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Evaluation - Autres Poèmes

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PAYSAGES POÉTIQUES

Quelles correspondances les poètes établissent-ils entre un


paysage et leur état d'âme ?
Évaluation de fin de séquence : présentation orale
Lecture expressive d'un poème en lien avec une œuvre d'art
Autres poèmes pouvant être choisis (en plus des textes dans le classeur et dans le manuel de français)
a. Victor Hugo, « Demain, dès l'aube... »
b. Victor Hugo, « Janvier 1855 » dans Les Contemplations
c. Guillaume Apollinaire, « La Chanson du mal-aimé »
d. Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau »
e. Charles Baudelaire, « Les Fenêtres »
f. Charles Baudelaire, « Chant d'automne »
g. Charles Baudelaire, « Paysage »
h. Charles Baudelaire, « Invitation au voyage »
i. Paul Verlaine, « Dans l'interminable... »
j. Anna de Noailles, « Le port de Palerme »
k. Marina Tsvétaïeva, « Des villages natals »

a. Demain, dès l'aube... b. Janvier 1855 (extrait)


[…]
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je suis sur un rocher qu’environne l’eau sombre,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. Écueil rongé des flots, de ténèbres chargé,
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Où s’assied, ruisselant, le blême naufragé.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. — Eh bien, me dites-vous, après ? — La solitude
Autour de moi toujours a la même attitude ;
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Je ne vois que l’abîme, et la mer, et les cieux,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Et les nuages noirs qui vont silencieux ;
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Mon toit, la nuit, frissonne, et l’ouragan le mêle
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Aux souffles effrénés de l’onde et de la grêle ;
Quelqu’un semble clouer un crêpe à l’horizon ;
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, L’insulte bat de loin le seuil de ma maison ;
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Le roc croule sous moi dès que mon pied s’y pose ;
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Le vent semble avoir peur de m’approcher, et n’ose
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Me dire qu’en baissant la voix et qu’à demi
L’adieu mystérieux que me jette un ami.
Victor Hugo, Les Contemplations (1856) La rumeur des vivants s’éteint diminuée.
Tout ce que j’ai rêvé s’est envolé, nuée !
Sur mes jours devenus fantômes, pâle et seul,
Je regarde tomber l’infini, ce linceul. —
Et vous dites : — Après ? — Sous un mont qui surplombe,
Près des flots, j’ai marqué la place de ma tombe ;
Ici, le bruit du gouffre est tout ce qu’on entend ;
Tout est horreur et nuit. — Après ? — Je suis content.
Jersey, janvier 1855
Victor Hugo, Les Contemplations (1856)
c. La Chanson du mal-aimé (extrait) d. Le Pont Mirabeau

Juin ton soleil ardente lyre Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Brûle mes doigts endoloris Et nos amours
Triste et mélodieux délire Faut-il qu’il m’en souvienne
J’erre à travers mon beau Paris La joie venait toujours après la peine
Sans avoir le cœur d’y mourir
Vienne la nuit sonne l’heure
Les dimanches s’y éternisent Les jours s’en vont je demeure
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises Les mains dans les mains restons face à face
Les fleurs aux balcons de Paris Tandis que sous
Penchent comme la tour de Pise Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l’électricité Vienne la nuit sonne l’heure
Les tramways feux verts sur l’échine Les jours s’en vont je demeure
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Les cafés gonflés de fumée Comme la vie est lente
Crient tout l’amour de leurs tziganes Et comme l’Espérance est violente
De tous leurs siphons enrhumés
De leurs garçons vêtus d’un pagne Vienne la nuit sonne l’heure
Vers toi toi que j’ai tant aimée Les jours s’en vont je demeure

Moi qui sais des lais pour les reines Passent les jours et passent les semaines
Les complaintes de mes années Ni temps passé
Des hymnes d’esclave aux murènes Ni les amours reviennent
La romance du mal-aimé Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et des chansons pour les sirènes
Vienne la nuit sonne l’heure
Guillaume Apollinaire, « La chanson du mal-aimé » Les jours s’en vont je demeure
(strophes 55 à 59), dans Alcools (1913)
Guillaume Apollinaire, Alcools (1913)

e. Les Fenêtres

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui
qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus
ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours
moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie,
souffre la vie.
Par delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur
quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien,
j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en
pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être
la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?

Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris (1869)


f. Chant d'automne g. Paysage

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ; Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Le bois retentissant sur le pavé des cours. Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère, Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé, Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé. Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre,
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe Les fleuves de charbon monter au firmament
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd. Et la lune verser son pâle enchantement.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Sous les coups du bélier infatigable et lourd. Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
II me semble, bercé par ce choc monotone, Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part. Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Pour qui ? C'était hier l'été ; voici l'automne ! Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ. Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857) L’Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon cœur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857)

h. Invitation au voyage

Mon enfant, ma sœur, Des meubles luisants, Vois sur ces canaux
Songe à la douceur Polis par les ans, Dormir ces vaisseaux
D’aller là-bas vivre ensemble ! Décoreraient notre chambre ; Dont l’humeur est vagabonde ;
Aimer à loisir, Les plus rares fleurs C’est pour assouvir
Aimer et mourir Mêlant leurs odeurs Ton moindre désir
Au pays qui te ressemble ! Aux vagues senteurs de l’ambre, Qu’ils viennent du bout du monde.
Les soleils mouillés Les riches plafonds, – Les soleils couchants
De ces ciels brouillés Les miroirs profonds, Revêtent les champs,
Pour mon esprit ont les charmes La splendeur orientale, Les canaux, la ville entière,
Si mystérieux Tout y parlerait D’hyacinthe et d’or ;
De tes traîtres yeux, À l’âme en secret Le monde s’endort
Brillant à travers leurs larmes. Sa douce langue natale. Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. Luxe, calme et volupté. Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857)


i. Dans l'interminable... j. Le port de Palerme

Dans l’interminable Je regardais souvent, de ma chambre si chaude,


Ennui de la plaine, Le vieux port goudronné de Palerme, le bruit
La neige incertaine Que faisaient les marchands, divisés par la fraude,
Luit comme du sable. Autour des sacs de grains, de farine et de fruits,
Sous un beau ciel, teinté de splendeur et d’ennui…
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune, J’aimais la rade noire et sa pauvre marine,
On croirait voir vivre Les vaisseaux délabrés d’où j’entendais jaillir
Et mourir la lune. Cet éternel souhait du cœur humain : partir !
– Les vapeurs, les sifflets faisaient un bruit d’usine
Comme des nuées Dans ces cieux où le soir est si lent à venir…
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines C’était l’heure où le vent, en hésitant, se lève
Parmi les buées. Sur la ville et le port que son aile assainit.
Mon cœur fondait d’amour, comme un nuage crève.
Le ciel est de cuivre J’avais soif d’un breuvage ineffable et béni,
Sans lueur aucune. Et je sentais s’ouvrir, en cercles infinis,
On croirait voir vivre Dans le désert d’azur les citernes du rêve.
Et mourir la lune.
Anna de Noailles, Les Vivants et les Morts (1913)
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Paul Verlaine,
Romances sans paroles (1874)

k. Des villages natals


Des villages natals, Et surtout ne pas prendre Ne jamais s'endormir.
Illusions, apparitions : De racine, ni vivre avec. Arbres fuyant en arrière,
Que le train avance, file, Dans cette vie maudite, Les oiseaux arrachés,
Et nulle part ne s’arrête, Siffle, souffle le vent ! Et tombés de leurs nids.

Qu’il n’arrive nulle part : Que le train démolisse Pas une nuit et pas deux
Lieux déserts et vidés, Comme le cygne des chansons, Toujours loin du royaume
Ou fouettés par le vent Les murailles et les prés Sans jamais m'arrêter,
Inhabités et vacants… Et que le vent siffle, Oh, vers toi, que mon train
Aussi fort et plus vite. m'emporte !
Vide ma tête, plus rien,
Ni personne, ni foyer, Et les champs féodaux Fin mai 1925
Le moisi sédentaire Intouchés des ancêtres.
Comme le cygne, emporté. Fonce plus vite, mon train,
Sans jamais regarder.
Vague terrestre, courants d’air
Écroulées les idées Sans les chants vénérables
File, avance, mon train Des endroits bien aimés,
Sans jamais un coup de frein ! Brest ou -stok, le passé
File, mon train, sans écouter.
Marina Tsvétaïeva, Insomnie et autres poèmes, trad. du russe Véronique Lassky, éd. Gallimard, 2010

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