Floraison 2
Floraison 2
Floraison 2
François Parcy
haque année, les mêmes plantes nerons le rôle essentiel que jouent le froid
L’ E S S E N T I E L
4 Pour fleurir, la plupart
C fleurissent à peu près au même
moment. Dans les pays tempérés,
les crocus et les primevères s’épanouis-
sent en février- m a r s, les champs de colza
et la longueur du jour sur l’apparition – ou
non – des fleurs.
Les plantes à fleurs, ou angiospermes
(du grecangeion, capsule, sperma, semence),
des plantes ont besoin dessinent des damiers jaunes au prin- représentent la majorité des espèces végé-
d’une exposition temps ; en été les coquelicots parsèment tales sauvages et cultiv é e s, avec plus de
de plusieurs semaines les champs de taches rouges, et les col- 260 000 espèces connues. Apparu au Juras-
au froid et d’une longueur chiques marquent l’arrivée de l’automne. sique supérieur, il y a 150 millions d’an-
de jour adaptée. Si les plantes à fleurs accompagnent ainsi nées, ce groupe végétal doit son succès
4 On dispose désormais les saisons, c’est qu’elles sont adaptées é volutif à l’« invention » de la fleur.
d’une description précise à leur environnement : chaque espèce
fleurit, donc se reproduit, lors de la
des mécanismes
période la plus favorable à la dispersion
Fleurir au bon moment
moléculaires qui font
fleurir les plantes. des graines, qui assureront la naissance Cet organe, constitué de feuilles modifiées,
d’une nouvelle génération. abrite et protège les organes reproduc-
4 Le froid déclenche Cette adaptation sous-entend que les teurs (les étamines, mâles, et les carpelles,
la synthèse de protéines plantes sont capables de capter des femelles), attire les insectes pollinisateurs
qui inhibent un gène clé signaux de l’environnement spécifiques (par ses parfums, ses couleurs et son
dans le bourgeon floral. d’une période de l’année. Ces signaux nectar) et donne naissance à un fruit, struc-
ont été identifiés à partir des années 1920 : ture adaptée à la survie et à la dispersion
4 Dans les feuilles, ce sont principalement la température et des graines qu’il contient. Grâce à leurs
la lumière active la durée du jour. Mais les mécanismes fleurs et à leurs fruits, les angiospermes
la synthèse du florigène, moléculaires qui permettent à la plante ont colonisé tous les milieux, y compris
une protéine qui migre d’interpréter ces messages env i r o n n e- aquatiques, en supplantant les plantes aux
dans la sève jusqu’au mentaux, et de fleurir ont été découve r t s graines non protégées et dépourvues de
bouton floral. récemment. Après avoir rappelé quelques fleurs, les gymnospermes (les conifères
généralités sur la floraison,nous exami- par exemple).
VIN3
VRN2
Hampe florale
TRANSITION FLORALE
e 2
c A près une période végétative, des cellules
souches (d) du méristème apical (e) com-
mencent à produire des fleurs ; c’est la tran-
s ition flora le. Tou tef oi s, cel le- ci ne peu t
s’accomplir que si le gène FLC, inhibiteur
Méristème apical des gènes de la flora i son, est à son tou r
inhibé da ns ces cel l u les. C ’est le rôle
du froid : c’est la phase de vernalisation.
b Le froid d é clen che la sy nth è se d’u ne
protéine, VIN3, qui inhibe transitoirement
l’epression de FLC. Deux autres protéines,
VRN1 et VRN2, prolongent cet effet.
Plantule
GERMINATION
a Plant d’arabette
1
Da ns la gra i ne (a) de l’arabe tte des Da mes
Cellule (Arabidopsis thaliana), le gène FLC (Flowering
Locus C) est déjà actif. La protéine FLC corres-
pondante bloque l’expression de gènes néces-
sa i r es à la f lora i son. La pla ntu le (b) qui na î t
Graine de la germination, comme la plante adulte (c)
sont de ce fait incapables de fleurir .
Sur la piste la lumière). La feuille produit donc un Les plantes à fleurs n’ont pas les mêmes
signal qui se propage dans la plante jus- besoins d’exposition au froid (vernalisation)
du florigène qu’au méristème. et à la lumière (photopériode). On trouve de
Nous avons examiné comment la sortie de Des expériences de gre ffe ont mis en multiples combinaisons entre les plantes
pour lesquelles le froid et la lumière sont
l’hiver coïncide avec la suppression de l’in- évidence que ce signal peut se transmettre indispensables, jusqu’aux plantes qui ne
hibition de la floraison. Cependant, même d’une plante à l’autre et même d’une espèce nécessitent ni l’un ni l’autre.
vernalisées, la plupart des plantes ne à l’autre. En 1937, le Russe Mikhail Chai-
sont pas prêtes à s’épanouir : la floraison lakhyan nomma ce signal universel du nom
n’aura lieu que si le jour n’est pas assez de florigène. Dès lors, les scientifiques du
long. C’est ce qu’ont mis en évidence monde entier n’ont eu de cesse de l’iden-
dans les années 1920 les botanistes améri- tifier. Ces re c h e rches ont abouti en 2007.
cains Wightman Garner et Harry Allard . Pour les comprendre, revenons sur la
Les plantes qui ont besoin de jours longs notion de perception de la photopériode.
(par exemple 14 heures de lumière par Comment la feuille détecte-t-elle les varia-
24 heures) se re p roduisent au printemps tions de la durée du jour ? Ce n’est pas la
(moutarde, campanules, betterave, radis, quantité de lumière qui importe. En effet,
LE ROLE DE L A PHOTOPÉRIODE
Méristème apical
e
f
Protéine FD
a
Concentration
de l’ARN messager
de la protéine CO
b
Protéine CO
Tige
Migration de
la protéine FT
d
Protéine FT
Tube criblé
c
GèneFT