Article 1214
Article 1214
Article 1214
Hum... Vous semblez apprécier le DIPLOWEB.COM. Nous vous en remercions et vous invitons à participer
à sa construction.
Le DIPLOWEB.COM est LE media géopolitique indépendant en accès gratuit, fondé en l'an 2000. Nous vous proposons
de participer concrètement à cette réalisation francophone de qualité, lu dans 190 pays. Comment faire ? Nous vous
invitons à verser un "pourboire" (tip) à votre convenance via le site https://fr.tipeee.com/diploweb . Vous pouvez
aussi rédiger un chèque à l'ordre du DIPLOWEB.COM et l'adresser à Diploweb.com, Pierre Verluise, 1 avenue
Lamartine, 94300, Vincennes, France. Ou bien encore faire un virement bancaire en demandant un RIB à l'adresse
expertise.geopolitique@gmail.com.
Avec 5 000€ par mois, nous pouvons couvrir nos principaux frais de fonctionnement et dégager le temps nécessaire à
nos principaux responsables pour qu'ils continuent à travailler sur le DIPLOWEB.COM.
Avec 8 000€ par mois, nous pouvons lancer de nouveaux projets (contenus, événements), voire l'optimisation de la
maquette du site web du DIPLOWEB.COM.
CONTINENT à la fois riche et appauvri, l’Afrique se définit la plupart du temps par son
contraste saisissant. Qualifiée souvent de « scandale géologique », le berceau de l’humanité
semble subir la malédiction de ses matières premières et de ses ressources minières. Et pour
cause, depuis les indépendances, le continent n’a cessé d’être le théâtre de guerres et de
crises qui ont jalonné son histoire et porté régulièrement un frein à son développement. Si
plusieurs causes sont avancées pour expliquer les conflits que connaissent bon nombre de pays
africains, le développement de l’économie de guerre dans les zones en proie à des conflits
armés, nous permet d’affirmer, sans ambages, que la conquête du pouvoir et/ou la lutte pour le
contrôle des ressources naturelles, demeurent les principales motivations des guerres civiles
en Afrique. Le paradoxe africain peut, aussi, s’observer à différents niveaux. En effet,
considérée comme le continent où le taux de natalité est le plus élevé, l’Afrique apparaît, non
seulement, comme la région où l’espérance de vie est le moins élevé, mais surtout, la partie du
globe qui enregistre le plus de décès. On y dénombre environ 12 500 000 décès chaque année.
Sur le plan de la stabilité, le continent s’illustre également par son contraste. En même temps
qu’elle est victime d’une insécurité chronique, l’Afrique demeure de loin, la région en quête
perpétuelle de paix. Non seulement, elle abrite le plus grand nombre d’opérations de maintien
de la paix (OMP), mais aussi et surtout, elle totalise à elle seule, le plus de résolutions du
Conseil de sécurité des Nations unies sur les questions de paix et de sécurité internationales.
Cette complexité du continent ne cesse d’interpeller.
Face à ce constat alarmant, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est temps que le vent
de la Démocratie, de la paix durable et de la sécurité souffle sur le continent africain. Les
Africains, eux-mêmes, semblent avoir saisi la gravité de la situation et l’urgence d’agir. Les
questions de défense et de sécurité sont désormais inscrites à l’ordre du jour des agendas des
Etats africains. Les organisations continentales comme l’Union africaine (UA) et régionales
comme la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en ont fait leur
credo.
Cependant, si tout le monde est unanime pour dire que la paix et la sécurité sont des
conditions sine qua non pour le développement des Etats africains, la question que nous
sommes tentés de nous poser est la suivante : Quel type de sécurité conviendrait-il le mieux
aux peuples africains ? Les outils de défense des pays africains sont-ils adaptés aux réalités
auxquelles le continent est confronté ? La réponse à ces interrogations fera l’objet de notre
analyse. Elle s’articulera autour du plan suivant : dans une première partie, nous ferons un
état des lieux des nouvelles menaces qui guettent le monde et, plus particulièrement, le
continent africain. Dans une seconde partie, nous mettrons en exergue la mission qu’il faudra
dorénavant assigner aux outils africains de défense avant d’évoquer, dans une troisième partie,
la nouvelle conception de la sécurité en Afrique, dans ce monde de plus en plus mondialisé.
Il faut, aussi, souligner que les nouveaux rapports de forces internationaux se traduisent, de
nos jours, par la guerre de l’information. C’est un concept très vaste qui englobe
instinctivement toutes les actions humaines, techniques et technologiques (opération
d’informations) permettant de détruire, de modifier, de corrompre, de dénaturer ou de pirater
l’information, les flux d’information ou des données d’un pays/Etat tiers, entité administrative,
économique ou militaire. Aucun pays, quel que soit sa puissance ou son niveau de
développement n’est à l’abri d’une éventuelle guerre de l’information. La première guerre du
golfe de 1991 avait montré à quel point la maîtrise de l’information et de ses technologies,
pouvaient contribuer à asseoir la suprématie d’une armée. Cette guerre de l’information peut
se manifester sous plusieurs formes. La cyberguerre apparaît comme l’une de ces
manifestations les plus connues. Selon François-Bernard Huyghe, le cyberespace est depuis
quelques années un cadre d’affrontement ou d’expression de puissances dans lequel agissent
acteurs étatiques et non étatiques [4]. Ainsi, confrontés au spectre des cyberattaques, aux
motivations diverses, nombreux sont les Etats qui ont placé la cybersécurité au rang d’enjeu de
sécurité et de défense nationales [5].
Le nouveau contexte géopolitique mondial est aussi marqué par la mondialisation des menaces
de plus en plus réelles. En effet, au moment où le monde actuel apparaît comme un village
planétaire, la proximité et l’interdépendance entre les sociétés qui composent la famille
humaine n’ont jamais été aussi étroites. Désormais, tout Etat qui aspire aux valeurs
démocratiques et qui est soucieux du bien être de son peuple ne peut prétendre vivre en vase
clos. A ce rendez-vous du donner et du recevoir, symbolisé par le phénomène de la
mondialisation, les différents acteurs du paysage des relations internationales, plus
particulièrement, les différents Etats (y compris les plus puissants économiquement et
militairement), sont guettés par des menaces de plus en plus protéiformes et transnationales.
Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et les attaques terroristes un peu partout, sont
autant d’exemples qui illustrent le caractère international de ces menaces. D’ailleurs, ces
événements malheureux du 11 septembre ont marqué un nouveau paradigme dans le paysage
des relations internationales, au point où, de nos jours, l’on parle d’un avant et d’un après 11
septembre 2001. Cela veut dire indirectement que plus jamais, le monde ne sera comme
auparavant. Avec la mondialisation des menaces, aucun pays n’est à l’abri d’une quelconque
attaque encore moins de ses conséquences.
Même s’il est communément admis qu’aucun continent n’échappe à ces menaces tous azimuts,
il n’en reste pas moins de faire remarquer que l’Afrique demeure de loin, la région la plus
exposée à cette insécurité internationale. Continent déjà meurtri et fragilisé par des
catastrophes naturelles, d’innombrables coups d’Etats et de sempiternels conflits qui ont
provoqué la déliquescence de nombreux Etats, l’Afrique est constamment confrontée à une
insécurité générale dont les conséquences, sur son développement, se font davantage
ressentir. Cet état des lieux du contexte géopolitique actuel montre qu’il existe, aujourd’hui, un
brouillage des frontières entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. L’écart entre les
notions de défense et sécurité s’est progressivement réduit, alors que la gestion des menaces
et celles d’un certain nombre de risques se sont considérablement rapprochées. Ainsi,
désormais, une menace peut être à la fois locale, nationale, régionale, continentale et
mondiale. C’est, par exemple, la situation à laquelle le Nord du Mali est confronté. En effet, la
présence des groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou le
mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) constituent à la fois une
menace pour tout le Mali, mais aussi, pour l’Afrique de l’Ouest, le continent africain et
l’Europe. En un mot, le fait que le Nord du Mali devienne le théâtre de jeu des groupes
terroristes, constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales. La criminalité
transfrontalière, la contrebande et le développement du trafic de drogue vont souvent de pair
avec le développement du terrorisme.
Ces réformes devraient permettre aux armées africaines de consolider davantage leur fonction
d’intégration sociale. Cela se traduit par le recrutement, dans un même creuset, des fils et
filles provenant de toutes les régions et de toutes les ethnies de chaque pays africain. Si pour
des considérations politiques ou tribales les dirigeants africains préfèrent sélectionner des
troupes politiquement fiables, qu’ils peuvent manipuler et contrôler, l’urgence de faire des
armées africaines, le ciment de la cohésion sociale s’impose. Cela est incontournable dans le
processus devant mener au renforcement des capacités des Etats en Afrique. C’est aussi un
premier pas dans la professionnalisation des armées car la question des ressources humaines
constitue un pilier important à prendre en compte dans toute réforme des systèmes de
défense. La composition des armées africaines doit, donc, être à l’image de la diversité
ethnique de chaque pays et, surtout, symboliser l’unité nationale. Cela doit passer par la mise
en place d’un système de sélection, de recrutement qui ne discrimine aucun citoyen des pays
en question. Car, la défense d’un pays repose avant tout sur la volonté déterminée de ses
citoyens de se battre, s’il le faut, pour sauvegarder un « bien commun », ensemble d’acquis et
d’aspirations spirituels et matériels [11]. En tant que garantes de l’unité, les armées africaines
doivent, donc, être le miroir de la société plurielle dans laquelle tous les citoyens pourront se
reconnaître. Elles doivent, de ce fait, jouer un rôle de premier plan dans la stabilisation et la
démocratisation des pays africains. Cette mission devrait nécessairement passer par une
nouvelle relation que l’institution de défense devra tisser avec l’Etat.
Pour qu’elles soient des instruments au service du développement, les armées africaines
devraient s’impliquer davantage dans des tâches extramilitaires comme la construction de
routes et de ponts...
Les missions confiées aux armées africaines doivent évoluer et s’adapter aux contextes
géopolitiques actuels. Elles doivent contribuer à la stabilité politique et au développement
national. Cela passe par une redéfinition stratégique du rôle que l’armée est appelée à jouer
dans la construction de la nation. Il faut dire que, pendant longtemps, « la figure du soldat
africain a été dominée par celle du « sobel », barbarisme désignant le militaire africain comme
étant à la fois un soldat et un rebelle, ennemi de la paix » [12]. Du coup, la plupart des Etats
africains, à travers leurs outils de défense, ont été générateurs d’insécurité et de violence
politique. Cette dernière s’est souvent manifestée sous la forme de coups d’Etat, de crimes et
massacres, de répressions, de rébellions armées, de guerres civiles et d’émeutes [13].
Cependant, depuis quelques années, on assiste à une mutation profonde dans la mission qui est
assignée aux armées africaines. Non seulement, les militaires africains deviennent des faiseurs
de paix à travers les opérations de maintien de la paix auxquelles ils prennent part, mais ils
s’érigent aussi en constructeur des territoires où ils sont déployés et s’impliquent davantage
dans les missions de sécurité, de soutien humanitaire des populations et de
développement [14]. Ce sont de telles missions qu’il faut confier davantage aux armées
africaines dans le cadre du renforcement des capacités des Etats en Afrique. C’est à travers
ces missions de développement que l’armée se rapproche davantage de la population. Par
exemple, la mise en place de programmes de service civique d’aide au développement (SCAD)
dans certains pays africains, par le Général de corps d’armée Bruno Clément-Bollée, a permis
aux armées des pays concernés, de contribuer à la formation professionnelle de jeunes civils.
Ce qu’on peut constater, c’est qu’il faut une volonté politique forte pour que ce genre de
programme produise les effets escomptés.
Pour qu’elles soient des instruments au service du développement, les armées africaines
devraient s’impliquer davantage dans des tâches extramilitaires comme la construction de
routes et de ponts, l’agriculture, l’élevage, la formation et l’éducation. Mieux, elles doivent
contribuer à la sécurisation du développement. « Il s’agit d’assurer la protection des
ressources nationales très convoitées (diamant, or, pétrole, caoutchouc, bois, etc.) de veiller
sur le patrimoine économique, les lieux et industries de production, afin d’éviter leur pillage ou
leur sabotage » [15]. On comprend, donc, que confier des tâches civiles à l’armée est une
nécessité pouvant contribuer au développement des pays africains, ainsi qu’au renforcement
leurs capacités. Pour des organisations internationales comme la Banque mondiale et
l’Organisation des nations unies (ONU), la sécurité et la défense constituent des piliers de la
stabilité, essentielles au développement et à la croissance économique. C’est pourquoi au-delà
de la défense, il est plus qu’urgent pour les Etat africains de redéfinir la conception qu’ils ont
pour leurs outils de sécurité.
Envisager la sécurité dans une perspective globale, c’est tenir compte du contexte géopolitique
régional, voire mondial, dans l’élaboration des politiques nationales de sécurité sur le
continent. Dans un monde de plus en plus considéré comme un village planétaire, on assiste à
une sorte de mondialisation des menaces. Ainsi, la sécurité intérieure peut se trouver entravée
par des facteurs souvent exogènes même au continent africain. Selon Joseph Vitalis, Cette
sécurité est menacée par des identités, des pouvoirs, des violences et des trafics
transnationaux dont le catalyseur se trouve souvent dans ces pays occidentaux : débouchés des
filières du diamant, du coltan, des ventes d’armes, de la drogue, etc. [19]. Cet enchevêtrement
des questions de sécurité intérieure et extérieure n’exclut pas l’existence de problèmes de
sécurité externe des pays africains qui, à notre avis, sont à régler par coopération entre les
forces publiques régionales plutôt que par une intervention des unes sur le territoire des
autres [20]. D’ailleurs, les différentes communautés économiques régionales (CER) africaines
devraient penser à mettre sur pied des systèmes d’alertes précoces (SAP) dans leurs
différentes zones géographiques, afin de mieux prévenir les crises. Le moment est aussi venu
pour ces organisations régionales de mettre en place des brigades d’intervention rapide (BIR)
qui seraient opérationnelles et prêtes à être déployées, dans les meilleurs délais, lorsque les
systèmes d’alertes précoces n’ont pas permis d’éviter l’éclatement d’éventuelles crises. Car, en
période de conflit, le temps constitue une donnée à prendre en compte dans la nature et
l’efficacité d’une éventuelle intervention.
Même si l’Afrique est souvent définie en marge de la mondialisation par les afro-pessimistes,
force est de constater que le continent subit, de plein fouet, les effets pervers de la
globalisation. L’évolution du contexte géopolitique mondial et africain suppose une redéfinition
des concepts de sécurité et de défense afin qu’ils soient davantage adaptés aux réalités des
pays africains. La paix tout comme la sécurité ne peut émerger que dans des contextes
favorables aux respects des droits humains. Les Etats africains devraient garantir la protection
de leurs citoyens et tout mettre en œuvre pour assurer leur développement humain. Pour y
parvenir, il est urgent de prendre en compte les questions de défense et de sécurité dans le
développement du continent africain. Mieux, elles doivent faire l’objet d’adaptations au
contexte géopolitique actuel, eu égard aux nouveaux enjeux mondiaux. L’Afrique doit, donc,
s’outiller davantage afin de mieux faire face aux enjeux sécuritaires de la mondialisation. Si,
pendant longtemps, les chefs d’Etats africains ont opté pour des politiques de défense et de
sécurité leur permettant d’assurer la longévité de leurs régimes, le moment est venu de
tourner la page à ces mécanismes qui exposent les populations africaines à l’insécurité
chronique. Il est temps que l’ensemble des pays africains mènent, de façon collective ou
individuelle, une réflexion à la fois profonde et scientifique sur les questions de défense et de
sécurité. Cela doit absolument passer par l’émergence d’une pensée stratégique africaine à
laquelle il faudra associer la nouvelle génération d’intellectuels africains.
P.-S.
Notes
[2] - Ibid.
[5] Daniel Ventre, Cyberguerre et guerre de l’information : stratégies, règles, enjeux, Paris,
Ed. Lavoisier, 2010, 319 p.
[6] -Notons que deux catégories d’armées populaires sont à distinguer. La première
concerne les armées nationales populaires qui ont émergé à la suite d’une lutte politique,
militaire voire d’une guerre d’indépendance. La seconde regroupe les armées populaires
d’Etat d’Afrique noire francophone qui ont vu le jour à la suite d’un brusque changement de
régime politique.
[8] - Ibid.
[9] Jean-Jacques Konadje, « les réformes du secteur de la sécurité vues d’Afrique » in Revue
défense nationale, Mai 20012, pp. 47-53.
[10] Ibid.
[13] Comme le disait Houphouët-Boigny, la plupart des armées africaines « ne tiennent leur
existence que de satisfaire un « faux prestige » car elles seront toujours fortes pour
réprimer la population mais jamais assez pour exécuter leurs tâches républicaines ».
[16] Axel Augé, « les réformes du secteur de la sécurité et de la défense en Afrique sub-
saharienne : Vers une institutionnalisation de la gouvernance du secteur sécuritaire »,
Afrique contemporaine, 2006/2 N° 218, P. 49-67.
[17] - Jean-François Daguzan, « Une stratégie pour piloter la sécurité globale », Note de la
Fondation pour la recherche stratégique, 5 avril 2007, P. 2.
[18] - Ibid. P. 1.
[20] - Ibid.
[22] - Ibid. p. 3.