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Péché en Pensée

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« Arnold affronte les réalités dans le combat contre la tentation

et le péché à travers sa propre tradition communautaire. Sa


pensée est honnête et réaliste. » — John Michael Talbot

Délivre-nous du
péché en pensées
J. Heinrich Arnold
J. Heinrich Arnold

Délivre-nous du
péché en pensées

Plough Publishing House


Titre anglais original :
Freedom from Sinful Thoughts
Sauf indication contraire, les textes bibliques sont
cité d’après la Bible version Segond 21 Copyright © 2007
Société Biblique de Genève
Reproduit avec aimable autorisation
Tous droits réservés
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Copyright © 2011 by Plough Publishing House.
Utilisation autorisée. »
Ce livre numérique est une publication de
Plough Publishing House
Robertsbridge, E. Sussex, UK
Walden, New York, US
Elsmore, NSW, AS
Copyright © 2011 par
Plough Publishing House
Tous droits réservés.
²

Table des matières

Au lecteur..................................................vi

1. La lutte ...................................................... 1
2. La tentation ................................................ 6
3. Pécher délibérément ................................. 11
4. La volonté ................................................ 17
5. Le pouvoir de la suggestion ...................... 22
6. L’autosuggestion ....................................... 26
7. La fascination ........................................... 32
8. La suppression .......................................... 37
9. La foi ....................................................... 42
10. L’abandon de soi .................................... 47
11. La confession .......................................... 52
12. La prière ................................................ 58
13. Le détachement....................................... 64
14. Le repentir et la renaissance..................... 71
15. La guérison ............................................ 79
16. La purification ....................................... 87
17. La Croix ................................................ 95
18.Vivre pour le Royaume ........................ 101

Postface, John Michael Talbot........................106


A propos de l’auteur...................................111
Le Bruderhof...........................................118
Plough Publishing House.............................122

v
²

Au lecteur

B ien que 24 ans se soient écoulés depuis la


publication du premier livre de mon père,
Délivre-nous du péché en pensées, je me souviens
vivement de cette occasion. Il avait travaillé sur
le livre pendant des mois, et même si c’était un
volume mince, il y avait versé beaucoup d’amour,
d’énergie, et d’esprit. J’avais déjà travaillé avec lui
dans le pastorat depuis deux ans, mais le projet de
composer le livre cimenta notre relation d’une
manière merveilleuse.
Une chose semblait toujours préoccuper mon
père d’une manière particulière : la tâche pastorale
de conseiller, rassurer, et encourager tout membre
de la communauté qui éprouvait une lutte sin-
gulière ou un moment difficile. Pour lui, Délivre-
nous du péché en pensées a été un livre qui devait
être écrit : il avait vu trop de gens dont les luttes les
traînaient dans une frustration sans fin ou dans le
désespoir, et il voulait partager sa conviction qu’il
y avait un moyen d’en sortir.
Même avant la parution du livre en édition
brochée, il trouva un écho incroyable auprès des
lecteurs ; utilisant le manuscrit inachevé comme
un aperçu, il tint une série de discussions visant la
lutte pour un cœur pur. La réponse était inatten-
due : les lettres affluèrent, et il a été vite clair que,
même si ce n’était pas un sujet de conversation,
c’était certainement un sujet préoccupant, et non
seulement chez les nouveaux croyants, mais aussi
chez les chrétiens pleins de maturité et engagés.
Aussitôt que le livre a été publié, le flux de let-
tres augmentait d’autant plus. Etrangers et détenus
en prison écrivaient pour dire à mon père que le
livre avait été un tournant dans leur vie ou qu’il
avait renouvelé leur courage. Plus d’une personne
déclarait que la lecture l’avait empêchée de se

vii
suicider. Et le livre se vendait – sans tambour ni
trompette – progressivement d’année en année.
Mon père mourut en 1982, et dans les années
qui suivirent, de nombreux documents inédits sont
apparus et rendus accessibles : bandes magnétiques,
transcriptions, notes, résumés, ainsi que des vol-
umes et des volumes de lettres. Si cette nouvelle
édition semble méconnaissable pour les lecteurs
familiers avec la première édition, c’est parce que
le texte original a été réorganisé et considérable-
ment amplifié afin de se servir de ces sources. Le
cœur du livre – l’insistance de mon père que le
Christ apporte un soulagement à la lutte, la guéri-
son aux blessures du mal, et la liberté à la servitude
du péché – reste immuable.
Délivre-nous du péché en pensées contient des ré-
flexions essentielles sur une lutte qui est univer-
selle et de la plus grande importance, exprimées
dans un langage suffisamment simple pour être à
la porté de tous. Plus encore, il offre la promesse
d’une vie nouvelle pour le lecteur dont la préoc-
cupation de soi, les péchés secrets, et les sentiments
de culpabilité ou de peur bloquent les prières et

viii
l’empêchent d’aimer Dieu et son prochain avec
un cœur libre et unifié. Dans un monde qui sem-
ble souvent si sombre qu’il peut inciter au dés-
espoir, ce livre est un message de joie et d’espoir.

Johann Christoph Arnold

ix
²

1. La lutte

L e problème des pensées pécheresses concerne


chaque croyant à un moment ou un autre.
Pour l’homme ou la femme qui est constamment
aux prises à des sentiments ou des images indé-
sirables, cependant, c’est un fardeau qui est par-
ticulièrement lourd. Chaque idée s’efforce de se
concrétiser, ce qui est une malédiction si l’idée est
malveillante. Je connais des personnes qui, au mo-
ment où elles sont troublées par une mauvaise idée
ou un mauvais désir, préfèreraient mourir plutôt
que de permettre que cela devienne une réalité–
et pourtant, leur volonté semble incapable de leur
épargner la lutte ; c’est comme si elles sont pour-
suivies par l’idée. Pour certains, c’est une question
d’envie, de rancune, ou de méfiance ; pour d’autres
ce sont des fantasmes sexuels ; pour d’autres en-
core, la haine, le blasphème, voire le meurtre.
Je doute qu’on puisse vraiment expliquer ce
qui se passe dans notre propre cœur. Dieu seul
connaît l’état de chaque âme. Mais nous savons
que, selon l’Evangile, « c’est du cœur que viennent
les mauvaises pensées » et qu’il dit aussi, « Heureux
ceux qui ont le cœur pur ». Ces simples paroles de
Jésus sont fondamentales pour la compréhension
de ce livre.
J’ai donné conseil à de nombreux hommes et
femmes qui ont peur d’admettre qu’ils luttent avec
des pensées non désirées; ils pensent qu’ils sont les
seuls touchés par ces choses. En fait, dans un certain
sens, nous avons tous une mauvaise nature. Nous
pouvons tous, à un moment donné dans notre vie,
succomber au diable, qui n’est pas seulement une
idée abstraite, mais une véritable force maléfique
qui attaque chaque personne à son point le plus
faible. Une fois que le diable gagne une place dans
notre cœur, le mal qui y prend racine conduit à des

2
mots, qui à leur tour conduisent à des actes.
Enfant, grandissant en Allemagne dans les an-
nées 1920, j’entendais des propos haineux con-
tre les Juifs, surtout au Gasthaus en face de chez
nous. La plupart des gens dans le village ignoraient
l’antisémitisme, mais mon père protestait contre
avec véhémence : « Ce ne sont que des paroles
maintenant, mais cela mènera à de mauvaises ac-
tions. Un jour, ils vont vraiment faire ce qu’ils dis-
ent. » Et c’est ce qu’ils ont fait.
Certaines personnes sont tellement assaillies
par de mauvaises pensées qu’elles vivent ce que
l’on ne peut que qualifier de tourment. Elles aussi
doivent avoir confiance que Dieu voit jusqu’aux
profondeurs du cœur. Dieu reconnaît sûrement
que, malgré les hésitations de notre imagination,
notre cœur intime ne veut pas être accablé de
mauvaises pensées. Et si nous ne sommes même
pas certains de cela, nous pouvons nous consoler
par les paroles du mystique Eckhart du 13e siè-
cle, qui écrivit : « Afin d’être embrasé par l’amour
de Dieu, il faut soupirer après Dieu. Si vous ne

3
sentez pas encore ce désir, alors soupirez après le
désir. » De toute évidence, l’éveil du désir de pure-
té, si nouveau ou imprécis soit-il, est le début de
l’œuvre de Dieu qui opère dans le cœur.
Il y a, bien sûr, une différence significative
entre les mauvaises pensées qui sont entretenues
délibérément et celles contre lesquelles on lutte.
J’ai conseillé à des gens qui se sentaient si traqués
par des pensées ou des désirs non voulus qu’ils
m’ont dit qu’ils marcheraient tout autour de la
terre, s’ils pouvaient en être libérés. Ils donneraient
n’importe quoi pour trouver la paix d’esprit et un
cœur pur.
Une telle détermination est bonne, mais il est
important de reconnaître en même temps que
nous ne pouvons pas nous libérer par notre pro-
pre force. La lutte entre le bien et le mal n’est pas
seulement quelque chose « dans l’esprit », mais
une bataille d’envergure cosmique entre le péché,
ce que Paul appelle « une autre loi à l’œuvre parmi
les membres de notre chair », et l’Esprit. Gagner
cette lutte exige la foi en Jésus, qui nous promet
la victoire « là où deux ou trois se réunissent en

4
mon nom. »
Beaucoup de chrétiens ne croient pas dans
la réalité de ce combat, et encore moins dans la
réalité du mal. Ce livre ne sera d’aucune utilité
pour eux. Au contraire, il est destiné à ceux qui
ont connu le péché, qui cherchent ardemment à
être libéré de son poids, et qui aspirent à la pureté
du cœur.
En tant que sujet d’un livre, Rompre les chaines
des pensées pécheresses n’est pas à la mode ;
pourtant j’ai vu, depuis de nombreuses années,
que c’est quelque chose contre quoi des milliers
de personnes se battent. Si ce petit livre peut aider
à guider même une seule d’entre elles vers la lib-
erté de la croix, il aura atteint son but.

5
²

2. La tentation

O ù finit la tentation et où commence le pé-


ché ? Si nous sommes harcelés ou tentés par
les mauvaises pensées, ce n’est pas un péché en tant
que tel. Par exemple, si nous nous sentons tentés
de nous en prendre à quelqu’un qui nous a fait du
tort, mais nous trouvons néanmoins la force de lui
pardonner, nous n’avons pas péché. Mais si nous
refusons de lâcher notre peine et nous gardons de
la rancune contre lui, c’est le péché. De même,
si nous sommes excités par une pensée lascive,
mais nous la repoussons, nous n’avons pas péché.
Naturellement, c’est tout à fait différent si nous
poursuivons volontiers la pensée, par exemple en
achetant un magazine pornographique.
C’est toujours une question de ce que nous
faisons quand la tentation vient. Martin Luther
écrivit un jour que les mauvaises pensées sont
comme des oiseaux survolant au-dessus de nos
têtes. Nous n’y pouvons rien. Mais si nous leur
permettons de construire des nids sur nos têtes,
alors nous en sommes responsables.
Nous ne serons jamais complètement libres de
la tentation, il ne faut même pas nous y atten-
dre. Même Jésus a été tenté. Satan lui vint dans
le désert, déguisé en ange, s’emparant des mots
des Ecritures pour le tenter ; ce n’est qu’après la
troisième tentation que Jésus le reconnut et lui
dit : « Retire-toi, Satan! En effet, il est écrit : C’est
le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras et c’est lui
seul que tu serviras. » Lorsque le diable se rendit
compte qu’il avait été reconnu, il le laissa. Et voici
que des anges s’approchèrent de Jésus et le ser-
virent » (Mt 4:10-11).
Il y avait un temps où l’idée que Jésus pouvait
être tenté comme un être ordinaire me semblait
blasphématoire. Pourtant, il n’y avait aucun doute :

7
Il l’était, bien qu’Il n’ait jamais péché. Ceci est
d’une importance cruciale, en premier lieu pour
notre propre vie intérieure, mais aussi dans la fa-
çon dont nous traitons les autres qui luttent contre
des tentations extrêmes :

Puisque ces enfants ont en commun la condition


humaine, lui-même l’a aussi partagée, de façon simi-
laire. Ainsi, par sa mort, il a pu rendre impuissant
celui qui exerçait le pouvoir de la mort, c’est-à-
dire le diable, et libérer tous ceux que la peur de
la mort retenait leur vie durant dans l’esclavage. En
effet, assurément, ce n’est pas à des anges qu’il vient
en aide, mais bien à la descendance d’Abraham. Par
conséquent, il devait devenir semblable en tout à ses
frères afin d’être un grand-prêtre rempli de com-
passion et fidèle dans le service de Dieu pour faire
l’expiation des péchés du peuple. En effet, comme
il a souffert lui-même lorsqu’il a été tenté, il peut
secourir ceux qui sont tentés. (He 2.14-18).

L’auteur de la lettre est tellement préoccupé de ce


que cela soit clair pour le lecteur, qu’il le répète
dans le chapitre 4, verset 15:

En effet, nous n’avons pas un grand prêtre inca-

8
pable de compatir à nos faiblesses; au contraire, il
a été tenté en tout point comme nous, mais sans
commettre de péché.

Jésus n’a jamais péché. Même dans la plus rude


bataille de sa vie – à Gethsémani, où Il devait
combattre les forces des ténèbres au-delà de no-
tre pouvoir d’imagination, avec toute une armée
d’esprits mauvais qui luttaient pour son cœur – Il
n’a jamais dévié de son amour pour son Père. Il
restait obéissant et loyal.
Pour nous, la lutte contre les ténèbres dans nos
cœurs continuera aussi longtemps que nous vi-
vons. C’est l’amère vérité, et cela signifie que nous
ne pourrons jamais vaincre le mal qui nous assaille
avec notre propre force. La question ne repose pas
simplement sur les pensées, les sentiments ou les
images, mais sur les esprits contradictoires – Paul
les appelle les « pouvoirs, autorités et puissances
des ténèbres ». Nous aurons besoin de prier pour
la protection de Dieu maintes et maintes fois, et
quand les tentations nous viennent en dépit de nos
prières, nous devrons demander l’exaucement de
chacune d’entre elles. Pourtant, il n’y a aucune rai-

9
son de désespérer :

Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été


humaine. Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que
vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec
la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir,
afin que vous puissiez la supporter (1 Co 10:13).

Aucun de nous ne sera jamais soumis à un combat


aussi désespéré que celui que Jésus a livré pour
nous sur la croix. Dans cette lutte, Il prit tout le
poids de notre condition, y compris la tentation,
sur lui-même afin de nous racheter. Etre tenté
n’est pas un péché.

10
²

3. Pécher délibérément

C ’est une chose d’être tourmenté par des idées


ou des images que nous ne voulons pas, mais
une autre de les poursuivre intentionnellement. Les
gens qui regardent les films de violence ou lisent
délibérément de la littérature pornographique
pour le plaisir que cela leur donne ne sont pas tout
simplement aux prises à la tentation ; ils pèchent.
Je présume, dans ce que j’écris, que le lecteur ne
veut pas de ce qu’il sait être mauvais !
Lorsque nous entretenons volontiers une mau-
vaise pensée, nous jouons avec des forces ténébreus-
es dont nous ignorons la puissance. Il est facile (et
banal) de mépriser cette idée ; les gens disent : « Ça
ne fait de mal à personne, pas vrai ? » ou bien, « Tout
cela n’est que dans ta tête... » Pourtant, il y a de la
sagesse dans l’adage : « les pensées sont des géants »
– elles poussent à une réalisation concrète, et si elles
sont des mauvaises pensées, elles conduiront à de
mauvaises actions. Comme Jacques écrit, « Mais
chacun est tenté quand il est attiré et entraîné par
ses propres désirs. Puis le désir, lorsqu’il est encour-
agé, donne naissance au péché et le péché, parvenu
à son plein développement, a pour fruit la mort »
(Jc 1:14-15).
Une horreur comme le génocide ne s’accomplit
pas en une nuit, elle est le fruit du mal qui a com-
mencé dans l’esprit. L’Holocauste, par exemple, a
été précédé par des siècles de préjugés et de cal-
omnie, sans parler de pogroms et autres formes de
persécution. Les émeutes qui secouèrent aussi les
grandes villes de l’Amérique dans les années 1960
sont le résultat de haines raciales incendiaires qui
avaient persisté pendant des centaines d’années. De
nombreuses études démontrent un lien entre les
crimes sexuels violents et les films que les auteurs
avouent avoir regardés. Ces « crimes d’imitation »

12
montrent, de la façon la plus flagrante, que les
actes les plus odieux ont leur racine dans le cœur
et l’esprit.
Quand j’étais jeune homme, je connaissais des
Allemands qui avaient été tout à fait inoffensifs
avant la montée du nazisme – gens « normaux »
au « bon » tempérament– mais qui ont été ensuite
saisis et conduits par un esprit du mal. Et bien que
beaucoup moururent en protestant ce mal, la ma-
jorité a cédé volontairement au mal, que ce soit en
devenant des participants actifs dans le meurtre de
masse des Juifs, ou en soutenant Hitler par d’autres
moyens, même si ce n’est que par une indifférence
silencieuse. Ce n’était pas seulement une question
de quelques hommes au pouvoir sur une nation ;
mais de millions de personnes qui s’étaient soumis
volontairement aux forces démoniaques des ténè-
bres.
Le plus souvent, bien entendu, le péché volon-
taire se déroule sur un plan plus personnel. Un
domaine de préoccupation particulier pour moi,
en tant que pasteur, et que je rencontre souvent
dans mon travail de conseiller, est l’occultisme.

13
L’occultisme est souvent considéré comme une
autre science à étudier. Pourtant, les formes cen-
sées être inoffensives du spiritisme, ainsi que les
pratiques superstitieuses comme le port d’anneaux
de santé, le basculement des tables, ou la commu-
nication avec les morts, peuvent lier une personne
aux forces démoniaques, même lorsqu’elle s’y
embarque innocemment. Je crois fermement que
nous devons rejeter complètement ces choses. Ils
n’ont rien à voir avec une foi enfantine en Jésus.
Je sais qu’il y a des gens qui étudient le mal
– des gens qui essaient d’en découvrir les racines
et qui tentent de découvrir les secrets de Satan.
C’est peut-être compréhensible, mais cela vient-il
de Dieu ? Il me semble que trop d’hommes et de
femmes dans notre société sont déjà accablés par
ce qu’ils connaissent sur le meurtre, la fornication
et d’autres péchés.
D’autres flirtent volontiers avec le mal au nom
de l’expérimentation. Ces gens tentent, en effet,
d’en comprendre les arguments ; ils prétendent re-
jeter les ténèbres, mais en jouant avec elles, ils sont

14
plus fermement engloutis par leur pouvoir qu’ils
ne s’en rendent compte.
Tant que nous nous permettons l’échappatoire
de l’indécision, tant que nous donnons libre cours
au mal dans nos cœurs – ne serait-ce qu’un peu –
et ne rompons pas pleinement avec cet état d’être,
nous ne deviendrons jamais totalement libres ; il
continuera d’exercer un pouvoir sur nous. Je ne
parle pas uniquement de l’occulte ici, mais de tout
ce qui s’oppose à Dieu : la jalousie, la haine, la
convoitise, le désir de pouvoir sur les autres, et tous
les autres péchés. Tant que nous abritons exprès
même une infime partie de notre cœur contre
l’intervention de Dieu dans notre vie, nous nous
coupons de la miséricorde qu’Il nous offre en
Jésus.
Certes, une âme divisée doit être traitée avec
compassion ; Jésus lui-même dit : « Il ne cassera
pas le roseau abîmé et n’éteindra pas la mèche qui
fume encore, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher la
justice » (Mt 12.20). Mais il est clair aussi, je crois,
que finalement Il ne tolérera pas tout ce qui at-
triste le Saint-Esprit. Jésus a été et est pleinement

15
victorieux sur le diable et ses démons, et Il exige
également de nous aussi un service sans réserve
dans la lutte contre eux.

16
²

4. La volonté

D ans une lutte contre la tentation, que pouvons-


nous faire pour effacer le mal qui obscure
notre œil intérieur, ou pour mettre en évidence
l’amour de Dieu que nous recherchons ? Dans le
ring de boxe ou dans la rue, l’homme tenace sera
peut-être le gagnant ; cependant dans la lutte du
cœur humain, la volonté n’aura peut-être rien à
voir avec l’issue d’une bataille.
Il est impossible de vaincre sa propre nature
pécheresse par la seule volonté, car la volonté n’est
jamais entièrement libre ; elle se plie dans tous les
sens à cause des émotions contradictoires et autres
forces à l’œuvre sur elle. Dans une lutte intérieure,
elle devient, comme disent les philosophes alle-
mands, tout à fait verkrampft ou ankylosée, et es-
sayer de s’en servir ne sera probablement d’aucune
utilité. En fait, il se peut qu’elle enracine dans no-
tre esprit le mal même que nous nous efforçons
de surmonter, ou même qu’elle le pousse jusqu’au
point où il se réalise. Selon le psychiatre suisse-
français Charles Baudouin :

Quand une idée s’impose à l’esprit...tous les efforts


conscients que le sujet fait pour la contrer ne sont
pas seulement sans l’effet désiré, mais effectivement
vont dans la direction opposée et l’intensifient...
ayant pour résultat le renforcement de l’idée domi-
nante.

Paul écrit sciemment sur ce problème :

Je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce


que je veux et je fais ce que je déteste. Or, si je fais
ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la loi
est bonne. En réalité, ce n’est plus moi qui agis ain-
si, mais le péché qui habite en moi (Rm 7:15-17).

Peut-être est-il utile ici de distinguer entre la vo-


lonté et ce qui est plus profond, le désir essentiel

18
de notre cœur : la conscience. Tandis que la vo-
lonté réagit à la tentation en essayant d’inhiber
l’imagination et le désir, la conscience (les premiers
Quakers l’appelaient la « lumière intérieure ») nous
montre la véritable pureté du cœur. Il s’agit d’un
guide dans les replis de l’âme, là où le Christ lui-
même demeure. Et quand elle prend le dessus, les
pires tentations peuvent être surmontées.
En examinant la guerre de ces deux « volon-
tés », la question se pose naturellement : d’où vient
tout ce mal non souhaité ? La seule réponse est
d’admettre que le mal vient de notre cœur. (Je
ne veux pas nier que nous sommes souvent at-
taqués par le mal – je veux seulement avertir que
d’accentuer le rôle du diable peut être malsain. En
fin de compte, chacun de nous doit assumer la re-
sponsabilité de nos pensées et nos actions.) Lor-
sque nous reconnaissons cela, il n’est pas difficile
de comprendre pourquoi nous sommes incapables
de surmonter les mauvaises pensées par notre pro-
pre volonté, et nous reconnaîtrons humblement
que nous ne pouvons pas purifier notre cœur de
notre propre force.

19
En même temps, tant que nous essayons de
vaincre le mal par pure volonté, le mal remportera
sur nous. Pour citer Emil Coué, un collègue de
Baudouin, « Quand la volonté et l’imagination se
bagarrent, l’imagination prend le dessus, sans ex-
ception » ; cependant, dès que l’on prête l’oreille
à ce désir profond du cœur qui crie vers Jésus, le
mal qui est en nous reculera. Et le mal se dissip-
era progressivement, si nous mettons notre confi-
ance dans cette volonté profonde et nous prions :
« Non pas ma volonté, mais ta volonté, Jésus ; ta
pureté est plus grande que mon impureté ; ta gé-
nérosité surmontera mon envie, ton amour triom-
phera de ma haine. »
Nous devons croire : Jésus nous est vraiment
fidèle, même quand nous sommes infidèles, et Il
n’est pas un Sauveur lointain qui descend d’en
haut, mais un homme qui, comme Paul l’écrit, est
mort sur la croix « dans la faiblesse humaine » et
vit aujourd’hui « par la puissance de Dieu » :

Oui, Christ a été crucifié à cause de sa faiblesse,


mais il vit par la puissance de Dieu. Nous aussi,
nous sommes faibles en lui, mais nous vivrons avec

20
lui par la puissance de Dieu pour agir envers vous.
Examinez-vous vous-mêmes pour savoir si
vous êtes dans la foi; mettez-vous vous-mêmes
à l’épreuve. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-
Christ est en vous? A moins peut-être que vous
ne soyez disqualifiés. Mais j’espère bien que vous
reconnaîtrez que nous, nous ne sommes pas dis-
qualifiés. Cependant, je prie Dieu que vous ne
fassiez rien de mal, non pour que nous paraissions
nous-mêmes avoir réussi, mais afin que vous, vous
pratiquiez le bien même si nous, nous semblons
disqualifiés. En effet, nous n’avons pas de puissance
contre la vérité, nous n’en avons que pour la vé-
rité. Nous nous réjouissons chaque fois que nous
sommes faibles alors que vous êtes forts. Ce que
nous demandons dans nos prières, c’est votre per-
fectionnement (2 Co 13:4-9).

21
²

5. Le pouvoir de la suggestion

P eu après la mort de mon père, j’ai trouvé, dans


sa bibliothèque, un vieux volume jauni, par
Baudouin, Suggestion et autosuggestion,* auquel j’ai
souvent eu recours pendant les moments où j’étais
aux prises avec le problème des pensées encom-
brantes. Selon Baudouin, la suggestion peut être
succinctement définie comme la force qui pousse
une idée vers sa réalisation par les sentiments et les
images qui pénètrent dans le subconscient d’une
source externe :

L’idée d’un plaisir ou une douleur, l’idée d’un sen-


timent, tend à devenir ce plaisir, cette douleur, ou
*
Suggestion et Autosuggestion : Étude Psychologique D’après Les Résul-
tats De La Nouvelle École De Nancy, Delachaux Niestlé, Paris, 1922.
ce sentiment même... La vue du soleil, qui suscite
la pensée de chaleur, suffit également à donner ce-
tte sensation de chaleur ; par contraste, la vue de
la neige et la lecture d’un thermomètre extérieur
éveillent l’idée de froid.

Le pouvoir de suggestion s’exerce sur nous chaque


jour, et en tout temps ; par exemple, chacun de
nous est soumis à l’influence de ceux avec qui
nous vivons et travaillons. Il y a aussi la plus sub-
tile – mais tout aussi puissante – force de la sug-
gestion à travers des objets inanimés : les livres, les
magazines, les journaux et les romans que nous
lisons, les spectacles et les films que nous voyons,
la musique que nous écoutons, les publicités et les
messages publicitaires qui nous bombardent quo-
tidiennement.
De toute évidence, une suggestion peut être
une force positive aussi bien que négative. Pourtant,
en ce qui concerne la lutte contre les pensées in-
désirables, il est important de reconnaître à quel
point elle peut travailler puissamment contre la
voix de la conscience. Sur un plan plus large, sa
puissance négative est évidente dans l’orientation

23
contemporaine sur des questions réfractaires telles
que l’avortement et l’homosexualité, et aussi dans
les attitudes de notre société envers la violence.
Souvent, ces choses éveillent des sentiments telle-
ment forts chez les personnes qu’il leur devient
impossible d’en parler objectivement. Quelle dif-
férence cela ferait si chacun de nous recherchait
dans son propre cœur à propos de ces questions
importantes, plutôt que de se laisser influencer par
ce que les médias ou les experts ont à dire !
L’esprit du temps est le plus évident, peut-
être, dans l’impudeur effrayante qui marque notre
époque. Il se manifeste dans l’habillement, la lit-
térature, l’art et la musique – à travers leurs ex-
pressions de désunion spirituelle, leur séparation
du Créateur et leur appel aux plus bas instincts de
l’homme. A un niveau plus profond, il se manifeste
ailleurs aussi : dans le gouvernement et la corrup-
tion des entreprises, dans la rupture de la famille
et les relations personnelles, dans les écoles et les
universités, dans les médias de masse, dans les do-
maines de la médecine et du droit, et le pire de
tous, dans le vide et l’hypocrisie du régime spir-

24
ituel proposé par tant d’églises.
L’attitude de Jésus envers tout cela est claire : Il
condamne « l’esprit de l’âge » et l’expose comme
l’esprit de Satan, « l’accusateur de notre frère » et
le « meurtrier dès le commencement ». Et, ce fai-
sant, Il nous interpelle à nous poser la question :
« Où, au milieu de toutes les divisions et le bruit
de notre temps, s’entend la voix de la conscience
de Dieu ? »

25
²

6. L’autosuggestion

C ontrairement à la suggestion, l’autosuggestion


est « la libération d’une puissance réflexive de
l’imagination en nous, qui répond aux influences
extérieures » (Baudouin).
L’autosuggestion peut sembler être une force
positive, et dans la mesure où elle nous aide à sub-
stituer de bonnes « images » mentales à des « mau-
vaises », elle l’est. Pourtant, à mon expérience, ce
n’est souvent pas si simple. Parfois, la crainte même
d’une idée très mauvaise la déclenche et la rend
proéminente. Cela aussi, c’est de l’autosuggestion.
Ainsi, même contre notre volonté, on peut se met-
tre dans tous ses états jusqu’à un moment de ten-
sion si terrible qu’on ne voit pas de moyen de s’en
sortir, et qu’alors nous perdons de vue non seule-
ment Dieu, mais même notre propre détermina-
tion à nous tirer indemnes de cette lutte.
L’autosuggestion touche aussi d’autres do-
maines de la vie. Toute personne qui a appris à
faire de la bicyclette se souviendra d’avoir fait tous
les efforts mentaux pour aller d’un côté de la route
afin de s’éloigner d’un fossé ou d’un mur, mais
de finir dans le fossé ou le mur de toute façon.
Pourquoi cela ? Malgré tous les efforts de notre
volonté d’éviter les calamités – ou bien est-ce à
cause de notre concentration intense ? – il en ré-
sulte par l’autosuggestion le sentiment que nous
ne pouvons pas l’éviter.
Baudouin illustre ce problème dans le passage
suivant et indique l’effort extrême – et l’échec
certain – de tenter de surmonter certaines pensées
indésirables avec d’autres pensées :

Quelqu’un a peur de ne pas pouvoir se rappeler un


nom bien connu : il est choqué par la désobéissance
de sa mémoire. Involontairement, inconsciemment,
il fait une suggestion, qui ne fait qu’aggraver la

27
perte de mémoire. Plus il s’efforce de se rappeler
le nom, plus il s’enfonce dans cet oubli... Ici nous
avons le sentiment très net que plus nous nous ef-
forçons, plus le nom nous échappe. Chaque nouvel
effort semble, pour ainsi dire, assombrir de plus en
plus les eaux de notre mémoire, et remuer de plus
en plus la boue du fond en quelque sorte ; à la fin,
tout est noir, et nous ne voyons plus rien. Tout à
l’heure nous avions le nom sur le bout de notre
langue, et maintenant il est de nouveau perdu.
Comment se produisent de telles pertes de mé-
moire ? Supposons que l’oubli qui vient d’être
décrit, accompagné d’ une insatisfaction irritée
(peut-être non avouée), s’est répété plusieurs fois.
Immédiatement, l’idée survient que notre mémoire
est défaillante. Et, en fait, elle déclinera, simplement
parce que nous y avons pensé, parce que cet oubli
a fait une forte impression sur nous, et parce que, à
cause de cela, notre attention se cramponne à l’idée
de l’oubli.

Il n’y a aucun doute que beaucoup de choses nous


entrent à l’esprit comme des germes-pensées sous-
développées qui œuvrent continuellement dans

28
notre subconscient bien après que nous les ayons
renvoyées. Il suffit de réfléchir aux fantasmes non
désirés, surtout sexuels, qui assaillent chaque per-
sonne à un moment ou un autre. Souvent, un tel
fantasme se développe à partir d’une image qui, ini-
tialement, ne détenait l’attention qu’un bref instant.
Au revers de la médaille, nous devrions nous souve-
nir de l’histoire de Jacob dans l’Ancien Testament,
qui a axé son esprit sur la prière vers Dieu et a été
béni du rêve le plus merveilleux.
Ces lignes de Baudouin devraient nous servir à
tous d’avertissement vis-à-vis de ce que nous lais-
sons emplir notre esprit et notre cœur, en particulier
avant de dormir. Je ne veux pas entraîner le lecteur
dans plus d’inquiétude ou d’auto-préoccupation ; il
y a déjà trop de gens qui semblent avoir tendance à
se sur-analyser. Mais il est toujours une chose saine
de pouvoir faire face à nos propres insuffisances.
L’Apôtre Paul va même jusqu’à dire que celui qui
s’examine lui-même ne sera pas jugé.
L’important est que notre auto-jugement
s’accompagne de la foi en Christ, qui veut nous
libérer du péché. Sans cette foi, la préoccupation

29
de soi peut nous inciter à commencer à douter de
tous nos motifs et à perdre espoir en la possibilité
du changement. Finalement, elle peut provoquer
une telle dépression que cela peut nous détourner
complètement de Dieu.
Dans tout cela, mon argument principal est tout
simplement que comprendre l’autosuggestion,
même d’une façon simplifiée ou incomplète,
devrait nous conduire à ressentir notre responsa-
bilité. Armés de cela, nous pourrons tenter à re-
construire ces points faibles dans notre vie inté-
rieure là où le diable nous attaque, et ainsi à libérer
nos énergies pour l’amour.
Lorsque nous mettons toute notre énergie à
tenir notre vie intérieure à flot, nous ne sommes
plus en mesure de voir au-delà de nos luttes –
nous n’avons plus de force pour aimer les autres. Il
n’y a qu’une seule solution : se détourner de nos
angoisses, et tourner notre attention vers Jésus et
nos frères et sœurs. Si nous le faisons, nous trouve-
rons qu’Il ne nous condamne pas impitoyablement
à vivre dans la peur constante et l’introspection
malsaine. Dieu est un Dieu d’amour, et Il donne

30
de l’espoir et une vie nouvelle pour tous ceux qui
le cherchent.

31
²

7. La fascination

L a plupart des gens ont vécu, à un moment ou


un autre, la frustration de ne pas pouvoir sim-
plement échapper à une pensée. Que ce soit une
chanson qui trottine dans notre esprit, ou même
quelque image positive ou neutre, le problème est
justement cela : la frustration. Mais quand il s’agit
d’une mauvaise idée, notre incapacité à la rejeter,
quels que soient nos efforts, peut nous conduire
vers un grand besoin intérieur. Pour certains, c’est
une question d’envie ou de jalousie, d’autres sont
tourmentés par la méfiance et les pensées malveil-
lantes, d’autres encore semblent lutter intermina-
blement contre des images et des idées lascives.
Nous avons vu que l’anxiété causée par des
pensées qui nous harcèlent – et l’espérance illu-
soire que nous pouvons les surmonter en nous
concentrant sur d’autres « contre-pensées » – ne
peut nous conduire que dans une spirale décli-
nante de confusion émotionnelle. En fait, j’ai con-
staté que ceux qui s’efforcent le plus de trouver un
état d’âme digne du Christ sont parfois en proie
aux idées les plus terribles : les idées de blasphème
et de meurtre.
Que peut-on faire, alors ? D’après mon expé-
rience, deux choses sont importantes. Première-
ment, nous devons nous rappeler que nous ne
sommes pas les seuls dans notre lutte. Il est facile
de l’oublier, surtout lorsque notre lutte intérieure
est longue et intense. Mais d’après ce que j’ai vu
au fil des années à conseiller les gens, cette lutte
est universelle, et peut être surmontée, au moins
en partie, en la partageant avec quelqu’un en qui
la personne a confiance, que ce soit un pasteur ou
prêtre, un conjoint, un mentor ou un ami proche.
Deuxièmement, il nous faut garder l’assurance
qu’il existe un moyen de s’en sortir. Une fois que

33
nous cédons aux démons du doute de soi et de la
crainte, la bataille est déjà perdue. Baudouin écrit:

Puisque notre attention retourne sans cesse à ce


point de fascination, nous imaginons que nous
ne sommes plus en mesure de la détourner de cet
objet. Ensuite, cette idée se concrétise jusqu’à ce
que nous ne croyions plus que nous pouvons en
être libérés. Nous avons ici la suggestion à l’œuvre.
Et maintenant, en fait, nous ne pouvons rien faire
d’autre. Bien involontairement nous avons cédé à
une suggestion d’impuissance en nous-mêmes.

A mon avis, le sentiment de paralysie ou


d’impuissance face à des mensonges mauvais cô-
toie la possession démoniaque. Il peut même être
la possession. Il faut faire preuve de prudence en
utilisant ce mot, car il se peut que nous nous sen-
tions assiégés par de mauvais esprits, sans pour au-
tant les laisser prendre pleine possession de nous.
Ce que le Nouveau Testament appelle la pos-
session survient quand une personne est totale-
ment dominée par la puissance du mal. Mais nous
devons reconnaître qu’il y a des gens aujourd’hui
dans un tel état.

34
Dans un monde où tout s’explique par la psy-
chologie et la psychiatrie, il est tentant de rejeter
l’idée de possession. Nous avons une étiquette
médicale pour chaque maladie et, paraît-il, un
remède. Pourtant, il y a tellement de gens pour
qui la psychiatrie n’est, en fin de compte, d’aucun
secours ! Je me suis souvent demandé ce qui se
passerait si Jésus s’hasardait à visiter nos hôpitaux
psychiatriques pleins à déborder. Combien de per-
sonnes prendrait-Il pour des possédés ? Combien
d’hommes et de femmes trouverait-Il au-delà de
l’aide humaine, des gens qui ont désespérément
besoin de sa main libératrice ?
En fin de compte, si une personne est possédée
par les mauvais esprits ou simplement poursuivie
par eux, la même vérité est en vigueur : seul le
Christ, par le biais de son Esprit Saint, peut chas-
ser les ténèbres, la tristesse et la peur. Pour ceux
d’entre nous qui sont libres de la tourmente de la
fascination, cette reconnaissance devrait nous aider
à traiter ceux qui y sont liés avec une patience et
une compassion spéciales. Tout ce que les person-
nes piégées dans ce tourbillon peuvent faire est

35
de se tourner vers le Christ, afin de Lui céder le
gouvernail de leur vie intérieure.
Nous n’essayons pas de mettre les péchés dans
des catégories, mais de reconnaître le fait que les
artifices du diable – les souverainetés ténébreuses
dont parlent les écrivains du Nouveau Testament
– sont en effet des forces véritables. Quand nous
reconnaissons ce fait, nous pouvons nous tourner
vers les paroles merveilleuses du Christ qui visent
sa victoire promise : « Mais si c’est par l’Esprit de
Dieu que je chasse les démons, alors le royaume de
Dieu est venu jusqu’à vous » (Mt 12.28).

36
²

8. La suppression

B ien que certaines mauvaises pensées puissent


être facilement écartées (ou surmontées par une
courte prière), d’autres sont beaucoup plus difficiles
à expulser. Dans le cas d’une telle mauvaise pensée
« harcelante », notre réaction naturelle est souvent la
répression : enfoncer l’idée offensive profondément
dans notre subconscient, afin de nous en débar-
rasser rapidement. Pourtant, ce n’est jamais efficace.
Comme Freud et tant d’autres l’ont montré, une
pensée réprimée refait toujours surface, comme
une bouteille bouchée qui est poussée sous l’eau
danse de nouveau à la surface dès qu’elle est libérée.
La seule alternative – pour continuer l’image de la
bouteille – est de la saisir et de la retirer entièrement
de l’eau. En d’autres termes, le moyen le plus effi-
cace de se débarrasser véritablement l’esprit d’une
pensée réprimée, c’est de carrément y faire face et
de la rejeter. (Je ne suis évidemment pas d’accord
avec la conclusion de Freud sur le problème : que
l’on devrait relâcher la tension en cédant à la pensée
réprimée.)
Baudouin illustre les effets de la suppression par
une autre métaphore :

Une feuille qui tombe dans un ruisseau (ou une


feuille que nous laissons tomber exprès dans le rui-
sseau) juste là où l’eau disparaît sous le sol...réap-
paraîtra de nouveau à la prochaine ouverture, parce
que le cours d’eau souterrain l’y a fidèlement trans-
portée, bien que le voyage ait été hors de portée de
toute ingérence extérieure. De la même manière,
une idée qui nous a été présentée à l’esprit (ou que
nous avons nous-mêmes présentée intentionnelle-
ment) produira ses effets après un développement
inconscient plus ou moins long.

L’eau et la feuille symbolisent notre vie intérieure.


Quand on place une image ou une idée positive

38
dans notre cœur, elle y demeurera et travaillera en
nous jusqu’à ce qu’elle réapparaisse de nouveau
dans le flux de la pensée consciente. Il en est de
même si on donne lieu à une mauvaise pensée ou
image. Elle peut être cachée pendant longtemps
par le subconscient, mais soudain elle est là, et son
effet sur notre vie intérieure, précédemment in-
aperçu, se fera sentir aussi.
Dans mon travail de conseiller, j’ai rencontré
des gens vivant dans une telle crainte des mau-
vaises pensées ou des mauvais sentiments qu’ils
réprimaient constamment tout ce qui leur surve-
nait à l’esprit. Certaines de ces pauvres âmes vi-
vaient dans un tel état de tension interne qu’elles
s’affolaient à la moindre pensée d’une réflexion
séduisante : elles vivaient dans la peur constante de
leur propre psychisme.
Personne ne peut rester sain d’esprit pour
longtemps dans une telle atmosphère survoltée.
En fait, on ressemblera bientôt au névrosé, dont les
tentatives de se libérer ne font que l’enchevêtrer
plus profondément ; ou le schizophrène, dont les

39
tentatives de résister (ou de s’évader) des voix ou
des hallucinations renforcent souvent ces illusions.
Pour utiliser une autre illustration du monde na-
turel : la vie intérieure d’une telle personne est
comme un ballon trop gonflé qui va finir par
éclater, libérant à la fois une vague de pensées et
de sentiments refoulés.
Or, nous ne pouvons trouver de l’aide inté-
rieure qu’en reconnaissant que nous ne pouvons
pas surmonter les luttes intérieures par le biais de
notre propre volonté. Par conséquent, il nous faut
d’abord nous détendre et trouver un calme inté-
rieur. Chacun de nous connaît, au fond, ce que
nous voulons vraiment, et même si nous nous sen-
tons confus et malheureux, nous devons essayer
de nous recentrer sur ce désir. Dieu nous aime et
veut nous aider, même si cette croyance est atta-
quée à plusieurs reprises par le doute. Il peut nous
aider à surmonter nos peurs. Nous devons égale-
ment nous rappeler qu’il est inutile de vouloir
lutter contre les sentiments indésirables en ayant
recours à d’autres sentiments. Aucun de nous ne
peut mettre de l’ordre dans ses émotions, mais

40
nous pouvons mettre notre confiance en Dieu. Il
connaît la profondeur de notre cœur, et Il peut
dissiper les angoisses de nos cœurs :

De même l’Esprit aussi nous vient en aide dans


notre faiblesse…mais l’Esprit lui-même intercède
[pour nous] par des soupirs que les mots ne peu-
vent exprimer. Et Dieu qui examine les cœurs sait
quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est en
accord avec lui qu’Il intercède en faveur des saints
(Rm 8:26-27).

41
²

9. La foi

L a seule réponse au tourment intérieur, c’est la


foi en Dieu. Cela peut paraître simpliste, mais
ce n’est que par la foi que la lumière peut faire
irruption dans notre vie et nous racheter du mal.
Comme la grâce, la foi est un mystère et ne se
prête pas à l’explication. Pour quelqu’un qui n’en
a pas connu le pouvoir, il peut sembler lointain,
voire inaccessible.
On n’acquiert pas la foi en ayant une déci-
sion de la volonté : il s’agit d’un don de Dieu.
Pourtant, elle se donne à tous ceux qui la cherch-
ent. Comme dit Jésus : « Cherchez, et vous trou-
verez. » Ce qui compte ici est de faire confiance.
La foi ne dépend pas de la raison – des théories,
systèmes théologiques, ou autres explications in-
tellectuelles. C’est la ferme croyance précisément
en l’absence de ces choses. Marie avait un motif
suffisant pour douter de l’ange qui lui est venu
de Dieu, et pourtant elle a cru – « Me voici, une
servante du Seigneur » – et a reçu la Parole dans
son cœur. Cela peut être aussi facile que ça !
Beaucoup de gens croient, au moins à un cer-
tain niveau ; ils savent qui est Jésus Christ , et leur
cœur leur dit : « Voici quelqu’un en qui je peux
avoir confiance. » Pourtant, chacun de nous con-
naît aussi des sentiments de peur et d’anxiété, qui
nous conduisent souvent à la suspicion et la ré-
serve. Quelque chose en nous recherche le Christ,
et en même temps, quelque chose en nous nous
retient, nous rendant peu disposés à nous ouvrir
entièrement à lui. Mais c’est justement ce que
nous devons faire. La franchise est la première
étape vers la foi.
L’amour de Dieu est toujours autour de nous,
que nous l’acceptions ou non. Comme l’écrit Pas-
cal dans ses Pensées (553) : « Console-toi, tu ne me

43
chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. » Ces pa-
roles devraient nous aider à reconnaître, en toute
humilité, que Jésus nous aime avant que nous ne
l’aimons. Même si nous l’ignorons, Il peut être
déjà à l’œuvre dans notre cœur.
Bien sûr, la foi ne nous transforme pas comme
par magie : l’ennemi est toujours là, et il essaiera
toujours de trouver des points vulnérables dans
une personne afin de provoquer sa chute. Il ne
suffit pas de donner au Christ seulement ce qui
est bon en nous ; il ne suffit pas non plus de lui
donner seulement nos péchés et nos fardeaux. Il
nous veut tout entier. Si nous ne nous remettons
pas à lui complètement, nous ne trouverons jamais
la pleine liberté intérieure et la paix qu’Il nous
promet.
Cependant, la bénédiction qui vient avec la
foi en Jésus Christ exige encore plus. Elle exige
l’obéissance : « Celui qui croit au Fils a la vie éter-
nelle; celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la
vie, mais la colère de Dieu reste au contraire sur
lui » (Jn 3.36).
Souvent, par crainte, nous produisons la sugges-

44
tion inconsciente que nous ne pouvons pas trou-
ver de l’aide. Quand Jésus a dit, « Si tu ne manges
pas ma chair et ne bois pas mon sang, tu ne peux
pas avoir la vie en toi-même », même ses proch-
es trouvèrent ces mots trop durs à accepter, et de
nombreux adeptes le quittèrent. Mais lorsque Jésus
demanda aux Douze : « Voulez-vous aussi me quit-
ter ? » Pierre répondit: « Seigneur, à qui irions-nous?
Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous
croyons et nous savons que tu es le Messie, le Fils
du Dieu vivant » (Jn 6.68-69). Tant que nous avons
cette foi, nous trouverons que Jésus peut et fera tout
pour nous aussi.
A cet égard, j’ai toujours pensé que le symbole
du sang du Christ est de toute importance. La pu-
rification qu’Il offre n’est pas une nouvelle doc-
trine ou dogme, mais la possibilité d’une relation
personnelle avec lui. C’est la vie ; Jésus leur dit:
« C’est moi qui suis le pain de la vie. Celui qui
vient à moi n’aura jamais faim et celui qui croit en
moi n’aura jamais soif » (Jn 6.35). Et : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, celui qui croit [en moi] a
la vie éternelle » (Jn 6.47).

45
Le plus émouvant de tout, c’est la description
de Jean de la promesse que Jésus tend à chacun de
nous en tout temps, peu importe que l’horizon
soit sombre ou la route difficile :

Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, de-


bout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne
à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des
fleuves d’eau vive couleront de lui, comme l’a dit
l’Ecriture » (Jn 7.37-38).

Outre Jésus, nous ne trouverons aucune paix. Il


demeure, même pour ceux qui l’abandonnent,
comme ont fait de nombreuses personnes de son
temps qui ont trouvé ses paroles trop difficiles à
accepter ; et Il demeure pour nous aussi, même
dans les heures sombres lorsque notre foi vacille.
Il nous libère, non seulement pour cette vie, mais
pour la vie éternelle. C’est pourquoi nous pri-
ons pour nous-mêmes et pour chaque homme et
chaque femme, y compris ceux qui ne croient pas :
« Seigneur, aide-nous. Nous avons besoin de toi :
ta chair, ton esprit, ta vie et ta mort – ton message
pour toute la création ».

46
²

10. L’abandon de soi

S i nous croyons que la foi est un don de Dieu, il


s’ensuit qu’afin que ce don nous appartienne,
nous devons le recevoir volontiers. Et nous devons
le recevoir tel qu’il nous est donné ; nous ne
pouvons pas dicter la voie qu’il suit ni la manière
dont il va changer notre vie. Bref, pour recevoir la
foi en Dieu, nous devons abandonner toute foi en
notre propre capacité d’amener des changements :
« Sa puissance s’accomplit dans notre faiblesse » (2
Co 12.9).
Dans un texte ancien intitulé Le Pasteur
d’Hermas,* l’écrivain Hermas des premiers chré-
*
Le Pasteur d’Hermas est une œuvre chrétienne du 2e siècle. Il ne fait
pas partie du canon néotestamentaire bien qu’il soit recommandé
tiens se sert d’une parabole frappante pour nous
montrer la nécessité de démanteler notre pou-
voir humain. Il décrit le Royaume comme un
grand temple en cours de construction, et chaque
homme ou femme dans le monde comme une
pierre. Les pierres qui ont l’air d’être utiles sont
ciselées par le maître maçon, et si elles se complé-
mentent, elles seront utilisées. Celles qui ne corre-
spondent pas, doivent être rejetées. Pour moi, cette
image a un sens simple mais profond : Dieu peut
nous utiliser uniquement dans la mesure où nous
sommes disposés à être ciselés à ses fins – c’est-à-
dire, dans la mesure où nous nous abandonnons
pour répondre à ses besoins.
Quel est l’abandon véritable ? Telle personne
peut céder à une autre personne qui est plus forte,
ou telle armée à celle qui est plus forte. Nous
pouvons céder à Dieu parce qu’Il est tout-puis-
sant, ou parce que nous craignons son jugement.
Rien de cela n’est l’abandon total. Ce n’est que si
la vérité que Dieu est bon nous touche – et que
à la lecture. Pourtant Le Pasteur jouit d’une grande autorité durant
les 2e et 3e siècles.

48
lui seul est bon – qu’il est possible de Lui céder
tout notre cœur, âme, et être volontairement, sans
condition et par amour.
Mon père a dit à ce sujet:

Il est difficile de décrire comment se dépouiller du


pouvoir, la façon dont il est abandonné, démantelé,
démoli, et déposé... Ceci ne se fait pas facilement
et ne se fera pas au moyen d’une seule décision hé-
roïque. Dieu doit l’opérer en nous. Pourtant, c’est
la racine de la grâce : le démantèlement de notre
pouvoir. Et c’est seulement dans la mesure où il est
démantelé que Dieu peut œuvrer en nous, par Son
Saint-Esprit, pour établir sa sainte cause en nous...

Naturellement, la première étape que nous devons


franchir est de demander à Dieu d’entrer dans no-
tre cœur. Ce n’est pas qu’Il ne puisse ou ne veuille
agir sans notre pétition, mais qu’Il attend que nous
Lui ouvrions notre vie de notre propre gré. « Vo-
ici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un
entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez
lui, je souperai avec lui et lui avec moi » (Ap 3.20).
Beaucoup de gens se demandent pourquoi
Dieu ne force pas sa volonté sur eux, s’Il est si

49
puissant. Or, c’est tout simplement dans la nature
de Dieu. Il attend que nous soyons prêts. Il est vrai
qu’Il punit ceux qu’Il aime et les appelle à la re-
pentance, mais Il ne force jamais sa bonté à leur
égard.
Si le père devrait prendre son enfant à la gorge et
forcer ses bonnes intentions sur lui, l’enfant senti-
rait instinctivement que ce n’est pas de l’amour.
Pour la même raison, Dieu ne force pas sa volonté
sur qui que ce soit. Nous sommes donc interpellés
par une question importante : sommes-nous prêts
à nous abandonner à Dieu volontairement – à ou-
vrir les fenêtres de notre cœur, afin que sa bonté
puisse entrer et remplir notre vie?
Certainement, les luttes dont nous parlons dans
ce livre nous montrent clairement que cet aban-
don n’est jamais facile, mais se déroule dans un
contexte de forces énormes. Jésus Lui-même a dû
se livrer à une bataille si rude, afin de rendre sa
volonté au Père, qu’Il en suait des gouttes de sang.
Le mal l’entourait de tous côtés, mais Il est resté
fidèle, et son attitude a été : « Pas ma volonté, mais
la tienne. » Cela devrait être notre attitude aussi.

50
Souvent, les situations les plus difficiles – la tra-
gédie ou la mort inattendue, la souffrance ou la
perte soudaine – surviendront dans la vie sans que
nous ne comprenions pourquoi. Il en est de même
dans la lutte contre les mauvaises pensées. Juste au
moment où nous sommes sûrs que la bataille sur
tel ou tel obstacle a été gagnée, nous pouvons de
nouveau être attaqués. Même alors, la réponse ré-
side dans l’abandon complet à Jésus.
Chacun doit passer par des moments difficiles
et, pour certaines personnes, la lutte d’accepter les
difficultés semblera insurmontable. Pourtant, nous
ne devons jamais oublier que la victoire finale ap-
partient à Dieu : « Le ciel et la terre passeront, mais
un nouveau ciel et une nouvelle terre viendront. »

51
²

11. La confession

J ésus dit dans Matthieu 6.22-24 que tant que


nous essayons de servir deux maîtres, nous viv-
rons dans l’obscurité. Comment, alors, pouvons-
nous trouver la simplicité de cœur qui nous mène
à sa lumière ? Premièrement, nous devons garder
notre œil intérieur pur, pour qu’il ne se traîne pas
dans la honte du péché non confessé. Tant que le
péché caché nous accable, nous ne trouverons ja-
mais la pleine liberté ou la joie : l’œil restera malade,
et ainsi tout le corps demeurera dans l’obscurité.
Confession – l’acte de décharger nos péchés sur
quelqu’un d’autre pour être libérés de leur poids
– est assez simple en théorie, mais jamais facile en

52
pratique. Comme Baudouin écrit : « Lorsque nous
découvrons que nous avons créé notre propre mis-
ère, cette reconnaissance contient quelque chose de
si humiliant pour nous que nous sommes réticents
à le reconnaître. » Il ajoute : « Mais justement parce
que nous avons créé notre misère, il nous faut être
absolument honnêtes vis-à-vis de nos échecs, afin
de trouver la guérison. »
Malgré le conseil incontestable que nous
trouvons dans la lettre de Jacques – « Confessez
donc vos péchés les uns aux autres » – beaucoup
de Chrétiens aujourd’hui mettent en doute la
nécessité de la confession. Certains la rejettent
comme idée trop « catholique », d’autres soulig-
nent l’importance d’une relation privée et person-
nelle avec Dieu, et ils estiment qu’il nous suffit de
lui apporter nos péchés. Mais c’est un piètre argu-
ment : Dieu connaît déjà nos péchés (He 4.13). A
moins que nous n’avancions au-delà d’une simple
reconnaissance de nos péchés, les avouant à une
autre personne, nous ne serons pas soulagés de leur
poids.
Quand nous sommes accablés par des péchés

53
conscients spécifiques, comme c’est généralement
le cas, ils doivent, sans exception, être confessés.
Ici, « la vérité absolue » que Baudouin conseille est
vitale, car sans elle une conscience vraiment saine
demeure une impossibilité. Parfois, cependant,
nous pouvons nous sentir attaqués par le mal d’une
manière plus générale, ayant peur d’y avoir cédé ou
d’y avoir répondu de façon insuffisante. S’il persiste
une telle angoisse, elle aussi doit être confessée. Cela
ne signifie pas creuser dans le subconscient pour
chaque petite chose. Lorsque Dieu nous dit à trav-
ers notre conscience que quelque chose ne va pas,
nous devrions l’admettre pour que cela soit par-
donné. Mais le but de la confession doit toujours
être la libération, pas le renforcement des soucis
personnels. Nous voulons trouver Jésus, et non pas
nous-mêmes.
La foi et une bonne conscience sont totale-
ment entremêlées. Si nous n’écoutons pas la voix
de notre conscience, notre foi fera naufrage. Et
sans la foi, nous perdons la possibilité de trouver
une conscience pure, en premier lieu. C’est pour-
quoi l’apôtre dit que la conscience de ceux qui ne

54
croient pas n’est pas propre. C’est forcément ainsi,
parce que sans la foi, la conscience n’a rien à quoi
se raccrocher.
En outre, il est clair que lorsque nous confes-
sons un péché à quelqu’un que nous aimons et en
qui nous avons confiance, un nouveau lien est créé
par notre aveu de culpabilité. Jésus accorde une
grande importance à ce lien, comme l’indique son
insistance sur la communauté dans les Evangiles. En
fait, Il promet que, lorsque deux ou trois sont réunis
en son nom, Il sera là au milieu d’eux. Pour moi,
cette unité signifie une vie communautaire – que
ce soit sous la forme de partage de travail ou de
nourriture, la prière commune, ou la lecture et la
réflexion avec un ami ou un conjoint. L’important,
c’est la puissance – et la protection contre le péché
– qui survient en communauté. Un cœur solitaire
est en grand danger.
En soi, la confession n’est d’aucun secours. Les
gens paient beaucoup d’argent pour raconter leurs
souffrances et péchés aux psychiatres, et ces psy-
chiatres utilisent toutes sortes de thérapies pour
les aider à calmer leurs consciences désemparées.

55
En fin de compte, sans remords pour les péchés
que nous révélons, la confession reste un simple
« déchargement » du péché d’une personne à une
autre et ne peut avoir aucun effet rédempteur.
Avec du remords – avec le désir de vraiment
réparer les torts que nous avons commis, et en
les délaissant pour de bon – la confession devient
une joie. En ôtant le voile qui cache notre péché,
le charme du secret est rompu. J’ai vu des gens
transformés en un instant, des gens qui sont ve-
nus à moi dans une telle détresse que leur péché
semblait les accabler physiquement, mais qui sont
partis presque en sautillant dès qu’ils ont vidé leur
cœur.
Bonhoeffer décrit cette transformation d’une
manière merveilleuse et nous montre que c’est
plus qu’un état émotionnel, sinon un état au sens
éternel :

Lors de la confession des péchés concrets le vieil


homme meurt une mort douloureuse et honteuse
devant les yeux d’un frère. Puisque cette humilia-
tion est si pénible, nous complotons sans cesse pour
l’éviter. Pourtant, dans la profonde douleur mentale

56
et physique de l’humiliation devant un frère, nous
ressentons la Croix de Jésus comme notre secours
et salut. Le vieil homme meurt, mais c’est Dieu qui
l’a vaincu. Maintenant nous prenons part dans la
résurrection du Christ et la vie éternelle.

57
²

12. La prière

D epuis l’Evangile de Matthieu jusqu’à


l’Apocalypse, le Nouveau Testament est plein
de références à la prière comme la meilleure arme
dans le combat spirituel. Un des plus profonds pas-
sages se trouve dans Ephésiens chapitre 6:

Enfin, mes frères et sœurs, fortifiez-vous dans le


Seigneur et dans sa force toute-puissante. Revêtez-
vous de toutes les armes de Dieu afin de pouvoir
tenir ferme contre les manœuvres du diable. En ef-
fet, ce n’est pas contre l’homme que nous avons à
lutter, mais contre les puissances, contre les autori-
tés, contre les souverains de ce monde de ténèbres,
contre les esprits du mal dans les lieux célestes.

58
C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu
afin de pouvoir résister dans le jour mauvais et
tenir ferme après avoir tout surmonté. Tenez donc
ferme: ayez autour de votre taille la vérité en guise
de ceinture; enfilez la cuirasse de la justice; mettez
comme chaussures à vos pieds le zèle pour annoncer
l’Evangile de paix; prenez en toute circonstance le
bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre
toutes les flèches enflammées du mal; faites aussi
bon accueil au casque du salut et à l’épée de l’Esprit,
c’est-à-dire la parole de Dieu.
Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes
de prières et de supplications. Veillez à cela avec
une entière persévérance et en priant pour tous les
saints (Ep 6:10-18).
Un autre passage important est Matthieu 6.16,
où Jésus nous enseigne comment prier : Il nous
dit de nous enfermer dans notre chambre et de
prier en secret, afin que Dieu, qui voit dans le
secret, nous récompense. J’ai toujours pensé que
Jésus ne se préoccupait pas tant de la vie privée
que de l’humilité : Il nous met en garde con-
tre l’exposition de notre piété devant les autres

59
« comme les Pharisiens », et contre la récitation
des prières interminables.
Même avec ces paroles rassurantes, une vie de
prière significative peut encore être difficile à at-
teindre pour celui qui se livre à une lutte intense
contre le péché. Il y a bien des années, un homme
que j’avais une fois conseillé voulait trouver du
soulagement dans sa bataille contre un certain
péché qui l’assaillait, mais dont il ne pouvait tout
simplement pas trouver la paix. Cet homme pri-
ait avec ferveur pendant des heures. Lorsque cela
ne semblait pas l’aider, il pria pour que Jésus le
libère de toute résistance subconsciente qui était
peut-être en lui. Plus il priait, plus confondu et
désespéré il est devenu, et son agitation intérieure
semblait lui prouver que ses prières n’étaient pas
agréables à Dieu.
Comment une telle personne peut-elle trouver
de l’aide? Chaque cas sera différent, mais dans ce
cas il semblait qu’il s’agissait d’une vérité générale :
lorsque nous sentons que nos prières restent sans
réponse, nous devons nous demander si ce n’est
pas tant une question d’un manque de réponse

60
de la part de Dieu, que de notre propre manque
de croyance. Grâce à l’autosuggestion, nous met-
tons en doute la puissance de Dieu, permettant ce
doute de prendre racine dans notre esprit ; plus
nous luttons, plus nous nous enfonçons dans les
sables mouvants et paralysants de l’impuissance. La
meilleure réponse est d’arrêter de nous agiter et
d’écouter la voix de Dieu.
Trop souvent, nous prions seulement pour ce
que nous désirons et nous oublions de demander
à Dieu ce qu’Il veut de nous à un moment donné.
Nous oublions la sagesse mystique exprimée par
Jésus dans les mots suivants : « Heureux les pauvres
en esprit » (Matthieu 5:3). La pauvreté de l’esprit
signifie vide et silence, honnêteté et humilité ; elle
n’a rien à voir avec l’anxiété ou le désarroi des
émotions qui bouillonnent. Cela signifie que nous
devons nous donner à Dieu tels que nous sommes
en réalité – pauvres pécheurs misérables – plutôt
que de nous « remettre à neuf » pour lui.
Dieu connaît notre condition intérieure,
et ce n’est pas la peine d’essayer d’en améliorer
l’apparence. Manifestement, essayer de nous « rem-

61
ettre à neuf » n’est que de la folie. C’est aussi de la
folie d’essayer d’imaginer comment Dieu veut que
nous soyons, et d’espérer que Dieu sera plus apte
à nous entendre et nous exaucer si nous adoptons
un « comportement divin ».

Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose


faites connaître vos besoins à Dieu par des prières
et des supplications, dans une attitude de recon-
naissance. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce
que l’on peut comprendre, gardera votre cœur et
vos pensées en Jésus-Christ (Ph 4.6-7).

Dieu exauce toujours une prière authentique,


bien qu’il soit possible qu’Il ne réponde pas tout
de suite. Daniel pria avec ferveur pour le pardon
des péchés d’Israël, mais ne reçut aucune réponse
pendant trois semaines. Alors un ange lui apparut
dans une vision et lui dit:

Daniel, n’aie pas peur, car dès le premier jour où


tu as eu à cœur de comprendre et de t’humilier
devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues, et
c’est à cause d’elles que je suis venu. Le chef du
royaume de Perse m’a résisté vingt-et-un jours,

62
mais Michel, l’un des principaux chefs, est venu à
mon aide et je suis resté là, près des rois de Perse. Je
viens maintenant pour te faire comprendre ce qui
doit arriver à ton peuple dans l’avenir, car la vision
concerne encore cette époque-là (Dn 10:12-14).

Alors les prières de Daniel ont été entendues dep-


uis le début, bien que l’ange ait eu des difficultés
à faire une brèche en raison des obstacles déployés
par des puissances ténébreuses. Aujourd’hui, mal-
gré la victoire de la croix, il y a encore des pu-
issances obscures à l’œuvre. Nos prières, comme
celles de Daniel, peuvent souvent ne pas être
exaucées tout de suite. Cependant, Dieu les en-
tend. Croyons-y fermement.

63
²

13. Le détachement

L orsque nous nous trouvons embrouillés dans


une lutte pénible, et nous désirons Dieu au
fond du cœur, c’est un signe qu’Il est toujours là.
(Le fait même que nous luttons en est un signe
aussi.) Il se peut que nous n’ayons pas la force de le
suivre en ce moment, mais tant que nous pouvons
l’entendre avec la voix de notre conscience, nous
pouvons avoir la confiance qu’Il nous sortira de
notre lutte.
Dieu est caché au fond de chaque cœur hu-
main, car chacun de nous est fait « à Son image ».
Si nous avons une foi enfantine dans ce domaine,
il ne devrait pas être difficile à croire que c’est Sa

64
voix qui nous conduit de l’obscurité vers la lib-
erté et la lumière. Mais comment, au milieu de
la clameur des autres voix qui se disputent pour
notre attention, trouverons-nous cette paix inté-
rieure qu’il nous faut pour pouvoir l’entendre?
Dans un de ses poèmes, mon père évoque ce-
tte question et parle, en guise de réponse, de son
désir d’épanchement pour Dieu, afin de pouvoir
l’attendre « dans le recueillement ». Ce silence, que
le mystique allemand Eckhart du 13e siècle appelle
le « détachement », est une nécessité quotidienne
pour chaque chrétien. Détachement signifie se sé-
parer de toutes les tensions de la journée – des sou-
cis du travail, des loisirs et de la vie personnelle ;
détachement des actualités, des sports, des maux
de tête causés par des problèmes pratiques, des dis-
tractions des projets du lendemain. Cela signifie se
dresser devant Dieu dans le silence, afin de pouvoir
discerner son œuvre dans notre cœur.
J’ai écrit plus haut qu’on doit renoncer même
à la « volonté ankylosée », afin que cette voix plus
profonde du cœur puisse parler sans devoir faire
concurrence avec quoi que ce soit. Cela signifie le

65
détachement de Mammon, de l’impureté, et de la
méchanceté ; de la tromperie, de la méfiance et de
la haine ; de tous les esprits étrangers à Dieu. Ici, je
tiens à souligner une fois de plus l’importance de
l’inconscient et de rappeler au lecteur que la cause
d’une attaque par un mauvais esprit s’y trouve
souvent. A cet égard, l’importance de trouver le
détachement tous les soirs avant de s’endormir
devrait être évidente. Tout ce à quoi nous don-
nons place dans notre cœur peut œuvrer en nous
toute la nuit.
Nous savons que nous ne pouvons pas atteindre
le véritable détachement par notre propre force,
mais il n’y a pas lieu de doute ou d’inquiétude. En
fait, le meilleur moyen de rester embourbé dans la
lutte et de ne rien ressentir de bon est de contin-
uellement faire le point sur notre propre faiblesse.
J’ai conseillé des gens qui le faisaient – ils étaient
si absorbés par l’auto-évaluation qu’ils étaient in-
cessamment tendus, et jamais en mesure d’écouter
Dieu.
Si nous voulons vraiment profiter de l’aide de
Dieu, nous ne devons pas chercher du secours en

66
nous-même, mais en Lui. Eckhart écrit:

Seul celui qui délaisse sa volonté peut devenir une


personne authentique. La seule volonté parfaite et
vraie ne survient que lorsqu’on entre dans la vo-
lonté de Dieu sans aucune obstination. Car toute
la perfection de la volonté de l’homme signifie une
harmonie avec la volonté divine, en voulant ce que
Dieu veut.
Au moment où l’ange est apparu à Marie, au-
cune de ses actions n’aurait fait d’elle la mère de
Jésus, mais dès qu’elle a renoncé à sa volonté, à ce-
tte heure même, elle est devenue véritablement la
mère du Verbe Eternel, et elle a conçu Jésus.
Dieu ne s’est jamais abandonné (et ne
s’abandonnera jamais) à une volonté étrangère.
Seulement là où se trouve sa volonté va-t-Il se
donner, avec tout ce qu’Il est. Voilà le détache-
ment intérieur authentique. Alors, face à tout ce
qui arrive – que ce soit bon ou mauvais, honneur,
honte ou calomnie – l’Esprit reste immuable, tout
comme une grande montagne reste immuable face
à une petite brise.
L’homme juste a une faim et une soif ardentes
pour la volonté de Dieu, et elle lui plaît tellement

67
qu’il ne souhaite rien d’autre et ne désire rien
d’autre que ce que Dieu décrète pour lui. Si la vo-
lonté de Dieu allait nous plaire de cette façon, nous
nous sentirions comme si nous étions au Paradis,
quoiqu’il nous arrive. Mais ceux qui veulent autre-
ment que la volonté de Dieu auront ce qu’ils méri-
tent : ils vivront toujours dans la misère et la peine,
les gens leur infligeront beaucoup de violence et
de blessures, et ils souffriront à tous égards.
Nous accablons Dieu jour et nuit avec les pa-
roles « Seigneur, que ta volonté soit faite ». Mais
quand la volonté de Dieu est faite, nous sommes
furieux et nous n’en sommes pas du tout satisfaits.
Lorsque notre volonté s’accorde avec la volonté de
Dieu, c’est certainement une bonne chose ; mais
combien mieux serait-ce si la volonté de Dieu
devenait la nôtre !
En l’occurrence, si vous êtes malade, bien sûr,
vous ne voulez pas être guéri contre la volonté de
Dieu, mais vous souhaitez qu’il en soit de sa vo-
lonté que vous alliez mieux. Et quand les choses
vont mal pour vous, vous souhaitez que ce soit la
volonté de Dieu que tout se passe mieux ! Mais
quand la volonté de Dieu devient votre volonté,
si vous êtes malade – ce sera au nom de Dieu ! Si

68
votre ami meurt – ce sera au nom de Dieu !
Quiconque, par la grâce de Dieu unit sa volonté
purement et complètement à la volonté de Dieu
n’a qu’à déclarer avec un désir ardent : « Seigneur,
montre-moi ce qui est ta plus chère volonté, et
donne-moi la force de l’accomplir ! Et Dieu le
fera, aussi vrai qu’Il vit ; et Il comblera une telle
personne abondamment et parfaitement.
Il n’y a rien qu’un homme puisse offrir à Dieu
qui lui plaira plus que le détachement. Dieu estime
moins nos veilles et jeûnes et prières qu’Il n’estime
ce détachement. En bref, Dieu n’a besoin de rien
à part ceci : que nous lui donnons un cœur tran-
quille.

Pour ceux dont les graves tentations les confond-


ent encore et les éloignent du détachement, il
peut s’avérer utile de se rappeler que l’esprit n’est
jamais un vide total. Tout ce que nous enlevons,
nous devons remplacer. Il est donc essentiel de lais-
ser tomber tout ce qui constitue une distraction,
afin de concentrer notre regard et notre écoute
intérieur uniquement sur Jésus. Plus nous sommes
en mesure de regarder en dehors de nous-mêmes,

69
en nous oubliant, d’autant plus facilement Dieu
pourra libérer et guérir notre esprit. Comme
l’auteur de Philippiens conseille:

Enfin, frères et sœurs, portez vos pensées sur tout


ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce
qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est
digne d’être aimé, tout ce qui mérite l’approbation,
ce qui est synonyme de qualité morale et ce qui est
digne de louange... Et le Dieu de la paix sera avec
vous (Ph 4:8-9).

Lorsque l’âme trouve la paix, et n’est plus soumise


à la force des esprits contraires en nous, quand elle
n’est plus soumise à aucune force – pas même la
pression de son propre désir tourmenté – à ce mo-
ment la voix de Dieu, qui est l’Esprit, peut inter-
venir.

70
²

14. Le repentir et la renaissance

N ous avons discuté, dans les chapitres pré-


cédents, l’importance de l’abandon de soi, la
confession, la prière, et le détachement. Ces choses
à part, nous nous retrouvons devant une question
importante : Que devons-nous faire pour rompre
complètement avec le péché dans notre cœur, afin
que nous puissions être « nés de nouveau » ?
Selon le Nouveau Testament, nous devons nous
repentir. C’est-à-dire, nous devons non seulement
reconnaître nos péchés, mais aussi faire preuve d’un
profond et sincère remords afin de pouvoir nous
arracher complètement à leur emprise. La repent-
ance n’est pas une idée qui est appréciée chez les

71
nombreux croyants d’aujourd’hui ; dans l’ensemble,
les gens sont mal à l’aise lorsqu’ils y sont confrontés.
Personne n’aime se voir comme un pécheur, il est
plus agréable d’être un bon chrétien. Pourtant, tous
les quatre évangiles n’indiquent-ils pas clairement
que le Christ est venu pour les pécheurs – et non
pour les saints – et que le chemin vers le Christ
est l’humilité et la pauvreté d’esprit, pas la bonté
humaine ?
Lorsque l’apôtre Paul parle de lui-même
comme « le plus grand des pécheurs », on ressent
que ce ne sont pas là seulement des paroles pieus-
es. C’était vraiment son intention. Paul avait per-
sécuté l’église et a été responsable du martyre de
nombreux croyants ; il savait qu’il était un ennemi
de Dieu. De la même manière, à la Pentecôte, les
habitants de Jérusalem se considéraient comme des
pécheurs. Ils ne se sentaient pas dignes de l’Esprit
Saint – loin de là. Ils étaient touchés au plus pro-
fond d’eux-mêmes et se traitaient d’assassins du
Christ. Mais en raison de cette reconnaissance,
Dieu pouvait les utiliser.
Si nous voulons que Dieu se serve de nous, il

72
nous faut reconnaître que chacun de nous est aussi
un pécheur. Même Pierre, un des disciples les plus
fiables, a eu assez d’humilité pour reconnaître ses
défauts : après avoir nié Jésus, nous dit-on, il s’en
alla et « pleura amèrement ». Il n’y a pas d’autre
moyen pour nous non plus, que de pleurer pour
nos péchés.
Le repentir n’est pas chose facile : il exige un
combat acharné. Pourtant, même dans les heures
d’introspection les plus sombres et les plus ango-
issantes, nous pouvons nous consoler dans le fait
que Jésus (quoiqu’Il ait été sans péché) nous y a
précédés. Comme nous pouvons le lire dans Hé-
breux :
Pendant sa vie terrestre, Christ a présenté avec
de grands cris et avec larmes des prières et des sup-
plications à celui qui pouvait le sauver de la mort,
et il a été exaucé à cause de sa piété. Ainsi, bien
qu’étant Fils, il a appris l’obéissance par ce qu’il
a souffert. Et parfaitement qualifié, il est devenu
pour tous ceux qui lui obéissent l’auteur d’un salut
éternel (He 5.7-9).
Lequel d’entre nous prend ses luttes contre le

73
péché tellement au sérieux qu’il le combat avec de
grands cris et des larmes ? Jésus l’a fait. Personne
n’a jamais dû se battre comme lui – personne. Le
diable ne voulait aucun cœur plus que le sien.
Et du fait qu’Il a lutté avec plus d’acharnement
que n’importe qui d’entre nous ne devra jamais
le faire, Il comprend nos luttes. Nous pouvons en
être sûrs. Pourtant, il nous faudra toujours lutter,
et c’est pour cela qu’Il dit que ceux qui veulent le
suivre doivent se charger de leur croix, comme Il
s’est chargé de la sienne.
La repentance ne signifie pas se tourmenter.
Elle peut mettre notre vie sens dessus dessous – en
fait, elle doit le faire – et parfois nous nous senti-
rons comme si la fondation de toute notre vie a
été entièrement balayée. Mais même alors, il ne
nous faut pas tout voir comme quelque chose de
désespéré ou sombre. Le jugement de Dieu est la
bonté de Dieu, et ne peut pas être séparé de sa mi-
séricorde ni de sa compassion. Notre objectif doit
être d’enlever tout ce qui est contraire à Dieu dans
notre cœur, afin qu’Il puisse nous purifier et nous
offrir une nouvelle vie – c’est-à-dire, pour qu’Il

74
puisse nous remplir de Christ.

C’est un cadeau merveilleux, quand une personne


se repent vraiment. Un cœur de pierre devient un
cœur de chair, et toute émotion, pensée et senti-
ment change.Toute notre perspective change, parce
que Dieu vient si près de l’âme. Malheureusement,
de nombreux chrétiens résistent à la repentance et
la renaissance. D’autres, même s’ils n’y résistent pas,
ne connaîtront jamais leurs bienfaits, car ils ne les
cherchent pas.

Il se peut qu’ils se rendent compte qu’il y a du


péché dans leur vie, et à un certain niveau, ils lut-
tent en vain, année après année, pour le surmonter.
En dessous, cependant, ils se sentent pris au piège.
Ils estiment que leurs péchés sont en réalité des
faiblesses humaines insurmontables, qui sont « na-
turelles », et donc ils s’y résignent.
D’une part, j’ai beaucoup de compassion pour
ces gens-là ; d’autre part, je sens que leurs excuses
sont tout à fait insoutenables. Si j’insiste que je
suis un trop grand pécheur – si je doute que le
Christ peut vraiment m’aider – j’entrave la grâce
et j’empêche le Saint-Esprit d’entrer dans mon

75
cœur, parce qu’en fait je doute de la victoire de
la résurrection. Ce doute doit être rejeté. Après
tout, la puissance du Christ réside en ceci : « Il est
lui-même la victime expiatoire pour nos péchés,
et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour
ceux du monde entier » (1 Jn 2:2).
Le Christ est toujours là, donc le Saint-Esprit
y est aussi, et si une âme crie vers Dieu, elle sera
entendue. Ce n’est pas sans raison que le Christ
Lui-même se dit être notre « avocat » : il n’y a
aucune autre personne à part Lui qui ait autant
de compassion et d’amour pour les pécheurs, et
Il promet que « toute personne qui demande
recevra...à celui qui frappe, la porte sera ouverte ».
Ces promesses sont là pour tout le monde. Nous
ne pouvons pas nous cacher derrière nos péchés
et dire « Je suis trop faible » ou « Je veux changer,
mais je ne peux pas ». En fin de compte, ces ex-
cuses n’ont aucun fondement.
La grâce fait partie du secret de la renaissance
et la vie nouvelle. L’entretien de Nicodème avec
Jésus nous montre qu’on ne peut pas expliquer la
renaissance, mais seulement en faire l’expérience.

76
Certes, nous savons que cela signifie la transforma-
tion complète du vieil homme au nouvel homme.
Mais Jésus ne donne aucune justification, aucu-
ne explication. Il dit simplement : « Vous devez
être né de nouveau. » Pour notre part, alors, nous
devons simplement croire que Dieu veut nous ac-
corder une vie nouvelle.
La grâce est le don mystérieux que Jésus-Christ
donne à chacun de nous qui se tourne vers lui. Elle
est la clé de la renaissance et la possibilité d’une vie
totalement nouvelle. Elle ne dépend ni des bonne
qualités ni des bonnes actions, mais elle vient même
à ceux qui semblent, du point de vue humain, la
mériter le moins. Comme le dit Paul, elle nous est
donnée librement « pour que nous célébrions la
gloire de sa grâce, dont il nous a comblés dans le
bien-aimé. En lui, par son sang, nous sommes ra-
chetés, pardonnés de nos fautes, conformément à la
richesse de sa grâce » (Ep 1.6-7).
Par la grâce, Paul dit encore, notre nature
pécheresse n’a aucun droit sur nous (Rm 8:13).
C’est une déclaration très forte. Qui peut vraiment
dire que la nature inférieure n’a aucun droit sur

77
lui ? Pourtant, la réponse à cette énigme est égale-
ment évidente : nous devons nous ouvrir à la puis-
sance de l’Esprit, nous repentir, et consacrer notre
vie au Christ.
Lorsque nous serons prêts, corps et âme, à tout
lui donner et que nous lui dirons, « Jésus, je viens.
Coûte que coûte, je viens à toi », nous obtiendrons
alors l’assurance que le péché ne peut jamais être
victorieux sur nous, même si nous luttons con-
tre une faiblesse particulière jusqu’à notre dernier
jour. « Il n’y a donc maintenant aucune condam-
nation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne
vivent pas conformément à leur nature propre
mais conformément à l’Esprit. En effet, la loi de
l’Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ m’a libéré
de la loi du péché et de la mort » (Rm 8:1-2).

78
²

15. La guérison

N ous avons vu comment, dans notre lutte con-


tre le péché, nous sommes souvent paralysés
par le mal. Même lorsque nous pensons avoir fait
une ferme décision de faire ce qui est bon, les
pouvoirs de la suggestion et de l’autosuggestion
compliquent la bataille, nous confondent, affaiblis-
sent notre détermination, et parfois nous accablent,
nous laissant avec un sentiment d’impuissance to-
tale. En allemand, le mot geisteskrank, « malade
d’esprit », s’utilise pour décrire cet état.
Comme pour le rétablissement de n’importe
quelle maladie, la guérison d’une telle mala-
die prend du temps. La médecine est également
nécessaire – dans ce cas, une nourriture spirituelle,
une culture intérieure, et les conseils rassurants des
autres. En fin de compte, cependant, cela dépend
de Jésus.
Lorsque j’avais treize ans, lors d’une visite au
château de Wartburg (quelques quatre-vingt kilo-
mètres de chez nous dans le centre de l’Allemagne),
mes parents me montrèrent le bureau où Martin
Luther a traduit la Bible en allemand.
Il y avait une grande tache d’encre sur le mur –
Luther a été tenté par Satan, ont-ils dit, et lui lança
son encrier pour l’effrayer. A l’époque j’en étais
très impressionné, quittant la pièce avec la notion
enfantine que c’est ainsi qu’un vrai homme chasse
le diable. Aujourd’hui, je sais que tous les encriers
du monde entier ne peuvent rien faire face au mal.
S’ils le pouvaient, la lutte contre le péché dans le
cœur de l’homme serait simplement une question
de l’engagement de la volonté au bon moment et
au bon endroit. Nous avons vu que cela ne marche
jamais.
Seul Jésus peut nous guérir et nous donner un
cœur nouveau. Il est venu nous rétablir par son

80
sang, et tout cœur, aussi tourmenté qu’il soit, peut
trouver le réconfort et la guérison en lui. Dans un
essai intitulé La conscience et sa restauration à la
santé mon père écrit:

Jésus est le chemin vers Dieu. Il n’y a pas d’autre


Dieu que celui qui est le Père de Jésus. Partout
où nous le cherchons, nous le voyons en Jésus. A
moins d’être libérés de tous nos fardeaux par Jésus,
nous nous efforçons en vain de nous rapprocher du
Père de tous. C’est Jésus qui nous guide vers Lui,
en tant que notre Père. Sans le pardon du péché,
nous n’avons pas d’accès à Dieu. Jésus nous donne
cet accès en sacrifiant sa vie – son corps, son âme
et son sang.
L’accusateur de nos frères est réduit au silence ;
et la conscience, aussi, n’est plus autorisée à nous
accuser. Même...le sang de son frère assassiné,
Abel, a été effacé. Le sang plus efficace du Frère de
l’homme nouveau parle plus fort que le sien. En
lui se trouve un nouveau représentant et chef de
file, qui absout et libère. Assassiné comme Abel, ce
frère parle néanmoins pour ses bourreaux plutôt
que contre eux parce que lui, quoique innocent,

81
est devenu l’un d’entre eux. Il est devenu le seul
qui leur appartient véritablement. Et si lui, le Fils
de l’homme, est pour eux, personne ne peut les
condamner. Désormais, aucune accusation n’a le
pouvoir de les empêcher de s’approcher de Dieu.

Cette dernière expression, « s’approcher de Dieu »,


est très significative. Elle exprime les mesures que
nous devons prendre si nous voulons trouver la
guérison. Les uns Le cherchent dans une prière
silencieuse, les mains tendues ; les autres courent
vers Lui, dans une recherche ardente. Mais une
chose est sûre : cela ne veut pas dire qu’on peut
rester tout simplement assis dans l’espoir que Jésus
viendra nous guérir comme avec une baguette
magique ! Nous devons vivre dans l’attente, le
cœur ouvert.
L’esprit vivant que Dieu a insufflé dans
l’homme à l’aube de la création ne demeure en
nous qu’aussi longtemps que nous cherchons à
nous rapprocher de lui et de nos frères humains,
et à la condition que nous obéissions aux com-
mandements qui donnent un sens à ces relations :
premièrement, « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu,

82
de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute
ta pensée », et deuxièmement, « Tu aimeras ton
prochain comme toi-même » (Mt 22.37, 39).
Un autre élément essentiel de la guérison après
une lutte avec les puissances des ténèbres est la
position que nous prenons envers nous-mêmes.
L’attitude que nous prenons vers les oscillations de
notre imagination, par exemple, peut influencer
toute notre perspective émotionnelle. De toute
évidence, la personne qui est agressive – qui est
décisive et vigoureuse dans la lutte contre ce qui
doit être combattu – sera plus sûre de la victoire
que celle qui tremble de peur ou devient défen-
sive.
Comme mon père l’indique dans le passage ci-
dessus, la conscience est souvent notre « accusa-
teur », et à juste titre. Pourtant, lorsque nous nous
déchargeons de nos fardeaux en nous détournant
du péché, sa voix cède place à la voix de l’amour
– la voix de Jésus. Ainsi Tolstoï nous avertit : « Si
l’on raisonne sur l’amour, l’amour se détruit ». En
d’autres termes, si l’on veut la guérison de la vo-
lonté, nous devons faire attention à ne pas analyser

83
tous les sentiments qui nous traversent l’esprit et
ce faisant détruisent la liberté nouvelle qui s’éveille
en nous.
Il est inutile de nous inquiéter constamment
sur notre petit cœur ou notre personnalité faible.
Personne n’est pur et bon, sauf Jésus ; son caractère
est le seul qui est vraiment sain. Tournons le dos
à la tentation de Caïn, qui enviait la relation que
son frère avait avec Dieu. Devenons comme de
petits enfants, et trouvons la joie simplement en
appartenant à Jésus.
Après la première victoire sur le péché dans no-
tre cœur, si nous ne nous sentons pas encore sûrs
de nous-mêmes, cela peut être un signe que nous
ne croyons toujours pas assez profondément. Paul
écrit que si nous aimons parfaitement, nous com-
prendrons tout comme nous avons été parfaite-
ment compris (1 Co 13.8-13). Les paroles de Jean
sont importantes aussi : Dieu nous a aimés avant
que nous n’ayons jamais pu l’aimer (1 Jn 4.19).
C’est ce qui doit entrer dans notre petit cœur, et
ce à quoi nous devons tenir : l’amour du grand
Cœur qui nous comprend parfaitement.

84
D’après mon expérience, la voie de la guérison
est longue, et à un moment ou un autre chacun de
nous aura à supporter la déception et l’échec. Il se
peut que nous retombions parfois dans le péché que
nous redoutions le plus, ou que nous avions été si
sûrs d’avoir conquis. Pourtant, en dépit du désespoir
qui s’ensuit, nous ne devrions pas perdre confiance,
car « celui qui a commencé en vous cette bonne
œuvre la poursuivra jusqu’à son terme, jusqu’au
jour de Jésus-Christ » (Ph 1.6).
La douleur et la solitude angoissantes que Christ
a dû ressentir lorsqu’Il était accroché à la croix
est trop affreuse à imaginer ; et pourtant, même
alors, Il s’écria : « Père, entre tes mains je confie
mon esprit. » C’est là que se trouve la foi suprême.
Même les souffrances et sentiments d’abandon les
plus vifs ne pouvaient pas ébranler la foi de Jésus
en son Père et notre Père : Il confia son esprit aux
mains de Dieu.
Si nous voulons être guéris des blessures faites
par les astuces et les flèches de Satan, nous devons
trouver cette même confiance inébranlable en
Dieu, de sorte que même si nous ne ressentons

85
toujours rien, nous sommes en mesure de nous
abandonner de manière absolue et sans réserve
à lui, avec tout ce que nous sommes et tout ce
que nous possédons. En fin de compte, tout ce
qui nous reste est notre péché. Mais si, comme
des enfants, nous le déposons devant lui Il nous
pardonnera, nous purifiera et nous donnera la paix
au cœur – ceci conduit à un amour inexprimable.

86
²

16. La purification

Q uand nous venons de vivre un vrai repentir


et une renaissance, la conscience tranquille et
le cœur pur deviennent des réalités vivantes, et la
joie et la conviction qu’ils apportent peuvent nous
soutenir pendant bien des jours. Pour la plupart des
gens, cependant, les luttes reprennent bientôt, et
même si elles sont des luttes nouvelles, ou moins
intenses – même si nous ne retournons pas aux
vieilles mauvaises habitudes – nous nous sentons de
moins en moins capables de parler de notre pureté
en toute confiance. Face à cette connaissance, il n’est
pas étonnant que beaucoup de chrétiens renoncent,
tout simplement, à croire à la possibilité d’une vraie
guérison et d’un cœur pur.
Est-ce que la pureté est un objectif pratique,
ou tout simplement un idéal merveilleux ? En
m’efforçant, depuis de nombreuses années, de ré-
pondre à cette question vitale je trouve toujours
que je reviens à Celui qui nous appelle à un cœur
pur, en premier lieu. Si Jésus – le seul homme
sans péché qui ait jamais marché sur la terre – a
lutté contre la tentation, quelle compréhension
doit-Il avoir pour nos défaillances et nos défauts !
Pourtant, Il exige encore de nous : « Soyez par-
faits » et nous dit que seuls ceux qui ont des cœurs
purs vont « voir Dieu ».
L’écrivain suédois Selma Lagerlöf raconte
l’histoire d’un chevalier qui, après avoir allumé une
bougie sur la tombe de Jésus lors d’une des crois-
ades, jure de ramener cette flamme, non éteinte,
jusqu’à sa ville natale en Italie. Bien que dépouillé
par des brigands et affronté par toutes les calami-
tés et dangers qu’il pouvait rencontrer durant son
voyage, le chevalier s’est fixé un seul but : garder
et protéger sa petite flamme. A la fin de l’histoire,
nous voyons comment une dévotion résolue trans-
figure totalement ce chevalier : ayant quitté sa mai-

88
son comme guerrier impitoyable, capable des pires
actes, il retourne un homme nouveau.
Si, comme ce chevalier, nous avons fixé notre
cœur sur une seule chose, nous aussi nous pouvons
être totalement transfigurés : « Nous savons que
lorsque le Christ paraîtra, nous serons semblables
à lui, car nous le verrons tel qu’il est. Tous ceux
qui fondent sur le Christ une telle espérance se
rendent eux-mêmes purs, tout comme le Christ
est pur » (1 Jn 3.2-3, La Bible du Semeur). Mais
tant que nous restons divisés, nous resterons aussi
(pour citer le livre Innenland, de mon père) « fai-
bles, mous et indolents ; incapable d’accepter la
volonté de Dieu, de prendre des décisions impor-
tantes ou de prendre des mesures décisives... La
pureté du cœur n’est rien d’autre que l’intégrité
absolue nécessaire pour surmonter les désirs af-
faiblissants ».
Avant de rejeter cette « intégrité absolue »
comme juste un autre idéal impossible, voyons ce
que l’apôtre Paul dit à propos de la purification.
Il tient pour acquis que nous aurons toujours à
l’esprit des arguments et des obstacles, et que nous

89
serons toujours soumis à la tentation. Pourtant, il
continue en décrivant notre lutte contre le mal
comme une victoire dans laquelle « nous faisons
toute pensée prisonnière pour qu’elle obéisse à
Christ » (2 Co 10.5). Or, la victoire ne peut pas
être facilement remportée. Nous devons faire face
au fait que la lutte est une guerre à part entière
qui s’est livrée en permanence depuis la chute de
l’homme, et que, depuis la résurrection et la de-
scente de l’Esprit Saint à la Pentecôte, elle n’a fait
que s’intensifier. La chose merveilleuse, en ce qui
concerne la parole de Paul, est la certitude qu’afin
d’obéir au Christ, nous pouvons amener toute
pensée captive.
Dans son œuvre Du détachement, Eckhart
nous raconte comment un cœur pur peut devenir
une réalité pour chacun de nous :

Si Dieu va s’emparer de vous, la nature humaine


créée doit sortir de vous. Car ce n’est qu’au point
où cette nature s’arrête que Dieu peut commencer.
Tout ce que Dieu attend de vous est d’aban-
donner l’idée de vous-même, là où votre nature
humaine vous accable, et de laisser Dieu être Dieu

90
en vous. La moindre image que vous avez de la
créature que vous êtes, est aussi grande que Dieu :
elle vous éloigne de votre Dieu. Dans la mesure
où une telle image vous pénètre, Dieu doit céder
place, et dans la mesure où cette image se dissipe,
Dieu rentre en vous.
L’amour-propre est la racine et la cause de tous
les maux ; il arrache tout ce qui est bon et tout ce
qui est parfait. Par conséquent, si l’âme va connaî-
tre Dieu, elle doit aussi s’oublier et se perdre. Tant
qu’elle s’examine, elle ne verra ni ne connaîtra
Dieu. Mais quand elle se perd et délaisse tout pour
l’amour de Dieu, c’est alors qu’elle se retrouve en
Dieu, parce que Dieu l’illumine comme l’aube – et
ce n’est qu’à ce moment-là que l’âme se connaît et
connaît toutes choses en Dieu…
Quiconque laisse tomber les choses dans leur
caractère banal et insignifiant les possédera dans
leur nature pure et éternelle. Celui qui les aban-
donne dans leur nature inférieure et périssable, les
recevra à nouveau en Dieu, celui en qui elles ont
leur existence authentique...
C’est un signe incontestable de la lumière de la
grâce quand on s’éloigne, de son libre arbitre, de ce

91
qui est éphémère et vers le plus grand bien – Dieu.
Une telle âme ne cherche pas en dehors d’elle,
mais à l’école du cœur, car elle sait que c’est là où
l’Esprit Saint lui enseigne les choses qui conduisent
à son bonheur...
Elle essaie de faire toutes ses œuvres aussi par-
faitement que possible en conformité avec la vo-
lonté de Dieu...et cherche toujours à avoir la con-
science tranquille en dédaignant les activités du
monde et en aimant la souffrance, de sorte que la
grâce augmente en elle et que les désirs charnels
diminuent.

Lorsque les gens entendent le mot « charnel », ils


ont tendance à penser tout de suite à leur sexualité,
ou peut-être à l’excès de nourriture et alcool. Mais
ce n’est pas le seul sens du mot. Certes, l’immoralité
sexuelle et la gourmandise sont « charnelles », mais
la chair se manifeste aussi dans le pharisaïsme et
l’hypocrisie, et tout ce qu’il y a en nous qui émane
de l’amour-propre – ce qui n’est pas du Christ.
Purification veut dire demander sans cesse à Dieu
qu’Il nous aide, afin de pouvoir surmonter la chair
– en particulier, notre orgueil spirituel. L’orgueil

92
est la pire forme de la chair, parce qu’elle ne laisse
aucune place dans le cœur pour Dieu.
Si nous nous examinons honnêtement, nous
devons humblement reconnaître que chacun de
nous a besoin chaque jour du pardon de Dieu.
Notre faiblesse humaine n’est pas un obstacle au
Royaume de Dieu, tant que nous ne l’utilisons pas
comme une excuse pour nos péchés. Paul écrit
même que la puissance du Seigneur « s’accomplit
dans la faiblesse » (2 Co 12.7-9).
Or, en fin de compte, la purification dépend
de notre volonté de consacrer notre vie à Dieu,
et quand nous trébuchons ou tombons, de nous
relever et nous vouer à nouveau. Nous ne serons
jamais parfaits, mais nous resterons toujours con-
centrés sur notre objectif, et donnerons tout ce qui
est en notre pouvoir afin d’y parvenir :

Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix ou


que j’aie déjà atteint la perfection, mais je cours
pour tâcher de m’en emparer, puisque de moi
aussi, Jésus-Christ s’est emparé. Frères et sœurs, je
n’estime pas m’en être moi-même déjà emparé,
mais je fais une chose: oubliant ce qui est derrière

93
et me portant vers ce qui est devant, je cours vers
le but pour remporter le prix de l’appel céleste de
Dieu en Jésus-Christ (Ph 3.12-14).

94
²

17. La Croix

D ans tout ce que j’ai dit jusqu’ici sur la lu-


tte pour surmonter les mauvaises pensées et
mauvais ressentiments, mon objectif principal a été
d’amener le lecteur au Christ et à la croix. Cha-
cun de nous doit trouver la croix. Nous pouvons
chercher dans le monde entier, mais nous n’allons
pas trouver le pardon des péchés et la liberté du
tourment ailleurs.
Chaque croyant sait que le Christ a suivi le
chemin de la croix par amour pour nous. Mais
cela ne suffit pas de le savoir. Il aurait souffert en
vain à moins que nous ne soyons prêts à mourir
pour lui, comme Il est mort pour nous. La voie du
Christ a été une voie amère. Elle a abouti à une
victoire de lumière et de vie, mais elle a commen-
cé dans la mangeoire d’un animal dans une étable
froide, et est passée par des épreuves énormes : par
la souffrance, le déni, la trahison, et, enfin, la dév-
astation complète et la mort sur une croix. Si nous
nous appelons ses disciples, nous devons être prêts
à suivre le même chemin.
Christ est mort sur la croix pour rompre la
malédiction du mal et pour la vaincre une fois
pour toutes. Si nous ne croyons pas en la puissance
du mal, nous ne pouvons pas comprendre cela.
Jusqu’à ce que nous comprenions que la princi-
pale raison de sa venue sur terre a été pour nous
– pour nous libérer de la puissance des ténèbres –
nous ne pourrons jamais comprendre pleinement
combien nous avons besoin de la croix.
L’image d’un Sauveur doux et aimable, tout
comme l’idée d’un Dieu d’amour, est certaine-
ment magnifique, mais ne représente qu’une pe-
tite partie du tableau. Elle nous isole de la puis-
sance réelle de son toucher. Le Christ console et
guérit, sauve et pardonne – nous le savons, mais

96
nous ne devons pas oublier qu’Il juge aussi. Si
vraiment nous l’aimons, nous aimerons tout en lui,
non seulement sa compassion et sa miséricorde,
mais sa sévérité aussi. C’est sa sévérité qui nous
taille et nous purifie.
L’amour du Christ n’est pas comme l’amour
humain qui est doux et émotionnel, sinon un feu
ardent qui purifie et brûle. C’est un amour qui
exige le sacrifice de soi. Mon père, écrit:

La Terre ne peut être vaincue que par le sacrifice.


Satan ne peut être vaincu que par l’Agneau. Jésus
est le sacrifice qui, étant parfait, a vaincu le mal.
Dans l’amour sacrificiel d’un agneau, Jésus a vaincu
le dragon, a désarmé Satan et a brisé ses armes sur
la croix. Ainsi, le triomphe de Satan, avec ses in-
struments d’obscurité et de mort, s’avère impos-
sible contre quiconque qui s’unit par la foi avec le
Christ crucifié.

Ici, nous voyons que si la liberté du Christ va


devenir la nôtre, nous devons nous unir avec le
Christ crucifié. Sa croix est le centre, le pivot de la
lutte entre Dieu et Satan, et comme telle, elle doit
aussi devenir le centre de notre cœur. La victoire

97
ne se trouve que dans la croix ! Dans la croix seule
existe la pureté ! C’est là où les armées du mal
sont vaincues, où l’amour du Christ envers chaque
être humain surgit éternellement et nous donne
la paix.
A moins que ces vérités ne vivent dans notre
cœur – à moins qu’elles ne nous saisissent d’une
manière très personnelle et nous infusent com-
plètement – elles ne restent que des mots dénués
de sens. Jésus offre de se donner à chacun de nous
jusqu’au point où nous nous unissons chair et sang
avec lui. Ce n’est pas une philosophie, mais la vraie
nourriture ; c’est la vie. Tout changera pour celui
qui l’éprouve, et pas seulement pour ce moment-
là, mais pour toute l’éternité.
Quand nous connaissons Jésus au fond du
cœur, nous commencerons à réaliser (même si ce
n’est qu’à un degré infime) ce qu’Il a vécu pour
nous. Comme nous l’avons vu, cela veut dire que
nous devons nous abandonner à lui dans la prière
et le silence, en confessant nos péchés les uns aux
autres, et les déposant devant la croix dans un es-
prit de repentance. Alors Il nous acceptera et nous

98
accordera la réconciliation avec Dieu, une con-
science propre, et un cœur pur. En nous sauvant
d’une mort spirituelle et nous accordant une nou-
velle vie, son amour pour nous débordera jusque
dans notre propre cœur et nous donnera un grand
amour pour lui.
Toutefois, on ne peut naturellement pas
s’arrêter là. L’expérience de la purification person-
nelle au pied de la croix est vitale, mais se concen-
trer juste là-dessus serait inutile. L’amour du Christ
est si grand, il faut élever notre esprit au-dessus de
nos petites luttes – et de toute préoccupation de
notre propre salut – afin que nous puissions voir
les besoins des autres, et au-delà de ces besoins, la
grandeur de Dieu et sa création. La croix est bien
plus grande que ce qui est personnel, elle a une
signification cosmique, car sa puissance s’étend à la
terre entière et même plus qu’à cette terre !
Il y a des secrets que Dieu seul connaît, et la
crucifixion à Golgotha est peut-être le plus grand
de tous. Dans sa Lettre aux Col (1.19-20), Paul
parle de ce mystère et dit seulement qu’il a plu à
Dieu de laisser sa nature entière demeurer en Jésus

99
et de réconcilier tout sur terre et au ciel « grâce
à l’effusion de son sang sur la croix ». A la croix,
alors, non seulement la terre mais aussi le ciel et
toutes les puissances et les principautés du monde
angélique seront réconciliés avec Dieu. C’est sûr
que nous – et peut-être même ni les anges – ne le
comprendrons jamais tout à fait. Mais nous savons
une chose : le Christ a vaincu la mort, le dernier
ennemi, et par là même, quelque chose est adv-
enue qui continue d’exercer son pouvoir bien au-
delà des limites de notre planète.

100
²

18. Vivre pour le Royaume

E n fin de compte, malgré la volonté la plus


ferme, les meilleures intentions, et les efforts
et luttes les plus intenses, nous ne pouvons rien
faire de bon sans Jésus. Tout comme une branche
ne peut porter ses fruits que si elle est reliée à un
tronc ou une tige vivante, ainsi nous ne pouvons
mener une vie fructueuse que dans la mesure où
nous sommes reliés à la vigne, qui est Jésus. Mais
Jésus ne se contente pas seulement que nous soy-
ons attachés à lui.
Certes, nous avons vu que ce n’est pas possi-
ble de reconnaître la signification universelle de
la rédemption – la signification de la croix – sans
avoir fait l’expérience de Jésus lui-même dans no-
tre cœur. Mais si nous nous contentons de cette
communion personnelle avec Jésus, et ne saisis-
sons pas le plus grand trait de son plan pour nous
en tant qu’une infime partie d’un univers infini,
nous avons fait de notre Christ un Christ qui est
bien piètre.
Il ne suffit pas, je crois, de nous contenter de
reconnaître et aimer Jésus comme l’ami de notre
cœur, comme Sauveur qui nous donne une com-
munion éternelle avec Dieu. Sûrement, Il veut
nous remplir de bien plus que cela : la vision du
grand Royaume de son Père. Ce n’est pas suffisant
pour nous de surmonter un péché harcelant, puis
de nous détendre complaisamment, en pensant :
« j’ai gagné mon petit combat. » Je pourrais être
la personne la plus juste au monde, moralement,
mais s’il me manque de l’amour et de l’intérêt en-
vers les autres, mon cœur n’est toujours pas pur.
Si je laisse mon voisin affamé quand je suis bien
nourri, je n’ai pas vraiment vaincu le péché dans
ma vie. Jésus veut que nous souffrions l’injustice
et le besoin du monde avec Lui ; que nous ayons

102
faim et soif pour la justice pour tous les peuples ;
que nous portions témoignage de Son chemin
d’amour et de justice et de paix ; que nous luttions
à ses côtés afin de bâtir la cité sur la colline.
Or, rien de tout cela ne nous est possible sans
l’expérience d’une renaissance personnelle. Il ne
fait aucun doute que chaque fois qu’une personne
est gagnée pour le Christ, le pouvoir du péché et
des ténèbres est brisé dans son âme, et c’est une
victoire pour le Royaume de Dieu. Mais si nous
n’allons pas plus loin que des rencontres individu-
elles et édifiantes avec Jésus, nous ne saisissons pas
la grandeur de sa cause. Mon père écrit à ce sujet:

Pour beaucoup de chrétiens, c’est justement là où


leur intérêt faiblit. Ils cherchent une confirma-
tion constante de la grâce qu’ils ont déjà reçue. Ils
devraient plutôt dire à la place : « Cette expérience
personnelle m’est donnée pour m’aider à trouver la
clarté complète au sujet du Christ et du Royaume
de Dieu, une clarté qui me rejoindrait à la vie de
son Royaume ».

C’est peut-être pourquoi on nous dit de chercher


le Royaume de Dieu et sa justice tout d’abord :

103
de sorte que nous devenions dignes non seule-
ment dans le sens de la béatitude personnelle, mais
comme des combattants pour son Royaume. Vi-
vons plus intensément dans l’attente du Seigneur !
Si nous ne l’attendons pas dans tous les aspects de
notre vie, nous n’attendons vraiment pas du tout.
Je me demande chaque jour : ai-je vraiment espéré
assez, assez lutté, assez aimé ? Notre attente pour le
Royaume doit conduire à des actes.
A la fin du Sermon sur la montagne, Jésus
dit : « C’est pourquoi, toute personne qui entend
ces paroles que je dis et les met en pratique, je
la comparerai à un homme prudent qui a con-
struit sa maison sur le rocher » (Matthieu 7.24).
C’est en faisant la volonté de Dieu que nous don-
nons la preuve de notre volonté la plus profonde.
Peu importe combien nos émotions sont confuses
ou capricieuses, le désir de notre cœur doit rester
ferme : soit nous aurons faim et soif pour Jésus, soit
nous l’éviterons. Cette différence est décisive pour
chacun de nous pour toute éternité.
Quelle chose puissante de vivre pour le
Royaume de Dieu ! Ne reculez pas. Vivez pour

104
lui ; cherchez-le, et vous verrez qu’Il est si puissant
qu’Il vous emportera complètement – Il résoudra
tous les problèmes de votre vie, et tous les prob-
lèmes sur la terre. Tout sera nouveau, et chaque
personne aimera son prochain dans le Christ.
Toute séparation et péché, toute souffrance, les té-
nèbres et la mort seront vaincus, et seul l’amour
règnera.

105
²

Postface

L a tradition chrétienne est remplie de sagesse


concernant le traitement des pensées et des
émotions, et Délivre-nous du péché en pensées, par
J. Heinrich Arnold, en est un exemple par excel-
lence. D’une manière très peu différente de celle
de Saint-Augustin en Occident, et des pères mo-
nastiques de l’Orient, Arnold affronte les réalités
dans le combat contre la tentation et le péché
à travers sa propre tradition communautaire. Sa
pensée est honnête et réaliste, mais elle est impré-
gnée d’une foi absolue dans le pouvoir de l’Esprit
de renouveler et transformer.
Nous sommes ce que nous pensons. C’est
pourquoi nous ne devrions jamais sous-estimer
ce que nous permettons d’entrer dans nos es-
prits. C’est par le biais de la pensée que les esprits
du mal livrent une guerre secrète à l’âme. Ainsi,
l’évêque du 5e siècle Maximus nous avertit : « Tout
comme il est plus facile de pécher dans l’esprit que
dans l’action, de même la guerre à travers nos im-
ages conceptuelles passionnées des choses est plus
difficile que la guerre à travers les choses elles-
mêmes. »
Jésus dit : « Car, c’est du cœur que proviennent
les mauvaises pensées... » Il dit aussi : « Car là où
est votre trésor, là aussi sera votre cœur. » Pour
un trop grand nombre d’entre nous, y compris
nous qui nous proclamons chrétiens, nos pensées
privées ou nos fantaisies sont notre trésor. Nous
ne voulons pas de péché, mais nous ne voulons pas
non plus renoncer à nos propres
Or, c’est précisément dans la pensée que la
lutte pour le bien ou le mal est gagnée ou per-
due. L’apôtre Paul a compris cela et a écrit :
« ...mais soyez transformés par le renouvellement
de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle

107
est la volonté de Dieu - ce qui est bon, agréable et
parfait » (Rm 12:2). Pour Paul, la transformation
de nos actions commence par la transformation de
nos pensées – c’est-à-dire, la libération des pen-
sées pécheresses est primordiale à la liberté dans
le Christ.
L’attention qu’Arnold prête aux pensées
pécheresses doit être considérée dans le contex-
te plus large de la transformation. La sienne n’est
pas une préoccupation maladive de la perfection.
Chacun d’entre nous lutte avec des images et des
pensées non désirées. Mais, comme nous l’assure
Arnold, les pensées qui nous tentent ne sont pas
en elles-mêmes condamnables. C’est ce que nous
en faisons qui compte. Jacques (1.15) dit : « Puis le
désir, lorsqu’il est encouragé, donne naissance au
péché... » Par conséquent, la question est de savoir
si nous entretenons les mauvaises pensées qui nous
viennent, nous arrêtant sur elles, et ainsi les nour-
rissant ; ou bien est-ce que nous les affrontons,
comme dans une bataille, nous efforçant de les
surmonter dans le Christ ?
C’est le Christ seul qui rompt la malédiction

108
du péché. C’est lui qui donne un sens à la lutte –
car il est l’objet et le but de tous nos efforts. C’est
pourquoi saint Augustin écrit : « Chantons des
alléluias ici-bas...même ici, au milieu des épreuves
et des tentations et de l’anxiété...non pas pour
jouir d’une vie de loisir, mais dans le but d’alléger
nos travaux. » C’est en louant Dieu en pleine ten-
tation que nous serons libérés du fardeau qui pèse
sur nos âmes.
En fin de compte, notre lutte est une joie.
Même lorsque nous échouons – ce qui est certain
– nous avons l’assurance que le règne de l’amour
de Dieu est plus grand que nos cœurs et esprits. Et
qui plus est, nous pouvons avoir, comme nous en-
courage Arnold, « une confiance absolue en Jésus,
de sorte que même si nous ne sentons rien encore,
nous nous donnerons absolument et sans réserve à
lui avec tout ce que nous sommes et tout ce que
nous avons... Puis Il nous donnera le pardon, la
purification et la paix du cœur, et ceux-ci con-
duisent à un amour ineffable ».
Etre libéré des pensées pécheresses est un grand
don, un don de l’amour de Dieu que chaque

109
lecteur peut expérimenter en réfléchissant à la sa-
gesse qui se trouve dans ce livre. Sans cette libé-
ration, nous restons empêtrés dans la frustration.
Avec elle, nous sommes plus que vainqueurs.

John Michael Talbot


Eureka Springs, Arkansas

110
²

A propos de l’auteur

Q uand Johann Heinrich Arnold (1913-1982)


avait six ans, ses parents, Eberhard et Emmy,
ont quitté leur maison bourgeoise à Berlin et ont
emménagé dans le village de Sannerz, au centre de
l’Allemagne. Là, avec un petit cercle d’amis, ils ont
entrepris de vivre en communauté totale de biens,
fondée sur les Actes des Apôtres, chapitres 2 et 4 et
le Sermon sur la montagne.* C’était une époque
de grands bouleversements. La même inquiétude
d’après-guerre qui poussait son père – éditeur, théol-
ogien et orateur public bien connu – vers cet acte
de foi, a conduit aussi des milliers d’autres personnes
*
Pour l’histoire de la fondation des communautés du Bruderhof,
voir Emmy Arnold, Un pèlerinage joyeux, Plough, 2011.
à se dresser contre les conventions sociales rigides et
religieuses de l’époque et à chercher des nouveaux
modes de vie. Ces années furent un temps de for-
mation pour Arnold ; le flot continu d’anarchistes,
clochards, enseignants, artisans et libres penseurs qui
passaient par la petite communauté l’a beaucoup
marqué. Tous avaient abandonné l’hypocrisie d’une
chrétienté qui était dépourvue de sens, et beaucoup
se sentaient attirés par cette vie dévouée et joyeuse
qu’ils trouvèrent à Sannerz.
Heinrich Arnold avait senti l’appel de suivre le
Christ depuis l’âge de onze ans. Plus tard, comme
jeune homme, il s’est engagé à vie dans l’Eglise-
Communauté, qui, dès lors, s’appelait le Bruder-
hof, ou « foyer des frères ». En 1938, il a été con-
firmé comme « serviteur de la Parole » (pasteur), et
depuis 1962 jusqu’à sa mort, il exerçait sa fonction
d’« ancien » au mouvement Bruderhof.
Les ouailles sous l’aile d’Arnold n’étaient pas
ce qu’on pourrait appeler une église typique,
et lui était loin d’être un pasteur dans le sens
conventionnel du terme. Il n’avait pas une person-
nalité charismatique, et il n’avait aucunement reçu

112
de formation formelle théologique. Il était un vrai
Seelsorger, ou « guide spirituel » qui s’intéressait
énormément au bien-être interne et externe des
communautés qui lui avaient été confiées. Et il
servait ses frères et sœurs, en premier lieu comme
un égal qui partageait leur vie quotidienne dans le
travail et les loisirs, aux repas communautaires, aux
réunions d’affaires et aux cultes.
Lors de son ministère, Arnold a dû aborder tous
les aspects de la vie spirituelle, personnelle et com-
munautaire. Mais il y a un fil visible qui traverse
tout ce qu’il a écrit : le Christ et sa croix comme
centre de l’univers. Il insiste sans relâche sur le fait
que, sans une rencontre personnelle avec le Christ
– sans être confronté par son message de repent-
ance et d’amour – une foi chrétienne vivante n’est
pas possible.
Ayant sa vie centrée sur Christ donnait à Arnold
un courage hors du commun pour affronter le pé-
ché. Il ne pouvait tolérer l’indifférence aux exigenc-
es de l’Evangile. Mais tout comme il combattait le
mal dans les autres, il le combattait en lui-même,
et la lutte n’a jamais été contre une personne, mais

113
contre le péché. Quelquefois, ceci lui a valu la cri-
tique qu’il était trop « émotionnel », mais comme il
s’est demandé une fois, comment est-ce que celui
qui aime le Christ peut-il être froidement détaché
quand l’honneur de l’Eglise est en jeu?
C’était, aussi, ce qui lui permettait parfois de faire
un appel si énergique à la repentance : « Sommes-
nous prêts à laisser la parole du Christ nous per-
cer profondément ou allons-nous continuellement
nous protéger et nous endurcir contre elle ? Nous
ne réalisons guère combien de fois nous sommes des
obstacles dans la voie de Dieu. Mais nous pouvons
lui demander de nous transpercer avec sa Parole,
même si ça fait mal ». Avec la même vigueur et in-
sistance qu’il a fait appel à la repentance, cependant,
il s’efforçait aussi de montrer de la compassion et du
pardon. S’il y avait quelqu’un qui prenait au sérieux
l’injonction de Jésus de pardonner afin d’être par-
donné, et de pardonner soixante-dix fois sept fois,
c’était bien lui.
Comme ancien des communautés du Bruder-
hof, Arnold passait de nombreuses heures à lire, re-
lire, et méditer sur le contenu d’un flux quotidien

114
de lettres. Ses réponses illustraient l’humilité avec
laquelle il répondait. Quand on lui posait une
question, il conseillait, réconfortait, admonestait,
et même censurait fortement, mais il n’a jamais
critiqué, toutefois, ni n’a dénigré ceux qui se tour-
naient vers lui. Et si des centaines de personnes se
sont tournées vers lui, année après année, il leur
indiquait toujours – au-delà de leurs préoccupa-
tions avec leurs péchés ou leur sainteté person-
nelle – la voie vers Christ.*
Arnold savait bien qu’il n’avait pas toutes les
réponses. Souvent, il a dit qu’il avait besoin de
réfléchir quand il s’agissait d’une certaine affaire,
ou qu’il voulait la considérer dans la prière, ou
tout simplement qu’il ressentait qu’il n’avait pas
de réponse. Prié d’expliquer un verset difficile,
une contradiction apparente, ou la signification
d’un passage mystérieux dans la Bible, il était apte
à dire : « J’y ai beaucoup réfléchi, mais je ne le
comprends pas bien moi-même. Laissons-le dans
les mains de Dieu. Un jour, ceci nous sera ré-
vélé » – et il ne tentait jamais de l’interpréter. Bien

Voir J. Heinrich Arnold, La voie du disciple, Plough, 2011.


*

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qu’ayant une vaste culture littéraire, et une con-
naissance approfondie de l’Ancien et du Nouveau
Testament, c’était quand même un homme de
cœur, dont la connaissance était une connaissance
de l’âme humaine, et dont la compréhension des
voies de Dieu était née de son amour pour Dieu,
pour Jésus, et pour l’Eglise.
Plus important encore, Arnold pouvait écout-
er : il écoutait ses frères et sœurs, il écoutait les
amis, les étrangers, ses détracteurs, et surtout il
écoutait Dieu : « Je veux seulement entendre dans
mon for intérieur la voix de Dieu qui s’exprime
par la Fraternité.* Je veux confesser Jésus dans no-
tre époque. Je veux être pauvre...spirituellement
pauvre. Je veux être obéissant et aller là où l’Eglise
m’envoie, et faire la volonté de Dieu ».
Il y a de nombreux aspects des écrits d’Arnold
que l’on pourrait considérer plus en détail –
l’influence prépondérante de son père, Eberhard
Arnold et des pasteurs allemands Johann Chris-
toph et Christoph Friedrich Blumhardt et leur

L’ensemble des membres à part entière dans les communautés du


*

Bruderhof.

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vision du Royaume comme une réalité présente,
ainsi que de Maître Eckhart, dont le mysticisme
se reflète dans la propre inclination d’Arnold vers
l’expérience mystique. Il y a aussi Dietrich von
Hildebrand, Friedrich von Gagern, et Charles
Baudouin dont il a lu les livres et auxquels il faisait
souvent référence. Tous ces écrivains donnent au
message d’Arnold une ampleur de vue que l’on ne
peut pas ignorer – une vision qui soulève nos yeux
de la petitesse de la vie quotidienne pour voir les
plus grandes réalités que nous ignorons souvent.
Pour utiliser ses propres mots:

Quel grand don serait-ce, si nous pouvions com-


prendre un peu la grande vision de Jésus – si nous
pouvions voir au-delà de notre petite vie ! Notre
point de vue est certainement très limité. Mais nous
pouvons au moins Lui demander de nous faire sortir
de notre petit monde et notre égocentrisme ; et
nous pouvons au moins prier que nous soyons tou-
chés par le défi de la grande moisson qui doit être
recueillie – la récolte de toutes les nations et toutes
les personnes, y compris les générations à venir.

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Le Bruderhof

M algré tout le mal qui existe dans notre so-


ciété, nous tenons à témoigner du fait que
l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans le monde
aujourd’hui. Dieu nous appelle encore à quitter
les systèmes qui génèrent l’injustice, la violence, la
peur et l’isolement, et à suivre la nouvelle voie de
la paix, de l’amour et de la fraternité. Dieu nous
appelle à vivre en communauté. Dans ce sens, nous
— les frères et sœurs du mouvement dit Bruder-
hof — désirons vous communiquer quelque chose
de notre réponse à cet appel.
Notre vie en communauté est basée sur les
enseigne-ments du Christ dans le Sermon sur
la Montagne et dans tout le Nouveau Testament,
notamment les enseignements concernant l’amour
fraternel, l’amour envers les ennemis, le service mu-
tuel, la non-violence et le refus de porter les armes,
la pureté sexuelle et la fidélité dans le mariage.
Nous n’avons pas de propriété privée ; nous
parta-geons tous nos biens comme les premiers
chrétiens, comme le décrit le livre des Actes des
Apôtres, chapitres 2 et 4. Chaque membre con-
sacre ses talents et tous ses efforts aux besoins de
la communauté. L’argent et les possessions sont
mis volontairement en commun, et en échange,
chaque membre reçoit ce dont il a besoin. Nous
nous rassemblons tous les jours pour les repas, les
réunions, le chant, la prière et pour prendre des
décisions.

EN 1920, Eberhard Arnold, théologien bien connu,


conférencier et écrivain, quitta l’abondance, la sé-
curité et une carrière professionnelle importante
à Berlin, et vint s’installer avec sa femme et ses
enfants à Sannerz, petit village en Allemagne, où
ils fondèrent une petite communauté — appelée
le Bruderhof (foyer des frères) — basée sur la vie
de l’Eglise primitive.
Malgré les persécutions des nazis, la commu-
nauté survécut. Elle fut expulsée d’Allemagne en
1937 et le mouvement s’établit en Angleterre.

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Cependant, lors de la Seconde Guerre mondi-
ale, une deuxième émigration fut nécessaire, cette
fois-ci en Amérique du Sud. Pendant vingt ans, la
communauté survécut dans les régions lointaines
du Paraguay, le seul pays prêt à recevoir ce groupe
multinational.
En 1954, une nouvelle branche du mouvement
fut fondée aux Etats-Unis, et en 1961, les com-
munautés au Paraguay furent fermées et tous les
membres partirent pour l’Europe et les Etats-Unis.
Aujourd’hui, nous sommes environ 2 700
membres répartis dans plus d’une vingtaine de
communautés aux Etats-Unis, en Angleterre, en
Australie, en Allemagne et au Paraguay. Notre
nombre est insignifiant, mais nous savons que no-
tre tâche est d’une importance primordiale : suivre
les enseignements de Jésus dans une société qui
s’est tournée contre Lui.

LA MISSION a toujours été un point essentiel de


notre activité, non pas dans le sens d’essayer de
« sauver » les personnes, ou de gagner des mem-
bres pour nos Eglises-communautés, mais pour

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témoigner de la puissance du message de l’Evangile
dont le but est une vie de paix, d’amour et d’unité.
Notre porte est ouverte à toute personne qui
veut chercher la voie de Jésus avec nous. Bien
qu’on puisse penser que nous vivons une utopie,
ce n’est pas le cas. Nous ne sommes pas des saints
et nous avons les mêmes problèmes que tout le
monde. Ce que nous avons que le monde n’a pas,
c’est un engagement pour la vie et la promesse de
lutter pour l’âme de chaque frère et sœur et de
nous sacrifier jusqu’à la mort si nécessaire.

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