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MatricesPositives

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Matrices positives et irréductibles

Jean Etienne ROMBALDI

25 novembre 2007
ii
Table des matières

1 Matrices positives et irréductibles 1


1.1 Rappels sur les normes matricielles et le rayon spectral . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Matrices positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Matrices strictement positives et théorème de Perron-Frobénius . . . . . . . . . 8
1.4 Matrices de permutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.5 Matrices irréductibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.6 Matrices primitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.7 Matrices stochastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.8 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

iii
iv
1

Matrices positives et irréductibles

On désigne par K le corps des réels ou des complexes.


Si n, m sont deux entiers naturels non nuls, on désigne par Mn,m (K) l’espace vectoriel des
matrices à n lignes et m colonnes à coefficients dans K.
Pour n = m, on note Mn (K) pour Mn,n (K) .
Un vecteur de Kn est identifié à un élément de Mn,1 (K) .
Pour A = ((ai,j )) 1≤i≤n dans Mn,m (K) et x = (xi )1≤i≤m dans Km , on note (Ax)i la compo-
1≤j≤m
sante numéro i du vecteur Ax.
Pour toute matrice A = ((ai,j )) dans Mn,m (K) , on note
1≤i≤n
1≤j≤m

|A| = ((|ai,j |)) .


1≤i≤n,
1≤j≤m

Pour toute matrice A = ((ai,j ))1≤i,j≤n dans Mn (K) et pour 1 ≤ p < q ≤ n, on note
Ap,q = ((aij ))p≤i,j≤q une sous-matrice principale de A.

1.1 Rappels sur les normes matricielles et le rayon spectral


On rappelle les résultats suivants (voir [2]).
Pour toute norme x 7→ kxk sur Kn , l’application :
A 7→ kAk = sup kAxk
kxk=1

définit une norme sur Mn (K).


La norme matricielle induite par k·k∞ est définie par :
n
X
∀A ∈ Mn (K) , kAk∞ = max |aij | .
1≤i≤n
j=1

La norme matricielle induite par k·k1 est définie par :


n
X ° °
∀A ∈ Mn (K) , kAk1 = max |aij | = ° t A°∞ .
1≤j≤n
i=1

Si A est une matrice carrée d’ordre n à coefficients complexes, alors son rayon spectral est
le réel :
ρ (A) = max |λ| ,
λ∈Sp(A)

1
2 Matrices positives et irréductibles

où Sp (A) désigne l’ensemble des valeurs propres complexes de A.


Pour toute norme matricielle induite par une norme vectorielle, on a :
ρ (A) ≤ kAk .
Quelle que soit la norme choisie sur Mn (C) , on a :
³° ° 1 ´
ρ (A) = lim °Ak ° k . (1.1)
k→+∞

L’application ρ est continue de Mn (C) dans R (voir [2], théorème 4.15).

1.2 Matrices positives


Définition 1.1 Une matrice A dans Mn,m (R) est dite positive [resp. strictement positive] et
on note A ≥ 0 [resp. A > 0], si tous ses coefficients sont positifs ou nuls [resp. strictement
positifs].
Si A, B sont deux matrices dans Mn,m (R) la notation A ≥ B [resp. A > B, ou A ≤ B,
ou A < B] signifie que la matrice A − B est positive [resp. A − B est strictement positive, ou
B − A est positive ou B − A est strictement positive].
µ ¶
1 0
Remarque 1.1 En considérant la matrice A = , on voit que les conditions A ≥ 0 et
0 0
A 6= 0 n’entraînent pas A > 0.
Lemme 1.1 Si z1 , · · · , zn sont des nombres complexes tels que :
¯ n ¯
¯X ¯ X n
¯ ¯
¯ zk ¯ = |zk | , (1.2)
¯ ¯
k=1 i=1

alors il existe un réel θ tels que :


∀k ∈ {1, · · · , n} , zk = |zk | eiθ .
Démonstration. Si tous les zk (1 ≤ k ≤ n) sont nuls, alors le résultat est trivial avec
n’importe quel réel θ.
On suppose donc qu’il existe au moins un vecteur zk non nul et on note I l’ensemble des
indices k compris entre 1 et n tels que zk 6= 0. Pour tout k ∈ I, chaque zk peut s’écrire
zk = ρk eiθk avec ρk = |zk | > 0 et θk ∈ ]−π, π] et on a :
 ¯ ¯

 ¯ P ¯2 P P
 ¯¯ zk ¯¯ =
 |zk |2 + ρj ρk cos (θj − θk ) ,
k∈I k∈I j6=k
µ ¶2

 P P P

 |zk | = |zk |2 + ρj ρk
k∈I k∈I j6=k

et l’égalité (1.2) équivaut à :


X
ρj ρk (1 − cos (θj − θk )) = 0.
j,k∈I, j6=k

Tous les termes de cette somme étant positifs ou nuls avec ρj ρk > 0, on en déduit que
cos (θj − θk ) = 1 pour j 6= k dans I, avec −π < θj − θk ≤ π, ce qui équivaut à θj = θk .
En notant θ cette valeur commune on peut prendre θk = θ pour les indices k tels que ρk = 0 et
on a alors zk = ρk eiθ = |zk | eiθ pour tout entier k compris entre 1 et n.
Avec le résultat qui suit on résume quelques propriétés élémentaires des matrices positives.
Matrices positives 3

Théorème 1.1
(i) Pour toute matrice A dans Mn,m (K) , la matrice |A| est positive et |A| = 0 si et seulement
si A = 0.
(ii) Pour toute matrice A dans Mn,m (K) et tout scalaire λ, on a |λA| = |λ| |A| .
(iii) Pour toutes matrices A, B dans Mn,m (K) , on a |A + B| ≤ |A| + |B| .
(iv) Pour toutes matrices A dans Mn,m (K) et B dans Mm,r (K) , on a |AB| ≤ |A| |B| .
(v) Si A ∈ Mn,m (R) est positive et B ∈ Mm,r (R) strictement positive, alors AB = 0 entraîne
A = 0.
(vi) Si A ∈ Mn,m (R) est strictement positive et x ∈ Rm est positif non nul, alors Ax est
strictement positif.
(vii) Si A, B dans Mn,m (R) et A0 , B 0 dans Mm,r (R) sont telles que 0 ≤ A ≤ B et 0 ≤ A0 ≤ B 0 ,
alors 0 ≤ AA0 ≤ BB 0 .
¯ ¯
(viii) Si A, B dans Mn (K) sont telles que |A| ≤ B, alors ¯Ak ¯ ≤ |A|k ≤ B k pour tout entier
naturel k.
(ix) Si A ∈ Mn,m (R) strictement positive et B ∈ Mm,r (K) sont telles que |AB| = A |B| ,
alors il existe des réels θ1 , · · · , θr tels que B = |B| ∆, où ∆ est la matrice diagonale de
termes diagonaux eiθ1 , · · · , eiθr .
(x) Si A ∈ Mn,m (K) est telle qu’il existe un vecteur x strictement positif dans Rm tel que
Ax = |A| x, alors A = |A| .

Démonstration. Les points (i) et (ii) sont évidents.


Le point (iii) se déduit des inégalités |ai,j + bi,j | ≤ |ai,j | + |bi,j | pour 1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤ m.
Les inégalités : ¯ ¯
¯X m ¯ X m
¯ ¯
¯ ai,k bk,j ¯ ≤ |ai,k | |bk,j |
¯ ¯
k=1 k=1
¯ ¯
¯Pm ¯ Pm
pour 1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤ r, où ¯¯ ai,k bk,j ¯¯ est coefficient d’indice (i, j) de |AB| et |ai,k | |bk,j |
k=1 k=1
celui de |A| |B| , signifient que |AB| ≤ |A| |B| .
L’égalité AB = 0 équivaut à :
Xm
ai,k bk,j = 0
k=1

pour 1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤ r, et pour A, B positives cela équivaut à ai,k bk,j = 0 pour tout k


compris entre 1 et m, équivalent à ai,k = 0 si de plus B est strictement positive, c’est-à-dire
que A = 0.
Si x est un vecteur positif non nul alors il existe un entier k compris entre 1 et m tel que
xk > 0 et pour tout i compris entre 1 et n, on a :
m
X
(Ax)i = ai,j xj ≥ ai,k xk > 0
j=1

si la matrice A est strictement positive. On a donc Ax > 0 si 0 < A, 0 ≤ x et x 6= 0.


Si les matrices A et A0 sont positives alors la matrice AA0 est également positive et en
écrivant que :
BB 0 − AA0 = B (B 0 − A0 ) + (B − A) A0 ,
4 Matrices positives et irréductibles

on déduit que si A ≤ B, A0 ≤ B 0 , avec A0 , B positives, alors AA0 ≤ BB 0 .


L’assertion (viii) se montre facilement par récurrence avec (iv) et (vii) .
L’égalité |AB| = A |B| avec A strictement positive équivaut à :
¯ ¯
¯Xm ¯ X m
¯ ¯
¯ apk bkq ¯ = apk |bkq |
¯ ¯
k=1 k=1

pour tout p compris entre 1 et n et q compris entre 1 et r. Pour


¯ m p, q¯ fixés, la suite (zk )1≤k≤m de
¯P ¯ P m
nombres complexes définie par zk = apk bkq est donc telle que ¯¯ zk ¯¯ = |zk | , ce qui équivaut
k=1 k=1
à l’existence d’un réel θpq tel que zk = eiθpq |zk | pour tout k compris entre 1 et m (lemme 1.1).
On a donc :
apk bkq = eiθpq |apk bkq | = apk eiθpq |bkq |
ce qui avec apk > 0 équivaut à :
bkq = eiθpq |bkq | .
En fixant p et en notant θq pour θpq , cela s’écrit B = |B| ∆, où ∆ est la matrice diagonale de
termes diagonaux eiθ1 , · · · , eiθr .
Soient A = ((ai,j )) 1≤i≤n ∈ Mn (K) et x ∈ Rm tels que Ax = |A| x. On a alors pour tout i
1≤j≤m
compris entre 1 et n :
m
X
(|ai,j | − ai,j ) xj = 0
j=1

et si de plus x est strictement positif, cela équivaut à :

|ai,j | = < (ai,j ) , = (ai,j ) = 0,

c’est-à-dire à A = |A| .
Du point (viii) du lemme précédent, on déduit le résultat suivant.

Théorème 1.2 Si A, B dans Mn (C) sont telles que |B| ≤ A, alors :

ρ (B) ≤ ρ (|B|) ≤ ρ (A) .


¯ ¯
Démonstration. Pour |B| ≤ A, on a ¯B k ¯ ≤ |B|k ≤ Ak pour tout k ≥ 1 et en conséquence :
° k° ° ° ° k°
°B ° ≤ ° ° |B| k°
° ≤ °A ° ,
∞ ∞ ∞

1
soit avec la croissance de t 7→ t k sur R+ :
° k ° k1 ° °1 ° k ° k1
∀k ≥ 1, °B ° ≤ ° ° |B| k° k
° ≤ °A ° .
∞ ∞ ∞

Il suffit alors de faire tendre k vers l’infini en utilisant l’égalité (1.1) .

Corollaire 1.1 Si A, B dans Mn (R) sont telles que 0 ≤ A ≤ B, alors :

ρ (A) ≤ ρ (B) .
Matrices positives 5

Corollaire 1.2 Si A est une matrice réelle positive d’ordre n, alors pour toute sous-matrice
principale Ap,q = ((aij ))p≤i,j≤q de A, on a ρ (Ap,q ) ≤ ρ (A) .
En particulier, on a :
max aii ≤ ρ (A) .
1≤i≤n

Démonstration. On a :
 
0 0 0
0 ≤ B =  0 Ap,q 0  ≤ A
0 0 0
et donc ρ (B) = ρ (Ap,q ) ≤ ρ (A) .
Remarque 1.2 Les inégalités aii ≤ ρ (A) ne sontµpas nécessairement
¶ vérifiées si
µ la matrice
¶ A
α β 0 1
n’est pas positive. Par exemple toute matrice A = semblable à J = a un
γ −α µ ¶ 0 0
a b
rayon spectral nul et une telle matrice s’écrit, en notant P = une matrice inversible :
c d
µ ¶
−1 1 dc d2
A = P JP = .
ad − bc −c2 −dc
En prenant dc > 0, on a a11 > ρ (A) = 0.
Corollaire 1.3 Si A, B dans Mn (R) sont telles que 0 ≤ A < B, alors :
ρ (A) < ρ (B) .
Démonstration. Si ρ (A) = 0, alors ρ (B) ≥ max bii > 0 du fait que B est strictement
1≤i≤n
positive.
aij
Pour tous i, j compris entre 1 et n, on a 0 ≤ < 1, on peut donc trouver un réel λ > 0 tel
bij µ ¶
aij 1 1 1
que < λ < 1, soit aij < bij . On a donc 0 ≤ A < B et ρ A ≤ ρ (B) ce qui entraîne
bij λ λ λ
pour ρ (A) > 0 : µ ¶
1 1
ρ (A) < ρ (A) = ρ A ≤ ρ (B) ,
λ λ
et donc ρ (A) < ρ (B) .
Théorème 1.3 Soit A une matrice positive dans Mn (R) telle que la somme des termes de
chaque ligne [resp. colonne] est constante égale à α. Le réel α est alors une valeur propre de A
et :
ρ (A) = α = kAk∞ [resp. ρ (A) = α = kAk1 ]
Pn
Démonstration. Les égalités aij = α pour tout i compris entre 1 et n reviennent à dire
j=1
 
1
 .. 
que le vecteur e =  .  ∈ Rn est vecteur propre de la matrice A associé à la valeur propre
1
α. La matrice A et le réel α étant positifs, on a alors :
n
X
α ≤ ρ (A) ≤ kAk∞ = max aij = α,
1≤i≤n
j=1
6 Matrices positives et irréductibles

soit α = ρ (A) = kAk∞ .


En raisonnant avec la transposée de la matrice A et en utilisant le fait qu’une matrice et
sa transposée ont mêmes valeurs propres, on obtient le deuxième résultat en considérant que
kt Ak∞ = kAk1 .

Corollaire 1.4 Pour toute matrice positive A dans Mn (R) , on a :


à n ! à n !
X X
inf aij ≤ ρ (A) ≤ sup aij ,
1≤i≤n 1≤i≤n
j=1 j=1
à n ! à n !
X X
inf aij ≤ ρ (A) ≤ sup aij .
1≤j≤n 1≤j≤n
i=1 i=1

P
n
Démonstration. Pour tout i compris entre 1 et n, on note αi = aij et :
j=1

α = inf (αi ) , β = sup (αi ) .


1≤i≤n 1≤i≤n

On montre tout d’abord qu’on peut construire une matrice B = ((bi,j ))1≤i,j≤n dans Mn (R)
telle que 0 ≤ B ≤ A et :
n
X
∀i ∈ {1, · · · , n} , bij = α.
j=1

P
n
Si α = 0, en prenant B = 0, on a bien 0 ≤ B ≤ A et bij = 0 = α pour tout i compris entre
j=1
1 et n.
Si α = inf (αi ) > 0, alors tous les αi sont strictement positifs et en posant :
1≤i≤n

α
bij = aij (1 ≤ i, j ≤ n)
αi
on a 0 ≤ bij ≤ aij pour tous i, j compris entre 1 et n, soit 0 ≤ B ≤ A et pour tout i compris
entre 1 et n : n n
X α X
bij = aij = α.
j=1
α i j=1

On en déduit alors que


α = ρ (B) ≤ ρ (A) ≤ kAk∞ = β.
En raisonnant avec t A, considérant que ρ (t A) = ρ (A) et kt Ak∞ = kAk1 , on obtient le deuxième
encadrement.
P
n P
n
Corollaire 1.5 Si A est une matrice positive dans Mn (R) telle aij > 0 [resp. aij > 0]
j=1 i=1
pour tout i [resp. j] compris entre 1 et n, alors ρ (A) > 0.
En particulier une matrice strictement positive a son rayon spectral strictement positif.

Remarque 1.3 Si ρ (A) = 0, alors toutes les valeurs propres de A sont nulles et la trace de
A qui est la somme des valeurs propres est également nulle. Pour A strictement positive, on a
Pn
donc Tr (A) = aii > 0 et ρ (A) > 0.
i=1
Matrices positives 7

Corollaire 1.6 Si A est une matrice positive dans Mn (R) telle que Ak soit strictement posi-
tive pour un entier k ≥ 1, alors ρ (A) > 0.

¡ Démonstration.
¢ Du théorème de trigonalisation
¡ ¢ des matrices complexes, on déduit que
ρ Ak = (ρ (A))k , puis Ak > 0 donne ρ Ak > 0 et ρ (A) > 0.

Théorème 1.4 Pour toute matrice positive A dans Mn (R) et tout vecteur x strictement positif
dans Rn , on a :
(Ax)i (Ax)i
inf ≤ ρ (A) ≤ sup .
1≤i≤n xi 1≤i≤n xi

Démonstration. On note :
(Ax)i (Ax)i
r (A, x) = inf , s (A, x) = sup ,
1≤i≤n xi 1≤i≤n xi

On désigne par Dx la matrice diagonale de termes diagonaux x1 , · · · , xn et on utilise le corollaire


1.4 avec la matrice positive Dx−1 ADx . La multiplication à droite par Dx a pour effet de multiplier
chaque colonne j de la matrice A par xj et la multiplication à gauche par Dx−1 a pour effet de
diviser chaque ligne i de la matrice A par xi , de sorte que :
µ ¶
−1 xj
Dx ADx = aij ,
xi

ce qui entraîne :
n
X n
X
xj ¡ ¢ xj
r (A, x) = inf aij ≤ ρ Dx−1 ADx = ρ (A) ≤ sup aij = s (A, x) .
1≤i≤n
j=1
xi 1≤i≤n
j=1
xi

Remarque 1.4 On a aussi :


n
X n
X
aij aij
inf xj ≤ ρ (A) ≤ sup xj .
1≤j≤n
i=1
xi 1≤j≤n
i=1
xi

Corollaire 1.7 Soit A une matrice positive dans Mn (R) . Si il existe un vecteur x strictement
positif et deux constantes réelles positives ou nulles α, β telles que αx ≤ Ax ≤ βx [resp.
αx < Ax < βx], alors α ≤ ρ (A) ≤ β [Resp. α < ρ (A) < β].

Démonstration. L’inégalité αx ≤ Ax ≤ βx équivaut à αxi ≤ (Ax)i ≤ βxi pour tout i


compris entre 1 et n, ce qui entraîne :

(Ax)i (Ax)i
α ≤ inf ≤ ρ (A) ≤ sup ≤ β.
1≤i≤n xi 1≤i≤n xi

On procède de même pour les inégalités strictes.


8 Matrices positives et irréductibles

Corollaire 1.8 Soit A une matrice positive dans Mn (R) . Si la matrice A admet un vecteur
propre strictement positif, alors la valeur propre associée est ρ (A) et :
(Ax)i
ρ (A) = sup inf
x>0 1≤i≤n xi
(Ax)i
= inf sup .
x>0 1≤i≤n xi

Démonstration. On note, pour tout vecteur x strictement positif :


(Ax)i (Ax)i
r (A, x) = inf , s (A, x) = sup ,
1≤i≤n xi 1≤i≤n xi

(Ax)i
et on a r (A, x) ≤ ρ (A) ≤ s (A, x) (théorème 1.4), ce qui entraîne l’existence de sup inf
x>0 1≤i≤n xi
(Ax)i
et inf sup .
x>0 1≤i≤n xi
Si, de plus x est un vecteur propre strictement positif de A, alors la valeur propre α associée
est réelle positive et avec :
(Ax)i (Ax)i
α = inf ≤ ρ (A) ≤ sup = α,
1≤i≤n xi 1≤i≤n xi

(Ax)i (Ax)i
on déduit que α = ρ (A) = sup inf = inf sup .
x>0 1≤i≤n xi x>0 1≤i≤n xi

1.3 Matrices strictement positives et théorème de Perron-


Frobénius
Lemme 1.2 Soit A une matrice strictement positive dans Mn (R) . Si x est un vecteur propre
non nul de A associé à une valeur propre λ telle que |λ| = ρ (A) , alors ρ (A) est valeur propre
de A avec |x| comme vecteur propre associé. Le vecteur |x| est strictement positif et il existe un
réel θ tel que x = eiθ |x| .

Démonstration. On a ρ (A) > 0 du fait que A > 0.


De Ax = λx avec |λ| = ρ (A) , on déduit que :

ρ (A) |x| = |λx| = |Ax| ≤ |A| |x| = A |x| , (1.3)

ce qui entraîne que le vecteur y = A |x| − ρ (A) |x| est positif. Si ce vecteur est non nul, alors
Ay > 0 (point (vi) du théorème 1.1), ce qui signifie en notant z = A |x| que ρ (A) z < Az avec
z > 0 (le vecteur x est non nul) qui entraîne ρ (A) < ρ (A) (corollaire 1.7), soit une impossibilité.
On a donc y = 0, c’est-à-dire A |x| = ρ (A) |x| , ce qui signifie que ρ (A) est valeur propre de A
1
avec |x| comme vecteur propre associé. De plus avec |x| = A |x| , on déduit que |x| > 0.
ρ (A)
Enfin de (1.3) , on déduit que A |x| = |Ax| et donc qu’il existe un réel θ tel que x = eiθ |x|
(point (ix) du théorème 1.1 avec B = x).

Théorème 1.5 (Perron-Frobenius) Si A est une matrice strictement positive dans Mn (R)
alors ρ (A) est l’unique valeur propre de A de module maximum et l’espace propre associé est
une droite vectorielle engendrée par un vecteur strictement positif.
Matrices strictement positives et théorème de Perron-Frobénius 9

Démonstration. Dans la démonstration du lemme précédent on a vu que si λ est une valeur


propre de la matrice A telle que |λ| = ρ (A) et si x est un vecteur propre non nul associé, alors
x = eiθ |x| avec A |x| = ρ (A) |x| . Le rayon spectral ρ (A) est donc valeur propre de A. De plus,
avec : ¡ ¢
λx = Ax = A eiθ |x| = eiθ A |x| = eiθ ρ (A) |x| = ρ (A) x,
on déduit que λx = ρ (A) x avec x 6= 0, et λ = ρ (A) . Donc ρ (A) est l’unique valeur propre de
A de module maximal.
En notant Eρ(A) l’espace propre associé à la valeur propre ρ (A) , tout vecteur non nul x dans
Eρ(A) est tel que |x| > 0 et aucune des composantes de x n’est nulle. S’il existe deux vecteurs
x, y linéairement indépendants dans Eρ(A) , alors le ¡vecteur
¢ z = x1 y − y1 x est non nul dans Eρ(A)
avec z1 = 0, ce qui est impossible. On a donc dim Eρ(A) = 1.

Corollaire 1.9 Si A est une matrice strictement positive dans Mn (R) alors il existe une
unique vecteur propre associé à la valeur propre ρ (A) dans le compact F = {x ∈ Rn | x ≥ 0, kxk1 = 1} .

1
Démonstration. On a vu que Eρ(A) = Rx avec x > 0. Le vecteur v = x est alors
kxk1
l’unique élément de F ∩ Eρ(A) .
Le vecteur x ∈ F ∩ Eρ(A) est appelé, le vecteur de Perron de la matrice strictement positive
A.
En utilisant la densité de l’ensemble des matrices strictement positives dans l’ensemble des
matrices positives, on déduit le résultat suivant.

Corollaire 1.10 Si A est une matrice positive dans Mn (R) alors ρ (A) est valeur propre de
A et il existe un vecteur propre associé non nul positif.

Démonstration. Pour tout entier naturel non nul k, on pose :


µµ ¶¶
1
Ak = aij +
k 1≤i,j≤n

et on désigne par xk le vecteur de Perron de la matrice strictement positive Ak . On a lim Ak =


k→+∞
A et avec la continuité du rayon spectral, on déduit que lim ρ (Ak ) = ρ (A) . D’autre part, la
k→+∞ ¡ ¢
suite (xk )k≥1 étant dans le compact F, on peut en extraire une sous suite xϕ(k) k≥1 convergente
vers un vecteur x ≥ 0 et on a :
¡ ¢
Ax = lim Aϕ(k) xϕ(k) = lim ρ Aϕ(k) xϕ(k) = ρ (A) x,
k→+∞ k→+∞

c’est-à-dire que x est un vecteur propre non nul (puisque kxk1 = 1) positif de A associé à la
valeur propre ρ (A) .

Corollaire 1.11 Si A est une matrice positive dans Mn (R) alors :

ρ (In + A) = 1 + ρ (A) .

Démonstration. Pour toute matrice A dans Mn (K) , on a :

Sp (In + A) = {1 + λ | λ ∈ Sp (A)}

et donc ρ (In + A) ≤ 1 + ρ (A) .


10 Matrices positives et irréductibles

Si de plus A est positive, alors ρ (A) est valeur propre de A, donc 1 + ρ (A) est valeur propre
de In + A et 1 + ρ (A) ≤ ρ (In + A) , d’où l’égalité.
Le théorème de Perron-Frobénius associé au théorème de Gerschgörin et Hadamard (voir
[2], théorème 2.35), nous permet d’obtenir le résultat suivant de localisation des valeurs propres
d’une matrice.
Pour tout nombre complexe a et tout réel positif r, on note :

D (a, r) = {z ∈ C | |z − a| ≤ r}

le disque fermé de centre a et de rayon r.

Corollaire 1.12 Soient A une matrice complexe dans Mn (C) et B une matrice positive dans
Mn (R) telle que |A| ≤ B. Toutes les valeurs propres de A sont dans la réunion des disques de
centre aii et de rayon ρ (B) − bii , soit :
n
[
Sp (A) ⊂ D (aii , ρ (B) − bii ) .
i=1

Démonstration. Supposons dans un premier temps que la matrice B soit strictement po-
sitive.
Si x est le vecteur de Perron de B, alors pour tout entier i compris entre 1 et n, on a :
n
X n
X
|aij | xj ≤ bij xj = (ρ (B) − bii ) xi ,
j=1 j=1
j6=i j6=i

soit : n
1 X
|aij | xj ≤ ρ (B) − bii .
xi j=1
j6=i

D’autre part, le théorème de Gerschgörin-Hadamard nous dit que si λ ∈ C est une valeur propre
P
n
de la matrice C, alors il existe un indice i compris entre 1 et n tel que |λ − cii | ≤ |cij | .
j=1, j6=i
La matrice A ayant les mêmes valeurs propres que la matrice Cx = Dx−1 µ ADx ,¶où Dx est la
xj
matrice diagonale de termes diagonaux x1 , · · · , xn (c’est-à-dire que Cx = aij ), on déduit
xi
que pour toute valeur propre λ ∈ C de A, il existe un indice i tel que :
n
X n
1 X
|λ − aii | = |λ − cii | ≤ |cij | = |aij | xj ≤ ρ (B) − bii ,
j=1
x i j=1
j6=i j6=i

ce qui donne le résultat annoncé.


Si la matrice B est positive, non strictement positive, on désigne pour tout réel ε > 0 par
Bε la matrice Bε = ((bij + ε)) et on a Bε > A, donc :
n
[
Sp (A) ⊂ D (aii , ρ (Bε ) − bii − ε) .
i=1

Avec la continuité du rayon spectral, on en déduit alors le résultat.


Du théorème de Perron-Frobénius on déduit également le résultat suivant.
Matrices strictement positives et théorème de Perron-Frobénius 11

Corollaire 1.13 Une matrice strictement positive dans Mn (R) ne peut avoir deux vecteurs
propres positifs linéairement indépendants.

Démonstration. Soit y un vecteur propre positif non nul associé à une valeur propre λ de
A.
On a Ay > 0 et il existe un indice i compris entre 1 et n tel que (Ay)i = λyi avec yi > 0, ce
1
qui entraîne que λ > 0 et y = Ay > 0.
λ
Du corollaire 1.8, on déduit que nécessairement λ = ρ (A) et le théorème de Perron-Frobénius
nous permet alors de conclure.

Lemme 1.3 Soit A une matrice strictement positive dans Mn (R) . Si x est un vecteur propre
strictement positif de A associé à la valeur propre ρ (A) , alors il existe alors un unique vecteur
y strictement positif qui est vecteur propre de t A associé à la valeur propre ρ (t A) = ρ (A) tel
que t yx = 1.

Démonstration. La matrice t A est strictement positive avec ρ ( t A) = ρ (A) , l’espace propre


associé à la valeur propre ρ (A) de t A est donc une droite vectorielle dirigée par un vecteur
1
z > 0. En posant y = t z, on a y > 0, t Ay = ρ (A) y et t yx = 1.
zx
1
Réciproquement, si Ay = ρ (A) y avec y > 0, t yx = 1, alors y = αz avec α = t , ce qui
t
zx
prouve l’unicité du vecteur y.
Avec les notations et hypothèses du lemme précédent, on désigne par L la matrice d’ordre n
définie par :
L = x t y = ((xi yj ))1≤i,j≤n .
On désigne par Eρ(A) l’espace propre associé à la valeur propre ρ (A) de A (matrice stricte-
0
ment positive) et par Eρ(A) l’espace propre associé à la valeur propre ρ ( t A) = ρ (A) de t A.
Avec le lemme qui suit, on résume quelques propriétés de cette matrice L.

Lemme 1.4 (i) La matrice L est indépendante du choix du vecteur x.


(ii) La matrice L est strictement positive de rang 1.
(iii) Lx = x, t Ly = y.
(iv) Pour tout entier naturel k non nul, on a :
µ ¶k µ ¶k
k k k k 1 1
L = L, A L = LA = ρ (A) L, A−L = A − L.
ρ (A) ρ (A)

(v) L est la matrice de la projection sur la droite vectorielle Eρ(A) parallèlement à l’hyperplan :
© ª
H = z ∈ Cn | t yz = 0 .
0
Démonstration. (i) On a Eρ(A) = Cx, Eρ(A) = Cy, avec x > 0, y > 0 et t yx = 1.
Si (x0 , y 0 ) est un autre couple de vecteurs vérifiant ces propriétés, alors x0 = αx, y 0 = βy,
avec α > 0, β > 0, 1 = t y 0 x0 = αβ t yx = αβ et :

x0 t y 0 = αβx t y = x t y = L.

(ii) Les vecteurs x et y étant strictement positifs, il en est de même de la matrice L. De


plus, pour j compris entre 1 et n, la colonne numéro j de L est yj x > 0, il en résulte que L est
de rang 1 avec Im (L) = Cx = Eρ(A) .
12 Matrices positives et irréductibles

(iii) Avec l’associativité du produit matriciel, on peut écrire :


¡ ¢ ¡ ¢
Lx = x t yx = t yx x = x
t
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
Ly = y t xy = t xy y = t t yx y = y.

(iv) On a L2 = x ( t yx) t y = ( t yx) (x t y) = L et par récurrence Lk = L pour tout k ≥ 1.


De Ax = ρ (A) x, on déduit que Ak x = ρ (A)k x pour tout k ≥ 1 et :

Ak L = Ak x t y = ρ (A)k x t y = ρ (A)k L.

De même avec t Ay = ρ (A) y, on obtient :


³¡ ¢ ´ ³ ´
k
LAk = x t yAk = x t t A y = x t ρ (A)k y = ρ (A)k L.

La dernière relation peut se montrer par récurrence sur k ≥ 1. Le résultat est évident pour
k = 1 et en le supposant acquis pour k ≥ 1, on a :
µ ¶k+1 µ ¶ õ ¶k !
1 1 1
A−L = A−L A −L
ρ (A) ρ (A) ρ (A)
µ ¶k+1
1 1 1
= A − k
LAk − AL + L2
ρ (A) ρ (A) ρ (A)
µ ¶k+1
1 1 1
= A − k
ρ (A)k L − ρ (A) L + L
ρ (A) ρ (A) ρ (A)
µ ¶k+1
1
= A − L.
ρ (A)

(v) On a L2 = L, Im (L) = Eρ(A) et le noyau de L est donné par :


© ª © ¡ ¢ ª
Ker (L) = z ∈ Cn | x t yz = 0 = z ∈ Cn | t yz x = 0 = H,

c’est-à-dire que L est la projection sur Eρ(A) parallèlement à H.

Théorème 1.6 Avec les notations et hypothèses du lemme 1.3, on a :


µ ¶k
1
lim A = L = x t y.
k→+∞ ρ (A)
µ ¶k µ ¶k
1 1
Démonstration. Avec A −L= A−L pour k ≥ 1, il suffit de montrer
ρ (A) ρ (A)
1
que la matrice A − L a un rayon spectral strictement inférieur à 1, ce qui revient à dire
ρ (A)
que ρ (A − ρ (A) L) < ρ (A) .
Si λ est un valeur propre non nulle de B = A − ρ (A) L et z est un vecteur propre non
nul associé, alors (A − ρ (A) L) z = λz et avec L (A − ρ (A) L) = 0, on déduit que λLz = 0 et
Lz = 0 pour λ 6= 0, ce qui entraîne :

λz = Az − ρ (A) Lz = Az,

c’est-à-dire que λ est valeur propre de A avec z pour vecteur propre associé. On a donc montré
que toute valeur propre λ non nulle de B est aussi valeur propre de A et donc |λ| ≤ ρ (A) .
Matrices strictement positives et théorème de Perron-Frobénius 13

Si λ est une valeur propre non nulle de B telle que |λ| = ρ (A) , alors λ = ρ (A) (Perron-
Frobénius) et tout vecteur propre associé z est aussi vecteur propre de A, on a donc z = αx
avec α ∈ C∗ pour z 6= 0, ce qui entraîne :

ρ (A) z = (A − ρ (A) L) z = (A − ρ (A) L) αx


= αAx − αρ (A) Lx = αρ (A) x − αρ (A) x = 0

en contradiction avec ρ (A) > 0 et z 6= 0.


On a donc |λ| < ρ (A) pour toute valeur propre de B et ρ (B) < ρ (A) . D’où le résultat.

Remarque 1.5 Avec ce résultat, on retrouve le fait que la matrice L ne dépend que de la
matrice strictement positive A et pas du choix de x.

On est maintenant en mesure de préciser le théorème de Perron-Frobénius.

Théorème 1.7 (Perron-Frobénius) Si A est une matrice strictement positive dans Mn (R)
alors ρ (A) est l’unique valeur propre de A de module maximum et cette valeur propre est simple
(l’espace propre associé est donc une droite vectorielle).

Démonstration. On sait déjà que ρ (A) est l’unique valeur propre de A de module maxi-
mum. Notons p sa multiplicité algébrique.
Le théorème de trigonalisation sur C nous dit qu’il existe une matrice inversible P telle que
T = P −1 AP soit triangulaire supérieure de diagonale :

(ρ (A) , · · · , ρ (A) , λp+1 , · · · , λn )

avec |λi | < ρ (A) pour i compris entre p + 1 et n (si p < n). En écrivant, pour tout entier naturel
non nul k, que :
µ ¶k µ ¶k
1 −1 1
T =P A P
ρ (A) ρ (A)
et en utilisant la continuité du produit matriciel, on déduit du théorème précédent que :
µ ¶k
1
lim T = P −1 LP = L0 ,
k→+∞ ρ (A)
avec L0 triangulaire supérieure de diagonale (1, · · · , 1, 0, · · · , 0) .
On a donc rang (L0 ) ≥ p et avec rang (L0 ) = rang (L) = 1, on déduit que nécessairement
p = 1.
Si la matrice A est positive, on a vu que ρ (A) est valeur propre de A, mais cette valeur propre
n’est pas nécessairement simple (prendre par exemple la matrice identité). Mais s’il existe un
entier naturel r tel que Ar soit strictement positive, alors ρ (A) est valeur propre simple de A.

Corollaire 1.14 Si A est une matrice positive dans Mn (R) et s’il existe un entier naturel r
tel que Ar soit strictement positive, alors ρ (A) est valeur propre simple de A (l’espace propre
associé est donc une droite vectorielle).

Démonstration. On sait déjà que ρ (A) est valeur propre de A (corollaire 1.10). Notons p
sa multiplicité algébrique.
Le théorème de trigonalisation sur C nous dit qu’il existe une matrice inversible P telle que
T = P −1 AP soit triangulaire supérieure de diagonale :

(ρ (A) , · · · , ρ (A) , λp+1 , · · · , λn )


14 Matrices positives et irréductibles

avec |λi | ≤ ρ (A) pour tout entier i compris entre p+1 et n (si p < n). La matrice T p = P −1 Ap P
est alors triangulaire supérieure de diagonale :
¡ ¢
ρ (A)p , · · · , ρ (A)p , λpp+1 , · · · , λpn

et ρ (A)p = ρ (Ap ) est alors valeur propre de Ap de multiplicité supérieure ou égale à p. Mais
Ap étant strictement positive cette multiplicité vaut 1, on a donc p = 1.
Une matrice vérifiant les hypothèses du corollaire est un cas particulier de matrice positive
irréductible.

1.4 Matrices de permutation


Si n est un entier naturel supérieur ou égal à 2, on désigne par Sn le groupe des permutations
de l’ensemble {1, · · · , n} et par B = {e1 , · · · , en } la base canonique de Kn (K = R ou C).
Pour tout couple (i, j) d’entiers naturels, on note δi,j le symbole de Kronecker (δii = 1 et
δi,j = 0 pour i 6= j).

Définition 1.2 Si σ ∈ Sn , on appelle matrice de permutation


© associée
ª à σ, la matrice de
passage Pσ de la base canonique de Kn à la base Bσ = eσ(1) , · · · , eσ(n) .

On a donc, si Pσ est une matrice de permutation, Pσ ej = eσ(j) pour tout entier j compris
entre 1 et n, ce qui revient à dire que :
¡¡ ¢¢
Pσ = δi,σ(j) 1≤i,j≤n .

En particulier, on a PId = In .
Une telle matrice de permutation étant la matrice de passage de la base canonique de Cn à
une base orthonormée est unitaire et donc Pσ−1 = t Pσ .
De plus il est facile de vérifier que pour toutes permutations σ, τ dans Sn , on a Pσ Pτ = Pσ◦τ
(il suffit d’écrire que pour tout i compris entre 1 et n, on a Pσ Pτ ei = Pσ eτ (i) = eσ◦τ (i) = Pσ◦τ ei ).
On en déduit alors que Pσ−1 = Pσ−1 .
Pour toute permutation σ ∈ Sn et tout vecteur x = (xi )1≤i≤n ∈ Kn , on a :
n
X n
X
Pσ−1 x = xj eσ−1 (j) = xσ(i) ei
j=1 i=1

−1
en faisant le changement d’indice
¡ ¢i = σ (j) .
−1
C’est-à-dire que Pσ x = xσ(i) 1≤i≤n se déduit de x en faisant agir la permutation σ sur les
composantes de x.
On en déduit alors que pour toute matrice A = ((ai,j ))1≤i,j≤n ∈ Mn (K) :
¡¡ ¢¢
Pσ−1 A = aσ(i),j 1≤i,j≤n

se déduit de A en faisant agir la permutation σ sur les lignes de A.


La multiplication à droite d’une matrice A par une matrice de permutation Pσ va faire agir
la permutation σ sur les colonnes de A. En effet, pour tout j compris entre 1 et n, on a :
n
X
APσ ej = Aeσ(j) = ai,σ(j) ei
i=1
Matrices irréductibles 15
¡¡ ¢¢
et donc APσ = ai,σ(j) 1≤i,j≤n .
On a donc pour toute permutation σ ∈ Sn et toute matrice A = ((ai,j ))1≤i,j≤n dans Mn (K) :
¡¡ ¢¢
Pσ−1 APσ = aσ(i),σ(j) 1≤i,j≤n
,

c’est-à-dire que Pσ−1 APσ se déduit de A en faisant agir la permutation σ sur les lignes et les
colonnes de A.

Remarque 1.6 Une matrice de permutation étant unitaire dans Mn (C) est diagonalisable sur
C. Mais sur R ce résultat n’est plus valable. En effet si σ est un cycle d’ordre 3, alors Pσ a pour
polynôme minimale X 3 − 1 qui n’est pas scindé sur R et cette matrice n’est pas diagonalisable
sur R.

1.5 Matrices irréductibles


Définition 1.3 Une matrice A ∈ Mn (K) est dite réductible s’il existe une matrice de permu-
tation Pσ telle que : µ ¶
−1 B 0
Pσ APσ = (1.4)
C D
où B ∈ Mp (K) avec 1 ≤ p ≤ n − 1.
Une matrice non réductible est dite irréductible.

Exemple 1.1 Une matrice ayant tous ses coefficients non nuls est irréductible.

Exemple 1.2 Une matrice ayant une ligne (ou une colonne) nulle est réductible. En effet si la
ligne numéro i est nulle en transposant la ligne 1 avec la ligne i et la colonne 1 avec la colonne
i, on obtient une matrice avec la première ligne nulle.
µ ¶
a b
Exemple 1.3 Une matrice A = dans M2 (K) est irréductible si et seulement si
c d
bc 6= 0. µ ¶
−1 −1 a c
En effet S2 = {τ12 , Id } et PId APId = A ou Pτ12 APτ12 = est de la forme (1.4) si et
b d
seulement si b = 0 ou c = 0.

Une condition suffisante d’irréductibilité est donnée par le résultat suivant.

Lemme 1.5 Soit A ∈ Mn (K) . S’il existe un entier naturel p tel que Ap ait tous ses coefficients
non nuls, alors A est irréductible.

Démonstration. Si Aµest réductible,


¶ il existe alors une matrice de permutation
µ Pσp telle que

−1 B 0 −1 p B 0
Pσ APσ soit de la forme et pour tout entier p ≥ 1 on a Pσ A Pσ = ,
C D Cp D p
ce qui signifie que la matrice Ap est également réductible, elle a donc au moins un coefficient
nul.
 
1 1 0
Exemple 1.4 La matrice A =  1 1 1  est irréductible puisque A2 > 0.
0 1 1
16 Matrices positives et irréductibles
¶ µ
0 1
Cette condition n’est pas nécessaire comme le montre l’exemple de la matrice A = .
1 0
Une définition équivalente de la notion de matrice réductible est donnée par le résultat
suivant.

Théorème 1.8 Une matrice A ∈ Mn (K) est réductible si et seulement si il existe une partition
non triviale (I, J) de {1, · · · , n} telle que aij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J.

Démonstration. Soit A ∈ Mn (K) réductible. Il existe une permutation σ telle que aσ(i),σ(j) =
0 pour 1 ≤ i ≤ p et p + 1 ≤ j ≤ n, où p est un entier compris entre 1 et n − 1. En posant
I = {σ (1) , · · · , σ (p)} , J = {σ (p + 1) , · · · , σ (n)} , on définit une partition non triviale de
{1, · · · , n} telle que aij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J.
Réciproquement supposons qu’il existe une partition non triviale (I, J) de {1, · · · , n} telle
que aij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J. En notant p le cardinal de I, on a 1 ≤ p ≤ n − 1 et il existe
σ ∈ Sn telle que I = {σ (1) , · · · , σ (p)} , J = {σ (p + 1) , · · · , σ (n)} , ce qui donne :
µ ¶
−1
¡¡ ¢¢ B 0
Pσ APσ = aσ(i),σ(j) 1≤i,j≤n = ,
C D

c’est-à-dire que A est réductible.


De ce théorème, on peut déduire qu’une matrice est irréductible si et seulement si sa trans-
posée l’est.
Une autre définition équivalente de la notion de matrice réductible est donnée par le résultat
suivant.

Théorème 1.9 Une matrice A ∈ Mn (K) est réductible si et seulement si il existe une partie
non triviale J de {1, · · · , n} telle que le sous-espace vectoriel de Kn , VJ = Vect {ej | j ∈ J} ,
soit stable par A.

Démonstration. Dire que A ∈ Mn (K) est réductible équivaut à dire qu’il existe une
partition non triviale (I, J) de {1, · · · , n} telle que aij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J, ce qui
revient à dire que pour tout j ∈ J on a :
n
X X
Aej = aij ei = aij ei ∈ VJ ,
i=1 i∈J

encore équivalent à dire que VJ est stable par A.


Les propriétés élémentaires suivantes nous seront utiles.

Lemme 1.6 Si A est réductible, alors |A| et In + A sont réductibles.


µ ¶
−1 B 0
Démonstration. Cela résulte de Pσ APσ = entraîne :
C D
 µ ¶

 |B| 0
 Pσ−1 |A| Pσ = ,
|C|µ |D| ¶

 −1 Ip + B 0
 Pσ (In + A) Pσ = .
C In−p + D

puisque l’action de Pσ est seulement de permuter des lignes et des colonnes.


On a vu que si A est une matrice strictement positive dans Mn (R) alors ρ (A) est l’unique
valeur propre de A de module maximum, que cette valeur propre est simple, que l’espace propre
Matrices irréductibles 17

associé est une droite vectorielle engendrée par un vecteur strictement positif et qu’une telle
matrice ne peut avoir deux vecteurs propres positifs linéairement indépendants.
Ces résultats ne s’étendent pas au cas des matrices positives. Mais pour les matrices positives
qui sont de plus irréductibles, on a des résultats analogues.

Lemme 1.7 Soit A ∈ Mn (R) positive et irréductible. Si y ∈ Rn un vecteur positif non nul,
alors soit y est strictement positif et il en est de même du vecteur z = (In + A) y, soit y a au
moins une composante nulle et le nombre de coordonnées nulles de z est strictement inférieur au
nombre de coordonnées nulles de y. Dans tous les cas, le vecteur (In + A)n−1 y est strictement
positif.

Démonstration. Les composantes du vecteur z = (In + A) y sont données par :


n
X
zi = aij yj + yi (1 ≤ i ≤ n) .
j=1

Si la matrice A et le vecteur y sont positifs, on a alors zi ≥ yi ≥ 0 et z est positif.


Avec z ≥ y, on déduit que z est strictement positif si y l’est.
En supposant que y a au moins une composante nulle, de 0 ≤ yi ≤ zi , on déduit que zi = 0
entraîne yi = 0. Le nombre de coordonnées nulles du vecteur z est donc inférieur ou égal à celui
de y.
Supposons que z et y ont le même nombre de composantes nulles. En notant Jy l’ensembles
des indices compris entre 1 et n tels quePyi = 0, on a zi > 0 pour i ∈ / Jy et en conséquence
zi = yi = 0 pour tout i ∈ Jy , avec zi = aij yj et yj > 0 pour j ∈
/ Jy . On a donc en tenant
j ∈I
/ y
compte du fait que les coefficients aij sont positifs ou nuls, aij = 0 pour i ∈ Jy et j ∈
/ Jy avec
Jy de cardinal compris entre 1 et n − 1 (y a au moins une composante nulle et n’est pas le
vecteur nul) ce qui revient à dire que la matrice A est réductible. En conclusion le nombre
de composantes nulles de z est strictement inférieur à celui de y, si la matrice positive A est
irréductible.
Si le vecteur y est positif non nul, il a alors au moins une coordonnée strictement positive
et ce qui précède nous dit que le vecteur (In + A) y a au moins deux coordonnées strictement
positives. Par récurrence on déduit alors que le vecteur (In + A)n−1 y a au moins n coordonnées
strictement positives, ce qui revient à dire qu’il est strictement positif.

Théorème 1.10 Soit A ∈ Mn (R) positive. Cette matrice est irréductible si et seulement si la
matrice (In + A)n−1 est strictement positive.

Démonstration. Du lemme 1.7, on déduit que si A est une matrice positive irréductible,
alors pour tout j compris entre 1 et n le vecteur (In + A)n−1 ej est strictement positif, ce qui
équivaut à dire que la matrice (In + A)n−1 est strictement positive.
Réciproquement si la matrice (In + A)n−1 est strictement positive, alors elle est irréductible
ainsi que A (lemme 1.6).

Remarque 1.7 On peut en fait montrer que A ∈ Mn (K) est irréductible si et seulement si
(In + |A|)n−1 est strictement positive (voir [1], théorème 6.2.23).

Théorème 1.11 (Perron-Frobenius) Si A est positive et irréductible dans Mn (R) alors


ρ (A) est strictement positif, c’est une valeur propre simple de A et l’espace propre associé est
une droite vectorielle engendrée par un vecteur strictement positif.
18 Matrices positives et irréductibles

Démonstration. La matrice A étant irréductible n’a pas de ligne nulle, on a donc puisqu’elle
P
n
est positive aij > 0 pour tout i compris entre 1 et n, ce qui entraîne ρ (A) > 0 (corollaire
j=1
1.5).
Avec le théorème de trigonalisation sur C on voit que si ρ (A) est valeur propre de multiplicité
supérieure ou égal à 2 alors il en est de même de 1 + ρ (A) comme valeur propre de In + A. Mais
In + A positive et (In + A)n−1 strictement positive entraîne ρ (In + A) = 1 + ρ (A) (corollaire
1.11) est valeur propre simple de In +A (corollaire 1.14). En conséquence ρ (A) est valeur propre
simple de A.
L’espace propre associé est donc de dimension 1 et on sait qu’il peut être engendré par un vec-
teur positif x (corollaire 1.10). De Ax = ρ (A) x, on déduit que (In + A)n−1 x = (1 + ρ (A))n−1 x
et avec (In + A)n−1 x > 0 (théorème 1.1, point (vi)), (1 + ρ (A))n−1 > 0, on déduit que x > 0.

Théorème 1.12 Une matrice carrée positive irréductible ne peut pas posséder deux vecteurs
propres positifs linéairement indépendants.
Démonstration. Soit A ∈ Mn (R) positive et irréductible. On sait déjà qu’une telle matrice
possède un vecteur propre positif associé à la valeur propre ρ (A) .
Si x est un vecteur propre positif non nul associé à une valeur propre λ de A, il existe alors un
indice i compris entre 1 et n tel que (Ax)i = λxi avec xi > 0 et (Ax)i ≥ 0, ce qui entraîne que
λ ≥ 0. On a aussi (I + A)n−1 x = (1 + λ)n−1 x, avec (I + A)n−1 x > 0 (puisque (I + A)n−1 > 0
et x ≥ 0 non nul) et (1 + λ)n−1 > 0, ce qui entraîne x > 0.
En définitive un vecteur propre positif non nul de A est nécessairement strictement positif.
Si x et y sont deux vecteurs propres non nuls de A associés aux valeurs propres respectives
λ et µ, alors x > 0, y > 0, λ ≥ 0 et µ ≥ 0. Supposons λ ≤ µ.
yi
En posant α = sup , on a αx − y ≥ 0 et il existe un indice i compris entre 1 et n tel
1≤i≤n xi
que αxi − yi = 0. Si αx − y est non nul, alors (I + A)n−1 (αx − y) > 0, soit α (1 + λ)n−1 x >
(1 + µ)n−1 y et en particulier α (1 + λ)n−1 xi > (1 + µ)n−1 yi , avec αxi = yi > 0, ce qui entraîne
(1 + λ)n−1 > (1 + µ)n−1 en contradiction avec λ ≤ µ. On a donc αx = y, c’est-à-dire que les
vecteurs x et y sont liés et λ = µ.
On a vu (théorème 1.2) que si A, B dans Mn (C) sont telles que |B| ≤ A, alors ρ (B) ≤
ρ (|B|) ≤ ρ (A) . Avec le théorème qui suit on s’intéresse au cas d’égalité ρ (B) = ρ (A) .
Lemme 1.8 Soit A une matrice positive et irréductible dans Mn (R) . Si x est un vecteur
propre positif non nul tel que ρ (A) x ≤ Ax, alors Ax = ρ (A) x et x est strictement positif.
Démonstration. Si la matrice A est positive irréductible, il en est alors de même de sa
transposée et le théorème de Perron-Frobénius nous assure l’existence d’un vecteur strictement
positif y tel que t Ay = ρ (A) y et pour tout vecteur x dans Rn , on a ;
t
y (Ax − ρ (A) x) = ρ (A) t yx − ρ (A) t yx = 0.
Si de plus on suppose ρ (A) x ≤ Ax, on a t y (Ax − ρ (A) x) = 0 avec t y > 0 et Ax − ρ (A) x ≥ 0,
ce qui équivaut à Ax − ρ (A) x = 0 (théorème 1.1, point (v) en transposant). Le vecteur x est
donc un vecteur propre positif non nul de A associé à ρ (A) , il est donc strictement positif
(théorème de Perron-Frobénius).
Lemme 1.9 Si A est une matrice positive irréductible dans Mn (R) et B une matrice dans
Mn (K) telle que |B| ≤ A, alors ρ (B) ≤ ρ (A) . Si ρ (B) = ρ (A) alors |B| = A.
En particulier pour B positive, on a B ≤ A et B 6= A entraîne ρ (B) < ρ (A) .
Matrices primitives 19

Démonstration. On sait déjà que ρ (B) ≤ ρ (A) (théorème 1.2).


Supposons que ρ (B) = ρ (A) . Il existe alors une valeur propre de B de plus grand module
de la forme λ = eiθ ρ (A) et si x est un vecteur propre non nul associé dans Cn , on a alors :
ρ (A) |x| = |λx| = |Bx| ≤ |B| |x| ≤ A |x| ,
soit ρ (A) |x| ≤ A |x| avec A positive irréductible et |x| positif non nul. Le lemme précédent nous
dit alors que A |x| = ρ (A) |x| et que |x| est strictement positif. On a donc |Bx| = |B| |x| = A |x| ,
soit (A − |B|) |x| = 0 avec A − |B| ≥ 0 et |x| > 0, ce qui entraîne A = |B| .
Théorème 1.13 Soient A une matrice positive et irréductible dans Mn (R) et B dans Mn (K)
telle que |B| ≤ A. On a ρ (B) ≤ ρ (A) . Si ρ (B) = ρ (A) et si λ = eiθ ρ (A) est une valeur propre
de module maximum de B, alors il existe des réels θ1 , · · · , θn tels que B = eiθ ∆B∆−1 , où ∆ est
la matrice diagonale de termes diagonaux eiθ1 , · · · , eiθn .
Démonstration. Avec ρ (B) = ρ (A) , en reprenant la démonstration qui précéde, si x est
non nul tel que Bx = λx, on a alors A |x| = ρ (A) |x| avec |x| > 0 et A = |B| . Pour tout
entier k compris entre 1 et n, on peut écrire xk = |xk | eiθk , avec |xk | > 0 et θk ∈ ]−π, π] et
en désignant par ∆ la matrice diagonale de termes diagonaux eiθ1 , · · · , eiθn , on a x = ∆ |x| .
L’égalité Bx = λx s’écrit alors :
B∆ |x| = eiθ ρ (A) ∆ |x| ,
ce qui donne :
A |x| = ρ (A) |x| = e−iθ ∆−1 B∆ |x| .
En notant C = e−iθ ∆−1 B∆, on a |C| = |B| = A et l’égalité précédente s’écrit |C| |x| = C |x|
avec |x| > 0, ce qui équivaut à C = |C| ((théorème 1.1, point (x)), soit à e−iθ ∆−1 B∆ = A ou
encore B = eiθ ∆B∆−1 .

1.6 Matrices primitives


Nous avons vu que le théorème 1.6 n’estµ pas ¶valable si on suppose seulement la matrice A
0 1
positive. L’exemple de la matrice A = nous montre que l’hypothèse A positive et
1 0
irréductible n’est pas suffisante non plus.
C’est la notion de matrice primitive qui va nous permettre de prolonger ce théorème.
Définition 1.4 Une matrice A dans Mn (R) est dite primitive si elle est positive irréductible
et a unique une valeur propre de module maximale.
Du théorème de Perron-Frobénius 1.11, on déduit que si la matrice A est primitive, alors
ρ (A) est l’unique valeur propre de module maximal et que cette valeur propre est simple.
Les matrices strictement positives sont des cas particuliers de matrices primitives.
Il est facile de vérifier qu’une matrice est primitive si et seulement si sa transposée l’est.
Théorème 1.14 Si A ∈ Mn (R) est une matrice primitive alors son rayon spectral est stric-
tement positif et :
µ ¶k
1
lim A = x t y,
k→+∞ ρ (A)
où x, y sont des vecteurs strictement positifs tels que :
Ax = ρ (A) x, t Ay = ρ (A) y, t xy = 1.
20 Matrices positives et irréductibles

Démonstration. La matrice A étant positive irréductible, le théorème de Perron-Frobénius


1.11 nous dit que ρ (A) est strictement positif, que c’est une valeur propre simple et que l’espace
propre associé est une droite vectorielle engendrée par un vecteur x strictement positif. La
matrice t A ayant les mêmes propriétés, il existe un vecteur z > 0 tel que t Az = ρ (A) z et
1
le vecteur y = t z est tel que t Ay = ρ (A) y et t xy = 1. On peut donc définir la matrice
zx
L = x t y et cette matrice vérifie toutes les conditions du lemme 1.4.
µ ¶k µ ¶k
1 1
On a alors A −L = A − L pour tout entier k ≥ 1 et il s’agit de montrer
ρ (A) ρ (A)
que ρ (A − ρ (A) L) < ρ (A) .
Si λ est un valeur propre non nulle de B = A − ρ (A) L et z est un vecteur propre non nul
associé, alors (A − ρ (A) L) z = λz et avec L (A − ρ (A) L) = 0, λ 6= 0, on déduit que Lz = 0,
ce qui entraîne λz = Az − ρ (A) Lz = Az, c’est-à-dire que λ est valeur propre de A avec z pour
vecteur propre associé et donc |λ| ≤ ρ (A) .
Si |λ| = ρ (A) , alors λ = ρ (A) (A est primitive) et tout vecteur propre associé z est aussi
vecteur propre de A, on a donc z = αx avec α ∈ C∗ , ce qui entraîne :

ρ (A) z = (A − ρ (A) L) z = (A − ρ (A) L) αx = 0

en contradiction avec ρ (A) > 0 et z 6= 0. On a donc |λ| < ρ (A) pour toute valeur propre de
B, ce qui donne le résultat.
Le résultat qui suit nous donne une définition équivalente de la notion de matrice primitive.

Théorème 1.15 Soit A une matrice positive dans Mn (R) . Cette matrice est primitive si et
seulement si il existe un entier naturel p tel que Ap soit strictement positive.
µ ¶k
1
Démonstration. Si A dans Mn (R) est une matrice primitive alors l’égalité lim A =
k→+∞ ρ (A)
L > 0 entraîne Ap > 0 pour p assez grand.
Réciproquement supposons que A ∈ Mn (R) soit positive avec Ap > 0. La matrice Ap est
alors irréductible et il en est de même de A (lemme 1.5).
Du théorème de trigonalisation des matrices complexes, on déduit que ρ (Ap ) = ρ (A)p . Si
λ est une valeur propre de A telle que |λ| = ρ (A) , alors λp est valeur propre de Ap avec
|λp | = ρ (A)p , ce qui entraîne λp = ρ (A)p si Ap est strictement positive. Si λ 6= ρ (A) , il existe
alors deux vecteurs x et y linéairement indépendants tels que Ax = ρ (A) x et Ay = λy, ce
qui entraîne Ap x = ρ (A)p x et Ap y = λp y = ρ (A)p z, c’est-à-dire que x et y sont dans l’espace
propre de Ap associé à la valeur propre ρ (A)p , mais on sait que cet espace propre est une droite
vectorielle, les vecteurs y et z sont donc liés. On aboutit ainsi à une contradiction. La seule
possibilité est donc λ = ρ (A) , ce qui achève de prouver que A est primitive.
Le résultat qui suit nous donne un critère plus pratique pour vérifier qu’une matrice positive
irréductible est primitive.

Théorème 1.16 Soit A une matrice positive irréductible dans Mn (R) . Si tous les termes
diagonaux de A sont strictement positifs, alors An−1 est strictement positive et A est primitive.

Démonstration. On désigne par B la matrice dans Mn (R) définie par bij = aij pour i 6= j
et bii = 0, soit B = A − ∆ où ∆ est la matrice diagonale de termes diagonaux aii . La matrice
B est irréductible comme A. En effet si B est réductible, il existe alors une partition (I, J) non
triviale de {1, · · · , n} telle bij = 0 pour (i, j) ∈ I × J, ce qui entraîne aij = 0 pour (i, j) ∈ I × J
Matrices stochastiques 21

puisque i 6= j dans ce cas, et donc A est réductible). En notant α le plus petit des aii pour i
compris entre 1 et n, on a α > 0 et :
µ ¶
1
A ≥ αIn + B = α In + B
α
µ ¶n−1
n−1 n−1 1 1
et donc A >α In + B > 0 du fait que B est irréductible.
α α
On peut montrer le résultat suivant (voir [1], corollaire 8.5.9).

Théorème 1.17 (Wielandt) Soit A une matrice positive dans Mn (R) . Cette matrice est
2
primitive si et seulement si An −2n+2 est strictement positive.

1.7 Matrices stochastiques


Définition 1.5 On dit qu’une matrice A = ((ai,j ))1≤i,j≤n dans Mn (R) est stochastique si elle
est positive et :
n
X
∀i ∈ {1, · · · , n} , aij = 1.
j=1

Exemple 1.5 Une matrice de permutation est stochastique.

Si on note e le vecteur de Rn dont toutes les composantes sont égales à 1, alors une matrice
positive A dans Mn (R) est stochastique si et seulement si Ae = e, ce qui revient à dire que 1
est valeur propre de A et que e est un vecteur propre associé.
De cette remarque, on peut déduire que le produit de deux matrices stochastiques est une
matrice stochastique.
D’autre part si (Ak )k∈N est une suite de matrices stochastiques qui converge vers une matrice
A, alors cette limite est également stochastique. L’ensemble Pn (R) des matrices stochastiques
est donc fermé dans Mn (R) et étant borné (on a kAk∞ = 1 pour toute matrice stochastique),
on en déduit que c’est un compact.
Enfin il est facile de vérifier que Pn (R) est convexe.
Du théorème 1.3, on déduit que le rayon spectral d’une matrice stochastique vaut 1 et que
c’est une valeur propre. De plus e étant un vecteur propre strictement positif associé à la valeur
propre 1 = ρ (A) , on déduit du corollaire 1.8 que si x est un vecteur propre strictement positif
d’une matrice stochastique alors la valeur propre associée est 1. Ce même corollaire nous dit
que :
(Ax)i (Ax)i
sup inf = inf sup = 1.
x>0 1≤i≤n xi x>0 1≤i≤n xi
On résume ces propriétés avec le théorème suivant.

Théorème 1.18 L’ensemble Pn (R) des matrices stochastiques d’ordre n est convexe, compact
et stable par la multiplication des matrices.
Toute matrice stochastique a un rayon spectral égal 1 et ce rayon spectral est la seule valeur
propre admettant des vecteurs propres strictement positifs.

Si A est une matrice stochastique primitive (par exemple strictement positive), alors 1 =
ρ (A) est l’unique valeur propre dominante de A et cette valeur propre est simple. En désignant
22 Matrices positives et irréductibles

P
n
par f un vecteur propre de t A associé à la valeur propre 1 qui vérifie t f e = 1, soit fi = 1,
i=1
on a d’après le théorème 1.14 :
 
f1 f2 · · · fn
 f1 f2 · · · fn 
 
lim Ak = e t f =  .. .. . . . .
k→+∞  . . . .. 
f1 f2 · · · fn

Définition 1.6 On appelle matrice doublement stochastique une matrice stochastique A telle
que t A soit aussi stochastique.

Si A est une matrice doublement stochastique alors e est vecteur propre de A et t A associé
1
à la valeur propre 1 et si de plus A est primitive, alors le résultat précédent donne f = e et :
n
 
1 1 ··· 1
k 1  1 1 ··· 1 


lim A =  .. .. . . ..  .
k→+∞ n . . . . 
1 1 ··· 1
¡ ¢
Remarque 1.8 Si la matrice A est stochastique irréductible, alors la suite de matrices Ak k≥1
µ ¶
0 1
n’a pas nécessairement de limite comme le montre l’exemple de la matrice A = .
1 0
Par contre si on suppose de plus que tous les coefficients diagonaux de A sont strictement
positifs, alors cette matrice est primitive (théorème 1.16) et le résultat précédent s’applique.

Les matrices de permutation sont des matrices doublement stochastiques et elles suffisent à
décrire l’ensemble de toutes ces matrices. Précisément, on le résultat suivant (voir [1], théorème
8.7.1).

Théorème 1.19 (Birkhoff ) Une matrice A ∈ Mn (R) est doublement stochastique si et seule-
P
p
ment si elle s’écrit A = λk Pk , où les Pk sont des matrices de permutation et les λk des réels
k=1
P
p
positifs tels que λk = 1.
k=1

Comme Sn est de cardinal n!, on déduit que p est au plus égal à n!. En fait on peut montrer
que p ≤ n2 − 2n + 2.

1.8 Exercices
Exercice 1.1 Pour n ≥ 2, on note Nn = {1, · · · , n} , B = {e1 , · · · , en } la base canonique de
Rn et on désigne par A une matrice positive dans Mn (R) .
Pour i, j dans Nn , m entier naturel non nul, on note L (i, j, m) la proposition :
½
m+1 i0 = i, im = j
∃ (i0 , · · · , im ) ∈ (Nn ) :
∀k ∈ {0, · · · , m − 1} , aik ,ik+1 6= 0

et L (i, j) la proposition :
∃m ∈ N∗ , L (i, j, m) est vraie.
Exercices 23

1. Montrer que la propriété L est transitive dans le sens où L (i, j) et L (j, r) vraies pour
i, j, r dans Nn entraîne L (i, r) vraie.
2. Montrer que si A est réductible et si (I, J) est une partition non triviale de Nn telle que :

∀ (i, j) ∈ I × J, ai,j = 0

alors, pour tout couple (i, j) ∈ I × J, L (i, j) n’est pas vraie.


3. Soit j fixé dans Nn . On note J la partie de Nn constituée de j et des indices i ∈ Nn tels
que L (i, j) est vraie. Montrer que le sous-espace VJ = Vect {ei | i ∈ J} est stable par A.
4. Déduire de ce qui précède l’équivalence :

A irréductible ⇔ Pour tout (i, j) ∈ Nn × Nn , L (i, j) est vraie.

5. On suppose que L (i, j) est vraie, avec i 6= j. Montrer qu’il existe m ∈ Nn−1 tel que
L (i, j, m) soit vraie.
³³ ´´
(m)
6. Pour tout m ∈ N∗ , on pose Am = ai,j . Montrer que pour i 6= j on a l’équi-
1≤i,j≤n
valence :
(m)
L (i, j, m) est vraie ⇔ ai,j > 0.
7. En conclure que les trois assertions suivantes sont équivalentes :
(a) la matrice A est irréductible ;
(m)
(b) pour tout (i, j) ∈ Nn × Nn tel que i 6= j, il existe m ∈ Nn−1 tel que ai,j > 0 ;
(c) (I + A)n−1 > 0.

Solution 1.1
1. Si L (i, j) et L (j, r) sont vraies, il existe alors des entiers naturels non nuls m et p,
des suites d’éléments dans Nn , (i0 = i, i1 , · · · , im = j) et (j0 = j, j1 , · · · , jp = r) tels que
aik ,ik+1 6= 0 pour k = 0, · · · , m − 1 et ajk ,jk+1 6= 0 pour k = 0, · · · , p − 1. En posant
q = m + p et :

(s0 , s1 , · · · , sq ) = (i0 = i, i1 , · · · , im = j0 = j, j1 , · · · , jp = r) ,

on a ask ,sk+1 6= 0 pour k = 0, · · · , q − 1, c’est-à-dire que L (i, r) est vraie.


2. Supposons la matrice A réductible et soit (I, J) une partition non triviale de Nn telle que
aij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J. Pour (i, j) ∈ I × J, m ≥ 1 et (i0 , · · · , im ) ∈ Nm+1 n avec
i0 = i, im = j, en désignant par k le plus grand indice compris entre 0 et m − 1 tel que
ik ∈ I, on a (ik , ik+1 ) ∈ I × J et aik ,ik+1 = 0, la proposition L (i, j, m) est donc fausse pour
tout m ≥ 1 et également la proposition L (i, j) .
3. Supposons VJ non stable par A, il existe alors un indice i ∈ J tel que Aei ∈
/ VJ , soit
P
n
Aei = aki ek avec aki 6= 0 pour un indice k ∈
/ J. On a donc k 6= j. La propriété
k=1
L (k, i, 1) est donc vraie ((i0 , i1 ) = (k, i) ∈ N2n et ai0 ,i1 = aki 6= 0) ainsi que L (k, i) . Si
i = j, alors L (k, j) est vraie avec k 6= j, ce qui signifie que k ∈ J en contradiction avec
k ∈/ J. On a donc i 6= j et i ∈ J, ce qui signifie que L (i, j) est vraie. Mais L (k, i) et
L (i, j) vraies entraîne L (k, j) vraie par transitivité et comme k 6= j, cela veut dire que
k ∈ J toujours en contradiction avec k ∈ / J. En conclusion V est stable par A.
24 Matrices positives et irréductibles

4. On a vu en 2 que si A est réductible il existe alors un couple (i, j) dans N2n tel que L (i, j)
n’est pas vraie. On déduit donc que si L (i, j) est vraie pour tout (i, j) dans N2n alors A
est irréductible.
Réciproquement supposons A irréductible. Pour tout j ∈ Nn , l’ensemble J de la question
précédente n’est pas vide (j ∈ J) et l’espace VJ associé est stable par A, ce qui entraîne
J = Nn (théorème 1.9), encore équivalent à dire que L (i, j) est vraie pour tout i ∈ Nn \{j} .
Si n ≥ 2, alors pour tout j ∈ Nn il existe i 6= j dans Nn et L (i, j) , L (j, i) vraies entraîne
par transitivité que L (j, j) est vraie. On a donc bien L (i, j) est vraie pour tout i ∈ Nn .
5. Si on suppose L (i, j) vraie avec i 6= j, il existe alors un entier m ≥ 1 et un m-uplet
d’entiers (i0 , · · · , im ) avec i0 = i, im = j tels que aik ,ik+1 6= 0 pour k = 0, · · · , m − 1.
On désigne par m le plus petit entier naturel non nul vérifiant cette propriété. Pour cet
indice m les entiers ik sont nécessairement deux à deux distincts. En effet si ip = iq avec
0 ≤ p < q ≤ m alors la suite (ik )0≤k≤m privée de iq convient aussi, ce qui contredit la
caractère minimal de m. On a donc card {i0 , · · · , im } = m + 1 avec {i0 , · · · , im } ⊂ Nn ,
donc m + 1 ≤ n, soit m ≤ n − 1.
(m) Pn
(m−1)
6. Pour m ≥ 2 et i, j dans Nn , on a aij = aik akj .
k=1
On montre par récurrence sur m ≥ 1 que pour i 6= j dans Nn , on a L (i, j, m) vraie si et
(m)
seulement si aij est strictement positif. Pour m = 1 c’est la définition de L (i, j, 1) . En
(m)
supposant le résultat acquis au rang m − 1, on a aij > 0 si et seulement si il existe un
(m−1)
entier k ∈ Nn tel que aik > 0 et akj > 0 et avec l’hypothèse de récurrence cela équivaut
à l’existence de k ∈ Nn tel que L (i, k, m − 1) et L (k, j, 1) soient vraies, ce qui équivaut
à l’existence d’entiers i0 = i, i2 , · · · , im−1 = k dans Nn tels que aip ,ip+1 6= 0 pour tout p
compris entre 0 et m − 2 et akj 6= 0, encore équivalent à L (i, j, m) vraie.
7. Si la matrice positive A est irréductible, alors pour i 6= j dans Nn la propriété L (i, j)
est vraie ce qui entraîne l’existence de m ∈ Nn−1 tel que L (i, j, m) soit vraie, encore
(m)
équivalent à aij > 0.
Supposons que pour tous i 6= j dans Nn il existe m ∈ Nn−1 (dépendant de i et j) tel que
(m)
aij > 0. Avec :
n−1
X Xn−1
n−1 k k k
(I + A) = Cn−1 A = I + Cn−1 Ak ,
k=0 k=1

on déduit que le coefficient d’indice (i, i) de cette matrice est :


n−1
X
k (k)
cii = 1 + Cn−1 aii ≥ 1 > 0
k=1

(m)
et pour i 6= j, du fait qu’il existe un indice m compris entre 1 et m − 1 tel que aij > 0,
on a pour le coefficient d’indice (i, j) de (I + A)n−1 :
n−1
X
k (k) m (m)
cij = Cn−1 aij ≥ Cn−1 aij > 0.
k=1

En définitive la matrice (I + A)n−1 est strictement positive.


P k (k)
n−1
Si la matrice (I + A)n−1 est strictement positive, alors Cn−1 aij > 0 pour tous i 6= j
k=1
dans Nn et il existe m ∈ Nn−1 tel que L (i, j, m) soit vraie, ce qui entraîne que L (i, j) est
Exercices 25

vraie. On a donc L (i, j) vraie pour tous i 6= j dans Nn , ce qui équivaut à L (i, j) vraie
pour tous i, j dans Nn puisque n ≥ 2, équivalent à dire que A est irréductible.

Exercice 1.2 Montrer que, pour n ≥ 3, la matrice de Weilandt :


 
0 1 0 ··· 0
 .. . . . . . . . . .. 
. . 
 .
 .. 
A= 0 0 0 . 0 
 
 0 0 0 ··· 1 
1 1 0 ··· 0

est primitive.

Solution 1.2 On utilise les notations et résultats de l’exercice précédent.


Le coefficient ai,i+1 pour i compris entre 1 et n − 1 et le coefficient an,1 étant non nul, on
déduit que L (i, j) est vraie pour tous i, j (par transitivité) et donc que A est irréductible.
Le polynôme caractéristique de la matrice positive A est P (X) = X n − X − 1. Avec le
théorème de Cayley-Hamilton, on a An = A + I et An −n = (A0 + I)n−1 est strictement positive
2

puisque A est irréductible, la matrice A est donc primitive.


2 2
On peut en fait vérifier que le coefficient d’indice (1, 1) de An −2n+1 est nul et que An −2n+2 >
0.

Exercice 1.3 On dit qu’une matrice rectangulaire B ∈ Mm,n (C) est non redondante si aucune
de ses lignes ni aucune de ses colonnes n’est nulle.
Une matrice non redondante B ∈ Mm,n (C) est dite décomposable s’il existe des matrices de
permutation P ∈ Mn (C) et Q ∈ Mm (C) telles que P BQ soit de la forme :
µ 0 ¶
B 0
0 B 00

où B 0 et B 00 sont des matrices rectangulaires.


Une matrice rectangulaire B est dite indécomposable si elle est non redondante et n’est pas
décomposable.
1. Soit B ∈ Mm,n (C) et posons :
µ ¶
0 B
C= t ∈ Ml (C) , avec l = m + n.
B 0

Montrer que B est indécomposable si et seulement si C est irréductible.


2. Soit B ∈ Mm,n (R) une matrice à coefficients réels positifs ou nuls. Montrer que si B est
indécomposable, alors B t B et t BB sont primitives.

Solution 1.3
1. Soit B ∈ Mm,n (C) non redondante et décomposable. Il existe alors une partition (I, J)
de {1, · · · , m} (les numéros de lignes) et une partition (K, L) de {1, · · · , n} (les numéros
de colonnes) telles que :

∀ (i, j) ∈ I × K ∪ J × L, bij = 0.
26 Matrices positives et irréductibles

On définit alors la partition (U, V ) de {1, · · · , m + n} par :


½
U = I ∪ (m + L) ,
V = J ∪ (m + K) ,

où on a posé m + L = {m + j | j ∈ L} et pour (i, j) ∈ U × V, on a les quatre possibilités


suivantes :
soit iµ≥ m + 1¶ et j ≥ m + 1, dans ce cas on a cij = 0 par définition de la matrice
0 B
C= t avec B ∈ Mm,n (C) et t B ∈ Mn,m (C) ;
B 0
soit i ≥ m + 1 et j ≤ m, dans ce cas en écrivant i = m + i0 , cij est le coefficient de la ligne
i0 et de la colonne j de t B, soit cij = bji0 avec (j, i0 ) ∈ J × L, ce qui donne cij = bji0 = 0 ;
soit i ≤ m et j ≤ m, dans ce cas on a cij = 0 par définition de la matrice C ;
soit i ≤ m et j ≥ m + 1, dans ce cas en écrivant j = m + j 0 , cij est le coefficient de la ligne
i et de la colonne j 0 de B, soit cij = bij 0 avec (i, j 0 ) ∈ I × K, ce qui donne cij = bij 0 = 0.
On a donc cij = 0 pour tout (i, j) ∈ U × V et avec la symétrie de la matrice C on a
également cij = 0 pour tout (i, j) ∈ V × U. Cette partition (U, Vµ ) de {1, · · ¶
· , m + n}
B 1 0
définit donc une matrice de permutation P telle que P −1 CP = , ce qui
0 B2
signifie que la matrice C est réductible.
Réciproquement supposons la matrice C réductible, il existe alors une partition (U, V ) de
{1, · · · , m + n} telle que cij = 0 pour tout (i, j) ∈ U × V ∪ V × U. On définit alors les
partitions (I, J) de {1, · · · , m} et (K, L) de {1, · · · , n} par :
½
I = {1, · · · , m} ∩ U, J = {1, · · · , m} ∩ V,
K = {j ∈ {1, · · · , n} | m + j ∈ V } , L = {j ∈ {1, · · · , n} | m + j ∈ U } .

Pour (i, j) ∈ I × K, on a (i, m + j) ∈ U × V et cij = 0 (coefficient de la ligne i ≤ m


et de la colonne m + j de C), c’est-à-dire bij = 0. De même si (i, j) ∈ J × L, on a
(i, m + j) ∈ V × U et cij = 0, soit bij = 0. En conclusion B est décomposable.
On a donc ainsi montré que B est indécomposable si et seulement si C est irréductible.
2. Si D = B t B est réductible, étant symétrique cela équivaut à l’existence d’une partition
(I, J) de {1, · · · , m} telle que dij = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J, soit :
n
X
∀ (i, j) ∈ I × J, bik bjk = 0.
k=1

La matrice B étant positive, cela équivaut à :

∀ (i, j) ∈ I × J, ∀k ∈ {1, · · · , n} , bik bjk = 0.

On définit alors une partition (K, L) de {1, · · · , n} en posant :


½
K = {k ∈ {1, · · · , n} | ∃j ∈ J | bjk 6= 0} ,
L = {k ∈ {1, · · · , n} | ∃i ∈ I | bik 6= 0} .

En effet, pour tout k ∈ {1, · · · , n} il existe i ∈ {1, · · · , m} = I ∪ J tel que bik 6= 0 puisque
B est supposée non redondante, on a donc k ∈ K ∪ L. Si k ∈ K il existe alors j ∈ J
tel que bjk 6= 0 et bik bjk = 0 pour tout i ∈ I entraîne k ∈ / L. On a donc K ∩ L = ∅,
c’est-à-dire que (K, L) est bien une partition de {1, · · · , n} . Pour (i, k) ∈ I × K, il existe
j ∈ J tel que bjk 6= 0 et bik bjk = 0 donne bik = 0. De même (i, k) ∈ J × L donne bik = 0.
Exercices 27

La matrice B est donc décomposable.


On a donc ainsi montré que si B est indécomposable alors B t B est irréductible. De
manière analogue on montre que t BB est irréductible.
La matrice B t B étant symétrique réelle positive (au sens euclidien) est diagonalisable à
valeurs propres réelles positives. Cette matrice étant positive et irréductible, son rayon
spectral r est valeur propre avec un espace propre de dimension 1, cette valeur propre est
donc simple (puisque B t B est diagonalisable) et |λ| < r pour toute autre valeur propre
de B t B. Il en de même de t BB puisque cette matrice a même polynôme caractéristique
que B t B.

Exercice 1.4 Soit une matrice stochastique d’ordre n. Montrer que toute valeur propre de A
de module maximal est une racine m-ème de l’unité avec 1 ≤ m ≤ n.

Solution 1.4 Voir J. M. Ferrard, sur ce site, le problème sur les matrices stochastiques en
Maths Spé.
28 Matrices positives et irréductibles
Bibliographie

[1] R. A. Horn, C. A. Johnson — Matrix analysis. Cambridge University Press (1985).


[2] J. E. Rombaldi — Analyse matricielle. EDP Sciences (2000).

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