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Bank Islamique Au Maroc

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BANQUES ISLAMIQUES AU MAROC :

DISPOSITIFS, DEFIS ET PERSPECTIVES


Razane CHROQUI
Université Hassan 1er – Settat
LAMSAD, Ecole Supérieure de Technologie
Email : chroqui@yahoo.fr

Résumé

Le développement économique dans plusieurs pays est étroitement lié au rôle joué par les
établissements bancaires. Avec le développement de la finance islamique, il est devient
primordial de s’interroger sur les dispositifs (fonctionnement, produits, gouvernance) à mettre
en place pour que les banques islamiques puissent atteindre leurs objectifs en termes
d’efficience et de performance. Elle constitue le noyau dur de la finance islamique. Elles
dominent les processus d’épargne et d’investissement (Ben Daoud, 2013). Ainsi, quel mode
de gouvernance faut-il mettre en place afin que la banque islamique puisse pour accompagner
le développement du système financier et économique ? Quels produits et/ou services doit-
elle proposer pour servir une économie en pleine croissance ?
En la matière, l’économie marocaine est en retard par rapport à plusieurs autres pays.
En effet, nous ne pouvons parler de banques islamiques au Maroc qu’à partir de l’adoption la
loi sur l’exercice de la finance islamique. Les directives de Bank Al-Maghrib, en 2007,
traitaient des produits islamiques (seulement quelques un sont commercialisés par la filiale de
la banque marocaine Dar Assafaa). En 2014, la banque centrale prépare un projet de loi
relatif aux banques islamiques nommées « participatives » adopté à l’unanimité par le
parlement marocain au mois de juin 2014. Il vise la mise en place d’un cadre réglementaire
cohérent régissant les banques participatives afin de contribuer, d’une part, à plus de
mobilisation de l’épargne et à une amélioration du taux de bancarisation. Il a pour but
d’impulser un levier de développement économique dans le pays.
Ce travail apportera quelques éléments de réponse à travers une analyse portant, dans un
premier temps, sur les particularités relatives au mode de gouvernance et de fonctionnement
des banques islamiques. Dans un deuxième temps, il tracera l’évolution de la finance
islamique marocaine en mettant en exergue les défis à relever pour réussir cette expérience.

Mots Clés : banque islamique « participative » – gouvernance- Chariaa Board – efficience-


stabilité.
Classification JEL : G21, Z12, O16.
0
BANQUES ISLAMIQUES AU MAROC:
DISPOSITIFS, DEFIS ET PERSPECTIVES

La finance islamique1 apparaît de jour en jour comme une alternative intéressante à la finance
conventionnelle. Les Etats, qu’ils soient d’Orient ou d’Occident, sont de plus en plus nombreux à
s’y intéresser. Face à ce développement, il est devient primordial de s’interroger sur les
dispositifs (fonctionnement, produits, gouvernance) à mettre en place pour que les banques
islamiques puissent atteindre leurs objectifs.
Ben Daoud (2013) affirme que théoriquement, l’existence de marchés financiers islamiques
efficients permettant la conclusion de contrats financiers optimaux exclut toute intermédiation. Or,
l’observation de la réalité témoigne de l’importance de l’intermédiation des banques islamiques.
Donc, le rôle de la banque islamique est similaire à ce lui des banques conventionnelle :
l’intermédiation financière et le financement de l’économie. A ce titre, elle va donc, d’un côté,
collecter les dépôts auprès des agents économiques qui en disposent et, d’un autre côté, les
mettre à disposition de ceux qui en ont besoin. Elle s’adresse aux agents économiques tels
que : les particuliers, les entreprises et autres personnes morales ainsi les Etats. Elle va offrir à
chacun, en fonction de ses besoins, toute une gamme de services.
Toutefois, son mode de fonctionnement et de gouvernance est bien évidement présentera
des particularités et des caractéristiques dans la mesure où elle doit respecter d’autres
principes (chariâatiques). Nous allons aborder dans un premier temps les spécificités des
banques islamiques en termes de principes et mode de gouvernance. Dans un deuxième
temps, nous présenterons l’expérience du Maroc dans le domaine (défis à relever, et
perspectives).

I- Fonctionnement et mode de gouvernance des banques islamiques


Le fonctionnement des banques islamiques repose sur les principes dictés par le Coran, la
loi islamique (chariaa), sa jurisprudence (fiqh) et sa tradition (sunna). Ces principes se basent
sur « un droit de propriété » fondé sur le travail, l’héritage et/ou l’échange, sur une utilisation
juste du capital, sur un rapport équitable des cocontractants face à l’incertitude et aux risques
(spéculation hasardeuse et dangereuse), sur la conformité des projets financés aux préceptes
1
Mohamed Bechir Ould Sass définit la finance islamique comme un nouveau système financier dont la
conceptualisation se construit autour d’une subtile conjugaison entre l’économie, l’éthique et le droit
musulman des affaires commerciales. Ses finalités résident dans la volonté de faire en sorte que les produits
financiers soient compatibles avec les principes juridico-éthiques de l’Islam. » (source : Pr Mohamed Bechir
Ould Sass dans le rapport AIDIMM-IFAAS, « Finance islamique, zoom sur la France », 2011).

1
de l’Islam et sur l’adossement des financements à un actif réel.
La banque islamique intervient directement dans les différentes opérations dans
lesquelles elle « participe » ou elle « finance ». La rémunération à percevoir dépend de la
nature de son intervention dans l’opération : copropriétaire, locataire, commerçant, etc. Ce
mode de fonctionnement est justifié par le rôle attribué à la monnaie dans l’Islam ; la monnaie
n’est qu’un moyen d’échange et non objet de transaction2. Les règles auxquelles obéissent les
banques islamiques se présentent comme suit :
- l’interdiction du riba ;
- l’interdiction gharar et du maysir ;
- l’interdiction des investissements illicites ;
- le partage des pertes et des profits ;
- l’adossement de toute opération financière à un actif tangible.
Ainsi, les banques islamiques doivent offrir ses produits et ses services tout en
respectant les contraintes imposées par la gouvernance des banques conventionnelles et les
principes édictés par la chariaa. Les principaux produits bancaires islamiques peuvent se
présenter selon qu’il s’agit d’un contrat de société, d’un contrat de vente ou d’une opération
sans contrepartie. La Moudaraba et la Moucharaka constituent des contrats de société. Dans
ce cadre, la banque intervient entant que copropriétaire et sa rémunération est liée à son
apport au financement du projet (principe de partage de perte et profit). La Mouraba, le salam,
l’Ijar, l’Istisnaa constituent des contrats de vente basés sur l’application d’une marge
bénéficiaire et sur l’adossement du financement à un actif réel. Il s’agit d’une prestation de
commercialisation (la Moudoraba), de location de biens préalablement acquis par elle (l’Ijar),
d’achat/vente immédiat de biens et services avec règlement/livraison dissociés (Salam) et de
fabrication/construction de biens meubles ou immeubles par ses soins ou par des tiers
(l’Istisnaa). Alqard-hassan constitue un prêt islamique sans contrepartie. C’est un contrat non
rémunéré, effectué dans un but humanitaire ou de bienfaisance. Les modalités de
remboursement sont prévues par les parties au moment de l’octroi du prêt.

2
Selon un Hadith, fréquemment cité, le Prophète aurait interdit l’échange en quantités inégales de l’or, de
l’argent, du blé, de l’orge, des dattes et du sel (« or pour or, argent pour argent, etc. »), ce qui a largement été
interprété comme une interdiction du prêt à intérêt lui-même (Schacht, 1994).

2
Récapitulatif des principaux produits islamiques
Type de contrat Instruments Caractéristiques

Moudaraba Financement avec une clef de répartition des


pertes et profits prédéterminée.
La gestion du projet est réalisée par le client. Le
partage des bénéfices est convenu d’avance entre
les parties et les pertes sont supportées par
Contrat de société l’apporteur du capital (la banque) sauf s’il y a
négligence de la part du client.
Ou
Forme de capital investissement où la banque
Financement s’engage à financer un projet, et à en partager les
Moucharaka profits et les pertes qui en découlent en fonction
participatif d’un ratio préétabli.
Les cocontractants apportent une part dans le
capital mais l’un d’entre eux s’occupe de la
gestion du projet. Le partage des bénéfices est
effectué, en principe, enfin de contrat (avec
éventuellement un versement périodique d’une
somme fixe au gérant, à titre d’avance, le montant
versé venant en déduction des profits à verser
ultérieurement).
Mourabaha un contrat de vente dans lequel le vendeur
informe l’acheteur du coût d’acquisition du bien
Contrat de vente et négocie avec lui une marge de profit (prix,
marge incluse, redevances habituellement payées
Ou en versements échelonnés).
Relatif à des Toutes les clauses sont fixées d’avance : le prix de
revient, la marge bénéficiaire (qui reste inchangée
opérations dans le cas d’un retard du paiement) et délai de
paiement.
commerciales
Salam un contrat de vente comptant avec une livraison
(application de différée de la marchandise. La Banque
marge bénéficiaire) n’intervient pas comme vendeur à crédit de la
marchandise acquise sur commande de son client,
mais comme acquéreur, avec paiement comptant
d’une marchandise qui lui sera livrée à terme par
son partenaire.
Contrat de construction d’un ouvrage mobilier ou
immobilier moyennant un prix payable d’avance :
Istisnaa c’est un contrat d’entreprise en vertu duquel une
partie (al mostasnii) demande à une autre (assanii)
de lui fabriquer ou construire un ouvrage
moyennant une rémunération payable d’avance,
de manière fractionnée ou à terme (une variante

3
qui s’apparente au contrat Salam sauf que l’objet
de la transaction porte, dans ce cas, sur la
livraison d’un produit fini et non une marchandise
acheté en l’état).

Contrat de Achat/location d’un bien avec/sans promesse de


vente et/ou de renouvellement de contrat de
vente/location Ijar location à terme.

Prêt non Alqard-hassan Prêt sans intérêt.


rémunéré

Ces produits ne sont que le fruit de la mise en place d’un ensemble de règles imposées
par la chariaa. Avant de présenter ce mode de gouvernance, il nous paraît judicieux de
souligner que le fonctionnement de toute banque, vu que son activité (intermédiation) est
affectée par, essentiellement, deux facteurs : l’asymétrie informationnelle et la réglementation
bancaire.
L’asymétrie informationnelle
L’asymétrie informationnelle est particulièrement prononcée dans les banques. Caprio
et Levine (2002) affirment que l’opacité des banques correspond à la difficulté de déterminer
leur performance actuelle. Elle est liée à la non-observabilité de la qualité des actifs bancaires
(prêts) et potentiellement manipulable par les dirigeants. En effet, La faible transparence des
banques est la source des problèmes d’agence : investisseurs insiders-outsiders. Il est difficile
pour les actionnaires et les bailleurs de fonds de contrôler les dirigeants. Ces derniers, ainsi
que les actionnaires dominants « large investors », au lieu de maximiser la valeur de la firme,
peuvent tirer profit du manque d’information de leurs partenaires. Ce comportement
opportuniste des « insiders » peut se manifester par l’octroi de crédits à des taux d’intérêt
élevés pour des agents en difficulté, augmentant de facto leurs revenus d’intérêts. L’excès de
risque, qui en découle, affecterait la richesse des bailleurs de fonds.
La mise en place et l’application des règles édictées par la chariaa, particulièrement
interdiction du riba, affecteront l’ampleur de cette asymétrie informationnelle. Par exemple,
dans le cadre de la Moucharaka et la Moudaraba (des contrats participatifs à caractère
informationnel intensif et à forte exigence de surveillance), Ben Daoud (2013) affirme que
l’intermédiation participative offre une solution aux problèmes d’asymétrie d’information ex
ante (problème de sélection adverse). Les engagements de la banque islamique lors des
contrats de partenariat (Moucharaka et Moudaraba), constituent d’importants signaux et

4
indicateurs informationnels de la réalité de l’entreprise. Le choix des projets affecte non
seulement la rentabilité de la banque mais aussi les rémunérations de ses déposants-
investisseurs.
Quant aux problèmes d’aléa moral, il se pose plus dans le cadre de la Moudaraba
(relativement à la Moucharaka où les partenaires interviennent dans la gestion du projet3). La
banque serait amenée à imposer des contraintes supplémentaires et à engager plus de coûts de
contrôle. L’agent n’est pas complètement supervisé et le niveau de son effort ne peut pas faire
l’objet du contrat. En effet, les motivations de l’entrepreneur à des agissements frauduleux
sont plus fortes dans la mesure où il ne subit pas de pertes. Ahmed (2002) affirme que des
clauses contractuelles « incitatives » imposant des pénalités en cas de mauvais comportement
peuvent résoudre ce problème d’asymétrie informationnelle ex-post. Toutefois, les
financements basés sur les principes des 3 P s’inscrivant dans la durée peuvent bénéficier de
la réputation, et par conséquent la surveillance peut devenir auto-réalisée. Plusieurs auteurs
considèrent que les règles de fonctionnement des banques islamiques instaurent un niveau de
confiance plus élevé et qui est en mesures de réduire les problèmes d’asymétrie
informationnelle (Khalil, Rickwood et Murinde, 2002).
La réglementation bancaire
La réglementation bancaire (des banques traditionnelles) comprend la surveillance
prudentielle, l’autorisation ou l’accord préalable pour les fusions acquisitions…
Fondamentalement, elle consiste à assurer la stabilité du secteur bancaire. Elle instaure des
dispositions légales et réglementaires pour encadrer le mode de direction et de gestion des
banques. Elle a pour objectif le renforcement des exigences visant à répondre à la
sophistication croissante de la gestion des risques. En plus de l’Etat, d’autres organismes
interviennent pour réglementer le marché bancaire et considèrent que les règles générales
(gouvernance) des entreprises ne suffisent pas pour encadrer la gestion bancaire.
Guéranger (2009) affirme que dans les banques islamiques, la conformité comprend
également le respect des prescriptions de la chariaa. Cela se traduit, d’après l’auteur, par le
recours à deux fonctions :

3
L’auteur affirme que la surveillance constitue une partie intégrante de l’intermédiation participative. Elle
permet de surmonter les problèmes d’asymétries d’information ex post. La banque islamique exploite des
rendements d'échelle croissants dans la mesure où le coût de surveillance des emprunteurs croît moins vite
proportionnellement aux sommes prêtées. Pour la Moucharaka, le monitoring peut intervenir dans toutes les
étapes du contrat afin d’assurer la conformité aux termes du contrat et transmettre des signaux
informationnels concernant le comportement de l’entrepreneur. Lorsque la banque siège au conseil
d’administration des entreprises, elle peut influencer la gouvernance de l’entreprise et contrôler sa
performance à un coût moindre.

5
- l’expression des fatwas sur les affaires nouvelles. La banque peut avoir son
spécialiste interne, plus généralement son comité de chariaa (chariaa Board) ou
avoir recours à un conseil des ulémas à compétence nationale dont l’avis est requis
avant la mise en place de contrats nouveaux ;
- l’audit de conformité à la chariaa (un audit interne).
Les prérogatives de ces organes sont variables : certains sont purement consultatifs,
d’autres peuvent surveiller l’application de leurs recommandations en pratiquant une sorte de
contrôle interne ou de contrôle de conformité. Le chariaa board a pour mission de trancher les
éventuels litiges entre applications et interprétations de la Chariaa. Entité indépendante
composée de conseillers spécialistes de la jurisprudence islamique, il surveille l’activité de la
banque et s’assure que toutes ses opérations sont compatibles avec les principes moraux de
l’Islam. Il doit établir chaque année un rapport qui est repris dans la publication des comptes,
il peut provoquer une réunion spéciale du Conseil d’administration. Différentes organisations
internationales ont été créées afin d’harmoniser les pratiques bancaires
islamiques (l’Accounting et Auditing Organization of Islamic Financial Institution au
Bahrein, l’International Islamic Financial Market au Bahrein, Le Conseil Général des
Institutions Financières Islamiques au Bahrein, … ).
Les différentes règles et/ou recommandations émises ont pour objet de réduire les risques
(crédit, liquidité, …) auxquels font face les banques afin d’assurer l’efficience de ces banques
et la stabilité du système bancaire et financier en général. Ainsi, il y a lieu de se poser la
question sur l’effet des banques islamiques sur la stabilité financière.

II- Efficience des banques islamiques et stabilité économique et financière


Fort est de constater que les banques islamiques contribuent à la stabilité du système
économique. Saadallah (2013) affirme que les : « les banques islamiques opèrent selon le
principe du partage du risque à la fois au niveau des dépôts (à l’exception des dépôts à vue) et
au niveau des financements accordés alors que les banques conventionnelles ont des actifs
risqués mais elles garantissent totalement leur passif. Quand une banque islamique fait face à
une crise globale ou spécifique, les déposants partagent avec elle le risque de sorte que la
vraisemblance d’une faillite de la banque ou d’une panique est réduite. Le système est donc
plus stable. ». Mais d’abord, il faut étudier l’efficience de ces banques qui vont contribuer à
cette stabilité économique et financière. En effet, l’efficience bancaire est une question
importante au niveau macroéconomique. Une plus grande efficience bancaire signifie des

6
coûts bancaires plus faibles, ce qui contribue à réduire les prix bancaires. Dès lors, comme les
prix bancaires comprennent les prix des financements octroyés par les banques, elle favorise
une réduction du coût des financements accordés par les banques, ce qui peut contribuer à
augmenter la demande pour ces financements. Ainsi une efficience bancaire accrue peut
permettre des niveaux plus importants d’investissement et de consommation financés par les
banques, ce qui peut favoriser le développement économique (Weill, 2013).
La littérature empirique ne montre pas un niveau efficience supérieur des banques
islamiques relativement aux banques conventionnelles. Srairi (2010) analyse l’efficience (coût
et profit) d’un échantillon de 71 banques commerciales dans six pays de golf (Bahrain,
Kuwait, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes Unies) sur la période 1999-2007.
Son étude a également présenté une analyse comparative de l’efficience des banques
conventionnelles (48) et islamiques (23) des pays du Golfe Persique. L’auteur examine les
variables bancaires spécifiques pouvant expliquer la source de l’inefficience bancaire. Ses
résultats montrent qu’en termes de coût et de profit, les banques conventionnelles sont
relativement plus efficientes que les banques islamiques.
En Malaisie, Rozzani et Abdul Rahman (2013) cherchent à identifier les déterminants qui
affectent l’efficience des banques conventionnelles (19) et islamiques (16) durant la période
2008-2011. Les résultats de l’analyse de la frontière stochastique affichent des niveaux
d’efficience profit similaires des deux banques. Les auteurs affirment que l’efficience des
banques conventionnelles pourrait s’améliorer avec l’augmentation de la taille des banques et
la diminution à la fois du coût d’exploitation et du risque de crédit, tandis que l’efficience des
banques islamiques pourrait s’améliorer seulement avec la réduction des coûts d’exploitation.
Le niveau d’efficience réalisé par les deux banques malaysiennes (conventionnelles et
islamiques) est similaire. Il est de moins de 50 % de l’efficience optimale. Chose qui indique
que les ces banques n’utilisent pas leurs ressources (en termes de dépôts et du capital), de
manière efficiente pour offrir des produits similaires à moindre coût.
Azouzi et Letaief (2013) procèdent à une étude comparative en termes d’efficience des
banques islamiques dans un nombre de pays en voie développement tout en mettant l’accent
sur les pays de l’Union du Maghreb Arabe (l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie). Leur étude
porte sur 17 banques islamiques sur la période 2005 – 2009. Les auteurs ont utilisé l’analyse
par les ratios (six ratios) et la méthode DEA (Window Analysis). L’analyse par les ratios (ratio
de l’efficience profit mesurée par Résultat net / Actif total moyen et Résultat net / Capitaux
propres moyens, ratio de l’efficience revenu mesurée par (Intérêts reçus – Intérêts versés) /

7
Actif total moyen et Autres revenus d’exploitation / Actif total moyen et ratio de l’efficience
coût mesurée par Frais généraux/ Produit net bancaire et Frais autres que d’intérêt / Actif
total moyen) montre la performance globale de l’échantillon est en baisse, celle de la banque
tunisienne (Al Baraka Tunisie) et algérienne (Al Baraka Algérie) est en hausse et celle de la
banque mauritanienne (Al Wava) est stable. Sur la base des ratios de Profitabilité, la banque
tunisienne et la banque mauritanienne sont classées parmi les dernières alors que la banque
algérienne réussit à être parmi les 7 premières. Cependant, en termes de coût, la banque
tunisienne est la plus efficiente tandis qu’elle est relativement inefficiente en termes de
Revenu. Quant à la banque mauritanienne, elle s’avère la moins efficiente en termes de Coût
alors qu’elle est moyennement efficiente en termes de Revenu. En outre, la comparaison de la
performance de ces trois banques par rapport à la performance moyenne de l’échantillon -en
baisse pendant la période d’étude- a révélé que, celle des banques tunisienne et algérienne a
plutôt connu une amélioration alors que celle de la banque mauritanienne est restée stable.
La méthode Window Analysis montre que toutes les banques sont techniquement
inefficientes avec une perte moyenne de 26,97% des inputs pour la production du même
niveau d’output, exception faite de la banque qatarie « Qatar Islamic Bank ». A travers
l’analyse de l’évolution de l’efficience des banques du Maghreb dans le temps, les banques
algérienne et mauritanienne ont été marquées par une inefficience globale sur toute la période
avec des rendements d’échelle décroissants alors que la banque tunisienne est parvenue
parfois à atteindre la frontière d’efficience mais dans d’autres occasions, elle a opéré avec des
rendements d’échelle croissants.
Quant à la stabilité financière, Weill (2013) propose une analyse théorique intéressante en
la matière ; il avance respectivement quatre (trois) arguments en faveur d’un rôle positif
(négatif) des banques islamiques dans ce domaine. Le premier argument résulte de
l’observation que la finance islamique a été moins affectée dans son ensemble par la crise
financière et la récession économique. Le second argument repose sur le contenu éthique du
fonctionnement de ces banques; elles sont moins impliqué dans la spéculation (règle
d’adossement des activités financières à un actif tangible). Le troisième argument est fondé
sur le risque d’insolvabilité plus faible de ces établissements bancaires (la règle des 3P).
Enfin, le quatrième argument est lié aux problèmes d’aléa moral des banques ; elles sont
sensée être mieux disciplinées par leurs déposants incités à sanctionner tout comportent d’aléa
moral des dirigeants des banques par un retrait de leur épargne. Il a avancé par la suite les
trois contre-arguments qui suggèrent une relation opposée. D’abord, la finance islamique est

8
risquée par nature. Une banque islamique ne doit – au moins en théorie – ne toucher qu’une
rémunération variable pour tous les projets qu’elle finance. Ensuite, la finance islamique ne
peut pas – à nouveau au moins en théorie – être liée à l’usage de garanties pour réduire le
risque de crédit du financeur. Ce qui pourrait mener à une instabilité bancaire. Enfin, la crise
financière récente qui constitue un argument courant en faveur des vertus en termes de
stabilité financière de la finance islamique ne peut être suffisamment généralisable pour
constituer une conclusion définitive sur la question.

III- L’expérience marocaine :


Bank Al Maghrib a publié en 2007 une circulaire introduisant et encadrant la
commercialisation de nouveaux produits dits alternatifs (Ijara, Moucharaka et Mourabaha).
Seul Attijariwafa Bank a pu maintenir l’activité de sa filiale spécialisée. Dar Assafaa a
démarré avec un capital de 50 Millions de DH, spécialiste dans la finance islamique. Elle a
obtenu l’agrément de Bank Al Maghreb pour le statut d’une société de financement
spécialisée dans la commercialisation des produits alternatifs. Elle a pour vocation une
activité financière bancaire conforme à la Chariaa. Elle offre une gamme des formules de
financement à côté d’une activité bancaire spécialement à la tenue de compte (ouverture de
compte, chéquier, carte guichet,…). Elle ne commercialise qu’un des trois produits autorisés
par Bank Al Maghreb (Moucharaka, Mourabaha et Ijar), à savoir la Mourabaha.
Toutefois, la commercialisation de ces produits reste timide et n’arrive pas à répondre aux
besoins et attentes des clients. El Mezouari, Lotfi et Bouthir (2013) présentent quelques
causes :
- cherté des produits offerts justifié par la double transaction sur le contrat d’achat par la
banque et la revente au client, et le manque de la concurrence (une seule banque a osé
commercialiser ces produits, les autres attendaient le comportement du marché);
- pression du lobby des banques qui redoute la commercialisation de ces nouveaux
produits et nouvelles banques islamiques concurrentes;
- absence d’une volonté politique qui doute de tout ce qui est islamique;
- manque de compétence et carence des moyens et formations dans le domaine;
- marketing modeste qui n’accompagne pas les ambitions de développement de ces
activités;
- absence du rôle des ulémas (Foukahas) pour sensibiliser et donner de la légitimité à ces

9
nouveaux produits.
Bank Al Maghrib a mis en place une série de mesures visant à renforcer ses compétences
internes et son expertise des métiers de la banque participative et des domaines de
réglementation propre à ce type d’activité. Dans ce sens, ont été développés une série de
programmes de formations, ainsi que des partenariats avec plusieurs organismes
internationaux spécialisés dans la supervision et la régulation du secteur de la finance
participative et dans la promotion des standards internationaux de gestion et de bonnes
pratiques propres à ce secteur.
Pour encourager les marocains à y adhérer davantage, il est important d’étudier les coûts
de ces produits qui n’était pas neutre vis-à-vis de la fiscalité (garantir la neutralité fiscale et
éviter la double taxation). En effet, La loi de finances de 2010 a apporté des mesures
d’adaptation du traitement fiscal des produits Mourabaha contribuant ainsi à en garantir la
neutralité fiscale. Ces mesures ont favorisé le recours des citoyens à ce type de produits, avec
un encours global qui s’est amélioré pour atteindre près de 1 milliards de dirhams, mais qui
reste limité en comparaison au total des encours du secteur bancaire dans sa globalité (moins
de 0,1% du total des actifs bancaires fin 2013).
En 2012, les résultats de l’enquête menée par l’Islamic Finance Advisory and Assurances
Services (IFAAS) révèlent que 97% des marocains sont intéressés par la finance islamique,
9% ne détiennent pas de compte bancaire pour des considérations religieuses et 31% sont
prédisposés à basculer du conventionnel à lʼislamique. En 2014, Boulahrir mène une
étude pour examiner les attentes de l’opinion publique des marocains à propos de
l’implantation des banques participatives. Elle vise également à quantifier le marché marocain
et évaluer ses potentialités en termes de la demande. L’auteur cherche à identifier la nature
des services susceptibles d’être introduits afin de répondre aux aspirations des clients
désireux accueillir et s’adapter à la nouvelle finance. L’étude porte sur un échantillon de 581
personnes marocaines éparpillées sur le territoire marocain (17 villes), composé de tous les
âges et les catégories socioprofessionnelles. Le questionnaire administré est composé de 47
questions. Il a procédé d’abord à une analyse SWOT du marché marocain qui montre qu’il est
caractérisé par une stabilité politique et une croissance économique avec un environnement
juridico-administratif prêt pour accueillir les acteurs de la finance islamique. Il mentionne
l’absence du comité chariaa susceptible de statuer sur la nature des transactions et manque
d’expertise et de qualifications dans ce sens. S’ajoute le surcout des produits islamique dû
souvent à l’absence d’économie d’échelle.

10
Son étude montre que 80% de la population étudiée seraient très intéressés par des
transactions financières respectant la chariaa ; Les raisons de la non-bancarisation de
personne n’ayant pas de compte bancaire résident en l’absence des produits licites. L’enquête
montre également que 60% de la population étudiée refuse des prêts à intérêt pour des
considérations religieuses et financières (fardeau d’endettement) ; La décision des clients est
gouvernée par deux facteurs : croyance et coût de la dette.
Début février 2014, Standard and Poor’s affirmait dans une étude que la finance islamique
dispose d’un fort potentiel au Maroc en raison, notamment de l’engagement de l’Etat. En
effet, la banque centrale a préparé un projet de loi n°103.12 relatif aux banques participatives
adopté à l’unanimité par le parlement marocain au mois de juin 2014. Ce projet a pour but
d’impulser un levier de développement économique dans le pays. Il reflète le choix du Maroc
d’introduire les métiers de la finance participative dans le secteur financier national selon une
approche d’assimilation en appliquant, d’une part, les dispositions générales des lois en
vigueur dans le système financier et d’autre part, en introduisant des dispositions spécifiques
dans chacune de ces dites lois.
Le Conseil Economique, social et environnemental (CESE) a rendu son avis le 28 Août
2014 en apportant des recommandations opérationnelles visant à l’amélioration du projet de
loi et l’orientation de la gouvernance des établissements bancaires et leurs produits vers les
meilleures pratiques tirées du benchmark international. Il préconise de clarifier le rôle et les
prérogatives du Conseil Supérieur des ulémas et de son mode d’intervention dans le sens
d’une approche clairement définie de partage des rôles entre le Conseil Supérieur et Bank Al
Maghrib. Le CESE recommande également la clarification du volet relatif à l’articulation
entre Bank Al Maghrib et le Conseil de la Concurrence en cas de divergence entre les avis des
deux institutions. Sur le plan réglementaire et institutionnel, le CESE recommande de
favoriser la création d’un environnement intégré du système financier participatif, notamment
à travers la mise en place des textes relatifs au secteur de l’assurance participative (Takaful) et
des instruments financiers et pratiques d’investissements dans les marchés des capitaux.
Par ailleurs, pour favoriser l’application effective du projet de loi, le CESE prône la mise
en place d’un régime fiscal qui respecte le principe fondamental de neutralité fiscale entre les
deux parties ainsi que la mise en place d’un référentiel comptable et d’audit financier adapté
aux banques participatives et en adéquation avec les standards qui seront adoptés par Bank Al
Maghrib en matière d’information financière et de reporting. Le CESE recommande de
prévoir des mécanismes permettant aux fonds de garantie pour les deux types de banques,

11
prévus dans la loi, d’intervenir dans les fonds de restructuration en cas de crise systémique.

Conclusion
Le développement des banques islamiques dites « participatives » au Maroc, permettra
d’augmenter le taux de bancarisation, d’attirer et d’accompagner l’investissement au Maroc et
de participer au développement du marché financier marocain. Le développement de la
finance islamique d’une manière générale présente un moyen additionnel pour le financement
économique surtout en période de crises. Cependant, et comme tout secteur naissant, ce
secteur devrait relever plusieurs défis afin de pouvoir prendre sa place dans l’économie
nationale. Il faut mettre en place un cadre juridique, fiscale et réglementaire approprié, un
Chariaa Bord et surtout la formation des ressources humaines qualifiées. Saadallah (2013)
conclut que la finance islamique offre de multiples avantages qui stimulent ensemble un
développement stable et que le fort potentiel de développement que renferme le modèle de la
finance islamique mérite d’être pleinement mobilisé.
Toutefois, il y a lieu de se demander sur le fonctionnement du système économique
dans le cadre de la cohabitation des deux systèmes bancaires « conventionnel » et
« participatif » dans une économie à population musulmane. Les banques islamiques sont
soumise à la fois à des règles de gouvernance du droit islamique, du droit international
(normes comptables et prudentielles) et des règles de la gouvernance partenariale.

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