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La Finance Verte

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La finance verte

L’essentiel Quelques chiffres


Le changement climatique et les adaptations qu’il
implique sont un défi majeur pour l’économie. 12,2 % 830 milliards de dollars par an
Part des secteurs les plus émetteurs Investissements additionnels liés
La lutte contre le réchauffement climatique est de gaz à effet de serre dans le bilan au secteur énergétique requis
l’affaire de chacun, mais aussi de politiques publiques des principales banques françaises à fin 2017 au niveau mondial, en moyenne,
appropriées en matière de trans­port, de logement, entre 2016 et 2050, pour limiter
le réchauffement climatique à 1,5°C
de fiscalité, d’énergie, etc.

Le secteur financier a un rôle déterminant à jouer


pour relever ce défi. Pourquoi ? En premier lieu, les
établissements financiers, en raison du montant important
des ressources financières qu’ils gèrent, peuvent
participer activement à l’orientation des investissements
vers des projets favorisant la trans­ition énergétique.
Par ailleurs, le changement climatique expose les acteurs
financiers à des risques dont ils doivent se prémunir. Il y a
d’abord les risques physiques, induits par la multi­plication
G7
d’événements météorologiques extrêmes (inondations,
ouragans, sécheresses, canicules, etc.) et les dommages
qui en découlent et que les sociétés d’assurance doivent
44 % 19 %
Poids de la place de Paris dans les Part des financements affectés
indemniser. Il y a ensuite les risques de trans­ition : les financements verts des places financières à des projets en faveur du climat
mesures prises par les pouvoirs publics ou les acteurs des pays du G7 (2009-2017) dans le portefeuille des banques
privés pour assurer la trans­ition vers une économie à de développement en 2016 (52 % pour
l’Agence française de développement – AFD)
faible émission de carbone pourraient en effet pénaliser
certains secteurs économiques (par exemple dans Sources : ACPR, GIEC, Climate Bonds Initiative, ministère de
l’industrie auto­mobile) et les acteurs (notamment les l’Économie et des Finances.
banques) qui les financent.

C’est pour faire face à ces enjeux que s’est développé entreprises cotées en bourse à rendre compte de
le concept de finance verte. Celle‑ci peut être définie leur empreinte écologique et des actions menées pour
comme l’ensemble des opérations financières la réduire. Depuis, et à l’initiative du G20, des lignes
soutenant le développement durable, notamment directrices ont été publiées pour que les entreprises
en favorisant la trans­ition énergétique et la lutte contre publient des informations sur leur gouvernance, leur
le réchauffement climatique. Elle inclut également les stratégie, leur gestion des risques ainsi que des
initiatives des auto­rités de régulation et de supervision indicateurs et objectifs en lien avec le climat. Par ailleurs,
du secteur financier qui contribuent à ces objectifs. la Commission européenne a présenté des propositions
La finance verte, qui entre dans le champ plus large de pour une meilleure identification des actifs verts – via
la finance responsable, est en plein essor mais manque une classification commune – et une harmonisation
encore d’un cadre harmonisé et de critères clairs des outils de financement vert.
définissant ce qui est « vert » ou non. En conséquence,
les acteurs peuvent être tentés par l’écoblanchiment Les banques centrales sont également concernées.
(« green washing »), en se prévalant abusivement d’un Le changement climatique étant désormais identifié
engagement écologique pour promouvoir leur image. comme une source de risques financiers, elles le sont
d’abord au titre de leur mandat de stabilité financière.
L’action des pouvoirs publics pour construire un tel Lorsqu’elles sont superviseurs, les banques centrales
cadre est aujourd’hui essentiellement centrée sur des demandent aux acteurs financiers d’identifier et d’anti­
obligations de trans­parence de l’information. Ainsi, ciper les risques liés au climat (voir La Banque de
en France, la loi sur la transition énergétique pour la France et la finance verte). Les banques centrales
croissance verte (LTECV) de 2015 définit les informations sont également concernées au titre de leur mandat
que les investisseurs institutionnels sont tenus de publier de stabilité des prix (politique monétaire). En effet,
sur la prise en compte des critères environnementaux, des conditions climatiques extrêmes, mais aussi les
sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur politique mesures mises en place pour favoriser la trans­ition,
d’investissement. De même, la LTECV oblige les peuvent avoir un impact sur le niveau de l’inflation.

Octobre 2019 Retrouvez-nous sur le site internet de la Banque de France, rubrique ABC de l’économie 1
Comprendre Un peu d’histoire

Les obligations vertes (green bonds) 2001 La ville de San Francisco émet une obligation verte pour
financer l’électricité solaire.
Les obligations vertes ou green bonds sont des titres
de dette, émis par une entreprise privée ou une entité
2007-2008 La Banque mondiale et la Banque européenne
publique pour financer ses activités ou projets ayant d’investissement (BEI) émettent leur première obligation verte.
un bénéfice environnemental. L’intérêt pour l’émetteur
est d’attirer des investisseurs – parfois nouveaux – 2015 Première édition du Climate finance day, événement annuel
tout en bénéficiant de retombées positives en termes organisé par Paris Europlace, réunissant les acteurs majeurs
d’image. L’avantage pour l’investisseur est de financer du secteur de la finance inter­nationale.
des activités qui contribuent au développement
durable et qui sont donc moins exposées aux risques 2015 En France, adoption de la loi sur la trans­ition énergétique pour
climatiques, tout en espérant un retour financier. la croissance verte (LTECV).

Plus largement, le marché des produits financiers 2015 Le G20 reconnait les risques que le changement climatique
verts est très innovant et en fort développement. fait peser sur la stabilité financière.
Il existe d’autres opérations financières vertes (crédits,
titrisation, financement en fonds propres, etc.). Il est 2015 195 pays plus l’Union européenne signent, à la COP 21, l’Accord
donc important que les différents acteurs (émetteurs, de Paris qui établit la nécessité de limiter le réchauffement
investisseurs institutionnels, mais aussi épargnants) climatique sous le seuil des 2 °C et confirme le rôle majeur
puissent s’appuyer sur des critères trans­parents et du secteur financier dans la trans­ition.
sur une traçabilité permettant de labelliser ce qui est
« vert ». En effet, les investisseurs institutionnels, mais 2017 L’État français émet sa première obligation verte.
aussi tout un chacun lorsqu’il veut faire un placement,
peuvent se voir proposer un produit financier « vert » : 2017 Le Groupe de travail sur la trans­parence financière des
il est important que ce produit le soit vraiment. entreprises en matière de climat (TCFD) mis en place par le
Conseil de stabilité financière du G20 recommande que les
Le marché français des obligations vertes est entreprises publient les éléments sur leur gouvernance, leur
particulièrement dynamique : il a représenté stratégie, leur gestion des risques ainsi que des indicateurs
et objectifs en lien avec le climat.
14 % des montants émis dans le monde au
premier semestre 2019. L’entreprise française Engie
2017 À l’occasion du sommet One Planet, la Banque de France crée
est le premier émetteur privé mondial sur la même
le Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le
période. La France est un des premiers États à avoir verdissement du secteur financier (NGFS).
émis une obligation souveraine verte, en 2017, pour
un montant initial de 7 milliards d’euros ; les fonds 2018 La Commission européenne publie son plan d’action pour
ainsi levés visent à financer l’efficacité énergétique, la finance durable ayant comme objectif, entre autres, de
la recherche dans l’énergie, la protection de la développer une définition européenne commune de ce qu’est
biodiversité et le trans­port propre. une activité économique « verte ».

Essor des obligations vertes depuis 2013 Les 3 premiers pays émetteurs d’obligations vertes
(en milliards de dollars ; encours au niveau mondial) (en milliards de dollars ; encours à fin juin 2018)
500
450 ÉTATS-UNIS 90 CHINE 55
400
350
300
250
200
150
100
50
0 44 FRANCE
2013 2014 2015 2016 2017 2018
Source : Climate Bonds Inititative ; estimation Banque de France pour 2018.

Octobre 2019 Retrouvez-nous sur le site internet de la Banque de France, rubrique ABC de l’économie 2
La Banque de France et la finance verte Au niveau national, l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution (ACPR) a publié en 2019 un bilan de
Au plan inter­n ational, la Banque de France est la mise en œuvre par les banques et les assurances
à l’initiative du Réseau pour le verdissement des dispositions de la LTECV et de la manière dont
du système financier (Network for Greening ces acteurs se préparent au changement climatique.
the Financial System – NGFS), lancé en 2017. La Banque de France a consacré l’édition 2019 de sa
Il réunit les banques centrales et les auto­rités de Revue de la stabilité financière au verdissement du
supervision de plusieurs pays qui ont la volonté système financier. En tant qu’investisseur institutionnel
d’agir ensemble afin de développer des outils de pour son propre compte, elle s’est engagée, dans une
gestion des risques climatiques et d’encourager charte d’investissement responsable publiée en 2018, à
le financement de la trans­ition énergétique. intégrer davantage les critères ESG dans ses décisions
En plus d’en être un membre actif, la Banque de d’investissement (gestion des portefeuilles adossés
France en assure le secrétariat. Le NGFS a publié à ses fonds propres et aux engagements de retraite
en avril 2019 un rapport dans lequel il formule de ses agents) et à mieux mesurer leur contribution
plusieurs recommandations. La Banque de France à la trans­ition écologique. En 2019, elle a publié son
participe aussi à d’autres initiatives inter­nationales premier rapport sur le respect de ces engagements,
et européennes consacrées au développement de dans lequel elle informe qu’elle aligne sa stratégie
la finance verte, notamment celles animées par la d’investissement avec les engagements climat de la
Commission européenne. France, soit l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Pour en savoir plus ➜ C


 hangement climatique et risques financiers, vidéo Banque de
France, 2019
À lire : ➜ La valeur de l’action pour le climat, France stratégie, 2019
➜ Climat : Mobilisons l’Europe et la finance, conférence Banque de
➜ F inance verte, La finance pour tous
France à La Nuit des Idées 2019
➜ Verdir le système financier, Revue de la stabilité financière, Banque
de France, 2019
➜ Un appel à l’action, rapport du NGFS, 2019
Liens utiles :
➜ Risque climatique : où en sont les banques et les assurances françaises ?, ➜ L a finance responsable et solidaire et Le développement durable,
Bloc-notes Éco Banque de France, 2019 Mes questions d’argent
➜ Les secteurs de la banque et de l’assurance face au risque de
À voir : changement climatique, ACPR, 2019
➜ L a finance verte, vidéo Citéco, 2019 ➜ Le développement durable, dossier pédagogique Citéco
➜ Comprendre la finance climat en 3 minutes, vidéo Novethic, 2017 ➜ Institut d’économie pour le climat (I4CE), site internet
819308 – BdF Dircom Studio Création – 10/2019

Octobre 2019 Retrouvez-nous sur le site internet de la Banque de France, rubrique ABC de l’économie 3
« Le mirage de la ”finance verte” », Le Monde, 21 octobre 2021

En 2008, la Banque mondiale a émis l’une des toutes premières « obligations vertes » de l’histoire – une façon de lever de
l’argent pour financer des projets favorables à l’environnement. A l’époque, Julien Lefournier travaillait pour le Crédit
agricole et était justement spécialisé en obligations. « J’ai trouvé ça intéressant, en me disant que c’était peut-être une bonne
idée pour la planète. J’ai appelé mon meilleur client pour savoir ce qu’il en pensait. Il m’a répondu : “Et moi, qu’est-ce que
j’y gagne ?” J’ai ensuite appelé un investisseur institutionnel. Il m’a répondu : “Et moi, qu’est-ce que j’y gagne ?” J’ai
immédiatement réalisé que cela ne fonctionnerait pas. » Sur les marchés financiers, chacun est là pour gagner de l’argent et
personne n’a l’intention de laisser filer ses profits, investissement vert ou pas. Afin de dénoncer ce qu’il perçoit comme de la
poudre aux yeux, M. Lefournier, aujourd’hui consultant, a coécrit, avec l’économiste Alain Grandjean, un livre au titre sans
ambiguïté : L’illusion de la finance verte (2021).
Néanmoins, treize ans après l’émission de cette première obligation de la Banque mondiale, la finance verte n’en finit pas de
grossir. A en croire l’Alliance mondiale pour l’investissement durable (Global Sustainable Investment Alliance), les actifs
classés « durables » représentaient, fin 2019, 35.000 milliards de dollars à travers le monde développé […], soit 36 % de tous
les fonds gérés professionnellement. De zéro il y a une grosse décennie, plus du tiers du monde de la finance serait désormais
consacré à la transition climatique et à la bonne gouvernance.
Tous les grands argentiers semblent s’y être mis. Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, en a fait sa
spécialité. Les Nations unies et le gouvernement britannique l’ont mandaté, en prélude à la COP26 sur le climat, […] pour
mobiliser le secteur financier. « La bonne nouvelle est que l’argent nécessaire se met en place », se félicite-t-il. Le patron de
BlackRock, Larry Fink, le plus important gérant d’actifs au monde, est également en pointe lorsqu’il s’agit d’appeler à investir
dans les actifs verts. « La transition climatique offre une occasion historique d’investissement », écrivait-il dans sa grande
lettre annuelle aux investisseurs, début 2021. Sachant que BlackRock est à la tête de près de 10.000 milliards de dollars
d’actifs, contrôlant plus de 7 % du S&P 500, les principales entreprises américaines cotées en Bourse, sa voix peut être
décisive. Comment ne pas se réjouir d’une telle avancée ? Si l’argent est le nerf de la guerre, la mobilisation de la finance
pour la transition écologique ne devrait être qu’une bonne nouvelle. Voilà les marchés entrés dans l’ère « ESG », les fameux
critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance.
Sourire ironique en coin, […], Tariq Fancy balaie ces arguments d’une phrase. « Le problème est simple : ces dernières années,
les actifs ESG ont augmenté, les discussions sans fin sur l’ESG ont augmenté et... les émissions de gaz à effet de serre ont
augmenté. » En clair, quelle que soit la bonne volonté des banques et des fonds d’investissement, l’effet réel est nul. L’homme
en sait quelque chose : pendant deux ans, il a été chargé des investissements ESG à BlackRock. Du haut de sa position
privilégiée, proche de M. Fink, il devait aider les différents gérants de portefeuille à appliquer les critères ESG. Il les a
rencontrés un à un, tentant de prêcher la bonne parole de la finance verte. « La vérité est que ça ne les intéressait pas. Ils
traitaient juste ça comme un simple exercice administratif à suivre, où il fallait cocher les bonnes cases. […] Beaucoup me
disaient qu’ils adoreraient appliquer les critères ESG, qu’ils croyaient au dérèglement climatique. Mais leur rôle était de se
concentrer sur les rendements et les risques de leur portefeuille. » Sans compter que leur rémunération était indexée sur leur
retour sur investissement, pas sur leur vertu écologique...
Les seuls gérants qui prenaient au sérieux le sujet étaient ceux qui investissaient dans des actifs réels (par opposition aux actifs
financiers), avec un horizon de temps qui pouvait aller jusqu’à vingt ans. « Pour eux, le changement climatique pouvait avoir
un vrai effet. Mais avant même l’émergence de la mode ESG, ils prenaient déjà en compte ces critères, ça faisait de toute
façon partie de leur évaluation du risque. […] » Le cœur du problème s’appelle le « devoir fiduciaire », cette obligation légale
qu’ont les gérants de fonds de faire fructifier au mieux l’argent de leurs clients. […]
Tariq Fancy n’est pas un décroissant […]. « Je suis un capitaliste », assure-t-il. Le Canadien, qui a désormais créé une
entreprise d’éducation en ligne, a passé près de vingt ans dans les milieux financiers. Julien Lefournier, banquier pendant un
quart de siècle, ne rejette pas non plus le système. « Mon livre n’est pas antifinance. » Selon eux, le secteur privé a un rôle
majeur à jouer dans la transition énergétique, de même qu’il avait rendu la révolution industrielle possible au XIXe siècle.
Mais ce ne sera faisable qu’une fois que les États auront créé les conditions nécessaires : mise en place de normes
environnementales strictes, instauration d’un prix du CO2... Ensuite, les investissements iront là où se trouvera la rentabilité
à l’intérieur des nouvelles règles du jeu. En clair, les marchés ne s’autoréguleront pas et ne corrigeront pas seuls les défauts
du système actuel.
Faut-il pour autant rejeter l’ensemble de la « finance verte » ? Après tout, une obligation verte qui aide à financer des éoliennes
ou des panneaux solaires n’est-elle pas une bonne chose ? M. Lefournier n’y croit pas : soit ces investissements sont rentables,
et les investisseurs seraient venus, de toute façon ; soit ils ne le sont pas, et la finance n’ira pas, affirme-t-il. Il en veut pour
preuve le prix des obligations vertes, qui, aujourd’hui, est exactement le même que pour les obligations traditionnelles. Les
chiffres de l’Association des marchés financiers en Europe le confirment. Entre avril et juillet, une obligation verte rapportait
en moyenne... 0,01 % de plus qu’une obligation traditionnelle. Autrement dit, rien. […] A l’évidence, les investisseurs ont la
même exigence de rentabilité, ESG ou pas.
Qu’en est-il des désinvestissements ? Quand le fonds souverain norvégien, à la tête de 1.100 milliards de dollars, annonce
qu’il n’investira plus dans les entreprises qui font de l’exploration pétrolière, cela n’a-t-il pas un effet ? Adair Turner, qui a
autrefois présidé le Committee on Climate Change, l’organisme étatique chargé de conseiller l’action climatique du
gouvernement britannique, s’en frotte les mains. « Aujourd’hui, ça devient difficile de financer des projets dans le charbon »,
affirme-t-il. Pourtant, l’Asie déborde de projets de centrale à charbon. « On trouve toujours quelqu’un sur le marché prêt à
investir », estime Tariq Fancy. Si les grandes banques et les grands fonds se retirent, des investisseurs moins connus – et
moins regardants – les remplaceront. « Il y a tout simplement trop de rendements à grignoter dans les énergies fossiles. »
Pareil sur les marchés financiers : chaque fois qu’un fonds vend ses actions dans une entreprise polluante, celles-ci sont par
définition achetées par un autre investisseur. « Quand Harvard arrête ses investissements dans les énergies fossiles, les jeunes
sont contents, mais ça ne sert à rien », assène Julien Lefournier.
Le monde de la finance se serait-il lancé dans un immense « greenwashing » (écologie de façade) cynique, cherchant à redorer
son blason après la crise de 2008 ? Outre celui de M. Fancy, les témoignages accablants s’accumulent. Une ancienne
responsable du développement durable de DWS, filiale de Deutsche Bank et poids lourd de la gestion d’actifs en Europe,
pionnier autoproclamé des fonds durables et respectueux du climat, a récemment défrayé la chronique. Desiree Fixler, qui a
quitté l’institution en mars 2021, après un peu plus de six mois de travail, a accusé son ancien employeur de s’être présenté
comme beaucoup plus « vert » que ne le permettait sa politique d’investissement, en surestimant les montants d’actifs ESG.
[…] En France, l’Inspection générale des finances critique la « promesse confuse » du label « Investissement socialement
responsable » : « [Il] affiche une ambition d’impact social et environnemental, mais ses exigences, fondées sur la notation
ESG des émetteurs, ne sauraient garantir un fléchage effectif des financements vers des activités relevant d’un modèle
économique durable », précise le rapport. Ce label s’expose ainsi « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».
Même le gouverneur de la Banque centrale d’Italie, Ignazio Visco, […] critique les normes peu lisibles, qui permettent de
trop facilement classer les fonds comme « verts » sans efforts, et l’absence de coordination entre les différents standards d’une
région du monde à l’autre.
Tariq Fancy et Julien Lefournier ont fini par aboutir à la même conclusion : le déferlement de la « finance verte » est tel qu’il
finit par être contre-productif. « Quand on parle de ça, on ne fait rien de concret pendant ce temps-là », estime le Français. «
C’est comme donner de la poudre de perlimpinpin à un malade du cancer et remettre à plus tard sa chimiothérapie », conclut,
de son côté, M. Fancy.

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