Birama Diop - Ousmane Sonko - Le Génie Politique (French Edition) - Editions L'Harmattan (2023)
Birama Diop - Ousmane Sonko - Le Génie Politique (French Edition) - Editions L'Harmattan (2023)
Birama Diop - Ousmane Sonko - Le Génie Politique (French Edition) - Editions L'Harmattan (2023)
Birama Diop
OUSMANE SONKO
Le génie politique
OUSMANE SONKO
et psychologiques de son milieu, mais aussi elle repose avant
tout sur un talent personnel de l’acteur politique, condition sine
qua non pour susciter respect et admiration.
Dans cette logique, Ousmane Sonko apparait comme un Le génie politique
génie politique. En vrai savant de la politique, il a su faire
preuve de ruse, d’habileté politique pour avoir acquis en si
peu de temps une notoriété politique incroyable. Son génie
politique a favorisé sa percée affective et effective dans
l’opinion populaire.
OUSMANE SONKO
Pour créer le consentement nécessaire autour de sa personne,
il recourt à des dramatisations sociales, à l’imaginaire et à
l’instrumentation des croyances et représentations collectives.
Il développe en conséquence une stratégie politique à action
multipolaire axée essentiellement sur la mobilisation de toutes
les données sociales, culturelles, psychologiques et politiques.
Ainsi, dans la science politique, Ousmane Sonko apparait
comme un cas d’école pour saisir et comprendre le phénomène
politique dans toute sa dimension sociologique.
Le génie politique
Points de vue
Collection dirigée par Denis Pryen
Dernières parutions
OUSMANE SONKO
Le génie politique
Du même auteur
© L’Harmattan, 2023
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-14-033271-5
EAN : 9782140332715
« Aux frères et sœurs africains justement, l’heure de
notre révolution a sonné. N’acceptons plus ces petits
présidents comploteurs, toujours à la solde de quelqu’un
mais jamais au service de leur peuple. Partout en Afrique,
doit souffler un vent nouveau de liberté, de démocratie, de
souveraineté. Le 21éme siècle doit être africain et siffler le
réveil du phénix endormi depuis trop longtemps ».
Ousmane Sonko
Sommaire
Introduction .................................................................... 11
11
Il a bousculé des ordres établis et dérangé bien des
certitudes, voire des quiétudes, dans ce qu’il se plait à
appeler lui-même le « système ». Son ascension a connu
une fulgurance rarement vue dans l’espace politique. Son
style est différent, son modèle est atypique1 ». À moins de
10 ans, il s’est imposé comme l’attraction
politicomédiatique de la scène politique nationale et
africaine. Il est devenu, en un temps record, la coqueluche
de la classe politique sénégalaise et le réceptacle d’une
grande admiration et sympathie populaire. Il reste
actuellement la personnalité politique la plus populaire au
Sénégal. Il attire les foules et est adulé par une frange
importante de la population, essentiellement composée de
jeunes et de femmes.
12
la fonction et non à la personne. À la limite, les personnes
sont interchangeables. Leurs personnalités, leurs qualités
propres disparaissent devant la nécessité d’incarner le
comportement social, culturel et religieux exigé par
l'organisation sociale. Mais cette incarnation oblige à un
effacement complet de la personne. La contrainte
d'exemplarité est telle que l'individu est en permanence
obligé de se censurer, de faire taire en lui les expressions
de l 'individualité.
Nous verrons dans la première partie de notre travail que
le leader de Patstef/les patriotes est un expert en la
matière. Son génie politique s’est manifesté dans sa
capacité de mobiliser toutes les valeurs culturelles,
religieuses et ethniques, spécifiques à la société
sénégalaise, pour renforcer son charisme et sa position.
Dans sa logique de conquête du pouvoir politique pour
créer le consentement nécessaire autour de sa personne, il
recourt à des dramatisations sociales, à l’imaginaire et à
l’instrumentation des croyances et représentations
collectives. Il développe en conséquence une stratégie
politique à action multipolaire axée essentiellement sur la
mobilisation des ressources symboliques. En vrai stratège
politique, il va mettre en œuvre une astucieuse politique
dont les actes s’identifient fermement avec les symboles,
les opinions et les modèles qui représentent la mentalité
collective ou les institutions qui ont un ancrage solide sur
la mentalité collective sénégalaise.
Il a su adopter le comportement social, culturel et
religieux exigé par l’organisation sociale en usant de la
religion, la tradition, l’ethnicité, et les figures historiques
en sa faveur.
13
sont présentées à lui (sa radiation, l’accusation de viol,
etc.) En vrai stratège, il a su les exploiter en sa faveur pour
impressionner l’opinion populaire et par la même occasion
se hisser au-devant de la scène. Aussi, son discours contre
le système, le néocolonialisme et son insistance sur la
« fracture » entre le peuple et les élites dirigeantes
supposées corrompues ont été, pour lui, un positionnement
politique intelligent. Sa stratégie politique qui l’oblige à
s’adapter aux réalités politiques du moment lui vaut un
succès médiatique indéniable.
Dans la troisième partie, nous essayerons d’analyser que
Ousmane Sonko impressionne par son discours, son
charisme, son prestige et sa proximité avec le peuple qui
constituent sans nul doute sa véritable force politique.
Sans compter la forte mobilisation de ses militants qui a
été déterminante dans la construction de sa personnalité
politique. Plus connus sous le nom « les patriotes », ils
font la force de leur leader politique.
14
CHAPITRE 1
Le génie politique sur scène
1) Tradition et politique
15
qui puisent leur légitimité dans la tradition. Comme
l’écrivait Hérodote : « Tous les hommes sont convaincus
de l’excellence de leurs coutumes… Il n’est donc pas
normal, pour tout autre qu’un fou du moins, de tourner en
dérision les choses de ce genre »2. Cela signifie qu'il est
donc indispensable que les détenteurs du pouvoir politique
aient une bonne image auprès du peuple.
Sur ce, le véritable leader politique est celui qui a réussi à
mettre en œuvre tous les attributs traditionnels en sa
faveur pour pouvoir s’intégrer dans le groupe, qu’il est
censé diriger. Ainsi, la langue comme véhicule des valeurs
traditionnelles apparaît de prime abord comme un élément
essentiel d’acceptation sociale. Ignorer la langue du milieu
semble relever d’une acculturation qui rebute les
populations.
La langue apparaît donc comme véhicule de l'histoire et
des règles collectives, c'est-à-dire comme un vecteur de
compréhension et d'adhésion des populations aux enjeux
de l'action publique et au pouvoir. Parler la langue locale
participe à renvoyer l’image d’une proximité avec les gens
« ordinaires ».
« Le langage légitime est celui qui correspond aux
catégories sociales elles-mêmes les plus légitimes 3 ».
Cela veut dire que parler la langue locale renforce
l’impression de proximité, ce qu’un langage plus étranger
ne permettrait pas. S’exprimer en langue locale permet de
se montrer proche de ses citoyens et de se mettre dans une
logique de confiance. Alors que la langue occidentale
marque la domination et la supériorité du responsable, la
langue locale renforce l’impression d’une proximité, et
2
L’Enquête, III, 39, in Hérodote, Œuvres complètes, Paris, Gallimard,
1989, p. 235.
3
Cours donné à des élèves de Lettres Supérieures à propos de
l'ouvrage de Pierre Bourdieu « Langage et pouvoir symbolique»,
http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com ›.
16
logiquement une certaine familiarité avec la population
locale. Elle fait partie d’une certaine représentation du
monde social, fondée sur l’idée qu’un être proche est un
être semblable, familier accessible et, donc, digne de
confiance. En effet, les choix linguistiques et discursifs
reflètent l’image que se fait le locuteur de son auditoire,
mais ils constituent aussi l’image que le locuteur souhaite
renvoyer de lui-même4.
Ousmane Sonko, en vrai spécialiste du politique, n’hésite
pas à exprimer sa préférence à communiquer avec la
langue locale.
Par exemple, après avoir fini de parler en wolof, un
journaliste interpela Sonko pour lui demander de faire une
version en français. Celui-ci répondit qu’il n’avait pas
prévu une version française car, il s’adressait aux
Sénégalais qui, dans leur écrasante majorité, ne
comprennent pas la langue officielle du pays. Il préféra
donc s’exprimer en wolof, la langue qui lui permet
d’atteindre le maximum de Sénégalais, eu égard au statut
de lingua franca que cette langue occupe au Sénégal.
En s’exprimant ainsi, le leader des patriotes s’imprègne
dans le support naturel de la culture pour s’ériger en vrai
défenseur de nos dialectes culturels.
4
Cf. Traoré Laure, « Langues et registres de légitimation du pouvoir
politique au Mali : les discours présidentiels en contexte de (post-)
crise », Autrepart, 2015/1 (N° 73), p. 105-122. URL :
https://www.cairn.info/revue-autrepart-2015-1-page-105.
17
en est une parfaite illustration. Il est une invite à
consommer local ou africain. En vrai leader politique, lors
de la cérémonie symbolique marquant l’évolution du
Pastef, il a opté pour une tenue qui rappelle la culture
africaine. Un chapeau dont l’origine est nigériane coiffait
sa tête. Paré d’un habit cousu avec un tissu, il portait des
chaussures qui ont été confectionnées au Sénégal. Les
couleurs sont le noir, le doré et le blanc.
Le noir a, comme toujours, un côté classe, intemporel,
surtout dans la mode. Le blanc représente souvent la
pureté et le doré, la richesse. Notons quand même que
dans le look de Sonko, le noir vole la vedette aux autres
couleurs.
Au-delà de l’élégance, la tenue vestimentaire
traditionnelle lui donne de la prestance. En arborant
souvent le grand boubou, assorti d’un bonnet, Ousmane
Sonko, le patriote, se donne l’image d’un homme politique
mature, responsable plein de sagesse, surtout enraciné
dans sa tradition.
La tenue traditionnelle de l’acteur politique véhicule un
message à travers une mise en scène corporelle,
contribuant du coup à la revendication d’une idéologie
politique. Elle est un champ de bataille idéologique pour
exprimer solennellement les valeurs africaines, le devoir
de reconstruire la personnalité africaine et l’obligation de
solidarité à l’égard de tous les Africains qui se
reconnaissent et se distinguent partout dans le monde par
la tenue vestimentaire qui leur est spécifique.
Très élégant dans ses boubous traditionnels, le président
Ousmane Sonko a l'habitude de porter des tenues
traditionnelles africaines d’une rare élégance. Cela lui a
permis de renforcer le lien entre lui et le peuple sénégalais
et africain qui se reconnait dans ces tenues traditionnelles.
Cela lui a également permis de se faire accepter en
18
essayant de gagner le cœur des populations en montrant un
certain attachement à leur manière d’être et de vivre.
À partir de cet exemple, nous pouvons dire qu'un acteur
politique qui veut se faire accepter se trouve dans
l'obligation manifeste de se réapproprier et de faire vivre
les différents signes qui régissent chaque communauté
humaine. C'est en les adoptant par le comportement que la
communauté arrive à le considérer comme un leader
politique respectueux et vertueux envers les valeurs de
cette même communauté. Ce qui nous autorise à dire que
le leader politique pour se faire accepter par une
communauté donnée, il a besoin systématiquement de
s’approprier leurs valeurs culturelles et de s’ériger comme
le défenseur ultime de leur patrimoine historique. Sur ce
point, le génie politique de Sonko n’a pas dérogé à cette
règle. Au Sénégal, la polygamie, très répandue dans la
société sénégalaise, est une valeur culturelle avant d’être
religieuse. La polygamie est un mot d’origine grec. Elle
vient à la fois de « polus » qui veut dire nombreux et de
« gamos » qui veut dire mariage. Elle est une valeur
traditionnelle ancestrale, un système social qui admet
légalement le mariage d’un homme avec plusieurs femmes
simultanément. Et dans la société sénégalaise actuelle, le
statut de l’homme polygame le hisse au sommet de la
hiérarchie sociale en tant qu’individu responsable et viril.
En fin stratège, Ousmane Sonko s’érige en défenseur de
cette valeur culturelle. Il n’hésite pas, lors des
manifestations, à s’afficher au milieu de ses deux épouses.
Geste qui a été hautement salué par la société sénégalaise
qui a fini par le considérer comme un défenseur ultime de
son patrimoine culturel et religieux.
Les valeurs et cette vision qu'une société a d'elle-même
constituent les fondements mêmes du sens social que se
donne une société à un moment donné. Elles
correspondent aux concepts de représentations collectives,
19
d'idéologie ou de conscience collective objectivée. Le
recours à nos valeurs traditionnelles est un moyen efficace
d’enracinement social. Il apparait comme un moyen très
efficace pour le politique de s’intégrer culturellement
parce qu’il suppose des valeurs communes. C’est pourquoi
toute conformité aux valeurs traditionnelles apparait aux
yeux du peuple comme une marque de considération et de
solidarité. À partir du moment où les valeurs apparaissent
comme étant largement intériorisées par les groupes, ces
valeurs deviennent légitimes et les gardiens de ces valeurs
reçoivent en retour une estime considérable de la part du
peuple. Ils se montrent comme son émanation, ils en
assurent la présentation à l'extérieur, ils lui renvoient une
image d'elle-même idéalisée et donc acceptable.
En guise d’illustration, la culture populaire sénégalaise
dans son ensemble est profondément hostile à
l’homosexualité. Au Sénégal, un pays musulman à 95 % et
très pratiquant, l’homosexualité est largement considérée
comme une déviance, et sa défense comme une entreprise
de l’Occident pour imposer sa vision sociale. Les appels à
en durcir la répression apparaissent pour les leaders
politiques comme un moyen très efficace pour se faire
accepter sur le plan social. Sans doute conscient de cela,
Ousmane Sonko, en révélant solennellement une attitude
très hostile à l’homosexualité, a fini par renforcer sa
crédibilité nationale. Pour ce faire, il invoque la religion,
mais « surtout un souci de préservation de notre
humanité ».
20
En plus de cela, dans les pays africains marqués par une
influence manifeste et considérable des mécanismes
traditionnels de domination (chefs-sujets ou encore maître-
tributaire), toute crédibilité politique vient après celle du
chef et toute reconnaissance politique découle du discours
que le chef tient du leader politique.
« La chefferie traditionnelle est devenue une nouvelle
arène où la légitimité coule comme l’eau de roche, lieu
par essence de délectation de l’élite politique pour se
frayer un chemin et se positionner comme un acteur
crédible ou légitime »5. En d'autres termes, le recours à la
chefferie traditionnelle ou à la royauté apparaît comme
une source d’acceptation et de crédibilité de tout leader
politique. Ainsi, à mesure que s’enracinent les règles de la
démocratie électorale et que la lutte politique devient plus
rude, les chefs traditionnels permettent de donner des
gages de reconnaissance culturelle.
Dans la plupart des pays de l'Afrique, où plus de la
majorité de la population vit en zone rurale, les chefs
occupent donc une place importante dans le processus
d’acceptation sociale du leader politique. Étant les garants
des lois coutumières, ils jouissent, en effet, souvent d’une
grande autorité auprès des populations rurales. Un leader
politique qui cherche à entrer en conflit avec les chefs
locaux a peu de chance d’être accepté, à moins que ce ne
soit de façon violente.
Si les grandes figures nationalistes, le Premier
ministre Sénégalais Mamadou Dia et le Président Ghanéen
Kwmé N'Krumah, sont tombés, c'est à cause de leurs
attaques contre les élites traditionnelles, respectivement en
1962 et en 1966. Ainsi, en 1979, la constitution ghanéenne
abolissait la nécessité d'une validation par l’État pour la
5
Sosthéne Nga Efouba, La crise de la chefferie traditionnelle en
Afrique au Sud Sahara, Edition L’Harmattan, p. 161.
21
désignation des chefs reconnaissant des logiques de la
chefferie. La tentative socialiste de Kwmé N'Krumah a
échoué à cause de l'incapacité du parti unique à s'appuyer
sur une organisation portante de la société civile.
N'krumah était dans l'obligation de réduire, sinon
d'annuler, le pouvoir des chefs traditionnels, dans le but de
remplacer la chefferie en tant qu'autorité morale et
structure fondamentale de la société, par le parti unique. Il
n'a pas réussi à cause de l'absence de racines du parti dans
la société, et la politique anti-chefs du CPP. Il ne fit
qu’aggraver son défaut d'ancrage dans la société civile.
C’est pour cette raison que certains leaders politiques,
dans les zones où il y a une forte présence et une influence
de la chefferie, cherchent à s’approcher des chefs
traditionnels pour se faire accepter par la population
locale.
En vrai tacticien du politique, Ousmane Sonko considère
que c’est toujours très important de donner une place de
choix aux autorités religieuses et coutumières. Sur ce, il
rend régulièrement visite aux rois d’Oussouye. Il profite
de ces rencontres pour évoquer ses positions politiques et
les attaques qui l'ont pris pour cible ces derniers temps.
« Nous avons cette éducation du sud qui est au centre des
valeurs, la bonne éducation... C’est pourquoi vous
n’entendrez jamais des insultes de ma bouche ».
2) La figure du héros
22
passé se conservent dans la vie mentale des masses,
également sous forme de traces mnésiques. Dans certaines
conditions favorables, on peut les restituer et les revivifier.
Les leaders politiques africains se créent des héros qui
personnifient les valeurs prônées par le régime.
Immortalisé par l'imagerie politique, le héros est associé à
la création de la société, à son combat pour la survie et à
son triomphe contre toutes les adversités. La tendance à la
prolifération des héros peut d'ailleurs être considérée
autant, sinon plus, comme un trait de la culture populaire
que du régime politique. Les traditions politiques, comme
religieuses, ont souvent besoin de prendre corps dans un
personnage symbolique : héros fondateur, prophète,
messie qui marque, comme l'ancêtre en Afrique, la
continuité du phylum social et donne à ses admirateurs le
sentiment d'un enracinement historique6.
Le héros n’a pas forcément à être historique. Il lui suffit de
faire sens, de signifier pour une communauté, pour avoir
du succès et se pérenniser aux yeux de contemporains.
Dans les deux cas, les héros anciens nous permettent non
seulement de comprendre le passé, mais agissent sur le
présent.
Le peuple africain se nourrit quotidiennement de tout un
ensemble de discours qui circulent dans le corps social,
hérités de la tradition orale et inscrits fièrement dans les
livres d’histoire. Ces discours retracent généralement le
passé héroïque et glorieux d’un peuple au fait de l’art de la
guerre. Art qui, d’ailleurs, a permis aux rois africains de
résister farouchement aux armées coloniales. Ce fond
historique constitue une source de fierté pour l’ensemble
des Africains qui, certainement, rêvent toujours à une
restauration de ce prestige. Sur ce, le leader politique, en
6
Claude Rivière, Les Liturgies politiques, Editeur Presses
universitaires de France (réédition numérique Fenixx), 2015, p.241.
23
s’identifiant aux figures historiques du passé, contribue à
partager, avec tous les membres de la société, le désir
intense de s’identifier à un « grand homme » dont les
qualités individuelles ont une grande influence sur eux.
Le héros jette les fondements du pouvoir en même temps
que les bases de sa légitimité. Ce faisant, il est le modèle
profond de référence sans lequel le pouvoir ne tient pas.
Un leader politique qui ne l'a pas le sollicite : c'est la
condition indispensable pour obtenir l'adhésion et
l’acceptation des membres du groupe. Le fait, par
exemple, d’être « bien né », d’appartenir à un même
lignage que celui du héros suppose que les individus
vivent dans un type de société et de régime politique qui
se fondent sur l’autorité absolue de ces « ayant droits » et
qu’ils reconnaissent à ceux-ci une légitimité de destinée.
Sékou Touré, en se réclamant, par exemple, de la lignée
de l’Almamy Samory Touré, ne se faisait aucune illusion
sur les différents avantages qui l’attendaient. La mise en
récit d’un destin national, reliant la période nationaliste
des années 1950 à ces héros précoloniaux, permet à Sékou
Touré de se hisser au même rang qu’eux et de rejoindre le
panthéon national ou africain.
7
Cf. article d’Etienne Smith, Des arts de faire société, Parentés et
plaisanteries et constructions en Afrique de l’Ouest (Sénégal), p. 761.
24
répertoire masculin de la virilité guerrière, cher à
l’imaginaire Mandingue.
Sur ce point, le génie politique du natif de khombole s’est
illustré de fort belle manière. Il n’est pas resté indifférent
et insensible aux parcours, aux histoires des « grands
hommes » qui vont lui servir de repères pour consolider
son statut politique.
Il va faire un usage politique subtil de l’histoire, en se
référant à l’une des figures les plus marquantes de la
Casamance à la fin du 20ème siècle : Arfang Bassire
Sonko.
25
Sonko, illustre pars ses hauts faits de développement en
tant que chef de canton des Djougouttes-Nord 8».
La mise en référence avec ce héros précolonial va lui
permettre de renforcer, par la même occasion, sa position
politique. L'éclat de cette figure ancestrale revalorisée va
rejaillir sur sa propre personne et rehausser son prestige,
ce qui peut susciter respect et admiration. En d’autres
termes, Ousmane Sonko, en vrai spécialiste du politique,
en trouvant un ancêtre noble et digne qu’il rattache à sa
personne, revendique, d’une certaine manière, une place à
l’intérieur d’une société. Je demande à occuper telle
position en fonction de ce que mon ancêtre représentait à
l’intérieur du groupe.
8
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, autoédition,
2018, p. 29.
9
Claude Rivière, Les Liturgies politiques, PUF, p.241.
26
concrète à l’idéologie, en ce qu'il représente quelques
valeurs et normes fondamentales du système.
Sur ce, le leader de Pastef a trouvé en la personne de
Mamadou Dia le personnage idéal, correspondant à ses
aspirations politiques. Pourquoi Mamadou Dia ? Cela
n’est pas un choix fortuit. Sans doute pour la majorité des
Sénégalais, Mamadou Dia était un nationaliste. Il était
pour le socialisme autogestionnaire et pour l’indépendance
économique de notre pays, contrairement à Senghor, plus
conciliant et plus français. Dans l’opinion populaire,
Senghor président de la République, un animal politique,
finira par liquider son ami Mamadou Dia, président du
conseil, pour tentative de « coup d’État » et régnera, sans
partage, sur le Sénégal de 1962 à 1980. En effet, arrêté en
décembre 1962, emprisonné à Kédougou de 1963 à 1974,
il n’a été gracié qu’en 1976. Intransigeant, il refusait toute
compromission : « Je préfèrerais mourir libre en prison,
que de sortir de prison en devenant prisonnier d’un
engagement contraire à mon devoir de citoyen et de
patriote africain et sénégalais », avait-il dit à Senghor. « Il
sentait qu’il était porteur du destin de son peuple, avec
résolution, sans compromission. C’est un Peul, et les
Peuls ont le sens de la dignité, la dignité de l’homme qui
est intégralement dans ses gestes, dans ses prises de
position ; il n'en démord pas », disait Roland Colin.
De ce fait, en s’identifiant à Mamadou Dia, l’ancien
inspecteur des impôts va chercher habilement à partager,
avec tous les membres de la société sénégalaise, le désir
intense de s’identifier à un « grand homme » dont les
qualités individuelles ont une grande influence sur eux.
Conscient de toute cette estime que les Sénégalais portent
en cet homme, il va relier son destin à lui pour revendiquer
un certain droit de gouverner. Avec cet homme, dit-il, nous
partageons la même ville : Khombole, d’où est originaire
ma mère, et tellement de convergences, politique que notre
27
naissance au même mois de juillet, à trois jours
d’intervalle. Tout cela ne saurait relever de la pure
coïncidence.
« À partir d’aujourd’hui, nous dit-il, tout jeune patriote
sera une cible à abattre. Soyez prêts, surtout mentalement.
Parce que ce système arrange beaucoup de gens,
beaucoup de personnalités. Où sont passés Thomas
Sankara et d’autres patriotes éliminés par nos dirigeants,
amis des Européens, qui pillent nos ressources ? Où est
passé Mamadou Dia qui a été privé de jeunesse ? Il a été
sacrifié par l’ami des Européens. Et ce qui s’en est suivi,
tout le monde le sait. Je vous demande de visiter son
œuvre », lance-t-il aux jeunes, acquis à sa cause.
Se référer à un héros, c’est choisir un chef, un miroir, et
c’est faire l’hypothèse d’une communauté, celle dont
l’unité est retrempée et renforcée dans la participation à
chaque commémoration.
À partir de là, nous pouvons dire que lorsque le héros
occupe une place singulière dans le cœur des mortels, la
mise en relief et la mise en valeur de l’exemplarité de son
personnage de dimension historique permettent en quelque
sorte au leader politique de se faire accepter parce qu’il
finit par être considéré par le peuple comme l'incarnation
ou le continuateur même du défunt héroïque.
Sur ce, les nombreuses références du leader des patriotes à
Thomas Sankara ne constituent pas seulement un
programme mémoriel clairement défini, mais un véritable
marketing politique, tant sur le plan national et
qu’international. En effet, la figure de Thomas Sankara va
lui servir à la fois de repoussoir et d’outil de légitimation
politique. Ce qui rend les usages politiques de sa mémoire
particulièrement habiles. Son discours et ses actions sont
souvent empreints par l’influence de Sankara. Il va même
28
accrocher sur un mur de son salon l’image de cet illustre
révolutionnaire, le divulguant à chaque sortie
audiovisuelle. Tout comme le jeune révolutionnaire
Thomas, Ousmane Sonko parle de lutte contre
l’impérialisme, contre le néocolonialisme ; il dénonce les
gouvernants africains qui appauvrissent leurs populations ;
il appelle à la répartition équitable des richesses et
s’offusque contre les institutions internationales, etc.
En se référant au capitaine Thomas Sankara, il va acquérir
une double légitimité : nationale et internationale.
Sur le plan international, sa référence à Thomas Sankara
lui assura une reconnaissance africaine comme défenseur
du panafricanisme, invitant à une solidarité avec les autres
pays africains. Cela va lui permettre d’affirmer sa présence
auprès des peuples africains qui aspirent à une Afrique
libérée de la tutelle occidentale.
Sur le plan national, elle va lui permettre de mobiliser un
bon nombre de citoyens qui voient en lui un messie, un
sauveur, comme le nouveau Thomas Sankara Sénégalais.
La société dans laquelle nous vivons est composée
d’anciennes personnes qui ont marqué par leur talent, leur
qualité et leur héroïsme la vie de chaque communauté
humaine. L’homme politique, en conservant, en retenant et
en répétant leurs noms, en les attribuant aux rues, aux
places, aux parcs, aux stades… affirme une certaine
continuité de leurs œuvres et se donne une ligne de
référence et de conduite. Ces associations entre une
personnalité et un lieu ou un objet public ont une portée
symbolique remarquable sur le peuple. Les hommes dont
l’existence est reconnue comme présentant une valeur
éminente pour la société en les récompensant par leur
présence nominative dans l’espace public et la mémoire
collective apparaissent à la fois comme un honneur pour
l’homme politique et un repère pour les hommes qui
29
s’identifient à ces grands hommes historiques qui ont bâti
leur histoire.
« Qu’ils soient langagiers ou iconiques, les symboles qui
n’ont pas de rapport avec notre vie quotidienne et nos
frustrations ou succès journaliers sont inopérants et
dénués de sens. Ils ne provoquent aucune empathie, un
peu comme les articles de musée dans lesquels les
visiteurs ne verraient que les icônes d’une culture
morte 10 ».
Ousmane Sonko en a pris conscience. Son premier acte,
en tant que maire de la ville de Ziguinchor, a été de
rebaptiser cinq rues de Ziguinchor, qui portaient jusqu’à
présent des noms issus du passé colonial ou qui
renvoyaient directement à des figures de l’impérialisme
français. Les figures et les mots sélectionnés par Ousmane
Sonko sont de celles qui ont une portée historique chez les
casamançais en particulier et les Sénégalais en général.
L’avenue du Capitaine-Javelier devient ainsi l’avenue du
Tirailleur-Africain ; la rue du Lieutenant-Lemoine sera
désormais l’axe Thiaroye-44 ; celle du Lieutenant-Truch
est rebaptisée Séléki-1886 ; la rue de France cède la place
à la rue de l’Union-Africaine et celle du Général-de-
Gaulle se fera désormais appeler rue de la Paix.
Le lieutenant Truch est en effet un administrateur colonial
mort aux côtés des lieutenants Renaudin et Seguin lors de
la bataille de Séléki, au cours de laquelle des combattants
casamançais ont résisté à l’assaut des colons, en 1886.
Même raisonnement avec le lieutenant Lemoine, tué au
front lors de la Première Guerre mondiale. Ousmane
Sonko a préféré commémorer le massacre des tirailleurs
sénégalais par l’armée française à Thiaroye, en 1944.
10
Cf. Murray Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Editions
Seuil, 1991, p. 30.
30
En rebaptisant les rues, l’ancien inspecteur des impôts va
renverser le narratif colonial et par la même occasion
conforter sa position comme défenseur de la souveraineté
nationale dans sa forme la plus absolue.
3) Religion et politique
31
tempérance, l’honnêteté, l’humilité, et, il est difficile
d’être considéré comme un homme politique respectable si
l’on n’est pas pratiquant, même si ce n’est évidemment
pas le seul critère.
Ousmane Sonko comprend que l’instinct religieux est
consubstantiel à la société sénégalaise. Elle éprouve
toujours un sentiment d’adoration devant un acteur
politique fortement imprégné des valeurs religieuses. Ainsi
sur le plan religieux, le leader du Pastef, son image d’un
musulman à cheval sur les préceptes de l’Islam va lui
permettre de renforcer son image aux yeux du peuple
sénégalais.
Son discours en wolof est souvent émaillé de citations
coraniques destinées à étayer ses propos et, surtout, à
capter la confiance des Sénégalais qui, il est vrai, sont un
des peuples les plus profondément musulmans d’Afrique
de l’Ouest. Souvent, lors de ses déplacements dans les
régions, il s’arrête en pleine route pour accomplir sa
prière, en invitant ceux qui l’accompagnent à faire de
même.
À défaut de se conformer de façon constante aux
prescriptions de la foi, il cherche constamment à habiller
ses actes de formalités nombreuses dans le dessein de se
concilier par des apparences à la communauté sénégalaise.
En vrai stratège, Ousmane Sonko a su user de la religion
en sa faveur pour apparaitre comme étant un homme pieux
et honnête. Par exemple, il fréquente souvent les darras et
n’hésite pas à réciter des versets du coran. Comme à
Touba où le leader de Pastef /les patriotes a accroché un
jeune pour lui demander de réciter le coran pour, ensuite,
lui souligner, à la fin, qu’il maitrise les écritures saintes.
Cela veut dire que la religion demeure donc une source
d’accès au pouvoir politique. Pouvant faire l’objet d’une
instrumentalisation par le politique, elle apparaît comme
un moyen efficace de valorisation du personnage
32
politique. La manipulation religieuse par le politique se
présente donc sous deux aspects, en apparence
contradictoires. Elle peut être mise au service de l'ordre
social existant et des positions acquises au service de ceux
qui veulent conquérir l'autorité.
33
posséder. Il a le sentiment que sa propre force de travail ne
lui appartient pas ; elle est à la disposition du marabout
avec qui il a passé un contrat métaphysique, qui lui assure
le paradis après la mort11.
« On n'est pas religieux seulement quand on adore une
divinité, mais quand on met toutes les ressources de son
esprit, toutes les soumissions de sa volonté, toutes les
ardeurs du fanatisme au service d'une cause ou d'un être
devenu le but et le guide des sentiments et des actions »12.
En examinant plus profondément la conviction des
talibés, on constate qu'ils ont un sentiment religieux très
singulier qui se caractérise par l'adoration à leur marabout,
supposé être un individu hors du commun des mortels.
Cela se manifeste par la crainte de sa puissance qu'on lui
attribue et une soumission aveugle à ses commandements.
Il devient donc impossible aux talibés de discuter ses
dogmes. Ainsi, les talibés ont cette tendance quasi
spontanée à considérer comme ennemis tous ceux qui
refusent de les admettre. Sur ce, le contrat maraboutique
est donc plus fort que le contrat étatique. Si l'allégeance
des talibés envers leurs marabouts est relativement stable,
la relation entre le politique est par nature précaire, fragile
et instable.
En inspirant donc une adoration sans bornes, en imposant
des dogmes sans discussion, les chefs maraboutiques
exercent une forte influence sur leurs talibés. Par
conséquent, tout comme les autorités traditionnelles, les
marabouts jouissent généralement, auprès des populations,
d’un statut auréolé de sacralité qui fait d'eux des instances
11
Cf. Cheikh Anta Diop, L’Afrique noire précoloniale, Etude
comparée des systèmes politiques et sociaux de l'Europe et de
l'Afrique Noire, de l'Antiquité à la formation des Etats modernes,
Présence africaine, p. 145.
12
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Réédition réalisée
d’après la 40éme édition de 1937, Édition Bod-Books on Demand,
p. 43.
34
incontournables. L'acteur politique qui nie leur autorité
court le risque d’être considéré comme un représentant
d’un système blasphématoire. L'influence des chefs
religieux est partout redoutée. Résidant sur la place, sans
attaches anthropologues avec la communauté locale, le
religieux jouit auprès des populations du prestige que
procure le statut d'envoyé de Dieu, ou plus simplement de
la confiance que peut inspirer son attitude de bienveillante
neutralité. C’est en ce sens que dans son article
scientifique « Parler politique du religieux et discours
religieux du politique au Sénégal : quand les frontières
communicationnelles se brouillent », l’universitaire Patrice
Corréa, Maître de Conférences à l’Université Gaston
Berger de Saint-Louis (UGB), explique que dans
« l’hypothèse d’un renforcement de la légitimité politique
par le système religieux », il est « impossible d’envisager
la légitimité du politique sans une moindre once de
reconnaissance symbolique conférée par des réseaux
« confrériques ». Voilà pourquoi, les leaders politiques,
s'ils veulent accéder au pouvoir ou le consolider, se
trouvent dans l’obligation de les traiter en partenaires
plutôt qu'en adversaires.
Ainsi, le natif de Khombole dispose par conséquent d'un
capital relationnel important avec le religieux. L’ancien
inspecteur des impôts s’adapte toujours aux spécificités de
la famille religieuse où il se rend, aussi bien par le
discours que dans le comportement. Par son habileté
politique, il trouve toujours le bon mot, le bon geste pour
gagner la confiance des communautés religieuses.
Même s’il affirmait dans son ouvrage, Solutions, qu’il
n’est pas né et n’ai pas grandi tidiane, mouride, layenne,
niasséne, ibadou,…mais simplement musulman13, c’est en
se réclamant mouride qu’il a pu convaincre les disciples
de Cheikh Ahmadou Bamba, c’est en adoptant un style
13
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 31.
35
Niasséne qu’il a conquis Kaolack, c’est en se réclamant
d’être apparenté à Aladji Rawane Ngolm, Moukhadam
d’El Hadji Malick Sy, de par sa mère, qu’il s’est fait
accepter par les tidianes, et c’est en ajoutant le patronyme
laye, sur son nom de naissance, qu’il s’est fait reconnaitre
par la communauté layenne de Seydina Limamou Laye, le
prophéte lébou.
36
En rattachant sa généalogie avec ce grand moment de
dévotion avec la communauté Tivaouane, Ousmane Sonko
cherche à se donner une place dans cette même
communauté et du coup de bénéficier de leur
reconnaissance sociale et politique.
37
d’un système identitaire et de classification sociale.
Ousmane Sonko, en vrai politicien, en s’appropriant du
patronyme laye cherche à créer un lien phatique entre lui
et la communauté layenne du mystérieux Limamou laye.
Toujours dans sa logique de séduction envers les
communautés religieuses, Ousmane Sonko, au sortir de sa
rencontre avec le guide des thiantacounes, Serigne Cheikh
Saliou Thioune, déclare :
« En plus d’être voisins, nous partageons l’amitié de nos
regrettés parents. Mon père, feu Mamadou, fut très ami
avec Cheikh Béthio Thioune avec lequel il a habité et servi
dans les années 60 comme enseignants dans le village
d’Agnak en Casamance. Ils y ont milité ensemble dans la
clandestinité sous le PAI et furent radiés ensemble de la
fonction publique ».
Cette déclaration solennelle lui a permis de renforcer son
capital de sympathie envers cette vaste communauté
religieuse, essentiellement composée de jeunes citoyens.
Et cela pourrait être décisif dans sa conquête du pouvoir
politique.
Au Sénégal, le marabout mouride apparaît non seulement
comme le pivot autour duquel tourne la vie de la
communauté, mais aussi comme une clé vers des positions
d’influence, synonymes de pouvoir et de statut.
Christian Coulon en a même fait un cadre analytique qui
lui permet d'expliquer deux types de fonctions qui existent
dans les rapports entre religieux et politiques : une
fonction de légitimation, de protection et de relais (pour
l'autorité religieuse) et une fonction de reconnaissance et
de légitimité (pour l'autorité politique)14.
14
Cf. Pouvoir politique et espaces religieux au Sénégal : La
gouvernance locale à Touba, Cambéréne, et Médina Baye, Thèse
38
Les chefs mourides assurent aux politiques une certaine
crédibilité sociale. Le vote mouride est, et a toujours été,
un facteur déterminant dans les stratégies de conquête ou
de maintien du pouvoir politique au Sénégal. Les
marabouts, devenus « Grands Électeurs », se servent du
Ndigel pour décréter des consignes de vote aux
populations. Ainsi, les politiques qui veulent conquérir le
pouvoir ont besoin des voix des électeurs, lesquels sont
soumis aux chefs religieux.
Sans doute, conscient de cela, le président Senghor, en fin
politicien, va chercher le soutien du mouridisme et
entretenir avec lui des relations plus qu’étroites. Il doit, en
grande partie, sa longévité politique à la tête de l’État à
l'alliance structurelle qui liait son origine à sa confrérie
mouride, dont le poids était et reste déterminant, tant du
point de vue économique que de celui de la légitimation
du pouvoir15. À chacune de leurs cérémonies, les
marabouts réaffirment solennellement leur fidélité
personnelle envers le président Senghor, qu’ils présentent
comme leur protégé. « Le président Senghor, déclare le
Khalife des Mourides, lors du Magal de Touba de 1966,
est mon ami de tous les jours. Depuis que j’ai eu à le
connaître, il y a vingt-et-un an, il a toujours tenu ses
promesses. Je vous le confie et vous demande de le suivre
partout où il vous demandera de le suivre. Je suis sûr qu’il
mènera notre Sénégal à bon port ».
Pour consolider son pouvoir, Senghor se confia, à
l’époque, au khalife général des mourides, El Hadj Falilou
Mbacké, qu’il considérait comme son père. L’expression
« mon père El Hadj Falilou Mbaké », devenu dès lors son
leitmotiv au cours de ses multiples campagnes électorales
39
et qu’il a fait retenir jusque dans les hameaux les plus
reculés du pays, a contribué, sans aucun doute, à son
succès auprès de la population rurale.
Le support du Khalife général des mourides (Serigne
Falilou M'Backé) à Senghor (qui avait promis de
contribuer à la construction de la Grande Mosquée de
Touba) sera déterminant pour l'élection de ce dernier à la
présidence de la république en 1963.
En 1983, Abdou Diouf n'hésita pas à solliciter auprès du
khalife général, Serigne Abdou Lahad Mbacké, « le
Ndigel », l'ordre de la soumission, pour disqualifier
Cheikh Anta Diop, du RND, qui était perçu gagnant de la
course présidentielle. En effet, le khalife général des
mourides enjoignant à ses disciples de voter Abdou Diouf,
Cheikh Anta s'y conforma, s'annihilant (...) pour se poser
en disciple mouride qui, de ce fait, a laissé à Diouf et ses
partisans le champ libre et obtenu le vote pour demeurer à
la tête du pays.
En 1988, le khalife général des mourides, la plus haute
autorité confrérique, avait dit que quiconque ne voterait
pas pour Diouf trahirait l’enseignement de Cheikh
Amadou Bamba, le fondateur du mouridisme.
Le président Abdoulaye Wade, quant à lui, affiche
ostensiblement son appartenance religieuse à la confrérie
mouride. Au lendemain de sa victoire, l'homme politique à
la crane rasée se rendit à Touba et se prosterna devant son
marabout, Serigne Saliou Mbacké, alors khalife général
des mourides. Le geste est surprenant. Ce qui fait dire à
Ousseynou Kane, dans les colonnes du journal Walfadjri :
« En allant avec autant de précipitation et d’ostentation
faire acte d’allégeance ailleurs, c’est comme si on volait
au peuple, qui seul en était l’artisan, sa victoire. L’image
du futur président, crâne baissé devant le khalife pour
40
pieuse qu’elle fût, avait choqué jusqu’aux plus
croyants »16.
Conscient des réalités socioculturelles et religieuses de son
pays, Abdoulaye Wade instrumentalise sa foi personnelle,
ce qui lui vaut le sobriquet du « président talibé »
(disciple).
On peut rappeler, par exemple, le discours du Président de
la République, Abdoulaye Wade, lors de la visite du
Khalife général, Serigne Bara Mbacké, à Dakar, en juillet
2008. Dans une déclaration agrémentée d'anecdotes sur les
relations de longue date entre sa famille et celle des
chefferies religieuses, le président Wade avait évoqué la
prédiction que lui avait faite le deuxième Khalife général
des mourides (Serigne Falilou Mbacké, défunt père de
l'actuel Khalife) qu'il allait devenir un des futurs
présidents du Sénégal. Ces discours d'influence visent à
légitimer le pouvoir politique et leur présence permanente
dans la communauté rurale de Touba.
Le président Macky Sall, comprenant l’influence de la
confrérie mouride dans le processus de légitimation du
pouvoir, s’était aventuré à réciter maladroitement des vers
de Cheikh Amadou Bamba, lors du Magal, célébration
religieuse la plus importante de la communauté mouride.
Dans cette même logique, Idrissa Seck, ancien premier
ministre sous Abdoulaye Wade, dans sa quête effrénée du
pouvoir qu’il cherchait à conquérir, va changer d’itinéraire
en faisant acte d’allégeance (diébelou) au Khalife général
des Mourides. Alors qu’il n’avait jamais caché son
appartenance, son attachement à la confrérie de Cheikh
Ahmed Tidiane. Et Tivaouane se glorifiait même de
compter parmi les siens, un membre de la confrérie dans
les plus hautes sphères de l’État.
16
Cf. Simon Maro, Sénégal : La course au ndigueul, Afrik.com, 8
décembre 2011, http://www.afrik.com/.../senegal-la-course-au-
ndigueul.
41
Le génie politique de la figure de proue de Pastef n’a pas
failli sur ce point. Ousmane Sonko va suivre ces
prédécesseurs. Il faisait partie à ses débuts en politique du
mouvement Ibadou Rahmane, un courant musulman
rigoriste en déphasage avec l’idéologie maraboutique. «
Je suis le seul homme politique sénégalais à qui l’on pose
des questions sur sa foi, si je fais partie du mouvement
Ibadou Rahmane-un courant musulman rigoriste- parce
que j'ai la barbe et que mes deux femmes sont voilées.
Cette question induit à une stigmatisation d'une catégorie
de sénégalais », s’était-il indigné. De tels propos ont été
confirmé dans son ouvrage intitulé Solutions : « Ceux qui
ont vécu dans le sud du pays savent de quoi je parle car
les considérations confrériques n’y avaient jamais été une
réalité aussi forte dans le reste du pays, (…). Donc mon
appartenance religieuse ne s’est déterminée par la
naissance et mon éducation ; et ma voie à l’intérieur de
cette religion ne s’est pas définie par opposition ou
antagonisme à une quelconque autre voie, mais par un
contexte et, plus tard, une option lucide. Je ne compte rien
y changer, absolument rien »17.
« Ensuite, parce que je ne verserai jamais dans cette
hypocrisie ambiante, rien que pour assouvir une obsession
presque morbide pour le pouvoir, de changer jusqu’aux
convictions essentielles, notamment religieuses. Si le
pouvoir n’était qu’à ce prix, je préfère y renoncer et rester
moi-même, garder mon essence spirituelle 18».
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Comme l’a si bien
remarqué le sociologue Cheikh Mbaye : « c’est un homme
des marges, Casamançais, Saint-louisien, un étranger
pour beaucoup de sénégalais. Il a voulu s’affranchir des
puissances confréries soufies, puis a fait volte-face. Il n’a
pas beaucoup de chance dans un pays qui a toujours voté
17
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p.31.
18
Ibid., p. 32.
42
dans le triangle confrérique 19». Conscient de cette
influence considérable des marabouts mourides dans
l’échiquier politique historique sénégalais Ousmane Sonko
va changer de fusil d’épaule. En fin politicien, il va
chercher à se soumettre à la communauté mouride. Ainsi,
à Touba, il se met carrément par terre, comme un "Talibé"
venant prendre le Ndigel (recommandation) du Khalife.
Il choisit Cheikh Saliou Mbaké comme guide religieux. Le
choix porté sur Cheikh Saliou Mbaké ne parait pas fortuit.
Cheikh Saliou Mbaké est le fils du défunt Khalife général
des mourides, Serigne Cheikh Saliou Mbacké. Les
Sénégalais voient en sa personne l’incarnation de son
défunt père. Ce marabout est en effet connu comme un
grand érudit, que seule la religion, le travail et les
enseignements de son grand-père, le fondateur du
mouridisme, l’intéressent. Il est dépeint par la société
sénégalaise comme un homme strict, pieux et très à cheval
sur des préceptes de l’islam.
Ainsi, en portant allégeance à Cheikh Saliou Mbacké,
Ousmane Sonko cherche à confirmer sa ligne de conduite
politique comme un leader politique pieux, honnête et
imprégné des valeurs religieuses et sociales.
Imposées à titre de vérités absolues, réitérées par une
suggestion continue, les croyances religieuses deviennent
allergiques à tout débat contradictoire. Les hommes se
refusent, en général, toute discussion et toute critique à
l'encontre de leur croyance religieuse. Ils n'ont ni le recul
nécessaire ni le retour sur soi qui alimente la réflexion. Cet
aspect dogmatique a pour effet de maintenir et conforter
l'intolérance des hommes. Comme l'a si bien remarqué
Gustave Le Bon « un des caractères généraux les plus
constants des croyances est leur intolérance. Elle est
19
Monde diplomatique, présidentielle au Sénégal : Ousmane Sonko,
un candidat antisystème pas si rebelle que ça, publié le 13 février
2019.
43
d'autant plus intransigeante que la croyance est plus forte.
Les hommes dominés par une certitude ne peuvent tolérer
ceux qui ne l'acceptent pas »20. C'est une loi générale :
« les convictions des foules, affirme Le Bon, revêtent ces
caractères de soumission aveugle, d'intolérance farouche,
de besoin de propagande intense inhérents au sentiment
religieux ; on peut donc dire que toutes leurs croyances
ont une forme religieuse »21.
Ce même phénomène est fortement présent dans la
psychologie religieuse du sénégalais. On le reconnaît à
l'intensité de la foi, à l'exaltation de ses sentiments, à la
propension de tenir pour ennemis ceux qui les refusent et
pour amis ceux qui les partagent, aux sacrifices de vies
humaines. L'intolérance et le fanatisme constituent
l'accompagnement ordinaire d'un sentiment religieux.
Ousmane Sonko, son passé d’acteur actif dans les
mouvements religieux islamiques estudiantins, comme
l’Association des Étudiants et Élèves musulmans du
Sénégal (AEEMS), et son profil facial qui rappelle les
coupes d’Abbas Madani et d’Ali Ben El Hadj en Algérie,
constitue un bon argument de discrédit pour ces
adversaires politiques, le taxant de « dangereux » Salafiste.
Bakary Sambe, dans son ouvrage paru à Montréal,
« Contestations islamisées : le Sénégal entre diplomatie
d’influence et Islam politique » (Éditions) Afrikana, 2018),
écrit à cet effet : « beaucoup d’acteurs proches des
mouvements réformistes non confrériques ont eu à
appeler, sur les réseaux sociaux, à voter pour la liste
dirigée par Ousmane Sonko qui, à leurs yeux, représente
une alternative « crédible » de par ses « qualités morales
20
Gustave Le Bon, L'opinion et les croyances, Flammarion, Paris,
1911, p.235.
21
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Réédition réalisée
d’après la 40éme édition de 1937, Édition Bod-Books on Demand,
p.39.
44
et religieuses ». Suffisant pour le décrédibiliser dans le
milieu du christianisme sénégalais et international. Même
si les chrétiens sont minoritaires au Sénégal, l’importante
majorité musulmane vit en respectant paisiblement les
minorités chrétiennes. Les communautés musulmanes,
chrétiennes et même animiste vivent dans une parfaite
cohabitation parfaite basée sur la tolérance mutuelle,
l’acceptation de l’autre dans ses convictions personnelles
et religieuses et presque une sorte de syncrétisme unique
en son genre.
C'est dans ce pays, que Senghor, membre d'une ethnie
minoritaire et d'une confession minoritaire, a été Président
de la République de 1960 à 1980. Ses principaux soutiens
politiques dans le pays ont toujours été les chefs religieux
musulmans.
Et Ousmane Sonko en a pris conscience. « Dans le
Sénégal du cousinage à plaisanterie entre ethnie et entre
noms de famille, le Sénégal de la cohabitation religieuse
enviée par le monde entier, le Sénégal de Senghor et
Serigne Fallou, il n’y a pas de place pour ces avis
obscurantistes et sectaires22 ».
Sur ce, il rend visite souvent aux archevêques, leur
témoigne son affection et sa sympathie envers la
communauté chrétienne. Comme en témoignent ses
nombreux messages de communion et de partage envers
cette communauté.
« Merci à Mgr Benjamin Ndiaye qui nous a accordé
beaucoup de son précieux temps et nous a permis un
échange profond et mutuellement instructif sur la situation
de notre chère Patrie. Bonnes et joyeuses fêtes de
Toussaint à toute la communauté catholique », écrit
Ousmane Sonko sur Twitter.
22
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 33.
45
Ces bons rapports avec la religion chrétienne s'imposent
particulièrement comme un moyen efficace de valorisation
de son image politique dans toutes les composantes
religieuses. Suffisant pour se positionner comme un acteur
politique bienveillant et sympathique au sentiment
religieux. De la même manière que l’on vote des budgets
pour d’autres secteurs, « nous devons le faire pour la
religion. Nous sommes tous des croyants (chrétiens ou
musulmans) », fait savoir le leader des patriotes qui rendait
visite à Serigne Modou Bousso Dieng.
46
constante avec une puissance transcendante, invisible et
mystérieuse qui demeure d’ordinaire inaccessible aux
autres hommes. L’homme politique qui occupe cette
position hors du commun en tire une capacité à effectuer
des prouesses et des prodiges qui suscitent l’étonnement,
l’admiration, le respect, la ferveur. Il est sollicité pour des
conseils, suivi dans ses avis et même dans ses ordres, en
somme considéré comme une autorité.
Et si le leader politique de Pastef est considéré comme un
personnage qui est hors du commun des mortels par
l’homo senegalensis, c’est qu’il n’est pas resté indifférent
à cette dimension psychologique que la mort représente
sur la population. Le leader du Pastef va chercher à
entretenir avec la mort une relation plus qu’étroite. Son
attitude constante, celle de défier la mort face à
l’adversité, lui procure de surcroit un certain prestige et un
charisme.
Voilà pourquoi, à maintes reprises, en vrai leader, il a su
multiplier les déclarations allant dans le sens de mettre sa
vie en jeu pour la défense de son statut politique et
personnel.
Parlant des manifestations et des affrontements violents
qui ont éclaté dans le pays après son arrestation, le 3 mars
2021, où quatorze personnes ont été (tuées), Ousmane
Sonko, la figure de proue de l’opposition sénégalaise
déclare toutefois qu’il ne se laissera pas faire. « Ceux qui
ont perdu la vie sur cette affaire ne seront pas plus dignes
que nous. Je suis prêt à laisser ma vie sur ce dossier, si la
justice n’a pas été rendue en toute indépendance et
impartialité », a-t-il fait savoir.
« Si Macky veut être candidat en 2024, il devra marcher
sur nos cadavres », avait averti Ousmane Sonko dernier
lors d’un rassemblement organisé Place de la Nation à
47
Dakar par le Mouvement de défense de la démocratie
(M2D), une coalition de partis et d’organisations de la
société civile créée en mars 2021.
« Si Macky Sall veut me liquider, il devra, pour une fois,
accepter de se salir les mains, au lieu de se cacher
lâchement derrière ces barbouzes de la justice. Parce que
tout le monde connait son habitude. Il instrumentalise la
justice et à chaque fois qu’il est interpelé, il dit que c’est
un problème de la justice. Nous savons tous que c’est lui
qui tire les ficèles. Et pour une fois, s’il veut me liquider,
moi, (parce qu’il doit comprendre qu’il n’a à faire ni à un
peureux ni à un poltron) il faudra, pour une fois qu’il
accepte de se salir les mains… », prévient le leader
politique.
Évoquant le dossier Sweet Beauté ou le fameux épisode
du salon de massage, le dimanche 22 janvier 2023 à Keur
Massar, où des centaines de milliers de personnes ont
répondu à son méga rassemblement, Ousmane Sonko a
haussé le ton. Il a appelé ses militants et sympathisants au
mortel combat.
« Je suis allé me recueillir auprès de la tombe de mon père
à Ziguinchor. Après, je suis allé demander à ma mère de
prier pour moi. Je vous annonce que j’ai fait mon
testament. Si Macky Sall ne recule pas, soit Macky Sall
nous tue, soit nous le tuons », a-t-il déclaré. À partir de
cette déclaration pleine de conviction, nous pouvons dire
qu’Ousmane Sonko apparait comme un vrai leader
politique. Famille, intérêt personnel, tout est sacrifié.
L’instinct naturel de conservation s’annule en lui, au point
que la seule récompense qu’il espère est la victoire face à
ses adversaires ou la mort.
Ainsi, en regardant la mort en face, Ousmane Sonko se
hisse au-dessus de sa propre personne et s’affranchit des
limitations qui affectent le commun des mortels. Il ne se
48
laisse pas abuser par ce que, d’ordinaire, les hommes,
naturellement, redoutent et fuient. Il transcende sa
faiblesse naturelle, lui impose la force de sa volonté et ne
se soumet plus à l’instinct de conservation qui ravale
l’homme au même rang que l’animal, dont le sens de
l’existence n’est que la survie. Il se rend ainsi apte à
diriger en faisant preuve de courage et de fermeté. Il peut
aussi opposer à l’adversité une inébranlable fermeté.
La fréquentation de la mort le rend ainsi supérieur à ce
qu’il était en mettant en jeu son intérêt personnel au
détriment de l’intérêt général.
En vérité, le sens de l’action politique est en grande partie
lié à cette capacité du leader politique d’affronter la mort.
Si Lat Dior est considéré comme héros national, c’est
grâce à son dernier combat, celui de Dékheulé, le
26 octobre 1886, il eut le pressentiment de sa fin
imminente et annonçait qu'il allait rejoindre Ma Ba, qui
était mort depuis 1867 : « je ferai la prière d'Al-Asr, avec
Ma Ba, mon serigne ». Et il est tombé, revêtu du boubou
qu'Amadou Bamba lui avait donné quelques heures avant
sa mort23.
Pour dire par là que la mort exerce une forte influence
politique dans le mémoire des vivants. L’homme politique
qui est prêt à sacrifier sa vie pour la défense de l’intérêt
national et de ses convictions personnelles acquiert un
nouveau statut social qui le transforme et le divinise.
En d'autres termes, le langage du pouvoir relie, d’abord, la
vie sociale au temps, en mettant en scène la mort pour
consolider une position acquise. Cela revient à dire que la
mort, loin d'être uniquement perçue comme un phénomène
biologique, dont l'appréhension pourrait se limiter à un
23
Cf. Vincent Monteil, L'islam Noir, Editions Seuil, p.98.
49
simple constat clinique, celle de certains hommes prend
une dimension publique qui indique toute son importance
politique et sociale.
Cela veut dire que les leaders politiques cherchent à
effectuer un travail de récupération de la mort où le défunt
est introduit dans le circuit de revalorisation de la
personne publique. Autrement dit, la représentation
verbale ou symbolique de la mort permet en quelque sorte
de manifester voire de justifier sa position politique.
Selon le procureur de la République, François Mancabou,
ce membre présumé de la « Force spéciale », est mort en
cognant le mur et les grilles de sa cellule au cours de sa
garde à vue et aurait succombé, un mois plus tard, aux
blessures contractées lors de cet incident. Ousmane Sonko,
en vrai tacticien du politique, ne va pas rester insensible à
cette situation.
Pour ce faire, il jure que cette version est fausse. Il a été
torturé jusqu’au sang pour qu’il m’accuse de l’avoir
envoyé faire des actes terroristes. « Vous savez pourquoi
François Mancabou a été tué ? Ce que je vous dis, je l’ai
eu sur des personnes très proches de Mancabou. Ils m’ont
fait savoir que des gens ont donné un PV à François
Mancabou et lui ont demandé de dire qu’il travaille avec
Sonko, que quand il va en Casamance, c’est pour me
rencontre et recevoir des instructions de ma part. Il a
refusé de signer ce PV », annonce Ousmane Sonko. Il a
payé son refus de sa vie, croit savoir Sonko dans des
propos tenus lors d’un rassemblement à Yeumbeul Sud, et
repris dans les colonnes du journal Les Échos. Et le
procureur a eu le toupet de venir raconter des contrevérités
aux Sénégalais sans sourciller. Et d’après le leader de
Pastef, « François Mancabou est la 19ème personne
assassinée par le régime entre mars 2021 et aujourd’hui,
pour des raisons politiques simplement ».
50
Ainsi, Ousmane Sonko, en mettant sa personne au centre
des circonstances tragiques de la mort de
François Mancabou, bénéficie à son tour des vertus
élogieuses de la mort, comme la compassion, l’empathie,
l’émotion populaire qui, en quelque sorte, participe à la
consolidation de sa position politique.
24
Dulong Delphine. « Mourir en politique. Le discours politique des
éloges funèbres », Revue française de science politique, vol. 44, no.
4, 1994, pp. 629-646.
25
Ibid., pp. 629-646.
51
politique, en renfermant leur mort dans un combat
patriotique.
« Bonne fête de Tous les Saints aux chrétiens du monde et
à nos compatriotes en particulier. Nos prières vont aussi à
nos trois martyres tombés un jour de Toussaint, le
1er novembre 2021, sur le sentier de la patrie. Ama Ndao,
Ibrahima Fall, Moussa Camara, nous ne vous oublierons
jamais. »
5) L’équation de l’ethnicité
26
Jean-François Bayart, L'Etat en Afrique, La politique du ventre,
Edition Fayard, 2006, p. 75-78.
52
l'élection restent enfermés dans une idéologie culturelle et
sociétale.
En d’autres termes, en Afrique, les relations de parenté,
d'amitié, d'alliances ou autres sont déterminantes dans
l'adhésion à un parti politique. Cette dernière ne se fait pas
en fonction d'un programme ou d'un projet de société.
Comme l'a si bien remarqué Sémou Pathé Guèye, « c'est
un pur sophisme que de prétendre que le vote émis
exprime le choix conscient en faveur d'une politique
considérée en toute connaissance de cause comme étant la
meilleure pour la société dans son ensemble, ou même
pour ceux qui ont émis un tel choix27 ».
Si le droit de vote est conformément à la logique de la
démocratie libérale, en Afrique, il apparaît plutôt comme
un droit collectif. Il est souvent orienté vers le candidat de
son village, de son clan, de son ethnie, de sa province,
indépendamment du programme politique proposé.
Souvent dans le vote communautaire, l'élection correspond
à une arène où se joue le sort des communautés
religieuses, linguistiques, ou territoriales. Les électeurs ne
se soucient pas trop de l'aptitude des candidats à concevoir
et à exécuter des programmes qui prennent en compte les
aspects clés du développement socio-économique. Quelle
que soit la qualité du programme que développe un
candidat, la sanction positive du vote peut dépendre en
grande partie d'autres logiques, comme celles identitaires.
Ce qui les détermine, c'est plutôt le fait que les candidats
leur soient familiers ou qu’ils soient issus de leur ethnie,
terroir ou encore région. La décision collective est forgée
non par des intérêts individuels, mais ceux de groupement
reflétant et exacerbant les clivages communautaires. La
mobilisation électorale s'effectue sur la base des
27
S. P. Guèye, Du bon usage de la démocratie en Afrique.
Contribution à une éthique et à une pédagogie du pluralisme,
Présence africaine, p. 168.
53
revendications d'appartenance identitaire. Les
appartenances ethniques, religieuses et régionales
déterminent le vote dans certains États de l'Afrique,
comme le Sénégal. « Voter n'est pas simplement un acte
civique d'expression de l'opinion d'un citoyen, mais aussi
et surtout un acte de solidarité et un rituel de
confirmation : confirmation de la solidarité villageoise
momentanée en fonction des attentes, confirmation aussi
de l'alliance scellée par le fils du terroir avec les autres
fils du terroir 28 ». L’identité socioculturelle de l’acteur
politique est souvent déterminante quand on dépose le
bulletin dans l’urne. Dans la conscience de l'électorat, seul
le candidat issu du terroir peut véritablement travailler au
développement de sa localité. La logique du fils du terroir
l'emporte souvent sur toute autre considération. Toutefois,
la décision collective est forgée, non par des intérêts
individuels, mais par ceux des dirigeants politiques
reflétant et exacerbant des clivages communautaires.
Conscients de cela, les leaders politiques, face aux
multiples enjeux de la compétition politique, vont chercher
à instrumentaliser cette détermination ethnique de
l’électorat pour mobiliser et en faire une stratégie de
conquête du pouvoir politique sur la base de
revendications et de conflits d’identités.
Dans cette logique, Ousmane Sonko, en vrai animal
politique, est conscient que la Casamance, sa région
d’origine, où il jouit d’une forte réputation politique, est
une étape décisive dans son processus de conquête du
pouvoir politique. En toute intelligence, il va chercher à
défendre les casamançais sur tous les fronts. « 7 jeunes ont
été assassinés parce que simplement, ils manifestaient en
Casamance. Si des forces de l’ordre ont arrêté des
28
Pierre François Godinec, Les systèmes politiques africains : les
nouvelles démocraties, Éditeur Fenixx réédition numérique (LGDJ),
2016, p. 84.
54
individus lors des marches et les qualifient immédiatement
de rebelles de la Casamance, n’y a pas plus visible comme
forme de stigmatisation des Casamançais », défend-il.
Dans son programme pour la mairie de Ziguinchor, il va
même proposer une monnaie locale pour la Casamance,
faisant abstraction que la Casamance fait partie d’une
entité qui est le Sénégal. À l’heure de l’intégration
africaine, proposer l’irrédentisme monétaire pour
améliorer les conditions de vie de la Casamance n’est rien
d’autre qu’un marketing politique pour renforcer son
capital de sympathie dans cette région sud du Sénégal.
L'ethnicité n'est qu’une variable qui peut exercer une
influence positive ou négative sur le système politique.
D. Darbon soutient que, « ...l'ethnicité n'est par nature ni
bénéfique ni défavorable au système social et politique
dans son ensemble. Tout dépendra des stratégies et des
modes d'articulation aux institutions étatiques qui seront
choisis. Elle peut en effet être à la fois un instrument
d’intégration dans des espaces identitaires plus larges et
non exclusivistes ou un instrument d'exclusion de
marginalisation et de destruction sociales dans des cadres
institutionnels n’autorisant pas et ne parvenant pas à
valoriser la multiplicité des allégeances »29.
C’est ainsi que le leader politique, Ousmane Sonko, va
encore manifester son habileté politique sur ce point, en
faisant de la question ethnique un moyen d’intégration ou
d’acceptation dans les zones qui lui paraissent hostiles.
Pour se faire reconnaitre par toutes les entités ethniques,
Ousmane Sonko va régulièrement instrumentaliser le
sentiment ethnique dans son élan de conquête du pouvoir,
tout en faisant de sa négation officielle l'argument central
29
Dominique Darbon., De l'ethnie au groupe, éléments d'évolution du
discours sur les pratiques identitaires, Roméo, Août 1993, p.15-16.
55
de sa rhétorique politique tout entière voué à l'apologie du
développement et de l'unité nationale.
C’est sans doute pour rivaliser avec son principal
adversaire politique, le président Macky Sall, originaire de
la région du Fouta, où il jouit d’une bonne réputation
politique, Ousmane Sonko va faire preuve de grandeur
politique. Il va appeler pour une prise de conscience des
populations du Fouta, en évitant le débat ethnique qui est
souvent animé par ces détracteurs pour le disqualifier.
« Nous sommes tous pareils devant le créateur. Dans le
Saint-Coran, le Tout Puissant a même évoqué les raisons
du brassage de différentes ethnies. Moi qui vous parle,
aux dernières élections présidentielles, je suis sorti
deuxième dans cette région. Ma notoriété dans cette partie
nord du Sénégal est incontestable ! », affirme-t-il.
En vrai politicien, il n’a jamais attaqué le président Macky
Sall sur le terrain ethnique ou religieux. Ce qui d'ailleurs
n'aurait pas eu l'effet escompté, sur des populations
habituées depuis longtemps à la cohabitation ethnique et
religieuse. La société sénégalaise se caractérise par une
homogénéité fondamentale des ethnies qui la composent.
La majorité de la population du Sénégal ont d'étroites
relations ethniques et historiques. Même si les Wolof
constituent la principale ethnie du pays, premiers
occupants du pays, les lébou ont adopté la langue wolof,
les Sereer sont considérés comme les cousins tribaux des
Wolof, les Tukulëër, les Sereer, les Peul, sont
traditionnellement apparentés. Même les Joola de
Casamance, quoique coupés par la Gambie du reste du
Sénégal, entretiennent d'étroites relations avec les Sereer.
Ayant pris conscience de cette cartographie ethnique
sénégalaise, le leader de Pastef, se revendique comme un
continuateur de cette tradition d'intégration ethnique par
laquelle sont passés, presque tous ceux qui, dans le pays,
56
ont eu à exercer des responsabilités politiques à l'époque
précoloniale. Blaise Diagne, le premier homme politique
sénégalais, se revendiquait comme le produit d'un
croisement interethnique : il est né dans l'île de Gorée au
large de Dakar, d'un père Wolof originaire du Baol,
Niokhor Diagne, et d'une mère, Gnagna Preira, dont le
père était un Manjak originaire de Casamance, et la mère
une Lébou. D'autres chercheurs trouvent une origine
Sereer à son père, mais peu importe
Pour se faire accepter par toutes les composantes
ethniques, tout comme Blaise Diagne, dans son discours,
Ousmane Sonko va chercher à incarner l’unité nationale,
en partant toujours de ses origines.
« En effet, par la transversalité de mes origines
familiales et sociales, mon parcours personnel (produit
des darras et de l’école publique), je fais partie des
Sénégalais dont la vie est une symbiose achevée et un lieu
de rencontre de notre diversité culturelle inspirée des
traditions du Fouta au Gandiol, du Cayor à la
Casamance, en passant par le Baol », affirme la figure
emblématique de Pastef dans son message au Sénégalais.
Il se considère comme étant le prototype même du
sénégalais. Et revendique sans concession et avec fierté
l’ensemble des différentes identités que composent le
Sénégal et se définit par essence comme « un condensé »
national ce qui le met au-delà des contingences partisanes
de nature ethnique et géographique : « Je suis né un jour
de juillet 1974 à Thiés, d’une mère sérère de Khombole,
dont les lointaines origines sont du Sine qu’un arrière-
grand-père avait quitter pour aller s’installer dans le
Gandiole, au nord du Sénégal. Du coté maternelle elle est
la fille d’une toucouleur, originaire du Fouta, précisément
57
du village de Ndiayéne Pendaw. Mon défunt père lui est
de l’ethnie diola, majoritaire en basse Casamance30 ».
30
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 29.
58
CHAPITRE 2
Ruse et stratégie politique
1) La radiation
59
débarrassant de Macky Sall en ces circonstances. Devant
une telle sentence présidentielle, l’image de Macky Sall
s’en trouvait renforcée et il s’érigeait en victime du
système wadiste et, du même coup, le peuple le
plébiscitait comme le potentiel successeur d’Abdoulaye
Wade.
60
« J’avais moi-même entrepris de sortir de
l’administration qui, après quinze ans, n’avait plus grand-
chose à m’offrir et, de surcroit, devenait une contrainte
pesante pour mes activités politiques du fait du corset des
sujétions 31».
61
suspension des droits à la pension pour manquement à
l’obligation de discrétion professionnelle », lit-on dans le
communiqué qui sonne le glas de la carrière de la fonction
publique sénégalaise de ce désormais ancien inspecteur
des impôts.
Un grand bond dans sa carrière politique. Macky Sall va
produire la même erreur qu’Abdoulaye Wade.
Pour Ousmane Sonko, son analyse était simple. Il parlait
d’un postulat simple : Ousmane Sonko le président de
Pastef, est un simple salarié qui doit entretenir une
dépendance vitale vis-à-vis de ses revenus salariaux.
Conclusion : si je lui coupe le salaire et les avantages liés,
il sera plus préoccupé à se trouver de quoi survivre et faire
vivre sa famille que de m’attaquer régulièrement.
Mauvaise calcul qu’il faisait là. J’accueillais cette mesure
avec soulagement et foi en Dieu33.
Il n’a donc pas visiblement appris de l’erreur de Wade en
sa faveur. Il vient de fabriquer de toutes pièces, sans le
savoir, un véritable monstre politique. La trajectoire
politique d’Ousmane Sonko va prendre une courbe
ascendante. Loin de le museler, la radiation va davantage
revigorer le leader des patriotes. Cet épisode de radiation,
largement diffusé par les médias nationaux, a permis au
chef politique les patriotes de se révéler au grand public.
Sur l’ensemble du pays et de la Diaspora, les adhésions se
multiplient. Elle va renforcer son capital sympathie et le
fait propulser de façon fulgurante sur la scène politique
sénégalaise. Pour preuve, deux années après sa radiation,
il est élu député à l’Assemblée nationale aux élections
législatives de 2017.
Ainsi, les Sénégalais ayant manifestement un faible pour
les victimes, l’enfant de khombole n'a pas manqué de
capitaliser sur cet incident. Il va jouer à fond sur la carte
33
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 25.
62
de la victimisation. En vrai stratège, il en trouve un
argument favorable de contestation et de victimisation
dans sa conquête du pouvoir politique.
Cette radiation le positionne en victime du système et
l’érige comme un défenseur ultime des intérêts populaires.
Elle lui ouvre, sans doute comme le fit jadis le pouvoir
ségrégationniste de l’apartheid à Nelson Mandela, le
boulevard qui le portera à la magistrature suprême.
2) Le salon de massage
63
La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre.
L’accusation cadre mal avec l’image de prophète qu’il
avait toujours cultivée et montrée. Ancien inspecteur des
impôts, entré en politique en 2014, avant de se distinguer
en arrivant troisième à l’élection présidentielle de
2019, Ousmane Sonko passe pour un homme pieux et
honnête aux yeux de la majorité des Sénégalais.
En vérité, le salon de massage était une occasion pour le
leader du Pastef de renforcer son image d’homme
politique en cristallisant les débats publics sur sa personne.
« Depuis des mois, des amis, y compris de l’intérieur,
n’ont cessé de m’alerter sur un complot à venir portant
sur des questions de mœurs, puisque tous les autres
avaient lamentablement échoué », avait-il affirmé, après
les accusations de viols. De tels propos qui ont été
confirmés par Bassirou Diomaye Faye, administrateur de
Pastef, dans l’émission Grand Jury de Babacar Fall sur la
rfm : « parce qu’on était averti depuis presque 3 ans. Et
depuis le début du couvre-feu, les alertes se multiplient.
On nous avait dit clairement et à multiples reprises que le
pouvoir était en train de comploter contre le président
Ousmane Sonko et que là où il comptait intervenir, c’est le
salon de massage qu’il fréquentait. Ils allaient lui coller
une histoire de mœurs pour pouvoir le liquider
politiquement ».
Surpris, le journaliste lui posa la question à savoir
pourquoi malgré ces nombreuses alertes, Ousmane Sonko
continuait de fréquenter ce salon de massage. Pour
M. Faye, leur leader n’a rien à se reprocher. « Il n’avait
pas jugé nécessaire, au regard de ce qui avait conduit au
choix de ce lieu, pour qui est des prescriptions médicales
qui étaient prescrites. Il n’avait pas jugé bon de ne pas s’y
rendre… On ne peut pas par la psychose l’empêcher de
suivre son traitement ».
64
Mais en réalité, si l’on regarde de tout près, la réponse est
tout autre. Elle n’est pas clinique mais politique. En vrai
savant du politique, le patriote Ousmane Sonko,
connaissant bien le lieu, continuait à le fréquenter, en
attendant un éventuel complot sur sa personne. Sans doute,
il était conscient que dans un salon de massage où vit une
famille entière, femme, mari, enfants, les caméras de
surveillance et les employés, tout scénario consistant à
l’incriminer risquerait d’avoir un écho favorable en sa
personne.
En vrai politicien, il savait que tout complot mené sur sa
personne le propulserait au-devant de la scène et
confirmerait l’historique de l’élimination politique et
judiciaire d’opposants par le président Macky Sall, qui a
lui-même dit haut et fort vouloir réduire l’opposition à sa
plus simple expression, rendrait toute accusation contre sa
personne impopulaire.
Dans l’opinion des Sénégalais, Macky Sall a réussi, par
l’instrumentalisation de la justice, à écarter, en 2019, deux
candidats déclarés à la présidentielle : Karim Wade et
Khalifa Sall.
Tous deux ont été accusés de détournements de fonds par
le pouvoir en place. Le premier lorsqu’il était ministre
sous le régime de son père Abdoulaye Wade, le second
dans l’exercice de ses fonctions de maire de Dakar, la
capitale sénégalaise.
Macky Sall refusait de connaitre le sort du fils
d’Abdoulaye Wade, emprisonné trois ans, gracié
partiellement, puis « exilé » au Qatar. De Khalifa Sall,
également, emprisonné deux ans et demi et ainsi empêché
de se présenter à la présidentielle de février 2019.
Aux yeux de l’opinion populaire, le procédé semble être
le même : on brandit une affaire de viol machinalement
65
orchestrée pour éliminer un adversaire politique dans une
pente ascendante fulgurante.
Le génie politique du leader politique, Ousmane Sonko,
n’aurait pas laissé passer cette si belle occasion politique.
En vrai politicien, il va s’accentuer sur ce plan avoué
d’élimination d’opposants par Macky Sall pour en faire un
argument politique valable pour discréditer son adversaire,
tant sur le plan national qu’international et renforcer par la
même occasion son aura politique.
Voilà pourquoi, à chaque occasion, il ne se prive pas de
dire que cette histoire de viols que la presse
appelle « Affaire Sweet Beauté » ou « Affaire Adji Sarr-
Ousmane Sonko » est comme un traquenard pour faire
disparaître un opposant trop gênant, disqualifier un
adversaire.
C’est sans doute pourquoi lorsqu’il a été arrêté par des
forces de défense et de sécurité, sur instruction du préfet
de Dakar, alors qu’il se rendait à la convocation, une foule
immense était venue l’accompagner pour lui témoigner sa
sympathie.
Cette arrestation pour « troubles à l’ordre public » était la
goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Et Dakar de
renouer avec des heurts violents et sanglants entre forces
de l’ordre et manifestants. Aussitôt, c’est tout le pays qui
s’embrase dans des émeutes qu’on avait plus vues au
Sénégal depuis une décennie.
Le bilan est lourd : 13 personnes tuées et plus de
600 blessés, selon la Croix-Rouge sénégalaise ; des
enseignes françaises de grande distribution, des stations
d’essence, des commerces sont saccagés et pillés par une
population euphorique.
66
Ousmane Sonko, son destin d’homme politique sort,
politiquement, renforcer de ces évènements, tant sur le
plan national qu’international, parce qu’il a su, grâce à son
génie politique, poser les termes du rapport de force et du
narratif politique en sa faveur.
D’abord, même si son image personnelle, longtemps
façonnée sous le registre de la vertu et de l’irréprochabilité
politique, est entachée par cette histoire de viol, sa
personne sera le symbole de la lutte contre l’état de droit,
de la justice, des frustrations sociales longtemps étouffées
des populations, qui se sont installés depuis l’accession au
pouvoir de Macky Sall.
Ensuite, sur le plan international, il sort systématiquement
de l’anonymat et devient un homme politique d’envergure
internationale.
67
cette forme de violence arbitraire provoque recul ou
répulsion. Perçue comme illégitime, elle peut engendrer
nécessairement une réaction naturelle, une contre-
violence. La violence arbitraire entraine inéluctablement
une accumulation sur celui qui l’exerce, de l’énergie
vengeresse des victimes. Cela veut dire que naturellement,
les hommes sont disposés à répondre à la violence par la
violence. La nature humaine est ainsi faite. La réponse à la
violence physique reste en quelque sorte inhérente à la
nature humaine.
« La coercition peut amener les hommes à l'obéissance,
mais elle peut aussi provoquer la révolte. Les deux effets
sont toujours possibles et ne sont jamais prévisibles à
coup sûr ; ils dépendent des circonstances souvent
cachées, mystérieuses, impossibles à découvrir :
tempérament, disposition du moment, force ou supposée
de la résistance, que l'on rencontrera, nature de la
coercition, qui peut plus ou moins juste, plus ou moins
intelligente, plus ou moins rigoureuse »34. Et le leader
politique qui aspire au pouvoir peut être un catalyseur de
la violence à travers ses appels à la révolte et à la
mobilisation.
« Nous n’allons jamais allumer de foyer de tension, mais
nous n’allons jamais accepter de subir passivement sans
nous défendre. Que l’on se comprenne bien, nous ne
laisserons pas faire », nous dit Ousmane Sonko dans son
tweet du 24 novembre 2021. Comme en témoigne
(l’appel) à la manifestation à la suite de sa convocation
pour viol. Le bilan est lourd, quatorze personnes ont été
tuées dans le cadre des manifestations et des émeutes qui
ont duré 5 jours.
34
Gugliemo Ferroro, Pouvoir les Génies Invisibles de la Cité,
Librairie Plon, p. 29-30.
68
Mais cela n’est pas toujours bénéfique pour Ousmane
Sonko, la figure de proue de l’opposition sénégalaise. Tout
appel à la violence finit par lasser les sujets et donner une
mauvaise image de l’homme politique.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre le sermon du
Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha
Mbacké, à l’endroit d’Ousmane Sonko et autres
politiciens. « La vie humaine est sacrée. Quiconque tue un
individu ira en enfer. À fortiori, s’il s’agit d’un
musulman. »
Par exemple, si pendant très longtemps, le président
Abdoulaye Wade n’a pu convaincre une bonne partie de
l’opinion sénégalaise, un certain nombre de la population
sénégalaise, les plus âgés en particulier, l’ont toujours pris
pour un adepte de la violence et n’ont jamais pris le risque
de voter pour lui, alors qu’il avait une vraie stature
d’homme d’Etat. Comme Ousmane Sonko, le leadeur de
Pastef, Abdoulaye Wade avait le soutien d’une partie de la
jeunesse, mais la figure d’instabilité, de paix et de
dialogue qu’incarnait Abdou Diouf, homme au verbe rare
et de retenue, était toujours déterminante pendant les choix
électoraux. Plus tard, Macky Sall a pris le dessus sur le
même Wade grâce aux promesses d’apaisement qu’il a
charrié tout au long de sa stratégie de quête du pouvoir
politique. Les Sénégalais par nature sont allergiques à la
violence. Ils préfèrent toujours un politicien qui s’inscrit
dans la ligne claire de la paix sociale au trait obscur de la
violence.
69
de la violence. Cela permet, en quelque sorte, de différer et
de vivre la violence autrement. En d’autres mots, le leader
politique doit créer un espace public, capable d'exprimer
sa colère et sa frustration, tout en limitant l’émanation
d’un potentiel trop subversif. Il doit rendre la protestation
envers le pouvoir politique réelle et, même, visible, sans
mettre en péril son charisme politique.
70
mobilisation. « J’ai appelé à la cessation des violences,
mais à maintenir la mobilisation. Ce sont deux choses
différentes. Nous continuons la mobilisation, massive,
pacifique. »
4) L’ancienne métropole
71
manifestations de soutien populaire, tenues dans toutes les
localités du pays, le vendredi 14 janvier 2022.
En Afrique, tout leader politique qui cherche à remettre
en question l’hégémonie de la France sur les pays africains
acquiert une certaine notoriété politique.
C’est le cas de Lumumba et Thomas Sankara. Dans le cas
de Patrice Lumumba, c’est le jour de l’indépendance. Le
roi des Blancs était venu spécialement sur place. Quand il
commença à se vanter et à se jeter des fleurs, en disant que
les Belges avaient gracieusement donné l’indépendance
aux Congolais, Lumumba arracha le micro pour répliquer
en déclarant que l’indépendance n’était pas le fait du bon
vouloir du colonisateur, mais le fruit des souffrances, des
peines, du sang, des larmes et du courage du peuple
congolais, humilié jusque dans son âme. C’est en ce
moment précis qu’il est devenu un modèle de référence et
un héros de la lutte contre l’impérialisme.
Si Thomas Sankara est considéré comme un véritable
messie et panafricain, c’est grâce notamment à son attitude
assez hostile vis-à-vis de l’ancienne métropole. Comme en
témoigne sa rupture de tous les protocoles diplomatiques
lorsqu’il prenait la parole en présence du président
français, François Mitterrand.
Sankara, un météore qui a traversé l'histoire franco-
africaine dans les années 1980. Militant anti-impérialiste,
ce capitaine incorruptible, qui avait pris la direction, en
1983, d'un Conseil national révolutionnaire (CNR), avait
eu l'audace de faire la leçon à François Mitterrand, en
visite à Ouagadougou, le 17 novembre 1986. Au cours du
diner officiel, Sankara, en tenue militaire de parade bleu
nuit, avait reproché à la France d'accueillir « des tueurs
comme Peter Bota », ministre sud-africain des Affaires
étrangères à l'époque de l'apartheid.
Ousmane Sonko, pour sortir de l’anonymat, a sans doute
pris l’exemple de Lumumba et de Thomas Sankara. Il a
72
tout de suite compris que c’est en adoptant une position
similaire envers les puissances occidentales, en
développant un sentiment anti-français qu’il peut renforcer
sa crédibilité nationale et africaine. Ainsi, il ne tarda à
remettre en cause la position de la France envers les pays
africains.
C’est la raison pour laquelle il a adressé un message de
soutien au président de la transition au Mali, Assimi Goïta,
dans cette épreuve contre le jihadisme et aussi dans son
combat contre la France. Il exige une certaine
indépendance économique des pays africains vis-à-vis de
la France.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre sa déclaration du
dimanche 25 novembre 2018 sur Tv5 monde. « Le Franc
CFA, ce sont des accords de partenariat économique.
Nous ne pouvons pas être dans un espace où nous ne
pouvons pas avoir développé des politiques monétaires
pour la simple raison qu’on nous considère comme
étant irresponsables et immatures pour gérer une monnaie
et qu’il faut pouvoir faire garantir cette monnaie ailleurs
en déposant 50 % de nos réserves pour pouvoir avoir la
garantie d’être arrimée à une monnaie extrêmement forte,
c’est-à-dire l’euro ». Il va déclarer haut et fort que le
Sénégal sortira de la Zone Franc CFA, s’il gagne la
présidentielle de 2019.
Et il poursuit de manière beaucoup plus hostile en
affirmant : « Je ne suis pas en train de dire que la France
est à l’origine de tous nos maux, elle n’est pas
responsable de la corruption de nos élites. Mais il est
temps que la France lève son genou de notre cou, qu’elle
nous foute la paix », a-t-il lancé lors de cette déclaration
qu’il a faite devant la presse.
Toutefois, dans le contexte politique mondial actuel, la
reconnaissance internationale par l’ancienne métropole
73
peut renforcer la crédibilité du leadeur politique sur le plan
international.
Le cas d’Alassane Ouattara, président de la Cote d’ivoire,
est assez illustratif. C’est grâce à son amitié avec le
président Sarkozy qu’il a pu accéder à la magistrature
suprême à travers la force spéciale française Licorne.
74
partiras, mieux ça vaudra". Il l'a également appelé à
"déclarer un cessez-le-feu unilatéral". Ami de longue date
avec le guide libyen Muammar Kadhafi, Wade n’a pas pu
résister, devant son obsession de rester au pouvoir,
d’exécuter les plans de Nicolas Sarkozy en Libye pour
espérer le soutien de la France en cas de crise politique.
Mal lui a pris. La France, pour sauvegarder ces nombreux
intérêts sur le territoire sénégalais, n’hésitera pas à
dénoncer sa troisième candidature de l’élection
présidentielle de 2012.
75
mais que nous voulons des discussions beaucoup plus
sereines, beaucoup plus ouvertes et orientées vers des
partenariats constructifs, gagnant-gagnant ».
35
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 24.
76
que parfait inconnu. Si vous avez le même style que tout le
monde, vous ne vous en sortirez pas. Nous ne voulons pas
être un parti politique de plus : nous voulons être une
alternative ».
36
Ababacar Sadikh Top, Ousmane Sonko, trajectoire, parcours et
discours de l’espoir, p.17.
77
difficultés, vivent dans des conditions d’extrême
pauvreté37.
37
Ibid., p. 15.
38
Ibid., p. 12.
78
Dans une vidéo filmée au téléphone portable est de
mauvaise qualité, Sonko lance d’abord en Français : «
C’est inadmissible ce qu’il se passe au Sénégal ». Il passe
ensuite en wolof : « Nos politiciens sont des criminels.
Ceux qui ont dirigé le Sénégal depuis le début
mériteraient d’être fusillés ! ». Et d’ajouter : « Excusez-
moi, ce sont des criminels. Il y a un énorme potentiel et de
réelles capacités dans ce pays. C’est inadmissible de voir
un tel niveau de souffrance des populations. ».
Après avoir menacé de « fusiller » les anciens présidents
du Sénégal, Ousmane Sonko n’a pas hésité à tenir des
propos jugés désobligeants, voire offensants, sur plusieurs
personnalités politiques.
Selon le chef de file du Pastef, le problème ne se trouve
pas au niveau de l’État, mais du système, avec les gens
qui le composent. « Ces gens détournent les moyens de
l’État à des fins personnelles et politiques », dénonce- t-il.
Par ces mots aussi virulents, Ousmane Sonko se définit
dès le début de son entrée en politique comme un candidat
antisystème. Et dans sa logique de combattre le système,
le patron du parti Pastef refusait toute compromission avec
ces acteurs qui, selon lui, ont plombé le développement du
pays. Pour être pris au sérieux, il se vantait publiquement,
dans sa logique de démarcation du système, d’avoir refusé
de prendre au téléphone l’exilé de Doha, Karim Meïssa
Wade, qui était en train de mener une opération de charme
en direction de l’opposition, en téléphonant aux
responsables politiques et à la société civile.
Ce refus n’était pas dû au contentieux avec Wade fils,
mais Sonko était convaincu que l’ancien premier ministre
est un élément du système. Ce qui est contraire à ses
aspirations idéologies et politiques.
79
Ce combat contre le système a largement contribué à
l’accentuation populaire du qualificatif d’un nouveau type
de politicien, plein d’espoir pour une jeunesse sénégalaise
animée par le sentiment profond d’un nouveau type de
gouvernance.
Mais à force de combattre le système, le leader de
Pastef/les patriotes s’est fait des ennemis partout et même
dans l’opposition, qu’il n’a pas manqué d’attaquer à
plusieurs reprises.
Oubliant que les gens du système, comme Abdoulaye
Wade au PDS et Khalifa Sall au PS, sont détenteurs d’une
forte influence politique qui réside dans le fondement
idéologique de leur parti politique. Vouloir
systématiquement se séparer de ces hommes politiques qui
ont construit l’histoire politique du Sénégal, c’est courir le
risque de s’enfermer dans un isolement politique sans
soutien et sans aucune alliance politique favorable à la
conquête du pouvoir politique. C’est un fait avéré, en
politique, s’esseuler, c’est s’affaiblir.
En vrai stratège politique, Ousmane Sonko a aussitôt
compris qu’il ne peut se passer des gens du système qui
ont un ancrage social et électoral incontestable et très
solide pour faire face au régime de Macky Sall. Comme
l’a si bien dit Babacar Justin Ndiaye : « Entre la doctrine
et le réel, il y a un faussé, et quand il y a confrontation, le
réel reste intact et la doctrine vole en éclat. Si Sonko
persiste avec sa doctrine, il n’ira nulle part, car la
politique a ses pesanteurs. La politique n’est pas simple,
elle n’est pas linéaire ni rectiligne. Les affaires
d’antisystème ne sont que des paroles, il n’y a que le réel
en politique ».
Il va donc changer systématiquement de discours. Le
système se réduit désormais à l’ère Macky Sall. Il va
80
essayer de se débarrasser de cette caricature politique de
rebelle antisystème, en se rapprochant des caïques de la
politique sénégalaise qu’il a tant critiqués. L’antisystème,
comme il se faisait caricaturer, est désormais un véritable
acteur du système. Ainsi, il va chercher constamment à
mener une opération de charme à l’égard des hommes
politiques du système pour renforcer son capital personnel.
Il va même jusqu’à interrompre son programme de
campagne pour accueillir d’urgence à Dakar l’ancien
président Abdoulaye Wade, revenu de sa retraite à
Versailles.
En répondant à la question d’un journaliste sur une
alliance avec Wade, le maitre du système, pour se justifier,
va même jusqu’à se dédire, en disant que le système dont
il parle ne fait pas référence à une personne, mais à la
manière dont le pays est gouverné depuis les
indépendances. Comme si le pays se gouvernait seul, sans
les hommes.
Maintenant, il est au cœur d’une vaste coalition, avec les
gens du système, comme khalifa Sall, Aida Mbodji, etc.
Grâce au jeu des alliances politiques, sa coalition a
historiquement failli remporter la majorité absolue aux
élections législatives du 31 Juillet 2021.
Suffisant pour dire que cette forte alliance politique avec
les gens du système lui donne un vaste soutien politique
qui lui est indispensable dans sa lutte contre le pouvoir de
Macky Sall.
81
CHAPITRE 3
La force politique
1) Le discours politique
39
Gustave Le Bon, L'opinion et les croyances, p. 232.
83
d’Ousmane Sonko pour saisir à quel point l’outil du
discours, du langage, se veut une arme de choc contre
l’adversité et dans sa stratégie de conquête du pouvoir
politique.
40
Cf. Serge Moscovici, L’Age des foules, un traité historique de
psychologie des masses, Edition complexe, p.195.
84
« Le discours d’Ousmane Sonko était destiné à une
certaine élite urbaine qui a constitué ses premiers
soutiens, rappelle le politologue Papa Fara Diallo. Après
la présidentielle, on a senti un effort de polissage de son
langage. Son discours a évolué, surtout quand il s’exprime
en wolof, où l’on voit qu’il interpelle directement le monde
rural », rappelle le politique Papa Fara Diallo.
Cela veut dire que dans le domaine politique, les grands
hommes politiques sont ceux qui sont parvenus à
construire leur propre discours en s'identifiant à sa
circonscription. En d'autres termes, un discours politique
acceptable est celui qui s'incarne dans la volonté
populaire.
À partir de là, nous pouvons dire que le point central du
discours politique est d'arriver à connaître la sensibilité et
la manière de penser des populations, de cerner et de
décrire ses préoccupations les plus profondes, en
employant les termes accessibles et compréhensibles.
« Les multitudes, écrit Le Bon, ne sont jamais
impressionnées par la logique d'un discours, mais bien
par les images sentimentales que certains mots et
associations de mots font naître »41.
C’est en cela que réside également la force du discours
d’Ousmane Sonko. Il s’adresse à la population avec un
discours social dénonçant constamment les élites du
pays et la corruption.
L’opposant politique, Ousmane Sonko, en vrai expert de
la communication politique, a bâti son personnage sur un
discours qui exprime la situation sociale et économique
des populations sénégalaises. Il parle en essayant de
partager avec eux leur peine, leur souffrance et leurs
préoccupations. Sonko parle de la vie chère, de
41
Pr. Merklen, Psychologie Politique, Nouvelles Editions Argo,
1932, p.122.
85
l’appauvrissement de la population, de la misère… Et
c’est en cela que repose sa véritable force politique.
« L'homme politique qui veut durer doit donner une
impression de solidité, de cohérence et de compétence ;
mais s'il veut gagner en influence, il lui faut savoir
s'adapter à l'évolution des rapports de forces sans paraître
jamais se renier. Son langage doit donc multiplier, sous
l'apparente fermeté du propos, les formules souples qui
ménagent des portes de sortie ; il doit faire preuve
d'aplomb dans l’autocommentaire et pratiquer avec
ingéniosité la difficile gymnastique des rétablissements de
sens »42.
Et cela nous le retrouvons de fort belle manière dans le
discours du leader des patriotes. Le discours d’Ousmane
Sonko repose sur un franc-parler qui tranche avec le
langage plus policé de ses adversaires, n’hésitant pas
même à entonner des refrains aux accents patriotiques,
voire protectionnistes, à l’image de ses punchlines les plus
célèbres, remettant en cause le franc CFA ou menaçant de
renégocier les contrats pétroliers conclus par ses
prédécesseurs. Ces prises de position radicales dans ses
discours lui ont permis de cimenter autour de sa personne
le clan de ses fidèles, en particulier d’une large part de la
jeunesse.
Cela signifie que le discours politique doit fasciner et doit
chercher à impressionner son auditoire. S'il en est ainsi,
c'est parce qu'un discours qui fascine et qui impressionne
crée de l'admiration et de l’enthousiasme envers celui qui
le prononce.
Ousmane Sonko, sa puissance du discours est si forte qu’il
exerce une influence considérable sur le peuple. Les mots,
« maniés avec art, ils possèdent vraiment la puissance
42
Philippe Braud, La vie politique, Editeur Presses Universitaires de
France ( réédition numérique Fenixx), p. 99.
86
mystérieuse que leur attribuaient jadis les adeptes de la
magie. Ils provoquent dans l’âme des multitudes les plus
formidables tempêtes, et savent aussi les calmer »43.
Comme en témoignent les évènements de mars 2021, c’est
grâce à la force de son discours qu’il a su soulever
l’opinion populaire contre le régime de Macky Sall.
L’humour également est une forme d’acceptation du
discours politique. Il peut sans conteste avoir un impact
réel sur le peuple, parce qu’il a un aspect de correcteur
social. L’humour peut servir aussi d’exutoire, de révélateur
de vérité pour les hommes politiques, soucieux de séduire
leur auditoire.
La force du discours de l’enfant de Khombole n’est pas
étrangère à son discours humoristique. L’humour est une
attitude existentielle qui implique de savoir rire de soi-
même. Il joue un rôle essentiel dans l’équilibre de la
société, en libérant les tensions. L’humour serait donc en
quelque sorte un outil thérapeutique qui permet
d’échapper à toute forme de contestation politique. Il est
une manière d’adoucir le discours officiel écrasant et
contraignant, de façon à le rendre plus supportable ; c’est
un antidote. L’humour constitue donc une arme redoutable
pour les hommes politiques pour créer un consensus
autour d’eux. Faire rire et frémir, faire passer des larmes
de l’accablement à celle de la rigolade, tel est le secret de
la longévité de certains hommes politiques africains.
Ousmane Sonko, en vrai as de la communication politique,
n’hésite pas à faire de l’humour une arme redoutable à des
fins politiques. L’humour le rend plus humain et congédie
son image de politicien trop sérieux. Il trouve toujours le
ton juste pour convaincre ses compatriotes, n’hésitant
jamais à recourir à l’humour et, parfois, à une certaine
forme de démagogie. C’est ainsi qu’il se fit entendre de
toutes les composantes ethniques du Sénégal.
43
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, p. 60.
87
Un bon mot permet, en effet, de disqualifier un adversaire
politique, en raillant son physique ou ses idées. Il permet
d’avoir le dessus sur son adversaire, sans avoir à le
souffleter. Il y a une vertu cathartique de l’humour « qui
purifie celui qui parle, en excluant l’outrance ». Il a le
pouvoir de rendre léger un mot, une phrase lourde de sens.
Il attire l’attention grâce à la dimension comique du
discours et crée les conditions d’une bonne réception du
message, tout en améliorant l’attitude affective envers le
leader politique. Il est dans ce sens une arme rhétorique
redoutable pour critiquer implicitement un adversaire
politique, parce qu’il est porteur de messages. Ousmane
Sonko apparait manifestement comme un expert à la
matière. Il fait de l’humour une arme précieuse pour
déstabiliser un adversaire politique. C’est ce qu’avait
réussi le président Senghor qui, pour disqualifier maître
Abdoulaye Wade, qui fut un de ses plus redoutables
adversaires politique, distingué par son crâne rasé par
l’effet de la biologie, disait, avec humour, lors de ses
meetings politiques : comment un crâne qui ne peut pas
supporter le poids insignifiant des cheveux peut prétendre
être capable d’exercer le pouvoir politique.
Ousmane Sonko, l’humour le fait apparaître comme un
homme jovial qui sait utiliser la subtilité intellectuelle
pour critiquer implicitement ses concurrents politiques de
manière policière et diplomatique. Pour critiquer Youssou
N’Dour, le célèbre musicien sénégalais, très apprécié et
très aimé par la population sénégalaise, Ousmane Sonko,
en vrai maître de l’humour, avant de déclencher sa diatribe
contre le chanteur, entonna des paroles de sa chanson live
Tv, afin de montrer l’influence que procure le statut de
patron de presse. Discours qui fut très hautement salué par
la majorité des Sénégalais.
En somme, le président Ousmane Sonko a réussi à créer
un consensus autour de lui par son humeur et sa finesse
88
d’esprit. Son sens de la mise en scène et l’humour
dévastateur avec lequel il s’adresse à Macky Sall lui a
permis de prendre le dessus sur ses adversaires politiques.
Comme en témoignent ses propos pleins d’humour à
l’endroit de Macky Sall : « Ce que Macky Sall doit savoir,
autant il est renseigné sur nous, autant on est renseigné
sur lui. Même quand il prend son petit-déjeuner, on sait ce
qu’il a mangé. Donc, il n’a qu’à arrêter ses
gesticulations ».
La force politique d’Ousmane Sonko repose aussi sur un
discours qui joue sur l'imagination des foules.
« C'est sur l'imagination populaire que sont fondées la
puissance des conquérants et la force des États. En
agissant sur elles, on entraîne les foules. Tous les grands
faits historiques, la création du Bouddhisme, du
Christianisme, de l'Islamisme, la Réforme, la Révolution,
de nos jours, l'invasion menaçante du socialisme sont les
conséquences directes ou lointaines d'impressions fortes
produites sur l'imagination des foules »44. Cela veut dire
que tout ce qui frappe l'imagination des foules se présente
sous forme d’un discours saisissant et net, dégagé
d'interprétation accessoire, ou n'ayant d'autre
accompagnement que quelques faits merveilleux : une
grande victoire, un grand miracle, un grand crime, un
grand espoir.
Ce qui nous pousse à dire que le leader politique, pour se
faire accepter, a besoin nécessairement de construire son
discours autour des évènements. Il doit frapper
l'imaginaire populaire en faisant en sorte qu'un évènement
banal devienne extraordinaire. L’évènement crée les
occasions. C’est un moment déterminant pour l’acteur
politique pour impressionner, pour montrer sa grandeur et
sa transcendance par la densité de son discours.
44
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, p.41.
89
« Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes qui frappent
l'imagination populaire, mais bien la façon dont ils se
présentent. Ces faits doivent par condensation, si je puis
m'exprimer ainsi, produire une image saisissante qui
remplisse et obsède l'esprit. Connaître l'art
d’impressionner l’imagination des foules c'est connaître
l'art de les gouverner »45. Et Ousmane Sonko apparait
comme un expert en la matière.
À l'occasion de la célébration de la journée internationale
des droits des femmes, Sonko a raconté une touchante
petite histoire à propos du 8 mars. « J’ai recouvré ma
liberté le 8 mars et j’ai un enfant né le 8 mars », a révélé
le leader de Pastef dans la capitale du Sud où il s'exprimait
devant les femmes de Ziguinchor. Il faut donc croire que
le 8 mars est une date "fétiche" pour Sonko et que tout ce
qui peut lui arriver à cette date lui sera bénéfique.
À travers ces mots, Ousmane Sonko, le patriote, saisit
cette occasion de commémoration internationale pour lui
donner une signification politique symbolique forte dans
le but de séduire l’électorat féminin à sa faveur, en liant
son destin d’homme politique à la gloire féminine.
Le charisme d’Ousmane Sonko résulte dans sa
communication de la mobilisation d’artifices. Le
personnage passe toujours pour un homme habile,
détenteur d’un savoir-faire communicationnel qui le met
toujours au-devant de la scène.
Lors d’un meeting à Mbacké, la voiture de l’ancien
inspecteur des impôts a essuyé des tirs de grenades
lacrymogènes venant des forces de l’ordre qui ont touché
son pare-brise. En vrai politicien de la communication, il
continua quelques jours après de sillonner dans les rues de
Dakar avec le pare-brise endommagé. Une manière pour
45
Ibid., p. 42.
90
lui de mettre en témoin le peuple sénégalais pour une
éventuelle tentative d’assassinat contre sa personne.
2) Le charisme
46
Cf. Patrick Charaudeau, « Le charisme comme condition du
leadership politique », Revue française des sciences de l’information
et de la communication. http://journals.openedition.org/rfsic/
91
service d’une gestuelle et d’un style 47». Savoir que le
président “modèle” son apparence, nous dit Alain
Pousson, peut témoigner en faveur de l’idée qu’il existe
une norme sociale, implicite ou explicite, faite de règles
sociales, mais aussi d’attentes48. Cela signifie que les
hommes attendent du leader politique qu'il soit
l'incarnation d'une certaine raffinerie physique et
vestimentaire. Cette raffinerie influe sur la nature même
du pouvoir. Plus le leader politique est fascinant et élégant,
plus son personnage apparaît comme grandiose et
charismatique, aux yeux des citoyens.
« Le charisme vient du corps. Le charisme est
« présentiel » par un processus d’incarnation d’une
énergie, d’une densité, d’un prestige qui habite un corps
d’où rayonne un indéfinissable qui attire, voire
hypnotise 49».
Cela veut dire que le leader politique doit inscrire son
apparence dans une véritable mise en scène théâtrale,
offrant son corps dans une forme de distinction absolue.
Le corps du leader politique devient une scène où
résonnent les attentes et les idéologies à hauteur d’homme
exceptionnel qui prétend se mettre au service de tout un
pays. Ce qui lui est nécessaire pour donner une apparence
de prestige pour gagner le cœur des gouvernés. Ce que
l’on retrouve de fort belle manière dans le personnage et
47
Pousson Alain, Le vêtement saisi par le droit. Nouvelle édition [en
ligne]. Toulouse : Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2015
(généré le 26 avril 2021).https://books.openedition.org.
48
Ibid.
49
Patrick Charaudeau, « Le charisme comme condition du leadership
politique », Revue française des sciences de l’information et de la
communication [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 30 septembre
2015, consulté le 29 août 2021. URL :
http://journals.openedition.org/rfsic/1597 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/rfsic.1597
92
l’apparence physique du leader politique le Pastef/les
patriotes.
Sur le plan physique, son charisme vient d’abord de son
corps athlétique, qui lui donne une certaine vigueur de
jeunesse, lui offrant une certaine aptitude physique à
gouverner. Sur ce, pour séduire et montrer une image
fascinante de lui, l’acteur politique doit donner une bonne
image physiologique de lui en portant une attention
particulière à sa coiffure, à son poids, à l'épilation de ses
sourcils, à la teinture de ses cheveux, au teint, à
l'effacement des rides ou à la dentition. À partir de là, nous
pouvons dire aussi que le leader politique doit prendre
soin de son apparence physique pour renforcer son
charisme et sa position de surplomb. Ousmane Sonko en
est un exemple. Il apparaît souvent crâne rasé et barbe
bien taillée.
Sa personnalité ressort aussi dans ses habits. Il se distingue
à travers ses tenues vestimentaires européennes et
africaines d’une rare élégance. Son port vestimentaire livre
le récit d’un homme d’action plein d’énergie et
pragmatique. Cette ostentation vestimentaire va lui
permettre de s’imposer sur le plan local et international.
En plus de cela, la légitimité du leader charismatique
s'appuie sur la démonstration des qualités destinées à le
faire percevoir comme un être extraordinaire, plein de
qualités. Le leader politique doit cultiver l'image d’un être,
responsable, apte à surmonter n’importe quelle difficulté
qui se présenterait à lui. Autrement dit, la manière dont les
leaders politiques surmontent les difficultés rencontrées
joue un rôle non négligeable dans la création ou le
renforcement de leur image. Cette image participe à la
validation de leur statut, parce qu'elle sécurise les citoyens,
en symbolisant sagesse et fermeté. L'image semble donc
93
être un instrument d’une efficacité réelle pour prétendre à
une quelconque légitimité charismatique.
Le charisme du leader de Pastef réside en cela. Il a su
toujours faire preuve de fermeté, capable de faire face à
n’importe quelle situation et de la retourner en sa faveur.
94
auspices des Eglises regroupées dans le FFKM, le font
apparaître comme l’homme providentiel qui allait amener
la prospérité à Madagascar50.
50
Cf. Olivia Rajeron, La légitimation démocratique du pouvoir à
Madagascar, Octobre 2013,http://library.fes.de/pdf-
files/bueros/madagaskar/
95
compétence, le diplôme font accepter l’autorité politique,
parce qu'ils donnent des droits : celui de la prise de parole
politique.
La dimension intellectuelle de M. Senghor avait forgé son
charisme. Sa parfaite maitrise de la langue de Molière lui a
donné, sans aucun doute, une certaine respectabilité et
honorabilité sur le plan national et international. Par
exemple, lors d’un sommet de l’Organisation de l’Unité
Africaine (O.U.A.), l’ancêtre de l’Union Africaine (U.A.),
le Maréchal Jean-Bédel Bokassa, empereur de
Centrafrique, arriva en courant dans la salle où se tenait
l’Assemblée Générale. Haletant, il hurla :
51
Cf. Oumar Sankharé, https://affocom.com/blagues-senghoriennes/
52
Achille Mbembe, De la postcolonie, Essai sur l’imagination
politique dans l’Afrique contemporaine, Edition La Découverte,
p.228.
96
remarquable, depuis sa sortie de l’École nationale
d’administration (ENA) du Sénégal, section "Impôts et
Domaines", promotion 1999-2001.
Une ligne de CV valant à elle seule présomption de
compétence, ajoutée à la fibre contestataire de ce fiscaliste
fondateur, en 2005, du Syndicat autonome des agents des
impôts et domaines (SAID) dont il fut le premier
secrétaire général d’avril 2005 à juin 2012 lui donne aux
yeux des Sénégalais un certain de droit de prétendre à la
magistrature suprême.
3) La proximité
97
pour se faire accepter, il faut que le leader politique
incarne véritablement la communauté. En d'autres termes,
le fait qu’il soit proche de ses populations lui permet d'être
reconnue comme un homme intègre qui se soucie du
quotidien populaire.
Dans la presque totalité des pays africains, la politique, au
sens où on la comprend professionnellement et
étymologiquement, demeure une pure flagornerie des
élites aux égos surdimensionnés et sans emprise pratique
sur la réalité du vécu quotidien.
Dans l'optique de la conquête du pouvoir politique, il y a
contradiction majeure entre le devoir de représenter une
cité, un État ou une institution avec dignité et la nécessité,
pour les acteurs politiques, de ne pas avoir l'air d'être
coupés du peuple.
Le lien entre le leader politique et le peuple doit être plus
sentimental qu’idéologique. Dans le face-à-face entre le
leader et les masses, il doit y avoir fusion, ce qui lui donne
une légitimité plébiscitaire. Le peuple est appelé à
engendrer un élan collectif, à se dépasser lui-même, à se
fondre dans une « âme collective », en reportant son désir
sur un personnage hors norme, dans un rapport
de confiance aveugle, parce que ce leader est supposément
sincère et authentique53. Sur ce, le leader politique a
nécessairement besoin de montrer l'impression de
proximité en adoptant la manière d’être et de vivre du
peuple qu'il est censé gouverner. Il doit s’adapter au plus
grand en se construisant l'image d'un homme modeste,
simple et accessible. Il doit apparaître semblable au plus
53
Cf. Patrick Charaudeau, « Le charisme comme condition du
leadership politique », Revue française des sciences de l’information
et de la communication [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 30
septembre 2015, consulté le 29 août 2021. URL :
http://journals.openedition.org/rfsic/1597 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/rfsic.1597
98
grand nombre en cherchant à se rapprocher davantage par
ses actes de l’homme ordinaire.
Dans la cour du palais présidentiel, avec des employés,
Thomas Sankara dispute un match. Tout ce qu’il y a de
plus classique. Un match comme pourraient le disputer des
centaines de milliers de burkinabè. Un match dans la plus
grande simplicité, pour un leader du tiers monde54.
La réputation de footballeur de Pierre Nkurunziza était due
à son goût (gout) pour ce sport et aux fréquents matchs
qu’il organisait avec l’Alléluia FC, son équipe, fondée dès
son retour du maquis. L’image d’un président
« populaire », qui délaisse les lieux traditionnels du
pouvoir pour se mêler au peuple, dans une activité comme
le football, était une nouveauté appréciée par les
Burundais55.
Le président gambien Dawda Jawara était un homme
simple, que l’on pouvait surprendre, quelques fois, en train
de faire une partie de jeu de dames avec ses amis dans son
« grand’place » habituel, aux environs de Bakau, lorsqu’il
en avait l’occasion56. Avec cette méthode, l’homme
politique se réduit au rang de tout autre citoyen, mettant de
côté tous ses échelons générateurs de la confiance
populaire. Rabaissez-vous et le peuple vous grandira !
Ainsi peut-on résumer la stratégie de Sékou Touré lors du
dernier Congrès du P.D.G. Des hommes politiques
peuvent donc se situer sur un autre registre, capitaliser
l'exaspération populaire à l'encontre des « acquéreurs » et
faire montre de leur modestie personnelle, à l'image d'un
Jerry Rawlings, d'un Thomas Sankara ou, au Cameroun,
54
Cf. Dossier : Thomas Sankara, politique et football
55
Cf. D. Manirakiza, « Du “Mess des officiers” à “Haleluya FC” :
politique du corps, pratique sportive et inflexion de l’héritage
nationaliste au Burundi », Politique africaine, nº 147, 2017, p. 66-67.
56
https://theworldnews.net/sn-news/gambie-portrait-dawda-jawara-
le...
99
d'un Bernard Fonlon qui, jusqu'à ce que M. Ahidjo lui
intimât l'ordre de prendre dans le parc ministériel une
Mercédès. C’est dire la simplicité jusqu’au contact avec
toutes les couches fait d’un homme politique le plus
attrayant au sein de la population57.
La force politique de l’opposant politique Ousmane Sonko
réside en cela. Il s’habille et se comporte à peu près
comme les jeunes sénégalais. Il va chercher constamment
à travers ses actes de rapprocher du citoyen ordinaire pour
renforcer son charisme.
En vrai spécialiste du politique, il va se faire filmer en
train de jouer sur la plage, comme le font les jeunes
Sénégalais. Avec deux garçons, visiblement membres de
sa famille, le leader des « Patriotes » a offert une partie de
lutte à ces derniers.
Toujours dans cet élan de proximité avec le citoyen
ordinaire, Ousmane Sonko s’offre de temps à temps une
petite balade dans les rues de Ziguinchor et Dakar.
Mais, la proximité concrète implique un contact physique
au sens du « bain de foule ». Dans les démocraties
contemporaines, il serait illégitime, de la part des leaders
politiques, de s’enfermer dans les bâtiments officiels. Une
distanciation et un isolement excessifs constituent toujours
en démocratie un risque pour les leaders politiques.
Cela nous pousse à dire que le politique doit chercher
constamment, à travers ses actes et son discours marqué,
une certaine proximité avec le peuple, en essayant de tisser
des liens qui l’unissent aux hommes. Ceux-ci lui font
généralement confiance, parce qu’ils le voient et le sentent
auprès d'eux. Cette déclaration d’Ousmane Sonko à Saint
Louis s’inscrit dans cette logique : « Saint-Louis est une
57
Cf. Roger Mandunda Mukamba, La Psychologie politique des
dirigeants africains, Édition L'Harmattan, 2016, p. 17.
100
ville de foi, de valeurs et de Savoir-vivre. Lorsque j’étais
étudiant, je révisais le Coran, ici, au Daara Serigne
Mohsine DIOP. Je suis Domou Ndar, parce que ma
grand-mère habite à Lodo ».
La proximité avec le peuple, c’est ce que Roger Mandunda
Mukamba, dans son ouvrage intitulé la psychologie
politique des dirigeants africains, appelle la méthode de
contact. Elle est celle de fréquentation ou de visite à sa
population pour la connaissance de sa situation.
Le style de L. S. Senghor était fondamentalement
essentiel. S’il était un intellectuel brillant, il pouvait aussi
être « paysan avec les paysans », avoir un comportement et
tenir un langage que les nouveaux citoyens de l’intérieur
du pays appréciaient. B. Traoré décrit fort bien, dans son
étude sur les partis sénégalais, la façon dont L. S. Senghor
menait ses campagnes électorales en milieu rural : « Vêtu
de « kaki », coiffé d’un calot qui deviendra légendaire, en
voiture jeep, M. Senghor visite systématiquement tout le
Sénégal de l’est à l’ouest, du nord au sud (…). Dans les
demeures les plus humbles, il se mêle aux paysans,
partage avec eux leurs repas, à même la calebasse, et a
pour chacun un mot aimable, une plaisanterie puisée dans
la meilleure tradition sénégalaise58. Devenu chef d’État,
ces pratiques de l’ancien président-poète perdurent.
Tout comme Senghor, Ousmane Sonko, le patron des
patriotes, a sans doute conscience de la nécessité de
descendre sur le terrain, à la rencontre des populations,
potentiels électeurs, pour tâter leur pouls et évaluer la
situation. En vrai praticien de la science politique, il va
faire son « Nemekou tour ». En langue wolof, « Nemeku »
58
Bakary Traoré, « L’évolution des partis politiques au Sénégal depuis
1946 », in Bakary Traoré, Mamadou Lo et Jean-Louis Alibert, Forces
politiques en Afrique noire, Paris, PUF, p. 49.
101
signifie rendre visite, prendre des nouvelles, afin de
marquer sa présence dans les zones les plus reculées du
pays.
L’objectif visé de ces rencontres serait de mieux
comprendre les enjeux et les attentes des populations. Ce,
afin de pouvoir concocter dans son processus de conquête
du pouvoir politique une offre politique importante,
capable de le propulser à la magistrature suprême.
Le chef charismatique est doté, croit-on, de qualités hors
du commun, au-dessus du quotidien. Mais les relations
que l'on entretient avec lui sont d'ordre personnel.
Relations subjectives, à coup sûr, reposant sur une illusion
de réciprocité. Elles permettent cependant à chaque
individu de la foule d'imaginer qu'il se trouve en contact
direct avec l'homme qu'il admire. Afin d'en être convaincu,
il lui suffit de l'avoir vu, côtoyé, approché, une seule fois,
peut-être sur le champ de bataille ou dans un bain de foule.
Et l'homme revient en disant : «je l'ai vu, je l'ai touché », «
Il m'a parlé »59. Autrement dit, autour de la personne de
l'homme politique se crée une certaine relation
émotionnelle et phatique qui fixe son empreinte physique
dans la psychologie individuelle de chaque citoyen. Voilà
pourquoi, on voit partout la photo d’Ousmane Sonko en
compagnie de citoyens ordinaires, souvent exhibée avec
fierté comme pour montrer leur fierté de le rencontrer.
102
En plus de cela, la politique de la présence peut revêtir une
fonction d'exorcisme social. Elle a une dimension
cathartique, lorsque l’acteur politique cherche à partager
avec le peuple ses moments de joies, de détresse et de
réussite.
Les leaders politiques doivent se distinguer non seulement
par leurs qualités personnelles, mais également par leur
proximité, leur présence, leur empathie, leur compassion.
Ils doivent s’afficher sur le terrain, aux côtés de ceux qui
sont en situation de détresse, de malheur et chercher à
partager leur peine et leur souffrance, pour rendre ce
dernier beaucoup plus supportable. La force politique
d’Ousmane Sonko réside dans la dimension empathique
de l’homme politique. Il possède une extraordinaire
capacité d’empathie. Il s’agit là d’un outil précieux pour
un acteur politique, car il permet de combiner la générosité
et l’intérêt politique. Il assimilait les craintes et les
aspirations de ses adversaires politiques, proches de
Macky Sall, et leur démontrait qu’il les comprenait. En se
mettant dans leur peau, il arrivait à obtenir leur estime et
leur gratitude, tout en se forgeant une position de force
dans son propre combat politique. Malgré les accusations
de viols portées en son encontre par la masseuse Adji Sarr,
il manifeste à travers ses discours beaucoup d’empathie
pour cette jeune fille qu’il considère non pas comme un
ennemi, mais comme une victime du régime de Macky
Sall. Après sa confrontation avec la jeune masseuse, il alla
même jusqu’à faire un témoignage assez élogieux sur elle
qui, selon lui, n’a manifesté aucun comportement verbal
discourtois à son encontre.
Dans la nuit du 26 au 27 octobre 2015, le prédicateur de
la Mosquée de Kaolack, Imam Alioune Badara Ndao, qui
était le secrétaire général de la section Kaolack de la ligue
des Imans et Oulémas du Sénégal, fut arrêté dans le cadre
d’une vaste opération antiterroriste qui a débouché sur
103
plusieurs interpellations de jihadistes supposés dans
différentes villes du pays, fin octobre et début novembre
2016. Il était soupçonné de connivence avec un groupe de
jeunes sénégalais en provenance des bastions du groupe
Jihadiste nigérian Boko Haram, dirigé alors par Abubacar
Shekau.
Il sera poursuivi pour « apologie du terrorisme »,
« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise
terroriste » et « blanchiment de capitaux », entre autres. Il
sera finalement acquitté de ces dites charges le 19 juillet
2018, par feu le juge Samba Kane. Il avait toutefois été
condamné à un mois de prison avec sursis pour détention
illégale d’armes. Il est décédé le mardi 6 septembre 2022 à
l’hôpital Fann.
Et pour la population sénégalaise dans sa majorité, cet
homme religieux a été victime d’infâmes accusations
fabriquées par des autorités étatiques mues par le désir
obsessionnel de remplir à tout prix -et quoi qu’il en eût
coûté- leur cave à « terroristes » pour être dans le sens
d’un projet venu de l’occident. Sa mort a plongé la
population sénégalaise dans une tristesse et une
consternation. L’État sénégalais fut vivement critiqué.
Voilà pourquoi, le geste d’Ousmane Sonko, pour présenter
ses condoléances à la famille éplorée, à la suite du décès
d’Imam Ndao, était fortement apprécié par la population
sénégalaise, rendant par la même occasion une
valorisation sympathique de sa personne.
4) Le prestige
104
de le décrire : l’éclat, le brillant, le rayonnement, la
grandeur. Sur ce, l’individu qui le possède à un certain
ascendant psychologique sur les autres. « L'étude
psychosociologique de l'ascendant individuel fait
apparaître de la même manière plusieurs types de relation,
l'ascendant de force, qui crée la relation de domination,
coexiste avec l'ascendant par prestige et amour, auquel
s'ajoute l'ascendant par autorité et compétence »60. À
partir de là, nous pouvons dire que la force politique du
leader politique Ousmane Sonko réside dans l’affirmation
populaire de son prestige. Par son génie politique, il a fini
par acquérir ce pouvoir mystérieux nommé prestige.
« On peut ramener à deux formes principales les diverses
variétés de prestige : le prestige acquis et le prestige
personnel. Le prestige acquis est celui qui confère le nom,
la fortune, la réputation. Il peut être indépendant du
prestige personnel. Le prestige personnel constitue, au
contraire, chose d’individuel 61».
Le prestige acquis est en rapport avec le succès, preuve de
l’adéquation de la personne au rôle et donc avec certaines
qualités personnelles : compétence, efficacité, moralité. Ce
type de prestige, caractère exceptionnel de l’homme
politique, nous le retrouvons de fort belle manière chez le
leader de Pastef. Il l’a acquis par sa bonne réputation liée à
sa carrière professionnelle remarquable et à ses qualités
personnelles. Sa qualité d’inspecteur des impôts honnête,
60
Cf. Clapier-Valladon Simone, Réflexions psychosociologiques sur la
nature du pouvoir politique. In: Cahiers de la Méditerranée, hors-série
n°4, 1980. Communautés rurales et pouvoirs dans les pays
méditerranéens (XVIe-XXe siècles). Acte des journées d'études
Bendor, 26, 27 et 28 avril 1978. pp. 3-18.
https://doi.org/10.3406/camed.
61
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Réédition réalisée
d’après la 40éme édition de 1937, Édition : Bod-Books on Demand,
p.73.
105
intègre et incorruptible l’a propulsé au-devant de la scène
et a fini par installer dans la psychologie populaire la
réputation d’un homme exceptionnel et exemplaire
incarnant les règles de la bonne gouvernance dans une
administration publique généralement corrompue.
Inspecteur principal des Impôts et des Domaines,
Ousmane Sonko est un ancien vérificateur fiscal,
responsable qui avait servi à la tête d’une brigade de
vérification en charge du secteur immobilier. Ce statut
mené sans reproche a donné plus de poids à sa
personnalité, aux yeux des Sénégalais, d’homme honnête
se démarquant des autres technocrates dont l’intérêt
personnel prend le dessus sur l’intérêt général.
La modestie des avoirs contenus dans sa déclaration de
patrimoine, pour quelqu’un qui a eu à occuper certains
postes « sensibles » dans l’administration fiscale et
domaniale, ainsi que les témoignages de ceux qui l’ont
connu et pratiqué, ont fortement contribué à la dimension
prestigieuse de cet acteur politique.
« Pour 15 ans de carrière, Sonko n’a jamais fait l’objet de
critique ou de sanction, ni pour un retard accusé encore
moins un mauvais comportement ou une faute de
compétence »62.
Pour le juriste et sociologue allemand, Max Weber, la
légitimité charismatique est celle qui se fonde sur le
charisme personnel d’un individu. Elle repose sur la
soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu
héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne ou
encore émanent d'ordres révélés ou émis par celle-ci
(domination charismatique).
62
Ababacar Sadikh Top, Ousmane Sonko, Trajectoire, parcours et
discours de l’espoir, p.69.
106
Il faut que celui qui dirige un groupe ait quelque chose de
si particulier, qui puisse forger son respect et son
admiration. Un homme politique qui n'a aucun signe
particulier à faire valoir devient ordinaire et banal.
Ousmane Sonko est reconnu par ses qualités personnelles
hors du commun, qui suscitent notre enthousiasme et notre
dévouement. Ces qualités sont hors du commun des
mortels, au-delà de l'institution, au-dessus du groupe, en
quelque sorte, hors du politique. Il possède certaines
aptitudes personnelles remarquables, susceptibles de
susciter respect et admiration.
Le prestige, il l’a acquis aussi sur le plan de sa religiosité
affirmée, dans un pays où près de 95 % de la population
sont des musulmans, son attachement considérable,
presque spontané, aux préceptes religieux lui fait sortir de
l’ordinaire pour le propulser dans l’univers de la sacralité.
Le prestige du leader Ousmane Sonko est renforcé par sa
religiosité affirmée. Il est impossible de suivre la
trajectoire discursive d’Ousmane Sonko sans noter la
récurrence des expressions coraniques dans son discours et
dans ses actes. Ses connaissances islamiques avérées lui
permettent de recourir, avec justesse, aux versets
coraniques, qui ont fini par fasciner ses concitoyens. Il est
le vrai symbole d’une maitrise parfaite de la
communication politique teintée de religion et de vertu.
Voilà sans doute pourquoi la personne d’Ousmane Sonko
se voit attribuée des sentiments d’admiration, de
déférence, voire de vénération, accompagnant une certaine
reconnaissance de sa supériorité. Cela implique une
certaine évaluation collective, d’un certain consensus
spéculatif sur sa personne.
107
certains supporters sud-africains exprimèrent le vœu de
garder cette coupe en ces termes que voici : « ... nous
vous en prions de nous laisser cette coupe en Afrique du
sud. Et faites-le s'il vous plaît, même pour Mandela ».
Cette citation, reprise de manière isolée, indique non
seulement la popularité dont Nelson Mandela Madiba
jouit, mais elle démontre aussi de quelle manière la
personne de celui-ci demeure prestigieuse pour les Sud-
africains.
Tout comme Nelson Mandela, le leader charismatique de
Pastef a ce prestige. Et grâce à ce dernier, sa personne va
devenir l’objet de nombreuses spéculations populaires qui
lui sont bénéfiques dans sa stratégie de conquête du
pouvoir politique. Ce qui va lui valoir de nombreuses
spéculations de la part de la population sénégalaise qui le
surnomme Ousmane Sonko « mu selmi » ou, si on fait la
traduction, Ousmane Sonko « le saint ». Avec ces
croyances populaires largement partagées sur sa personne,
Ousmane Sonko se voit hisser au-dessus de son existence
historique pour entrer dans la légende ou dans la sainteté.
Elles l’arrachent au monde ordinaire pour le placer dans le
cercle des saints hommes de l’islam.
Comment s’étonner alors de voir les gens âgés et pieux
adresser de véritables bénédictions à Ousmane Sonko.
Comme en témoigne aussi son anniversaire, célébré chez
Imam Dramé, au Sicap liberté, ponctué par une cérémonie
de récital de coran. Plus encore, en tournée politique dans
le département de Tivaouane, le leader charismatique de
Pastef a été accueilli par des versets du Saint Coran à
Médina Asta, chez Serigne Amar Diakhaté.
Tout leader politique a besoin de l’imaginaire, fabulateur,
mensonge et contrepoids à l’intelligence analytique et
destructive pour survivre et renforcer son charisme. Sur
ce, pour répondre au besoin du groupe et de se sentir
108
gouverné selon des principes supérieurs, l’acteur politique
a besoin des doctrines et des croyances qui justifient sa
suprématie. Dotant les hommes politiques, personnages
référentiels, desdites performances, d’une aura
extraordinaire et d’un geste magico-héroïque, les doctrines
et les croyances populaires jouent un rôle d’échafaudage.
Les croyances et l’imaginaire populaire ont participé à la
mythification de la personne politique d’Ousmane Sonko.
De telles croyances populaires lui sont nécessaires dans sa
stratégie de conquête du pouvoir politique, parce qu’elles
apparaissent comme une acceptation et une intériorisation
de sa position d’homme politique hors du commun. Cela,
Ousmane Sonko l’avait également très bien compris, ce
qui explique sa volonté de créer et de maintenir une aura
quasi-mystique autour de sa personne. Le peuple est
convaincu de la dimension mythique du leader de Pastef,
allant même jusqu’à croire qu’Ousmane Sonko « kouko
songou sankou » et pour le dire autrement, dans une
expression française, celui qui cherche à le contrarier
risque d’en subir les pires conséquences et, par
conséquent, il ne cherche pas à démentir ce postulat qui
fonde une part essentielle de sa force politique. Certains
n’osent pas le défier ou violer son autorité de peur de
recevoir des affres mystérieuses.
Le peuple va même jusqu’à associer l’image d’Ousmane
Sonko à celle de son homonyme islamique Ousmane.
Dans la tradition islamique, Ousmane est un nom pré
coranique qui fut porté par le troisième calife (successeur
du prophète Mahomet). Il épousa successivement deux
filles du Prophète et fut surnommé « le possesseur des
deux lumières ». « Le nom confère, localement ou même
nationalement, une notoriété qui vaut parfois présomption
de légitimité, il confère mécaniquement à ceux qui en
héritent une réelle éligibilité (au sens sociologique et non
109
juridique du terme) »63. Cela veut dire que son nom, à
force d’être associé à son origine authentique, finit par
faire croire et faire accepter les attributions islamiques
qu'il renferme.
Il finit par justifier son statut d’homme politique
prestigieux qui ne relève plus de l’ordinaire, mais de
l’extraordinaire.
Cela revient à dire que le leader politique qui veut forcer
le respect et l'admiration doit cultiver le prestige. Il
s’acquiert par le nom, l’honorabilité et la compétence. Le
leader politique qui veut le posséder doit être un « leader
mosaïque », pour reprendre les propos de Serge
Moscovici. Il doit poser des actes exemplaires et être prêt
volontiers à toutes les épreuves permettant d'établir sa
compétence, se retirant au besoin. Le prestige dépend du
succès et disparait à la suite d’insuccès répétés.
En d’autres termes, la simple possession d’un statut,
l’occupation d’un rôle ne suffisent pas à constituer
durablement le prestige d’un individu. Le prestige lié à la
position doit être validé par une certaine efficacité dans le
comportement. Par exemple, si le Pape du Sopi,
Abdoulaye Wade, a perdu tout prestige, c’est à cause de
son fameux « maa waxone waxett », pour revenir sur sa
promesse de ne pas présenter sa candidature pour un
troisième mandat, à la présidentielle de 20212.
Cela veut dire qu’en Afrique, le dirigeant doit faire preuve
de sérieux, doit tenir compte de certaines valeurs
sociétales, comme la parole donnée (en Mandinka, donner
sa parole ou promettre peut se traduire littéralement
« donner son cou » et si on approfondit l’interprétation,
cela peut même signifier mettre sa tête en jeu en cas de
63
Le Bart Christian, Nommer les hommes politiques : identités
prescrites, stratégiques, polémiques. In: Mots, n°63, juillet 2000.
Noms propres. pp. 127-133.
110
non-respect de ce qu’on promet), il n’est pas permis, en
tout cas de façon expresse, de se dédire, cela est une
antivaleur. Il faut faire preuve de fidélité par rapport aux
engagements, de loyauté et de sincérité. Les activités
privées du leader ne doivent pas être teintées de frivolité.
À l’image de Birima Ngoné Latyr Fall, le Damel qui régna
avant son père, qui a su vivifier le code des wolofs,
incarné par les ceedos de l’époque. Le code est fondé sur
le sens de l'honneur, le respect de la parole et la bravoure.
Cet esprit noble s'interdit la lâcheté, le mensonge et la
trahison ; et Birima en a donné l’exemple.
5) Les patriotes
64
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, p.73.
111
qui se fonde sur cette attraction sentimentale plutôt que sur
la réflexion, sur la majorité de la population sénégalaise.
Toutes les caractéristiques de son personnage sont
valorisées, les aspects défavorables de sa personne
s’estompent devant la masse populaire, ses idées et ses
pensées, parfois maladroites, s’imposent et ne se discutent
pas. Et cela, nous le retrouvons singulièrement dans
l’attitude des militants du parti politique le Pastef.
Plus connus sous le nom des patriotes, ils font la force de
leur leader politique. Ils croient fortement à l’idéologie de
leur leader politique : le patriotisme. Il se définit comme
un sentiment partagé d'appartenance à un même pays, la
patrie, sentiment qui en renforce l’unité sur la base de
leurs valeurs communes. Les patriotes croient aux idées et
aux idéologies de leur parti. En examinant plus
profondément la conviction des patriotes, on constate
qu'ils ont un sentiment d’estime très profond envers leur
leader politique. La relation entre Ousmane Sonko et les
patriotes est presque une relation de confiance, voire de
soumission. Cela se manifeste par une attitude très hostile
à toute appréhension négative allant à l’encontre de leur
leader politique. L’autoritarisme et l’intolérance sont très
développés chez eux.
En vrais militants, ils cherchent à crédibiliser les actions
de leur leader, à donner vie à son idéologie politique et à
s’attaquer à quiconque met en cause sa position politique.
Car, on qualifie la personne non pas en fonction de ce
qu’elle est véritablement, des réflexions qu’elle fait et des
actes qu’elle pose, mais en fonction de son positionnement
politique, quelles que soient, par ailleurs, les valeurs
qu’elle incarne.
Généralement, chez les patriotes, toute personne, qui
soutient leur leader politique, est un homme bien et tout
individu manifestant une volonté contraire à leurs
112
convictions politiques est un homme mauvais. Ils n’ont
pas généralement ce recul critique nécessaire qui fait place
à toute contestation politique inhérente dans le jeu
politique. Il ne supporte pas la contradiction et la
discussion. Dans le jeu politique, la plus légère
contradiction de la part d’un adversaire politique ou d’un
individu isolé est immédiatement accueillie par de
violentes invectives, bientôt suivies de voies de fait et de
marginalisation. Cette attitude assez hostile des patriotes,
toujours prêts à se soulever pour défendre leur leadeur
politique, a fait dire au journaliste Cheikh Yérim Seck,
dans son livre intitulé Macky Sall face à l’histoire, passage
sous scanner d’un pouvoir africain, publié aux éditions
L’Harmattan :
« L’homopastefensis manque de profondeur historique, de
culture politique et d’intelligence sociopolitique. Il a
introduit dans le jeu politique, l’irrévérence, l’invective de
l’insulte voire la violence…. »65.
Mais, ces propos de l’ancien journaliste de jeune Afrique
sont à relativiser. Le parti Pastef de base a été fondé en
janvier 2014 par de jeunes cadres de l’administration
publique sénégalaise, du secteur privé, des professions
libérales. Le Pastef est composé de gens qui ont partagé
les combats de jeunesse universitaire, jusqu’à la conquête
glorieuse du droit de disposer d’un syndicat dans la haute
administration sénégalaise.
Mais force donc est de reconnaitre que les patriotes sont
constitués d’intellectuels de haute facture, de gens bien à
cheval de l’actualité politique sénégalaise, ayant parfois
une parfaite maitrise du jeu politique. C’est ce qui sans
doute fait la force du leader politique Ousmane Sonko qui,
65
Cheikh Yérim Seck, Macky Sall face à l’histoire, Passage sous
scanner d’un pouvoir africain, Edition L’Harmattan, 2023, p. 156.
113
du même coup, trouve les moyens de faire face à
l’adversité dans les débats publics de haute importance.
Cela constitue sans nul doute une force politique non
négligeable dans l’atmosphère politique sénégalaise,
souvent caricaturée comme étant le lit de la critique
virulente, de l’insulte et de la calomnie, de l’arrogance et
de l’esprit de clan. Et sur ce point, les patriotes ont su
répondre présents. Ils ont réussi à canaliser et à dissuader
certains adversaires politiques, ou têtes pensantes, au
verbe très virulent et aux critiques très subjectives et
partisanes, visant à disqualifier leur leader politique.
Dans une autre logique, il est donc certain que la conquête
du pouvoir politique a un coût. Comme l'a si bien souligné
S. P. Guèye : « Nul n'ignore que de plus en plus, dans les
compétitions électorales contemporaines, le principe de
l'égalité des compétiteurs est très souvent faussé, d'abord,
et avant tout par le rôle croissant que joue l'argent dans la
politique du temps qu'une simple fonction de budget
électoral, ou, en tous cas, sont loin de refléter toujours la
qualité intrinsèque des candidats mesurée en termes
d'intelligence, de compétence, d'intégrité morale, de
dévouement à l'intérêt général, de patriotisme, etc., ou la
pertinence de leur projet de société et de leur
programme 66 ».
La question de l'argent est donc bien constitutive d'un
enjeu majeur en démocratie électorale. L'argent est ainsi
devenu le moteur de l'action politique, la principale
ressource politique autant que la finalité de l'action
politique.
Cela veut dire qu’en Afrique, au Sénégal et partout dans le
monde, l’élection a un coût. Il est certain que pour être élu
président de la République, il faut dépenser de l'argent. Il
66
S. P. Guèye, Du bon usage de la démocratie en Afrique.
Contribution à une éthique et à une pédagogie du pluralisme, p. 166.
114
faut financer les activités de campagne, les cortèges, les
marches, l’essence, les tee-shirts… La marche vers le
pouvoir est pénible et couteuse.
« Ne nous faisons point d’illusions, il sera impossible
d’atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés
sans un minimum de moyens. Parcourir le pays, implanter
les structures, bâtir un appareil politique, organiser la
propagande, communiquer, préparer une caution, mettre
en place une machine de collecte de signatures de
parrainage et une machine électorale etc. exigent les
moyens 67», reconnaît -il.
Comme ressource, l’argent est essentiel à l'action
politique. À ce niveau, il s’agit des « moyens mobilisables
par un acteur en vue d'augmenter ses chances d'atteindre
un objectif 68 ».
Ousmane Sonko en a pris à ses dépens, lui qui se décrivait
fièrement comme le plus pauvre des présidents de partis
politiques. Au cours de la campagne pour l’élection
présidentielle de 2019, le chef de file des patriotes nous
raconte cette anecdote. Il est arrivé plusieurs fois que les
convois de Pastef restent bloqués. Les véhicules étaient à
court de carburant et, faute d’argent pour remplir les
réservoirs, les responsables du parti ne pouvaient
reprendre la route. Voilà pourquoi il avait sans doute du
mal à parcourir tout le pays.
En vrai leader politique, il fallait trouver des solutions de
financement, sans pour autant écorner ses principes
républicains, s’il veut conquérir le pouvoir. Sur ce, il va
faire appel au financement en l’inscrivant dans un projet
de souveraineté nationale, d’équité de justice, de bonne
67
Ousmane Sonko, Solutions Pour un Sénégal nouveau, p. 227.
68
Guy Hermet, Dictionnaire de la science politique et des institutions
politiques, Armand Colin, 2010, p.15.
115
gouvernance, mais surtout de restauration de la démocratie
au Sénégal.
La solution va venir de ses militants, les patriotes. Les
patriotes se distinguent par leur forte mobilisation
politique. Ils acceptent d’effectuer bénévolement un
travail de terrain et de participer à la vie du parti. Très
répandus dans le territoire sénégalais et dans la diaspora,
ils ont cette culture de la cotisation. Ils n’hésitent pas à
mettre la main dans la poche pour financer les activités de
campagne du parti. Il est donc certain que cette forte
mobilisation financière des patriotes constitue un atout
non négligeable pour leur leader politique. Il sera en
mesure de rivaliser sur le terrain avec le pouvoir en place
et de marquer sa présence politique dans les meetings et
autres manifestations nationales.
Le 2 janvier 2021, le Pastef lançait sa première campagne
de levée de fonds internationale et récoltait 125 millions
de F CFA en quelques heures.
Suffisamment, en tout cas, pour que le ministre de
l’Intérieur, sous le régime de Macky Sall, Antoine Félix
Diome, publie un communiqué pour menacer le parti de
dissolution.
116
Conclusion
117
Actuellement, grâce à son savoir-faire politique
remarquable, il a créé un consensus autour de sa personne
en s’incarnant dans la volonté populaire. Cela a fini par
l’imprimer dans la psychologie de la majorité des
Sénégalais comme un personnage politique extraordinaire
et prestigieux. Ses idées, ses convictions se sont imposées
principalement par la force qu’exprime le mot prestige.
« Le propre du prestige, poursuit Le Bon, est d’empêcher
de voir les choses telles qu’elles sont et de paralyser nos
jugements. Les foules toujours, les individus le plus
souvent, ont besoin d’opinions toutes faites. Le succès de
ces opinions est indépendant de la part de vérités ou
d’erreurs qu’elles contiennent ; il réside uniquement dans
leur prestige69 ».
Voilà pourquoi la personne du chef des patriotes a fini par
exercer une fascination véritablement magnétique et
spontanée sur la majorité de la population sénégalaise.
Cette fascination constitue, du même coup, un rempart
efficace à toute forme d’hostilité ou de contestation
politique contre sa personnalité politique et sociale.
Babacar Justin Ndiaye dira à ce sujet : « Si Sonko est
attaqué, il tient le haut du pavé. S’il attaque, il tient le
haut du pavé. Ses adversaires n’ont qu’à faire attention ».
Toute atteinte à sa personnalité et à ses convictions
politiques reçoit une approbation négative de la part de la
majorité des Sénégalais. Comme en témoigne l’histoire
récente des évènements funestes du mois de mars 2021,
survenus à la suite de son arrestation. Le déclenchement
d’une procédure judiciaire qui apparait être arbitraire
contre l’opposant Ousmane Sonko a mis le feu aux
poudres. Cela apparait comme un signal fort. Avec,
l’approche des prochaines élections électorales de 2024,
69
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, p.74.
118
l’État Sénégalais est à la croisée des chemins. Mais ce
chemin risque d’être long et semé d’embûches. Quoi qu’il
en soit, le principal facteur d’apaisement politique sera
sans nul doute la mise en terme définitif et clair de la fin
de toutes velléités menées contre la personne du leader de
Pastef. Sa personne risque d’être le symbole ou le
catalyseur de toutes les frustrations d’un peuple qui lutte
contre la troisième candidature du président Macky Sall,
pour une justice non partisane et impartiale, pour une
meilleure amélioration de leurs conditions de vie.
119
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OUSMANE SONKO
Le génie politique
OUSMANE SONKO
et psychologiques de son milieu, mais aussi elle repose avant
tout sur un talent personnel de l’acteur politique, condition sine
qua non pour susciter respect et admiration.
Dans cette logique, Ousmane Sonko apparait comme un Le génie politique
génie politique. En vrai savant de la politique, il a su faire
preuve de ruse, d’habileté politique pour avoir acquis en si
peu de temps une notoriété politique incroyable. Son génie
politique a favorisé sa percée affective et effective dans
l’opinion populaire.
OUSMANE SONKO
Pour créer le consentement nécessaire autour de sa personne,
il recourt à des dramatisations sociales, à l’imaginaire et à
l’instrumentation des croyances et représentations collectives.
Il développe en conséquence une stratégie politique à action
multipolaire axée essentiellement sur la mobilisation de toutes
les données sociales, culturelles, psychologiques et politiques.
Ainsi, dans la science politique, Ousmane Sonko apparait
comme un cas d’école pour saisir et comprendre le phénomène
politique dans toute sa dimension sociologique.