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Chansons Kabyles. (Moh'Ammed Amoqran Ou Qassi)

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CHANSONS KABYLES

DE SMÂÏL AZIKKIOU

— Voir le n° 233)
(Suite.

IV. — Moh'ammed Amoqran Ou Qassi

1
A oui itemiizen, h'assi,
Oui ir'eran Essoussi,
Oui ifehmen ad'itseh'aqqiq.

Moh'ammed Amoqran n aïth Qassi,


Eddeheb en tseroussi,
Elfat't'a b oufzim oulciq.

Ma lah, a bab elkoursi,


Elbaï athounsi,
D'i Amraoua ag our' adhriq.

(1) Il faut prononcer oui lemiizen, oui r'eran, oui fchmen.

(2) Moh'ammed Amoqran, fils du bach-ar'a des Amraoua, Bclqas-


sem-Ou Qassi (Voir, sur la famille Ou Qassi, le tableau généalogique
et la notice détaillée publiée par M. le colonel llobin, dans la Hernie
africaine, 1898, p. 319 et s. Sur le rôle de cette famille pendant
l'insurrection de 1871, voir Histoire de l'Insurrection de IS7i, par
Louis Rinn, p. 275 et s.). Moh'ammed Amoqran, après avoir été
déporté en Nouvelle-Calédonie, fut gracié en 1879 et revint en
Algérie, où il est mort. Son cousin Ali Ou Qassi, dont il est ques-
CHANSONS KABYLES
DE SMÂÏL AZIKKIOU

(Suite.— Voir le n° 233)

IV. — Moh'ammed Amoqran Ou Qassi

1
Vous qui savez apprécier, écoutez-moi ;
Vous qui avez étudié Essoussi,
Et qui comprenez exactement.

Moh'ammed Amoqran, de la famille Qassi, .


C'était l'or qu'on serre précieusement,
L'argent d'une broche plaquée (d'indigo).

Malheur ! lui qui était sur le trône,


Semblable au bey de Tunis,
C'est aux Amraoua qu'il subit sa destinée.

(1) Essoussi, Moh'ammed ben Sàïd bon Moh'ammed ben Yah'ia,


auteur d'un ouvrage d'astronomie intitulé El Maqnâ, vivait au xie
siècle.

(3) Qu'il subit sa destinée ; litt. : qu'il prit le tour, que son tour
l'atteignit.
144 CHANSONS KABYLES

Mi irra azenad' iffoussi,


Baroud ou reçaci,
Netsa itheddou d' ettelh'iq.

Oui izemren alh id iàaci ;


Ach-h'al d' ah'arci,
S oudjed'âoun ad'itseneqniq.

Ibd'a t'rad' si Aïn Fassi ;


Ag zouer thissi,
R'er Boud'ouaou iah'ma eddaqdiq.

As mi iers g ath. Aïssi,


Elberr aok ifsi,
Koull elârch ibd'a ettechouiq.

tion dans la chanson suivante, fut également déporté à la suite do


l'insurrection. Il a été amnistié en 1893 et est retourné en Kabylie,
où il vit encore.

(4) Le mot senad' (chien de fusil) est évidemment mis pour dési-
gner le fusil.
(5) Ah'arci. On nommait ainsi les serviteurs formant la garde du
corps des personnages marquants ; c'étaient souvent des nègres,
choisis parmi les hommes les plus robustes, les plus braves et les
plus dévoués.
(7) Tachouiq. On entend par co mot les chants qui accompagnent
certaines cérémonies, et principalement la réunion des pèlerins au
moment de leur départ pour la Mecque.
CHANSONS KABYLES 145

Quand sa main saisissait le fusil,


La poudre et les balles,
Il marchait avec l'éclair.

'
5

Qui aurait pu lui résister?


Combien de serviteurs (l'accompagnaient),
Avec des chevaux hennissants 1

Il engagea le combat à partir d'Aïn-Fassi ;


C'est là qu'il fit avancer sa troupe,
Et la mêlée s'étendit jusqu'au Boudouaou.

Quand il vint camper aux Aïth-A'ïssi,


Le pays entier brisa ses liens ;
Dans chaque tribu, des chants (de guerre) retentirent.

la fusil ; litt. : quand il plaçait le


(4) Quand sa main saisissait
ou épaulait son fusil. —
fusil à droite, c'est-à-dire quand il armait,
Avec l'éclair, c'est-à-dire la lueur des coups de feu.

(5) Lui résister ; litt. : lui désobéir.


— rivière qui se
(6) Aïn-Fassi, près de Tizi-Ouzou. Boudouaou,
jette à la mer près de l'Aima.

(7) Brisa ses liens ; litt. : se dénoua, c'est-à-dire se révolta.


.146 CHANSONS KABYLES

Abd el-Madjid d' Outhounsi


Nâouddithen d' amouansi,
Nir'il ath nesâou d' erreflq ;

Zir' izenzar' d elâaci,


Aï nerrez am dhebsi ;
Thamourth thour'al d'i ettâouiq.

10

Itserou Moh'ammed n aïth Qassi,


I egmas itouacci :
D' fellak sebbeler' afniq.

11

Mi iâdda louhi imensi,


Lefnar ad' ikhsi ;
Thasas'thetsouddoum thetseriq.

12

Oui sâïr' thoura ad' isthaqsi?


A rebbi, ouansi,
Moh'ammed âzizen ath nechtiq.
CHANSONS KABYLES '147

Abd el-Madjid et le bey de Tunis


Viendraient, disions-nous, à notre aide;
Nous pensions les avoir pour compagnons.

Mais loin
de là, le mécréant nous trahit.
Nous fûmes brisés comme une assiette,
Et le pays tomba dans la désolation.

10

Moh'ammed naïth Qassi pleurait;


Il faisait ses recommandations à son frère :
C'est pour toi que j'ai vidé mon coffret.

11

Lorsque arrivait l'heure du souper,


Et que sa lampe s'éteignait,
Son coeur saignait de douleur.

12

Qui maintenant s'informera (de moi) ?


Mon Dieu, viens à mon secours !
C'est mon bien-aimé Moh'ammed que je réclame.

(8) Abd el-Madjid, sultan de Constantinople.


(9) Nous trahit ; litt. : nous vendit.
(10) J'ai vidé mon coffret; litt. : j'ai sacrifié un coffret.
(11) Son coeur saignait; lit, : son foie dégouttait en brûlant.
148 CHANSONS KABYLES

13

R'ours erraï ettih'archi ;


Senent d'i koull chi,
Seg Ledzaïr ar Ath Fliq.

14

R'ours d' essemid' amrecchi


Ag h'obb i outchi,
Aksoum d' elouard itsilqiq.

15

Thissas g izem aouah'chi,


Mi iqeddem elr'achi.
Ouin iàyan izouir s amdhiq.

16

Zerâan anh'as d'i thouddar.


Nekhazenith iougar;
Choubar'th d' eççaba s ah'ariq.

17

A khaouni la thnesmedjegar
Bou tasbih' d' amrar;
Enâar a Boubekr Eççeddiq.
CHANSONS KABYLES 149

13

C'était un homme de jugement et d'initiative ;


On l'avait constaté en toutes choses,
D'Alger jusqu'aux Aïth-Fliq.

14

C'était la meilleure farine


Qu'il aimait pour sa nourriture,
Et de la viande tendre comme la rose.

15

Il étaitredouté comme un lion farouche,


Quand il chasse devant lui la foule.
Qui est fatigué de vivre se mette sur son passage!

.16

On a semé la haine dans les villages ;


Nous la cachons sous terre, et il en reste toujours :
C'est comme l'abondante récolte d'un champ défri-
|ché.
17

Le khouni, nous nous en moquons,


Eût-il un chapelet long comme une corde.
Interviens pour nous, ô Abou Bekr Ecceddiq.

(13) D'initiative ; litt. : de ruses, d'expédients.

(14) La meilleure farine ; litt. : de la farine aspergée, c'est-à-dire


dout le blé a été aspergé avant d'être moulu. Il paraît que cette
farine est la meilleure.

(15) Sur son passage ; litt. : se mette devant lui dans un passage
étroit.
affilié d'une confrérie. — Abou Bekr
(17) Le khouni, pi. khouan,
Ecceddiq, premier calife et beau-père de Mahomet.
150 CHANSONS KABYLES

18
S elbezra mi nemh'arh'ar,
Neguered aok s annar ;
Koulh'a inker egmas achqiq.

19
Iatti aqelmoun r'er ouad'far ;
Br'an amechrar,
Indel bou ellebsa n erqiq.

20

Koull ioum la neltemh'abbar.


Idheh'a nemiouffar,
R'as elhemm la d it't'erdhiq. •

. 21

Aam ouah'd' ou sebâïn d' aoussar ;


Ma d' elkelab ichar,
Ir'ab elh'aqq d' ettah'qiq.

V. — Ali Ou Qassi

1
Eccelat r'efek, a nebi, s leqias,
Bénin guer thour'mas,
S elâdd n ecchedjour d'erremali
CHANSONS KABYLES 151

18

Quand l'impôt de guerre nous affola,


Nous tombâmes tous sur l'aire,
Chacun renia son frère germain.

19

Le capuchon du burnous fut tourné vers le bas.


On donna la préférence aux mauvais sujets,
Et les gens propres furent humiliés.

20

Chaque jour nous étions dans les transes ;


Quant à nous entr'aider (non pas) ;
Sans répit les malheurs se succédaient.

21
L'année 1871 fut l'année terrible.
Les livres l'avaient bien prédit;
La justice disparut ainsi que la vérité.

V. — Ali Ou Qassi

Béni sois-tu, Prophète, suivant tes mérites,


Toi dont la louange est douce à la langue,
Autant de fois qu'il y a de feuilles dans les arbres et
de grains dans les sables ;

Sur l'aire : comme des gerbes l'on va battre. — Chacun


(1S) que
renia son frère germain, de crainte de payer pour lui.

(19) les gens propres; litt. : l'homme aux vêtements fins.


(20) Nous entr'aider ; litt. : nous cacher les uns les autres.

(21) Uannée terrible ; litt. : vieille, c'est-à-dire l'année de notre


fin, de notre mort.
(1) Douce à la langue ; litt. : entre les dents. — De feuilles dans les
arbres ; litt, : autant qu'il y a d'arbres et de sables,
152 CHANSONS KABYLES

Ih'obb Allah s elàrifas,


Itseh'iuni f eloummas,
Incerith r'ef oudjahli.

Atheq errouh' d'i eddar laïas,


Et'lam thidhoullas,
Abdelqader Eldjilali.

Bismi llah ad'bd'our' f elsas,


Anektheb akerras,
Ceffar'th our d'egs ankali.

R'ef eldjil a d' a'menh'as,


Nàdda thilas,
El mûna our d' egnar' thelli.

Men t'illik eddoula n erreçaç,


Itsehouddoun thour'mas,
Ferrezen irgazen en lâali !

Aqlar' nebedd amed'ras;


Irkoul nemih'araç,
Khellefen làbed' am oulli.
CHANSONS KABYLES 153

Toi qui fus l'ami de Dieu, que tu connus,


Qui fus plein d'amour pour ton peuple,
Et que le Seigneur fît triompher des païens !

'
3

Sauve mon âme dans l'autre vie,


Au sein des ténèbres profondes !
O Abdelqader El-Djilali 1

J'invoque d'abord le nom de Dieu.


Je veux remplir un cahier de mes chants ;
Je les ai polis et purgés de toute impureté.

Je veux parler de cette époque de malheur


Où nous avons franchi les bornes,
Où nous avons perdu toute valeur.

Qui te ramènera, règne du plomb,


Pour briser les dents (aux méchants)
Et pour distinguer les hommes de coeur !

Nous tenons debout comme tient une haie,


Tous pressés les uns contre les autres ;
On a laissé les gens comme un troupeau de brebis.

(3) Dans l'autre vie ; litt. : dans la maison de la désespérance.

(5) Nous avons perdu toute valeur ; litt. : il n'y a plus de significa-
tion en nous,
Revueafricaine, 43° année. 1VS 833S34 (2«et 3e Trimestres 1899). 11
154 CHANSONS" KABYLES

La khazzenen medden aok si neh'as;


La iberren ouqerdhas;
Ouehmei'achou d nessouli.

Elh'okm en toura nesebbebas ;


Nemmetc.h neceberas
Guer imensi d'imekli.

10

Iaoudhii n loukhbar ib ouas,


Khas rouh'eth, a thoullas,
S lebki âdhem n eddouali.

11

Selben lùbed' aok fellas ;


Khas ah'zen, a immas,
D'elkhilr'efid itechali.

12

D'i Themd'a ir'li ouâssas;


Slan aok ladjenas,
Iour'al ouassif d' elkhali.
CHANSONS KABYLES 155

Tout le monde fait provision de malheurs ;


On roule la cartouche.
Je me demande quel sera notre profit.

Le régime actuel, c'est nous qui l'avons créé.


Nous sommes mangés, et nous nous.y résignons,
Les uns au souper, les autres au déjeuner.

10

La nouvelle me parvint un jour.


Allez maintenant, ô femmes, pleurez
Plus abondamment que la vigne.

11

Son départ fut pour tous un deuil.


Tu peux le pleurer,, toi sa mère,
Et vous, chevaux sur lesquels on voyait flotter son
[manteau.
12

11est tombé, le rempart de Thamda. •


Tous les peuples en furent informés.
La vallée demeura déserte.

(8) Tout le monde fait provision ; litt. : emmagasine.


(10) La nouvelle. Il s'agit sans doute de la nouvelle de la reddition
d'Ali Ou Qassi, qui fit sa soumission le 30 juin 1871, six jours après
le combat d'Icheriden exacte est —
(la prononciation Icherridhen).
Plus abondamment que la vigne qui vient d'être taillée.
(12) Le rempart ; litt. : le gardien, Ali Ou Qassi, qui habitait
Thamda, — La vallée du Sebaou,
156 CHANSONS KABYLES

13

Outhend i ddebich s athmas ;


D'i thebrats ennanas
Ag çaren elqaïd Ali.

14

Ar d' aslhah'koum imah'bas :


Elberr effer'enas ;
Thikli r'er kayan d' izli.

15

Moh'ammed Sâïd thetchouras ;


Seqant imer'dhas,
Ir'ab it'idj netsouali.

-J6

Ma lah ! ia sebâ bou thissas,


Eddeheb en touinas,
Aserh'an r'er sidi Ali.

/"
(13) Ennanas. Il faudrait régulièrement ennanasen ; mais la rime
ne le permet pas.
(14) Aslhah'koum. 11 faudrait régulièrement asenlhah'houm.

(15) Thetchouras. Le sujet est sous-entendu.

(1(3) Touinas, pluriel de ihaouinaslh.


CHANSONS KABYLES 157

13

On a envoyé une dépêche aux siens,


Ainsi qu'une lettre, pour leur dire
Ce qui est arrivé au caïd Ali.

14

Racontez aux prisonniers


Qu'ils sont bannis du pays.
Le voyage de Cayenne est terrible.

15

Moh'ammed Sâïd a fini ses jours.


Les chrétiens lui ont donné du poison.
Notre soleil a disparu.

16

Hélas ! ô lion redouté,


Or des bijoux précieux,
Cheval de Sidi Ali !

: à ses frères. — Ce qui est arrivé au caïd Ali.


(13) Aux siens ; litt.
Quand il fut condamné par la Cour d'assises.
ses litt. : a é(é lui —
(15) A fini jours ; remplie pour (sa destinée).
Les chrétiens ; le texte dit : les plongeurs, ou lus plongés, qualification
tirée de ce fait que les chrétiens, pour venir en Algérie, ont traversé
la mer. Telle est l'explication qui ni'a été donnée. Mais on peut voir
aussi dans le mot imer'dhas une allusion au baptême des chrétiens.
C'est ainsi que l'a compris le général Hanoleau (Poésies populaires de
la Kabylie, p. 51.
: des boucles d'oreilles. — Cheval
(16) Or des bijoux précieux ; litt.
de Sidi Ali. Tous ces compliments sont à l'adresse de Moh'ammed
Sâïd, qui est comparé au cheval d'Ali ben Abou Talcb. Moh'ammed
Sâïd, cousin du caïd Ali Ou Qassi, mourut à Thamda en 1878 ou
1879. Inutile de dire qu'il ne fut nullement empoisonné.
158 CHANSONS KABYLES

17

Mi izd'em ad'ig afernas ;


H'akkounar' fellas,
Senent Aârab Aqbaïli.

18

R'elin labradj s leqouas;


Houddan armi d'elsas;
Et't'aïfak, a nebi, ther'li.

VI. — La mort du bach-agha

Nek as mi hedjar' elqeran,


Thazallilh ramadhan,
H'amd'er' rebbi d' elàaref.

Teneddhimer' am Bou Amran


D'i resoul d' ecchikran,
Oui ikhed'men elkhir d' athnouguef.

Elbâdh iâddan ir'eran,


Lâbed' imeradhan,
Ouin kerhan medden achou r'ef?
CHANSONS KABYLES 159

17

Quand il s'élançait, il faisait un carnage


Des chrétiens; on nous l'a raconté ;
Arabes et Kabyles le savent.

18

Les maisons sont tombées, avec leurs arceaux,


Rasées jusqu'aux fondements.
Ton parti, ô Prophète, a succombé.

VI. — La mort du bach-agha

Puisque j'ai appris le Coran,


Les règles de la prière et du jeûne,
Je loue d'abord Dieu, qui sait tout.

Je chante, comme Bou Arnran,


La louange du Prophète.
C'est celui qui a fait du bien, que nous exaltons.

Quelques-uns de ceux qui ont étudié autrefois


Étaient des hommes pacifiques.
Pourquoi haïrait-on quelqu'un ?

(17) Il faisait un carnage; litt. : il faisait une brassée; afernas,


fagot d'herbes ou de branches que l'on jette sur le feu.

(?) Bou Amran, chansonnier célèbre.

(3) Pourquoi haïr quelqu'un; litt, : celui qu'on hait, pourquoi?


160 CHANSONS KABYLES

'
4

Ad'lessar' lh'adith illan


R'ef aïn idheran,
Oui ifehmen ad'ir'ouilef.

D'elkhil mi k ibd'a aqeran,


Our isâï ah'aran,
Men r'ir oui itsenouzoun elef.

El Hadj Moh'ammed n Aïth Moqran


Inr'ath ousekran !
Medjana izd'er'its iilef.

As mi ennour'en d'i El Khazzan,


Iroumien enzan ; .
Ag dheran d' elah'lalef.

Eqqimen d'i themourth am iizan;


... Ih'ar.ouguezzan ;
At'ebib ikelteben itlef.
CHANSONS KABYLES 161

Je baserai tout mon récit


Sur ce qui est arrivé.
Quiconque l'entendra sera attristé.

Quand ses chevaux prenaient leur course,


Aucun ne s'arrêtait;
Chacun d'eux valait mille francs.

El H'adj Moh'ammed n'Aïth Moqran


A été tué par un soldat ivre.
La Medjana est habitée par les porcs.

Le jour où on combattit à El Khazzan,


Les chrétiens furent anéantis.
Quelle défaite pour les cochons !

Ils jonchèrent le sol comme des mouches.


Le magicien en a été stupéfait.
Le médecin-qui écrivait a péri.

(4) Je baserai, tout mon récit; litt. : je baserai le récit étant;


c'est-à-dire tout mon récit sera fondé sur la vérité.

(5) Quand ses chevaux prenaient leur course; litt. : les chevaux
te commencent la — Pas un ne s'arrêtait :
quand ils lutte. ; litt.
n'était rétif.

(6) El Iladj Mohammed n A'ilh Moqran, bach-agha de la Medjana,


chef de l'insurrection de 1871.

(8) Le magicien, etc... Je traduis littéralement ce vers et le sui-


vant, sans être sur de leur véritable signification.
162 CHANSONS KABYLES

D'i lkhouabi bd'an agzam ;


lsellem eddouzan,
Ass enn fellas d'imchennef.

10

Oued Souflat idhra ezzouzan,


D' Drâ el Mizan,
Oui illan elh'ad'eq idhref.

11

Ath Moqran am elbizan,


S tsemag d' ouezlan,
Men r'ir oui irfed'en açoudhef.

12

Mi d ir'li asalas n ezzan,


Lafrik d'imah'zan,
Eddin ass enn irrefref.

13

Etserer'k, a bab iguenouan,


Jkhleq ouin irouan,
R'ourek aï nedja nkellef.
CHANSONS KABYLES 163

Les Kabyles commençaient à couper les tentes,


Le Français abandonnait son fourniment;
Cette journée pour lui fut un désastre.

10

A Oued Souflat eut lieu la bataille,


Ainsi qu'à Dra-el-Mizan.
Que l'homme intelligent se tienne sur ses gardes 1

11

Les Moqranis sont comme des faucons ;


Ils chaussent la botte et l'éperon ;
Chacun d'eux porte un talisman.

12

Lorsque tomba la poutre de chêne,


L'Afrique demeura consternée,
Ce jour-là l'islamisme fut brisé.

13

Je t'implore, Maitre des cieux,


Toi qui créas l'homme ;
C'est à toi que nous nous confions.

(10) Oued Souflat. C'est là que fut tué le bach agha, le 5 mai 1S71.
(12) La poutre de chêne; litt. : la poutre de zéen ; il s'agit du
bach-agha, comparé au faîtage qui supporte les chevrons d'un
édifice.
créas l'homme ; lilt. : créas celui qui est rassasié. —
(13) Qui qui
Nous nous confions; litt. : c'est chez toi que nous laissons nous
chargeons,
.164 CHANSONS KABYLES

14

. Dâar'k s eunebi lâdnan,


D' eççah'aba aqk en ellan,
Athman d' sidna Youssef.

1.5

Atheq errouh' d'eg eddiouan,


D' kera d'à islan,
Themenâadhar' seg lekchaïef.

VII. — Le châtiment

A oui itemiizen, h'assi,


Ma theqaredh g-Essoussi;
Fehm a oui illan d'imh'akkar.

R'ef ath Moqran d' ath Qassi,


Br'an lânad' s elkoursi,
Bla elmedfà d' elâskar.

Mi tlienikchem elousouasi,
Efkan i elberr thimessi ;
A h'alil ou r'ezfan laâmar.
CHANSONS KABYLES 165

14

Je te supplie, au nom du Prophète


Et de tous ses compagnons,
Au nom d'Athman et de Joseph ;

15

Sauve mon âme au jugement dernier,


Sauve ceux qui m'écoutent ici,
Et préserve-nous de la honte.

VII. — Le châtiment

Homme de sens, écoute-moi,


Si tu as étudié Essoussi ;
Comprends-moi, loi qui as du jugement.

Les Moqranis et Les Ouled Qassi


Ont voulu lutter contre le gouvernement,
Sans canons ni soldats.

Quand les mauvaises pensées emplirent leur tête,


Ils allumèrent l'incendie dans le pays.
Malheur à ceux qui vivront de longs jours !

(14) Au nom du Prophète. Le texte porte : le prophète (descendant)


d'A dnan.

(15) Au jugement dernier \ litt. : sur le registre (des comptes), ou


encore ; dans l'assemblée (du jugement dernier)».
166 CHANSONS KABYLES

Arbâa ouaggouren thekhsi,


Thiarsi ichoudden thefsi,
H'adharenas medden aok i lâar.

Ther'lid elr'erama tissi ;


Settin settin i theroussi,
Aouintid oualla h'abbar.

Zenzen medden ler'eroussi,


Ernan oula d' elleboussi,
Thagounith r'ef medden thezouar.

Thamoqrant d'eg ennekassi,


D' elhemm oui illan d' asbaïssi,
D' netsa aï d' essebba ellefqar.

Mara adias ad'istheqsi,


S elguirrou iaok d' ousebsi,
Ad'ibd'ou medden s elâar.

Ernou elqaïd d' amenh'assi,


D' amezlout' d' eleflassi,
Iouqem etterika s elr'edar.

10

Thamourlh illan d' eddehoussi,


Thenza r'ef babis boukhsi,
Our as mazal atizar.
CHANSONS KABYLES 16Y

En quatre mois le feu s'éteignit,


Les noeuds les plus solides se délièrent,
Et tout le monde connut la honte.

L'impôt s'abattit sur nous à coups répétés ;


Soixante écus par tête à chaque fois;
Apporte-les ou débrouille-toi !

Les gens ont vendu leurs arbres à fruits,


Et même leurs vêtements ;
C'est pour eux une époque terrible. .

7,

La plus dure des épreuves, et le plus grand


Malheur nous vient des anciens spahis :
Ils sont la cause de notre misère.

Quand l'un d'eux vient aux informations,


Avec la cigarette et la pipe.
Il commence par lancer l'injure.

Le caïd est, de plus, un homme néfaste ;


11était pauvre et sans ressources,
Et s'est enrichi par la trahison,

10

La terre la plus fertile


A été vendue à vil prix ;
Son propriétaire ne la verra plus.
168 CHANSONS KABYLES

11

Our 1ksi b oula thikhsi,


D' elfaqir embla imensi ;
Elh'okm en rebbi asneçbar.

12

Ôuah'd' ou sebâïn mendjoussi ;


D'egs aï d'ilfa elbroussi,
D' netsa aï d' essebba n eccharr.

13

Ebd'out id seg Aïth Aïssi,


Roh' aremma d' Oud'rissi,
Atezeredh laàdjeb moqqar.

14

Iqdhâ g ezzoui ledroussi ;


Nour elâïlm d'egsent ikhsi,
Ikfa lh'izb d' oukerrar.

15

Ikhela fellar' elmerassi,


Ath Moqran iaok d'Ath Qassi,
Ben Ali Cherif ou Allah ar int'ar.
CHANSONS KABYLES 169

11

Il ne possède même plus une brebis ;


"
Il est indigent et souffre la faim ;
C'estla volonté de Dieu, résignôns-noùs !

12

1871 est l'année maudite,


Où commencèrent les procès;
Elle est la source de nos maux.

13

A partir des Beni-Aïssi


Jusqu'à Ben Dris,
On voit des choses bien étranges.

14

Le Gouvernement a supprimé les cours dans les.


La lumière de la science s'y est éteinte ; [zaouïas,
11 n'y a plus de lecteurs, ni d'étudiants.

15

11 a détruit nos maisons de refuge,


Les Moqranis et les Ouled Qassi ;
Et Ben Ali Cherif, par Dieu ! fut bien éprouvé.

(11) II souffre la faim ; litt. : il est sans souper.


L'annèi maudite; litt.: souillée. — Les procès. Il
(\1) impure,
s'agit évidemment des procès-verbaux pour pacage dans les forêts.
tribu à de Tizi-Ouzou. — Ben Dris. La
(13) Beni-Aïssi, proximité
zaouïa de Ben Dris est située dans la tribu des llloula-Ou-Malou^
près de celle de Sidi Abderrahman, à peu de distance de la limite
des départements d'Alger et de Constantine.

(I'5) Il a détruit nos maisons de refuge; litt. : il a détruit nos ports.


— Ben Ali Cherif. Mohammed Saïd ben Ali Cherif, marabout et

Bévue africaine, 43' année. N«s »33.«34(2e et3eTi imestres 1899), 12


170.. CHANSONS KABYLES

16

Irza^eddin am oudhebsi ;
Techoudd fellar' thiarsi.
A Rebbi, ketch d' ennadhar.

17 :

Iah'bes elmal our iksi,


S lamer oui illan d' asbaïssi ;
Eîqaïd ibd'a azour'ar.

Aqlàr' marra netesassi ;


Elr'ani errant d' aflaïssi,'
À essoll'ah, bab éllamar.

ÇA suivre.)
CHANSONS KABYLES Mi

16

Il a brisé notre religion comme on brise une assiette;


Des liens solides nous enserrent ;
Mon Dieu, c'est toi qui juges tout.

17

.11 a enlevé aux bestiaux les pâturages,


Par l'ordre d'un ancien spahis,
Et le caïd commencée les emmener (pour les vendre).

18

Nous sommes tous réduits à mendier ;


Du riche ils ont fait un indigent,'
O Souverain Maître, ô Tout-Puissant.

J.-D. LUCIANI.

ancien bach-agha de Chellala, fut condamné, après l'insurrection, à


cinq ans de réclusion ; mais il fut gracié et exempté des effets du
séquestre apposé sur les biens des insurgés. Ben Ali Cherif es
mort, il y a deux ans, près d'Akbou.

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