Burundi 1
Burundi 1
Burundi 1
DU BURUNDI
Par
Octobre, 2015
Contenu
0. Introduction....................................................................................................................................4
1. Revue de la littérature et cadre conceptuel...................................................................................4
1.1. L’approche néoclassique........................................................................................................5
1.2. L’approche keynésienne.........................................................................................................6
2. La politique budgétaire au Burundi................................................................................................7
2.1. Les composantes du budget de l’Etat.....................................................................................8
2.2. Les modes de financement des déficits budgétaires............................................................10
2.2.1. Augmentation des impôts et taxes...............................................................................10
2.2.2. Emprunt intérieur.........................................................................................................10
2.2.3. Emprunt extérieur........................................................................................................12
2.3. Le budget et l’extérieur........................................................................................................13
3. La politique monétaire au Burundi...............................................................................................14
3.1. Cadre de politique monétaire de la BRB...............................................................................15
3.2. Instruments de politique monétaire de la BRB.....................................................................16
3.2.1. Réserves obligatoires....................................................................................................16
3.2.2. Appels d’offres de liquidité...........................................................................................16
3.2.3. Facilité de prêt marginal...............................................................................................17
3.3. Performance de la politique monétaire................................................................................17
3.4. Mécanisme de transmission de la politique monétaire de la BRB........................................19
3.4.1. Le canal de taux d’intérêt.............................................................................................19
3.4.2. Le canal du crédit bancaire...........................................................................................20
3.4.3. Le canal du taux de change...........................................................................................21
4. La nécessité de coordination des politiques budgétaire et monétaire au Burundi.......................22
4.1. Cohérence des normes budgétaires et des objectifs monétaires.....................................23
4.2. Coordination des instruments monétaires et budgétaires...............................................24
5. Vérification empirique de l’interaction entre les politiques monétaire et budgétaire.................25
5.1. Impact de la politique budgétaire sur la conduite de la politique monétaire.......................25
5.2. Effets de la politique budgétaire sur les canaux de transmission de la politique monétaire.
28
5.2.1. Spécification du modèle...............................................................................................28
5.2.2. Données utilisées..........................................................................................................30
5.2.3. Ordre d’intégration du VAR..........................................................................................30
5.2.4. Détermination du nombre de retards du modèle.........................................................30
5.2.5. Stabilité du VAR(1)........................................................................................................31
5.2.6. Analyse des fonctions de réponses impulsionnelles.....................................................31
6. Conclusion générale.....................................................................................................................33
7. Bibliographie................................................................................................................................35
0. Introduction.
Les politiques budgétaire et monétaire ont en commun les atouts d’agir sur la
demande globale. Ce sont des politiques dites de gestion de la demande. La gestion
de la demande globale est aujourd’hui devenue une préoccupation des théoriciens et
des praticiens de la macroéconimie. En effet, il est admis qu’une demande globale
trop élevée crée de l’inflation et qu’une demande trop faible entraîne une récession.
Face à ce dilemme, les gestionnaires des économies doivent s’assurer qu’une
croissance économique forte et stable est garantie. L’action sur l’offre globale ne
pouvant être envisagée que dans le temps, un contrôle permanent et efficace de la
demande globale s’impose pour s’assurer de l’équilibre entre l’offre et la demande.
Pour atteindre cet objectif, les décideurs politiques s’appuient notamment sur les
politiques budgétaire et monétaire. La politique budgétaire jongle entre les dépenses
de l’État (une des injections du circuit économique) et les impôts et les taxes (jouant
le rôle de ponction du circuit économique). La politique monétaire s’exprime, quant à
elle, par le choix de l’offre de monnaie ou du taux d’intérêt. Quoique ces politiques
utilisent des instruments distincts, elles ont des interactions entre elles basées
surtout sur les modes de financement du déficit budgétaire.
L’apparition de la crise des années 30 est venue prouver que l’économie ne peut pas
s’ajuster par la simple manipulation des taux d’intérêt. C’est alors que les
gouvernements, en s’appuyant sur la pensée de Keynes, décidèrent d’intervenir en
accroissant la dépense publique. Ce fût le début de la politique budgétaire.
Keynes opposait à l’influence des taux d’intérêt sur la demande globale notamment
l’inélasticité-intérêt de l’investissement. En effet, il avançait que les facteurs
d’incertitude affectant l’efficacité marginale du capital l’emportent en cas de faible
niveau de taux d’intérêt ne permettant pas un arbitrage entre investissement et
placement.
Deux grands courants de pensée et leurs pendants ont dominé les débats. Il s’agit de
l’école des néoclassiques et des keynésiens.
Dans le cas d’une politique budgétaire financée par création monétaire le déficit
aurait un effet inflationniste.
Les économistes de l’offre considèrent que trop d’impôts découragent les agents
économiques (Courbe de Laffer) : retrait de certains salariés sur le marché du travail
(substitution du loisir au travail), moins de créations d’entreprises.
Pour les adeptes keynésiens, la monnaie doit répondre aux besoins de l'économie
réelle. Quand la demande d'investissement est élevée et que l'épargne est
insuffisante la monnaie doit prendre le relais. Elle constitue une avance sur la
production qui sera récupérée ex post. L’État doit intervenir par le biais des politiques
économiques puisque l’équilibre économique n’est plus réalisé automatiquement, et
que sans l’intervention de l’État le chômage menace de s'installer en permanence.
L'État doit tout mettre en œuvre pour rétablir le plein emploi.
Pour la politique fiscale, l’Impôt progressif sur le revenu n’aura pas d’effet négatif sur
le niveau de la consommation.
Etant basée sur le budget, la conduite de la politique budgétaire se fait à travers les
prélèvements fiscaux, l’orientation des dépenses publiques et les modes de
financement d’un éventuel gap. Lorsque le Gouvernement dépense plus que les
recettes collectées, le déficit est financé soit en rehaussant les impôts, soit en
recourant aux emprunts intérieur ou extérieur. Le déficit est donc un indicateur
central de la politique budgétaire. Le budget de l’Etat est ainsi considéré comme
l’outil de politique économique le plus important dont dispose le gouvernement dans
la mesure où il expose de façon complète les priorités de l’Etat et permet d’atteindre
les objectifs de développement économique et sociale.
Dépenses et prêts nets 299,1 318,6 393,2 438,2 537,4 673,5 769,0 825,4 953,8 1 059,3
Dépenses courantes 221,3 227,1 265,0 361,6 432,3 491,9 554,1 591,9 689,1 721,6
Dépenses en capital et prêts nets 77,9 91,5 128,1 76,7 105,1 181,6 214,9 233,5 264,7 337,7
Financement 19,5 31,0 29,9 40,5 128,5 42,3 90,1 119,7 112,1 182,3
Extérieur net 14,1 19,4 9,3 14,3 77,6 89,8 54,0 99,8 5,9 58,4
Intérieur net 3,7 37,2 4,0 33,2 85,8 39,7 72,7 34,0 106,8 155,1
Système bancaire 16,4 51,1 -5,2 20,2 81,2 33,5 54,4 13,0 45,9 147,0
Autres( + erreurs et omissions pour certaines
-12,7 dates)
-13,9 9,2 13,0 4,6 6,2 18,4 21,0 60,9 8,1
Erreurs et omissions 1,7 -25,7 16,6 -6,9 -34,9 -87,1 -36,7 -14,1 -0,6 -31,2
Les ressources sont constituées des recettes fiscales et non fiscales, des dons
courants et en capital mais aussi des recettes exceptionnelles. Les prévisions des
recettes nationales ou recettes courantes hors dons et intérêts sont basées sur les
relations entre les recettes antérieures provenant de chaque type d’impôt et celle de
la base imposable en relation avec la croissance du PIB. Elles se réfèrent en outre sur
les tendances passées des recettes, complétées des informations spécifiques sur
chaque sources de recettes, la variation de la structure douanière et surtout la
politique en vigueur du gouvernement et son effet sur l’évolution du PIB.
Les dépenses de l’Etat sont réparties dans deux grandes catégories à savoir les
dépenses courantes et les dépenses en capital. Les dépenses courantes portent sur
les dépenses sur biens et services, les subventions et autres transferts, les paiements
d’intérêts et les dépenses sur fonds spéciaux.
Le budget de l’Etat n’est que rarement équilibré et il n’est même pas nécessaire qu’il
le soit chaque année. Ce qui est important c’est qu’il soit structurellement équilibré ;
c’est-à-dire que les années de déficits soient suivies des années d’excédents
budgétaires. Ces excédents serviront notamment à régler les dettes contractées pour
financer les déficits. C’est pour cette raison que les déficits et les excédents sont
tolérés pour respectivement la relance économique et la stabilisation en cas de
surchauffe de l’économie.
Pour réaliser ses ambitions en matière de politique budgétaire étant donné les
moyens financiers limités, l’Etat a régulièrement associé différents modes de
financement du déficit budgétaire. Or,chaque mode de financement a ses avantages
et ses inconvénients.
2.2. Les modes de financement des déficits budgétaires
Dans le souci d’augmenter les recettes en vue de couvrir les dépenses prévues dans
le budget, l’Etat peut, dans la révision budgétaire, procéder à l’augmentation du taux
d’imposition ou à l’assiette fiscale. Quoique présentant un avantage de ne pas
rembourser dans l’avenir, cette mesure comporte un coût social élevé parce qu’elle
est de nature à décourager la production et les investissements. Elle peut aussi
entraîner la baisse de la consommation consécutive à la hausse des prix. Au bout
d’une certaine limite, les recettes peuvent baisser car, en matière fiscale dit-on, les
gros taux tuent les totaux. Cette baisse des recettes provoque un approfondissement
du déficit.
L’augmentation du taux d’imposition provoque des effets immédiats sur les prix. Elle
va dans le sens contraire à l’objectif de la politique monétaire. Toutefois, elle permet
de retirer, du moins temporairement, la liquidité du système bancaire si on admet
que tous les fonds collectés sont versés sur le compte général du Trésor. C’est au
moment du paiement des fournisseurs et des créanciers de l’Etat que l’argent
collecté sous forme d’impôt sera reversé dans le système bancaire.
La dette intérieure d'un pays est l'ensemble des engagements contractés par l'Etat
auprès d'acteurs résidents dans le pays et exprimés en monnaie locale. L’Etat dispose
de deux moyens majeurs pour accéder à l’emprunt intérieur. Il peut soit émettre des
titres publics auxquels peuvent souscrire les banques commerciales, les entreprises
parapubliques ou les particuliers. Il peut aussi recourir à l’endettement auprès de la
Banque Centrale.
Tableau 2 : Structure du financement intérieur du budget
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
2. FINANCEMENT INTERIEUR NET 4 019,4 33 165,7 85 795,5 39 651,7 72 722,4 34 058,0 106 895,8 155 146,4
a. Secteur bancaire -5 202,5 20 180,0 81 182,9 33 485,0 54 352,5 13 029,5 45 926,0 147 023,0
B.R.B. -27 340,8 -11 711,7 70 283,6 -7 761,3 82 745,9 51 339,5 2 762,6 69 567,2
Banques commerciales 20 635,8 28 193,5 8 239,5 37 845,4 -26 160,2 -36 506,1 40 504,9 77 997,8
CCP 1 502,5 3 698,2 2 659,8 3 400,9 -2 233,2 -1 803,9 2 658,5 -542,0
b. Secteur non bancaire 9 221,9 12 985,7 4 612,6 6 166,7 18 369,9 21 028,5 60 969,8 8 123,4
Etablissements financiers -318,2 833,8 - - - - 833,8 -
Secteur non financier 9 540,1 12 151,9 4 612,6 6 166,7 18 369,9 21 028,5 61 803,6 8 123,4
Source : MFPDE
A travers l’émission des titres publics, l’Etat peut trouver les ressources nécessaires
pour financer le déficit budgétaire. Ce mode de financement incarne deux atouts
majeurs d’incitation à l’épargne et d’indépendance économique. Chaque médaille
ayant son revers, ce mode de financement a aussi ses inconvénients s’il est
fréquemment utilisé. En effet, il peut assécher le marché financier et, à travers la
hausse des taux d’intérêt, induire la baisse des investissements privés. C’est le
résultat d’un phénomène par lequel l’Etat s’accapare des ressources financières
(épargne) de telle sorte que les autres agents à besoin de financement ne trouvent
plus de ressources en quantité suffisante et à un taux d’intérêt qui ne grève pas la
rentabilité de leurs projets. Pour qu’un agent économique parvienne à assécher le
marché financier, il faut qu’il assure aux agents à capacité de financement détenant
l’épargne une rémunération attrayante c’est-à-dire des taux d’intérêts élevés. Cela
grève le processus de formation des taux d’intérêt du système bancaire et du marché
financier et handicape de fait les effets de la politique monétaire axée sur les taux
d’intérêt.
b. Création monétaire
L’Etat peut aussi emprunter auprès de la Banque Centrale à travers les avances. C’est
la monétisation de la dette publique car la Banque met ainsi en circulation de la
monnaie sans contrepartie. Ce mode de financement constitue pour l’Etat un bon
palliatif au manque de financement car son créancier, qui est pour le moment la
Banque Centrale, va lui offrir de meilleures conditions de remboursement.
En cas de déficit de l’épargne intérieure pour financer les dépenses budgétaires, l’Etat
peut recourir à l’épargne extérieure à travers la contraction des dettes.
Tableau 3 : Financement extérieur du budget
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
1. FINANCEMENT EXTERIEUR 9 332,7 14 317,4 77 608,4 89 758,8 54 036,2 100 484,8 5 906,1 60 495,0
Tirages 35 368,9 11 414,9 30 154,0 42 752,6 27 010,6 64 156,8 13 860,4 67 359,2
Moins amort. de la dette extérieure -28 164,2 -87 411,9 -1 094 028,2 -62 281,9 -4 559,4 -7 524,4 -7 954,3 -6 864,2
Variation des arriérés -51 718,8 896,3 - - - - - -
Allègement de la dette 53 846,8 89 418,1 1 141 482,6 109 288,1 31 584,9 43 852,4 0,0 0,0
Source : MFPDE
Ce mode de financement est nanti d’un avantage de court terme de procurer des
devises à l’économie et ainsi d’améliorer la situation de la balance des paiements. A
long terme par contre, ce mode a la faiblesse d’accroître la dépendance vis-à-vis du
monde car le pays bénéficiaire devra s’acquitter du service de la dette en devise, ce
qui présente aussi le risque de change.
Les devises acquises sous ce mode de financement peuvent servir dans la conduite de
la politique monétaire, notamment quand la Banque centrale veut stériliser la
liquidité bancaire. Elle peut s’en servir pour retirer de la liquidité du système bancaire
quand elle les vend aux banques commerciales.
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Recett es 176658,2 183029 201614,6 260160,2 302130 393170,1 474526,7 550780 566995,8 663211,9787
Dons 103000 104612,5 161664,8 137534,5 106751,4 238073,1 204362,7364 154949,5305 274662 213828,5171
Recett es et dons 279658,2 287641,5 363279,4 397694,7 408881,4 631243,2 678889,4364 705729,5305 841657,8 877040,4958
Recett es et dons par part
Recett es 63,2 63,6 55,5 65,4 73,9 62,3 69,9 78,0 67,4 75,6
Dons 36,8 36,4 44,5 34,6 26,1 37,7 30,1 22,0 32,6 24,4
Recett es et dons 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Dett e publique
DETTE INTERIEURE 193 066,9 230 472,2 241 179,0 272 437,6 366 046,1 427 102,6 464 027,7 539 599,5 597 961,8 730 117,7
DETTE EXTERIEURE 1 244 659,2 1 325 323,9 1 530 542,8 1 567 958,7 561 392,0 494 683,4 485 081,1 607 681,4 615 707,6 656 563,7
TOTAL 1 437 726,1 1 555 796,1 1 771 721,8 1 840 396,3 927 438,1 921 786,0 949 108,8 1 147 280,9 1 213 669,4 1 386 681,4
Dett e par part
DETTE INTERIEURE 13,4 14,8 13,6 14,8 39,5 46,3 48,9 47,0 49,3 52,7
DETTE EXTERIEURE 86,6 85,2 86,4 85,2 60,5 53,7 51,1 53,0 50,7 47,3
TOTAL 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Source :Auteur (tableau élaboré sur base des données des rapports annuel de la BRB)
Il ressort de ce tableau que le budget de l’Etat a été financé par l’épargne extérieure.
En effet, la part moyenne des dons dans les recettes du budget s’est élevée à 32.5%
sur la période retenue. Cette part est toutefois généralement en baisse quoiqu’il y ait
des hauts et des bas. La dette extérieure a quant à elle représenté en moyenne 66,0%
sur la même période. Sa part est aussi en baisse, comparée aux années précédentes.
Ces deux faits conjugués montrent en suffisance combien le budget de l’Etat dépend
de l’épargne extérieure.
6 200
5 150
4 100
3 50
2 0
1 -50
0 -100
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
VAR_DEF VAR_PIBR
Ce graphique nous montre qu’il y a une période où les deux taux étaient positivement
corrélés et une autre leur évolution était opposée. Ceci ne nous permet pas de
conclure que la politique fiscale a été performante.
Le cadre de politique monétaire de la BRB est basé sur le ciblage des agrégats
monétaires. En effet, la base monétairejoue le rôle d’objectif opérationnel, la masse
monétaire comme objectif intermédiaire et la stabilité des prix comme objectif final.
Sans porter préjudice à cet objectif ultime de stabilité des prix, il a été conféré à la
BRB la latitude d’assurer la stabilité du système financier et le développement
économique.
Il est évident que la conduite de la politique monétaire basée sur ce cadre est
naturellement influencée par la nature de la politique budgétaire. En effet, les modes
de financement du budget de l’Etat ont des effets certains sur la base monétaire et la
Banque centrale doit adapter la conduite de sa politique monétaire en conséquence.
Elle le fait à travers la gestion d’une panoplie d’instruments qui sont à sa disposition.
Pour conduire sa politique monétaire, la BRB utilise ses instruments indirects agissant
principalement sur les contreparties de la base monétaire ou sur le multiplicateur de
monnaie.
Dans le maniement de cet instrument, la Banque Centrale peut agir soit sur le
coefficient, soit sur l’assiette ou tout simplement redéfinir la période de constitution
des réserves obligatoires. Cet instrument est utilisé en cas d’abondance ou de déficit
structurel de la liquidité bancaire. Or, le budget de l’Etat joue le rôle de taille dans
l’apparition de cette situation. Cet instrument affecte surtout le comportement de
prêt des banques et modifie le multiplicateur de monnaie.
Cet instrument permet de contrôler les effets, sur la base monétaire, des fuites ou
des injections du circuit monétaire provoquées par les opérations du budget de l’Etat.
Cet instrument est le complément de l’instrument des appels d’offre et le taux qui en
est issu est plutôt tributaire des conditions financières du Trésor. Le taux des bons du
Trésor est ainsi un taux de référence dans la détermination des autres taux.
Ces instruments produisent des effets dans le secteur réel à travers un mécanisme de
transmission dont l’efficacité est sensible aux opérations budgétaires.
Graphique N°2 : Evolution des taux de croissance de la masse monétaire et des prix
35.0 45.0
30.0 40.0
35.0
25.0
30.0
20.0 25.0
15.0 20.0
10.0 15.0
10.0
5.0
5.0
0.0 0.0
(5.0) (5.0)
Inflation VariationM2
VariationM2 VariationBM
Au regard de ce graphique, nous constatons que les deux grandeurs évoluent dans le
même sens mais que leur taux de croissance s’écarte de temps en temps. Ceci peut
être justifié par la probable instabilité du multiplicateur de monnaie qui les lie.
Multiplicateur-M2
Les besoins d’emprunt de l’Etat auprès du secteur bancaire pour financer son déficit
budgétaire aboutissent sur l’augmentation de la demande de crédit net. Pour
satisfaire son besoin d’emprunt, l’Etat offre des conditions plus favorables par
rapport aux autres agents à besoin de financement. Ce comportement de l’Etat sur le
marché des fonds prêtables provoque naturellement la hausse des taux d’intérêt.
Ainsi, les crédits qui auraient été alloués au secteur privé pour financer les
investissements s’amenuisent pour deux raisons. D’une part, le montant disponible
est partagé entre le secteur privé et le géant du marché qui est l’Etat. D’autre part,
les conditions du marché ne sont plus favorables aux particuliers et aux PME. C’est
l’éviction du secteur privé.
Dans ces conditions, le canal du crédit bancaire ne fonctionne plus de façon optimale.
En effet, le recours excessif de l’Etat à l’endettement auprès du secteur bancaire
risque d’évincer le secteur privé.
Périodedecarrencedeliquiditébancaire
200
160
120
80
40
-40
TX_CE TX_CSP
A travers ce graphique, nous constatons que les risques d’éviction du secteur privé
par l’endettement de l’Etat sont réels. En effet, les taux de croissance du crédit au
secteur privé et celui du crédit à l’Etat évoluent dans des sens opposés à l’exception
de la période particulière de l’année 2012 caractérisée par une baisse exceptionnelle
de la liquidité bancaire. Pour cette période, ces taux de croissance des crédits ont
tous baissé.
Taux de croissance du déficit budgétaire en % 35,5 217,1 -67,1 113,0 34,9 -7,7 62,5
Taux de croissance de la masse monétaire M2 34,2 19,8 12,5 6,6 11,3 13,2 10,1
Source : MFPDE
Une augmentation inadéquate des dépenses publiques se traduit par une croissance
excessive de la masse monétaire avec tous ses effets inflationnistes. Pourtant, si on
analyse les taux de croissance du défit budgétaire et de la masse monétaire, on
constate que le Burundi a tendance à pratiquer simultanément le laxisme budgétaire
et la rigueur monétaire car le taux de croissance des déficits budgétaires est dans la
plupart des cas supérieur au taux de croissance de la masse monétaire. En fait, la
conjonction de déficits budgétaires élevés et des mesures de restriction monétaire a
entrainé une croissance rapide de la dette publique comme le montre le tableau ci-
dessous.
Tableau 6 : Evolution du taux de croissance de la dette
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
DETTE INTERIEURE 193 066,9 230 472,2 241 179,0 272 437,6 366 046,1 427 102,6 464 027,7 539 599,5 597 961,8 730 117,7
DETTE EXTERIEURE 1 244 659,2 1 325 323,9 1 530 542,8 1 567 958,7 561 392,0 494 683,4 485 081,1 607 681,4 615 707,6 656 563,7
TOTAL 1 437 726,1 1 555 796,1 1 771 721,8 1 840 396,3 927 438,1 921 786,0 949 108,8 1 147 280,9 1 213 669,4 1 386 681,4
Taux de croissance de la dett e
DETTE INTERIEURE (3,7) 19,4 4,6 13,0 34,4 16,7 8,6 16,3 10,8 22,1
DETTE EXTERIEURE (14,6) 6,5 15,5 2,4 (64,2) (11,9) (1,9) 25,3 1,3 6,6
TOTAL (13,3) 8,2 13,9 3,9 (49,6) (0,6) 3,0 20,9 5,8 14,3
Source :BRB et MFPDE
De nos jours, la régulation de la demande globale ne repose plus uniquement sur les
stabilisateurs budgétaires automatiques. Elle s'appuie aussi sur les objectifs
monétaires dont la mise en œuvre dépend de l'efficacité des techniques utilisées à
cet effet. Ces deux politiques se caractérisent par un ensemble interdépendant
d’objectifs, d’instruments, et d’outils de contrôle d’où la nécessité de leur
coordination. Si seule la politique monétaire avait un effet sur l’inflation, il n’en
résulterait aucun besoin de coordination. Or, les politiques budgétaires nationales
affectent les prix nationaux. Toute politique inflationniste dans un pays est
susceptible d’avoir un impact sur la politique monétaire nationale.
Pour permettre à la Banque centrale de résorber avec succès tous les chocs issus des
autres politiques économiques, Barro et Gordon (1983) prêchent pour son
indépendance. Ils mettent en avant les avantages de cette indépendance du point de
vue de la crédibilité de la politique anti-inflationniste. Or, l'indépendance de la
banque centrale, si elle n’est pas bien dosée, entraîne la perte d'un instrument de
politique économique. En effet, l’octroi de l’indépendance à la banque centrale la
rend autonome des autorités monétaires. Ainsi, tous les instruments à la disposition
de la banque centrale sont orientés vers un seul objectif de lutte contre l’inflation,
même en période de faible inflation et de récession économique.
5. Vérification empirique de l’interaction entre les politiques
monétaire et budgétaire
5.1.
Impact de la politique budgétaire sur la conduite de la politique
monétaire.
Comme nous l’avons vu à travers les développements des chapitres précédents, les
politiques budgétaire et monétaire ont le même champ d’action –demande globale-
et utilisent des instruments qui exercent des interactions entre eux. A cet effet, la
politique budgétaire affecte la conduite de la politique monétaire à travers un certain
nombre de voies. Théoriquement, nous avons vu tout un processus à travers lequel la
conduite de l’une affecte celle de l’autre.
Dans ce chapitre, le travail consiste à analyser les données statistiques qui sont à
notre disposition pour appréhender cette liaison entre les deux politiques. Les
données qui ont été analysées ont été collectées dans les bulletins mensuels de la
Banque. Les séries portent sur la période allant de janvier 2005 à juin 2015.
Les variables qui ont retenues pour des fins de cette analyse sont :
DEP_TOT: les dépenses totales du budget de l’Etat
AVANCES: les avances de la Banque centrale à l’Etat
IPC : l’indice des prix à la consommation
DETTE_EXT : la dette extérieure de l’Etat
ENCOURS_BT : l’encours des titres publics détenus par les banques commerciales
CSP : les crédits au secteur privé
TX_BT: le taux sur les Bons du Trésor à 13 semaines
TX_CHG : le taux de change nominal du BIF/USD
RECETTES : les recettes fiscales du budget de l’Etat
TXDB: le taux débiteur moyen
Les résultats de l’analyse de la relation de causalité entre les variables retenues sont
repris dans le tableau en bas.
Tableau 7 : Analyse de la causalité au sens de Granger
Pairwise Granger Causality Tests
Date: 10/11/15 Time: 11:59
Sample: 2005M01 2015M06
Lags: 2
A travers ces résultats, nous constatons que les dépenses totales du budget de l’Etat
causent les avances de la Banque centrale au sens de Granger. C’est-à-dire que si les
dépenses s’accroissent, elles entrainent un recours aux avances par l’Etat pour
financer son déficit budgétaire. Les dépenses du budget étant un instrument de
politique budgétaire, cette liaison montre combien la politique budgétaire affecte la
conduite de la politique monétaire. Mais, contrairement à nos attentes, les avances
de la Banque Centrale ne cousent pas significativement le niveau général des prix.
Cela est dû au fait que les prix sont influencés par beaucoup de facteurs et que la
contribution des avances de la Banque centrale n’est pas perceptible sur base de la
séries retenue. Cela vaut aussi pour les recettes fiscales.
La dette extérieure de l’Etat cause les crédits au secteur privé au sens de Granger. La
lecture que nous pouvons faire de cette relation est que si l’Etat contracte des dettes
à l’Etranger, il reçoit les devises qui pour être dépensées doivent être converties en
monnaie locale et augmentent de fait le niveau de la Base monétaire et partant le
niveau de la liquidité des banques. A leur tour, les banques accordent davantage de
crédit au secteur privé. La contraction d’une dette extérieure est donc susceptible
d’influencer l’objectif opérationnel de la politique monétaire et affecte ainsi sa
conduite.
Le taux sur les bons du Trésor à 13 semaines ne cause pas le taux débiteur alors que
la relation était sensée prévaloir. En effet, le taux de la facilité de prêt marginal de la
BRB est déterminé en ajoutant 3 points de pourcentage au taux moyen des bons du
Trésor à 13 semaines. Par conséquent, il y a absence de causalité entre le taux sur les
bons du Trésor et les crédits au secteur privé. En outre, les dépenses totales de l’Etat
ne causent pas le niveau des bons du Trésor à 13 semaines. C’est-à-dire que même en
cas de besoin pressant de financement du déficit de l’Etat, les banques préfèrent
prêter leurs fonds à des taux stables pour profiter du caractère sans risque de l’agent
Etat. La politique budgétaire ne peut donc pas affecter la conduite de la politique
monétaire à travers les taux d’intérêt.
Même si l’Etat n’influence pas les taux d’intérêt sur les bons du Trésor, il profite des
conditions du marché pour s’endetter. En effet, nous constatons que les dépenses
totales causent l’encours des titres publics détenus par les banques commerciales.
Cela est aussi corroboré par la présence de la causalité unidirectionnelle qui va des
taux sur les Bons du Trésor vers l’encours des bons du trésor. Puisque la politique
monétaire a le rôle de réguler la quantité de crédit accordé par le système bancaire,
elle est affectée par la présence de l’Etat sur ce marché des fonds prêtables.
Nous pouvons aussi observer une causalité croisée entre le taux de change et
l’inflation. Or, le taux de change est une affaire de la Banque centrale au moment où
les actions de l’Etat sont de nature à influencer l’inflation.
Dans notre analyse, nous avons constaté qu’il y a aussi une causalité unidirectionnelle
qui va du taux moyen débiteur vers l’indice des prix à la consommation. Cela signifie
que les taux débiteurs affectent le niveau général des prix mais qu’inversement, les
taux d’intérêt ne sont pas constamment indexés au niveau général des prix.
Comme indiqué ci-dessus, nous avons choisi d’étudier plus particulièrement les effets
de la politique monétaire au Burundi sur le secteur réel (activité et prix). C’est
pourquoi le modèle retenu va comporter 5 variables que sont le PIB (y), le taux
d’intérêt débiteur (TD), la masse monétaire au sens large (M2), le niveau des prix à la
consommation (P) et le taux de change nominal (E) du Bif par rapport au USD avec
cotation à l’incertain. Pour appréhender le canal du crédit, on pourra remplacer la
masse monétaire par le crédit au secteur privé (CR).
A(L)Xt = µt
(1)
µ est le vecteur des aléas structurels orthogonaux et non corrélés entre eux évoqués
auparavant1 :
C(L)Xt = αt (4)
α = Sµ (6)
D’après les équations (2), (4) et (5), nous pouvons écrire :
B(L) = D (7)
SS’ = Ω (9)
1
µt représente le choc sur une variable donnée.
Comme Ω est une matrice symétrique de dimension (5,5), on doit alors imposer n(n-
1)/2 restrictions supplémentaires à la matrice des coefficients où n est le nombre de
variable dans le modèle. Alors, 25 éléments de la matrice S peuvent être identifiés à
partir de l’équation précédente. Il est donc nécessaire d’introduire 10 contraintes
supplémentaires pour que le modèle structurel soit juste identifié.
Pour déterminer l’ordre d’intégration du VAR, nous utilisons le test courant de Dickey
Fuller Augmenté. Les résultats de ce test sont repris dans le tableau ci-après :
Il ressort de ce tableau que toutes les variables sont intégrées d’ordre 1. Les
paramètres du modèle peuvent donc être estimés sur des séries en différence
première.
Il ressort de ce tableau que le retard 1 minimise tous les critères retenus. Nous
concluons donc que le nombre de retard optimal pour notre modèle VAR est 1. Avant
d’utiliser un modèle, il faut se rassurer qu’il est stable.
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0
-1.5
-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5
Le modèle est stable car tous les points sont à l’intérieur du cercle unitaire.
.001
.000
.000
-.005
-.001
-.010
-.002
-.015
-.003
-.020 -.004
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
.10
.004
.05
.00 .000
-.05
-.004
-.10
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
6. Conclusion générale
Le Burundi n’est pas une économie de marché. Il y a absence totale de marché des
capitaux et les taux d’intérêt ne jouent pas le rôle prépondérant dans l’allocation des
ressources. C’est une économie d’endettement où les marchés sont sous-développés.
Dans ces conditions, l’octroi d’une indépendance totale à la Banque centrale
« divorce accompli » pourrait entraver la mise en œuvre des politiques budgétaires
expansionnistes car tous les instruments sont orientés vers un seul objectif qui est la
stabilité des prix et la Banque n’accorde point de crédit à l’Etat même en
temporairement. Dans un tel contexte, le comité de coordination doit adopter un
programme de travail bien serré pour que les deux politiques soient harmonisées et
se renforcent mutuellement.
Au niveau opérationnel, étant donné que la politique monétaire est basée sur le
ciblage des agrégats monétaires, la gestion de la liquidité à travers les instruments
d’open market constitue un instrument privilégié. A cet effet, la mise en place d’un
cadre approprié pour la prévision des soldes de trésorerie qui sont une composante
importante des conditions de liquidité dans le système est un impératif. La
coordination à ce niveau appelle le partage d’informations pour permettre à la
Banque centrale de garder le plein contrôle sur l’évolution globale des liquidités dans
le système à travers sa capacité de les influencer au moyen des instruments qui sont
à sa disposition. Aussi, la période de prévision de la Trésorerie de l’Etat et celle des
liquidités doivent être harmonisées pour éviter l’absence d’informations.
7. Bibliographie
2. Akhand, H (1998) "central bank independence and growth ": Canadian journal of economics, vol 31,1998, pp 303-317.
3. BENASSY-QUERE A., BOONE L., Les taux d’intérêt, Paris, La Découverte, 2003, 198p.
5. Alesina, A. and L.H. Summers (1993), «Central Bank Independence and Macroeconomic Performance: Some
Comparative Evidence», Journal of Money, Credit, and Banking, 25, pp.151-162.
7. GORDON H., SELLON J., (2004), “Expectations and the Monetary Policy Transmission Mechanism”,
in ECONOMIC REVIEW, Fourth Quarterly 2004, Vol. 89 n°4, pp. 5-41
8, Barro, R. J. and Gordon, D. B. (1983a), «A positive theory of monetary policy in a natural rate model»,
Journal of Political Economy, vol. 91, n. 4, pp. 589-610.
10. KOZIKI Sharom, (1994), « Why Do Central Banks Monitor so Many Inflation Indicators?” in
Economic Review, Vol. 86 n°3, pp. 5-42.
11. MARK W. (2006), “Interest rate Rules and Macroeconomic Stabilisation”, in LOUVAIN ECONOMIC
REVIEW, Vol. 72 n°2 Quarterly, pp. 195-204.
12. MISHKIN F., (1996): “ Les canaux de transmission monétaire: leçon pour la politique monétaire”,
Bulletin de la Banque de France, n° 27, mars.
13. MOJON B. et PEERSMAN G. (2001), “ A VAR description of the effects of monetary policy in the
individual countries of the Euro area.” In ECB working paper, www.ecb.int
14. NDENZAKO Jean, mars 1999, “L’efficacité relative des instruments de politique monétaire et
budgétaire sur l’activité économique au Burundi : Une étude de la structure polynomiale des retards
d’Almon. », in RIDEC, Vol.3 n°1, pp. 21-38.
15. WICKHAM P., « The choice of exchange rate regime in developing countries » ; in IMF
Staff Papers, Vol. 32, (juin 1985).