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MÉTHODES

DE RECHERCHE
EN SCIENCES
SOCIALES
C O L L E C T I O N

j4FS

AMÉLI François : Droit civil - Introduction, biens, personnes, 2e éd., 1997.


AMÉLI François : Droit civil - Les obligations, 1997.

BOURREAU René f Sociologie. générale, 1996.


CHAREILLE Pascal, PINAULT Yves : Statistique descriptive, 1996.
FREYSSINET-DOMINJON Jacqueline : Méthodes de recherche en sciences
sociales, 1997.

GÉLARD Patrice, MEUNIER Jacques : Institutions politiques et droit


constitutionnel, 2e éd., 1997.

HOANG-NGOC Liêm : Politiques économiques. À paraître.


JOLIVET-ROCHE Elisabeth avec la collab. de Sabine MONNIER :
Problèmes économiques contemporains, 2e éd., 1997.

MILLS Catherine : Économie politique, 2e éd., 1997.

PEYRICAL Jean-Marc : Droit administratif, 1997.


administration économique et sociale

MÉTHODES
DE RECHERCHE
EN SCIENCES
SOCIALES

Jacqueline FREYSSINET-DOMINJON

Maître de conférences
à l'Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne

D . . .
méthodes
cours
exercices
corrigés
lexique

Montchrestien
Mes vifs remerciements à Christine Barats-Malbrel,
Jean-Gabriel Contamin, Anne-Catherine Wagner, ainsi
qu 'à Marielle, Jacques et Louis-Noël pour leurs
relectures critiques et leurs remarques pertinentes.
Soutenue dans la curieuse entreprise de mettre noir sur
blanc un enseignement de méthodes de recherche, j ' a i
également profité des nombreuses discussions dans le
cercle universitaire qui réunit enseignants et étudiants.

C Montchrestien, E.J.A., 1997


31, rue Falguière, 75741 Paris Cedex 15
X ISBN : 2.7076.0692.8
V
SOMMAIRE

Avant-propos 3
Introduction 5

PREMIÈRE PARTIE : La d é m a r c h e d e r e c h e r c h e 7

Chapitre 1. Principes
Les points de repères méthodologiques 9
Chapitre 2. Pratiques
Trois approches de la rumeur 29

DEUXIÈME PARTIE : L'enquête par q u e s t i o n n a i r e 57


Chapitre 3. Le questionnaire
Élaborer et poser les questions 59
Chapitre 4. L'échantillon
Choisir la population d'enquête 89
Chapitre 5. Le traitement des données
Produire des résultats ........... 111

TROISIÈME PARTIE : L ' e n q u ê t e par entretien


de recherche 141

Chapitre 6. La réalisation de l'entretien


Travail de terrain 143
Chapitre 7. L'exploitation de l'entretien
Mise en forme des résultats ................... 165
QUATRIÈME PARTIE : C o m m u n i c a t i o n et a n a l y s e s
des communications 185
Chapitre 8. La communication au regard
d e s sciences sociales
Principes et concepts 187
Chapitre 9. Analyses du discours
Étudier la mise en mots dans l'espace
public 219
Chapitre 10. Analyses de l'image
Principes généraux, application
à l'image fixe 267

Fiche-conseil 315
Sujets c o r r i g é s 319
Bibliographie 331
Lexique 335
Index 343
Table d e s m a t i è r e s .................................................................. 347
AVANT-PROPOS

Ce manuel s'adresse aux étudiants en sciences sociales, spécialement


les étudiants de la filière pluridisciplinaire Administration économique et
sociale, avec un double objectif théorique et pratique.
• Il présente les principes généraux qui sous-tendent la démarche
méthodologique des chercheurs - sociologues, psycho-sociologues, politistes,
ethnologues, sémiologues - dans leurs travaux d'analyse, de compréhension et
d'explication des phénomènes sociaux.
• Il donne des outils immédiatement utilisables par les étudiants dans les
travaux de recherche universitaire (dossiers, rapports, mémoires) qui leur sont
demandés en travaux dirigés, conférence de méthode ou séminaire.

L'unité de conception de l'ouvrage résulte du fait qu'il correspond au


programme d'un enseignement de deux semestres donné en amphithéâtre et
prolongé en travaux dirigés où, conformément à une des missions majeures de
l'Université, les étudiants s'initient « à la recherche par la recherche ».
Les sujets abordés répondent à des besoins précis et des demandes
exprimées par les étudiants en position d'apprentis-chercheurs et les
enseignants qui les encadrent et les forment.
Ses limites pratiques relèvent du même type de raisons conjoncturelles.
Tout ne peut pas être enseigné en une année1. Il faut choisir en tenant compte
des intérêts intellectuels, des possibilités d'investissement pratique et de la
variété des projets de formation des étudiants. La gamme des méthodes
exposées est le reflet de ce choix.

1. Comme le cours de « Méthodes de recherche en sciences sociales » auquel il se refère,


l'ouvrage participe à un ensemble disciplinaire plus large. Le lecteur aura intérêt à compléter
son information en consultant les autres manuels de la collection, en particulier Sociologie
générale. Introduction aux théories classiques de René Bourreau et Statistique descriptive, de
Pascal Chareille et Yves Pinault.
INTRODUCTION
La méthode n'est pas susceptible d'être étudiée
séparément des recherches où elle est employée ou
du moins ce n 'est là qu 'une étude morte incapable
de féconder l'esprit qui s'y livre.
Auguste Comte,
Cours de philosophie positive, 1830

La formule énoncée par l'un des fondateurs de la sociologie à propos de


l'étude de la méthode éclaire d'emblée la démarche résolument pragmatique
suivie dans ce manuel d'initiation aux recherches en sciences sociales.
Le développement diversifié de ce champ d'investigation scientifique
du réel rend difficile et sans doute prématurée toute tentative de synthèse.
Aussi, la perspective adoptée est moins celle d'un exposé systématique de la
méthodologie propre aux sciences sociales que la présentation ordonnée d'une
palette de méthodes appuyées sur des exemples empruntés à plusieurs champs
disciplinaires : psychologie sociale, ethnologie, sociologie, sociolinguistique,
science politique, etc.1
Destiné comme son nom l'indique à être bien en main et utilement
manipulé, ce manuel est composé de dix chapitres, articulés en quatre parties
autonomes et consultables indépendamment les unes des autres.
La première partie présente les traits généraux de la démarche de
recherche en sciences sociales, considérée d'abord dans la généralité de ses
principes puis dans la variété de ses pratiques constatées à propos d'un
e x e m p l e , l ' a n a l y s e de la rumeur. Elle se p r é s e n t e c o m m e une sorte
d'introduction aux trois autres qui peuvent être abordées dans n'importe quel
ordre.
La deuxième partie porte sur la forme extensive et quantitative de
l'enquête : l'enquête par questionnaire, présentée dans les principales étapes
de son déroulement : élaboration et utilisation de l'outil d'investigation, choix
de la population interrogée, traitement des données.
La troisième partie forme une sorte de contrepoint de la précédente en
présentant une forme intensive de l'enquête : l'enquête par entretien, dans sa
phase de préparation et de réalisation sur le terrain puis dans sa phase de
transcription et de traitement.
La q u a t r i è m e partie est e n t i è r e m e n t c o n s a c r é e à l ' a n a l y s e des
communications dans le cadre de l'espace public. Après une présentation

1. Les étayages historiques, théoriques et épistémologiques des méthodes en sciences sociales


sont présentés dans l'ample ouvrage fondateur de Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences
sociales, Dalloz, 1996 (101 édit.).
g é n é r a l e des p r i n c i p e s et c o n c e p t s en j e u d a n s ce c h a m p de la r e c h e r c h e en
s c i e n c e s sociales, sont p r é s e n t é e s des m é t h o d e s d ' a n a l y s e d e s f o r m e s verbales
puis des f o r m e s i c o n i q u e s de la c o m m u n i c a t i o n .
PREMIÈRE PARTIE

LA DÉMARCHE
DE RECHERCHE

L'objet de cette première partie est de présenter les principes communs


à toutes les recherches engagées avec un objectif de connaissance objective et
d'explication du réel, systématisés dans le cadre des recherches en sciences de
la nature et transposés dans les sciences sociales (chapitre 1).
La diversité des méthodes d'approche et des processus d'analyse des
phénomènes sociaux est illustrée dans une présentation comparée des
pratiques de recherche à propos d'un même fait social, la rumeur publique
(chapitre 2).
CHAPITRE 1

Principes
Les points de repère
méthodologiques

1. La notion de méthode

2. Le cycle de la connaissance scientifique


Le désir d'apprendre et le plaisir de comprendre sont au fondement de
notre activité intellectuelle sous toutes ses formes, courantes ou savantes.
Pourtant ces puissants ferments de la pensée ne suffisent pas à rendre celle-ci
automatiquement efficace. Dans les processus d'acquisition des connaissances
et dans la participation, même modeste à leur élaboration par la recherche, se
fait sentir un impérieux et constant besoin de méthode.
Après avoir clarifié la notion (section 1) ce chapitre introductif présente
les principes communs à toute recherche scientifique (section 2) dont des
exemples contrastés de la mise en œuvre font l'objet du chapitre suivant.

SECTION 1
LA NOTION DE MÉTHODE
De manière générale, une méthode est une démarche consistant à suivre
avec application un chemin qui mène à un but fixé en respectant les étapes
intermédiaires1.

§1 m
DÉFINITIONS

A. Méthode de travail et méthode de recherche


Une marche à suivre est « méthodique » en ce qu'elle refuse le
cheminement à l'aventure et les errements source d'erreurs. En ce sens il
s'agit d'une méthode de travail dont le respect évite de perdre du temps et
augmente les chances de qualité des résultats.

1. J.-M. Nicolle, Histoire des méthodes scientifiques. Du théorème de Thalès à la fécondation


in vitro, Bréal, 1994, p. 31.
P r e n d r e des notes, établir u n e b i b l i o g r a p h i e , t r o u v e r un plan d ' e x p o s é ,
c o n d u i r e u n e d é m o n s t r a t i o n s o n t a u t a n t d ' o p é r a t i o n s n é c e s s i t a n t de la
m é t h o d e d o n t l ' a p p r e n t i s s a g e se f a i t t o u t au l o n g d u c u r s u s s c o l a i r e et
universitaire.
L e p o i n t d e v u e de la r e c h e r c h e s c i e n t i f i q u e e s t un p e u d i f f é r e n t .
O r i e n t é e vers la p r o d u c t i o n d e s c o n n a i s s a n c e s , la s c i e n c e a p o u r o b j e c t i f la
d é c o u v e r t e du c a c h é sous le réel, du vrai derrière les a p p a r e n c e s . D a n s ce sens
la m é t h o d e est l ' e n s e m b l e des o p é r a t i o n s intellectuelles p a r lesquelles u n e
d i s c i p l i n e , o u b r a n c h e d e l a c o n n a i s s a n c e , c h e r c h e à a t t e i n d r e les v é r i t é s
q u ' e l l e p o u r s u i t , les d é m o n t r e , les v é r i f i e .
C o m m e le note M a d e l e i n e G r a w i t z d a n s o u v r a g e M é t h o d e s d e s s c i e n c e s
s o c i a l e s , c e t t e d é f i n i t i o n p h i l o s o p h i q u e et g é n é r a l e d é c r i t u n e p o s i t i o n de
l ' e s p r i t h u m a i n d e v a n t la réalité, du sujet d e v a n t l'objet2. Elle d é s i g n e u n e
p r o c é d u r e l o g i q u e et d é s i n t é r e s s é e , c o m m u n e à toute d é m a r c h e scientifique et
articulée en u n e n s e m b l e de règles d ' a p p l i c a t i o n générale.

B. D e l a m é t h o d e o u d e s m é t h o d e s ?

D ' u n p o i n t de v u e p r a t i q u e - p o i n t de v u e qui est p r i v i l é g i é d a n s ce


m a n u e l - le r e s p e c t de ces règles définit alors l ' a t t i t u d e c o n c r è t e a d o p t é e p a r
le s u j e t - c h e r c h e u r ou l ' é q u i p e des s u j e t s - c h e r c h e u r s à l ' é g a r d de l ' o b j e t de
r e c h e r c h e et les c h o i x p o r t é s sur des m é t h o d e s au sens plus p r o s a ï q u e d u
terme : t e c h n i q u e s d e r e c h e r c h e , ou p r o c é d é s a u service de la m é t h o d e .
Ces choix s ' o p è r e n t c o m p t e tenu des contraintes matérielles (cadre
i n s t i t u t i o n n e l , t y p e de f i n a n c e m e n t , délais), c o n c e p t u e l l e s (théQrie, m o d è l e ,
h y p o t h è s e s ) ainsi q u e des p r a t i q u e s et traditions disciplinaires.
E n effet, en tant q u e b r a n c h e s du savoir et vecteurs de la r e c h e r c h e , les
d i s c i p l i n e s s ' o r g a n i s e n t en d o m a i n e s c i e n t i f i q u e a u t o u r d ' u n o b j e t et d ' u n e
m é t h o d e . P a r e x e m p l e , l ' h i s t o i r e , c e n t r é e s u r le p a s s é , p r i v i l é g i e la
c o n s u l t a t i o n d ' a r c h i v e s et l ' a n a l y s e de d o c u m e n t s . L ' a p p r o c h e e t h n o l o g i q u e
des s o c i é t é s é l o i g n é e s r e p o s e sur p l u s i e u r s outils d ' o b s e r v a t i o n du terrain :
j o u r n a l de bord, relevés d ' o b j e t s , e n r e g i s t r e m e n t s filmiques, entretiens auprès
d ' i n f o r m a t e u r s clés. L a s o c i o l o g i e s ' e s t l o n g t e m p s d i s t i n g u é e par l ' u s a g e du
questionnaire standardisé, administré à d ' i m p o r t a n t s échantillons de
population.

(2) M.Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 1996, p. 317. En choisissant
d'utiliser le mot méthode au pluriel, l'auteur marque la diversité des approches possibles de
l'homme dans son environnement social. En outre, de façon pragmatique et convaincante,
elle récuse les distinctions inutiles entre « sciences humaines » et « sciences sociales » que
par ailleurs, le Centre national de recherche scientifique en France (CNRS), classe dans une
même rubrique, celle des « sciences de l'homme et de la société ».
W,W
RELATIONS ENTRE MÉTHODES ET DISCIPLINES
Pour autant, les relations entre méthodes et disciplines ne sont ni
exclusives ni fatales. Dire que les disciplines s'organisent autour d'un objet et
d'une méthode est sans doute vrai à leurs origines, ne serait-ce que pour se
distinguer et se légitimer par rapport aux autres branches de la connaissance.
Par la suite, chaque discipline s'épanouit en débordant de ses frontières
primitives et en forgeant de nouveaux outils de recherche.
Le résultat de ces évolutions est que d'une part, plusieurs méthodes
s'affrontent ou se complètent au sein d'une même discipline (au sens
institutionnel et universitaire du terme), d'autre part, une même démarche
méthodologique est utilisée dans des contextes disciplinaires différents.

A. Le pluralisme des méthodes d a n s une même discipline


Plutôt que d'employer l'expression de querelle de méthodes en sciences
sociales (écoles de pensée et laboratoires de recherche s'affrontent parfois
violemment) nous préférons celle de pluralisme méthodologique présenté à
partir des exemples de deux disciplines, la psychologie et la sociologie.

1. Approche objectiviste ou subjectiviste ?


L'exemple de la psychologie
Une manifestation exemplaire et ancienne du pluralisme des méthodes
au sein d'une même discipline est donnée par la psychologie, étude
scientifique des faits psychiques. Centrée sur l'individu, elle s'est construite et
développée autour de deux méthodes : expérimentale et clinique.
• Les tenants de la psychologie expérimentale étudient les
comportements de l'être vivant, animal ou humain - l'apprentissage, la
perception, la mémoire, le conditionnement -, pour en établir les lois
générales de fonctionnement. Leur méthode est celle de l'expérimentation en
laboratoire menée selon des opérations techniques strictement prévues et
objectivement contrôlées (voir infra, section 2).
Ils adoptent une démarche dite objectiviste qui pose que les conduites
observées chez les individus et dans les groupes peuvent être saisies et
comprises indépendamment de la subjectivité du chercheur.
• Les tenants de la psychologie clinique n'adoptent pas cette
distanciation stricte par rapport à leur objet de recherche. Au contraire, ils
exploitent le fait que, contrairement aux sciences de la matière, l'observateur
est de même nature que l'observé. À l'inverse des tenants de la psychologie
expérimentale, ils s'appuient sur les interactions de la relation personnelle
entre le sujet chercheur et le sujet-objet de la recherche. À leurs yeux, ce
champ de l'intersubjectivité relève de la connaissance et se trouve ainsi
crédité d'un statut de scientificité.
Le psychologue clinicien (ce n'est pas nécessairement un thérapeute)
utilise d'autre moyens d'investigation et d'analyse du fait psychique.
Contrairement à l'expérimentaliste qui procède à des expériences et organise
des observations systématiques sur des échantillons de population dont il
analyse statistiquement les résultats, le clinicien procède à l'étude prolongée
de cas individuels, abordés selon une méthodologie subjectiviste, dont
l'entretien fournit une forme exemplaire.

2. Enquêtes extensives ou interventions sur le terrain


Deux méthodes de la sociologie
Le sociologue s'affronte à des problèmes analogues. Dans un passage
célèbre de son ouvrage Les Règles de la méthode sociologique (1895), Émile
Durkheim pose en principe que la première règle et la plus fondamentale est
de considérer les faits sociaux comme des choses.
• Toujours provocante, un siècle après son énonciation, cette formule
lapidaire marque le projet durkheimien d'installer la sociologie comme
discipline scientifique au même titre que les sciences de la nature,
spécialement la biologie, dans leur quête de lois générales d'explication du
réel. Non pas que les faits sociaux (les institutions, l'organisation du travail,
les systèmes de parenté, etc.) soient pour Durkheim assimilables aux faits de
la nature : ils ne sont pas des choses mais comme des choses. En outre, contre
le psychologisme et l'idéalisme dont il se méfie, il défend l'idée qu'un fait
social ne peut être expliqué que par un autre fait social.
La spécificité des faits sociaux, qui réside à ses yeux dans leur caractère
d'extériorité par rapport aux sujets conscients et de contrainte à leur égard,
autorise légitimement l'adoption de cette posture objective de distance
scientifique dans l'observation, le traitement et l'explication.
Notons pourtant que cette adoption ne va pas sans adaptation. En effet,
contrairement aux objets matériels ou naturels, les phénomènes sociaux ne se
prêtent pas à l'expérience savante comme celle du chimiste dans son
laboratoire ni même à l'observation à distance de l'astronome. Le fait social
ne peut pas être découpé en tranches, placé entre deux lamelles de verre et
observé au microscope. Le sociologie doit rassembler des données à partir de
documents déjà existants (par exemple les statistiques officielles pour Le
suicide de Durkheim) ou d'enquêtes systématiques.
De la méthode expérimentale, une partie des sociologues et plus
généralement des social scientists conservera les principes généraux de
recherche des causes explicatives, mais leur démarche opératoire sera
différente. Ne pouvant procéder à une expérimentation directe dans un
dispositif d'isolement et de contrôle des variables qui fait apparaître qu'un
phénomène X produit un phénomène Y, il procède indirectement en usant de
la méthode comparative (covariation ou variation concomitante) : « opération
réfléchie par laquelle sont établies les ressemblances et les différences entre
deux faits ».
« Nous n 'avons qu 'un moyen de démontrer qu 'un phénomène est cause d'un
autre, c'est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou
absents et de chercher si les variations qu 'ils présentent dans ces différentes
combinaisons de circonstances témoignent que l'un dépend de l'autre.
Quand ils peuvent être artificiellement produits au gré de l'observateur, la
méthode est l'expérimentation proprement dite. Quant au contraire, la
production des faits n 'est pas à notre disposition et que nous ne pouvons
que les rapprocher tels qu'ils se sont spontanément produits, la méthode
que l'on emploie est celle de l'expérimentation indirecte ou méthode
comparative ».
Émile Durkheim, Le suicide (1897), PUF, 1981.

• Une autre façon d'analyser le fait social est de l'aborder en intériorité,


s'appuyant sur le fait que l'acteur social (individuel ou collectif) pris dans des
rapports sociaux (de coopération, de conflit, ou de domination selon les
diverses problématiques) adopte une stratégie et joue un rôle social qu'il est
capable, dans certaines conditions, de rapporter et d'analyser.
Dans une étude sur le groupe social des étudiants, les chercheurs
justifient leur préférence pour ce type d'approche interne sous la forme de
l'intervention sociologique (D. Lapeyronnie, J.-L. Marie, Campus blues, les
étudiants face à leurs études, Seuil, 1992).
• Le cadre de base
La méthode dite de Yintervention sociologique a été mise au point par Alain
Touraine et l'équipe de chercheurs travaillant avec lui dans le cadre d'une
sociologie de l'acteur social et des rapports sociaux considérés sous l'angle
des nouveaux mouvements : luttes étudiantes, combats féministes,
engagement militants contre le nucléaire etc.3

• La justification de principe
Le choix de cette méthode est lié à une conception particulière de
l'approche sociologique des conduites sociales.
Les recherches en sociologie du monde étudiant sont orientées selon deux
grande tendances. La première part d'un point de vue strictement externe et
considère que les conduites des étudiants sont commandées par la recherche
de l'intérêt ou par des stratégies de classement. Dans ce cas, « l'important est
de mettre en évidence les grandes régularités et les correspondances
existantes entre les choix individuels et des facteurs objectifs comme
l'origine sociale ou des probabilités de succès ou d'échec. Les enquêtes
statistiques et les sondages sont tout à fait appropriés » 4.
La seconde tendance considère les étudiants d'un point de vue interne dans
leur situation vécue et leur expérience spécifique d'étudiants. Elle part du
principe que les conduites sociales ne sont purement réactives et contraintes
mais sont le fait d'acteurs sociaux, qui ont les capacités positives « de

3. A. Touraine, La voix et le regard, Seuil, 1978 ; Le retour de l'acteur, Fayard, 1984.


4. D. Lapeyronnie, J.-L. Marie, Campus blues, les étudiants face à leurs études, Seuil, 1992,
pp. 251-255.
construire leur propres significations, de produire du changement, ou de
changer de références culturelles ». Dans ce cas, la mission du sociologue
est de faire é m e r g e r ces significations en créant les conditions de leurs
émergence dans le discours des représentants des acteurs eux-mêmes, réunis
dans ce but.

• La procédure pratique

Cette méthode consiste à créer des groupes de 10 à 15 personnes relevant du


m ê m e c h a m p social d ' a c t i o n , o b j e t de la r e c h e r c h e . C es d e r n i è r e s se
rencontrent r é g u l i è r e m e n t (une douzaine de fois environ) pour é c h a n g e r
leurs réflexions sur leur expérience commune. Les séances de discussion
sont fermées ou ouvertes à des interlocuteurs extérieurs. Dans l'esprit des
praticiens de la méthode, « l'idée est de disposer d'un espace expérimental
où le poids des contraintes est aussi réduit que possible et dans lequel les
sociologues "interviennent". Leur travail consiste à tirer les participants au-
delà des attitudes et des opinions vers l'analyse de leur expérience et des
rapports sociaux dans lesquels ils sont engagés ».

• Les groupes étudiants de Campus blues

Malgré les difficultés au départ pour convaincre des étudiants de l'intérêt de


la démarche, les chercheurs ont réuni trois groupes d'intervention sur trois
sites universitaires (Villetaneuse, Bordeaux, Paris) et mené à bien les débats
longs et toujours passionnés de la série de séances prévues.
Il faut préciser que la recherche est complétée par une série d'entretiens
classiques auprès d'étudiants, de lycéens et d'universitaires.

B. L e s u s a g e s t r a n s v e r s a u x d ' u n e m ê m e a p p r o c h e
méthodologique
A u - d e l à des q u e r e l l e s d ' é c o l e s et des effets de m o d e , on constate q u e
c h a q u e s c i e n c e sociale p u i s e l a r g e m e n t dans le lot c o m m u n et transversal des
t e c h n i q u e s et des m é t h o d e s du c h a m p scientifique c o m m u n . En c o n s é q u e n c e ,
un m ê m e outil d ' i n v e s t i g a t i o n est utilisé d a n s des disciplines distinctes.
U n e x e m p l e p a r m i d ' a u t r e s illustre le fait : celui des u s a g e s multiples de
l' a p p r o c h e b i o g r a p h i q u e des p h é n o m è n e s sociaux. R e n o u a n t avec la tradition
de l ' É c o l e de C h i c a g o au d é b u t du siècle, les histoires de vie collectées sous
f o r m e de récits o r a u x ou écrits fournissent, d e p u i s une q u i n z a i n e d ' a n n é e s , un
m a t é r i e l r e n o u v e l é p o u r d e s é t u d e s a x é e s sur l ' a n a l y s e d e s p r o c e s s u s et la
c o m p r é h e n s i o n du c h a n g e m e n t .
E n s c i e n c e s s o c i a l e s , la m é t h o d e r e p o s e sur un p a r a d o x e p u i s q u ' e l l e
s ' a t t a c h e à c o m p r e n d r e le c o l l e c t i f à travers l ' i n d i v i d u e l , et le social d a n s le
particulier. Pourtant, cette a p p a r e n t e c o n t r a d i c t i o n se d é n o u e si on a c c e p t e le
p r i n c i p e selon lequel apparaît dans c h a q u e p e r s o n n e la s y n t h è s e i n d i v i d u a l i s é e
et active d ' u n e société et q u e c h a q u e i n d i v i d u r e p r é s e n t e la r é a p p r o p r i a t i o n
singulière de l ' u n i v e r s e l social et h i s t o r i q u e qui l ' e n v i r o n n e .
L'École de Chicago (1915-1940)
Sous l'expression « École de Chicago », on entend un ensemble de
travaux de sociologie urbaine - spécialement sur l'immigration et
l'assimilation des migrants - menées au cours des années 1915-1940
dans le cadre de l'Université de Chicago et qui se caractérisent par le
primat de la recherche empirique appuyée sur une méthodologie originale
et multiple.
L'approche qualitative de la société urbaine se fait à partir d'études de
cas décrits dans des monographies de terrain ou de recherches
documentaires faisant appel à un matériel varié de « documents
inhabituels c'est-à-dire des lettres, des articles de journaux, des archives
de tribunaux, des sermons de prêtres, des brochures de partis politiques,
des notes provenant des société d'agriculture,... » *
L'étude emblématique The polish peasant in Europe and America de
W. Thomas et F. Znaniecki parue en 1918 repose sur cet éventail de
documents, en particulier des lettres écrites par des immigrés polonais
aux États-Unis à destination de leurs parents restés en Pologne et
« récupérées » auprès de ceux-ci.
Les études quantitatives, quoique moins typiques des travaux de ce
courant, furent utilisées en particulier pour l'étude du comportement
électoral des communautés ethniques étudiées.
'Lettre de W. Thomas (1912) à S. Harper, fondateur de l'Université de Chicago :
cité par A. Coulon, L'École de Chicago, PUF, 1992, p. 84.

De toute façon, cette pratique n'est la propriété d'aucune discipline. Elle


est aussi bien le fait de l'ethnologue à défaut d'autres données que de l'historien
ou du politiste désireux de renouveler leurs sources et leur angle d'analyse).

SECTION 2
LE C Y C L E DE LA C O N N A I S S A N C E S C I E N T I F I Q U E

La démarche de recherche scientifique s'inscrit dans un processus de


découverte symbolisé par la figure du cycle qui met en valeur son caractère
circulaire et répétable.
Le cycle de la connaissance scientifique peut être décomposé en quatre
temps principaux : théories et formulation d'hypothèses (§1) ; production de
données et généralisation de résultats (§2).

5. J. Peneff, La méthode biographique, Colin, 1990 ; G. Pineau, J.-L. Legrand, Les histoires
de vie, PUF, 1993 ; D. Bertaux, Les récits de vie, Nathan, à paraître ; V. Milliot, E. Neveu,
« Les "mémoires de la politique" », Mots, 32, 1992.
§ 1 m
LA R E C H E R C H E EN P R O J E T

T o u t e r e c h e r c h e s c i e n t i f i q u e s ' i n s c r i t d a n s un p r o c e s s u s c u m u l a t i f de
p r o d u c t i o n de c o n n a i s s a n c e s . Ses p r e m i è r e s p h a s e s s ' i n s c r i v e n t dans l ' o r d r e
d e la r é f l e x i o n , et d u q u e s t i o n n e m e n t i n t e l l e c t u e l . O n p e u t d i r e
q u ' e x p l i c i t e m e n t ou i m p l i c i t e m e n t elle m e t en jeu u n e théorie d o n t il s ' a g i t de
vérifier la validité, à partir de la f o r m u l a t i o n d ' h y p o t h è s e s .

Le cycle de la connaissance scientifique


1. Composants

Source : inspiré de W.Wallace, The logic of Science in Sociology, Chicago, 1971,


adapté par A.P.Contandriopoulos et al., Savoir préparer une recherche,
Presses de l'Université de Montréal, 1990, p. 26.

À la différence du s c h é m a original, et pour éviter la confusion d'un terme


exagérément polysémique, nous nommons « données » plutôt qu'« observations » le
moment de recherche empirique qui suit l'élaboration d e s « hypothèses » et
précèdent les « généralisations ».

A. L e s t h é o r i e s
La recherche scientifique vise à mettre à l'épreuve des théories ou, à
défaut de théories achevées, au moins des modèles théoriques partiels.

1. Définition
Une théorie est un système élaboré à p a r t i r d ' u n e conceptualisation
de la r é a l i t é p e r ç u e ou o b s e r v é e et c o n s t i t u é p a r u n e n s e m b l e de
propositions dont les termes sont rigoureusement définis et les relations
entre les termes posées pour être confirmées ou infirmées.
La théorie demande à être vérifiée quant à sa force d'explication de la
réalité. Dans ce sens, ou peut dire avec P. Bourdieu que « les théories sont des
programmes de recherche qui appellent non le « débat théorique » mais la
mise en œuvre pratique capable de les réfuter ou de les généraliser, ou mieux,
de spécifier ou de différencier leur prétention à la généralité » 6.

2. Exemple
Les analyses sociologiques du comportement électoral en démocratie
pluraliste offrent plusieurs modèles explicatifs du vote, dont un des plus
célèbre est celui de l' électeur rationnel. A l'opposé des théories déterministes
p r o p o s a n t une vision de « l ' é l e c t e u r c a p t i f », c o n d i t i o n n é par ses
appartenances géographiques, biographiques et sociales, on construit un
modèle stratégique de l'électeur calculateur. Devant une certaine offre
politique affichée avant le scrutin (candidats, partis, programmes), l'électeur
opère un calcul rationnel et adopte une stratégie de vote selon le principe du
rapport coût/avantage. Pour ce faire, il faut qu'il « identifie ses intérêts et
puisse les classer sur une échelle de préférence... {et} aussi qu'il bénéficie
d ' u n e information fiable sur le bilan des sortants et la crédibilité des
promesses de leurs opposants » 7.
Une théorie se juge à ses fruits. Si le modèle de l'électeur rationnel ne
rend pas compte de la totalité des motivations de vote, il présente l'avantage
de bien rendre compte de l'existence des « indécis » en période préélectorale -
qui attendent d'être suffisamment informés pour se décider - ainsi que de celle
des électeurs « volatiles » qui, d'une consultation à l'autre, changent de camp.
Ces deux catégories d'électeurs sont en effet, bien identifiées et caractérisées
grâce aux enquêtes par questionnaire avant et après les élections8.

3. Remarques
Pratiquement, les théories et modèles théoriques sont plus ou moins
élaborés, les concepts clés plus ou moins définis et les propositions plus ou
moins articulées. Dans tous les cas de figure, la tâche préalable du chercheur
est de faire le point sur l'état du savoir dans le domaine étudié en passant en
revue les travaux sur la question ou des questions similaires et sur les
méthodes employées dans ces recherches. Le résultat de cette investigation
préalable se matérialise en bibliographies, notes de lecture, synthèses et bilans
critiques.

6. P. Bourdieu, (avec L.J.D. Wacquant), Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Seuil,
1992, p. 57.
(7) P. Braud, Sociologie politique. L.G.D.J., 1994, p. 300.
(8) Dans la discussion de ce modèle stratégique systématisé par l'américain A. Downs, (An
american theory of democracy, New York, Harper, 1957) P. Braud émet des réserves sur
deux points. La nature des discours politiques de « séduction tous azimuts » n'est pas très
favorable au sérieux et à la rationalité du choix des citoyens. En outre, est critiquable la
notion même de marché, lieu symbolique où s'ajusterait l'offre des professionnels de la
politique et la demande des électeurs. L'analogie est de l'ordre de la métaphore plutôt que de
celui des concepts savants. (P. Braud, op. cit., pp. 301-303).
B. Les hypothèses
L'étape de la formulation d'une hypothèse ou d'un faisceau
d'hypothèses, quelle qu'en soit la forme plus ou moins rigoureuse, est un
moment crucial de la démarche de recherche scientifique.

1. Définitions
• En toute rigueur, l'hypothèse est l'énoncé d'une relation de cause à
effet entre deux ou plusieurs phénomènes sous une forme permettant la
vérification dans la réalité.
Dans cette perspective stricte, les hypothèses sont des transpositions
directes d'une proposition théorique et spéculative dans le monde empirique et
pratique. En appelant variable tout caractère ou facteur susceptible de varier,
l'hypothèse se définit techniquement comme un énoncé formel des relations
attendues entre au moins une variable indépendante (considérée comme
éventuellement explicative) et une variable dépendante (ou variable à expliquer).
• Plus largement, l'hypothèse est une proposition supposée dont les
origines ne découlent pas nécessairement d'une théorie strictement constituée.
Elle peut être le résultat d'observations pratiques de la vie courante. Par
exemple, des observations pratiques faites sur « la liaison apparente entre les
résultats scolaires obtenus par un enfant et le niveau socio-culturel de la
famille » peuvent susciter des hypothèses liées au niveau d'attente des parents
(plus élevé dans le cas où ceux-ci sont plus haut dans l'échelle socio-
culturelle ?), des enseignants (plus exigeants avec certains enfants ?), ou des
enfants eux-mêmes (désireux de se conformer à une norme familiale ?)9.
Elle peut également être le fruit de découvertes fortuites non
directement liées à l'objet principal de certains travaux scientifiques. Les
fameuses analyses de Pavlov sur le conditionnement animal ou humain ont été
menées après que ce dernier ait supposé que certaines sécrétions peuvent être
déclenchées non par la nourriture elle-même mais par une stimulation
quelconque régulièrement associée pendant un certain temps à cette nourriture
et que cette hypothèse ait été vérifiée par la suite10.

2. Qu 'est-ce qu 'une bonne hypothèse ?


Une bonne hypothèse de recherche présente trois qualités. Elle est
valide, précise et provisoire.
• Dans la terminologie savante, la validité est la propriété requise pour
qu'un instrument de mesure corresponde à la fonction qui lui est assignée et
mesure bien ce qu'il est censé mesurer. Toute hypothèse n'est pas recevable.
En tant qu'énoncé permettant à terme une mesure, l'exigence de validité d'une
hypothèse correspond au caractère plausible et cohérent de sa formulation
dans un cadre théorique donné.

9. M. Reuchlin, Les méthodes en psychologie, PUF, 1988, p. 37.


10. M. Reuchlin, op. cit., p. 38.
• U n e h y p o t h è s e de r e c h e r c h e r é p o n d à l ' e x i g e n c e de p r é c i s i o n q u a n d
elle est f o r m u l é e de f a ç o n claire et n o n a m b i g u ë . D a n s bien des cas il ne peut
pas s ' a g i r d ' u n e précision m a t h é m a t i q u e , à la fois c o n c i s e et m o d é l i s é e , m a i s
s e u l e m e n t d ' u n e p r é c i s i o n détaillée d a n s la d é f i n i t i o n des n o t i o n s et la
description des objets.
• Enfin, toute h y p o t h è s e est p r o v i s o i r e . C e n ' e s t pas un résultat ni u n e
affirmation scientifique m a i s u n e p r o p o s i t i o n transitoire. Elle est s u s c e p t i b l e
d ' ê t r e révisée, m o d i f i é e ou m ê m e c a r r é m e n t a b a n d o n n é e en cours de
r e c h e r c h e si e l l e n ' e s t p a s v a l i d é e m a i s i n v a l i d é e p a r l e s r é s u l t a t s d e
l ' e x p é r i e n c e ou l ' a n a l y s e des d o n n é e s produites.

§
LA R É A L I S A T I O N D E LA R E C H E R C H E

U n e fois t e r m i n é le travail de r é f l e x i o n à partir d ' u n socle t h é o r i q u e ,


e x p l i c i t e m e n t ou i m p l i c i t e m e n t avancé, et d ' u n e f o r m u l a t i o n d ' h y p o t h è s e s , la
r e c h e r c h e entre dans u n e p h a s e d ' o p é r a t i o n s pratiques, en laboratoire, sur le
terrain ou à partir de sources d o c u m e n t a i r e s (statistiques, textes, i m a g e s )

A. L e s d o n n é e s : p r o d u c t i o n e t t r a i t e m e n t
S o u s ce terme, il faut c o m p r e n d r e ici toutes les stratégies de p r o d u c t i o n
e t d e t r a i t e m e n t d ' i n f o r m a t i o n s , m e n é e s d a n s u n c a d r e et d e s o b j e c t i f s
s c i e n t i f i q u e s . L ' i n v e n t a i r e d r e s s é p a r R. G i g h l i o n e et B. M a t a l o n p o r t e à
q u a t r e le c h o i x d e s m é t h o d e s à la d i s p o s i t i o n d e s c h e r c h e u r s en s c i e n c e s
sociales : e x p é r i m e n t a t i o n , o b s e r v a t i o n , e n q u ê t e , é t u d e des t r a c e s " .

1. L ' e x p é r i m e n t a t i o n
L ' e x p é r i m e n t a t i o n est la r e p r o d u c t i o n a r t i f i c i e l l e e t r é p é t a b l e d ' u n
p h é n o m è n e d a n s d e s c o n d i t i o n s telles q u ' o n en m a î t r i s e t o u s les p a r a m è t r e s .
Codifiée p a r C l a u d e B e r n a r d ( 1 8 1 3 - 1 8 7 8 ) au milieu du XIXe siècle dans
ses procédures en laboratoire à p r o p o s de la recherche b i o l o g i q u e et médicale,
elle sert de référence de principe d a n s la recherche scientifique en sciences de
l ' h o m m e et de la société, q u e les c h e r c h e u r s s ' e n inspirent ou s ' e n distinguent.
L e c h e r c h e u r établit un plan d ' e x p é r i e n c e d o n t il définit les conditions,
délimite les causes et p r é v o i t les effets. U n e x e m p l e f a m e u x en p s y c h o l o g i e
s o c i a l e , est d o n n é p a r S t a n l e y M i l g r a m q u i r é a l i s e u n e s é r i e d e d i x - h u i t
sessions e x p é r i m e n t a l e s sous la c o n d u i t e d ' u n expérimentateurl2. Celui-ci met

11. R. Ghiglione, B. Matalon, Les enquêtes sociologiques, Théories et pratique, A. Colin,


1988, p. 11.
12. S. Milgram, Soumission à l'autorité. Un point de vue expérimental, Calmann-Lévy,
(1974), 1995. L'expérience est représentée dans le film d'Henri Verneuil, I comme Icare,
(1979) où le héros joué par Yves Montand est invité à y assister en observateur caché. Il ne
s'insurge contre l'inhumanité de la situation qu'à partir du moment où le sujet envoie à
l'élève un « choc électrique » de 150 volts - en apparence - qui entraîne des manifestations
visibles de douleur de la part de ce dernier.
en p r é s e n c e d e u x sujets, un m o n i t e u r et un élève, d a n s une situation a p p a r e n t e
d ' a p p r e n t i s s a g e . Il p r é s e n t e l ' e x p é r i e n c e c o m m e le t e s t d ' u n e n o u v e l l e
m é t h o d e d ' i n c u l c a t i o n des c o n n a i s s a n c e s f o n d é e sur la r é p r e s s i o n d e s erreurs
p a r d e s p u n i t i o n s c o r p o r e l l e s d ' i n t e n s i t é c r o i s s a n t e . E n fait, l ' é l è v e est un
« c o m p è r e », f o r m é à m a n i f e s t e r des m a r q u e s de s o u f f r a n c e croissante au fur
et à m e s u r e du d é r o u l e m e n t de l ' e x p é r i e n c e . L e véritable sujet de l ' e x p é r i e n c e
est la p e r s o n n e v o l o n t a i r e et naïve, p l a c é e en position d e m o n i t e u r d o n t on
o b s e r v e les c o m p o r t e m e n t s d ' o b é i s s a n c e ou de r é b e l l i o n à la r è g l e fixée au
d é p a r t et a u x e n c o u r a g e m e n t s de l ' e x p é r i m e n t a t e u r .
L ' e x p é r i m e n t a t i o n r e p r é s e n t e la f o r m e la plus a b o u t i e de la m é t h o d e
e x p é r i m e n t a l e d é f i n i e c o m m e la d é m a r c h e s c i e n t i f i q u e qui c o n s i s t e à
p r o v o q u e r des o b s e r v a t i o n s en v u e de c o n t r ô l e r des h y p o t h è s e s . E n dehors du
laboratoire, la m é t h o d e e x p é r i m e n t a l e f o n d e un certain n o m b r e de m é t h o d e s
d ' o r g a n i s a t i o n d e s d o n n é e s et d ' a n a l y s e , en p a r t i c u l i e r d a n s le t r a i t e m e n t
c o m p a r a t i f de d o n n é e s statistiques.

2. L ' o b s e r v a t i o n
C o m p a r é e à la m é t h o d e p r é c é d e n t e de l ' e x p é r i m e n t a t i o n et p a r
opposition avec celle-ci, l ' o b s e r v a t i o n peut être définie c o m m e r e g a r d
s y s t é m a t i q u e p o r t é s u r u n e s i t u a t i o n sans q u e celle-ci soit modifiée.
P r é c i s o n s q u e c e t t e d é f i n i t i o n r e s t r i c t i v e de la n o t i o n d ' o b s e r v a t i o n
c o r r e s p o n d , d a n s d ' a u t r e s s y s t è m e s d e t e r m i n o l o g i e à ce q u i e s t n o m m é
o b s e r v a t i o n d i r e c t e (voir e n c a d r é infra).
L e s i n f o r m a t i o n s sont c o l l e c t é e s p a r l ' o b s e r v a t e u r à p a r t i r d ' u n p l a n
d ' o b s e r v a t i o n p r é v o y a n t les faits p e r t i n e n t s à e n r e g i s t r e r . P a r e x e m p l e , u n e
r e c h e r c h e sur les lieux de convivialité d e s p e r s o n n e s â g é e s peut c o n c e v o i r des
p l a n s d ' o b s e r v a t i o n des c a f é s précisant, d u r a n t u n laps de t e m p s d o n n é , les
e n t r é e s et sorties d e s clients, h a b i t u é s ou non, les t y p e s de c o n s o m m a t i o n s , de
c o n v e r s a t i o n s , de j e u x , le c o m p o r t e m e n t des serveurs, etc. C e p e n d a n t , il faut
s o u l i g n e r q u ' u n e d e s s p é c i f i c i t é s d e la m é t h o d e e s t de l a i s s e r l a r g e m e n t
o u v e r t e la possibilité de c o n s t a t e r l ' i n a t t e n d u et d ' e n r e g i s t r e r l ' i m p r é v u , d a n s
la situation précise o b s e r v é e .

3. L ' e n q u ê t e
L ' e n q u ê t e est u n e p r o c é d u r e de r e c h e r c h e c o n s i s t a n t à recueillir
d a n s u n b u t de généralisation des informations verbales p a r interrogation
d ' u n e p o p u l a t i o n d ' i n d i v i d u s . L ' e n q u ê t e u r q u e s t i o n n e des personnes
choisies sans « a v o i r le désir explicite de m o d i f i e r la situation », ce qui ne veut
pas dire sans effet du tout.
L a v o g u e des e n q u ê t e s p a r s o n d a g e a u p r è s d ' é c h a n t i l l o n s représentatifs
de la p o p u l a t i o n , s p é c i a l e m e n t les e n q u ê t e s d ' o p i n i o n à p r o p o s d ' é v é n e m e n t s
ou de faits de société et les s o n d a g e s p r é - é l e c t o r a u x l a r g e m e n t diffusés dans la
p r e s s e e x p l i q u e la p a r t i c u l i è r e visibilité s o c i a l e de ces t e c h n i q u e s .
L ' i m p o r t a n c e d e s e n q u ê t e s p a r entretien de r e c h e r c h e n ' e s t pas m o i n s grande.
Il p a r a î t a u c o n t r a i r e q u e c e t a u t r e t y p e d ' a p p r o c h e p a r e n q u ê t e n o n
s t a n d a r d i s é e des faits s o c i a u x p r e n d u n e part de plus en plus i m p o r t a n t e dans
la g a m m e des m é t h o d e s de p r o d u c t i o n d e s d o n n é e s à des fins de r e c h e r c h e
scientifique. B i e n s o u v e n t , m a l g r é ses d é f a u t s , l ' e n q u ê t e est le seul m o y e n
d ' o b t e n i r des i n f o r m a t i o n s sur u n e g r a n d e variété d e c a r a c t è r e s p e r s o n n e l s ,
d ' o p i n i o n s et de c o m p o r t e m e n t s d ' u n m ê m e individu, i m p o s s i b l e à o b t e n i r par
l ' o b s e r v a t i o n ou en laboratoire.

4. L ' é t u d e d e s t r a c e s
D a n s ce c o n t e x t e , l e s t r a c e s s o n t t o u s l e s d o c u m e n t s , s o u r c e s
statistiques, textes, images, objets, p r é e x i s t a n t à la r e c h e r c h e , s i m p l e m e n t
i n v o q u é s e t n o n p r o v o q u é s c o m m e m a t é r i e l d ' a n a l y s e . P o u r R. G h i g l i o n e
e t B. M a t a l o n , l ' é t u d e d e s t r a c e s p e u t ê t r e c o n s i d é r é e c o m m e u n e f o r m e
d ' « o b s e r v a t i o n d i f f é r é e q u i p a r n é c e s s i t é n e s a i s i t p a s d i r e c t e m e n t le
p h é n o m è n e intéressant mais u n i q u e m e n t certaines de ses c o n s é q u e n c e s » sous
u n e f o r m e verbale, iconique, m o n u m e n t a l e , etc.
L a qualité m a j e u r e des traces est d ' ê t r e saisie p a r des m é t h o d e s dites
n o n r é a c t i v e s qui s u p p r i m e n t d ' e m b l é e l ' é p i n e u x p r o b l è m e de l ' i n t e r a c t i o n
entre le s u j e t - c h e r c h e u r ( e x p é r i m e n t a t e u r , o b s e r v a t e u r , e n q u ê t e u r ) et le sujet
ou l ' o b j e t a n a l y s é . C e l a ne veut p a s dire q u e la q u e s t i o n d e s i n t e r f é r e n c e s
s u b j e c t i v e s n ' e x i s t e n t pas. Le matériel est l ' o b j e t d ' u n c h o i x , son m o d e de
t r a i t e m e n t aussi. D e p l u s , c o m m e le s i g n a l e les a u t e u r s q u e n o u s c i t o n s ,
« c e r t a i n e s traces c o m m e p a r e x e m p l e les statistiques officielles sont elles-
m ê m e s des produits sociaux d o n t la validité peut être q u e s t i o n n é e » l3.

L'observation
Éclairages terminologiques

La notion d'observation n'est pas univoque. Elle prend des sens


différents selon qu'elle est employée au sens banal ou scientifique du
terme. Dans ce dernier cas, elle recouvre des réalités différentes selon le
contexte où elle est utilisée.
L'OBSERVATION AU SENS COURANT DUTERME
Au sens courant du terme, l'observation est « l'action de considérer
avec une attention suivie la nature, l'homme, la société afin de mieux les
connaître » (Dictionnaire Robert). Cette attitude d'examen et de jugement
s'opère spontanément et, le plus souvent sans interrogation préalable et
critique de ses propres convictions, prénotions et préjugés.
L'OBSERVATION AUSENS SCIENTIFIQUE DUTERME
L'observation scientifique se distingue de l'observation courante et
spontanée par son caractère rigoureux et construit. Le type d'opération
qu'elle caractérise diffère selon qu'elle est considérée comme un des
types de position méthodologique ou comme une étape dans le cycle de
la recherche.

13. R. Ghiglione, B. Matalon, op. cit., p. 12.


* L'observation définie c o m m e position m é t h o d o l o g i q u e
Au s e n s m é t h o d o l o g i q u e du terme, l'observation s e c a r a c t é r i s e par le
fait qu'elle porte s u r d e s faits contrôlables s a n s volonté d e les modifier.
Observation contre e x p é r i m e n t a t i o n
L'observation c a r a c t é r i s e t o u t e s les positions m é t h o d o l o g i q u e s a u t r e s
q u e celle de l'expérimentation, cette dernière impliquant une action
d ' i n t e r v e n t i o n d a n s le r é e l e t d e m a n i p u l a t i o n d e s v a r i a b l e s
indépendantes.
O b s e r v a t i o n directe ou indirecte
L ' o b s e r v a t i o n d i r e c t e e s t c e l l e où le c h e r c h e u r l u i - m ê m e p r o c è d e
d i r e c t e m e n t au recueil d e s d o n n é e s s a n s s ' a d r e s s e r a u x s u j e t s c o n c e r n é s
et qu'il enregistre selon un plan et u n e grille d'observation p r é a l a b l e m e n t
é l a b o r é e . L ' o b s e r v a t i o n i n d i r e c t e ( l ' e x p r e s s i o n e s t r a r e m e n t utilisée)
c o r r e s p o n d à t o u s les c a s où le c h e r c h e u r s ' a d r e s s e a u x p e r s o n n e s
c o n c e r n é e s et le q u e s t i o n n e ( e n q u ê t e p a r q u e s t i o n n a i r e ou entretien).

* L ' o b s e r v a t i o n d é f i n i e c o m m e é t a p e d a n s le p r o c e s s u s d e r e c h e r c h e
Du point d e v u e d e la p r o c é d u r e à suivre pour m e n e r u n e r e c h e r c h e , le
t e r m e d'observation e s t e m p l o y é d a n s un s e n s large ou étroit.
L'observation, intermédiaire entre les h y p o t h è s e s et la généralisation
Au s e n s large du t e r m e , l'observation qualifie l'étape d e confrontation
a u réel, e n t r e l'opération d e formulation d e s h y p o t h è s e s e t celle d e la
généralisation s o u s forme d e résultats confirmés et extrapolables, de lois
scientifiques, etc.
O b s e r v a t i o n d e s d o n n é e s contre traitement d e s d o n n é e s
Au s e n s plus étroit, par opposition à celles du traitement, l'observation
d é s i g n e les d i v e r s e s m o d a l i t é s d e c o l l e c t e / p r o d u c t i o n d e s d o n n é e s :
l'administration d e s q u e s t i o n n a i r e s d a n s le s o n d a g e d'opinion, la conduite
d e s e n t r e t i e n s a v e c d e s i n f o r m a t e u r s d a n s l ' e n q u ê t e d e t e r r a i n , la
consultation d'archives, les relevés statistiques, etc.

* Formes particulières de l'observation en sciences sociales


O b s e r v a t i o n participante o u d é s e n g a g é e ?
L ' o b s e r v a t i o n p a r t i c i p a n t e e s t le fait d ' u n c h e r c h e u r qui s ' i n t è g r e
e x p l i c i t e m e n t à un g r o u p e , un comité, u n e institution ou t o u t e e s p è c e
d'unité sociale qu'il o b s e r v e d e l'intérieur. P a r exemple, l'ethnologue qui
vit au sein du village ou de la tribu dont il a p p r e n d la langue, p a r t a g e les
travaux, suit les c é r é m o n i e s rituelles. Il agit c o m m e o b s e r v a t e u r intégré.
Au contraire, l ' o b s e r v a t i o n d é s e n g a g é e e s t le fait du c h e r c h e u r qui
reste délibérément extérieur aux p h é n o m è n e s sociaux, objets de son
analyse.
Observation a v o u é e ou inavouée ?
C e t t e observation d é s e n g a g é e peut ê t r e a v o u é e ou inavouée. D a n s la
situation d ' o b s e r v a t i o n a v o u é e , le c h e r c h e u r s ' a n n o n c e , s e p r é s e n t e et
agit o u v e r t e m e n t . C e t t e attitude e s t conforme à u n e stricte déontologie d e
la r e c h e r c h e . Elle p r é s e n t e e n o u t r e l ' a v a n t a g e d ' é v i t e r c e r t a i n e s
confusions, e n t r e a u t r e s celle d'être c o n s i d é r é c o m m e un journaliste à
l'égard duquel il convient d ' a d o p t e r u n e attitude calculée. D a n s la situation
d'observation i n a v o u é e le c h e r c h e u r travaille en s e c r e t , dissimulant s e s
outils d ' e n r e g i s t r e m e n t ( c a m é r a , m a g n é t o p h o n e ) ou s e dissimulant lui-
m ê m e , p a r e x e m p l e derrière u n e g l a c e s a n s tain. D a n s les d e u x
situations, le c h e r c h e u r e s t un o b s e r v a t e u r distancié.

B. La généralisation
La généralisation est l'opération intellectuelle par laquelle on passe
de propositions spéciales à de plus généralesl4. Dans le cycle de la
recherche, ce qui a été validé et prouvé dans la phase de production traitement
de données particulières est pensé comme applicable à un ensemble.
1. Le principe
Dans les sciences de la nature et sous certaines conditions, le résultat
d'une expérience, éventuellement renouvelée ou menée parallèlement à une
expérience témoin, est généralisé à la classe de faits à laquelle appartient le fait
soumis à expérience. Quand Pasteur veut faire la démonstration de
l'impossibilité d'apparition du vivant par génération spontanée (théorie encore
admise à l'Académie des sciences de Paris dans les années 1860), il organise
une expérience en laboratoire : à côté des classiques ballons de verre servant de
témoins où, au contact de l'air se développent des micro-organismes,
l'expérience se déroule dans des récipients où est assuré une totale stérilité du
milieu liquide, support de l'expérience. L'absence de toute formation
d'organismes vivants dans ce milieu aseptique apporte confirmation du bien-
fondé de l'hypothèse. Appuyé sur ce constat expérimental, Pasteur procède à
une généralisation des résultats à l'ensemble de la reproduction du vivant. Par
contrecoup, la vieille théorie de la génération spontanée est invalidée.
2. La situation des sciences sociales
En sciences sociales, les modalités de la généralisation varient avec les
techniques de production et de traitement des données. L'exemple le plus
caractéristique est celui de l' enquête par sondage sur un échantillon
représentatif d'individus dont les informations sont produites de façon
standardisées (par questionnaire structuré) et les résultats extrapolés à
l'ensemble de la population mère.
À l'opposé sur l'échiquier des méthodes, l' étude de cas procède par
approche monographique d'objets particuliers : une école, un ministère, une
tribu, un village. Choisi comme exemple typique d'un fait social donné,
chaque cas est examiné dans sa totalité et sa profondeur avec le même objectif
final de totalisation objective.

14. A. Cuvillier, Vocabulaire philosophique, A. Colin.


On peut dire que le cas est choisi pour son caractère représentatif, non
pas au sens statistique mais au sens sociologique du terme. Son étude offre la
possibilité « de préciser les conditions sociologiquement pertinentes de la
représentativité, puisque s'attachant à décrire les processus concrets de la
formation des rapports sociaux ou de l'évolution des institution, elle met à
jour les facteurs les plus importants, les moments de rupture les plus
déterminants, du moins pour chaque objet étudié. Dès lors la généralisation
devient possible puisque l'on voit clairement en quoi chaque cas est
particulier » Il.

C. Les deux modes d'entrée d a n s le cycle


Raisonnement hypothético-déductif ou approche inductive

Le cycle de la connaissance scientifique


2. Processus

15. F. Zonabend, « Du texte au prétexte. La monographie dans le domaine européen »,


Études rurales, 97-98, 1992, p. 35, cité par J. Hamel, « La méthode de cas en sociologie et en
anthropologie. Les développements contemporains de la méthodologie qualitative », Revue
de l'Institut Solvay, 1994, p. 227.
L e p a r c o u r s de p r i n c i p e est simple. À p a r t i r d ' u n e t h é o r i e ou au m o i n s
d ' u n m o d è l e t h é o r i q u e , le c h e r c h e u r é l a b o r e d e s h y p o t h è s e s q u ' i l s o u m e t à
é p r e u v e e n p r o d u i s a n t d e s d o n n é e s o u o b s e r v a t i o n s e m p i r i q u e s d o n t le
r é s u l t a t le c o n d u i t à u n e g é n é r a l i s a t i o n s o u s f o r m e d e p r o p o s i t i o n s et
é v e n t u e l l e m e n t de lois qui confortent, n u a n c e n t ou r e n v e r s e n t la théorie de
départ. Il p r i v i l é g i e la mise en œ u v r e idéale d ' u n r a i s o n n e m e n t h y p o t h é t i c o -
d é d u c t i f qui fait p a s s e r d e s p r i n c i p e s a u x c o n s é q u e n c e s qui en r é s u l t e n t p a r
r a p p o r t à u n e d é m a r c h e i n d u c t i v e o u la r é f l e x i o n p a s s e des cas singuliers ou
s p é c i a u x à des p r o p o s i t i o n s plus g é n é r a l e s , o u des faits à la loi d ' o r g a n i s a t i o n
de ces faits.
D a n s le s c h é m a c i - d e s s u s , la p r e m i è r e d é m a r c h e a m o r c é e en (A),
c o r r e s p o n d au m o d è l e h y p o t h é t i c o - d é d u c t i f de la r e c h e r c h e et s u p p o s e u n e
théorie explicitement énoncée, caractéristique des disciplines à longue
t r a d i t i o n de r e c h e r c h e . E n l ' a b s e n c e de t h é o r i e e x p l i c i t e , la d é m a r c h e est
p r i n c i p a l e m e n t i n d u c t i v e (B) mais non e x c l u s i v e m e n t . E n effet, le c h o i x de ce
qui est o b s e r v é r e p o s e s u r u n e idée de d é p a r t a p p a r t e n a n t à un s y s t è m e de
p e n s é e implicite. A u t r e m e n t dit « a u c u n e r e c h e r c h e ne part de zéro : toute
a c t i v i t é s c i e n t i f i q u e p a r t i c i p e à un p r o c e s s u s c u m u l a t i f d ' a c q u i s i t i o n d e s
c o n n a i s s a n c e s » l6.
C e r t a i n e s r e c h e r c h e s d a n s des d o m a i n e s peu e x p l o r é s ou m e n é e s selon
des c o n c e p t i o n s m o i n s classiques, a b o r d e n t le cycle de la c o n n a i s s a n c e à cette
p h a s e du cycle. L a d é m a r c h e i n d u c t i v e est alors privilégiée. C ' e s t ce qui se
p a s s e d a n s la m é t h o d e d é j à citée des é t u d e s de cas, où d o m i n e la v i s é e de
c o m p r é h e n s i o n de la structure et de la d y n a m i q u e p r o p r e à c h a q u e e x e m p l e .
Là, le c h e r c h e u r tente « de cerner p a r une o b s e r v a t i o n flottante, p e u focalisée,
la p r é s e n c e ou l ' a b s e n c e de signes attendus et reste attentif à des é v é n e m e n t s
n o n p r é v i s i b l e s » 17. C ' e s t a p o s t e r i o r i q u ' i l t e n t e r a de d é g a g e r c e r t a i n e s
régularités et a v a n c e r a des h y p o t h è s e s .
R e c o n n a i s s o n s e n g u i s e d e c o n c l u s i o n c r i t i q u e q u e les p r a t i q u e s
c o n c r è t e s s o n t s o u v e n t é l o i g n é e s de ce s c h é m a idéal, a u q u e l on se r é f è r e
c e p e n d a n t c o m m e un fil d ' A r i a n e c o n c e p t u e l , fixant des points de repères.
« Ceci est d ' a i l l e u r s significatif de l ' é t a t actuel des sciences sociales. En
physique, les problèmes, les hypothèses proviennent d ' u n corps a n t é r i e u r de
connaissances et de théories, au moins dans le c a d r e de ce que T.S. Kuhn
appelle la « science normale », c 'est à dire celle qui se développe en dehors
des périodes de crise où les difficultés les amènent souvent à remettre en
cause des parties importantes de l'acquis
On le sait bien dans les sciences sociales, les idées, les hypothèses viennent
d ' o ù elles peuvent : il n ' y a aucune règle à ce propos, tous les moyens sont
bons. Elles peuvent être déduites rigoureusement d ' u n e théorie, p r o v e n i r
d ' u n p r o b l è m e p r a t i q u e ou d ' u n étonnement d e v a n t tel a s p e c t de la vie

16. A.-P. Contandriopoulos, Savoir préparer une recherche, la définir, la structurer, la


financer, Les presses de l'Université de Montréal, 1990, p. 25.
17. J. Massonat, Les techniques d'enquêtes en sciences sociales, « Observer », Dunod, 1987,
p. 40.
quotidienne, p e u importe. Tout l'effort de r i g u e u r scientifique p o r t e s u r les
méthodes à mettre en œuvre une f o i s le problème posé. »
R. Ghiglione, B. Matalon, Les enquêtes sociologiques. Théories et pratique,
A. Colin, 1988, p. 20.

L a d e r n i è r e p h r a s e de ce p r o p o s c o n s t i t u e un c o n s t a t d é s e n c h a n t é sur les
possibilités de r e c h e r c h e scientifique en sciences sociales m a i s aussi bien u n e
j u s t i f i c a t i o n lucide de l ' e n t r e p r i s e de f o r m a t i o n a u x m é t h o d e s et t e c h n i q u e s
qui la font a v a n c e r .
CHAPITRE 2

Pratiques
Trois a p p r o c h e s d e la r u m e u r

1. Une recherche de terrain :


La rumeur d'Orléans

2. Des approches expérimentales :


Rumeur réelle et rumeur simulée

3. Une analyse narrative :


Une rumeur de presse
§2 L'administration du questionnaire par téléphone 81
A. Avantages du téléphone 81
B. Inconvénients du téléphone 82
§3 L'auto-administration du questionnaire 84
A. L'auto-administration d'un questionnaire diffusé par
un agent 84
B. L'auto-administration d'un questionnaire envoyé
par la Poste 85

CHAPITRE 4
L'échantillon. Choisir la population d'enquête 89
Section 1 Présentation d'ensemble 91
A. Principes généraux 91
B. Terminologie de base 94
Section 2 Le sondage probabiliste 95
§1 Principes et procédures 96
A. Le tirage systématique 97
B. Exemple : un sondage aléatoire dans la commune
de Champigny 97
§2 Procédés pour améliorer le tirage des échantillons ... 98
A. Le tirage par grappe 99
B. Le tirage par degré 100
C. L'échantillon stratifié 100
§3 Un exemple de « manipulation » de la technique de
sondage 101
A. La contestation des résultats d'une enquête
périodique pour le compte du Centre d'étude
des supports de publicité 101
B. La fraude au sondage 102
Section 3 Le sondage empirique, la méthode des quotas . 104
§1 Principe 104
A. Définition 104
B. Conditions nécessaires 105
§2 Procédure de construction de l'échantillon par quotas . 106
A. Description des opérations préalables au travail
de terrain 106
B. Exemple : un plan de sondage pour la ville
de Grandmont 107
C. Le travail sur le terrain ................................................ 108
CHAPITRE 5
Le traitement d e s d o n n é e s
Produire d e s r é s u l t a t s 111

Section 1 Les opérations préalables 113


§1 Le contrôle de la qualité d e s questionnaires remplis .. 113
§2 Le codage des réponses aux questions fermées 115
§3 Le codage des réponses aux questions ouvertes 117
Section 2 Les traitements élémentaires 120
§1 Le tri à plat 121
§2 Le tri croisé 124

Section 3 Les traitements complémentaires 131


§1 Vue d'ensemble de l'analyse des données 132
A. Les objectifs 132
B. La gamme des méthodes 132
§2 Une typologie de la jeunesse à partir de
la consultation des jeunes de 1994 135
A. Résultats des traitements élémentaires 135
B. L'analyse typologique 137

-" ' 1 "—1 1 1 —"— — "<*'1 -- - 1••• 'I


| TROISIÈME PARTIE ]
L'enquête par entretien d e r e c h e r c h e 141

CHAPITRE 6
La réalisation d e l'entretien. Travail d e terrain 143

Section 1 Principes 147


§1 La non-directivité 148
A. Le résultat d'une double rupture 148
B. La proposition d'une nouvelle attitude 149
C. Les types d'entretien de recherche : non directifs,
semi-directifs, directifs 150
§2 Le contrat de communication 151
A. Le contrat initial 152
B. Le contrat de fond ...................................................... 153

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