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Notes Séance 1

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ATELIER D’ECRITURE PRESSE – Semestre 1 – Séance 1 – Introduction : qu’écrit-on, comment, et pour

qui ?

Présentation du cours, de ses enjeux, du programme du semestre.

Bien penser à donner : adresse mail, futur espace cursus, infos sur l’évaluation (travail individuel à la
mi-semestre – travail de groupe pour la fin du semestre) : détail pendant les formes d’articles.

Bibliographie :
Propaganda, d’Edward Bernays. Publicitaire et conseiller politique américain, il fait partie de la
catégorie des auteurs avec un CV d’ordure (entre autre, contribution au renversement du
gouvernement démocratique du Guatemala pour le remplacer par un gouvernement pro-américain
lors de la campagne de lobbying de la United Fruit Company. Il a fait partie des fondateurs de la
communication moderne, et beaucoup des principes qu’il a contribués à poser font encore loi
aujourd’hui. Dans ce bouquin, vous trouverez pas mal de choses sur la notion de propagande, et sur
comment elle peut se manifester à tous les nouveaux du discours.

Plus épais, mais aussi plus riche encore, et surtout, cette fois, par un auteur merveilleux : La fabrication
du consentement, par Noam Chomsky. Chomsky n’est pas publicitaire : il est sociologue, philosophe,
linguiste, analyste politique… C’est sans doute l’un des plus grands penseurs du 20ème siècle, et aussi
du 21ème, dans la mesure où du haut de ses 93 ans, il est encore vivant. Père de la linguistique
générative, dans ce bouquin, il montre les structures de pouvoir qui régissent l’information. Comment
le journalisme est une arme de guerre démocratique, comment le discours est toujours, TOUJOURS
orienté, que ce soit en bien ou en mal… Et cet ouvrage publié en 1988 est toujours désespérément
d’actualité. Je me le relis tous les deux-trois ans, c’est un classique absolu, un véritable bijou. Je ne
peux que vous le conseiller.

Nous allons travailler les questions d’écriture professionnelles. Comment se construit un discours,
comment s’articule le propos, comment un propos peut-il être développé… Bref, comment appuyer
une idée ou une information par le biais d’un texte. Ce semestre, ce sera la question de l’écriture
journalistique. Nous allons travailler la rédaction d’article, ce qu’est un article, les contraintes du genre,
etc…

Le journalisme, ici, sera à considérer comme un discours au sens global : nous le travaillons parce que
votre filière s’y prête, et parce que c’est un des genres par excellence du travail de communication : le
vecteur le plus répandu de diffusion de l’information.

Et comme tout discours, peu importe sa forme, une étape est inévitable, celle de l’écriture.

L’écriture est à la base de toutes les formes du journalisme. TV, radio, presse, web… Et chacun de ces
médias est soumis à une contrainte majeure : la limite de taille, d’espace ou de durée. La presse TV ou
radio est soumise à des créneaux horaires bien précis. La presse écrite, à un nombre de caractères
limités sur la page. La presse web, à une contrainte plus insidieuse, mais non moins concrète :
l’économie de l’attention. La dispersion de la concentration du lecteur, sa tendance à cliquer ailleurs,
à regarder plusieurs choses en même temps… Et donc, l’impératif de bien gérer la longueur de son
support pour ne pas perdre son lecteur/spectateur/auditeur, sans pour autant négliger son sujet.
Bref, l’impératif premier du journalisme, c’est le calibrage. Savoir quelle place donner à quel élément
dans un espace restreint. Tout se calcule en amont pour que toutes les informations nécessaires soient
transmises, dans le bon ordre, avec clarté et importance.

C’est quelque chose qui vaut pour toutes les formes de transmission d’information : il n’y a pas de
discours sans écrit, au sens de préparation du texte, de ciselage de son plan, de ses choix de mots, etc,
etc, etc. On n’écrit pas au flan, on travaille son écriture.

On rentrera dans le détail de ce travail dans les séances à venir, aujourd’hui, on balaie les bases de ce
que c’est qu’un article, et de quelques uns de ses fondements essentiels.

Déjà, savoir qu’on n’écrit jamais seul. Dans notre cas à nous, au sein des ateliers, on va bien sûr écrire
un peu chacun à notre sauce. Mais l’écrit, lorsqu’il se veut professionnel, s’inscrit toujours dans une
chaîne. Deux types de journalistes : le pigiste, et le journaliste de rédaction. L’indépendant, et le
salarié.
Le journaliste de rédaction est celui qui travaille pour un journal donné. Il est engagé par la structure,
et pond ses papiers à intervalles réguliers pour elle. Mais s’il a un avis à donner, il est loin d’être seul :
les étapes de la rédaction d’un article :
- La conférence de rédaction, supervisée par le rédacteur en chef, pendant laquelle on avise des
sujets à traiter, de l’actualité pressante. On propose des idées, on se répartit les sujets et le travail.
- Le travail d’enquête, de documentation et d’écriture journalistique, plus individuel, où le
journaliste fait valoir sa propre patte. Mais ça n’en reste pas là.
- Secrétariat de rédaction : relecture et correction par les pairs. On n’écrit effectivement jamais
seul. Tout doit toujours être relu, croisé à d’autres sources, corrigé si besoin… Pour garantir la
meilleure qualité possible du travail.
- Montage avant impression : choix graphiques liés à l’article. Ca peut paraître sortir un peu du
sujet, mais on reviendra à l’importance de la dimension visuelle d’un article un peu plus tard.

Le pigiste pourrait paraître libre dans son écriture, en cela qu’il est indépendant : il choisit ses sujets,
écrit ses articles, puis va les proposer aux journaux. Il peut aussi être mandaté ponctuellement par un
journal pour lequel il a l’habitude de travailler. Il est payé à l’article, souvent de façon forfaitaire. Mais
même là, il n’est pas vraiment seul : en cela qu’il cherche à vendre ses articles, il va essayer de coller à
la ligne éditoriale de telle ou telle structure de presse. En cela, il se plie à des contraintes extérieures.

Et dans les deux cas : on écrit toujours pour être lu, et pour être compris. C’est peut-être putassier,
présenté comme ça, mais c’est un fait : dès lors qu’on quitte le journal intime ou les textes qu’on garde
pour soi, dès lors qu’on décide de publier quelque chose, c’est qu’on s’adresse à quelqu’un. Et ce
quelqu’un doit être pris en compte dans l’écriture. Comment rendre le cœur de notre message
accessible ? Comment le rendre à la fois complet, appréhensible, convainquant, et, idéalement,
mémorisable ? C’est tout l’enjeu de la technique d’écriture. C’est ce qu’on va travailler pendant ce
semestre.

LES TYPES D’ARTICLE

De quoi on parle quand on parle d’un article de presse ? Fondamentalement, ça ne veut rien dire. C’est
une catégorie globale qui regroupe un certain nombre de types spécifiques d’articles.
Cas à part
- La dépêche : information brut, sans aucune mise en forme. Synthétique. Petit point rapide sur
l’AFP ? Scandale des brèves sponsorisée par Coca pour faire du greenwashing en 2020
Formes courtes :
- La brève : forme la plus courte d’article. Pas de titre, premiers mots en gras pour souligner l’info
clé. On réunit souvent plusieurs brèves dans une même colonne (mare aux canards du Canard
Enchaîné).
- Le filet : info courte, mais dont l’importance justifie un titre séparé.
- La mouture : refonte de plusieurs dépêches, plusieurs infos autour d’un sujet commun.
Formes longues :
- Le compte-rendu : rapporter « objectivement » (point à débat) les faits, sans valorisation. La
forme la plus commune d’article.
- Le reportage : les faits, additionnés à ce que le journaliste a vu, ressenti, son vécu.
- L’enquête : le reportage montre, l’enquête démontre. 1. Questions. 2. Faire le point sur ce qu’on
sait sur notre sujet. 3. Emettre des hypothèses. 4. Les vérifier ou les infirmer par du croisement
d’information. 5. Conclusion. C’est presque, au final, un travail de dissertation.
- L’interview : question/réponse entre un intervieweur et des interviewés. Entretien retranscrit tel
quel, avec au mieux quelques lignes de contextualisation.
- Le portrait : article construit autour d’une personne, avec un propos non plus linéaire comme dans
l’interview, mais hiérarchisé à partir d’un angle d’approche.
Formes à part :
- L’édito (souvent couplé, dans la presse papier, au dessin de presse), sur l’actualité, là pour
rappeler les sujets du jour (pas systématiquement, cependant, ça dépend du média), et surtout
pour réaffirmer la ligne éditoriale de la structure.
- Le billet d’humeur, sur n’importe quoi. Liberté de ton totale pour le journaliste : il parle en son
nom propre, et pas au nom de sa structure. Peut créer, occasionnellement, des divergences.
- La critique : Un sujet, on aime, on n’aime pas, pourquoi, etc…
- La tribune (du journaliste ou des lecteurs, ou encore droit de réponse [obligation légale]) : prise
de position, souvent forte, en défense ou en critique d’un phénomène d’actualité. Dans la quasi-
totalité des cas, la tribune est représentative de la ligne éditoriale de la structure.

Toutes ces formes ont leurs impératifs spécifiques, selon ce qu’elles doivent mettre en avant, leur
taille, leur ton, etc.

Mais tous ces articles ont à leur base trois grands impératifs. Trois grands versants à travailler avec une
attention particulière, qui leur sont communs, et dont on va pouvoir parler. Au moins des deux
premiers, en tout cas, car je ne suis pas sûr qu’on ait le temps pour le reste.

La boucle textuelle.

Il s’agit des conventions d’écriture et de l’attention particulière à apporter à l’écriture en tant que telle.
Plusieurs points à aborder :
- Premier point fondamental, l’orthographe et la ponctuation. Et oui. Capital pour être pris au
sérieux. Un texte clairsemé de fautes peut être aussi bon qu’il le souhaite, les coquilles portent
atteinte à sa crédibilité : c’est le
- La construction des phrases : courtes, simples, en forme directe. Les mots-clés en début ou en fin
de phrase. Pourquoi ? Tout doit être clair, rapide à saisir, pour répondre à l’extrême paresse du
lecteur lorsqu’il lit de la presse. C’est triste, mais c’est comme ça.
- La construction des paragraphes : là encore, par soucis de parler à un lecteur fainéant, on essaie
de rendre les choses instinctivement saisissables. Ça passe par plusieurs points. Le message
essentiel, le sujet de l’article, se trouve dans ou juste après l’attaque. On reviendra sur cette
notion dès la semaine prochaine, ou si on a le temps d’attaquer la troisième boucle aujourd’hui.
Après ça, c’est essentiel, on ne garde qu’une idée principale par phrase. D’un point à un autre, il
faut qu’il n’y ait qu’une chose importante à retenir. Evitez les phrases à rallonge, et autant que
possible, les phrases à plusieurs propositions. Elles ne sont pas absolument interdites, mais à
utiliser parcimonieusement. L’écriture journalistique n’est pas une écriture littéraire : c’est une
écriture d’efficacité et de clarté.
- Hiérarchiser l’information. Mais ça, idem, on en parlera plutôt en séance 2. Il faut pour autant
savoir, d’ores et déjà, que c’est l’un des points les plus importants à garder en tête pour un article.
- Ne pas abuser des métaphores, mais avoir une écriture imagée. Trouver des synonymes
percutants, jouer sur la musique des mots pour créer un rythme, une dynamique dans l’écriture
qui porte dans la lecture. Je mentais un peu plus tôt en disant que ce n’est pas une écriture
littéraire : elle l’est, mais déguisée.
- Être précis, au risque du jargon : se constituer un glosaire pour les termes techniques, à ne pas
négliger, mais jauger de ceux qui sont à expliciter. Ne pas prendre le lecteur pour un con, sans
oublier qu’il l’est : être didactique, sans montrer qu’on l’est. Le lecteur ne doit pas se rendre
compte qu’il est pris par la main. IMPORTANT : limiter les renvois en fin d’article, à l’exception des
formes les plus longues. Trouver une formulation dans la suite immédiate du mot pour l’expliciter.
Ce n’est pas un article scientifique, et le lecteur est fainéant.
- Les acronymes. ONU, SVP, OTAN, ISF… Quelle règle d’écriture ? On les écrit une fois en toute
lettre, on précise l’acronyme entre parenthèses (ou l’inverse), puis on peut les utiliser à tort et à
travers. Très utiles pour gagner de la place dans un article quand on doit les citer plusieurs fois.

Il y a d’autres petites choses, bien sûr, mais l’essentiel est là.

La boucle du socio contexte :

Tout aussi importante. Elle demande de s’attarder non plus à la façon d’écrire en tant que telle, mais
au sujet lui-même, et à la façon dont on le présente.
- Premier point du socio-contexte : UN DES POINTS LES PLUS INDISPENSABLES DE L’ÉCRITURE
JOURNALISTIQUE : LES 5 W. Qui, quoi, où, quand, pourquoi ? (Who, what, where, when, why ?).
Ces cinq points se retrouvent dans tous les articles de presse. Tous, sans aucune exception, de la
brève à l’enquête. Ce sont les éléments de contexte fondamentaux. Le pourquoi est peut-être
parfois un peu plus insidieux, en cela que le « pourquoi on en parle » est souvent suggéré par le
sujet lui-même et son importance, quoi qu’il faille parfois le souligner, montrer pourquoi un fait
est significatif. Si vous écrivez un article, relisez-vous. Si vous n’arrivez pas à identifier, dans votre
texte, chacun des 5W, c’est qu’il est incomplet. Aussi content que vous en soyez, il reste des choses
à préciser.
- Importance notable du « Who » : identifiez clairement les acteurs, avec leur prénom, nom, et
parfois leur profession ou rôle si nécessaire. Ne surtout pas écorcher les noms, au risque de parler
de quelqu’un d’autre. Et bien sûr, à moins que l’info soit manquante (et auquel cas, sauf mission
impossible, le premier travail est de la trouver) ou qu’il s’agisse de protection d’une source, ne
jamais être évasif.
- Les trois lois affectives : trois principes qui nous apprennent comment on peut s’efforcer de
rapprocher notre sujet des sphères d’intérêt de notre lecteur afin de susciter un investissement
plus important. Ces principes ne sont absolument pas des impératifs absolus : ils désignent des
techniques faisant appel à notre subconscient et à notre instinct pour nous faire nous sentir
concernés. Un article ne faisant appel à aucune de ces « lois » pourra être tout aussi bon.
• Loi de proximité (spatiale et temporelle) : on pleure plus son voisin inconnu qu’un génocide
lointain ou passé depuis longtemps. L’infirmation nous touche lorsqu’elle nous semble nous
concerner directement. Quand on parle d’un sujet, donc, on cherche toujours le lien qui peut
le rattacher le plus directement possible au public.
• Loi des grands instincts : intérêt pour le fait divers, l’humain, l’histoire avec un récit. Au cœur
de cette notion, le concept de « story telling » : On ne retient jamais aussi bien une idée que
lorsqu’elle est enrobée d’une bonne histoire ». Romancer l’information la rend parfois
putassière, mais contribue aussi à la rendre captivante. Valoriser les destinées humaines, les
parcours individuels. Montrer la vie battante d’un sujet : si vous parlez d’une guerre,
l’énumération des territoires gagnés ou perdus, du nombre de mort, du nombre de tonnes de
rationnement manquants ou fournis, des montants des aides, etc, tout cela pourra
parfaitement englober le sujet, mais peinera à immerger le lecteur, à le garder attaché à la
lecture. Mais si on évoque toutes ces informations via le parcours de réfugiés de guerre, qui
ont quitté telle ville ravagée, du fait de l’arrivée de tant de renforts, etc… Le récit, tout d’un
coup, prend forme, et captera l’attention. C’est un instinct naturel que nous avons, au final
plutôt rassurant car il prouve une forme d’empathie, même légère, à nous intéresser à l’autre.
• Loi de practicité : ce qui implique personnellement intéressera. Il ne s’agit pas de proximité,
mais d’intérêt personnel. Non plus « en quoi ça me concerne ? », mais « à quoi ça me sert ? ».
Pour certains articles, il va donc s’agir de montrer que telle catastrophe lointaine aura peut-
être des conséquences immédiates sur la vie des gens.
La guerre en Ukraine, par exemple, en est un triste exemple : même si on a noté un intérêt
général pour ce conflit, on a aussi relevé, statistiquement, une hausse des recherches
d’informations à ce sujet au moment où, par exemple, on a annoncé la hausse du prix des
pâtes du fait du blocage du blé ukrainien. Ou la pénurie de moutarde.
Parfois, c’est plus trivial, mais non moins concret : quels sujets concernent directement les
gens ? On en a qui revienne tous les ans. Voir si certains connaissent le nom : les marronniers.
Sujets du type « Comment payer moins d’impôts ? », « Les sports d’hiver », « Le tour de
France », « Comment préparer votre summer body », « quelle est la dernière tendance »…
On constate la réalité de cette loi de practicité via des chiffres toujours un peu déprimants : là
où beaucoup de structures de presse galèrent au niveau financier, les marronniers sont
toujours des explosions de ventes. C’est triste, mais c’est comme ça : on veut savoir ce qui
nous sert.

Ne surtout pas oublier que ces « lois » sont bien évidemment relatives. On s’adresse à un public qui a
un milieu socio-culturel donné, un ancrage géographique donné, un passif. Un article redoutablement
efficace pour un lecteur français laissera peut-être de marbre un lecteur espagnol, australien,
congolais… Aucun article n’est universel. Ce qui nous permet de boucler la boucle avec la notion
évoquée en début de cours : on n’écrit jamais pour soi, on écrit pour quelqu’un. Ce quelqu’un, en tant
qu’auteur, on se doit de le connaître, pour mettre entre ses mains un article aussi adapté que possible.
Le journaliste qui travaille sur youtube sait qu’il n’a pas la même audience que le journaliste qui
travaille pour France Culture (toujours dans une certaine mesure, évidemment, les publics se croisent.
On ne parle ici que de tendance.à. De même que le journaliste qui travaille pour le Canard Enchaîné
n’a pas la même audience que celui qui travaille pour Le Point.
Notre ton, notre discours, notre façon de présenter les choses, tout cela est toujours conditionné par
la personne à qui on s’adresse.

La boucle de l’habillage :

Dernière grande boucle, qui nous invite à nous attarder sur la dimension visuelle de notre travail, sa
conception graphique. On l’abordera dans une séance dédiée.

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