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Document Sans Titre-76

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1.

Rimbaud, l’image d’un poète rêveur par ses fugues et ses


voyages

L’aspiration à la liberté se manifeste par le désir de s’échapper de la ville et de


l’autorité parentale. En effet, le jeune Rimbaud entreprend de nombreuses fugues et
des voyages, notamment dans ma Bohême :
“ Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées (...) J’allais
sous le ciel, Muse ! Et j’étais ton féal” L’imparfait duratif évoque une
errance géographique et inscrit le mouvement dans une marche qui n’a ni début ni
fin. Nous pouvons aussi constater que Rimbaud fuit avec “des poches crevées”, avec
les mains dans les poches, donc il part sans le sous sans rien, avec peu de vêtements
qui sont d’ailleurs dégradés. Le poète avance déterminé, sans apparente
destination, mais le déplacement se fait sous “le ciel”, donc le ciel apparaît plutôt
comme l’espace de ce marcheur.
“Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien” Sensation
De même, dans Sensation, Rimbaud évoque son désir de voyager. Rimbaud rêve
ainsi de fugue, il ne supporte ni sa mère, ni l’école, ni le milieu dans lequel il vit. La
marche permet au poète d’oublier les idées reçues et les paroles apprises par coeur,
pour se renouveler : “Je ne parlerai pas, je ne penserai rien” dans
Sensation. Le poète ne peut donc être libre que dans la Nature, comme Ophélie à
qui “les vents (...) avaient parlé tout bas de l’âpre liberté”

2. Émancipation dans la Nature (fugues)

La nature est pour Rimbaud, la possibilité d’émancipation. Cette nature est


d’abord maternelle et protectrice. Jamais elle ne heurte, ni ne blesse, mais au
contraire elle nourrit et héberge le jeune homme en liberté : “mon auberge
était à la grande Ourse” dans ma Bohême Mais il apparaît surtout que la
nature change le regard du poète, elle le transforme, en fait un être à part parce
qu’au bord des routes, il observe et porte un regard neuf sur le monde, il devient
détenteur d’une autre vision du monde : “Et je les écoutais, assis au bord
des routes / Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes /
De rosée à mon front”. Nous pouvons voir ici que la mention du front rappelle
l’inspiration du poète, on peut alors penser à Victor Hugo qui écrivait à propos
de Rimbaud : “lui seul a le front éclairé”. Celui de Rimbaud est mouillé de
rosée, un liquide qui est mis en valeur par un rejet pour montrer la communion
avec la nature. Elle vient du ciel et évoque le divin. Le front est la partie du corps
où s’applique généralement les rituels religieux, et là elle permet l’union avec la
nature. De même, dans le Dormeur du Val, la nature est omniprésente. Ce
poème met en scène un jeune soldat, mort de la guerre, dans un cadre paisible
et bucolique qui “dort dans le soleil” dont la nature veille sur lui et le protège.
Rimbaud apostrophe d’ailleurs la nature en lui demandant de protéger le soldat :
“Nature, berce le chaudement”. Ainsi grâce à sa liberté de mouvement, le
poète, qui n’est plus asservi aux conventions, ouvre les yeux et voit le monde
d’un oeil neuf.

3. L’initiation amoureuse chez Rimbaud reste souvent fantasmée

Par ailleurs, Rimbaud s’émancipe également en se laissant porter par


ses sens et ses premières expériences, il est en quête d’amour et de
sensualité. En effet, dans ce recueil, l’initiation amoureuse reste
souvent fantasmée et idéalisée, ce qui témoigne de son désir de
liberté. Par exemple, dans ma Bohême, la notion de rêve et d’amour y
est évoqué lorsque Rimbaud s’exclame : “Oh là là ! que d’amours
splendides j’ai rêvées !” mais aussi dans Rêvé pour l’Hiver où Rimbdau
imagine un moment intime et romantique : “Nous serons dans un petit
wagon rose, nous serons bien” Rimbaud évoque également un amour
chargé en érotisme sensuel dans au Cabaret-Vert : “Quand la fille aux
tétons énormes, aux yeux vifs / Celle-là ce n’est pas un baiser qui
l’épeure !” Ainsi en exprimant son désir et ses premiers émois amoureux,
Rimbaud à la recherche de liberté, s’émancipe à travers ses rêve d’adolescent

4. Émancipation politiques : pouvoir, révolte contre le régime de


Napoléon III
Rimbaud condamne et critique sévèrement l’ordre établi, faisant preuve d’une ironie
grinçante. En effet, ce dernier se révolte et éprouve que du mépris face au Second
Empire, instauré par Napoléon III. Comme Victor Hugo, Rimbaud a un ennemi :
l’empereur. Par exemple dans son poème Rage des Césars , Rimbaud exprime
comme son titre l’indique, sa rage d’adolescent face à l’empereur dont il dresse un
portrait ridicule à travers une parodie macabre : “L’homme pâle repense aux
fleurs des Tuileries/ Et parfois son oeil terne a des reflets ardents/car
l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie” Tout comme Hugo, dans sa préface
Napoléon Petit, Rimbaud raille l’empereur et compare son règne à une orgie, il
effectue une mise en scène provocatrice pour donner à voir sa colère face au
régime mis en place. On retrouve également la même démarche dans “L’éclatante
victoire de Sarrebrück :
“Au milieu, l’Empereur, dans une apothéose/Bleue et jaune, s’en va, raide, sur
son dada/ Flamboyant” Dans ce poème, Rimbaud est aussi moqueur à l’égard de
la victoire française sans aucun intérêt stratégique qu’il qualifie d’ “éclatante”, une
antiphrase dès le titre. Nous pouvons rapprocher ces deux poèmes à :
- Les châtiments 1853, Victor Hugo commence à écrire ce recueil en 1851, après le
coup d’Etat par lequel Louis Napoléon Bonaparte, alors le président de la
République, s’empare du pouvoir. Il écrit alors à son éditeur “Je suis plus armé et
plus combattant que jamais”. Hugo s’insurge non seulement contre la violence
associée au coup d’Etat (“Souvenir de la nuit du 4”) mais aussi contre la
malhonnêteté de celui qui avait juré fidélité à la République (“Chanson”)

5. Rimbaud se révolte aussi contre les horreurs de la guerre et


l’Eglise

Dans le poème Le Mal, Rimbaud exprime son empathie pour les soldats : “Pauvres
morts” qui ont disparus dans le feu de la bataille : “croulent les bataillons en
masse dans le feu”, et qui ne font plus qu’un “tas fumant”.
De même dans le Dormeur du Val, il met en scène un jeune soldat dans un cadre
paisible et bucolique, et on apprend par la suite que le soldat est mort : “Il dort
dans le ciel, la mains sur la pointrine/ Tranquille. Il a deux trous rouges au côté
droit”. Si Rimbaud dénonce la folie et l’absurdité de la guerre, il désigne surtout les
responsables, notamment dans le Mal. Il pointe du doigt le “roi” qui “raille” les
soldats mais surtout Dieu qui est indifférent au malheur des hommes : “Il est un
Dieu qui rit aux nappes damassées (...) et se réveillle quand les mères
ramassées dans l’angoisse (....) lui donnent un gros sous lié dans leur mouchoir”.
Dans ce passage, la cupidité de Dieu y est dénoncée. Dieu ne se réveille qu’à la fin
de la messe, quand les mères angoissées par le sort réservé à leurs enfants partis
sur le champs de bataille, versent de l’argent avec l’espoir de les sauver.
L’indignation du poète est ainsi saisissante à l’égard des massacres de la guerre et
de Dieu qui profite honteusement de la misère humaine.

6. Rimbaud effectue une caricature satirique de la bourgeoisie


tout en dénonçant les injustices sociales de l’époque.

Rimbaud qui a passé son enfance aux côté des bourgeois de Charleville, prend
plaisir à en esquisser la silhouette grossière à la manière d’un Daumier. Dans “A la
musique” par exemple, il dépeint leur embonpoint, signe de leur richesse, mais
aussi, mais aussi symbole de leur immobilisme, de leur conservatisme et de leur
bêtise : “Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs / Portes les
jeudis soirs leur bêtises jalouses”. Inversement, le poète fait preuve d’empathie
pour les pauvres, victimes de la bourgeoisie et du pouvoir, que ce soient “les vieilles
qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets” (Le Forgeron) ou les “cinqs petits” qui
guettent le boulanger dans le froid dans les Effarés. Dans ce poème :
Rimbaud dénonce la misère des enfants, rappelant les vers des Contemplations
“Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?”, mais surtout le roman de
Victor Hugo, Les misérables, publié en 1862 et admiré par Rimbaud qui déclare
dans la Lettre du voyant adressée à Paul Demeny en 1871 : “Les Misérables sont
un vrai poème”.
7. Il est précurseur par certains thèmes nouveaux en poésie
(ex : vagabondage, amour : érotisme sensuel peinture de la
petite bourgeoisie)

“ Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées (...) J’allais sous le
ciel, Muse ! Et j’étais ton féal” Ma Bohême

“Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent des chaleurs / Portent les


jeudis soirs leurs bêtises jalouses” A la Musique

“Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs / Celle là ce n’est pas
un baiser qui l’épeure!” Ua Cabaret-vert

8. S’inspirer des modèles du passé pour revisiter les formes


traditionnels poétiques

Rimbaud pastiche les auteurs qui l’ont précédé, il les détourne, les imite avec ironie,
ou leur rend hommage. On retrouve du bovarysme dans la décevante éducation
sentimentale de « Roman » : dans ce poème, Rimbaud s’inspire de Flaubert et en fait
une sorte de synthèse poétique.

Ophélie “Ophélie” L’ombre de Shakespeare


rôde sur “Ophélie”

Le châtiment de Tartufe “Le châtiment de Molière est cité dans “le


Tartufe” châtiment de Tartufe”

Vénus anadyomène “Vénus anadyomène” Baudelaire est présent à


l’esprit des lecteurs de la
“Vénus anadyomène”
ou
“Blason Laid Tétin” de
Clément Marot

Bal des pendus “Bal des Pendus” Réécriture parodique de


“la Ballade des pendus”
de François Villon

9. Pour être libre, Rimbaud doit trouver “une nouvelle langue”


Comme il l’écrit à Paul Demeny en 1871 : “Trouver une langue nouvelle”

Dans cette lettre, Rimbaud exprime son désir de liberté, il est en quête d’incnnu et
de modernité, il explique que “le poète se fait voyant par un long, immense et
raisonné dérèglement des sens”. C’est pour cette raison que dans son recueil,
Rimbaud joue avec les mots comme un enfant.

Roman “Le coeur fou robinsonne à travers les


romans”

L’éclatante victoire de Sarrebrück “dada”

Ma Bohème “frou-frou”

La Maline j’ai pris une froid sur la joue… »

Le Forgeron “merde”

A la musique “des pioupiou”, “voyous”

Le Forgeron “Le Peuple n’était plus une putain”

10. Des codes poétiques traditionnels, mais revisités

Toutefois, il revisite les codes au lieu de s’y asservir. Il crée dans ce jeu
avec la contrainte, c’est le geste de l’émancipation qui devient créateur.
Il revisite les règles de la forme fixe qu’est le sonnet, en déplaçant les
rimes suivies à la fin du sizain, dans “Le Mal”, où en liant
syntaxiquement les quatrains et les tercets dans “La Maline”. Il
subvertit la musique de l’alexandrin, recourant fréquemment à des
enjambements qui donnent des airs de prose au vers noble : “je
contemplai les sujets très naïfs/De la tapisserie”, “Au Cabaret-Vert”
ou à des rejets qui mettent brutalement en lumière tel ou tel adjectif :
“il dort dans le soleil, la main sur sa pointrine/Tranquille”, “le
dormeur du Val”. Finalement, s’il respecte le rythme de l’alexandrin,
c’est pour mieux s’en moquer, comme dans “A la musique” où il
devient aussi pesant que les bourgeois engoncés dans leurs habitudes :
“sur la place taillée en mesquines pellouses,/Square où tout est
correct, les arbres et les fleurs”. Enfin, il subvertit les thèmes
traditionnels. L’amour n’est plus idéalisé mais chargé d’un érotisme
sensuel : “Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,/-Celle
là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure !-”, “Au cabaret-vert”.
11.La satire, un moyen pour s’émanciper poétiquement

-Par exemple, comme sont titre l’indique, “Vénus anadyomène”, renvoie


à la figure mythologique de Vénus, la déesse de l’amour et de la beauté
sortant des eaux. Mais dans ce poème, Rimbaud se joue des codes
traditionnels, ce sonnet irrégulier témoigne de sa volonté des rompre
avec une tradition poétique et de bouleverser les représentations,
notamment en suscitant la surprise par le traitement qu’il fait du
mythe. En effet, Rimbaud parodie la figure mythologique de Vénus. A
travers une série de descriptions grotesques et macabres, il détourne le
blason traditionnel pour mettre en lumière la laideur et la déchéance
de ce qui devrait incarner l’idéal féminin : “Et tout ce corps remue et
tend sa large croupe / Belle hideusement d’un ulcère à l’anus”. Par
ce contre-blason parodique, Rimbaud s’inscrit dans la lignée de
Baudelaire en dénonçant les illusions de la beauté à travers une poésie
qui confronte crûment la laideur et la décadence humaine comme le
fait très bien aussi “une charogne” (Les Fleurs du Mal, 1857)

Mais Rimbaud reste attaché à des éléments traditionnels


12. Malgré les libertés qu’il s’octroie, Rimbaud demeure fidèle à
l’alexandrin et à la forme fixe du sonnet

Dans ce recueil, Rimbaud ne réinvente pas tous les codes poétiques.


Malgré ses innovations, il ne propose pas une forme poétique
novatrice. Il reste fidèle au sonnet, puisque 12 des 22 poèmes sont des
sonnets. Nous pouvons citer “Ma Bohème”, “Le Mal”, “Au Cabaret-Vert”
par exemple. L’alexandrin même s' il est déstructuré, est régulièrement
utilisé. De plus, on trouve des alexandrins cachés dans des poèmes qui
ne semblent pas en posséder comme dans Les Effarés : “Le boulanger
au gras sourire / Chante un vieil air” prouvant que Rimbaud reste
fidèle à un héritage poétique.

2. Rimbaud puise son imagination chez les poètes qu’il admire

Baudelaire et Victor Hugo sont deux poètes qui influencent la poésie


rimbaldienne. Son professeur Georges Izambard lui a fait lire les
poèmes de Victor Hugo mais aussi les Misérables. De fait, l’influence
romantique se fait entendre dans ses textes. Dans “Ophélie” par
exemple, il est proche du Romantisme en rendant compte de sa
fascination pour la mort, en exprimant ses sentiments et en louant la
beauté de la nature. De plus, il se rapproche des romantiques lorsqu’il
s’engage politiquement. Dans “Les Effarés”, il dénonce la misère, dans
“Rage des Césars”, la tyrannie de Napoléon III comme Victor Hugo a
pu le faire dans les Châtiments ou dans le poème Mélancholia des
Contemplations : “où vont tous ses enfants dont pas un seul ne rit ?”.
Dans Cahiers de Douai, l’influence baudelairienne est également
perceptible dans le sonnet “Vénus anadyomène” où il montre la
paradoxale beauté de cette femme disgracieuse et renvoie à l’alchimie
poétique.

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