d’Allâh (U). C’est ce que l’on appelle les
sentences ou les qualifications légales (al houkmou ach-char‘iyyou).
L’imâm Al Fakhr Ar-Râzî a dit dans « al Mahsoûl » :
« L’Interdit c’est l’acte que la Loi a dénigré celui qui s’y adonne. »

411
Les fondements du droit musulman

Cette définition s’intéresse aux conséquences (haythiyyât al awsâf).


C’est-à-dire, en prenant en considération ce que l’acte engendre comme
intérêt, nuisance ou dommage (à l’extérieur).
Al Âmidî l’a défini comme suit : « C’est l’acte dont l’exercice est la
cause du dénigrement de point de vue légal, du fait qu’il est pratiqué. »
Nous constatons, surtout, dans les définitions s’intéressant aux
conséquences de l’acte, qu’on attribue à Allâh (U) Seul, le droit de
juger de la valeur de l’acte.
Donc, lorsque nous parlons de critiques, de dénigrement ou de
blâme (al qoubhou ach-char‘îyyou), c’est-à-dire : la raison n’est pas une
source de jugement quant à la valeur ou la qualité des actes.
Cette position est celle des Sounnites, alors que les Mou‘tazilites
affirment que la notion de qoubh ou de housn (chose bonne ou licite)
sont rationnelles. C’est-à-dire que la raison peut définir ces concepts
et les cerner.
Dans toutes les définitions, nous constatons qu’il s’agit de fi‘l (acte) :
tout ce qui est issu du fâ‘il (sujet). Cela concerne donc, les actes accom-
plis par les membres : al-jawârih. Telles que : le vol, le meurtre, la
fornication…
De même, sont concernées les paroles et les dires ; à l’exemple : la
médisance, le mensonge, le faux témoignage, la calomnie.
Ainsi que les actes du cœur : l’envie, la haine…

Autres termes désignant


l’Interdit (al harâm)
On désigne « al harâm » par d’autres termes :
- al-ma‘siyah
- al-mahzoûr
- adh-dhanb

412
Les fondements du droit musulman

- az-zajr
- al-qabîh
Cet ensemble de termes sont elles forcément des synonymes ?
L’imâm Al Qarâfi a répondu à cette question, dans son livre inti-
tulé : « Nafâ’isou al ousoûl…», il a dit :
* « Al ma’siyah de point de vue langue, signifie : ach-chiddah, al
imtinâ‘ : la robustesse, la dureté, la solidité, la force et la puissance.
D’où le terme al ‘asâ : le bâton, à cause de la fermeté et de la solidité
de toutes ces composantes. Elles forment un tout solidaire, fort et
inséparable.
Il ya dans ce sens l’idée de refus (al imltinâ‘), à cause de l’isti‘sâ’ou,
al ‘isyân : de la solidité, de la fermeté d’une conviction. On constate
toujours la présence de notion de difficulté opposée à notre démarche.
A partir de ces significations, on a appelé celui qui refuse avec entê-
tement, sans fléchir : al ‘âsî : le rebelle. Il refuse d’obéir à Allâh (U).
Donc, al ma‘siyah : veut dire le refus : al imtinâ‘. Et al moumtani‘ c’est
l’Interdit (al Harâm).
* Al Mahzoûr, Ce terme est plus intense qu’al Mouharram, par rap-
port à la menace formulée à son sujet.
Ce terme exprime l’idée d’encerclement, que nous trouvons dans
le terme arabe al hazîrah : l’enclos, que l’on installe autour du trou-
peau pour l’empêcher de sortir et pour le protéger de l’agression exté-
rieure. A l’exemple de la Parole dAllâh (U) : ( Les Dons de ton Seigneur
ne seront refusés à personne : Wa mâ kân ‘atâ’ou Rabbika mahzoûran.)
(Ste 17/V.20)
L’Interdit au sujet duquel Allâh (U) a formulé une menace de sanc-
tion est à l’exemple de l’enclos qui empêche, qui protège le troupeau
des bêtes sauvages (al-mahzoûr), aussi protège l’individu du danger de
s’adonner à un acte que Le Législateur a interdit.
* « Adh-dhanbou : al ithmou le péché (juridiquement).

413
Les fondements du droit musulman

Il y a l’idée de l’extrémité : (at-taraf), et parmi les extrémités : les


queues des bêtes se situant dans les endroits les plus vils du corps. Ainsi,
al moudhnib (le pécheur), en s’adonnant à un dhanb (péché) acquiert
les qualités les plus abaissantes. Et devient parmi les plus détestés. Et
comme la queue se situe à l’extrémité, al moudhnib (le pécheur) se situe,
par son comportement, à l’extrémité de la communauté et sera rejeté
et méprisé.
Abou Ya‘la al Farrâ’ (Mort 468H/1065JC) a dit : « Adh-dhanbou
et adh-dhounoûbou : an-nasîbou et al hazzou : part accordée à une
personne. »
Il s’est référé à la sourate Adh-Dhâriyâtt ? Allâh (U) dit : ( Ceux qui
ont été injustes auront une part [de tourments] (dhanoûban) : pareille à
celle de leurs compagnons. ) (Ste 51/V.59)
Dans ce verset Allâh (U) parle de ceux qui Lui ont associé d’autres
divinités, ils auront une part (dhanoûban) du châtiment comme celui
qui a été infligé à leurs prédécesseurs.
Al Qarâfî se réfère, pour appuyer ses dires, à un vers de poésie :
Lanâ dhanoûboun wa lakoum dhanoûboun,
Fa’in abaytoum falanâ al-qarîbou (al-bi’rou) !

Traduction
Nous prenons une part (d’eau), vous prenez une part.
Si vous refusez, nous prendrons tout le puits par la force.
* « Az-Zajrou : c’est l’empêchement en usant de paroles dures et
menaçantes.
* « Al Qabîh : Toute chose qui répugne les âmes pures. C’est l’opposé
du beau. C’est le laid, le répugnant.
Allâh (U) dit : ( Et au jour de la Résurrection, ils ne seront point
secourus. Poursuivis de Notre malédiction en ce monde, ils seront,
dans l’au-delà, parmi les méprisés-les rejetés, les haïs, les maudits- (al
maqbouhîn). ) (Ste 28/V.41-42)

414
Les fondements du droit musulman

Toute chose qui est rejetée est qabîh et loin du bien, fait partie des
maqâbih. » (Fin de l’argumentation d’Al Qarâfî).
On dit : « Qabbaha Allâhou foulânan : ab‘adahou min rahmatihi =
Untel, Allâh (U), l’a éloigné de Sa Miséricorde, Il l’a maudit !

Les voies de confirmation de l’interdit


Elles sont au nombre de quatre :
1 : Enonciation textuelle de la part du Législateur, Qui utilise la for-
mule explicite d’al hirmatou (l’interdiction).
A l’exemple de la Parole d’Allâh (U) : ( Vous sont interdites (hour-
rimat ‘alykoum) vos mères, vos filles, vos sœurs, vos tantes maternelles et
paternelles… ) (Ste.4/V.23)
El la Parole d’Allâh (U) : ( Il vous est interdit de consommer la bête
morte, le sang, la viande de porc, les bêtes immolées à d’autres divinités
qu’à Dieu… ) (Ste.5/ V.3)
2 : Négation de la licéité
A l’exemple de la Parole de Dieu (U) : ( Ô croyants ! Il ne vous est pas
permis (lâ yahillou lakoum) de recevoir des femmes en héritage contre
leur gré. ) (Ste.4/ V.19)
3 : Formulation de l’interdiction sur le mode : Lâ taf‘al : Ne fais pas,
par l’usage de la particule al-lâm an-nâhîyah ( ) 53

Exemples :
Allâh (U) dit : ( …Ne contraignez pas vos jeunes esclaves à se pros-
tituer alors qu’elles veulent rester chastes : wa lâ toukrihou fatayâti-
koum ‘alâ al-bighâ’i…) (Ste 24/V.33)

53 () Rem : lorsque nous disons que cette formulation implique l’interdiction,


ceci étant en l’absence d’indice (qarînah) la détournant vers une sentence.

415
Les fondements du droit musulman

Allâh (U) dit : ( Ne dissimulez pas la Vérité derrière le mensonge… :


wa lâ talbisoû al-haqqa bi al-bâtili… ) (Ste.2/V.42)
4 : L’Ordre d’éviter l’acte, accompagné de ce qui démontre qu’il y a
obligation et contrainte : Al amr bil-ijtinâb
Telle la Parole d’Allâh (U) : ( Ô croyants ! Les boissons enivrantes,
les jeux de hasard, les sacrifices païens, la divination sont autant d’œuvres
infâmes inspirées du Démon. Ecartez vous en : Yâ’ayyouhâ al-ladhîna
âmanoû ’innamâ al-khamrou wa al-maysirou wa al-’ansâbou Wa
al-’azlâmou rijsoun min ‘amali ach-chaytâni fâjtaniboûhou… )
(Ste 5/V.90)

La classification de l’interdit
Il y a deux sortes d’Interdits
I : L’Interdit en soi : al harâmou li-dhâtihi
II : L’Interdit pour une cause externe : al Harâmou li-ghayrihi
*****
I : L’Interdit en soi : al harâmou li-dhâtihi
Il s’agit de l’interdit par essence. C’est ce que le Législateur (Ach-
Châri’ou : Allâh (U) ou Son Prophète (r)) a interdit initialement et
à l’origine, et non pas en tenant compte de ses conséquences ou d’une
cause externe à lui.

Exemple :
La consommation des boissons enivrantes ou la consommation de la
bête morte (al maytah).
Cette catégorie d’interdits est interdite en soi, avant même de la
consommer et son interdiction est plus grave et plus ferme.
Cet Interdit, (al harâmou li-dhâtihi), cause le dommage et le mal et
empêche la réalisation du bien et de l’intérêt (al maslahah).

416
Les fondements du droit musulman

L’acte interdit en soi est à l’origine du mal et non pas parce qu’il
mène à quelque chose qui engendre le mal. A l’exemple de : l’assassinat
(al qatl), l’association (ach-chirk), la fornication (az-zinâ)…Tous ces
actes causent du dommage et font perdre un intérêt.
II : L’Interdit dû à une cause externe : Al Harâmou li-ghayrihi
Il s’agit de l’Interdit dont la proscription ne concerne pas le sujet
même. Cet interdit n’engendre pas le mal en soi ou prive la réalisation
d’un intérêt par lui-même, mais il est un moyen qui mène à l’Interdit. Il
acquiert le statut de l’interdite à cause d’un élément qui lui est externe.
Cet Interdit est de deux sortes :
A : Acte interdit, car il cause un mal ou fait perdre un intérêt :

Exemples :
- Le fait de regarder, avec insistance, un homme ou une femme
étrangère.
- Al khoulwah (tête à tête) avec une femme ou un homme étranger.
- Le voyage de la femme sans mahram.
Ces situations ont été interdites parce qu’elles peuvent mener vers
la fornication, qui est interdite en soi.
- L’interdiction d’épouser une femme, en même temps que sa tante.
Acte, qui dans son accomplissement, en résultera haine et rancune,
et peut être la cause de conflits surgissant entre nièces et tantes
menant à la destruction des liens familiaux et des liens de parenté
(silat ar-rahim).
- De même, il est interdit à la personne, en état de sacralisation (ihrâm),
de contracter un mariage, car cela pourrait le mener vers l’interrup-
tion de son rite par la cohabitation avec son épouse, malgré le fait
que la cohabitation entre époux n’est pas interdite en soi.
B : Acte qui n’est pas considéré un mal en soi, et il n’est pas un moyen
en soi qui mène à un mal, mais il s’agit d’un acte qui a subi lors de
son accomplissement un incident risquant de l’invalide.

417
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- Le fait de surenchérir sur le prix conclu par un autre (al-bay‘ou ‘alâ
al-bay‘i) ou le fait de demander la main de la femme déjà fiancée
(al-khitbatou ‘alâ al-khitbati).
- La prière dans la maison usurpée (maghsoûbah) ou avec un vêtement
volé. Les Hanbalites invalident cette prière.
Ce genre d’Interdits, n’annulent pas l’acte, ils l’altèrent et peut être
corrigé, selon l’avis du Joumhoûr.

Exemples :
- Dans le cas d’un mariage où l’on a émis comme une condition non
conforme à la Loi : L’homme qui dit à un autre : « Je te donne ma
sœur en mariage à condition que tu me donnes en contrepartie ta
sœur aussi en mariage !»
On peut rectifier cette situation, en annulant la dite condition.
- Le contrat de vente conclu lors de l’appel de la prière du vendredi ;
valide pour la Majorité (avec répréhension) et invalide pour les
Hanbalites et les Zahirites.

Conséquences
- Tout ce qui est interdit pour lui-même (Mouharram li-dhâtihi) ne
peut être permis qu’en cas de nécessité vitale (ad-daroûra).
A l’exemple de la consommation du vin, qui devient permise, pro-
visoirement, pour sauvegarder la vie. La préservation de la vie est prio-
ritaire par rapport à la préservation de la raison (cause principale pour
l’interdiction des boissons enivrantes).
Tout acte inclus dans cette catégorie, implique la nullité et l’inva-
lidité (al boutlân). Il n’est pas pris en considération et ses effets n’ont
aucune valeur. C’est un acte jugé inexistant sur le ; plan légal : néant.
Al Mouharram li-ghayrihi est permis qu’en cas de besoin unique-
ment (al hâjah)

418
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- Dévoiler une partie de la ‘awrah pour une raison médicale.
Les juristes considèrent cela comme permis, car le fait de se dévoi-
ler n’est pas interdit en soi (on peut le faire quand on est seul ou en
présence du conjoint), mais il est interdit, car il y a le risque qu’il mène
vers une mafsadah ; d’où permis en cas de besoin.
Tout acte inclu dans cette catégorie, implique l’altération de l’acte,
qui peut être éventuellement corrigé.

419
deuxieme
partie

LA RÈGLE DE DROIT
LÉGALE STIPULATIVE
Al Houkmou Ach-Char‘îyyou Al Wad‘îy
Les fondements du droit musulman

PRÉAMBULE
Discours du Législateur (U) ou de Son Prophète (r), instituant à Ses
demandes (talab) : Al Wâjib, Al Harâm… des Conditions (Chouroût),
des Causes (Asbâb), des Empêchements (Mawâni‘), un état de validité
(Sihha) ou d’invalidité (Boutlân).
Dans ce discours stipulatif (khitâb wad‘î), il n’y a pas de différence
entre un acte dont la demande est formelle, et contraignante (al ilzâm),
et entre un acte non contraignant et non formel (ghayrou moulzim).
De même, on ne fait pas la différence entre le demande de faire (al
fi‘lou) et de ne pas faire (at-tarkou).

Exemple :
Le fait de dire que l’assassinat est un empêchement de l’héritage (mâni’
mina al mîrâth) est une règle de Droit stipulative (houkm char‘î wad‘î).
On parle de ce qui entraîne une situation.
Dans toute règle légale où il n’y a pas de demande (talab), et où il
n’y a pas de takhyîr, s’appelle khitâb wad‘î ou houkm wad‘î.
Parmi les signes distinctifs entre les règles de Droit prescriptives
et les règles de Droit stipulatives, c’est que le Discours stipulatif soit
il tombe sous la capacité (qoudra) du moukallaf, mais le sujet n’en sera
pas concerné, tels que : le nisâb de la Zakât (le minimum imposable) et
la disponibilité des moyens financiers et physiques pour l’accomplis-
sement du Hajj : soit il ne tombe pas sous la capacité du moukallaf et
n’en dépend pas, tel que : le mouvement du soleil pour définir le temps
légal pour chaque prière. Ces deux chouroût (conditions) ne sont pas
dépendantes de l’homme. Soit, elle tombe sous la coupe du moukallaf
et sa capacité. Il lui sera ordonné de s’en acquitter, tels que : les ablu-
tions, la prière ou le délaissement des Interdits.
Le Discours stipulatif (Khitâb al wad‘î) est plus étendu et plus
général que le Discours prescriptif (Khitâb at-taklîfî), car chaque règle
prescriptive est accompagnée d’une règle stipulative.

423
Les fondements du droit musulman

LA CAUSE
As-Sabab

Définitions
Définition littérale
As-sabab désigne la corde, et toute chose qui te fait parvenir à une
chose quelconque.
Le poète Zouhayr a dit :
‫ومن هاب أسباب املنية يلقها* * * ولو رام أسباب السامء بسلم‬
Wa man hâba asbâba al maniyyati yalqahâ
Wa law râma asbâba as-samâ’i bi-soullami

Traduction
Celui qui craint les causes menant à la mort, les rencontrera assurément ;
Même s’il tend vers les firmaments du ciel avec une échelle.

Définition conventionnelle
As-sabab (la cause) est un qualificatif (wasf) évident (apparent) et précis
que le Législateur a institué et en a fait un signe (‘alâmah) prouvant
l’existence d’une règle de Droit. Ce qui mène à dire, que l’existence
du Sabab est déterminante dans l’existence (l’application) ou la non
existence (la non application) de la règle (al mousabbab).
Ainsi l’essence du Sabab est la suivante : c’est l’élément dont l’exis-
tence implique l’existence et l’absence implique la non existence.

424
Les fondements du droit musulman

Exemples :
- La paternité (al oubouwwa) et la filiation (al bounouwwa), l’une ne
peut exister sans l’autre et vice vers ça.
- La prière du Zouhr ne peut s’accomplir que lorsque le soleil est
au Zénith. On ne peut la prier avant ce moment, car la cause est
inexistante.
On ne peut s’adonner à un acte et donner naissance à un mousabbab
si son sabab est inexistant.
On ne peut pas parler de conséquences d’un acte sans sa cause agis-
sante (al mou’aththirou fîhi). Ainsi celui qui prie le Zouhr avant l’entrée
de son temps légal, sa prière est invalide.
Une règle légale de base est née de ce principe :
« Celui qui délaisse ou se dispense d’un devoir avant que l’obli-
gation légale d’acquittement n’entre en vigueur, il n’en est nullement
dispensé : Koullou man asqata haqqan qabla woujoûbihi fa-houwa lâ
yasqoutou ‘anhou. »

L'essence du sabab
- Lorsqu’on analyse As-Sabab, on constate une concordance entre
As-Sabab et son Mousabbab (sa conséquence), cependant, il arrive
que l’on ne puisse cerner la relation entre As-Sabab et sa consé-
quence. Par exemple, Allâh (U) a décrété que la peine de l’homi-
cide volontaire est la peine de mort ; celle du vol est la coupe de la
main ; la peine de la consommation des boissons enivrantes sur la
voie publique, les coups.*
Dans toutes ces règles de Droit, nous constatons une concordance
entre As-Sabab et Al Mousabbab. Chaque fois qu’il y a concordance
entre eux, on appelle As-Sabab : ‘Illa.
- Selon Ahl al Ousoûl, tout Sabab est une ‘Illa et toute ‘Illa n’est pas
forcément un Sabab.

425
Les fondements du droit musulman

- Lorsqu’il y a un lien entre la Cause (As-Sabab) et sa conséquence


(al Mousabbab), il s’agit d’une ‘Illa, à condition qu’elle soit un qua-
lificatif précis. La Cause ici c’est la sentence légale (al houkm). C’est
pour cette raison que nous ne disons pas : la sagesse (al hikma) de
la peine de la consommation des boissons enivrantes est l’ivresse ;
mais plutôt : la ‘Illa (Cause) qui motive, justifie la peine (houkm)
est l’ivresse (as-soukrou).
On ne justifie pas cette peine par la perte de la raison (zawâl al ‘aql),
car c’est un qualificatif imprécis, relatif et qui diffère d’une personne
à l’autre.
Comme on ne peut justifier le raccourcissement des prières par la
difficulté, dont l’intensité et l’effet diffère d’une personne à une autre.
La Cause (al ‘Illa) du raccourcissement (al qasr) est le voyage.
- De même, on ne peut considérer As-sabab comme une ‘Illa, lors-
qu’on ne peut cerner le pourquoi de la relation entre As-Sabab et
al Mousabbab.
- Il y a, entre As-Sabab et al ‘Illa, un sens général qui les implique tous
deux et une spécificité propre à chacun : baynahoumâ ‘oumoûmoun
wa khousoûs.
- As-Sabab précède toujours al Houkm, c’est-à-dire : la vision du crois-
sant précède le jeûne.
Tandis qu’al ‘Illa (la vision du croissant), elle accompagne al Houkm
(l’obligation du jeûne).
- As-Sabab est un signe de la présence d’un Houkm.
Allâh (U) dit : ( Accomplis la prière au déclin du soleil jusqu›à
l›obscurité de la nuit, et [fais] aussi la récitation à l›aube, car la récitation
à l›aube a des témoins. ) (Ste 17/V.78)
- Al ‘Illa est à l’origine (al bâ‘ith) de la présence du Houkm ; elle est la
raison qui justifie al Houkm.
Allâh (U) dit : ( Quand ils entrevoient quelque commerce ou quelque
divertissement, ils s’y dispersent et te laissent debout. Dis : ‘Ce qui est

426
Les fondements du droit musulman

auprès d’Allâh est bien meilleur que le divertissement et le commerce, et


Allâh est le Meilleur des pourvoyeurs.’ ) (Ste 62/V.11)
Al ‘Illa de l’interdiction de tout négoce durant la prière du vendredi,
est que la vente en ce moment détourne et distrait de la prière et de
l’adoration d’Allâh (U).
Lorsque al ‘Illa n’est pas évidente, on ne parlera que de Sabab.

Question de Ousoûl
Ahl al Ousoûl ont divergé concernant la realtion entre As-Sabab et
al ‘Illa.
Certains ont fait de la ‘Illa un qasîm (une part) du Sabab. Elle en
dépend et fait partie de son entité. (Voir schéma 1)
D’autres ont fait de la ‘Illa, un qism ou un far‘ (une branche) du
Sabab. (Voir schéma 2)
Ces deux schémas expliquent la différence entre un qasîm et un
qism.
Schéma 1

Asl

Qasim
Part

427
Les fondements du droit musulman

Schéma 2

Asl

B D
A
C
qism : branches (a.b.c.d)

Si l’on part de ce principe, le Sabab apparaît plus général que la ‘Illa.


Et on peut dire, dès lors, que le Sabab est de deux sortes :
1 : Si le Sabab est concordant, il s’agit d’une ‘Illa.
2 : S’il n’est pas concordant, il s’appellera Sabab uniquement.

Exemple :
- Asl : Père et mère.
- Qism ou far‘ : fils et fille.
- Qasîm : les fils et les filles, les uns par rapport aux autres, et sont des
parties intégrantes du tout (l’ensemble) : la famille (al Asl).
(Voir figure, ci-dessous).

Note :
J’émets une réserve par rapport à la traduction de ce terme. Al jald :
flagellation et fouettement ; car il ne s’agit pas de coup de fouet, car
à l’époque du Prophète (r), le buveur a été frappé, en présence du
Messager de Dieu (r) par les Compagnons avec leurs vêtements et
leurs sandales

428
Les fondements du droit musulman

Al Asl
père et mère

fils & filles


(Qism)

fils & filles


(Qasim)

Différentes sortes de sabab


La Cause (As-Sabab) se subdivise, en Sabab qui entre sous la coupe et
la capacité du Moukallaf, et celui qui n’entre pas sous sa capacité.

1 : Sabab qui entre sous la coupe et la capacité du


Moukallaf :
A l’exemple : du vol, des crimes, le mariage, la vente.
Il n’y a pas de doute que ces causes donnent lieu à leurs consé-
quences (mousabbabât).
Ainsi, le vol est la cause de la coupe de la main du voleur ; l’homi-
cide volontaire est la cause de la peine de mort ou du paiement de la
diyya (prix du sang) à la famille de la victime.
Ce genre de Asbâb, qui entre sous la coupe de la personne respon-
sable et initié par lui, est considéré comme faisant partie des règles
de droit prescriptives (ahkâm char‘îyya taklîfîyya), du fait que ce genre
de Sabab acquiert un statut légal d’interdiction, à l’exemple du vol ou
de l’homicide ou le statut de la permission, à l’exemple de la vente…

429
Les fondements du droit musulman

Et il est une règle de droit prescriptive, puisqu’il donne lieu a des


mousabbabât.
Cette règle concerne tous les Asbâb que l’individu est capable de
réaliser.
Nous sommes en présence de règles qui sont à la fois taklîfiyya
(prescriptives) et wad‘iyya (stipulatives).

Illustration :
L’obligation de la Zakât est une règle prescriptive. Mais la Cause
(sabab) de l’acquittement : an-nisâb, est un houkm wad‘î ; l’écoulement
de l’année lunaire (al hawl) est une Condition (Chart) est un houkm
wad‘î et la dette (ad-dayn) est un Mâni‘ (Empêchement) est un houkm
wad‘î.

2 : Causes qui ne tombent sous la capacité du Moukallaf


Il s’agit de règles légales uniquement stipulatives (houkm wad‘î).
A l’exemple des liens de parenté, qui est la cause (sabab) du droit à la
succession du défunt (al mîrâth ou al irth) ; le déclin du soleil pour la
prière du Zouhr ; l’apparition du croissant pour le jeûne du Ramadan…
Ces causes échappent à la capacité du moukallaf, et c’est la carac-
téristique du Houkm al wad‘î (la règle de droit stipulative). Il n’y a pas
lieu à la volonté de l’homme, ni au choix (takhyîr).

3 : Il y a des Causes interdites ou Préférentielles et


Obligatoires
A : Les Causes interdites

Exemples :
- La fornication (Az-zinâ), les homicides (al qatl), le vol (as-sariqa),
l’usurpation (al ghasb), la destruction volontaire des biens d’autrui
(al itlâf)… Leurs mousabbabât seront les sanctions, les peines ou la
compensation des dommages causées (ad-damân).

430
Les fondements du droit musulman

Ainsi le Législateur a institué (wada‘a) des sanctions contre ceux


qui causent ces délits, dans le but de préserver et de sauvegarder les
Cinq Universaux (al koulliyyât al Khams : Ad-Daroûriyyât).

B : Les Causes Préférentielles (au libre choix) et les Causes


Obligatoires
Ce sont toutes les causes que le Législateur a demandé au moukallaf
de réaliser, soit en lui accordant le choix de faire ou de ne pas faire
(at-takhyîr) ou soit par obligation (woujoûban).
Il en résulte, (une fois initiées) des droits et des obligations (qui ont
le statut du woujoûb : l’obligation.

Exemples :
Le contrat d’al ijâra (la location). Le locataire doit s’acquitter d’un
loyer mensuel ou autre, selon l’accord conclu. En contrepartie, il jouit
de l’usufruit du bien.
C’est ce qui résulte, en général, des causes obligatoires.

Conclusion
- Les Causes interdites sont des causes menant aux nuisances et aux
dommages (al mafâsid). Tandis que les Causes sujets demande du
Législateur sont des causes qui mènent à l’intérêt et au bien (al
maslahah et al khayr).
- Les Causes (al asbâb) naissent, en vérité, de l’action de l’Homme,
mais le causé (al mousabbab) dépend de la Volonté d’Allâh (U).
Puisque l’Homme, à travers, son agir, tend à la réalisation des mou-
sabbabât, le Législateur Sage lui a demandé de prendre en considé-
ration al asbâb (les Causes) qui tombent sous la coupe de sa capacité
uniquement. Car le Législateur ne peut demander, ni imposer à Son
serviteur l’Impossible (al moustahîl) et ce qui sort de sa capacité (mâ
lâ qoudrata lahou ‘alayhi) et ni l’insupportable (ma lâ tâqata lahou bihi).
Dans son commentaire de la Parole d’Allâh (U) suivante :
« Considérez vos terres labourées : Serait-ce vous qui y faites germer

431
Les fondements du droit musulman

les semences ? Ou est-ce Nous qui faisons lever le grain ? » (Ste 56 (al
Wâqi‘ah)/V.66-67) ; Al Aloûsî a dit : dans son Tafsîr, intitulé : Roûh
Al Ma‘ânî (l’Esprit des Sens) : « En vérité, c’est Allâh ‘(U) qui est Le
Semeur, Le Laboureur et Le Producteur. Il (U) demande à Se servi-
teurs de mettre en action les Causes établies par Sa Volonté.

Remarque
Le Taklîf c’est la mise en action des asbâb par la personne responsable,
quant aux causées (al mousabbabât), elles dépendent de la Volonté
d’Allâh (U) et de Ses Décrets.
- Quand on parle de règles stipulatives (ahkâm wad‘iyya ou ja‘liyya)
initiées et instituées par Allâh (U), elles sont du domaine du taklîf
et donnent naissance forcément à leurs mousabbabât, dont le mou-
kallaf est tenu responsable.
Ainsi celui qui contracte mariage, et stipule comme condition de
ne pas subvenir aux besoins financiers de son conjoint, cette condition
est invalide, car Allâh (U) a institué comme obligation (mousabbab),
du contrat de mariage (sabab), l’obligation de la nafaqa. Personne ne
peut déroger à cette règle, qui est une règle stipulative, ni la modifier
et ni la mettre en cause.
- Si la Cause (as-sabab) ne remplie pas toutes ses conditions, il sera
considéré inexistant. Ses conséquences ne seront pas prises en
considération. A l’exemple de celui qui émet une condition non
conforme, qui met en cause la validité d’un contrat (as-sabab).

432
Les fondements du droit musulman

LA CONDITION
ACH-CHART

Définitions
Définition littérale
De point de vue langue, le terme chart est le synonyme du terme : al
‘alâmah (signe).
Allâh (U) dit : (Qu’est-ce qu’ils attendent sinon que l’Heure leur
vienne à l’improviste ? Or ses signes avant-coureurs (achrâtouhâ) sont,
certes, déjà venus. Et comment pourront-ils se rappeler quand elle leur
viendra (à l›improviste).) (Ste 47/V.18-19)
Abou Al Aswad Ad-Dou’alî a dit :
La’in kounta qad az‘amta bis-sarmi baynanâ
Faqad ja‘alta achrâtan awwalouhou tabdoû

Traduction
Si tu as pris la résolution de rompre tout lien avec nous,
Nous avons, déjà, senti quelques signes qui l’annonçaient.

Définition conventionnelle
Al Qarâfî a dit : « Ach-Chart est l’élément (qualificatif, prédicat) mani� -
feste qui, s’il fait défaut, cela donne lieu à l’inexistence de l’acte, et s’il
est présent cela ne nécessite pas forcément l’accomplissement de l’acte
ou sa non exécution. » (Réf : Al Fouroûq, tome1, al farq 3)

433
Les fondements du droit musulman

Exemple :
L’ablution est une condition (chart) pour l’accomplissement de la
prière. En son absence, la prière ne peut être célébrée, et s’il y a tahâra
(ablution), l’individu n’est pas forcé de prier, ni de ne pas prier.

Explication de la Définition :
« S’il fait défaut, cela donne lieu à l’inexistence de l’acte. »
Al Qarâfî a voulu, par cette délimitation, marquer la différence
entre la Condition (Ach-Chart) et l’Empêchement (Al Mâni‘).
Al Mâni‘ exige, en sa présence, la non application de l’acte : la
dette empêche le paiement de la Zakât.
Alors que la présence de la Condition (Acha-Chart) est nécessaire
pour l’existence de l’acte (ex : ablutions  prière).
La deuxième limite est pour ne pas confondre Ach-Chart avec
As-Sabab, dont l’existence exige l’existence du Mousabbab et l’inexis-
tence engendre l’inexistence du Mousabbab. Ce qui n’est pas le cas de
la Condition :
« … si la Condition est présente, cela ne nécessite pas forcément
l’accomplissement de l’acte ou sa non exécution. »

Les différentes sortes de conditions


Al Qarâfî, dans Ses Fouroûq, tome1, al farq 3, propose trois sortes
de Conditions : Linguistiques ou verbales (loughawiyya), légales
(char‘iyya) et rationnelles (‘aqliyya).

1 : Conditions linguistiques : Chouroût loughawiyya


Allâh (U) a institué deux sortes de causes.
Une première catégorie dépend de Sa Volonté (U), et qu’Il a initiée
dans Sa Loi  As-sabab (règle légale stipulative : houkm wad‘î).

434
Les fondements du droit musulman

Chaque fois que la Cause, (ex : la fornication de la personne mariée :


mouhsan), est présente son Mousabbab a lieu d’une manière effective :
l’obligation de l’application de la peine légale54.
Cette forme de Causes, s’appelle as-Sabab al aslî : la Cause originelle,
et elle est en même temps Chart loughawî (Condition verbale ou lin-
guistique) : mouhsan (marié).
Décrétées et instituées par le Législateur (Ach-Châri‘). On l’ap�-
pelle : Ach-Chart ach-char‘i al aslî.
A l’exemple : l’exigence de la maturité (ar-rouchd) pour donner le
droit à l’enfant en bas-âge de disposer de ses biens ; on y ajoute toutes
les Conditions instituées par le Législateur dans le domaine des pra-
tiques cultuelles, les contrats, les délits…
Ce sont toutes ces Conditions, considérées comme des règles
légales stipulatives (al ahkâm ach-char‘iyya al wad‘iyya).
Les Conditions auxquelles on applique la définition convention-
nelle de Ahl Al Ousoûl :
« Ach-Chart, c’est l’élément (qualificatif, prédicat) manifeste qui, s’il
fait défaut, cela donne lieu à l’inexistence de l’acte, et s’il est présent
cela ne nécessite pas forcément l’accomplissement de l’acte ou sa non
exécution. »
Selon Al Qarâfî, ach-Chart al-loughawî est, en même temps, une
Condition légale (Chart char‘î) ou une Cause légale, comme cela a été
explicité.

2 : Ach-Chart al ja‘lî
La deuxième catégorie de Causes, c’est ce qu’Allâh (U) a laissé au
moukallaf le choix d’initier ou de poser. On l’appelle « Chart ja‘lî » :
Condition improvisée ou posée ou établie par les hommes. C’est-à-
dire : des Conditions linguistiques (Chouroût loughawiyya) qui se
transforment en Asbâb char‘iyya.

54 Note : bien sûr, cette application ne peut avoir lieu, que dans le cadre d’une
procédure judiciaire légale correcte et complète.

435
Les fondements du droit musulman

Exemple :
L’homme dit à son épouse : ‘Si tu quittes le foyer, tu es divorcée !’
Cette Condition (Chart ja‘lî loughawî) : ‘ne pas quitter le domicile
conjugal’, a eu comme conséquence le divorce, elle est (Ach-Chart) et
Cause légale (Sabab char‘iy) au divorce.

Ach-Chart al ja‘lî est de trois sortes :


A : Une condition que le contrat n’est pas supposé exiger

Exemples :
- L’homme qui impose, comme condition, à sa future épouse de ne
pas travailler en dehors du foyer.
Cette condition est valide, et en cas de sa ratification, l’épouse est
tenue de la respecter.
- Les conditions que s’imposent les commerçants entre eux et sont
conformes à la Loi.
B : Une condition qui fait partie des éléments de l’acte, comme l’exi-
gence de l’écoulement de l’année lunaire pour l’acquittement de la
Zakât.
C : Des Conditions non conformes au Vouloir du Législateur.

Exemples :
- Le fait d’émettre la condition de ne pas disposer des biens achetés
après la conclusion du contrat ;
- La condition de ne pas subvenir aux besoins de l’épouse.
Ces conditions sont nulles, car elles sont en opposition avec la Loi.
Le Prophète (r) a dit : « Les Musulmans doivent s’en tenir
aux conditions auxquelles ils se sont engagés, à l’exception d’une
condition qui rend illicite un permis ou rend permis un illicite. »
(Rapporté par Ach-Châfi‘î) (Réf : Ach-Châtibî : Al Mouwâfaqât, tome1, pp :
580-300)

436
Les fondements du droit musulman

3 : Conditions rationnelles : Chouroût ‘aqliyya


Ce sont des Conditions que l’on ne peut envisager, si la raison les réfute
ou si ce qui a été envisagé par la Condition, ne peut voir le jour sans
elle, à l’exemple de :
- La vie (Condition), qui est nécessaire, pour le savoir. On ne peut
concevoir qu’un savant agit s’il n’est pas vivant. La mort suppose
l’absence de savoir (du savant). Il y a une relation nécessaire entre
les deux.

Différence entre la Condition


et al‘Illa et entre la Condition
et le Roukn (pilier)
* La Condition est un élément qui se situe en dehors de l’essence de
la chose : le sujet de la Condition.
Exemple : les ablutions Chart, ne font pas partie de l’entité de la
prière  al Machroût (le conditionné).
La Condition est à l’exemple d’une partie de la ‘Illa.
La différence entre cet élément d’al ‘Illa et Ach-Chart, c’est que cet
élément de la ‘Illa est une partie intégrante de son essence, tandis que
Ach-Chart ne fait pas partie de l’essence et de l’entité du Machroût.
La Condition a une influence, par son absence, sur le Conditionné
(al Machroût), mais n’a pas forcément un effet effectif (l’exigence de
l’accomplissement de l’acte), quand elle est présente.
Al ‘Illa accompagne Al Houkm woujoûdan wa ‘adaman : La Cause
doit accompagner positivement et négativement la Sentence, la
Sentence (al houkm) doit être subordonnée à la Cause, à son existence
ou à sa non-existence.
La Cause (al ‘Illa) entraîne la Règle (al houkm), et la Règle est
entraînée par la Cause.

437
Les fondements du droit musulman

La similitude entre Ach-Chart et al‘Illa est partielle. Ainsi, dans le


cas où il y a absence de la Condition (as-Sabab), le Conditionné (al
Mousabbab) sera inexistant, tout comme al houkm ne peut exister et mis
en application en l’absence de sa ‘Illa.
Al ‘Illa est à l’origine de l’existence du houkm. C’est-à-dire : elle est
la raison d‘être du houkm, c’est sa présence qui justifie la présence du
houkm.
La Cause (As-Sabab) est le signe (al ‘alâma) qui indique la présence
du houkm : le coucher du soleil est la cause qui explique l’existence de
l’action de prier al Maghrib.
* Quant à la similitude et la différence entre la Condition et
ar-Roukn ; c’est que l’existence d’un acte de point, de vue légal,
dépend de l’existence de chacun d’entre eux.
Ils sont différents, dans le sens que, la condition se situe en dehors
de la chose, tandis que Ar-roukn fait partie intégrante de l’essence de
la chose.

Exemples :
L’inclinaison (ar-roukoû‘) est un roukn de la prière, elle fait partie de
son entité. L’existence et la validité de la prière en dépend.
- Les ablutions est une Condition (Chart) pour la validité de la prière,
mais elles se situent en dehors de l’essence de la prière et de son
entité.
- Le consentement mutuel : la demande et l’acceptation dans le contrat
de mariage, sont deux roukn. Elles font partie de l’essence-même
du contrat.
- La présence des deux témoins est une condition de validité du
contrat, mais cet élément se situe en dehors de son essence.

438
Les fondements du droit musulman

Différentes sortes de Conditions par


rapport au Sujet de (al Machroût)
Par rapport sa relation avec la Cause (ach-chart) et le Causé (al
machroût).

1 : Chart qui vient compléter as-Sabab


Il vient renforcer, consolider Al ‘Illa ou la sagesse pour laquelle la Cause
(as-sabab) a été instituée, comme houkm wad‘î.

Exemples :
La préméditation (al ‘amd) est la Condition pour juger l’acte d’ho-
micide volontaire, et l’homicide volontaire est as-sabab justifiant la
condamnation à mort.
- Al Hirz (le bien doit être dans un endroit fermé ou lieu : sac, poche,
maison, boutique…), est un Chart pour l’acte de vol soit considéré
comme tel.
Le vol est la Cause (as-sabab) qui justifie de l’application de la
peine légale. Le fait que le bien soit dans un hirz renforce le délit de
l’agression sur le bien d’autrui, tandis que le bien jeté ou exposé sans
surveillance n’a pas le statut de l’inviolabilité.
Le fait d’exiger al hirz, comme condition à l’application de la peine
légale, complète la Cause : le vol application de la sentence.
- L’écoulement du hawl sur le nisâb, est un Chart pour le nisâb, et
an-nisâb est as-sabab pour l’acquittement de la Zakât.
L’écoulement de l’année (al hawl) complète as-sabab : an-nisâb.
- Al hawl : Chart
- An-nisâb : Sabab
- Az-Zakât : Mousabbab
‘C’est cet élément dont l’absence va à l’encontre de la Sagesse justi�-
fiant la Cause.’ (Réf : Ach-Châtibî : al Mouwâfaqât, tome 1, p : 268)

439
Les fondements du droit musulman

2 : Chart qui vient compléter al-Mousabbab (al houkm)


Certains Ousoûlî l’ont appelé : la Condition de l’acte (Chart al fi‘l)
Exemple :
- La mort effective du légataire ou par sentence (al mafqoûd), et l’exis-
tence (être en vie) de l’héritier au moment du décès du légataire,
sont deux conditions pour les ayants droit à l’héritage (le droit à
l’héritage : houkm ou mousabbab), dont la Cause (as-sabab) est le
lien de sang direct ou le mariage ou le lien de parenté.

Quel est le statut de la Condition ?


Il diffère d’une situation à une autre :
1 : Obligatoire : il s’agit de l’ensemble des Chouroût char‘iyya
(Conditions légales), instituées par le Législateur.
2 : Conditions interdites : qui vont à l’encontre de la Loi. Elles ne
sont pas prises en considération et leurs effets sont nuls et non avenus.
A l’exemple du mariage conditionné par la non prise en charge de
l’épouse ou par la non jouissance sexuelle.
3 : Conditions pas nécessaires et librement imposées (ja‘liyya)
Emises par l’Homme, l’Islam ne les a pas exigées, mais elles ne
vont pas à l’encontre de la Loi. Il y a obligation d’acquittement en cas
d’engagement et de libre ratification.
En général, comme nous l’avions explicités, ce sont des conditions
linguistiques de suspension (ta‘lîq) de l’exécution d’un acte, et peuvent
obtenir le statut de conditions légales (char‘iyya).

Remarque
Ces Conditions sont formulées par les particules de la Condition
(houroûf ach-chart) ‫ إن‬،‫ إذا‬،‫ متى‬،‫ ما‬،‫ ك ّلام‬: koullamâ ; mâ ; matâ ; idhâ ; in),
suivies de la particule man (‫) َم ْن‬, suivie par le signe de la Condition,
c’est-à-dire : le verbe.

440
Les fondements du droit musulman

L’EMPÊCHEMENT
Al Mâni‘

Définitions
Définition linguistique du terme
Al man‘ : c’est ce qui empêche, repousse, écarte une chose pour ne pas
avoir lieu ou pour ne pas se réaliser.
Al Mâni‘ (l’empêchement), de point de vue langue, désigne ce qui
se pose, s’intercale comme obstacle (hâjiz) devant la réalisation de
quelque chose, donc il est synonyme à al hâjiz (obstacle).

Définition conventionnelle
« C’est le qualificatif présent, précis et évident, dont la présence
implique d’une manière capitale une sagesse (hikma), qui consiste à ce
que l’opposé de la sentence soit maintenu, alors que cela ne mettra pas
en cause la sagesse du Mousabbab. »
- On a dit aussi : « Al Mâni‘ est le qualificatif dont la présence
engendre la disparition du fi‘l et l’absence ne nécessite pas forcé-
ment l’accomplissement de l’acte ou sa non exécution. »
- Al Qarâfi l’a défini comme suit : « C’est le wasf (le qualificatif ) dont
l’existence signifie la présence d’un sens qui s’oppose à la sagesse du
Sabab ou à celle du houkm. » (Réf : Al fouroûq)

Exemple :
La présence du hayd empêche l’accomplissement de la prière et du
jeûne, et lève en même temps la sentence : woujoûb as-salât ou wou-
joûb as-sawm. L’absence du cycle menstruel (la purification cyclique :

441
Les fondements du droit musulman

at-touhr) n’implique pas forcément l’obligation de faire ou de ne pas


faire : prier ou jeûner.
- Selon une autre définition : « C’est l’élément dont la présence la
levée du houkm ou la non pris en considération du sabab. »

Les différentes sortes d’empêchements


Il y a deux sortes de mawâni‘ :

1 : Mâni‘ as-sabab : l’Empêchement de la Cause


Il s’agit d’une situation, acte, fait, sentence qui, en sa présence, la Cause
ne peut pas se réaliser ou se faire valoir.

Exemple :
An-nisâb (le minimum imposable) est la Cause de l’obligation de l’ac-
quittement de la Zakât. Il indique un état d’aisance (al ghinâ). Cet état
d’aisance ne peut pas exister en la présence d’une dette équivalente,
supérieure aux biens ou au nisâb.
La dette est l’empêchement (al mani‘), quant à l’obligation de l’ac-
quittement de la Zakât.

Remarque :
On constate qu’il y a une nette différence entre :
- Al Hikma : la sagesse  l’aide des gens aisés aux besogneux
- As-Sabab : la Cause  An-Nisâb (le minimum imposable).
- Al Houkm : la sentence ou la règle de droit : Al Woujoûb (l’Obligation)
- Ach-Chart : la Condition  al Hawl (l’écoulement d’une année
lunaire).
Imaginons, qu’il y ait hawl et nisâb, mais une dette (dayn) est pré-
sente  pas de Zakât, car la dette qui est un mâni‘, qui est venue

442
Les fondements du droit musulman

mettre en évidence une situation qui va à l’encontre de la sagesse qui a


déterminé la Cause :
- Nisâb  ghinâ (aisance)+ hawl
- As-Sabab : hikma
- Dette = absence d’aisance (ghinâ) : acquittement de la Zakât va à
l’encontre de la sagesse de la Loi  réalisme de la Loi.

Autre Exemple :
Le crime de parricide
La Cause de l’héritage  lien consanguin  doit donner naissance
à la solidarité et à l’affection entre les ascendants et les descendants et
tout autre ascendant légitime…
Celui qui assassine son parent, agit de manière non conforme à
la Sagesse  son action devient un mâni‘ pour accéder à ce droit
(l’héritage).

2 : Mâni‘ al Houkm : Empêchement de la Sentence


Cet empêchement se subdivise en deux sortes :
A : Mâni‘ qui lève la sentence (al houkm) et la demande d’acquitte-
ment (at-talab)
C’est un empêchement qui ne peut être accompagné d’une demande.
A l’exemple : le sommeil, l’évanouissement, la folie, empêchent la sen-
tence de l’obligation de la prière et empêchent l’interpellation.
Ibn ‘Âchir a dit :
ّ ‫فال تكليف إ‬
‫ال برشط العقل‬
Fa lâ taklîfa illâ bi-charti al ‘aqli

Traduction
Il n’y a pas de responsabilité, qu’à condition de disposer pleinement
de ses facultés.

443
Les fondements du droit musulman

Remarque
Pour les Malikites, les Chafi‘ites et les Hanbalites, la personne qui
consomme volontairement des produits qui lui font perdre ses aptitu-
des intellectuelles  n’est pas concernée par l’empêchement.
Chez les Hanafites, la perte de la raison, (volontaire ou involon-
taire) est une raison, qui empêche la demande et l’acquittement, car
on est en présence d’une situation où l’empêchement se trouve associé
à la demande.
Dans de pareils cas, la responsabilité est levée et la demande est
suspendue. Il lève les devoirs et les droits.
B : Mâni‘ qui peut se trouver associé à un talab d’acquittement
(ijtimâ‘ al mâni‘ ma‘a at-talab)
Il est de deux sortes :
a : Mâni ‘ qui lève définitivement at-talab
Ainsi, la prière est une obligation qui incombe à tous les croyants
(hommes et femmes). Dans le cas de la femme menstruée (ha’id) ou en
état de lochies (nifas), le Législateur, dans toute Sa Sagesse, l’a dispen-
sée de cette obligation et a levé la responsabilité la concernant, même
que selon certains érudits, elle commet un péché si elle accomplie la
prière (ou le jeûne).
Selon un autre groupe, sa pratique sera considérée non avenue. Et
elle est tenue de compenser le jeune, mais pas la prière.
Cette compensation (al qada’), à la suite du hayd, a été sujet de
divergence entre les savants :
Cet acquittement, alors qu’il y a eu suspension de demande, est-il
du au premier talab, d’avant les menstrues et qui a été suspendu à cause
du Mani‘ ou s’agit-il d’une nouvelle demande d’acquittement issue
d’un nouveau discours ?(Réf : Al Qarâfi, al Forouq)
b : Mâni‘ qui ne lève pas le principe du talab, mais lève l’obliga-
tion (mâni‘ al houkm man‘ adâ’)

444
Les fondements du droit musulman

Il y a deux sortes :
- La levée de l’obligation est au choix entre faire et ne pas faire.
La féminité lève l’obligation de la prière du vendredi, mais cela
n’empêche pas qu’il lui est recommandé d’y participer. La femme est
au libre choix.
Ce genre de Mani‘ a levé l’obligation et l’a substituée par le libre
choix (at-takhyir).
- La levée de la culpabilité du péché.
Cela est évident dans le cas du voyageur et du malade. Il leur est
permis de ne pas jeuner et le raccourcissement des prières pour le
premier
On intègre dans cette catégorie, toutes les permissions (ar-roukhas),
qui sont des empêchements de demande et non des empêchements
d’accomplissement.

Question de Ousoul :

Est-ce que les empêchements sont voulus par le Législateur ?


Du point de vue théorique, et dans l’absolu, les empêchements ne sont
voulus, ni décrétés par le Législateur comme tels, car Il a laissé aux
Hommes le choix de les acquérir ou de les délaisser.
Al Mani‘ prend naissance à travers les agissements de l’Homme.
Allâh (U) dit : ( Certes, Allâh ne pardonne pas qu’on Lui associe de
fausses divinités. Il pardonne tout autre péché à qui Il veut. C’est le pire
des forfaits que d’associer qui que ce soit au Seigneur ! ) (Ste 4/V.48)
Allâh (U) dit : ( Il n’aime pas pour Ses serviteurs la mécréance ! )
(Ste 39/V.7)

Cependant, les empêchements sont devenus légaux, car il s’agit


d’actes humains qui tombent sous la coupe du discours prescriptif du
Législateur (houkm char‘i taklifi).

445
Les fondements du droit musulman

Allâh (U) n’a pas demandé à ce que l’homme s’endette, mais Il a


institué la dette comme Mani‘ (une règle stipulative) : Ad-dayn est un
empêchement pour l’acquittement de la Zakât.
Celui qui initie la dette, c’est l’homme, cependant, que l’homme
s’endette ou non, Le Législateur, au préalable, en a fait un empêche-
ment légal levant l’obligation du versement de la Zakât.
Al koufr (la mécréance) empêche la demande d’acquittement des
obligations cultuelles.
Cependant, si al Mani‘ est u à une ruse ou à un acte interdit, il sera
jugé illégal, et ne lèvera pas la demande d’acquittement et il en résulte
péché et sanction.

446
Les fondements du droit musulman

LA VALIDITÉ ET LA NULLITÉ
As-Sihhatou Wal Boutlan

Définitions
Définitions linguistiques
A : As-sihhâh : synonyme de « as-salâmah » : intégrité, la justesse.
Absence de tout désordre. L’opposé de l’instabilité.
As-sihha est le contraire d’al marad : la maladie et de la faiblesse.

B : Al boutlân : de point de vue langue, c’est l’opposé de « as-salâh » :


l’utilité.
Al boutlân : c’est la nullité, acte dévié, corrompu. Fausseté, erreur,
chose sans fondement, invalidité dans l’acte ou dans sa procédure ou
quant à sa valeur.
Tout acte auquel s’adonne l’Homme, qu’on assimile soit à une ado-
ration (‘ibâdah), une habitude (‘âdah) ou une relation sociale (mou‘âma-
lah), est soit accepté, jugé valide, conforme ou refusé et rejeté.
Son acceptation ou son refus dépend de sa validité légale de laquelle
résulté une récompense ou une sanction.

De point de vue Conventionnel


A : La Validité : As-sihhâh
Quand on parle de pratiques valides ou de notion de validité (sihhah)
chez Ahl al Ousoûl, c’est quad il s’agit de pratiques accomplies confor-
mément à la Loi (les éléments nécessaires à sa validité : arkân et
chouroût) sont réunis ; sans prendre en considération l’exigence d’une
compensation (qadâ’) ou non. Car, s’il y a exigence d’une compen-

447
Les fondements du droit musulman

sation, cela implique l’obligation de son exécution et ne lève pas la


responsabilité du moukallaf, malgré la conformité de l’acte accompli
(dans sa forme).

Exemple :
La personne qui accomplit sa prière du Zouhr, après avoir ses ablu-
tions, sa prière est jugée valide. Simplement, après acquittement, elle
se rend compte de la présence d’impureté sur ses vêtements. Malgré la
validité de sa prière, dans sa forme, on exige d’elle une reprise (i‘âdah)
dans le temps, sans qu’elle en soit sanctionnée (pour la reprise).
Certains juristes, exigent une reprise, après l’écoulement du temps
légal, sous la forme d’une compensation (qadâ’).
Dans les deux situations, la personne a agi conformément à la
Loi c’est le signe de la validité de la prière. Lorsque la reprise ou la
compensation s’impose, cela devient aussi une condition de validité.

Questions diverses
Que veut dire as-sihhah dans le domaine des habitudes (al‘âdât) et
des relations et transactions (al mou‘âmalât) ?
1 : Dans le domaine des habitudes (al‘âdât)
Il s’agit de l’ensemble des agissements qu’accomplit l’individu dans
sa vie de tous les jours conformément aux usages établis. Et comme
l’a énoncé l’imâm Ach-Châtibî, leur validité est tributaire des consé-
quences qui en résultent et de leur conformité aux utilités instituées ou
conformes au Vouloir du Législateur. (Réf : Al Mouwâfaqât)
2 : Dans le domaine des relations et transactions (al mou‘âmalât)
Ce domaine vise l’ensemble des contrats qui nous lient aux autres. Leur
validité ou nullité est jugée par rapport à ce qu’il en résulte comme
droit et engagement qui rencontrent des finalités que le Législateur a
instituées.

448
Les fondements du droit musulman

Exemples :
La vente en résulte des engagements et des devoirs : soit la livraison
de la marchandise ou le paiement, ceci au cas de la validité du contrat
et de sa conformité.
Dans le cas où le contrat n’est pas valide, en l’absence, par exemple,
de l’aptitude de l’un des deux contractants (al ahliyyah), le contrat sera
jugé inexistant, de même ses conséquences.
- Conséquences qui résultent de l’acte, y compris, l’acte ordinaire,
dans l’Au-delà.
Toute action accomplie par l’homme, si elle fait partie du domaine
du permis, a une incidence et une conséquence religieuse.
Dans le cas où il sera l’expression d’une dévotion, l’acte, même
ordinaire, Allâh (U), par bonté et générosité de Sa Part, l’agréé et en
récompense celui qui s’y adonne.
Si l’on vise nuisance et dommage, même si en apparence l’acte est
jugé bon, il sera estimé mauvais, et ce par rapport à ses conséquences :
la récompense sera plutôt sanction et blâme.
Même si l’acte est jugé valide dans sa forme, l’intention (an-niyya)
sous- jacente occupe une place de haute importance, dans sa prise en
considération, son acceptation et la récompense qui en procède dans
l’Au-delà.
La niyya est une condition dans la validité des actes rituels, car sans
l’intention, ils ne peuvent exister, ni être considérés comme tels. C’est
l’intention qui marque la différence entre al ‘âdah et al ‘ibâdah.
Les actes faisant partie du domaine des ‘âdât et des mou‘âmalât,
le principe de validité ou d’invalidité dépend des conditions et des
éléments constitutifs du contrat ou de l’acte.
B : La Nullité ou l’Invalidité : Al boutlân
Al boutlân chez Ahl al Ousoûl est utilisé pour signifier l’absence
des effets d’un acte (âthârouhou) ou d’une pratique par rapport à l’acte
lui-même.

449
Les fondements du droit musulman

Quand on dit, que telle pratique est invalide (bâtilah), cela veut dire
qu’elle ne lève pas la responsabilité d’acquittement ; donc il n’y a pas
de dispense de la compensation (al qadâ’) toute pratique accomplie
d’une manière non conforme (temps, forme, conditions ….) est consi-
dérée comme non accomplie, et elle ne dispense pas d’al qadâ’, car elle
est invalide (fâsidah ou bâtilah).
Donc, la base essentielle de l’invalidité est sa non-conformité aux
prescriptions du Législateur.
Nous savons, que de point de vue légal, la Loi nous demande
d’éviter ce qui nous est interdit ou défendu, mais aussi d’exécuter les
obligations. Parmi ces dernières, nous pouvons citer les piliers de la
prière (arkân as-salât). Dès lors, tout individu qui néglige ces piliers
volontairement, sa prière est jugée invalide. Cette invalidité requiert la
compensation de cette pratique en toute circonstance.
Cependant l’invalidité peut résulter d’un élément extérieur par
lequel la pratique sera qualifiée.
A l’exemple de la prière à l’intérieur d’une maison usurpée (dâr
maghsoûbah).
La Majorité stipule que la prière est valide, mais le prieur usurpa-
teur a commis un acte défendu par la Loi. Les Hanbalites jugent cette
prière invalide.
Si l’adoration a été accomplie avec un manque dans ses éléments,
en cas où le manquement est intentionnel, elle est invalidée, dans le cas
contraire, elle est jugée altérée et peut être corrigée. Quant à la manière
de la corriger, elle est sujet de divergence entre les Juristes.
Al boutlân dans le domaine des transactions, veut dire que le
contrat perd ses effets (conséquences) jugés non-avenus, même s’il y
a consentement mutuel (tarâdî) entre les contractants. Le contrat est
jugé inexistant. Car tout contrat établi hors normes légales est caduc.
De même, tout contrat établi dans les normes définies par la Loi, il en
résulte, en plus de ses intérêts terrestres, une récompense dans l’au-delà
et vice versa.

450
Les fondements du droit musulman

Dans le domaine des mou‘âmalât, si le contrat est sujet d’interdiction


légales en lui-même (li-dhâtihi), il ne peut être, en aucun cas rectifié
ou corrigé. Mais s’il s’agit d’une cause externe au contrat ; celui-ci est
source de divergence parmi les juristes.

Exemple :
Contrat stipulant la vente de boissons enivrantes. Il est invalide à cause
du contrat-même.

Exemples :
- Contrat invalidé à cause d’un qualificatif externe, en dehors du
contrat. Telle que l’accord entre un homme et une femme de
contracter mariage sans annonce ou en libérant l’homme de toute
responsabilité familiale. Certains juristes annulent ce contrat, et
d’autres le corrigent en l’annonçant ou en levant cette condition
jugée illégale.
La Majorité annule ce contrat avant sa conclusion et le corrigent,
si le mariage est déjà consommé.
- L’achat (prêt) d’un dirham contre deux dirham. La forme du contrat
est valide. Il s’agit d’un accord établi entre deux contractants
consentants. Mais, selon l’avis plausible et fondé de la Majorité
(Malikites, Chafi‘îtes et Hanbalites), ce contrat est illégal : il est
interdit, car il y a du surplus (ziyâdah)  usure.
Les Hanafites valident ce contrat en le corrigeant par le retrait du
dirham (du surplus).

Qu’est ce qu’al i‘âdah ?


- De point de vue langue : al i‘âdah c’est le renouvellement ou la
reprise de l’acte (takrîr ou i‘âdat al fi‘l).
- De point de vue conventionnel :
Al i‘âdah c’est le fait de refaire un acte d’adoration, soit à cause
de son invalidité, alors il est refait durant le temps légal qui lui est

451
Les fondements du droit musulman

attribuée ou après son écoulement ; soit à cause de la prééminence


dans sa reprise, telle que la prière en groupe qui prévaut sur la prière
individuelle.
Selon l’imâm Mâlik, la reprise n’est pas tributaire du temps d’ac-
quittement, ainsi on appelle i‘âdah, le rattrapage d’actes recommandés
durant le temps légal, mais aussi pour rattraper le manque d’obligations
en dehors du temps légal. (Réf : At-Toûfî : Rawdah, tome 1, p 448)
Certains savants ont fait de la reprise (al i‘âdah), un qasîm (une
partie) de l’acquittement (al adâ’). Cet avis a été récusé par l’imâm
Ach-Châfi‘î.

Qu’est ce qu’al qadâ’ ?


- Dans la langue : ce terme suppose plusieurs sens. L’auteur d’Al
Jawâhir a recensé dix significations. Dont l’accomplissement d’un
acte dû après l’écoulement du temps qui lui est fixé.
- De point de vue légal : al qadâ’ a plusieurs significations.
En Droit, il s’agit de l’acquittement d’une adoration après l’écou-
lement de son temps légal. C’est un rattrapage des actes d’adorations
passés (qadâ’ al fawâ’it) : une compensation.

Qu’est ce qu’al adâ’ ?


- Dans la langue, al adâ’ : c’est le fait d’accorder un droit à celui ayant
droit. (i‘tâ’ou sâhibou al haqqi haqqahou).

Exemple :
Allâh (U) dit : ( Allâh vous prescrit de restituer (de rendre) « an
tou’addoû » les dépôts à leurs propriétaires.. ) (Ste 4/V.58)
- De point de vue conventionnel :
C’est l’exécution d’un acte d’adoration durant le temps fixé par la
Loi. Tout l’intérêt réside dans son accomplissement durant ce temps
spécifié par le Législateur.
L’auteur de Marâqî as-sa‘oûd a dit à ce sujet :

452
Les fondements du droit musulman

ِ
‫األداء ُق ِرنا‬ ٍ
ْ .. ‫بوقت ُع ِّينا‬
‫رش ًعا هلا باسم‬ ‫ِفعل العبادة‬
Fi‘lou al‘ibâdati bi-waqtin ‘ouyyinâ

Char‘an lahâ bismi al adâ’i qourinâ

Traduction
Exécuter l’adoration dans le temps fixé par la Loi,
Et le nom d’acquittement lui est attribuée.

Remarques
* Al adâ’ et al qadâ’ peuvent concerner un même acte d’adoration, à
l’exemple des Cinq prières. Elles s’accomplissent durant le temps
légal (adâ’) et sont compensées (qadâ’), après écoulement du temps
légal.
* De même, il ne peut y avoir que qadâ’, à l’exemple du jeûne de rat-
trapage de la femme menstruée.
* Certains actes d’adoration ne sont concernés que par al adâ’. A
l’exemple de la prière du Vendredi, qui ne peut être rattrapée.
* Certaines pratiques pour lesquelles al adâ’ et al qadâ’ sont interdits,
tel que le jeûne des jours des fêtes.

453
Les fondements du droit musulman

LA PRESCRIPTION
ET LA PERMISSION
Al ‘Azîmah War-Roukhsah

I : La prescritption : Al ‘Azîmah

Définitions
Définition Linguistique
Al ‘azmou : la résolution, la fermeté, synonyme : al jiddou : le sérieux.
On dit : Ceci est une affaire sérieuse : hâdhâ amroun jiddoun.
Toute chose prise avec résolution et fermeté, on dit d’elle : une
‘azîmah (‫ )العزم العزيمة‬et le pluriel est : ‫عزائم‬
On dit : Untel n’a pas de ‘azîmah : il est instable. Il n’est pas quelqu’un
de résolu : tranchant dans ses décisions.
D’autres disent que al ‘azmou consiste à habituer son nafs à agir et
à être réguler dans ses actions.
N’a-t-on pas dit, que l’âme est semblable un nourrisson, s’il s’habi-
tue à l’allaitement, il ne sera jamais sevré !
D’autres ont dit : al‘azîmah est une intention (résolution) ferme et
appuyée.
Allâh (U) dit : ( Qui y‘a-t-il mieux de faire lorsque la guerre est
décidée (prescrite) : ‘azama, que de tenir ses engagements envers Dieu,
sans réticence ? ) (Ste 47/V.21)

454
Les fondements du droit musulman

Allâh (U) dit : ( En effet, Nous avons auparavant fait une recom-
mandation à Adam; mais il oublia et Nous n’avons pas trouvé chez lui
de résolution ferme « ‘azman ». ) (Ste 20/V.115)
Le Prophète (r) a dit : « Ne soyez pas parmi les faibles, vous
dites : si les gens font bien nous faisons de même, s’ils agissent mal,
nous procéderons de la même manière ». Forcez-vous (wattinoû),
plutôt, à être des gens résolus, à agir en bien là où les autres font du
mal. » (Rapporté par At-Tirmidhî)
Le Prophète (r) a dit : « La prière du vendredi est un devoir
prescrit (‘ouzmatoun). » (Rapporté par Al Boukhârî et Mouslim)

Définition conventionnelle
C’est l’ensemble des sentences qu’Allâh (U) a légiféré initialement
pour qu’elles servent de règles générales pour toutes les personnes res-
ponsables (al moukallafoûn) en toute situation, sans exclure certains
individus, ni certaines situations.
Ces sentences, appelées : ‘azâ’im, sont des règle prescriptives, qui
ne sont pas procédées par d’autres, et ce sont des règles abrogeantes
(nâsikhah). Cela revient à dire qu’elles sont les seules à prendre en
considération.

Exemples :
L’interdiction des boissons enivrantes, l’interdiction de la fornication,
l’interdiction de l’usure, l’accomplissement de la prière, l’acquittement
de la Zakât… ce sont des règles qui s’appliquent à tous les individus
et en toute circonstance : ahkâm koulliyya.
Il peut toutefois survenir certains individus se trouvent dans des
situations d’incapacité ou de levée de taklîf ; le Législateur a prévu, pour
ces cas particuliers ou pour ces situations particulières, des sentences
particulières (jouz’iyyah) ou spécifiques (khâssah) afin de lever cette
gêne et cette difficulté.

455
Les fondements du droit musulman

La mise en pratique de ces sentences particulières est limité dans le


temps, et la dispense sera levée lorsque les circonstances les justifiants
venaient à disparaître.

II : La permission : Ar-Roukhsah

Définitions
Définition Linguistique
Ce terme est synonyme de : al-lîn (la douceur), et an-nou‘oûmah (le
confort).
Certains linguistes disent qu’il est synonyme de : la facilité (as-sou-
hoûlah) et l’aisance (al yousr).
On dit : ‘roukhsou as-sa‘ri  souhoûloun f î ach-chirâ’ : lorsqu’il y a
baisse des prix  il y a facilité d’achat.

Définition conventionnelle
- « C’est le fait de permettre la mise en pratique d’un interdit ou
la dispense d’une prescription, tout en maintenant le statut de
l’interdiction ou de l’obligation le concernant. »
- Certains Ousoûlî ont avancé la définition suivante : « Il s’agit de
modification de la sentence légale d’une rigueur vers une facilité
due à une justification légalement admise, alors que la motivation
de la sentence initiale est toujours présente. »
- On a dit aussi : « C’est la substitution de la sentence légale initiale,
et ce pour un opposant confirmé (légalement) et plus plausible. »

Exemple :
Consommer la bête morte, alors qu’al mâni‘ (l’empêchement)  najâs-
sah : l’impureté, qui est à l’origine de son interdiction, est toujours pré�
-

456
Les fondements du droit musulman

sent ; Allâh (U) dit : ( Vous sont interdits la bête morte, le sang, la chair de
porc,...) (Ste 5/V.3), et quant à l’opposé plus plausible, il est énoncé dans
la Parole d’Allâh suivante : ( Envers ceux qui se trouvent contraints, en
temps de disette, et sans intention sacrilège, à consommer des aliments
interdits, Allâh est Absoluteur et Miséricordieux. ) (Ste 5/V.3)
La sentence légale initiale a pour finalité une maslahah sure et cer-
taine. La sentence particulière va prédominer sur la règle légale géné-
rale pour une maslahah plus plausible dans ce cas précis.

Exemples :
- Le raccourcissement des prières pour le voyageur.
- La dispense du jeûne du ramadan pour le malade…

Avertissement :
La permission accordée ne modifie pas le statut de l’interdit ! Car la
roukhsah est limitée dans le temps.
Al Âmidî a dit : «Ar-Roukhsah a pour cause la présence d’une
machaqqah. Il n’y a pas de mesure spécifique pour préciser son inten-
sité et sa prise en considération. C’est pour cette raison qu’elle n’est pas
unique pour tous, alors le Législateur s’est suffit de l’absence de doute
et de l’avis fondé pour qu’elle se substitue à la règle légale d’origine. »

Les causes des permissions


L’obligation de jeûner le Ramadan est une ‘azîmah, la permission de le
rompre est une roukhsah. Le voyage et la maladie sont des causes pour
disposer des roukhas.
La roukhsah est une sentence d’exception (istithnâ’) à la sentence
légale générale adressée à tous les moukallaf.
La permission accordée de rompre le jeûne ou de consommer la
bête morte est une exception à la règle, due à un état de nécessité
(daroûrah). Un état de contrainte totale. Lorsque les causes légitimant

457
Les fondements du droit musulman

la roukhsah disparaissent ou sont levées, il y a obligation de la mise en


pratique de la sentence de base, dont le houkm n’a jamais été levé en
principe.
C’est ce qui explique que le recours aux roukhas est limité dans le
temps et en quantité.
Seules les causes qui les motivent en donnent accès, et qui, une fois,
cessent d’exister, la roukhsah est suspendue à son tour.
Les causes des roukhas soit, permettent l’acte interdit, soit elles
lèvent le qualificatif de l’interdit à l’acte ou dispense du taklîf d’un acte
obligatoire.
On dit : la roukhsah est la cause légale pour des empêchements du
taklîf ou de sanction et pour des permissions.

Les caractéristiques de la roukhsah


1 : La roukhsah est une sentence particulière, qui est contraire à un
Texte, à des sentences générales, (c’est-à-dire : les sentences qui inter-
pellent tous les moukallaf sans exception).
La roukhsah ne peut être considérée comme une sentence asliyya
pour des cas particuliers. Elle n’est qu’une sentence d’exception réser-
vée à des situations et à des individus en particulier.
La permission de rompre le jeûne accordée au malade et au voya-
geur, ainsi que le reniement de la foi au cas de contrainte, sont toutes
des sentences d’exception et propre à ces personnes en particulier, elles
ne peuvent servir de règles générales pour tout individu.
2 : La permission a été légiférée pour des situations de difficulté insup-
portable. On ne peut y accéder pour la moindre gêne (difficulté légère
et supportable). C’est cela qui justifie le glissement de la ‘azîmah vers la
roukhsah. A l’exemple d’un danger qui peut endommager un membre
ou mettre en cause l’intégrité physique de la personne.

458
Les fondements du droit musulman

Cependant, il y a des permissions légiférées par besoin et non pour


cause de difficulté. A l’exemple des contrats de vente de as-salam, d’al
ijârah, du qirâd. En principe, ces contrats sont interdits et sont en
opposition avec la forme légalement vigueur, puisqu’il s’agit, entre
autres, de contrats ayant pour sujet un produit inexistant (ma‘doûm),
au moment de la sa conclusion. Il y a de la jahalah (ignorance) et du
gharar (risque).
Ce genre de contrats d’exception porte le nom de roukhsah, pour une
sagesse que le Législateur connaît. On les appelle roukhas, uniquement
du fait qu’il s’agit d’une situation particulière contraire à des sentences
générales, et non pas à cause d’une machaqqah ou d’un ikrâh.
Ainsi, l’imâm Ach-Châtibî, dans ses Mouwâfaqât, a stipulé
qu’ar-roukhsah désigne trois concepts, parmi lesquels, tout ce qui a été
décrété à titre exceptionnel.
3 : La raison d’être d’une roukhsah est une situation particulière et
s’adresse à des personnes spécifiques d’entre l’ensemble des moukal-
laf în. En conséquence, la roukhsah accompagne sa cause woujoûdan
wa ‘adaman. Lorsqu’il y a disparition ou absence de sa cause, il y a
obligation de se tenir aux ‘azâ’im.

Les appélations de la roukhsah


1 : On appelle roukhasah une sentence particulière et provisoire, qui
est contraire à un Texte et à des sentences générale, légiférée à cause
d’une difficulté insupportable.
2 : Les permissions légiférées par besoin et non pour cause de dif-
ficulté. A l’exemple des contrats de vente de as-salam, d’al ijârah, du
qirâd.
3 : Les allégements que le Législateur a institués pour cette Oumma,
contrairement aux nations antérieures. Allâh (U) dit : ( Seigneur ! Ne
nous charge pas d’un fardeau lourd comme Tu as chargé ceux qui vécurent
avant nous. ) (Ste 2/V.286)

459
Les fondements du droit musulman

Allâh (U) dit aussi : ( Ceux qui suivront l’Envoyé, le Prophète illettré
annoncé pour eux explicitement dans le Pentateuque et l’Evangile, qui
leur recommande ce qui le Bien, interdit le Mal, déclare licites pour eux
les bons aliments, illicite ce qui est impur, des les déliera de leurs chaînes
et leur ôtera leur pesant carcan. Ceux qui ont cru en lui, l’auront soutenu,
secouru, et auront suivi la Lumière descendue avec lui, ceux-là connaî-
tront la félicité. ) (Ste 7/V.157)
4 : Tout ce qui a été institué par largesse et bonté de la part du
Législateur (Clément et Miséricordieux) à Ses serviteurs. Par principe
de taysîr. Cela inclut tous les permis (al moubâhât).

Différentes sortes de roukhas


La permission se subdivise par rapport à plusieurs considérations en
différentes sortes :
1 : Une permission d’action (roukhsat fi‘l). C’est une roukhsah qui
permet une action qui est par principe interdite ; à l’exemple de la per-
mission de consommer al maytah (la bête morte) en cas de nécessité.
2 : Permission de délaissement (roukhsat tark).
Elle permet le délaissement d’une règle générale s’adressant à tous
les moukallaf ; à l’exemple de la suspension du jeûne du Ramadan pour
le malade et la femme enceinte. Le raccourcissement des prières pour
le voyageur…
Les Hanafites divisent la roukhsah en deux sortes :
1 : Permission de soulagement (roukhsat tarf îh)
C’est la permission dont la sentence d’obligation (al ‘azîmah) per-
dure. Ce genre de permission est la roukhsah par excellence, alors que
toute autre subdivision ou appellation n’est que métaphorique.
Elle intervient en présence de l’acte interdit et de sa sentence ; telle
que l’abjuration de la foi, en cas de contrainte totale.

460
Les fondements du droit musulman

Dans ce cas et similaires, la preuve de l’interdiction et de l’empêche-


ment subsiste, cependant ce genre d’interdit ne deviendra pas permis
en cas d’excuses.
Si la sentence d’al ‘azîmah et son statut ne sont pas levés, la nécessité
(ad-daroûrah) et la contrainte (al ikrâh) ne seront pas considérées des
causes pour la permission (al ibâha), et ne seront pas admises comme
des empêchements du taklîf, mais elles seront considérés comme des
empêchements (mawâni‘) de la sanction pour avoir agi contrairement
au taklîf uniquement.
2 : Permission de suspension (roukhsat isqât)
C’est la permission qui intervient alors que la sentence d’al ‘azîmah
n’est plus conservée, car la cause justifiant la roukhsah a levé la sentence
d’al ‘azîmah, et a fait que la sentence (la permission) de l’acte nouveau
(permis) lui a été substituée. Ainsi : l’interdiction de la consommation
de la maytah a été levée.

Remarque :
Cette analyse des Hanafites ne s’appuie sur aucun argument et irréel
et plutôt fictif.
Ar-roukhsah est établie comme une règle légale de droit stipulative
(houkm wad‘î), car la nécessité est la cause (sabab) d’al ibâha de l’inter-
dit, et ce fait, la roukhsah est un empêchement légal à l’application de
la sentence due à une cause (sabab). (Réf : Ibn Amîr Al Hâj : At-Taqrîr wa
at-tahrîr, tome 2)

Tarjîh entre ar-roukhsah et al ‘azîmah


La roukhsah peut se trouver confronter à une difficulté que le moukallaf
est capable d’assumer.
Cette question est en rapport avec la question des droits des servi-
teurs à qui le Seigneur (Très Haut) a accordé des facilités et des faveurs
par bonté et bienveillance.

461
Les fondements du droit musulman

Ce genre de taklîf est sujet de divergence entre les savants.


Certains ont accordé, dans ce cas, la prééminence à al ‘azîmah et
d’autres à la roukhsah.

I : Positions de ceux qui accordent la prééminence à al ‘azîmah et


leurs arguments.
C’est la tendance de la Majorité, y compris al ‘Izz Ibn ‘Abd As-Salâm
et Ach-Châtibî (entre autres).
1 : La preuve d’al ‘azîmah est sure et certaine, alors que l’argument de
la roukhsah est probant (zannî). Et le sûr a priorité sur le probant.
2 : La ‘azîmah revient à une règle générale qui interpelle tous les mou-
kallaf, alors que la roukhsah n’intéresse que des personnes particulières,
traitant de cas particulières certaines sures et d’autres probantes.
Dans ce cas, le principe est qu’en cas d’opposition entre une règle
générale et une particulière, la priorité est accordée à la générale.
3 : Le législateur a fait l’éloge de ceux qui mettent en pratique Ses
Ordres, alors qu’il leur est possible d’accéder à la roukhsah. Allâh (U)
dit : ( A ceux qui ne le peuvent incombera, en expiation, la nourriture
d’un pauvre, quiconque, de son plein gré, en nourrira davantage, y
trouvera son bien. Mais de pratiquer le jeûne est préférable pour qui
sait en voir le grand mérite. ) (Ste 2/V.184)
4 : Les difficultés auxquelles sont confrontés les moukallaf sont voulues
par le Législateur.
La Loi est, par principe, médiane conformément aux usages, même
si la difficulté, qui accompagne chaque charge, donne lieu parfois à une
certaine surcharge pour certains individus. Mais, par principe, c’est une
difficulté qui n’est pas hors norme et insupportable. Ces incidences des
charges ne sont pas fréquentes, ni régulières. Cet état de fait ne peut,
en aucun cas, engendrer un délaissement de la ‘azîmah en faveur de la
roukhsah.
5 : Si l’on recourt à la roukhsah en permanence, ceci peut servir de
dharî‘a (justification) pour ne plus s’attacher aux pratiques prescrites.

462
Les fondements du droit musulman

Le fait de se tenir aux ‘azâ’im maintient une pratique assidue, ferme


et résolue.

II : Position et arguments de ceux qui attribuent la priorité à la


roukhsah
Cet avis est celui des Hanafites et des Hanbalites dans les fouroû‘.
1 : La preuve de la roukhsah est aussi sure et certaine qu’al ‘azîmah
(Textes).
2 : Même si la roukhsah est l’exception d’une règle générale, cela n’em-
pêche qu’elle est prise en considération en soi et de la même manière.
3 : La facilité (at-taysîr) est l’une des finalités de la Loi (maqsad) ; la
négliger risque de donner lieu à des situations de gêne qui peuvent
mener à la rupture ou à l’arrêt de la pratique. C’est ce qui explique la
position de certains juristes, à l’exemple de ‘Oumar Ibn ‘Abd Al ‘Azîz
(Qu’Allâh lui accorde miséricorde) à se prononcer sur l’obligation du
raccourcissement des prières durant le voyage. Ils se sont basés sur
le hadîth rapporté par la mère des Croyants ‘Â’icha (Que Dieu soit
satisfait d’elle) : « La prière a été prescrite deux rak’ates, pour chaque
prière, puis elle a été augmentée de deux rak’ates en résidence et
maintenue à deux rak’ates durant le voyage. » (Rapporté par Al Boukhârî
et Mouslim).

Résumons :
- Il apparaît avec évidence de cet exposé, que le fait de disposer à la
légère des permissions est légalement blâmable.
- Lorsque les raisons légales justifiant le recours à la roukhsah sont
réunies, le fait de refuser d’en disposer est une ingratitude et un
rejet d’un don de Dieu (U). Car la roukhsah prend en considération
les Droits de Dieu (U) et ceux du serviteur aussi.
- Lorsqu’il y a lieu de disposer de la roukhsah en raison d’une inca-
pacité, cela n’est pas assimilé à une permission, mais plutôt à une
levée du taklîf.

463
Les fondements du droit musulman

Exemple : l’indisponibilité de l’eau, donne lieu à la levée du taklîf de


recourir à l’eau comme moyen de purification légale.

Les allégements légaux


1 : Allègement engendrant la levée du devoir (takhf îfou isqât), tels
que : la dispense de la prière du vendredi pour les femmes, dispense de
la prière pour la femme menstruée.
2 : Allègement par diminution (takhf îfou tanqîs), tel que : le raccour-
cissement des prières en voyage.
3 : Allègement par substitution (taqf îfou ibdâl), tel que : at-taym-
moum à la place du woudoû’.
4 : Allègement par avancement (takhf îfou taqdîm), tel que : le ras-
semblement de la prière du ‘Asr avec elle du Zouhr, l’avancement du
versement de la Zakât.
5 : Allègement par report ou retardement (takhf îfou ta’khîr), tel que :
le retardement de la prière du Maghrib avec al ‘Ichâ’ à Mouzdalifah.
6 : Allègement de la permission (takhf îfou tarkhîs), tel que la per-
mission de consommer des produits impurs en cas de nécessité vitale.
7 : Allègement de modification (takhf îfou taghyîr), comme dans le
cas de la prière de la peur (salât al khawf) durant la guerre. (Réf : Al ‘Izz
Ibn ‘Abd As-Salâm : Qawâ‘id al ahkâm fî masâlih al anâm, tome 2, p. 6 et suivantes)

464
Les fondements du droit musulman

Achevé avec l’Aide d’Allâh (Le Majestueux) la nuit du 19 janvier


2014 JC/ le 16 Rabî’ Ier 1435 H.

La Louange est à Dieu (U) Seul. Il est, certes, Le Savant par


essence et par excellence.

Que les Bénédictions et les Salutations de Dieu soient sur le


Prophète de Dieu, ses épouses, sa famille purifiées et tous ses nobles
Compagnons.

 Le serviteur du Miséricordieux Hassan Amdouni

465
Les fondements du droit musulman

Bibliographie
Références de base
- Le saint Coran.
- Les Sihâh
- Les Sounan

Dictionnaires
- Ibn Manzoûr : Lisân al ‘A rab, article : salaha. Dâr al Ma‘ârif.
Le Caire.
- Al-Jawharî : As-Sihâh. Dâr al ‘ilm lil-malâyîn. Beyrouth. 1990

Ouvrages
- Aboû Hâmid Mouhammad Al Ghazâlî :
* Al Moustasfâ. Edition al Amîriyya. Boûlâq. Le Caire. 1904
* Al Mankhoûl min ta‘lîqât al Ousoûl. Dâr al Fikr. Damas. 1980
- ‘Abd Al Ghani ‘Abd Al Khâlih : Houjjiyat As-Sounna. Dâr al Wafâ’. Al
Mansoûra. Egypte.
- Al Jîzânî Mouhammad Ibn Houssayn : Ma‘âlim Ousoûl al fiqh ‘inda Ahli
As-Sounna wal Jamâ‘a. Dâr Ibn al Jawzî. Riyâd. 1996.
- ‘Oubayd Al-Hâdî Al-Mansôurî Al-Azharî : Yatîmatou Az-zamân.
Tunis. 1933
- Ibn Khaldoun Abd Ar-Rahmân : Al Mouqaddima. Edition Ach-Cha‘b.
Edition arabe
- Al Jassâs Abou Bakr : Al Fousoûl fil Ousoûl. Edition Ministère des Affaires
Islamiques. Koweit ; Série : Tourâth al islâmi 14. 1994
- Al Karkhî : Al-Ousôul. Edit Jawî Press. Karachi.
- Al-Bazdawî : Kanzou al wousoûl ilâ ma‘rifati ‘ilm al-Ousoûl, Jâwîd Press.
Karachi.
- Al Boukhârî Abd Al Azîz Ahmad : Kachf al asrâr ‘an Ousoul al
Bazdawî. Dâr al Kitâb al ‘arabî. Beyrouth.
- Aboû Zahra Mouhammad :
* Ousoûl Al Fiqh. Dâr al Fikr al ‘Arabi. Le Caire.

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Les fondements du droit musulman

* La vie de l’imâm Mâlik. Dâr al Fikr al ‘arabî. Le Caire.


* La vie de l’imâm Ahmad. Dâr al Fikr al ‘arabî. Le Caire.
- ‘Atiyya Mouhammad Sâlim et Hammoûd Ibn ‘Aqlâ : Tashîl al-wousoûl
ilâ fahmi ‘ilmi al-Ousoûl. Editions Université de Médine. 1978
- Ibn Al Qâdî Mouhammad Al Hâdî (érudit Hanafite de la Zaytoûna) :
“At-Tachrî‘Al Islâmî fî Dawrihi Al Awwal”. Revue Az-Zaytouna - Volume
9, page 23, année 1955.
- Az-Zouhaylî Wahba : Ousoûl al Fiqh al islâmî. Dâr al Fikr. Damas. 1986.
- Zaydân Abd Al Karîm : Al Wajîz f î Ousoûl Al Fiqh. Mou’assasat
Qourtouba. 1976
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Dâr al kitâb al jadîd. Beyrouth. 1965.
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* Al Bourhân fî ‘ouloûm al Qour’ân. Maktabat Dâr at-Tourâth. Le Caire.
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* Al I‘tisâm. Al Maktaba al ‘asriyya. Sayda. Liban. 2005
* Al Mouwâfaqât fi Ousoûl acharî‘a. Dâr al Koutoub al ‘ilmiyya. Beyrouth.
2004
- Al Qaradâwî. Y : Al Ijtihâd fî Ach-Charî‘a al Islâmîyya (L’érudition dans la
Loi Islamique). Dâr al Qalam. Koweit. 1996
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Halabî et associés. Dâr Ihyâ’ al kitâb al ‘arabi. Le Caire.
- Al Boûtî Mouhammad Sa‘îd Ramadân : Dawâbit al maslaha. Mou’assasat
ar-Risâla. Damas. 1982
- Ibn Rouchd : Bidâyat al moujtahid wa nihâyat al mouqtasid. Maktabat ‘Îsâ
al Halabî. Le Caire. 1975
- Ach-Châfi‘î Idrîs :
* Al Oumm. Edition al Amîriyya. Boulâq. 1909
* Ar-Risâla. Edition al Bâbî al Halabî. 1940.
- Ibn Qoudâma :
* Al Moughnî. Dâr al Kitâb Al ‘arabi. Beyrouth.
* Rawadat an-nâzir wa noukhbat al mounâzir. Matba‘a as-salafiyya. Le
Caire. 1391
- Az-Zarqâ’ Mustaphâ :

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Les fondements du droit musulman

* Al Istislâh wal masâlih al moursalah. Dâr al Qalam. Koweit. 1988


* Al Madkhal al fiqhî al ‘Âmm. Dâr al Qalam. Damas. 1989
- Housayn Hâmid Hassân : Nazariyyat al maslaha. Maktabat al
Moutanabbî. Le Caire. 1981
- Khallâf ‘Abd Al Wahhâb :
* Ousoûl al fiqh. Edition Maktabat ad-da‘wa al islâmiyya. Le Caire
* Khoulâsat At-Tachrî‘. Edition Al Qalam. Koweit.
- As-Souyoûtî :
* Al achbâh wa an-nazâ’ir. Edition Maktabat Nizâr Moustaphâ al Bâz.
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* Al Itqân fî ‘Ouloûm Al-Qour’ân. Al Bâbî al Halabî.Egypte. 1941
* Tadrîb ar-râwî f î charh Taqrîb An-Nawâwî. Dâr al Koutoub al ‘ilmiyya.
Beyrouth. 1996
- Ach-Chinqîtî .M. El Amine :
* Al Moudhakkiratou fî Ousoûl Al Fiqh. Charh moukhtasar Rawadat an-Nâzir
d’Ibn Qoudâma. Université Islamique de Médine. Edition al Asfahâni et
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* Tafsîr : Adwâ’ al Bayân fî îdâh al Qour’ân bil Qour’ân. Dâr ‘ilm al fawâ’id.
Mecca. 2006
- Ad-Dabboûsî al hanafi : Taqwîm al adillah f î Ousoûl al fiqh. Dâr al kou-
toub al ‘imiyya. Beyrouth. 2001
- Raysoûni Ahmad et Barout Mohammed Jamal : Débats : Al ijtihâd -
An-nas - al wâqi‘ - wal maslaha. Editions Dâr al Fikr Al mou‘âsir.
Beyroûth. 2000
- Ach-Chirbînî ala Khatîb : Moughnî Al Mouhtâj ilâ ma‘rifat alfâz al
Minhâj. Dâr al Ma‘rifa. 1997.
- Ibn Al Qayyim :
* A‘lâm Al Mouwaqqi‘în. Edition at-Tijâriyya. Egypte
* Zâd al Ma‘âd fî hadyi Khayri al ‘ibâd. Al Bâbî al Halabî. Egypte. 1959
- Ibn Al ‘Arabî Aboû Bakr : An-nasikh wal mansoûkh. Maktabat ath-
Thaqâfa ad-Dîniyya. Port Saïd. Egypte. 2006
- As-Sarkhasî :
* Al Ousoûl. Edition Dâr al koutoub al ‘ilmiyya. Beyrouth. 1993
* Al Mabsoût. Edition As-Sa‘âda. Egypte.
- Al-Jouwaynî (imâm al Haramayn) :

468
Les fondements du droit musulman

* Al Waraqât (les Feuillets) : traduction Léon Bercher, Revue Tunisienne, p


102, année 1930.
* Al-Bourhân fî Ousoûl al fiqh. Koulliyat Ach-Charî‘a. Université du Qatar.
1981
- Ar-Râzî Fakhr Ad-Dîn :
* Mafâtîh Al-Ghayb. At-Tafsîr al kabîr. Dâr al Fikr. Damas. 1981
* Al Mahsoûl f î ‘ilm Ousoûl al Fiqh. Dâr al koutoub al ‘ilmiyya. Beyrouth.
1988
- Al Khatîb Mouhammad ‘Ajjâj : As-Sounna qabla at-tadwîn. Maktabat
Wahba. Egypte. 1988
- Ibn Kathîr Aboû Al Fidâ’ : Tafsîr al Qour’ân al ‘azîm. Dâr Ibn Hazm.
2000
- Al Balqînî : Mouqaddimat Ibn As-Salâh wa mahâsin al Istilâh. Dâr al
Ma‘ârif. Le Caire. 2008.
- Ibn Taymiyya :
* Majmoû ‘ al Fatâwâ Al Koubrâ. Dâr al Wafâ’. Al Mansoûra. Egypte. 2005
* Al Qiyâs fî Ach-Char‘ al islâmî. Dâr al Âfâq al Jadîda. Beyrouth. 1978.
- Ibn Al Hâjib : Al Mountahâ. Matba’at s-Sa‘âda. Le Caire. 1908
- Al Îjî Adoud Ad-Din : Charh al Adoud ‘alâ Moukhtasar al Mountahâ d’Ibn
Al Hâjib. Dâr al Koutoub al ‘ilmiyya. Beyrouth. 2000
- Al ‘Attâr Hassan : Al-Hâchiyya ‘alâ Jam‘ Al-Jawâmi‘ de l’imâm As-Souboukî.
Dâr al ‘ilm lil-malâyîn. Beyrouth
- Ibn Hazm : Ihkâm al Ihkâm f î Ousoûl al Ahkâm. Editions as-Sa‘âda.
Egypte.
- Al Âmidi : Al Ihkâm fî masâ’il al ahkâm. Dâr As-Soumay‘î. Riyâd. 2003
- Ach-Chawkânî : Irchâd al fouhoûl ilâ tahqîq al haqq min ‘ilm al Ousoûl. Dâr
al Fadîla. Riyâd. 2000
- Al Baghdâdî (Al Hâfiz) Al Khatîb : Al faqîh wa al moutafaqqih. Dâr Ibn
al Jawzî. Riyâd. 1996
- Ibn Chaybat Al Hamd ‘Abd Al Qâdir : Imtâ‘ al ‘ouqoûl bi-rawdat al
Ousoûl. Médine. 1963.
- At-Taftâzânî Sa‘ad Ad-Dîn : At-Talwîh ilâ kachf haqâ’iq at-Tanqîh. Dâr
al Arqam
- Al Qarâfî Chihâb Ad-Dîn :
* At-Tanqîh. Dâr al Gharb al Islâmî. Beyrouth. 1994

469
Les fondements du droit musulman

* Al Fouroûq wa anwâr al bouroûq f î anwâ’i al fouroûq. Dâr al Koutoub al


‘ilmiyya. Beyrouth. 1998
* Nafâ’is al ousoûl fî charh al Mahsoûl. Maktabat Nizâr al Bâz. Mecca. 1995
- Ibn Sa‘d : At-Tabaqât al koubrâ. Maktabat al Khânjî. Le Caire. 2000
- Ibn Hajar Al ‘Asqalânî : Al Isâba fî tamyîz as-Sahâba. Dâr al koutoub al
‘ilmiyya. Beyrouth.
- An-Nasafî Hâfiz Ad-Dîn : Kachf al asrâr. Dâr al koutoub al ‘ilmiyya.
Beyrouth
- al Qattân Mannâ‘ : Târîkh at-tachrî‘. Maktabat al Ma‘ârif. Riyâd. 1996
- Ibn Amîr Al Hâj : At-Taqrîr wa at-tahrîr. Dâr al koutoub al ‘ilmiyya.
Beyrouth. 1983
- Al Khafîf ‘Alî : Asbâb ikhtilâf al fouqahâ’. Dâr al Fikr al ‘arabî. Egypte.
1996
- An-Nawawî Mouhyî Ad-Dîn Ibn Charaf : Al Majmoû‘ charh al
Mouhadhab. Dâr al Fikr. Beyrouth. 1996
- Az-Zamakhcharî : Al Kachâf fî haqâ’iq ghawâmid at-Tanzîl wa ‘ouyoûn al
aqâwîl fî woujoûh at-ta’wîl. Maktabat al ‘Oubîkât. Riyad. 1998
- Al Bâjî Aboû al Walîd : Al Ichârât fi ousoûl al fiqh. Dâr al bachâ’ir al islâ��-
miyya & al maktaba al Makkiyya. 1991
- Al Qourtoubî : Al Jâmi‘ li-ahkâm al Qour’ân. Mou’assasat ar-Risâla.
Beyrouth. 2006
- Ibn ‘Âbidîn : Radd al mouhtâr ‘alâ ad-dourr al moukhtâr (Hâchiyah ibn
‘Âbidîn). Dâr ‘âlam al koutoub. Riyâd. 2003
- Ibn ‘Abd Al Barr : Jâmi‘ bayân al ‘ilm wa fadlih. Dâr Ibn al Jawzî. Riyad.
1994
- Nizâm (Cheykh) : Al Fatâwa Al Hindiyya. Dâr al koutoub al ‘ilmiyya.
Beytouth. 2000
- Al ‘Izz Ibn ‘Abd As-Salâm : Qawâ‘id al ahkâm f î islâh al anâm. Dâr al
Qalam. Damas
- Ad-Dihlawî : Houjjat Allâh al bâlighah. Edit al Khayriyya. Egypte. 1904
- Sinân Sayf : Ousoûl al Fiqh. Maktabat al Jîl al jadîd. San‘â. Yémen. 1993
- Al ‘Alamî Abdellatîf : Al Maslaha al moursalah, al Istihsân, wa tatbîqâtouhâ
al fiqhiyya. Manchoûrât Wazârat al Awqâf. Maroc. 2004
- Msârwah ‘Awnî Ahmad.M : Al Istishâb : houjjiyyatouhou wa atharouhou
fil ahkâm. Université Nationale An-Najâh. Facultés des Hautes Etudes.
Naplouse. Palestine.

470
Les fondements du droit musulman

- Qoûta ‘Âdil b Abd al Qâdir : Atharou al ‘Ourf wa tatbîqâtouhou al mou‘âsi-


rah fî fiqh al mou‘âmalât. Université roi Abdel ‘Azîz. Jedda. 2006
- Al Bourhânî Mouhammad Hichâm : Sadd Adh-Dharâ’i‘ fi Ach-Charî‘a al
islâmiyya. Dâr al Fikr. Damas. 1995
- Sibâ‘î Moustaphâ : As-Sounna wa makânatouhâ fi at-Tachrî‘. Dâr al
Warrâq & al Maktab al ilslâmî. 2000
- Al Ibrâhîmî Moûsâ Ibrâhîm : Al madkhal ilâ Ousoûl al fiqh wa Târîkh
at-Tachrî‘. Dâr ‘Ammâr. ‘Ammân. Jordanie. 1989

471
Table des matières

LIVRE I 7

LES SOURCES DE LA RÈGLE DE DROIT


Masâdir at-Tachrî‘ 7
première partie 9
LES SOURCE
DE LA RÈGLE DE DROIT SUJETS D'ACCORD 9
INTRODUCTION GéNéRALE 11
DÉFINITIONS ET HISTORIQUE DE LA SCIENCE
DE OUSOÛL AL FIQH 11
Définitions........................................................................................ 11
Le sujet de cette science .................................................................... 19
Pourquoi a-t-on besoin de cette science ?............................................ 21
Historique de cette science................................................................. 22
Les tendances d’ousoûl al fiqh . . ........................................................... 28

LES SOURCES DE LA RÈGLE


DE DROIT ISLAMIQUE 35
LE SAINT CORAN 35
Introduction...................................................................................... 35
Définitions........................................................................................ 36
Les caractéristiques du Saint Coran.................................................... 37
Les règles issues du saint Coran et leur exposé . . ................................... 40
Le style du Coran dans l’exposé des règles légales................................ 48
La prise en considération de l’argumentation coranique.. ...................... 51

L’ABROGEANT ET L’ABROGÉ 54
Définitions........................................................................................ 54
Les différents types d’abrogation........................................................ 58
L’abrogeant et l’abrogé dans le saint Coran.......................................... 60
L’abrogation dans les sources de la loi : Coran et Sounna..................... 62
La différence entre la spécification et l’abrogation............................... 69
Les fondements du droit musulman

LES RÈGLES LINGUISTIQUES PERMETTANT


LA DÉDUCION DES RÈGLES LÉGALES 73
Introduction...................................................................................... 73
Division et classification des termes par rapport au lafz....................... 76
Division des termes selon qu’ils soient explicites (az-zouhoûr) ou
implicites (al khafâ’). . ......................................................................... 82
Division des termes selon la précision sémantique. . .............................. 90
Le sens propre (Al Haqîqa) et le sens figuré (Al Majâz).. ...................... 92

LA SOUNNA 95
Définitions........................................................................................ 95
la prise en considération de la Sounna en matière d’argumentation
juridique.......................................................................................... 100
Les différents type de Sounna pris en considération
par Ahl Al Ousoûl........................................................................... 106
La relation de la sounna avec le coran et son rôle dans la légifération.. 124

LES ACTIONS DU PROPHÈTE (r) 129


L’ŒUVRE DES GENS DE MEDINE 132
Définition .. ..................................................................................... 132
La prise en considération du consensus des gens de Médine .............. 134

LE CONSENSUS AL IJM‘ 137


Introduction.................................................................................... 137
Définitions...................................................................................... 140
Questions spéciales ......................................................................... 147
La prise en considération du Consensus .......................................... 149
Les différentes sorte de Consensus. . .................................................. 156
Quel est le nombre éxige pour la réalisation du Consensus ?............... 160
Quelques exemples de Consensus communautaire.............................. 162

L’ANALOGIE AL QIYÂS 164


Définitions...................................................................................... 164
La prise en considération de l’Analogie ............................................ 168
Les éléments constitutifs
de l’Analogie et leurs conditions....................................................... 178

LA CAUSE ET SES VOIES DE DÉDUCTION 182


Introduction.................................................................................... 182
Définitions d’al ‘illa. . ......................................................................... 183
Les conditions de la cause................................................................ 184
Les voies de fixation et de déduction de la cause................................ 188
Questions diverses concernant al ‘illa................................................. 200
Les différentes sortes d’Analogies..................................................... 202

473
Les fondements du droit musulman

Les domaines de l’Analogie.............................................................. 205


La mise en cause d’une Analogie. . ..................................................... 209

deuxieme partie 211


LES SOURCES DE LA RÈGLE
DE DROIT SUJETTES AUX DIVERGENCES 211
L’APPRÉCIATION
DE L’ÉRUDIT 213
Définitions...................................................................................... 213
La prise en considération de l’Appréciation....................................... 215
Les différentes sortes d’Istihsân. . ....................................................... 222
Exemples de sentences légales pronocées par appréciation.................. 228

LE PRINCIPE DE L’INTERÊT RELÂCHE 232


Dénomination . . ................................................................................ 232
Historique....................................................................................... 232
Définitions...................................................................................... 233
La prise en considération de l'Intérêt relâché..................................... 235
Les différentes sortes de masâlih moursalah......................................... 249
Les Écoles de Droit et al masalaha al mourasalah . . ............................. 250

LA PRÉSOMPTION DE CONTINUITÉ DE LA RÈGLE 253


Introduction.................................................................................... 253
Définitions...................................................................................... 253
Les juristes face a la prise en considération d’al istishâb...................... 254
Les différentes sortes d’al istishâb...................................................... 257
Les Imâms et al istishâb.................................................................... 258

L’AVIS DU COMPAGNON 261


Introduction.................................................................................... 261
Définitions...................................................................................... 262
Prise en considération de l’avis du Compagnon ................................. 267
Détails des avis des Imâms............................................................... 270

L’USAGE 274
Introduction.................................................................................... 274
Définitions...................................................................................... 274
Prise en considération du ‘ourf........................................................... 276
Les arguments légaux qui valident Al ‘Ourf........................................ 277
Conditions de la prise en considération du ‘ourf................................. 280
L’importance de l’Usage.. .................................................................. 281
Les différentes sortes de ‘ourf............................................................ 282

474
Les fondements du droit musulman

Règles et sentences déduites sur base du ‘Ourf et de son évolution. . .... 286
Différence entre la Coutume (al ‘âdah) et l’Usage (al ‘ourf)................. 287
Différence entre l’Usage et le Consensus (al ijmâ‘)............................. 287

LA FERMETURE DES VOIES MENANT A L’INTERDIT


OU LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION 289
Définitions...................................................................................... 289
Prise en considération des Dharâ’i‘. . .................................................. 292
Les différentes sortes de Dharâ’i‘....................................................... 296
Le Principe de l’ouverture des Dharâ’i‘ ............................................. 297
Sadd Adh-dhrâ’i‘ et les Écoles de Droit............................................. 298

LES LÉGISLATIONS ANTÉRIEURES 301


Introduction.................................................................................... 301
Analyse des avis des différentes tendances......................................... 302
Autres questions.............................................................................. 306

LIVRE II 311

LA RÈGLE DE DROIT LÉGALE 311


PRÉAMBULE 313

première partie 315


LA RÈGLE DE DROIT PRESCRIPTIVE 315
LE LÉGISLATEUR 317
L’OBJET DE LA PRESCRIPTION 319
Les conditions de l’acte ................................................................... 319
La difficulté. . ................................................................................... 323

DROITS D’ALLÂH (U)


ET LES DROITS DES HOMMES 328
Introduction.................................................................................... 328

475
Les fondements du droit musulman

LA PERSONNE CONCERNÉE
PAR LES PRESCRIPTIONS 333
Les conditions de l’aptitude légale et ses empêchements. . ................... 334

LA RÈGLE DE DROIT LÉGALE PRESCRIPTIVE  348


Définitions...................................................................................... 348
Préambule .. ..................................................................................... 354

L’OBLIGATOIRE 357
Définitions...................................................................................... 357
Comment peut-on déduire l’acte obligatoire?. . ................................... 360
La classification de l’obligatoire........................................................ 362
Développement................................................................................ 363
Questions diverses.. .......................................................................... 366
Questions diverses de ousoûl............................................................ 378

LE RECOMMANDÉ 382
Définitions...................................................................................... 382
Les dénominations du mandoûb......................................................... 384
Statut du mandoûb.. ........................................................................... 385
Classification des actes recommandés................................................ 386
Questions diverses de ousoûl............................................................ 389

LE PERMIS – LE LICITE 392


Définitions...................................................................................... 392
Les voies permettant
la fixation du moubâh.. ....................................................................... 396
Questions diverses de ousoûl............................................................ 398

LE RÉPRÉHENSIBLE - LE BLÂMABLE 403


Définitions...................................................................................... 403
L’essence du makroûh . . ....................................................................... 404
Les voies permettant
la fixation du makroûh....................................................................... 405
Le statut du makroûh.. ....................................................................... 406
Les différentes sortes de makroûh...................................................... 406
Questions diverses de ousoûl............................................................ 407

L’INTERDIT 410
Définitions...................................................................................... 410
Autres termes désignant l’Interdit (al harâm) . . ................................... 412
Les voies de confirmation de l’interdit ............................................. 415
La classification de l’interdit.. ........................................................... 416

476
Les fondements du droit musulman

deuxieme partie 421


LA RÈGLE DE DROIT LÉGALE STIPULATIVE 421
Préambule 423
LA CAUSE 424
Définitions...................................................................................... 424
L'essence du sabab. . ........................................................................... 425
Différentes sortes de sabab.. ............................................................... 429

LA CONDITION 433
Définitions...................................................................................... 433
Les différentes sortes de conditions.. ................................................. 434
Différence entre la Condition et al‘Illa
et entre la Condition et le Roukn (pilier)........................................... 437
Différentes sortes de Conditions par rapport au Sujet de
(al Machroût). . ................................................................................. 439
Quel est le statut de la Condition ?................................................... 440

L’EMPÊCHEMENT 441
Définitions...................................................................................... 441
Les différentes sortes d’empêchements.............................................. 442

LA VALIDITé ET LA NULLITé 447


Définitions...................................................................................... 447
Questions diverses.. .......................................................................... 448

LA PRESCRIPTION ET LA PERMISSION 454


I : La prescritption : Al ‘Azîmah ........................................................ 454
Définitions...................................................................................... 454
II : La permission : Ar-Roukhsah....................................................... 456
Définitions...................................................................................... 456
Les causes des permissions............................................................... 457
Les caractéristiques de la roukhsah . . ................................................. 458
Les appélations de la roukhsah ......................................................... 459
Différentes sortes de roukhas............................................................. 460
Tarjîh entre ar-roukhsah et al ‘azîmah. . .............................................. 461
Les allégements légaux..................................................................... 464
Bibliographie .................................................................................. 466

477
Dos couverture

Ousoûl al fiqh, communément traduit en français par les


Fondements du Droit ou la Théorie du Droit, consiste à voyager à la
rencontre de Dieu (U) et à mieux connaître et cerner Son Discours.
Ousoûl al fiqh sont les sources du Droit musulman. Elles se
divisent en deux catégories : d’une part, les sources fondamentales
(al asliyya) que sont le Coran et la Sounna : la Révélation (al Wahy), et
d’autre part les sources dérivées (taba‘iyya) ou dépendantes : al ijmâ‘,
(le Consensus), al qiyâs (raisonnement analogique…
Ousoûl al fiqh est l’un des exploits de la pensée juridique musul-
mane. A travers ses définitions, son historique, l’exposé de ses courants
et de son mécanisme, le Dr Hassan Amdouni propose aux spécia-
listes de Droit et aux étudiants, un ouvrage complet et méthodique de
cette science. Les principes des écoles de Droit dans l’élaboration de
leurs règles secondaires (al fouroû’) à partir des ousoûls de leur école.
Tout en se référant aux sources arabes, l’auteur a adopté, comme
à son habitude, une démarche, qui combine la théorie à la pratique
afin que cette science ne soit pas perçue comme une science abstraite
et hors de portée.

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