Les Mythes
Les Mythes
Les Mythes
LES MYTHES
Définitions :
- Sens « négatifs » : croyance imaginaire, voire mensongère, que l’on prend au sérieux
(syn. de fable, conte, mystification) ; représentation collective stéréotypée (le mythe
de la femme-objet).
- Sens « positifs » : récit extraordinaire relatant les aventures de dieux, demi-dieux ou
héros, survenues hors du temps de l’histoire, sur laquelle ils influent pourtant
(exemple des mythes de formation du monde ou de la destinée de l’âme après la mort).
- Sens « négatif » : conception imaginaire par laquelle on prétend expliquer des faits
réels.
- Sens strict : étude des mythes, des conditions de leur formation et de leur évolution.
- Sens large : ensemble des mythes véhiculés par une culture.
→ Le mythe est d’abord parlé et a des fonctions religieuses ; la mythologie relève d’une
mise en forme écrite des mythes et de leur introduction dans l’univers littéraire.
- A la différence des contes, le mythe a été ou est encore l’objet d’une croyance
religieuse (des autels furent consacrés à Hélène ou à Achille).
« Préparation à la philosophie dans un contexte biculturel de l’école au lycée » - Guatemala 11-13 janvier 2015
→ le mythe exige un retour au réel : Prométhée vola le feu aux dieux et ce feu, nous le
possédons depuis lors ; Pandore ou Eve apportent le mal sur terre.
→ « Le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans
le temps primordial, le temps fabuleux des « commencements ». Autrement dit, le mythe
raconte comment, grâce aux exploits des Etres Surnaturels, une réalité est venue à
l’existence, que ce soit la réalité totale, le Cosmos, ou seulement un fragment : une île,
une espèce végétale, un comportement humain, une institution » (Mircea Eliade, Aspects
du mythe).
La place de l’homme
- Le mythe assigne une place à l’homme : les mythes assurent la cohésion du groupe en
donnant une justification à l’ordre naturel et social du monde.
- Selon Georges Dumézil, dans son étude sur les Indo-Européens, les mythes ont un
substrat commun, le chiffre trois ; les activités humaines s’y répartissent en trois
groupes, chacun présidé par une divinité spécifique ; la société s’y définit d’après
l’existence de ces trois fonctions que sont le pouvoir souverain, la guerre et la
production. La société est constituée de prêtres, de guerriers et de producteurs. Les
panthéons des peuples indo-européens reflètent cette idéologie trifonctionnelle.
Exemple pour les dieux de l’Inde et les dieux gréco-romains :
« Préparation à la philosophie dans un contexte biculturel de l’école au lycée » - Guatemala 11-13 janvier 2015
Apprivoiser l’ailleurs
- Caractère universel, intemporel des mythes et mythologies (cf. Roland Barthes dans
Mythologies) qui subsistent dans la société moderne. Il peut être intéressant de faire
travailler les élèves sur les références implicites et explicites aux mythes dans le
calendrier, les prénoms, la géographie, le vocabulaire, etc.
Le calendrier : les mois (janvier : « Janus », divinité aux deux visages), les jours
(lundi : la lune, mardi : mars, mercredi : Mercure…)
Les marques commerciales (la voiture Clio, le journal L’Argus…)
Les prénoms (Achille, Daphné, Diane, Hector…)
La géographie (le fleuve Amazone d’Amérique du Sud, la chaîne montagneuse
L’Atlas d’Afrique du Nord…)
Le vocabulaire et les expressions (écho, force herculéenne, découvrir le talon
d’Achille de son adversaire, ouvrir la boîte de Pandore, trouver le fil d’Ariane…)
Dans la tradition platonicienne (cf. Gorgias), la bonne rhétorique est celle qui vise le
bien, le vrai et qui rend les hommes meilleurs. Le bon usage de la rhétorique en fait un outil
au service de la philosophie : un ensemble de techniques auquel le maitre peut recourir pour
inciter son élève à philosopher. L’utilisation des mythes peut être considéré comme un bon
usage de la rhétorique. Dans de nombreux dialogues, Socrate invente un mythe dont il se
sert pour faciliter la compréhension de son interlocuteur : le mythe des cigales dans Phèdre, le
mythe de la naissance d’Eros dans Le Banquet, le mythe de l’anneau de Gygès dans La
République, etc.
La question est de savoir comment atteindre, révéler la vérité. L’accès à la vérité est-il
seulement rationnel ? Le mythe dit quelque chose qui ne pourrait être dit autrement. Si
muthos et logos s’opposent d’un certain point de vue, ils se rejoignent d’un autre point de vue.
Le muthos n’est pas seulement fabulateur : il permet d’accéder à une vérité que le logos seul
ne permet pas de saisir. Le mythe, s’il est guidé par la philosophie, peut mener à une
meilleure compréhension d’une vérité à laquelle on ne pourrait accéder autrement. Le mythe
mobilise l’imagination et les affects ; le bon usage de la rhétorique permet de faire
comprendre certaines choses que le discours rationnel et argumentatif ne peut pas toujours
exprimer de manière adéquate.
Luc Ferry, Dans le tome 2 d’Apprendre à vivre. La sagesse des mythes, reprend la thèse de
Vernant et montre que la philosophie est une sécularisation de la religion. Les philosophes
passent du sacré au profane. Il s’agit d’en finir avec les entités divines et religieuses pour
s’intéresser aux réalités naturelles et physiques. Il s’agit donc moins de rompre avec la
religion que d’en réaménager les contenus. Rupture et continuité. Idée que la philosophie
n’est pas seulement un art de la réflexion, de l’esprit critique, de l’argumentation qu’on trouve
également dans les sciences. La réflexion critique n’est pas l’apanage de la philosophie.
Ce que la mythologie lègue à la philosophie, c’est que la question essentielle est de savoir
« Préparation à la philosophie dans un contexte biculturel de l’école au lycée » - Guatemala 11-13 janvier 2015
comment parvenir à une vie bonne au sein du cosmos. L’interrogation fondamentale des
philosophies est déjà préformée par le mythe, la mythologie est le premier moment de la
philosophie : il s’agit de savoir comment vaincre les peurs liées à la finitude pour parvenir à
la sagesse, c’est-à-dire au salut, à la sérénité, au bonheur, à la liberté. La philosophie est une
doctrine du salut sans Dieu : une tentative pour se sauver des peurs sans recourir ni à la foi
ni à un être suprême, en exerçant sa simple raison et en essayant de s’en tirer par soi-même
par ses propres efforts de pensée. La philosophie est une tentative de réponse laïque à la
question de la vie bonne. Sagesse pour les mortels, une spiritualité laïque.
Selon Claude Lévi-Strauss enfin, les mythes manifestent dans leur structure des systèmes
d’oppositions qui relèvent d’une logique universelle de l’esprit humain. Entre la pensée
mythique et la pensée rationnelle il y a une différence dans les formes d’expression, mais non
une différence de nature.