La Grande Royale
La Grande Royale
La Grande Royale
5 OCT
Bien qu’il y ait très peu de descriptions physiques des personnages dans le récit, l’auteur consacre
toutefois une description physique élaborée de La Grande Royale dans le passage extrait des
pages 30, 31 et 32. La Grande Royale est la sœur aînée du chef du peuple des Diallobé, et donc elle
est la tante de Samba Diallo. Elle est décrite ici comme subjuguant ce peuple sur lequel elle exerce
son autorité avec grande fermeté.
L’auteur l’a décrite comme une femme d’une soixantaine d’années qui paraît considérablement
plus jeune, ayant notamment conservé un visage « aux contours pleins » (p.30). Cette apparence
physique jeune est peut-être un indice ou un symbole de sa modernité occidentale, que l’on
découvrira plus tardivement, dans le récit. Le lecteur l’imagine d’une forte corpulence,
notamment par l’indication suivante : «La Grande Royale, qui pouvait bien avoir un mètre
quatre-vingts, n’avait rien perdu de sa prestance malgré son âge» (p.30). Physiquement, elle
paraît majestueuse et impressionnante !
La Grande Royale est décrite comme vêtue d’un « boubou » (p.30), une tunique ample
(traditionnellement portée en Afrique noire), la couvrant entièrement, à l’exception de son visage.
C’est dans ce visage très expressif que se lisent des facettes de sa personnalité, et l’on devine
notamment son autorité dominatrice : par exemple sa bouche est décrite comme étant « grande et
forte sans exagération » (p.31) ce qui pourrait symboliser son autorité écrasante, notamment par
la parole ; de même, sa puissance est symbolisée par son regard qui est décrit comme étant
« extraordinairement lumineux » et répandant « sur cette figure un éclat impérieux» (p.31). Son
visage est plein de symboles : l’auteur le décrit à travers les yeux de Samba Diallo, et le compare à
« une page vivante de l’histoire du pays des Diallobé » (p. 31). Le lecteur lui devine donc un visage
animé, et même héroïque : « Tout ce que le pays compte de tradition épique s’y lisait » (p.31).
Dans le passage extrait de la page 32, la Grande Royale se confie solennellement à Samba Diallo,
en présence des autres disciples qui sont décrits comme « médusés », un adjectif qualificatif
intéressant qui présage le mélange des cultures. La Grande Royale souhaite préserver Samba
Diallo de l’emprise qu’exerce le maître sur lui, et elle annonce qu’elle va mettre un terme à son
sacrifice : « Le maître cherche à tuer la vie en toi. Mais je vais mettre un terme à tout cela » (p.32).
Plus tard, le maître accable à nouveau Samba Diallo de châtiments corporels en le voyant couvert
d’hématomes (car il s’est battu avec quelqu’un) et en le voyant revêtu de vêtements neufs (que le
maître s’empressa d’offrir au disciple le plus démuni). En effet, malgré l’exemplarité de Samba
Diallo, le maître a remarqué une faille en le comportement de ce disciple : un manque d’humilité
par moments, or « le maître pensait que l’homme n’a aucune raison de s’exalter, sauf précisément
dans l’adoration de Dieu (p.33). » Le maître se sait proche de la mort et souhaite laisser derrière
lui le « chef-d’œuvre de sa longue carrière » (p.33) qui protègera le peuple des Diallobé de
l’invasion des étrangers. Le maître est nostalgique des jeunes disciples du passé qui n’étaient pas
encore affectés par la corruption provoquée par les milieux aristocratiques (dont ils étaient
pourtant issus) : du temps où les jeunes disciples étaient encore « anonymes et pauvres » (p.34).
Il est nostalgique du temps où « le pays vivait de Dieu et de la forte liqueur de ses traditions »
(p.34). Cette citation me fait penser à la citation de Marx « La religion est l’opium du peuple ». Un
contraste entre la vie et la mort est présent à la fin du passage, souligné par l’efficacité du dialogue
entre le maître (qui raconte les circonstances de la mort du maître des Diallobé et l’érige en
modèle car il mourût en prononçant le nom de Dieu) et la Grande Royale (qui décrète que « le
temps est venu d’apprendre à nos fils à vivre » (p. 38).
Je pense que ce passage est d’une grande importance dans le récit car il annonce un élément
perturbateur et un thème très important dans le récit, à savoir un conflit de valeurs entre le
monde occidental représenté par la Grande Royale et le monde religieux représenté par le maître.