Histoire Du Controle de Gestion
Histoire Du Controle de Gestion
Histoire Du Controle de Gestion
Sommaire
Introduction 4
II.2.2 Le contrôle de gestion par les résultats anticipe mal en contexte turbulent 21
II.2.3 Les dangers du recours aux seuls critères financiers : le ROI et l'évaluation monocritère
22
III.1 Remise en cause de l'utilisation exclusive du contrôle par les résultats : apports de
la sociologie des organisations 24
III.2 Le contrôle par l'adhésion à des valeurs communes : la relève du contrôle par les
résultats ? 25
III.3 Les limites du contrôle par la culture et le consensus sur la nécessité de mixer
plusieurs modes de convergence des buts 27
Conclusion 28
Eléments de bibliographie 29
Introduction
Les travaux de Frederick Taylor sur l'Organisation Scientifique du Travail (OST) ont été
appliqués à grande échelle dans les usines Ford à partir des années 1930. Les méthodes sous-
jacentes (standardisations des procédés, chronométrage des tâches, apparition des chaînes de
montage, comptabilité analytique) ont par la suite été étendues à la grande majorité des
entreprises du secteur industriel, avec des gains de productivité considérables.
Avec la marginalisation des activités industrielles par rapport au secteur des services dans les
pays du Nord, les concepts liés à l'OST sont devenus obsolètes, en l'état, pour la gestion de la
plupart des entreprises.
L'idée de « rationaliser » les pratiques en secteur de services est pourtant rapidement apparue.
Si les méthodes de l'OST étaient facilement transposables dans des activités de services assez
proches du secteur industriel (ie : comportant une activité de production), telles que la
restauration rapide (Pizza Hut ou McDonald's par exemple), il en est autrement pour des
services plus élaborés, ou pour nombre de fonctions de l'Entreprise de services. On observe
cependant aujourd'hui de nombreuses formes de standardisation dans les activités de service,
tant privées que publiques.
L'objectif de ce mémoire est d'expliquer le rôle joué par le contrôle de gestion dans la
transposition des méthodes de standardisation industrielle au secteur des services.
Suite aux nombreuses remises en cause dont a été victime la vision traditionnelle du contrôle
de gestion, il convient de s'intéresser aux modèles alternatifs, qui ne renoncent pas dans la
plupart des cas à certaines formes de standardisation organisationnelle et/ou des
comportements.
Ces formes de standardisation sont utilisées, à des degrés divers, dans la plupart des
organisations actuelles. Le contrôle de gestion n'est pas neutre dans la mise en place, le
maintien et l'utilisation de ces formes (post)modernes de taylorisation, bien que ce ne soit pas
la seule discipline / fonction concernée. Attardons-nous sur le rôle joué par le modèle
traditionnel de contrôle de gestion vis-à-vis des avatars de la néo-taylorisation.
D'après Merchant, le contrôle des individus répond à la nécessité d'encadrer les possibilités
d'occurrence de comportements dysfonctionnels, lesquelles peuvent être classées en trois
causes : « Premièrement, les individus peuvent ne pas connaître de façon précise ce qui est
attendu d'eux. Deuxièmement, les individus peuvent être motivés à prendre des décisions
différentes de celles que l'organisation souhaiterait. Troisièmement, les individus peuvent ne
pas avoir les compétences, qualités ou connaissances requises pour prendre les "bonnes"
décisions. » (Merchant, 1998, cité par Langevin et Naro, 2003).
D'après Merchant, le contrôle des comportements (contrôle des actions) assure que les
salariés exécutent les actions jugées souhaitables et n'exécutent pas les actions indésirables.
Règles et procédures, définition et séparation des responsabilités, supervision directe,
autorisations d'engagement de dépenses constituent des exemples de ce mode de contrôle.
Le contrôle de gestion selon le modèle financier s'intéresse au contrôle des comportements et
des actions : « le contrôle des comportements, appelé contrôle des actions, assure que les
salariés exécutent les actions jugées souhaitables et n'exécutent pas les actions
indésirables. », ce qui correspond au contrôle opérationnel dans la typologie du contrôle
fournie par RN Anthony dès 19653(*). Si le contrôle opérationnel n'est pas l'objet du contrôle
de gestion (ces deux types de contrôle sont séparés dans la typologie d'Anthony), Hélène
Löning précise que « en entreprise, la connexion entre les trois niveaux se révèle cruciale.
De ce point de vue, le contrôle de gestion a un rôle charnière à jouer pour mettre en
cohérence le niveau stratégique, les grandes orientations de l'entreprise, avec les opérations,
le « terrain », « ceux qui font ». Le contrôle de gestion est un élément clé pour assurer la
mise en relation des deux autres niveaux et le déploiement des objectifs stratégiques dans
l'organisation ».4(*) Un exemple du lien entre contrôle de gestion et contrôle opérationnel est
le rôle de fournisseur d'informations et d'aide à la décision joué par le contrôleur de gestion
auprès du manager opérationnel.
Le contrôle par les résultats consiste à récompenser ou sanctionner les individus en fonction
des résultats qu'ils obtiennent. Le contrôle de gestion, dans sa vision classique, est un
processus de contrôle des résultats (outputs).
« Après avoir réalisé un diagnostic externe et interne, il s'agit, ex ante, de définir des
manoeuvres stratégiques, de créer les structures adéquates à cette mise en oeuvre, sous-
entendu de réfléchir à l'allocation optimale des ressources (vision traditionnelle de la
stratégie). Dans cette perspective, le contrôle de gestion recherche prioritairement les
moyens d'un contrôle de conformité, conformité des actions et du comportement des
individus au "schéma" préalablement conçu par les décideurs dirigeants. En ce sens, sa
perception demeure de l'ordre de la recherche d'une minimisation des risques de
comportement des individus, risques inhérents au non-respect des procédures soit encore de
la ligne conduite prédéfinie, risque inhérent à la suspicion d'opportunisme qui pèse sur le
comportement des agents. Les indicateurs de contrôle sur lesquels se fonde le contrôle de
gestion proviennent alors, pour l'essentiel, de constructions comptables.» 6(*)
« Ici, l'information est supposée incomplète pour les dirigeants et dispersée dans
l'organisation. Dès lors les informations qui fondent le processus de planification,
l'articulation budgétaire puis les procédures de contrôle, prétendent réduire autant les
difficultés de coordination que l'asymétrie informationnelle et les effets de dispersion. »
La question est ici celle de la maîtrise des zones d'incertitude. Le système de contrôle de
gestion des résultats apporte une réponse limitée aux problématiques du contrôle des
comportements. Le contrôle par l'adhésion à des valeurs communes (Fiol, 91) apporte
d'autres éléments de réponse, bien que là aussi des limites apparaissent rapidement.
Le modèle financier du contrôle de gestion est la forme sous laquelle cette fonction /
discipline est apparue et s'est développée dans la plupart des organisations. Remis en cause
depuis quelques années par de nombreux chercheurs en gestion et même par une part
croissante des praticiens, ce modèle est pourtant encore très largement répandu. Basé sur une
logique de contrats selon la culture anglo-saxonne, il a influencé notablement l'organisation
des entreprises qui l'ont adopté, et ce de manière similaire dans bien des cas. Son recours
systématique à la standardisation des résultats et à la standardisation des normes laisse en
outre penser que l'influence de ce modèle sur les organisations participe au développement
d'une standardisation des comportements chez les acteurs qui y sont soumis.
Selon B. Ekoka, le modèle financier en contrôle de gestion pose ou implique les grands
principes suivants :
Ce modèle repose sur le l'un des quatre modes de convergence des buts recensés par Michel
Fiol dans sa thèse en 1991, à savoir le contrôle de gestion par les résultats.
Rendu nécessaire par l'augmentation de la taille des entreprises et par le besoin de diriger à
distance, il repose sur la délégation de la prise de décision et de l'autorité, par le biais d'un
« contrat » qui fixe des objectifs au responsable, les assortit de ressources, et prévoit le suivi
des résultats pour vérifier que les objectifs sont atteints.8(*)
Ce mode de convergence des buts, qui renvoie à la standardisation des résultats évoquée par
Mintzberg, induit en pratique une forme d'organisation en centres de responsabilité, qui se
superpose le plus souvent à (voire qui remplace) l'organigramme fonctionnel de l'entreprise.
La répartition des responsabilités entre centres de coûts, centres de profit et centres
d'investissement se retrouve de fait dans la plupart des organisations ayant adopté un système
de contrôle de gestion selon le modèle financier, si bien qu'il ne paraît pas exagéré de parler
de standardisation organisationnelle (un mode d'organisation propre à un grand nombre
d'entreprises, à partir d'une taille suffisante et quel que soit le secteur).
« C'est à March et Simon (1958) que l'on doit les premières analyses des bénéfices de la
standardisation par laquelle « la coordination des diverses parties étant incorporée dans le
programme de travail dès la conception, le besoin de communication continue s'en trouve
réduit » (cité par Mintzberg 1979:20). [...]
De fait, il n'existe quasiment aucune activité professionnelle qui n'exploite pas un tant soit
peu la standardisation des relations et des savoirs léguée par l'histoire du secteur industriel
dans lequel elle se situe, celle-ci étant assimilable à des savoir-faire implicites. Cependant,
de nombreuses organisations n'utilisent pas encore la coordination basée sur la
standardisation d'une manière qui leur permettrait de réduire de façon optimale le nombre
de transactions intellectuelles que les acteurs doivent réaliser et, corollairement leurs coûts
de coordination. La plupart des interventions des cabinets de consultants dans le domaine du
management, de l'organisation ou de la qualité, pour ne citer que quelques exemples, visent
précisément à accroître le degré de coordination par la standardisation. »9(*)
En outre, certaines formes de standardisation organisationnelle permettent d'encadrer les
risques de comportement (opportunisme, coordination) des acteurs.
Rappelons que les principales formes de standardisation apparaissent parmi les mécanismes
de contrôle cités par Petitjean en références aux modes de contrôle recensés par W. Ouchi :
« (...) La théorie Y [de MacGregor (1960), qui correspond aux approches de Maslow et
Hezberg], sur laquelle sont bâtis le contrôle de gestion par les résultats et la DPPO, nourrit
une vision « idéale », autonome et responsable de l'homme au travail : pour peu qu'on lui en
donne l'occasion, l'être humain est capable d'initiative, il est digne de confiance et peut,
seulement librement, se motiver et se réaliser à travers l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés,
après entente avec sa hiérarchie. Le travail est alors vu comme source de satisfaction.
L'homme ordinaire peut se diriger lui-même, dès lors qu'ils accepte les objectifs de son
travail ; il peut même rechercher les responsabilités ;il est source d'apport créatif dans
l'organisation si le management est participatif. Sur ce point, la théorie Y de MacGregor est
concordante avec la théorie de V.H. Vroom (1967), selon laquelle la motivation est facteur
de performance, ainsi qu'avec les besoins « d'ordre supérieur » définis par A.H. Maslow, en
particulier l'estime de soi (self-esteem) et l'autoréalisation (achievement). » 10(*)
Langevin et Naro (2003) notent que, dans le contrôle de gestion des résultats :
« seuls les résultats sont évalués par la hiérarchie, les moyens pour les atteindre étant laissés
à la discrétion des individus. Ce type de contrôle est donc cohérent avec les démarches de
décentralisation et de délégation de la prise de décision. Il génère une autonomie et une
responsabilisation susceptibles de satisfaire les besoins de reconnaissance et
d'accomplissement des individus et d'agir sur leurs attitudes et leur comportement.
Par ailleurs, le contrôle par les résultats indique aux individus ce sur quoi ils seront évalués,
plus clairement que ne peut le faire un contrôle des comportements. Cette clarté des objectifs
est source de satisfaction et de performance (Kenis, 1979). » 11(*)
L'écart entre le réalisé et l'objectif est analysé et doit donner lieu à des actions correctrices le
cas échéant.
Pour B. Ekoka, « Le modèle financier n'est plus au stade de sa légitimation, il a fait ses
preuves pendant les trente glorieuses, il a été diffusé dans le monde entier, il y a une symétrie
idéelle entre ce modèle et le système de production sloanien, la firme General Motors lui a
donné ses lettres de noblesse et les principes de gouvernance anglo-saxons confortent sa
domination actuelle malgré l'émergence du modèle stratégico-opérationnel. »12(*)
Notons que cette « domination actuelle » concerne davantage la pratique que la théorie, une
part croissante des chercheurs en gestion s'accordant sur l'existence de grandes limites du
modèle financier (le contrôle de gestion par les résultats) qui en font un mode de contrôle
imparfait, voire néfaste.
Ekoka s'intéresse également aux bénéfices engendrés par l'utilisation de critères financiers
dans l'évaluation des performances et souligne de son côté les implications en terme de
standardisation des comportements des acteurs :
« - Les taux de ROI, les standards d'activité, les normes de coûts sont autant d'informations
préétablies par les analystes financiers, ceux des bureaux de méthodes et du contrôle de
gestion. A l'intérieur de l'organisation, ces informations remplacent celles fournies par le
commissaire-priseur du modèle de concurrence parfaite. Les producteurs, les acheteurs, les
vendeurs, bref les opérationnels agiront en fonction de ces normes préétablies par les
analystes.
- Les analystes vont substituer la coordination par les prix par celle par les normes et les
plans, ce qui ne remet pas en cause la théorie, mais montre plutôt son adaptation dans le
monde réel. Le contrôleur de gestion est un analyste spécialisé dans l'établissement des
normes de coûts à partir des normes d'activités établies par le bureau des méthodes.
- Le fonctionnement interne des centres de responsabilité est une boîte-noire. La norme joue
un rôle de coordination interne. Ce qui importe pour le contrôleur de gestion, c'est le résultat
attendu au regard des moyens ou budgets accordés aux différents responsables des centres
de responsabilité (après négociation ou ajustement à la marge des budgets de l'année
précédente). » (Ekoka, 2003)
Le risque est de remettre en cause les objectifs fixés pour l'année dès qu'un incident interne
ou externe intervient. En effet, réviser un objectif en cours d'année revient à nier
l'engagement à l'atteindre du ou des responsables qui en ont la charge.
A contrario, l'excès inverse consiste à ne pas vouloir remettre en cause un plan à trois ans
malgré l'intervention de changements majeurs en interne ou en externe en cours d'année. Le
recours aux plans glissants peut limiter ce risque psychologique.
Lors de sa mise en place, le contrôle de gestion par les objectifs / résultats risque de
rencontrer de fortes résistances et de subir des dysfonctionnement s'il est intégré à une
organisation de nature précédemment bureaucratique.
Le pilotage par les objectifs repose, on l'a vu, sur les principes posés par Maslow et Herzberg,
que l'on retrouve dans la théorie Y de MacGregor. Or cet auteur oppose à cette vision
positive de l'homme au travail une théorie X selon laquelle « l'homme éprouve une aversion
innée pour le travail et fait tout pour l'éviter : en conséquence, le rôle de la hiérarchie est
avant tout de contraindre, contrôler, diriger et même parfois menacer pour faire travailler.
C'est une vision pessimiste qui pense également que l'homme ordinaire préfère être dirigé,
guidé, sécurisé, qu'il souhaite éviter toute responsabilité et attends qu'on lui définisse
précisément ce qu'il a à faire. »15(*)
Or, comme le note H. Löning, rien n'indique que le comportement de tous les acteurs, et
notamment des responsables d'une organisation, s'inscrivent dans la logique de la théorie Y :
« Chacun parvient plus ou moins bien, sait plus ou moins, a plus ou moins envie de déléguer,
de responsabiliser, de faire confiance... en fonction de sa psychologie, de son intuition, son
expérience, son goût du risque, mais aussi de sa culture. ». Et de rappeler qu'un tel type
d'approche (celui de la théorie Y) est issu de la culture nord-américaine, que l'on retrouve
dans la littérature de gestion comme la « culture du contrat ». On ne sait que trop que ce
mode de fonctionnement culturel est moins évident dans nombre d'autres pays, par exemple
la France.
L'un des risques désormais popularisés du contrôle budgétaire est la constitution de « matelas
de protection » ou slack organisationnel, c'est-à-dire la tendance à biaiser la fixation
participative d'objectifs (tendance à sous-estimer volontairement les prévisions de vente, par
exemple) ou l'allocation de ressources (surestimation des coûts). Ce type de comportement
est rendu possible du fait que les responsables opérationnels maîtrisent une partie des zones
d'incertitude (Crozier, 1977) concernant leur terrain (exemple : dans certains cas, ce sont eux
qui élaborent les prévisions de vente qui servent de base à l'élaboration d'un budget).
L'objectif est alors pour eux de « limiter les risques » et de ne pas compromettre l'obtention
des récompenses.
Rouby et Solle notent que le contrôle de gestion par les résultats, basé sur le modèle financier
et des informations comptables, comporte des lacunes de fond dans l'optique d'un pilotage
anticipatif du futur en environnement instable, nécessitant un pilotage par les processus et les
activités :
Toute technique censée améliorer la pertinence des informations (ici la traçabilité des
ressources consommées) devenait pierre angulaire, puisque en fait le risque économique
était traité le plus simplement possible (nous oserions dire écarté) par une modélisation ex
ante de la performance économique qui reposait sur le cloisonnement des activités,
l'additivité des performances locales, la stabilité des prévisions, une approche discrète du
temps.
Au rang des limites, H. Löning signale que la référence unique à un indicateur type ROI est
dangereuse car son caractère (trop) synthétique génère de l'opacité. Outre une certaines
« phobie des ratios » répandue chez certaines personnes, il est difficile d'expliquer les
variations d'un ROI. De la même manière, le suivi d'un ratio ne permet pas forcément de
dégager des actions à entreprendre pour l'influencer dans l'avenir. De plus, on sait maintenant
que le recours aux ratios dans l'évaluation des performances incite à la manipulation, c'est-à-
dire à la modification du ratio en agissant artificiellement et plus ou moins discrètement sur
une de ses composantes.
D'autre part, l'utilisation d'un indicateur agrégé a tendance à favoriser le court terme, les
responsables ainsi évalués cherchant en priorité l'amélioration ou le maintien du ratio dans
des délais courts (souvent l'année), quitte à négliger des actions susceptibles de porter leurs
fruits dans des délais plus longs. Enfin, le recours à un critère strictement financier ne suffit
souvent pas à évaluer la performance d'un centre. En particulier dans les activités de service
où des problématiques telles que la tenue des délais ou la qualité de service (Peaucelle,
2000). 17(*)
B. Ekoka revient sur l'émergence de critiques à l'égard du contrôle par les résultats,
principalement issues de l'école des Relations humaines, puis de la Théorie de l'acteur
stratégique.
Soulignant les risques de conflits d'intérêts entre les acteurs, que le contrôle de gestion
cloisonne dans des centres de responsabilité aux objectifs différents bien que censés
contribuer chacun à l'objectif global de l'organisation, note que « (...) l'esprit de corps dans
lesdits centres [de responsabilité] favorise la poursuite des objectifs locaux aux détriments de
l'objectif global. Cette déviation met en péril l'objectif global. La correction de celle-ci par
des règles impersonnelles amplifie la déviation. Robert Merton parle à cet effet de résistance
des travailleurs à la pression des standards. Philip Selznick propose le processus de
cooptation (la participation des travailleurs) et l'endoctrinement idéologique (faire ressortir
les valeurs de l'entreprise) comme deux solutions pour remédier à cette résistance des
travailleurs (Pierre Desmarez, 1986).18(*)
Revenant sur la notion de zones d'incertitude théorisée par M. Crozier, Ekoka fait le lien avec
le mode de contrôle alternatif relevé par W. Ouchi et intervenant dans des cas où la
connaissance du processus de transformation est imparfaite et où la capacité à mesurer des
résultats est faible : le contrôle clanique.
« Dans une optique de rupture, Michel Crozier (1981) va proposer des principes similaires à
ceux développés par William Ouchi (1982) dans sa théorie Z. Dans cette théorie le clan ou
l'équipe de travail est un mécanisme de contrôle qui se distingue du contrôle par la
hiérarchie et du contrôle par le marché. Ce mécanisme de contrôle est capable de résoudre
les dysfonctionnements engendrés par une centralisation des normes de la performance ou
des règles bureaucratiques tout en complétant les mécanismes de marché. Le contrôle
clanique met l'accent sur la confiance, la loyauté envers les objectifs de la firme, l'intimité
dans les relations humaines, la transmission des convictions par les différents dirigeants et
fondateurs de l'entreprise. Cette théorie fait de la ressource humaine, la clé de la
compétitivité entre les firmes. » (Ekoka, 2003)
- des mécanismes de socialisation extérieurs, voire ex-ante, tels que la formation qui est
dispensée aux futurs diplômés par une communauté professionnelle, avant leur entrée dans
l'organisation (cas des médecins, des universitaires,...) ou plus généralement le fait que la
formation, l'évaluation, les carrières des membres de l'organisation soient contrôlés de
l'extérieur par leurs pairs au sein d'une communauté professionnelle. Les mécanismes de
coordination par la standardisation des qualifications au sein des bureaucraties
professionnelles, tels que les décrit Mintzberg (1982) participent de tels processus. » 19(*)
JL Petitjean note que le recours au mode de contrôle clanique est préconisé dans les cas où le
contrôle formel, à savoir le contrôle des comportements et le contrôle par les résultats,
présente trop de faiblesses pour être efficace, ou se révèle trop coûteux.
M. Fiol, cité par H. Löning, considère ce mode de convergence des buts comme anticipateur,
par opposition au contrôle a posteriori propre à l'approche classique du contrôle de gestion :
« [...] il consiste à sélectionner les individus à travers le recrutement, puis à les inciter, à
travers la formation, à se comporter dans le sens attendu par l'organisation. Ce mode
d'organisation, vieux comme le monde dans la pratique, tend à renforcer les valeurs déjà
intégrées par les membres de l'organisation afin de les amener à agir ou à prendre des
décisions de la façon même qu'auraient adoptée leurs dirigeants. » (Löning, 2003)
Le contrôle clanique n'entre donc pas dans le champ d'étude classique du contrôle de gestion,
bien que les concepts qui s'y rapportent soient tout à fait d'actualité dans les réflexions
organisationnelles sur le contrôle de gestion, qui pointent les insuffisances du contrôle par les
résultats : « (...) le contrôle par les résultats serait nécessaire et opérant mais, trop centré
sur le court terme et la motivation individuelle, il n'aurait un apport à l'organisation qu'à
condition d'être complété (et contrebalancé dans ses effets caricaturaux) par d'autres
mécanismes de contrôle plus sociaux, plus collectifs » (Löning, 2003).
Petitjean note qu'un courant de pensée tend à faire des modes informels de contrôle le mode
de coordination dominant, va jusqu'à envisager la substitution totale des contrôles informels
aux contrôles formels que sont le contrôle des comportements et le contrôle par les résultats.
La plupart des auteurs qui se sont penchés sur le thème des modes contrôle semblent
cependant s'accorder sur le fait que le contrôle clanique (Ouchi), encore appelé contrôle par
la culture, contrôle par l'adhésion à des valeurs communes (Fiol) ou contrôle social, ne
représente pas à lui seul la solution miracle. De nombreuses limites liées à ce mode de
convergence des buts émergent en effet au fil du temps.
Löning rappelle que les tentatives de changement artificiel de la culture d'entreprise se sont
souvent soldées par des échecs cuisants, ce qui se comprend car une véritable culture
d'entreprise est quelque chose de très stable.
L'exercice du contrôle dans les organisations n'est donc plus le seul fait du contrôle de
gestion (contrôle par les résultats), mais également de fonctions, mécanismes et processus
auxquels contribuent la culture d'entreprise, la gestion des ressources humaines,
l'organisation d'entreprise, et le style de management notamment.
Conclusion
L'évolution de la pensée en sociologie des organisations et en contrôle de gestion, mais aussi
dans d'autres disciplines comme la gestion des ressources humaines, a mis en relief les
apports, mais aussi un grand nombre de travers du mode de convergence des buts basé sur le
contrôle des comportements et par les résultats, principe de base du contrôle de gestion tel
qu'on le rencontre le plus souvent (direction par objectifs, organisation en centres de
responsabilité, contrôle budgétaire, etc.).
Le contrôle des comportements et le contrôle par les résultats ont apporté des réponses aux
problématiques de décentralisation des responsabilités et de mise en oeuvre de la stratégie
dans les organisations, ainsi qu'à celles de mesure de la performance.
Ce mode de convergence des buts et de contrôle, encore très répandu dans les organisations,
se révèle cependant peu propice à l'anticipation et au pilotage en environnement turbulent. En
outre, son orientation très financière et bureaucratique le rend peu adapté aux exigences de
pilotage dans des domaines où les facteurs clés de succès reposent sur le respect des délais ou
la qualité. De même, malgré l'apport d'outils comme la méthode Activity Based Costing, le
contrôle de gestion peine en pratique à s'adapter aux besoins du pilotage par les activités ou
par les processus.
Les travaux de recherche sur la convergence des buts et les modes de contrôle se sont
intéressés à des formes plus informelles de contrôle, comme le contrôle clanique, le contrôle
social ou encore le contrôle par la culture. Nombre de chercheurs reconnaissent l'intérêt de
tels modes de contrôle pour pallier les limites du contrôle par les résultats.
Toutefois, beaucoup s'entendent sur le fait que les modes informels de contrôle n'ont pas
vocation à remplacer les modes formels, en particulier le contrôle par les résultats, et qu'il
faut s'intéresser à la manière d'utiliser les avantages du contrôle formel et du contrôle
informel de manière à compenser leurs limites réciproques.
C'est donc dans le champ interdisciplinaire et inter-fonctionnel qu'il faut envisager l'évolution
des modes de convergence des buts et des modes de contrôle, les apports du contrôle de
gestion ayant vocation à bénéficier de ceux d'autres domaines comme les ressources
humaines ou l'organisation.
Eléments de bibliographie
Ouvrages
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Ü Löning H & alii, Le contrôle de gestion - organisation et mise en oeuvre, Dunod, 2003
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Articles de recherche
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Ü Defélix C., Transversalité, contrôle et gestion des RH - pilotage à l'épreuve des processus,
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Cours
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* 19 Langevin P., Naro G., Contrôle et comportements : une revue de la littérature anglo-saxonne, 2003
* 21 Ekoka B., Structuration du modèle financier du contrôle de gestion à travers les disciplines à source, Cahier
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