finances publiques locales
finances publiques locales
finances publiques locales
Volume 2 – Mémoire
Les finances publiques locales : plaidoyer pour une vision
systémique, territorialisée et diachronique ?
Françoise Navarre
EUP – Lab’Urba
Composition du jury
Guy Baudelle, Professeur, Université Rennes 2
Xavier Desjardins, Professeur, Sorbonne Université (rapporteur)
Sonia Guelton, Professeure, Université Paris Est Créteil
Antoinette Hastings-Marchadier, Professeure, Université de Nantes (rapporteure)
Corinne Larrue, Professeure, Université Paris Est Créteil
Jean-Michel Uhaldeborde, Professeur émérite, Université de Pau et des Pays
del’Adour (rapporteur)
Mes remerciements vont à toutes celles et à tous ceux qui m’ont accompagnée,
qu’ils l’aient su ou non, qu’ils l’aient voulu ou non.
Ils sauront se reconnaître….
Sommaire
Chapitre introductif................................................................................................................................ 7
Introduction.................................................................................................................................................. 9
1-Les finances publiques locales comme objet ? ....................................................................................... 11
2-Un objet livré à des visions complémentaires ........................................................................................ 21
3-Une construction fondée sur des emprunts théoriques ......................................................................... 27
4-Des orientations méthodologiques......................................................................................................... 39
Eléments de conclusion .............................................................................................................................. 53
Chapitre 1 - Le système financier local et son édification complexe ....................................................... 57
Introduction................................................................................................................................................ 59
1-Une affirmation progressive du système financier local ........................................................................ 63
2-Une structuration interne et des mutations conjointes ......................................................................... 77
3-Une acception de la soutenabilité du système financier local................................................................ 97
Eléments de conclusion ............................................................................................................................ 109
Chapitre 2 - La fiscalité locale, des principes et des réalités ................................................................. 113
Introduction.............................................................................................................................................. 115
1-Des collectivités inégalement dotées en capacités de taxation ........................................................... 123
2-Le pouvoir local de taxation en questions ............................................................................................ 145
3-La fiscalité locale, aux prises avec les situations et les politiques locales ............................................ 157
Eléments de conclusion ............................................................................................................................ 177
Chapitre 3 – L’emprunt local, un sujet à risques .................................................................................. 183
Introduction.............................................................................................................................................. 185
1-Des politiques d’endettement aux prises avec diverses logiques ........................................................ 193
2-L’endettement, au sein d’un triptyque et de trajectoires à configuration locale................................. 201
3-Des politiques locales d’endettement à hauts risques ? ...................................................................... 225
Eléments de conclusion ............................................................................................................................ 245
Chapitre 4 – L’intercommunalité dans l’ordre des différences territoriales........................................... 251
Introduction.............................................................................................................................................. 253
1-Le bloc communal et la recréation d’un ordre de différences.............................................................. 263
2-L’intercommunalité et son adaptation territoriale en actes................................................................. 295
Eléments de conclusion ............................................................................................................................ 315
Conclusion ......................................................................................................................................... 321
Références bibliographiques .............................................................................................................. 351
Annexes ............................................................................................................................................. 385
Liste des tableaux .......................................................................................................................................... 421
Liste des figures ............................................................................................................................................. 425
Liste des cartes .............................................................................................................................................. 427
Liste des encadrés ......................................................................................................................................... 427
Glossaire ........................................................................................................................................................ 429
Table des matières ........................................................................................................................... 433
Chapitre introductif
« Nous en sortons conforté dans l’idée selon laquelle, d’une part les résultats
obtenus dans d’autres communautés scientifiques méritent d’être injectés pour
alimenter les controverses disciplinaires et, d’autre part les questions de science
politique centrées sur la légitimation et le sens de l’action publique méritent d’être
approchées en accordant une place décisive aux dispositifs techniques qui
accompagnent la mise en œuvre et la négociation quasi continue qui
l’accompagne. »
(Reigner et al., 2010 p. 59)
« La sociologie des finances publiques s’intéresse aux relations entre les faits
financiers, l’action publique et la société. Par leur volume et par leur logique, les
finances publiques sont au cœur de la société ; comme processus socio-politiques,
elles façonnent la société et sont en retour modelées par elle. La sociologie
financière étudie les budgets publics, alors que la sociologie fiscale (…) se focalise
sur le corpus de recherches propres à l’impôt, le pont entre les deux matières
portant sur le lien entre les recettes et les dépenses. (…) Après le temps des
fondateurs, la sociologie financière se sépare entre une approche économique et
une approche socio-politique. (…) Son marché scientifique dépend de la demande
publique et sociale, et de l’offre spécialisée de connaissances dominée par les
juristes et les économistes. »
(Leroy, 2017, p. 823)
7
8
Introduction
Le carnet de voyages que nous avons esquissé (cf. Volume 1) atteste que la trajectoire de recherche suivie
jusque-là n’est en rien linéaire. Le paysage qui en résulte serait assimilable à une constellation d’expériences,
voire à une collection. Son éclectisme est néanmoins relatif puisque cet ensemble gravite autour d’un seul et
même centre, les finances publiques locales. Cet objet, ou ce sujet, a été et est encore pour nous au cœur de
divers éclairages qui, à défaut d’être exhaustifs, sont pensés comme complémentaires : l’unicité se double
alors d’une certaine unité, que nous visons précisément à révéler.
Certes, toutes les composantes des finances publiques locales ne sont pas explorées ; l’ensemble des prismes
disciplinaires potentiellement disponibles pour les analyser n’est pas mobilisé. Une revue de la littérature
existant dans le domaine (Allé, Navarre, 2015) montre que, finalement, ces angles de vue ne sont pas si
nombreux. Les analyses relatives aux budgets ou comptes des collectivités, aux pratiques de ces dernières
en matière de dépenses et/ou de recettes sont, dans les faits, principalement développées dans des
domaines scientifiques relativement circonscrits, à savoir les sciences juridiques, économiques, socio-
politiques et de gestion1. Qui plus est, même si les approches et conclusions diffèrent, les thématiques mises
à l’étude sont bien souvent voisines.
Les productions académiques reposent sur une acception – largement commune – des finances publiques
locales ; cet objet commun est cependant abordé ou questionné sous différentes formes, ce qui conduit à
sérier ces travaux au sein de plusieurs « visions » distinctes (1). En se fondant sur les complémentarités de
ces dernières, plutôt qu’en cultivant leurs oppositions, il est possible d’affirmer un positionnement
singulier (2). Une telle recherche de transversalité est fréquente, pour ceux qui sont familiers avec le domaine
de l’aménagement et de l’urbanisme. Partant, ce positionnement engage à développer des axes spécifiques
de questionnements, ne serait-ce que pour intégrer les particularités des territoires, celles des espaces
urbanisés ou non dans lesquels se déploient les actions publiques contribuant à les façonner. La mobilisation
des moyens financiers (ou des ressources monétaires) au sein des entités publiques locales par leurs
responsables en charge de ces actions n’échappe pas à cette dépendance. Suivant ce fil, nous retraçons alors
les principales directions que nous avons empruntées, allant jusqu’à les formaliser sous forme de
plaidoyer (3). Poursuivant, nous précisons quels sont les procédés méthodologiques que nous avons mis en
œuvre et qui sans être exclusifs, servent à donner une consistance empirique aux travaux effectués, voire à
venir (4).
1 Les géographes, les spécialistes de l’aménagement et de l’urbanisme sont peu présents sur ces thématiques, si ce n’est dans une
9
10
1-Les finances publiques locales comme objet ?
D’un sous-ensemble à un objet singulier
En première analyse, les finances publiques locales peuvent être définies et examinées comme l’un des sous-
ensembles des finances publiques. Ces dernières s’entendent comme les ressources, les emplois qu’en font
les puissances publiques, au sein desquelles les collectivités locales. La provenance et les usages de ces fonds,
leurs montants sont consignés dans les budgets et comptes2 que ces entités3 sont tenues d’établir.
Si l’on retient cette perspective, le caractère public des collectivités locales conduit à assimiler leurs finances
à celles des autres composantes (majeures) du secteur, tels l’Etat, les organismes de Sécurité sociale, ou
d’autres (mineures) regroupant les entités dépendant des uns ou des autres4. L’agrégation des opérations de
dépenses ou de recettes de toutes ces composantes importe en particulier à des fins d’évaluation au niveau
national, dans un but de comptabilisation des moyens considérés comme dédiés à la conduite des actions et
des politiques qui sont déployées au sein du pays, et à des fins d’évaluation de leur répartition entre sous-
secteurs (cf. Encadré 1).
La nature des moyens en question et leur provenance (principalement les produits des prélèvements
obligatoires acquittés par les contribuables ou redevables), celle des missions (d’intérêt général) assumées
par ces entités sous-entendent un ensemble de contraintes et de règles de gestion qui leur sont communes.
Les fonds à disposition des collectivités et ceux de leur gouvernement central, les finalités que les uns et les
autres poursuivent au travers de leurs usages présentent de fortes similitudes. Ce qui emporte au moins deux
types de conséquences. En premier lieu, les entités locales sont engagées dans le partage de la souveraineté
ou du pouvoir d’extraction de recettes fiscales, quand celui-ci est généralement un des fondements mêmes
des Etats (Buisson, 2002). Ces entités sont de la sorte inscrites dans les enjeux inhérents à la compétition
entre acteurs, de diverses natures, pour l’accès à de telles ressources ; elles sont donc parties prenantes des
politics5 qui traversent et façonnent la sphère publique (Muller, 2008 ; Leca, 2012). A ce titre, elles sont
justifiables des analyses dédiées à ces compétitions et à ces rapports de pouvoir. En second lieu, comme
toutes les entités impliquées dans le maniement des deniers publics, les collectivités sont soumises aux
principes budgétaires6 et comptables régissant l’usage des de ces fonds (Muzellec, 1988). Certes, les principes
en question supportent des adaptations selon les niveaux de gouvernement. Ils n’en existent pas moins. Il en
résulte que les finances des collectivités, tout comme les emplois de leurs fonds ainsi que la gestion de ces
2 Les budgets sont en général des documents prévisionnels ; les comptes sont assimilables à des bilans, dans lesquels sont
enregistrées les entrées et sorties effectives de fonds. Les uns et les autres sont élaborés annuellement. Fréquemment, dans les
analyses d’ensemble, les 2 termes sont tenus comme des synonymes. L’adjectif prévisionnel adjoint au terme de budget permet
d’établir la distinction lorsque de besoin.
3 Par facilité, nous procédons à une réification certaine. Sont imputés aux collectivités, aux entités locales des pratiques qui relèvent
niveau national. Ceux-ci sont regroupés selon les grandes fonctions telles les services généraux, la défense, l’ordre et la sécurité
publics, les affaires économiques, la protection de l’environnement, le logement et le développement urbain, la santé, les loisirs, la
culture et la religion, l’éducation, la protection sociale. Existent également des organismes divers d’administration locale (ODAL). S’ils
sont nombreux (plus de 700 ODAC), ces organismes jouent un rôle modeste sur le plan budgétaire : les dépenses des ODAC
représentent, en 2014, environ 7% des dépenses publiques totales, celles des ODAL à peu près 2% (estimation, à partir de : DGCL,
Les collectivités locales en chiffres CLEC, 2016).
5 D’un point de vue plus général, nous nous référons aux distinctions usuellement admises et synthétisées par G. Vowe (2008, np) :
« How much do the terms politics, policy, and polity differ from one another and how helpful is their distinction for the research on
political communication? In Anglo-American technical terminology, each of these terms describes a different nuance of the political.
Polity is used in the sense of “community.” The term comes from the Greek word polis and includes not only the city state, but also
other forms of politically organized societies such as the nation-state and the empire. Politics describes the theory and practice of the
power struggle between the players inside the polity. It constitutes the core of the political system. Policy aims at the planned
formation of social domains such as economy, environment, or education through collectively binding decisions (“policy making”). »
6 Dont bon nombre découlent, pour l’essentiel, des 4 principes majeurs régissant les finances et budgets publics à savoir l’annualité,
11
derniers sont fortement institutionnalisés : ils sont régis par un ensemble conséquent et historiquement
constitué de normes, de règles et d’arrangements organisationnels particuliers de toute sorte (Billaudot,
2004). Leur analyse compréhensive suppose, si ce n’est celle des modalités mêmes de constitution de ces
institutions, au moins la mise en évidence de leur nature et la reconnaissance de leurs particularités.
A ce stade, il nous importe en tout état de cause de retenir que, sous le poids de divers facteurs, les finances
du secteur public local portent la marque d’une dépendance aux finances publiques dans leur ensemble, soit
encore à un tout qui les englobe, avec lequel elles entretiennent des relations d’homologie, tout en s’en
distinguant (Hertzog, 2002b).
L’une de ces distinctions réside dans des effets de volume et de dispersion. Ne serait-ce qu’en raison des
montants budgétaires dont elles sont attributaires et gestionnaires, des activités qui leur reviennent, toutes
les composantes du secteur public ne sont pas assimilables les unes aux autres. Les enjeux tout comme les
modalités de régulation ne peuvent être semblables, entre des dépenses étatiques atteignant actuellement
chaque année pratiquement 500 milliards d’€ et une myriade de budgets annuels locaux, portés par une
multitude d’entités et qui, cumulés, s’élèvent à environ la moitié de ce montant7. Dans les années 80, la
disproportion était d’ailleurs bien plus sensible : les dépenses des collectivités représentaient à peu près 17%
de celles du secteur public8. Autant d’ailleurs pour justifier que la focale, politique comme académique, se
soit principalement portée sur les finances publiques en général plutôt que d’être placée vers celles des
collectivités locales en particulier.
Ces dernières ont gagné en intérêt, non seulement du fait de leur montée en puissance mais également en
raison de leurs particularités. Celles-ci tiennent pour partie au fait qu’est garanti, à toute collectivité, le
principe de sa libre administration9. Cette forme de liberté, consacrée par la Constitution (en son article 72),
suppose notamment l’existence de marges de manœuvre dans la gestion des moyens dont chacune est
dépositaire. Les choix qu’effectuent ses représentants diffèrent, au moins potentiellement, de ceux opérés
par les décideurs des autres collectivités. Soit autant de décisions élémentaires dont la réunion est
susceptible de contrarier tout ou partie des orientations prescrites pour les finances publiques dans leur
ensemble, et dont le gouvernement reste garant. De façon récurrente, se pose la question de la cohérence
entre les politiques publiques (au sens de policies, cf. supra) définies au niveau national, notamment en
termes de dépenses et de recettes, et les comportements adoptés localement. Sont encore en jeu les
relations entre représentants locaux et nationaux, au sein de la communauté politique (au sens de polity,
cf. supra) à laquelle ils appartiennent. La tension est de la sorte permanente entre des tendances contraires,
les unes inclinant à l’unité et à la convergence, les autres engageant vers la diversité et des divergences,
potentielles ou avérées, au nom des principes communément reconnus de gouvernement. Pour être
maintenus, ceux-ci sous-entendent autant de dispositions régulatrices, correctrices. Les finances des
collectivités sont de ce fait non seulement dans des relations d’homologie par rapport à l’ensemble auquel
elles appartiennent mais également dans des rapports évolutifs ou variables, sous le poids de mécanismes
d’adhésion (à des principes communs), de détachement (compte tenu de finalités différentes).
7 En 2016, selon les données issues de la Comptabilité nationale, les dépenses de l’Etat s’élevaient à près de 479 milliards d’€, celles
des Administrations Publiques Locales APUL (cf. infra) à un peu plus de 248 milliards d’€ et celles des Administrations de Sécurité
sociale à environ 584 milliards d’€ (source : DGCL, Les collectivités locales en chiffres CLEC, 2018).
8 En 1980, les dépenses des APUL s’élevaient à 36 milliards d’€, celles de l’ensemble des Administrations Publiques avoisinaient 210
s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ». La
libre administration sous-entend entre autres une autonomie juridique (les collectivités sont des personnes juridiques distinctes de
l’Etat), une autonomie organique (l’existence de conseils élus en propre), une autonomie fonctionnelle (l’exercice d’une compétence
générale au sein d’une circonscription donnée, au nom de l’intérêt local).
12
L’indépendance locale n’est en tout état de cause pas totale. En effet, seul l’Etat dispose de la compétence
de sa compétence ; les représentants des collectivités sont autorisés à intervenir et à dépenser uniquement
dans les domaines prescrits par le législateur (Poujade, 2017). Il demeure néanmoins que des garanties
constitutionnelles sont apportées aux décideurs locaux, ménageant expressément l’autonomie financière de
leurs collectivités10. De la sorte, si les libertés financières ou budgétaires des entités locales sont contenues,
les conditions de leur autonomisation sont posées. Leurs finances ne sont alors pas dans un simple rapport
de sujétion au regard de l’ensemble des finances publiques ; elles n’en constituent pas simplement un objet
dérivé. Le décryptage du tout auquel elles se rapportent n’épuise pas leur contenu.
Les développements suivants conduisent à étayer ces premiers énoncés. D’ores et déjà, les formulations
précédentes laissent transparaître une ligne problématique récurrente, et présente en filigrane dans la
plupart des travaux consacrés aux finances publiques locales comme dans ceux que nous avons effectués :
en tant qu’appartenant à un ensemble dont il se distingue, notre objet d’analyse est traversé par des enjeux
qui le dépassent et conjointement, il est parcouru par d’autres qui lui sont propres. Ces faits d’assimilation
pour les uns, de singularisation pour les autres fondent l’un des intérêts des investigations, conduites ou à
conduire. Ils nous engagent à nous pencher sur les traits propres à l’objet ainsi circonscrit, tout en n’ignorant
pas les rapports évolutifs de dépendance et de conformité qui contribuent à le modeler. D’un point de vue
analytique, ils nous enjoignent à nous référer aux travaux spécifiquement dédiés à cet objet, tout en
n’ignorant pas les approches globales qui sont de nature à l’éclairer.
Au-delà de cette perspective générale, les contours mêmes de ce que l’on entend comme collectivités et en
premier lieu, de ce que l’on retient au titre de leurs finances demandent à être précisés.
10 Selon la Réforme du 28 mars 2003, au terme de laquelle l’article 72-2 de la Constitution précise le contenu de la notion d’autonomie
financière des collectivités. Est ainsi énoncé que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer
librement dans les conditions fixées par la loi ».
13
Encadré 1 – Les finances publiques locales en comptabilité nationale et en comptabilité publique
Les analyses (empiriques) portant sur les finances des collectivités sont construites par les acteurs, experts et
chercheurs… du domaine tantôt sur la base de données issues de la comptabilité nationale, tantôt en utilisant les
informations provenant de la comptabilité publique.
La comptabilité nationale reconnaît le secteur des Administrations Publiques (APU) comme étant l’ensemble des unités
institutionnelles (contrôlées directement ou indirectement par l’Etat ou par les collectivités territoriales) dont la
fonction principale est de produire des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution du
revenu et des richesses nationales (Insee). Cette production et ces opérations sont principalement financées à partir de
prélèvements obligatoires.
Le secteur des APU se subdivise en Administrations Publiques Centrales APUC (État, Organismes Divers d’Administration
Centrale ODAC), en Administrations Publiques Locales APUL et en Administrations de Sécurité Sociale ASSO.
Les APUL comprennent les collectivités locales et les Organismes Divers d’Administration Locale (ODAL). Les collectivités
locales correspondent alors aux collectivités territoriales (communes, départements, régions), aux groupements à
fiscalité propre et à certaines activités des syndicats des collectivités. Les ODAL, dépendants des collectivités, sont des
établissements publics locaux non marchands (comme les crèches, les centres communaux d’action sociale…) ; il peut
également s’agir d’établissements publics nationaux ayant une action territorialisée (agences de l’eau…), d’organismes
consulaires (chambres de commerce et d'industrie…). Les dépenses des collectivités locales stricto sensu représentent
la quasi-totalité de celles enregistrées au titre des APUL (Tableau 1).
Tableau 1 – Dépenses (par nature) des collectivités locales, en milliards d’€ et en % des dépenses des APUL, 2013 à 2017
2013 2014 2015 2016 2017
dépenses des collectivités locales, en milliards d'€
Total des dépenses 231,3 231,4 228,0 226,8 232,2
dont dépenses de fonctionnement 103,2 106,5 107,5 107,8 108,6
dont Formation brute de capital fixe FBCF 48,0 43,7 39,3 38,1 40,4
Quel que soit le secteur, l’établissement de la comptabilité nationale repose sur une acception spécifique de la dépense
publique. Celle-ci ne se traduit pas nécessairement par un flux de trésorerie, soit encore par une sortie effective de
fonds. Une dépense « appauvrit » l’entité concernée, c’est-à-dire qu’elle diminue son actif financier net courant
(Ministère de l’Economie et des Finances, Ministère délégué du Budget, 2013)11. Une telle convention est source
d’écarts par rapport aux montants évalués selon d’autres règles et notamment, celles de la comptabilité publique, cette
dernière étant fondée sur l’enregistrement des mouvements de caisse (cf. infra).
Les opérations budgétaires des entités sont ventilées en fonction de leur nature économique (création de valeur
ajoutée, de formation brute de capital fixe FBCF, prestations et transferts, prélèvements obligatoires…).
Les données produites pour les APU au niveau national sont obtenues par consolidation (et donc, après élimination des
flux financiers transitant entre les sous-secteurs les composant). Par convention, la dépense est attribuée au secteur
destinataire du transfert, c’est-à-dire celui qui paie in fine la dépense12.
11 Pour exemple, des créations d’équipements collectifs génèrent des dépenses et des besoins de financement ; ce qui n’est pas le
cas pour des prises de participation dans des sociétés (d’économie mixte).
12 Ce qui aboutit à réduire le niveau des dépenses de l’État, ce dernier étant la principale source des transferts vers les autres
administrations publiques
(source : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/finances-publiques/grandes-caracteristiques-finances-publiques/s-
informer/structure-depense-publique#.XCZf3_ZFzIU).
14
En comptabilité publique, les comptes individuels des collectivités et de leurs groupements, ceux de leurs services
industriels et commerciaux (à comptabilité distincte) ainsi que ceux de leurs établissements publics créés pour certaines
activités spécifiques (centres communaux d’action sociale, caisses des écoles…) font l’objet d’une synthèse, établie sous
l’égide de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et sous celle de la Direction Générale des Collectivités
Locales13. Des instructions comptables14, propres à chaque catégorie de collectivités et d’établissements mais reposant
sur des principes communs inspirés du Plan Comptable Général, rendent possibles les opérations de synthèse ainsi que
les comparaisons, entre catégories comme en leur sein.
Les volumes budgétaires résultant de l’agrégation des comptes individuels sont artificiellement majorés puisque les
doubles comptes (tels les flux financiers transitant entre entités) ne sont pas éliminés.
Les catégories de recettes et de dépenses figurant dans les agrégations sont celles, largement communes, utilisées pour
l’établissement des budgets et des comptes des entités concernées. Elles reposent notamment sur une ventilation par
nature des opérations, soit encore sur une répartition faisant écho à la nature même des agents économiques
contribuant aux budgets locaux (acquittant des impôts ou taxes, des redevances…), ou à l’origine des charges ou encore
bénéficiant des versements (des dépenses de personnel, des achats et charges externes…). Les flux financiers en jeu
sont enregistrés avec détail. Sont notamment distinguées les opérations relevant du fonctionnement (ou de la gestion
courante), celles ressortant de l’investissement (et contribuant à la modification du patrimoine des entités en question).
Tableau 2 – Ventilation fonctionnelle des opérations budgétaires/financières des collectivités (de plus de
3 500 habitants), à partir des instructions comptables
Communes et EPCI Départements Régions
(instruction M14) (instruction M52) (instruction M71)
Fonction 0 Services généraux Services généraux Services généraux
Fonction 1 Sécurité et salubrité Sécurité Formation professionnelle et
apprentissage
Fonction 2 Enseignement - formation Enseignement Enseignement
Fonction 3 Culture Culture, vie sociale, jeunesse, Culture, sports loisirs
sports, loisirs
Fonction 4 Sports et jeunesse Prévention médico-sociale Santé et action sociale
Fonction 5 Intervention sociale et santé Action sociale Aménagement des territoires
Fonction 6 Famille Réseaux et infrastructures
Fonction 7 Logement Aménagement et Environnement
environnement
Fonction 8 Aménagement des services Transports Transports
urbains, environnement
Fonction 9 Action économique Développement économique Action économique
Source : à partir des Instructions comptables des différents types de collectivités
En comptabilité nationale comme publique, est également opérée une ventilation fonctionnelle des recettes et des
dépenses (inspirée de la Nomenclature par Fonction des Administrations). Selon leur origine et destination, les
opérations financières des entités locales sont en particulier réparties au sein de 9 fonctions (Tableau 2). Les
dénominations correspondent a priori aux domaines de compétences et d’intervention des entités publiques. Dans les
faits, l’importance des dépenses non ventilées et imputées aux Services généraux, l’hétérogénéité des rubriques à
l’intérieur de chacune des fonctions (voire de leur décomposition en sous-fonctions) s’opposent à la mobilisation des
données fonctionnelles à des fins d’évaluation des interventions des collectivités dans la conduite de politiques
sectorielles (Guengant, 1998 ; Catteau, 2011).
Les objectifs poursuivis par les deux formes de comptabilité (nationale/publique) diffèrent, tout autant que les
périmètres retenus par l’une et l’autre. De façon implicite, toutes deux sont porteuses de visions particulières du secteur
public, de la gestion des moyens associés. Ces conceptions sont loin d’être neutres.
13 La première opère à partir des comptes de gestion établis par les trésoriers ou receveurs (fonctionnaires d’Etat et délégués auprès
des collectivités), la seconde à partir des budgets (prévisionnels) et comptes administratifs (retraçant les opérations effectivement
réalisées) établis par les ordonnateurs (présidents des exécutifs locaux).
14 Celles actuellement applicables sont précisées dans la circulaire N°F CPE1602199C du 10 juin 2016.
15
Notamment, les catégorisations à l’œuvre des dépenses publiques, fondées sur leur ‘économisation’, révèlent et sous-
tendent des visions normatives des activités mêmes des entités concernées ; elles les éloignent de leur vocation
fondamentale, consistant à satisfaire l’intérêt public. Cette autonomisation (au regard du droit en général et du droit
public en particulier) et cette saisie disciplinaire sont propices à des modélisations, à des spécialisations de plus en plus
raffinées. Ce qui contribue à une distanciation croissante au regard des finalités poursuivies au travers de l’usage des
fonds publics ainsi qu’à l’endroit de la logique des prélèvements rendant cet usage possible (Kissangoula, 2017). Ce qui
induit encore une perte de transparence de la gestion et de l’action publique, pour les décideurs comme pour les
citoyens (Boutmy, Rival, 2013). Ces conventions et catégorisations ne sont pas sans incidences (négatives) sur les
pratiques, par exemple en matière de gestion de la dette locale (Gilbert, 1988).
Certes, la normalisation comptable, y compris dans ses évolutions, apparait comme légitime, et même indispensable en
tant que mode et instrument de représentation, de coordination et d’organisation de l’espace public et de l’action
collective, sur la scène nationale comme internationale. Néanmoins, tout à la fois, ces conventions fixent comme elles
redéfinissent les rôles respectifs du secteur public et des acteurs privés, des gouvernements centraux et des entités
décentralisées (Biondi, Mussari, 2013 ; Mussari, 2013). A ce titre, les évaluations produites sont loin de former des
représentations passives de la réalité (Lemoine, 2014a).
Notamment, comme le soulignait J. Bouinot (1971), la comptabilité nationale est principalement un instrument
d’observation des politiques économiques ou de l’économie politique. La comptabilité publique est quant à elle avant
tout un dispositif de contrôle, destiné à surveiller la manipulation des deniers publics, à garantir leur usage
conformément aux règles et principes retenus à ces fins. En conséquence, sur le plan pratique et analytique, les
catégorisations et niveaux de détail ne sont pas identiques dans l’un et l’autre des systèmes de comptabilisation. La
différence de traitement des flux internes aux sous-secteurs en est un exemple.
Les écarts et différences de conception sont par exemple nets en matière d’investissement réalisé par les collectivités.
En comptabilité nationale, il est entendu en termes de FBCF, soit encore d’investissement en capital fixe (et en
acquisitions diminuées de cessions). Se distinguant des consommations intermédiaires, cette formation correspond
pour l’essentiel à des actifs régulièrement utilisés, pendant au moins un an, dans un processus de production (Groupe
Caisse des Dépôts, 2014). Ces processus ne font pas réellement sens, du point de vue des activités des puissances
publiques en général, des collectivités en particulier (Angels, 2008). Les acquisitions réalisées (y compris lorsqu’elles
sont nettes) par ces dernières ne traduisent pas réellement leur contribution à l’investissement économique dans son
ensemble, voire l’utilité des biens et services dont elles sont à l’origine. D’un point de vue factuel, les montants de FBCF
diffèrent encore des dépenses d’investissement telles qu’évaluées en comptabilité publique, ces dernières représentant
alors leurs dépenses d’équipement15, les remboursements de dette effectuées ainsi que les subventions versées (à des
tiers et composant leur investissement indirect).
De façon générale, les agrégats de la comptabilité nationale servent des évaluations macroéconomiques et des
comparaisons intersectorielles au sein de la sphère publique elle-même. Les ventilations opérées avec la comptabilité
publique rendent possibles des analyses détaillées, des comparaisons entre collectivités de rang différent comme à
l’intérieur d’un type donné de collectivités, et encore une exploration fine pour chacune de ces collectivités.
Les informations provenant de l’un et de l’autre des deux dispositifs autorisent des analyses diachroniques, sous réserve
toutefois de prendre garde aux évolutions ou réformes affectant les techniques comptables16.
15 Alors considérées, d’un point de vue comptable, comme des dépenses consenties pour des immobilisations incorporelles ou
corporelles, pour des travaux (en cours) et pour la réalisation d’opérations pour compte de tiers.
16 Les modifications apportées aux instructions comptables s’appliquant aux collectivités ne sont pas sources de bouleversements
majeurs, pour les explorations que nous avons pu conduire et pour les périodes étudiées.
16
Une matière financière tributaire de conventions
Les dépenses publiques sont celles effectuées par les puissances publiques… Cette formulation usuelle est
tautologique… Elle demande à être précisée, en examinant la matière financière elle-même, celle que
considèrent usuellement les experts, analystes de tous ordres s’intéressant au domaine, celle encore qui
résulte des conventions17 en vigueur.
Les spécialistes en question raisonnent en utilisant les données et périmètres retenus soit pour
l’établissement de la comptabilité nationale, soit pour celui de la comptabilité publique (cf. Encadré 1). Dans
l’une comme dans l’autre des comptabilisations, les entités composant la sphère publique sont
principalement distinguées selon leur nature ainsi qu’en fonction des actions qu’elles conduisent. Pour
autant, les acceptions retenues dans chacune des deux évaluations, les périmètres adoptés, et notamment
la désignation des entités publiques locales, ne sont pas totalement identiques.
En comptabilité nationale, le raisonnement est principalement tenu en se fondant sur la nature économique
des activités : la production de biens non marchands, des missions de redistribution fondent une vocation
publique ou de service public. Concourant à cette finalité d’ensemble, les collectivités locales entrent dans la
comptabilisation. Elles n’apparaissent cependant pas réellement en tant que telles. Elles sont en effet
regroupées avec les organismes qui dépendent d’elles, formant alors le sous-secteur des Administrations
Publiques Locales (APUL) pour lequel des évaluations chiffrées sont publiées. Les agrégats disponibles pour
le sous-secteur des APUL, comme pour les autres sous-secteurs, sont conçus en vue de rendre compte de
leur contribution respective à la production et aux missions retenues comme publiques. Importent alors par
exemple les montants qu’elles dédient à la création d’équipements (FBCF) ou à des activités de redistribution
(transferts).
Avec la comptabilité publique, on vise à recenser, avec exhaustivité, ainsi qu’à contrôler les mouvements de
fonds publics. Ainsi la nature de ces fonds comme le statut institutionnel des entités en charge de leur
maniement servent-ils de critère d’inclusion ou non dans le périmètre du secteur public. En raison de la
provenance de leurs ressources et des emplois de ces dernières, de leur reconnaissance institutionnelle, les
collectivités locales sont prises en compte. Peuvent également l’être les services rendus sous leur égide ainsi
que les opérations réalisées par leurs établissements publics. Les comptes individuels de ces entités étant
organisés selon une nomenclature reposant sur des principes (globalement) communs, leur sommation est
possible, pour toutes les entités concernées comme pour tout sous-ensemble choisi en leur sein. Sont en
particulier disponibles les données regroupées par types (ou échelons) de collectivités. Dans tous les cas, les
agrégats produits sont tributaires des catégorisations opérées sur la base de la nomenclature en vigueur. Ils
renseignent principalement sur la nature financière des opérations, de recettes et de dépenses.
Chacune des deux comptabilités repose donc sur ses propres principes et conventions. Elle délimite à sa
façon ce qui lui semble composer les finances publiques des entités publiques. Chacune est établie à partir
de visées teintées à la fois de velléités d’objectivation et de perspectives normatives.
Les conventions ou normes n’étant pas les mêmes, les flux recensés mais également les entités entrant dans
chacune des formes d’évaluation diffèrent. En particulier, les collectivités locales et leurs finances sont
différemment traitées dans l’un et l’autre des deux modes de comptabilisation. De ce fait, les volumes
d’ensemble qui résultent soit de la comptabilité nationale, soit des sommations des comptabilités publiques,
sont séparés par des écarts. D’un point de vue informatif, l’existence de ces derniers mérite d’être soulignée.
Ces différences n’altèrent cependant pas fondamentalement les ordres de grandeur d’ensemble établis au
niveau national et les tendances qui les affectent. Elles sont peu sensibles, concernant les collectivités à
17 Dans une acception large, au sens de règles (juridiques ou non) adoptées à l'intérieur d'un groupe social.
17
proprement parler. Les fonds que manient ces dernières constituent en effet l’essentiel de ceux
comptabilisés pour les APUL ; ils priment nettement comparativement à ceux des établissements publics
intervenant pour leur compte (cf. Encadré 1).
Par-delà leurs différences, un trait commun unit les deux formes de comptabilité. Que la comptabilisation
soit effectuée en fonction de la nature des missions rendues par les entités (alors désignées comme
publiques, en comptabilité nationale), ou en prenant appui sur la désignation institutionnelle des entités (les
désignant comme publiques, en comptabilité publique), elle repose sur des délimitations économiques et
financières qui restent finalement étrangères aux politiques ou actions – publiques – effectivement conduites
par les entités en question.
En effet, les deux évaluations partagent le fait de mal renseigner les déclinaisons sectorielles des
interventions financières locales (Guengant, 1998). Cette fin de connaissance de la priorisation des actions
des collectivités et de l’affectation de leurs dépenses par domaines d’intervention ne leur est pas première.
Ce qui est paradoxal, quand les mouvements successifs de décentralisation tendent à affirmer le rôle premier
des collectivités en matière d’action publique locale, dans de multiples champs de compétences… Il en
résulte par ailleurs un verrou informationnel difficilement contournable, pour les chercheurs et recherches
intéressés par les déclinaisons – fines – des interventions locales.
Qui plus est, le volume de FBCF réalisée par les APUL tout comme celui des dépenses d’investissement des
collectivités ne sont que peu révélateurs des activités que ces entités mettent en oeuvre en vue de délivrer
les services, prestations… à destination des publics ciblés. La catégorisation opérée des emplois ou des
dépenses entrave la perception des combinaisons d’immobilisations, de consommations de ressources et de
rémunérations, qui font finalement sens. Ce sont pourtant bien ces combinaisons qui contribuent à la
génération d’utilité pour les bénéficiaires. En outre, le découpage en exercices annuels induit sa propre
logique ; celle-ci ne suit pas nécessairement celle des programmes ou des actions récurrentes que mènent
les divers niveaux de gouvernement.
Les délimitations opérées nuisent encore à cette appréhension lorsque, par exemple, elles écartent les
interventions privées qui participent elles-aussi de la fourniture des biens et des services publics.
Sous différentes formes et en dépit des évolutions dans la détermination des périmètres des entités et des
flux pris en compte, malgré la sophistication croissante des méthodes de mesure, la lisibilité, politique, des
dépenses publiques locales demeure en conséquence difficilement perceptible (Kissangoula, 2017).
Les segmentations en vigueur organisent les représentations des contenus, économiques ou financiers,
associés aux activités dites publiques. En retour, ces valorisations, ces modes d’objectivation façonnent les
modes de faire des entités contribuant aux actions en question. Les indicateurs produits servent en effet à
mobiliser sur les faits de « bonne » ou de « mauvaise » gestion, sur les dynamiques à conforter ou au
contraire, sur les mesures à instaurer en vue de rétablir les équilibres, ou d’infléchir les trajectoires dans le
sens souhaité... En la matière, ce qui vaut au niveau national (Lemoine, 2014b) est aisément transposable
aux affaires locales. Pendant des décennies, les collectivités ont été tenues comme de plus en plus
dépensières, en raison notamment de la progression de leurs dépenses courantes. Ces charges ne sont
cependant représentatives que d’une part de leurs interventions et de leur rôle budgétaire. Malgré ces
réserves, leur rythme d’évolution annuelle sert désormais de variable de pilotage gouvernemental des
budgets locaux (Jaune budgétaire, diverses années ; Portal, 2018 ; Douat, 2019).
Il ressort de ce rapide aperçu que notre matière, ou notre objet, est fortement empreint de conventions, que
ses contours et contenus sont flous, au point de l’éloigner en de multiples endroits de ce que nous cherchons
à appréhender, à savoir le maniement effectif par les collectivités des fonds qu’elles sont en mesure de
mobiliser et les emplois que reçoivent ces fonds, en lien avec les missions qui leur sont dévolues dans le cadre
18
d’un fonctionnement décentralisé. Par adaptation pragmatique, nos explorations sont tributaires de ces
limitations, leur déconstruction apparaissant toutefois comme hors de portée.
Nous retenons qu’il s’agit des niveaux infra-ou subnationaux de gouvernement ayant une assise territoriale.
Ce qui implique que leurs exécutifs et assemblées délibérantes, élus, sont habilités à intervenir à l’intérieur
du périmètre, défini par des limites administratives et correspondant à leur statut institutionnel. Initialement,
tous ces échelons étaient dotés de la clause de compétence générale. Ainsi les conditions étaient-elles
réunies pour l’institutionnalisation de souverainetés, égales en capacités d’exercer leurs pouvoirs,
notamment en matière budgétaire (Béhar, Estèbe, 2012). Maintenant20, les champs de compétences des
conseils régionaux et départementaux sont plus restreints ; leurs facultés sur le plan financier, pour les postes
relevant de leurs domaines d’action, n’ont cependant pas été entamées. Communes, départements et
régions forment ainsi autant de gouvernements locaux ou territoriaux.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’échelons administratifs à proprement parler21, on adjoint aux précédents les
Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre22. Les organes délibérants
de ces groupements de communes ont en effet la possibilité de moduler les taxes qui leur reviennent (en
complément ou en substitution de celles de leurs communes-membres), de fixer et d’exécuter leurs budgets,
dans les mêmes conditions légales que les autres types de gouvernement locaux. L’existence de ces
latitudes23, sous-entendant des capacités à procéder à des choix budgétaires et financiers en propre, nous
conduit à inclure ces EPCI dans le champ des analyses dédiées aux finances locales. D’un point de vue
pragmatique, sans cette intégration, ces investigations perdraient d’ailleurs une partie de leur pertinence
18 Ce sont des personnes morales de droit public, bénéficiant d’une autonomie juridique et patrimoniale, possédant des assemblées
délibérantes élues au suffrage universel direct et des organes exécutifs ; elles sont dépositaires d’une compétence générale leur
permettant de prendre en charge tout problème d’intérêt local, à l’intérieur des limites de leur circonscription administrative. Plus
précisément, « Les collectivités territoriales sont des structures administratives françaises, distinctes de l'administration de l'État, qui
doivent prendre en charge les intérêts de la population d'un territoire précis. Sont définies comme collectivités territoriales : les
communes ; les départements auxquels s'ajoutent les cinq départements d'outre-mer (Dom) ; les régions auxquelles s'ajoutent
également cinq régions d'outre-mer ; les collectivités à statut particulier ; les collectivités d'outre-mer (Com). »
(source : Insee, http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/collectivite-territoriale.htm)
19 « L'expression collectivité locale désigne dans le langage courant ce que la Constitution nomme ‘collectivité territoriale’. En effet,
jusqu'à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les deux termes apparaissaient dans la Constitution : collectivité locale à
l'article 34 et collectivité territoriale au titre XII. Mais depuis seule cette dernière expression figure dans la Constitution. Les
collectivités sont donc désormais des ‘collectivités territoriales’, l'expression ‘collectivité locale’, n'étant plus juridiquement fondée. »
(source : Insee, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1353)
et Insee, http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/collectivite-territoriale.htm)
20 Depuis la Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
21 Ce sont des établissements publics. Ils ne disposent pas de la clause de compétence générale. Des précisions sont apportées à
l’occasion du Chapitre 4.
22 Distincts de ceux ne disposant pas d’un pouvoir fiscal, tels les syndicats (à vocation unique ou multiple) de communes. Sans être
négligeable, l’importance budgétaire des syndicats (intercommunaux et mixtes) est somme toute modeste : le montant de leurs
dépenses est évalué à environ 8% des dépenses totales des collectivités (source : Bulletin d’Information Statistique BIS, 2017, « Les
poids des budgets annexes et des syndicats dans les finances des collectivités locales », DGCL, n° 120, 8 p.).
23 Que nous explicitons par la suite (cf. Chapitre 4).
19
puisqu’actuellement, les dépenses des intercommunalités retenues représentent une part non négligeable
des dépenses locales (environ 15%), soit davantage que celle des régions elles-mêmes (près de 13%)24.
Une fois ces contours délimités, il nous semble que les travaux portant sur les finances des collectivités, au
moins ceux que nous avons consultés et ceux que nous avons développés, peuvent s’ordonnancer autour
d’angles de lectures contrastés. Nous explicitons quelles sont les différences et les complémentarités entre
ces approches ou visions ; elles constituent autant de bases servant à positionner notre propre cheminement.
20
2-Un objet livré à des visions complémentaires
« La conviction de ce livre [Gouverner par les finances publiques] est que les
questions financières, fiscales et budgétaires constituent un enjeu transversal et
incontournable de l’action publique. »
(Bezes, Siné, 2011, p. 20)
« Tout commence et tout aboutit au budget – acte cardinal de la gestion locale pour
toute entité publique qui est l’expression financière des décisions politiques en
matière de fonctionnement et de développement. »
(Valletoux, 2014, p. 32)
En cela, la France ne diffère pas des autres pays : chacun dispose d’une charte fondamentale (Constitution,
lois et règlements, etc.) arrêtant les choix de partage en matière de politiques publiques, de décisions
budgétaires et ainsi, les conditions de l’autonomie accordée à chaque niveau de gouvernement (Dafflon,
Madiès, 2008). Ces chartes présentent toutefois des variations sensibles, à la fois dans l’espace et dans le
temps : leurs contenus sont plus ou moins aboutis, selon les contextes nationaux et les périodes considérées.
La répartition des tâches entre niveaux de gouvernement trouve ses racines dans l’évolution politique et
historique de chaque pays davantage que dans la recherche d’une organisation optimale (Blöchliger, 2013).
Le contexte français, ses particularités et ses évolutions révèleraient à eux seuls que les processus en jeu ne
sont en rien linéaires (Hastings-Marchadier, Faure, 2015) ; ils résultent d’une rationalité multiple, d’une
multitude de rationalités.
21
Les processus de décentralisation, ou mieux encore de dévolution25, modifient en particulier les
arrangements en vigueur, en donnant lieu à des combinaisons propres à chaque cas de figure. Ces processus
consistent en un transfert de compétences (décentralisation fonctionnelle) des Etats vers des entités dont
l’action est circonscrite à un périmètre (spatial, administratif) bien délimité (décentralisation territoriale). Ces
répartitions se conjuguent ensuite avec un degré spécifique de décentralisation budgétaire, alors relatif à la
répartition des rôles et des relations financières entre Etat et collectivités. Enfin, le pouvoir local de mobiliser
des ressources (autonomie financière) n’est pas partout le même, pas davantage que celui de dépenser
(autonomie budgétaire).
La décentralisation étant, dans les faits, une combinatoire de plusieurs processus imbriqués de transferts de
différentes natures, les analystes et leurs travaux portant sur les finances des collectivités26 se saisissent de
tout ou partie des aspects en jeu. Les productions académiques en résultant ressortent alors d’au moins trois
principaux registres de questionnements, soit encore de trois visions différentes.
L’organisation de la comptabilité locale et sa nomenclature (cf. Encadré 1), fondées sur la nature des recettes
(leur provenance) et celle des dépenses (leur destination), favorisent cette vision, bien souvent spécialisée
et/ou segmentée.
En tant que trait majeur de ces investigations, on retiendra que les finances locales sont examinées comme
un en-soi ; elles sont livrées à un examen de leur fonctionnement interne. Forçant le trait, le mode de
questionnement à l’œuvre concentre l’attention sur les dispositifs ou instruments mobilisés. Que ce soit de
façon implicite ou au nom d’un positionnement théorique, nombre de raisonnements sont guidés par un
ensemble de valeurs, dont la plupart sont empruntées au registre économique.
Parallèlement, les démarches peuvent paraître abstraites en ce que l’utilité produite au travers des emplois
des ressources prélevées est peu ou pas interrogée. Est d’ailleurs révélateur, et paradoxal, le fait que les
postes de recettes soient plus fréquemment étudiés que les dépenses ou les charges locales. En effet, « alors
que le pouvoir local est presque tout entier dans la dépense, ni les financiers, ni les politistes ne prêtent à
25 Le terme de dévolution (Dafflon, Madiès, 2008) est plus approprié que celui de décentralisation, dans la mesure où il permet de
caractériser précisément une attribution effective de compétences et de moyens d’un Etat vers des collectivités, en l’opposant à une
simple déconcentration (des compétences sont exercées par des entités territoriales subordonnées à l’échelon central), et en la
différenciant de la délégation (les entités locales ne sont que semi-autonomes au regard du gouvernement central, pour l’exercice
de compétences délimitées). Dans la suite, dévolution et décentralisation sont considérés comme synonymes.
26 Au moins ceux que l’on a pu consulter ; seuls certains d’entre eux sont mentionnés à titre d’illustrations. La revue n’est pas
exhaustive.
22
celle-ci l’attention qu’elle mérite. On se laisse prendre aux apparences qui mettent les ressources au centre
de l’inépuisable débat sur la réforme des finances locales, focalisé sur les impôts, alors que l’objectif
prioritaire de toute la classe dirigeante locale est d’étendre ainsi son pouvoir dépensier. » (Hertzog, 2011,
p. 37). Les dépenses locales ne sont cependant pas totalement ignorées. Par exemple, la diffusion de
pratiques managériales et l’attention portée par les acteurs locaux à la performance de leur organisation
budgétaire deviennent des objets d’observation (Carassus et al., 2008). L’accent est mis sur la rationalité
gestionnaire, et à nouveau moindrement sur les effets des politiques conduites avec les fonds dépensés.
Une vision centrée sur le registre fiscal et financier, sur les instruments dédiés est essentielle : dressant un
bilan des recherches qu’il a dirigées, A. Guengant (2002) souligne la cohérence ainsi que la robustesse de la
démarche reposant sur une connaissance, une maîtrise de ce qu’il désigne comme « les institutions
financières territoriales »27, passées au crible de l’analyse économique. Avec l’auteur, on reconnaît que ces
fondements constituent une des conditions à toute autre forme de compréhension. Pour autant, tout en
étant nécessaire, ce mode de lecture, centré sur les dimensions financières ou budgétaires de la
décentralisation, ne livre pas toutes les clés de l’analyse des finances locales, et notamment celles de leurs
dimensions politiques.
Le processus de décentralisation, tel qu’il s’est déployé en France depuis les années 80, a ainsi donné lieu à
de multiples observations. Les auteurs mettent en perspective les versements de l’Etat, intervenant en
compensation des missions dévolues aux collectivités, avec les charges correspondantes. Une attention
particulière est accordée au différentiel dans leurs évolutions respectives (Le Cacheux, Tourjansky, 1992). La
progression plus soutenue des dépenses que des recettes transférées est de nature à fragiliser tout ou partie
des collectivités. De telles tensions sont par exemple aigues pour les départements, en situation déjà tendue
au moment où leur ont été remises des compétences additionnelles en matière d’aide sociale (Fleury, 2012 ;
Frinault, 2013 ; Aubin, 2014). Ces ajustements problématiques révèleraient des difficultés, récurrentes, à
réformer les modèles territoriaux en vigueur, voire des hésitations persistantes de la part des gouvernements
centraux à confier à leurs collectivités de réelles capacités d’intervention (Le Lidec, 2010).
En lien, un certain nombre de travaux se focalisent principalement sur les possibilités de modulations par
leurs représentants des moyens qui leur sont alloués lors de l’avancée des processus décentralisateurs. Les
conditions de l’autonomie locale dans ses diverses acceptions (Bouvier, 2011b, 2012) et de son maintien
(Guengant, 2004) sont alors interrogées. Les analyses vont jusqu’à se spécialiser, en prenant pour objet le
pouvoir fiscal revenant aux élus locaux (Steckel-Montes, 2005), son devenir incertain sous le poids de
réformes successives28 (Guengant, 2013).
27 C’est-à-dire l’ensemble des dispositions juridiques régissant les budgets locaux et leur mode de fonctionnement, et plus
globalement des règles auxquelles se conforment les acteurs locaux chargés de leur gestion et/ou des décisions les concernant.
28 Et notamment celle intervenue en 2010, incluant la suppression de la taxe professionnelle et la redistribution/spécialisation des
23
Les approches en question présentent l’avantage incontestable de placer les collectivités, leurs moyens
financiers ainsi que les conditions de leur souveraineté dans une dynamique, de les inscrire dans des rapports
de pouvoir dont les issues sont variables (Le Lidec, 2007, 2011). L’allocation différentielle des moyens et des
capacités à dépenser modifie en retour l’état des relations unissant ou séparant les représentants des
différents niveaux de gouvernement (Bezes, Siné, 2011). La vision par les ajustements sous-entend un
nécessaire détour par la prise en compte de ces relations verticales et itératives, de leur formalisation sous
forme d’arrangements budgétaires. Ce qui illustre encore le fait que les modes de partages tant des
ressources que des capacités d’intervention en la matière sont à la fois situés, datés et contingents.
Tout en étant utiles, ces approches, en contrepartie, alimentent « un procès permanent et réciproque sur le
coût, les moyens et l’efficacité des compétences dévolues », sur les aspects techniques et gestionnaires de
la décentralisation (Béhar, Estèbe, 2012, p. 68). Les transformations – éventuelles – de l’action publique,
alors qu’elles pourraient être premières, ne sont pas simultanément prises en considération. Les rapports
politiques (verticaux) priment, abstraction étant faite d’autres déterminants tels ceux relevant des
transformations sociétales en général, des dynamiques économiques en particulier (Le Galès, 2008).
Qui plus est, ce mode de raisonnement fait courir de risque d’entretenir un regard englobant, opposant les
niveaux de gouvernement sans opérer de différenciation au sein même des entités décentralisées. Pourtant,
chacune ne se comporte-t-elle pas, à sa façon, comme une « petite patrie » (Béhar, Estèbe, 2012) ? Ainsi,
tout en étant situés dans une verticalité certaine, les ajustements financiers, budgétaires s’établissent
localement, dans une horizontalité, propre au fonctionnement des collectivités et aux rapports dans lesquels
se situent les acteurs les représentant ; ces dimensions horizontales peuvent difficilement être passées sous
silence.
En lien, importe alors la manifestation effective d’interactions stratégiques, entre élus de collectivités de
même rang, voire de rangs différents29 ; ces interactions président aux arbitrages effectués localement en
matière de fiscalité (Madiès et al., 2005 ; Cassette, Paty, 2006) comme de choix de dépenses (Binet et al.,
2010). Sont en jeu les modalités de la compétition locale, celles du marché politique30 et encore celles de la
gouvernance territoriale (Pinson, 2006, 2014).
L’intégration des comportements des acteurs et des intérêts, individuels et/ou collectifs, dont ils sont
porteurs contribue à tisser des liens entre les différentes dimensions de la décentralisation ; elle en souligne
les aspects politiques, tout en les plaçant dans des relations interinstitutionnelles. Un glissement peut
néanmoins s’opérer si, au nom d’une lecture hâtive, le fonctionnement de l’espace administratif et celui du
territoire sont tenus comme équivalents.
Les limites administratives des institutions locales circonscrivent leur périmètre d’action ; elles ne les
protègent en rien de multiples porosités. Les initiatives d’une collectivité en matière de dépenses comme de
29 Avec la spécialisation des impôts locaux par niveau de collectivités, les interactions – fiscales - entre ces niveaux se réduisent,
mécaniquement. La réforme intervenue en 2010 a eu des incidences dans ce sens (cf. Chapitre 2).
30 La notion de marché politique est empruntée à J.-P. Blerald (1991).
24
recettes débordent bien au-delà de son seul périmètre d’exercice31. Les promoteurs des réformes
institutionnelles tentent d’ailleurs de réduire de telles externalités, coûteuses et/ou injustes (Bédard, 1967 ;
Marchand, 1995). Les fonctionnements institutionnels et territoriaux sont, dès l’origine, en décalage : les
découpages administratifs ont été conçus selon une logique de symétrie32 quand la localisation des activités
productives ou résidentielles relève d’une logique de sélectivité (Lefebvre, 1999). La mobilité croissante des
acteurs, les circulations croissantes (de biens et désormais, de ménages et d’individus) contribuent à vider
les espaces administratifs de leur consistance (Béhar et al., 2009).
Une vision purement institutionnelle et/ou politique présente l’intérêt d’intégrer les actions et interrelations
entre les acteurs qui représentent les circonscriptions administratives légalement délimitées. Elle n’est
cependant pas représentative des modes de fonctionnements effectifs des territoires, des flux de
dépendances qui irriguent ces derniers et finalement, de l’interterritorialité (Vanier, 2005). Pour autant, des
tensions apparaissent puisque les espaces administratifs demeurent les unités de base de la gestion
budgétaire, ceux où sont décidés et effectués les prélèvements fiscaux… Les mailles administratives
constituent des invariants avec lesquels il est nécessaire de compter. La logique même des institutions
financières territoriales peut de la sorte difficilement être omise.
En particulier, les visions repérées ne sont pas assimilables à des approches disciplinaires. Par exemple,
l’économiste peut être soucieux d’une grammaire normative des instruments (vision fiscale et financière),
en les situant dans leurs capacités de modulation à des fins d’équilibre budgétaire (vision par les
ajustements), tout en procédant à une lecture conjuguant différentes échelles (vision institutionnelle et
politique). Les mêmes objets seront observés par les politistes, qui les placent au sein de rapports de pouvoir,
de négociations et d’ententes. Les problématiques relatives à la fiscalité locale, aux dotations étatiques et
leur traitement scientifique sont illustratifs de ces spécificités, de ces complémentarités potentielles ou
effectives (Gourgues, Houser, 2017 ; Navarre, 2017c). Ce qui implique, d’une certaine façon, que
l’élaboration d’une analyse effective des finances locales suppose(rait) des emprunts à des registres
complémentaires de pensée.
Par ailleurs, bon nombre des travaux cités sont référés à une catégorie quand ils empruntent à une autre.
Pour exemple, l’analyse de la tarification des services publics locaux (Navarre, 2014c) peut reposer sur
l’examen des modalités pratiques adoptées par une ou plusieurs collectivités (vision fiscale et financière).
Dans la plupart des cas, les ressources tarifaires ne suffisent pas à couvrir les dépenses liées au
fonctionnement du service : des modalités sont alors mises en place afin de réunir les compléments de
ressources indispensables en vue de garantir les équilibres budgétaires (vision par les ajustements).
Généralement, le système de prix pratiqué en chaque endroit est tributaire de celui mis en place aux
alentours (vision institutionnelle et politique). L’examen des trois facettes est en conséquence indispensable
en vue d’aboutir à une approche compréhensive des réalités. Dans la perspective d’une analyse intégrée des
31 Des effets de débordement surgissent par exemple lorsque le cercle des bénéficiaires de l’action publique locale ne se superpose
pas avec celui des payeurs, interpellant alors du point de vue de l’efficacité et de l’équité (Dafflon, Madiès, 2008). Les charges de
centralité supportées par les contribuables des villes-centres, contribuant au financement de services publics bénéficiant aux usagers
de l’ensemble de l’agglomération, constituent un cas de figure type de tels effets.
32 Ressortant d’une volonté idéaliste de division rationnelle et égalitaire de l’espace national.
25
finances publiques locales, nous tentons alors, autant que faire se peut, de capitaliser sur les
complémentarités des principales visions que nous avons identifiées.
Nous proposons de structurer cette vision intégrée autour de la notion de politiques financières locales, en
prenant le soin d’inscrire les politiques en question dans les logiques d’action que développent les décideurs
locaux.
Sans conférer à la mobilisation de ressources budgétaires et à leur utilisation sous forme de dépenses une
vocation purement utilitaire, on peut formuler l’hypothèse que ces actions ne prennent réellement leur sens
qu’au regard de finalités, représentées par les besoins de l’action publique locale et relevant des décideurs
en charge des collectivités concernées. Elles entrent dans un processus de décisions visant généralement un
changement du territoire33, au profit des habitants ou des entreprises, de sa dynamique ou de son
positionnement. Les processus annuels d’élaboration des budgets, de rendus des comptes, les vérifications
de leur légalité et de la pertinence de la gestion… placent les finances de chaque collectivité dans des
dimensions et processus de l’action collective et instituée.
Nous l’avons évoqué, le cadre d’exercice est porteur d’un régime de contraintes pour ces décisions ; il
autorise cependant un ensemble de choix. Si l’abondance des fonds disponibles a des incidences sur
l’ampleur des possibles pour les élus, les usages des ressources en question sont conditionnés par l’existence
d’instruments spécifiques. Impôts, emprunts et dotations ne se manient par exemple pas de la même façon,
n’obéissent pas aux mêmes règles ; ils ne sont porteurs ni des mêmes risques, ni d’incidences semblables
(vision fiscale et financière)34. Leur maniement est inscrit dans des rapports verticaux, horizontaux, voire dans
des relations avec des institutions privées qui se déploient selon une logique propre. La rareté des ressources
avive les enjeux de partage, les rivalités. L’extraction des deniers publics puis leur emploi participent des
pouvoirs, politiques et symboliques, attachés aux différents niveaux de gouvernement et à leurs
représentants (vision institutionnelle et politique). Les options prises en matière de dépenses trouvent
inévitablement leurs pendants en termes de ressources, et inversement, sous contrainte d’équilibre
budgétaire (vision par les ajustements). L’intrication de ces différentes dimensions, et visions, définit les
contours et contenus de politiques financières locales35, telles que nous pouvons les entendre.
Au regard des comportements et des choix des acteurs, objets usuels des analyses des finances locales, la
référence à cette notion présente l’intérêt de dépasser les intérêts individuels et d’intégrer des logiques
collectives, de transcender les aspects instantanés et constatés pour les incorporer dans des dimensions
stratégiques et inter-temporelles. Conceptuellement, elle resitue les actions budgétaires et les ingrédients
constitutifs des politiques financières locales tels que nous avons dépeints dans le champ des politics, policies
et polities, intégrant ainsi leurs dimensions locales et nationales.
Par ailleurs, nous faisons l’hypothèse que les moyens en jeu, les institutions qui les régissent confèrent des
singularités aux politiques financières locales, comparativement aux politiques sectorielles relevant des
collectivités décentralisées. A ce titre, tout en formant des composants de l’action publique territoriale
(Faure, 2011), elles sont justifiables d’une analyse dédiée, et intégrée.
33 Une volonté de préservation en l’état pouvant aussi être tenue comme une stratégie orientant des politiques.
34 Les divers aspects relatifs aux instruments mentionnés sont développés dans les Chapitres dédiés.
35 J.-C. Thoenig (2005) met en question l’épuisement de la notion de politique publique et de son analyse, lui préférant celle d’action
publique. Cette dernière présente le mérite d’explorer les multiples dimensions de traitement des problèmes collectifs, hors même
les sphères habituelles de décision et ainsi de réinterroger la notion de politique. Les processus budgétaires, la mobilisation des fonds
publics et leurs usages relèvent cependant principalement, et au moins en première analyse, des appareils gouvernementaux locaux.
Si la notion d’action publique locale financière fait sens, nous lui préférons néanmoins celle de politique financière locale.
26
3-Une construction fondée sur des emprunts théoriques
La nécessité d’une approche intégrée des finances locales découle, pratiquement de façon logique, des
limitations inhérentes aux analyses fondées de façon exclusive sur l’une ou l’autre des trois visions
précédemment décrites. Le besoin d’une analyse transversale ressort notamment de l’interdépendance
entre les politiques conduites localement et celles qui sont plus strictement financières. Des éléments puisés
dans la littérature scientifique nous permettent d’étayer le parti d’approche ainsi adopté. Ils nous servent
notamment à préciser ce qui confère son contenu à la notion même de politique financière, en ce qu’elle
nous apparaît centrale, et en ancrant ces éléments dans une construction théorique progressive.
En particulier, les finances publiques locales prennent sens au regard des actions des collectivités au service
de l’intérêt local (Rangeon, 2005), de celles qu’elles effectuent dans le cadre de l’autonomie fonctionnelle
qui leur est dévolue. Elles s’acquittent le plus fréquemment de ces tâches en fournissant des biens et des
services publics. Quels éléments conceptuels peut-on mobiliser pour expliciter le rôle des entités
décentralisées en la matière, en tenant compte de leurs spécificités (3-1) ? Ceux-ci s’articulent, donnant
forme et soubassements au mode d’approche, combiné, que nous privilégions (3-2).
27
Des fonctions essentielles des entités publiques
Il est communément admis (par les économistes) que le marché et les initiatives individuelles ne conduisent
pas à eux seuls à des situations optimales37 du point de vue social. Les interventions des puissances publiques
ont entre autres comme visées celle de pallier ces défaillances, de réguler le fonctionnement économique
afin de parvenir à des états plus satisfaisants (Croissant, Vornetti, 2003).
Ainsi le rôle des gouvernements trouve-t-il une de ses justifications, en complémentarité avec les modes de
fonctionnement privés, ceux du marché. Les travaux de Musgrave (1959) ont contribué à préciser ce rôle.
Ses écrits ont donné lieu à de nombreux débats scientifiques, épistémologiques (Desmarais-Tremblay, 2016).
L’un des apports de Musgrave est néanmoins fréquemment retenu, à savoir celui relatif à la formalisation
des trois missions, fondamentales et interdépendantes, revenant aux Etats. Pour l’essentiel, il s’agit d’une
fonction de stabilisation, d’une fonction d’allocation et d’une fonction de redistribution38.
Les modes d’exercice de ces fonctions ne sont pas immuables, ne serait-ce qu’en raison des recompositions
politiques et institutionnelles intervenant dans la plupart des contextes nationaux, sous-entendant des
modes de transformations des Etats eux-mêmes. Se pose alors notamment la question de la répartition des
fonctions identifiées entre gouvernements centraux et entités subnationales (Prud’homme, 1994 ; Dafflon,
Madiès, 2008).
De façon générale, les analystes sont unanimes pour admettre que la fonction de régulation doit demeurer
du ressort des Etats. La plupart des experts se prononçant à ce sujet reconnaissent que la fonction de
redistribution doit également rester l’apanage des gouvernements centraux (Rocaboy, 1995 ; Pauly, 1973).
Son exercice s’accommode en effet mal de la décentralisation, principalement du fait de l’étroitesse du
périmètre d’intervention des gouvernements locaux. Leur spécialisation socio-économique, l’orientation
productive ou la vocation résidentielle de leur territoire influent tant sur les besoins de solidarité que sur les
capacités à extraire des ressources en vue d’apporter des réponses à ces besoins. Les différences séparant à
la fois les moyens et les choix locaux contreviendraient en tout état de cause au principe d’équité horizontale,
qui dispose que des personnes dans des positions égales doivent être traitées de manière égale (Guihéry,
1997). L’exercice local de la redistribution est en outre susceptible d’accroître les processus de spécialisation
spatiale et sociale (Denil et al., 2005). Reste alors la fonction d’allocation, dont les entités décentralisées
peuvent être parties prenantes.
37 Définies notamment au sens parétien du terme (soit encore, de façon synthétique, un état de la société dans lequel on ne peut
pas améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre).
38 La première s’entend comme l’ensemble des mesures visant à un fonctionnement équilibré de l’économie dans son ensemble ;
elle prend par exemple forme d’investissements. La seconde concerne l’utilisation de ressources pour orienter les activités afin
d’atteindre des fins jugées économiquement et socialement satisfaisants ; la fiscalité – incitative ou dissuasive – peut ainsi être
maniée. La troisième regroupe les prélèvements/reversements conduisant à une distribution des revenus conforme à la vision du
moment de la justice sociale.
28
Les biens publics se distinguent des biens privés à partir des deux critères essentiels, tenant à leurs conditions
de production et/ou d’utilisation, à savoir leur indivisibilité et leur non-rivalité39. Dans les faits, il s’avère que
nombre de biens, non privés, sont partiellement divisibles, qu’ils peuvent laisser place à des rivalités. La
distance séparant leurs lieux de fourniture et ceux où sont localisés leurs usagers génère par exemple des
processus d’exclusion. Leur taille limitée et leur caractère proprement local entraînent parfois des effets
d’encombrement. Tous les biens et services qui ne sont pas privés ne sont alors pas également publics. Tel
est le cas, par exemple, des éléments patrimoniaux abrités par les sites exceptionnels (que nous avons
observés) et qui, pourtant, s’apparentent à des biens publics (Benhamou, 2010). Ces derniers trouvent place
au sein d’une gradation progressive, qui les distingue plus ou moins de ceux fournis par le marché. Il en
résulte qu’ils forment une catégorie hybride. Ce qui conduit, pour un certain nombre d’entre eux, à préférer
au qualificatif générique de public celui de collectif40 ou de commun (Talandier, Navarre, 2017).
Sans entrer dans les discussions théoriques que suscitent les termes ou concepts associés (Ballet, 2008 ;
Vérez, 2015), deux points nous semblent à ce stade féconds et assurés. Le premier tient au fait que les biens
(plus ou moins) publics, précisément parce qu’ils ne relèvent pas du marché pour leur production ou parce
que leur usage ne se prête pas à des paiements individualisés, requièrent un financement public, alors assuré
par l’impôt. De ce fait, les gouvernements, seuls habilités à pouvoir imposer, participent à la fourniture de
ces biens. Le second renvoie à la nécessité, certes plus ou moins intense, de l’intervention régulatrice des
puissances publiques pour la production ainsi que pour le maintien des biens concernés. La problématique
du partage entre les différents niveaux de gouvernement à la fois de l’accès à ces modes de financement et
de la répartition des capacités de régulation est alors inhérente à tout processus de décentralisation, et
notamment à l’analyse de ses dimensions budgétaires et financières. Comment cette problématique est-elle
abordée ?
39 L’indivisibilité renvoie à une propriété de « non-exclusion » : une fois qu’il existe, le bien est disponible pour tous et nul ne peut
être exclu de sa consommation. La « non-rivalité » des usagers indique que ce qui est consommé par les uns ne vient pas en déduction
de ce qui disponible pour les autres.
40 D’un point de vue théorique, le qualificatif ‘collectif’ est fréquemment préféré à celui de ‘public’. Le premier renvoie de manière
directe à la vocation et à la nature des usages, à leur pluralité et à celle des usagers. Le terme ‘public’ demeure le plus courant : il
pose d’emblée une opposition au domaine des activités et productions privées ; il sous-entend une assimilation, fréquente dans notre
contexte national, où les services publics sont fournis par des entités elles-mêmes publiques. Le déplacement renvoie alors aux
conditions mêmes de production des biens concernés. Dans les faits, les entités publiques sont en charge de biens au caractère public
plus ou moins prononcé ; elles interviennent par exemple pour les régulations relevant des biens communs et participent à la mise
en place de règles d’exclusion de certains services publics.
41 Nous n’entrons pas dans les nombreux débats théoriques et conceptuels traitant de la notion de proximité, dans ses relations et
Le principe de subsidiarité est utilisé, et également discuté, en sciences juridiques d’un point de vue doctrinal (Duranthon, 2015).
43 Ils énoncent que « L’offre décentralisée d’un service public local (SPL) particulier est plus efficace, à coûts d’information donnés,
qu’une offre centralisée car elle permet la prise en compte des disparités locales de préférences concernant les SPL » (op. cité).
29
Un exercice totalement décentralisé comporte néanmoins des limitations et des surcoûts. Des passagers
clandestins (free riders) profitent par exemple de l’offre locale sans participer à son financement. Le modèle
de la décentralisation, dit TOM Tiebout-Oates-Musgrave (Bird, 2008), intègre dès lors un certain nombre de
restrictions : « si l’exercice d’une tâche génère à la fois des effets de débordement au-delà des limites de la
collectivité qui la conçoit, si des économies d’échelle peuvent être réalisées dans sa fourniture et si les
préférences des agents localisés la concernant sont identiques d’une collectivité à l’autre, alors la tâche doit
être centralisée. Et vice versa dans le cas d’une offre décentralisée » (Gilbert, Vaillancourt, 2013, p. 54).
Le modèle et son référentiel de valeurs apportent des indications quant aux modalités de partage des tâches
relevant de la fourniture des services publics, entre ce qui peut être assuré localement et ce qui ne doit pas
l’être. Elles restent cependant trop floues pour être entièrement opératoires (Gilbert, 1996). Les options
possibles sont précisément débattues dans le cadre de la théorie du fédéralisme fiscal et financier44 (Denil,
et al., 2005). La notion de fédéralisme est d’ailleurs à entendre dans un sens large : elle renvoie à une
organisation multi-niveaux de gouvernements, et non à un partage (constitutionnalisé) de souveraineté45. En
cela, elle présente le mérite de réinscrire les questions relatives au partage des charges et des ressources
dans des rapports politiques, à la fois horizontaux et verticaux. En effet, si elle emprunte à une logique
économique ou financière, la répartition des rôles entre niveaux de gouvernement est tributaire des
interdépendances entre les groupes d’acteurs en présence (élus locaux, représentants des administrations
et de l’exécutif national) et de leurs transformations (Le Lidec, 2007), eux-mêmes évolutifs et situés dans un
processus complexe de mutation (Bezes, 2009).
D’un point de vue théorique, un certain nombre d’auteurs considèrent que les décideurs locaux se réfèrent
au choix de l’électeur tenu comme médian46 (Baudry et al., 2002) ou à l’agrégation de ces choix lorsqu’ils
portent sur une multitude de biens ou de services (Laslier, 2004). De façon sous-jacente, il est alors admis
que les décideurs agissent rationnellement47 (Downs, 2013), de façon à assurer au mieux leur (ré)élection. Le
pouvoir politique et ses divers ressorts servent alors de facteurs de régulation. Ce que formalise la théorie
du Public Choice (que l’on doit entre autres à Brennan et à Buchanan). Maints travaux portant sur les finances
locales se revendiquent de cet héritage même s’il est reconnu qu’il sous-entend un affadissement dans
l’appréhension des phénomènes politiques (Marciano, 2004).
L’intégration de ces aspects politiques, celle des dimensions stratégiques des choix locaux justifient le
glissement – théorique - du fédéralisme fiscal vers le fédéralisme fiscal de seconde génération (ou
fédéralisme fiscal revisité ou new fiscal federalism), principalement formalisé par Oates (2005).
30
Dans les travaux de première génération, les décideurs sont considérés comme bienveillants, soucieux de
l’allocation optimale des moyens, au service d’une fourniture adéquate de biens publics. Les approches de
seconde génération incorporent les apports de la théorie du Public choice. Les gouvernants, leur personnel
politique et également les membres de leurs services, à la manière de Léviathan, cherchent à accroître leur
pouvoir, leurs propres intérêts ou leurs rentes de situation (Weingast, 2006)48. Dans cette optique, la
décentralisation est positive : elle place les différents intérêts en concurrence et réduit l’influence de chacun
d’eux. Importent alors à la fois le marché politique et les logiques individuelles, éloignant d‘une stricte
rationalité économique, engendrant des distorsions par rapport à l’optimalité. Les perspectives ainsi
ouvertes sont plus proches du fonctionnement effectif des organisations sociales. « En ce sens, loin de vider
le fédéralisme fiscal de son contenu institutionnel, la prise en compte d'interactions stratégiques entre
collectivités de même niveau ou de niveaux différents, remet l’accent sur le rôle crucial que jouent les
institutions dans l'économie du fédéralisme financier. » (Gilbert, Guengant, 2002, p. 353). De la sorte, des
jonctions s’opèrent entre approches économiques et politiques. Les premières, ou au moins des fondements
en la matière, éclairent les secondes, et réciproquement.
Si les choix des décideurs peuvent intervenir comme des régulateurs et contribuent à fonder les modes de
fonctionnement collectifs, la régulation peut également s’effectuer sur la base des préférences individuelles.
Ainsi Tiebout (1956)49 postule-t-il que se réunissent au sein d’un même espace les individus partageant des
options semblables en matière de « paniers de services publics locaux », compte tenu du prix qu’ils ont à
payer pour en bénéficier, soit encore du montant des impôts locaux dont ils ont à s’acquitter. Ainsi l’espace
se segmente-t-il en communautés d’intérêts (social sorting), formant autant de clubs. La mobilité des
individus, qui « votent avec leurs pieds » plutôt qu’avec les urnes, aboutit de la sorte à un fonctionnement
optimal pour chacun et pour le groupe qu’il constitue avec ses pairs. Le mécanisme conduit en outre à la
détermination du nombre, de la taille des collectivités qui conviennent dans un mode de gouvernement à la
fois décentralisé et fragmenté.
Le modèle de Tiebout repose sur des hypothèses si fortes50 qu’il a donné lieu à de nombreuses controverses.
S’il trouve difficilement à s’appliquer aux Etats-Unis où il a été élaboré, sa transposition de ce côté-ci de
l’Atlantique est tout aussi discutable (Estèbe, Talandier, 2005 ; Vu Pham, Torre, 2012). Il sous-entend en effet
une information parfaite des ménages et des entreprises, leur capacité à se déplacer, le fait que l’offre et le
prix des services publics locaux sont à eux seuls à même de fonder leur décision d’implantation, etc. Les
auteurs soulignent en outre que les contribuables locaux disposent (en France) d’arguments et de pouvoirs
marginaux pour influer sur leurs élus en matière de choix discaux (fiscal sorting). Pour autant, l’espace
national est très polarisé. Le raisonnement de Tiebout pourrait de la sorte être inversé. Le fonctionnement
politique, le morcellement communal conduisent à des faits de concurrence, à un accroissement de la
ségrégation spatiale, qui renforce la ségrégation sociale. D’où la tentation de réduire l’émiettement
institutionnel, pour atteindre des fins socialement plus désirables. L’organisation territoriale, l’allocation des
moyens et l’offre de services publics locaux deviennent alors des moyens et non plus des fins.
48 Ce qu’explicite l’auteur (op. cité, p. 1) : “FGFF (first generation fiscal federalism) is largely normative and assumes that public
decisionmakers are benevolent maximizers of the social welfare (Musgrave 1959, Oates 1972, Rubinfeld 1987). SGFF (second
generation fiscal federalism) builds on FGFF but assumes that public officials have goals induced by political institutions that often
systematically diverge from maximizing citizen welfare (Oates 2005, Garzarelli 2004, and Qian and Weingast 1997; see also Brennan
and Buchanan 1980 and Wicksell 1896). As Hatfield (2005) puts it, ‘Economic policy is not decided by benevolent social planners, but
by government officials, usually with at least one eye to their reelection prospects.’”
49 P. Estèbe et M. Talandier (2005) soulignent que l’article en question de Tiebout « A Pure Theory of Local Expenditures » est une
attaque en règle (en même temps qu’un clin d’œil) contre la pensée de P. Samuelson qui, en 1954, publiait un article intitulé « A Pure
Theory of Public Expenditures ».
50 Concernant notamment l’information dont disposent les ménages, le poids des motivations tenant à l’offre locale de services
publics dans leurs choix résidentiels, les facteurs proprement locaux dans la différenciation de cette dernière, le caractère somme
toute résiduel de la fiscalité locale…
31
La régulation par les choix politiques permet d’échapper à la rationalité purement économique des choix en
matière d’allocation des ressources, de les « politiser ». Les arguments et conceptualisations de Tiebout
amènent à les « spatialiser ». Ils attirent en effet l’attention sur les potentialités attractives (ou non) des
espaces locaux, émanant de l’offre de services publics produits localement et des contributions fiscales qui
leur sont attachées. Si ces éléments ne sont pas entièrement déterminants, ils contribuent à façonner les
caractéristiques des territoires gérés par les gouvernements subnationaux, leurs conditions d’accès pour les
ménages et la satisfaction que ces derniers peuvent en retirer. De ce fait, les collectivités décentralisées ne
se réduisent pas à de simples cadres spatialement délimités dans lesquels l’exercice de l’autonomie
fonctionnelle sert des fins électoralistes, voire l’accroissement de rentes individuelles. L’espace, et les
qualités différentielles que lui confèrent les services collectifs présents, font leur entrée dans les
raisonnements ; ils induisent des métriques spécifiques, pour les individus qui les fréquentent comme pour
ceux qui ont à les gouverner. Les latitudes dévolues aux gouvernements subnationaux en matière d’allocation
des ressources, les moyens décentralisés dont ils disposent pour ce faire sont alors primordiaux.
Les travaux que nous avons conduits, ceux qui restent à mener, nous semblent s’inscrire dans ces références
théoriques. De près ou de loin, ils empruntent également à l’économie urbaine, que nous avons peu
mentionnée quand ses développements sont pourtant fondateurs (Lacour et al., 2005 ; DAEI, 2006 ;
Vignolles, 2011). Entre autres, ces derniers ont très tôt intégré des dimensions spatiales que les approches
purement économiques tiennent à distance. L’expansion des villes, les besoins de financements locaux pour
des créations d’équipements, stimulant ou accompagnant les vagues successives d’urbanisation, en France
comme à l’étranger, ont engendré de nombreuses réflexions. Nos investigations nous ont cependant conduit
à constater, qu’en leur sein, les moyens dédiés à l’action publique dans les ensembles urbanisés ou
agglomérés et l’analyse spécifique de leurs conditions de mobilisation occupent rarement une place centrale
(Guelton et al., 2011). Le constat vaut tout autant pour l’économie de l’aménagement, dont nous avons tenté
de formaliser les contours.
Partant, les impossibilités à tenir des raisonnements a-spatiaux lorsque l’on considère les interventions
– financières – des collectivités en matière de fourniture de services publics locaux pourraient conduire à
revendiquer une affiliation de nos travaux à la science régionale (Derycke, 2001 ; Bailly, 2009 ; Bailly et al.,
2012). En effet, cette dernière « regroupe toutes les contributions de ceux qui, économistes, géographes et
planificateurs pour l’essentiel, privilégient depuis les années cinquante un peu partout dans le monde une
approche territoriale et spatiale. » (Zoller, in Derycke et Gilbert, 1988, p. 5). La conception présente
l’avantage de ménager la pluridisciplinarité. Ses contours nous paraissent cependant trop flous pour former
un cadre de référence qui convienne réellement à nos investigations.
32
Aussi, celui fourni par l’économie publique locale, tel que nous l’avons évoqué, nous semble davantage en
adéquation avec les approches que nous développons. Ses apports permettent de théoriser l’appréhension
des finances locales, non pas seulement dans une articulation avec des dimensions spatiales, avec les
transformations des espaces urbanisés, mais également dans leur rapport avec les réalités des territoires,
entendues dans un sens large. Ce que synthétisent G. Gilbert et A. Guengant (2002, p. 158) : « D'abord, il
nous semble qu'en termes de (sous) champ disciplinaire, l'économie publique locale existe, même si le terme
n'est pas toujours utilisé, hésitant entre ‘Economics of the Local Public Sector’ (Rubinfeld, 1987), ‘Urban Public
Finance’ (Wildasin, 1986). Mais il y a bien une place spécifique pour un ensemble de concepts et
d'instruments traitant des relations entre l’espace et l’action de collectivités publiques plurielles, structurées
verticalement et horizontalement sur des territoires imbriqués ».
Tout en retenant le corpus théorique de l’économie publique locale, nous laissons dans l’ombre les aspects
normatifs auxquels celui-ci invite51. Nous retenons également que la logique économique n’est pas toujours
de mise, et qu’elle n’est pas toujours première. Nous l’avons évoqué, elle est à même de s’effacer devant
d’autres enjeux, institutionnels et politiques. Dimensions économiques et politiques ne sont ainsi pas tenues
comme opposées, mais bien comme complémentaires.
Dans ce contexte, l’économie publique locale fournit des guides d’analyse – non exclusifs – utiles pour
aborder la réalité des choix financiers locaux, ou bien plutôt des politiques financières adoptées par les
collectivités décentralisées. Les références qu’elle fournit ne constituent pas une grammaire unique,
opacifiant le regard ou le biaisant, mais des points d’appui pour répondre, en les transposant aux collectivités
et à leurs finances, aux interrogations formulées par Y. Mény et J.-C. Thoenig (1989, np) : « Que produisent
ceux qui nous gouvernent, pour quels résultats et avec quels moyens ? »
Ces références étant posées, les principales orientations des démarches de recherche que nous avons mises
en œuvre, les traits problématiques qui les fédèrent peuvent être précisés ou spécifiés. Les travaux passés,
les zones d’ombre qu’ils laissent apparaître ainsi que les perspectives d’analyses complémentaires, telles que
détaillés ultérieurement, nous semblent fédérés, à des degrés certes divers, par une mise en transversalité
des corpus identifiés. L’horizontalité et la verticalité dans lesquelles se situent les collectivités locales laissent
d’ores et déjà entendre des faits d’interactions et de dépendances. Nous avons mentionné l’aspect
primordial des actions locales dans et sur l’espace. Si la décentralisation est un état, il s’agit également d’un
processus au cours duquel les relations intergouvernementales se font et se défont. Autant pour suggérer un
mode d’approche tout à la fois systémique, territorialisé et diachronique.
51 M. Mougeot (1990) souligne les tensions entre l’approche normative vers laquelle peut conduire l’économie publique locale
(abordant par exemple les questions relatives à la meilleure organisation territoriale, au degré optimal de décentralisation, à la
dimension des collectivités ou à la localisation des services publics locaux, etc.) et une vision positive des finances publiques locales,
ainsi que la difficile conciliation entre ces deux modes d’analyse.
33
34
3-2-Un mode d’approche systémique, territorialisé et diachronique
Evoquant la vision fiscale et financière qui sert parfois de guide d’analyse des finances publiques locales, nous
avons mentionné l’importance à accorder aux institutions financières territoriales. Le terme même laisse
d’une certaine façon entendre un lien étroit entre la nature des instruments à disposition des collectivités et
leurs caractéristiques institutionnelles. Tout autant, la vision par les ajustements repose sur le fait que ces
instruments peuvent être mobilisés de façon complémentaire, à des fins d’équilibre budgétaire. En raison de
l’autonomie qui lui est garantie, chaque collectivité est à même d’utiliser différemment les leviers à sa
disposition, en fonction des priorités retenues par ses élus et/ou compte-tenu des moyens disponibles
localement. Les engagements pris à un moment donné (en matière d’emprunt par exemple) sont de nature
à peser durablement sur les budgets à venir. Autant d’exemples indiquant que les interdépendances sont
premières (approche systémique), que chaque collectivité peut potentiellement être tenue comme singulière
(approche territorialisée) et que les situations sont évolutives ou au contraire, freinées dans leurs évolutions
(approche diachronique). Nous développons ce que revêt chacun de ces modes d’approche ainsi que les
potentialités offertes par leur croisement.
Au regard de cette définition, les collectivités et leurs finances forment un système, le système financier local.
Fournissons en quelques illustrations. La fiscalité des collectivités est par exemple distincte de celle dont
dispose l’Etat. Les produits de la taxation ne sont que l’une des recettes alimentant les budgets locaux,
l’ensemble de ces flux et leur organisation complexe contribuant à l’équilibre imparti, compte tenu des
priorités et/ou des exigences de l’action publique conduite localement. Les missions des entités locales
diffèrent de celles que conserve le gouvernement central. Ce dernier alimente les budgets locaux, plaçant
ainsi les collectivités dans une situation de dépendance à son égard. La dynamique des recettes fiscales des
uns comme des autres est tributaire du contexte économique et de son évolution, ce qui illustre leur degré
d’ouverture à leur environnement. Les choix effectués par les décideurs locaux ou nationaux agissent en
retour sur la dynamique économique, sur les contextes urbains ou naturels… Les processus de
décentralisation (fonctionnelle, budgétaire…) n’affectent pas de la même façon tous les niveaux de
gouvernement (et leurs budgets) : chacun d’entre eux forme un sous-système, possédant des spécificités.
Simultanément, ils sont orientés vers des finalités, communes ou divergentes, tenant à leur maintien et aux
missions qui leur reviennent. Les interactions fiscales, les cofinancements signent l’existence
d’interdépendances au sein de chaque sous-système comme du système dans son ensemble.
On peut alors retenir que même si l’analyse contraint à des partitions et si les travaux se focalisent sur un
type de collectivités, sur un dispositif particulier de financement ou de taxation…, les résultats ou éléments
conclusifs requièrent d’être situés au sein d’un faisceau d’interdépendances et d’équilibres partiels.
52 Une revue synthétique de la littérature dédiée et de sa mobilisation dans l’analyse spatiale (entretenant des proximités avec notre
35
Faire mention de ces liaisons internes et externes pose un cadre mais renseigne peu sur le contenu effectif
des relations. Les investigations conduites ont précisément (eu) pour objet de les qualifier. Par exemple, d’un
point de vue fiscal et financier, quel positionnement relatif des régions et des métropoles ? Se présente-t-il
de façon analogue en France et en Italie (Navarre, 2015) ? Le lien entre le niveau d’emprunt et le taux local
de taxation dans les grandes villes est-il positif ou négatif ? L’état d’endettement et de pression fiscale sont-
ils alliés ou non à des montants élevés de dépenses (Navarre, 2016) ? Si la littérature scientifique fait état
d’interactions d’un point de vue fiscal (cf. supra), ces relations se manifestent-elles dans d’autres domaines,
tel celui de la tarification de services publics locaux (Navarre, 2014c) ? En filigrane ou de façon explicite, les
études effectuées portent également sur les interrelations entre finances locales et contextes territoriaux.
Autant pour signifier que l’espace, celui que partagent et dont disposent les collectivités, n’est pas identique.
Il n’est par ailleurs pas uniquement un support géographique neutre. Au contraire, il est inscrit dans un
système d’action et d’acteurs qui le modèle et qu’il modèle en retour. B. Pecqueur et V. Peyrache-Gadeau
(2010) donnent nom de territoire à cette catégorie d’organisation spatialisée d’acteurs. Ce que A. Moine
(2005, p. 4) formule encore en énonçant que « les systèmes d’acteurs produisent les territoires autour de la
gouvernance. » La notion de territoire est à la fois complexe et polysémique, commune à de multiples
champs disciplinaires. Au point, toujours selon l’auteur, qu’elle puisse soit perdre tout contenu, soit devenir
un enjeu transdisciplinaire.
Sans entrer dans les débats sur le sujet (Faure, 2005 ; Davezies, 2008 ; Talandier, Davezies, 2009a, 2009b ;
Vanier, 2009), il est possible de s’en tenir à une acception simple de la notion de territoire. En son nom, celui-
ci est un espace à la fois naturel et anthropisé, lieu d’une appropriation et d’un pouvoir politique. Sous le
poids des actions individuelles et collectives, cet espace se peuple d’objets (habitat, zones d’activités,
équipements d’infrastructures et de superstructures…). Il possède des limites institutionnellement définies
à l’intérieur desquelles, dans une dépendance plus ou moins étroite avec les autres niveaux de
gouvernements et avec les résidents, des organes élus exercent des compétences. Il leur revient en
particulier de gérer les objets présents ainsi que les moyens qui leur sont dévolus, d’arbitrer entre des
priorités et finalement, de porter le projet établi pour le territoire. Ce territoire, ainsi tenu comme un espace
de constitution d’un patrimoine de ressources publiques (Billaudot, 2005), (potentiellement) à la disposition
de tous et doté d’une organisation collective pour son organisation et sa transmission, se situe au croisement
de logiques économiques et d’une vision politique. Par ailleurs, produit d’une dynamique longue, tout
territoire présente à un instant précis un état de développement qui lui est propre. Ce qu’on désigne alors
comme formant une configuration ou un contexte territorial donné.
Aborder le territoire de la sorte conduit à envisager le jeu des acteurs en présence, leur entrée dans une
logique de projet, de portage politique et de portage de politiques. Ce qui engage vers le concept de
36
territorialisation (Woessner, 2010), d’ailleurs tout aussi polysémique que celui de territoire (Frinault, 2012a,
2012b).
Ce concept sert notamment à rendre compte de la capacité des décideurs locaux, parties prenantes des
forces en présence, à mobiliser ou non des ressources en cohérence avec des objectifs de changements pour
le territoire. Plus largement, la territorialisation a trait aux mécanismes d’adaptation différenciée des
politiques sectorielles aux spécificités des territoires, au profit de leur proximité et de leur transversalité
(Béhar, 2000b). Elle renvoie à l’idée d’une définition proprement territoriale des acteurs pertinents et des
solutions cohérentes pour atteindre les fins escomptées (Hassenteufel, Rasmussen, 2000 ; Taiclet, 2011). Le
territoire devient ainsi lui-même catégorie d’action (Douillet, 2003). Dit autrement, la territorialisation inscrit
l’action publique, et les ressources afférentes, au plus près des territoires et surtout, de leur dynamique. En
tant que transversales et relatives à leurs moyens, leurs actions budgétaires et partant, leurs politiques
financières sont directement concernées.
Ce qui, autrement dit, sous-entend que les finances des collectivités sont des composantes à part entière des
mécanismes et des processus de territorialisation. Leur situation, à un instant donné, est un marqueur à
proprement parler de l’état qui en résulte, inscrit dans un contexte territorial.
De ce fait, les analyses des finances publiques locales ne sauraient être conduites sans référence à ces
dimensions territoriales. Quelles relations de dépendance peut-on repérer et dans ce cas, comment les
qualifier ? Dans quelle mesure par exemple la logique des moyens intervient-elle dans la conduite d’actions
territorialisées, conçues au nom d’une vision stratégique du territoire, telles les politiques locales de l’habitat
(Cordier et al., 2010) ? Quels liens entre dynamiques de développement et capacités fiscales ou financières
des intercommunalités urbaines (Navarre, Rousseau, 2012) ?
D’un côté, l’approche systémique permet de conceptualiser les interrelations qui se nouent entre
collectivités, entre ces collectivités et l’Etat, en tant qu’ensemble les englobant (cf. supra). De l’autre,
l’approche territoriale conduit à mettre l’accent sur leur territorialité. La conjonction des deux démarches
conduirait en toute rigueur à faire état d’une supra-territorialité, s’imposant à chacune...
Par ailleurs, précisant les contours de l’économie territoriale, O. Crevoisier (2008, p. 14) rappelle que « Temps
et espace sont indissociables de la nature même des phénomènes économiques, et n’en constituent en
aucun cas une simple ‘scène’, un support extérieur et inerte. » Nous pouvons faire l’hypothèse qu’il en va de
même, du point de vue de l’économie publique locale. La notion de territoire conduit à aller au-delà de celle
d’espace et à intégrer des dimensions politiques, conjointement aux aspects économiques. Comment, plus
avant, prendre en compte les logiques (inter)temporelles ?
37
Les décisions prises localement à un moment donné (en matière de recours à l’emprunt, de réalisation
d’investissements, de recrutements…) ont bien, dans les faits, des incidences durables sur le budget de la
collectivité.
Les interdépendances temporelles valant pour chaque sous-système territorial sont tout autant de mise pour
le système financier local dans son ensemble. Nous avons évoqué le caractère évolutif des relations de
(in)dépendance des collectivités décentralisées à l’égard de leur gouvernement central (cf. supra). Les
représentations des inégalités interterritoriales, les instruments destinés à les atténuer eux-mêmes se
transforment au fil du temps (Guengant, Josselin, 2006 ; Bouvier, 2007 ; Gilbert, Madiès, 2013). En matière
institutionnelle comme financière, les réformes succèdent aux réformes. Bien souvent, les changements le
disputent aux permanences (Marcou, 2012).
Les analyses compréhensives des finances locales ne peuvent alors être conduites sans tenir compte à la fois
des modifications se manifestant et des rémanences des dispositifs antérieurs.
Ainsi par exemple la fiscalité locale a-t-elle été substantiellement réformée en 201053. La portée de ces
modifications, celle des transformations qui en résultent pour les collectivités et leurs finances requièrent
des analyses détaillées. En particulier, quelle nouvelle géographie des richesses et des ressources fiscales
locales est appelée à se dessiner sous le poids des impulsions réformatrices (Navarre, Rousseau, 2013a,
2013b) ?
Notre parti pris en faveur d’approches systémiques, territorialisées et diachroniques s’articule de la sorte, de
façon plus ou moins étroite, avec divers fondements conceptuels ou théoriques. Quels modes d’explorations
avons-nous retenu, en cohérence, de façon à prendre en compte les interdépendances à l’œuvre au sein des
finances des collectivités elles-mêmes, entre leurs budgets et les contextes territoriaux, de façon encore à
intégrer leurs variations ou inerties temporelles ?
38
4-Des orientations méthodologiques
39
40
4-1-Des données statistiques et l’établissement de typologies
La formation initiale, les expériences de recherche dans le cadre de L’Œil… ont très rapidement conforté une
inclinaison vers des traitements quantitatifs (cf. Volume 1). Ceux-ci requièrent la mobilisation d’un matériau
informatif de base ainsi que l’utilisation de méthodes en conséquence. Nous dépeignons les conditions
d’accès aux données qui ont prévalu pour l’essentiel de nos travaux. Les évolutions récentes et la promotion
de l’open data ont en partie modifié la donne.
La lourdeur et le caractère dissuasif de la collecte de données ont encore limité la généralisation des études
pionnières d’Y. Fréville sur les charges d’urbanisation ; les tentatives dans ce sens ont peu essaimé hors du
laboratoire CREFAUR et du contexte rennais, alors choisi comme terrain d’investigation54. A. Guengant (2002,
p. 696) souligne que de ce fait, « un champ majeur de l'économie des villes risque (…) de demeurer dans
I'ombre, ou du moins dans la pénombre. ». La perspective de constitution d’un compte satellite et d’une
comptabilité des villes, que visaient initialement les chercheurs, n’a d’ailleurs pas connu de suite.
Les vagues successives de décentralisation, bouleversant la répartition des positionnements et des rôles, y
compris dans la production et dans la gestion de statistiques financières, ont contribué à complexifier la
donne (de Boissieu, Fréville, Cnis, 2000) ; elles ont entre autres soulevé des questions d’homogénéisation et
de centralisation des productions locales.
La rareté ou les difficultés d’accès aux matériaux informatifs se sont progressivement allégées au cours du
temps. La normalisation du cadre comptable, son utilisation généralisée au sein des collectivités ont suscité
la génération d’informations annuelles systématiques pour chacune et comparables entre toutes.
L’agrégation des comptes locaux répond à plusieurs finalités, aussi est-elle régulièrement pratiquée
(cf. Encadré 1). De telles productions statistiques et leur analyse ont commencé à voir le jour dans les
années 1980. Elles résultaient alors d’initiatives individuelles provenant d’experts et/ou d’universitaires
(Desbouis, Bousquet, Klein, 1986). J. Bouinot (1989, 1991) a été l’un des promoteurs de ces démarches.
L’essor des outils informatiques a favorisé cette émergence et les développements qui s’en sont suivis. Dans
un mouvement itératif, une disponibilité accrue des données ainsi que l’amélioration des performances des
moyens de traitement ont permis de revisiter des résultats antérieurement acquis, ainsi que d’aborder de
nouveaux sujets en lien avec les développements théoriques du moment (Guengant, 2002). De telles
avancées étaient cependant circonscrites aux laboratoires engagés dans des travaux répondant à des
54 Associée à une part de ces travaux, nous avons participé à cette collecte, manuelle et pour le moins chronophage…
41
commandes émanant d’institutions officielles, de services ministériels…, mettant alors à disposition les
informations quantitatives requises. Bon nombre des circuits de diffusion sont restés par la suite limités à ces
partenariats initialement institués.
Parallèlement, les productions d’ensemble sont devenues régulières et se sont institutionnalisées. Pour
l’essentiel, elles prennent forme de publications systématiques émanant des Ministères concernés55,
d’institutions bancaires56 ou d’instances dédiées57. Les associations de collectivités possèdent pour la plupart
des observatoires qu’elles utilisent en interne et dont elles tirent des notes d’information, généralement
annuelles. Leur réseau relationnel leur permet d’obtenir, par l’intermédiaire de leurs membres ou en
sollicitant des institutions officielles, les données dont elles ont besoin en vue d’éclairer des points
d’actualité, de compléter le travail parlementaire, de participer à l’amendement des Lois de finances
annuelles… De leur côté, les cabinets ou bureaux d’études spécialisés ont su constituer, à l’occasion de leurs
expériences locales et de leurs interventions auprès des Ministères, des bases de données qu’ils mobilisent
pour leurs usages professionnels et dont ils se réservent l’accès.
Les informations présentées dans les supports publiés par les uns et par les autres sont globales ou
thématiques. Elles se prêtent peu à des analyses complémentaires, à celles qu’envisageraient des chercheurs.
Les contenus sont en effet tributaires des regroupements comptables et/ou d’entités locales auxquels les
initiateurs des diffusions ont procédé. Les catégorisations, souvent opérées sur la base de la taille
démographique des collectivités, limitent en particulier les possibilités d’explorations. La continuité
temporelle des séries n’est en outre pas toujours de mise. Les contenus disponibles servent alors
principalement de référentiel de comparaison pour positionner des situations ou des résultats particuliers
au regard de moyennes ou de tendances d’ensemble.
Par ailleurs, des fiches synthétiques annuelles ont été, et sont encore, mises à disposition du public, à partir
du « portail de l’Etat au service des collectivités », piloté par la DGFiP (Direction Générale des Finances
Publiques) et par la DGCL (Direction Générale des Collectivités Locales). Ces fiches retracent l’essentiel des
contenus des comptes, sous forme d’agrégats, de chacune des collectivités, pour un peu plus d’une dizaine
d’années récentes58. La méthodologie de constitution des agrégats en question est clairement précisée.
L’accès à ces informations est gratuit. Pour autant, le coût de la collecte est élevé pour qui veut se livrer à
une analyse sur un échantillon fourni de collectivités, et plus encore s’il envisage de la répliquer pour diverses
années. Le format ne se prête qu’à des opérations manuelles, à reproduire pour chacun des éléments du
panel choisi. La disponibilité du chercheur et sa ténacité conditionnent alors l’étendue de son matériau…
Jusqu’à peu, ces informations détaillées étaient les seules accessibles. Réaliser une carte figurant l’évolution
des dépenses communales relevait alors du défi. Pourtant, ce support aurait apporté quelque élément
d’objectivation dans l’actualité des débats politiques ou scientifiques59 ! Le manque d’exhaustivité
géographique ou de mise en perspective temporelle, ayant affecté un certain nombre de nos productions,
peut ainsi trouver à se justifier.
55 Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Economie et des Finances et leurs Directions respectives, pour l’essentiel.
56 Dexia Crédit Local a régulièrement publié une Note annuelle de conjoncture et le relais est pris par La Banque Postale depuis 2012.
57 L’Observatoire des Finances Locales (désormais Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales) produit par exemple,
42
Dans les années récentes, des initiatives individuelles, voire militantes, ont conduit à une mise à disposition
du grand public des données en question. Le collectif Regards Citoyens60 diffuse par exemple des fichiers
accessibles librement et contenant les informations présentes sur le site interministériel. Les données
individuelles pour l’ensemble des collectivités et années sont ainsi devenues disponibles, ce qui a accru les
possibilités de traitements. Les analyses demeurent cependant contraintes par les regroupements
comptables opérés pour composer les agrégats composant les fiches ; elles sont restreintes aux postes
figurant dans ces supports, c’est à dire ceux dont les volumes sont les plus importants ou ceux considérés par
les institutions ministérielles comme les plus stratégiques ou les plus problématiques du point de vue de la
santé financière des collectivités61.
Jusqu’à peu, un constat analogue de manque de disponibilité et/ou de maniabilité pouvait être formulé
concernant les éléments de calcul des dotations étatiques62, la connaissance des bases et des taux de chacune
des contributions locales…
Cette absence d’informations facilement accessibles, dans leurs contenus comme dans leurs formats, est
pour le moins surprenante. Les moyens informatiques, utilisés dans toutes les administrations et institutions,
facilitent pourtant les diffusions. La difficulté n’est donc pas technique. Les données de base existent en tout
état de cause, chaque collectivité étant de longue date tenue de les communiquer aux administrations
concernées ou ces dernières étant chargées de les établir. La rareté ou le manque évoqués sont d’autant plus
paradoxaux que les données en question sont publiques, contenues dans des documents eux aussi publics.
Ceci n’emporte certes pas automatiquement leur mise à disposition du public… La clause du secret,
fréquemment mise en avant, peut certes jouer s’agissant des données fiscales et des individus63. Elle vaut
peu ou pas pour les contenus courants figurant dans les budgets et comptes locaux. Des éléments de
compréhension manquent pour interpréter la situation et l’inertie qui ont prévalu. Le partage des tâches et
les relations complexes entre les Directions concernées du Ministère des Finances, du Budget et de
l’Intérieur, la Cour des Comptes… ne sont sans doute pas indifférents à cette situation64.
La modestie des matériaux indispensables, ou les restrictions imposées à leur accès, l’importance du coût de
collecte des données diffusées sont de nature à expliquer que la réalisation d’analyses d’ensemble ait
pratiquement été le fait de quelques institutions seulement. Le développement d’études spécifiques, voire
la construction de points de vue experts autres que ceux livrés couramment ou encore l’émergence d’une
contre-expertise, en ont été d’autant entravés. Les limitations mentionnées étaient suffisamment
nombreuses et fortes pour devenir dissuasives. De leur côté, les auteurs des rapports officiels n’ont pas été
sans déplorer les manques qui ont perduré. Il est affirmé que « le partage de l’information financière devrait
devenir la règle », en tant qu’un des préalables à une confiance restaurée entre Etat et monde local (Malvy,
60 Le collectif Regards Citoyens, fondé en 2009, est une association constituée de citoyens de tous âges et régions, tous bénévoles,
qui se sont rencontrés sur Internet dans un désir commun de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions
démocratiques à partir des informations publiques. Via son site sont accessibles les Données comptables et fiscales des collectivités
locales de 2000 à 2015.
61 Les flux financiers relatifs aux emprunts et le stock de la dette par exemple. Les montants des recettes tarifaires ou des produits
La diffusion des données a été limitée aux collectivités et institutions officielles. Les informations sont désormais systématiquement
accessibles en ligne, annuellement et/ou pour les 3 années les plus récentes.
63 Elle vaut par exemple pour les fichiers Filocom (fichier des logements à la commune) dont les conditions d’accès sont
particulièrement restrictives. La communication des contenus suppose l’établissement d’un protocole officiel et n’est possible que
dans le cadre d’une commande officielle de recherche. Nous avons pu bénéficier d’une telle mise à disposition (Talandier et al., 2019).
64 Lors de réunions du Comité scientifique de l’Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales OFGL (depuis 2018), nous
avons pu observer que chacune des institutions possède sa propre vision des finances locales, des points de vigilance qui lui sont
particuliers et que la mutualisation ne va pas de soi. Les routines et les logiques institutionnelles ne se concilient pas aisément.
43
Lambert, 2014, p. 12). Quid cependant du monde universitaire ? En tout état de cause, les avancées ont été
lentes à se manifester. Elles ne sont pas indifférentes à la rhétorique, ou aux exigences, de transparence qui
traversent désormais les politiques et la gestion des dépenses publiques (Heald, 2012 ; Bouvier, 2013) ; les
entités locales ne manquent pas d’être concernées, compte tenu de la place qui leur est assignée en matière
d’évolutions budgétaires (IGA, IGF, 2012).
Une convention de partenariat a été signée en 2014 par la DGFiP et les associations de collectivités, en vue
de faciliter les échanges d’informations entre l’administration fiscale et les collectivités en matière de
contributions locales. La communauté des chercheurs n’était pas ou pas encore concernée.
Qui voulait conduire des analyses, supposant précision et adaptation, procédait alors généralement à la
construction sur mesure de son propre matériau empirique, à partir des documents mêmes des collectivités
retenues ou en compilant au mieux les éléments faisant l’objet d’une diffusion. Soit un bricolage ad hoc, face
à une forme d’indigence ou de pénurie.
La disponibilité du matériau brut, dans son intégralité est a priori favorable à tous les usages envisageables.
Les opérations de consolidation66 sont désormais à portée de main, quand elles semblaient inaccessibles ;
analyser des composantes spécifiques des dépenses comme des recettes locales est maintenant possible.
L’exhaustivité des fichiers fiscaux et comptables a une contrepartie qui réside dans leur lourdeur, leur
complexité et leur difficulté de maniement sans une ingénierie ou des moyens techniques dédiés. Ce que ne
possèdent pas nécessairement l’ensemble des chercheurs ou laboratoires67. Le recours au savoir-faire requis
représente finalement un coût et des restrictions. Une mise en forme préalable et minimale des fichiers en
question, en vue d’un accès aisé, assurée par les diffuseurs des données en question et sans dépenses
majeures, n’allègerait-elle pas la charge des utilisateurs, alors à même de se concentrer sur des tâches
d’analyse ? Sinon, l’ouverture et la transparence ne restent-elles pas en grande partie formelles ?
A ces difficultés techniques d’accès s’ajoute une complexité croissante des contenus eux-mêmes. Nous avons
souligné combien ces derniers étaient tributaires - d’inévitables ? – conventions comptables. L’ouverture au
65 Les fichiers de recensement des éléments d'imposition à la fiscalité directe locale (REI), les balances comptables… sont entre autres
financiers relatifs aux opérations d’aménagement par exemple), d’autres facultatifs (et utilisés en vue d’une visibilité accrue sur le
fonctionnement budgétaire de services choisis). Des flux financiers transitent entre budgets principaux et annexes. Leur sommation
gonfle artificiellement les montants effectivement perçus ou dépensés. La consolidation consiste à identifier ces flux croisés et à
éviter leur double comptabilisation.
67 Nos travaux en cours sur les dynamiques de l’Investissement Public Local IPL et son financement (cf. Volume 1) ont ainsi nécessité
le recrutement d’un ingénieur de recherche ; une partie conséquente de ses missions est dédiée au téléchargement des bases en
ligne, à leur mise en forme systématique. L’accès aux contenus n’est possible que pour ceux sachant manier un langage informatique
spécialisé.
44
public ne réduit en rien le fait que les data sont des produits davantage que des données stricto sensu
(Couderc, 2008). La rigidité des conventions et des normes laisse malgré tout place à une diversification dans
les usages locaux68, des zones de flou et de bricolage (Allé, Navarre, 2015). La prise en compte centralisée
d’un matériau d’origine décentralisée ne va ainsi pas de soi et laisse persister des incertitudes69.
Au-delà, la complexification s’opère sous le poids de plusieurs dynamiques. La situation des dotations versées
par l’Etat aux collectivités à des fins de péréquation est à ce titre emblématique. La diversification des
situations territoriales et financières dans un contexte décentralisé ainsi que l’évolution des représentations
politiques des inégalités (budgétaires) et de leur mode de traitement ont fait évoluer les critères de partage
de ces dotations (Laurent, 2013). Les réformes successives des dispositifs se sont accompagnées de
l’instauration de mesures de lissage, ménageant les incidences des changements de régime pour chaque
collectivité, préservant les situations acquises. L’association des collectivités et de leurs représentants à la
construction des règles répond à la volonté affichée de renouveler la gouvernance du secteur des finances
publiques locales, quand celui-ci a pu être tenu comme principalement administré de façon technicienne et
verticale (Valletoux, 2006 ; Richard, 2006 ; Guengant et al., 2007). La prise en compte d’une multitude de
points de vue et de cas de figure peut être contre-productive ; elle aboutit en effet à multiplier les dispositions
concurrentes, minant l’efficacité d’ensemble (Gilbert, Guengant, 2004 ; Pires-Beaune, Germain, 2015). Il en
résulte en tout état de cause une batterie d’indicateurs de tous ordres construits en vue de rendre compte
de la diversité des contextes et d’administrer la pluralité des dispositifs en vigueur Pas moins d’une
quarantaine de critères d’évaluation des ressources ou des charges locales sont actuellement utilisés pour la
répartition des versements péréquateurs en direction des collectivités, selon les travaux de L’OFGL
(Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales)70. Le matériau porte les traces de la difficile
conciliation – politique – entre les principes d’égalisation et de mise en transparence. En tout état de cause,
l’institutionnalisation croissante et les modalités de la gouvernance conduisent, si ce n’est à une perte
d’efficacité, au moins à un manque de lisibilité.
Pour le chercheur, il en résulte un coût d’acculturation de plus en plus élevé, une forte spécialisation rendant
ardu le traitement d’un tel matériau. Comment alors concilier rigueur, sélectivité et approximation, à des fins
d’objectivation ? Comment considérer une matière perpétuellement mouvante, tout en distinguant ce qui
est marginal ou substantiel ? Comment faire avec des contenus normés et techniques, leur donner sens à
des fins de recherche quand leur vocation est tout autre ?
68 Ce que nous avons pu constater à l’occasion de travaux dédiés à la mutualisation des personnels et des charges salariales afférentes,
entre les communes et leurs intercommunalités (Navarre, 2017a). Les rubriques comptables prévues sont diversement utilisées et
renseignées.
69 Y compris dans les évaluations officielles et institutionnalisées. En comptabilité nationale, la comptabilisation effective des flux
entre composantes du secteur public et en leur sein repose sur des conventions (cf. Encadré 1). La consolidation des comptes locaux
et la mise en évidence des flux financiers croisés n’est également possible que sur la base de choix conventionnels (cf. OFGL, 2018,
« Les subventions d’équipement versées entre collectivités locales », Cap sur…, n° 1, 16 p.)
70 Note provisoire et interne du CST de l’OFGL, mars 2019 et OFGL, 2019, Cap sur les choix locaux en matière de redistribution des
ressources, n° 8, 24 p.
45
En termes de production de connaissances, seules des monographies seraient alors envisageables. Toutefois,
les règles et procédures instituées, ne serait-ce qu’en matière de comptabilisation et de calendrier
budgétaire, induisent par rétroaction une certaine uniformité. Les situations locales partagent en outre à la
fois des singularités et des traits communs, tenant à des contextes et à des configurations possédant des
similarités. Dans les faits, les dynamiques de développement territorial s’imposent elles-aussi, faisant fi des
limites institutionnelles (Navarre, Rousseau, 2013a). Nous avons d’ailleurs fait état de la porosité du cadre
administratif. D’où la possibilité de conduire des analyses pour des catégories de collectivités afin de révéler
quelles sont finalement leurs similitudes.
Les publications officielles en matière de finances locales cherchent à éviter les écueils de la standardisation
et ceux de la parcellisation en répartissant les collectivités par niveaux de gouvernement. Les communes sont
regroupées dans des strates démographiques prédéfinies ; elles sont également différenciées selon le type
de regroupement intercommunal auquel elles appartiennent. L’importance financière d’une collectivité
entretient assurément des liens avec sa population (Gilbert, Guengant, 2004). Sur la base de modélisations
économétriques, les chercheurs montrent cependant que l’importance de la population n’est qu’un des
facteurs explicatifs des situations budgétaires. La fonction de dépenses des communes, pour être
représentative des réalités, intègre d’autres paramètres qu’ils soient sociaux, économiques ou
géographiques. Ce qui met à mal la validité des regroupements fondés uniquement sur des critères
démographiques ; leur homogénéité interne est plus postulée que réelle71. Les appartenances
institutionnelles ne sont guère plus robustes. La catégorie que composent désormais les métropoles en
constitue un exemple (Navarre, 2018).
Les découpages ou zonages, produits sous l’égide de l’Insee, en Unités Urbaines, Aires Urbaines, Zones
d’Emploi, Bassins de vie… forment autant de catégories possibles, basées sur des structurations diverses,
quelquefois composites (sociodémographiques, morphologiques, économiques, illustratives des pratiques
quotidiennes…). Les Zones d’Emploi représentent des ensembles pertinents pour des analyses ayant trait à
la fiscalité locale sur les activités économiques ; ils le sont moindrement lorsqu’il est question des taxes
imposées aux habitants. Quelle catégorie de regroupement spatial retenir pour des études portant
simultanément sur les différents types de contributions et de contribuables ? Les périmètres fonctionnels
sont-ils pertinents lorsqu’il s’agit de traiter d’une matière fiscale ou financière dont l’extraction, les usages
sont politiquement délibérés au sein de mailles administratives bien délimitées ? Compte tenu de ces
incertitudes voire inadaptations à nos préoccupations, les zonages institués sont rarement mobilisables et
mobilisés dans nos travaux.
Le plus souvent, le protocole repose sur la prise en compte des maillages administratifs en vigueur72 et sur la
construction de typologies aboutissant au regroupement en classes homogènes des entités en question. Les
regroupements territoriaux résultent alors des analyses, plutôt qu’ils les précèdent.
Les typologies sont établies à partir d’analyses multidimensionnelles intégrant l’ensemble des variables
pertinentes au regard de la problématique d’étude73. Le choix est cohérent avec le parti pris énoncé
précédemment, à savoir celui d’une approche résolument systémique et territorialisée.
Intégrer les contextes territoriaux aux analyses suppose de prendre en compte à la fois leurs spécificités et
leur diversité. Ce qui impose de recourir à une multitude de paramètres ou de dimensions à même de les
caractériser. De façon symétrique et en raison des interdépendances entre postes budgétaires, ces derniers
71 Certaines publications institutionnelles font désormais état de la dispersion statistique au sein de ces catégories, ainsi que de la
dispersion géographique des informations diffusées.
72 Sans pour autant tomber dans un « territorialisme méthodologique » (Dumitru, 2014).
73 Elles sont dans tous les cas précédées d’analyses statistiques simples et descriptives.
46
peuvent rarement être considérés de façon isolée. Chaque situation territoriale et financière est à décrire
par le biais d’un ensemble d’indicateurs. L’objectif est alors de déceler des relations (ou leur absence) entre
contextes et situations fiscales ou financières ou bien au sein même du système financier local74, que ces
relations valent pour tout ou partie des collectivités.
Les méthodes d’analyse statistique multidimensionnelle répondent à ces attentes. Elles sont appropriées au
traitement de tableaux (croisés) de données (quantitatives) comportant un nombre élevé de lignes ou objets
statistiques (des communes, des intercommunalités…) et de colonnes (les variables descriptives des
contextes territoriaux, des situations financières et fiscales…). Le propre de ces méthodes, et leur plus-value,
consiste à limiter les choix à effectuer a priori parmi l’ensemble des variables à considérer. Le chercheur
introduit celles qui sont accessibles et surtout, celles qui sont à la fois cohérentes avec son objectif d’analyse
et avec son référencement théorique75. Au terme d’une Analyse en Composantes Principales (ACP) lui sont
par exemple restituées les variables qui, sur la base de proximités statistiques, sont les plus porteuses
d’information, celles encore qui, seules ou en combinaison avec d’autres, sont à l’origine des
différences/similitudes entre les objets étudiés. Une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) sert
ensuite à répartir ces objets en classes de ressemblance. Chaque classe possède une homogénéité interne ;
elle est aussi distincte que possible des autres classes. Un objet statistique n’appartient qu’à une seule classe.
L’analyse de chaque lot d’objets et de variables aboutit à la constitution d’une classification ad hoc,
illustrative de la problématique examinée dans des contextes territoriaux donnés. Elle est respectueuse de
la variabilité locale (entre homogénéité et différences territoriales) tout en la fédérant et en servant une
certaine généralisation des résultats, à mi-chemin entre singularités et totale uniformisation.
Régulièrement, les tenants des techniques économétriques raillent ceux qui manient les analyses de
données, telles que nous les avons schématiquement présentées. Les oppositions entre les premiers, utilisant
des modèles dits prédictifs, et les seconds, pratiquant l’analyse dite exploratoire, sont de divers ordres. Pour
des thématiques ou des faits sociaux variés dont il s’agit d’aborder la complexité, les uns et les autres ont en
commun de traiter de tableaux de données multidimensionnels76. L’objectif partagé est de donner de la
lisibilité à cet ensemble, d’en rendre intelligible la multi-dimensionnalité, quitte à la réduire de façon
raisonnée et en s’assurant de la significativité des résultats77.
Un premier registre d’oppositions tient à des différences dans le pouvoir explicatif des deux types de
méthodes. Les modèles, via l’utilisation de divers types d’équations de régression, « administreraient la
preuve », en établissant une ou des lois générales rendant compte, au mieux ou au plus près78, du
comportement d’ensemble des objets (statistiques) considérés. Ainsi fourniraient-ils des explications des
faits79. A cette vision fondée sur une généralisation, les analyses de données opposent une représentation
74 A l’occasion d’analyses particulières, nous explicitons quels peuvent être des modes (dits pour les uns « associés », pour les autres
« dissociés ») de traitements multidimensionnels de variables relevant de différents domaines d’analyse (cf. Chapitre 3).
75 Tout en évitant un effet de redondance tenant à des colinéarités ou à l’existence de corrélations.
76 Comportant, tels que nous les avons évoqués, un nombre élevé d’individus ou d’objets statistiques, décrits par l’intermédiaire d’un
techniques statistiques : Saporta G., 2006, Probabilités, analyse des données et statistique, éd. TECHNIP, 622 p.)
78 Ce dont rend par exemple compte de façon simple la recherche de la droite des moindres carrés.
79 A titre d’exemple, A. Guengant et G. Gilbert (2004) construisent une équation modélisant la fonction de dépenses des communes.
La procédure d’estimation repose sur la décomposition par sources de la variance observée des dépenses. On suppose ainsi que si
une commune dépense davantage qu’une autre par habitant, ce peut être d’abord parce que le coût de fourniture des services
collectifs de proximité y est plus élevé qu’ailleurs et ce sous l’effet exclusif de paramètres de situation, c’est-à-dire placés hors du
contrôle du décideur local (soit un « effet charges ») ; ce peut être ensuite parce que la commune dispose de davantage de ressources
(le revenu des habitants, les bases d’imposition, les dotations et transferts reçus y sont plus élevés qu’ailleurs) ; c’est « l’effet
ressources » ce peut être enfin parce que les habitants manifestent une préférence plus prononcée qu’ailleurs pour la consommation
de services collectifs de proximité ; c’est « l’effet préférences ». Un ensemble de variables statistiques sont choisies pour rendre
47
parcellisée. Elles rendent compte de proximités ou de distances statistiques entre groupes d’objets, de
ressemblances les unissant ou de différences les séparant ; l’ensemble importe moins que ses parties ou que
les classes d’équivalence qu’il contient. De ce fait, ces analyses sont tenues comme s’attachant uniquement
à la description de ces faits80. L’argument ne vaut pas entièrement : pour peu qu’on les examine, les
descriptions statistiques des groupes ou classes fournissent des éléments de compréhension quant à la
formation des regroupements. Aussi, les oppositions, bien que fréquemment invoquées, demandent à être
relativisées (Rouanet, Lepine 1976). La stabilité et la robustesse des corrélations établies dans la plupart des
modèles de régression ne disent en effet rien du sens des causalités. Leur portée démonstrative n’est alors
guère plus élevée que celle des analyses factorielles ou des correspondances. Les rhétoriques explicatives
méritent dans tous les cas d’être, selon les auteurs, laissés en dehors de la statistique elle-même.
Un second registre de différences relève du positionnement des méthodes au regard d’un corpus théorique
et disciplinaire. Les modèles économétriques résultent d’un jeu d’hypothèses de recherche ; le choix des
variables retenues en découle. Les calculs statistiques ont précisément pour fonction la validation (ou non)
de ces hypothèses, leur spécification éventuelle ainsi que l’estimation de l’importance relative de chacune
des variables. La démarche est alors principalement déductive. Au contraire, l’analyse des données à la
française81 ne vise en rien à confirmer ou à infirmer une théorie préalablement formulée ; elle se présente
comme une fin en soi (Desrosières, 2001). La liste des variables d’analyse peut ainsi être étendue à divers
univers conceptuels. L’ouverture est propice à des découvertes, à l’apparition de regroupements inattendus
et novateurs. S’il peut être qualifié, le cheminement est de ce fait plutôt inductif ; il peut tout autant échapper
à toute théorisation. L’absence d’arrimage à un corpus bien déterminé, de conclusion ferme, le mélange des
genres… sont néanmoins difficilement acceptés par les tenants de courants disciplinaires spécialisés.
De notre point de vue, un troisième registre de différences est plus fondamental. Il tient aux soubassements
des méthodes, à leur logique de fonctionnement, et à leurs utilisations qui sont en réalité illustratifs de
différences de postures à l’égard des réalités étudiées. Dans les régressions, les objets statistiques
disparaissent au profit des variables alors décontextualisées, au bénéfice encore de la stabilité des relations
qui les unissent, ou des effets des unes sur les autres. Par exemple, A. Guengant et G. Gilbert (2004)
s’attachent à intégrer dans la fonction de dépenses qu’ils établissent des variables descriptives des contextes
communaux. Finalement, la fonction a cependant pour vocation de rendre compte du comportement de
toute commune, qu’elle soit urbaine ou rurale, que ses résidents disposent de revenus plus ou moins élevés…
Des constats analogues peuvent être faits à propos d’autres modélisations telles celles conduites par exemple
par O. Koumba (2009) s’intéressant à l’endettement des collectivités françaises, ou par C. Carbonnier (2013)
traitant de la compétition fiscale entre gouvernements décentralisés, etc. In fine, les spécificités territoriales
sont tues82. A l’inverse, l’analyse des données laisse une place entière aux individus (statistiques), aux classes
qu’ils constituent et aux positions qu’occupent ces dernières. Si les variables et leurs relations, ou leurs
cooccurrences, interviennent pour la constitution des regroupements, il est fait mention, dans les
interprétations, des spécificités propres aux objets étudiés. Ainsi, « dans les commentaires écrits, les sujets
des verbes sont des groupes sociaux, des classes d'individus, liés entre eux par une communauté probable
compte de ces divers effets (par exemple, la population, le nombre de logements sociaux… pour les charges). Les élasticités de
chacune des variables sont ensuite mesurées et l’importance de chacun des effets est déterminée.
80 A. Desrosières (2008) livre un ensemble d’exemples de résultats d’analyses des données, de leurs utilisations dans le domaine des
sciences sociales depuis les années 70 soit à des fins scientifiques (travaux de P. Bourdieu), soit dans le domaine médiatique.
81 S’inscrivant dans le prolongement des travaux de J.-P. Benzécri 1973), principal initiateur en France de l’utilisation de ces méthodes,
alors distinctes des méthodes anglo-saxonnes. Selon A. Desrosières (2001, p. 125), ces dernières « distinguent nettement l’analyse
exploratoire, qui, par des méthodes d’examen et de visualisation très simple d’un fichier, permettent de formuler de premières
hypothèses ou des esquisses de modèles probabilistes, testées ensuite par l’analyse confirmatoire qui retrouve alors les techniques
classiques de la statistique mathématique. »
82 Les collectivités sont parfois réparties en strates démographiques, possédant une certaine homogénéité.
48
de comportements dans une perspective holiste de reconstitution de la globalité d'une personne, d'un
groupe, ou d'une localité. » (Desrosières, 1995, p. 139)
On pourrait ajouter qu’un manque de formation quant à la technicité des analyses de régressions suscite une
certaine distanciation vis-à-vis de leur pratique. Ce qui n’empêche pas de reconnaître leur utilité voire un
recours à leur usage, lorsqu’elles servent d’utiles spécifications et précisions (Fritsch, Navarre, 2012). Il n’en
demeure pas moins que l’analyse exploratoire est plus conforme à la posture que nous prenons, en
cohérence avec le cadre de référence et le mode d’approche adoptés, tels qu’ils ont été présentés. La
mobilisation des méthodes descriptives demeure bien cohérente avec la perspective d’analyses
territorialisées (fédérant les spécificités locales sans les gommer), et systémiques (faisant apparaître des
interdépendances sans les prédéfinir).
Nous avons peu fait état de la dimension diachronique quand elle parait pourtant partie intégrante du
dispositif d’analyse. Des taux d’évolution peuvent être introduits dans les analyses de données, au même
titre que d’autres variables. Ce que nous avons fait à de multiples reprises, lorsque de besoin. Mettre en
évidence les dynamiques temporelles, la pérennité ou au contraire les déformations de typologies est plus
probant lorsque l’on raisonne en termes de trajectoires. Cependant, l’utilisation de typologies dites multi-
dates pour l’analyse de transformations (Piron et al., 2004), de quelque nature que ce soit, est encore un
protocole peu rôdé, au moins à notre connaissance. Les références et indications méthodologiques sont peu
abondantes (Tillard, 1996) et les cas d’application restent rares83. Nous avons tenté des mises en application
afin de révéler des trajectoires fiscales ou financières de terrains d’étude (Talandier et al., 2019). Les projets
en cours nous conduiront à consolider le dispositif84.
83 Le plus abouti dans notre domaine figure dans: Bulletin d’Information Statistique BIS, 2018, « Diversité des communes : cinq profils
budgétaires et financiers », DGCL, n° 129, 6 p.
84 Et notamment, la recherche portant sur l’Investissement Public Local IPL et son financement, réalisée pour le compte de la Caisse
49
50
4-2-Des approches qualitatives « à dire d’acteurs »
La conduite d’entretiens et surtout l’analyse du matériau alors recueilli engagent un savoir-faire que
pratiquement seuls les sociologues, formés à cette pratique, possèdent.
Ce mode d’investigation a néanmoins été mis en œuvre à l’occasion de divers chantiers de recherche qu’ils
tiennent à des questions portant sur les finances locales (Navarre, 2009, 2014) ou qu’ils relèvent d’autres
problématiques (Driant et al., 2015 ; Cordier et al, 2010 ; Talandier et al., 2019). Les expériences collectives
ont favorisé la mutualisation des apprentissages quant aux techniques d’enquête sans que l’on puisse
toutefois revendiquer une réelle spécialisation en la matière.
Ces approches apparaissent néanmoins en cohérence avec la posture précédemment avancée. Les
acceptions des territoires auxquelles nous nous sommes référée, l’importance accordée aux logiques
politiques et à la conduite de l’action publique locale, la mise en relief des interactions stratégiques entre
collectivités… révèlent combien les positionnements des acteurs, des décideurs locaux comme de ceux qui
sont impliqués dans la gouvernance locale, sont fondamentaux. Ce que d’évidence, des traitements
quantitatifs ne peuvent faire apparaître. La contradiction serait flagrante si le parti pris en faveur d’une
approche territorialisée faisait abstraction de la substance même de ce qui fait territoire (cf. supra) !
Les dire de ces acteurs, et leur recueil, sont alors indispensables. Ils sont porteurs d’éclairages, lorsqu’ils sont
mis en perspective avec des résultats de traitements statistiques avec lesquels ils sont soit en cohérence, soit
en décalage. Ils sont encore essentiels lorsqu’ils laissent transparaître les représentations que les
« gouvernants » entretiennent à propos des « gouvernés », au sujet de leur circonscription ou des localités
voisines (Navarre, 2009). Ils sont également indispensables pour relativiser l’importance des questions
financières dans la conduite de l’action publique locale (Cordier et al., 2010).
Tout en n’étant pas aussi intense qu’il pourrait l’être, le mode d’investigation en question fait partie
intégrante d’un ancrage dans les réalités territoriales, avec toute la distanciation qu’il permet, en tant que
protocole scientifique, d’opérer.
51
52
Eléments de conclusion
Les finances publiques locales sont fréquemment référées aux finances de l’ensemble des puissances
publiques, dans leurs volumes comme dans les analyses auxquelles elles donnent lieu. Le flou et les
ambiguïtés sont entretenus par des similitudes dans les fins et les moyens revenant aux différents segments
constitutifs des puissances publiques, par une constante dépendance des collectivités à l’égard de leur
gouvernement central. Ils tiennent encore à l’existence de conventions communes présidant aux usages des
fonds dont chacun est attributaire. Cependant, tout en n’étant pas le seul moteur, le processus – complexe
et multidimensionnel – de décentralisation contribue à conforter une autonomisation des finances locales
en tant que telles, à leur différenciation au regard du tout auquel elles appartiennent ; il suscite et entérine
une diversification en leur sein. Autant de justifications (voire de rationalisations) conduisant à poser les
finances des collectivités comme un domaine ou un objet, se prêtant à des conceptualisations et à des
investigations en propre.
Poursuivant, les finances publiques locales, telles qu’on les a définies, ne sauraient être examinées sans
référence aux finalités d’action dévolues aux collectivités, au positionnement des acteurs chargés de gérer
les fonds dédiés, à l’intérieur de périmètres administrativement circonscrits. Compte tenu de la souveraineté
dont sont détentrices les entités décentralisées et leurs gouvernements, au regard des garanties – relatives –
qui leur sont accordées en termes d’autonomie et de moyens, nous avons proposé d’introduire la notion de
politique financière locale. Celle-ci fait partie intégrante de l’action publique conduite localement, tout en
s’en distinguant. Cette notion nous permet en particulier de disposer d’un vecteur pour des analyses locales,
en la référant à un cadre interprétatif d’ensemble tout en étant propice à la révélation de ses spécificités. La
notion de politique est encore utile pour procéder à une lecture horizontale des finances de chaque
collectivité, en les situant dans les interdépendances qui lient cette dernière à ses pairs, ainsi qu’à une lecture
verticale, en les positionnant dans les rapports de pouvoir qui séparent et unissent les différents niveaux de
gouvernement. L’on pourrait même mentionner que cette clé d’entrée est favorable à une représentation
augmentée85 des territoires et des politiques qui y sont développées, par l’adjonction d’une dimension fiscale
ou financière, que nous nous proposons de spécifier quand elle ne l’est pas toujours.
Les développements que nous proposons ne sont pas inédits. Le corpus de l’économie publique locale
contient des références majeures et des travaux fondateurs. Les nombreuses publications scientifiques
d’A. Guengant et de G. Gilbert, depuis les années 80, comportent de précieux éclairages concernant les
finances publiques et proposent un ensemble d’enrichissements conceptuels, incontournables pour qui
s’intéresse au domaine. Nous nous proposons de prendre appui sur ces apports, tout en adoptant un
positionnement spécifique.
Celui-ci repose sur une vision élargie et contextualisée des finances locales. Celle-ci sous-entend un mode
d’analyse qui laisse toute place aux réalités territoriales, à leurs modes de transformation, aux
interdépendances qui se nouent entre ces différentes dimensions.
Ce positionnement trouve pour partie son origine dans des observations et des constats formulés à l’occasion
de diverses expériences d’études ou de recherches. D’un point de vue pragmatique, la participation à des
travaux sur l’aménagement, sur les politiques locales de l’habitat, sur les modalités de développement de
sites exceptionnels… ont été ou sont encore autant d’occasions de mettre en perspective les questions
relatives aux ressources et aux dépenses locales (sont-elles finalement si déterminantes ?), de les inscrire
85 Le terme est employé par analogie à ses usages en termes de réalité augmentée. Cette dernière « ne fait qu’augmenter notre
propre perception de la réalité » (Simon, 2013). Nous retiendrons qu’elle se situe entre réel et virtuel.
53
dans une vision d’ensemble des réalités (dans quel jeu institutionnel sont-elles insérées, au point qu’elles
apparaissent mineures ou bien encore qu’elles constituent un réel point d’achoppement ?). De chacune de
ces situations et des interrogations auxquelles elle confronte, l’approche des dimensions fiscales et
financières ressort elle aussi augmentée. Sans renoncer à ses propres registres interprétatifs, leur analyse
compréhensive requiert d’indispensables compléments.
D’un point de vue conceptuel, l’approche que nous proposons trouve à s’étayer en prenant appui sur les
notions de système (territorial, fiscal ou financier), de territorialisation et de contexte territorial. Ce qui
oriente vers une vision systémique, permettant d’intégrer à la fois les spécificités de chaque lieu, sa
dynamique de développement et ses interdépendances à son environnement. Les politiques financières
locales, en tant que vecteurs de transformations des moyens et de leurs utilisations, participent de ce
système et de ces modifications. Ces différents processus, les modes d’action qui engagent vers des
changements incluent la notion de temporalité, indissociable de celle de territoire, de système (Lugan, 2009).
Ainsi s’ouvre et se justifie le projet d’analyses des finances locales qui soient à la fois systémiques,
territorialisées et diachroniques. Celui-ci engage vers une diversité de regards, empruntant certes à
l’économie (sans toujours se départir de sa grammaire normative teintée d’efficacité et d’équité) mais
également à l’analyse des politiques publiques (locales), du développement territorial, ainsi qu’à l’urbanisme
en tant que corpus réflexif traitant des modalités de transformation des territoires (Vilmin, 1999). Cette
perspective permet encore de rassembler, en un tout cohérent et unifié, ce que des visions segmentées
(lorsqu’elles se font uniquement fiscales ou financières, ou centrées sur les ajustements ou bien encore
principalement institutionnelles ou politiques) contribuent à éclairer tout en laissant persister des zones
d’ombre.
Les contributions apportées ou à apporter à des analyses systémiques, territorialisées et diachroniques des
finances des collectivités locales françaises sont alors présentées selon quatre perspectives
complémentaires.
Rompant dans un premier temps avec la dimension territorialisée que nous préconisons, nous dressons un
portrait de l’ensemble du système financier local, de sa trajectoire au cours des 3 à 4 dernières décennies
(Chapitre 1). Nous (re)mettons ainsi à jour les interdépendances majeures structurant ce système ; cette
étape est essentielle puisque finalement, au-delà de la variété locale, ces dimensions sont bien celles qui,
peu ou prou, contribuent à donner forme à chacun des sous-systèmes voire à chacune des entités qui le
composent et même, à orienter sa trajectoire. Les présentations qui suivent sont principalement
thématisées, les nécessités de l’analyse et de la restitution contraignant à de légers écarts au regard d’un
parti pris purement systémique. La fiscalité locale étant une ressource majeure au sein des budgets des
collectivités ainsi qu’une recette dont les décideurs locaux peuvent moduler le taux, nous dédions un temps
particulier à son examen. Nous accordons notamment une attention aux interrelations à l’œuvre entre
contextes territoriaux et capacités d’accès des collectivités aux ressources issues de la taxation (Chapitre 2).
En particulier, leurs représentants sont-ils également dotés de ces capacités et du pouvoir d’imposer, ainsi
que le laisserait entendre une lecture – rapide – des principes à la base d’une organisation
décentralisée. Partant, ces décideurs font-ils également usage des potentialités dont ils sont détenteurs ?
Aux côtés des recettes fiscales, le recours à des crédits est reconnu comme faisant l’objet d’un usage
stratégique de la part des collectivités, en vue de financer leurs dépenses d’équipement. Aussi, l’observation
de pratiques locales en matière d’emprunts conduit-elle à considérer des facettes singulières des politiques
budgétaires conduites au sein des collectivités (Chapitre 3). Il s’avère que la diversité est bien de mise en
matière de situations d’endettement, en lien avec les particularités tout autant des configurations
budgétaires locales que des contextes territoriaux. Enfin, la mobilisation de ressources ne prend tout son
54
sens qu’au regard de dépenses à effectuer, et réciproquement. Aussi dédions-nous un temps spécifique à
ces dépenses, effectués dans divers domaines de politiques locales. Nous optons là pour une entrée
particulière, en considérant des arrangements adoptés en la matière par les communes et par leurs
intercommunalités. Ces conditions de partages ou de mises en commun nous engagent vers quelques
éléments de réflexion quant aux conditions territorialisées de la conduite même de l’action publique locale
(Chapitre 4). Après avoir dressé une synthèse transversale des éléments d’observation progressivement mis
en avant, nous esquissons enfin diverses pistes de recherche, potentiellement de nature à consolider les
constructions que nous avons effectuées jusque-là.
55
Figure 1 – Un itinéraire, quelques références et concepts
Entre Etat et
Une dépendance au
marché ? Conjugaison
contexte économique, aux Des rapports Public Choice
horizontalité et
politiques de régulation politiques (Buchanan et
Des verticalité
al, années 60)
recompositions
de l’Etat ?
Une inscription dans le
champ des politics, Des biens publics
policies, polities Fédéralisme fiscal Fédéralisme fiscal
locaux spatialisés
des organisations multi- revisité
niveaux
Théorie/hypothèse
d’agrégation des
préférences
(Tiebout, 1956)
Des effets de
Des interactions
débordement et de
stratégiques
Economie régionale, porosités
territoriale
(Derycke, 2001) Des acteurs dans
l’espace et de
Economie Publique l’espace
Locale
(Derycke, Gilbert, 1988) Des institutions
financières
territoriales
56
Chapitre 1 - Le système financier local et son
édification complexe
57
58
Introduction
Nous avons mentionné quels sont les arguments, conceptuels ou théoriques, nous engageant à opter pour
une vision systémique, territorialisée et diachronique des finances publiques locales. Nos travaux ont
principalement consisté en approches territorialisées ; leur restitution, telle qu’effectuée dans les Chapitres
suivants, a pour objet d’en montrer l’intérêt, de mettre en perspective les résultats qui en sont issus, en les
positionnant dans une trajectoire scientifique. Nous différons cette présentation et mettons en premier lieu
l’accent sur une lecture systémique et diachronique des finances des collectivités.
En préalable à toute approche détaillée, il nous semble en effet indispensable de situer comment l’ensemble,
ou l’objet, que forment les finances publiques locales s’est progressivement structuré au point de constituer
un système en tant que tel. Chacune des collectivités contribue, comme toutes les autres, à dessiner les
caractéristiques de l’ensemble budgétaire, fiscal… qu’elles composent, lorsqu’elles sont considérées
simultanément ; de même, elle concourt à déterminer la trajectoire de cet ensemble. Les évolutions macro-
économiques, les politiques budgétaires décidées au niveau national, les transformations légales ou
institutionnelles… affectent chaque entité autant que leur tout. Du fait de ces interdépendances entre
situations individuelles et état d’ensemble, un examen de ce dernier apparait justifié. Celui-ci mérite en outre
d’être effectué de façon longitudinale, tant les transformations ont été intenses. Il révèle in fine que
l’édification du système financier local a été lente et que ce dernier a progressivement gagné en complexité.
En tout état de cause, l’importance budgétaire des collectivités locales des années 50 n’est en rien
comparable à celle qu’elles occupent aujourd’hui86. « On partait de loin, c’est-à-dire de presque rien », ou
d’un tout autre modèle, pourrait-on suggérer, en paraphrasant Y. Colmou (2006, p. 27)87. La période de
« l’interventionnisme municipal » de l’entre deux guerres, marquée par d’intenses besoins de réparations et
d’extension des infrastructures, tout en suscitant une forte progression des dépenses locales, n’avait pas
substantiellement modifié la donne (André, Delorme, 1991). Fréquemment, les Lois dites Deferre88, encore
connues sous le nom d’Acte I ou de premier âge de la décentralisation, sont tenues comme ayant posé les
fondements de l’organisation actuelle des collectivités, de leurs marges de manœuvre, de leurs ressorts
financiers et finalement, de leur essor budgétaire. Les « libertés locales », une bonne part du mode de
fonctionnement des territoires et des moyens requis pour l’action des collectivités trouvent cependant leurs
origines bien en amont, et notamment dès la Révolution française (Faure, 1989 ; Bourjol, 1995 ; Frinault,
2012b). Il reste que, dans les années 1960 et 1970 des prémices d’une organisation décentralisée avaient
déjà été posés (Le Cacheux, Tourjansky, 1992). Le matériau empirique manque pour explorer ces
soubassements plus ou moins anciens et tout particulièrement, pour repérer quels ont été les tournants
décisifs en termes de volumes des finances locales. Cet ancrage historique, voire cette dépendance, requiert
néanmoins d’être souligné, ne serait-ce que pour relativiser l’ampleur des transformations dont les vagues
successives de décentralisation seraient à elles seules porteuses.
Si ces vagues ne sont pas entièrement déterminantes de l’édification du système tel que nous le connaissons,
elles sont pour autant sources d’adaptations marquantes de l’architecture territoriale ainsi que du partage
86 En 1950, leurs dépenses, au sens de la Comptabilité nationale, atteignaient à peine 1 Md€ ; elles dépassent 255 Md€ en 2017
(source : Insee, 2019).
87 Qui traite de l’émergence de la fonction publique territoriale.
88 Soit, pour l’essentiel : la Loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, la Loi
n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, la Loi
Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat. Ces textes ont été suivis par une quarantaine de lois et près de 300 décrets adoptés
de 1981 à 1986, concourant à des objectifs décentralisateurs.
59
associé des tâches et des ressources entre niveaux de gouvernement. Elles font écho à des visions
modernisatrices du fonctionnement sociétal, tout en répondant à des objectifs affichés de rationalisation de
la sphère publique. En tant que telles, ce ne sont que des actes particuliers d’un processus de transformation
qui se manifeste de façon récurrente, voire incessante (Béhar et al., 2009). Celui-ci se poursuit et, ne serait-
ce qu’au cours des 30 ou 40 dernières années, l’organisation institutionnelle et financière des collectivités,
les rôles de ces dernières ainsi que leur périmètre d’exercice ont suscité une abondante production de
modifications juridiques, réglementaires… Les rapports parlementaires et institutionnels sur le sujet
abondent89 ; les propositions de réformes additionnelles ne manquent pas moins. Il convient de reconnaître
que les processus réformateurs ayant abouti n’ont pas tous été également sources de transformations
majeures du système d’administration territoriale (Marcou, 2012 ; Abadie et al., 2017). Y compris sur le plan
fiscal et financier, ils ont laissé perdurer des héritages des états antérieurs, coexistant avec des changements
incrémentaux et graduels (Allé, 2017). Les institutions financières locales (cf. supra) sont simultanément
traversées par des changements et frappées d’inertie. Ces rémanences comme ces évolutions affectent les
modes de dépenser des entités décentralisées, et aussi les moyens qu’elles sont en mesure de mobiliser pour
ce faire, au sein de l’organisation territoriale actuelle : la mise en évidence de ces (in)dépendances est une
des clés essentielles de compréhension des situations budgétaires locales du moment.
Une lecture financière au long cours vient de la sorte en complément des analyses institutionnelles,
juridiques ou politiques portant sur le système territorial existant et sur les mutations dont il a été l’objet.
Elle prend appui sur les apports des analyses en question et fait simultanément montre d’une certaine
autonomie.
D’un point de vue organisationnel, les réformes successives ont conduit à un résultat spécifique, inédit, qui
peut être qualifié de véritable « décentralisation à la française » (Hastings-Marchadier, Faure, 2015). Il en
résulte un dispositif territorial et institutionnel qui est doté d’un fort degré de complexité. Les auteurs
soulignent de surcroît que les vagues successives de transformations aboutissent à un agencement du local
en rupture avec l’image d‘une organisation uniforme qui prévaudrait sur l’ensemble du territoire national.
L’analyse en est rendue d’autant plus ardue. En matière de partage des ressources entre niveaux de
gouvernement et de fonctionnement financier de chacun d’eux, l’imbroglio est encore plus accusé. Le
domaine fiscal et budgétaire donne en effet lieu à la production de dispositions propres, venant s’ajouter aux
textes de lois, aux dispositifs règlementaires… fixant les régimes institutionnels et le mode de
fonctionnement des collectivités90. Au risque d’ailleurs d’incohérences et de dysfonctionnements puisque
bien souvent, la pratique française sépare réformes organisationnelles et réformes financières (Hertzog,
2012a). Au risque encore de revirements puisque la complexité du système territorial est tenue comme
source de coûts et de manque d’efficience. Plus d’un observateur souligne, comme le fait P. Richard (2006,
p. 2), que « le nombre élevé de nos échelons d’administration locale entraîne des surcoûts qu’il faut
maîtriser. ». La rationalisation et la simplification de ce design91 contribueraient à un fonctionnement plus
économe (Balladur, 2009). L’argument économique ou financier suscite en retour de nouvelles propositions
de réformes92. La récente réduction du nombre de régions, la reconfiguration des périmètres
intercommunaux ont ainsi récemment trouvé une part de leurs justifications (cf. Chapitre 4). L’organisation
institutionnelle des collectivités décentralisées et leur régime financier ainsi que leurs transformations
respectives sont à la fois indépendants et fortement intriqués.
89 On n’en dénombre pas moins d’une trentaine, pour la période allant de 2000 à 2018 (cf. bibliographie). Ils ont été recensés dans
le cadre du projet InveST.
90 Ne serait-ce que pour exemple, le Projet de Loi de Finances annuel contient généralement une multitude de dispositions affectant
60
De ce fait, l’analyse des finances des collectivités, tout en cultivant une forme d’indépendance, ne peut être
menée sans intégrer, au moins succinctement, les règles qui fixent les périmètres d’exercice de ces entités,
l’étendue de leurs missions, les évolutions de ces dernières. Ce qui amène à considérer simultanément les
différents registres, complémentaires, de la décentralisation (fonctionnelle, territoriale, budgétaire).
Une fois rappelés ces points d’entrée, une ambiguïté reste à lever : l’insistance que nous plaçons à l’endroit
d’une vision territorialisée peut-elle s’accommoder d’un regard d’ensemble, niant par là même les
particularités des finances de chacune des collectivités, les interrelations entre les situations budgétaires
locales et les configurations territoriales ?
Dans les faits, le paradoxe nous semble plus apparent que réel. Le trait d’union entre lecture globale et
analyses plus spécifiquement localisées provient de la notion même de système telle que nous l’avons
esquissée (cf. Chapitre introductif), voire de celle de dialectique. Nous l’avons mentionné, tout système (ou
sous-système) est ouvert à son environnement, ou même se situe dans un faisceau d’interactions à son
égard. Tel est bien le cas des finances des collectivités, immergées dans un contexte économique local et
global et surtout, placées dans des relations d’interdépendance à l’endroit de l’Etat ainsi qu’avec les autres
niveaux de gouvernement.
La « décentralisation à la française », telle qu’évoquée, aboutit indéniablement à un manque d’uniformité
des collectivités, un socle commun pesant sur les latitudes dont elles disposent, sur les ressources dont elles
sont dotées et sur leurs modes de dépenser. Toutefois, les dispositions nationales incluent elles-mêmes de
façon explicite ou implicite des différenciations territoriales. Ainsi en va-t-il par exemple de la redistribution
financière opérée par l’Etat en direction des collectivités tenues comme les plus en difficultés, du point de
vue de l’importance de leurs charges et de la modestie de leurs ressources (Bouvier, 2007). Plus
généralement, quelle que soit leur finalité, les versements en provenance du budget national et bénéficiant
aux entités décentralisées affectent l’ordre des disparités – budgétaires – locales (Cour des Comptes, 2016a).
En outre, en lien plus ou moins étroit avec les actes de décentralisation, parfois au nom de dynamiques
invisibles, les conditions d’exercice du pouvoir local ont été redistribuées, même si c’est de manière inégale.
Ainsi, l’action publique territoriale n’est-elle plus déterminée, de façon unilatérale, par les directives
étatiques. Ce qui suscite la prolifération d’une multitude de façons de faire, de percevoir et de dépenser,
répondant à des initiatives localisées, visant soit les territoires dans leur ensemble, soit des secteurs d’action
61
particuliers. Des coopérations horizontales se sont instituées, à la manière de sous-systèmes territoriaux. Ont
encore émergé, localement, de nouvelles façons de faire, tantôt marquées par des rationalités gestionnaires,
tantôt guidées par une politisation des enjeux locaux. Quoi qu’il en soit, les conditions de l’action publique
locale se sont redéployées. Il en résulte que « La décentralisation a élargi la latitude des autorités locales
d'infléchir les politiques gouvernementales. » (Mabileau, 1997, p. 358). Les modes d’exercice verticaux du
pouvoir et de partage des ressources contribuent aux conditions d’existence et d’autonomie des logiques
horizontales ; ils sont en retour influencés par elles.
J.-C. Thoenig (1985, p. 143) mentionne de surcroit que « Dans l'espace, il n'y a pas, d'une part la scène
nationale, d'autre part la scène territoriale : elles sont interpénétrées structurellement. » 93 Nous aurons
l’occasion de mettre en évidence la présence de ces effets d’interdépendance en matière fiscale et financière.
De telles manifestations sont au cœur de la notion même de système. Nous en retenons à ce stade que l’état
de ce dernier résulte, à un instant donné, de la conjugaison de processus à vocation générale et à portée
uniforme, de forces contraires tendant à l’autonomisation et à la différenciation, qu’ils émanent de variations
territoriales de l’action publique nationale ou d’actions publiques elles-mêmes territorialisées.
Un point de vue d’ensemble n’est ainsi pas antinomique d’un parti pris en faveur d’une vision territorialisée.
Bien au contraire. Les politiques financières locales ne sauraient être décryptées sans une prise en compte
du contexte d’ensemble dans lequel elles sont enserrées et qui contribue à les conditionner.
En cohérence, l’analyse est conduite de façon à situer les dynamiques d’ensemble, de plus ou moins long
cours, dans leur contribution à l’édification et à la structuration du système financier local, voire encore dans
leurs incidences sur sa pérennité. Dans un premier temps (1), l’examen factuel de la trajectoire des finances
des collectivités nous amène à révéler les dynamiques en question, au moins les plus marquantes d’entre
elles. L’expansion des volumes des budgets locaux relève d’une affirmation progressive du système local,
dépendante des mécanismes institués avec la décentralisation et manifestant conjointement une certaine
autonomie à l’égard de ce processus. Dans un second temps (2), nous observons l’intérieur même du système
ainsi constitué. Nous constatons alors qu’il est parcouru par des mutations internes, tenant au rôle dévolu
aux collectivités en matière de formation de capital public, à la manière dont les missions de production de
services publics locaux sont exercées. Par ailleurs, le mode de fonctionnement du système en tant que tel a
permis, jusque-là, aux entités locales de tenir les engagements qui leur sont impartis comme ceux que leurs
représentants leur assignent. Aussi, nous proposons, dans un troisième temps (3), d’examiner ce qu’il en est
de la soutenabilité94 ce système financier local.
93 Notamment par la capacité de certains acteurs d'agir sur les deux à la fois. Tout en prenant acte de l’importance des logiques
d’acteurs et du fonctionnement des organisations, nous ne mettons cependant pas l’accent sur les aspects sociologiques afférents.
94 En écho avec la thématique du colloque « Quelles finances locales pour demain ? », qui s’est tenu à Nantes le 28 septembre 2018,
62
1-Une affirmation progressive du système financier local
En observant les volumes des dépenses locales, nous repérons quelles sont les tendances essentielles
présidant à leur évolution ; elles sont analysées comme des mutations contribuant à donner forme, de façon
graduelle, au système financier local, concourant encore à son affirmation sur le plan économique. En
particulier, si tant est que la question vaille d’être posée, la décentralisation, en tant que facteur explicite de
changement, suffit-elle à expliquer les dynamiques constatées ?
Notes : De façon à parvenir à des comptes consolidés selon les méthodes de la Comptabilité nationale, les Transferts
courants entre administrations publiques et les Transferts en capital à payer des APUL ont fait l’objet d’une estimation
pour la période 1950-1978 ; les repères temporels sont attachés à des années-clés quand les processus (et notamment
l’Acte I de la décentralisation, contenant plusieurs textes de lois complémentaires) s’échelonnent sur plusieurs années
Source : à partir de Insee, Comptabilité Nationale (base 2014)
« Disons le tout net : on ne connait pas le montant des dépenses locales ! », affirme R. Hertzog (2011, p. 44).
Moyennant les conventions en vigueur et leurs zones d’approximation, il est néanmoins envisageable
d’estimer les charges locales comme leur évolution.
Selon les données issues de la Comptabilité nationale (cf. Chapitre introductif), les dépenses des
Administrations Publiques Locales (APUL) s’élevaient à environ 5% du PIB en 1950, à 6,8% en 1960. Ce
95 Et ce, sans omettre les débats auxquels conduit l’usage même du terme de politique lorsqu’il est décliné aux interventions des
gouvernements subnationaux.
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mouvement, voire ce miracle (Guengant, Uhaldeborde, 1989), s’est poursuivi puisqu’elles en représentent
désormais un peu plus de 11%. Les dépenses locales ont augmenté plus rapidement que la richesse produite
au sein du territoire national. Elles ont même crû de façon plus intense que l’ensemble des dépenses de la
sphère publique96, dont elles constituent une fraction non négligeable : elles comptent actuellement pour
pratiquement 20% des dépenses des administrations publiques. Ces traits, rapidement brossés, révèlent une
des singularités du secteur public local : il se situe dans une forme d’autonomisation comparativement à
l’évolution du secteur public dans son ensemble, ou bien encore dans un mouvement de différenciation au
sein des dynamiques qui affectent ce dernier.
Cette affirmation dynamique apparait encore, de façon accusée, lorsque les dépenses locales et leur
trajectoire sont mises en perspective avec celles de l’Etat, les unes comme les autres étant rapportées à la
production nationale de richesse (Figure 3).
Tout en ayant nettement augmenté depuis les années 80, les dépenses du secteur public local (proches de
255 Md€ en 2017) sont assurément moindres que celles assumées par l’Etat (voisines de 493 Md€, soit 21,5%
du PIB en 2017). En conséquence, comparés au PIB, leurs poids relatifs diffèrent sensiblement. La nature et
le volume des fonctions régaliennes, l’ampleur des missions de redistribution imparties à l’échelon national97
suffiraient à justifier cet écart.
Au-delà de ce fait d’importance, le contraste entre les évolutions (relativement à la croissance économique)
respectives des dépenses étatiques et des dépenses locales contribue à alimenter les critiques adressées aux
collectivités : non seulement elles seraient de plus en plus en plus dépensières mais encore, elles se
montreraient trop dépensières, en ne sachant pas se ranger aux impératifs de modération dont ferait part
leur gouvernement central. Depuis le milieu des années 9098, on observe en effet que les dépenses de l’Etat
tendent à évoluer moins fortement que la croissance.
96 Ces dernières absorbaient 34,7% du PIB en 1960, et à peu près 56,5% du PIB en 2017.
97 Hors même celles qui sont assumées par les Administrations de Sécurité Sociale qui, en raison de leurs spécificités, ne sont pas
intégrées aux observations et qui relèveraient de ce fait d’une analyse dédiée.
98 Le pic atteint en 2010 est principalement lié à la réforme de la fiscalité locale : à titre transitoire, les entreprises redevables des
nouvelles taxes locales (cf. Chapitre 2) ont acquitté leurs contributions auprès de l’Etat, ce dernier servant de chambre de
compensation et reversant ensuite aux collectivités les sommes qui leur revenaient.
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Les comportements dépensiers locaux iraient de surcroît à l’encontre des objectifs de la décentralisation
dont sont attendues une meilleure maîtrise des dépenses publiques, et une gestion plus économe du secteur
(Cour des Comptes, 2009a).
Les tendances contraires constatées pour les dépenses étatiques et pour les dépenses locales sont
fréquemment mises au compte d’un effet de vases communicants : le transfert de compétences opéré lors
des temps successifs de décentralisation aurait alourdi les charges supportées par les budgets locaux et
parallèlement, amoindri celles revenant à l’Etat. Comment cet effet s’est-il concrétisé et comment affecte-t-
il la progression constatée des budgets locaux ?
En réalité, rien n’indique qu’il en va effectivement ainsi. L’inertie, les choix politiques… influent non
seulement sur le cours des processus de dévolution mais également sur leurs modalités de mise en œuvre.
Tous les acteurs, et notamment les représentants de l’Etat, ne jouent pas également le jeu décentralisateur
(Cour des Comptes, 2009a). Les décideurs locaux se saisissent différemment des charges et des compétences
qui leur incombent, comparativement à ce qui advenait lors de leur gestion centralisée. De réels bilans des
issues des mouvements de décentralisation intervenus au cours de la période passée et de leurs incidences
budgétaires font défaut. Les volumes financiers associés aux transferts de compétences sont à la fois mal
connus et difficiles à évaluer (cf. Encadré 2). L’importance de l’effet de translation, celle de la progression des
charges transférées donnent tout au plus lieu à des estimations, en se plaçant du côté des budgets locaux99.
Ces approximations sont utilisées pour apprécier quel est, dans l’évolution réelle des charges locales, ce qui
relève des compétences transférées aux collectivités par l’Etat, ce qui ressort d’autres facteurs.
La première tentative (publique)100 effectuée en vue d’apprécier ces diverses composantes des charges
locales et de leur progression émane, en 2006, de la Direction Générale du Trésor et de la Politique
Économique (DGTPE). Les dépenses effectuées par les collectivités locales (dites ‘à champ courant de
compétences’) sont connues à partir de la Comptabilité nationale. En s’appuyant sur les comptes des
collectivités, il est ensuite procédé à une estimation des dépenses que ces dernières réalisent pour l’exercice
des compétences qui leur ont été attribuées101. Par différence entre les volumes des deux types de dépenses,
on obtient le montant que les collectivités auraient dépensé, hors transferts de compétences (alors dit
dépenses ‘à champ constant de compétences’). Les évaluations sont faites annuellement. Considérées pour
une période donnée, elles permettent d’apprécier, dans l’évolution des dépenses locales, quel est le poids
relatif du facteur « transfert de compétences », quel est celui de facteurs rendant compte d’une progression
« toutes choses égales par ailleurs ».
99 Il n’existe pas, à notre connaissance, d’évaluation réelle des impacts budgétaires pour l’Etat des processus de décentralisation.
100 Que nous avons pu recenser.
101 Sont prises en compte les dépenses des collèges et lycées, celles résultant de la régionalisation des transports ferroviaires, de la
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La démarche ainsi initiée est répliquée (et explicitée) dans le rapport établi par P. Richard102 en 2006. Face à
une situation d’ensemble des finances publiques tenue comme de plus en plus préoccupante, la maîtrise des
dépenses locales est porteuse d’enjeux, voire constitue un objectif gouvernemental (cf. Encadré 3). L’analyse
du dynamisme de ces dépenses est, pour le rapporteur, un préalable à la formulation de propositions
d’association des collectivités au redressement des comptes publics. Toujours dans un objectif de
modération des charges locales, de nouvelles estimations sont produites ultérieurement, sur la base de
données actualisées (Carrez, Thénault, 2010)103. La démarche d’objectivation est principalement conçue au
nom d’une vision instrumentale, voire selon une perspective normative.
Les estimations continuent à être produites annuellement, selon la même méthode. Elles figurent dans les
documents accompagnant la préparation du budget de l’Etat104 ; elles constituent dans ce cadre un des
arguments gouvernementaux étayant les dispositions instituées à l’égard des collectivités.
Selon ces estimations, entre 1983 et 2017, la hausse de la dépense locale est tenue égale à 2,69 pts de PIB
(Jaune budgétaire, 2019). Sur la base de la démarche mentionnée, il est estimé que la décentralisation, ou
encore les charges ou compétences transférées telles qu’elles sont formalisées, sont à l’origine de cette
croissance, à hauteur de 1,69 pt de PIB105. Il en ressort que si la décentralisation n’explique pas tout, elle est
cause d’une part majeure de l’évolution observée pour les dépenses locales. Les proportions constatées en
2017 diffèrent peu de celles établies antérieurement : les transferts de missions en provenance de l’Etat
pèsent pour 60% dans la hausse des dépenses locales intervenue entre 1983 et 2008 (Carrez, Thénault, 2010).
Par différence ou façon résiduelle, et toujours entre 1983 et 2017, ‘à champ constant de compétences’, les
charges locales auraient progressé de 0,9 pt de PIB. Soit encore un montant somme toute modeste (21 Md€),
notamment au regard de la longueur de la période considérée.
Il est souligné que cette progression est imputable aux choix de gestion locaux (Jaune budgétaire, 2018,
2019). La vision duale utilisée dans les évaluations, fondée sur une répartition ‘avec décentralisation’ vs ‘sans
décentralisation’, tend à se transmuer en une autre ligne de partage. Elle oriente vers une forme de
répartition des responsabilités, en imputant aux acteurs locaux, via leurs choix, une part de la hausse des
dépenses des collectivités, une fois neutralisés les effets des transformations budgétaires formellement
associés à la décentralisation. Le résidu devient essentiel, dans l’argumentaire officiel…
Les éléments d’analyse, les bilans existants… indiquent que les réalités sont plus complexes qu’il parait à
première vue. Un lien causal univoque peut difficilement être tracé entre des observations (telles les
variations des budgets locaux) et des facteurs considérablement réduits ou simplifiés (telles des
modifications dans les périmètres d’action ou des décisions émanant des échelons locaux). Des doutes
peuvent être émis à propos des équivalences budgétaires, telles qu’elles sont estimées ou mobilisées, au
sujet encore des modes même d’évaluation des montants en jeu. Il serait utile de démêler ce qui est exogène,
s’imposant alors aux décisions locales, et a contrario, ce qui est endogène, et relevant des politiques locales
stricto sensu, les deux dynamiques étant bien souvent intriquées. Mis à part s’ils étaient confirmés à l’issue
d’investigations reposant sur des protocoles pertinents et robustes, les résultats actuellement disponibles ne
sauraient en tout état de cause servir à intenter un procès à charge des collectivités locales et de leurs
représentants, supposés être des acteurs majeurs de l’évolution de la dépense locale.
102 Alors Président du Conseil d’Administration de Dexia (premier organisme prêteur aux collectivités locales).
103 G. Carrez (alors Rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de
l’Assemblée Nationale) et M. Thénault (alors Conseiller d’État) ont en 2010 reçu mission du Premier Ministre afin d’examiner
comment les collectivités pouvaient participer au retour à l’équilibre des finances publiques.
104 Cf. Jaune budgétaire, Annexe au Projet de Loi de Finances (diverses années), Transferts financiers de l’Etat aux collectivités
territoriales
105 1,66 pt de PIB entre 1984 et 2017 (cf. Encadré 2).
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Pas davantage qu’ils ne contribuent à les en dédouaner ou à les en exonérer totalement. En l’absence, les
incertitudes demeurent. A supposer qu’elle soit constatée, une stabilité des dépenses locales serait-elle
toutefois cohérente avec l’esprit même de la décentralisation ? Cette dernière suppose en effet une
intensification et une diversification des missions exercées localement. Ne sous-entend-elle pas une
expansion des volumes budgétaires dédiés, à champ constant ou courant lorsqu’elle postule d’une
autonomie politique locale de percevoir et de dépenser ? L’enjeu pour le chercheur n’est pas d’adopter un
point de vue normatif en la matière. Il réside plutôt dans la production de connaissances qui pourrait éclairer
le débat. La complexité de la matière est toutefois peu propice !
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Encadré 2 – La décentralisation entendue en termes de dépenses
Après une première tentative en 2006, émanant de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique
(DGTPE), un rapport est établi par P. Richard, à la demande des Ministres (délégué au budget et à la réforme de l’Etat
et délégué aux collectivités territoriales) en vue notamment d’évaluer le poids des mécanismes à l’origine de la
progression des dépenses locales et « de mesurer la capacité des élus à peser » sur l’évolution constatée. La démarche
est répliquée par la suite (Carrez, Thénault, 2010), lorsqu’il est envisagé de « resserrer les contraintes financières »
pesant sur les collectivités locales.
Répliquant la méthode initiée par la DGTPE, le rapport Richard livre une objectivation de l’évolution des dépenses
publiques locales. La démarche consiste à estimer le volume annuel des charges locales, leur progression, alors dite
évolution ‘à champ courant de compétences’. Sont ensuite évalués le volume annuel ainsi que la progression des
charges transférées par l’Etat aux collectivités. Par différence entre les deux est obtenue l’évolution ‘à champ constant
de compétences’. C’est encore celle qui résulte du poids croissant de l’exercice par les collectivités des missions qui leur
étaient antérieurement confiées, celle qui aurait été constatée toutes choses (ou répartition des compétences) égales
par ailleurs.
Quels que soient ses initiateurs, la principale difficulté du protocole réside dans l’évaluation des montants afférents aux
charges ou compétences transférés vers le local à l’occasion de la décentralisation. Les auteurs soulignent d’ailleurs que
les ordres de grandeurs et les proportions importent davantage que des résultats exacts.
Dans la démarche retenue, les volumes des dépenses transférées dans le cadre des actes successifs de décentralisation
(pour l’essentiel, avec les lois composant l’Acte I puis avec la Loi Libertés et Responsabilités Locales dite LRL du 13 août
2004) sont évalués de façon diverse. L’essentiel (collèges, lycées, transports scolaires, services régionaux de
voyageurs…) provient des dépenses constatées dans les comptes fonctionnels des régions et des départements
concernés. Les limites de ces ventilations fonctionnelles ont été soulignées (cf. Chapitre introductif). Les montants qui
en sont issus peuvent être majorés au regard des charges effectives (en raison des manques de précision des intitulés
des fonctions et sous-fonctions présentes dans la nomenclature comptable). Ils sont en outre incontestablement
minorés du fait de la non-répartition entre domaines d’action des charges dites non-ventilables, et de celles à caractère
général. Faute d’information sur les montants réels, une part des dépenses est estimée à partir des droits à
compensation (autres transferts que ceux énoncés, au titre de la Loi LRL), comme en fonction des évaluations
(actualisées) effectuées à l’occasion du transfert de compétences et ouvrant droit à l’attribution de la Dotation Globale
de Décentralisation DGD (action sociale, bibliothèques, gestion des ports et partage des services). De ce fait, les
montants résultant des évaluations sont à la fois hétérogènes et incertains. Soulignons encore que des charges
transférées en direction des départements telles l’entretien et la construction des routes nationales (institués dans le
cadre de la Loi LRL) ne figurent pas nommément dans les évaluations.
Désormais, chaque année, les montants des principales dépenses transférées sont produits, selon les modalités
évoquées ; ils figurent dans le rapport publié par l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL).
Outre l’hétérogénéité, les incertitudes et imprécisions qui transparaissent, la démarche mise en œuvre ne permet pas
réellement de démêler de qui est strictement imputable au transfert effectué à l’occasion de la décentralisation, ce qui
relève de la prise en charge effective de la compétence par les collectivités impliquées. A l’issue de la remise des
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collèges, des lycées, les institutions départementales et régionales ont par exemple procédé à des travaux de
construction, d’amélioration…, soit en vue de remédier à des manques quantitatifs, soit dans la perspective de procéder
à des rattrapages qualitatifs, soit encore afin de concrétiser leurs propres choix en matière de fonctionnement du service
d’enseignement (Guengant, Uhaldeborde, 1992 ; Cour des Comptes, 1995). Il en va de même dans le domaine des
transports ferroviaires, désormais aux mains des institutions régionales (Cour des Comptes, 2009b ; Crozet, Desmaris,
2011). Les données disponibles ne sont pas suffisantes pour apprécier ce qui tient à l’un ou l’autre des registres évoqués.
Elles se prêtent encore peu à une évaluation de l’efficacité ou de l’efficience des transferts effectués, à une objectivation
des transformations – éventuelles – de l’action publique en lien avec ces changements (Béhar, Estèbe, 2012).
Les évaluations dites ‘à champ constant’ sont en outre trompeuses en ce qu’elles ne permettent pas de formaliser une
réelle situation contrefactuelle. Elles n’indiquent en effet pas ce que les collectivités auraient réellement dépensé, sans
l’éventuelle pression sur leurs ressources, sans la réorganisation de leurs moyens et de leur ingénierie, et hors même
les impératifs en termes de priorisation… auxquels l’extension de leur champ d’action a conduit. Les impacts budgétaires
indirects ont par exemple été particulièrement intenses pour les départements. Les dépenses leur ayant échu,
notamment dans le domaine social, ont progressé plus rapidement que les ressources allouées en contrepartie des
transferts. La plupart des conseils généraux/départementaux ont été affectés par un net « effet de ciseaux », faisant
peser des menaces de déséquilibres sur leur budget et entraînant de nécessaires mesures de réajustement (Jamet et
al., 2010). Le mode d’estimation agrège par ailleurs les incidences budgétaires provenant de l’Acte I de la
décentralisation et celles résultant de l’Acte dit II (soit encore de la mise en œuvre de la Loi LRL et des mesures
complémentaires106) quand ces impacts ont été notoirement différents (Guengant, 2005).
Les auteurs des évaluations soulignent ainsi que « La répartition des hausses de dépenses entre champs constant et
courant laisse apparaître une ‘zone grise’ dans la mesure où la gestion des compétences transférées engendre des
surcoûts de gestion difficilement quantifiables. » (Carrez, Thénault, 2010, p. 2). Ce qui revient encore à souligner que
l’exercice d’une compétence, qu’elle soit ou non décentralisée, ne peut se réduire au seul volume des dépenses qu’elle
occasionne directement.
Malgré ces imprécisions, voire les inexactitudes entachant les calculs, les modes d’objectivation perdurent ; les résultats
servent régulièrement les argumentaires et les orientations officielles (Jaune budgétaire, diverses années).
Pourtant, des évaluations en bonne et due forme pourraient reposer sur d’autres lignes de partage. Nous l’avons
souligné, les dépenses correspondant aux charges transférées intègrent des effets de choix locaux. Parallèlement, les
dépenses ‘à champ constant’ incorporent des incidences de dispositions prises au niveau national. Celles-ci guident en
particulier l’évolution des charges salariales supportées par les collectivités (Le Saout, 2017a ; Navarre, 2017a). La
structure des dépenses transférées, leur poids variable en dépenses de personnel ont des incidences spécifiques sur les
dynamiques d’ensemble. Un faisceau de normes étatiques (voire européennes) pèse encore sur les dépenses locales
(Richard, 2006 ; Lambert, 2007). Il conviendrait alors de différencier dépenses ‘obligatoires’ et ‘facultatives’ des
collectivités. Les premières, mises à charge des entités locales par les textes de loi dont certains sont bien antérieurs à
la décentralisation, restreignent financièrement leurs marges de manœuvre lorsqu’il s’agit d’effectuer les secondes.
N’est-ce pas l’importance de ces dernières, voire son évolution, qui rend substantiellement compte de l’action –
budgétaire – décentralisée ?
106La gestion de 3 prestations sociales (RSA Revenu de Solidarité Active, APA Allocation Personnalisée d’Autonomie, et la PCH
Prestation de Compensation du Handicap) a été confiée aux départements en dehors du processus même de décentralisation.
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Tableau 3 – Dépenses dans les domaines transférés, années choisies, 1984 à 2017, en millions d’€, en % du PIB et taux
annuel moyen d’évolution 2002-2017, en %
1984 1986 1997 1998 2002 2017 taux
d'évolution,
Montants en millions d’€ courants en %
Départements
Aide sociale (Fonct.) 7 395 7 910 14 002 14 375 15 657 40 991 7%
dont dépenses obligatoires 5 675 6 079 11 967 12 289 13 101 34 443 7%
Collèges 508 2 657 2 805 3 324 4 153 1%
Fonctionnement 378 1 136 1 226 1 230 2 432
Investissement 130 1 520 1 580 2 094 1 721
Transport scolaire (Fonct.) 602 803 1 437 1 520 1 807 1 279 1%*
Contingents SDIS (Fonct.) 667 1 207 2 711 6%
Régions
Formation prof. apprentissage 496 629 1 900 2 089 2 167 5 524 6%
Fonctionnement 1 814 1 993 2 060 5 265
Investissement 86 96 106 259
Enseignement 496 2 892 2 725 3 237 6 663 5%
Fonctionnement 365 748 784 971 3 798
Investissement 131 2 144 1 942 2 266 2 865
Transport ferroviaire voyageurs 443 560 2 055** 4 308 5%
Fonctionnement 336 430 1 527 3 236
Investissement 107 130 528 1 072
Ensemble, en % du PIB 1,20% 1,27% 1,80% 1,83% 1,85% 2,86%
Notes : * taux annuel d’évolution 2001-2015, avant le transfert de la compétence aux régions, organisé dans le cadre
de la loi NOTRe ; ** Le transfert de compétences en matière de transport ferroviaire a été généralisé à toutes les régions
en 2002. Les montants sont mentionnés lors de l’année de prise en charge par les collectivités de la compétence (ex :
les régions effectuent des dépenses au titre de la compétence Enseignement (lycées) pour la 1ère fois en 1986 ; les
montants pour les autres années choisies sont indiqués à titre informatif).
Source : à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2018
En second lieu, des calculs complémentaires indiquent que la progression des charges transférées est, au cours de la
période 2002-2015, comparable à celle des dépenses totales et des dépenses réelles de fonctionnement, tant des
départements que des régions (aux alentours de 6% par an, en moyenne). Dans la période récente, les compétences
transférées n’ont apparemment pas exercé une pression plus intense sur les budgets des collectivités, comparativement
à leurs missions préexistantes. Ce qui ne signifie pas une absence de pression antérieure (à l’occasion notamment du
transfert), due à une tension provenant de l’écart entre les charges et les transferts de ressources effectués en
contrepartie, de leur décalage temporel. Il serait indispensable d’estimer comment ont évolué, parallèlement, les
recettes destinées à compenser ces transferts (dotations étatiques, fiscalité transférée…) afin d’apprécier ce qu’il est
réellement advenu de l’autonomie financière des collectivités concernées. La révision constitutionnelle opérée en 2003
a consacré ce principe en énonçant que « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs
ressources » (article 72-2 de la Constitution). L’attention est portée sur les ressources du moment et non sur leur
progression différentielle au regard des charges locales, quand il s’agit pourtant d’un des éléments de contrainte
pouvant peser sur les budgets locaux.
En troisième lieu, le poids des charges transférées, telles qu’estimées, est majeur au sein de la progression des dépenses
locales. Entre 1984 et 2017, ces dernières (‘à champ courant’) ont augmenté de 2,9 pts de PIB (calculs annexes) ; pour
la même période, les charges transférées ont progressé de près de 1,7 pts de PIB. Les remaniements budgétaires sont
loin d’être négligeables, au regard de ce qui serait potentiellement advenu, ‘à champ constant’. Les départements ont
été plus affectés (un peu plus de 1 pt de PIB) que les régions (pratiquement 0,7 pt de PIB). Selon leurs latitudes
budgétaires et leurs situations antérieures, toutes les entités d’un même niveau de gouvernement, toutes ces
collectivités n’ont pas été touchées de manière semblable. Certains départements ont été davantage fragilisés que
70
d’autres (Jamet et al., 2010). Les dynamiques ‘à champ courant’ et à ‘champ constant’ entrent plus ou moins en tension,
contribuant à la configuration de l’ordre des différences (budgétaires) interterritoriales, au sein comme entre niveaux
de gouvernement.
L’essentiel des actes de décentralisation, de la dévolution de compétences aux niveaux subnationaux de gouvernement
réside certes dans la conduite effective de l’action publique, dans les transformations qu’elle suscite et surtout, dans
ses incidences pour les bénéficiaires. De leur point de vue, une fois les transferts vers le local opérés, est-elle plus
efficace et/ou plus équitable ? Les réponses ne sauraient être trouvées dans un bilan strictement comptable. Il reste
que les conditions financières dans lesquelles ces transferts s’effectuent, leurs impacts budgétaires sont loin d’être
neutres au regard du déploiement des actions effectuées localement, qu’il s’agisse de missions anciennes ou de
domaines ayant récemment échu aux entités décentralisées.
71
Une progression irrégulière
Il est patent qu’on ne saurait s’en tenir à une vision comptable de la décentralisation, réductrice par
construction (cf. Chapitre introductif). Si tant est que cette vision soit à établir, elle devrait intégrer ce qui
relève des modalités de compensation financière allant de pair avec les transferts de compétences. Les
montants des charges dévolues aux collectivités, les ressources allouées en contrepartie tout autant que leur
progression respective participent des conditions d’autonomie budgétaire des entités décentralisées
(cf. Encadré 2). A contrario, elles concourent à l’intensité des contraintes budgétaires pesant sur les budgets
de ces entités, aux manifestations pérennes des pressions qui en résultent. Dans la mesure en effet où les
ressources locales ne sont pas affectées à la couverture de dépenses particulières107, les budgets des
collectivités devant être votés en équilibre, le différentiel entre charges transférées et recettes
compensatoires conditionne de facto les latitudes dont disposent les gouvernements locaux tant pour
conduire les missions qu’ils exercent, ‘à champ constant’, que celles qui leur reviennent en sus et qui
définissent le périmètre de leur ‘champ courant’ de compétences.
Figure 4 – Taux annuel d’évolution des dépenses des APUL et de l’Etat (exprimées en € constants, base 100 en 2015),
en %, 1979 à 2017
On constate une irrégularité, certes contenue, de la progression de la dépense locale, révélant une certaine
plasticité de cette dernière (Figure 4). Les principes de continuité de fonctionnement des services publics
locaux, la relative permanence de l’action publique conduite localement108… induisent des effets d’inertie.
Par là même, ils engendrent une rigidité dans les volumes de fonds mobilisables et dans leurs usages. Ils
orientent encore vers un certain incrémentalisme budgétaire (Jönsson, 2010).
Si l’on s’en tient aux dépenses locales, leurs variations sont relativement indépendantes de celles des
dépenses étatiques109.
72
L’observation croisée des unes et des autres engage, à nouveau, à relativiser, si besoin en est, l’effet de vases
communicants dont il est fréquemment fait état. La variabilité observée, pour les collectivités comme pour
l’Etat, rend compte de la sensibilité des budgets publics à des faits conjoncturels comme à des choix
politiques110. Il peut même s’agir de choix politiciens puisque l’on constate, avec une certaine régularité, que
les dépenses locales augmentent nettement à la veille des consultations (municipales)111, avant de passer
par un point bas l’année des élections puis de repartir à la hausse juste avant les prochaines échéances. Ainsi
se manifestent les effets du cycle électoral, plus ou moins atténués par des faits conjoncturels ou structurels
(Guengant, Uhaldeborde, 1996). Les publications officielles (Cour des Comptes…), les rapports institutionnels
ou parlementaires ainsi que les productions scientifiques (Guengant et al., 1981 ; Hoffmann-Martinot et
Nevers, 1985 ; Guengant, Uhaldeborde, 1992 ; Abecassis, 1994 ; Foucault, François, 2005) s’attachent à
révéler ces manifestations. Ce qui confirme à sa façon, sur la base d’éléments empiriques, que si les politiques
financières locales participent du champ des policies, elles émargent tout autant au registre des polities et
même des politics (cf. Chapitre introductif).
Les modulations à la hausse comme à la baisse des volumes des dépenses indiquent l’existence d’autres
mécanismes d’ajustements. En première analyse, les variations irrégulières résulteraient de nécessités
d’adaptations aux temporalités mêmes des projets urbains ou d’aménagement (Jolivet, 2012), aux rythmes
des réalisations d’équipements et à la variabilité des sources de financement (cf. infra). Des ponctuations
proviendraient encore d’arbitrages momentanés face à des priorités émergentes, des aléas propres aux
mises à l’agenda des problèmes publics (Baumgartner et al., 2011). La taille restreinte des collectivités,
comparativement à celle de l’Etat, la forte proximité entre les décideurs et les administrés/contribuables ne
protègeraient apparemment pas les budgets locaux de sur- ou de sous-réactions budgétaires.
L’irrégularité des variations, quelle qu’en soit l’origine, révèle une flexibilité de court-terme du système
financier local. Finalement, la conjonction de ponctuations annuelles et locales conduirait vers une relative
convergence, n’altérant pas le sens de la trajectoire d’ensemble.
Quoi qu’il en soit de la variabilité des évolutions annuelles, il apparaît que les dépenses des collectivités
comme celles de l’Etat, exprimées en volume, ont nettement progressé entre 1978 et 2017 (Figure 5)112.
Contrairement aux objectifs annoncés en termes de gestion des comptes publics, pour l’ensemble de la
période, la tendance n’est donc pas à la modération des dépenses des gouvernements. Seule leur progression
tend à s’atténuer. Certes, la dynamique qu’ont connue les charges locales et les dépenses étatiques n’est pas
totalement symétrique. Les premières ont en effet crû de façon plus intense que les secondes113. Le
différentiel s’amplifie d’ailleurs progressivement : les collectivités sont bien de plus en plus dépensières,
l’Etat l’étant également.
110 Depuis 2010, par exemple, au nom des politiques budgétaires décidées au niveau national, la progression des dépenses de l’État
est limitée à l’inflation. Les rythmes d’évolution des dépenses locales et étatiques sont nettement ralenties depuis 2010, soit encore
depuis que la croissance économique est également moindre.
111 La non-concordance des scrutins locaux tempère le seul effet des consultations municipales, tout autant que la montée en
puissance des politiques départementales et régionales de dépenses. Nous abordons ultérieurement ces mutations institutionnelles
du système financier local (Chapitre 4).
112 Ce qui transparaît mal ou partiellement lorsque l’évolution des charges est appréciée relativement à celle du PIB, puisque la
progression calculée intègre alors les variations différentielles de ce dernier. Selon le rythme même de la croissance nationale, les
variations relatives sont plus ou moins conformes à celles des dépenses proprement dites.
113 Les augmentations annuelles moyennes s’établissent respectivement à 2,6% et à 1,7%.
73
Figure 5 – Taux annuel d’évolution cumulé des dépenses des APUL et de l’Etat (exprimées en € constants, base 100 en
2015), en %, 1979 à 2017
Note : Déflateur calculé à partir de l’Indice des prix à la consommation - Base 2015 - Ensemble des ménages - France -
Ensemble hors tabac (Insee)
Source : à partir de Insee, Comptabilité Nationale (base 2014)
Le rythme effectif d’évolution des dépenses est difficilement perceptible lorsque l’on considère les variations
annuelles ou les variations cumulées. Toute catégorisation temporelle ou toute entreprise d’agrégation est
par construction imparfaite. L’est de ce fait tout autant l’établissement de moyennes des variations
(annuelles) des dépenses locales, soit pour les mandats municipaux qui se sont succédé, soit encore lors des
mandats présidentiels ayant scandé la période 1978 à 2017. Cette tentative permet néanmoins d’inscrire les
charges et budgets locaux dans les temps politiques dont ils sont dépendants (Tableau 4)114.
Tableau 4 – Taux annuel moyen d’évolution des dépenses et de la FBCF des APUL (exprimées en € constants, base 100
en 2015), mandats municipaux et présidentiels, en %, 1978 à 2017
mandats municipaux 1978/1982 1983/1988 1989/1994 1995/2000 2001/2007 2008/2013 2014/2017
dépenses 3,4% 3,2% 3,3% 2,4% 4,3% 1,3% -0,1%
FBCF 4,4% 3,5% 1,5% 1,6% 3,5% -0,2% -3,9%
Malgré l’hétérogénéité interne à chaque pas de temps, les 2 agrégations laissent percevoir des tendances
semblables. Les charges locales montent tendanciellement en puissance jusqu’au milieu des années 90. Elles
marquent ensuite le pas jusqu’au début des années 2000, avant de connaître leur progression la plus forte
114Les incidences des cycles électoraux ponctuant la vie locale ont été évoquées et légitiment le découpage en mandats municipaux.
La dépendance aux mandats présidentiels, ou encore au temps des gouvernements successifs, est (partiellement) explicitée dans
l’Encadré 3.
74
jusqu’aux années 2006-2007. La croissance est fortement ralentie ensuite, jusqu’au milieu des années 2010.
L’évolution est au plus bas à compter de 2012 ; la tendance d’ensemble est même à la diminution depuis
2014.
La trajectoire des dépenses publiques locales est loin d’être linéaire. L’absence de régularité révèle que le
système financier local se constitue et évolue sous le poids de plusieurs mécanismes. Les ruptures et
inflexions de la dynamique qui semblait s’être historiquement installée laissent entendre l’existence de
tensions entre mouvements contraires. En particulier, si les actes successifs de décentralisation contribuent
à expliquer des sauts quantitatifs115 et si le temps politique local s’accompagne d’effets de cycles, ces deux
registres d’interprétation ne suffisent pas à eux seuls pour expliciter les variations constatées. Ces dernières
sont plus directement palpables lorsque l’on considère précisément la structure des dépenses locales. Les
charges courantes (dites dépenses de fonctionnement) et les montants dédiés aux modifications du
patrimoine des collectivités (dites dépenses d’investissement) sont interdépendantes mais connaissent des
rythmes d’évolution contrastés.
75
76
2-Une structuration interne et des mutations conjointes
Nous avons mentionné qu’un des fondements mêmes du rôle des puissances publiques (locales) réside dans
leurs interventions en matière de production de services publics. Hormis des actions ayant principalement
une vocation redistributive, cette fourniture de services repose dans la majeure partie des cas sur la
combinaison de capital (public) immobilisé, prenant forme d’équipements collectifs ou encore
d’infrastructures (Fritsch, 2009), et de consommations de ressources utiles au fonctionnement de ces
équipements, incluant une part plus ou moins conséquente de mobilisation de moyens humains. La présence
de ces divers éléments, la conjugaison des flux monétaires qu’ils occasionnent sont à l’origine du volume des
dépenses des collectivités ; cette dernière donne forme à la structure de leurs budgets. L’évolution des
charges locales reflète à son tour celle, différentielle, de ces composants. Vue de l’intérieur, sous l’effet de
ces mutations, la structure du système financier local se modifie. Ce qui ne contreviendrait pas à sa résilience.
Figure 6 – Part relative de la FBCF réalisée par les APUL au sein de leurs dépenses, 1950 à 2017
Les changements dans les modes de financement des budgets locaux (cf. Chapitre 3), une moindre intensité
des demandes en nouveaux équipements et services, en lien avec le ralentissement du rythme de
construction… concourent ensuite à un renversement de tendance, qui s’estompe au début des années 1990
ou encore durant les années 2000. Au cours de la période récente, la régression du poids des flux générés
77
par la FBCF parmi les dépenses est marquée117. La décélération (du poids relatif) de cette composante des
comptes locaux s’effectue graduellement118. Aujourd’hui, sa part n’est plus très éloignée de celle, réduite,
qu’elle occupait dans les années 50-60. Ce qui rend compte, en contrepoint, de l’importance majeure et
croissante des charges courantes au sein des budgets, ces derniers étant alors en proie à un processus de
déformation progressive de leur structure.
Figure 7 – Dépenses totales, de fonctionnement (hors intérêts) et d’équipement des collectivités et de leurs
groupements à fiscalité propre, indice 100 en 1996
A nouveau, cette déformation n’est pas linéaire. Elle est le produit d’au moins 2 dynamiques contrastées
(Figure 7). Celle de l’équipement, dont la hausse a été particulièrement soutenue jusqu’en 2007 avant de
chuter, en plusieurs mouvements successifs. Celle des charges de fonctionnement, dont l’élévation a été
moins marquée que la précédente jusqu’en 2009, mais qui ne s’est pas ou guère démentie. Compte tenu de
la prépondérance de ces charges, celles-ci impriment finalement sa forme, ascendante, à la trajectoire
d’ensemble : leur progression, relativement continue et régulière, atténue l’évolution heurtée des dépenses
d’équipement.
Au sein du débat public, à l’occasion des échanges institutionnels comme dans les pratiques politiques, de
façon régulière, cette hausse des sommes dépensées en fonctionnement est mise en question. Et ce, d’autant
que ces charges sont moins valorisées que les montants consacrés à l’investissement ou à la génération de
FBCF (Ségas, 2017). Les dépenses directement visibles continuent à recueillir les préférences (Hertzog, 2011) ;
le mythe des effets structurants des équipements qu’elles servent à financer perdure (Offner, 1993)… En
miroir inversé, les charges courantes, moins démonstratives, sont suspectées d’inutilité119.
117 Entre 2000 et 2013, la baisse équivaut à 3 pts de % que l’on se fonde sur l’évolution de la FBCF décrite en Comptabilité nationale
(elle passe de 23% à 20% des dépenses locales) ou sur celle des dépenses d’équipement appréciée en Comptabilité publique (elle
chute de 22% à 19% des dépenses totales hors remboursements des emprunts effectuées par les collectivités).
118 La part relative de la FBCF dans les dépenses locales s’établit à 15% en 1950 puis à 25% en 1983 ; elle avoisine les 20% dans les
années 2000, est proche de 17% en 2017 (source : à partir de Insee, Comptabilité Nationale - base 2014).
119 Dans la comptabilité locale, au nom de dispositions anciennes (1884 pour les communes), les dépenses de fonctionnement
composaient la section dite ordinaire du budget des collectivités, les dépenses d’investissement étaient quant à elles dénommées
extraordinaires (Muzellec, 1988 ; Paysant, 1993 ; Brenner, 2013).
78
La forte proportion de dépenses de personnel entretient la critique (cf. infra) ; pourtant, les salaires publics,
donnant lieu à des dépenses de consommation, apportent une contribution au développement local
(Talandier, Davezies, 2009b) et alors, à la croissance. Toutefois, la présence de ces flux budgétaires, non
seulement récurrents mais évolutifs, illustrerait bien les représentations selon lesquelles les collectivités sont
« dans le culte de la dépense », dans une logique au nom de laquelle « On dépense pour investir, on dépense
pour payer le fonctionnement et on dépense car on le croit utile. ». Au gré d’illusions et d’un volontarisme
peu responsable, les élus locaux seraient tentés de dépenser « toujours plus » (Mariton, 2005, p. 238). Autant
encore conduisant à affirmer que les budgets locaux seraient littéralement en train d’exploser (Camdessus,
2004). Les charges structurelles qui les composent constitueraient en outre un facteur de rigidité120,
s’opposant à la modération qui devrait désormais prévaloir dans toute la sphère publique. Difficile de se
prononcer tant que l’utilité économique ou sociale, la contribution de ces charges au fonctionnement local
et à la concrétisation des missions dévolues aux collectivités sont si peu évaluées ou analysées…
En tout état de cause, les visions financières – et dichotomiques – ainsi entretenues de la dépense locale
passent sous silence l’inéluctable complémentarité des charges de fonctionnement et des dépenses
d’équipement réalisées par les collectivités. De façon paradoxale mais logique, la prépondérance des
premières et leur progression pourraient indirectement trouver leur origine dans ce qui constitue l’une des
spécificités du secteur local (français121), à savoir sa contribution majeure à la formation de capital public.
Incontestablement, les entités locales sont des investisseurs majeurs, notamment lorsqu’elles sont
comparées à l’Etat123. Le partage des maîtrises d’ouvrage124, à la faveur des gouvernements subnationaux,
est désormais clairement tranché. L’impact économique de la sphère publique locale, en tant que premier
donneur d’ordre à de multiples secteurs d’activités, va en conséquence très au-delà des pratiques
d'interventionnisme économique, habituellement prises en considération à ce titre (Hertzog, 2011).
Parallèlement, par l’intermédiaire de ces dépenses, les gouvernements locaux s’affirment comme étant des
composantes structurantes de l’action publique conduite localement (Dubois, 2015), de l’aménagement et
du développement des territoires (Fritsch, 2008).
En raison de l’importance de leur contribution à la formation de capital public, même si elles ne sont pas en
charge des fonctions régulatrices dévolues aux puissances publiques, directement et indirectement, les
La progression de ces dépenses d’investissement, corrélativement à l’unification des comptabilités publiques et à leur alignement
progressif sur les Plans Comptables Généraux, a conduit au changement de dénomination. La modification a été consacrée lors de la
mise en place de l’instruction M 12 (publiée par arrêté interministériel du 16 mars 1964) ainsi que par la Loi n°70-1297 du
31 décembre 1970 sur la gestion municipale et les libertés communales.
120 Le coefficient de rigidité des charges structurelles (défini comme le rapport entre les Charges de personnel augmentées de
l’annuité de la dette et des produits de fonctionnement) est un des indicateurs retenus par la DGFiP au titre des seuils d’alerte,
servant à déterminer les collectivités dans une situation financière critique (cf. Chapitre 3).
121 Les comparaisons internationales sont délicates, dépendant de l’organisation institutionnelle et politique, du rôle dévolu aux
entités locales dans chaque ensemble national. Selon les indications et études disponibles (Dexia, 2007), « Le secteur public infra-
national réalise plus des deux tiers des investissements publics en Europe » ; les collectivités françaises se situent parmi les plus
investisseuses, ce qui leur confère à ce titre une forme de particularité (BPCE, 2018).
122 Ce qui est du reste cohérent avec la fonction d’allocation qui peut leur être dévolue, préférentiellement à des missions de
redistribution. La décentralisation politique serait de la sorte en accord avec les principes économiques.
123 Ainsi qu’aux Administrations de Sécurité Sociale Asso, qui ont essentiellement une vocation en matière de redistribution. Leur
FBCF (6,8 Md€ en 2017) est modeste, comparativement à leurs dépenses (près de 600 Md€) et à celle réalisée par l’ensemble des
APU (77,5 Md€).
124 A défaut de celui des financements (cf. infra).
79
collectivités exercent une influence décisive sur l’activité des entreprises engagées dans la réalisation des
équipements. Leurs dépenses d’investissement ont en elles-mêmes des impacts positifs sur l’emploi et sur la
croissance (Beatriz, 2019). L’expansion de leur rôle dans le domaine entre néanmoins en tension avec
d’autres objectifs macroéconomiques. Leurs besoins de financement destinés à couvrir les dépenses en
question sont en effet autant de ponctions de richesses, alors distraites d’usages privés. Les accroître apparaît
comme antinomique avec une politique de relance fondée sur une accentuation de la consommation des
ménages, de l’initiative individuelle... Les investissements publics locaux sont de ce fait souhaitables (sur le
plan économique), mais il leur faut rester limités et orientés selon la conjoncture du moment. Implicitement,
se dessineraient de potentiels arbitrages entre des priorités économiques et des considérations en termes
d’utilité sociale ou territoriale des dépenses locales d’équipement. Le système financier local servirait ainsi
d’autres finalités que celles auxquelles il semblerait principalement répondre.
Figure 8 – Volume de la FBCF réalisée par les APUL, l’Etat et les APU (exprimées en € constants, base 100 en 2015), 1978
à 2017
Note : Déflateur calculé à partir de l’Indice des prix à la consommation - Base 2015 - Ensemble des ménages - France -
Ensemble hors tabac (Insee)
Source : à partir de Insee, Comptabilité Nationale (base 2014)
Les ambiguïtés quant au rôle économique des dépenses locales d’investissement placent les gouvernements
locaux dans un positionnement lui-même incertain et mouvant vis-à-vis de l’Etat et de ses représentants. En
tant que garants et instigateurs des politiques de « stabilisation » (cf. Chapitre introductif), les
gouvernements se saisissent à cette fin de divers leviers, dont celui qui consiste à orienter l’évolution de
l’investissement des collectivités, voire à « contrôler » l’importance de ce dernier. Avant même la
décentralisation, des dispositifs de pilotage, et même de rationnement, de l’offre de financements dédiés
ont été institués afin de veiller à ce que la dynamique des dépenses d’équipement des collectivités ne
contrarie pas la politique conjoncturelle impulsée au niveau national125. Les mesures étatiques apparaissent
dans ce cas comme allant à l’encontre de l’autonomie locale ; elles s’apparentent à une forme de mise « sous
tutelle ». En tout état de cause, l’efficacité de ce contrôle, ou encore par la suite celle de son atténuation, est
incertaine, compte tenu des actions désordonnées des collectivités (Fréville, Guengant, 1985).
80
Le système financier local se construit de la sorte en référence à des logiques verticales, sans en être
totalement dépendant.
Les interrelations entre les dépenses locales d’équipement et les dynamiques macroéconomiques sont
encore perceptibles lorsque les collectivités sont associées aux plans gouvernementaux dits de relance (tels
ceux initiés en 1975, 1982, 2009)126. Même si l’effet contra-cyclique des dépenses locales d’investissement
n’est pas totalement avéré, soit d’un point de vue théorique (Fritsch, 2009), soit encore sur le plan effectif
(CDC, 2014), il est néanmoins fait appel aux collectivités à ces fins. Les impacts des plans en question sont
eux-mêmes délicats à mesurer (Cour des Comptes, 2009a). Tout au plus, dans certains cas, contribueraient-
ils à gonfler artificiellement les dépenses et n’auraient pas d’impacts pérennes (Guengant, Uhaldeborde,
1988). Quoi qu’il en soit, ce sont des facteurs concourant à la non-linéarité de la dynamique des dépenses
locales d’investissement (Figure 9). La trajectoire de ces dernières est en effet particulièrement heurtée, bien
plus encore que celle des dépenses locales dans leur ensemble.
Figure 9 - Taux annuel d’évolution des dépenses et de la FBCF des APUL (exprimées en € constants, base 100 en 2015),
en %, 1979 à 2017
126 Tel le Plan de relance lancé par J. Chirac, en 1975, au cours du septennat de V. Giscard d'Estaing (1974-1981), afin de contrer les
effets de hausse des prix des produits pétroliers, et comportant 15 milliards de francs d'investissements publics supplémentaires
(Fonteneau, Gubian, 1985). Un nouveau plan de relance, avec des incidences semblables, sera mis en place en 1982, lors du mandat
de F. Mitterand. Afin encore d’inciter les collectivités à accroître leurs dépenses d’investissement, ou au moins à ne pas les réduire,
dans le cadre du Plan de relance de l’économie institué en 2009 (mandat de N. Sarkozy), il a été décidé que « les collectivités qui
accroîtraient leurs dépenses d’investissement en 2009 bénéficieraient la même année des dotations du fonds de compensation de
la TVA (FCTVA) qu’elles n’auraient dû percevoir qu’en 2010. » (Cour des Comptes, 2010).
81
Année après année et pour la période courant de 1981 à 2000, sous l’égide du Grale (Groupement de
recherche sur l'administration locale en Europe), des analystes scrutent quelle est la dynamique de
l’investissement public local. Inventoriant les facteurs concourant à sa variabilité, les auteurs soulignent à de
multiples reprises que celle-ci est d’origine multidimensionnelle. Ainsi, par exemple, les modifications dans
l’offre de financement externe (subventions et emprunts) à laquelle les collectivités ont accès pour leurs
réalisations n’ont d’incidences qu’à la lumière du contexte économique et des ajustements budgétaires
auxquels leurs représentants sont en mesure de procéder. En particulier, le rôle de la fiscalité locale dans le
financement de la demande de services publics locaux évolue. Dans un premier temps, avant la
décentralisation, la forte disponibilité et l’évolutivité de ses produits, en période économique favorable,
servent au bouclage des budgets ; ceux-ci s’adaptent aux besoins d’équipements. La période suivante
(s’ouvrant dès la fin des années 70) est moins propice : la croissance économique est plus atone et de ce fait,
les rendements fiscaux sont moindres. Les contribuables ont été déjà beaucoup sollicités, et le coût politique
d’extraction des impôts locaux s’est élevé. En conséquence, la fiscalité devient première : les volumes des
budgets et les dépenses d’investissement sont fixés en fonction des produits perçus (Gilbert et al., 2009). Les
postes budgétaires, en dépenses et en recettes, s’alignent de façon systémique et différenciée.
Il ressort en particulier que les stratégies électoralistes, la dépendance aux politiques nationales et aux
vagues d’urbanisation ne sont que quelques-uns des facteurs suscitant des fluctuations ponctuelles ou de
moyen terme des dépenses d’équipement. L’incidence de tout ou partie de ces facteurs n’est d’ailleurs pas
toujours aisée à modéliser. Ainsi en va-t-il par exemple des interrelations entre l’importance de la
construction des logements, la consommation des ménages et celui de l’apparition de besoins en termes
d’équipements collectifs. Quel décalage temporel entre l’une et l’autre ? Il n’est vraisemblablement pas le
même s’agissant des infrastructures qui ont plutôt vocation à précéder l’aménagement, des superstructures
qui ont plutôt tendance à lui succéder. On pourrait d’ailleurs formuler l’hypothèse que les phasages ne sont
actuellement plus les mêmes, dès lors qu’une bonne part des infrastructures de base sont présentes et qu’il
s’agit de refaire la ville sur la ville plutôt que de l’édifier ex nihilo.
Parallèlement à de tels changements dans la nature des besoins, les observateurs soulignent que d’autres
types de modifications se profilent : à côté de la demande qui émane alors des territoires métropolitains, des
besoins émergent dans les espaces péri-urbains, dans les zones littorales… De toute évidence, les
dynamiques parcourant les dépenses liées à la FBCF locale ne sont pas étrangères aux modalités du
développement des territoires, aux politiques d’aménagement. Il en résulte que les mutations des dépenses
locales sont à la fois structurelles et ‘spatiales’.
Nonobstant les évolutions dans la territorialisation des dépenses et en partie de leur fait, à l’orée des
années 2000, les volumes des dépenses consenties se maintiennent voire augmentent. Les auteurs postulent
que cette dynamique d’ensemble devrait se poursuivre, sous le poids de processus continus d’amélioration
de la qualité et d’augmentation de la quantité d’équipements. Ils augurent que « Les occasions d’investir ne
devraient pas faire défaut. » (Guengant, Uhaldeborde, 2000, p. 455). Une progression incessante des
dépenses est-elle cependant à tenir comme un objectif en soi ? Par ailleurs, si tant est que la somme des
dépenses locales d’équipement converge in fine vers un montant analogue aux précédents, il resterait à
mettre en lumière, de façon fine, si cet état final, qu’il soit préservé voire augmenté, ne recèle pas des
déséquilibres territoriaux allant croissant.
82
Un système financier local résilient ?
Bon nombre des traits mis en exergue dans les chroniques mentionnées peuvent être tenus comme d’utiles
soubassements pour l’analyse des dynamiques récentes et actuelles.
Tout autant que son intensité, la longueur de la période de régression des dépenses locales d’investissement
a conduit les analystes à qualifier les années 90 de véritable « crise » de l’investissement public local. Ils
s’interrogent quant à la pérennité de la reprise qui a suivi : « ne sera-t-elle qu'un feu de paille ou marque-t-
elle un retournement structurel du comportement dépensier et, corrélativement, financier des autorités
publiques locales ? » (Guengant, Uhaldeborde, 2000, p. 455). Autant d’ailleurs pour souligner, chemin
faisant, la dépendance systémique entre dépenses locales et modes de financement (cf. infra).
La dynamique haussière s’est prolongée jusqu’en 2008, avant que s’engage un nouveau mouvement de recul.
En 2017, un regain de dynamisme s’est produit, suite à la brusque décrue qu’ont traversée les dépenses de
FBCF depuis 2013. La reprise s’est poursuivie en 2018 (S&P Global Ratings, 2018 ; La Banque Postale, 2018).
L’on ne saurait s’engager dans une prospective, indiquant si l’accélération en cours sera ou non durable127.
L’examen de la dynamique au long cours de l’investissement public local conduirait en tout état de cause à
relativiser la notion de crise. Il incite au contraire à faire état de retournements périodiques, d’une plasticité
ou d’une adaptabilité dont font preuve les institutions financières locales.
Ce qui fait écho aux propositions de M. Talandier (2016, 2019) qui, après avoir discuté du contenu des notions
de transition et de résilience, propose leur transposition afin de qualifier les systèmes territoriaux et leurs
mutations128. Tout en évitant les abus auxquels la polysémie des concepts invite (Djament-Tran et al., 2011),
nous sommes tentés de définir la résilience comme la capacité d’adaptation d’un système face à des
nécessités de changements, qui l’engagent dans des processus de transformation et dans sa transition vers
un autre état. A ce titre, le système financier local pourrait lui-même être qualifié de résilient129. Au cours
des deux décennies passées, successivement, sous le poids de la conjonction de modifications de
l’environnement économique, territorial, institutionnel et politique…, nous avons évoqué combien ce
système avait dû évoluer, en volume comme en structure. Sa trajectoire en a subi des inflexions. Il fait encore
la preuve d’une certaine efficacité puisque, bon an mal an, les services publics locaux continuent à être
produits, à répondre aux demandes et à fournir tout ou partie des utilités requises.
D’ores et déjà, l’analyse des dynamiques en temps long de l’investissement public local, telle que nous l’avons
succinctement présentée, ainsi que les éléments de connaissance en résultant sont fondamentaux ; ils
127 Elle peut n’être qu’une manifestation ou une préfiguration du cycle électoral.
128 Selon l’auteure, la transition relève de la nécessité d’un changement radical du régime dominant pour un système donné ; elle
apparaît dans un contexte de crise, naît d’une situation paroxystique qui oblige à changer fondamentalement de régime ; le
changement serait alors intentionnel. La résilience désigne plutôt un rebond voire un saut, principalement suite à un choc ; c’est
également une mesure de la capacité des systèmes à se maintenir, voire à amorcer une autre trajectoire.
129 La seule occurrence recensée du terme de résilience en matière de finances et de collectivités figure, accompagnée de peu de
précisions quant à son contenu, dans un article de P. Parent (2017). Le terme est également utilisé dans l’un des rapports annuels de
la Cour des Comptes (2018). Il est utilisé à de nombreuses reprises en 2020, en lien avec la crise sanitaire et économique.
130 Cf. Volume 1.
83
contribuent à consolider la problématique de ces travaux en cours. Ceux-ci visent en particulier à analyser la
baisse que les dépenses d’investissement des collectivités ont enregistrée depuis 2013, son récent
changement de dynamique (Figures 7 et 9). En particulier, la régression constatée est-elle imputable à
l’accentuation des contraintes financières pesant sur les budgets locaux, accentuation qui s’est notamment
matérialisée par une baisse sensible de la principale dotation (la Dotation Globale de Fonctionnement DGF)
versée par l’Etat aux collectivités (cf. Encadré 3) ? Cette pression externe sur les ressources des collectivités
relèverait des politiques engagées par l’Etat, placées sous le sceau de l’austérité.
Avant tout usage, il importe de préciser quelle est l’acception donnée à la notion d’austérité, celle-ci étant à
la fois fortement connotée et polysémique131. Comment distinguer ce qui relève d’un côté de la raréfaction
des fonds disponibles pour les actions publiques, de l’autre des coupes imparties par la rationalisation dans
l’usage même des fonds publics ? La première conception relèverait alors plutôt de l’austérité proprement
dite, la seconde renvoyant quant à elle plutôt à une rigueur gestionnaire (Gourgues, Houser, 2017 ; Houser,
2017). Nos recherches à venir nous amèneront à préciser le sens à attribuer à l’une ou l’autre des deux
notions en question, à envisager leur articulation. A ce stade, nous considérons principalement l’austérité au
travers de ses manifestations, c’est-à-dire comme un ensemble de tentatives et de politiques destinées à
contenir les dépenses publiques, notamment locales. La réduction des financements étatiques aux
collectivités entre alors bien dans ce mouvement (cf. Encadré 3). Elle n’en serait cependant qu’une
manifestation récente ; elle succèderait en effet à des régimes semblables ayant précocement affecté les
budgets locaux et conduit à l’émergence d’une crise de la gestion financière locale132 (Hoffmann-Martinot,
Nevers, 1985 ; Hoffmann-Martinot, 1988). Au début des années 80, selon ces auteurs, les impératifs
d’austérité seraient entrés en tension avec la mécanique de la décentralisation, et auraient influé sur les
enjeux de gestion locale (Mabileau, 1997). Il nous importera alors de repérer les enjeux, objectifs et
manifestations actuelles des politiques prévalant sur le plan des finances publiques, ainsi que leurs incidences
pour les budgets locaux, avant d’user sans réserve de la notion d’austérité.
Hors même ces précisions, un raisonnement rapide133 consisterait à tenir les politiques étatiques, relevant
de l’austérité et perceptibles au travers de la diminution de la DGF, comme engendrant mécaniquement la
chute des dépenses locales d’investissement. La concomitance entre les deux mouvements invite à établir
un tel rapport de causalité. La mise au jour de la multiplicité des facteurs influant sur l’effort passé
d’équipement des collectivités, tout comme la complexité du système financier local, engagent toutefois à
se départir d’un tel mode de raisonnement.
L’équivalence des volumes en jeu pourrait être trompeuse : entre 2013 et 2016, la DGF a diminué de
8,08 Md€, les dépenses locales d’équipement de 8,52 Md€134. La présomption d’un lien univoque et
déterministe vole cependant en éclats lorsque les données sont considérées plus attentivement. Pendant le
même laps de temps, au sein du bloc local135, les dépenses d’équipement ont en effet chuté de 7,83 Md€, la
DGF de 4,28 Md€. La situation des communes et de leurs intercommunalités laisse entendre l’existence d’un
mécanisme d’ajustement allant au-delà d’un strict alignement budgétaire. Tout se passe comme si les
131 Un travail d’explicitation théorique a été initié par M. Bigorgne (doctorante Latts), dans le cadre du séminaire de lancement de
l’ANR InveST (avril 2019) ; il a été poursuivi par L. Halbert (responsable des projets PL et InveST) et présenté aux membres des deux
projets (octobre 2019).
132 Soit encore de fiscal crisis ou de fiscal stress, qui ont affecté les gouvernements subnationaux des pays anglo-saxons bien plus
84
représentants de ces collectivités avaient sur-réagi à la contrainte externe, voire comme s’ils avaient eux-
mêmes été les acteurs d’une forme d’austérité.
De multiples questionnements émergent en conséquence. Les décideurs locaux ont-ils anticipé les effets des
baisses des dotations étatiques, cherché à prémunir leur collectivité contre les incertitudes ? Par un jeu de
vases communicants, ont-ils déplacé le lieu d’exercice de la contrainte, le reportant sur les charges et budgets
courants ? Le renforcement de la pression externe a-t-il servi de nouveau point d’appui et de légitimation
pour le développement par les élus et leurs techniciens de stratégies de réductions ciblées des charges
locales (Ségas, 2017) ? La figure des autorités politiques locales « austéritaires » fait-elle suite à celle des élus
entrepreneurs, puis chefs d’entreprise (Demeestère, 1984 ; Thoenig, 1998), voire encore gestionnaires
(Carles, 2013) ?
Il ressort par ailleurs que le cas des institutions régionales fait contrepoint à celui des collectivités du bloc
local. La dotation des régions a été réduite de 0,87 Md€ et leurs dépenses d’équipement ont augmenté de
0,39 Md€. Ces variations contraires indiquent l’existence de l’usage de leviers spécifiques pour des
ajustements internes aux budgets, opérés en tablant sur des effets de substitution et de complémentarité
entre postes de recettes (Passavant-Guion, 2017, 2018).
Les projets de recherche en cours serviront à préciser les hypothèses envisageables, face à des évolutions
tantôt symétriques, tantôt inversées des dynamiques locales dans un contexte de raréfaction des ressources.
Nos investigations quantitatives nous conduiront à mettre en lumière quelles sont les déformations à l’œuvre
dans les budgets locaux, quels sont les postes principalement affectés lorsqu’intervient un choc exogène ainsi
qu’à qualifier les interdépendances financières en jeu136. A l’issue, nous serons mieux à même de qualifier la
résilience du système local, telle que nous l’avons formalisée. Les explorations qualitatives auxquelles nous
participerons serviront à confirmer ou à infirmer les résultats chiffrés137. Les investigations en question sont
indispensables afin de repérer quels sont les ressorts organisationnels, politiques… au fondement de
l’évolution des dépenses locales d’investissement ainsi que les résistances freinant l’adaptabilité des
institutions financières face à un faisceau – inédit et renforcé – de contraintes. Elles nous permettront en
outre de saisir quelles sont les représentations associées à l’austérité, qu’elle soit agie en interne ou qu’elle
provienne de l’extérieur.
136 A partir de données budgétaires détaillées issues des comptes de chacune des collectivités, pour la période 2010-2018.
137 Dans le protocole IPL, une campagne d’une cinquantaine d’entretiens a été menée par les membres de l’équipe auprès des élus,
personnels des services financiers et techniques d’un établissement public territorial (en Seine St Denis) et de 3 de ses communes-
membres, choisies en raison de leurs différences socio-économiques, urbaines et financières ainsi que de représentants des bailleurs
sociaux, aménageurs… intervenant au sein de ce territoire. Le matériau recueilli est en cours d’analyse.
La démarche de InveST sera analogue. Elle sera à la fois de plus grande ampleur (6 territoires intercommunaux) et plus diversifiée.
Outre les incidences du resserrement des contraintes financières sur les politiques locales en matière d’aménagement, de logement
social, de gestion du patrimoine foncier et immobilier des collectivités, explorées dans IPL, la recherche InveST est étendue aux
politiques locales de mobilité (douce), à celles déployées en matière d’eau et d’assainissement.
138 Il n’existe pas de données comptables, budgétaires ou financières permettant de différencier, au sein de la FBCF locale, ce qui
relève d’investissements neufs, de grosses réparations… Les auteurs procèdent à des estimations et retiennent que « La
consommation de capital fixe représente 37% des dépenses brutes d'investissement des collectivités locales en 1982 contre 20% de
1971 à 1973. » (Guengant et al, 1984). Ils estiment encore que « Si au début des années 70, période d'accumulation d'équipements
nouveaux, les dépenses de renouvellement ne représentaient que 20% de la totalité des investissements, désormais cette part est
supérieure à 60%, atteignant même 75% au plus fort de la période de repli de l'effort d'investissement en 1997. » (Guengant,
85
stock de capital existant pèse, conjointement à la dynamique de flux (Guengant et al., 1984). Les besoins de
réparations, de renouvellement… ne sont d’ailleurs pas semblables selon qu’il s’agit d’infrastructures ou
d’équipements dits de superstructures. Les premières ont généralement des durées de vie plus longues que
les secondes. Comme celles-ci tendent à devenir plus présentes dans le patrimoine local, les besoins de
remplacement ont toute probabilité de s’intensifier. L’investissement d’hier pèse sur celui d’aujourd’hui, en
volume comme en structure. Des mécanismes d’induction et des liens de récurrence se tissent, au sein même
des budgets d’équipement des collectivités. L’inertie et la rigidité des charges ne tiendraient alors pas
uniquement à celles qui sont qualifiées de courantes. Ceci est d’autant plus patent que les dépenses relevant
du maintien du patrimoine (public local) sont obligatoires, selon les termes du CGCT139.
Ce qui crée autant de contraintes et de mutations structurelles au sein du système financier local, dès lors
que les collectivités entendent maintenir le patrimoine dont elles sont détentrices, sous l’effet d’une
sédimentation progressive. Au risque sinon de voir s’accumuler une « dette grise » (Rebeyrote, Pires Beaune,
2019)140, ainsi que des dégradations dans la qualité des services… Ce qui est d’ailleurs probablement le cas
puisque, de longue date, selon les diverses estimations disponibles (IGA, CGEFi, IGF, 2016 ; La Banque Postale,
2015, 2016), les dépenses annuelles d’équipement sont moindres que la consommation dite de capital fixe,
soit encore que les besoins pour le maintien en l’état du patrimoine existant. Aujourd’hui, le différé des gros
entretiens et des travaux de réhabilitation est parfois vu localement comme une voie de rationalisation des
dépenses du moment et de contrôle de leur évolution (Carassus et al., 2017). Les modifications dans les
dépenses d’investissement, les mutations intervenant au sein de l’investissement public local, du sous-
système qu’il forme, ne sont alors pas uniquement techniques. Compte tenu des possibilités d’arbitrages
entre travaux neufs, maintien et renouvellement de l’existant, opérés sous contraintes de ressources, les
transformations sont également politiques et économiques. Le (sous-)système peut de la sorte s’émanciper
d’une totale dépendance au passé. Au risque toutefois de se voir rejoint par ce passé par la suite, avec autant
de surcoûts…
Il convient encore de mentionner que la question de la préservation du stock de capital public existant n’est
pas seulement financière ou budgétaire ; elle est également organisationnelle. La maintenance du
patrimoine est tributaire de l’intérêt que portent les collectivités à la connaissance des éléments mêmes qui
le constituent, ainsi que de leurs capacités à mobiliser une ingénierie en conséquence. Les pratiques héritées,
les conventions comptables141 sont peu incitatrices en la matière (Malvy, Lambert, 2014). Dans les faits, les
inventaires locaux sont plus ou moins aboutis, tout autant que les modalités effectives de gestion
patrimoniale (Cour des Comptes, 2013 ; IGA, CGEFi, IGF, 2016). Les cultures politiques et professionnelles,
les modes d’organisation hérités du passé contribuent à l’inertie des institutions financières et finalement, à
celle du système, voire à son entropie142. Un renversement de perspective peut difficilement s’opérer à court
terme.
Uhaldeborde, 2000, p. 454). Il est encore évalué que le besoin théorique de réhabilitation du patrimoine dont ont charge les
collectivités représenterait en moyenne (entre 2010 et 2014) près de 40 Md€ par an, soit environ 80% des dépenses d’investissement
des administrations publiques locales sur la période. Au cours de cette même période, entre 40% et 50% des dépenses
d’investissement des collectivités seraient consacrées à des projets d’équipement neufs. (IGA, CGEFi, IGF, 2016).
139 Les dépenses d’entretien et de conservation d’une grande part de leur patrimoine (locaux publics, voies, réseaux…) sont
constitue la ‘dette grise’, concept utilisé en matière de suivi financier des infrastructures (voirie, ouvrages d’art, réseaux) et qui
recouvre l’idée que le défaut d’entretien d’aujourd’hui va rendre indispensable un surinvestissement demain. » En raison de leur
invisibilité, la dette ou les coûts à venir sont qualifiés de gris. (IRDIM, 2014, Entretenir et préserver le patrimoine d’infrastructures de
transport : une exigence pour la France, Livre blanc, 28 p.)
141 Les règles d’amortissement sont à la fois variables selon la nature des biens et des collectivités ; elles sont en outre diversement
pratiquées. Le champ de l’amortissement obligatoire est en tout état de cause très limité.
142 Terme consacré pour caractériser l'état de « désordre » d'un système.
86
Resterait également à évaluer quelles sont les potentialités offertes par cette gestion, lorsqu’elle est rendue
active, ce qu’elle recèle comme enjeux et potentialités du point de vue des transformations de l’action
publique et de la production urbaine (Adisson, Artioli, 2019). Les travaux (qualitatifs) engagés dans le cadre
des projets IPL et InveST seront à nouveau porteurs de connaissances sur ces points problématiques. Il est
en effet fait l’hypothèse que l’intensification de la contrainte budgétaire est susceptible d’induire des
modifications dans les priorités sectorielles locales, en faveur ou au détriment notamment de la gestion par
les collectivités de leur patrimoine foncier et immobilier.
De façon générale, recenser et gérer tout comme entretenir le stock de patrimoine public existant requiert
une ingénierie et des moyens dédiés. De telles ressources sont également indispensables pour le
fonctionnement courant des équipements, afin de rendre possible leur utilisation. Si la dynamique des
charges courantes est de fait induite par celle de l’investissement, ce mécanisme d’induction n’est pas le seul
facteur d’évolution des budgets locaux de fonctionnement.
87
88
2-2-Les charges courantes, une dynamique à la fois induite et autonome
Un patrimoine public local induisant des charges courantes
Par l’intermédiaire de mécanismes de dépendance et de liens de récurrence143 entre la formation du capital
fixe et les compléments requis en vue de parvenir à la fourniture des services, des relations se tissent entre
les différentes composantes du budget, entre les sections qui le composent. Elles influent sur leurs équilibres
respectifs.
Au nom de conventions et de pratiques comptables quasiment immuables144, les dépenses liées à la création
des équipements et celles relevant de leurs usages sont consignées, pour les premières, dans la section
d’investissement des comptes/budgets locaux, pour les secondes dans la section dite de fonctionnement. La
pertinence de cette dichotomie puis sa permanence méritent d’être interrogées (Muzellec, 1988). La
séparation fait sens en ce qu’elle facilite l’instauration d’une indispensable comptabilité patrimoniale. Sa
formalisation relève d’une (lente) pénétration des référentiels et outils gestionnaires (inspirés du New Public
Management) dans la sphère publique locale (Pupion, Chappoz, 2015 ; Allé, Navarre, 2015). Pourtant, elle
instaure une catégorisation et une rigidité teintées d’arbitraire145. La séparation des flux monétaires s’oppose
à une vision intégrée de l’action publique locale146. Elle est encore susceptible de favoriser des choix
stratégiques147. En outre, dans la mesure où le dispositif d’enregistrement des dépenses comporte des zones
de flou, il n’est pas exclu que les collectivités en aient des pratiques diversifiées.
D’un point de vue théorique, A. Guengant (1993, 1999) et ses co-auteurs (Guengant et al., 2008a, 2008b)
considèrent les charges courantes ou d’exploitation comme représentant un endettement technique. Ce sont
en effet autant d’engagements, liés à la présence effective du capital fixe que représentent les équipements
collectifs, pesant sur les budgets à venir et ayant un caractère quasiment inéluctable. Le respect de ces
engagements conditionne la production d’utilités, évite les gaspillages inhérents à l’immobilisation
improductive d’un capital. Ces auteurs indiquent encore que, dans le cas général, il nous est collectivement
difficile de renoncer aux acquis et à l’offre habituellement proposée de services publics locaux. En quelque
sorte, les charges récurrentes seraient incompressibles et freineraient l’adaptabilité des budgets locaux.
La progression de ces charges, parallèlement à celle des montants dépensés pour répondre aux besoins de
renouvellement (cf. supra), elles aussi difficilement compressibles, génère un véritable risque patrimonial
pour les collectivités. L’ampleur de ce risque en vient à primer, comparativement à celui, financier, que font
courir aux entités locales les emprunts qu’elles ont contractés. Une autre formulation consiste à retenir que
les solutions infrastructurelles, les choix équipementiers effectués à un moment donné limitent les marges
de manœuvre budgétaires à venir : ils créent, en interne, des contraintes148. Ils font encore peser la menace
d’une austérité pour demain, face à des ressources rares ou allant en se raréfiant ; chaque organisation locale
aurait, d’elle-même, en interne suscité ce faisceau de sujétions. D’un point de vue global, en raison de ces
143 A. Guengant (1993) distingue à ce titre une récurrence dite « variable », liée aux dépenses de consommation courante et de
charges de personnel, une récurrence dite « fixe », imputable à la consommation de capital fixe. Il convient également de prendre
en compte une récurrence dite financière, correspondant à l’amortissement des emprunts éventuels contractés pour le financement
de la constitution du capital fixe.
144 Elles sont demeurées pratiquement inchangées depuis 1838 ! (Brenner, 2013) Nous évoquerons leurs évolutions récentes, en lien
avec une internationalisation des normes comptables et des pratiques de gestion (cf. Chapitre 3).
145 Des dépenses courantes d’entretien peuvent en effet avoir des incidences sur la durée de vie du patrimoine, son amortissement
et le besoin de son renouvellement, soit encore sur ce qui relève de la section d’investissement.
146 Un équipement peut être réalisé s’il ne dégrade pas l’équilibre de la section d’investissement, même s’il est générateur de forts
déficits de fonctionnement.
147 De façon à garantir, de façon plus ou moins formelle, les équilibres budgétaires pour chacune des sections et pour leur ensemble.
148 Et ce, selon toutes hypothèses, y compris lorsqu’au nom d’enjeux de développement durable et de réductions des consommations
de ressources, des solutions initialement lourdes en investissement, lors de la phase de réalisation, sont effectuées en vue de limiter
les charges courantes de fonctionnement (de fluides, d’énergie….). Le jeu des contraintes est inversé et les équipements devront en
tout état de cause être maintenus en état et remplacés.
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mécanismes et de leur dynamique conjointe, la structuration du système financier local contient en germe
des incertitudes quant au devenir du système lui-même.
Quoi qu’il en soit, l’existence des incidences des budgets d’investissement sur les charges courantes et sur
leur croissance incrémentale a été mise en évidence très précocement, pratiquement dès la montée en
charge de l’effort d’équipement consenti par les collectivités (Mantz, Ungemuth, 1981). Dans le débat public
comme dans les rapports officiels ou institutionnels s’attachant à souligner la progression des dépenses
locales de fonctionnement et des budgets courants, le lien de dépendance entre cette hausse et la
dynamique antérieure d’équipement est évoqué, sans toutefois que son intensité soit évaluée. Il en résulte
un grand écart entre, d’une part, la chronique régulière que l’augmentation des dépenses de fonctionnement
des collectivités contribue à entretenir, les mesures précises de pilotage dont ces charges font l’objet
(cf. Encadré 3) et d’autre part, le déficit de connaissances qui entoure la nature des pressions en question, le
dosage des ingrédients qui composent les dépenses en jeu. Ne pourrait-on alors faire état, à propos de ces
charges, d’une construction discursive, politique et instrumentale puisque, in fine, elle sert des objectifs
d’action publique ?
Si l’existence des mécanismes d’induction et des risques évoqués ne fait guère de doute, la mise en évidence
de la forme exacte de ces liens et de leur intensité ne va pas de soi. Au-delà même de la séparation des
budgets en sections, la comptabilité locale, précisément au nom du principe d’universalité qui régit l’usage
des deniers publics149 et la catégorisation des postes budgétaires selon leur nature (cf. Chapitre introductif)
ne permettent pas de « chaîner » ce qui relève de la création d’un équipement collectif et des charges que
son utilisation induit pour le budget local. La faible connaissance des moyens dédiés à son fonctionnement
et l’intérêt modéré accordé à leur évaluation précise sont corrélatives de celle, elle-même encore
embryonnaire, du patrimoine public local.
Seules sont disponibles des estimations de ces charges patrimoniales ; elles sont produites sur la base
d’études économétriques ou expertes. Pour une dépense d’investissement de 100, il en résulterait un
surcoût annuel s’échelonnant entre 11 (Gilbert, Guengant, cités in Malvy, Lambert, 2014) et 16 (Guengant et
al., 2008b ; Guengant, 2009) ; ce surcoût serait composé à environ de 55% de charges de personnel150. Par
ailleurs, il est encore évalué que, en 2014, les dépenses de fonctionnement associées au patrimoine de
l’ensemble des collectivités territoriales représentaient environ 7% de leurs charges de fonctionnement151,
14% en incluant les charges de personnel affectés à la gestion du patrimoine (IGA, CGEFi, IGF, 2016). Ces
charges patrimoniales progresseraient moins rapidement que les dépenses courantes des collectivités.
Les experts ne manquent pas de souligner que les évaluations ont un caractère relatif. Elles agrègent en effet
des réalités fortement contrastées. Les patrimoines publics locaux sont plus ou moins « capitalistiques », plus
ou moins fréquentés...
En outre, les mécanismes de récurrence résultent de facteurs à la fois techniques et politiques (Guengant,
2013). A la manière de ce qui vaut en matière de remplacement des éléments de patrimoine amorti, il peut
en effet être choisi localement d’être plus ou moins économe en consommations intermédiaires, en présence
de moyens humains…, pour un ou plusieurs équipements donnés. Les combinaisons productives diffèrent
149 En son nom, l’ensemble des recettes doit couvrir l’ensemble des dépenses ou bien encore, dans le cas le plus général, les premières
de 6 et un surcoût annuel de 5,2 de ses dépenses de fonctionnement hors personnel pour la maintenance de l’équipement (Gilbert,
Guengant, cités in Malvy, Lambert, 2014). A. Guengant (2009, p. 834) indique que « un euro d’investissement net supplémentaire
(hors investissement de maintenance et de renouvellement) génère chaque année une dépense additionnelle de fonctionnement de
16 centimes, dont 9 en salaires et 7 en consommations intermédiaires. »
151 Hors dotations aux amortissements.
90
selon les lieux, sont susceptibles d’évoluer dans le temps. Il en résulte que « La dynamique de la dette
technique constitue, à la fois, une variable d'état et en partie une variable de commande du système financier
local » (Guengant, 1995, p. 130).
Les collectivités rationalisent, optimisent… diversement leurs charges de fonctionnement (Carassus et al.,
2017). Face à une contrainte de réduction des ressources, les objectifs de contrôle, de management et de
planification se déploient différemment (Hoffman Martinot, 1988). Les décideurs locaux sont plus ou moins
en recherche d’efficience (Guenoun et al., 2015), plus ou moins prompts à se saisir du levier d’ajustement
budgétaire que constituent les charges de fonctionnement152. Ce qui conduit à renforcer l’hypothèse que,
face à une austérité s’imposant du fait de la raréfaction des ressources externes, une austérité agie de
l’intérieur est en mesure de se manifester, et de s’exercer de façon différenciée. Quelle efficacité peut-il en
résulter ? Quelles incidences en découlent du point de vue de la trajectoire d’ensemble du système financier
local ?
Les dépenses de personnel des collectivités locales et leur gestion sont emblématiques de l’intrication de
sujétions valant pour toutes les collectivités et de possibilités de décision ménageant un espace de choix
discrétionnaires pour leurs représentants (Maurel, 2006). Le statut de la fonction publique territoriale
organise un statut pour les employés des collectivités, garantissant une uniformité (de droits et de devoirs
pour les parties prenantes) quel que soit le lieu d’emploi et l’employeur. En lien, les rémunérations des agents
et leur progression, le régime salarial des fonctionnaires locaux sont tributaires de décisions prises au niveau
national (Navarre, 2017a). Un ensemble de contraintes limitent en conséquence les pouvoirs des employeurs
locaux. Ces derniers disposent néanmoins de latitudes : en respectant les dispositions inhérentes aux statuts
de leurs personnels et en se conformant au cadre légal, les représentants des collectivités sont décisionnaires
sur le plan des recrutements, des effectifs… La maîtrise des charges salariales locales est de ce fait à la fois
contrainte et l’objet de choix exercés localement.
Les charges liées aux rémunérations des personnels de la fonction publique territoriale ont progressivement
augmenté, parallèlement à la montée en puissance des collectivités. Au point de représenter une part
conséquente des budgets locaux. En 2017, elles s’élèvent à près de 62 Md€, soit à environ 36% des dépenses
152Reprenant les catégorisations établies par Overmans et Noordegraaf (2014, « Managing Austerity: Rhetorical and Real Response
to Fiscal Stress in Local Government », Public Money and Management, mars, 99106), les auteurs mentionnent plusieurs voies,
politiques et gestionnaires, d’ajustement des budgets et des dépenses locales : il peut s’agir de démarches de contraction des
activités (decline), d’élagage des prestations (cutbacks), de réajustement des recettes et des dépenses (retrenchment) ou de
restructuration des processus opérationnels en vue d’une meilleure efficience (downsizing).
91
(réelles) de fonctionnement des collectivités et de leurs groupements. Elles tendent encore à progresser plus
rapidement que l’ensemble des charges courantes153. Les représentants locaux seraient peu économes de
leurs moyens : les effectifs progressent continument. Les politiques locales de recrutement, et les charges
qui en découlent, évolueraient de la sorte en lien avec des ressorts décisionnels possédant une indépendance
certaine au regard des seules politiques locales d’équipement.
Aussi, en raison de leur importance, de leur évolution et des avis controversés auxquels elles donnent lieu,
les charges de personnel local forment un enjeu, tant pour les représentants de l’Etat, soucieux de de la
maîtrise des dépenses et des comptes publics, que pour ceux des collectivités, aux prises avec leurs missions
de services publics et avec les contraintes d’équilibre de leurs budgets (Navarre, 2014d)154. Le double
positionnement de ces charges, à la conjonction de logiques verticales et horizontales, contribue au
traitement de l’emploi public (local) comme un problème budgétaire. Les dépenses en la matière sont tenues
comme une variable d’ajustement des comptes, sous-tendant des objectifs de gestion – managériale – de
l’action publique, de ses tentatives de pilotage par la performance (Le Saout, 2017a). Localement,
l’optimisation des charges salariales et les coupes dans les effectifs sont diversement pratiquées selon les
lieux, ainsi que l’indiquent les premières enquêtes qualitatives conduites dans le cadre du projet IPL. Si les
réductions du nombre d’emplois sont un levier fréquemment manié, l’usage de ce dernier tend à trouver ses
propres limites. Atteindre les objectifs politiques affichés en matière d’action publique locale suppose de
disposer d’effectifs minimaux ; procéder aux rationalisations engagées nécessite encore d’étoffer voire de
maintenir stables les volumes de personnels employés dans les fonctions-supports…
Le repérage des enjeux, locaux comme nationaux, relatifs aux rémunérations des employés de la fonction
publique territoriale indique que le pilotage de ces charges participe d’une construction politique, qu’elle est
enserrée dans des logiques qui dépassent les finalités mêmes de l’action publique locale. La pression induite
par la nécessité des ajustements budgétaires influe de la sorte sur le volume des dépenses de personnel et
sur leur progression. Les composantes du système financier local sont tributaires des impulsions qui leur sont
données de l’intérieur ou de l’extérieur, au nom de principes gestionnaires ou de pressions politiques, sans
qu’apparemment les questions d’utilité soient toujours premières. Des investigations précises mériteraient
d’être conduites afin d’infirmer ou de confirmer ce qui relève à ce stade de simples constats.
Il ressort finalement que le système financier local est parcouru par des relations intriquées entre les flux
consacrés aux investissements, les charges patrimoniales et les autres dépenses courantes, celles-ci
possédant toutefois des ressorts singuliers de détermination et d’évolution. Ce qui révèle bien l’état
complexe de ce système, la multiplicité des facteurs concourant à ses transformations, les unes contraignant
ses adaptations, les autres contribuant à sa résilience voire à sa soutenabilité.
153 Entre 1996 et 2015, les dépenses locales de personnel ont été multipliées par 2,37, contre une multiplication par 2,15 pour les
dépenses (réelles) de fonctionnement (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2018). La progression de ces
dépenses, principalement sous l’effet d’une hausse des effectifs de la fonction publique territoriale, expliquerait 68% de l’évolution
constatée pour les dépenses de fonctionnement des APUL au cours de la période 2003-2017 (Jaune budgétaire, 2019).
L’augmentation des effectifs trouverait ses fondements ailleurs que dans le processus de décentralisation tel qu’il s’est opéré (Cour
des Comptes, 2009a).
154 Nous dédions d’ailleurs une analyse spécifique à ces charges et aux choix territoriaux dont elles font l’objet (cf. Chapitre 4).
92
Encadré 3 – Les concours financiers de l’Etat, des changements de conventions et/ou de paradigmes
La question des versements financiers de l’Etat en direction des collectivités est fortement documentée dans les
publications institutionnelles, dans les documents officiels comme dans les articles scientifiques. Les changements dans
les conventions de partage des ressources publiques entre niveaux de gouvernement, tels ceux intervenus ces dernières
années, stimulent les productions tant d’avis, de prises de positions que d’analyses. Nous ne saurions en établir
succinctement la synthèse.
En revanche, apparait la nécessité de préciser brièvement, d’un point de vue factuel, quelles ont été les inflexions
majeures apportées au régime des concours financiers de l’Etat en direction des collectivités lors de la période récente.
Ne serait-ce qu’en raison de leur ampleur, ces transferts et leur dynamique constituent en effet, en tant que ressources
externes, l’un des ressorts majeurs du système financier local et de ses transformations. Aussi, nous procédons à un
balayage, rétrospectif et synthétique, des évolutions ayant marqué la trajectoire des concours versés par l’Etat aux
collectivités, telles qu’elles se sont manifestées depuis les années 90155.
Nous plaçons la focale sur la Dotation Globale de Fonctionnement DGF. Cette dotation est en effet le principal
constituant de l’enveloppe des concours financiers aux budgets locaux. Comme en témoigne la littérature dédiée, elle
se révèle par ailleurs le poste le plus sujet à évolutions, voire à enjeux. D’un point de vue quantitatif, en 2018, la DGF
s’élève à 27 Md€, les concours financiers à près de 42 Md€ et l’’ensemble des transferts étatiques (comprenant des
subventions spécifiques, des compensations fiscales et de la fiscalité transférée) atteignent près de 105 Md€ (OFGL,
2018). La DGF a été créée en 1979 (Loi n° 79-15 du 3 janvier 1979), en substitution du Versement Représentatif de la
Taxe sur les Salaires (VRTS). Elle est versée annuellement à toutes les collectivités (Figure 9). Depuis son origine, elle a
fait l’objet de multiples réorganisations (Pirès-Beaune, Germain, 2015)156, complexifiant son régime et engageant vers
des propositions de réforme (différée). Ses finalités sont malgré tout demeurées inchangées : outre sa fonction
(partielle) de compensation fiscale, la dotation poursuit des objectifs d’allocation et de péréquation.157
De façon générale, les principales étapes évoquées (Figure 10) et ayant présidé aux évolutions du montant de la dotation
au sein des concours financiers étatiques font écho aux préoccupations croissantes des gouvernements successifs au
sujet de l’évolution des dépenses publiques. Cette attention particulière tient au respect des engagements européens
s’imposant à l’Etat français. En leur nom et en respect des critères dits de convergence (ou encore de Maastricht,
consacrés dans le Pacte de Stabilité et de Croissance PSC signé par la France en 1997), le déficit public doit être inférieur
à 3% du PIB, la dette publique en-deçà de 60% du PIB. En tant qu’entités composant la sphère publique, les collectivités
sont des concurrents de l’Etat (et des Administrations de Sécurité Sociale) dans l’accès aux ressources, communes et
rares, que deviennent la dette et le déficit publics (Gilbert et al., 2009). Le rationnement des concours est un levier à
disposition de l’Etat pour restreindre ses dépenses et partant, son endettement et son déficit ainsi que pour atteindre
les objectifs qu’il se fixe au regard de son propre budget. La DGF est dès lors un enjeu de la gouvernance des finances
publiques.
En 1989, représentants de l’Etat et parlementaires estiment que la progression de la DGF, jusque-là indexée sur le
produit de la TVA, est trop rapide. La Loi de Finances de l’année puis celles de 1990, 1991 et 1992 instituent une
évolution de la dotation calée sur l’inflation augmentée d’une part du taux de croissance du Produit Intérieur Brut PIB
(en volume). Face à la nécessité des différents niveaux de gouvernement de disposer d’une certaine visibilité quant à
l’évolution de leurs budgets respectifs, les règles de progression des concours financiers étatiques tendent par la suite
à être inscrites dans des conventions pluriannuelles158, s’entendant comme une forme de contractualisation liant l’Etat
et les collectivités.
155 Tout en étant conscient que notre perspective est partielle puisque la lecture effectuée n’intègre pas la description des modalités
de partage des volumes d’ensemble entre collectivités quand ces conventions sont décisives pour ces collectivités et majeures d’un
point de vue territorial. Un tel panorama, assorti de considérations analytiques, engagerait un véritable chantier de recherche.
156 Les réorganisations majeures ayant affecté les volumes résident dans l’incorporation, en 2004, de compensations fiscales au sein
de la Dotation et dans la suppression, en 2018, de la part de DGF allouée aux régions. Les institutions régionales sont désormais
attributaires d’une fraction de la TVA (soit 4,12 Md€ en 2018). La Loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a par
ailleurs modifié les articles (L.2334-7 à L.2334-12) du Code Général des Collectivités Territoriales traitant de la DGF et notamment,
réformé (en les « forfaitarisant ») les modalités de calcul de la dotation forfaitaire (notamment des communes) pour 2015 (puis les
années suivantes).
157 En 2020, la part péréquation de la DGF représente environ 29% de son montant total, soit à peu près 8 Md€ (source : Fipeco).
158 La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 introduira par la suite la programmation pluriannuelle des finances publiques.
93
Pour la période s’étendant de 1996 à 1998, un Pacte de stabilité financière est initié. Il est destiné à contenir la
progression de la dépense que représente la dotation pour l’Etat, en garantissant simultanément les ressources requises
par et pour les collectivités. Les dotations et versements sont répartis entre différentes « enveloppes » qui font l’objet
d’évolutions différentielles. La DGF figure dans une « enveloppe normée », progressant en fonction de l’indice des prix
(hors tabac). Les autres « dotations sous enveloppe » évoluent à leur propre rythme et selon leur nature. De façon à
respecter l’objectif de progression du montant total des transferts et en vue de rendre celle-ci compatible avec la norme
d’évolution des dépenses de l’Etat, un certain nombre de versements augmentent moins rapidement que l’ensemble,
voire diminuent : ils servent de variables d’ajustement. Il en résulte, indirectement, des mécanismes de redistribution
entre collectivités, selon qu’elles sont plus ou moins bénéficiaires des différents concours.
Pour la période s’étendant de 1999 à 2001, un Contrat de croissance et de solidarité est mis en place. En particulier,
« l’enveloppe normée » évolue plus favorablement que précédemment : son montant est indexé sur l’inflation majorée
d’une part de la croissance du PIB (en volume). Ce mécanisme d’évolution perdure jusqu’en 2007.
Face aux difficultés économiques et budgétaires, la Loi de Finances de 2008, initiant un Contrat de stabilité, restreint la
progression de l’ensemble des concours de l’Etat : ceux-ci sont indexés sur l’inflation. L’effort se poursuit et, entre 2011
et 2013, « l’enveloppe normée » connait une stabilisation en valeur (et à périmètre constant). Ce qui induit une
diminution en volume des montants en question.
Le mouvement de diminution s’intensifie ensuite, mû par des objectifs gouvernementaux visant à associer plus
étroitement encore les collectivités au redressement des comptes publics. Le principe de leur participation (dite
contribution au redressement des finances publiques CRFP) est acté dans le cadre du Pacte de confiance et de
responsabilité conclu entre l’État et les collectivités le 16 juillet 2013. Ce Pacte va présider aux dispositions
gouvernementales prises durant la période 2014-2017. Une première baisse de la dotation est opérée en 2014 (d’un
montant prévisionnel de 1,5 Md€).
Les collectivités devant être porteuses de 11 Md€ d’économies (au sein des 50 Md€ prescrits pour l’ensemble de la
sphère publique), la dotation est destinée à diminuer d’autant entre 2015 et 2017. L’objectif est inscrit dans la Loi de
programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019. Hors cas spécifiques, la diminution
s’applique pour toute collectivité, proportionnellement à ses recettes (réelles) de fonctionnement (de l’année n-2). Face
à la mobilisation des élus locaux contestant l’ampleur et la rapidité des baisses, à l’occasion du 99ème Congrès des Maires
en juin 2017, le Président de la République annonce une atténuation de la réduction de dotation appliquée aux
communes et à leurs intercommunalités.
Des modalités ciblées de modération des baisses sont mises en place, via une montée en charge des dispositifs de
péréquation (au titre desquels la Dotation de Solidarité Urbaine et la Dotation de Solidarité Rurale en direction des
communes).
Parallèlement à ces dispositions, un objectif (annuel) d’évolution de la dépense locale (ODEDEL) est fixé (article 11 de la
Loi de Programmation des Finances Publiques du 29 décembre 2014). De façon à respecter le principe de libre
administration des collectivités, l’Objectif revêt un caractère principalement indicatif. Il vaut pour toutes les collectivités
(différenciées selon leur type).
94
Figure 10 – Montants de la Dotation Globale de Fonctionnement, 1996 à 2018, en Md€
Annuellement, les baisses de DGF sont modérées au regard de l’importance des budgets locaux, leur poids cumulé
n’étant cependant pas anodin (Tableau 5).
En 2018, une nouvelle période s’engage, rompant avec celle d’un pilotage gouvernemental des budgets locaux par
l’intermédiaire des recettes des collectivités. Les concours étatiques demeureront stables (en volume et à périmètre
constant) durant le mandat présidentiel. Le ralentissement de la croissance de la dépense pour toutes les
administrations demeure le mot d’ordre ; la volonté est affichée de continuer à associer les collectivités à ce
mouvement. Il est en conséquence demandé aux APUL qu’elles réalisent des économies à hauteur de 13 Md€ à partir
de leurs dépenses de fonctionnement159. La régulation s’effectue désormais par le biais des dépenses locales. De façon
à atteindre l’objectif de modération visé, dans le cadre de la LPFP établie pour les années 2018 à 2022160, les plus grandes
collectivités161 sont tenues à une obligation de contractualisation portant sur l’évolution annuelle de leurs dépenses de
fonctionnement. Celle-ci est limitée à 1,2%. Des modulations du seuil peuvent être introduites, lors de la négociation
entre les services préfectoraux et les représentants de la collectivité concernée, en préalable à l’établissement du
contrat et ce, afin de tenir compte de spécificités locales (dans des limites et conditions fixées par Décret). Des avantages
sont accordés aux collectivités respectueuses des termes du contrat (sous forme d’une majoration de taux de
subventionnement de certains projets d’équipement) ; à l’inverse, celles qui ne respectent pas les objectifs prescrits
font l’objet d’une reprise financière.
Il apparait de la sorte que, depuis sa création, la trajectoire de la DGF a été composée de plusieurs séquences, plus ou
moins favorables à l’expansion des budgets locaux. La période s’étendant de 2011 à 2017 fait l’effet d’un renversement
inédit de perspective. Les collectivités, alors qu’elles étaient accoutumées à la progression des montants, doivent
désormais compter avec des concours moins abondants ; sous contrainte d’équilibre budgétaire, il leur faut ajuster en
conséquence leurs propres politiques financières. La DGF, qui a contribué à leur autonomie en matière de dépenses,
vient à se raréfier ; ce changement révèle par là même leur profonde dépendance à leur gouvernement central. Le
retournement de tendance équivaut en soi à un changement de paradigme, avec l’apparition d’une contrainte
renouvelée de rationnement et l’émergence de nouvelles incertitudes. Il résulte d’une construction politique (reflétant
les rapports de pouvoir séparant représentants de l’Etat et des collectivités), d’une élaboration économique et
financière. A ce titre, d’autres modalités de partage étaient envisageables (Breuillé, 2008b).
159 Comparativement à l’évolution dite spontanée de ces dernières et non au regard de leur progression effective.
160
Les modalités effectives des dispositions arrêtées sont précisées dans la Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de Programmation des
finances publiques.
161 Soit celles dont le budget –annuel et principal- dépasse 60 M€ en fonctionnement. Elles sont au nombre de 322 (régions,
95
Reposant sur des objectifs analogues concernant la taille du secteur public et l’intensité des prélèvements obligatoires,
également guidées par la convergence à l’endroit des objectifs européens relatifs au pilotage des comptes publics, la
séquence 2014-2017 et celle inaugurée depuis diffèrent sensiblement. Les conventions passées avec les collectivités, le
dispositif instrumental… ont changé.
La première séquence, dans le prolongement des dispositions qui ont précédé, postule de l’efficacité d’un mécanisme
de flypaper effect162 inversé. Des recettes locales dynamiques, et dont la croissance est alimentée par celle des dotations
étatiques, ont engagé vers une expansion des budgets des collectivités. Réduire les versements en question devrait,
selon toute hypothèse, conduire vers un ralentissement des dépenses locales.
La seconde séquence vise à agir directement sur la progression des dépenses et à la mettre sous contrainte, puisque
c’est elle qui est en question. Sur la base d’une formule autoritaire, le dispositif mis en place lors de la première séquence
est administré mécaniquement et collectivement, toutes les collectivités étant également concernées ; les principales
différenciations de traitement résultent d’un potentiel émargement aux dispositifs de péréquation. La réalisation
collective des objectifs dépend de l’effectivité du mécanisme de rappel présupposé, d’une confiance dans la
convergence des politiques financières territorialisées. Dans la seconde séquence, il est fait usage d’une négociation,
d’une contractualisation formalisée et également, d’un dispositif individualisé ou territorialisé. Les contrats sont en effet
signés collectivité par collectivité. La réalisation collective des objectifs est assurée par la mise sous contrainte, ou par
voie d’une disciplinarisation de chacune des collectivités dont la situation budgétaire est tenue comme porteuse
d’enjeux. L’adhésion des représentants de ces collectivités au dispositif doit être acquise. La somme des arrangements,
contraints et faiblement modulés, converge nécessairement vers la cible fixée. L’évolution révèle, autant qu’elle ressort,
de rapports renouvelés entre niveaux de gouvernement, autour d’enjeux financiers, et d’une instrumentation différente
des politiques de gestion des finances publiques.
Tableau 5 – Volume de la DGF, en M€ et en % des recettes (réelles) de fonctionnement des collectivités, 2014 à 2018
2014 2015 2016 2017 2018
DGF, en M€ 40 121 36 607 33 221 30 860 26 960
dont dotations de péréquation, en M€ 3 982 4 299 4 616 4 996 nd
Diminution DGF, en M€ - 1 384 - 3 514 - 3 385 - 2 400 0
Diminution DGF, en % des recettes réelles de
-0,71% -1,78% -1,72% nd 0%
fonctionnement
Note : Les dotations de péréquation sont entendues comme les principales d’entre elles : Dotation de Solidarité Urbaine
DSU et Dotation de Solidarité Rurale DSR à destination des communes, Dotation de Péréquation DP et Dotation de
Fonctionnement Minimale DFM à destination des départements
Source : DGCL, OFGL, 2018 ; DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019 ; Jaune budgétaire, 2019
Demeurent posées des questions, pour l’une comme pour l’autre des séquences, relatives à leur efficacité respective,
et aussi et surtout quant à leurs incidences sur la conduite des politiques locales. En particulier, dans la mesure où des
dispositifs territorialisés sont mis en œuvre, quels sont leurs effets territoriaux ? Les dispositions initiées soulèvent
également des interrogations quant à l’autonomie dévolue aux collectivités. Les pressions exercées sur leurs ressources
et/ou sur leurs charges sont-elles compatibles avec l’exercice attendu des missions qui leur sont dévolues, dans un
contexte décentralisé ? Un pilotage étatique des budgets locaux, que ce soit par l’intermédiaire des recettes ou des
dépenses, est-il cohérent avec les principes affichés et les normes en vigueur163 ? Fondé sur des normes et des objectifs
financiers, gestionnaires, ou encore de performance, quelle place laisse-t-il au sens politique des actions publiques ?
La moindre présence financière de l’Etat dans la fourniture de recettes aux collectivités ne saurait en tout état de cause
s’interpréter comme une forme de retrait : le pilotage peut s’effectuer à distance (Epstein, 2015), et par le biais d’autres
instruments ou dispositifs. La mise en place de la Dotation de Soutien à l’Investissement Local164 serait une forme de
cette présence, renouvelée.
162 Le concept de flypaper effect est notamment développé par R. P. Inman (2008). L’auteur énonce que « The flypaper effect results
when a dollar of exogenous grants-in-aid leads to significantly greater public spending than an equivalent dollar of citizen income:
Money sticks where it hits.” Ce concept est notamment mobilisé par Leprince et Guengant (2002).
163 Selon les décisions du Constitutionnel, la baisse de la DGF comme la contractualisation, telle qu’organisée, ne portent pas atteinte
soutenir l’investissement local, fragilisé par la baisse des concours financiers étatiques. Elle a ensuite été prévue avec l'article 157 de
96
3-Une acception de la soutenabilité du système financier local
A plusieurs reprises, nous avons, fait état des interdépendances entre les dépenses locales (tout
particulièrement d’investissement) et la disponibilité pour les collectivités de financements en conséquence.
Les ressources déterminent les emplois, et réciproquement. Les possibilités d’ajustements respectifs des
moyens et des charges, leur convergence sous contraintes de rareté et d’équilibre, à l’aune des conventions
en vigueur, nous semblent conditionner la soutenabilité du système financier local. Comment cependant
qualifie-t-on cette dernière ? L’épargne, issue des budgets courants, apparait comme une variable-clé,
représentative de la capacité des collectivités à tenir leurs engagements à la fois sur le plan strictement
financier et sur celui, non moins fondamental165, de leurs actions.
Les diverses étapes ponctuant la trajectoire qui s’ensuit pourraient être évaluées en termes de performance,
c’est-à-dire en fonction des outputs produits par le système financier local, compte tenu des intputs qu’il
nécessite, au regard des objectifs qui lui sont collectivement assignés. Quels ont été les arrangements les
plus favorables de ce point de vue ? Si tant est que le questionnement fasse sens, les éléments scientifiques
requis pour poser une réponse qui vaudrait jugement évaluatif font défaut.
L’état du système à un instant donné pourrait encore être positionné en fonction de son degré effectif de
décentralisation (cf. Encadré 4), de son éventuelle tendance à une recentralisation166. Les termes du débat
public invitent à cette lecture. Nous évaluerions alors, d’un point de vue financier, le degré de (in)dépendance
des entités locales au regard de leur gouvernement central. Ce qui reviendrait à situer le système en question
au regard d’un unique élément constitutif de son environnement, quand les facteurs influant sur son
fonctionnement sont multiples. Il nous semble préférable de faire continument état de la complexité des
enjeux – financiers - traversant cette organisation, pour les différents niveaux de gouvernement, en décelant
la Loi de Finances Initiale pour 2018 ; elle est codifiée à l'article L. 2334-42 du CGCT. L'objectif de ce dispositif est double : soutenir
l'investissement des collectivités territoriales et l'orienter vers les grandes priorités nationales en matière d'équipement des
territoires. Son montant a atteint 615 M€ dans la LFI pour 2018. La répartition se fait de manière déconcentrée, en respect des
priorités énoncées au niveau national chaque année. Les soutiens financiers sont accordés après examen des projets élaborés par les
collectivités, alors placées en situation de concurrence.
165 Au regard du rôle qui leur est imparti dans un contexte décentralisé.
166 Les volets fiscaux, financiers ou budgétaires ne seraient à eux seuls pas suffisants pour cette analyse, compte tenu des multiples
registres dans lesquels peut se déployer le processus de décentralisation (cf. Chapitre Introductif) et par voie de conséquence, celui
de recentralisation.
97
les éventuelles tensions qui les opposent, ou bien encore en mettant en évidence leur inscription dans des
logiques tantôt convergentes, tantôt divergentes.
Nous suggérons alors de compléter l’analyse du système financier local en faisant état d’une des capacités,
majeures, dont il semblerait être doté, à savoir sa soutenabilité. Cette notion, mobilisée dans différents
domaines, reçoit de multiples acceptions.
Elle est employée dans le champ de l’expression politique. Par exemple, les sénateurs P. Dallier, C. Guené et
J. Mézard (2016), appelant à une « restructuration de nos finances locales », soit encore à leur réforme
globale, énoncent que pour être efficace, celle-ci doit être « soutenable, équitable et durable ». Selon ces
auteurs (Dallier et al., 2016, p. 25), « Traditionnellement, une situation est jugée soutenable si, compte tenu
de la politique publique prévue ou prévisible, elle n’entraîne pas l’État dans une situation d’insolvabilité ou
dans une situation nécessitant un ajustement irréaliste de ses finances publiques. » D’après eux, il peut
difficilement être fait état d’une soutenabilité des finances locales, précisément en raison des aléas qui sont
imposés aux collectivités par leur gouvernement. Ceci est, à leurs yeux, d’autant plus évident que, baisse des
concours étatiques aidant (cf. Encadré 3), les budgets locaux ont été placés dans une situation qui n’est plus
tenable !
D’un point de vue économique, la notion de soutenabilité est fréquemment employée en vue de qualifier
l’état et le devenir des finances publiques (Brand, Poplawski Ribeiro, 2009)167. Elle sert alors principalement
à rendre compte, de façon dynamique, de la capacité des puissances publiques à faire face aux engagements
qu’ils ont pris à l’égard de leurs prêteurs168.
Le terme est peu utilisé, concernant les collectivités et leurs finances (Leprince, 2019)169. Il l’est
principalement par M.-E. Binet et ses co-auteurs (2016) qui, dans le prolongement des réflexions théoriques
formalisées par G. Gilbert et F. Vaillancourt (2013), analysent de façon prospective quelle est la capacité
annuelle et pluriannuelle des collectivités à satisfaire aux obligations liées à leur dette. Il est en effet essentiel
que le budget local, tout en restant en équilibre, soit suffisant pour pourvoir au paiement régulier des
annuités des emprunts ainsi qu’à leur remboursement intégral, aux échéances imposées. Sont en jeu la
conformité juridique des comptes locaux170 ainsi que leur viabilité économique.
Tout en reconnaissant que l’approche de la soutenabilité par l’intermédiaire de questions relatives à
l’endettement, aux divers horizons temporels que celui-ci engage, est incontournable171, nous proposons de
procéder à quelques pas de côté et d’examiner le concept de soutenabilité sous un autre angle que celui
admis par les auteurs mentionnés.
167 B. Dafflon, dans son Introduction aux finances publiques (2007, np), indique pour sa part que « La ‘soutenabilité’ est la
combinaison de la stabilité et de la solvabilité. C’est un concept de flux. La soutenabilité se vérifie lorsque la dette n’augmente pas
en terme réel de façon telle que le service de la dette ne soit pas garanti. »
168 « La notion de soutenabilité des finances publiques s'intéresse à la capacité d'un État de rester solvable, c'est-à-dire de conserver
des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements. » (Source : Forum de la Performance Publique,
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/finances-publiques/situation-finances-
publiques/essentiel/fondamentaux/soutenabilite-finances-publiques#.W7-l8_ZuLIU)
169 L’auteur fait alors la différence entre la notion de soutenabilité et de solvabilité.
170 L’acquittement de la dette constitue une dépense obligatoire, qu'il s'agisse du remboursement du capital ou des frais financiers,
98
Encadré 4 – Des évaluations du degré de décentralisation
Selon L. Davezies et S. Morvan (2016, p. 4), l’idée même de décentralisation « ne repose sur aucun corps de doctrine
établi et satisfaisant ». Il s’ensuit une multitude de façons d’évaluer un degré de décentralisation, compte tenu des non
moins multiples conceptions ou déclinaisons que cette idée véhicule. Ne serait-ce que sur le plan financier, les auteurs
dressent une liste (non finie) de potentiels indicateurs172, pouvant être tenus comme représentatifs d’un état
décentralisé. Dans bon nombre d’autres publications consultées (Derosier, 2007 ; Frère, Le Maux, 2010 ; Abadie, 2018 ;
OCDE, 2019), que leurs auteurs accordent ou non un intérêt élevé aux questions financières, le point de vue sur les
difficultés voire les sur les impossibilités d’évaluation est sensiblement le même.
P.-H. Derycke et G. Gilbert (1988) contournent en quelque sorte la difficulté en proposant de considérer un indice de
centralisation, établi comme étant le rapport entre les dépenses de l’Etat et l’ensemble des dépenses publiques.
Logiquement, plus l’indice est faible, plus les entités infranationales assument un rôle financier important. Rien ne dit
pour autant que leur poids économique soit élevé. R. Prud'homme (1996) en vient alors à suggérer la combinaison de
deux indices : l’un rendant compte de la part des dépenses locales au sein de celles de l’ensemble de la sphère publique
(soit encore le poids financier des collectivités et leur capacité d’intervention comparée à celle des autres segments
constitutifs des puissances publiques) et l’autre représentant la part de richesse nationale absorbée par les dépenses
des collectivités (soit encore leur poids économique). Cette combinaison est par exemple utilisée dans des comparaisons
internationales (Dexia, 2012). L’hétérogénéité entre les organisations de chaque pays, la réduction des situations aux
deux indices en question rendent l’analyse incertaine. En vue de dépasser ces limitations, G. Gilbert (2002), s’appuyant
sur ses travaux antérieurs, qualifie l’autonomie des collectivités et positionne le système français dans l’alternative ente
modèle centralisé vs fonctionnement décentralisé.
La notion d’autonomie locale apparait en effet comme centrale, comme constitutive de la décentralisation. Elle intègre
potentiellement les libertés dont sont dotées les gouvernements subnationaux dans l’accès à des ressources173, leurs
capacités de modulation de ces moyens (notamment fiscaux), leurs latitudes dans le choix des dépenses…
Toutefois, le concept d’autonomie est tout aussi polysémique que celui de décentralisation. Partant, l’évaluation d’un
degré d’autonomie est également complexe. Notamment, l’autonomie financière, telle que codifiée selon l’article 72-2
de la Constitution174, ne constitue pas une représentation réelle de l’autonomie effective des collectivités françaises, y
compris lorsque l’on admet la restriction de cette dernière à des aspects purement budgétaires. Le calcul du ratio
financier intègre par exemple des recettes (propres) sur lesquelles les entités décentralisées n’ont aucune prise.
L’acception sous-entend une dissymétrie dans la représentation de la libre administration des collectivités, selon qu’elle
est déclinée en termes d’usage des fonds ou de capacité à mobiliser des ressources.
Nous ne saurions nous livrer à la production d’indicateurs additionnels. Ils auraient toutes probabilités d’être aussi
imparfaits ou incomplets que ceux déjà produits. Par ailleurs, ils laisseraient supposer que la décentralisation, voire un
état décentralisé, peut être appréhendée de manière quantitative quand le processus comme la situation qui en résulte
sous-tendent un état des rapports de force politique, ou bien un mode d’organisation social et territorial, difficilement
mesurables.
172 Ils mentionnent : la part des dépenses publiques effectuées par les gouvernements subnationaux, ou la proportion des dépenses
qu’ils financent par leurs propres impôts, rapportée aux dépenses publiques nationales ou dans le PIB, ou la part des recettes fiscales
locales dans le total national des prélèvements ou dans le PIB, ou la part des prélèvements dont l’assiette ou le taux sont fixés
localement, ou la proportion, dans les recettes des collectivités, des dotations versées par le pouvoir central, ou les modalités et
critères de répartition des dotations, traduisant l’intensité des politiques visant à opérer certaines péréquations ‘égalisatrices’…
173 Dans de nombreux pays, l’accès à des emprunts est strictement contingenté pour les entités locales.
174 L’article précise le contenu de l’autonomie financière des collectivités, constitutionnalisé depuis 2003. Cette autonomie repose
sur plusieurs conditions : les collectivités bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement ; elles peuvent recevoir
tout ou partie du produit des impositions de toutes natures et la loi peut les autoriser, dans certaines limites, à en fixer l’assiette et
le taux ; les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de
collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ; tout transfert de compétences s’accompagne de l’attribution
de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
La liste et la nature des ressources propres sont définies par la Loi organique du 29 juillet 2004 : « les ressources propres des
collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux
ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, des redevances pour services rendus, des
produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs » (article 3). La Loi fixe également la
part déterminante qu’elles représentent, celles-ci ne pouvant être inférieure au niveau constaté en 2003.
99
Fondamentalement, l’établissement d’indicateurs serait antinomique avec l’acception que nous avons retenue de la
décentralisation (cf. Chapitre introductif). Celle-ci se déploie selon plusieurs dimensions, complémentaires. En
conséquence, elle requiert d’être approchée de façon multidimensionnelle et alors, par le biais d’une pluralité
d’indicateurs. Leur évaluation ne saurait en outre servir un jugement normatif, sous-entendant une préférence en
faveur soit d’un état centralisé, soit d’une organisation décentralisée. Pour pallier ce risque, nous penchons vers la
qualification de divers états du système (financier) local, engagé dans de multiples dynamiques et mutations. Ce que
nous repérons par le biais de plusieurs indications relevant de registres complémentaires d’analyses faisant, lorsque de
besoin, apparaître les tensions dont elles rendent compte au regard de principes affichés comme présidant à la
décentralisation ou aux politiques énoncées.
100
Le décalage nous semble à la fois possible et nécessaire afin de ne pas restreindre le fonctionnement des
budgets aux seules sujétions relevant de la dette locale. Ces obligations ne couvrent en effet qu’une part de
celles que peuvent comporter les politiques financières susceptibles d’être initiées par les représentants des
collectivités. Elles ne reflètent pas les aspects positifs que les engagements pris localement sont susceptibles
de revêtir. A emprunt et à encours donnés, disposer de fonds suffisants pour éviter l’accumulation d’une
dette grise, ou bien encore pour ne pas tenir les effectifs des personnels principalement comme une variable
d’ajustement budgétaire175… relève également des enjeux locaux et des engagements, que les décideurs
locaux peuvent tenir comme souhaitables, économiquement et/ou politiquement. Autrement dit, les
institutions financières locales ont vocation à trouver une articulation cohérente avec l’ensemble des
priorités de financement et d’action ; elles ne se cantonnent pas à des conditions de solvabilité bancaire.
Aussi, dans une perspective extensive, l’on pourrait entendre la soutenabilité du système financier local
comme reflétant les capacités budgétaires des collectivités à conserver des marges de manœuvre suffisantes,
en vue d’honorer l’ensemble de leurs engagements actuels et à venir. Ces engagements incluent ceux pris à
l’égard de prêteurs tout comme ceux, techniques et politiques, relevant des missions imparties aux
collectivités, et encore ceux ressortant plus spécifiquement de choix effectués localement. Il s’agirait en
conséquence de la capacité financière à produire des utilités via l’action publique locale, en intégrant les
sujétions en vigueur et sous contrainte modulable de ressources.
Une dimension-clé nous semble illustrative de la soutenabilité, ainsi conçue, du système financier local et en
former une déclinaison concrète. Il s’agit de la capacité des collectivités à constituer une épargne, à partir de
leurs budgets récurrents de fonctionnement. (cf. Annexe 1). La faculté locale à épargner résulte du
différentiel qu’il est possible de générer entre les recettes et les charges courantes. Elle est donc le produit
des choix effectués en matière de mobilisation de ressources fiscales176, compte tenu des politiques
pratiquées sur le plan de la gestion des moyens humains, des consommations intermédiaires…, en lien avec
l’offre de services publics locaux. Au nom de la règle dite d’équilibre réel des budgets (cf. Annexe 1), ce solde,
lorsqu’il est disponible et suffisant, sert prioritairement au remboursement du capital des emprunts
antérieurement contractés. Il entretient de ce fait des liens avec la solvabilité (annuelle). Le volume restant
est encore dénommé épargne nette. Celle-ci incorpore conjointement, dans son volume et son évolution, les
effets des choix précédemment effectués pour la constitution du capital public et influant sur le cours des
budgets courants, ainsi que les incidences des politiques antérieures d’endettement177. Ce montant
finalement disponible est utilisable pour couvrir de nouvelles dépenses d’investissement178. Il conditionne,
au moins pour partie, la politique locale d’équipement. A l’inverse, lorsque des priorités en matière de
réalisations ou d’aménagement du capital public émergent, la nécessité d’un besoin d’épargne peut orienter
vers des stratégies particulières de façon à accentuer l’écart entre les ressources et les charges au sein de la
section de fonctionnement. Le budget local se construit par itérations, autour de la variable charnière que
constitue l’épargne, brute ou nette (Guengant, 1999 ; Guengant, Le Meur, 2009).
De la sorte, le flux d’épargne est central en ce qu’il figure les liens, directs et indirects, entre les sections du
budget, entre leurs différents postes, tout en condensant les contraintes et les choix se présentant aux
175 Mais plutôt comme des ressources à proportionner en fonction des missions exercées, en tenant compte des impératifs de statuts
et des divers éléments constituant des relations employeurs-employés.
176 Celles-ci constituent en effet la majeure partie des recettes de fonctionnement ; elles sont flexibles, grâce au pouvoir de
modulation des taux des taxes dont les élus locaux sont, au moins pour partie, dépositaires (cf. Chapitre 2).
177 Rappelons que les emprunts sont autorisés aux collectivités uniquement pour le financement de dépenses d’équipement
101
représentants des collectivités. Il incorpore les chaînages entre les budgets successifs, les stocks qu’ils
conduisent à constituer ainsi que les arbitrages auxquels ils donnent lieu.
Sa disponibilité, à un instant donné, n’augure cependant en rien de sa permanence ou de son devenir. Notre
acception pourrait alors sembler restrictive, voire trompeuse (Klopfer, 1992). En effet, elle n’intègre pas tous
les horizons temporels dans lesquels les budgets locaux sont immergés. Cependant, l’examen rétrospectif de
son existence, de son importance et de ses variations, constitue pour nous une manière de réintroduire des
préoccupations relatives à sa pérennité. Si le système financier local a su faire preuve de résilience, en
engageant diverses mutations, quelle appréciation peut-on alors porter au regard de sa soutenabilité,
envisagée au travers de la dynamique de la capacité locale à épargner ?
Figure 11 – Epargne brute et nette, collectivités territoriales et leurs groupements à fiscalité propre, 1996 à 2015, en
Md€ courants
Derrière la tendance d’ensemble apparait un mouvement de repli, marqué depuis 2011. Ce renversement
trouve son origine dans l’effet ciseau180 qui affecte de plus en plus nettement les comptes locaux depuis les
années 2004 à 2006 (Figure 12).
179 L’épargne nette représente 33% de l’épargne brute en 1996, pratiquement 50% en 2015.
On constate un repli de l’épargne en 2008 et 2009. L’année 2008 est qualifiée de « charnière » par l’Observatoire des Finances Locales
(Rapport 2009) ; elle est marquée par les élections municipales et par l’apparition de la crise financière, se traduisant pour les
collectivités par celle se manifestant dans leur accès au crédit bancaire (cf. Chapitre 3). Les effets se poursuivent en 2009 qui se
présente comme une année de récession (rapport de l’Observatoire, 2010), affectant les collectivités et leurs ressources (fiscales).
180 Ou effet de ciseau, ou effet ciseaux ou encore effet de ciseaux…, selon les auteurs et les sources.
102
Figure 12 – Evolution comparée des dépenses (DRF) et des recettes (RF) réelles de Fonctionnement, collectivités
territoriales et leurs groupements à fiscalité propre, 1996 à 2015, base 100 en 1996
Jusque-là, les recettes (réelles) de fonctionnement des collectivités progressent plus rapidement que leurs
dépenses (réelles) ; la dynamique s’inverse ensuite. Au regard de leurs situations antérieures et sur le plan
de la gestion de leurs budgets courants, les collectivités deviendraient effectivement trop dépensières,
comparativement aux recettes qui leur reviennent.
Les observateurs constatent que l’effet ciseau ne se manifeste plus en 2017, en raison des économies
consenties au sein des collectivités, pourtant affectées par la diminution des dotations étatiques. Le
revirement n’aurait d’ailleurs été que de courte durée puisqu’il est affirmé que « le desserrement de la
contrainte financière exercée sur les ressources des collectivités [avec la stabilisation des concours de l’Etat]
a eu pour conséquence immédiate une atténuation de leurs efforts de gestion, qui s’est traduite par une
reprise des dépenses de fonctionnement. » (Cour des Comptes, 2018b, p. 12). En l’absence de rationnement
imposé de façon externe, les collectivités se trouveraient aux prises avec la progression quasi-structurelle de
leurs charges courantes, minant leur degré d’aisance181 ou encore, s’opposant à l’amélioration de leur
situation financière (Jaune budgétaire, 2018).
Hors les dernières fluctuations, l’érosion progressive dans la capacité locale à épargner est encore perceptible
dans la diminution sensible du taux d’épargne (Figure 13). Le mouvement est semblable pour l’épargne nette.
Proportionnellement à l’importance de leur budget, les collectivités ne sont plus en mesure de dégager des
montants équivalant à ceux qu’elles consacraient antérieurement à leurs investissements, une fois acquittées
les charges de la dette. Toutes choses égales par ailleurs en termes de financements externes (emprunts et
subventions), le ralentissement de cette propension est de nature à affecter sensiblement la dynamique de
la formation locale de capital public et sa perpétuation.
181 Terme figurant dans le Rapport de l’Observatoire des Finances Locales (1996).
103
Figure 13 – Taux d’épargne (épargne brute/recettes réelles de Fonctionnement), 1996 à 2015, en %
Des fluctuations sont intervenues jusqu’au début des années 2000182, la part relative des fonds provenant
des budgets courants retrouvant une valeur proche de celle qu’elle occupait à l’origine. Si sa récente
décélération est perceptible, l’épargne (nette) demeure une source majeure de financement des dépenses
104
d’investissement et de la formation de capital public (Figure 14). Préserver l’investissement local, c’est alors
préserver l’épargne des collectivités.
Ceci n’est que partiellement avéré puisque des effets de substitution interviennent entre l’épargne (nette)
et les fonds provenant d’emprunts. Tout se passe alors comme si les représentants locaux procédaient à des
arbitrages entre emploi de moyens internes, provenant essentiellement des contribuables du moment, et
usage de ressources temporaires (emprunts), dont la charge de remboursement pèsera sur les générations
à venir. Et ce, moyennant la prise en compte des taux d’intérêt et de leurs fluctuations183. Ce qui est une
façon de mettre en jeu la soutenabilité des budgets locaux… Si le volume des ressources mobilisables est
contingenté, les choix s’exercent alors sur le volume des charges courantes comparativement à celui des
dépenses en capital. Privilégie-t-on le capital public local existant ou celui à venir ?
Les variations relatives des modes de financement des équipements collectifs184 illustrent le fait que le
système financier local est traversé, non seulement par des mutations dans la nature des dépenses
effectuées localement (cf. supra) mais également dans la structure des ressources qui l’alimentent.
Quelle que soit l’importance des apports de fonds externes, qu’il s’agisse d’emprunts ou de subventions, leur
obtention est conditionnée par la disponibilité de moyens propres185. La préservation de la capacité à
épargner afin de soutenir les dépenses locales est de ce fait primordiale. Si l’érosion de cette capacité est
aisément imputée à la progression des charges locales, la dynamique peut également être mise au compte
de celle des recettes courantes.
Jusqu’en 2013, la progression de la DGF (et des concours de l’Etat) a été nettement plus prononcée que celle
des impôts locaux (et de la fiscalité locale)187 La dépendance des budgets des collectivités aux transferts de
l’Etat s’est en conséquence accentuée (Figure 16). Depuis, les concours en question ont fortement décru
(cf. Encadré 3), ce qui a contribué à la diminution des recettes locales courantes188, et à celle de l’épargne
constituée par les collectivités.
impôts locaux de 3,2% et la DGF de 4,6%. Nous reviendrons plus précisément sur la distinction entre le poste ‘Impôts et taxes’ et le
poste ‘Impôts locaux’, constitutifs du précédent. Les impôts locaux s’entendent comme les 4 principaux produits de la taxe
d’habitation, des taxes foncières (sur les propriétés bâties et non bâties), des impôts/contributions acquittées par les activités
économiques. Dans les impôts et taxes sont intégrés les produits d’impôts indirects bénéficiant aux collectivités (dont les Droits de
Mutation à Titre Onéreux DMTO).
188 En moyenne annuelle et en € courants, entre 2013 et 2016, les recettes (réelles) de fonctionnement augmentaient de 0,8%, les
105
Figure 15 – Evolution des produits issus de la fiscalité et des concours de l’Etat, 1996 à 2016, base 100 en 1996
Les recettes issues des impôts locaux, même si c’est à un rythme variable, ont progressé de façon continue
durant toute la période. La poursuite de cette évolution a en particulier rendu possible le maintien des
recettes courantes et celui, au moins pour partie, de l’épargne locale.
Figure 16 – Taux de dépendance des budgets locaux aux produits issus de la fiscalité locale et aux concours de l’Etat,
1996 à 2015, en %
Note : Le montant des concours de l’Etat n’est pas disponible avant 2004 ; le taux dit de dépendance est établi en
rapportant le montant de chaque recette au total des recettes (réelles) de Fonctionnement
Source : à partir de Les Collectivités Locales en Chiffres, DGCL, 2019
106
En toute logique, la structure des recettes locales s’est déformée au cours de ces 20 dernières années.
Schématiquement, jusqu’en 2013, le système financier local, via les recettes courantes des budgets, se plaçait
dans une dépendance accrue à la DGF, dans une moindre dépendance aux impôts locaux. La baisse récente
de la DGF conduit à une inversion de la tendance. Cette mutation est-elle simplement mécanique,
arithmétique ou bien relève-t-elle d’une logique politique sous-jacente ? De fait, elle illustre un mouvement
de fond rendant compte de l’autonomisation financière des budgets des collectivités au regard des transferts
étatiques et simultanément, de l’accentuation de leur territorialisation. Le maintien de ces budgets devient
en effet de plus en plus dépendant de la disponibilité locale de richesse, et/ou de la capacité des élus à
trouver des fonds complémentaires ou de substitution. Les ressources territoriales prennent une importance
accrue.
La mutation amorcée révèle en tout état de cause une « fiscalisation » des budgets ou des recettes des
collectivités. Ce qui revient à constater que le système financier local est en proie à des changements dans
ses modes de régulation politique. Avec les dotations, il est tributaire de décisions collectives, prises au
niveau national et gouvernemental, en vue de la détermination des montants revenant aux collectivités, de
leurs évolutions et de leurs critères de partage. Tout en intégrant le point de vue des acteurs locaux, la logique
est principalement verticale, descendante. Avec la fiscalité189, les évolutions sont dépendantes à la fois de
celles des bases des impôts et partant, des dynamiques locales de développement, et des choix de pression
fiscale que leurs représentants ont latitude d’exercer. Soit encore une logique horizontale, un
fonctionnement territorialisé, à l’intérieur des règles fixées nationalement.
Toutes choses égales par ailleurs, avec les mutations auxquels sont sujets190 les concours financiers de l’Etat,
avec celles encore qui ont affecté la fiscalité locale (cf. Chapitre 2), les conditions de formation de l’épargne
ont subi des mutations, voire des bouleversements substantiels. De façon concourante, les dépenses locales
d’investissement en ont connu des soubresauts. Du fait d’effets en chaîne, il en résulte des modifications
dans les charges de fonctionnement. Les collectivités semblent actuellement faire face à leurs engagements
(Cour des Comptes, 2018b). La soutenabilité du système financier locale perdurerait apparemment.
Par ailleurs, les ressorts ou leviers de cette soutenabilité sont eux-mêmes modifiés, en lien avec l’évolution
dans le mode de pilotage gouvernemental des budgets locaux. La stabilisation des concours financiers
étatiques, la contrainte pesant sur l’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités garantit les
conditions de formation d’une épargne. Ce qui, par contrecoup, assure également la disponibilité de fonds
mobilisables pour des investissements publics locaux. Un pilotage des dépenses liées à la formation du capital
public local est dès lors institué. La maîtrise des dépenses publiques ne porte ainsi que sur une part de ces
dépenses, sur celle qui est la plus valorisée économiquement ou politiquement, ou bien encore celle qui est
la plus utile d’un point de vue macroéconomique. Le dispositif n’omet-il pas l’existence de liens d’induction
entre investissement et fonctionnement qui sont susceptibles de conduire, selon toute probabilité, à une
hausse future des charges courantes des collectivités ? Soit encore une forme de course en avant…
189 A système fiscal inchangé et hors réforme majeure sur ce plan, les réformes incorporant des éléments de logique verticale.
190 Ou dont ils font l’objet…
107
108
Eléments de conclusion
Nous avons pris le parti d’une analyse diachronique et en conséquence, nous avons réuni des éléments
factuels rendant compte de l’édification progressive du système financier local. Il apparaît que ce système
s’est affirmé. En atteste par exemple le poids croissant des dépenses locales au sein de celles consenties par
l’ensemble de la sphère publique. Cette affirmation est particulièrement nette en matière de réalisation de
dépenses d’investissement. Les compétences dévolues aux collectivités à l’occasion des actes de
décentralisation, conjointement aux interventions qu’elles exerçaient antérieurement et qu’elles continuent
à assurer, la concrétisation des priorités que s’assignent les acteurs locaux en matière d’action publique
contribuent à donner un tour ‘équipementier’ aux budgets locaux. Les entités locales jouent un rôle de
premier plan en matière de formation de capital public. Ce qui est reconnu comme essentiel sur le plan
politique, économique, social et territorial. Le fonctionnement du système financier local contribuerait à la
reconnaissance de ce rôle. Son maintien à l’équilibre suppose que les gouvernements décentralisés aient
accès à des ressources en conséquence, qu’elles soient internes ou externes, qu’ils puissent les moduler dans
les sens souhaités. Reste que la disponibilité des ressources ne s’arrête pas au financement des équipements.
Des moyens sont également nécessaires pour entretenir, pour remplacer… le patrimoine public local,
accumulé sous l’effet des réalisations successives. Des fonds sont encore indispensables afin que les
équipements puissent fonctionner, et servir à la production des services publics locaux requis. La structure
du système financier s’est graduellement déformée, sous le poids de l’évolution différentielle des
composantes de la dépense locale, répondant aux différents besoins évoqués. Si cette déformation s’effectue
en raison de liens d’induction et de récurrence, elle n’est ni purement technique, ni strictement mécanique.
Elle résulte également des règles en vigueur comme d’arbitrages politiques. Ainsi en va-t-il par exemple du
volume des dépenses salariales pour les rémunérations versées aux employés de la fonction publique locale,
dépendant à la fois de décisions nationales et locales. En conséquence, les facteurs influant sur les volumes
comme sur la répartition des charges locales entre divers usages sont multiples. La contribution de chacun
d’eux n’est pas aisée à repérer et les informations manquent pour l’estimer. Les productions de
connaissances, relatives à tout ou partie de ces points, seraient tout à fait utiles, ne serait-ce que pour
comprendre et analyser le fonctionnement même du système financier local.
Chemin faisant, en décrivant la trajectoire passée du système financier local et quelques-unes de ses
ponctuations marquantes, nous avons avancé un certain nombre de notions, ou de concepts, propres à
l’économie publique locale ou empruntés à d’autres registres disciplinaires, variés. Ces utilisations comme
ces transpositions mériteraient d’être précisées, afin de contribuer à l’édification solide d’un réel champ
problématique. Les travaux de recherche en cours contribueront à la consolidation de cette construction.
A ce stade, nous proposons de retenir trois de ces notions ou concepts, dans leurs déclinaisons relatives au
système financier local. Ils nous semblent appropriés pour structurer les constats effectués, les prolonger
sous forme d’axes de questionnement.
Le premier axe serait celui fondé autour de la notion de résilience. Nous avons convenu de définir la résilience
comme une capacité à changer de forme ou d’état, sous l’effet de chocs ou d’impulsions extérieures,
imposant des mutations. Si les actes de décentralisation ne sont que la concrétisation de tendances
préexistantes, leur codification, les obligations allant avec leur mise en œuvre constituent des orientations
nouvelles pour les entités devenant décentralisées. Les institutions financières locales se sont adaptées,
contribuant à la production de services d’enseignement, d’aide sociale…. Le renforcement de la place
accordée à l’autonomie locale a consolidé les conditions d’un changement substantiel de forme du système,
passant même par l’émergence de sous-systèmes territoriaux. Le système financier local vient d’être
confronté à un nouveau choc, avec la diminution sensible et rapide des concours financiers étatiques. Cette
109
baisse s’applique à toutes les collectivités, proportionnellement à l’importance de leur budget (évaluée à
travers celle de leurs recettes de fonctionnement). On peut faire l’hypothèse que tous leurs responsables
n’ont pas réagi de manière semblable, face à ce resserrement de la contrainte de ressources. L’observation
comparée des différents types de collectivités fait déjà apparaître divers modes d’ajustements des dépenses
d’investissement, indiquant l’existence de sur- comme de sous-réactions. La diminution a été atténuée pour
les collectivités bénéficiaires des dispositifs de péréquation. La caractérisation des différentes situations
budgétaires à l’issue de la baisse, dans leur relation avec l’état financier initial, constitue alors une piste pour
mettre en évidence les différents profils de territoires, comme autant de formes possibles de résilience, et
pour enrichir la déclinaison même de cette notion.
Le second axe serait celui déployé à partir de la notion de soutenabilité. Nous avons proposé son
aménagement afin de la tenir comme figurant la capacité des entités locales à satisfaire à leurs engagements
financiers, compte tenu des sujétions et en fonction des choix de divers ordres, concourant à l’action
publique locale dans un contexte décentralisé. Les mécanismes présidant à la formation de l’épargne à partir
des recettes et des charges courantes laissent entendre l’existence de dépendances à des contraintes
(externes et internes), ainsi que celles de latitudes et de marges de manœuvre, compte tenu des règles
budgétaires en vigueur. On peut faire l’hypothèse que tous les leviers d’ajustement pour maintenir les
équilibres, pour générer une épargne… ne sont pas également activés dans toutes les collectivités. Toutes les
conditions de la soutenabilité ne sont alors pas également réparties. Quelle gradation peut-on observer ?
Quels instruments budgétaires ou fiscaux ont été principalement mobilisés dans chaque cas de figure ?
L’adaptation s’est-elle effectuée par le biais d’une réduction des charges courantes ou par d’autres voies et
alors, sur quels postes a-t-elle principalement porté ? Qu’en est-il par exemple de l’effet de substitution ou
de complémentarité entre impôts et emprunts ? La soutenabilité financière entre-t-elle en résonance avec
d’autres visions voisines, telles celles de la durabilité, reposant elle aussi sur une attention aux
consommations de ressources et à leur répartition temporelle ? En tant que mot d’ordre de multiples actions
locales et politiques transversales, la durabilité est en effet à même d’engager à des réflexions renouvelées
quant aux arbitrages en matière de choix d’investissement, à leurs incidences sur le plan des charges
courantes induites, et partant sur les besoins de financement associés, tout comme sur les conditions de
formation de l’épargne, au cœur de la notion de soutenabilité, telle qu’entendue.
Le troisième axe se développerait autour de la notion d’austérité. Nous avons fait état de la nécessité de
préciser son contenu. S’agit-il d’un état, d’un contexte, ou d’un dispositif politique ? Nous n’en avons retenu
qu’une acception minimale, signifiant la mise en œuvre de politiques axées sur la réduction des dépenses
publiques. La baisse des concours étatiques et plus particulièrement le dispositif gouvernemental de
contractualisation, engagé avec les collectivités les plus importantes (du point de vue de la taille de leur
budget) immergent de facto les responsables locaux dans une gestion largement inédite des dépenses
publiques locales. Les préoccupations et l’attention accordée à ces charges sont d’autant plus vives que leur
progression a contribué à alimenter les représentations courantes : les collectivités se seraient engagées dans
une gestion dispendieuse. Au point que ces critiques et jugements aient pu inciter un certain nombre d’élus
à faire la démonstration de politiques budgétaires apparaissant comme plus vertueuses. Les cultures
managériales, la recherche de performance… sont en outre pratiquées depuis plusieurs années dans maintes
collectivités. Poursuivant, il n’est pas à exclure que des pratiques ou des politiques austéritaires se
développent localement, autour d’objectifs de baisse de la dépense locale. Dans ce cas, quels domaines
d’action sont particulièrement touchés ? Quels instruments financiers, quels dispositifs de pilotage sont mis
en œuvre ? Et finalement, quelles sont les incidences politiques, sociales ou territoriales de telles politiques
financières ?
110
Les chantiers de recherche en cours (projets IPL, Invest – cf. Volume 1) apporteront des éléments de réponse
à tout ou partie de ces interrogations. Les investigations que nous avons déjà effectuées contribuent à ce
stade à conforter les axes problématiques esquissés, en leur conférant notamment un tour territorialisé.
111
112
Chapitre 2 - La fiscalité locale, des principes et des
réalités
https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/34/guy_gilbert.pdf_4a07ef5f4bdf5/guy_gilbert.pdf
113
114
Introduction
Nous l’avons évoqué, les produits issus de la fiscalité occupent, de longue date, une place essentielle au sein
des recettes locales. Leur volume et leur importance relative semble(raie)nt indiquer que les impôts
constituent un moyen non seulement éprouvé mais également un « bon » moyen de financement des
budgets locaux. On peut alors faire l’hypothèse que si la fiscalité locale occupe une telle place, c’est parce
qu’elle est parée de multiples vertus.
L’une d’elles réside dans le fait que l’impôt est, par définition et hors circonstances particulières, acquitté par
tous et sans contrepartie. Pour la collectivité bénéficiaire, c’est alors un levier de financement procurant des
ressources par l’intermédiaire de prélèvements répartis sur un grand nombre de contribuables. Rarement
affecté à une finalité précise, il fonctionne comme un mode de paiement généralisé, ouvrant aux payeurs un
droit d’accès à l’ensemble de l’offre de biens et de services publics locaux192. Par là même, cette offre est
rendue disponible pour ceux qui bénéficient des prestations locales sans nécessairement être en mesure de
supporter un tribut fiscal. La fiscalité est ainsi vecteur de solidarité. Cependant, la concrétisation de ces
qualités de rendement et de distribution suppose qu’un certain nombre de conditions soient réunies.
Côté contribuables, les paiements doivent pouvoir être acceptables (financièrement), et acceptés
(politiquement) ; il est également nécessaire qu’ils fassent l’objet d’une répartition aussi équitable que
possible. Côté entités bénéficiaires de ces paiements, l’impôt nécessite d’être efficace, c’est-à-dire générer
un produit suffisant pour financer l’offre de biens et de services requise localement.
Par ailleurs, afin que l’impôt puisse prendre des allures de prix, et ainsi conduire à une adéquation entre
l’offre et la demande locale d’interventions publiques locales, il est indispensable que les responsables des
collectivités soient en mesure de moduler les montants prélevés. La fiscalité revêt à ce moment-là un rôle
responsabilisant193. Sa capacité, localisée, de modulation constitue l’un des impératifs à valoir pour que la
fourniture de biens publics locaux s’effectue dans la proximité ou dit autrement, pour qu’elle soit
décentralisée (cf. Chapitre introductif). Avant d’être qualifié de « bon », un impôt local doit alors remplir des
conditions (nécessaires) d’équité, d’efficacité, de modularité.
Il importe encore que l’impôt local satisfasse à des conditions, politiques, de partage entre niveaux de
gouvernement. La décentralisation suppose en effet que les gouvernements centraux se dessaisissent d’une
part de leur pouvoir de taxation, au profit des entités décentralisées. Cette dévolution ne va pas de soi, la
capacité d’extraction de ressources fiscales constituant une des prérogatives majeures et historiques de l’Etat
(Bourdieu, 1993 ; Pérez, 2011). Le compromis autour de la répartition s’établit difficilement ; il demeure
contingent (cf. Encadré 5). Son résultat est en conséquence plus ou moins favorable aux gouvernements
subnationaux (Gilbert, Guengant, 2001 ; Le Lidec, 2007). Il reste que, dans quasiment tous les pays, les
ressources issues des taxes constituent invariablement un moyen de financement à disposition des entités
locales (Joumard, Kongsrud, 2003 ; Dexia Crédit Local, CCRE, 2011). Le terme de décentralisation fiscale
trouve néanmoins rarement à s’appliquer. Ici comme ailleurs, la souveraineté locale en matière de taxation
est partielle (Dafflon, Madiès, 2008) ; elle existe principalement en tant que dérivé du pouvoir fiscal détenu
192Au nom des propriétés mêmes des biens publics locaux (cf. Chapitre introductif).
193Les gouvernants pourraient être tentés de multiplier les réalisations, et les dépenses, en vue de maximiser leurs chances de
réélection. Les contraintes d’équilibre des budgets les conduiraient alors à élever le prix demandé aux contribuables, au risque de
perdre des suffrages. De leur côté, les gouvernés seraient susceptibles d’exprimer de nouveaux besoins et de solliciter une expansion
de la gamme des services qui leur sont proposés. Les montants figurant sur leurs avis d’imposition s’élèveraient néanmoins en
conséquence. Chacune des deux parties a donc intérêt à ce que le prix demeure modéré.
Nous empruntons les termes de gouvernants et de gouvernés à la consultation lancée par le PUCA en 2007 intitulée « La citoyenneté
urbaine - Formes d’engagement et enjeux de solidarité - La citoyenneté fiscale locale » et au programme de recherche qui s’en est
suivi, auquel nous avons participé (cf. Volume 1).
115
par le gouvernement central (Steckel-Montes, 2005). Tout autant, les études juridiques sur le sujet attestent
(Hastings-Marchadier, 2002 ; Bouvier, 2011a, 2011b ; Tartour, 2012) que si la notion d’autonomie financière
des collectivités a fait l’objet d’une reconnaissance constitutionnelle, celle d’autonomie fiscale locale n’a pas
de consistance légale194.
Les conditions mêmes de perception de l’impôt local contreviennent aux qualités de ce dernier. En effet, s’il
est malaisé de se prononcer sur la plus ou moins grande justice de l’impôt (local), cette notion pouvant
difficilement être définie (Bouvier, 2002), le caractère équitable des contributions locales pose lui-même
inévitablement question. L’équité des prélèvements au regard des contribuables peut en effet être envisagée
soit de façon verticale195, soit de façon horizontale196. Les dispositifs fiscaux ménagent peu ou prou les
conditions d’équité verticale ; des aménagements techniques peuvent leur être apportés dans ce sens. Par
définition, dans un contexte décentralisé, les offres locales de biens diffèrent. Ce qui fait inévitablement
obstacle à la concrétisation du principe même d’équité horizontale. Celui-ci entre en butte avec d’autres
principes, relevant des modalités d’organisation institutionnelle et politique.
Pour l’impôt local, remplir chacune des conditions nécessaires mentionnées n’est en outre pas suffisant. Il
ne s’agit pas seulement de satisfaire à chacun de ces critères mais bien de les respecter simultanément. Une
telle conciliation est difficilement réalisable, voire relève de l’aporie. Un impôt de capitation est par exemple
un des modes de taxation les plus efficaces197. Il est aussi l’un des moins équitables puisqu’il ne prend pas en
compte les capacités contributives des redevables. Tout se passe comme si tout gain dans le registre de
l’efficacité se traduisait inévitablement par des coûts (ou des pertes) dans celui de l’équité (Gilbert, 2009).
Ainsi peut-on en conclure que l’impôt local optimal n’existe pas (Gilbert, Guengant, 1998).
Une des façons de réduire les défauts inhérents à tout dispositif de taxation consiste alors à en instaurer
plusieurs. Ainsi s’explique, au moins pour partie, le caractère composite du panier fiscal à disposition des
collectivités198. Dans les faits, les prélèvements sont opérés par l’intermédiaire de multiples contributions,
impôts ou taxes199 ; ils reposent sur diverses catégories de contribuables et touchent une variété de biens ou
d’activités taxables. Diluer les imperfections ne les supprime pas pour autant. Leur persistance expliquerait
les multiples réformes ou adaptations dont les outils de taxation ne cessent de faire l’objet.
194 La notion d’autonomie financière a été introduite dans la Constitution par la révision du 28 mars 2003 à l’article 72-
2 C (cf. Chapitre 1). La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (Assemblée nationale) a conduit des réflexions
sur des possibilités de constitutionnalisation de la notion d’autonomie fiscale et le sujet fait toujours débat.
195 L’impôt est alors proportionné aux capacités contributives des redevables.
196 Au sens de la taxation optimale ou la taxation égale des égaux (telle qu’on la doit à Pigou, 1929), des contribuables à capacités
contributives semblables et retirant des bénéfices analogues de leur consommation de biens publics locaux devraient être taxés de
façon identique. Les deux facettes de l’équité (verticale et horizontale) entre contribuables sont complémentaires et difficilement
dissociables (Guengant, 1993a). Leur conciliation ne va cependant pas de soi. Sa mise en pratique supposerait en effet une
appréciation de l’utilité retirée par chacun de l’offre de biens produite localement.
197 Le principe est ancien puisqu’une imposition par tête payable par tous les sujets avait été créée par Louis XIV en 1695 (Touzery,
1994). Il a été mis en place plus récemment avec la poll tax, instituée localement au Royaume-Uni dans les années 1990. Cette forme
de taxation répond à un principe de justice commutative : chacun doit payer la même somme, au nom d’un égal accès aux utilités
produites par les puissances publiques avec les produits des contributions.
198 Ainsi G. Gilbert et A. Guengant notaient-ils (en 1998) que les ménages français, imposés soit en tant que producteurs, soit en tant
que consommateurs, soit encore en tant que détenteurs de biens, étaient susceptibles d’être assujettis à 33 taxes locales différentes
en dehors des quatre (grands) impôts locaux. Peu d’entre elles ont été supprimées depuis, de nouvelles ont vu le jour. Le dispositif
fiscal s’adapte ainsi aux réalités économiques et politiques, tout en gagnant inévitablement en complexité et en laissant en
permanence ouvert le chantier de sa simplification (Kouraleva-Cazals, 2016).
199 Les vocables de taxe, d’impôt et de contribution sont utilisés alternativement même si des différences conceptuelles peuvent les
séparer. Le terme de taxe est généralement réservé aux prélèvements assortis d’une contrepartie (par exemple, la Taxe d’Enlèvement
des Ordures Ménagères, acquittée pour l’usage du service mais sans proportionnalité effective avec les quantités de service
consommées). Les terminologies adoptées, y compris par les fiscalistes, ne respectent pas toujours ces distinctions (la taxe
d’habitation, par exemple, fait partie des impôts à vocation générale, non affectés à la couverture de dépenses particulières et non
liés à la consommation de biens publics locaux spécifiques).
116
Hésitant et évoluant entre des objectifs et principes difficilement conciliables, bousculé par des
modifications, complexifié par de multiples ajustements (Guelton, 2016), l’édifice fiscal est pratiquement
condamné à rester en équilibre instable.
La tension entre l’importance des produits fiscaux au sein des budgets des collectivités et l’instabilité même
de la structure sur laquelle ces prélèvements reposent, la pluralité des points de vue sous lesquels ils peuvent
être considérés… constituent des points d’intérêt de la fiscalité locale, justifiant son examen.
Au-delà, il nous semble que les analyses dédiées à la fiscalité locale possèdent une vocation heuristique.
Celle-ci se manifeste d’une double façon, en écho aux lignes directrices qui guident notre approche ainsi
qu’au regard des objets mêmes que nous avons choisi d’observer.
En premier lieu, nous l’avons explicité, notre approche se veut à la fois systémique, territorialisée et
diachronique. La fiscalité locale requiert à notre sens cette complémentarité de regards analytiques.
Tout d’abord, la répartition des charges fiscales entre impôts induit de fait des interdépendances entre ces
différents outils de taxation et partant, entre les contribuables supportant les paiements. Ainsi, est-il
préférable de taxer les ménages ou les entreprises, d’imposer les détenteurs de biens ou leurs usagers ? Ces
relations systémiques internes se doublent de relations externes entre les dispositifs fiscaux, le budget local
et son environnement. Par exemple, compte tenu de ses limitations, la fiscalité ne peut être une ressource
exclusive et d’autres instruments financiers sont mobilisés, en complément ou en substitution, afin de
parvenir aux solutions retenues par les décideurs locaux en matière d’équilibre budgétaire ou en cohérence
avec leurs objectifs politiques. Les redevances ou les paiements effectués par les usagers en contrepartie de
leurs usages des services publics locaux constituent dans certains cas des alternatives à l’imposition (Navarre,
2014c). Par exemple encore, les représentants locaux n’ont pas la compétence de créer des taxes qui
vaudraient uniquement pour leur collectivité ; leurs pouvoirs de taxation sont strictement encadrés par un
ensemble de dispositions juridiques et normatives. L’édifice fiscal est pris dans des logiques verticales et ainsi,
dans un faisceau de dépendances extérieures qui contribue à le modeler. Soit autant d’éléments pour
évoquer la nécessité de son analyse systémique.
Ensuite, par définition ou par construction, l’impôt revenant aux collectivités est le plus généralement
localisé, ou bien encore territorialisé. Il porte sur des logements, des biens fonciers et immobiliers… présents
au sein d’une circonscription administrative de taxation. Les revenus des activités donnant lieu à imposition
sont, au moins pour partie, générés localement. La matière taxable entretient ainsi un lien avec le territoire
d’imposition200. Les élus locaux exercent leur pouvoir de taxation uniquement au sein du périmètre de la
circonscription qu’ils représentent. La fiscalité locale se déploie donc selon des ressorts locaux et des logiques
horizontales. De ce fait, comprendre les enjeux qui la traversent suppose de ne pas s’en tenir à un regard
national, ou d’ensemble ; ce que font pourtant bon nombre de travaux qui lui sont dédiés (Allé, Navarre,
2015). Cette compréhension nécessite bien au contraire de procéder à des analyses elles-mêmes
territorialisées.
Enfin, même si les « quatre vieilles »201 font encore référence, elles n’existent plus en tant que telles. Pour
autant, les vagues réformatrices successives n’ont pas totalement transformé les principes selon lesquels
elles étaient établies. Les coûts politiques des réformes fiscales sont souvent si élevés qu’ils conduisent à les
différer (Gilbert et al., 2001 ; Allé, 2017).
200 Certes de façon plus ou moins étroite. La (dé)territorialisation de l’impôt local est ainsi discutée (cf. infra).
201 Elles sont ainsi nommées car leurs principes fondamentaux datent de la Révolution française (Mériaudeau, 1988 ; Vallin, 1989).
Elles sont restées pratiquement inchangées jusqu’en 1914 (André, Delorme, 1991). Il s’agissait alors de la contribution mobilière, de
la contribution foncière, de la patente et de l’impôt sur les portes et fenêtres qui a rapidement disparu (Spire, 2009). Le dispositif a
été principalement modifié en 1973, posant les dispositions pratiques de taxation pour la taxe d’habitation (s’apparentant à la
contribution mobilière et acquittée par les occupants d’un local à usage d’habitation), la taxe foncière sur les propriétés bâties et
celle sur les propriétés non bâties (proches de la contribution foncière et acquittées par les propriétaires des biens) et en 1975 pour
la taxe professionnelle (encore connue sous le nom de patente et portant sur les activités économiques).
117
Malgré tout, les dispositions évoluent : la taxe professionnelle a vécu et la fin de la taxe d’habitation est
maintenant annoncée. En tout état de cause, le rôle budgétaire de l’impôt local se transforme : nous avons
fait état d’une fiscalisation progressive des recettes (réelles de fonctionnement) locales, ainsi que d’une
accentuation récente de la dépendance des budgets des collectivités à ce type de ressources (cf. Chapitre 1).
De la sorte, une part de l’état actuel de la fiscalité trouve ses origines dans les états qui l’ont précédé, que la
situation du moment prolonge ou dont elle se démarque. L’analyse des dispositions en cours mérite d’être,
peu ou prou, située dans ces (dis)continuités.
De la sorte apparaissent finalement autant de références à la notion de système, à celle de territoire et à
celle de trajectoire temporelle, enjoignant au mode d’approche proposé. Cette conjonction est favorable,
voire indispensable, à la réunion d’éléments éclairants quant au mode de fonctionnement non seulement du
système fiscal local mais également du système financier local dans son ensemble. En retour, si le mode
d’investigation est probant, cela fournit autant d’arguments pour l’étendre à d’autres composantes du
système financier lui-même.
Ajoutons que la lecture que nous proposons d’effectuer selon ces modalités demeure dans les
prolongements de l’économie publique locale à laquelle nous nous référons. Ces références sont utiles pour
qualifier les politiques locales (dont les prélèvements fiscaux sont des constituants), les dimensions localisées
de la taxation ; elles sont nécessaires à des fins d’explicitation d’éléments qui nous importent, tels ceux
relevant des comportements à la fois individualisés202 et inscrits dans des logiques collectives. Nous nous
éloignons cependant d’une approche purement économique de l’imposition locale. Une telle analyse est
assurément indispensable en ce qu’elle « fournit une grammaire rigoureuse et irremplaçable sur au moins
sur deux points. Elle permet, d’une part, d’identifier voire de mesurer les effets d’un système fiscal existant
sur les comportements des agents économiques (résidents et entreprises). D’autre part, elle sert à juger de
la pertinence du système fiscal actuel ou de celle d’éventuelles réformes à l’aune de critères normatifs posés
a priori, tels que l’efficacité économique ou l’équité. (Gilbert, 2009). Cependant, nous ne cherchons pas
réellement à rendre compte des incidences de la fiscalité sur les redevables et notre angle de vue ne se veut
ni évaluatif, ni prescriptif. Descriptive, notre construction vise plutôt à identifier les dimensions territoriales
de l’impôt local et ses liens avec l’action publique locale. Ce que l’analyse économique stricto sensu ne permet
pas, ou pas entièrement, de révéler. Nous nous en démarquons alors, cherchant plutôt à révéler ce que celle-
ci laisse dans l’ombre, parce que tel n’est pas son objet.
En second lieu, nous avons proposé de retenir comme objet central la notion de politique financière locale.
Cette dernière sous-entend celle de politique fiscale locale. A l’intérieur de limites légales, les élus locaux
disposent de latitudes pour faire varier annuellement le taux d’un certain nombre de taxes. Ce qui engage
des choix, en continuité ou en rupture par rapport à ceux effectués par le passé. En outre, ces décisions
peuvent être analogues ou distinctes de celles prises dans des collectivités voisines et/ou dans celles d’un
autre rang. Si les délibérations portent sur les montants de produits nécessaires afin de parvenir à l’équilibre
du budget de la collectivité, elles ne peuvent aller sans intégrer des considérations relatives à la pression
fiscale qui en résulte pour les contribuables. Preuve en serait la forte présence de considérations relatives
aux impôts locaux dans les argumentaires qui accompagnent les campagnes électorales, notamment
municipales. La temporalité des scrutins affecte d’ailleurs non seulement le rythme des dépenses locales
mais également la temporalité des évolutions des taux de taxation (Pentecôte, Binet 2006). L’impôt local
incorpore alors, dans sa pratique territorialisée, des considérations d’ordre politique et/ou politicien ; son
analyse s’inscrit de fait dans celle des polities, des politics et même des polities (cf. Chapitre introductif).
202 Soit encore une approche dite « micro » (en référence à la microéconomie).
118
De toute évidence, des matériaux quantitatifs (tels ceux que nous avons réunis et analysés) ne sont pas
propices à l’appréhension de l’ensemble des constituants entrant dans les décisions fiscales locales. Nous
portons en effet principalement attention sur des résultats de ces choix, au travers des valeurs des taux
d’imposition, des produits perçus et de leurs variations. Si ces composants représentent des dispositions
emblématiques des politiques fiscales, ils n’en épuisent assurément pas le contenu203. Nous nous proposons
néanmoins de structurer les éléments d’observation réunis sur ces points afin de donner corps, au moins
partiellement, à la notion de politique fiscale locale. Ce qui est une manière de conférer, par contrecoup, des
contenus à celle, voisine et dépendante, de politique financière locale. Ce qui est encore une façon de justifier
l’analyse des contenus effectifs et localisés de cette dernière selon le mode d’approche proposé.
En cohérence avec ces lignes générales, nous structurons les résultats de nos explorations autour de trois
points qui nous semblent majeurs. Ils convergent pour attester de décalages certains entre les principes
fondant a priori une organisation financière décentralisée (sous-entendant une disponibilité pour les
gouvernements subnationaux de produits fiscaux territorialisés, modulables et proportionnés aux missions
qui leur sont dévolues) comparativement aux réalités localisées des prélèvements fiscaux, à celles des
politiques locales de taxation.
Le premier point a trait aux bases taxables à disposition des collectivités ; celles-ci constituent en effet la
matière même sur laquelle les élus locaux exercent leurs choix de taxation. Nous mettons en évidence que,
dans l’ancien système fiscal local comme dans celui qui lui a succédé avec la réforme intervenue en 2010 et
en dépit de nuances selon les conventions d’évaluation adoptées, la distribution des bases d’imposition fait
l’objet d’une forte différenciation territoriale. Dit autrement, les conditions d’exercice des politiques fiscales
sont inégalement réparties entre collectivités (1). Le second point tient au constat que, nonobstant ces
inégalités de fait ou de situation, tous les représentants des collectivités ne se saisissent pas de la même
manière des latitudes de modulation, de majoration… des taux d’imposition dont ils sont pourtant
détenteurs. La modération des évolutions de pression fiscale amène à mettre en questions l’effectivité du
pouvoir local de taxation (2). Le troisième point porte sur les produits perçus localement. Logiquement, ces
derniers dépendent bien de l’importance de la matière taxable, de l’intensité de la pression exercée sur cette
assiette. Aussi examinons-nous quels sont les montants des contributions, dans leurs liens de dépendance
avec les situations et les « préférences » locales ; nous dessinons les contours de la géographie fiscale qui en
résulte. Quelles représentations des territoires, à l’aune du système fiscal local ? Quelles transformations à
bas bruits laisse présager le fonctionnement du dispositif réformé de taxation, quand celui-ci se présente
comme ménageant une neutralité territoriale ? Une attention particulière apportée aux ensembles
métropolitains nous conduit à révéler des tensions, potentielles ou effectives, actuelles ou à venir, entre les
réalités des ressources fiscales locales et les ambitions politiques dont ces territoires sont porteurs (3). Ainsi
organisés, nos résultats nous conduisent, de façon conclusive, à proposer des pistes complémentaires de
travaux, fédérées autour des notions de résilience, de soutenabilité et d’austérité, notions dont nous avons
révélé qu’elles possèdent une portée fédératrice pour des analyses du système financier, et fiscal, local.
203Celles-ci peuvent par exemple comporter des mesures d’abattements, d’exonérations… afin de tenir compte de situations
particulières. Des stratégies d’optimisation, d’observation fiscale peuvent être mises en œuvre. La communication et le marketing
local sont diversement organisés en écho aux choix fiscaux, etc.
119
Encadré 5 – Le système fiscal local, un édifice en tensions
Nous mentionnons quelques-unes des caractéristiques des impôts revenant aux collectivités, et notamment celles qui
tiennent aux lignes de partage des taxes et des pouvoirs de taxation entre niveaux de gouvernement. Les éléments
évoqués ne sont assurément pas exhaustifs. Ils nous apparaissent cependant comme essentiels au sens où ils
contribuent à définir le contexte dans lequel se construisent les politiques fiscales des collectivités, où ils préfigurent
des tensions traversant le système fiscal local dans son ensemble.
204 Par nécessité d’adéquation des charges et des moyens, des impôts partagés (entre niveaux de gouvernement) ont ainsi fait leur
entrée avec la décentralisation, en direction des régions et des départements. Les institutions régionales et départementales ont en
commun avec l’Etat quelques impôts (l’ex Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers TIPP devenue Taxe Intérieure de Consommation
sur les Produits Energétiques TICPE), la TSCA (Taxe sur les Conventions d’Assurance), par exemple.
205 La taxe d’habitation, les taxes foncières sur les propriétés bâties ou non, la taxe professionnelle et désormais la contribution
économique territoriale (CET) leur sont exclusivement dédiées. Dit autrement, elles en exploitent l’assiette fiscale et perçoivent
l’intégralité des produits, à l’exception des frais de gestion revenant à l’Etat.
120
Jusqu’en 2010, la plupart des taxes locales étaient superposées : l’assiette de taxation était commune et chaque
collectivité fixait son taux d’imposition206. L’arrangement ainsi conçu était pragmatique : chacune des entités locales,
de tout niveau, disposait d’un pouvoir de taxation ; elle était présumée en mesure de se procurer les produits
nécessaires à l’équilibre de son budget, à l’exercice de ses compétences, sans empiéter sur les prérogatives des autres.
L’empilement fiscal était construit à l’image de celui qui vaut sur le plan institutionnel, sur la base de l’autonomie de
chaque entité et sur fond d’absence de relation de tutelle entre collectivités.
La superposition des taxes est reconnue comme générant des défauts majeurs. Entre autres, elle suscite une absence
de lisibilité pour les redevables, une complexité s’opposant à une réelle imputabilité de la responsabilité, en cas de
variation du montant à acquitter ; ceci limite l’acceptabilité des contributions207. A contrario, l’impossibilité pour les
assujettis d’imputer à un niveau de gouvernement la responsabilité des charges fiscales favoriserait les possibilités de
transfert de blâme entre les élus des divers échelons (Le Lidec, 2011 ; Caune, 2014) ; ce qui pourrait encourager des
recours immodérés aux impôts. En tout cas, la structure de l’édifice fiscal l’éloignerait de ses fondements
démocratiques, politiques et économiques ; elle contiendrait en elle-même ses propres limitations et les entretiendrait.
Le second défaut208 imputé à la superposition fiscale tient à l’absence de relation entre la nature des compétences
principalement exercées par chaque type de collectivité et celle des taxes qui lui reviennent. Le gouvernement des
charges est certes généralement administré indépendamment de celui des ressources, et nous en faisons les frais
(Hertzog, 2012b). Le postulat d’une nécessaire équivalence fonctionnelle ou sectorielle entre le domaine d’action et
celui des impôts perçus est néanmoins discutable. Il revient à supposer que les décisions au sein des collectivités
obéissent à une rationalité effective, que celle-ci repose sur un substrat principalement financier. Par ailleurs, ce
postulat conduit, au moins implicitement, à nier le mécanisme de solidarité et la vocation généraliste de l’imposition,
quand tous deux président à son fondement. L’enchevêtrement des compétences et la conduite de politiques multi-
niveaux, la nécessité d’actions transversales … suffiraient à atténuer la portée du défaut invoqué, alors plus présumé
que réel.
En vue de réduire les limites inhérentes à la superposition, dans un but de lisibilité et de transparence, la réforme de la
fiscalité locale intervenue en 2010 (cf. infra) visait une spécialisation des taxes et donc, la réservation de certaines
d’entre elles à un type de collectivité plutôt qu’à un autre (Guengant et al., 2010).
Conduite avec la volonté d’éviter la création de nouvelles contributions, la spécialisation s’opère par un jeu de
bonneteau. Des taxes sont enlevées à un niveau de gouvernement pour être remises aux autres. La suppression de la
taxe d’habitation s’inspirera de principes analogues. Lors de tels transferts, les rivalités entre types de collectivités sont
avivées, chacun étant attentif aux volumes des impôts qui lui reviennent. Soit encore des jeux d’intérêts et des rapports
de forces à même d’occulter les questions relatives aux qualités intrinsèques des impôts. Les montants des taxes
transférées ne sont en outre pas nécessairement équivalents : un certain nombre de produits fiscaux doivent être
répartis entre les différents types de collectivités de façon à préserver les équilibres budgétaires de de chacun. Pour
être acceptable et acceptée, toute modification ou réforme de l’édifice existant doit en effet préserver les ressources
antérieurement perçues par chaque type de collectivité. Ce principe de neutralité est ensuite décliné à chacune d’entre
elles : des mécanismes de compensations sont institués de façon à limiter voire à annihiler des modifications dans les
ressources qui lui reviennent. En conséquence, la spécialisation est partielle et la lisibilité du nouvel arrangement en
ressort brouillée. La portée de modifications substantielles s’effrite, sous l’effet d’objectifs politiques et techniques
difficilement conciliables.
relatif à la suppression de la taxe d’habitation et au devenir des taxes locales, de leur répartition…).Il est par exemple régulièrement
avancé que les élus conduiraient localement des politiques en matière de développement économique d’autant plus intenses qu’ils
pourraient en escompter des retours fiscaux pour leur collectivité, reconnue compétente dans le domaine.
121
locales demeure marquée, de tous temps. Cette présence n’est cependant pas seulement tutélaire, juridique ou légale,
elle est également politique et financière.
La fiscalité des collectivités souffre en effet de multiples défauts et chacun s’accorde à reconnaitre la nécessité de la
réformer. Le coût politique de changements substantiels est tel que ces derniers sont fréquemment différés et
remplacés par des ravaudages successifs : des réductions sont accordées aux contribuables en vue de rendre les taxes
plus équitables, plus adaptées à leurs capacités contributives… Ainsi par exemple, le montant de la taxe d’habitation
est-il plafonné en fonction du revenu des redevables (depuis 1990 et 2000). Celui de la taxe professionnelle l’était
également, en fonction de la valeur ajoutée produite par les entreprises. Il a été décidé (en 1999) de ne plus retenir une
fraction des salaires versés par les employeurs dans l’assiette de cette taxe. L’Etat intervient financièrement de façon à
compenser les manques à gagner pour les collectivités générés par de telles mesures de dispenses de paiement. Le
contribuable national devient de la sorte, de plus en plus, un des contributeurs majeurs pour les budgets des
collectivités. De ce fait, la fiscalité dont bénéficient ces dernières devient de moins en moins locale (Fréville, 2003 ;
Valletoux, 2006 ; Guengant et al., 2008a). Les compensations constituent en outre autant de charges pour l’Etat,
alourdissant ses dépenses et contribuant à son déficit. Ce qui est antinomique avec le mouvement de redressement des
comptes publics dans lequel il est engagé ou auquel il est contraint. Les effets accumulés de ces substitutions, bien
qu’elles ne soient pas des mesures directement visibles, deviennent de la sorte des causes de changements profonds,
de réformes jusqu’alors différées (Passavant-Guion, 2017).
En se construisant progressivement en vue de ménager des principes souvent antagonistes, en tentant de concilier des
velléités de changements et de perpétuation de situations héritées, le système fiscal local prend des allures d’un édifice
aux contours fours et aux contenus hétéroclites. Il est en particulier parcouru de tensions inhérentes aux partages
verticaux et horizontaux des contributions ainsi que des pouvoirs de taxation. Nonobstant ces défauts ou ces tensions,
l’instabilité dont ils sont source, il fonctionne et perdure…
122
1-Des collectivités inégalement dotées en capacités de taxation
Nous avons explicité les raisons de notre choix en faveur d’analyses territorialisées de la fiscalité locale. Dit
autrement, celles-ci ont précisément pour objectif de révéler les spécificités territoriales émergeant dans le
registre fiscal, de repérer quels sont les écarts séparant les territoires en matière de taxation, d’identifier les
mécanismes à l’origine de cette variabilité voire quelques-unes de leurs incidences. L’intégration de cet ordre
de différences est indispensable à la fois sur le plan de l’analyse des réalités financières locales comme sur
celui des politiques suscitées par ces dernières (Uhaldeborde, 1984).
Selon les analyses existantes, les différences dans les produits fiscaux perçus par les collectivités se forment
sous le poids d’au moins deux effets majeurs, intervenant de façon conjointe (Gilbert, Guengant, 2004). L’un
d’eux tient à la manifestation d’effets de situation : le patrimoine en bien taxables ou encore la matière
imposable, telle qu’évaluée (cf. Encadré 6), n’est pas identique dans toutes les circonscriptions de taxation.
A taux d’imposition donnés, plus la valeur de ce patrimoine est élevée, plus l’impôt est en mesure de produire
un rendement important. Toutes les collectivités ne sont de ce fait pas égales face à la capacité de tirer parti
des recettes issues de la taxation.
Un autre de ces effets réside dans l’expression locale des préférences ou encore des choix politiques :
collectivité par collectivité, les habitants et les élus qui les représentent n’ont pas les mêmes besoins ou
inclinaisons en matière de services publics locaux. Partant, les volumes de ressources fiscales nécessaires
pour répondre à cette demande ne sont pas identiques. A bases d’imposition données, les taux de taxation
diffèrent alors. Ces taux et leurs variations annuelles peuvent être tenus comme des descripteurs des
préférences en question ; ils rendent à la fois compte des choix politiques effectués pour la détermination
des produits à percevoir et de la pression fiscale s’exerçant sur tout contribuable, compte tenu de la valeur
imposable de ses biens taxés.
Les effets de situation et les effets de préférence sont très probablement interdépendants. On peut supposer
que l’expression de la demande sociale d’équipements et de services locaux entretient des liens avec les
revenus des habitants et partant, avec la valeur des biens (notamment résidentiels) dont ces derniers sont
détenteurs et/ou usagers (Breuillé et al., 2019 ; Carbonnier, 2019). Selon les hypothèses de Tiebout
(cf. Chapitre introductif), les taux de taxation sont à même de susciter une mobilité des bases d’imposition.
Dans maintes représentations, le poids des contributions locales est un facteur influant sur la localisation des
activités économiques et en conséquence, sur la disponibilité de la matière imposable209. Les préférences
auraient ainsi des incidences sur les situations, et réciproquement.
Tout en prenant acte de ces dépendances systémiques, nous analysons les effets mentionnés de façon
successive. Aussi, nous nous attachons tout d’abord à l’examen de la distribution de la matière imposable
entre collectivités. Quelles sont les inégalités séparant effectivement ces dernières sur ce plan-là ? Quels
peuvent être des facteurs à l’origine des différences voire encore de similitudes dans les situations ?
Par construction, les modalités administratives et conventionnelles d’évaluation des bases d’imposition à la
fiscalité locale induisent des effets de distanciation par rapport à la valeur effective de chacun des biens taxés
(cf. Encadré 6). La Valeur Locative Cadastrale (VLC), telle qu’elle sert à la détermination de l’assiette
imposable pour la plupart des éléments fonciers et immobiliers soumis à impôt (cf. Annexe 2), est conçue
comme un loyer théorique, indépendant des faits de marché. Les mécanismes uniformes d’actualisation
annuelle accentuent les écarts en faisant abstraction des évolutions réelles de chacun des éléments de
209Les études disponibles indiquent que le choix de localisation des entreprises est largement indépendant de la fiscalité locale
(Houdebine, Schneider, 1997 ; CPO, 2010 ; Deltour-Becq, 2014). Le levier fiscal apparait d’ailleurs de moins en moins comme un
facteur d’attractivité du territoire à l’égard des activités économiques.
123
patrimoine pris en compte. Les constructions et réalisations nouvelles ne sont pas mieux loties. Il existe de
ce fait des distorsions entre le prix de chacun des biens fonciers et immobiliers, ses évolutions et la réalité de
la base taxable. A contrario, la valeur administrative de la base entretient des liens avec les caractéristiques
du bien (sa surface, une appréciation de son confort, son positionnement relatif dans la hiérarchie des valeurs
locales…). Nous ne cherchons pas à apprécier ces effets de distanciation et de proximité, bien par bien. Nous
considérons plutôt le volume d’ensemble des bases taxables à l’échelle des entités locales, en tant qu’ils
constituent un reflet, plus ou moins fidèle, de la situation territoriale. Nous formulons l’hypothèse que ce
volume est à l’image des caractéristiques d’ensemble des patrimoines fonciers et immobiliers présents, des
vagues d’urbanisation, des aménagements et des transformations du territoire ainsi que de ses dynamiques
de développement. L’importance de la matière imposable est en conséquence tenue comme un descripteur
singulier des réalités territoriales ; elle peut être mise en perspective avec les représentations qui sont
couramment usitées afin de rendre compte de ces dernières.
A partir de ces fondements, nous observons la répartition de la matière imposable en considérant isolément
la taxe foncière sur les propriétés bâties et ce, en nous situant au plus près des spécificités du système
d’imposition et des réalités territoriales (1-1). Cette vision est ensuite complétée par une autre, tout aussi
réaliste, établie sur la base d’une évaluation plus large, cohérente avec le caractère composite du panier
fiscal des collectivités : elle se fonde sur la notion, conventionnelle et usuelle, de potentiel fiscal ou financier
(1-2).
124
1-1-Des facteurs contribuant à la distribution différentielle des bases
d’imposition
Les contributions foncières constituent, nous l’avons évoqué, la pièce maîtresse des édifices fiscaux locaux
(cf. Encadré 6). La taxe foncière sur les propriétés bâties, telle qu’elle est pratiquée en France, joue ce rôle ;
elle condense de la sorte tout ou partie des enjeux théoriques majeurs relatifs à ce mode d’imposition. Aussi
revenons-nous sur les analyses que nous lui avons consacrées. D’ailleurs, paradoxalement et dans un grand
écart par rapport à son caractère primordial, cette contribution locale a suscité relativement peu d’études
ou de recherches. Tel est l’un des constats dressés par C. Mingou (2011) à l’occasion de son travail doctoral
portant sur les liens entre la taxe foncière et les stratégies communales de développement territorial.
L’importance quantitative de la taxe au sein des recettes fiscales et des budgets des collectivités accroît
l’attention à lui porter. De longue date, en termes de produits, cette taxe foncière se plaçait en seconde
position, derrière la taxe professionnelle qui demeurait la plus productive210. Actuellement, elle arrive en
tête, représentant 39% des produits d'imposition perçus par les collectivités211. Elle est centrale pour les
communes et leurs intercommunalités qui en reçoivent plus de 57%. Elle possède en outre un caractère
stratégique pour les départements, non seulement en ce qu’ils sont attributaires des 43% restants mais
surtout parce que cette contribution reste (quasiment) la seule dont leurs élus peuvent moduler le taux212.
Des variations territoriales dans les dotations en bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties
Nous avons cherché à concrétiser les orientations d’ensemble précédemment évoquées en les confrontant
à l’analyse d’un matériau empirique aussi adapté que possible (Fritsch, Navarre, 2012).
Dans un premier temps, compte-tenu de la faible disponibilité des données, pour nos observations détaillées
de la distribution des bases (nettes)213 d’imposition à la taxe foncière, nous avons choisi de retenir
uniquement les communes de la région Pays-de-Loire et de la région Ile de France214. A défaut d’être
représentatif, le panel est illustratif de la diversité des situations socio-urbaines présentes au sein du
territoire national. Plusieurs constats ressortent des premières observations statistiques.
En premier lieu, il apparait une forte hétérogénéité inter et intra régionale dans la distribution des bases de
la taxe215 : les communes sont inégales devant la capacité à lever cet impôt.
En second lieu, une première cartographie des valeurs communales moyennes des bases (exprimées
en €/hab) indique que la géographie de ces dernières est conforme aux représentations ou intuitions
courantes. Les montants unitaires sont par exemple plus élevés dans les parties agglomérées, dans les
centres urbains et à leur périphérie ; ils décroissent selon un gradient progressif lorsque l’on s’éloigne vers
les zones péri-urbaines puis rurales. Une prime est de la sorte accordée à l’urbain216.
210 En 2009, la taxe rapportait environ 22 milliards d’€ quand le produit de la taxe professionnelle s’élevait à un peu plus de
31 milliards d’€, le produit des 4 principales taxes locales avoisinant 71 milliards d’€, celui des recettes totales des collectivités étant
proche de 214 milliards d’€ (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2011).
211 En 2017, avec un produit proche de 33 milliards d’€ (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019).
212 La suppression en cours/annoncée de la taxe d’habitation modifiera cet état de fait : la taxe foncière départementale devrait
revenir aux collectivités du bloc local, accentuant le rôle primordial qu’elle joue déjà pour les communes (et leurs intercommunalités
à fiscalité propre).
213 Bases nettes telles qu’elles sont accessibles, département par département, à partir du site http://www.impots.gouv.fr/. Le fait
de raisonner sur les bases nettes plutôt que sur les bases brutes n’emporte pas de distorsion majeure, au regard de la dotation des
communes en bases d’imposition. Les premières sont égales aux secondes, diminuées des exonérations à la taxe. Celles-ci sont à la
fois rares et peu fréquentes s’agissant de la taxe en question. Au niveau national et pour les communes (en 2014), l’écart entre bases
brutes et nettes est à peine d’1% ; il s’élève par exemple à près de 15% pour la taxe d’habitation (source : fichier DGF 2015).
214 Soit 282 communes pour la première et 1 300 pour la seconde.
215 Le rapport entre les valeurs communales extrêmes des bases (exprimées en €/hab) est par exemple proche de 70 en Ile de France,
davantage du fait de l’abondance des services présents dans les villes (en écho finalement avec les mécanismes de capitalisation –
125
Les valeurs sont également fortes le long du littoral atlantique, là où coexistent des résidences secondaires,
des activités et services liés au tourisme. Ces constats laissent bien entendre que la distribution des bases
entretient des relations avec les modes d’occupation de l’espace, avec les densités de peuplement ainsi
qu’avec les structures productives des régions considérées et encore, avec la localisation des activités en leur
sein. Ce qui conforte l’hypothèse que nous avions émise : en dépit de la façon dont elles sont évaluées, les
valeurs des assiettes imposables sont représentatives des réalités territoriales.
Dans un second temps, un protocole statistique systématique217 a été élaboré en vue de compléter ces
premiers éléments d’observation. Les explorations ont été conduites pour l‘ensemble des communes
urbaines de plus de 10 000 habitants218 et leurs bases (brutes) d’imposition. Deux éléments essentiels de
résultats apparaissent. D’une part, les rendements marginaux de l’habitat collectif sont en général plus élevés
que ceux de l’habitat individuel. D’autre part, ceux des activités non présentielles l’emportent sur ceux des
activités présentielles219 (avec toutefois des nuances notables selon les profils économiques et la
structuration morpho-sociologique des territoires considérés).
Les éléments d’évaluation obtenus mériteraient de toute évidence d’être consolidés avant quelque
généralisation que ce soit220. A supposer qu’ils soient confirmés, on ne saurait pour autant conclure, sans
autre forme de procès, que les appartements doivent être préférés aux maisons, que les emplois productifs
valent mieux que ceux relevant d’autres secteurs d’activités… Les résultats avancés soulignent toutefois que
les choix résultant des politiques locales et/ou nationales, que les processus en cours (de désindustrialisation,
de tertiarisation, de spécialisation ou au contraire d’accroissement de la mixité fonctionnelle…) emportent
des conséquences affectant les capacités locales à extraire des ressources fiscales. Ils exercent ainsi
potentiellement des effets sur les budgets des collectivités, sur les volumes budgétaires disponibles pour
l’action publique locale et risquent d’entraîner des effets en chaîne. Toutes choses égales par ailleurs, les
localités où le tissu pavillonnaire domine, celles où les emplois de services destinés aux personnes priment,
celles encore qui cumulent ces caractéristiques ont toutes probabilités d’être les moins dotées en bases
taxables, les moins à même de percevoir des recettes et dès lors, de consentir à des dépenses susceptibles
d’accroître leur attractivité, voire la diversification de leur territoire. De là surgit une double interrogation.
L’existence de tels processus cumulatifs est-elle intégrée dès les phases de définition des politiques publiques
ou de l’action publique locale ? Du point de vue de la production de connaissances, l’analyse des politiques
sectorielles ou des démarches locales de développement ne devrait-elle pas systématiquement inclure celle
des impacts fiscalo-financiers des mesures adoptées ?
cf. Encadré 6) ? Ou bien celles-ci attirent-elles de façon privilégiée des locaux et des usages possédant intrinsèquement davantage
de valeur ?
217 Des analyses statistiques multidimensionnelles et des modèles de régressions (multiples) : des Classifications Ascendantes
Hiérarchiques (CAH) conduisent à isoler des groupes de communes présentant des profils semblables en termes d’occupation
résidentielle à l’intérieur desquels les calculs de régression sont effectués et testés. Une démarche analogue est adoptée pour ce qui
relève des activités (les typologies portant sur les communes ainsi que sur leurs intercommunalités et sur les Zones d’Emploi
auxquelles elles appartiennent). Paris, cas singulier, est exclu des différentes analyses.
218 Des analyses effectuées pour l’ensemble des communes s’avèrent peu concluantes. Ces dernières constituent en effet un univers
hétérogène, notamment les moins peuplées d’entre elles. Les caractéristiques (taille, âge…) des biens immobiliers diffèrent et tout
autant, la structure même du parc (dans le rapport entre logements individuels et collectifs). Dans le cadre de ces premières analyses,
exploratoires, la variété des modes d’aménagement ou d’urbanisation, véritables produits historiques, ne peut être saisie de façon
efficace et conduire à des évaluations assurées.
219 Selon la catégorisation retenue par l’Insee : « Les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la
production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes
ou touristes. Les activités productives sont déterminées par différence. Il s'agit des activités qui produisent des biens majoritairement
consommés hors de la zone et des activités de services tournées principalement vers les entreprises correspondantes. » L’importance
des activités de l’un et l’autre des deux types est appréciée par le biais du nombre d’emplois, tel qu’il est établi par l’Insee.
220 En diversifiant les calculs économétriques, en étendant les descripteurs territoriaux…
126
Des spécifications tenant à la nature des biens imposés et aux situations locales
Des traitements effectués à partir des données contenues dans la base Filocom221 nous ont conduit à
apporter des compléments aux résultats des investigations précédentes, à les spécifier. Ces explorations ont
été menées à partir des informations portant sur les communes et sur leurs intercommunalités, pour les
années 2003 et 2013 (Talandier et al., 2019). Elles sont utiles pour considérer les logements non plus selon
leur type (individuel/collectif) mais en fonction de leur nature ou occupation (résidences
principales/secondaires), et à tester l’incidence de cette structure du parc de logements sur les dotations
locales en bases imposables. Les résultats obtenus amènent à formuler plusieurs observations
complémentaires.
Tout d’abord, en moyenne nationale, il ressort nettement que les valeurs locatives cadastrales des
habitations principales sont plus élevées que celles des logements dits secondaires222. Fiscalement parlant, il
vaut donc mieux, pour un territoire, héberger des habitants permanents plutôt que des résidents
occasionnels. Autrement dit, la vocation touristique plus ou moins affirmée des territoires exerce une
influence sur l’abondance locale des bases taxables.
Ensuite, à ces effets de structure tenant à la composition du parc de logement se superposent des faits
territoriaux qui influent sur les stocks de bases fiscales comme sur leurs évolutions. Selon les lieux223, les
valeurs locatives cadastrales des logements occasionnels diffèrent sensiblement. Attirer un passant ou un
touriste ne procure pas partout la même « manne fiscale », cette dernière pouvant être particulièrement
élevée. Les valeurs locatives unitaires (surfaciques) des habitations (principales comme secondaires) sont
elles-mêmes contrastées, en lien avec l’état du parc local de logement, avec le contexte territorial et le statut
urbain des localités224. A superficie donnée, un logement n’apporte pas partout les mêmes bases taxables.
Quasiment en tous lieux, les bases d’imposition (totales, moyennes, unitaires) progressent, ne serait-ce qu’en
raison de l’actualisation annuelle et uniforme dont les assiettes font l’objet (cf. supra). Abstraction faite de
cette majoration indifférenciée, les variations observées reflètent les tendances générales à l’évolution des
surfaces des logements et à l’amélioration de leur confort (entre 2003 et 2013). Il reste que les
augmentations annuelles sont modestes, les volumes nets de construction étant faibles, comparativement
aux parcs de logements en place (Driant, 2015). Les dotations locales en bases sont tributaires des
caractéristiques des stocks existants davantage que de celles des flux. Malgré cet effet d’inertie, en relation
avec les dynamiques locales d’urbanisation, on constate que les valeurs taxables sont elles aussi l’objet de
variations territorialement différenciées. Conjointement aux effets de structure, apparaissent des faits
221 Sur la base d’extractions de la base. Le fichier FILOCOM (Fichier des Logements par Communes) est construit par la DGFiP
(Direction Générale des Finances Publiques) pour les besoins du Ministère en charge du Logement. Dans la mesure où il contient des
informations fiscales et sensibles, ses accès sont strictement limités. Des extractions peuvent être obtenues à des fins de recherche,
dans le cadre de conventions officielles (fins d’intérêt général, demande émanant de directions ou de services ministériels…). De
telles extractions ont été mises à disposition dans le cadre d’un contrat de recherche conclu avec le PUCA (2015-2016).
La base Filocom est constituée à partir du fichier de la taxe d’habitation (TH), du fichier foncier (des propriétés bâties), du fichier des
propriétaires et du fichier de l’Impôt sur les revenus des personnes physiques (IRPP). Un certain nombre d’informations donnent lieu
à une ‘secrétisation’, contraignant les traitements envisageables.
222 Soit environ 3 000 €/logement pour les résidences principales, 2 400 €/logement pour les résidences secondaires (en 2013). Les
résidences principales ont généralement une surface et une qualité supérieure à celles des résidences secondaires.
223 Et notamment au sein des territoires impliqués dans la gestion des sites patrimoniaux exceptionnels. Selon les termes de la
recherche effectuée dans le cadre de la consultation du PUCA, sont considérés comme sites patrimoniaux exceptionnels ceux qui
sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco (soit 39 sites en France métropolitaine) et ceux qui sont membres du
Réseau des Grands Sites de France RGSF (soit 41 sites en France métropolitaine, labellisés ou en cours de labellisation sous forme
d’Opérations Grands Sites OGS).
Les valeurs locatives cadastrales des résidences secondaires s’échelonnent par exemple entre moins de 2 000 €/logement à près de
5 000 €/logement.
224 Toujours en 2013, autour d’une moyenne de 40 €/m2, les valeurs locatives varient entre un peu moins de 25 €/m2 (Gorges de
127
résiduels225, relevant de mécanismes de rattrapage comme de processus de spécialisation226. Au sein par
exemple des territoires concernés par la présence et la gestion des sites patrimoniaux exceptionnels, les
communes suivent des trajectoires d’évolution contrastées, intervenant sur fond d’une apparente
immobilité d’ensemble. La Baie de Somme en est un cas de figure illustratif227.
Enfin, au regard de nos analyses, il ressort nettement que la présence d’un site patrimonial exceptionnel ne
suscite pas de processus généralisé de valorisation des valeurs taxables des biens à usage résidentiel. Les
bases d’imposition ne sont pas et pas toujours aussi élevées que dans d’autres territoires, plus ordinaires.
Elles ne progressent pas non plus de façon plus marquée qu’ailleurs. Cette réalité est en décalage avec les
représentations courantes associées à ces sites, en tant que territoires prisés et hauts lieux d’activités ou de
fréquentations touristiques. Le mode d’évaluation administrative et d’actualisation de la matière imposable
induit une rigidité, face à des processus de valorisation effective eux-mêmes différenciés.
D’ailleurs, plus d’un acteur ou gestionnaire local228 déplore l’hétérogénéité des dotations en bases entre les
localités concernées par la présence du site et les disparités dans leurs évolutions, notamment lorsqu’il
estime que la commune qu’il représente est parmi les moins bien loties. La sensibilité des représentants
locaux aux inégalités de richesse des localités au sein même des périmètres des sites patrimoniaux
exceptionnels est forte. Ce qui n’est potentiellement pas sans incidences sur les modalités de la gouvernance
territoriale. Or, le fonctionnement de cette dernière constitue un des enjeux-clés pour ces ensembles
territoriaux, confrontés à la pression des besoins financiers liés à la préservation du site, à sa fréquentation,
dans des contextes où les exigences normatives sur le plan de l’aménagement, de la protection… sont denses.
Les inégalités en matière de bases de fiscalité locale apparaissent dans les représentations et dans les propos
des acteurs comme un facteur de division. Tout se passe comme si elles entretenaient des dynamiques
contraires à un développement territorial partagé, à une pérennité et à une synergie des actions, y compris
lorsque celles-ci sont indispensables à la durabilité invoquée pour les biens patrimoniaux reconnus comme
exceptionnels. La réponse aux priorités relevant de la gestion du site est pourtant conditionnée non
seulement par les capacités locales de mobilisation de moyens financiers, mais également par l’existence de
logiques de coopération entre les institutions impliquées. Soit encore autant de conditions d’activation de la
ressource territoriale (Talandier, 2016). Que ce soit en termes de bases ou de flux, la gestion localisée et
fortement parcellisée des bases d’imposition des bases de la fiscalité locale s’opposerait de la sorte aux
besoins de l’action publique locale. Si le constat vaut pour les sites dits exceptionnels, il est très probablement
autant de mise pour les territoires tenus comme ordinaires, également en situation d’inégalités229. Il reste
que la taxe foncière sur les propriétés bâties n’est qu’une parmi les contributions à disposition des
collectivités. Considérons alors non plus uniquement la distribution de ses bases et leur variabilité, mais celles
de l’ensemble des richesses taxables localement.
225 Nous faisons référence aux analyses structurelles-résiduelles auxquelles nous avons procédé, sur la base des données communales
avant de susciter des phénomènes de saturation, des reports des constructions vers les parties intérieures du territoire abritant le
patrimoine reconnu comme exceptionnel ; les risques de submersion, les mesures de protection en conséquence, les évolutions
naturelles et climatiques… impulsent d’autres dynamiques, tantôt favorables, tantôt défavorables à la construction et partant, à
l’évolution des dotations communales en bases taxables. Chaque commune est ainsi parcourue par des évolutions convergentes ou
divergentes, tenant à sa situation, à des logiques économiques (en lien notamment avec les modalités de détention du foncier et
avec sa valorisation), aux impulsons résultant des politiques publiques, locales et/ou nationales.
228 Une vague d’entretiens détaillés a été réalisée dans 7 terrains d’étude ; une enquête nationale a été effectuée auprès de
128
Encadré 6 – Des taxes foncières au centre du système fiscal local
En dépit des difficultés à tenir des comparaisons (Stankiewicz, 2020), il s’avère que, en France comme dans de nombreux
pays, les taxes foncières occupent une place centrale au sein des recettes fiscales locales (Renard, 2006 ; Dexia, 2007,
2012). Leurs qualités justifieraient tant leur forte présence que leur acceptabilité (Guengant, 1991a ; Baudry et al.,
2005). Cependant, tout en étant primordiales, ces taxes soulèvent des questions sur le plan des principes comme sur
celui de leur mise en application.
Le choix d’une assiette foncière repose sur l’hypothèse que du point de vue de leur détenteur, les prix des biens (fonciers
et immobiliers) varient positivement avec l’importance des équipements et services publics associés à leur localisation,
négativement avec l’impôt acquitté qui leur est associé (Gilbert, 1996). Ce prélèvement fiscal constitue un indispensable
retour vers le budget local. En effet, l’usage des deniers collectifs est bien, finalement, le vecteur de l’augmentation des
prix des biens (soit encore de la capitalisation foncière) dont bénéficie le propriétaire concerné. La plus-value qui
apparaîtra lors de la vente des biens en question et qui lui reviendra ne résulte en rien de son action (Renard, 2006).
Soucieuses de la dynamique de leurs recettes fiscales, les collectivités le seront également de l’aménagement de leur
territoire ; celui-ci confère en effet davantage de valeur aux biens imposés et partant, est source de retours fiscaux. La
fiscalité locale est ainsi placée au cœur même du processus de valorisation de l’espace urbain. (Gilbert, Guengant, 1998 ;
Trannoy, 2011).
Par ailleurs, les biens fonciers et immobiliers sont localisés : ceci facilite leur identification puis leur taxation par et pour
chaque collectivité. Ces biens sont immobilisés et peu volatiles : les taxes qui les frappent procurent des ressources
(relativement) pérennes, ce dont les entités locales ont besoin afin d’assurer de façon continue les missions de proximité
et de service public qui leur sont dévolues.
En dépit de leurs qualités, les taxes foncières soulèvent des questions du fait même de la nature même de leurs bases,
des modes d’évaluation de ces dernières231.
En particulier, les mécanismes de capitalisation foncière reposent sur des hypothèses fortes232 dont il n’est pas assuré
qu’elles se concrétisent dans la réalité. Les travaux sur le sujet sont rares (Gilbert, Guengant, 2002). Tout en se prêtant
à l’intégration de variables descriptives de l’offre de services publics locaux, peu d’études selon la méthode des prix
hédoniques se concentrent sur cette relation233. Rien n’indique alors de façon certaine que les prix fonciers reflètent
effectivement la présence de biens et de services publics.
Que la relation soit ou non avérée, se pose la question du lien entre la valeur des biens, servant à assoir la taxe, et les
capacités contributives des redevables. La forme de ce lien n’est pas assurée ; elle peut même être contraire. En matière
de logement par exemple, le taux d’effort des ménages décroît avec les revenus, y compris pour les propriétaires (Pirus,
2011). La taxation sur les locaux à usage résidentiel soulève alors des problèmes d’équité entre contribuables ; elle peut
même être régressive (CPO, 2010). De nombreux palliatifs (abattements, exonérations, plafonnement…) doivent alors
être mis en place afin de réduire ce défaut234.
230 Comme l’indique leur dénomination, c’est le cas des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, de la Contribution
Foncière des Entreprises (CFE).
231 Les termes d’assiette et de base sont tenus comme synonymes. L'assiette fiscale est le montant servant de base au calcul de
l'impôt.
232 Concernant notamment la similitude dans les préférences des acheteurs au regard des facteurs influant sur les valorisations des
biens, des prix à payer sous forme de taxes, ou bien encore ayant trait au fonctionnement concurrentiel des marchés…
233 Pour exemple (Gravel et al., 1997; Gravel et al., 2006), etc.
234 Ainsi en a-t-il été pour la taxe d’habitation (Fréville, 2003).
129
Une détermination complexe et problématique des assiettes foncières
En l’absence d’une connaissance exhaustive des prix des biens fonciers et immobiliers, la détermination de l’assiette
d’imposition est complexe ; elle suscite des débats235. Le procès du mode de valorisation administrative des biens, telle
qu’il est pratiqué en France, n’est plus à faire (Marc, Jarlier, 2012) ; les évaluations qui en résultent contribuent à rendre
notre système fiscal désuet236. Les récentes réformes modifient peu le paysage237.
Pour les biens courants soumis à la taxe d’habitation et à la taxe foncière, l’assiette d’imposition repose sur leur valeur
locative cadastrale VLC238, telle qu’elle résulte d’une évaluation administrative. Cette valorisation procède par
comparaison au sein de chaque collectivité (entre chacun des biens et des locaux-types choisis comme référence,
auxquels sont attachés des tarifs unitaires), par catégorisation (en fonction de critères d’apparence et de confort du
bâti), par application de tarifs unitaires à la surface (pondérée) de chacun des locaux et par modulation (afin de tenir
compte de situations particulières, dans des proportions modérées).
Ainsi déterminées, les valeurs locatives cadastrales n’entretiennent qu’un rapport lointain avec les réalités des
patrimoines fonciers et immobiliers et notamment, avec les valeurs effectives des biens à usage résidentiel. Une étude
portant sur le marché immobilier à Rennes montre par exemple que le ratio « valeur locative cadastrale/valeur vénale »
décroît lorsque la valeur vénale augmente (Baudry et al., 2005, 2009).
L’évolution des valeurs imposables n’est en tout cas pas fidèle à la dynamique des prix ou des valeurs effectives des
biens. En effet, faute de moyens suffisants pour procéder aux actualisations au cas par cas239, toutes les valeurs locatives
cadastrales sont majorées annuellement par application d’un coefficient unique fixé au plan national. L’obsolescence
progressive de chaque immeuble, ses modifications… sont de la sorte peu ou pas prises en compte. Tout autant, les
incidences du mécanisme de capitalisation - qui est censé fonder les évolutions - ne sont-elles pas intégrées.
Ces décalages entre valeurs effectives et bases d’imposition génèrent des transferts de charges entre contribuables,
bien souvent anti-redistributifs (CPO, 2010). Le mode d’évaluation et les modalités d’actualisation ont également des
incidences pour les collectivités locales. L’importance de la matière imposable présente au sein de leur territoire et son
évolution, telles qu’évaluées, ne constituent en effet pas des reflets fidèles la valeur du stock des biens effectivement
présents, des variations provenant des flux (nets) de construction240. Le dispositif institué crée une géographie
spécifique de la répartition de la matière imposable, des inégalités séparant les collectivités sur ce plan et de leur
évolution.
235 Ceux-ci sont anciens, récurrents et communs à un grand nombre de pays (Bourillon, Vivier, 2012 ; Navarre, 2014b).
236 Les assiettes des taxes locales sont encore aujourd’hui appréciées en fonction d’un référentiel posé en 1970 (pour la taxe
d’habitation et pour la taxe foncière sur les propriétés bâties), en 1961 (pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties).
237 La première vague de changements, ayant trait aux des locaux à usage professionnel, dont le principe avait été acté dès la Loi de
Finances Rectificative de 2010, est entrée en vigueur à compter de 2017. Sont principalement concernés les locaux commerciaux et
artisanaux. Celle relative aux biens à usage résidentiel, fondée sur des principes analogues de meilleure catégorisation des biens et
d’articulation avec les évolutions de marché, est en cours d’expérimentation. Sa mise en œuvre a été différée à de multiples reprises
(La Banque Postale, 2019).
238 La Valeur Locative Cadastrale VLC « correspond au loyer annuel théorique que pourrait produire un immeuble bâti ou non bâti,
s’il était loué dans des conditions normales. » (DGFiP, 2015). Le loyer théorique exclut de fait les conditions anormales, provenant
des phénomènes de marché.
239 Les situations donnant lieu à des modifications individuelles sont strictement énumérées, et principalement fondées sur les
déclarations des propriétaires. Si leur nature et leur importance le justifient, les changements de consistance, d’affectation, de
caractéristiques physiques, d’environnement sont alors constatés par l’Administration fiscale puis intégrés dans la revalorisation des
bases de taxation de chaque bien.
240 Les constructions nouvelles sont valorisées de façon forfaitaire, comme les biens existants, sur la base des mêmes tarifs unitaires
130
1-2-La variabilité de la richesse potentielle locale
Nous avons souligné les incertitudes inhérentes aux modes de valorisation des bases d’imposition
aboutissant à des valeurs éloignées de la réalité économique de chacun des biens taxés, et avons révélé que
la distribution de ces bases était malgré tout relativement conforme à la hiérarchie urbaine, aux modes
d’occupation de l’espace, à la répartition et à la nature des activités... Aussi tenons-nous comme acquis que
les défauts d’évaluation n’invalident pas ou peu les comparaisons interterritoriales. Si elle possède des
spécificités, la distribution des dotations locales en matière imposable offre une forme de représentation des
réalités territoriales. Sa lecture peut en tout état de cause être considérée comme une porte d’entrée vers
l’analyse des mécanismes de formation des inégalités fiscales et financières territoriales (Gilbert, nd).
L’évaluation administrative des biens à des fins de taxation n’est pas la seule réalité fiscale à être empreinte
de conventions. Nous indiquons qu’il en va de même de la construction d’un indicateur synthétique
d’appréciation d’ensemble des dotations en bases imposables des collectivités locales, soit encore de leur
richesse (fiscale) potentielle. Nous rendons ensuite compte de la portée des différences entre collectivités,
évaluées à cette aune.
Au nom de conventions officielles et évolutives, cette situation est évaluée en calculant la valeur du potentiel
fiscal ou financier de la collectivité (cf. Encadré 7). Schématiquement, la valeur de ce potentiel représente le
produit qui reviendrait à la collectivité si, à ses bases d’imposition, étaient appliqués les (derniers) taux
moyens nationaux (connus) d’imposition. Le protocole de calcul présente l’avantage de faire abstraction de
l’effet dit de préférences propre à chaque collectivité.
Le montant potentiel, ou théorique, obtenu est indicatif de la capacité locale à générer un produit fiscal plus
ou moins abondant, soit encore de la richesse de la collectivité. L’évaluation peut être faite pour chaque
entité locale ; la procédure étant systématique, chacune peut être comparée aux autres. Si les conventions
demeurent stables dans le temps, il est possible de déterminer les trajectoires des richesses locales et de les
mettre en perspective.
131
Encadré 7 – La richesse fiscale locale évaluée au prix de conventions
Assez logiquement, depuis les premières mises en œuvre, le périmètre des ressources incluses dans les calculs a été
adapté aux réalités fiscales et politiques du moment. Le contenu de l’indicateur suit les changements introduits par les
réformes fiscales, financières et institutionnelles successives (Guengant, 2013 ; Simco, 2015). Il s’est notamment élargi
de façon à intégrer des produits spécifiques242. Et surtout, le fait intercommunal, et ses impacts fiscaux et financiers,
sont désormais pris en compte243. Par là même, l’instrument devient de plus en plus sophistiqué ; il perd en transparence
et en maniabilité. Cependant et sans nier les changements dans les modalités calculatoires, les principes et logiques
fondant les évaluations elles-mêmes demeurent inchangés.
Ceux-ci reposent sur le constat que, dans la mesure où les biens imposés sont de nature différente (des logements, des
terrains, des établissements abritant des activités…) et soumis à des modes de valorisation eux-mêmes différents, les
bases d’imposition des taxes locales – au moins des quatre principales d’entre elles – ne peuvent être ajoutées les unes
aux autres afin de rendre compte d’une dotation d’ensemble. Et surtout, faire la somme des assiettes aboutirait à
omettre la pondération apportée par les taux d’imposition à chaque taxe, conférant aux bases de différentes natures
un poids relatif inégal dans la génération des produits fiscaux244.
De façon schématique, une façon de s’affranchir de l’hétérogénéité des bases et de leur poids différentiel dans le total
des taxes consiste à déterminer, pour chaque localité, un produit théorique. Celui-ci est obtenu en faisant la somme du
rapport de chacune des contributions, calculé en appliquant aux bases locales (brutes) d’imposition le taux moyen
évalué au niveau national245. On évalue de la sorte ce que percevrait chaque collectivité, si elle appliquait les mêmes
taux d’imposition que toutes les autres. Plus le produit théorique est élevé, plus les éléments de patrimoine foncier
et/ou immobilier présents localement ont une valeur fiscale elle-même élevée et sont à même de générer d’abondants
produits fiscaux. La collectivité est ainsi (potentiellement) riche, d’un point de vue fiscal.
241 La définition du potentiel fiscal a été formalisée à l’occasion de l’institution de la Dotation Globale de Fonctionnement, en 1979
(Introduit par la Loi 79-15 du 3 janvier 1979 instituant la Dotation Globale de Fonctionnement). La Dotation a en effet pour partie
une finalité péréquatrice. Ce qui nécessite de désigner les collectivités ciblées pour recevoir les versements destinés à réduire les
différences.
242 Telles diverses taxes (prélèvements communaux sur le produit des jeux dans les casinos, surtaxe sur les eaux minérales et
redevance des mines). Et ce, de façon à s’approcher des produits fiscaux effectivement perçus et à ne pas créer de rupture d’égalité
entre les situations communales.
243 A compter de 2012 sont par exemple comptabilisés, dans le calcul du potentiel communal, les reversements de fiscalité opérés
par l’intercommunalité à fiscalité propre en direction de ses communes-membres, sous forme d’attribution de compensation. Nous
revenons sur ces versements à l’occasion du Chapitre 4.
244 Ce qui peut être illustré par l’intermédiaire d’un exemple. On suppose que des biens à usage résidentiel ont une VLC totale égale
à 1 000 € ; ils sont soumis à la taxe d’habitation TH dont le taux est 20%, à la taxe foncière pratiquée à un taux semblable. Les biens
à usage d’activité ayant la même valeur totale sont quant à eux soumis à la taxe foncière FB et également à la CFE (avec un taux de
25%). Ménages et entreprises ont un poids relatif identique en termes d’apport de bases. Par le biais des taux et des modes de prise
en compte de la base pour chaque taxe (100% pour la TH, 50% pour la taxe FB…), les ménages génèrent davantage de produits fiscaux
que les entreprises (resp. 53% et 47%).
245 Moyenne établie pour l’année antérieure.
132
Ce mode de calcul fonde les évaluations, désormais conventionnelles246, du potentiel fiscal puis du potentiel financier247.
Le second est plus extensif que le premier. Outre les produits théoriques provenant de la fiscalité stricto sensu, il intègre
des dotations étatiques intervenant comme des ressources prévisibles, assurées pour les collectivités et tenues comme
indépendantes des choix de leurs représentants.
Cette différence dans le périmètre des recettes prises en compte révèle un glissement dont la portée est questionnable,
et même questionnée (Guengant, 2013). L’extension du contenu est fondée sur une tentative d’être au plus près des
ressources stables dont disposent les collectivités. A la différence du potentiel fiscal, le potentiel financier prend en
compte des composantes de la DGF ainsi que des versements venant en compensation de pertes de ressources
fiscales248. Cette intégration induit paradoxalement un éloignement par rapport à ce qui relève à proprement parler de
la situation fiscale locale, et plus précisément de la capacité de la collectivité à lever des impôts en usant de ses bases
imposables, compte tenu des dispositions fiscales du moment. Les montants des compensations dépendent en effet
des produits antérieurs effectivement perçus et donc, des taux d’imposition alors pratiqués dans ces collectivités. Le
passage du (potentiel) fiscal au financier amène à prendre en compte des préférences (politiques), et à ne pas
uniquement refléter des faits de situation. Avec l’incorporation des produits de dispositifs fiscaux et financiers
désormais caducs, la procédure conduit à une cristallisation de l’état des différences.
Via l’usage des taux moyens et en faisant abstraction des préférences locales du moment, le potentiel est « dépolitisé » ;
il est « repolitisé » en conservant l’empreinte des choix fiscaux du passé, en étant influencé par les visions portées au
niveau national sur les réformes locales. Son sens s’érode. Parallèlement, il ne révèle plus des réalités ni des inégalités
de même nature.
Nous avons eu l’occasion de mettre en évidence de telles distorsions dans l’évaluation des différences interterritoriales
de richesse induites par des changements de périmètres des indicateurs (Navarre, Rousseau, 2013b).
Selon les estimations produites pour l’année 2012, sur une base unitaire, l’ampleur des écarts interterritoriaux de
richesse n’est pas la même : les valeurs du PFIA s’échelonnent dans un rapport de 1 à près de 20 quand les valeurs
extrêmes du PFT sont situées dans un écart de 1 à 11.
246 La définition du potentiel est fixée à l’article Article L 2334-4 du Code Général des Collectivités Territoriales. Des instructions
annuelles édictées par le Ministère de l’Intérieur (DGCL) fixent les termes des calculs.
247 L’apparition du potentiel financier coïncide avec la réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement, consacrée par la Loi de
Finances de 2005 (article 47 de la LFI 2005), visant entre autres à intensifier la portée des dispositifs de péréquation.
248 Soit à partir de 2000, la CPS (compensation part salaires) issue de la suppression de la part salaires de la TP en 1999 et compensée
intégralement par l’Etat ; et depuis 2010, les montants des compensations (DCRTP et FNGIR) résultant de la suppression de la Taxe
Professionnelle.
249 Il inclut : le montant des produits fiscaux potentiels (taxes sur les ménages et ensemble des taxes sur les entreprises venant en
remplacement de la taxe professionnelle), comme en matière de calcul du potentiel de chaque entité constitutive de l’ensemble
intercommunal ; les ressources introduites en tant que compensation de la réforme de la taxe professionnelle : DCRTP et FNGIR ; les
ressources compensant des manques à gagner résultant de réformes antérieures, telles la dotation de compensation de la part
salaires perçue par les communes ; les ressources de transfert perçues par les communes et, en l’occurrence, la dotation forfaitaire
des communes (hors compensation de la part salaires déjà comptabilisée).
250 Il représente, pour la communauté et ses communes membres, uniquement les ressources potentielles que ces entités
percevraient au titre de la fiscalité locale, à l’exclusion des compensations dues aux réformes successives (DCRTP, FNGIR, dotation
de compensation de la part salaires) et des ressources de transfert (dotation forfaitaire).
251 Nous reviendrons ultérieurement sur le sens de cette notion (Chapitre 4). Retenons à ce stade qu’il s’agit de l’ensemble constitué
133
Ce qui indique d’ailleurs que, à taux d’imposition inchangés, le nouveau dispositif d’imposition serait moins inégalitaire
que celui qui l’a précédé. A l’aune de l’une comme de l’autre des deux évaluations, la concentration de la richesse est
sensiblement la même. La forme des distributions n’est cependant pas identique. La part des ensembles moindrement
dotés (comparativement à la moyenne) est plus faible lorsque l’on raisonne en termes de PFT. A ce titre, il ressort que
le nouveau dispositif fiscal susciterait un effet de moyennisation de la répartition des richesses locales (Tableau 6).
Tableau 6 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT),
2 586 ensembles intercommunaux, 2012
PFIA PFT
moyenne, en €/hab 1 064 782
effectifs relatifs des classes dont le Potentiel vaut :
moins 33% moyenne <1% <1%
33 à moins de 66% 39% 27%
66 à moins de 90% 38% 45%
90 à moins de 110% 13% 14%
110 à moins de 133% 6% 6%
133% et plus 5% 6%
ensemble 100% 100%
Si les données produites sont utiles pour mettre en exergue les différences interterritoriales dans la distribution des
richesses potentielles ainsi que les modifications introduites par la réforme fiscale, elles illustrent le fait que le choix de
l’un ou l’autre des deux indicateurs de richesse est susceptible d’autoriser des constats différents quant aux réalités
territoriales.
Tableau 7 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT) selon
l’importance démographique des ensembles, en €/hab, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
nbe PFIA, en €/hab PFT, en €/hab
ensembles moyenne coeff. variation moyenne coeff. variation
<10 000 hab. 1 422 760 0,42 608 0,45
10-20 000 hab. 604 821 0,37 655 0,46
20-50 000 hab. 325 939 0,28 722 0,33
50 -100 000 hab. 137 1 127 0,28 823 0,27
100-300 000 hab. 80 1 201 0,26 856 0,29
>300 000 hab. 18 1 331 0,17 934 0,23
ensemble 2 586 1 064 0,33 782 0,35
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Retenir l’un ou l’autre des modes d’évaluation de la richesse potentielle ne modifie pas la hiérarchie des valeurs lorsque
les ensembles intercommunaux sont considérés au regard de leur importance démographique : toutes choses égales
par ailleurs en termes de taux de taxation, les ressources fiscales, qu’elles incluent ou non les montants provenant des
dispositions compensatoires, croissent tendanciellement avec l’importance démographique des collectivités
(Tableau 7).
134
Par contre, il n’est pas indifférent de retenir l’un ou l’autre des 2 indicateurs lorsque l’on procède à une lecture
territoriale de la distribution de la richesse potentielle (Tableau 8). Ainsi par exemple, alors qu’ils sont parmi les mieux
dotés au regard du PFIA et du régime d’imposition de la taxe professionnelle, la situation des territoires dits fortement
industriels est nettement moins favorable avec les évaluations en termes de PFT.
Certains d’entre eux sont alors parmi les moins dotés et pas très éloignés des ensembles des territoires ruraux.
Potentiellement, les bastions industriels seraient en position de devenir des bénéficiaires des dispositifs de péréquation
financière entre ensembles quand, antérieurement, ils pouvaient être tenus comme étant en mesure de les alimenter…
Tableau 8 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT) pour
des catégories choisies de territoires, en €/hab, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
nbe PFIA, en €/hab PFT, en €/hab
ensembles moyenne PFIA coeff. variation moyenne PFT coeff. variation
Ile de France 2ème couronne 88 1 268 0,26 1 000 0,28
Ile de France 1ère couronne 18 1 558 0,24 1 203 0,3
Fortement industriel 24 1 310 0,32 730 0,2
Littoral touristique 77 1 182 0,25 987 0,29
Grandes agglo. tertiaires 13 1 294 0,15 892 0,17
Rural 40 787 0,22 565 0,15
autres 2 326 1 040 0,25 720 0,21
ensemble 2 586 1 064 0,33 782 0,35
Notes : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Les indicateurs de richesse servent en effet bien souvent pour désigner les collectivités faiblement dotées, devenant de
ce fait attributaires de versements péréquateurs. Inversement, ils sont mobilisés pour déterminer quelles sont les mieux
pourvues ; une partie de leurs moyens est alors prélevée pour être reversée aux collectivités en difficulté, au nom de la
péréquation dite horizontale. Le fait de retenir soit le PFT, soit le PFIA est de ce fait lourd d’incidences budgétaires pour
les collectivités bénéficiaires de la redistribution comme pour celles contribuant au dispositif. L’utilisation du PFIA dans
de tels dispositifs peut même s’avérer paradoxale : la péréquation vise en effet à atténuer des différences que les
compensations fiscales intégrées dans le potentiel financier ne font qu’entretenir…
135
L’usage conventionnel des taux moyens nationaux d’imposition induit une pondération implicite252 ; des
valeurs comparables sont obtenues au prix d’effets de compensation entre produits potentiels des taxes
quand la structure des bases peut différer notoirement. Comme pour tout indicateur synthétique,
l’évaluation du potentiel fiscal ou financier engendre des effets de distorsion et d’assimilation. A cela rien de
surprenant.
A cela néanmoins des incidences qui sont loin d’être indolores. L’indicateur fiscal ou financier sert en effet à
classer des territoires, à les hiérarchiser, à désigner les plus riches comme les plus pauvres ; il influe sur les
représentations qui leur sont associées, contribuant potentiellement à la stigmatisation d’un certain nombre
d’entre eux. Son sens social n’est donc pas neutre (Desrosières, Kott, 2005).
Son usage l’est d’autant moins qu’il sert d’étalon pour la répartition de dotations, de critère d’éligibilité à
maints dispositifs (de financement) nationaux et locaux. L’utilisation du potentiel financier (du PFIA par
exemple – cf. supra) est susceptible d’avantager des territoires à faible comme à haut niveau de pression
fiscale.
On peut faire l’hypothèse que, comme pour tout indicateur analogue, cette situation est le produit d’une
construction historique et politique ; la formule du moment apparaît comme le résultat d’un compromis
entre divers enjeux et intérêts253. L’analyse même des conditions de production des dispositions adoptées,
de leurs modifications, requerrait en conséquence une analyse en soi. Tout autant, celle des incidences des
formules adoptées apporterait des éléments utiles d’éclairage : l’usage des valeurs calculées est-il cohérent
avec les objectifs politiques poursuivis ? Et notamment, le sens des redistributions opérées sur la base des
dispositifs calculatoires retenus est-il bien celui qui était recherché en termes d’égalisation des situations ?
Si tel n’est pas le cas, comment le débat destiné à désigner les cibles et objectifs de la péréquation peut-il
être re-politisé, plutôt que de s’abstraire dans des considérations portant sur la nature et sur les valeurs d’un
indicateur qui, par construction, affadit les réalités ?
Tout en prenant acte des effets de distorsion induits par les modes d’évaluation de l’indicateur de richesse,
nous mettons l’accent sur quelques-uns des constats issus de comparaisons territoriales puis temporelles
des réalités et des situations locales, telles que les représentent des valeurs convenues de cet indicateur.
252 La prise en compte des taux minimaux/maximaux conduirait par exemple à de tout autres résultats et serait porteuse d’un autre
sens politique.
253 Nous l’avons souligné, les indicateurs intercommunaux sont des prolongements de ceux construits pour les communes ; le
processus de maturation de ces derniers a été hésitant, progressif… Tout se passe comme si les solutions arrêtés à un instant donné
évoluaient pour ménager les situations de ceux qui apparaissent comme lésés, de ceux encore dont les particularités sont les moins
bien prises en compte.
254 C’est le cas des versements compensateurs neutralisant les effets de la réforme fiscale de 2010, de fractions instituées de
dotations étatiques, ainsi que des montants de CVAE, celle-ci n’étant finalement qu’une contribution administrée (cf. infra).
136
Tableau 9 – Niveau de richesse (PFIA) et importance du pouvoir de taux selon l’importance démographique des
ensembles, en €/hab et en %, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
PFIA, Part à pouvoir de taux,
nbe
en €/hab en %
ensembles
moyenne coeff. variation moyenne coeff. variation
<10 000 hab. 1 422 760 0,42 75% 0,12
10-20 000 hab. 604 821 0,37 73% 0,13
20-50 000 hab. 325 939 0,28 70% 0,14
50 -100 000 hab. 137 1127 0,28 67% 0,17
100-300 000 hab. 80 1201 0,26 65% 0,15
>300 000 hab. 18 1331 0,17 63% 0,11
ensemble 2 586 1064 0,25 68% 0,15
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Dans les faits, en moyenne, les capacités locales de modulation des contributions locales et d’exercice du
pouvoir de taxation peuvent se porter sur 68% de la richesse (ou du PFIA) d’ensemble (Tableau 9). Celle-ci
est donc constituée d’une part relativement élevée d’éléments inertes ou indépendants de l’action fiscale
locale proprement dite. En modifiant les modalités de perception des ressources fiscales des collectivités, la
réforme de 2010 a également modifié les conditions de leur autonomie fiscale. Ces modifications sont même
territorialement différenciées. En effet, la structure de la richesse ainsi déterminée varie de façon sensible
selon les territoires (Tableaux 9 et 10). Autrement dit, à niveau semblable de ressources financières, les
pouvoirs d’intervention sur les volumes des taxes locales sont inégalement distribués entre les collectivités.
Les possibilités d’expression de préférences locales et de conduites de politiques sont ainsi tributaires de
l’état même de la situation fiscale locale.
A titre de premières indications, nous avons cherché à caractériser ce pouvoir local de modulation en
considérant des catégories d’ensembles, distingués selon leur taille démographique255, puis en fonction de
leur situation socio-territoriale. Schématiquement, il apparait que plus les biens et taxes à base résidentielle
sont (proportionnellement) présents (dans les ensembles peu peuplés, dans les territoires touristiques…),
plus les décideurs locaux disposent de possibilités d’inflexion des volumes des impôts locaux. A l’inverse, ces
possibilités sont plus réduites là où les populations sont plus nombreuses, là encore où les activités
économiques et leurs bases foncières sont davantage représentées.
255 Les seuils démographiques adoptés sont ceux figurant dans les publications institutionnelles usuelles. Les catégories retenues
pour l’approche par territoires ont été construites a priori, en se fondant sur celles couramment usitées dans les analyses territoriales.
Du fait de ses fortes spécificités (productives, démographiques, institutionnelles…), l’Ile de France (dans sa 1ère et 2nde couronnes) est
traitée à part.
137
Tableau 10 – Niveau de richesse (PFIA) et importance du pouvoir de taux pour des catégories choisies de territoires, en
€/hab et en %, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
PFIA, Part à pouvoir de taux,
nbe
en €/hab en %
ensembles
moyenne coeff. variation moyenne coeff. variation
Ile de France 2ème couronne 88 1 268 0,26 74% 0,14
Ile de France 1ère couronne 18 1 558 0,24 70% 0,11
Fortement industriel 24 1 310 0,32 51% 0,18
Littoral touristique 77 1 182 0,25 78% 0,09
Grandes agglo. tertiaires 13 1 294 0,15 62% 0,1
Rural 40 787 0,22 67% 0,15
autres 2 326 1 040 0,25 68% 0,15
ensemble 2 586 1 064 0,33 68% 0,15
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Il en ressort que si toutes les collectivités ne sont pas également riches, conjointement, la nature même de
cette richesse la rend plus ou moins accessible ou modulable. Dans les faits, ces deux registres de différences
se combinent pour donner forme à un paysage contrasté de situations fiscales et en conséquence, des
conditions d’exercice du pouvoir fiscal local (Carte 1). Ces conditions apparaissent même comme
dépendantes de l’état et des modalités du développement territorial.
Carte 1 – Représentation croisée du niveau de Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (en €/hab) et du pouvoir de
taux (en %), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Représentation schématique de la distribution du
PFIA/hab (indice 100 = 1 064€/hab)
et du pouvoir de taux (indice 100 = 68%)
Mode de lecture : pour 1 622 ensembles intercommunaux, le PFIA (en €/hab) a un niveau plus faible qu’en moyenne et
la part modulable des taxes locales est plus élevée qu’en moyenne (cadran nord-ouest du graphique)
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
L’analyse combinée, telle que proposée, fait en effet apparaître un certain nombre d’ensembles en situation
critique.
138
Ce sont notamment ceux où le niveau de richesse n’est guère élevé et où simultanément les élus disposent
de peu de possibilités de modulation des taxes locales. Le levier fiscal peut difficilement être mobilisé en vue
de produire l’offre de services publics locaux considérée comme adéquate ; le budget local est tributaire des
arrangements (essentiellement verticaux) présidant à la distribution de ressources externes. Une lecture
spatiale conduit à affiner ces constats. Pour l’essentiel, les ensembles en question sont situés dans les franges
intérieures de l’espace national, dans des zones en déprise. Apparaît tout aussi délicate la situation des
ensembles qui, tout en n’étant pas mieux dotés que les précédents, se caractérisent par l’existence de marges
de manœuvre fiscales plus conséquentes qu’en moyenne. Les décideurs ont latitude de faire varier les
niveaux d’imposition, de choisir des taux élevés mais cet exercice peut s’avérer relativement vain. Relève-t-
il d’une réelle autonomie locale, conforme aux principes décentralisateurs ? Les produits ne peuvent en effet
être abondants, puisque la matière fiscale l’est peu ou pas...
En outre, l’existence de ces configurations, fortement représentées, a de quoi interpeler en termes d’équité
à la fois sociale et territoriale. Les territoires en question sont ceux où les biens imposés ont des valeurs
modestes ; selon toutes probabilités, les capacités contributives des redevables le sont tout autant. Est-il
légitime que ces redevables soient plus taxés là qu’ailleurs, pour une offre de services identique à celle qui
est fournie de façon commune ? Ou bien est-il concevable qu’ils ne le soient pas davantage et que l’offre
locale soit moindre ? En arrière-plan des réalités fiscales se dessinent des questions relatives aux situations
et aux devenirs territoriaux, aux politiques en mesure de les accompagner.
De façon récurrente, la dispersion du potentiel fiscal est plus intense que celle du potentiel évalué à partir
des taxes dites ménages257. Ceci corrobore le fait que la répartition différentielle des activités au sein du
territoire et partant, des bases d’imposition dont elles sont détentrices, est la source majeure, voire
essentielle, des disparités de richesse locale. Ceci vaut jusqu’en 2009, lorsqu’existait la taxe professionnelle.
Tendanciellement, la dispersion s’atténue légèrement ensuite, du fait de la moindre importance de la
taxation locale sur les activités économiques. Elle demeure néanmoins sensible.
256 « En 1991, la localité la mieux dotée en bases taxable par habitant possédait une richesse fiscale 850 fois supérieure à celle de la
commune la moins bien pourvue » (Gilbert, nd). Selon un rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO, 2010), « En 2007,
le potentiel fiscal par habitant varie, en France métropolitaine, du simple au double entre régions, du simple au quadruple entre
départements. L’écart entre la première commune métropolitaine au potentiel fiscal non nul et celle au plus fort potentiel fiscal est
environ de un à mille. »
257 Et incluant alors l’intégralité de la taxe foncière sur les propriétés bâties alors que celle-ci est « mixte » (c’est-à-dire supportée à
139
A son tour, la dispersion du potentiel financier est moindre que celle du potentiel fiscal. Ceci montre que les
versements de l’Etat, tout en ayant une vocation compensatrice, ont bien, finalement et dans leur ensemble,
une incidence péréquatrice (Gilbert, Guengant, 2001) ; pour le moins, ils jouent un rôle dans la
(re)composition des inégalités interterritoriales de ressources.
Nous avons complété ces premières indications d’ensemble par des analyses localisées. Les observations
concernant la taxe foncière sur les propriétés bâties conduisaient à faire état, à l’échelle fine des communes
et des ensembles intercommunaux concernés par la présence et par la gestion de sites patrimoniaux
exceptionnels, de logiques de stocks plutôt que de flux (cf. supra). Territorialement, certaines communes se
spécialisent et connaissent une variation pour les unes à la hausse, pour les autres à la baisse des valeurs
taxables des biens présents au sein de leur territoire. A proximité, des processus d’homogénéisation et de
moyennisation interviennent. Les entretiens conduits indiquent que des faits de saturation (des littoraux, des
lieux les plus prisés, etc.), des évolutions des documents d’urbanisme et des règlementations… sont à même
d’expliciter, au moins pour partie, ces mécanismes de répartition différentielle des constructions entre
localités proches, voire ces processus de déplacement de richesses plutôt que de création.
Nos analyses, effectuées non plus taxe par taxe mais en considérant les valeurs des potentiels (fiscaux),
indiquent que la dispersion est somme toute stable (entre 2007 et 2013) et ce, pour des sous-ensembles
variés de collectivités (Navarre, 2017b ; Talandier et al., 2019). Tout se passe comme si, dans leur ensemble,
les trajectoires des richesses territoriales étaient placées sous le sceau de la continuité plutôt que sous celui
de la rupture. Les territoires riches, fiscalement ou financièrement, le demeurent, dans un écart persistant
les séparant de ceux disposant de ressources potentielles nettement plus modestes.
Parallèlement, la persistance des inégalités de richesse entre collectivités signerait, de façon implicite, le fait
que la distribution des bases est relativement inerte, au regard des transformations urbaines, des réalisations
d’équipement et mesures d’aménagement qui se sont déployées localement, dans les années passées.
Pourtant, les territoires sont traversés par des mutations certaines, du point de vue des occupations
résidentielles, des activités productives comme de celui des biens et équipements publics contribuant à la
valorisation des patrimoines privés. Les indicateurs fiscaux, tels qu’évalués, ne laissent pas transparaître ces
transformations intervenant à l’échelle infra-communale ou micro-locale. Les montants des versements
compensateurs, peu ou pas évolutifs, induisent des effets substantiels d’inertie ; leur présence et leur
importance relative atténuent la portée des évolutions locales des bases des richesses effectives.
Compte tenu de la faible variabilité inter-temporelle constatée, tout semble se passer comme si le dispositif
fiscal et financier, tel qu’agencé, du fait de ses modes de valorisation et de ses conventions, fonctionnait
comme un système, possédant sa logique propre. Il reflèterait des états et des situations fiscales héritées,
mais il serait plus imperméable aux dynamiques territoriales du moment ainsi qu’aux évolutions,
structurelles ou structurantes. En raison de la forte représentation d’impositions foncières, il est en effet
dépendant d’immobilisations (des logements, des patrimoines immobiliers) qui perdurent et qui continuent
à être taxées, pratiquement indépendamment des ressources de leurs occupants et de leurs variations. De
la sorte, ce système fiscal serait en permanence empreint d’ambiguïté. L’existence de cette dernière
contribuerait à expliquer les décalages persistants entre les situations fiscalo-financières et les dynamiques
socio-économiques des territoires (Navarre, Rousseau, 2013a). Les évolutions fiscales (voire financières) ne
seraient alors guère en phase avec celles se manifestant par ailleurs, et notamment en matière de
distribution des revenus. L. Davezies (2009, p. 46) souligne en effet que « les forces de la cohésion sont plutôt
aujourd’hui en train de l’emporter sur celles de l’inégalité spatiale (…) ». Les inégalités fiscalo-financières
apparaissent à l’écart de ce mouvement d’ensemble…
140
Tableau 11 – Potentiel fiscal, financier et taxe professionnelle TP/fiscalité économique, communes, en €/hab DGF,
diverses années, 2001 à 2014
2001 2005 2009 2012 2014
potentiel fiscal 3 taxes
moyenne, en €/hab 317 376 434 630 656
coeff Gini 0,25 0,25 0,24 0,23 0,23
coeff variation 0,55
potentiel fiscal
moyenne, en €/hab 600 700 794 926* 954*
coeff Gini 0,3 0,29 0,28 0,27* 0,26*
coeff variation 0,57
potentiel financier
moyenne, en €/hab - 875 969 1 099 1 114
coeff Gini - 0,24 0,24 0,23 0,23
coeff variation 0,5
potentiel TP (avant 2010) et estimation fiscalité économique (après 2010)
moyenne, en €/hab 283* 323* 361* 296* 298*
coeff Gini 0,44* 0,42* 0,41* - -
Qu’elles reflètent plus ou moins fidèlement les situations territoriales et leurs évolutions, les dotations en
bases locales d’imposition constituent le substrat sur lequel s’appliquent les taux votés chaque année par les
décideurs locaux, en vue de percevoir les recettes fiscales escomptées pour alimenter le budget de la
collectivité. Comment s’expriment les délibérations des élus en matière de taux de taxation et d’usage de
l’autonomie fiscale qui leur est dévolue ?
141
Encadré 8 – Quelques principes de la réforme de la fiscalité locale intervenue en 2010
Nous l’avons souligné : l’édifice fiscal est, pratiquement par construction, insatisfaisant de multiples points de vue ; en
conséquence, il est l’objet de modifications récurrentes, plus ou moins substantielles. La réforme de la fiscalité locale
intervenue en 2010258 est exemplaire des tensions inhérentes à tout processus de transformation, des jeux de conflits
et d’alliances noués à cette occasion, aboutissant à des résultats mitigés, oscillant entre continuités au regard des
dispositions antérieures et changements diversement significatifs (Allé, 2017). Nous mentionnons des points relatifs au
contexte dans lequel est intervenue cette réforme, quelques-uns de ses principes et traits marquants ; ils sont en effet
porteurs d’enjeux et contiennent en germe les incidences fiscales/financières, territoriales que nous nous attachons à
analyser.
258 Ses principes et modalités sont contenus dans la Loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009, soit encore la Loi de finances pour 2010.
Les contributions ont été modifiées en conséquence dès 2010 pour les redevables des taxes et contributions pesant sur les activités
économiques ; elles ont été effectives en 2011 pour les collectivités locales. Ces dernières ont en 2010 perçu les montants reçus en
2009 et l’Etat, par l’intermédiaire de son budget, a servi de chambre de compensation.
259 Les parts respectives ont été modifiées en 2017. Elles valaient antérieurement, respectivement, 26,5%, 48,5% et 25%. La
modification a été entérinée avec l’article 89 de la Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.
142
Les montants des prélèvements/reversements au titre du FNGIR et ceux des compensations sous forme de DCRTP sont
évalués à la date de mise en application de la réforme et n’ont pas vocation à évoluer. Le mécanisme ménage les
situations antérieures ou acquises mais de façon statique.
Le troisième axe de la réforme consiste en la spécialisation partielle de la fiscalité. Une spécialisation totale des quatre
principales taxes locales n’aurait pas permis de garantir à chacun des niveaux de gouvernement des ressources fiscales
suffisantes. Des partages d’impôt ont donc été effectués. Pour l’essentiel : les collectivités du bloc local (communes et
EPCI à fiscalité propre) deviennent attributaires de la part départementale de la taxe d’habitation ainsi que de la part
départementale de taxe foncière sur les propriétés non bâties ; les départements reçoivent la part régionale de taxe
foncière sur les propriétés bâties (qui vient en sus de la part qui leur revenait antérieurement). Les régions ne disposent
alors plus de produit émanant des taxes foncières.
Le nouveau système de taxation contribue par ailleurs à une répartition territoriale des produits teintée d’arbitraire. Est
en cause le mode de territorialisation de la CVAE, qui ne reflète pas fidèlement l’importance de la valeur ajoutée
produite localement. Ainsi par exemple, quand une entreprise possède plusieurs établissements, localisés dans des
communes différentes, le lieu de déclaration, puis de taxation, de la valeur ajoutée ne coïncide pas nécessairement avec
son lieu de production. Les sièges sociaux peuvent être préférés, majorant alors l’importance fiscale des territoires où
ils se trouvent. Les relations internes, entre entités des groupes, jouent également un rôle dans la répartition de la
valeur ajoutée puis de la contribution. Des clés de territorialisation ont été déterminées afin de régler ces cas de
figure260. Il en résulte des distorsions entre secteurs productifs (IGA, IGF, 2014) et partant, une géographie incertaine
des produits. Les récentes modifications apportées au dispositif261 atténuent peu ou pas ces distorsions, par ailleurs
inévitables.
Si elles préservent les équilibres budgétaires, collectivité par collectivité, les compensations instituées ménagent les
situations acquises et les différences fiscales séparant antérieurement les territoires. Les dispositions génèrent une
inertie certaine au sein des budgets locaux. Les prélèvements ou les attributions qui en résultent perdent
progressivement leur caractère fiscal. Les montants perçus au titre de la fiscalité se situent de la sorte dans un écart
certain avec les réalités effectives des bases d’imposition et des contribuables du moment. Ce qui est encore une façon
de constater que la fiscalité locale se déterritorialise.
Dans la mesure encore où les nouvelles contributions reposent sur des assiettes différentes de celles valant pour la TP,
les dynamiques d’évolution de la matière imposable et des produits perçus ne sont plus les mêmes que celles qui
préexistaient. Est ainsi instaurée une redistribution des potentiels de croissance (Guengant, 2013). La géographie des
prélèvements est ainsi pour partie bouleversée, pour partie maintenue.
260 La répartition de la valeur ajoutée d’une entreprise entre ses établissements (et leur lieu d’implantation) s’effectue en fonction
de la valeur locative des locaux (pour un tiers) et du nombre de salariés exerçant leur activité (…) par établissement (pour deux tiers).
261 Le Projet de Loi de Finances 2018 (dans son article 7) modifie les modes de territorialisation antérieurs (accentuant le poids des
établissements industriels) et ceux relatifs aux entreprises membres d’un même groupe.
143
Ces premiers éléments d’observation portant la fiscalité locale, examinée à l’aune de la réforme fiscale intervenue en
2010, concourent à mettre en relief des tendances qui la traversent. Celles-ci se manifestent au travers de processus de
recentralisation et pour le moins, de déterritorialisation et de reterritorialisation. Un processus de nationalisation (par
l’intermédiaire du régime des compensations) est également à l’œuvre. La portée de ce dernier est cependant
dépendante des pressions plus ou moins intenses pesant sur le budget national, des volontés politiques plus ou moins
marquées en matière de resserrement des dépenses étatiques en direction des collectivités locales.
Les tendances et processus en question ne se superposent pas totalement ; leur intensité est évolutive. Tous révèlent
néanmoins une distanciation spécifique et progressive de la fiscalité locale par rapport aux situations des territoires
dont elle émane, ainsi qu’aux préférences des décideurs et des contribuables qu’elle est sensée refléter. Conjointement,
ceci l’éloigne des principes et conceptions théoriques à la base de la taxation.
144
2-Le pouvoir local de taxation en questions
L’analyse de la distribution des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties puis celle de répartition
territorialement différenciée de la richesse potentielle des collectivités nous ont engagé à caractériser les
effets de situation parcourant le système fiscal local. Nous nous proposons maintenant d’examiner comment
se manifestent les décisions des élus en matière de fixation des taux d’imposition. Ce qui est une façon de
questionner l’effectivité du pouvoir local de taxation. La disponibilité comme la nature des bases fiscales
représentent des conditions plus ou moins favorables à l’exercice de ce pouvoir ; dans les faits, qu’advient-il
de ces opportunités ou de ces contraintes ?
On peut formuler l’hypothèse que, si les délibérations locales révèlent des préférences différentes selon les
années et les territoires, ce sont autant de signes attestant de l’existence de politiques fiscales locales. Afin
de révéler ces signes éventuels, nous nous livrons à une lecture elle-même diachronique et territorialisée des
choix fiscaux locaux, étayée par les éléments de résultats auxquels nous avons abouti à l’occasion de travaux
successifs.
En particulier, en examinant l’évolution de la structure des recettes locales, nous avons fait état de leur
récente et progressive fiscalisation (cf. Chapitre 1). La croissance du poids des produits fiscaux résulte,
mécaniquement, de la réduction des concours financiers de l’Etat. Nous avons remarqué qu’elle tient encore
à une augmentation soutenue des produits fiscaux eux-mêmes. Cette progression provient-elle
principalement de l’augmentation des bases d’imposition ou bien est-elle imputable à l’usage par les
représentants locaux du pouvoir de taxation qui leur revient (2-1) ? Si cet usage apparait somme toute
comme étant modéré, la tendance en question n’est pas généralisée : tous les élus locaux n’ont pas le même
recours au levier fiscal. Dans ce cas, leurs délibérations prolongent-elles l’état de différenciation constaté du
point de vue des assiettes taxables ou bien au contraire, la manifestation des préférences locales suscite-t-
elle des modifications sensibles des inégalités fiscales (2-2) ? Par ailleurs, l’augmentation des taux
d’imposition intervient-elle localement comme un des moyens actionné en vue de faire face à la raréfaction
des ressources externes, suscitant une fiscalisation accrue de certains budgets locaux (2-3) ?
262 « L’effet base » rend compte de l’évolution du produit liée à l’évolution des bases, c'est-à-dire de l’évolution calculée à taux
constants. Cet effet est égal au rapport de la somme des produits des bases de l’année n par les taux de l’année (n-1) sur la somme
des produits des bases de l’année (n-1) par les taux de l’année (n-1). L’effet base tient compte des taux alors que l’évolution des
bases (rapport de la somme des bases de l’année n sur la somme des bases de l’année n-1) est insensible aux taux appliqués sur ces
bases.
« L’effet taux » rend quant à lui compte de l’évolution du produit liée à l’évolution des taux, c'est-à-dire de l’évolution calculée à base
constante. Il est égal au rapport de la somme des produits des bases de l’année n par les taux de l’année n sur la somme des produits
des bases de l’année n par les taux de l’année (n-1).
263 Les changements de périmètres dans le panier des taxes locales limitent les possibilités de comparaisons.
264 Hormis entre 2015 et 2016. Ceci est notamment lié à l’accroissement (+38%) des allègements consentis sur décision nationale en
matière de taxe d’habitation : une exonération pour les personnes de condition modeste avait été supprimée en 2015, elle a été
réintroduite en 2016 (OFGL, 2017).
145
Le second a trait à l’évolution, plus fluctuante et nettement moindre de « l’effet taux ». Dit autrement, le
recours au pouvoir de modulation des taux des taxes locales se révèle tout à fait modéré.
Tableau 12 – Indications, « effet base »/« effet taux »/évolution produit voté, diverses années
Années « effet base » « effet taux » Evolution produit Périmètre
2003-2004 + 3,0% + 1,2% + 4,3% 3 taxes ménages (TH, FB, FnB)
2007-2008 + 3,5% + 0,9% + 4,4% Toutes collectivités
confondues à nature juridique
et fiscale identique
2008-2009 + 4,6 % + 3,4% +8,1% Idem
2009-2010 + 2,9% + 1,8% + 4,7% 3 taxes ménages - Toutes
collectivités confondues à
nature juridique et fiscale
identique
2010-2011 + 3,4% + 1,0% + 4,4% 3 taxes ménages
2011-2012 + 3,4% + 0,8% + 4,2% 3 taxes ménages
2012-2013 + 3,1% + 0,7% + 3,8% 3 taxes ménages
2013-2014 + 1,8% + 0,4% + 2,2% 3 taxes ménages
2014-2015 + 3,3% + 1,2% + 4,5% 3 taxes ménages
2015-2016 +0,0% +3,0% +3,0% 3 taxes ménages
2016-2017 +1,5% +0,6% +2,1% 3 taxes ménages
2017-2018 +2,1% +0,4% + 2,5% 3 taxes ménages
2017-2018 +3,3% +0,5% +3,8% CFE – bloc local
Note : TH=taxe d’habitation ; FB=taxe foncière sur les propriétés bâties ; FnB=taxe foncière sur les propriétés non
bâties ; CFE=Cotisation Foncière des Entreprises
Source : élaboration à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres, 2005 à 2019
Les flux nets de construction sont généralement modestes (cf. supra). En conséquence, la progression des
bases et partant, de celle des produits, est principalement imputable à l’actualisation annuelle et forfaitaire
des assiettes d’imposition265. Cette croissance mécanique est propice à un évitement dans l’exercice politique
du pouvoir de taux, à la majoration de ces derniers. Paradoxalement, les défauts de la fiscalité foncière et
immobilière, et notamment les imperfections dans les mises à jour des assiettes, facilitent cet évitement. A
l’inverse, en raison du manque de transparence et de lisibilité de l’impôt local (CPO, 2010 ; Deschamps,
Gardinal, 2018), les contribuables peuvent imputer les hausses régulières des contributions aux décisions de
leurs élus, alors qu’elles sont suscitées par l’actualisation forfaitaire des bases. De telles incertitudes dans la
responsabilisation face à des hausses sont de nature à limiter les décisions locales d’élévation effective des
taux.
Certes, ne pas user des marges de manœuvre disponibles, ne pas hausser les niveaux d’imposition constitue,
de la part des élus locaux, une façon d’exercer leur pouvoir fiscal. Cette prise de position, singulière, est-elle
néanmoins réellement cohérente avec les enjeux budgétaires des collectivités ? L’élévation des produits
fiscaux aurait pourtant bien pu constituer un moyen d’atténuer les manifestations de l’effet ciseaux266 qui
affecte les budgets, une solution pour conforter leur soutenabilité… Les considérations présidant à la fixation
des niveaux d’imposition relèvent apparemment d’autres registres que celui du rendement et de l’efficacité.
Comment alors expliciter le paradoxe tenant au recours modéré à l’usage du pouvoir de taux, alors que la
liberté de déterminer les niveaux de taxation est tenue comme un élément consubstantiel des fonctions
265 Dans quelques (rares) villes, les décideurs locaux se saisissent même de cet état de fait pour diminuer le taux de l’impôt (d’après
l’enquête conduite auprès des grandes collectivités par les représentants du Forum des Villes, 2016) ; les élus ont d’ailleurs fait de
cette diminution un des arguments de leur campagne électorale en 2014.
266 Qui résulte de la progression plus soutenue des dépenses de fonctionnement que des recettes (cf. Chapitre 1).
146
électives locales et que les élus y sont fortement attachés267 ? Comment encore expliciter le fait que la
fiscalité ne joue pas réellement le rôle d’ajustement qui devrait être le sien dans un fonctionnement
décentralisé ? Au moins trois registres d’explicitation peuvent être conviés.
L’un d’eux peut tenir aux règles normatives en vigueur. Celles-ci limitent les valeurs des taux dans chaque
collectivité ainsi que leurs variations268. Avec ces limitations, plafonnant les prélèvements opérés localement
ainsi que leurs écarts interterritoriaux et interannuels, les décideurs locaux disposent d’une liberté
conditionnelle de taxation. Ces limites laissent toutefois des marges étendues de choix. Même si elles placent
l’exercice des pouvoirs décentralisés sous contraintes, elles peuvent difficilement être tenues comme de
réels freins à l’expression des préférences locales en matière de taux d’imposition.
Un autre registre réside dans des effets cumulatifs de recours à l’impôt local : la fiscalisation des budgets
locaux à laquelle nous avons fait allusion atteindrait des limites et contraindrait désormais la progression des
produits fiscaux. Au cours des 30 dernières années, ceux-ci ont en effet fortement progressé (Gilbert et al.,
2009), que ce soit en raison des charges liées à l’urbanisation et incombant aux collectivités (Guelton et al.,
2011), des incertitudes régnant sur les compensations financières reçues en contrepartie des compétences
transférées par l’Etat dans le cadre de la décentralisation (Pariente, 2012), ou bien encore sous l’effet de
réformes institutionnelles telles l’intercommunalisation (Charlot et al., 2008 ; Thomas, 2008). Compte-tenu
du poids atteint par les prélèvements pour les contribuables, la fiscalité locale ne peut plus désormais croître
aussi rapidement que par le passé. Les budgets tendraient à s’ajuster au niveau des prélèvements, à la
différence de ce qui prévalait antérieurement (cf. Chapitre 1).
Un dernier registre tient aux préoccupations électoralistes qui entourent le maniement de l’impôt local. Les
observations convergent, indiquant que la progression annuelle des taux est moindre à la veille des
consultations électorales (notamment municipales), que leur majoration intervient plutôt en début et en
milieu de mandat. Les prélèvements fiscaux locaux sont pris dans des effets de cycle (Martin, 1996)269, inversé
au regard de celui que connaissent les charges locales (cf. Chapitre 1).
267 Les recompositions institutionnelles (avec la création des intercommunalités ou avec la modification de leurs périmètres….), les
mouvements décentralisateurs, les réformes fiscales placent régulièrement ces enjeux sur le devant de la scène.
268 Et notamment la règle dite de plafonnement des taux, destinée à limiter des variations interterritoriales dans l’intensité des
prélèvements. La règle s’énonce comme suit : « Les taux des taxes foncières et de la taxe d’habitation adoptés par les communes ne
peuvent pas dépasser : deux fois et demie le taux moyen de chaque taxe constaté l'année précédente dans l'ensemble des communes
du département ou, s’il est plus élevé, deux fois et demie le taux moyen constaté l'année précédente dans l'ensemble des communes
au niveau national. Le taux de cotisation foncière des entreprises voté par les communes ne peut excéder deux fois le taux moyen
de cette imposition constaté l’année précédente au niveau national pour l’ensemble des communes et des EPCI. » (source : Ministère
de l’Intérieur, Note d’information relative à la fixation des taux d’imposition des quatre taxes directes locales et des droits
d’enregistrement en 2016 et Annexes, 05/04/16).
Dans les faits, la contrainte est plus formelle que réelle, les taux moyens et la plupart des taux pratiqués se situant en deçà des
plafonds prescrits. Ainsi par exemple, en 2012, les taux dépassaient les plafonds nationaux : pour la taxe d’habitation dans une seule
commune, pour la taxe foncières sur les propriétés bâties dans 11 communes et pour la taxe foncière sur les propriétés bâties dans
718 communes (source : à partir de www.collectivites-locales.gouv.fr).
Une règle dite de liaison des taux fixe des limites aux possibilités de variations différenciée des taux des 4 principales taxes. L’objectif
est de contenir les variations de charges fiscales d’une année à l’autre et d’éviter que se produisent des transferts de charges trop
importants entre catégories de contribuables. Ainsi sont instaurés des liens entre les variations annuelles des taux des taxes foncières,
de la taxe d’habitation et de la CFE (cf. Ministère de l’Intérieur, Note d’information relative à la fixation des taux d’imposition des
quatre taxes directes locales et des droits d’enregistrement en 2016 et Annexes, 05/04/16). La règle induit certes des contraintes et
des évolutions proportionnées des taxes ; elle ne pose cependant pas de verrou freinant toute dynamique (différenciée) des taxes
locales.
269 Les politiques fiscales locales sont de la sorte bien dépendantes des polities (cf. Chapitre introductif). Les variations annuelles des
taux résultent d’une mise à l’agenda et de délibérations récurrentes des assemblées locales. Soit encore d’une inscription dans le
registre des policies.
147
Ces manifestations tiendraient aux craintes des élus en matière de sanctions électorales et surtout, aux
représentations qui sont les leurs, concernant la sensibilité des contribuables face à la pression fiscale
exercée localement et à ses variations.
Dans les faits, les ménages, qui sont aussi des contribuables et des électeurs, votent peu ou pas « avec les
pieds »270. Parmi la multiplicité des facteurs influant sur les trajectoires et les choix résidentiels, le poids de
la fiscalité n’apparait pas comme de premier rang271. Le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction des
revenus réduit en outre les différenciations spatiales tenant aux niveaux de taxation272. Pour que les
contribuables adoptent des choix stratégiques fondés sur le niveau de l’impôt local, il faudrait encore
supposer qu’ils disposent d’un bon degré d’information à ce propos. Ce qui n’est pas réellement le cas
(Conjuguer, 2009).
Reste alors la possibilité d’une sanction électorale en cas d’insatisfaction face à la fiscalité locale. A. Guengant
(1993, p. 3) indique que « la capacité du ‘vote avec les urnes’ à produire une sanction électorale d'origine
fiscale suscite bien des interrogations et apparaît souvent plus formelle que réelle. »273 . Les élus auraient
suffisamment intégré ce risque pour se comporter comme s’il était avéré. Le coût politique local de la fiscalité
constituerait en conséquence un des freins majeurs à l’activation du pouvoir de taxation détenu par les
représentants des collectivités. Finalement et en raison des relations entre électeurs et élus, la proximité
joue à l’encontre de la décentralisation, alors qu’elle la justifie.
En dépit de ces freins, les taux d’imposition progressent. On peut par exemple supposer que, dans certaines
localités, la modestie de la richesse locale et sa faible progression sont suffisamment prégnantes pour
contraindre à une pratique de taux élevés, à augmenter continument le niveau de pression fiscale. En toute
hypothèse, la modération dans le recours au pouvoir de taxation n’est alors vraisemblablement pas de mise
partout et en tout temps.
270 Nous avons mentionné ces éléments, issus de la théorisation effectuée par Tiebout (cf. Chapitre introductif). La mobilité
qu’elle n’intervient pas comme un facteur de localisation des ménages (Romainville, Geczynski, Dubois, Vandermotten, 2007). En
France, en moyenne et en 2017, les taxes locales reposant sur les ménages (fiscalité dite résidentielle) représentent environ 7% du
revenu médian annuel par ménage (estimation d’après DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019 et Insee, 2019). Si le
poids est plus conséquent que pour les ménages bruxellois, il n’apparait pas comme excessif. Il est en tout état de cause à mettre en
perspective avec les multiples facteurs influant sur les choix de localisation résidentielle et sur les trajectoires d’habitat.
272 Dans le régime en vigueur jusque-là, aucun ménage ne peut acquitter plus de 3,44% de son revenu fiscal de référence au titre de
la taxe d’habitation. Le poids du prélèvement est ainsi largement rendu indifférent au choix du lieu de résidence et au niveau
d’imposition déterminé localement.
273 Le vote s’effectue toujours avec les urnes… L’auteur use de ce trait afin de mettre l’accent sur les aspects fiscaux et surtout, de se
positionner au regard du « vote avec les pieds » tel qu’il résulte de la théorisation de Tiebout.
148
2-2-L’exercice localement différencié du pouvoir local de taxation
La nécessité de procéder à une analyse territorialement différenciée de la fiscalité locale en général et de
l’usage du pouvoir local de taxation en particulier est conforme à notre parti pris d’ensemble. L’intérêt et
l’opportunité d’un tel mode d’analyse sont renforcés par les observations disponibles. En effet, la pression
fiscale, que l’on peut mesurer au travers du taux d’effort fiscal274, varie fortement entre collectivités. Par
exemple, en 2007, au niveau communal, les taux d’effort, pour les ménages, s’échelonnaient entre 0% et
521% (CPO, 2010). Tous les représentants locaux n’usent donc pas également, et pas avec la même
modération, des latitudes qui leur sont données en matière de fixation du taux des contributions locales.
Des investigations qualitatives seraient opportunes afin de déterminer quel est le pouvoir explicatif, dans
cette variabilité, des facteurs politiques dont nous avons mentionné l’influence potentielle. Leur incidence
se traduirait a priori principalement par des minorations des pressions fiscales, compte tenu des coûts
électoraux associés à leurs élévations. L’existence de valeurs élevées des taux d’effort laisse entendre la
présence d’autres ressorts. Nous choisissons de tester l’incidence de l’importance des bases d’imposition sur
celle du taux de taxation qui leur est appliqué. Si nous avons choisi de considérer de façon indépendante les
deux composantes des configurations fiscales locales que représentent les effets de situation d’une part et
les effets de préférences d’autre part, plusieurs observations nous ont amené à postuler d’une dépendance
systémique entre ces registres d’effets. Par ailleurs, le lien de dépendance entre importance des assiettes
taxables et hauteur des taux d’imposition, son sens (positif ou négatif) sont controversés : pour certains
observateurs, l’effort fiscal supporté par les contribuables décroît lorsque les bases augmentent (CPO, 2010) ;
pour d’autres, ces relations inverses ne sont pas avérées (Guengant, Tavéra, 2000). Qu’en est-il dans les
faits ?
Cette question mérite d’être reconsidérée, au vu du contexte actuel. Dans la période récente, après des
augmentations continues, la fiscalité locale ne serait pas ou plus réellement élastique et ne servirait plus
(autant) de variable d’ajustement budgétaire. Un choc externe est intervenu depuis, avec la baisse des
concours de l’Etat initiée en 2014 (cf. Chapitre 1). Ce changement essentiel est-il à même de susciter un
renversement de tendance pour un certain nombre de collectivités et d’amener leurs représentants à
intensifier la pression fiscale qu’ils exercent sur leurs contribuables ?
Quelques éléments de réponse sont apportés275. Tout d’abord, afin de préciser la forme de relation entre
bases et taux d’imposition, nous considérons un panel choisi de collectivités (les communes de plus de
10 000 habitants) et un sous-ensemble de taxes locales (celles dites ménages)276. Ensuite, afin d’examiner si
et comment la fiscalité locale, via les taux d’imposition, est mobilisée comme variable d’ajustement
budgétaire face à une réduction des ressources externes, nous prenons comme échantillon d’analyse des
communes et des intercommunalités que nous avons déjà eu l’occasion d’observer (celles des Pays de Loire
et d’Ile de France).
La modestie des bases comme contrainte effective dans l’exercice du pouvoir local de taxation
En s’en tenant à la représentation que nous avons établie (Figure 17), il apparaît nettement que le levier fiscal
est mobilisé avec une intensité variable, à niveau de richesse donné : ce dernier n’est pas totalement
274 Evalué comme le rapport entre le produit effectivement perçu et le produit théorique ou encore le potentiel fiscal.
275 Ils demeurent exploratoires. L’analyse mériterait d’être étendue et articulée à l’emploi de méthodes économétriques autorisant
des raisonnements tenus toutes choses égales par ailleurs.
276 Les choix sont principalement guidés par l’accessibilité des informations statistiques.
149
déterminant de l’intensité de la pression exercée localement sur les contribuables. Néanmoins,
statistiquement, une relation négative s’établit entre les 2 grandeurs.
Figure 17 – Potentiel fiscal 3 taxes (3T) et taux (net) d’imposition, 2014, communes plus 10 000 habitants hors Paris
(France métropolitaine)
Note : le coefficient de R2 vaut 0,434 pour une régression linéaire simple (il s’établit à 0,501 pour un modèle log-log)
Source : élaboration à partir de DGF communes 2015
Cette relation est marquée pour les communes les moins dotées en bases d’imposition277. Pour nombre de
ces localités, la pratique de taux élevés d’imposition sert à compenser la modestie des assiettes taxées. Nous
avons postulé que des contraintes potentielles peuvent émerger, en raison des caractéristiques même des
situations locales, perceptibles au travers de la richesse potentielle et ce, en niveau comme en structure. Tel
est bien le cas en réalité. Les effets de situation impriment leurs marques. Les nécessités d’équilibre du
budget, la pression des charges, en vue de répondre à la demande locale de biens et de services publics...
guident l’expression des effets dits de préférences, voire la contraignent dans le cas des collectivités les moins
riches.
Au-delà même d’un certain seuil de potentiel278, le taux net de taxation diminue tendanciellement quand la
dotation en matière taxable augmente. La pression fiscale prend des valeurs plus modérées et par ailleurs
fluctuantes.
Dans l’ensemble, du fait de la relation inverse constatée entre richesse et valeur du taux279, les produits
perçus diffèrent moins que les bases. Les décisions des représentants locaux et leurs politiques fiscales
interviennent comme des facteurs d’égalisation ou d’homogénéisation entre collectivités. De ce fait, que ce
soit en raison de contraintes ou de choix, les politiques fiscales décentralisées et leur diversité ne
contreviendraient pas à l’unité d’ensemble, sensée prévaloir au sein du territoire national280.
277 Et notamment, celles dont le potentiel 3 taxes est inférieur à la moyenne (proche de 680 €/hab).
278 Particulièrement lorsque celui-ci dépasse 1 000 €/hab.
279 Dont la stabilité dans le temps et pour des échantillons variés de collectivités mériterait d’être testée.
280 Allusion est faite au rapport parlementaire établi par M. Mercier (2000), procédant à un bilan de la décentralisation et rappelant
l’un de ses principes fondateurs, consistant à enraciner l’unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses
collectivités locales.
150
Le pouvoir de taux, une fonction d’ajustement autant potentielle que réelle
Compte tenu de la tendance somme toute assez généralisée à la modération dans l’élévation des niveaux de
taxation, un changement radical et rapide de perspective est difficilement envisageable. L’inertie et la
dépendance des dispositions institutionnelles, des processus de décision… au regard des états qui les ont
précédés sont en général prégnantes281. Cependant, la stabilité puis la diminution des concours financiers
étatiques ont inévitablement conduit les décideurs locaux à revisiter leurs politiques financières et les
conditions d’équilibre des budgets de leurs collectivités ; elles ont mis en jeu la résilience de ces budgets et
supposé la mise en œuvre de modalités renouvelées de financement. Mécaniquement, ces changements
inédits ne peuvent aller sans un réexamen de la fonction d’ajustement allouée à la fiscalité locale. Comme le
notait déjà J.-M. Uhaldeborde (1984), les décisions fiscales (locales) sont coincées entre la pression des
besoins et l'érosion des ressources de substitution. Dans le cas où elle se produit, l’accentuation des
prélèvements effectués par les collectivités est assimilable à un transfert en direction des responsables
locaux des nécessités de prise en charge des arrangements à trouver afin de faire face au déséquilibre
budgétaire public. L’Etat n’en est plus entièrement responsable, il n’en porte plus seul le blâme282. A l’inverse,
pour les décideurs locaux, ne pas accroître les montants des contributions et les taux pratiqués équivaut à
entériner une diminution des dépenses de leur collectivité, toutes choses égales par ailleurs. Ce qui peut
comporter des coûts politiques et électoraux. Au sein des alternatives envisageables, quels sont les arbitrages
fiscaux auxquels procèdent les élus locaux ? Autrement dit, observe-t-on des modifications dans l’exercice
du pouvoir local de taxation, que l’on puisse mettre en relation avec l’intensification de la contrainte relevant
de l’austérité, que nous avons qualifiée d’exogène, telle qu’elle pèse sur les budgets des collectivités ?
Sans minorer l’importance des choix en matière de prélèvements effectués au sein des régions et des
départements, et tout en prenant acte de la modération dans leur progression dont ont fait preuve les
collectivités du bloc local283, en cohérence avec l’ensemble de nos investigations, nous avons principalement
focalisé notre attention sur les pratiques communales et intercommunales de taxation. Sur cette base, nous
examinons quels sont les taux d’imposition adoptés et leurs évolutions récentes (entre 2013 et 2015) dans
les communes des régions Ile de France et Pays de Loire ainsi que dans leurs intercommunalités (Navarre,
2017c).
281 Soit encore des faits de dépendance au sentier ou de path dependence (Palier, 2010),
282 A contrario, un moindre usage du pouvoir local de taxer facilite la mainmise du gouvernement central sur l’atteinte des objectifs
(supranationaux) de redressement des comptes publics, voire de modulation de l’intensité des prélèvements obligatoires.
283 Ainsi, entre 1983 et 2010, les évolutions de la pression fiscale ont été déterminantes dans la progression des produits fiscaux
régionaux et départementaux, comparativement à celles des assiettes de taxation. Tel n’est pas le cas, bien au contraire, pour les
communes et leurs intercommunalités (Guengant, 2013). En effet, selon l’auteur, le relèvement des taux d’imposition est à l’origine
de plus des 4/5 de l’évolution des produits pour les régions, de la moitié pour les départements, d’un peu plus du tiers pour les
collectivités du bloc communal. La croissance des bases assurant dans chaque cas la part complémentaire d’augmentation.
Par ailleurs, en 2017, les communes et leurs groupements à fiscalité propre reçoivent 66% des impôts locaux, les conseils
départementaux 25% et les conseils régionaux 8% (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019).
151
Tableau 13 – Part des communes d’Ile de France et des Pays de Loire selon la variation des taux de taxe d’habitation
(TH), de taxe foncière sur les propriétés bâties (FB), en % du nombre de communes concernées et moyennes des
augmentations de taux, en %, 2013-2014 et 2014-2015
Taxe d'habitation TH Taxe foncier bâti FB TH et/ou FB TH et FB
2013- 2013-
variations des taux 2014 2014
communaux 2013- 2014- 2013- 2014- 2013- 2014- 2013- 2014-
et et
2014 2015 2014 2015 2014 2015 2014 2015
2014- 2014-
2015 2015
Ile de France
en % nbe communes
pas de variation 82% 68% 62% 83% 68% 63% 82% 67% 62% 67%
diminution 2% 2% 1% 2% 1% 0% 2% 2% 1% 1%
augmentation 16% 30% 12% 15% 31% 11% 16% 31% 15% 30%
autres 26% 26% 21% 2%
ensemble 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%
nbe communes 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198 1 198
moyenne augmentations 4,1% 5,9% 3,5% 6,0%
Pays de Loire
en % nbe communes
pas de variation 74% 62% 54% 74% 61% 54% 73% 60% 73% 60%
diminution 2% 3% 0% 2% 2% 0% 2% 3% 1% 2%
augmentation 24% 35% 18% 25% 37% 18% 25% 37% 24% 34%
autres 28% 28% 1% 4%
ensemble 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%
nbe communes 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486 1 486
moyenne augmentations 1,8% 2,9% 1,8% 3,2%
Note : autres : combinaisons de variations nulles, négatives ou positives selon l’année ; ne sont pas prises en compte les communes
ayant intégré une intercommunalité en 2014 ou 2015, celles appartenant à une intercommunalité dont le régime fiscal a changé.
Mode de lecture : parmi les 1 198 communes franciliennes pour lesquelles des données sont disponibles, 16% ont augmenté le taux
de la taxe d’habitation entre 2013 et 2014 et la moyenne des augmentations vaut 4,1% ; 30% l’ont fait croître entre 2014 et 2015 ;
12% l’ont accru en 2014 et en 2015 ; 16% ont augmenté soit le taux de la taxe d’habitation, soit celui de la taxe foncière sur les
propriétés bâties entre 2013 et 2014 ; elles sont 31% dans ce cas pour 2014-2015 ; 15% ont augmenté les deux taux en 2014 et 30%
en 2015
Source : élaboration à partir de www.impots.gouv.fr
Les évaluations institutionnelles mettent en avant que, y compris jusqu’en 2016, les évolutions à la hausse
des taux des taxes locales sont rares, mis à part dans des grandes villes, ainsi que dans certaines métropoles
(Cour des Comptes, 2016b). Les observations, à la fois fragiles et localisées, auxquelles nous avons procédé
confirment ce constat général : la stabilité (de la pression fiscale) demeure le fait majoritaire, au moins pour
les communes (Tableau 13). Des traitements analogues attestent qu’il en va de même pour leurs
intercommunalités à fiscalité propre. Ce qui tendrait à montrer que les collectivités seraient également
actrices de la politique instaurée en matière de recettes publiques ; elles n’iraient pas à l’encontre de la
raréfaction qui s’accentue, de la modération dans la progression des prélèvements obligatoires. Au moins à
court terme, l’inflexion à la baisse des dotations étatiques ne bouleverse pas la tendance majeure, celle de
l’inertie des choix fiscaux effectués au sein des collectivités. La fonction d’ajustement dévolue à la fiscalité
est principalement potentielle plutôt que d’être réellement activée.
152
Tableau 14 – Part des communes d’Ile de France et des Pays de Loire selon la variation du taux communal et/ou
intercommunal de cotisation foncière des entreprises (CFE), en % du nombre de communes concernées et moyennes
des augmentations de taux, en %, 2013-2014 et 2014-2015
Cotisation Foncière des Entreprises CFE
variation des taux des communes et/ou des
intercommunalités 2013-2014 et 2014-
2013-2014 2014-2015
2015
Ile de France
pas de variation 45% 47% 32%
diminution 13% 9% 7%
augmentation 42% 43% 28%
autres 33%
100% 100% 100%
nbe communes 1 198 1 198 1 198
moyenne augmentations 3,6% 0,2%
Pays de Loire
pas de variation 65% 61% 51%
diminution 6% 5% 4%
augmentation 28% 34% 21%
24%
100% 100% 100%
nbe communes 1 485 1 485 1 485
moyenne augmentations 1,5% 1,7%
Note : autres : combinaisons de variations nulles, négatives ou positives selon l’année
Mode de lecture : Dans 28% des 1 485 communes des Pays de Loire (pour lesquelles des données sont disponibles), le taux de CFE a
augmenté (à l’initiative de la commune et/ou à celle de l’intercommunalité) entre 2013 et 2014 ; le taux était plus élevé en 2015
qu’en 2014 dans 34% des communes ; dans 21% des communes, le taux a augmenté en 2014 et en 2015.
Source : élaboration à partir de www.impots.gouv.fr
Toutefois, on constate que, en Ile de France comme dans les Pays de Loire, les augmentations de taux
pratiqués par les communes et par leurs intercommunalités pour les 2 taxes ménages retenues (taxe
d’habitation TH, taxe foncière sur les propriétés bâties FB) sont à la fois plus fréquentes et plus intenses en
2015 qu’en 2014. La part des communes procédant à des élévations conjointes (des taux de TH et de FB)
progresse elle aussi. Au lendemain des scrutins, la crainte de sanctions électorales s’estompant, comme lors
des cycles précédents, le recours au levier fiscal s’intensifie. Une part de la hausse constatée en 2015 est très
probablement imputable à ce mécanisme. Cependant, les taux de CFE284 croissent également en 2015285
(Tableau 14). Pourtant, la fixation de la pression fiscale s’exerçant sur les activités économiques est moins ou
peu sujette à des fluctuations en fonction des cycles électoraux. A la différence des ménages, les chefs
d’entreprises ne votent pas !
Un lien causal peut difficilement être tracé entre la baisse des dotations étatiques intervenue ces années-là
et l’intensification concomitante de la pression fiscale locale s’exerçant tant sur les ménages que sur les
284 La Cotisation Foncière des Entreprises est tantôt perçue uniquement par l’intercommunalité (lorsque celle-ci est à fiscalité
professionnelle unique), tantôt par l’intercommunalité et ses communes membres (en cas de communauté à fiscalité additionnelle),
tantôt par la commune seulement lorsque celle-ci est isolée. Une façon de faire abstraction de ces variations institutionnelles consiste
à cumuler le taux intercommunal de la taxe et le cas échéant, le taux communal. Le taux cumulé est indicatif de l’intensité du
prélèvement auquel est soumis le contribuable, en fonction de sa commune d’implantation. Ses variations sont révélatrices des
politiques fiscales adoptées localement au sein des ensembles intercommunaux.
285 Seule l’évolution du taux intercommunal de CFE a marqué le pas en Ile de France : la part relative des EPCI ayant augmenté le taux
de la contribution s’établit à 36% en 2014, elle vaut 33% en 2015. Ces proportions sont déjà élevées, comparativement à ce qui vaut
en Pays de Loire (où 22% des EPCI ont augmenté le taux de CFE en 2014 contre 28% en 2015). Il n’est pas exclu que des changements
de périmètres intercommunaux, des recompositions institutionnelles, impliquant un lissage des taux, contribuent en Ile de France à
cet état de fait. L’intercommunalité a en effet progressé là plus tardivement qu’ailleurs. Compte-tenu de l’évolutivité des réalités
intercommunales, les raisonnements caeteris paribus sont difficiles à tenir.
153
entreprises286. Les tendances observées, communes aux collectivités des deux régions, tendraient cependant
à indiquer l’existence d’un effet de dépendance, d’un mécanisme au moins partiel de substitution.
Tout en étant communes, les tendances à l’œuvre ne sont pas également partagées. Par exemple, des
différences interrégionales apparaissent. Proportionnellement, davantage de communes augmentent les
taux des taxes ménages en Pays de Loire, comparativement à ce qui se produit en Ile de France. Les
augmentations (moyennes) sont cependant plus fortes dans ce dernier cas de figure que dans le premier.
Les différences dans les modulations fiscales sont également intra régionales. Si l’on prend comme exemple
les communes d’Ile de France dans lesquelles les taux de taxe d’habitation et/ou de taxe foncière ont
augmenté en 2014 et/ou en 2015, (Figures 18 et 19), on constate en effet que, autour des moyennes287, les
progressions varient nettement selon les lieux.
Si l’on admet que les évolutions des taux sont décidées en réaction aux diminutions des versements
étatiques, il apparait une réelle territorialisation des réponses face à un état de contraintes renforcé. Tant
dans l’une que l’autre des deux régions, les modulations locales redessinent la géographie de la pression
fiscale et, conjointement à celle des bases, la répartition des prélèvements. Les évolutions des taux de
taxation génèrent des processus d’homogénéisation ou de rattrapage dans les situations fiscales locales. Des
calculs complémentaires indiquent d’ailleurs que les évolutions des taux et les valeurs initiales de ces derniers
ne sont pas corrélées.
Il serait indispensable et instructif de mettre en lumière les facteurs à l’origine d’une telle diversité de choix
d’évolution des taux puis des produits des contributions. Il n’est pas exclu que des évolutions elles-mêmes
différentielles des richesses locales288 aient contribué à alléger ou à accroître les conditions d’accessibilité
aux ressources fiscales. En tout état de cause, en arrière-plan du rôle diversifié attribué à ces recettes, il ne
peut que s’ensuivre des appels variables à des fonds complémentaires (issus de la tarification, de la gestion
patrimoniale par exemple) et/ou des nécessités de réduction des charges locales.
286 Ne serait-ce que parce que les réductions de dotations s’opèrent proportionnellement aux recettes (réelles) de fonctionnement
de chaque collectivité. Le complément éventuel à apporter par la fiscalité locale dépend alors de la structure d’ensemble du budget,
et du poids relatif des autres postes de ressources mobilisables.
287 Les taux communaux de TH ont crû de 0,47 point de % en 2014, de 0,69 point de % en 2015. Simultanément, les taux communaux
154
Il n’est ainsi pas à exclure que par refus ou par empêchement d’activer le levier fiscal, les décideurs locaux
optent pour la baisse des dépenses ; ils sont alors eux-mêmes des acteurs d’une forme d’austérité, qualifiée
d’endogène.
Les éléments avancés demanderaient à être consolidés, et notamment à être prolongés en couvrant
l’ensemble de la période de baisse des concours étatiques (2014-2017). La mise en ligne de séries de données
fiscales à la fois homogènes et détaillées289 rend désormais possibles des analyses longitudinales et
systématiques. Ce matériau forme la base de protocoles statistiques suffisamment robustes pour évaluer,
expliciter l’élasticité de la pression et des recettes fiscales, face au resserrement de la contrainte financière
affectant l’ensemble des comptes publics et à la tendance haussière des dépenses locales.
Le projet de recherche dédié à l’Investissement Public Local (IPL) posera de premiers jalons en la matière
puisque l’un des axes du projet vise explicitement à mettre en évidence les différences interterritoriales dans
les situations de richesse, de ressources et de dépenses locales (d’investissement) ainsi qu’à examiner leur
évolution, dans un contexte de mutations des ressources publiques.
Le mode de traitement est approprié pour accorder une attention particulière à des territoires traversés par
des dynamiques spécifiques, tels ceux qui sont en déprise ou encore pour ceux qui sont confrontés à une
modestie marquée de leur richesse fiscale. L’équation budgétaire et fiscale est là particulièrement complexe
à résoudre. Pour les représentants des collectivités concernées, il convient non seulement de prendre acte
de la baisse ou de la moindre évolution des concours financiers étatiques290, mais également de procéder à
des arbitrages quant à l’offre de services publics locaux, dans des territoires confrontés à une érosion
progressive de la matière fiscale et/ou à une accentuation des fragilités socio-économiques. Dans ces
configurations, la fonction d’ajustement de la fiscalité locale est particulièrement difficile à convier. Comme
dans d’autres domaines d’action, l’exacerbation des enjeux et des tensions conduit-elle à la construction
d’arrangements spécifiques, au regard des modalités habituelles de réponse en vigueur au plan local, quand
des politiques publiques dédiées font défaut (Cauchi-Duval et al., 2016) ?
Aussi probantes soient-elles, les exploitations statistiques ne sauraient être totalement suffisantes. Le vote
(annuel) du budget de la collectivité et conjointement, la fixation des niveaux d’imposition ne sont que les
termes (temporaires) de processus complexes de décision, sous-entendant un ensemble d’interactions entre
élus, membres des services administratifs et/ou techniques, impliquant quelquefois les citoyens eux-
mêmes291, voire les représentants des diverses institutions concernées. Sont notamment en jeu les relations
complexes entre représentants des communes et ceux des intercommunalités ; les questions relatives au
partage des ressources fiscales et des charges en constituent bien souvent non seulement des points obligés
mais également des objets de difficiles conciliations (cf. Chapitre 4). Toujours dans le cadre du projet IPL, la
participation à une campagne d’entretiens (en cours) auprès de représentants (élus, administratifs…) de trois
communes d’un Etablissement Public Territorial de Seine St Denis, puis à l’analyse du matériau qui en
résultera nous conduira à apprécier précisément le poids des enjeux relatifs à la pression fiscale, communale
et intercommunale, dans un contexte institutionnel et territorial spécifique. En particulier, quelles positions
sont adoptées en matière d’évolution des taux face à la pression des besoins d’aménagement, de réalisations
289 Via les fichiers de recensement des éléments d’imposition à la fiscalité directe locale (REI), maintenant disponibles pour les années
2009 à 2018.
290 Les montants des dotations de péréquation (Dotation de Solidarité Urbaine DSU et Dotation de Solidarité Rurale DSR), en
progression, compensent, pour les territoires en difficulté, une part des baisses des concours étatiques usuels et dont toutes les
collectivités sont attributaires.
291 Dans le cadre notamment des budgets dits participatifs, de plus en plus d’actualité dans un nombre grandissant de villes
(cf. Assemblée Nationale, 2018, La démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne, Groupe de travail n° 6,
séance du mardi 17 avril sous la Présidence de Mme C. Untermaier, Compte rendu n° 05, disponible en ligne à partir de l’adresse :
http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-numerique/17-18/c1718005.asp)
155
d’équipements… dans un contexte de fortes mutations urbaines, et encore dans des communes où prévaut
une forte tradition d’interventionnisme municipal ?
Dans l’attente, nous avons dépeint les grands traits, pour les uns généraux, pour les autres spécifiques, des
systèmes fiscaux locaux. Alors que l’on pouvait les tenir comme ressortant de logiques différentes, les bases
et les taux d’imposition sont liés par des interdépendances, qui vont jusqu’à constituer un des éléments
illustratifs du mode de fonctionnement de ces systèmes. L’exercice territorialement différencié de la fonction
d’ajustement dévolue à la fiscalité locale en est un autre, représentatif d’un effet d’ouverture et de
dépendance à des transformations externes. A titre de prolongement, nous analysons quelques
manifestations concrètes du fonctionnement de ces systèmes, sous forme de déclinaisons spécifiques à des
catégories de contribuables (ménages/entreprises) puis de territoires.
156
3-La fiscalité locale, aux prises avec les situations et les politiques
locales
Une fois posés des constats relatifs à la dotation en bases taxables des collectivités puis aux usages locaux du
levier fiscal, nous envisageons ces deux composantes des systèmes fiscaux locaux de façon conjointe en tant
qu’ils forment des reflets plus ou moins fidèles des situations territoriales, des images plus ou moins distantes
des politiques exercées à leur endroit.
Nous adoptons essentiellement deux angles de décryptage. Le premier a trait à des incidences de la réforme
fiscale intervenue en 2010, du point de vue des produits perçus localement. La réforme est elle aussi
intervenue comme un (semi-)choc externe, modifiant l’organisation et le mode de fonctionnement du
système fiscal. Nous avons évoqué quelques-uns de ses impacts en matière de dotation en richesse
potentielle des collectivités. Ces analyses indiquent que, avec les mesures compensatoires mises en place, le
système fiscal fait montre de résilience ; elles mettent encore en évidence que la portée des changements à
venir dans la distribution de cette richesse est telle que l’on peut même faire état d’une pluralité de
résiliences territorialisées. Nous nous proposons de poursuivre l’identification et l’analyse de ces
modifications en examinant celles qui affectent non plus les ressources potentielles mais bien les produits
effectivement perçus localement. Avec la réforme, les assiettes de taxation, la structure des contributions et
les possibilités d’intervenir sur leur rendement sont modifiées ; ce qui a également comme effet, à terme, de
bouleverser la géographie des prélèvements. Tout autant observe-t-on des changements quant à la
provenance des produits et notamment, dans la répartition entre ce qui émane soit des ménages, soit des
entreprises (3-1).
Le second point offre une lecture centrée sur des ensembles territoriaux spécifiques, à savoir les métropoles.
Celles-ci sont désormais placées sur le devant de la scène des arrangements institutionnels292, des
développements urbains et territoriaux. Les réalités fiscales des communes et des intercommunalités
impliquées apparaissent-elles comme entretenant des liens de cohérence avec les représentations
couramment associées aux ensembles métropolitains, avec le rôle que ces derniers sont appelés à jouer ?
Finalement, l’importance et la structure des contributions qui reviennent à ces collectivités sont-elles gages
de la soutenabilité des actions qu’elles sont amenées à développer (3-2) ?
292Elles ont été principalement instituées par les lois de réforme des collectivités territoriales RCT (Loi n° 2010-1563 du 16 décembre
2010), par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles MAPTAM (Loi n° 2014-58 du 27
janvier 2014), et par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République NOTRe (Loi n° 2015-991 du 7 août 2015). Ces
dispositions ont été complétées par la Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain
(article 70).
157
Encadré 9 – Un mode d’estimation de la part revenant aux logements (bases ménages) et aux activités (bases
entreprises) au sein des bases et des produits de la taxe foncière sur les propriétés bâties, puis des produits fiscaux
locaux
La taxe foncière sur les propriétés bâties est acquittée par les propriétaires de biens fonciers et immobiliers, que ces
biens soient à usage résidentiel ou occupés à des fins d’activité économique. C’est donc une taxe « mixte » reposant à
la fois sur les ménages et sur les entreprises. La ventilation des bases en fonction de ces deux origines ainsi que celle
des paiements est porteuse d’intérêt pour toute analyse de la fiscalité locale comme pour toute connaissance de ses
incidences et/ou de ses enjeux territoriaux.
Les informations fiscales ad hoc293 font défaut pour évaluer précisément cette répartition, au niveau national comme
pour chaque collectivité. Abusivement d’ailleurs et du fait de ce verrou informationnel, tant dans les publications
statistiques officielles que dans les usages courants, la taxe est indûment rangée sous la bannière des « impôts
ménages ». La détermination de la contribution effective des entreprises aux budgets locaux en est minimisée d’autant.
De façon à dépasser le verrou mentionné, nous avons tenté d’approcher ce qui provient des usages résidentiels, ce qui
est imputable aux activités productives présentes localement, en concevant un mode d’estimation approprié (Navarre,
Rousseau, 2013b).
Dans les fichiers fiscaux disponibles (sites officiels et ministériels) figurent les valeurs des bases (brutes et nettes)
d’imposition à chaque taxe locale et pour chaque collectivité. Le montant des bases (brutes) de taxe foncière sur les
propriétés bâties FB, celui des bases (brutes) de taxe d’habitation TH sont ainsi connus. Nous les utilisons pour
l’estimation du volume des bases (brutes) de taxe foncière sur les propriétés bâties FB ressortant des activités
économiques.
En effet, la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements est égale à 50% de la valeur
locative cadastrale VLC des locaux à usage d’habitation ; cette valeur est la base d’imposition à la taxe d’habitation elle-
même. Il suffit alors, pour estimer les bases de taxe foncière imputables aux activités, de diminuer les bases de la taxe
foncière de 50% de la valeur des bases d’imposition de la taxe d’habitation. Il est ensuite aisé de déterminer la part
relative de chacune des composantes (activités ou entreprises/logements ou ménages) au sein du total des bases de la
taxe foncière.
Les évaluations sont conduites à partir des bases dites brutes d’imposition. Les bases nettes de la taxe foncière,
auxquelles est appliqué le taux de taxation, diffèrent peu des bases brutes, du fait précisément de situations limitées
de réductions en faveur des contribuables. Le taux d’imposition étant le même pour tous les contribuables, la structure
des produits est identique à celle des bases brutes d’imposition.
La démarche peut être conduite au niveau national comme pour toute collectivité.
Les résultats obtenus à l’issue des premières tentatives ont été confortés par des déclinaisons portant sur des territoires
choisis (Navarre, Rousseau, 2013a, 2013b ; Talandier et al., 2019) comme par des évaluations conduites pour diverses
années (Navarre, 2017b). Les proportions demeurent stables. En moyenne nationale, les entreprises sont détentrices
d’environ 38% des bases soumises à imposition pour la taxe foncière sur les propriétés bâties. En moyenne encore, les
ménages sont les principaux contributeurs à la taxe, puisqu’ils en acquittent pratiquement 62%.
293
Les données détaillées relatives à la ventilation des bases de taxation foncière selon la nature des contribuables sont contenues
dans des états fiscaux, qui sont uniquement détenus par les services déconcentrés dédiés, les collectivités et les institutions
ministérielles.
158
Les estimations effectuées mériteraient d’être mises en perspective avec des évaluations produites à partir des données
détaillées indiquant la répartition effective des bases selon la nature des contribuables.
En particulier, le mode de valorisation administrative, tel que nous l’avons succinctement décrit, s’applique aux biens à
usage résidentiel, aux locaux à usage professionnel ordinaire, aux locaux commerciaux ou assimilés. Les établissements
industriels donnent lieu à une évaluation comptable. Il n’est pas exclu que la différence entre les deux modes
d’évaluation soit source d’écarts (notables) dans les valorisations, jouant à la (dé)faveur de l’un ou l’autre type de biens
et partant, génère une imprécision des résultats que nous avons établis.
Une fois estimée la part de taxe foncière imputable aux ménages, les contributions ou impôts acquittés par ces derniers
IM peuvent être évalués (IM = Produit TH + Produit FB résidentiel/logements/ménages), ainsi que ceux acquittés par les
entreprises IE (IE = Produit FB productif/activités/entreprises + produit CFE + produit CVAE + produit TASCOM Taxe sur
les Activités Commerciales et IFER Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux).
159
160
3-1-Le système fiscal local, entre continuités et ruptures
La réforme fiscale, une évolution à bas bruit et une redistribution implicite des recettes locales
L’ensemble des compensations mises en place avec la réforme fiscale de 2010 annihile les incidences
immédiates de cette dernière pour les collectivités. Nous l’avons mentionné, le système des prélèvements
alimentant le dispositif et les reversements qu’il permet ont comme objectif de maintenir un statut quo
territorial, soit encore de garantir à chaque collectivité la réception des montants de contributions égaux à
ceux qu’elle percevait avec le système préexistant de taxation. L’immobilisme consacré au moment de la
réforme n’est cependant qu’apparent et l’état de fait ainsi institué est illustratif d’une forme de paradoxe.
En supprimant la taxe professionnelle, le législateur a placé les acteurs et les secteurs économiques au centre
du dispositif réformateur. De façon à répondre à des revendications récurrentes des milieux professionnels,
sur fond de volontés de relance de l’économie et de l’emploi, il a été choisi d’opérer un allègement
substantiel de la fiscalité locale pesant sur les activités économiques. Pour être acceptable et acceptée, cette
modification devait ménager le niveau de recettes fiscales des collectivités. Les dispositifs compensateurs
ont précisément été institués à cette fin ; ils ont comme effet de garantir la neutralité de la réforme pour
toute collectivité. De la sorte, les mesures réformatrices et les arrangements convenus apparaissent
indolores pour les collectivités et pour les territoires. Ils instaurent des continuités, tout en laissant pressentir
des ruptures.
En effet, des mutations en profondeur se dessinent dans les ressources que les institutions locales sont
amenées à percevoir. En réalité, à terme, en lien avec l’inflation, le pouvoir compensateur des versements
va s’atténuer. Parallèlement, les nouvelles assiettes et contributions vont suivre des dynamiques propres.
Non seulement la géographie des nouvelles ressources potentielles mais également celle des prélèvements
effectifs sont ainsi appelées à se transformer à bas bruits, au rythme de l’économie dans son ensemble, des
évolutions des situations territoriales et des préférences locales. Ces changements sont à la fois incertains et
peu ou pas évalués (Guengant, 2013). Ils sont en tout cas passés sous silence, l’accent étant mis sur la
préservation des situations établies. Le système des compensations sous-entend par ailleurs le maintien de
l’état des différences fiscales quand pourtant, les inégalités interterritoriales de ressources, ressortant de la
taxation locale des activités et de l’inégale répartition des entreprises entre les territoires (cf. supra),
constituent un fait majeur et reconnu de différenciation territoriale. La métrique économique des
prélèvements fiscaux sur les activités économiques impose sa logique dans la transformation du système
fiscal local quand, paradoxalement, avec la réforme le concernant, le devenir de ce système pour les
collectivités aurait pu être tenu comme central.
De la sorte et de façon implicite, alors qu’elle est présentée comme indifférente ou aveugle aux territoires,
la réforme contient bien des incidences territoriales : nous avons précisément cherché à mettre en lumière
quelques-unes d’entre elles (Navarre, Rousseau, 2013b). A cette fin, nous avons en particulier construit un
indicateur rendant compte des modifications en devenir des produits fiscaux perçus par les communes et par
leurs intercommunalités. La valeur de cet indicateur est évaluée comme étant le rapport entre le produit
fiscal avant compensation (celui qui vaudrait si la réforme avait été mise en œuvre immédiatement, en 2010)
et celui après compensation (celui qui vaut au moment de la réforme, qui correspond au produit perçu avant
son avènement). Une valeur du rapport supérieure à 1 signifie un élargissement de la base fiscale (ou une
extension) ; à l’inverse, une valeur inférieure à 1 est synonyme de rétrécissement de la base fiscale294.
294 Dans le premier cas, les collectivités sont dites « gagnantes » à la réforme et alimentent le système des compensations ; dans le
second cas, les collectivités sont dites « perdantes » et perçoivent les versements compensateurs.
161
Ainsi par exemple (Tableaux 15 et 16), l’élargissement est-il manifeste pour les ensembles intercommunaux
les moins peuplés ; ce sont également ceux où les produits antérieurs (et encore perçus) sont les moins
abondants. Leur situation est en passe de s’améliorer mais, en tout état de cause, la prépondérance des
bases résidentielles, alliée à une moindre présence des activités, ne confère pas des ressources élevées à ces
types de territoires et ce, dans l’ancien comme dans le nouveau système. Un effet analogue d’élargissement
se manifeste, de façon sensible, pour les ensembles situés à proximité des littoraux touristiques qui sont
quant à eux mieux pourvus qu’en moyenne.
Tableau 15 – Produit fiscal après compensation, en €/hab, Coefficient d’élargissement (Rapport du produit fiscal avant
compensation et du produit fiscal après compensation), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Coefficient d’élargissement (Produit
Produit fiscal après
fiscal avant compensation/produit
nbe compensation
fiscal après compensation)
ensembles
moyenne, coeff. moyenne, coeff.
en €/hab variation en €/hab variation
<10 000 hab. 1 422 404 0,60 1,13 0,15
10-20 000 hab. 604 481 0,55 1,07 0,14
20-50 000 hab. 325 591 0,33 1,02 0,13
50 -100 000 hab. 137 744 0,38 0,99 0,15
100-300 000 hab. 80 789 0,28 0,97 0,13
>300 000 hab. 18 924 0,11 0,93 0,07
ensemble 2 586 679 0,42 0,97 0,13
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Les changements (potentiellement instaurés) vont par exemple à l’inverse pour les ensembles où l’industrie
est fortement présente. La nature et la forte présence des activités taxables leur assuraient des produits
élevés, préservés avec les compensations. La forme d’avantage que recevaient ces territoires fortement
productifs est mise à mal avec le nouveau système de contributions ; les produits perçus vont diminuer, mis
à part si la dynamique des activités productives réussit à s’imposer. Ce qui n’est guère probable, les anciens
bastions de l’industrie traditionnelle n’ayant plus le vent en poupe du point de vue de la croissance et de
l’emploi… Pourrait-on encore considérer que l’abondance des ressources fiscales mériterait de perdurer, en
tant que forme de compensation face aux externalités négatives (risques, pollutions…) qui marquent ces
types de territoires ?
Par ailleurs, est-il conforme aux priorités adoptées en matière de politiques publiques, d’aménagement du
territoire, de développement local… que les compensations reçues par ces territoires proviennent
précisément des collectivités des espaces littoraux et touristiques et encore, des ensembles des zones rurales
qui par ailleurs ne perçoivent pas des produits conséquents ? La redistribution, guidée par les allègements
consentis aux acteurs économiques, opère implicitement des reversements vers des territoires à haut niveau
de prélèvements (non seulement les territoires industriels mais aussi les grandes agglomérations où les
activités tertiaires sont fortement représentées) à partir d’autres où les produits perçus sont nettement
moindres (les territoires ruraux et aussi les localités situées en seconde couronne francilienne par exemple).
Ce qui est a priori peu ou pas cohérent avec les logiques présidant habituellement au fonctionnement des
dispositifs de péréquation. Ce qui encore ne l’est pas nécessairement d’un point de vue socio-économique
ou sur le plan des fonctionnements territoriaux.
162
Au sein des territoires contributeurs, existent maintes localités reconnues pour leurs difficultés urbaines et
sociales295, des espaces reconnus pour la faible présence de services publics (locaux)296…
Tableau 16– Produit fiscal après compensation, en €/hab, et Coefficient d’élargissement (Rapport du produit fiscal avant
compensation et du produit fiscal après compensation), pour des catégories choisies de territoires, 2 586 ensembles
intercommunaux, 2012
Coefficient d’élargissement (Produit
Produit fiscal après
fiscal avant compensation/produit
nbe compensation
fiscal après compensation)
ensembles
moyenne, coeff. moyenne, coeff.
en €/hab variation en €/hab variation
Ile de France 2ème couronne 88 739 0,33 1,05 0,12
Ile de France 1ère couronne 18 827 0,2 1,02 0,09
Fortement industriels 24 998 0,44 0,76 0,17
Littoral touristique 77 775 0,23 1,10 0,08
Grandes agglo. tertiaires 13 922 0,12 0,92 0,06
Rural 40 462 0,34 1,08 0,15
autres 2326 574 0,44 1,01 0,12
ensemble 2 586 679 0,42 0,97 0,13
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
On perçoit d’emblée que les incidences résultant de ces deux mécanismes ne sont pas partout semblables.
Elles dépendent en effet des choix politiques auxquels les institutions départementales avaient procédé en
matière de taxation ; elles sont encore fonction de la vocation résidentielle plus ou moins marquée des
territoires ainsi que de l’importance de la matière taxable apportée par les biens détenus ou occupés par les
ménages.
Afin d’analyser ces différences et leur portée, la situation des ensembles communaux au regard des impôts
ménages est caractérisée d’une double façon : sous l’angle des volumes en jeu (soit encore des capacités
d’action, de l’effort demandé aux contribuables), et sous celui de la part relative de ces ressources fiscales
(soit alors des ressorts au fondement de l’évolution des budgets et de la spécialisation de la fiscalité).
Dans les analyses et dans les publications officielles courantes, la taxe foncière sur les propriétés bâties est
abusivement considérée comme une « taxe ménages » alors que, dans les faits, cette taxe est mixte. Les
informations manquent pour établir de façon assurée les apports respectifs des détenteurs de biens en
fonction de la nature de ces derniers (à vocation résidentielle vs à usage productif). Afin de contourner cet
obstacle et d’apprécier au mieux ces contributions respectives, nous avons proposé un mode d’évaluation
2014, en moyenne 420 €/hab, les entreprises un peu moins de 220 €/hab (source : à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en
Chffres CLEC, 2016).
163
spécifique (cf. Encadré 9). Sur cette base, le niveau de l’ensemble des impôts acquittés par les ménages, leur
part relative au sein des produits fiscaux peuvent être estimés et représentés (Tableaux 17 et 18, Carte 2).
Tableau 17 – Niveau des impôts pesant sur les ménages IM et sur les entreprises IE, en €/hab et part relative, en % du
total, selon l’importance démographique des ensembles, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
IM, en €/hab IM/(IM+IE), en %
nbe
coeff. coeff.
ensembles moyenne moyenne
variation variation
<10 000 hab. 1 422 293 0,37 70% 0,19
10-20 000 hab. 604 322 0,4 67% 0,19
20-50 000 hab. 325 378 0,34 65% 0,17
50 -100 000 hab. 137 457 0,3 65% 0,16
100-300 000 hab. 80 475 0,24 64% 0,12
>300 000 hab. 18 533 0,16 62% 0,10
ensemble 2 586 421 0,34 65% 0,16
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Tableau 18 – Niveau des impôts pesant sur les ménages IM et sur les entreprises IE, en €/hab et part relative, en % du
total, pour des catégories choisies de territoires, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
IM, en €/hab IM/(IM+IE), en %
nbe
ensembles coeff. coeff.
moyenne moyenne
variation variation
Ile de France 2ème couronne 88 489 0,22 67% 0,2
Ile de France 1ère couronne 18 492 0,22 59% 0,18
Fortement industriel 24 386 0,18 55% 0,14
Littoral touristique 77 625 0,24 73% 0,07
Grandes agglo. tertiaires 13 533 0,15 63% 0,09
Rural 40 303 0,25 64% 0,17
autres 2 325 385 0,25 65% 0,16
ensemble 2 586 421 0,34 65% 0,16
Note : en gras, les moyennes par catégorie significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique
de 95%
Source : élaboration à partir de Navarre, Rousseau, AdCF, 2013b
Désormais, les ménages, bien plus que les entreprises, sont les principaux contributeurs aux budgets locaux,
à ceux des ensembles intercommunaux en particulier. Néanmoins, les montants unitaires que ces ménages
acquittent tout autant que les degrés de dépendance aux produits versés pour les biens à usage résidentiel
diffèrent selon les ensembles. La résidentialisation de la fiscalité locale se manifeste inégalement selon les
territoires. Ainsi par exemple, tendanciellement, les montants en question (exprimés en €/hab) augmentent
avec la taille démographique des ensembles, quand il en va à l’inverse de leur part relative au sein des
ressources fiscales. En écho avec les orientations productives des territoires et les occupations de l’espace,
la fiscalité locale, non seulement dans les dotations en bases mais également dans la perception des produits,
est plus ou moins spécialisée, plus ou moins tributaire des développements résidentiels ou des devenirs
productifs.
164
La plus grande part des ensembles intercommunaux sont placés dans une situation qui pourrait interpeler,
en termes de devenirs territoriaux (Carte 2). Les impôts à base résidentielle (exprimés en €/hab) procurent
là peu de ressources quand la dépendance budgétaire ou fiscale à ce type de produits est forte298.
A côté des ensembles les moins peuplés, ceci vaut pour les villes moyennes, pour les zones rurales comme
pour celles marquées par le déclin industriel. Les ressources apportées par les habitants, qui sont bien plus
qu’ailleurs les principaux contributeurs, demeurent modestes. Là davantage qu’en d’autres lieux, et là
davantage que par le passé, la progression des capacités locales d’action tient à l’évolution du parc de
logements et donc, à l’attractivité résidentielle des lieux. Cette dernière est bien souvent modérée, dans ces
espaces à l’écart des courants de la métropolisation, des principales dynamiques de croissance et pour
nombre d’entre eux, fragilisés par les crises économiques successives (Davezies, 2010). Les moyens
disponibles pour maintenir ainsi que pour développer l’offre de services sont restreints, ont encore toute
probabilité de se restreindre, quand cette offre constitue un facteur, majeur, de développement local
(Talandier, 2011).
A l’inverse, pratiquement 1/5 des ensembles disposent d’impôts provenant des ménages élevés et
simultanément, en sont peu dépendants. Pour l’essentiel, ce sont les zones (des capitales régionales et de
leurs proches périphéries…) dynamiques et attractives, sur le plan économique et/ou résidentiel. Les
caractéristiques socio-économiques et urbaines, la mixité des fonctions et les transformations fiscales
forment des combinaisons « gagnantes » au jeu de la fiscalité locale et de ses mutations.
De la sorte, en accentuant la spécialisation des taxes et en conséquence, la dépendance à certains types
d’assiettes d’imposition, le nouveau système fiscal redessine une France à plusieurs vitesses. A la différence
de ce qui valait auparavant et de façon marquée, les ressorts de ces évolutions se trouvent principalement
dans les développements et aménagements résidentiels, et par là même dans la croissance démographique.
Tous les logements, nous l’avons mentionné, ne sont pas également porteurs de richesse fiscale. Tout autant
que les volumes, la nature des constructions et la composition de leur population importent alors. Sans
dispositif correcteur, et notamment en direction des collectivités les moins sujettes à ces dynamiques
positives ou déjà en position de difficultés, la fiscalité rénovée est à même de contribuer au creusement des
inégalités interterritoriales. L’expression de ces dernières est bouleversée au nom d’une logique,
économique, qui ne ressort que moindrement des préférences locales ; elle relève encore de logiques de
peuplement et de de parcours résidentiels, sur lesquels les choix locaux ont peu ou pas de prises...
165
Carte 2 – Représentation croisée du niveau des Impôts Ménages IM (en €/hab) et de leur poids relatif dans les
contributions perçues (en %), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Représentation schématique de la distribution niveau
des IM (indice 100 = 421 €/hab)
et du pouvoir de taux (indice 100 = 65%)
Cet état de fait et les changements implicites à l’œuvre résultent d’une lecture sectorielle du réformateur.
Celui-ci a cette fois raisonné essentiellement en termes d’avantages fiscaux catégoriels quand, à d’autres
reprises, il privilégie des considérations en termes d’aménagement du territoire, de redressement des
comptes publics… Soit encore une sectorisation et une accumulation de changements dont les effets peuvent
s’avérer contradictoires. En tout état de cause, ces impacts sont incertains et difficilement lisibles puisque
les velléités de changements sont assorties de mesures de non-changement. Soit également une vision
segmentée qu’il revient au chercheur lui-même d’éviter : s’il lui est indispensable de s’intéresser aux
dispositifs en vigueur et à leurs transformations, il ne peut faire abstraction des configurations sociales et
territoriales dans lesquelles ces instruments s’appliquent et qu’ils contribuent à modifier.
Nous cherchons à mettre en évidence la nécessité de cette lecture intégrée – systémique – en examinant la
situation fiscale des entités institutionnelles singulières que constituent les métropoles.
166
3-2-La fiscalité des métropoles : des déclinaisons communes pour des
entités singulières
Les représentations précédentes ont laissé transparaître des singularités dans l’état fiscal des territoires les
plus peuplés, dans celui des grandes agglomérations à forte présence d’activités tertiaires299. Une lecture
spatiale et statistique fine conduit encore à repérer la situation spécifique des ensembles intercommunaux
centraux, comparativement à ceux qui les entourent. Ces particularités justifieraient à elles seules l’attention
à porter à ces cœurs d’agglomération. Toutefois, leur intérêt ne réside pas, ou pas simplement là.
Pour la plupart, les ensembles centraux en question sont des métropoles, au sens où les ont consacrées les
réformes institutionnelles récentes. Ces intercommunalités, dites nouvelles, sont censées former des
espaces pertinents en vue de porter d’ambitieux projets de territoire, servant à atteindre des objectifs
formulés en termes d’accroissement de la compétitivité et de l’attractivité économique, sur la scène
nationale comme internationale ; elles devraient même contribuer au renforcement de la cohésion sociale,
interterritoriale. Ainsi les collectivités concernées concilieraient de façon adéquate des principes d’efficacité
et d’équité, déclinés à différentes échelles et dans divers domaines d’action. Simultanément, les statuts,
compétences et ambitions des métropoles ont été modifiés, étendus, quand leur régime fiscal et financier
est demeuré inchangé. Il est quasiment identique à celui qu’elles possédaient auparavant, en tant que
communautés urbaines ou communautés d’agglomération300. Les métropoles prendraient alors forme
d’inventions sans innovation (Baraize, Négrier, 2001)301. En raison de ces dissonances apparaissent d’emblée,
pour ces objets territoriaux, des tensions entre le registre des objectifs et celui des moyens. Le raisonnement
– politique – tenu à leur sujet est en effet empreint d’ambiguïtés et d’incertitudes.
Du point de vue du développement territorial (Davezies, Estèbe, 2015 ; Bouba Olga, Grossetti, 2018), qu’on
les considère ou non comme les leaders de la croissance, les métropoles sont tenues comme des territoires
fortement producteurs de richesse, dynamiques à la fois sur le plan économique et démographique (Baude,
2016). Il ne reste qu’un pas à franchir pour les considérer également comme des territoires fiscalement
riches, du fait à la fois de leur vocation productive et des fortes valeurs des biens immobiliers présents en
leur sein.
La concrétisation des projets métropolitains, que les responsables politiques au niveau national et local
appellent de leurs vœux, suppose que les collectivités concernées vont disposer de ressources fiscales
suffisantes et suffisamment croissantes pour couvrir les dépenses afférentes. Elles ne peuvent en effet tabler
sur d’autres ressorts puisque, comme toutes les autres, ces communes et intercommunalités sont
confrontées au resserrement des versements étatiques en leur direction, à une nécessité de modération
dans la progression de leurs charges courantes, dans un contexte austéritaire (cf. supra). Il est donc postulé
que la fiscalisation des budgets, l’usage territorialisé du levier fiscal, dans des contextes locaux supposés
favorables, seront gages des succès escomptés. Autrement dit et au sens où nous l’avons entendu, les
finances et la fiscalité des métropoles sont posées comme soutenables, au regard des efforts à engager et
des perspectives d’action à venir.
299 Dont un fort niveau de richesse potentiel, maintenu par le dispositif des compensations et en lien, des marges de manœuvre
fiscales moindres qu’en moyenne, et des niveaux élevés de produits fiscaux.
300 En termes financiers, les métropoles reçoivent un supplément de DGF, comparativement à ce qu’elles recevaient antérieurement
en tant que communautés urbaines ou d’agglomération. Si l’on reconnait que l’incitation financière est probante sur le plan de la
progression de l’intercommunalité (Desage, Guéranger, 2011), cet effet d’aubaine demeure modeste.
301 Une alternative aurait en effet consisté à concevoir les métropoles comme des systèmes fédéraux.
167
Nous avons cherché à mettre ce postulat à l’épreuve des faits en examinant tout d’abord la situation fiscale
des ensembles métropolitains302 (Navarre, 2017b) puis plus particulièrement, les contributions que leur
versent les entreprises (Navarre, 2018)303. Nous restituons les éléments saillants de nos explorations, en tant
que prolongements des points abordés précédemment et ayant trait à des ensembles élargis de collectivités,
ainsi qu’en tant que prémices potentiels d’investigations complémentaires.
Tableau 19 – Poids relatif des produits fiscaux selon leur nature, types d’ensembles intercommunaux, 2014, en % du
total des ensembles
fiscalité activités Recettes Réelles
nbe emploi fiscalité de
population (sans (avec
(pm) privé ménages Fonctionnement
compensations) compensations) (2013)
en % total
ensembles métropolitains 21 18% 25% 23% 22% 24% 22%
ensembles CA/CU/SAN 216 38% 44% 43% 43% 45% 43%
ensembles CC 1 887 44% 31% 34% 35% 31% 35%
total ensembles
2 114 100% 100% 100% 100% 100% 100%
intercommunaux
Note : Fiscalité ménages = Produits TH + Produits FBménages ; Fiscalité activités = Contribution Economique Territoriale
CET + Taxe sur les Activités Commerciales TASCOM + Impositions Forfaitaires sur les Entreprises de Réseaux IFER +
FBentreprises ; Compensations (fiscales étatiques) résultant de la réforme de 2010
Source : élaboration d’après fichiers DGF 2015 et Acoss
En proportion, la structure des prélèvements, entre ce qui provient des ménages ou des entreprises305, est
comparable à ce qui vaut de façon générale. Ces ensembles ne dérogent donc pas à la règle commune à tous
types de territoires : les détenteurs et usagers des biens à usage résidentiel sont les principaux contributeurs
302 Désignant ainsi la métropole en tant qu’intercommunalité (à fiscalité propre et ses communes-membres). Les réalités fiscales et
budgétaires des ensembles métropolitains sont évaluées de la même façon que celle employée pour les autres ensembles
intercommunaux (cf. Chapitre 4).
Les ensembles métropolitains sont comparés à ceux constitués autour des intercommunalités les plus urbaines (communautés
d’agglomération CA, communautés urbaines CU et syndicats d’agglomération nouvelle SAN), ainsi qu’aux autres intercommunalités
plus « ordinaires », portant statut de communautés de communes CC.
Les explorations sont quasiment exhaustives puisqu’elles portent sur 2 114 ensembles parmi les 2 117 constitués en 2014 (2 sont
non renseignés et la Métropole du Grand Paris, en raison de ses multiples spécificités, n’est pas incluse dans les traitements
statistiques).
303 Les explorations ont porté sur un nombre différent de métropoles : les premières (réalisées en 2017) ont trait
aux 12 métropoles existant en 2015 ; celles réalisées en 2018 concernent les 21 ayant reçu ce statut ou en passe de l’obtenir en
janvier 2017. Dans la mesure du possible, les traitements initiaux ont été étendus pour couvrir l’ensemble des actuels périmètres
métropolitains. Il s’avère dans les faits que les résultats sont stables et ne sont pas affectés par l’extension du nombre de métropoles
considéré.
304 En 2014, les 21 métropoles percevaient environ 10 milliards d’€ au titre de la fiscalité locale. Selon les sources citées, les
contributions directes leur rapportaient 10,19 milliards d’€ hors compensations fiscales et 10,84 milliards d’€ en intégrant ces
compensations. Les ensembles métropolitains regroupent 11,15 millions d’habitants et 3,87 millions d’emplois (salariés) privés
(source : Insee et Acoss).
305 La fiscalité ménages rapporte environ 6,5 milliards d’€ à ces ensembles métropolitains, celle sur les entreprises un peu plus de
3,7 milliards d’€ (hors compensations fiscales et 4,4 milliards d’€ compensations incluses).
168
aux budgets. La résidentialisation de la fiscalité locale prend un tour paradoxal s’agissant des ensembles
métropolitains puisque la fiscalité professionnelle devait être un des leviers du pouvoir d’agglomération
(Hertzog, Siat, 2000). La sectorisation et la cohérence des dispositifs de politiques publiques sont en jeu…
En tout état de cause, le constat vient en décalage avec les représentations courantes selon lesquelles les
métropoles sont des poids lourds d’un point de vue économique. Cet état de fait est encore en contraste
avec les orientations communes selon lesquelles les dépenses consenties dans les ensembles métropolitains
ont pour objectif de renforcer leur importance en matière de développement productif et leur compétitivité.
Est en effet en question la proportionnalité de la fiscalité locale non seulement au regard des objectifs à
atteindre mais également vis-à-vis des bénéfices qui résulteront de leur concrétisation. Les ménages des
ensembles métropolitains, qui contribuent majoritairement à financer les budgets, les aménagements, les
projets qui sont développés…, en sont-ils ou en seront-ils les premiers bénéficiaires ? Dans ces cœurs
d’agglomération où les ressources foncières sont rares, le fait de privilégier les aménagements à vocation
d’accueil d’activités ne revient-il pas à miner le ressort majeur du financement métropolitain que constitue
la fiscalité émanant des ménages ?
Tableau 20 – Montants unitaires, produits fiscaux, types d’ensembles intercommunaux, 2015, en €/emploi
Fiscalité FB Fiscalité entreprises
ménages entreprises CVAE sans avec
(TH et FB et CFE compensation compensations
ménages)
en €/emploi
en €/hab
ensembles métropolitains (21) 579 700 218 964 1 134
ensembles CA/CU/SAN 522 772 237 1 074 1 205
ensembles CC 368 893 240 1 256 1 181
total ensembles intercommunaux 465 791 233 1 101 1 180
Notes : TH = taxe d’habitation ; FB = taxe foncière sur les propriétés bâties ; en gras, les moyennes par catégories
significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique de 95%
Source : élaboration à partir de fichier DGF 2015 et Acoss
Un deuxième trait tient à la modestie des montants unitaires (en €/emploi) de la fiscalité reposant sur les
entreprises307. Comme les autres ensembles les plus peuplés et comme les autres grandes agglomérations,
parfois même avec davantage d’intensité encore308, les ensembles métropolitains sont dépendants du
système de compensations institué avec la suppression de la taxe professionnelle.
fiscale, les collectivités des ensembles métropolitains ont été, davantage que d’autres, « perdantes » à la réforme.
169
Les modalités du développement économique des métropoles et les retours fiscaux que celui-ci est à même
de générer priment alors tout particulièrement.
La modestie des produits métropolitains vaut en premier lieu pour la contribution assise sur la valeur ajoutée
et donc, sur les flux de richesse créés par les activités. Cette faiblesse (relative) de la CVAE a de quoi
surprendre. Le tournant des métropoles vers les emplois hautement producteurs de valeur/richesse est en
effet tenu comme une de leurs particularités ; cependant, il n’est pas perceptible dans les contributions
apportées par les entreprises aux budgets des collectivités impliquées. Si cette évolution et cette vocation
économique ne peuvent être contestées (Davezies, 2016), leur force n’est pas suffisante pour compenser la
moindre productivité d’autres activités, les distorsions induites par le mode de territorialisation de l’assiette
de la contribution (cf. supra).
La modestie est encore plus prononcée pour les taxes à assiette foncière, soit encore celles calculées à partir
des valeurs des stocks d’immobilisations. Ce qui est interpelant, au regard des devenirs fiscaux
métropolitains. Dans les faits, la réforme fiscale de 2010 ressortait de la volonté de majorer l’importance des
contributions fonction de la richesse créée par les activités économiques. Pourtant, il apparait que les taxes
foncières, même modestes, occupent encore une place nettement prépondérante au sein des produits
acquittés par les acteurs économiques. Leur croissance constitue alors un levier majeur pour l’augmentation
des budgets locaux. Les immobilisations taxables et leurs valorisations fiscales ont-elles vocation à se
développer dans ces espaces centraux, confrontés à une rareté du foncier disponible ainsi qu’au
développement d’activités tertiaires ou de services, suscitant généralement peu de constructions ?
Mais plus fondamentalement, la modestie constatée (certes relative) des taxes est-elle imputable à une
moindre valeur des bases taxables dans les espaces en question ou bien encore à une intensité, plus faible
qu’ailleurs, de la pression fiscale ?
309 En 2014, le potentiel fiscal et financier moyen des communes des (12) ensembles métropolitains, exprimé en €/hab, est supérieur
des grandeurs fiscales relatives aux biens résidentiels en €/hab, ceux des grandeurs relatives aux activités productives en €/emploi
(privé).
170
Tableau 21 - Montants unitaires, bases d’imposition et produits fiscaux, types d’ensembles intercommunaux, 2014, en
€/hab et €/emploi et en %
bases produit bases produit
nbe Fisc
FB FB
ensembles TH TH FB entr. CFE foncière
ménages ménages
entr
en €/hab en €/emploi
ensembles métropolitains 21 1 553 776 579 189 1 461 1 191 700
ensembles CA/CU/SAN 216 1 606 803 522 181 1 763 1 456 772
ensembles CC 1 877 1 266 633 368 119 2 153 2 047 893
total ens. intercommunaux 2 114 1 447 724 465 155 1 806 1 569 791
Note : il s’agit des bases brutes d’imposition (hors abattements, exonérations…) ; en gras, les moyennes par catégories
significativement différentes de la moyenne d’ensemble au seuil statistique de 95%
Source : élaboration d’après fichier DGF 2015 et Acoss
Si les (21) métropoles sont plus dotées qu’en moyenne, cette supériorité n’est pas due aux bases foncières
et immobilières servant à assoir les taxes ménages. Les ensembles métropolitains sont à ce titre dans la
moyenne ; ils sont moins pourvus que d’autres ensembles dont certains sont eux-aussi denses et fortement
agglomérés. L’hétérogénéité intra-métropolitaine du parc de logements pourrait contribuer à cet état de
fait311. Les produits des taxes (d’habitation et foncière) sont quant à eux plus élevés qu’en moyenne. Ce qui
signe le fait que les usagers et les propriétaires des biens à usage résidentiel supportent une pression fiscale
plus élevée dans les métropoles qu’ailleurs.
Même si, nous l’avons souligné, les progressions des taux ne sont pas directement déterminées par les
niveaux déjà en vigueur, on peut néanmoins supposer que les hausses sont moins aisées lorsque ces niveaux
sont déjà élevés. En conséquence, les décideurs présents dans les métropoles ne seraient pas les mieux
armés face à l’usage du levier fiscal. La crainte de sanctions électorales pourrait l’emporter sur les annonces
politiques formulées en termes de développements et de projets métropolitains, et encore de dépenses à
engager… Des incertitudes pèsent donc sur la progression des recettes fiscales dans les ensembles
métropolitains : il n’est pas exclu que les effets de situation et les préférences se combinent pour les
évolutions soient en deçà de ce qui est implicitement escompté.
La situation fiscale est différente en termes de fiscalité acquittée par les activités. Compte tenu de la nature
et de la composition de leur appareil productif, sur une base unitaire, les ensembles métropolitains sont
nettement moins dotés que les autres en termes de bases taxables. Les produits unitaires moyens sont eux-
mêmes moindres et ce, même si la pression fiscale exercée sur les activités est plus intense dans les
métropoles qu’ailleurs312.
Les comparaisons effectuées pour la période 2001 à 2014 indiquent que les dotations en bases ont en
moyenne progressé à un rythme semblable dans tous les ensembles intercommunaux. Si des dynamiques ou
des politiques d’investissement particulières se sont déployées dans les métropoles, elles n’ont pas suscité
de majoration notoire. Ce qui indique que les communes et intercommunalités concernées vivent
actuellement sur la base d’une richesse installée depuis longtemps. L’accumulation du capital immobilier
résidentiel dont elles ont été siège génère des effets positifs en termes de ressources, par le biais d’une
311 La présence de périphéries aux logements de moindre qualité voire en cours de rénovation, comme celle d’appartements dégradés
dans les quartiers centraux à l’écart de mouvements de gentrification ou de processus de valorisation… joueraient, ce que ne
compenseraient pas les fortes valeurs d’un patrimoine immobilier résidentiel prisé, ancien ou en cours de construction.
312 Nous avons établi un indicateur de pression fiscale. Il est évalué en rapportant le produit de la fiscalité acquittée par les entreprises
à la moyenne des bases de la taxe foncière et de la CFE. Il s’établit à 53% pour les ensembles métropolitains, à 48% pour ceux
constitués autour de CA/CU/SAN, à 43% dans les ensembles autour de CC et à 47% en moyenne nationale.
171
surimposition relative ; celle du capital productif, voire ses mutations, n’a pas les mêmes incidences, malgré
une forte mobilisation. Les ensembles métropolitains semblent donc aux prises avec un certain nombre de
désavantages (relatifs) du point de vue de leur situation fiscale et pour le moins, avec un décalage au regard
des issues budgétaires attendues avec leur promotion institutionnelle et politique.
Figure 20 – Montants unitaires des taxes et contributions foncières sur les activités, de la CVAE, 21 ensembles
métropolitains, 2014, en €/emploi
Ainsi par exemple les bases d’imposition à la CFE ont-elles tendance à diminuer dans les métropoles, quand
elles augmentent dans les autres ensembles intercommunaux. Cette fragilisation n’atteint cependant qu’une
part des ensembles métropolitains, les autres demeurant stables ou au contraire, connaissant des
progressions313. Les montants et la structure des principales contributions sur les activités diffèrent encore
fortement selon les lieux (Figure 20)314. Notamment, la CVAE n’est pas aussi indifférente qu’elle le semble de
prime abord à la combinaison productive présente dans chaque territoire (Tableau 20).
313 Entre 2012 et 2014, les bases diminuent (entre -22 et -1%) dans les métropoles de Montpellier, Toulon, Nice, Strasbourg, Marseille,
Orléans, St Etienne, Brest ; elles connaissent des variations comprises entre 0 et 7% pour les métropoles de Nancy, Nantes, Rennes,
Rouen, Dijon, Tours, Clermont-Ferrand, Lille et Bordeaux.
314 Metz et Toulouse forment ainsi 2 cas de figure extrêmes du point de vue de la CVAE (en €/emploi), ce que l’on peut mettre en
relation avec les particularités et le dynamisme de leur tissu productif. Metz et Toulon sont également nettement opposées en termes
de Contribution Foncière. Les écarts ne séparent pas nécessairement les métropoles initialement créées et celles qui les ont rejointes
(Dijon et Marseille sont proches, tout comme Orléans l’est de Toulouse).
172
La diversité ou l’hétérogénéité est encore perceptible dans les montants et sens des compensations induites
par la réforme de 2010 : si des métropoles sont potentiellement et majoritairement « perdantes » au
changement de système fiscal, une part d’entre elles sont « gagnantes »315.
Plutôt que de cumuler les exemples, attestant pour les uns de similitudes, pour les autres de la variabilité
dans les situations, nous choisissons de représenter, à titre de synthèse et d’élément de réflexion, les niveaux
de richesse potentielle et de produits fiscaux effectivement perçus dans les ensembles métropolitains. Ainsi
figurons-nous par là même l’intensité de la pression fiscale locale, pour les 4 taxes dont les élus des
communes et/ou des métropoles peuvent moduler le taux (Figure 21).
Figure 21 – Produit fiscal théorique et produit effectif, ensembles métropolitains, 2014, en €/hab
Note : la droite figure l’égalité du produit théorique et du produit effectivement perçu ; l’origine des axes représente la
moyenne du produit théorique et perçu, pour les ensembles métropolitains
Source : élaboration à partir de DGF 2015 ; (taux TH = 0,239453 ; taux FB = 0,202016 ; taux FNB = 0,484881 ; taux CFE =
0,257636 – Ministère de l’Intérieur, Note d’information du 18 mai 2015 relative à la répartition de la dotation nationale
de péréquation pour l’exercice 2015) pour le calcul du produit théorique
Cette représentation laisse apparaître que, si les métropoles présentent des spécificités au regard des
collectivités des autres ensembles intercommunaux, elles partagent avec ces dernières bon nombre de traits
communs ; toutes ne le font cependant pas également. L’exceptionnalité des enjeux (de développement
économique, de fourniture de services publics locaux, d’action en faveur de leur territoire et de leurs
habitants…) auxquels les collectivités des métropoles sont confrontées ressort finalement des conditions
ordinaires de fonctionnement du système fiscal local. Y compris dans sa diversité interne, le sous-ensemble
que constituent les métropoles serait emblématique de la structure commune de ce système. Quelques traits
majeurs appuient ce constat.
315 Les compensations sont positives pour celle de Rouen, négatives pour celles de Nice (qui figurent les 2 cas extrêmes).
173
En premier lieu, les inégalités dans la distribution des richesses entre collectivités sont également de mise
pour les métropoles316. En second lieu, il apparaît que les choix fiscaux des élus laissent subsister les écarts
interterritoriaux tout en les resserrant317. Cette tendance à l’homogénéisation (relative) pourrait sembler
antinomique avec des velléités métropolitaines d’affirmation d’avantages comparatifs, voire de volontés de
positionnement concurrentiel. La pression des besoins serait-elle la plus forte, induisant des effets
d’alignement ? En troisième lieu, les choix, les politiques ou les contraintes pesant en matière d’extraction
des recettes fiscales sont bien contrastés selon les lieux. Les contraintes laisseraient donc place à la
manifestation d’une certaine autonomie fiscale locale, diversement exercée.
Un élément nous semblait propre aux ensembles métropolitains, à savoir l’intensité de la pression fiscale
exercée tant sur les ménages que sur les entreprises. Tel n’est cependant pas le cas dans toutes les
métropoles et bon nombre des collectivités impliquées disposent encore de marges de manœuvre en
matière d’élévation des taux. Les effets de rendement résultant de telles hausses seraient cependant
différents, compte tenu des fortes différenciations de richesse potentielle318. Compte tenu des effets de
situation et des manifestations potentielles ou avérées des effets de préférences, les collectivités sont
fortement inégales face aux enjeux métropolitains. Par ailleurs, selon les profils socioéconomiques des
contribuables, les incidences des efforts fiscaux à effectuer pour une mobilisation accrue de ressources
fiscales ne seraient pas analogues, en termes d’équité.
L’amplitude des écarts laisse entendre que, sans des mesures différenciatrices et une adaptation du régime
des moyens, l’atteinte simultanée et conjointe des objectifs métropolitains apparaît difficilement
envisageable. Les ressources et les initiatives locales semblent loin d’être toujours suffisantes. Même si les
ensembles métropolitains sont mieux dotés que d’autres et s’ils ne sont pas parmi ceux à privilégier au titre
de dispositifs de péréquation, des aides financières pourraient être allouées à tout ou partie d’entre elles...
A défaut, l’effectivité des politiques promouvant les métropoles, la cohérence entre ces dispositions et leur
substrat fiscal ou budgétaire pourraient être mises en doute, ou au moins en questions. Sauf à considérer
que les créations institutionnelles constituent des arrangements à moindre coût, qu’elles sont destinées à
demeurer pour l’essentiel des figures de rhétorique politique. Mis à part encore à tenir implicitement la
métropolisation, placée sous un affichage commun, comme une dynamique à plusieurs vitesses…
316 Lille et Nice figurant les cas extrêmes de richesse potentielle. La prise en compte de la CVAE (cf. Figure 20) ne mettrait pas à mal
cette observation.
317 Le rapport qui sépare les produits théoriques extrêmes (proche de 2) est plus élevé que celui qui vaut pour les produits effectifs
(voisin de 1,6).
318 La pression est faible dans la métropole messine ; même si elle s’élevait pour se rapprocher des moyennes, les produits perçus
demeureraient faibles. Il en irait à l’inverse pour la métropole lyonnaise, semblant « vivre en-dessous de ses moyens ».
174
Comparativement à d’autres territoires, les métropoles présenteraient l’avantage de pouvoir tabler sur le
dynamisme de leur tissu productif, suscitant celui de leurs bases taxables et une croissance mécanique des
rendements fiscaux.
Nous avons mis en évidence que cet effet semblait plus supposé que réellement avéré. Il importerait de
mieux qualifier ce lien, ou cette absence de lien, entre les dynamiques économiques, les modalités de
spécialisation des activités ou de diversification des combinaisons productives et les évolutions des situations
fiscales. De premières tentatives ont été effectuées dans ce sens (Navarre, Rousseau, 2013a). Elles révèlent
les difficultés à établir des parallèles entre contextes socio-économiques et situations fiscalo-financières, y
compris lorsque l’on raisonne à partir d’un échantillon particulier de collectivités (tel celui que constituent
les intercommunalités dites urbaines). Les typologies alors établies indiquent néanmoins que les métropoles
d’aujourd’hui se rangent plutôt dans le groupe des territoires productifs, plus ou moins spécialisés dans le
secteur secondaire ou présentant une diversité d’activités productives complémentaires ; leur attractivité
(résidentielle ou démographique) est variable et même dans certains cas, faible voire négative en raison de
désajustements entre l’offre d’emploi et les conditions du marché local du logement. De telles configurations
seraient de nature à conduire vers une forme d’impasse dans la mesure où la fiscalité issue des ménages est
primordiale pour les budgets locaux, et métropolitains, et où sa croissance peut être en berne. A contrario,
la dynamique productive serait porteuse d’apports fiscaux, ayant toutefois une portée modérée compte tenu
des volumes en jeu. L’étude alors réalisée mériterait d’être actualisée, en portant une attention particulière
aux dynamiques récentes et conjointes du tissu productif présent dans les métropoles, à celles de leur
population et du parc de logement.
Par ailleurs, l’instauration des métropoles répond à une recherche récurrente, et vaine, des périmètres
institutionnels pertinents (Offner, 2006), voire optimaux (Béhar, 2015a), du point de vue de la rationalisation
et de la simplification de notre fonctionnement administratif ainsi que sur le plan socio-économique. Fonder
des analyses fiscales ou financières sur ces périmètres n’est dès lors ni totalement pertinent, ni réellement
optimal. En effet, dès lors que l’on fait état de dynamiques démographiques ou économiques pour des
territoires donnés, il est difficile voire impossible de faire abstraction des mouvements se déroulant en leur
sein, de ceux qui les lient à leur environnement. Retenir la maille institutionnelle comme base d’analyse induit
par ailleurs un certain nombre de biais en postulant une homogénéité interne de fait ; elle instaure des
ruptures dans les continuités territoriales existantes quand celles-ci sont indifférentes aux limites
administratives (Blanc, Estèbe, 2003). Pour des analyses ultérieures, il s’avèrerait dès lors indispensable de
tenir compte de ces complémentarités et de cette hétérogénéité.
L’une de ces complémentarités réside dans la mixité fonctionnelle qui ressort comme primordiale pour les
développements métropolitains. Nous avons en effet évoqué, pour ces territoires, les dépendances
budgétaires et fiscales aux développements résidentiels, majoritairement générateurs de ressources, quand
l’essor économique, voire la spécialisation du tissu productif, constitue leur image de marque. Dans les faits,
quelles stratégies sont adoptées en la matière ? Les dimensions fiscales et les incidences budgétaires des
politiques locales de développement, d’aménagement… sont-elles intégrées aux choix ?
Une autre de ces complémentarités tient aux interdépendances, fortes, entre les villes et leur
environnement, au point que l’on peut faire état de l’existence de systèmes productivo-résidentiels SPR
(Talandier, 2012, 2017). Les liens de dépendance, voire les conditions de réciprocité, entre les métropoles et
leur hinterland sont désormais intégrés dans les dispositifs de politique publique (Béhar, 2018 ; Le Bras,
2018). Leur analyse donne lieu à un regain de productions académiques (Bettoni et al., 2018). Des
explorations précises des dynamiques fiscales trouveraient toute leur place aux côtés des analyses produites
175
par les économistes, géographes, politistes… s’intéressant aux questions métropolitaines. L’un des objectifs
qui pourrait leur être fixé consisterait à déterminer, à partir de la maille communale élémentaire au sein de
laquelle s’établissent les premiers choix fiscaux, des aires de ressemblance fondées sur des homologies de
situations et/ou de préférences. Quels décalages ou quelles superpositions entre ces aires et celles ressortant
d’autres logiques fondées sur des critères économiques ou sur des modalités du fonctionnement
interterritorial ?
Par ailleurs, nous avons présenté les métropoles, de façon caricaturale, comme étant des créations étatiques.
Ce qui n'est que partiellement exact puisque, à la suite de la vague d’institutionnalisation des premières
métropoles, les plus importantes, les représentants de nombre de capitales régionales ont revendiqué l’accès
à ce statut pour l’intercommunalité dont ils ont charge. Une telle promotion est signe d’affirmation au sein
de l’espace national et régional, de mise en visibilité dans la concurrence interterritoriale. La politique et la
reconnaissance métropolitaine ne relèvent alors pas uniquement d’une vision descendante : les décideurs
locaux sont eux-mêmes acteurs des impulsions en cours, contribuent à donner sens et réalité à leur
territorialisation. Un pan entier d’investigations s’ouvre alors puisqu’il s’agirait d’examiner de près si et
comment les élus métropolitains activent le levier fiscal, arbitrent entre projets urbains et aménagements à
vocation économique…, afin de positionner leurs collectivités conformément aux objectifs énoncés, sous
contraintes de moyens et aux prises avec les défis de leur gouvernance. Que nous disent les spécialistes du
domaine et dans quelle mesure intègrent-ils les ressorts fiscaux et financiers à leurs raisonnements ? Des
explorations qualitatives et des études de cas s’avèreraient utiles afin de compléter, de préciser ce que nos
analyses quantitatives ont commencé à effleurer et à révéler.
176
Eléments de conclusion
A titre de synthèse des principaux résultats avancés jusque-là, nous soulignons deux points essentiels, ou
encore deux formes complémentaires de mises en perspective. Les premiers consistent en retours sur le
fonctionnement du système fiscal local lui-même, dans ses manifestations territorialisées, dans sa cohérence
plus ou moins étroite avec les principes présidant à une organisation décentralisée, avec le contenu des
politiques publiques elles-mêmes, nationales comme locales. En substance, ce fonctionnement nous semble
reposer sur un ensemble d’ambiguïtés qui concourent à sa pérennité tout en lui conférant une fragilité
certaine. Les autres sont principalement formulés en termes de démarches de recherche qui, outre celles
ponctuellement énoncées en fonction des points analysés, serviraient à consolider les bases déjà posées.
177
des biens à usage résidentiel, maintes fois différée, est annoncée. Tout se passe comme si des chantiers de
réaménagements étaient destinés à s’ouvrir, dans un mouvement perpétuel.
Au-delà de ces constats d’ensemble et hors toute visée exhaustive, nous mentionnons quelques traits
attestant d’ambiguïtés ou d’incertitudes perceptibles dans les manifestations territorialisées du
fonctionnement propres au système fiscal local.
L’un d’eux tient au fait que les collectivités sont inégalement dotées en richesse potentielles et donc, inégales
devant la capacité à imposer. Selon nos observations, la répartition des assiettes foncières comme celle de
l’ensemble des bases taxables est guidée par une logique de stock, bien davantage que des mécanismes de
flux. Le mode automatisé d’actualisation des valeurs des biens imposés contribue à entériner cette inertie.
Néanmoins, des évolutions localisées de la matière imposable sont perceptibles. Elles se produisent
notamment pour les assiettes foncières qui sont primordiales et ce, en lien avec les mouvements
d’urbanisation mais aussi de développement économique des territoires, sous le poids de la spécialisation
ou de la diversification des modes d’occupation des sols et des activités. Ces évolutions impulsent des
modifications graduelles dans la géographie des richesses potentielles.
Reste posée la question des espaces éloignés des dynamiques et des courants les plus porteurs. La croissance
des bases résidentielles, en tant que premiers constituants des richesses locales, est difficile à envisager pour
les territoires en déprise. Elle n’est pas non plus garantie dans les espaces plus centraux où la concurrence
pour les usages du (rare) foncier disponible est vive, où les implantations d’activités sont prioritaires dans les
énoncés politiques et destinées à être privilégiées.
Même si des mouvements de rattrapage dans les dotations se produisent, les écarts interterritoriaux, déjà
nets, se maintiennent, voire pour certains s’accentuent. Toutes choses égales par ailleurs, les difficultés
d’accès à la ressource fiscale sont en voie d’intensification pour un certain nombre de collectivités, qui ne
sont pas parmi les mieux dotées. Parallèlement, les mesures à même de conforter l’attractivité territoriale
et par voie de conséquence de nature à restaurer une dynamique soutenue de la richesse potentielle
semblent bien souvent hors de portée des responsables locaux concernés. Déplacées ou modifiées, les
inégalités dans les capacités locales à taxer et partant, à agir, semblent destinées à perdurer.
Un autre trait concerne l’exercice par les décideurs locaux du pouvoir de taxation qui leur est dévolu. En la
matière, si le maitre mot est celui de modération, certains élus procèdent toutefois à des majorations
régulières des taux d’imposition. Nous avons d’ailleurs cherché à imputer, en tout ou partie, ces évolutions
au contexte d’austérité (dite exogène) dans lequel sont plongées les collectivités. Quels qu’en soient les
motifs, ces augmentations feraient tout au plus figure de signaux faibles. En tout état de cause, elles
n’apparaissent pas comme suffisamment massives ou répandues pour que l’on puisse faire état d’un
changement radical de paradigme fiscal. Les accentuations localisées de la pression fiscale pourraient
néanmoins signifier l’émergence de politiques fiscales locales renouvelées. Cependant, si celles-ci se
déploient comme des réactions à un régime accentué de contraintes, cela vide pour partie la notion
d’autonomie fiscale de son contenu. Le pouvoir fiscal local pourrait finalement ne s’exercer qu’en trompe
l’œil…
Il reste que, sous l’effet d’évolutions des situations et d’expressions différenciées des décisions, la géographie
des prélèvements se modifie elle aussi. L’immobilisme d’ensemble du système fiscal est alors relatif. Les choix
fiscaux locaux ont des incidences puisque les produits prélevés sont moins inégalement distribués que les
produits potentiels. Quoi qu’il en soit, l’existence de différences interterritoriales n’est en rien dommageable
à l’esprit de la décentralisation ; au contraire, elle en est même au fondement. Tous les écarts n’ont
cependant ni la même nature, ni la même portée. Ceux qui ressortent de l’accès local au pouvoir de taxation
et qui limitent indirectement son exercice ne semblent pas cohérents avec un mode de fonctionnement
décentralisé.
178
Sur ce plan, la réforme de 2010 est en elle-même porteuse d’ambiguïtés. Les collectivités doivent aux
dispositifs de compensation d’être à court terme ménagées dans les montants de ressources qui leur
parviennent au titre des contributions locales. Chacune d’entre elles voit les capacités d’action que lui offre
sa fiscalité momentanément préservées. Cependant, les assiettes et ressources fiscales ont changé de nature,
ainsi que les ressorts de leur progression. La part de celles qui sont inertes et indifférentes à des modulations
locales s’est globalement accentuée et inversement, la marge d’autonomie ou de possibilités d’intervention
sur les taux s’est érodée. Nous avons contribué à révéler que cette érosion n’est pas partout la même. A ce
jeu de redistribution du pouvoir fiscal, certains ensembles intercommunaux sont gagnants, d’autres
perdants. L’allocation des gains et des pertes est quasiment arbitraire (en étant fonction des politiques
antérieures de taxation des départements) ou guidée par une métrique économique (en étant le résultat des
avantages fiscaux concédés à certains secteurs d’activités plutôt qu’à d’autres). Ces modifications implicites
viennent se surimposer aux transformations de la matière taxable intervenant à bas bruits, tout en étant
masquées par un apparent maintien d’un statut quo quantitatif.
Les conditions politiques de modulation des taxes locales sont territorialement modifiées, sans que ces
transformations fassent explicitement l’objet d’un choix politique réformateur. L’ambiguïté ou le paradoxe
réside encore, pour les collectivités, dans la fiscalisation croissante des budgets des collectivités quand les
conditions locales de mobilisation du levier fiscal ne sont pas placées au centre du processus de changement,
quand leurs transformations ne sont pas associées à des conditions territoriales. Par là même, en prétendant
ménager les capacités locales de modulation des taux et des taxes et en les transformant malgré tout de
façon aveugle, la réforme recèle des incertitudes et met à mal une part des attributs décentralisés de
fonctionnement du système fiscal local.
Du fait des impacts territorialement différenciés de cette réforme, la résilience du système fiscal local se
diffracte en une pluralité de résiliences territorialisées. Sont notamment en jeu les situations des territoires
fragiles ou déjà fragilisés, où simultanément la richesse potentielle est modeste, le pouvoir d’extraction de
ressources fiscales faible ou affaibli. D’autres, telles celles des territoires anciennement industriels, certes
fortement dotés et à haut niveau de produits, voient des atteintes portées à la soutenabilité de leur budget
quand les difficultés économiques et sociales sont légion. Faute de capacités à élever la pression fiscale, en
raison de difficultés accrues pour ce faire, les dépenses d’un certain nombre de collectivités devraient stagner
voire régresser. Soit encore, sous le poids de contraintes, l’avènement de situations localisées d’austérité
(endogène et/ou induite).
De façon à éviter le maintien de situations contraires aux visions du moment de l’équité territoriale, dans
une forme de course en avant, la réforme du système fiscal a appelé en retour une transformation du
dispositif de péréquation ; le soutien à certains territoires pourrait même justifier l’intensification de
d’apports financiers ciblés319. Ces dispositifs et mesures s’attachent à porter remède aux effets non souhaités
de transformations, initiées au nom d’enjeux sectoriels ou catégoriels. La question de la cohérence des
politiques publiques et celle de leur effectivité demeurent toutefois posées. En attestent par exemple la
situation spécifique des métropoles, en raison des incertitudes pesant sur les possibilités de progression des
impôts locaux quand celle-ci est un facteur-clé de succès du dispositif.
Il demeure que les tensions mises en évidence sont difficilement solubles. Le régime des contributions,
malgré des modifications, est appelé à demeurer insatisfaisant, notamment dans son inadaptation aux
réalités territoriales. Si la réforme de 2010 est caricaturale sur ce point, en ce qu’elle s’en tient à une prise
en compte algébrique des particularités fiscales des collectivités, de fortes adaptations et différenciations du
régime des contributions sont peu ou pas envisageables. Elles s’opposent en effet frontalement au principe
(supérieur) d’unité – fiscale – nationale, d’égal traitement des contribuables. Les différenciations fiscales – de
319 Au sein de dispositifs renouvelés d’intervention, tels le programme en cours Action Cœur de Ville.
179
droit – sont difficilement admissibles. Il reste bien à trouver à trouver des compléments ou des remèdes aux
limitations fiscales en empruntant d’autres voies. Ce qui peut laisser entendre la persistance d’une forme
d’impasse, aussi bien pour les territoires en pointe sur le plan des contributions et de leurs évolutions que
pour ceux qui ne le sont pas, ou plus.
Une des voies possibles d’adaptation consisterait à procéder aux ajustements requis du système fiscal local
en veillant notamment à ses conditions localisées d’efficacité et d’équité, de court et de long terme. Tout en
ne pouvant être parfait, le dispositif d’ensemble est perfectible. Une autre possibilité, certes pragmatique,
résiderait dans la prise en compte systématique des réalités fiscales (et financières) des territoires dans les
mesures de politiques, locales ou nationales, les concernant. Bien souvent, l’accent est en effet mis sur les
nécessités de dépenser et d’engager les budgets locaux sans que, simultanément, une attention symétrique
soit accordée à leurs possibilités de mobilisation de ressources d’origine fiscale. Tel est bien le grand écart
auquel sont confrontées les métropoles. De façon analogue, des politiques circonstanciées d’interventions
supposant des dépenses sont attendues dans les territoires en déprise, dans ceux où le maintien de l’offre
de services publics locaux, voire son développement, sont primordiaux. Au moment où les contraintes pesant
sur les financements externes ou étatiques se resserrent, les conditions de la fiscalisation des budgets
priment. Ces constats amènent à suggérer une vision intégrée des politiques de charges et de moyens
(fiscaux) quand celles-ci sont bien souvent dissociées. Ils conduisent encore à proposer une intégration
systématique des réalités fiscales (et financières) des collectivités dans les dispositions de politiques, locales
comme nationales, les concernant.
Nous avons mis en avant que les valeurs des bases imposables ne sont ni des reflets fidèles de la valeur de
chaque bien, ni une représentation en parfaite homologie avec la situation locale. Elles ne sont pas non plus
en total décalage avec les réalités territoriales. Qui plus est, elles forment la matière de base à partir de
laquelle les élus locaux établissent leurs choix, voire construisent les politiques fiscales qu’ils appliquent. Tout
en donnant lieu à des incertitudes, communes, dans leur mode d’évaluation, ces valeurs locales des richesses
ainsi que leur structure sont à ces titres des éléments constitutifs essentiels des configurations locales ou
territoriales. Aussi proposons-nous qu’elles soient elles aussi prises en compte, systématiquement, dans les
analyses préalables, dans les évaluations des politiques publiques affectant à un titre ou à un autre les
territoires. Ceci participerait en retour d’un réalisme accru des objectifs retenus, des mesures adoptées. Ce
qui serait finalement gage du fonctionnement des systèmes locaux et de leurs transformations, gagnant de
la sorte en cohérence.
180
Par ailleurs, ne serait-ce qu’en raison de la force des écarts interterritoriaux dans les richesses comme en
matière de contributions, on peut faire état de systèmes fiscaux locaux plutôt que d’un système fiscal
fonctionnant de façon monolithique. Ce qui indique que notre parti pris en faveur d’analyses territorialisées
fait ses preuves. Ce qui indique également que, tout en servant la formulation de constats d’ensemble, les
productions d’informations et les explorations à venir doivent elles-mêmes prendre en compte ces faits de
différenciation territoriale.
Est alors posée la question des périmètres territoriaux à retenir à ces fins. Quels sont les plus pertinents en
vue de définir des profils en termes de résiliences, c’est-à-dire de capacités analogues d’adaptation face à
des modifications internes (telles une réforme fiscale, celle de 2010 par exemple) et encore en termes de
soutenabilités, c’est-à-dire de modalités semblables de modulation des politiques fiscales locales (face aux
contraintes d’équilibre des budgets et de poursuite de l’action publique locale) ? La maille communale
constitue certes le périmètre de base, faisant sens du point de vue de la taxation. Les élus communaux
demeurent les premiers détenteurs du pouvoir fiscal local. Les explorations conduites pour les communes
produisent cependant une forte diffraction, en raison justement de la forte hétérogénéité des situations
fiscales et territoriales. Reste encore que l’on ne peut faire abstraction de la taxation intercommunale et des
interrelations unissant les communes et leurs groupements, précisément dits à fiscalité propre. Compte tenu
du nombre élevé d’ensembles intercommunaux, de la consistance variable de ces derniers (cf. Chapitre 4),
subsiste une forte variabilité dans les analyses qui les concernent.
Afin de réduire ces variations, nous avons focalisé notre attention sur des sous-ensembles potentiellement
homogènes de territoires et avons retenu ceux qui sont emblématiques d’un point de vue socio-économique
et/ou qui font sens au regard des politiques publiques ou des mesures prises à des fins d’aménagement du
territoire, de cohésion territoriale. Ainsi en va-t-il par exemple des espaces industriels, de ceux qui sont en
déprise. Nous avons également mis l’accent sur d’autres présentant des spécificités institutionnelles (comme
les métropoles), ou des particularités en raison des impératifs de gestion d’éléments patrimoniaux
exceptionnels. On constate assez rapidement que si chacun de ces sous-ensembles territoriaux possède en
matière de fiscalité des traits communs qui le séparent des moyennes, il est simultanément traversé par une
hétérogénéité interne sensible. De ce fait, nombre des ensembles intercommunaux en question révèlent et
relèvent des situations ordinaires !
Ce qui indique qu’une homogénéité dans les situations locales ou dans les configurations territoriales ne
suffit pas à fonder une homogénéité dans les états fiscaux des collectivités concernées, et réciproquement.
Les (sous-)systèmes fiscaux locaux, produits de situations et de préférences, ancrés dans les dispositions
actuelles tout en étant dépendants des effets des mesures antérieures, possèdent leur propre logique de
constitution et de malléabilité. En conséquence, des analyses typologiques mériteraient d’être conduites, de
façon à dépasser cette impasse méthodologique ou ce biais conceptuel. En révélant des proximités
(statistiques) entre les configurations fiscales des communes et de leurs intercommunalités, sur la base de
panels choisis d’indicateurs fiscaux, elles serviraient à révéler précisément les contours et les contenus de
ces (sous-)systèmes, alors formés d’objets territoriaux aux profils ou aux trajectoires semblables en matière
de contributions. Il reste que ces pistes reposent essentiellement sur des analyses quantitatives quand nous
avons souligné que ces dernières ne sont pas suffisantes pour aborder les contenus d’objets complexes, tels
les politiques fiscales locales. Ne serait-ce que d’un point de vue méthodologique, nos perspectives de
recherches demandent elles-aussi à être augmentées et rendues plus réalistes !
Au moins une des façons d’aller dans ce sens consisterait à analyser les changements en cours de la fiscalité
locale, avec la suppression de la taxe d’habitation. Les nouvelles modalités de partage des contributions entre
niveaux de gouvernement, telles qu’elles se profilent, constituent un chantier en vraie grandeur et en temps
réel de recherche. Les recompositions en cours, les incidences territoriales à venir tout comme leurs
modalités de prise en compte et d’atténuation, les impacts qui vont progressivement se dessiner nous
apparaissent comme des objets porteurs d’un réel intérêt.
181
Nous avons évoqué celui à porter aux conditions mêmes de maturation de la réforme, aux indications qu’elles
revêtent à propos des partages verticaux et horizontaux de ressources fiscales et également politiques. Les
dispositions arrêtées sont également porteuses d’incidences sur le plan de la résilience du système fiscal local
et même, des résiliences des systèmes fiscaux locaux. Des changements substantiels sont en cours puisque
les paiements ne seront plus acquittés par l’ensemble des résidents en contrepartie de l’offre de services
publics locaux et des usages qu’ils en ont. Une des raisons d’être des contributions locales se dissout de la
sorte. Hors la fiscalité reposant sur les activités qui demeure inchangée, les ressources fiscales des ensembles
intercommunaux proviendront exclusivement des taxes supportées par les propriétaires de biens fonciers et
immobiliers. Soit encore une « immobiliarisation » ou une « fonciarisation » de la fiscalité locale pour les
communes, ces dernières devenant attributaires des parts de taxe foncière antérieurement perçues par leur
département d’appartenance. A la manière de ceux qui ont été effectués en 2010 et quelle que soit la
sophistication ou les arrangements politiques présidant à la répartition, les partages des produits en question
entre entités constitutives des départements ne peuvent qu’être teintés d’une part d’arbitraire. Ils
redessinent eux aussi une nouvelle géographie des prélèvements locaux, redistribuent encore les marges de
progression des produits. Les conditions mêmes de la soutenabilité des budgets locaux s’en trouvent elles
aussi territorialement redistribuées.
En outre, la fiscalité foncière fait sens si les valeurs des biens sont évolutives et si ces dernières intègrent les
effets des mécanismes de la capitalisation foncière et encore, si elles entretiennent des liens avec les valeurs
effectives de marché des éléments taxés de patrimoine. Ce qui suppose un changement radical du mode
d’évaluation et d’actualisation des assiettes taxables. Des projets de réforme circulent en ce sens. Il s’avèrera
alors pertinent d’analyser les changements radicaux dans la distribution des richesses potentielles qui en
résulteront, quels sont les dispositifs mis en place pour atténuer ces modifications ainsi que les registres de
légitimation conviés pour fonder leur existence.
Avec la réforme prévue et engagée, les conditions d’activation du levier fiscal sont elles-mêmes
transformées. Les propriétaires de biens construits deviennent des contribuables majeurs. Du point de vue
des décideurs locaux et de la fixation des taux d’imposition, ces derniers sont-ils taxés d’une sensibilité
politique et électorale analogue à celle antérieurement imputée aux ménages (en tant qu’occupants de
logements et redevables de la taxe d’habitation) ? L’attachement à la propriété devrait limiter le vote avec
les pieds ; a-t-il des incidences sur le vote avec les urnes ? Quels choix effectuent les décideurs locaux
lorsqu’ils visent pratiquement un seul type de redevables ? Quels arbitrages ou préférences entre des coûts
électoraux potentiellement évités en n’augmentant pas la pression fiscale et des insatisfactions, voire des
dommages territoriaux, résultant de moindres dépenses locales, soit encore de l’entrée dans un régime
endogène d’austérité ?
Plus avant, la suppression de la taxe d’habitation n’est-elle qu’un nouveau coup, annonciateur, de la
chronique de la disparition annoncée de la fiscalité locale ? La déterritorialisation de cette dernière est en
cours puisque des fractions de TVA viendront servir de variable de remplacement, pour les départements
privés de taxe foncière, ou d’ajustement, pour les collectivités du bloc local. Est-ce également une voie
ouverte à une nationalisation (accrue ou déguisée) du système fiscal local ? Les recherches à venir
apporteront d’indispensables éclairages quant aux changements en cours, à leurs significations majeures.
Selon toutes probabilités, à la manière des précédentes, ces modifications préfigureraient-elles celles à venir
d’un système en perpétuelle mutation… et inertie320 ?
320
A ce titre, le Colloque annuel du réseau FiL (27/11/19), ayant pour intitulé « La réforme fiscale rebat-elle les cartes de l’action
publique locale ? » traitait précisément de ces sujets.
182
Chapitre 3 – L’emprunt local, un sujet à risques
« Les collectivités locales n'ont qu'une maîtrise partielle des flux financiers qui
affectent leurs comptes. C'est l'Etat qui, en effet, joue ici un rôle déterminant. »
(Cour des Comptes, 1991, p. 11)
« L'Etat français a, lui aussi, été conduit à exercer une ‘tutelle’ macroéconomique
sur les collectivités locales. Le terme de ‘tutelle’ n'a ici ni signification juridique
précise ni connotation péjorative. Il recouvre l'ensemble des procédés utilisés par
l'Etat pour contrôler ou influencer les finances locales dans le cadre de la fonction
de stabilisation qui lui est dévolue. Les comportements des collectivités locales,
comme ceux des ménages ou entreprises privées, peuvent être influencés par les
mesures gouvernementales ; mais les effets des politiques de l'Etat peuvent ne pas
être ceux escomptés, compte tenu des réactions de collectivités locales
autonomes. »
(Fréville, Guengant, 1985, p. 161)
« Parce que ces derniers [les économistes] s’intéressent avant tout à la dimension
quantitative, ils restent, pourrait-on dire, à la surface des choses. Car la dette,
comme tous les autres phénomènes économiques, ne se résout pas dans quelques
chiffres mais se trouve encastrée dans un réseau complexe de représentations, de
croyances et de conventions qui en fixent le sens. En conséquence, il n’existe pas
plus pour les faits économiques que pour les faits sociaux, de causalités mécaniques
sur le modèle des lois de la nature, mais seulement des processus sociaux qui
dépendent étroitement de ce que les acteurs croient, de la manière dont ils se
représentent leur action et leurs finalités. (…) Privilégier les seules relations
quantitatives parce qu’elles seraient plus aisément mathématisables constitue une
grave erreur. »
(Orléan, 2016, p. 9)
183
184
Introduction
Retraçant la trajectoire d’ensemble du système financier local, nous avons évoqué celle, à la fois croissante
et mouvementée, de l’investissement réalisé par les collectivités. La concrétisation de leur effort en matière
d’équipements suppose la disponibilité tant de ressources internes qu’externes : leur sont principalement
nécessaires des fonds propres, ou encore de l’épargne (nette) provenant de leur budget, ainsi que des
dotations ou des subventions apportées par des tiers et encore des prêts qui leur sont consentis par des
institutions financières. Même si c’est avec un poids variable, ces trois leviers de financement sont en
permanence activés conjointement (cf. Chapitre 1). Nous avons d’ailleurs formulé l’hypothèse que la
disponibilité des moyens externes était à même d’influencer la dynamique des réalisations locales
d’équipement, tout comme l’inverse pouvait être vrai et ce, au nom d’un alignement systémique des budgets
locaux se concrétisant selon des modalités variables dans le temps. De la sorte, les questions relatives aux
capacités locales d’accès à des moyens externes de financement apparaissent primordiales, tout autant que
celles concernant les facultés de mobilisation de ressources internes, et notamment fiscales (cf. Chapitre 2).
Elles en semblent pour le moins indissociables. Ceci confirme, entre autres, l’intérêt à accorder au recours
par les collectivités locales à des emprunts, qui constituent l’un des financements externes majeurs.
L’appel à ces ressources temporaires apparait comme justifié, à la fois sur le plan économique et financier321.
Dans la mesure en effet où les investissements effectués par les entités locales sont fortement capitalistiques,
leur réalisation suppose, dans la plupart des cas, des dépenses dépassant le volume annuel de leur budget
ou celui des fonds propres localement disponibles. L’obtention de dotations ou de subventions est
conditionnée par les disponibilités financières des institutions octroyant ces fonds, par les priorités
sectorielles et territoriales qu’elles se sont fixées. Des incertitudes pèsent de ce fait sur les montants
susceptibles d’être réunis à ce titre et l’appel à des emprunts apparait comme un indispensable complément.
Il est d’autant plus fondé que les équipements ont généralement une longue durée de vie. Comparativement
à une couverture préalable des dépenses par les contribuables actuels, le financement par emprunt fait
intervenir une équivalence dans le temps. La logique des amortissements conduit à faire coïncider le cercle
des bénéficiaires avec celui des payeurs (Swianiewicz, 2004)322. En acquittant leurs impôts, les usagers à venir
des équipements financés par les prêts paieront les charges des remboursements. Le financement par
ressources temporaires servirait alors simultanément des fins d’efficacité et d’équité (intergénérationnelle).
L’emprunt apparaît de la sorte comme un élément incontournable du système financier local ; son analyse
l’est de ce fait tout autant. Elle est par ailleurs d’autant plus justifiée que, d’un point de vue théorique comme
pratique, les problématiques afférentes à la mobilisation de prêts par les collectivités, aux conditions des
remboursements ainsi qu’à la constitution même d’un encours local de dette font écho, de plusieurs façons,
321 Cet appel soulève assurément un ensemble de questions théoriques que nous ne saurions omettre. Par exemple, le financement
par emprunt est susceptible de contrevenir à l’allocation optimale des fonds locaux, en créant une illusion fiscale : les impôts du
moment ne reflètent qu’une part des dépenses consenties. Ceci peut induire une certaine déresponsabilisation, tant de la part des
contribuables que des gestionnaires des budgets. Les emprunts publics, notamment locaux, sont encore de nature à limiter les
investissements privés puisque, contribuant à l’accroissement de la demande de fonds et non à celui de leur offre, ils induisent une
élévation des taux d’intérêt. En outre, l’emprunt actuel réduit les latitudes d’action des gouvernements en cours et/ou à venir : avec
les paiements des annuités, des ressources sont distraites d’autres usages, productifs ou créateurs de richesses. Si ces arguments
sont discutés dans la littérature scientifique, et notamment sous l’impulsion des économistes, leur portée apparaît souvent plus
formelle que réelle (Dafflon, 1998). Dans les faits, selon l’auteur, les désavantages de la dette locale, d’un point de vue allocatif,
redistributif comme macroéconomique, sont moindres qu’il paraît à première vue.
322 B. Dafflon (1995) souligne que Musgrave (1959) préconisait déjà une sorte de règle d'équivalence dans le temps devant présider
au financement des dépenses publiques : le fameux "pay-as-you-use principle". Poursuivant, B. Dafflon met en cohérence la règle
d’or imposée aux budgets locaux (cf. infra), fixant une contrainte d’immédiateté et une sujétion annuelle, avec les équivalences inter-
temporelles corrélatives au remboursement des dettes.
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à la notion de soutenabilité du système financier local, telle que nous l’avons esquissée et à laquelle nous
accordons une place centrale.
En premier lieu, nous avons considéré que cette soutenabilité pouvait être appréhendée au travers de la
possibilité qu’ont les collectivités de générer, de façon durable, à partir de leurs budgets courants, un flux
d’épargne. Celui-ci leur est indispensable non seulement à des fins de remboursement du stock de dette
qu’elles ont accumulé mais également à la couverture de nouvelles dépenses d’investissement. Dans les faits,
il apparait que, si cette capacité ne peut être mise en doute, elle tend à s’éroder. Maintenir ou même
accroître l’effort de réalisation d’équipements laisse entendre la nécessité de faire un appel soutenu et
récurrent à des prêts. De la sorte, de potentiels effets de complémentarité comme de substitution se
déploient entre épargne et emprunts. Ces effets sont illustratifs de la dépendance systémique entre les
diverses composantes du système financier local. G. Gilbert et A. Guengant (2016, p. 55) soulignent ainsi que
« l’épargne conditionne l’équilibre et la solvabilité des budgets locaux, en d’autres termes la soutenabilité de
l’endettement et de l’investissement local. » Les dépendances en question sont scellées à un instant donné
lorsqu’il s’agit de réunir les fonds afin de pourvoir aux emplois retenus. Elles perdurent également puisque
les paiements des annuités engagent les emprunteurs dans la durée. Par l’intermédiaire des investissements
comme des recours à des crédits, des chaînages inter-temporels s’instaurent au sein du système financier
local (Guengant, 1995). Le recours à l’emprunt et la gestion de la dette locale ont à voir avec la soutenabilité
telle qu’entendue à la fois dans son immédiateté et dans ses dimensions diachroniques.
Ceci fait écho, en second lieu, aux liens entre les notions mêmes de soutenabilité et de solvabilité323. Tout en
optant pour une acception large de la notion de soutenabilité, nous ne saurions omettre qu’une des
conditions de sa concrétisation réside dans la capacité des collectivités à faire face à leurs engagements à
l’endroit de leurs prêteurs : les exigences en matières de solvabilité sont de ce fait essentielles. Elles sont en
outre premières. Dans les faits, le remboursement du capital emprunté comme le paiement des frais
financiers assortis aux contrats de prêts constituent pour les entités locales des dépenses obligatoires324.
Leurs budgets doivent être établis en conséquence. De cette sujétion découlent des dépendances
algébriques entre postes budgétaires, des nécessités de choix dans l’allocation des fonds disponibles, sous
contrainte d’équilibre. Les décideurs locaux sont tenus d’instaurer des priorités, lors de l’établissement de
chaque budget annuel comme pendant toute la durée des prêts qui ont été contractés. Incontestablement,
le recours à des financements externes et temporaires ouvre un ensemble d’opportunités, au travers d’un
apport financier rendant possibles des investissements. Conjointement, il impose des sujétions, à moyen et
long terme. La concrétisation de la solvabilité des budgets locaux emporte de la sorte des conséquences au
regard de la soutenabilité du système financier local en tant que tel tout comme du point de vue des capacités
des collectivités à faire face, dans la durée, à l’ensemble des engagements qu’elles ont contractés, sous une
forme ou sous une autre.
323 Celles-ci sont bien souvent confondues. « La notion de soutenabilité des finances publiques s'intéresse à la capacité d'un État de
rester solvable, c'est-à-dire de conserver des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements. »
(Source : Forum de la Performance Publique, https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/finances-publiques/situation-
finances-publiques/essentiel/fondamentaux/soutenabilite-finances-publiques#.W7-l8_ZuLIU)
324 Source : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/principes-recours-a-lemprunt
325 La dette (au sens de Maastricht) des APUL représentait, en 1979, 33% de la dette de l’ensemble de la sphère publique, 9% en
2017. Ces années-là, les dépenses des APUL s’élevaient respectivement à 17% et à 20% des dépenses de l’ensemble des
Administrations Publiques APU (source : Insee, Comptes de la Nation, 2017).
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l’encours de ce secteur est restée modérée : entre 1978 et 2018, son poids est passé de 6,9 à 8,7% du PIB ;
l’augmentation a été nettement moindre que celle qu’a connue l’ensemble de la dette publique. La période
s’étendant de 1997 à 2001 a même été marquée par un mouvement de désendettement des entités locales
(cf. Annexe 3). Au cours des deux dernières décennies, leur taux d’endettement s’est en outre amoindri326.
Ainsi, « On ne peut pas dire que les collectivités territoriales aient cédé à la facilité du recours à
l’endettement. » (Pébereau, 2005, p. 71). Face aux transformations ayant affecté la dynamique des recettes
propres des collectivités d’une part, celle de leurs dépenses d’autre part, en matière de dette, le système
financier local a fait montre de résilience, au sens où nous avons entendu cette notion : sa trajectoire s’est
ajustée, intégrant les apports de fonds provenant des emprunts autant que les charges financières assorties,
sans dérive majeure compromettant son fonctionnement et sans un report massif de contraintes vers
d’autres horizons temporels.
Pourtant, cette forme de soutenabilité est discutée, tant elle est au cœur de multiples enjeux. De façon
récurrente, la dette publique locale fait l’objet d’une vive attention dans le débat public ainsi que dans les
arènes politiques. Au niveau national, les documents officiels mettent en avant la forte croissance de
l’endettement des collectivités, rappelant qu’il a pratiquement quadruplé depuis le début de la
décentralisation (Jaune budgétaire, 2020)327. Il est souligné, avec insistance, que les capacités locales de
remboursement se sont dégradées, notamment depuis 2004 (Jaune budgétaire, diverses années). Pour les
représentants du gouvernement, l’amélioration des capacités de désendettement devient un enjeu majeur
de la gestion des finances publiques locales. Les préoccupations relatives à la dette locale ont assurément
été avivées dans la période récente. L’encours des collectivités est en effet intégré dans celui de l’ensemble
de la sphère publique et celui-ci fait l’objet d’une étroite surveillance, en écho au respect des engagements
européens s’imposant à l’Etat français328. La vigilance dont est entouré l’endettement des collectivités n’est
cependant pas nouvelle. Au contraire, elle est apparue de façon très précoce. En réaction, pratiquement
depuis son émergence et en tout cas, avec netteté depuis son expansion au cours du XIXème siècle, le
système français des prêts aux gouvernements subnationaux a été fortement marqué par la présence des
institutions financières publiques et en arrière-plan, par celle de l’Etat (de Laubadere, 1962 ; Cour des
Comptes, 1991 ; Bonno, 1992). D’une façon ou d’une autre, la question de l’emprunt des collectivités traverse
en permanence les relations entre les représentants des différents niveaux de gouvernements. Elle constitue
même l’un des ressorts de la tutelle que l’Etat exerce sur les entités locales (Fréville, Guengant, 1985). Dit
autrement, de longue date, la dette publique locale prend la forme d’un problème public329.
Selon les époques, celui-ci trouve divers modes de résolution incluant, avec constance, non seulement une
présence étatique forte et affirmée mais également un degré certain de rigidité institutionnelle. Tout en
présentant des spécificités, la France ne s’éloigne pas en cela des pratiques ayant cours dans d’autres pays
(Dafflon, Madiès, 2008 ; Gilbert, Vaillancourt, 2013). Ne serait-ce que parce qu’il interpelle les principes et
réalités de la discipline budgétaire dont les gouvernements centraux sont les garants, le recours à l’emprunt
local, dans l’ensemble des contextes nationaux, est enserré dans un ensemble de règles destinées à prévenir,
326 En 1996, l’encours de la dette (au 31/12) représentait près de 96% des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales
et de leurs groupements à fiscalité propre ; l’indicateur est proche de 74% en 2015 (source : d’après DGCL, Les Collectivités Locales
en Chiffres CLEC, 2019). G. Gilbert (1988) note toutefois que, comparativement à leurs recettes fiscales, les collectivités/APUL
peuvent être tenues comme plus endettées que l’Etat.
327 Il est ainsi mentionné que, selon les termes de la Comptabilité nationale, « L’endettement des collectivités a fortement augmenté
depuis 1983 (+ 156 Md€). Le montant de l’encours de dette des APUL atteignant 206 Md€ fin 2018, soit près de 9 % de la dette
publique française. »
328 Au nom des critères consacrés dans le Pacte de Stabilité et de croissance PSC signé par la France en 1997, la dette publique
(incluant celle des APUL) devrait se situer en-deçà de 60% du PIB. (cf. Chapitre 1)
329 Toutes proportions gardées, cette formulation fait écho à l’analyse développée par B. Lemoine (2014c) et montrant comment la
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à traiter les déséquilibres budgétaires et à contenir les incertitudes qu’il est susceptible de générer (Joumard,
Kongsrud, 2003). Ces règles sont diverses selon les Etats (Swianiewicz, 2004)330.
D’ailleurs, si l’on compare les systèmes établis dans divers pays en vue d’encadrer les pratiques locales
d’endettement, il apparaît qu’aucun d’entre eux ne l’emporte nettement, en termes d’efficacité (Plekhanov,
Raju, 2005).
La difficulté à concevoir puis à mettre en pratique ces dispositions régulatrices tient à leur positionnement
nécessitant de ménager plusieurs exigences. En particulier, ces dispositions sont au croisement entre des
impératifs macroéconomiques et des logiques microéconomiques, à l’intersection d’objectifs nationaux et
de priorités locales, à la rencontre de stratégies verticales et de tactiques horizontales331. La diversité dans
l’espace et dans le temps des modes de régulation, leurs aléas indiquent que la conciliation entre ces fins
multiples ne va pas de soi. Elle est à l’image du caractère protéiforme des risques associés à l’emprunt par
chacune des parties prenantes et tout autant, aux perceptions mêmes de ces risques qu’en ont leurs divers
représentants (Michel-Clupot, Rouot, 2012, 2013, 2014a, 2014b).
En particulier, potentiellement, chaque collectivité doit pouvoir accéder des ressources temporaires. Il en va
en effet de son autonomie budgétaire, des conditions mêmes d’exercice des compétences qui lui sont
dévolues, de son existence en tant que telle. Parallèlement, le volume emprunté par l’ensemble des entités
locales et leur stock d’encours doivent converger vers les seuils admis nationalement, au nom d’engagements
qui ne ressortent en rien des priorités accordées à l’investissement public local en tant que tel. Il importe
encore que chacune de ces entités locales soit en mesure de satisfaire à ses obligations au regard de ses
prêteurs. Elle mettrait sinon en péril sa situation budgétaire, que ce soit de façon temporaire ou durable. Il
s’ensuivrait un inévitable recours au contribuable local ou national en vue de restaurer les équilibres, ce qui
risquerait d’aller à l’encontre des impératifs pouvant valoir en matière de prélèvements obligatoires. Aussi,
les règles contraignant les pratiques locales d’endettement doivent-elles tout à la fois permettre de
contrôler, de réguler sans toutefois contrarier.
Quelques exigences intangibles ne suffisent pas à ces fins (cf. Encadré 10) et un faisceau de normes s’est
progressivement constitué de façon à encadrer l’emprunt local. Cet écheveau a été régulièrement modifié
au cours du temps de façon à s’ajuster aux besoins locaux de financement, évoluant eux-mêmes en fonction
des processus décentralisateurs, du rendement de la fiscalité locale… En lien avec les fluctuations des
marchés financiers, des variations des taux d’intérêt rendent par exemple les prêts plus ou moins attractifs
pour les collectivités, modifiant alors leur demande d’emprunts : selon les cas, il s’agit tantôt de contenir
cette demande, tantôt de la soutenir de façon plus ou moins étroite. L’état des régulations instaurées est de
ce fait empreint d’impermanence332 qui, par effet de propagation, se diffuse au sein du système financier
local. Les conditions de la solvabilité et de la soutenabilité des budgets des collectivités, envisagées au prisme
de l’emprunt et de la dette, sont en conséquence diversement réunies et appréciables.
Ces quelques traits, rapidement brossés, nous conduisent à formuler une première hypothèse :
l’endettement local, en tant qu’il est enserré dans des régulations et des temporalités qui lui sont propres au
330 En miroir, la variabilité des dispositions rend d’ailleurs compte de celle des aléas et de leur perception.
331 Les stratégies pouvant être horizontales et les tactiques verticales…
332 Nous ne nous attachons pas à décrire précisément et systématiquement cet ensemble de dispositions régulatrices et leur
construction progressive. En passant sous silence les objectifs structurants présidant à leur élaboration et les modalités de
constitution de ce faisceau de sujétions, nous procédons incontestablement à une forme de naturalisation d’enjeux majeurs. Ainsi
en va-t-il par exemple de la dépendance de la dette publique dans son ensemble à des contraintes supranationales, voire même aux
logiques des marchés financiers (Lemoine, 2013). Directement et/ou indirectement, ces contraintes et logiques pèsent sur les
comptes locaux (cf. Chapitre 1). Outre le fait que ces analyses d’ensemble ne nous sont pas accessibles, cette omission nous semble
cohérente avec notre volonté de placer les pratiques territorialisées d’emprunt au centre de nos investigations.
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sein des budgets locaux, tout en étant inscrit dans des dépendances externes qui le dépassent, constitue un
sous-système singulier au sein de celui, plus vaste, que forme le système financier local dans son ensemble.
Du fait de la pluralité des logiques qui le traversent et des incertitudes qui en résultent, de ses nécessités
récurrentes d’ajustements, ce sous-système apparait comme étant en permanence dans un état d’équilibre
instable. Il comporte de forts degrés de contraintes mais doit simultanément laisser place à l’autonomie
locale. Cette dernière condition suppose que puissent se déployer des pratiques décentralisées, consistant
en des choix d’emprunt et d’endettement spécifiques. Ces pratiques ont toutes probabilités de différer selon
les besoins locaux d’investissement, suivant la disponibilité des autres ressources mobilisables et encore, en
fonction de la soutenabilité même de chaque budget local.
Aussi, nous formulons une seconde hypothèse : le sous-système de l’endettement local laisse place à
l’émergence de politiques locales de recours à l’emprunt et de gestion de la dette, alors territorialement
différenciées. De façon dialectique, ces manifestations localisées contribueraient d’ailleurs aux incertitudes
traversant le sous-système de l’endettement local lui-même. Elles appelleraient en retour un nouvel état de
compromis entre sujétions et marges de manœuvre locales.
L’emballement des emprunts dits toxiques, soit encore la dérive de produits financiers structurés présents
dans les encours de certaines collectivités (Bartolone, 2011), au lendemain de la crise économique et
financière de 2008, les difficultés budgétaires qui s’en sont suivies pour les collectivités dites contaminées
serviraient à eux seuls à illustrer cette dynamique incrémentale, progressant par voie d’action et de réaction.
Les incertitudes qui se sont alors manifestées au grand jour ne résidaient pas dans les volumes de prêts ou
de dette en jeu, contenus par les règles en vigueur. De façon plus insidieuse et inattendue, elles étaient en
germe dans les instruments financiers eux-mêmes. De là ont résulté des modalités renouvelées de
surveillance ainsi que de colmatage des difficultés (Cour des Comptes, 2018a), laissant toutefois perdurer
des latitudes locales d’emprunter, et n’excluant pas l’émergence de nouvelles incertitudes.
Sur la base de ces éléments, nous nous proposons de structurer les résultats de nos recherches (effectuées
et en cours) portant sur l’endettement local en les organisant autour des deux hypothèses que nous avons
avancées. De par leurs contenus, ces dernières s’inscrivent à part entière dans le droit fil des partis pris que
nous avons retenus et qui inclinent vers des analyses systémiques, territorialisées et diachroniques. Dès lors,
elles nous semblent à même de soutenir la restitution scientifique que nous proposons et être appropriées
au sujet/à l’objet même que constitue l’emprunt des collectivités. Cette restitution prolonge par ailleurs les
analyses existant d’ores et déjà sur le sujet, capitalise sur leurs éléments saillants tout en apportant des
compléments.
Les recherches bibliographiques que nous avons réalisées indiquent que les problématiques relatives à
l’endettement local ont d’ores et déjà donné lieu à de multiples travaux, tout en laissant dans l’ombre bon
nombre de points cruciaux (Allé, Navarre, 2015). Pour exemple, il est régulièrement souligné que les
emprunts, abondant les budgets, facilitent la dépense mais que par effet retour, les charges financières et
de remboursement créent de nouvelles limitations pour des dépenses à venir. Des vagues successives de
modélisations, conduites au niveau national, ont contribué à évaluer ces effets de dépendance ou de
rétroaction (Théret, 1977 ; Bonno, 1992 ; Abecassis, 1994). Mais par construction et du fait de leur ambition
qui consiste à parvenir à une formalisation d’ensemble, ces analyses à vocation générale gomment les
spécificités locales. Elles ne contribuent pas réellement à éclairer comment s’effectuent concrètement les
arbitrages entre les opportunités du moment et les contraintes à venir. Pourtant, ceux-ci ne s’opèrent pas de
façon semblable pour toutes les collectivités. Certaines d’entre elles ont par exemple pu pratiquer un
« autocontrôle » de leur dette, procéder à des réaménagements de leurs encours lorsque les charges
d’intérêt leur sont apparues comme trop onéreuses (Guengant, 1991b). Plus récemment, toutes les
189
collectivités n’ont pas souscrit des produits financiers porteurs de risques ; toutes celles qui l’ont fait ne se
rangent pas aux mêmes modalités de résorption des dommages qui en ont résulté (Cour des Comptes,
2018a). Au-delà de la mise en évidence de pratiques territorialement différenciées de recours à l’emprunt et
de gestion de la dette, les analyses manquent pour expliciter quels sont les facteurs conduisant à de telles
différenciations territoriales. Le plus souvent, dans les investigations disponibles, l’accent est principalement
mis, soit sur les cas extrêmes (Cour des Comptes, 2009a, 2019), soit sur l’ensemble des collectivités et la
soutenabilité de leurs budgets (Hoorens, 2006 ; Gilbert et al., 2009), soit encore en les différenciant selon
leur niveau institutionnel (Binet et al., 2016). Lorsque des analyses plus différenciées existent, elles portent
principalement sur les recours locaux à des financements désintermédiés ; les réflexions s’inspirent alors des
analyses des pratiques des collectivités anglo-saxonnes et la transposition aux cas français n’est pas
directement possible333.
Aussi, principalement parce qu’elles rendent compte de formes territorialisées d’endettement local qui ont
jusque-là donné lieu à peu d’explorations, nous nous nous attachons à présenter, de façon synthétique, les
conclusions de nos analyses empiriques, conduites pour divers panels de collectivités.
Avant cette restitution, nous identifions quelques-uns des éléments à même d’influencer le contenu des
situations locales de dette. Ils tiennent pour l’essentiel à la multiplicité des intérêts en jeu, notamment ceux
portés par les institutions bancaires délivrant les crédits. Les logiques en question, convergentes ou
divergentes, se combinent, formant des régulations entrecroisées, implicites ou explicites, qui viennent se
surajouter aux dispositions légales et instituées régissant le recours local à des crédits (1). Nous abordons
dans un deuxième temps des traits saillants relatifs aux politiques locales d’endettement des villes de plus
de 10 000 habitants (2). Tout en étant différenciées, ces situations nous semblent relever de pratiques
courantes d’appel à des prêts et de gestion de la dette. Leur observation conduit précisément à rendre
compte des interdépendances entre les postes relatifs à la dette et ceux représentatifs d’autres composantes
stratégiques des budgets locaux. Ce qui nous amène à mettre en évidence, concrètement, la teneur du sous-
système de l’endettement local tel que nous l’avons évoqué. Dans un troisième temps, nous focalisons
l’attention sur des pratiques somme toute atypiques, ou encore davantage empreintes de risques, soit celles
des collectivités ayant contracté des emprunts structurés (3). En particulier, la crise de ces emprunts dits
toxiques et l’apparition à grand bruit des dérives financières que ces produits ont suscitées pour les
emprunteurs concernés, puis les mesures de régulation qui s’en sont suivies, nous semblent présenter une
portée heuristique : elles sont emblématiques non seulement du mode de fonctionnement du sous-système
de l’endettement local mais également des tensions qui le parcourent. Les villes dites contaminées sont loin
de constituer un ensemble homogène : nous nous attachons à faire apparaître des figures marquantes
structurant cette diversité, à mettre en évidence dans quelles configurations territoriales elles se manifestent
plus particulièrement.
Enfin, de façon conclusive, en nous appuyant sur nos résultats, nous faisons état de pistes complémentaires
de travaux, qui pourraient être empruntées ou que nous empruntons déjà pour partie, en cohérence avec
nos partis pris d’analyse.
333 Le recours précoce et fréquent des collectivités américaines à des bonds (ou obligations) puis la dérive de ces derniers à la fin des
années 2000 ont suscité de nombreuses analyses. Pour une revue des références en la matière, on peut voir en particulier : Dalmaz,
1995 ; Raimbourg, 2000 ; Marty, 2008a).
190
Encadré 10 – Des principes pérennes et intangibles d’encadrement de l’endettement local
L’analyse historique de l’emprunt local, tel qu’elle a été conduite à de multiples reprises (Cour des Comptes, 1991 ;
Herrant, 1991 ; Hoorens, Pertti, 2001 ; Boudet, 2013 ; Salen, 2014 ; Ferlazzo, 2018c), laisse transparaître que les
modalités de surveillance contribuant à orienter les formes et contenus des pratiques – ou des politiques – locales
d’endettement, et à contenir les risques dont elles sont – potentiellement ou effectivement – porteuses ont
sensiblement évolué en France au cours des 40 dernières années. Ces modalités se sont transformées, tout
particulièrement en lien avec la libéralisation des prêts en direction des collectivités (Guengant, 1998a), en relation
également avec les étapes du processus décentralisateur et des formes de contrôle s’exerçant sur les actes, notamment
budgétaires, des entités locales. Il ressort que, en dépit de ces évolutions, deux principes d’encadrement sont demeurés
intangibles.
Le premier principe ayant perduré a trait à la vocation des emprunts. En France et également dans la quasi-totalité des
pays, les objectifs assignés à l’emprunt local sont quasiment identiques (Sutherland et al., 2005a, 2005b) : les
collectivités sont habilitées à recourir à des prêts mais uniquement pour la réalisation de dépenses d’investissement334.
Il est en effet considéré que leurs recettes courantes doivent être suffisantes pour couvrir leurs charges récurrentes
(Serve, 2001 ; Brenner, 2013). Ce qui est une façon de faire jouer la règle de l’équivalence temporelle entre charges,
bénéfices et paiements. Le verrou ainsi institué pour les gouvernements locaux est destiné à éviter une spirale de
surendettement et à les en protéger. Il contient le volume annuel de la demande d’emprunt, contribue à maintenir son
montant et sa progression à des niveaux somme toute modérés et en conséquence, limite celui de l’encours total, pour
chaque collectivité comme pour toutes. Les règles sont en général moins strictes pour les Etats, en mesure de recourir
à des emprunts pour leurs dépenses courantes. La sujétion accentuée à l’égard des collectivités est illustrative du
déséquilibre ainsi instauré entre niveaux de gouvernement dans le partage – politique – d’accès à la ressource que
constitue la dette335.
Le second principe pérenne tient aux limitations imposées au niveau local d’endettement. Dans un certain nombre de
pays (l’Irlande, le Japon, la Corée, et le Royaume-Uni…), les demandes locales d’emprunt sont soumises à l’autorisation
des gouvernements centraux (Joumard, Kongsrud, 2003). La restriction s’exerce en France de façon plus indirecte, et
désormais moins frontale ; elle se déploie d’une double façon. D’une part, le paiement des annuités constitue une
dépense obligatoire pour les collectivités336. Si la règle protège les collectivités et leur solvabilité, elle constitue
également un gage de paiement pour les institutions prêteuses. D’autre part, les budgets locaux sont soumis à une
« règle d’or » : ils doivent impérativement être établis et votés en équilibre réel337. Cette condition, ancienne338, impose
334 Les collectivités ont également la possibilité de faire appel à des prêts de court-terme, dits encore lignes de trésorerie, afin de
combler des manques ponctuels de fonds.
335 Les représentants des collectivités ne manquent d’ailleurs pas de souligner régulièrement cet état de fait ou cette dissymétrie, et
trouvent ainsi argument pour faire porter à l’Etat le blâme et la responsabilité du déséquilibre des comptes publics, des contraintes
imposées par le redressement de la situation.
336 Selon les Articles L. 1612-15 et L. 1612-16 du CGCT, les collectivités sont tenues de procéder à l’inscription budgétaire puis au
mandatement des dépenses tenues comme obligatoires. En tant que telle, la notion de dépenses obligatoires est relativement
imprécise puisque « Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes
exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. » Relèvent alors de ce champ les charges résultant des
emprunts/de la dette. Le non-respect de la règle peut avoir de fortes incidences : lorsqu’il est constaté, la collectivité est mise en
demeure de procéder à l’opération (par le Préfet) et en cas de non-modification, « Le représentant de l'Etat dans le département
règle et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. »
337 Selon les Articles L. 1612-4 et L. 1612-5 du CGCT, « Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section
de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été
évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section
d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux
dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en
capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice. »
338 Sous réserve de vérifications, il ressort (http://maublanc.over-blog.com/article-comment-definir-l-equilibre-reel-des-budgets-
locaux-119376001.html) que la notion d’équilibre réel s’appliquant aux budgets locaux (et inconnue dans les finances de l'État),
« traduit, depuis le lendemain de la révolution française, l'exigence stricte d'équilibre comptable régissant les budgets locaux après
les faillites budgétaires des villes sous l'Ancien Régime, qui empruntaient aux banquiers juifs et lombards et se trouvaient étranglées.
[Elle] existait à l'époque de la tutelle et (…) a été conservée par les lois de décentralisation. [Elle] s'applique au budget primitif comme
aux décisions modificatives des collectivités locales et des intercommunalités. » Selon J.-L. Brenner (2013), la règle d’or a été mise en
191
à la collectivité de disposer dans l’année de ressources propres et définitives en montant suffisant pour rembourser les
charges induites par l’encours de la dette339. De cette façon, l’emprunt ne peut servir à rembourser l’emprunt. La
restriction ainsi imposée ménage les conditions de solvabilité à court terme et budgétaire pour chaque collectivité
comme pour toutes. De cette manière encore, des contraintes sont posées, ayant des incidences sur le volume et sur la
structure du budget local. Elles créent des relations de dépendance et des effets systémiques entre postes budgétaires,
ne serait-ce que d’un point de vue strictement algébrique.
place par la Loi du 18 juillet 1837. Pour R. Hertzog (2012), l’obligation d’équilibre réel des comptes locaux a été formalisée avec la Loi
du 2 mars 1982.
339 Mentionnons que, d’un point de vue comptable, le paiement des intérêts constitue une dépense de fonctionnement (quand les
192
1-Des politiques d’endettement aux prises avec diverses logiques
Lorsque l’on affine l’analyse d’ensemble de l’endettement du secteur public local, l’hétérogénéité des
situations en la matière transparaît de manière patente. Cette variabilité est révélatrice de différences dans
les recours par les collectivités à des prêts, dans leurs modalités de gestion de leur encours de dette ; en
creux, elle est illustrative de l’existence de logiques et/ou de politiques locales d’endettement
territorialement différenciées. Quelques exemples contribuent à étayer ce point de vue.
Le premier exemple a trait aux différences, manifestes, séparant les niveaux communaux d’endettement
(Tableau 22). Même si leur poids relatif est faible, à une date encore récente, un certain nombre de
communes ne sont pas endettées ou bien encore détiennent un encours tout à fait modeste. Cet état de fait
est susceptible de résulter de multiples facteurs concourants. Parmi eux, en première instance, il n’est pas à
exclure que parmi les décideurs locaux, certains fassent (encore) preuve de réactions de prévention à l’égard
du crédit. Emprunter, c’est en effet hypothéquer l’avenir et aller à l’encontre des principes usuels de gestion
« en bon père de famille »340. Le non-recours reste une politique envisageable. A l’autre extrémité de la
distribution, pour près d’un tiers des communes (en 2010) voire pour plus de 40% d’entre elles (en 2015), le
niveau d’endettement est au contraire élevé. Ces localités, comptant parmi les plus peuplées, sont
détentrices de la quasi-totalité de l’encours d’ensemble. Autour de situations intermédiaires, il apparait ainsi
que les états locaux de dette sont nettement disparates, voire segmentés.
Le second exemple a trait à l’hétérogénéité non plus des niveaux mais bien des trajectoires de dette. Cette
diversité est palpable lorsque l’on considère les différents types de collectivités341 (cf. Annexe 3). Elle l’est
tout autant lorsque l’on examine l’un seul d’entre eux et tout particulièrement les communes, à l’origine du
principal de la dette locale342. Il ressort qu’une minorité de ces entités a procédé à un désendettement au
cours de la période 2001-2018 (Tableau 23) ; elles ne détenaient pas, en 2001, la majeure partie de la dette
communale mais elles étaient celles dont le niveau d’endettement (exprimé en €/hab) était parmi les plus
élevés. Les dynamiques et leur intensité diffèrent selon les mandats qui se sont succédé au cours de la
340 A la fin des années 90, certaines municipalités attendaient d’avoir réuni les ressources définitives nécessaires avant de s’engager
dans des dépenses d’équipement (Le Foll, 1998). Elles n’entendaient pas dépenser plus qu’elles recevaient.
341 Ainsi le mouvement de désendettement, tel qu’il s’est manifesté entre 1997 et 2001, a principalement été le fait des institutions
départementales et régionales.
342 Elles détiennent, en 2001, la majorité (59%) de l’encours des collectivités et de leurs groupements à fiscalité propre, soit encore
une part nettement supérieure à celle de leurs groupements à fiscalité propre GFP (10%), des départements (22%) et des régions
(9%) (cf. Annexe 3).
193
période343. Une majorité de communes s’est par exemple engagée dans un mouvement d’endettement au
cours du mandat 2001-2007 tandis que la tendance majeure a plutôt été au désendettement au cours de la
période 2014-2018344.
Tableau 23 – Evolution de l’encours communal selon les mandats municipaux, 2001-2018, en % des communes, en %
de la population et en % de l’encours dette au 31/12/01
2001-2007 2008-2013 2014-2018 2001-2018
% % % % % % % %
com- % pop encours com- % pop encours com- % pop encours com- % pop encours
munes 2001 munes 2001 munes 2001 munes 2001
désendettement 44% 41% 44% 45% 36% 38% 53% 49% 53% 36% 35% 43%
endettement 48% 48% 42% 45% 50% 42% 37% 37% 31% 57% 56% 45%
stabilité 8% 11% 14% 9% 14% 20% 11% 14% 16% 6% 8% 12%
ensemble 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%
Note : les situations de stabilité sont entendues comme celles où l’encours a augmenté/diminué de moins de 5% au
cours de la période
Source : élaboration à partir de www.collectivites-locales.gouv.fr, 2019
Ces informations suffisent à illustrer le fait que si des mouvements d’ensemble se dessinent, ils sont loin
d’être communs à l’ensemble des collectivités, et même partagés par toutes les communes345. Alors que les
l’endettement local est enserré dans des dispositions formalisées contraignantes, une diversité de pratiques
et de situations se manifeste. Ce qui justifie l'intérêt de chercher à mettre en évidence quels peuvent être
des processus et des facteurs contribuant à cette diversification.
Nos analyses empiriques fournissent des éclairages à ce propos. Leurs résultats ne prennent cependant
réellement sens qu’après un examen des conditions de déploiement des politiques locales d’endettement :
dans les faits, celles-ci sont enserrées dans un ensemble de régulations entrecroisées qui contribuent à leur
donner forme, au prisme d’une relation de crédit toujours singulière. Outre celles formellement énoncées,
ces régulations résultent de la conjonction d’une série d’intérêts et d’interventions portés par de multiples
parties prenantes, composant un système pluri-acteurs (1-1), au sein duquel les institutions prêteuses
occupent une place majeure (1-2).
343 Comme en matière de dépenses, les volumes de ressources mobilisées pour financer les investissements fluctuent rapidement
d’une année à l’autre. Sans postuler d’une totale homogénéité au sein des mandats municipaux, marqués par des effets de cycle
(cf. Chapitre 1), on peut supposer que les moyennes établies pour ces périodes font sens et sont illustratives des actions conduites
localement et des choix financiers assortis.
344 Marquée par la nette contraction des dotations versées par l’Etat aux collectivités et par une chute sensible des dépenses
194
1-1-Un système pluri-acteurs
Nous avons fait état de l’institutionnalisation346 croissante de la gestion de la dette locale, de la présence
permanente de l’Etat et de régulations verticales, contraignant les choix d’endettement des collectivités et
présidant de ce fait à la conformation des budgets locaux. En particulier, des règles intangibles régissent à la
fois la vocation fonctionnelle de l’emprunt (qui sert uniquement au financement de dépenses d’équipement)
ainsi que ses conditions de remboursement (excluant en particulier la mobilisation de nouveaux prêts pour
apurer des dettes déjà contractées). Ces sujétions ont comme effet majeur de contenir le volume de la dette
de chaque collectivité comme celle de leur ensemble ; elles empêchent chacune d’entre elles de s’engager
dans une spirale d’endettement qui mettrait à mal sa solvabilité (cf. Encadré 10). D’autres ressorts et acteurs
interviennent de façon implicite et explicite, contribuant à cet état de fait.
Chargés du contrôle de légalité a priori des actes des collectivités, les Préfets ont comme mission de vérifier
que tout budget local est établi dans le respect des règles budgétaires instituées, dans celui notamment des
dispositions concernant l’emprunt et la dette. L’efficacité de tels dispositifs de contrôle et leur force
contraignante ne sauraient être mises en doute. Les contrôles préalables ne peuvent cependant garantir
l’absence de dérives au cours de l’exécution budgétaire. Dans les faits, les analyses régulières des comptes
des collectivités, retraçant a posteriori leur gestion effective, indiquent que, jusqu’à la fin des années 2000,
l’ensemble du dispositif de surveillance institué fait ses preuves : les situations d’intenses difficultés
budgétaires demeurent rares et notamment, celles imputables à des recours mal maitrisés à des prêts. Plus
globalement, l’absence ou la faible fréquence des cas de tensions majeures en matière d’endettement local
amène à pressentir que des mécanismes ressortant de logiques autres que celles relevant des contrôles de
légalité proprement dits exercent des effets régulateurs sur les pratiques locales d’endettement.
En particulier, les représentants des collectivités appréhendent les avis défavorables des magistrats des
Chambres Régionales des Comptes (CRC)347, chargés de procéder à des examens réguliers de leur gestion. Ils
redoutent également leurs interventions lors des procédures de contrôle budgétaire348 (Oudin, 1998 ; Steckel
Assouere, 2013). Il en va de l’autonomie budgétaire de leur collectivité ; celle-ci serait en effet compromise
en cas de mise sous tutelle préfectorale.
Diverses stratégies et tactiques sont déployées localement afin d’éviter de telles issues. Notamment, il n’est
pas rare que des prêts soient encaissés à des moments-clés, au terme par exemple de l’exercice budgétaire,
afin de combler des manques de trésorerie et d’écarter une situation de déséquilibre budgétaire349. La
modération de l’endettement local résulte de la sorte, au moins pour partie, de mesures d’adaptation ou
d’autorégulation émanant des décideurs locaux. Ces derniers se saisissent en particulier des marges de
manœuvre à leur disposition pour pratiquer une gestion active de la dette locale et pour rationaliser l’usage
budgétaire des crédits. Tel a par exemple été le cas dans les années 80-90 lorsque, avec la désinflation du
346 Au sens de reconnaissance officielle d’une pratique, marquée par la présence de multiples institutions (publiques et privées).
347 Désormais Chambres Régionales et Territoriales des Comptes (CRTC). La Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, dite d'amélioration de la
décentralisation, précise notamment le champ du contrôle des Chambres Régionales des Comptes.
348 Parallèlement au contrôle de légalité, les collectivités territoriales sont soumises à un contrôle a posteriori spécifique, le contrôle
budgétaire (selon les articles L. 1612-1 à L. 1612-20 du CGCT). Ce contrôle est exercé par le préfet, en liaison avec les Chambres
Régionales des Comptes. L’objectif de ce contrôle est d’assurer le respect des règles applicables à l’élaboration, l’adoption et
l’exécution des budgets des collectivités et de leurs établissements publics. Ces règles portent sur quatre points : la date d’adoption
et de transmission du budget ; l’équilibre réel du budget ; la date de vote, l’équilibre et le rejet éventuel du compte administratif ;
l’inscription et le mandatement d’office des dépenses obligatoires (source : à partir de www.collectivites-locales.gouv.fr). Les règles
en question concernent ainsi étroitement les conditions de mobilisation de l’emprunt et de gestion de la dette locale.
Lorsque l’une ou l’autre des règles précitées n’est pas vérifiée, le préfet est habilité, après avis de la CRC, à réformer les documents
budgétaires dans le cadre de son pouvoir de substitution qui lui permet de régler d’office et de rendre exécutoire le budget d’une
collectivité, alors placée sous tutelle.
349 Ainsi que le révèlent les rapports d’analyse des CRC. Cette mobilisation est alors opérée sans que les fonds en question répondent
195
moment, les prêts sont devenus moins attractifs. Les collectivités ont réduit leurs recours à ces financements
(Guengant, 1991b) et parallèlement, une partie d’entre elles s’est engagée vers des réaménagements des
encours (Cour des Comptes, 1991 ; Pentecôte et al., 1991). Elles ont procédé de la sorte non pas parce leur
solvabilité était menacée mais bien en raison des charges financières excessives provenant de leur stock de
dette (Guengant, 1988). Cette période marque d’ailleurs l’apparition, pour les décideurs et gestionnaires
locaux, de la notion d’incertitude, d’une forme de risque financier associé à la dette ainsi que l’émergence
d’un risque économique lié à l'investissement public local, quand la gestion locale semblait exempte de tels
aléas (Guengant, Uhaldeborde, 1993). Les plans de financement des équipements locaux ont notamment été
revus en conséquence, s’adaptant à la fois aux conditions des prêts et à la moindre progression de la fiscalité
locale. Les pratiques locales d’emprunt apparaissent de la sorte comme dépendantes des représentations
des risques portées par les représentants locaux eux-mêmes, ces perceptions se concrétisant de façon
spécifique selon l’état du système financier local et les évolutions du contexte.
Les perceptions de ces décideurs, dans leur construction comme dans leur évolution, subissent également
l’influence de celles véhiculées par les autres parties impliquées. Elles sont en particulier non seulement
marquées par celles émanant par exemple des CRC (Larue, Sindres, 2008), mais également par celles des
bureaux d’étude et des sociétés de conseil actives dans le domaine de l’emprunt et de la dette locale. Les
risques associés à l’endettement local font dès lors l’objet d’une construction et de représentations
partagées. L’ensemble concourt à un « processus de managérialisation des finances publiques locales »
(Benoit, 2003, p. 537), à une rationalisation de la gestion locale et à une réduction des incertitudes (Thoenig,
1995 ; Rocher, 2008). Finalement, par divers biais, « ce n’est pas un paradoxe, la liberté d’emprunt des
collectivités locales est une des clés du contrôle d’un éventuel endettement excessif. » (Guengant, Josselin,
2009, p. 3). Parallèlement aux contraintes formalisées et codifiées dans les textes, émergent de la sorte des
règles locales de discipline budgétaire350, présidant aux politiques retenues par chaque collectivité en matière
de dette. Celles-ci se conjuguent à des formes diversifiées d’exercice de la responsabilité budgétaire, telle
qu’elle peut se déployer dans le cadre de l’autonomie accordée au local. La conjonction des deux facteurs et
leur superposition concourent à la diversification des choix locaux de dette.
Ainsi de multiples parties prenantes participent à la gouvernance de l’emprunt local, contribuent à façonner
les processus de décision le concernant, au nom des représentations des risques associés. D’autres logiques,
notamment celles des institutions offrant des prêts ont également des incidences sur les choix
d’endettement qu’opèrent les responsables des collectivités351.
350 Le terme de discipline est ici employé en référence à la distinction établie par B. Dafflon (2002b) : « In local public finance, one
may distinguish between budget responsibility and budget discipline. » En particulier, l’auteur fait l’hypothèse que la responsabilité
budgétaire constitue la base de l’évaluation locale des avantages et des coûts de chaque décision (d’investissement), que la discipline
budgétaire relève des règles institutionnelles limitant (à l’avance) la possibilité de financement du déficit public par l’emprunt.
351 En dépit des quelques éléments avancés, nos investigations souffrent d’un déséquilibre analytique certain. Nous mettons en effet
principalement l’accent sur la demande d’emprunts émanant des collectivités sur les usages de ces financements et accordons une
moindre place aux conditions d’offre, à leurs modalités de définition, aux modèles qui les sous-tendent… De la sorte, nous procédons
à une naturalisation certaine d’éléments qui sont assurément déterminants.
196
1-2-Des logiques des institutions prêteuses
Depuis la libéralisation des prêts aux collectivités à la fin des années 70 (Herrant, 1991 ; Bonno, 1992) 352,
voire leur marchandisation ou encore leur « marchéisation » (Bouinot, 1988), les institutions délivrant ces
produits financiers, qu’elles soient plutôt à vocation publique ou d’intérêt général (comme la Caisse des
Dépôts et Consignations CDC353) ou bien qu’elles fonctionnent selon un mode privé, jouent
incontestablement un rôle non seulement dans l’offre de financements temporaires aux entités locales mais
également dans les conditions d’accès de ces dernières aux ressources en question. Trivialement, les
conditions de crédit, en termes de taux d’intérêt et de volumes des prêts, affectent la demande émanant des
collectivités. Confrontées à des hausses de leurs frais financiers (dès 2003), les entités locales auraient été
sensibles aux avantages présentés par les produits structurés, qui les ont ensuite entrainées dans de
véritables turpitudes (Guengant et al., 2012). Ainsi les analystes scrutent-ils attentivement les dynamiques
des marchés financiers, la progression des taux d’intérêt, l’évolution des mesures prudentielles auxquelles
se rangent les institutions bancaires… ainsi que leurs incidences sur l’endettement public local et sur les
risques encourus par les collectivités emprunteuses (Michel, 2002 ; Hoorens, 2006 ; Ragot et al., 2016). Il
demeure que si les intérêts et modèles économiques des institutions bancaires deviennent de plus en plus
déterminants dans la gestion des finances publiques (Lemoine, 2014a), l’endettement des collectivités porte
de longue date la marque de leur existence354. Les établissements prêteurs influent de manière certaine sur
le système de la dette locale ainsi que sur la segmentation du marché du crédit et ce, de plusieurs manières
complémentaires.
De façon générale, les sujétions pesant sur leur endettement et les règles présidant à l’établissement de leurs
budgets sont suffisamment fortes pour que les collectivités aient longtemps été tenues par les institutions
de crédit comme des emprunteurs sûrs et même comme une clientèle à courtiser. Certes, initialement, lors
de l’ouverture des marchés des crédits aux collectivités, les établissements bancaires se sont montrés
méfiants355. Ces préventions, qui pouvaient aller jusqu’au refus de prêts et à une sélection active des
emprunteurs356, sont désormais atténuées : la « révolution silencieuse » (à la fois économique et juridique)
qu’a effectuée le secteur public local dans les années 2000 a contribué à faire tomber les préjugés en sa
défaveur (Armand, 2002).
Cependant, cet attrait des acteurs financiers pour le secteur public local bute sur des limites. En effet, le stock
d’épargne ou de liquidités des collectivités est déposé dans les comptes du Trésor : il ne concourt pas à
abonder les fonds propres dont les banques ont besoin, notamment lorsque leurs règles prudentielles se
renforcent357. Un tel resserrement (en 2013) a d’ailleurs conduit les prêteurs à se détourner de la clientèle
352 Qui s’entend comme un processus de « Globalisation, Banalisation, Diversification ». Globalisation puisque les prêts et
subventions ne sont plus comme auparavant systématiquement affectés à des réalisations précises ; Banalisation puisque à partir de
la loi bancaire de 1984, les collectivités sont apparentées aux autres types d’acteurs (ménages et entreprises privées) dans l’accès
aux crédits ; Diversification puisque les collectivités peuvent adresser leurs demandes à toutes institutions bancaires.
353 Et désormais la Banque des Territoires.
354 Selon les règlements prudentiels établis au niveau international, fixant en particulier le ratio dit de Cooke, « le degré de risque
afférent aux créances sur les administrations locales, inscrites à l'actif ou hors bilan [est de] : 20 p. 100 contre 100 p. 100 pour les
crédits à la clientèle - mais 0 p. 00 pour les créances sur l'Etat. » (Cour des Comptes, 1991). Toutes choses égales par ailleurs, les
possibilités de prêts aux collectivités sont bien plus importantes que celles pouvant être destinées à la clientèle privée des banques.
Du fait du caractère international des exigences prudentielles régissant les activités financières, la situation est sensiblement la même
dans les autres pays européens (Serve, 2002).
355 Leurs représentants redoutaient alors l’incompétence des élus, leurs inconséquences en matière de gestion ainsi que les sujétions
plus porteuses de demandes et tenues comme les mieux outillées d’un point de vue gestionnaire. Parallèlement, les collectivités de
moindre importance subissaient de plein fouet les effets de la banalisation du crédit. Ainsi est apparue une « France à deux vitesses »
en matière d’endettement.
357 Tel a été le cas à compter de 2013. Le nouveau cadre réglementaire du secteur bancaire, appelé « Bâle III », a donné lieu à la
rédaction d'une directive européenne qui est entrée en application partielle à partir de cette date et qui s’est appliquée partiellement
197
potentielle que constitue la sphère publique locale, au point que l’on ait pu craindre l’apparition d’un credit
crunch pour le secteur local, asséchant l’offre de prêts en sa direction et paralysant ses activités
d’investissement (Renard, 2008 ; Le Gand, 2012). Ceci illustre bien le fait que les rapports entre collectivités
et institutions bancaires ne sont pas dénués de tensions, affectant notamment les conditions d’offre de prêts
ainsi que le marché des crédits. Ces tensions et leur mode de résolution inscrivent de fait le (sous)système
de l’endettement local dans un faisceau de dépendances aux règles (globales) pesant sur les activités
bancaires ainsi qu’à l’état des marchés financiers.
Hors ces aspects généraux, l’état local de la dette tient aux liens spécifiques entre chaque collectivité
emprunteuse et les établissements qu’elle sollicite en vue de contracter des emprunts. Toute relation
– commerciale – de prêt est, par définition, génératrice d’incertitudes pour ceux qui empruntent comme
pour ceux qui prêtent (Michel-Clupot, Rouot, 2013). Même s’il existe des dispositions institutionnalisées afin
d’écarter cette éventualité, le risque existe, pour les créanciers des collectivités, que ces dernières soient
finalement en défaut de paiement et ne s’acquittent pas effectivement de leur dû, chaque année comme
jusqu’à l’extinction de leur dette, conformément aux obligations qu’elles ont souscrites lors de
l’établissement des contrats attachés à l’octroi des crédits. Ainsi, toutes les collectivités ne sont pas
également fiables, du point de vue des institutions bancaires. Les représentants de ces dernières, cherchant
à sécuriser leur propre modèle économique, choisissent en conséquence leurs clients ; ils ne retiennent
finalement que ceux qui, à un titre ou à un autre, leur semblent les moins porteurs de risques. Préalablement
à tout accord de prêt, ces établissements procèdent à des analyses détaillées de la situation budgétaire des
collectivités sollicitant des emprunts. Chaque institution procède à son propre scoring358, à une évaluation
spécifique des risques de défaillance de paiement ou de remboursement. Les éléments retenus, représentant
une forme d’objectivation de la situation de la collectivité emprunteuse à des fins financières, l’inscrivent
dans un « ordre de la dette » sur lequel ses représentants disposent de peu ou pas de pouvoir d’intervention.
Ils conditionnent son accès (ou non) aux montants sollicités, aux taux d’intérêt associés. Au nom d’une vision
spécifique des risques, ces critères contribuent à segmenter le marché, à rendre les ressources temporaires
inégalement accessibles pour les entités décentralisées, quand leur accès est potentiellement ouvert à
l’ensemble d’entre elles. Complémentairement, il n’est pas à exclure que les représentants locaux, en
recherche de financements temporaires, s’attachent à orienter leur gestion budgétaire de façon à
s’approcher au mieux des standards requis par les prêteurs. Les conditions d’offre de prêts façonnent ainsi
la demande de crédits.
à compter de 2019. Ces nouvelles règles prudentielles visent à renforcer la solidité des banques en leur imposant des contraintes
renforcées pour des prêts à long terme. Ainsi, les banques doivent progressivement relever leurs fonds propres en quantité et en
qualité pour leur permettre de mieux absorber les pertes en cas de crise. (Sénat, 2014b).
358 En première analyse, les comparaisons (à ce stade non réellement formalisées) effectuées entre les évaluations conduites par la
Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et par l’Agence France Locale (AFL) indiquent que les éléments budgétaires retenus pour
qualifier les situations des collectivités sont sensiblement les mêmes. Chacun des établissements procède néanmoins à sa propre
hiérarchisation et pondération des critères retenus et compose ainsi une représentation spécifique des capacités à emprunter et à
rembourser des collectivités. Les résultats détaillés et individualisés des analyses de scoring effectuées par les institutions prêteuses
ne sont pas communiqués à des tiers.
359 Et sans qu’il soit à ce stade possible de hiérarchiser l’importance des mécanismes en jeu.
198
Elles sont telles que certains élus, redoutant non seulement une mise sous tutelle préfectorale de leur
collectivité mais aussi une perte de crédibilité auprès des prêteurs, limitent d’eux-mêmes leur demande de
prêts (Du Boys, 2014). De ce fait, les relations de crédit sont en tant que telles de nature à avoir des incidences
sur chaque recours à un prêt. Combinées à d’autres facteurs, les éléments constitutifs de ces relations
contribuent à donner un tour singulier aux options reconnues localement et finalement, aux spécificités de
toute politique locale d’endettement.
Ces politiques locales apparaissent de la sorte comme prises dans un faisceau de dépendances multiples, où
s’entremêlent logiques individuelles et collectives, intérêts publics et privés, perspectives immédiates et
orientations de long terme, soit encore un ensemble de régulations entrecroisées, laissant place à
l’expression de choix différenciés et à des arrangements spécifiques. Les contraintes légales et les
dispositions instituées ne sont pas les seules à délimiter les contours des choix locaux de dette. Elles
interviennent comme un socle commun suscitant une uniformisation des pratiques, ménageant néanmoins
des marges d’autonomie et des zones d’incertitudes concourant à des processus de différenciation. Chacun
des mécanismes à l’œuvre ainsi que ses incidences mériteraient d’être décryptés au cas par cas. Tout en
reconnaissant l’intérêt de ces analyses spécifiques, et au risque d’une forme de naturalisation360 de facteurs
décisifs majeurs, nous privilégions l’observation des situations et des trajectoires qui résultent de la
combinaison des forces à l’oeuvre. L’état de l’encours de chaque collectivité, ses variations nous apparaissent
in fine comme des manifestations de la politique locale d’endettement, cette dernière condensant un
ensemble de processus et de décisions, dépendant de logiques relevant de divers ordres.
Quelles sont alors ces manifestations, telles que l’on peut les appréhender de façon territoriale ? Nous les
examinons en tant que telles ainsi qu’à l’aune des relations d’(inter)dépendance qui se tissent entre l’état
localisé de dette et les autres composantes (stratégiques) du budget de la collectivité.
360Ici entendu comme processus conduisant à un état de naturalité. Cette dernière consisterait en « une propension à s’imposer
progressivement sur le mode de l’évidence. » (Guéranger, 2012, p. 24)
199
200
2-L’endettement, au sein d’un triptyque et de trajectoires à
configuration locale
Les énoncés précédents nous ont laissé entendre l’existence de dépendances systémiques au sein des
budgets locaux, voire entre différentes dimensions des politiques financières des collectivités, se concrétisant
à l’occasion du recours à des prêts et tout au long de la durée de vie de ces derniers. Les dispositions
instituées de surveillance budgétaire, les règles locales de discipline, les restrictions opérées par les
prêteurs… contribuent à cet état de fait. Au-delà de ces formulations générales, nous nous proposons de
qualifier précisément, en nous situant à l’intérieur même des comptes locaux, comment ces relations et ces
régulations fonctionnent et comment elles peuvent prendre des formes territorialisées. Nous nous appuyons
pour cela, en les prolongeant, sur les réflexions que nous avons commencé à construire (Navarre, 2016).
Emprunts et impôts forment ainsi deux composantes, à la fois stratégiques et dépendantes, des budgets
locaux. Leur mobilisation, qu’elle s’effectue par complémentarité ou par substitution, ne prend tout son sens
qu’au regard de la politique locale de dépenses (de fonctionnement et/ou d’investissement). Tout se passe
alors comme si endettement, impôts et dépenses formaient un triptyque dont la configuration est sujette à
des arbitrages et ainsi, à des ajustements variables dans le temps et selon les collectivités.
Selon les analyses disponibles (au niveau macroéconomique), il ressort que cette configuration ainsi que la
nature des relations (de détermination ou d’inter-détermination) entre les sommets du triptyque se sont
déformées au cours du temps. Ainsi, comme nous l’avons évoqué, la dynamique de l’investissement des
collectivités, telle qu’elle s’est manifestée précocement (dans les années 70), suscitait un besoin conséquent
d’emprunts. En retour, la progression de la dette était porteuse de risques en ce qu’elle était tenue comme
susceptible d’engendrer une explosion de la fiscalité locale (Théret, 1977). De telles éventualités ont été
rapidement écartées, les charges financières imputables à l’endettement des collectivités demeurant somme
toute modérées. La fiscalité locale était alors suffisamment dynamique, non seulement pour couvrir ces
dépenses mais également pour contribuer au financement des équipements requis en lien avec les fortes
vagues d’urbanisation du moment. Dans les années qui ont suivi (cf. Chapitres 1 et 2), sous le poids de la
conjonction de plusieurs mécanismes, nous l’avons rappelé, la fiscalité est devenue moins productive : elle
ne constitue plus la variable d’ajustement des budgets et au contraire, elle devient première : de son niveau
découle celui de l’épargne disponible, une fois les remboursements de dette exigible effectués et partant,
201
les dépenses d’investissement envisageables localement ainsi que le volume d’emprunt à contracter. Dit
autrement, finalement, l’évolution conjointe de la dette (et des charges qu’elle génère compte tenu de ses
caractéristiques et notamment de sa duration) et de l’épargne (via la fiscalité) contribue à réguler la stratégie
locale d’investissement (Binet et al., 2016).
Les liens de dépendance entre les pôles du triptyque considérés sont alors à même de se transformer au
cours du temps pour l’ensemble des entités locales. Nous postulons par ailleurs que non seulement sa forme
mais également ses déformations sont spécifiques à chaque collectivité, en lien avec le contexte fiscal et
financier qui est le sien, sous le poids des contraintes auxquelles elle est soumise et des politiques
budgétaires qui y sont développées. Nous avons déjà montré que toutes les collectivités ne sont pas égales
dans l’accès à des ressources fiscales, que toutes n’optent pas pour les mêmes modes de mobilisation des
contributions à leur disposition (cf. Chapitre 2). Au point que nous ayons pu faire état de politiques fiscales
singulières, propres à tout ou partie des collectivités. Les analyses pionnières (Guengant, 1998b) comme les
plus récentes (Cour des Comptes, 2016a) révèlent que les critères (ou variables) de ressources (définitives),
notamment fiscales, sont décisifs dans la génération des différences entre niveaux de dépenses selon les
collectivités, tout en n’étant pas totalement déterminants. Des effets de préférence, soit encore des choix
politiques, contribuent également à la différenciation dans les charges locales (Gilbert, Guengant, 2004). Nos
premières observations laissent entendre que l’appel à des ressources temporaires varie lui-aussi selon les
collectivités (cf. supra). Il importe alors de préciser comment se conjugue, localement, la variabilité entre les
trois éléments majeurs du triptyque considéré.
Compte tenu des régulations entrecroisées à l’œuvre, des multiples jeux d’influence auxquels il est soumis
(cf. supra), selon toutes probabilités, le triptyque que nous considérons oscille entre des formes
standardisées (ou contraintes) et des solutions spécifiques (ou localisées). Sans que l’on puisse nier
l’existence de spécificités pratiquement irréductibles et propres à chaque collectivité, nous avançons que le
triptyque unissant endettement, impôts et dépenses tend à prendre des formes majeures que nous
cherchons précisément à repérer.
Parmi les travaux scientifiques (consultés) portant sur les formes diversifiées de l’emprunt des collectivités,
certains visent à expliciter l’hétérogénéité des comportements d’emprunts en étudiant précisément certains
types de collectivités, et notamment les régions (Dufrénot et al., 2011). D’autres travaux portent sur des
sous-ensembles divers ou composites d’entités locales et s’intéressent aux alternatives entre recours à des
produits bancaires usuels et appels à des financements obligataires (Gourmel-Rouger, 1998, 2015 ; Serve,
2003). Nous avons retenu de mettre l’accent, au moins à un premier stade, sur les emprunts et la dette des
collectivités du bloc local, indépendamment des instruments financiers auxquels elles recourent. Ces choix
et les analyses du triptyque proposé sont cohérents avec nos partis pris d’ensemble ; ils conduisent en outre
à apporter des éclairages sur les pratiques d’emprunt des communes et de leurs intercommunalités, encore
peu étudiées alors que ces entités sont détentrices d’une part majeure de la dette locale (cf. supra).
Dans un premier temps, nous avons cherché révéler les formes marquantes du triptyque au centre de nos
observations pour un échantillon spécifique de collectivités, c’est-à-dire pour les villes comptant plus de
10 000 habitants.
202
2-2-Un triptyque aux formes contrastées
Une focale placée sur les villes de plus de 10 000 habitants
Des raisons tenant à la disponibilité de données budgétaires détaillées au moment du lancement de l’étude
nous ont conduit à réaliser des analyses portant sur l’endettement et sur les finances des villes comptant
plus de 10 000 habitants.
La limitation à ce sous-ensemble de localités n’est a priori pas dommageable car, au sein des communes et
des collectivités, les agglomérations les plus peuplées sont à l’origine de la plus grande part de la demande
d’emprunts comme de l’encours de dette (Tableau 24). Elles sont de ce fait confrontées autant à des
problématiques relatives aux flux de nouveaux crédits qu’à des questions tenant à la gestion des stocks de
dette, et aux contraintes financières assorties.
Pour autant, ces villes ne sont pas porteuses de la majeure partie des risques. Les travaux existant révèlent
en effet que l’importance de ces derniers ne va pas systématiquement de pair avec la taille démographique
des localités (Swianiewicz, 2004)361. Les techniques gestionnaires, avant de se diffuser progressivement, ont
en premier lieu émergé dans les (grandes) agglomérations (Guengant, 1988). C’est là que les élus locaux se
sont familiarisés avec la pratique du management (Koumba, 2009). Il peut cependant, entre optimisation et
fuite en avant, en résulter des états contrastés.
Il apparait en effet que toutes les villes considérées ne sont pas également endettées (Tableau 25). Si une
faible part de ces agglomérations est peu concernée par la dette (un encours ne dépassant pas 200 €/hab),
le niveau d’endettement est élevé (plus de 1 000 €/hab) pour une très forte proportion d’entre elles. Placer
la focale sur le panel des villes de plus de 10 000 habitants permet alors de réduire l’hétérogénéité constatée
pour l’ensemble des communes tout en conservant un sous-ensemble dans lequel les pratiques
d’endettement continuent à être diversifiées.
361L’auteur indique en particulier que : « The mid-size local governments are big enough to use debt instruments, but not big enough
to have strong economic base, nor sufficient skilles to manage the debts. »
203
Tableau 25 - Distribution de l’encours de dette, ensemble des communes et communes de plus de 10 000 habitants,
2000 et 2015
2000 2015
effectif relatif
ensemble des communes plus de ensemble des communes plus de
encours au 31/12/n
communes 10 000 hab communes 10 000 hab
0 €/hab 6% <1% 7% <1%
de 1 à 10 €/hab 2% 1% 4% 1%
de 11 à 100 €/hab 12% 1% 9% 2%
de 101 à 200 €/hab 14% 2% 9% 2%
de 201 à 500 €/hab 34% 14% 27% 12%
de 501 à 1 000 €/hab 23% 39% 27% 36%
de 1 001 à 2 000 €/hab 8% 39% 13% 38%
plus de 2 000 €/hab 2% 4% 3% 8%
ensemble 100% 100% 100% 100%
Source : élaboration à partir de DGFiP, DGCL
Une fois précisés ces traits d’ensemble, en lien avec la problématique et les postulats énoncés
précédemment, nous examinons quel est le matériau empirique mobilisé en vue de rendre compte des
diverses figures du triptyque mis à l’étude.
Les manifestations des situations et des politiques locales saisies par le biais d’indicateurs (conventionnels)
Au moment de l’étude, nous disposions des (séries temporelles des) valeurs des 12 ratios (prudentiels ou
conventionnels) que sont tenues d’établir chaque année les collectivités362 (cf. Annexe 4) Nous tenons ces
indicateurs, leurs valeurs voire leurs évolutions comme des révélateurs des politiques (fiscales,
d’endettement, de dépenses) effectuées par les collectivités et comme des descripteurs de leur situation
budgétaire.
En procédant de la sorte, nous nous rangeons à la méthode dite d’analyse des ratios qui apparait comme la
plus partagée s’agissant des finances des collectivités (Klopfer, 1992 ; Guengant, 1998c ; Guengant, Le Meur,
2009, 2015 ; Du Boys, 2014 ; Leprince, 2019). Si la démarche est commune, les avis divergent quant au panel
des indicateurs à retenir (Du Boys, 2014), d’autant qu’il n’existe pas de mode standard d’évaluation qui puisse
s’imposer de façon univoque et permanente (Padovani et al., 2011)363. Les sélections opérées au sein du
matériau disponible requièrent alors justifications et discussions.
Il reste que, en adoptant les représentations et valeurs conventionnelles des indicateurs364, y compris lorsque
leur choix est argumenté, nous nous inscrivons dans les visions institutionnalisées des finances locales en
général, des dimensions relatives à l’endettement des collectives en particulier.
362 Elles sont établies etdiffusées par le Ministère de l’Intérieur (DGCL). Les valeurs sont calculées à partir des montants figurant dans
les comptes administratifs et correspondent donc aux opérations effectivement réalisées. Le mode standardisé d’évaluation des
ratios garantit leur comparabilité, dans l’espace et dans le temps. Lors de nos travaux, les données étaient disponibles pour les années
2002 à 2010. Nos analyses portent principalement sur les données les plus récentes.
363 Selon les auteurs, « More precisely, we argue that a standard accounting tool or technique (e.g. a set of indicators, a standard
source of accounting information, etc.), to detect fiscal distress, would not be effective for all LGs [Local Governments]; each
governance setting requires the monitoring of different aspects, and therefore requires the collection of different types of accounting
information, in order to keep financial health under control, while assuring service delivery at the required standards. »
Malgré tout, les règles comptables tendent à s’harmoniser sous le poids des standards internationaux (normes IPSAS), ainsi que des
exigences prudentielles des institutions de prêts ; de ce fait, même si elles se présentent sous des traits différents, les problématiques
locales d’endettement et leurs modes d’évaluation comportent des similitudes dépassant les frontières nationales (Du Boy, 2014).
364 Qu’il s’agisse de leur nature/sens ou de leur périmètre d’évaluation.
204
De façon implicite comme explicite, les risques associés à cet endettement sont par exemple mis en relief,
quand les potentialités qu’offrent la dette et les réalisations qu’elle rend possibles sont passées sous silence.
Cette position est discutable, sur le plan scientifique. D’un point de vue pragmatique, l’absence d’autres
données détaillées, voire le coût élevé de leur production réduisent singulièrement les possibilités d’analyses
empiriques alternatives, moins sujettes à des biais365.
Il reste que les informations retenues pour nos investigations sont bien celles qui contribuent à fonder les
choix et pratiques des acteurs impliqués, celles qui forment les références partagées voire encore celles qui
servent à alerter à propos des tensions et des situations tenues comme les plus critiques. De la sorte, tout en
incluant d’indiscutables limitations, informationnelles voire méthodologiques, nos analyses contribuent à
fournir des éclairages quant aux représentations concourant à la formulation et au pilotage des politiques
locales d’endettement, ainsi qu’aux risques associés pour les diverses parties prenantes et à leur perception.
Sur ces bases, au sein des indicateurs conventionnels, nous avons sélectionné ceux qui étaient les plus
appropriés en vue de qualifier la situation fiscale et de dépenses des villes d’une part, et afin de rendre
compte de l’endettement local, du stock de dette et des incertitudes de long terme qui peuvent lui être
associées d’autre part. Dans la mesure où une attention particulière est portée aux risques de ruptures ou
de tensions inhérentes au recours locaux à des crédits (cf. Encadré 11), nous explicitons quelles sont les
options que nous avons retenues en la matière.
365 La diffusion massive de données (notamment comptables) lève désormais, au moins partiellement, ces limitations.
205
Encadré 11 – Des risques de défaillances multiformes et des incertitudes pluri-temporelles
Dès lors qu’il est question d’endettement des collectivités, dans les débats comme dans les analyses dédiées, la notion
de risques apparait rapidement (Cour des Comptes, 1991, 2019 ; Guengant, 1988 ; Le Foll, 1998). Pour les prêteurs, des
interrogations courent sur les capacités des entités locales à rembourser les sommes dont elles sont redevables, à
s’acquitter de ces obligations de façon pérenne… Ils peuvent également se demander s’ils ne risquent pas de se trouver
confrontés à de fréquentes et coûteuses demandes de réaménagement des encours. Les collectivités emprunteuses
s’interrogent quant à elles sur le poids budgétaire des remboursements, sur sa pression et sur les menaces que ces
charges font peser sur leur équilibre budgétaire, sur les arbitrages à effectuer en matière de taux d’intérêt et de gestion
de leur stock de dette…
Les dispositifs institutionnalisés, les évaluations préalables mises en place par les institutions prêteuses, les
autorégulations émanant des collectivités emprunteuses, tels que nous les avons évoqués, contribuent assurément à
contenir tout ou partie de ces risques associés à l’emprunt pour l’ensemble des parties prenantes.
Pour autant, toutes les collectivités ne disposent pas de marges de manœuvre budgétaires semblables et il est
régulièrement reconnu que toutes ne sont pas dans une même situation de santé financière366. En lien avec des
modifications du contexte local, avec des dynamiques contrariées des recettes ou des dépenses, les obligations liées à
la dette peuvent se heurter à des tensions budgétaires, voire les susciter.
Les états de difficulté, de tension, ou inversement de santé et finalement de solvabilité peuvent être appréhendés de
multiples façons (Padovani, Scorsone, 2011 ; Du Boy, 2014). La capacité à honorer des engagements est qualifiée, de
façon conventionnelle, par l’International City/County Management Association (ICMA)367, sur la base de quatre termes.
Ceux-ci sont relatifs à la solvabilité à court terme (correspondant à la notion de liquidité et à la possibilité de payer ses
factures), à la solvabilité budgétaire (qui est la capacité à avoir un budget équilibré sur l’année), à la solvabilité à long
terme (qui dépasse l’horizon annuel) et à la solvabilité du niveau de service (qui est la capacité de la collectivité à assurer
le niveau et la qualité de prestations exigés par le territoire). Une défaillance réside dans une rupture sur l’une et/ou
l’autre de ces dimensions, affectant avec une intensité variable l’équilibre et la continuité du budget local, pouvant
même aller jusqu’à menacer la viabilité de la collectivité en tant que telle. Les possibilités de défaillances sont alors
multiples ou bien encore, le risque lui-même apparaît comme multidimensionnel.
Les engagements pris par les emprunteurs à l’égard de leurs prêteurs, s’ils sont mésestimés, sont potentiellement à
même de faire émerger tout ou partie de ces risques et de conduire à des états de défaillance(s).
La « règle d’or » présidant à l’établissement des budgets locaux, le caractère obligatoire des dépenses afférentes à la
dette garantissent a priori la solvabilité budgétaire et à court terme. Ces règles ou principes n’assurent cependant en
rien que les conditions d’équilibre et de paiement sont effectivement réunies lors de l’exécution budgétaire. Elles ne
concernent par ailleurs en rien la solvabilité de long terme ou de service.
Il n’est alors pas exclu que les paiements des charges d’intérêt, les remboursements du capital, alliés aux autres
dépenses incompressibles, soient susceptibles, dans les cas extrêmes, de dépasser de façon récurrente et durable les
capacités budgétaires de la collectivité. Quand de telles formes d’insolvabilité se cumulent et se répètent, l’insuffisance
financière de la collectivité est majeure, au point que l’on puisse évoquer un état de faillite.
Dans les faits, une situation de faillite est celle que connaissent les agents privés lorsqu’ils ne sont pas ou plus en mesure
de faire face au passif exigible avec leur actif disponible. Les tensions sont apaisées, en tout ou partie, en procédant à
une restructuration financière et notamment, à la cession d’une part de l’actif en question.
Un tel mécanisme ne peut être de mise pour les puissances publiques en général, pour les collectivités en particulier.
366 Soulignons que l’usage du terme sous-entend une forme de naturalisation, indiquant implicitement qu’une situation exempte de
tension (d’équilibre budgétaire, par exemple) est analysée en termes médicaux et qu’à l’inverse, une dégradation est tenue comme
pathologique.
367 Qui est une association représentant les professionnels du « local government management », créée en 1914 et basée à
Washington. Aux côtés d’autres institutions, cette association contribue à la promotion de l’évaluation de la performance dans les
entités locales. (de Lander Julnes, 2008).
206
La nature (publique) de leur actif, son utilisation au service de missions d’intérêt général s’opposent à toute cession à
des fins de résorption des défaillances. Il s’ensuivrait sinon des dégradations du service et de l’investissement (l’un et
l’autre à caractère public) alors que le niveau et la qualité de ces derniers fondent leur existence.
En outre, le levier fiscal est actionnable pour réduire les discordances entre charges et moyens, faisant alors du
contribuable le principal ou le dernier redevable des difficultés financières. De la sorte, « L’ombre portée de la puissance
publique conjur[e] traditionnellement le spectre de la faillite. » (Blanc, 1995, p. 91). Tout en étant usité, le terme même
de faillite ne convient alors pas, s’agissant des entités locales françaises368. Son emploi inconsidéré conduirait à souscrire
à une façon de gouverner structurée par la fragilité financière, par les impératifs de gestion et par la faillibilité (Juven,
Lemoine, 2018).
Qui plus est, l’insolvabilité majeure d’une collectivité française est d’autant plus improbable que la menace de la
défaillance est réduite, pour les gouvernements subnationaux, par les possibilités de versement en leur faveur d’une
subvention provenant de l’Etat et contribuant au rétablissement des équilibres. Ce renflouement (ou bailing out) fait
jouer le mécanisme de la contrainte budgétaire dite molle ou relâchée (Breuillé et al., 2006 ; Breuillé, 2008a, 2008b ;
Josselin et al., 2012).
Ainsi divers mécanismes – publics - sont-ils à l’œuvre, mettant à distance les risques que surviennent localement des
défaillances profondes, notamment celles que pourraient susciter des emprunts mal maîtrisés. Autrement dit, ils
contribuent encore à ce que les risques prennent également plutôt forme d’incertitudes (Guengant, 1998a). Cette
précision étant apportée, nous employons indifféremment les deux vocables de risques et d’incertitudes.
Notre intérêt pour la soutenabilité des budgets des collectivités et des politiques locales associées devrait nous inciter
à privilégier l’analyse des conditions de solvabilité du niveau de service. Celle-ci est en effet au fondement de la
légitimité ou de la raison d’être de toute collectivité. Elle engage les capacités immédiates d’action locale comme leur
pérennité. Toutefois, ces conditions de fonctionnement et leur maintien dans la durée sont complexes à apprécier et à
analyser en tant que tels. Ils sont en effet dépendants du contexte local et de la trajectoire budgétaire de la collectivité.
De ce fait, ils apparaissent comme le produit d’une équation multiple dans laquelle l’emprunt ou la dette ne sont que
des facteurs parmi d’autres. Considérer ce qui relève de l’endettement local comme un déterminant majeur de la
solvabilité du niveau de service conduirait à majorer le rôle des ressources temporaires. A la lecture des travaux
existants, il ressort que tout se passe comme si la conjonction des conditions favorables au maintien des autres formes
de solvabilité ainsi que la réduction des risques de défaillances sur ces plans formaient autant d’éléments favorables à
la pérennité du niveau de service dans son ensemble (Dafflon, 1995, 2002 ; Gilbert, Vaillancourt, 2013). Nous nous
rangeons à ces points de vue qui ne contreviennent pas, bien au contraire, à notre parti pris en faveur d’une analyse
systémique et d’une prise en considération de la soutenabilité des budgets locaux.
368 Il apparait comme une transposition des analyses conduites à propos des municipalités américaines et de leurs situations
effectives de faillites (Salcedo, 2013). Au moins dans les conceptions françaises, l’usage de ce terme est usurpé. En miroir, l’analyse
indique l’absence de parallèle à établir entre la gestion de la dette publique locale et celle (« en bon père de famille ») que pourraient
ou devraient effectuer les ménages.
207
Une portée discutée des ratios conventionnels d’endettement, alternatifs et complémentaires
Dans nos analyses, nous accordons une importance majeure aux conditions de soutenabilité de l’action
locale, dont la solvabilité en matière de dette est une composante ou une condition spécifique. Si cette
solvabilité peut être appréhendée selon plusieurs horizons temporels (cf. Encadré 11), un crédit particulier
demande à être accordé aux capacités budgétaires de long terme, indispensables en vue de soutenir l’action
publique locale. Ces capacités peuvent être mises en péril, du fait en particulier de charges de dette
dépassant les possibilités locales de remboursement. Tout en ne figurant pas dans les ratios conventionnels,
l’indicateur servant à évaluer la capacité locale de désendettement rend compte, de façon privilégiée, de
cette solvabilité de long terme de la collectivité et éventuellement, des tensions afférentes (cf. Encadre 12).
Si sa valeur est théorique, il rend bien compte du poids de l’encours de dette au regard de la capacité locale
de remboursement, cette dernière étant figurée par l’épargne générée à partir du budget courant (ou de
fonctionnement). A cette représentation, nous choisissons d’adjoindre les indicateurs rendant compte du
niveau et du taux d’endettement. Ces ratios ne sont pas dépourvus d’ambiguïtés, voire de défauts. Toutefois,
leur prise en considération présente l’avantage de permettre d’approcher la multi-dimensionnalité des
risques associés à la dette locale, voire la diversité des points de repère dont les acteurs locaux (et/ou
institutionnels) se saisissent pour le pilotage de la dette ou pour des recours à des crédits.
A des fins d’analyse et de représentation de ces risques, nous testons les (dis)similitudes qu’entretient
l’indicateur (estimé) servant à évaluer la capacité d’endettement avec les deux autres ratios conventionnels
ayant rapport avec la dette, soit le niveau d’endettement d’une part et le taux d’endettement d’autre part.
A un premier stade, les valeurs moyennes des trois indicateurs attestent toutes que, dans l’ensemble,
l’endettement des villes les plus peuplées n’est pas excessif, loin de là (Tableau 26). Leur solvabilité est même
bonne au regard des seuils usuels369. Ceci confirme que les agglomérations, et les plus grandes d’entre elles,
ne constituent pas un ensemble porteur de risques majeurs370. On note cependant que la dispersion est très
élevée : il est des localités où des tensions budgétaires existent, en lien avec la dette.
La distribution de la capacité de désendettement (Figure 22) l’indique. Néanmoins, si la très grande majorité
(85%) des villes prises en compte se situe en deçà du seuil tenu comme limite (placé aux alentours de 10 ans),
une fraction non négligeable d’entre elles est positionnée dans la zone considérée comme à fort degré de
risques. Cette variabilité confère un intérêt à des analyses territorialisées.
369 Nous soulignons les difficultés à retenir des valeurs normatives, ne serait-ce que pour la capacité de désendettement. Il en va de
même pour les 2 autres indicateurs (cf. Encadré 12). De façon indicative, le taux d’endettement médian se situait en 2012 aux
alentours de 59% et le ratio dépassait 151% pour les communes faisant partie des 10% les moins bien classées au regard de
l’indicateur (Préfecture de l’Aude, DGFIP, 2012).
370 Ce que confirment les données d’ensemble. En 2011, l’encours de l’ensemble des villes de plus de 10 000 habitants atteint 34,6
milliards d’€. Ce qui représente une proportion significative (21,5%) de la dette des Administrations Publiques Locales (APUL) mais
une part tout à fait modeste de la richesse nationale (1,8% du PIB) et de la dette publique au sens de Maastricht (environ 2% du
total). Leur dette est proportionnée à leur importance fiscale ou financière. Les villes perçoivent en effet des impôts s’élevant à
environ 0,9% du PIB, et des recettes récurrentes représentant à peu près 2,4% du PIB (Navarre, 2016).
208
Figure 22 – Distribution de la capacité de désendettement (estimée/proxy), communes de plus de 10 000 habitants,
2010, en % du nombre de communes
Poursuivant, nous avons réalisé des explorations complémentaires autant pour tester le potentiel informatif
dont chaque indicateur est porteur que pour apprécier les degrés de tensions (éventuelles) dans les
situations d’endettement. Il ressort en particulier que tout en étant fortement corrélés, les trois ratios
d’endettement ne convergent pas nécessairement. Ce qui signifie en particulier qu’une communication ou
qu’une analyse fondée sur la seule valeur du niveau d’endettement371, et/ou même du taux d’endettement,
est susceptible de passer sous silence des risques de long terme pour la solvabilité durable de la collectivité
et ainsi, de mésestimer la soutenabilité de ses capacités d’action. La réalisation d’une typologie conduit à
identifier, autour d’une situation à la fois moyenne et fréquente de faible tension en matière d’endettement,
plusieurs groupes/classes de villes au profil singulier. Une gradation est perceptible entre un recours
particulièrement modéré à l’emprunt s’accompagnant logiquement d’une absence de risque sur ce plan, à
des disproportions372 laissant présager des tensions marquées (révélées par des valeurs simultanément
élevées des trois indicateurs).
Si des interprétations peuvent être livrées pour chacun des cas de figure-type (Navarre, 2016), elles
demeurent toutefois empreintes d’incertitudes, faute de pouvoir les référer à des postes clés des budgets
des collectivités concernées et notamment, à ceux entrant dans la formation du triptyque proposé à l’étude.
371 En général nettement corrélée à la valeur du taux d’endettement, en raison du lien (fort) entre l’importance démographique et
budgétaire des collectivités.
372 De l’encours au regard de l’importance démographique et/ou budgétaire de la collectivité, comparativement à la situation
209
Encadré 12 – Un ou des indicateurs d’endettement ?
Tout en étant sensibles aux limites des analyses quantitatives dès lors que l’on traite de politiques (locales) en général,
de politiques (locales) d’endettement en particulier (Orléan, 2016), si l’on prend le parti de tels modes d’explorations,
se pose la question du choix des indications chiffrées les mieux à même de rendre compte de l’objet étudié. La
disponibilité des informations conduit bien souvent à adapter ou à restreindre le panel des indicateurs tenus comme
les plus pertinents. Concernant l’évaluation de l’endettement de chaque collectivité et les risques éventuels que cette
dette fait peser sur sa solvabilité, quels sont alors les indicateurs mobilisables et mobilisés ?
Nous l’avons évoqué, les politiques locales d’endettement mettent en jeu la solvabilité à court terme. Notamment parce
qu’elles ont la possibilité de faire appel à des lignes de trésorerie, les collectivités (françaises) peuvent être tenues
comme à même de faire face au règlement (annuel voire infra-annuel) des charges (incluant les annuités de la dette)
dont elles sont redevables. Les conditions d’équilibre de court terme apparaissent de la sorte comme garanties, en tout
ou partie. Par ailleurs, leur respect relève, nous semble-t-il, principalement de techniques gestionnaires (Bouinot, 1990 ;
Isler et al., 2000 ; Bacharan et al., 2018) ; de ce fait, ces aspects entrent peu dans nos analyses.
Les charges relevant de l’endettement ont également des incidences sur les conditions de la solvabilité budgétaire. Le
paiement des annuités dues aux prêteurs alourdit les dépenses qui peuvent finalement excéder les moyens disponibles.
Des règles sont instituées en vue de limiter la portée des déséquilibres dans l’exécution des budgets373. Le non-respect
de ces dispositions fait planer des menaces sur l’autonomie financière et de gestion de la collectivité. Aussi les
gestionnaires locaux cherchent-ils à éviter de telles issues. De ce fait, hors circonstances particulières, les situations
critiques de déséquilibre budgétaire sont peu fréquentes374.
Les paiements des annuités relèvent de mouvements de flux. Leur importance et leurs modalités de règlement
n’informent pas réellement quant aux logiques de stocks pesant sur les budgets et notamment, celles relatives aux
sujétions de long terme imputables à la dette (en lien avec la longueur des contrats de prêts). Paradoxalement, alors
que l’emprunt engage l’emprunteur dans la durée, seuls les risques de court-terme et budgétaires qui lui sont associés
font l’objet d’une surveillance (officielle) intense, collectivité par collectivité. Jusque-là, les charges imputables aux
crédits et se concrétisant sur de longues échéances, comparées aux capacités locales de remboursement, n’ont pas
donné lieu à des sujétions instituées375. Il en va pourtant de la soutenabilité des budgets, de contraintes à même de
peser durablement sur la situation financière de toute entité locale, des ajustements auxquels elle est ou non en mesure
de procéder et des actions qu’elle est à même de conduire. L’insistance placée sur les aléas de court terme associés aux
emprunts locaux, l’absence de considérations au-delà des horizons annuels révèlent en miroir les représentations
officialisées, conventionnelles, voire politiques, des risques dont les collectivités sont ou seraient porteuses.
A la consultation des publications annuelles des collectivités, on constate rapidement que toutes ne mobilisent pas le
même éventail d’informations à des fins d’évaluation de leur santé financière ou de leur solvabilité notamment de long
373 Selon les termes de l’Article L1612-14 du CGCT, « Lorsque l'arrêté des comptes des collectivités territoriales fait apparaître dans
l'exécution du budget, après vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et de dépenses, un déficit égal ou supérieur à
10% des recettes de la section de fonctionnement s'il s'agit d'une commune de moins de 20 000 habitants et à 5% dans les autres
cas, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat, propose à la collectivité territoriale les mesures
nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, dans le délai d'un mois à compter de cette saisine. Lorsque le budget d'une
collectivité territoriale a fait l'objet des mesures de redressement (…), le représentant de l'Etat dans le département transmet à la
chambre régionale des comptes le budget primitif afférent à l'exercice suivant. Si, lors de l'examen de ce budget primitif, la chambre
régionale des comptes constate que la collectivité territoriale n'a pas pris de mesures suffisantes pour résorber ce déficit, elle propose
les mesures nécessaires au représentant de l'Etat dans le département dans un délai d'un mois à partir de la transmission prévue à
l'alinéa précédent. Le représentant de l'Etat règle le budget et le rend exécutoire après application éventuelle, en ce qui concerne les
communes, des dispositions de l'article L. 2335-2. »
374 Entre 2008 et 2013, on compte 715 saisines des Chambres Régionales des Comptes pour déficit important du compte administratif
(cf. Chapitre 1). Désormais, les collectivités et groupements relevant de ce dispositif de contractualisation et dont la capacité de
désendettement dépasse, en 2016, un plafond de référence (variable selon le type de collectivité), doivent s’inscrire dans une
trajectoire d’amélioration définie par l’exécutif local et le représentant de l’État (cf. infra).
210
terme ; elles adaptent leur choix à leur propre mode de pilotage de l’endettement376. Ceci révèle, en filigrane, le
caractère protéiforme des risques et de leur perception. La diversité est moindre dans les productions officielles et/ou
institutionnelles.
Elle s’est notamment réduite sous le poids de l’institutionnalisation progressive des pratiques et de la standardisation
des informations. La normalisation du cadre comptable des collectivités, sa sophistication constante ont contribué à cet
état de fait. A également joué un rôle majeur la mise en place de modalités de prévention et de traitement des risques
apparus, pour quelques collectivités, au début des années 1990. La transparence budgétaire devient dès lors un maître-
mot. La Loi Aménagement du Territoire de la République ATR (1992)377 marque une avancée décisive dans ce sens. En
son nom, toutes les communes (comptant plus de 3 500 habitants) reçoivent l’obligation de produire annuellement un
ensemble de ratios rendant compte de leur situation financière378. Ces indicateurs prudentiels portent sur les
dimensions stratégiques et sensibles des budgets, au sein desquelles l’endettement tient une bonne place379. Leur
production systématique, leur diffusion comme leur mise en partage entre les collectivités et les diverses institutions
impliquées, au même titre que les perfectionnements comptables qui ont suivi, participent de tentatives récurrentes
d’une objectivation financière locale (Crucis, 2009). Ces initiatives contribuent à la diffusion de procédures et de
processus de management au sein des organisations publiques (Lande, Rocher, 2008), contribuant à leur pilotage voire
à leur organisation à des fins de performance.
Soulignons que si les dispositions successives et leur renforcement contribuent à la mise en visibilité des engagements
de la collectivité en matière d’emprunts, de son stock de dette (et de l’ensemble de ses engagements patrimoniaux), il
en résulte une représentation partielle. La nature des informations relatives à l’endettement, telle que conformée par
le cadre comptable, est en effet conditionnée par des objectifs financiers, plutôt qu’économiques (Guengant, 1998a).
Elle ne retrace en rien l’utilité produite par les collectivités, via leurs interventions en matière de création d’équipements
collectifs et/ou de services publics, ni le rôle décisif que jouent les prêts dans la réalisation de cette offre ou dans la
constitution des actifs détenus par les entités locales.
En lien avec les orientations managériales, les techniques comptables et les pratiques de contrôle, dans les productions
institutionnelles comme dans les analyses budgétaires dites expertes, trois indicateurs sont principalement évalués et
commentés en vue de rendre compte du poids de la dette locale380, du stock qu’elle représente et partant, des sujétions
dont elle est porteuse.
Le premier représente le niveau local d’endettement : il est établi en rapportant le montant de l’encours de fin d’année
(au 31/12) à la population. Son calcul permet de faire abstraction d’effets de taille démographique et bien souvent
budgétaire.
Le second, dénommé taux d’endettement, est évalué en comparant l’encours (au 31/12) aux recettes courantes de
l’année. Il permet de tester la proportionnalité de la dette à l’importance financière/budgétaire de la collectivité.
Le troisième informe sur la capacité locale de désendettement ; celle-ci est évaluée comme étant le rapport entre
l’encours (au 31/12) et l’épargne381 annuelle issue de la section de fonctionnement du budget.
376 Les rapports annuels d’activité, les rapports d’orientation budgétaire ou même les comptes rendus accompagnant les comptes
administratifs…en attestent. Les éléments d’information recueillis lors des entretiens conduits dans le cadre de la recherche IPL
(cf. Volume 1), tout en portant sur un nombre restreint de collectivités, confirment la diversité des pratiques. Les données retenues
témoignent pour les unes de la performance ou de l’efficience locale, pour les autres de la régularité de l’usage des fonds…
377 Et notamment son Décret d’application, n° 93-570 du 27 mars 1993.
378 La liste des ratios prescrits figure en Annexe 4.
379 De ce point de vue, un seul ratio est prévu pour les communes de faible importance démographique : on évalue son niveau, soit
le montant de l’encours rapporté à la population. Pour celles qui sont plus peuplées, deux informations complémentaires sont
adjointes : le taux d’endettement (soit le montant de l’encours rapporté à celui des recettes réelles de fonctionnement) ; la charge
des remboursements est en outre intégrée dans le calcul du coefficient d’autofinancement courant (soit le ratio établi en rapportant
les charges tenues comme obligatoires et les recettes courantes, rendant ainsi compte de la capacité à dégager un autofinancement
pour le financement des dépenses d’investissement).
380 Les deux premiers figurent dans les ratios rendus obligatoires avec la Loi ATR (cf. supra). La Loi prescrit également l’établissement
d’un ratio intitulé Marge ou coefficient d’Autofinancement Courant (MAC), calculé comme le rapport entre les charges tenues comme
obligatoires (incluant les annuités) et les recettes courantes. Cet indicateur n’est pas intégré à nos analyses : il a trait à la performance
locale à épargner, à des obligations de court terme ou d’équilibre liées à l’endettement.
381 Ou épargne dite brute ou encore autofinancement. Soit, pour rappel, le solde annuel des recettes réelles et des dépenses réelles
de fonctionnement.
211
Sa valeur rend finalement compte du nombre d’années au terme desquelles la collectivité parviendrait à rembourser
l’intégralité de sa dette en y consacrant toute son épargne, toutes choses restant égales par ailleurs.
Tout en étant régulièrement usités, ces indicateurs ou ratios ne sont pas également pertinents (Guengant, 1998c ;
Leprince, 2019). En particulier, l’indicateur de niveau, fréquemment utilisé dans le registre communicationnel ainsi que
pour les comparaisons interterritoriales, a une faible portée analytique. Rien ne dit que deux collectivités ayant un
même niveau d’endettement disposent de capacités identiques de remboursement. Le taux d’endettement est
également critiquable. Il agrège en effet plusieurs réalités et de ce fait, les comparaisons en sont faussées. Il représente
en effet le rapport entre la capacité de désendettement et la capacité (ou la performance) locale à épargner, ces
capacités relevant de contraintes et/ou de politiques ressortant de registres différents. Une même valeur du taux
d’endettement peut résulter de la combinaison de valeurs très contrastées de la capacité de désendettement et du taux
local d’épargne.
L’indicateur rendant compte de la capacité locale de désendettement est exempt de ces limitations et ne souffre pas
de telles ambiguïtés d’interprétation. Il a certes principalement une signification théorique382. Néanmoins, ce ratio a
une portée substantielle : il renvoie à une vision pluriannuelle des équilibres (budgétaires) et témoigne de la solvabilité
durable de la collectivité (Gilbert, Vaillancourt, 2013). Cette dimension est primordiale et indispensable en vue de
compléter les évaluations légales, uniquement focalisées sur les conditions d’équilibre de court terme.
Les valeurs des capacités de désendettement se prêtent à des comparaisons internes et externes. D’un point de vue
normatif come analytique, se pose fréquemment la question du seuil à retenir pour cette capacité, à savoir celui au-
delà duquel la collectivité peut être tenue comme en risque de rupture de solvabilité et en situation financière critique.
Un certain flou règne à ce propos383.
Dans l’idéal, localement, la valeur de la capacité de désendettement ne devrait pas excéder la duration de la dette
(Gilbert, 2002b ; Binet et al., 2016)384. Si la valeur de cette duration est connue localement, elle ne l’est pas pour des
analyses comparatives entre collectivités.
La faculté qu’ont les entités locales de recourir au produit des impôts et d’élever la pression fiscale rend la détermination
d’un seuil en matière de durée de désendettement peu opératoire ; elle exclut toute analogie avec les ménages ou les
entreprises (Le Foll, 1998). La durée de vie des investissements financés ne peut pas non plus servir de référence ; celle-
ci est en effet évaluée de façon conventionnelle (cf. Chapitre 1) et par ailleurs, les prêts sont rarement affectés à des
réalisations précises.
Aussi, dans les faits, le seuil en matière de capacité de désendettement est fixé de façon conventionnelle, avec toutefois
des variations selon les institutions bancaires385, selon les experts du domaine (Klopfer, 1992, 2009)386, et même selon
382 L’épargne ou l’autofinancement servent à d’autres fins (le financement des dépenses d’investissement) et les collectivités ne
visent pas à rembourser (rapidement) l’intégralité de leur dette.
383 Compte tenu de leur variabilité, les niveaux d’endettement peuvent difficilement donner lieu à la formalisation de seuils normatifs.
Des limites, à valeur indicative, existent pour les taux d’endettement ; elles sont mobilisées, au sein d’un faisceau d’indications
portant sur d’autres grandeurs budgétaires, afin de repérer les situations de fortes difficultés budgétaires. Des mesures préventives
de « redressement » ou de rééquilibrage sont alors proposées par les services ministériels et préfectoraux aux collectivités
concernées. Pour les communes les plus peuplées concernées, le taux d’endettement dépasse 160%.
384 Dans les faits, l’évaluation mérite même d’être rendue plus complexe. En toute rigueur, telle qu’évaluée, la capacité de
désendettement est assimilable à la durée minimale d’amortissement de la dette. Pour chaque collectivité, elle doit donc être
inférieure à la durée contractuelle moyenne du portefeuille d’emprunts. Si le choix d’un seuil pour cette dernière était laissé à la libre
appréciation des emprunteurs, ceux-ci se livreraient à des opérations de renégociation de façon à faire preuve de bonnes
performances gestionnaires. Ces opérations risqueraient néanmoins de susciter une fuite en avant, par ailleurs coûteuse. Pour que
la contrainte d’équilibre annuelle soit satisfaite, il faut encore que le délai minimal établi soit inférieur à la durée apparente de
remboursement (évaluée en rapportant le montant de l’encours au remboursement annuel en capital). La capacité de
désendettement doit donc être inférieure au minimum des deux termes que représentent la durée contractuelle moyenne des prêts
et leur durée apparente, de façon à respecter simultanément les conditions de sa solvabilité pluriannuelle et annuelle.
385 Retenant une valeur limite située entre 8 et 10 ans.
386 Dans la mesure où la collectivité contracte des emprunts pour des temps longs, le ratio dette/autofinancement peut être de l'ordre
de 10 ans et l’on peut même fixer la barre à 15 ans, correspondant à la durée usuelle sur laquelle les financements sont proposés aux
collectivités locales. Des variations sont envisageables selon l’importance démographique des collectivités. Selon l’auteur, pour les
localités comptant moins de 2 000 habitants, on estime par exemple qu’elles sont avec une valeur de moins de 8 ans en ‘zone verte’,
entre 8 et 11 ans en ‘zone médiane’, entre 11 et 15 ans en ‘zone orange’, à plus de 15 ans en ‘zone rouge’
(source : http://www.lalettredesfinancesdescommunesdemoinsde2000habitants.com/article-106483.html?edition=6973)
212
les élus ou leurs représentants387. Compte tenu de cette variabilité, les analystes reconnaissent que, autant que la valeur
absolue, le taux d’évolution de l’indicateur est digne d’attention ; cette variation est en effet indicative, pour une
institution locale donnée comme pour plusieurs d’entre elles, de l’apparition de menaces, ou de risques, pour la
solvabilité, de leur intensification ou de leur allègement.
Pour les analyses statiques388 que nous conduisons, en dépit des incertitudes voire du relatif arbitraire pesant sur les
valeurs limites à retenir pour la capacité locale de désendettement, nous privilégions cet indicateur, en raison de son
intérêt. S’il est illustratif de la solvabilité de long terme, il l’est également, d’une certaine façon, de la soutenabilité des
budgets locaux, telle qu’elle transparait au cœur de nos problématiques.
De façon toutefois à explorer les différentes facettes et la multi-dimensionnalité des risques associés à l’endettement
local, nous procédons également à des analyses croisées, mobilisant les différents indicateurs mentionnés. Les
proximités comme les dissimilitudes dans les indications qu’ils fournissent, pour tout ou partie des collectivités, nous
semblent en effet pouvoir être illustratives de tensions spécifiques (éventuelles) liées à l’importance de l’encours et au-
delà, de réflexions concernant les politiques locales d’endettement.
Mentionnons encore que le niveau et le taux local d’endettement font partie des ratios obligatoirement établis par les
collectivités. En lien, leurs valeurs annuelles (comme celle des autres indicateurs obligatoires), collectivité par
collectivité, ont donné lieu à une diffusion systématique : ce matériau constitue une base empirique dont le contenu
est stabilisé et dont on peut se saisir pour des traitements détaillés. Les valeurs des capacités locales de désendettement
doivent a contrario être établies par combinaison des valeurs disponibles pour les autres ratios publiés389. Tout en étant
tenue comme la plus pertinente, cette indication résulte d’une forme d’approximation (proxy) dont nous nous
saisissons, en complément des deux autres indicateurs officiels d’endettement.
Que l’on retienne l’un ou l’autre des ratios d’endettement examinés, il importe de souligner que les séries de valeurs
généralement disponibles pour les analyses sont établies uniquement en considérant le budget de la collectivité.
L’analyse détaillée des mécanismes à l’origine des surendettements intervenus dans les années 90 montre pourtant
que, pour l’essentiel, l’émergence de ces situations critiques dépend non pas seulement des risques internes aux
collectivités (largement circonscrits par les règles en vigueur), mais également de ceux, externes, tenant aux
engagements financiers que les collectivités prennent dans des structures tierces ou au travers de leurs budgets annexes
(Le Foll, 1998). En toute rigueur et en vue d’une vision exacte des risques associés à la dette locale, il conviendrait alors
de procéder à des opérations effectives de consolidation.
Les explorations conduites jusque-là, dont celles que nous avons réalisées, sont demeurées tributaires des
catégorisations (comptables) instituées, de la périodicité dans la diffusion institutionnelle des données, soit autant
d’ajustements pragmatiques, susceptibles d’éloigner des choix scientifiques formulés a priori390.
387 Certains parlementaires estiment que « Le seuil d’insolvabilité pour une collectivité est fixé à 15 ans, soit la durée de vie moyenne
des équipements et des emprunts souscrits pour les financer. Au-delà de 12 ans, la collectivité se situe dans la zone d’alerte » (Dallier
et al., 2014)
388 Ou rendues telles lorsque des séries temporelles ne sont pas disponibles.
389 Cf. Annexe 4- Capacité de désendettement (proxy) = Dette (capital restant dû au 31/12)/Epargne = [Dette (capital restant dû au
31/12) /population] / [Recettes réelles de fonctionnement (RRF)/population - Dépenses réelles de fonctionnement (DRF)/population]
390 Dans le cadre des projets IPL et InveST, des consolidations ont été tentées.
213
Une combinaison de logiques fondant les formes du triptyque identifié
Nous cherchons maintenant à expliciter non plus quels sont les liens entre les indicateurs d’endettement
mais bien plutôt quelles sont les formes prises par le triptyque local, reliant ce qui relève des impôts, ce qui
a trait aux dépenses locales et enfin, ce qui révèle l’importance de la dette391 et quelles sont les logiques
sous-jacentes à ces figures particulières. Afin de constituer un faisceau de variables représentatives de
chacun de ces pôles (ou sommets) du triptyque, nous effectuons un choix raisonné de variables au sein de
l’éventail des ratios publiés (cf. Tableau 27).
Tableau 27 – Variables d’analyse retenues (triptyque) et valeurs moyennes, (894) communes de plus de
10 000 habitants, 2010
variable statut moyenne
Dépenses Taux équipement, en % active 22%
Dépense totale, en €/hab active 1 452
Impôts Pression fiscale ménages, en % active 105%
Produit impôts, en €/hab active 535
Endettement Flux Emprunt (net) 2009-2010, en €/hab illustrative -1
Capacité désendettement (proxy), en années illustrative 6
Taux d'endettement, en % active 75%
Niveau endettement, en €/hab illustrative 1 019
Source : élaboration à partir de DGCL
L’analyse multidimensionnelle392 est porteuse d’enseignements. En premier lieu, les villes se distinguent les
unes des autres en fonction du niveau de leur niveau de dépenses et/ou de celui de leurs impôts, les deux
étant fortement corrélés393. Nous avons constaté que toutes les (grandes) agglomérations sont loin d’être
égales, en termes de fiscalité (cf. Chapitre 2) ; elles ne le sont pas non plus sur le plan des niveaux
budgétaires. En second lieu, les localités se différencient selon leur taux d’endettement et l’intensité de
l’effort fiscal reposant sur les ménages, soit encore en fonction de variables relatives aux modes de
mobilisation des ressources locales et donc, à la pression exercée soit sur les budgets en général, soit sur les
contribuables en particulier.
Les deux différenciations sont indépendantes l’une de l’autre394 : les communes qui dépensent et prélèvent
le plus ne sont pas les plus endettées ni celles qui imposent le plus les ménages. Implicitement, les ressources
pérennes et les contributions provenant des activités économiques peuvent faire la différence. Tout se passe
encore comme si le recours à l’emprunt, puis le stock de dette qui se constitue progressivement, obéissaient
à une logique ne ressortant pas de celle présidant à la fixation des niveaux de dépenses et/ou de ressources
fiscales. Impôts et prêts peuvent être mobilisés de façon complémentaire395.
391 Compte tenu des investigations précédentes, il reviendrait de prendre en compte les 3 indicateurs d’endettement puisque ceux-
ci délivrent des informations de nature différente. Cependant, l’analyse d’ensemble serait biaisée par leurs redondances et le poids
de l’endettement serait surdimensionné au regard des autres dimensions d’analyse. Aussi, même si la capacité de désendettement
est tenue comme le ratio majeur de détection des risques financiers, compte tenu des incertitudes pesant sur son mode d’évaluation
dans notre étude, nous privilégions le taux d’endettement afin de rendre compte de la situation des villes étudiées.
Les deux autres ratios d’endettement sont considérés en tant que variables supplémentaires. Au même titre, nous incluons le flux
(net) d’emprunts de chaque ville, entre 2009 et 2010 (représentant la dynamique locale d’endettement ou de désendettement). Les
variables participent à l’analyse à titre illustratif sans toutefois jouer un rôle actif. A l’issue des analyses, il apparaît que les
3 indicateurs d’endettement se positionnent à proximité les uns des autres dans les plans factoriels, ce qui souligne à nouveau les
similitudes dans leur distribution. Selon les attendus, la variable descriptive du flux annuel d’emprunt se positionne quant à elle à
proximité du taux d’équipement, le recours aux prêts ayant bien comme vocation de servir à financer des dépenses d’investissement.
392 Analyse en Composantes Principales ACP.
393 Sans que l’on puisse à ce stade déterminer si les dépenses sont élevées parce que les produits des impôts sont abondants ou si le
niveau de dépenses impose, pour être effectif, un fort recours à la pression fiscale.
394 Elles apparaissent sur les axes factoriels 1 et 2 qui sont orthogonaux.
395 Plutôt que substitutive.
214
De la sorte, l’exploration conduit à mettre en évidence que si le triptyque mentionné existe théoriquement,
dans les faits, la relation est forte entre deux de ses sommets (niveau des dépenses et des impôts), qu’elle
est plus lâche concernant la pression de l’endettement, telle qu’elle est évaluée.
Une typologie et la répartition des villes dans des classes de ressemblance (au nombre de 7)396 apportent des
précisions sur les combinaisons entre les variables mobilisées et partant, sur les formes-types que prend le
triptyque retenu. Avec la Figure 23 est fournie une représentation synthétique du profil de chacune des
classes (comparativement à la situation d’ensemble)397.
Les distinctions dans les profils des classes (et des villes) confirment la nécessité et l’intérêt d’un regard
différencié à porter sur les problématique d’emprunt et de dette locale, à la lueur des autres composantes
des budgets. Même si chaque classe possède des spécificités dont on ne peut faire abstraction, on constate
que les réalités de l’endettement, des dépenses et de la fiscalité locale s’ordonnancent autour de 3 formes
majeures du triptyque identifié. En raison des dépendances systémiques au sein des budgets, il apparait
nettement que les tensions ou effets de différenciation, lorsqu’ils se manifestent, affectent simultanément
plusieurs postes composant les sommets du triptyque. Par ailleurs, rares sont les situations et cas de figure
dans lesquels les situations d’endettement se révèlent comme étant particulièrement tendues, ou à risques
selon les représentations conventionnelles.
De façon schématique, pour les villes des classes 3, 1 et 2, le triptyque prend la forme de la modération (du
recours à l’impôt, du poids de l’endettement et de l’intensité des dépenses). Tout en étant relativement
semblables, ces situations trouvent leurs origines dans des mécanismes de nature différente. Ainsi, la
pression de la dette et sur les impôts est relativement accentuée pour les villes de la classe 2 : la modestie
des ressources (fiscales) mobilisables et déjà fortement sollicitées est désormais à même de constituer un
frein à l’élévation des contributions et des dépenses. Tout se passe comme si, dans les villes de la classe 3,
une telle pression n’avait pas (encore) été effectuée, comme si elle était en œuvre, mais de façon tempérée,
pour les localités de la classe 1.
S’agissant des localités des classes 4 et 5, la forme du triptyque est marquée par la tension des budgets vers
des créations (ou renouvellements) d’équipements. L’intensité de cet effort diffère entre les 2 classes, voire
son ancienneté. Les dépenses, l’emprunt (net) et la dette sont dans l’ensemble marqués pour les villes de la
classe 5 : des valeurs élevées de l’ensemble des indicateurs d’endettement indiquent que la dynamique en
cours était déjà installée antérieurement, suscitant un appel certain à des ressources temporaires. La
pression fiscale pour les localités de la classe 4 est élevée : des difficultés pour accroître son intensité
constituent-elles des freins pour une expansion tant des dépenses que du recours à des crédits ?
Même si c’est à des degrés divers, comparativement aux autres localités et aux moyennes, les villes des
classes 6 et 7 ont des niveaux élevés de dépenses et d’impôts, en raison de l’abondance de leur richesse
fiscale/financière potentielle. Bon nombre des postes budgétaires subissent un « effet de dilatation » sans
que pour autant, il en résulte de pression marquée sur les contribuables ou de tension en matière de recours
à des crédits.
215
Figure 23 - Représentation des profils-types et des triptyques comparativement à la situation d’ensemble, communes
de plus de 10 000 habitants, 2010
Triptyque « de la modération »
« modestie » « moyenne » « modestie/pression/tensions »
classe 3 (286 communes) classe 1 (154 communes) classe 2 (199 communes)
Note de lecture : chaque barre du diagramme représente la différence entre la moyenne de chaque classe et la moyenne
d’ensemble ; cette distance est exprimée en nombre d’écarts types de chaque variable
Source : élaboration à partir de DGCL
Les analyses ainsi réalisées sont utiles non seulement pour inscrire les réalités des situations de dette et les
manifestations des politiques locales d’endettement dans celles des (sous-)systèmes que constituent les
budgets locaux mais également pour révéler la combinaison – variable – des pressions, des opportunités
voire des choix politiques locaux à même de fonder la variabilité constatée. Les configurations fiscalo-
financières ainsi identifiées se manifestent-elles plus particulièrement dans des contextes socio-territoriaux
particuliers ? Si tous les territoires ne sont pas égaux devant la fiscalité, selon toute hypothèse, on peut
supposer qu’ils ne le sont pas non plus devant les dépenses ni logiquement, devant l’emprunt.
216
niveaux des contributions et même, avec leurs variations. Nous avons fait état de (l’expression) de politiques
fiscales territorialisées.
Les fonctions de dépenses établies par les chercheurs révèlent par ailleurs une sensibilité des charges locales
aux caractéristiques mêmes des territoires (Gilbert, Guengant, 2004). De ce fait, nous postulons que les
formes du triptyque telles que nous les avons identifiées entretiennent elles aussi des liens avec ces
caractéristiques.
Nous recherchons de ce fait si des formes particulières du triptyque en question se manifestent de façon
privilégiée dans des contextes socio-territoriaux spécifiques. Pour ce faire, nous empruntons à un protocole
méthodologique que nous avons initié (Navarre, Rousseau, 2013a). L’analyse est dans de cas dite
« dissociée » ; cette modalité d’investigation est décrite avec détail (cf. Encadré 13) et elle est mise en
perspective avec un autre mode envisageable, alors dit « associé ». Dans notre cas de figure, la méthode
« dissociée » consiste à construire une typologie fondée sur un ensemble de descripteurs rendant compte de
façon pertinente des situations socio-économiques prévalant dans les collectivités retenues398 et ensuite, à
« croiser » les résultats obtenus avec ceux issus de la typologie fiscalo-financière, en l’occurrence celle ayant
servi à repérer les différentes formes du triptyque retenu. Les 2 classifications sont réalisées de façon
indépendante et à l’issue, leurs résultats sont mis en regard. La lecture du tableau de contingence qui en
résulte conduit à mettre en relief les associations les plus représentées, c’est-à-dire celles où la probabilité
qu’une collectivité à triptyque particulier s’apparente à un profil socio-économique type (ou inversement)399.
Apparaissent ainsi des cas marquants, au regard d’une distribution aléatoire, indiquant l’existence de liens
de dépendance entre les deux registres considérés (Tableau 28). Ainsi par exemple, les villes fortement
attractives se caractérisent par un triptyque placé sous le sceau de la modération et même de la modestie.
Les dynamiques locales d’aménagement, de développement… ne suscitent pas de mobilisation spécifique
des budgets communaux et en tout cas, pas de recours à des crédits qui mettraient à mal la solvabilité
budgétaire. Les situations de pression sur la fiscalité et/ou sur l’endettement sont peu représentées. Il
n’existe pas non plus de tension marquée en la matière, au contraire, pour les villes composant les tissus
métropolitains. Pour certaines d’entre elles (18), l’effet de dilatation du triptyque et l’absence de risques
majeurs sont nets : la présence de bases taxables, la combinaison entre occupations résidentielles et activités
productives sont suffisamment installées pour mettre à distance des incertitudes en matière de solvabilité.
Dans tous ces cas de figure, tout se passe alors comme s’il existait une compatibilité et une conjonction
positive entre contexte socio-territorial et configuration fiscalo-financière, pour ces villes présentant une
situation favorable (du point de vue des revenus de leurs habitants, des activités présentes, de leur
dynamique).
Assez logiquement, l‘attractivité (démographique, urbaine) s’accompagne d’un effort d’équipement marqué
(pour 58 villes) sans qu’existent des tensions majeures pour le triptyque considéré, notamment en matière
de dette. Si l’effort est proportionné aux ressources et au budget du moment, il n’est par contre pas exclu
que les pressions s’accentuent par la suite du fait des charges récurrentes imputables aux réalisations
effectuées, ou bien en cas de stabilisation voire de retournement de la dynamique territoriale en cours. Ces
villes pourraient ainsi constituer une catégorie charnière entre des combinaisons favorables et d’autres qui
le sont moins.
217
Tableau 28 – Typologies croisées, triptyques (endettement, impôts, dépenses) et contextes territoriaux (socio-
économiques), (885) communes de plus de 10 000 habitants
contexte perte de
attractivité métropolitain ensemble
triptyque vitesse/déprise
A l’opposé des conjonctions précédentes, plutôt favorables et exemptes de risques manifestes, on observe
une surreprésentation des villes en situation de perte de vitesse ou de déprise et confrontées conjointement
à des contraintes manifestes sur les trois pôles du triptyque qui les caractérise. Malgré une intense pression
fiscale, les dépenses et l’effort d’équipement demeurent modérés voire modestes ; les valeurs des
indicateurs d’endettement convergent, attestant de l’existence de tensions budgétaires. L’emprunt peut être
là, voire a pu être un mal nécessaire. La perte de contribuables, le départ des activités… minent les capacités
fiscales et financières des collectivités concernées quand elles sont pourtant confrontées à des charges dont
celles de la dette qui sont incompressibles. Il apparait alors difficilement envisageable que les budgets locaux
puissent être mobilisés, si ce n’est pour contrer la déprise en cours, au moins pour l’accompagner.
Assurément, l’analyse de typologies et les traitements statistiques ne suffisent pas à épuiser la diversité des
situations ; elles font sans conteste courir le risque d’omettre des cas de tensions potentielles ou de risques
avérés, tels ceux que suscitent la dette locale et les politiques d’endettement. Néanmoins, la démarche que
nous avons adoptée et les résultats auxquels nous aboutissons mettent en relief des traits majeurs : d’une
part, les (inter)relations entre l’endettement et les autres composantes des budgets locaux se déploient
différemment selon les collectivités, et d’autre part il existe une étroite intrication entre ces budgets et les
faits territoriaux.
Toutes choses égales par ailleurs, soit encore à charges et à fiscalité semblables, les indicateurs
d’endettement ne sont pas identiques, signifiant l’existence de politiques locales diversifiées de dette. En
dépit des mesures régulatrices voire normatives suscitant une certaine uniformisation, les différences
budgétaires persistent et des processus cumulatifs de différenciation sont à même de s’enclencher, les uns
confortant les capacités budgétaires locales, les autres mettant à mal les états les plus tendus et suscitant
une intensification des risques de ruptures.
218
Par ailleurs, en raison des effets systémiques mis en évidence, il apparait que la résolution de tensions en
matière de solvabilité peut difficilement être envisagée en faisant abstraction du contexte (fiscalo-financier
comme territorial) dans lequel ces risques se manifestent. Dans le cadre de la contractualisation initiée avec
les collectivités en vue de les associer (plus) étroitement au redressement des comptes publics
(cf. Chapitre 1), il était initialement envisagé de durcir la « règle d’or » pesant sur l’endettement local et
notamment, de contraindre toute collectivité signataire à respecter un seuil prescrit en matière de capacité
de désendettement. Il était prévu d’établir un ratio prudentiel d’endettement, estimé par la valeur de
l’encours de dette rapporté à celle de la capacité d’autofinancement (Jaune budgétaire, 2018). Ces
dispositions ont suscité de vives réactions de la part des représentants des collectivités voyant là une atteinte
manifeste à l’autonomie locale ; ils les ont estimées contraires au principe de libre administration présidant
à leur action400, voire antinomiques avec l’esprit même de la décentralisation (Mission Finances locales,
2017). Les dispositions en question ne figurent plus dans la version finale de la Loi : les mesures de
surveillance ont été assouplies et leur champ d’application est restreint 401. Qu’elle soit contraignante ou
qu’elle prenne un caractère incitatif, la portée d’un tel dispositif peut être interrogée. Ne vise-t-il pas
principalement un symptôme quand un traitement substantiel pourrait s’imposer, s’agissant tout
particulièrement des collectivités que nous avons repérées comme étant en difficultés du point de vue du
développement de leur territoire, en tensions sur l’ensemble des dimensions structurantes de leur triptyque
budgétaire ?
Les explorations effectuées contiennent seulement quelques ébauches de perspectives diachroniques (pour
la période 2002-2010). Même si la dépendance aux états antérieurs de dette, aux stratégies préalables de
dépenses ou d’imposition est esquissée, une analyse fine des évolutions des situations n’est pas effectuée.
Nos explorations n’intègrent par ailleurs pas de données propres aux groupements de communes, quand
l’intercommunalisation est une clé permettant de mieux appréhender les situations territoriales
(cf. Chapitre 4). De ce fait, nous complétons ces premières élaborations par une étude détaillée des
dynamiques ou trajectoires d’endettement des ensembles intercommunaux, conduite pour les années 2008
et 2015.
400 Cf. notamment Localtis, 9 octobre 2017, « Finances publiques - Contrôle de l'endettement des collectivités : ce que prévoit le
gouvernement »
(source : https://www.banquedesterritoires.fr/controle-de-lendettement-des-collectivites-ce-que-prevoit-le-gouvernement)
401 Les collectivités signataires des contrats et dont la capacité dépasse un seuil prescrit (12 ans par exemple pour les communes et
les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) doivent faire la preuve qu’elles s’engagent dans une
trajectoire pluriannuelle d’amélioration du ratio d’endettement (Article 24 de la Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018).
219
220
2-3-Les trajectoires variables d’endettement des ensembles
intercommunaux
Sur la base des ratios pris en compte pour les analyses que nous avons présentées, nous avons constaté que,
pour les seules villes de 10 000 habitants, entre 2002 et 2010, la tendance était au désendettement : la
moyenne du niveau comme celle du taux d’endettement diminuaient402. La dette progressait moins
rapidement que les recettes courantes mais cependant plus fortement que les volumes d’épargne, les
capacités de désendettement allant en augmentant, laissant entendre des menaces sur la solvabilité durable
de ces localités.
En outre, nous avons observé qu’il n’existait pas de lien systématique entre la dette des communes et celle
de leur intercommunalité (à fiscalité propre) d’appartenance. Les niveaux d’endettement respectifs peuvent
être simultanément élevés ou faibles, révélant des situations d’endogamie (Estèbe, Talandier, 2005) ;
l’asymétrie des positions (communales et intercommunales) prévaut cependant, laissant entendre des faits
de substitution ou bien encore une absence de coordination dans les choix financiers.
Nous poursuivons ces premiers examens en focalisant l’attention sur les ensembles intercommunaux403, en
considérant leurs dynamiques d’endettement entre 2008 et 2015. Tout en relevant d’une nécessité
pragmatique404, le choix de cet intervalle de temps permet d’apporter un regard complémentaire à celui livré
précédemment. Il est propice à l’observation de la variabilité constatée pour les tendances à la décélération
et à l’intensification des recours locaux à l’emprunt. Soulignons encore que les intercommunalités (à fiscalité
propre) jouent un rôle particulier en matière d’emprunt : si les communes sont encore à l’origine de la plus
forte part du flux net de prêts et continuent à détenir la plus forte proportion de l’encours (Tableau 24), les
réalités se transforment progressivement avec la montée en puissance (budgétaire) des Etablissements
Publics de Coopération Intercommunale (EPCI)405.
Dans ce contexte de changements, nous nous centrons alors sur la mise en évidence des évolutions apparues
au cours de la période en les fédérant autour de la notion de trajectoires, telle qu’elle est mise en œuvre
dans diverses recherches (Piron et al., 2004 ; Mathian, Sanders, 2015) et telle que nous avons déjà pu
l’expérimenter (Talandier et al., 2019). Des analyses multidimensionnelles406 sont mises en œuvre pour des
objets spatiaux, caractérisés par des variables mesurées à différentes dates (ou par leurs évolutions), afin de
percevoir les permanences (soit alors des structures) comme les changements (soit alors les trajectoires
temporelles proprement dites).
Une première analyse (ACP) montre que les variables descriptives des situations en 2008 d’une part et en
2015 d’autre part possèdent le même pouvoir différenciateur. Ce qui est porteur d’un premier résultat : les
structures sont dans l’ensemble stables et les situations des collectivités, telles qu’examinées, sont marquées
par une forte inertie. Si des processus de différenciation interviennent entre 2008 et 2015, ils s’inscrivent
dans un paysage de différences interterritoriales déjà constituées.
La mise en évidence de ces processus suppose de travailler à un niveau plus fin de détail, et donc d’envisager
les taux d’évolution des grandeurs considérées.
402 Pour un échantillon stable de 856 communes comptant plus de 10 000 habitants en 2002 et en 2010.
403 L’intérêt de ces objets, constitués par agrégation des réalités communales et intercommunales, a déjà été souligné (cf.
Chapitre 2).
Rappelons que les valeurs ou montants pour l’ensemble sont obtenus par consolidation des valeurs propres aux communes et à leur
intercommunalité.
404 Les données budgétaires individuelles ne sont pas disponibles pour les intercommunalités à des dates antérieures. La plupart des
EPCI à fiscalité propre étaient en cours de constitution durant cette période. Du fait des multiples recompositions intervenues en
matière d’intercommunalité (cf. Chapitre 4), les analyses longitudinales en la matière sont rendues délicates.
405 Le stock de dette intercommunal représentait, en 2008, 22% de celui revenant au secteur communal ; en 2015, cette part s’élève
à 27% (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2012, 2017).
406 Analyses en Composantes Principales et Classifications Ascendantes Hiérarchiques.
221
Nos analyses portent sur les (1 078) ensembles intercommunaux demeurés stables en composition
communale entre 2008 et 2015407. Sur la base des résultats établis pour les villes de plus de 10 000 habitants,
les ensembles sont caractérisés par les variables représentant le triptyque retenu (soit le niveau de richesse
locale, l’effort local d’équipement et l’endettement de l’ensemble408). Les situations et leur dynamique sont
en outre appréhendées par l’intermédiaire de l’importance de la population locale et de son évolution409.
Il apparaît que les variables sélectionnées ne jouent pas tout à fait le même rôle différenciateur selon que
l’on considère les ensembles qui sont généralement les plus urbains (organisés autour de communautés
d’agglomération CA, de communautés urbaines CU ou de syndicats d’agglomération nouvelle SAN) ou les
ensembles aux caractéristiques variables d’un point de vue socio-territorial (constitués autour de
communautés de communes CC) ou encore selon que l’on retienne la totalité de ces ensembles. Ce qui
illustre à nouveau la difficulté à établir des constats ayant une portée générale. Dans les faits, les
différenciations s’effectuent principalement sur la base des dynamiques d’investissement (en lien avec les
évolutions démographiques, fortes dans les ensembles les moins agglomérés, moindres dans les
agglomérations elles-mêmes). L’existence de ces différences enjoint à éviter les amalgames : les analyses
sont de ce fait conduites en distinguant les ensembles selon la nature institutionnelle du groupement (CA,
CU et SAN d’un côté, CC de l’autre)410. Les profils des classes de ressemblance identifiées apparaissent en
Annexe 5.
Globalement, les analyses concernant le groupe constitué des ensembles formés autour des communautés
de communes font apparaître deux points marquants. D’une part, le groupe lui-même se scinde en deux
sous-groupes, certains ensembles s’orientant vers l’endettement, d’autres au contraire allant vers un
désendettement. Les trajectoires en matière de dette sont alors multiples, et même contraires. D’autre part,
il apparaît, sur le plan statistique, que le taux moyen annuel d’évolution de la dette n’est pas significativement
corrélé au niveau d’endettement. L’emprunt n’appelle donc pas nécessairement l’emprunt. Les trajectoires
territoriales ne sont donc ni cumulatives, ni identiques. Convergeant ou divergeant, elles ne relèvent pas d’un
modèle unique ou d’une tendance majeure qui orienterait vers une « moyennisation ». A la manière de ce
qui avait été constaté pour les régions (Dufrénot et al., 2011), des mouvements diversifiés recomposent le
paysage de l’endettement des ensembles intercommunaux (étudiés), sans toutefois le transformer
fondamentalement et sans aplanir les différences initiales.
Les lignes de partage sont peu ou moins marquées pour les autres ensembles intercommunaux, plus urbains.
Elles portent principalement sur la gestion des stocks (d’équipement, de dette...) plutôt que sur les flux. La
différenciation par des faits de structure l’emporterait, comparativement à l’effet de trajectoires
différenciées. A l’image de ce que l’on a établi pour les grandes villes, de façon contre-intuitive, certains
ensembles sont à la fois plus riches et plus endettés qu’en moyenne. De façon générale, il n’existe cependant
407 Portant sur 41% des communes regroupées en 2015 et rassemblant 40% de la population rassemblée dans les intercommunalités,
ils constituent un échantillon qui peut être tenu comme significatif. Leur encours, au 31/12/08 comme au 31/12/15, représente en
outre 45% de celui du secteur communal/bloc local.
408 Le descriptif exact des variables d’analyse figure dans l’Annexe 5. Le taux d’équipement est évalué pour 2008 ainsi que sa
budgétaire des collectivités ; il la résume d’une certaine façon. Nous avons constaté (cf. supra) que les variations démographiques
sont illustratives des dynamiques territoriales, des besoins plus ou moins intenses en termes de création d’équipements et partant,
de besoins d’emprunts.
410 Ce qui revient finalement à prendre appui, de façon implicite, sur des caractéristiques socio-territoriales.
222
pas de relation systématique (de complémentarité ou de substitution) entre les ressources temporaires et le
niveau de richesse (soit encore, de façon indirecte, le niveau des impôts). Là encore, comme pour les seules
communes, le triptyque prend des formes diversifiées, celles-ci ne relevant pas de déterminations
directement causales.
La manifestation de traits communs aux communes et aux ensembles intercommunaux, le poids des variables
d’état comparativement à celui des évolutions ne mettent pas à mal la notion de trajectoires. Tout en faisant
montre d’une nette variabilité, celles-ci sont repérables pour les ensembles a priori les moins urbains. Elles
révèlent en filigrane l’existence de politiques locales diversifiées de dette, au cours de la période observée.
En arrière-plan encore, les résultats indiquent que la constitution des groupements n’infléchit pas de façon
majeure et unique les trajectoires locales d’endettement. Celles-ci continuent, peu ou prou, à porter la
marque du poids, encore majeur, des communes tant en matière de dette que de budget411. Tout se passe
alors comme si les évolutions institutionnelles et locales, telles qu’elles sont intervenues, n’affectaient pas
les niveaux de dette constatés pour les ensembles intercommunaux. Ceci ne signifiant pas pour autant que
leur partage entre groupement et communes-membres n’ait pas lui-même évolué et ne soit pas destiné à le
faire412.
Les analyses effectuées ont conduit à révéler des tensions propres aux villes et/ou aux ensembles
intercommunaux, circonscrites aux politiques de dette ou bien généralisées à l’ensemble du budget, en lien
avec les caractéristiques mêmes des territoires. Elles n’ont cependant pas abordé les risques inhérents aux
produits financiers eux-mêmes : dans quels contextes budgétaires et territoriaux ces risques sont-ils
apparus ?
411 Même si le fait de conduire des explorations à la maille intercommunale a pour effet d’opérer des lissages des situations
communales et de leur diversité.
412 Nous abordons plus précisément ces aspects à l’occasion du Chapitre 4.
223
224
3-Des politiques locales d’endettement à hauts risques ?
A l’image de l’ensemble du système financier local, le (sous-)système de l’emprunt des collectivités est
ouvert, pratiquement par construction. Nous l’avons évoqué, il est en effet dépendant d’une multitude de
facteurs internes comme externes susceptibles d’influer sur son état à un instant donné, sur ses évolutions
ainsi que sur les formes diversifiées qu’il revêt selon les collectivités. Ainsi d’un côté, les dispositions
normatives, les pratiques d’autorégulation… conduisent à une modération dans la consommation locale des
prêts, à une recherche active de préservation des conditions de solvabilité pendant que de l’autre, des
modalités de gestion active des encours, un recours soutenu à des crédits en vue d’une stratégie audacieuse
ou d’une adaptation contrainte en matière de dépenses d’investissement… suscitent des tensions
budgétaires. L’état du (sous-)système n’est en outre pas indifférent aux relations qui s’établissent entre la
demande de prêts émanant du secteur public local et l’offre de crédit telle qu’elle est développée par les
institutions bancaires ou par les organismes assimilés. En toute logique, la combinaison de ces multiples
facteurs conduit à l’existence de situations territoriales de dette fortement diversifiées. Les analyses
précédentes ont mis en relief cette variabilité ainsi que celle des incertitudes ou des risques afférents. Dans
la très grande majorité des cas, ces risques apparaissent somme toute comme contenus. La libéralisation de
l’emprunt local et l’autonomie – surveillée – des décideurs locaux n’ont pas, au cours des décennies passées,
conduit à des situations de tensions marquées et imputables à des recours immodérés à des crédits. Nos
analyses contribuent, entre autres, à mettre en relief l’absence de tensions généralisées ou particulièrement
fréquentes en lien avec la dette locale.
Toutefois, la crise économique et financière des années 2008-2010, en tant qu’évènement majeur, a
contribué à faire émerger de façon soudaine des risques liés à l’endettement local. Ceux-ci étaient demeurés
jusque-là latents et ont brusquement pris une forme inédite. Suivant les dérives financières du moment, les
charges d’intérêt attachées aux emprunts structurés413 qu’avaient contractés un certain nombre de
collectivités ont connu une envolée notoire, à la manière d’une explosion. Ces collectivités se sont en
conséquence trouvées en butte à de sérieuses difficultés budgétaires.
La dérive soudaine due à ces emprunts, alors dénommés toxiques, a fait l’objet d’une forte utilisation
médiatique et a émaillé les débats publics (Bouvard, 2010 ; Gros, 2014). Tous faits qui ne sont pas
nécessairement proportionnés à l’importance effective de la contamination ou à celle des risques
encourus414. Le moment de l’annonce des explosions, dans un contexte électoral et de crise financière, a
amplifié leur retentissement. Au-delà de leur côté emblématique, ces situations de défaillances ont toutefois
créé un effet de surprise ; elles ont servi comme autant d’éléments concourant à ériger la dette locale en
tant que problème public (Lemoine, 2014b).
Alors que les règles instituées paraissaient à même de protéger les collectivités d’aléas majeurs vis-à-vis de
leur endettement, les désordres à l’œuvre ont révélé les failles du dispositif ainsi que les difficultés, voire les
impossibilités, à circonscrire l’ensemble des incertitudes pouvant survenir. Celles-ci ont surgi, faisant figure
d’impensé. Elles tenaient à la nature même des produits bancaires en jeu sur laquelle, jusque-là, les
413 Les produits structurés reposent généralement sur un découpage du prêt en plusieurs périodes. À une période initiale d’intérêt
bonifié éventuellement assortie d’un différé de remboursement, succèdent une ou plusieurs périodes où le crédit se combine avec
un produit dérivé, le taux d’intérêt dépendant alors de l’évolution de divers titres financiers incorporés dans la formule d’emprunt
(Ferlazzo, 2018c). Ces produits sont « construits, pour nombre d’entre eux, sur le principe d’une vente par la collectivité locale à la
banque prêteuse, d’une option financière pouvant porter sur un indice exotique ou sur une parité de change, assortis de surcroît de
facteurs multiplicateurs » (Klopfer, 2009, p. 48).
414 Aucune des collectivités contaminées n’était en situation de surendettement. Le phénomène était malgré tout répandu car, même
si les évaluations sont restées incertaines, on dénombrait environ 10 700 prêts structurés, représentant un encours d’emprunts à
risques de 18,8 milliards d’€ (Bartolone, 2011). Le poids de ces dettes dans l’encours total était néanmoins mineur (Bouvard, 2010).
225
dispositifs de contrôle, tels qu’évoqués, n’avaient pas ou que peu porté415. Dans les faits, les difficultés ont
révélé que l’encadrement réglementaire n’avait pas évolué au rythme de la créativité financière (Marty,
2008b).
Cet épisode, voire cette crise, est à sa façon symptomatique de la fragilité et de l’instabilité de l’équilibre
dans les relations instituées jusque-là, quand elles semblaient être favorables aux logiques et aux intérêts
respectifs des parties principalement impliquées, à savoir les collectivités emprunteuses, leurs institutions
régulatrices et les organismes prêteurs. Les évènements ont révélé une mise en défaillance des régulations
entrecroisées entre ces différentes parties ainsi que des partages des risques qu’elles sous-entendaient.
Des analyses disponibles, il ressort que, si chacune des parties impute le blâme aux autres protagonistes, en
réalité, les désordres tels qu’ils se sont manifestés mettent en jeu des responsabilités partagées (Bartolone,
2011 ; Cour des Comptes, 2011 ; Klopfer, 2013)416. Les institutions bancaires ont joué un rôle majeur, en tant
que concepteurs de montages totalement spéculatifs417 puis en tant que commercialisant ces produits
financiers. Les failles du dispositif de surveillance de l’emprunt local ont été propices au développement,
voire à la préservation, de leur propre modèle de fonctionnement. Le manque de culture financière des
décideurs locaux, s’agissant surtout de produits sophistiqués, a pu jouer à la faveur des établissements
prêteurs.
Est toutefois également en jeu la responsabilité des emprunteurs, en tant que signataires des contrats de
prêts. Un certain nombre d’élus se sont dit avoir été abusés par des dispositions opaques. D’autres
reconnaissent ne pas avoir résisté aux différés de remboursement offerts avec les produits proposés, à un
engagement dans une course incessante en matière de gestion active de la dette de leur collectivité.
Finalement, ils ont cédé aux attraits de la « finance miracle » (Valletoux, 2014). Du fait de la circulation des
cultures expertes, de la porosité des milieux professionnels, les consultants eux-mêmes ont participé à la
propagation des produits (Bartolone, 2011). Suivant la tendance initiée avec la libéralisation du crédit aux
collectivités, l’Etat et ses services impliqués ont également contribué à l’institutionnalisation d’une « forme
financiarisée » des produits et des relations entre prêteurs et emprunteurs de la sphère publique locale
(Ferlazzo, 2018a, 2018b). Les administrations concernées n’ont en outre pas réellement pris à temps la
mesure du danger, voire étaient en totale situation d’impuissance (Guengant et al., 2012 ; Cour des Comptes,
2018a).
Quoi qu’il en soit du partage effectif des responsabilités, reflétant l’état des rapports de force du moment, il
apparait nettement que des risques ont été progressivement transférés des établissements bancaires vers
les collectivités (Gilbert, Vaillancourt, 2013). Ce déplacement est en soi illustratif d’une tendance de fond,
celle de l’immersion des finances publiques dans un marché purement financier, conduisant alors à avancer
l’hypothèse d’une financiarisation des pratiques d’emprunt des collectivités territoriales (Hertzog, Portal,
2008). La thèse d’E. Ferlazzo (2018c) apporte des éclairages inédits à ce propos, indiquant en particulier le
cheminement progressif du processus en question au sein de la sphère publique locale et révélant ses
diverses manifestations. A ce titre, pour l’auteur, les emprunts dits toxiques, leur propagation jusqu’à la mise
en place de mesures correctrices des dommages qui leur sont liés, possèdent une vocation heuristique. Nous
partageons ce point de vue, en l’adaptant à nos objets d’analyse : l’appel fait par les acteurs locaux à de tels
produits structurés constitue l’une des manifestations singulières des politiques d’endettement qu’ils
415 La circulaire n°92-260 du 15 septembre 1992, actualisée le 4 avril 2003, limite uniquement les possibilités et les risques des swaps.
Elle interdit l’usage spéculatif d’instruments de couverture. La circulaire de 2003 a été abrogée par la circulaire n° 10-15077 du 25
juin 2010, qui réaffirme les mêmes principes.
416 M. Klofper se livre à une estimation de ces parts de responsabilités, en imputant 70% aux banques, 20% aux emprunteurs et enfin,
226
adoptent pour leur collectivité. A ce titre, l’analyse de ces modalités particulières de recours au crédit
participe de notre champ d’investigations.
Sur la base de cet intérêt scientifique partagé, en parallèle avec le travail doctoral réalisé par E. Ferlazzo et
en collaboration avec lui, en lien avec nos partis pris respectifs d’analyse, nous avons cherché à mettre en
évidence si des éléments propres aux contextes territoriaux peuvent, non point justifier, mais au moins être
mis en perspective avec les recours locaux aux produits financiers à risque. Des réflexions et explorations
communes ont été menées à cette fin. Elles ont finalement donné lieu à des remaniements et à des
élaborations en propre. Nous restituons, de façon synthétique, les résultats essentiels auxquels nous sommes
parvenus pour notre part (3-2) après avoir précisé le cheminement ayant présidé à leur élaboration (3-1).
227
228
3-1-Les emprunts toxiques, des prises de risques électoralistes ?
La littérature scientifique sur le sujet même du recours par les collectivités à des emprunts structurés n’est
pas très abondante418. La principale investigation (recensée) a été produite par C. Pérignon et B. Vallée
(2017).
Les deux auteurs cherchent à apporter des éléments de réponse à leur principale interrogation : les
inclinaisons des élus locaux en faveur des produits financiers à risque sont-elles dues à une recherche de leur
part d’une certaine rentabilité politique ou tiennent-elles au contraire à une non-perception des risques
encourus, du fait de la complexité des produits ?
Leurs hypothèses reposent sur différentes approches disciplinaires et/ou conceptuelles419 et notamment, sur
les théories liées à la rente politique, issues du courant du Public Choice (cf. Chapitre introductif). Celles-ci
trouvent à s’appliquer dans l’analyse des cycles politico-économiques tels qu’ils rythment l’action publique
locale. Dans ces perspectives, les choix politiques des pouvoirs locaux sont tenus comme principalement
guidés par des desseins électoraux. Une attention est de ce fait accordée aux élus, leurs intérêts apposant
leur marque sur les actions conduites localement et sur les choix budgétaires afférents.
De telles approches peuvent a priori être tenues comme justifiées, s’agissant du recours local à des prêts. Les
chefs des exécutifs locaux possèdent en la matière des prérogatives bien plus étendues que dans d’autres
registres de la politique ou de la gestion budgétaire locale420. Lorsqu’elles envisagent de contracter des prêts,
les collectivités n’étant pas tenues de respecter les prescriptions du Code des marchés publics (cf. supra),
leurs représentants disposent de latitudes pour solliciter les établissements prêteurs de leur choix ; ils sont
en position de retenir les offres qui leur paraissent les plus avantageuses et d’engager les négociations qui
leur semblent opportunes. De ce fait, l’appel local à des emprunts est tributaire de la relation de crédit
s’instaurant entre les premiers élus des exécutifs locaux et les personnels des institutions bancaires
sollicitées. Les ressources politiques et relationnelles des décideurs locaux impliqués apparaissent de ce fait
comme pouvant jouer de façon décisive.
Au terme de leurs analyses statistiques, les deux chercheurs concluent en particulier à une liaison positive
entre le niveau local d’endettement et le recours à des produits structurés. Dans ces contextes budgétaires
tendus, les élus locaux escomptent des effets positifs de l’apport de ressources que représentent ces prêts ;
ils négligent le report vers le futur des charges des remboursements. Les principaux effets se manifestent
sous forme de réductions de la pression fiscale421 ; ils sont principalement recherchés à la veille des scrutins
et tout particulièrement lorsque les édiles en place ont peu de chances d’être reconduits à l’occasion de la
consultation à venir.
418 Qu’il s’agisse ou non des collectivités françaises. Cette littérature ne s’est par ailleurs guère étoffée. Parmi les analyses recensées,
figurent quelques travaux portant sur des recours à des prêts structurés émanant des collectivités anglaises (Mertens et al, 2019) et
italiennes (Lagna, 2015).
419 Empruntées à l’économie politique de la finance et aux approches relatives aux innovations financières. Les auteurs mobilisent à
délibérant de la collectivité. Toutefois, cette compétence relative à la décision d'emprunter peut faire l’objet d’une délégation à une
instance plus restreinte agissant au nom de l'assemblée délibérante, c’est-à-dire par exemple au maire ou au président du conseil
communautaire. Les contrôles (préfectoraux, des CRCT) en sont rendus d’autant plus délicats, notamment pour les contrats incluant
des dispositions de couverture de taux d’intérêt et pour ceux relatifs aux emprunts structurés (Cour des Comptes, 2011). Les contrats
de prêts relèvent par ailleurs du droit privé et échappent de ce fait aux dispositions normatives usuelles en matière d’actes et de
gestion budgétaire.
421 Plutôt que dans la réalisation de nouvelles dépenses d’investissement.
229
De tels résultats convergent avec ceux issus des travaux conduits sur le thème des incidences budgétaires
des cycles politico-économiques locaux précisément appliqués aux collectivités françaises et à leurs
représentants (Martin, 1996 ; Foucault, François, 2005 ; Binet, Pentecôte, 2006). Ces explorations théoriques
et économétriques indiquent toutefois que la quête de popularité des élus et la recherche de suffrages par
les candidats se concrétisent sous des formes différentes au cours du déroulé des mandats. Ceci induit une
instabilité budgétaire, affectant en particulier la mobilisation des ressources locales. La forme du triptyque
reliant endettement, impôts et dépenses des collectivités (tel que nous l’avons proposé et analysé) varierait
ainsi en fonction du calendrier électoral et du cycle politique ; l’offre de produits bancaires spécifiques et leur
usage favoriseraient ces déformations locales.
C. Pérignon et B. Vallée montrent encore que les élus aux niveaux d’études les plus élevés422, ceux des plus
grandes villes et des collectivités les plus importantes (a priori les plus dotées d’ingénierie) ont été les plus
enclins à faire appel à des emprunts structurés.
L’ensemble de leurs résultats contribuent à révéler que ces produits financiers ont donné lieu à des usages
stratégiques. L’existence de telles manœuvres entre en contradiction avec les allégations des élus, les
amenant à déplorer a posteriori la sous-information dans laquelle ils ont été tenus lors des phases de
commercialisation et qui les aurait conduits à méconnaitre de potentielles dérives.
La robustesse des modélisations élaborées par les chercheurs ne saurait être remise en cause. Un certain
nombre de présupposés théoriques peuvent néanmoins l’être. Le point d’entrée problématique est en effet
biaisé ou circonscrit puisqu’il envisage comme principalement déterminants les raisonnements court-
termistes des décideurs locaux. Cette vision coïncide vraisemblablement avec une part des réalités et des
attitudes locales. Mais avec une part seulement. Les acteurs locaux, élus ou candidats, ne fonctionnent pas
tous comme des Leviathans (Farvaque, Paty, 2009). Les processus de décision sont analysables à l’aune
d’autres conceptions que celles héritées de la Nouvelle Economie Publique (Blerald P.-A., 1991 ; Crozet,
Guihery, 2001). En mettant l’accent sur les stratégies personnelles des élus et/ou des candidats, l’analyse
passe par ailleurs sous silence la complexité des processus de décision, la multiplicité des enjeux sous-jacents
ainsi que les logiques collectives à l’œuvre, percutant les choix individuels (Borraz, 2020). Elle brise la multi-
dimensionnalité des enjeux et des partages de responsabilités (cf. supra).
Certains des choix empiriques auxquels les chercheurs ont procédé peuvent également être questionnés.
L’intensité de la relation de crédit peut-elle être simplement objectivée par le biais de la distance séparant le
siège de la collectivité et celui de l’agence locale de Dexia (Crédit Local) commercialisant les emprunts
structurés ? Une simple analyse spatiale et géographique est-elle appropriée lorsqu’il s’agit de rendre compte
des processus d’imitation entre représentants de collectivités voisines, processus qui auraient contribué à
des diffusions localisées des produits bancaires en question ?
Aussi, tout en tenant compte des apports de cette recherche, nous tentons d’explorer d’autres dimensions,
allant de pair avec nos orientations problématiques et méthodologiques.
Comme les deux auteurs mentionnés, nous avons accès à la base de données (encore inédite) indiquant quels
ont été, collectivité par collectivité et année après année entre 1995 et 2009, les montants de prêts toxiques
(différenciés selon leur nature) commercialisés par Dexia (Crédit Local).
422Ceci confirmant leur hypothèse selon laquelle le profil socio-économique est déterminant : schématiquement, plus les élus
seraient dotés de compétences étendues, plus cela les prédisposerait à une appétence en faveur d’innovations budgétaires, à une
acceptation de risques financiers (pour la collectivité).
230
Ces informations ont d’ailleurs servi à la constitution de la carte diffusée par le journal Libération (en 2011)
qui a contribué à la forte médiatisation des faits (Carte 3). La représentation illustre l’importance de la
contamination, son étendue ou sa dispersion.
Carte 3 - Répartition des emprunts structurés dits toxiques distribués par Dexia Crédit Local de 1995 à 2009
L’échantillon est tout à fait significatif423 : il porte sur un volume total de prêts de pratiquement 14 milliards
d’€, soit une part conséquente de l’enveloppe totale424 ; ces emprunts ont été contractés par près de
1 900 collectivités (Tableau 29).
Les données révèlent la forte diversité des situations selon les différents types de collectivités. Les communes
apparaissent comme les plus représentées parmi les entités dites contaminées ; toutefois, leur recours à des
prêts toxiques s’avère finalement peu répandu425. Il l’est bien davantage au sein des régions et des
départements426. La concentration est également marquée pour les communes les plus peuplées : elles
détenaient alors la plus grande part des contrats, des volumes en jeu. Parallèlement, la proportion des
nombres de contrats, des montants empruntés par les communes de faible importance démographique est
peu élevée ; ces produits représentent cependant une part substantielle de leur encours. Ce qui laisse
entendre une forte exposition au risque et des incidences budgétaires majeures en lien avec la dérive des
taux d’intérêt telle qu’elle est apparue aux alentours de 2008.
423 Même si Dexia (Crédit Local) n’a pas été la seule institution à commercialiser ce type de produits.
424 Estimée à 18,8 milliards d’€ (cf. supra).
425 Elles représentent 82% de l’effectif des collectivités ayant contracté des prêts toxiques ; elles sont à l’origine de 81% des demandes
d’emprunts structurés, pour des montants s’élevant à 61% du total alors emprunté. Elles ne représentent que 4% de l’effectif total
des communes.
426 Ces derniers sont porteurs d’une faible proportion des nombres d’emprunts, d’une part plus conséquente des montants en jeu,
231
La forte variabilité des situations et des risques au regard des emprunts structurés n’est ainsi pas sans
entretenir de relation avec la nature institutionnelle des collectivités, leur importance démographique, les
choix effectués par les décideurs locaux…
Tableau 29 – Descriptif des emprunts toxiques selon les niveaux/types de collectivités, 1995-2009
poids moyen
des
nbe nbe ratio moyen emprunts
montants empruntés
collectivités emprunts de surcoût dans
l'encours au
31/12/08
en % en % en millions en %
en % en %
ensemble ensemble d’€ ensemble
régions 16 1% 44 1% 594,6 4% 9% 9%
départements 62 3% 211 6% 3 062,2 22% 12% 26%
EPCI (CA, CU) 84 4% 213 6% 1 431,9 10% 11% 18%
EPCI (CC) 164 9% 237 6% 427,1 3% 11% 7%
communes (moins 3 500 hab) 365 19% 471 13% 489,3 4% 10% 49%
communes (3 500 à 9 000 hab) 569 30% 956 26% 1 448,1 10% 12% 32%
communes (plus de 9 000 hab) 622 33% 1 526 42% 6 520,7 47% 13% 30%
ensemble 1 882 100% 3 658 100% 13 973,7 100% 23%
autres (syndicats…) 277 nd 1 501,1 nd nd
Note : le surcoût moyen est évalué en fonction de la valeur initiale du taux, comparativement à la valeur de marché
Source : élaboration d’après Dexia Crédit Local
On peut alors supposer que ces recours, aux multiples « déterminants », forment des éléments singuliers des
politiques locales d’emprunt/d’endettement et qu’ils ressortent simultanément de mécanismes spécifiques
que nous avons cherché à identifier. Nous restituons les points majeurs de cette exploration.
232
3-2-Des contaminations budgétairement et territorialement situées
Nous avons précédemment fait état des interrelations entre les choix locaux en matière d’emprunts et les
finances des collectivités, puis montré l’existence de figures territorialement différenciées du triptyque
reliant endettement, impôts et dépenses locales. Poursuivant, nous postulons que les recours à des produits
d’emprunt complexes s’inscrivent également dans des (inter)dépendances aux situations budgétaires locales
et aux contextes territoriaux. Tout comme l’ensemble des politiques locales, ces pratiques sont « situées »
(Dufrénot et al.. 2011 ; Mertens et al., 2019). Toutes les collectivités n’ont pas souscrit de telles options de
prêts. Quelles sont alors les spécificités, budgétaires et/ou territoriales de celles qui se sont avérées
contaminées ?
Afin de dévoiler ces particularités, nous avons collecté un ensemble d’informations décrivant l’état financier
des collectivités concernées, voire de leurs pairs (cf. Annexe 7). Nous nous sommes focalisé sur les
communes, afin de conserver une certaine cohérence à nos investigations. Nous avons accordé une
importance particulière à l’endettement de ces localités, à leurs dépenses (d’équipement427), à leurs marges
de manœuvre budgétaires, à leur richesse fiscale et à leur fiscalité. Les travaux existant (et consultés) mettent
en effet en relief que les collectivités aux situations les plus contraintes, celles disposant des bases
d’imposition les plus étroites… ont, davantage que d’autres, tendance à faire appel à des produits financiers
complexes, en vue notamment de bénéficier des avantages immédiats que ceux-ci procurent. Il apparait alors
judicieux de chercher à confirmer/infirmer ces observations et de tester leur validité pour notre panel
particulier.
Les contextes territoriaux sont pour leur part décrits au travers de variables démographiques et socio-
économiques usuelles. Les dynamiques de moyen terme (1999-2006) sont prises en compte ; elles sont en
effet révélatrices de transformations sociales, urbaines et économiques affectant les territoires. Tout comme
ces mutations sont susceptibles de susciter des réponses spécifiques en matière d’action publique locale,
d’équipements et de services, de besoins des collectivités en termes de crédits (cf. supra), elles sont de
nature à avoir des incidences sur des recours à des instruments singuliers de financement.
En vue de faire apparaître au mieux les spécificités des communes contaminées, celles-ci ont été réparties
en 3 sous-échantillons ou strates démographiques428. On peut en effet, en toute logique, postuler de
l’existence de différences sensibles entre les volumes et structures budgétaires de localités comptant à peine
quelques centaines d’habitants et ceux valant pour des agglomérations fortement peuplées. Tout autant, les
sujétions financières ainsi que les politiques d’endettement peuvent-elles être différentes selon l’importance
de la population et les formes d’action publique locale induites. Surtout, l’état global de la contamination
laissait pressentir l’existence de pratiques différenciées des emprunts toxiques des communes en fonction
de leur taille (Tableau 29).
Pour ces 3 strates de communes, des analyses multidimensionnelles (ACP et CAH) ont été conduites, en
considérant simultanément les variables descriptives des situations budgétaires et celles servant à
caractériser les contextes territoriaux. Ce mode de faire (dit « associé ») contraste avec celui (dit « dissocié »),
tel qu’adopté en vue de dessiner les figures territorialisées du triptyque identifié (cf. supra). La comparaison
entre ces deux options méthodologiques nous conduit d’ailleurs à formuler diverses observations, à même
de guider d’éventuels choix pour des travaux ultérieurs (cf. Encadré 13).
233
Les prêts à risques, face à des tensions variables dans les communes contaminées les moins peuplées
Un mode dédié d’analyse est mis en place pour les communes les moins peuplées, c’est-à-dire celles
comptant moins de 3 500 habitants. L’hétérogénéité est forte au sein de ce sous-ensemble qui comprend par
ailleurs de nombreux objets : sa partition en (un nombre raisonnable de) classes de ressemblance possédant
des caractéristiques affirmées trouve rapidement ses limites. Aussi, les analyses multidimensionnelles sont-
elles effectuées uniquement pour les 350 communes429 ayant contracté des produits toxiques. Ainsi sont mis
en avant leurs traits majeurs, qu’elles les partagent ou non avec ceux d’autres communes de même taille
(Tableau 30).
Les situations budgétaires de ces communes contaminées par les emprunts toxiques sont elles-mêmes
fortement hétérogènes. La nature et l’intensité des contraintes pesant sur leurs budgets le sont tout autant.
L’hypothèse que l’existence de tensions d’origine fiscale et/ou financière prédispose au recours à des prêts
structurés appelle des réponses nuancées. Ainsi par exemple, bon nombre de communes (classes 2, 4 et 5)
disposent d’une matière imposable peu abondante et parallèlement, leur niveau d’endettement n’est pas
semblable430 ; les sujétions sont variables et pourtant, toutes ont fait appel à des produits structurés.
Par ailleurs, recours à des emprunts complexes et limitations dans la dotation en richesse fiscale ne vont pas
toujours ou pas nécessairement de pair. Au contraire, les communes composant la classe 6 sont
particulièrement bien dotées en bases taxables. Ceci confirme nos constats précédents, portant sur l’absence
de lien univoque entre politiques fiscales et d’endettement des communes.
Les produits complexes ont également été privilégiés par les localités de la classe 3, confrontées à des
problématiques spécifiques tenant à leurs crédits et à leurs modalités de remboursement.
429 Parmi les 365 réellement concernées. Soit encore celles pour lesquelles les informations budgétaires sont disponibles. A la date
d’analyse, on dénombre pratiquement 31 000 communes ayant moins de 3 500 habitants.
430 Les valeurs des capacités de désendettement (qui devraient être tenues comme des indications majeures) sont faibles et ne jouent
234
Ce qui révèle l’existence d’un modèle particulier d’endettement dans ces communes431. Les prêts structurés
ont-ils été envisagés là comme une façon d’alléger les contraintes et de différer l’apparition d’obligations
supplémentaires, les remboursements étant déjà pesants ?
Conjointement, on constate que les pratiques – ou politiques – devenues risquées émergent dans des
contextes socio-territoriaux fortement contrastés, au point que l’on ne puisse faire état d’une forme de
déterminisme mais bien plutôt d’interdépendances, prenant dans chaque cas de figure un tour singulier. Par
exemple, des choix financiers risqués ont été effectués aussi bien dans des territoires attractifs à divers titres
(classes 1, 2 ainsi que 6) que dans ceux en perte de vitesse (classes 4 et 5). On pourrait alors postuler que,
face à des nécessités ou à des volontés de soutenir des politiques locales d’accompagnement des
transformations locales ou en vue de les contrer, l’apport de ressources représenté par les emprunts
structurés ait été finalement tenu comme la modalité financière la plus avantageuse et la plus aisément
disponible. L’instrument budgétaire adopté a-t-il pu constituer une solution par défaut, palliant l’absence de
subventions spécifiques ou de dispositions en matière d’aménagement tournées vers ces territoires peu
peuplés, qui font bien souvent l’objet d’une attention distante (en termes de politiques publiques) alors qu’ils
sont confrontés à des problématiques socio-territoriales aigües ?
Des caractéristiques partagées pour les communes contaminées les plus peuplées
Nous adoptons une autre modalité d’analyse pour les communes des deux autres strates démographiques
(celle comptant entre 3 500 et 9 000 habitants d’un côté, celle possédant plus de 9 000 habitants de l’autre).
Elle s’apparente finalement à une comparaison entre les communes contaminées et celles qui ne le sont pas.
Pour ce faire, une typologie est réalisée pour l’ensemble des communes françaises appartenant à chacune
des deux strates retenues. Est ensuite observée quelle est la répartition des entités contaminées entre les
différentes classes de ressemblance obtenues. Au terme d’un test statistique, nous repérons les classes dans
lesquelles les communes à produits risqués sont principalement sur ou sous-représentées (Tableaux 31 et
32). Ainsi, sont mises en évidence quelles sont leurs spécificités majeures, au regard de leur « population-
mère »432.
Une première lecture des résultats obtenus en termes de profils des classes fait apparaître des concordances
avec les constats formulés lors de l’étape de mise au jour des formes territorialisées du triptyque (reliant
endettement, impôts et dépenses locales). Des nuances sont toutefois perceptibles, servant à spécifier et à
affiner les constats.
431 Le niveau des charges, au titre desquelles les annuités de leurs emprunts antérieurs, est particulièrement élevé, comparativement
à la moyenne.
432 Tout se passe comme si l’analyse était dissociée, reposant sur une typologie (associant caractéristiques fiscalo-financières et
territoriales) d’un côté et sur une catégorisation (à emprunts toxiques ou non) de l’autre.
235
Tableau 31 – Analyses croisées, profils budgétaires territoriaux et situation au regard des emprunts toxiques, communes
de 3 500 à 9 000 habitants
classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5 ensemble
Mandres les Roses Noves Pleneuf Val André Montchanin Chazelles sur Lyon
(94) (13) (22) (71) (42)
profil tissu semi-urbain tissu attractif tissu touristique tissu urbain en tissu moyen
attractif, revenu attractif, revenu perte de vitesse,
pop élevé pop élevé revenu pop
modeste
situation moyenne situation aisée situation à effet situation de situation de
toxique avec peu de avec peu de de dilatation modestie et de modestie avec
ou non marges de pressions modération fortes pressions
manœuvre (dette, fiscalité)
à emprunts toxiques 83 116 39 44 272 554
sans emprunt toxique 182 365 32 112 497 1 188
ensemble 265 481 71 156 769 1 742
Notes : les valeurs apparaissant dans des cases colorées sont significatives au seuil statistique alpha=0,05 (niveau de
signification du test du Chi2) ; l’objet central d’une classe en est statiquement le plus représentatif ; il ne possède pas
nécessairement tous les traits du profil de la classe. Son nom (accompagné de son numéro de département) est
mentionné à titre indicatif.
L’effectif est significatif et supérieur à celui attendu en cas d’indépendance des lignes et des colonnes du tableau
L’effectif est significatif et inférieur à celui attendu en cas d’indépendance des lignes et des colonnes du tableau
Source : élaboration à partir de Dexia Crédit Local, DGFiP, Insee
Tableau 32 – Analyses croisées, profils budgétaires territoriaux et situation au regard des emprunts toxiques, communes
de plus de 9 000 habitants
classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5 ensemble
profil Meru Limoges St Remy de Vitré Mennecy
(60) (87) Provence (35) (91)
(13)
tissu en perte de contexte assez tissu touristique tissu attractif tissu urbain
vitesse, rev pop moyen attractif, rev pop (résidentiel et dense, rev pop
modeste élevé productif) élevé
situation de situation assez situation aisée situation aisée situation avec peu
modestie avec moyenne avec peu de avec marges et de pressions
marges de pressions peu de pressions
toxique manœuvre
ou non réduites
à emprunts toxiques 129 234 48 38 170 619
sans emprunt toxique 66 136 14 41 117 374
ensemble 195 370 62 79 287 993
Notes : les valeurs apparaissant dans des cases colorées sont significatives au seuil statistique alpha=0,05 (niveau de
signification du test du Chi2) ; L’objet central d’une classe en est statiquement le plus représentatif ; il ne possède pas
nécessairement tous les traits du profil de la classe. Son nom (accompagné de son numéro de département) est
mentionné à titre indicatif
L’effectif est significatif et supérieur à celui attendu en cas d’indépendance des lignes et des colonnes du tableau
L’effectif est significatif et inférieur à celui attendu en cas d’indépendance des lignes et des colonnes du tableau
Source : élaboration à partir de Dexia Crédit Local, DGFiP, Insee
De façon transversale, quelle que soit la strate démographique, nous constatons que les communes
contaminées sont plus particulièrement représentées au sein de celles qui sont touristiques433, aisées et
attractives ; parallèlement, elles sont engagées dans des dépenses d’équipement élevées et soutenues par
des appels marqués à des crédits434. Davantage que d’un manque de ressources fiscales ou d’une modestie
dans leur progression, les contraintes pourraient provenir là de nécessités d’adapter les budgets à
433 La surreprésentation des communes contaminées au sein des classes 3 des communes des 2 typologies confirme l’existence d’une
pression budgétaire due aux afflux touristiques.
434 Même si elles ne subissent pas de tensions particulières, le niveau d’endettement de ces communes est en effet nettement plus
236
l’importance des dépenses d’équipement ou encore à des choix locaux en faveur de politiques
particulièrement intenses en matière d’investissement435. Le fait d’héberger des populations aux revenus
élevés incite-t-il à de telles initiatives436 ? Dans ces territoires touristiques, l’afflux de population suppose en
tout état de cause des surdimensionnements pour certains équipements ainsi qu’une offre spécifique de
services publics locaux. Face à ces situations, l’emprunt et la dette ressortent apparemment comme une
pratique usuelle. Contracter des prêts devenus toxiques ne constituerait alors qu’une des modalités
singulières de politiques courantes. Il resterait à déterminer si les produits incriminés ont été tenus comme
des facilitateurs de la dynamique en cours, voire de son accélération, ou bien s’ils ont été considérés comme
des instruments financiers banaux. Quoi qu’il en soit, les situations d’endettement en général, les recours à
des prêts structurés en particulier pourraient, en miroir, révéler une certaine inadaptation des dispositifs
fiscaux et des leviers de mobilisation de ressources propres. De par leur conception, hérités de dispositions
anciennes, les impôts et taxes reposent principalement sur les biens et les populations résidant à demeure.
Les recettes tarifaires, acquittées par les habitants en place comme par les touristes, représentent une faible
part des budgets locaux. Les collectivités accueillant des « passants » disposent dans les faits de peu
d’instruments fiscaux et financiers à même de capter des ressources à partir des flux qui les traversent
(Vanier, 2010 ; Talandier et al., 2019). Le recours à des prêts toxiques, tel qu’il se manifeste dans les
territoires touristiques, apparaitrait comme un symptôme, porté à son paroxysme, de la dissymétrie pouvant
séparer les logiques pesant sur les dépenses et sur les recettes des collectivités et ainsi, de
dysfonctionnements au sein même du système financier local.
Par ailleurs apparait une congruence certaine entre le recours à des produits structurés et une forme
d’épuisement des ressources locales (classe 5 pour les communes ayant de 3 500 à 9 000 habitants). Des
fragilités sont perceptibles dans ces territoires au profil socio-territorial plutôt moyen ayant déjà mobilisé le
levier fiscal et activé celui de l’endettement. Les localités en question apparaissaient comme présentant des
formes singulières du triptyque reliant leur endettement, leurs impôts et leurs dépenses. L’emprunt pouvait
en soi être tenu comme un mal nécessaire. A fortiori, l’emprunt structuré a-t-il alors été considéré comme
un levier à même de susciter un regain d’attractivité ? Tout se passe comme si les sous-espaces territoriaux
concernés étaient dès lors confrontés à une double peine, l’explosion des prêts devenus toxiques
alourdissant encore leurs charges, distrayant des recettes d’autres usages et du financement de dépenses en
lien avec les caractéristiques locales.
A l’inverse, les communes ayant eu recours à des prêts structurés sont sous-représentées au sein de
territoires ayant un profil a priori plus favorable du point de vue des dynamiques territoriales et des situations
budgétaires (classe 2 pour les communes de 3 500 à 9 000 habitants et classe 4 pour celles ayant plus de
9 000 habitants). L’attractivité (en termes de population et d’emplois), dans des espaces ayant une vocation
productive plus ou moins affirmée, s’accompagne d’un effort d’équipement marqué. Selon les classes, le
niveau d’endettement n’est pas le même : nous l’avons déjà souligné, l’investissement local n’est pas
obligatoirement synonyme de dette, surtout lorsque la dynamique locale est positive ; toutes choses égales
par ailleurs, l’endettement n’appelle pas systématiquement le recours à des produits risqués. La dynamique
fiscale et/ou l’existence de marges de manœuvre budgétaires semblerait « protéger » de politiques risquées
d’endettement.
Rien n’exclut en outre que tout ou partie des décideurs locaux concernés aient choisi, par aversion au risque
(lié à la dette ou à l’impôt), de maintenir la collectivité dont ils ont charge à l’écart de toute pression
budgétaire.
435Compte tenu des informations disponibles, il n’est pas à ce stade possible de déterminer le sens des causalités.
436Les travaux portant sur les liens entre les revenus des habitants et les besoins/demandes/pratiques en termes de services publics
locaux sont rares.
237
Un développement territorial reposant sur des bases résidentielles et des activités diversifiées constituerait-
il un contexte moins propice à des prises de risques que la progression d’une économie présentielle et
spécialisée, telle celle que connaissent les zones touristiques ? Un certain nombre des localités possédant
ces profils ont toutefois cédé aux facilités offertes, au moins à court terme, par les emprunts structurés.
Resterait alors à déterminer, par le biais d’enquêtes qualitatives dédiées, si les choix effectués par les élus
ont contribué à faire la différence ou si d’autres éléments, tenant par exemple à une dépendance aux
situations héritées, aux particularités de la relation de crédit ou à des stratégies particulières des
agents/agences commercialisant les produits financiers en cause… ont également joué un rôle décisif.
D’un point de vue méthodologique, la répartition des communes en plusieurs strates induit assurément des
lourdeurs dans le protocole d’analyse. Elle présente le mérite de révéler des différences interterritoriales
dans des ensembles qui n’ont de cesse d’être fortement diversifiés. A l’issue, les convergences et les zones
de superposition dans les éléments d’observation issus des différentes typologies confèrent une robustesse
certaine aux résultats obtenus et à leur analyse. La présence de communes contaminées, aux profils
budgétaires et socio-territoriaux semblables, dans les 2 strates démographiques, conduit ainsi à relativiser le
poids de l’expertise des élus ou celui de l’ingénierie territoriale dans la prise de risque au regard des produits
financiers complexes, quand ils sont fréquemment tenus comme décisifs.
Plus généralement, la méthode adoptée conduit à remettre en question l’importance de la différenciation
démographique qui sert bien souvent de clé d’entrée pour l’élaboration de maintes productions
institutionnelles et de nombreux diagnostics publics portant sur les finances locales. Fréquemment encore,
des seuils de population sont utilisés pour désigner les collectivités entrant dans tel ou tel dispositif de
compensation budgétaire, de péréquation financière… Les analyses réalisées indiquent finalement que la
population en tant que telle ne constitue qu’un écho distancié avec les réalités socio-urbaines, avec les
modes de développement territorial qui confèrent des particularités aux budgets des collectivités voire qui
contribuent à fonder des politiques particulières de financement. Les institutions et les dispositifs d’action
pourraient-ils cependant se fonder sur des typologies à certains égards complexes, voire incertaines et qui
plus est, évolutives ? Ce qui pose plus globalement la question de la place de la production de connaissances,
celle du rôle de l’expertise dans le processus de formulation des problèmes publics, dans les modes de
décision…
Nous avons finalement parcouru un cheminement allant du poids de la dette et des incertitudes qu’elle fait
éventuellement peser sur la solvabilité locale, à celle plus circonscrite des risques encourus avec les prêts
structurés. L’analyse portant sur les collectivités contaminées proprement dites conduit à mettre en exergue
que les aléas se situent fréquemment à la fois dans les encours, comparativement aux capacités de
remboursement des collectivités, et également dans les instruments financiers qui concourent à la
constitution de ces stocks de dette. Sans que la règle vaille de façon uniforme, le fait d’avoir succombé aux
pièges tendus par les produits complexes apparait dans de nombreux cas de figure comme le prolongement
d’une accumulation de tensions. Du fait de ses avantages apparents, l’emprunt en général et les prêts
structurés en particulier ont pu être tenus comme des moyens à même d’apaiser ces formes de déséquilibres.
L’effet a été tout autre.
Ainsi l’hypothèse reposant sur l’existence d’un lien positif entre faiblesses budgétaires et mobilisation de
produits financiers complexes est-elle validée dans un certain nombre de cas. Elle ne l’est cependant pas
partout ; elle n’est pas exclusive d’autres lignes d’interprétation. Il est par exemple des cas où richesse fiscale
et appel à des prêts structurés coexistent. Les situations budgétaires et les contextes territoriaux pèsent en
conséquence différemment. Ce qui, en miroir, laisse entendre l’existence de choix ou de modulations exercés
par les exécutifs locaux tout comme celle d’autres facteurs décisifs.
238
Il reste que toutes les communes ayant fait les frais des prêts toxiques et présentes au sein des différentes
classes mises en évidence ne sont pas également contaminées ; nous les avons pourtant tenues comme
semblables de ce point de vue. Les analyses demanderaient à être affinées en examinant quel est le poids
effectif des emprunts toxiques et des surcouts associés437. Elles apporteraient d’indispensables compléments
quant à l’intensité des risques effectivement encourus. Toutefois, elles ne se seraient pas décisives,
concernant l’ampleur des risques perçus a priori, de ceux effectivement acceptés.
437 De premières tentatives effectuées en ce sens avec E. Ferlazzo (cf. supra) n’ont guère été concluantes. Les niveaux de risques, tels
qu’appréhendés, se diffractent au sein des classes définies d’un point de vue fiscal/financier et territorial.
239
Encadré 13 – Analyses typologiques dites « associées » et « dissociées »
A plusieurs reprises (Navarre, Rousseau, 2013a ; Talandier et al., 2019), nous avons cherché à mettre en évidence de
façon empirique les (inter)dépendances entre situations budgétaires des collectivités et caractéristiques des contextes
territoriaux. Nous contribuons également à mettre en place cette démarche dans le cadre des recherches en cours
(projets IPL et InveST, cf. Volume 1). La recherche des liens entre les deux champs ou univers d’analyse considérés est,
selon les cas, plus ou moins formalisée, plus ou moins aboutie. En accord avec nos orientations d’ensemble et avec la
mobilisation de méthodes de statistique descriptive ou exploratoire (cf. Chapitre introductif), cette recherche s’effectue
principalement sur la base d’analyses multidimensionnelles, aboutissant à la construction de typologies et à la
détermination de profils-types communs à plusieurs collectivités. Les analyses typologiques conduites sont tantôt
« associées », tantôt « dissociées ».
Dans chacun des cas, les n objets statistiques retenus (soit encore le panel de collectivités choisi) sont décrits par
l’intermédiaire de j variables caractérisant leur situation budgétaire ou fiscalo-financières et par (m-j) variables (socio-
économiques…) concernant le contexte territorial.
Nous décrivons le protocole adopté dans chacun des types d’analyse (« associé » vs « dissocié ») avant de revenir sur le
potentiel interprétatif que recèle chacun d’eux, voire encore sur les limites qu’ils comportent.
Le protocole adopté
Dans l’analyse « associée » (Figure 24), le tableau contenant les valeurs des m variables fait l’objet d’analyses
multidimensionnelles (ACP suivie d’une CAH). Les différenciations essentielles entre les objets statistiques (ACP) puis
leur regroupement sous forme de classes présentant des profils-types singuliers (CAH) s’opèrent indistinctement en
fonction des variables budgétaires et territoriales.
Objet 1
Objet 2
….
….
Objet n
Dans l’analyse « dissociée » au contraire (Figure 25), les analyses sont conduites d’une part en considérant le
(sous )tableau contenant les variables budgétaires, d’autre part celui constitué à partir des variables territoriales. A
l’issue, deux typologies sont obtenues, l’une comptant N classes constituées des n objets et possédant des profils
budgétaires distincts, l’autre comportant M classes entre lesquelles se répartissent les n objets, ces classes ayant des
profils différents d’un point de vue territorial.
240
Figure 25 – Composition des tableaux objets X variables, analyses « dissociées »
(m-j) variables territoriales ou socio-
j variables budgétaires ou fiscalo-financières
économiques
Objet 1
Objet 2
….
….
Objet n
Une étape complémentaire réside dans la constitution d’un tableau de contingence décrivant quelle est la répartition
des n objets selon leur appartenance à l’une et à l’autre des 2 typologies. Dans ce tableau symétrique à double entrée,
n(B/T) est l’effectif des objets appartenant à la classe B de la typologie budgétaire et à la classe T de la typologie
territoriale (Figure 26).
Figure 26 – Tableau de contingence, distribution des objets selon leur appartenance à la typologie budgétaire et à la
typologie territoriale, analyses « dissociées »
Typologie territoriale à M classes
….
Le tableau de contingence est soumis à un test du Chi2438. Celui-ci conduit à comparer les effectifs observés à ceux qui
seraient obtenus si la répartition des objets s’effectuait de façon indépendante ou aléatoire. Le test aboutit à déterminer
quels sont les effectifs observés significativement différents des effectifs théoriques (obtenus en cas d’indépendance),
au seuil statistique retenu (généralement de 5%) ainsi que le signe de l’écart. Un écart positif indique que l’effectif
observé (par exemple n(B/T)) est supérieur à l’effectif théorique ; on peut alors formuler l’hypothèse qu’il existe une
relation de dépendance entre l’appartenance des objets aux 2 classes considérées ou dit autrement, qu’une certaine
congruence se manifeste, dans la réalité, entre les 2 profils des classes en question439. La probabilité est forte que les
objets possédant le profil-type budgétaire B présentent également le profil-type territorial T. Et inversement, en cas
d’écart négatif : la probabilité est faible que des objets appartiennent simultanément à la classe budgétaire BB et à la
classe territoriale TT (Figure 27).
241
Figure 27 – Tableau de contingence, distribution des objets selon leur appartenance à la typologie budgétaire et à la
typologie territoriale après réalisation du test du Chi2 (exemple), analyses « dissociées »
Typologie territoriale à M classes
…. n(BB/TT)
L’exploration concernant le recours à des emprunts toxiques des communes a été effectuée selon le mode dit
« associé ». Elle a été complétée, pour celles comptant plus de 3 500 habitants, par un test (du Chi2) servant à déceler
s’il existait ou non des associations entre l’appartenance des communes aux classes établies et une autre partition
établie en leur sein, à savoir leur recours ou non à des emprunts toxiques, cette caractéristique n’ayant pas été intégrée
dans la typologie initiale. L’analyse conduite en vue de mettre au jour les formes territorialisées du triptyque reliant
endettement, dépenses et fiscalité des communes comptant plus de 10 000 habitants a été réalisée selon la méthode
dite « dissociée ». Nous nous appuyons sur ces exemples d’association et de dissociation, qui pourraient être pratiqués
dans tous domaines d’analyse, sur la base d’hypothèses de leur interdépendance ou en vue de la confirmation d’une
telle relation.
Les analyses « associées » présentent l’avantage de la simplicité, ou de l’économie dans leur mise en œuvre. Dans la
mesure cependant ou les variables descriptives des 2 champs sont considérées simultanément, il n’est pas à exclure
que la distribution de tout ou partie des variables appartenant à un même champ soit « dominante », structurant alors
les différenciations et les ressemblances entre les objets étudiés, masquant en conséquence d’autres oppositions ou les
similitudes quand celles-ci existent en réalité. Combinant par exemple des variables budgétaires et des variables
territoriales, la typologie obtenue peut être principalement fiscalo-financière ou socio-économique. En conséquence,
elle n’informe pas sur les associations recherchées ; elle décrit de façon sectorisée des réalités au sein desquelles les
caractéristiques tenues en compte, qu’elles relèvent de l’un ou l’autre des 2 domaines explorés, coexistent
inévitablement. La réalisation d’un tel type d’analyse requiert de ce fait de multiples itérations pour le choix des
variables dans chacun des 2 univers étudiés de façon à s’assurer que, tout en évitant les colinéarités manifestes, toutes
seront bien représentées au mieux. Cette étape franchie, l’interprétation des profils est fréquemment délicate. Quel
élément du profil budgétaire mettre en relation avec un trait particulier du profil territorial ?
242
Formuler une réponse affirmée demanderait une analyse fine des corrélations effectives entre les variables en question,
aboutissant à la formulation d’une loi régissant les associations et valant pour la classe considérée.
La démarche briserait la multi-dimensionnalité recherchée et effective. Aussi, la description des profils prend-elle la
forme d’une juxtaposition des traits majeurs relevant de chacun des 2 champs analysés davantage que celle d’une réelle
mise en dialogue. Pour être aboutie, cette dernière ne pourrait que s’appuyer sur les résultats issus de la littérature
scientifique. Celle relative à la mise en perspective, détaillée et territorialisée, des situations budgétaires et des
contextes territoriaux est somme toute réduite, nous l’avons mentionné. Faute de cette consolidation et en l’absence
de capitalisation sur des conclusions de travaux antérieurs, les associations repérées sont à tenir comme des figures
territorialisées de faits ou de situations budgétaires, sans qu’il puisse être fait état de déterminismes causaux entre des
éléments de contexte et des traits fiscalo-financiers spécifiques.
La statistique exploratoire et descriptive empièterait sinon sur la statistique explicative (cf. Chapitre introductif). Soit
encore un risque partagé par les méthodes « associées » et celles dites « dissociées », et qu’elles doivent se garder
d’encourir.
243
244
Eléments de conclusion
Finalement, dans la mesure où la situation de dette locale résulte de la rencontre entre la demande de prêts
émanant des collectivités et l’offre de crédits déployée par les institutions bancaires, nous pourrions traiter
de cet endettement local comme d’un (fait de) marché, segmenté, différencié et évolutif... Au vu des
éléments théoriques et empiriques mis en avant, compte tenu de la réunion et discussion des résultats
provenant de la littérature académique dédiée comme de ceux issus de nos travaux, une approche en termes
systémiques nous semble préférable ; elle fait d’ailleurs ses preuves d’un point de vue analytique.
Ce mode de raisonnement convient à notre sens en ce qu’il permet d’intégrer la multitude des interactions
à l’œuvre entre les parties prenantes de la dette locale. Les représentants des collectivités et ceux qui
commercialisent les prêts sont loin d’être les seuls protagonistes actifs dans les orientations que prennent
les choix locaux d’emprunt. A ce titre les règles de discipline budgétaires instituées, dont l’Etat se fait le
porteur et les organismes de contrôle sont les porte-paroles ou les garants, suscitent des effets – directs et
indirects – de modération des pratiques des collectivités en matière de crédits. Cet arsenal de surveillance,
de pilotage, et même de tutelle évolue d’ailleurs progressivement : chemin faisant, il incorpore les impératifs
européens de limitation des dettes publiques et l’orthodoxie budgétaire qui va de pair ; il s’étoffe avec des
dispositions récemment érigées440 en vue de prévenir des dérives semblables à celles qu’ont fait surgir les
produits bancaires complexes présents dans un certain nombre d’encours locaux et porte même réparation
aux dommages afférents441. Il reste que, à un titre ou à un autre, le dispositif ainsi institué et institutionnalisé
corsette les choix locaux d’emprunt, voire les politiques financières des collectivités. En tant que tel, il est
antinomique avec l’autonomie dévolue aux entités locales dans le cadre de la décentralisation sans
parallèlement, être totalement en mesure de les protéger de dérives. Sa force contraignante est même
susceptible d’entrer en contradiction avec les attendus portant sur le rôle du secteur public local en matière
d’investissement. Des évolutions dans les rapports de force politiques et entre niveaux de gouvernement,
des modifications du contexte économique sont de nature à révéler ces ambiguïtés, et/ou même ces
fragilités, et à provoquer des remaniements.
L’analyse de divers cadres de contraintes, en France comme à l’étranger, indique en outre que, malgré leur
complexification croissante et en dépit de leurs spécificités, les faisceaux de normes pesant sur
l’endettement local laissent place à des risques ou à des incertitudes (Gilbert, Vaillancourt, 2013). Tout en
contribuant globalement à la préservation de la solvabilité des budgets locaux, l’édifice est voué à une
impermanence certaine ; partant, le système du financement temporaire est en équilibre instable.
Davantage encore que la notion de marché, celle de (sous-)système appliquée à l’endettement local présente
par ailleurs l’avantage de réinscrire les choix d’emprunt et de gestion de la dette des collectivités dans
l’ensemble de leur budget, de prendre en considération les liens que les composantes de ce budget
entretiennent avec le contexte territorial lui-même. Les travaux empiriques que nous avons conduits et
restitués confèrent une réalité à ces énoncés, ne serait –ce qu’au travers de la mise en évidence des formes
diversifiées que prend le triptyque reliant endettement, impôts et dépenses locales.
440 En particulier, l’article 32 de la Loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, codifié à
l’article L.1611-3-1 du CGCT définit désormais les emprunts que les collectivités territoriales, leurs groupements (et les services
départementaux d'incendie et de secours) peuvent souscrire auprès des établissements de crédit, en limitant l’accès aux produits les
plus simples. (source : www.collectivites-locales.gouv.fr). Le cadre juridique du recours aux emprunts a évolué ainsi que les
obligations comptables les concernant (pour exemple, source :
http://www.ardeche.gouv.fr/IMG/pdf/circulaire_elements_d_actualite_sur_cadre_budgetaire_et_comptable_des_cl_.pdf).
441 Dans le cadre de la Loi de Finances de 2014, un fonds national de soutien a été créé. Il est destiné à aider les collectivités
concernées à supporter les indemnités de renégociation (indemnités de remboursement anticipé IRA) des emprunts considérés
comme à risques.
245
Les conditions de la solvabilité, à quelque échéance qu’on les tienne, participent ainsi d’une vision
d’ensemble, relative à l’action publique locale, à ses fondements et à sa continuité, soit autant d’éléments
concourant à la soutenabilité même des entités considérées et à celle du système financier local.
La prise en compte même des dimensions territoriales conduit à étoffer les constats. En effet, les
(auto)régulations pesant sur l’endettement local fonctionnent avec une certaine efficacité, révélée par
l’absence d’aléas majeurs dans la trajectoire de la dette des collectivités. Toutefois, la situation est loin d’être
également partagée entre toutes ; les conditions de la solvabilité ne sont pas réunies de façon identique
partout. Des tensions sont palpables, que ce soit pour les collectivités dont le panier d’emprunts est
contaminé par des produits financiers devenus toxiques, ou pour celles dont la dette est disproportionnée
au regard de tout ou partie de leurs caractéristiques budgétaires.
Cette variabilité conduirait à valider notre seconde hypothèse, celle selon laquelle le sous-système de
l’endettement local laisserait place à l’émergence de politiques locales de recours à l’emprunt et de gestion
de la dette, alors territorialement différenciées. Finalement, le cadre institutionnalisé régissant la dette des
collectivités ménage l’autonomie et de la différenciation locale. Depuis la libéralisation du crédit aux
collectivités, l’Etat et ses représentants ne possèdent plus la même force d’imposition. Les stratégies et
intérêts des institutions prêteuses, la financiarisation en cours contribueraient-elles à créer un ordre
spécifique de différences ?
La diversité mise au jour accréditerait également la thèse du rôle majeur des exécutifs locaux dans la prise
de décision relative aux prêts, dans le cadre d’une relation de crédit pourtant dissymétrique. Certains édiles
et les personnels de leurs services (financiers) auraient été plus enclins que d’autres à des prises de risques,
à la faveur d’une envolée gestionnaire se manifestant sous la forme d’une recherche incessante
d’optimisation ou de rationalisation, ou bien de stratégies les incitant à trouver des dispositions les plus
favorables à court terme… Si l’on ne peut nier cette influence des chefs des exécutifs, son poids effectif
demanderait à être évalué, puis mis en perspective avec la pluralité des facteurs à même d’orienter les
processus (collectifs) de décisions budgétaires incluant les emprunts.
L’analyse des réalités (des formes territorialisées du triptyque identifié, des pratiques en matière d’emprunts
structurés, ces dernières prenant forme de révélateurs singuliers), fait toutefois naître des hésitations quant
à la réalité des choix effectifs émanant des exécutifs impliqués. Elle questionne la réalité de la notion de
politique locale, dans sa dépendance plus ou moins étroite au contexte territorial, soit encore dans ce que
l’on pourrait désigner comme sa « territorialité ».
Les incertitudes en question apparaissent au travers de la concordance des résultats obtenus à l’issue des
explorations mentionnées et restituées. Ces résultats convergent en effet même si les modes d’analyse
(dissociés/associés) ne sont pas les mêmes, même si les panels de collectivités et les périodes d’observation
ne sont pas strictement identiques, et encore même si les contextes territoriaux ne sont pas caractérisés de
façon analogue, étant envisagés tantôt de façon statique, tantôt selon leur dynamique de moyen terme.
Cette concordance vaut notamment dans les situations budgétaires et les contextes territoriaux les plus
défavorables, aux ressources modestes, absentes ou épuisées. Une continuité s’établit entre une
accumulation de dette et le recours à des instruments spécifiques de financement temporaire qui se révèlent
finalement coûteux. Le repérage de ces situations relativise la notion même de politique, celle d’autonomie
ou de choix local ; elle laisse planer le doute quant à l’intentionnalité dans une prise de risques financiers.
L’emprunt et la dette, le levier que représente le prêt structuré constitueraient des issues quasiment
inévitables d’adaptation face à des tensions inhérentes aux contextes socio-territoriaux, aux mutations à
l’œuvre et aux à leurs incidences fiscalo-financières.
246
La perplexité émerge également en considérant les territoires touristiques, engagés dans des logiques
dépensières. Le fait que leur attractivité soit en jeu ne saurait entièrement justifier des pratiques
dispendieuses, suscitant un endettement et de fortes prises de risques. Il convient toutefois de reconnaître
que les modes de financement classiques à disposition des entités locales ne sont pas adaptés à ces situations
spécifiques. Le crédit, surtout lorsqu’il comporte des avantages apparents, pourrait faire figure de nécessité.
Toutefois, toutes les collectivités aux ressources financières (voire territoriales) largement exploitées, toutes
les stations littorales ou de montagne… n’ont pas fait appel à des produits bancaires dangereux. Il est
également des localités aisées qui ont succombé à l’attrait de la finance. Par contraste, ces différences
révèlent l’existence de marges de manœuvre en matière de gestion locale ainsi que leur utilisation. Elles
redonnent du poids et de la substance à la notion de politique locale en matière de finances et/ou de dette,
s’abstrayant de déterminations strictes par le contexte territorial. In fine, l’on pourrait retenir que les
politiques en question, les stratégies et les décisions qui les composent sont inscrites dans un ordre territorial
tout en pouvant faire montre d’une certaine autonomisation à son encontre.
Les comparaisons inter-temporelles (relevant du volet diachronique de nos analyses), s’agissant par exemple
des trajectoires d’endettement des ensembles intercommunaux, laissent transparaître une forme d’inertie,
perceptible dans les formes du triptyque mis au jour. Cette stabilité témoignerait d’une dépendance au passé
(path dependency). Elle révèlerait même une résistance aux mutations institutionnelles qui bousculent
pourtant les rôles des communes et de leurs intercommunalités. De façon caricaturale, les politiques du
moment ne parviendraient pas à transformer les situations héritées. Hormis à tenir le maintien d’une stabilité
comme la manifestation de tactiques délibérées. L’accent mis, dans les analyses, sur la capacité de
désendettement en tant que stock, forcerait l’ancrage des résultats et des situations dans une accumulation
de décisions antérieures. Pour autant, nous avons constaté que la dette n’appelle pas systématiquement
l’emprunt, qu’un recours systématique à des prêts n’allait pas toujours de pair avec l’usage de produits
structurés. Des ruptures ou des transitions se manifestent, les crédits faisant leur entrée dans des budgets
exempts de dette ou d’encours massifs. Le report vers le futur des charges financières, avec les crédits
classiques comme avec les prêts complexes, indique que les décideurs usent de stratégies inter-temporelles
et engagent à ce titre les finances de leur collectivité. Ce qui à nouveau confère à sa façon de la substance à
la notion même de politique locale d’endettement. En conséquence, ceci nous conduit à accorder une
acception large à la notion de politique locale : si celle-ci comporte indéniablement des actions visant,
directement ou non, des modifications des réalités sur lesquelles elle porte, elle peut inclure des
changements substantiels comme des ajustements incrémentaux, des adaptations aux situations héritées,
l’ensemble de ces modifications ne se traduisant pas nécessairement par des transformations majeures et
immédiatement repérables.
Les éléments ainsi posés constituent autant de résultats intermédiaires. Ils ne dispensent pas de perspectives
complémentaires d’investigations.
247
acteurs et niveaux de gouvernement impliqués ainsi que des instruments de financement pouvant être
déployés, de façon complémentaire ou substitutive à des crédits.
Une zone d’ombre en matière d’analyse des politiques locales d’endettement réside dans la mise à jour des
transformations éventuelles de ces pratiques, en lien avec les modifications des dotations étatiques et
surtout avec leurs récentes réductions. Nous avons esquissé des pistes semblables d’investigation
concernant les utilisations locales du levier fiscal (cf. Chapitre 2). Compte tenu du rôle stratégique du
financement par l’emprunt des dépenses du secteur public local, il serait intéressant d’observer si le registre
de contraintes évoquées a également des incidences sur les trajectoires locales d’endettement. Nous avons
montré qu’au sein du triptyque qui les lie à la dépense et à la fiscalité locale, les ressources temporaires
jouent tantôt un rôle de complément, tantôt un rôle de substitution. Les modifications d’une ressource
tierce, celle que représentent les dotations, amènent-elles à une reconfiguration de la répartition entre
impôts et emprunts ? Si tel est le cas, selon toute probabilité, cette recomposition s’opère de façon différente
selon les contextes territoriaux, en fonction des latitudes offertes par chaque configuration budgétaire.
Poursuivant, on peut supposer que la mise sous surveillance des dépenses locales a des incidences sur les
conditions de formation de l’épargne et partant, à niveau d’investissement donné, sur les besoins d’emprunt.
Précisément, le niveau de ces dépenses d’équipement ne s’est pas maintenu lorsque les dotations ont
brusquement diminué (cf. Chapitre 1). Tout se passe comme si des obstacles s’opposaient à une
intensification dans l’endettement. Le recours à des crédits aurait pourtant constitué un levier permettant
de procéder à des réalisations et de continuer à rendre visible l’action publique locale. Tout en étant attachés
à leur autonomie et à leurs facultés d’emprunter, les élus usent avec modération de ces possibilités… Les
obstacles évoqués se trouvent-ils du côté des représentations associées à la dette en général, à la dette locale
en particulier ? Les décideurs locaux ont-ils internalisé les règles de régulation qui leur sont opposées ou
celles que le gouvernement tente de leur imposer ? Dans leurs comptes rendus financiers, dans les rapports
accompagnant les budgets annuels, etc., quels sont les arguments mobilisés pour justifier un appel modéré
à l’endettement de la collectivité, au prix parfois d’une récession dans l’investissement public local ?
Comment se (re)construisent les politiques locales de la dette ? Comment les collectivités s’orientent-elles
en réalisant à la fois « moins d'emprunts » et « mieux d'emprunt » (Weber, 1989), tout en arguant que
« davantage d’emprunt » (Gilbert, 2002b) serait nécessaire à la continuité de leurs actions ? La focalisation
(renforcée dans le cadre des dispositions contractuelles) sur les valeurs seuils et sur la trajectoire de la
capacité de désendettement s’accompagne-t-elle d’un renforcement du pilotage local (managérial,
gestionnaire…) par des indicateurs (dont la valeur est somme toute relative) et avec quelles incidences sur
les politiques conduites localement ?
Une autre zone d’ombre a trait aux alternatives ou aux compléments que peut trouver l’emprunt dans le
financement de l’action publique locale, y compris en faisant intervenir des parties prenantes qui étaient
jusque-là peu ou pas impliquées en tant que financeurs.
En effet, il ressort que tout en étant marqué par une forte inertie, le système financier local se diversifie peu
ou prou, ne serait-ce qu’au travers de la panoplie des instruments disponibles. La recherche de fonds, des
orientations en faveur de modalités renouvelées du partage des risques, dans un contexte de contrainte
accrue sur la disponibilité des deniers publics, ont par exemple largement contribué, au cours des 2 à
3 décennies passées, à l’expansion des contrats de partenariat entre institutions publiques et privées. Ces
associations portaient notamment sur la réalisation de projets conséquents d’investissement dans le
domaine des services publics locaux et de l’aménagement (Campagnac, 2009 ; Linossier, Verhage, 2009 ;
Guelton, 2015 ; Orillard, 2018).
La maîtrise des dépenses imputables à de telles opérations, et des besoins de financement afférents, conduit
encore les collectivités à rechercher des modes partenariaux allégeant les pressions sur leurs budgets.
248
Initialement, des contrats peu ou mal préparés ont fait naître une nouvelle gamme de risques – conséquents-
pour les collectivités maîtres d’ouvrage442 (Sueur, Portelli, 2014). Certaines d’entre elles ont en particulier
principalement vu là des moyens d’externaliser leur dette, au risque ensuite d’en supporter des coûts élevés
et de se voir dépossédées de la conduite et de la gestion des projets. Ces pratiques ont donné lieu à
l’émergence de nouvelles dispositions de régulation. Tout se passe comme si le processus d’action/réaction
ne trouvait pas ses limites. Au nom d’une perpétuelle fuite en avant, observe-t-on l’émergence de nouveaux
dispositifs ou bien ceux-ci sont-ils déjà à l’œuvre, en sourdine ? Des pans entiers d’études demeurent ainsi
ouverts. On peut en effet supposer que le resserrement des contraintes pesant sur les budgets locaux et sur
leur alimentation en ressources, face à une pression toujours manifeste en besoins d’aménagement et de
services publics locaux tout autant qu’une recherche récurrente de rentabilité de la part d’investisseurs
financiers, suscitent des modalités renouvelées ou intensifiées de coopération (voire de gouvernance) dans
la production urbaine (Baraud-Serfaty, 2011 ; Theurillat, 2011). Quels en sont les impacts pour les budgets
locaux ? Leur soutenabilité s’en trouve-t-elle ou non préservée ? Quelles collectivités sont les mieux à même
d’entrer dans ces dispositifs, au risque d’en voir écartées celles qui, du fait de leur contexte et de leur moindre
attractivité, apparaissent déjà comme les plus en difficultés ? Lorsque ces dispositifs partenariaux sont mis
en place, quelles en sont les incidences sur les contenus des réalisations elles-mêmes ?
Parallèlement, des modalités novatrices de financement des dépenses publiques se développent. Nous avons
eu l’occasion de repérer quelques-unes des opportunités, et également, des limites que recouvrent le
mécénat, le crowdfunding lorsque des biens et des ressources patrimoniales sont en jeu (Talandier et al.,
2019). Au travers des exemples étudiés, il semble a priori que les montants en jeu, qui demeurent somme
toute modestes au regard des besoins, importent moins que la mobilisation collective, voire la co-
construction des projets, que ces dispositifs sous-entendent. Le volume des fonds recouvrés est tributaire
des décisions des parties prenantes, ménages ou entreprises, particuliers ou institutionnels. L’action et les
initiatives reconnues comme relevant de l’intérêt général, pour leur concrétisation, peuvent-elles s’inscrire
dans une telle dépendance ? Quel rôle (incitatif, pédagogique, coercitif…) aux puissances publiques lorsque
le financement public ne semble pas pouvoir ressortir uniquement du financement par le public ou par les
citoyens ?
Des analyses en la matière seraient indispensables en vue de qualifier ces pratiques émergentes, voire
innovantes et plus globalement, ce que l’on qualifie usuellement de « finances citoyennes » (Taddei, 2006).
En particulier, quel potentiel recouvrent-elles ? Sur le fond, ont-elles réellement une portée significative
comparativement aux modalités usuelles de financement, notamment dans des domaines d’action
particuliers qui engagent la « responsabilité sociale » des acteurs (Gourmel-Rouger, 2015), leur
positionnement en matière de transition énergétique ou leur sensibilité aux problématiques écologiques ?
Leurs usages recréent-ils un nouvel ordre de différences, en étant réservés aux collectivités les plus outillées
pour ces émissions, à certains domaines d’action en vogue ou apparaissant à l’agenda politique ?
Nous parviendrons à des connaissances accrues en matière de pratiques locales d’endettement, et à leur
meilleure compréhension, par l’intermédiaire des investigations, quantitatives comme qualitatives, réalisées
à l’occasion du projet de recherche en cours, portant sur l’Investissement Public Local et ses modalités de
442Les rapporteurs indiquent, avec la Cour des comptes, que les investissements réalisés par la personne privée dans le cadre d’un
contrat de partenariat correspondent en réalité à un endettement public et devront faire l’objet de remboursements par la puissance
publique. Les PPP (partenariats publics privés) permettaient des avantages apparents qui ont donné lieu à une régulation et à une
transparence accrue. Ainsi, jusqu’en 2010, les montants d’investissements d’une opération réalisée en contrat de partenariat
n’étaient pas enregistrés au bilan des pouvoirs adjudicateurs, ce qui permettait de réduire pour partie l’endettement réalisé au titre
des opérations d’investissement. Désormais, l’intégration de la valeur de l’actif dans les comptes des collectivités territoriales et la
reconnaissance d’un montant équivalent en dette publique visent à donner une image plus sincère et fidèle de la situation des
comptes des collectivités.
249
financement ainsi que dans le cadre du projet InveST financé par l’ANR, visant à déceler les tensions,
potentielles et effectives, entre les injonctions auxquelles sont confrontées les collectivités, pour les unes
formulées en termes d’austérité, pour les autres en termes de durabilité (cf. Volume 1).
Nous avons par ailleurs mentionné les activités du réseau Finances Locales FiL (cf. Volume 1) et notamment,
l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en 2018, en direction de collectivités et des chercheurs. Cet AMI
a précisément pour thème celui de l’investissement public local ainsi que de ses modalités de financement.
Parmi les propositions reçues et retenues au titre du programme de recherche soutenu par le FiL, l’une d’elles
émane du groupe de chercheurs impliqués dans le projet IPL. Cette proposition vise tout particulièrement à
analyser les mutations de l’action publique des collectivités en contexte de renforcement des contraintes
budgétaires. E. Ferlazzo (cf. supra) s’est pour l’occasion joint au groupe, proposant de compléter son travail
doctoral en s’intéressant à la relation de crédit liant prêteurs et emprunteurs. Suite à la crise des emprunts
dits toxiques, après la mise en place de l’Agence France Locale matérialisant un recours accru aux marchés
obligataires pour le financement local, les conditions d’accès aux produits financiers, la nature même de ces
produits ont changé. Aussi, des entretiens auprès des parties concernées visent à repérer quels sont les
arbitrages opérés par les acteurs locaux dans leurs choix entre ces divers instruments de dette, à mettre en
évidence les rationalités à partir desquelles ces délibérations s’opèrent ; ils sont également destinés à
analyser si ces recours à de nouveaux modes de financement ont des incidences sur les choix locaux
d’investissement.
En tant que membre du FiL, nous suivrons attentivement le déroulé de cette opération de recherche. Elle
apportera indéniablement des éléments qualitatifs inédits de connaissance en matière de pratiques locales
d’endettement ; celles-ci sont cependant principalement envisagées à l’aune de la financiarisation des
produits proposés par les prêteurs. Si ces aspects sont incontournables, ils ne sont pas exclusifs d’autres
facteurs en mesure d’influer sur les choix des collectivités et de leur servir de registres de justification.
L’ensemble des projets ainsi que les zones d’ombre révélées ressortent d’une nécessité de mise en
transversalité, d’association de champs de recherches et de compétences disciplinaires. Les développements
déjà initiés sont fructueux. Ceux potentiels ou à venir devraient être tout autant bénéfiques. Tout en prenant
appui sur les questions financières, qui demeurent un invariant, ils visent à dépasser les aspects tenus comme
techniques ou spécialisés dont ces questions sont fréquemment taxées, et conduisant si ce n’est à un
isolement au sein de la recherche, au moins à un relatif manque de dynamisme. Sans être tues, les réflexions
spécifiques au domaine seront re-situées dans leur connexion – étroite – avec les modalités et les objets de
l’action publique locale, notamment dans ces déclinaisons en termes de production urbaine et de
développement territorial. Quelles sont les incidences des modes de financement (de leur origine à leur cadre
contractuel en passant par les sujétions qui leur sont associées pour les collectivités maitres d’ouvrage) sur
les contenus des projets, sur les quantités et qualités des services publics locaux offerts et finalement, sur
l’action publique locale ?
250
Chapitre 4 – L’intercommunalité dans l’ordre des
différences territoriales
« Toutes les réformes territoriales qui ont eu lieu au cours des années 1970 dans
les pays européens se sont appuyées sur deux principes : un premier principe
consistant à privilégier un échelon sur les autres en lui conférant un pouvoir de type
législatif ou réglementaire ; un second principe consistant à réduire drastiquement
le nombre de communes en les fusionnant dans des entités plus larges,
généralement dominées par les villes. En 1982, la France a fait le choix inverse :
tous les échelons se sont vu attribuer le même degré d’autonomie (même s’ils n’ont
pas reçu les mêmes ‘compétences’). Et le législateur a attribué cette autonomie à
géographie constante, sans modifier le nombre et la taille des communes. Nous
n’en finissons pas de payer ce parti pris initial (…) »
(Estèbe, 2015, p. 74)
« Quant à la diversification des communes, c’est presque‑là un lieu commun de
l’affirmer, tant la chose est évidente aujourd’hui. La diversité des communes ne
date d’ailleurs pas de notre temps (…) Ces différences, déjà repérables et
identifiables il y a plus d’un siècle, n’ont pu que s’accentuer, (…) : l’écart entre les
communes urbaines et les communes rurales s’est accru, mais de nouveaux
clivages, de nouvelles différenciations, sont apparus, entre les communes bien
dotées et celles qui ne l’étaient pas, les communes qui accueillaient une population
sans disposer des moyens financiers de financer les équipements, et celles qui
bénéficiaient de ‘rentes de situation’ ou de situations privilégiées. Les implications
de ces différenciations sur les compétences ne peuvent être ignorées : les
communes sont désormais trop différentes pour exercer toutes les compétences,
pour exercer les mêmes compétences (…). Certaines, enfin, n’ont même pas les
moyens de répondre au minimum de ce qu’attendent les habitants, la compétence
générale ne veut pas dire grand‑chose pour elles. Ces évolutions mettent en
évidence un lien qui a toujours existé, mais dont l’importance n’est jamais apparue
aussi grande, entre les compétences et les ressources : à quoi sert‑il de disposer
des compétences les plus étendues si l’on ne dispose pas des moyens financiers de
les utiliser, de les mettre en œuvre ? »
(Pontier, 2015, p. 998)
« (…) la question de la différenciation territoriale (…) est à la fois le projet et la
hantise de tout projet décentralisateur. »
(Négrier, 2010, p. 315)
« Les dynamiques de recomposition de la gestion publique des territoires ne
peuvent cependant être saisies dans une approche purement localiste et inductive,
comme le soulignent les auteurs qui ont cherché à dépasser la description micro-
territoriale des différences pour expliquer plus systématiquement les mécanismes
de la différenciation territoriale. Car les moteurs de cette dernière sont en grande
partie extérieurs aux territoires : la singularisation des configurations de la
gouvernance territoriale et la territorialisation croissante des politiques publiques
résultent d’abord d’évolutions économiques, sociales et institutionnelles supra-
locales, qui ont transformé le cadre d’opportunités et de contraintes des acteurs
infranationaux. »
(Epstein, 2012, p. 2)
251
252
Introduction
Les développements précédents nous ont conduit à faire état de l’existence de systèmes fiscaux territoriaux
et même dans certains cas, de systèmes fiscaux métropolitains quand, sur la base de considérations
théoriques, nous avions initialement postulé de la présence d’un système fiscal local, alors potentiellement
unique. Qui plus est, l’analyse des pratiques d’emprunt de tout ou partie des communes nous a par ailleurs
amené à repérer des situations d’endettement, à plus ou moins haut niveau de risques, pour des sous-
groupes particuliers de localités. Le système local de l’endettement se diffracte, prenant une multitude de
formes diversifiées ; celles-ci présentent toutefois des éléments communs, ne serait-ce que parce que les
collectivités et leurs recours à des prêts sont régis par des règles semblables. A ces occasions, nous avons
souligné que les configurations locales, aussi bien d’un point de vue fiscal que sur le plan de l’appel à des
crédits, ne vont pas sans entretenir des liens de dépendance avec les caractéristiques mêmes des territoires.
Au point que l’on puisse faire état de la présence de (sous-)systèmes financiers territorialisés. Nous avons
également constaté que les caractéristiques territoriales ne sont pas suffisamment pesantes au point qu’elles
ne laissent pas place à l’exercice de l’autonomie dévolue aux collectivités, soit encore à des politiques locales
d’imposition et/ou d’endettement. Tout en étant dépendantes du contexte et des héritages, apparaissant
alors comme des « données », les situations fiscales, de dette ou budgétaires peuvent faire l’objet de
constructions en propre par les exécutifs en place. Les sous-systèmes en question sont de ce fait appelés à
se transformer, notamment sous le poids des dynamiques de développement territorial comme sous
l’influence des recompositions des institutions en charge des décisions. Ces constats donnent corps à notre
parti pris en faveur d’un point de vue d’un côté longitudinal (ou diachronique), de l’autre transversal (ou
systémique) et simultanément, ils renforcent son intérêt.
On peut en effet légitimement se demander comment, les systèmes ou sous-systèmes identifiés évoluent
précisément dans le temps. Nous avons déjà fait état de leur inertie (cf. Chapitre 3). La discussion de la notion
de politique (financière) locale, telle que nous l’avons abordée, indique toutefois que cette inertie est
partielle, que des changements incrémentaux le disputent à des mutations substantielles. Il nous semble dès
lors indispensable de donner davantage de substance aux éléments ainsi avancés, en les mettant à l’épreuve
des réalités.
A cette fin, il nous parait approprié de retenir des objets spécifiques d’observation qui laissent place au
repérage tant de faits de stabilité que de changements pour les (sous-)systèmes financiers territoriaux eux-
mêmes. A ce titre, nous choisissons de placer la focale sur des aspects budgétaires propres aux communes
et à leurs intercommunalités. Si les groupements de communes sont des faits anciens443, il a fallu de
nombreuses impulsions (politiques, légales, financières…) avant de parvenir à la couverture intégrale de
l’espace national par les 1 253 Etablissements de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre tels
qu’ils existent aujourd’hui444. Tout au long de son déroulé, la construction intercommunale prend la forme
d’une mise en mouvement permanente des réalités locales. Avec les groupements, l’un des objectifs avancés
consiste à lutter contre la fragmentation et l’émiettement constaté avec les communes, à remédier aux
défauts de l’organisation institutionnelle en place. Mais les finalités résident également dans une recherche
de rationalisation de l’usage des deniers publics (Thomas, 2008 ; Hertzog, 2012a ; Le Saout, 2017a, 2019).
Peu ou prou, les réformes institutionnelles et les recompositions territoriales, dont procède l’édification des
groupements, recèlent « la fin d'un certain ‘romantisme’ de la décentralisation au profit de l'efficacité »
443 Il est couramment rappelé que les syndicats intercommunaux ont vu le jour avec la Loi du 22 mars 1890. Dans les faits, les
fondements de l’intercommunalité ont été posés avec la Loi du 5 avril 1884 portant sur l'organisation et les attributions des conseils
municipaux ouvrant la possibilité aux communes de créer des conférences intercommunales.
444 Au 01/04/2020 (source : Base Nationale sut l’Intercommunalité,
https://www.banatic.interieur.gouv.fr/V5/accueil/index.php)
253
(Cotten, 2017, p. 37). Les préoccupations économiques et financières sont ainsi présentes de façon
persistante, dès la formation des premières communautés445 jusqu’aux récentes créations
intercommunales446. La réalité budgétaire des communes est en conséquence mise en question et même en
critique de façon continue. Pourtant, nous l’avons observé en matière de fiscalité et de dette (cf. Chapitres 2
et 3), ces communes demeurent des échelons prépondérants. Simultanément, la promotion d’un nouvel
échelon d’action publique locale suppose que des ressources lui soient dévolues, que ces moyens soient
suffisamment évolutifs pour garantir sa consolidation. L’organisation financière des communes et celle de
leurs établissements de coopération sont de la sorte inévitablement engagées dans une dynamique de
transformation à la fois constante, graduelle et à même de ménager des solutions de continuité. Elles
constituent de ce fait un terrain privilégié d’observation, eu égard à nos objectifs. Quels sont alors quelques-
uns des changements majeurs dans cette organisation et parallèlement, observe-t-on des
invariants, participant de la stabilité des (sous-)systèmes locaux identifiés ?
L’analyse des situations locales de dette a contribué à mettre en évidence que l’endettement de toute
collectivité pouvait difficilement être observé sans porter simultanément attention à son positionnement en
matière de recettes fiscales et de dépenses. Ce qui relativise l’intérêt à accorder uniquement à l’un ou à
l’autre des postes budgétaires ; ce qui engage a contrario à les considérer simultanément, en intégrant les
interdépendances qui les relient. Ceci nous conduit à élargir nos perspectives et à avancer la notion de
politique budgétaire (ou financière) locale. Poursuivant, si ce type de politique peut être observé en tant que
tel, il nous semble opportun de le mettre en relation avec l’ensemble des interventions qu’effectuent les
collectivités, soit encore avec les contenus mêmes de l’action publique locale et avec leurs interventions en
matière de services publics locaux. La mobilisation de recettes fiscales, des choix en matière d’emprunts…
ressortent certes de logiques et d’instruments spécifiques. Ces derniers prennent uniquement leur sens au
regard des dépenses que les ressources finalement disponibles servent à financer. A leur tour, ces dépenses
sont effectuées en vue de perpétuer le fonctionnement local (des équipements, des services locaux) ou bien
afin de susciter, d’accompagner des changements dans les réalités locales elles-mêmes. Nous mettons de ce
fait l’accent sur les dépenses des communes et de leurs intercommunalités, en tant que descripteurs des
politiques conduites par ces niveaux de gouvernement447. Nous observons-ainsi ces entités « en actes ». Ce
point d’observation semble fondé, en raison de l’étendue et de la diversité de leurs interventions : les
communes sont dotées de la clause de compétence générale et sont en charge d’une multitude de missions
de proximité que prolongent ou complètent leurs groupements, au nom du rôle stratégique et opérationnel
qui leur est reconnu.
Dès lors, au même titre que les recettes auxquelles elles sont liées, nous postulons que les dépenses locales
sont pour partie « données ». Elles sont en effet dépendantes des contextes territoriaux (Gilbert, Guengant,
445 Parmi les motifs instituant les communautés urbaines de première génération (avec la Loi du 31 décembre 1966) figure celui de
« faire ensemble mieux et à moindre coût pour le contribuable, ce que chaque commune seule ne peut faire ou ferait moins bien et
à un coût plus élevé » (cité in Dallier, 2006).
446 Un ensemble de rapports parlementaires abordent successivement la question, engageant vers la rationalisation des périmètres
et des institutions, en lien avec la maitrise des dépenses publiques (dont : Dallier, 2006 ; Richard, 2006 ; Lambert, 2007 ; Balladur,
2009 ; Malvy et Lambert, 2014). Cette préoccupation perdure puisque, dans l’exposé des motifs de la Loi MAPTAM (2014)
promouvant entre autres les métropoles, il est rappelé que l’un des objectifs poursuivis avec cette réforme institutionnelle et
territoriale est de « participer à l'effort de redressement des finances publiques pour assurer notre souveraineté budgétaire et
disposer des marges de manœuvre nécessaires au financement des politiques publiques », de parvenir à une action publique qui soit
à la fois efficace et efficiente.
447 Tout en reconnaissant que les flux monétaires ne sont que des révélateurs partiels des politiques, stratégies et interventions des
collectivités, nombre d’actions de leur ressort n’ayant pas nécessairement de traduction budgétaire.
254
2008). Nombre d’entre elles sont obligatoires dans les textes448. Elles le sont également dans les faits : les
charges patrimoniales s’accumulent progressivement, suivant en cela la dynamique des investissements
publics locaux (cf. Chapitre 1). Les dépenses effectuées par les collectivités ont encore été façonnées par de
longues tendances centralisatrices, voire homogénéisantes, qui continuent à peser. En cela, les charges
actuelles peuvent être tenues comme résultant d’une sédimentation progressive. Parallèlement, elles sont
construites en ce que, peu ou prou, les gouvernements locaux successifs leur ont conféré et continuent à
leur conférer des inflexions particulières, au nom de l’autonomie politique et du pouvoir de décision dont ils
sont détenteurs. Les dépenses en question, les politiques qu’elles sous-tendent, leurs intrications avec les
actions ainsi qu’avec les contextes territoriaux… constituent de la sorte des objets propices à des analyses
transversales ainsi qu’à enrichir notre observation des sous-systèmes financiers territorialisés, tels que nous
les envisageons.
Aussi, nous restituons quelques-uns des éléments issus de nos travaux, confortant et concrétisant les
perspectives longitudinales et transversales que nous avons ainsi énoncées. Les éléments en question sont
relatifs aux communes et à leurs intercommunalités telles qu’elles se manifestent « en actes » dans différents
domaines d’action choisis et surtout, aux politiques budgétaires déployées à ces occasions449. L’un de ces
domaines a trait à la solidarité (financière) qui s’établit entre communes et intercommunalités (2-1). Nous
portons ensuite attention aux politiques locales de l’habitat dans lesquelles les groupements (ainsi que les
communes) sont appelés à intervenir financièrement (2-2). Nous observons enfin les mutualisations des
ressources humaines qui s’opèrent entre institutions communales et intercommunales, signifiant des
partages différents et évolutifs des charges financières afférentes entre ces niveaux de gouvernement (2-3).
Auparavant, nous fournissons des points d’ordre conceptuel, à vocation générale, confortant le cadre
analytique dans lequel les réflexions évoquées prennent place (1-1) ; nous les illustrons au travers de
quelques éléments empiriques préfigurant les analyses plus spécifiques qui suivent (1-2).
L’ensemble des éléments mobilisés, observés et analysés concourt à révéler comment les logiques à l’œuvre
contribuent à la recomposition d’un ordre de différences séparant les collectivités mises à l’analyse. Cet
ordre, mû à la fois par des logiques d’homogénéisation et de différenciation, oscille entre mutations et
stabilité des (sous-)systèmes financiers territoriaux.
448 Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les
dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé (Article L1612-15 du CGCT, créé par Loi 96-142 1996-02-21 JORF 24 février
1996). Une liste des dépenses obligatoires figure à l’Article L2321-2 du CGCT (modifié par Loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016).
449 Le choix des domaines analysés résulte d’opportunités scientifiques. Les conditions dans lesquelles ces dernières se sont
présentées et concrétisées sont explicitées chemin faisant. Ce choix ne relève pas nécessairement de la primeur des domaines
d’action en question pour les communes et pour les intercommunalités. Assurément et au nom d’une réelle transversalité, le regard
mériterait d’être porté vers d’autres secteurs d’intervention, tout autant si ce n’est plus révélateurs des politiques financières locales,
des modalités budgétaires de l’action publique conduite par les collectivités et des déclinaisons territorialisées de ces interventions.
Nous tenons néanmoins les éléments observés comme de premiers jalons, et les restituons en tant qu’ils conduisent à poser autant
de pistes pour d’éventuelles investigations à venir.
255
Encadré 14 – Communautés, groupements et Groupements à Fiscalité Propre (GFP), Etablissements Publics de
Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, quelques principes d’organisation
Nous n’entendons pas retracer l’histoire de la constitution de l’intercommunalité. Celle-ci a été dressée à de multiples
reprises en adoptant des points de vue et des angles disciplinaires complémentaires (Gaxie, 1997 ; Le Saout, 2012 ;
Richard, 2014 ; Caillosse, 1995 ; Estèbe, 2019). Peu ou prou, tous convergent, affirmant que les formes actuelles des
groupements trouvent leurs origines dans celles qui les ont précédées, tout en s’en démarquant par des ruptures plus
ou moins manifestes (Boyer, 2005 ; Guéranger, 2008b ; Frinault, 2019). Même si les réformes et les modalités
d’organisation qui en sont issues diffèrent, en étant plus ou moins prescriptives, incitatives.., l’ensemble des dispositifs
est toutefois mu par des objectifs semblables : remédier à la fragmentation communale dans une perspective de
rationalisation institutionnelle et surtout budgétaire (Le Saout, 2001, 2017, 2019).
Au sein de cette trajectoire longue et de ce mouvement progressif, il nous importe essentiellement de poser quelques
points de repère décisifs quant aux modes de constitution et de fonctionnement des intercommunalités existantes450.
Ceux-ci illustrent comment l’intercommunalité communautaire s’est progressivement imposée dans le paysage des
institutions locales, en prenant conjointement des formes de plus en plus intégrées sur le plan des compétences
revenant au groupement intercommunal et en s’inscrivant dans des statuts de plus en plus diversifiés. En cohérence
avec nos choix en matière d’analyse, les points de repère en question ont principalement trait à l’’intercommunalité
dite « moderne », c’est-à-dire aux groupements institués depuis les années 90 et dotés d’une fiscalité propre. Ils ne
portent pas sur les formes syndicales, relevant de logiques d’association de communes et de modes de financement
possédant leurs propres spécificités (Guéranger, Poupeau, 2019).
450 En lien avec notre approche d’ensemble, nous passons sous silence les points relatifs au mode de désignation des conseils
communautaires et à leur évolution, tout en reconnaissant que ces aspects sont assurément centraux et décisifs du point de vue de
la gouvernance et des politiques intercommunales/communales ainsi que sur le plan de la démocratie locale. Ils font toutefois appel
à des compétences disciplinaires qui ne nous sont pas directement accessibles.
451 Compte tenu de leur maigre succès, les Districts ont perdu leur qualificatif d’urbains en 1970.
452 Au nom du principe de spécialité fonctionnelle, le groupement, établissement public, ne dispose pas de la clause de compétence
générale ; il est uniquement compétent pour les missions qui lui sont confiées soit par la Loi, soit par les communes qui le composent.
Selon le principe d’exclusivité, « Le transfert d’une compétence donnée à un EPCI par l’une de ses communes membres entraîne le
dessaisissement corrélatif et total de cette dernière, en ce qui concerne ladite compétence. » (source : www.collectivites-
locales.gouv.fr)
Le groupement est encore régi par un principe de spécialité territoriale : il est uniquement habilité à intervenir dans le territoire des
seules collectivités qu’il associe.
256
autonomie, leur adjoint une nouvelle catégorie d’institution sans mettre à mal frontalement leur organisation453. De la
sorte, l’une comme l’autre de ces créations marquent en substance des ruptures au regard des associations syndicales
et des modes usuels de coopération communale : des logiques verticales posant un cadre de contraintes pour les
groupements supplantent les organisations résultant de négociations horizontales. Districts (urbains) et communautés
sont en outre pensés pour des territoires spécifiques : les grandes agglomérations, les ensembles urbains dans lesquels
l’exercice des compétences, à la fois complexes et multiples, nécessite une coordination potentiellement source
d’économies ; sous le poids des dynamiques d’urbanisation en cours, ces territoires sont par ailleurs en proie à de
multiples tensions qu’il s’agit d’apaiser. De la sorte, l’intercommunalité est d’emblée instituée sur la base d’une
différenciation territoriale. Les formes ultérieures d’intercommunalisation et de création de communautés vont
capitaliser sur l’ensemble des fondements ainsi posés454.
En particulier, la Loi ATR se fixe comme objectifs de rationaliser le paysage intercommunal et de donner une nouvelle
dimension à l’intercommunalité (Villeneuve, 1997). En lien avec le premier objectif, s’instaurent localement des
réflexions sur les périmètres tenus comme pertinents des groupements à venir, à partir d’un état des lieux des
coopérations existantes455. En écho au second objectif et aux préoccupations du moment (Dallier, 2006 ; Gallez, 2007),
les groupements sont systématiquement investis de deux missions structurantes, à savoir celles relevant du
développement économique et de l’aménagement de leur territoire. Deux catégories d’EPCI sont créés : les
communautés de communes (sans précision de seuil démographique quant à leur constitution) et les communautés de
villes (s’adressant à des agglomérations urbaines comptant au moins 20 000 habitants). Tout en empruntant au même
registre commun, les compétences des communautés de villes sont plus étendues que celles revenant aux
communautés de communes (cf. Annexe 9). Sur le plan fiscal, la Loi pose les fondements du développement de
l’intercommunalité (communautaire) urbaine, en instituant la taxe professionnelle unique (TPU). Il en effet choisi de
doter les groupements urbains d’un régime fiscal particulier, en leur attribuant des contributions à la fois importantes
et dynamiques, pouvant conduire à leur affirmation et à un basculement des compétences en leur direction. D’emblée,
les regards se sont tournés vers la taxe professionnelle qui présentait alors les qualités requises (Hertzog, Siat, 2000).
Moins sujettes à des enjeux de ressources et en vue de ne pas susciter de la part des communes des craintes d’un
éventuel dessaisissement fiscal, les communautés de communes sont placées sous le régime de la fiscalité additionnelle
(FA) : elles perçoivent de droit des produits fiscaux dont leurs conseils décident des taux, ces derniers venant s’ajouter,
pour les contribuables, à ceux pratiqués par les communes456. Sur option des conseils communautaires, les
communautés de communes ont la possibilité d’opter pour le régime fiscal de la TPU.
Dans les faits, la formule des communautés de communes connait un succès, celle des communautés de villes se révèle
finalement peu attractive (Dallier, 2006). Le dispositif demande alors à être repensé, l’un des objectifs permanents de
l’intercommunalisation consistant bien à « restructurer les villes » (Delannoy et al., 2004)457. Parmi ses finalités, la Loi
n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite Loi
Chevènement, vise en conséquence non seulement à renforcer l’intercommunalité en milieu urbain, mais également à
simplifier l’intercommunalité en unifiant les statuts des groupements tout en maintenant des différenciations
(Baghestani-Perrey, Verpeaux, 2000).
453 Les différences de statut entre celui des collectivités, entendu dans un sens strict, et celui spécifique accordé aux
intercommunalités en dépit des compétences qui leur sont dévolues ont contribué à alimenter les débats relatifs aux ambiguïtés
entre les qualificatifs de « local » et de « territorial » auxquelles nous avons pu faire allusion (cf. Chapitre introductif).
454 Nous accordons peu de place aux Syndicats d’Agglomération Nouvelle (SAN) mis en place par la Loi n° 83-636 du 13 juillet 1983,
dite Loi Rocard, pour organiser les villes nouvelles. Ces syndicats empruntent au modèle général de l’intercommunalité, en l’adaptant
aux particularités des territoires concernés et à leur dynamique d’urbanisation (cf. Programme interministériel d’histoire et
d’évaluation des villes nouvelles françaises, 2005, Vers l’intercommunalité de projet. De l’expérience des villes nouvelles aux
communautés d’agglomération, Journée d’études, Mardi 5 juillet 2005, Actes). Leur analyse nécessiterait des développements
spécifiques. Suite à la Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de Réforme des Collectivités Territoriales, ces syndicats sont devenus
des communautés d’agglomération.
455 Sur la base des travaux de Commissions Départementales de Coopération Intercommunale (CDCI) établissant des Schémas
Départementaux de Coopération Intercommunales (SDCI). Le principe de l’existence de ces Commissions et Schémas a ensuite
perduré.
456 Compte tenu de l’importance de ces enjeux de répartition des ressources (fiscales) entre communautés et communes au regard
de nos problématiques, nous explicitons les spécificités des régimes institués à l’occasion de l’Encadré 15.
457 Tout en visant également, selon l’auteur, à « sauver nos campagnes » et à « réduire les inégalités sociales ». Ces finalités
257
Le texte réaffirme le refus d’une intercommunalité qui s’imposerait aux communes, celui d’une formule qui annoncerait
leur disparition. En outre, il consacre le terme et/ou la notion de communauté, rappelant que cette dernière est conçue
comme un regroupement de communes en vue d'élaborer des projets communs de développement au sein de
périmètres de solidarité. L’intercommunalité communautaire en ressort ainsi résolument consolidée. Selon les termes
de cette Loi, les communautés de communes à fiscalité additionnelle, tenues comme adaptées aux territoires ruraux,
perdurent458. Les communautés de villes sont supprimées et remplacées par une organisation à la fois superposée et
hiérarchisée avec des communautés d’agglomération (pour des ensembles comptant entre 50 000 et
500 000 habitants) et de nouvelles communautés urbaines (lorsque la population regroupée dépasse
500 000 habitants) 459. Les unes et les autres de ces nouvelles communautés sont placées sous le régime fiscal de la TPU.
Une hiérarchisation ainsi qu’une différenciation sont également établies dans les compétences à exercer ou exercées
par les différents types de communautés : outre les compétences obligatoires et intangibles d’aménagement et de
développement, « Alors que les communautés d'agglomération et les [nouvelles] communautés urbaines exercent ‘les’
compétences dans les matières choisies par elles [et fixées dans le CGCT] (…), les [nouvelles] communautés de
communes se contentent d'exercer ‘des’ compétences parmi celles qu'elles décident d'exercer. » (Baghestani-Perrey,
Verpeaux, 2000, p. 31). En complément des missions à même de renforcer la visibilité nationale et internationale des
ensembles agglomérés, les communautés d’agglomération et urbaines sont en particulier attributaires d’actions
relevant de l’équilibre social de l'habitat, de la politique de la ville propres à remédier aux tensions urbaines traversant
alors tout ou partie d’entre elles.
La progression du nombre de groupements au début des années 2000 (cf. Tableau 33 et Annexe 9) est telle que la Loi
Chevènement peut apparaître comme la « recette miracle de l'intercommunalité ». (Delannoy et al., 2004, p. 77). Dans
les faits, cette recette repose sur plusieurs ingrédients complémentaires. Comme la Loi ATR, la Loi de 1999 réaffirme le
principe de la libre volonté des communes460 comme base de constitution des communautés. En outre, elle introduit,
parmi les règles de partage des compétences, le principe de détermination d’un intérêt communautaire, laissant ainsi
une souplesse dans la délimitation locale des tâches revenant au groupement et par voie de différence, de celles
demeurant dans la sphère des interventions communales. L’incitation financière à la création de communautés en
milieu aggloméré et de groupements intégrés est par ailleurs renforcée : le montant de DGF (en €/hab) versée aux
communautés d’agglomération est fixé à un niveau élevé, supérieur à celui des ex-communautés de villes et de
communes461 ; il est encore bien plus élevé pour les communautés urbaines462 et le principe d’une DGF bonifiée est
maintenu pour les communautés de communes adoptant le régime de la TPU ainsi qu’une intégration fonctionnelle plus
intense que celle prévue dans leur statut de base463. Les arguments financiers, en particulier au profit de ces
communautés, ont joué un rôle décisif dans l’adoption de la Loi puis dans sa mise en œuvre (Rangeon, 2000).
458 Les nouvelles communautés doivent toutefois désormais regrouper plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave.
459 La hiérarchisation démographique ainsi instituée est teintée d’arbitraire et aurait pu reposer sur d’autres critères de
différenciation. Les seuils ont été établis en référence à des études préalables conduites par l’Insee et portant sur la composition des
Aires urbaines et sur le zonage afférent.
460 Certes malmenée par l’introduction, dès 1959, de la notion de majorité qualifiée. La règle selon laquelle l'unanimité (des
communes) nécessaire pour la création d'un EPCI cède la place à celle de la majorité qualifiée. Il suffit en effet que la création soit
approuvée par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population
totale de celles-ci ou encore la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population
y soient favorables. La disposition s’avère ainsi coercitive pour un certain nombre de communes, sommées d’intégrer des EPCI.
461 La Dotation Globale de Fonctionnement des communautés d'agglomération s’élève à 250 F/hab. Les communautés de villes et les
communautés de communes à TPU ne bénéficiaient, en moyenne, que de 123 F/hab (Baghestani-Perrey, Verpeaux, 2000). En 1998,
le montant de la DGF avoisinait 103 F/hab pour les communautés de communes et les Districts à fiscalité additionnelle, 122 F pour
les Communautés de villes (Chouat, 1999).
462 69,50 €/hab (soit environ 458 F.).
463 Selon les termes de l’Article L5214-23-1 du CGCT, « Les [c]ommunautés de communes faisant application des dispositions de
l'article 1609 nonies C du code général des impôts dont la population est comprise entre 3 500 habitants et 50 000 habitants au plus
ou bien, lorsqu'elle est supérieure à 50 000 habitants, n'inclut pas de commune centre ou de commune chef-lieu de département de
plus de 15 000 habitants, sont éligibles à la dotation prévue au neuvième alinéa de l'article L. 5211-29 lorsqu'elles exercent au moins
quatre des cinq groupes de compétences suivants : 1° En matière de développement économique : aménagement, entretien et
gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale ou touristique qui sont d'intérêt communautaire ; actions
de développement économique ; 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : schéma directeur et schéma de
secteur ; aménagement rural ; zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire ; 3° Création ou aménagement et entretien
de voirie d'intérêt communautaire ; 4° Politique du logement social d'intérêt communautaire et action, par des opérations d'intérêt
communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées ; 5° Elimination et valorisation des déchets des ménages et
déchets assimilés. » La DGF peut alors atteindre 175 F/hab.
258
La Loi du 13 août 2004 relative aux Libertés et Responsabilités Locales apporte des précisions concernant l’organisation
intercommunale. Elle impose en particulier des délais pour définir localement l’intérêt communautaire, étend le
périmètre des compétences (et des pouvoirs de police) pouvant être transférées par les communes à
l’intercommunalité. Par ailleurs, elle assouplit le mode de fonctionnement intercommunal, en encourageant la fusion
des EPCI et la transformation des groupements vers une autre catégorie, plus intégrée sur le plan fonctionnel et fiscal464.
Malgré tout, en arrière-plan des succès quantitatifs de l’intercommunalisation, l’intercommunalité fait débat. Les
arguments ne manquent pas (Beaudouin, Pemezec, 2005 ; Cour des Comptes, 2005 ; Dallier, 2006). La carte
intercommunale n’est pas totalement satisfaisante. Des communautés peu intégrées, des communes isolées subsistent.
Les économies attendues ne sont pas au rendez-vous… Au mieux, l’intercommunalité et les communautés peuvent-elles
tenues comme étant au milieu du gué465. L’atteinte des objectifs recherchés au niveau national ne peut plus être autant
laissée entre les mains des acteurs locaux ; elle suppose un changement de méthode de la part des gouvernements.
Ces mutations se concrétisent avec la Loi du 16 décembre 2010 de Réforme des Collectivités Territoriales (RCT). Visant
la simplification des structures territoriales et à la réduction du nombre d’échelons territoriaux, celle-ci comprend entre
autres de nombreuses dispositions concernant les groupements intercommunaux. Elle entend notamment achever la
carte de l'intercommunalité. L’ensemble du territoire national devait ainsi être couvert par des Groupements à Fiscalité
Propre (GFP) à l’horizon 2013. L’intercommunalisation et l’intercommunalité prennent de la sorte un caractère imposé,
ce qui rompt avec les modes antérieurs de faire. Parallèlement, le nombre de groupements doit être réduit, leur
périmètre rationnalisé. Les pouvoirs des préfets en la matière sont renforcés. La formule des groupements à fiscalité
spécialisée ou unique est par ailleurs tenue comme préférable au régime de la fiscalité additionnelle. Afin d’améliorer
le fonctionnement de l’intercommunalité, le texte apporte également des précisions quant à la mutualisation des
services et des moyens. L’intégration est elle-aussi favorisée puisqu’il est précisé que désormais, toute compétence
communale peut faire l’objet d’un transfert à un EPCI. En outre, les problématiques des territoires les plus urbains et
les dynamiques de métropolisation reçoivent une (nouvelle) réponse institutionnelle (Négrier, 2012) : en vue de
favoriser l’intégration intercommunale ainsi que le rayonnement de ces territoires, est ouverte aux communes
concernées (et rassemblant plus de 500 000 habitants466) la possibilité de constituer une métropole, formant alors un
« espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement
économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la
cohésion ». L’éventail des EPCI à fiscalité propre s’enrichit de la sorte d’une nouvelle catégorie, contribuant au
pluralisme statutaire de l’intercommunalité (Frinault, 2019). Les métropoles sont dotées de compétences plus étendues
que celles des communautés urbaines467. Au sein de l’intercommunalité, la diversification des statuts et la
hiérarchisation par l’intégration fonctionnelle se poursuivent. Paradoxalement, au nom d’une dissymétrie persistante
dans l’organisation des charges et des moyens, le régime fiscal et l’organisation financière des nouveaux groupements
demeurent pratiquement inchangés par rapport à ceux des intercommunalités existantes (Navarre, 2017b).
Une réforme radicale de l’organisation territoriale pouvait difficilement s’envisager d’emblée puis s’imposer sans autre
forme de procès (Le Saout, 2012). Engagée avec la Loi RCT dans un mouvement de mutations, l’organisation n’en reste
pas moins marquée par des permanences (Marcou, 2012) et tout autant, par une dynamique persistante d’ajustements.
La période n’est en outre pas favorable : les contraintes pesant sur les budgets publics suscitent des crispations dans les
relations entre Etat et collectivités locales ainsi que des inquiétudes à propos des dotations revenant à ces dernières.
Qui plus est, la réforme de la taxe professionnelle est à l’ordre du jour. Sa suppression met à mal l’un des moteurs de
l’essor de l’intercommunalité urbaine et crée des incertitudes pour les acteurs locaux quant à son devenir.
464 Les apports précis de la Loi sont détaillés dans le document établi par le Service des Collectivités territoriales du Sénat n° CT 043
2003-2004.
465 L’expression est empruntée au Gridauh ayant consacré un Cahier (n°16-2006 Série Droit de l'habitat) à la place des
socioculturels, socioéducatifs et sportifs. Le rôle stratégique des métropoles est affirmé : les représentants de la métropole sont
associés de plein droit à l’élaboration, à la révision et à a modification des schémas et documents de planification en matière
d’aménagement, de transport et d’environnement, de la compétence de l’Etat ou d’une autre collectivité (Ministère de l’Intérieur,
2011). Les métropoles peuvent également recevoir (par voie de transfert ou de convention) des compétences auparavant dévolues
au département et/ou à la région.
259
Rien ne leur garantit en effet que le régime de la Fiscalité Professionnelle Unique (FPU) sera aussi porteur que celui
initié avec la TPU (cf. Chapitre 2).
Face à ces aléas, la Loi n° 2012-281 du 29 février 2012 vise à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte
intercommunale, à apporter des compléments, précisions…, destinés à réduire les difficultés d’application de la Loi RCT.
Entre autres, elle diffère (à 2012) la date limite d'arrêté des Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale
(SDCI) et facilite les concertations préalables à l’intercommunalisation dans chacun des territoires concernés.
La Loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles (MAPTAM)
ainsi que la Loi du 7 août 2015portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) complètent le
dispositif vertical régissant l’intercommunalisation et l’intercommunalité, dans ses formes diversifiées et hiérarchisées,
tissées sur un fond commun de standardisation de leurs principes organisateurs.
Tout en revenant sur certains principes de la Loi RCT, la Loi MAPTAM poursuit elle aussi des objectifs de modernisation
de l’organisation territoriale. En particulier, elle promeut l’achèvement de la carte intercommunale (en Ile de France),
pose les fondements de la Métropole du Grand Paris468 ; le statut des métropoles est en outre consolidé, leur nombre
accru et leurs compétences étendues. Elle étoffe également celles des communautés urbaines. La Loi NOTRe, dont les
contenus s’organisent autour de maîtres mots tels que simplification et clarification, impulse des changements majeurs
en matière d’intercommunalisation/d’intercommunalité et contribue à leur renforcement.
Elle suscite des mutations dans la géographie et dans la composition des groupements, en posant un seuil
démographique minimal pour les EPCI à fiscalité propre, fixé à 15 000 habitants469. L’intercommunalisation devient
réellement un passage imposé puisque toute commune est obligatoirement rattachée à un GFP. Les conditions
d’élaboration et de mise en œuvre des SDCI et des CDCI évoluent elles aussi, les pouvoirs préfectoraux étant par ailleurs
accrus (Braun, 2016). L’intégration fonctionnelle se poursuit, avec l’extension des compétences obligatoires et
optionnelles revenant aux communautés de communes et d’agglomération470 ; les dispositions régissant les
mutualisations sont en outre précisées.
Tableau 33 – Effectif des groupements à fiscalité propre selon leur statut, 1993 à 2018 (années choisies)
1993 1997 2002 2012 2018
Districts 252 316 - - -
Communautés urbaines 9 11 14 15 11
Communautés de communes 193 1 105 2 032 2 358 1 009
Communautés de villes 3 5
Communauté d'agglomération - - 120 202 222
Métropoles - - 1 21
Syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) 9 9 8 5 -
ensemble 466 1 446 2 174 2 581 1 263
Note : Années choisies en fonction de la disponibilité et, au sein des séries longues, postérieures à la parution des textes
de Loi modifiant l’intercommunalisation et l’intercommunalité
Source : élaboration à partir de Chouat (1999), DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC (diverses années)
Les éléments inclus dans les Lois MAPTAM et NOTRe ont généré de notables bouleversements pour les communes et
leurs intercommunalités. Leur mise en application s’est accompagnée d’une réduction de leur nombre, d’une extension
corrélative de leur périmètre, de nettes modifications dans la composition des groupements, de recompositions suite à
des fusions... A l’issue, la montée en puissance des formes les plus intégrées d’un point de vue fonctionnel et fiscal est
particulièrement nette (cf. Tableau 33 et Annexe 9). La portée des changements, alliée à l’agenda politique et à celui
des réformes, a été telle qu’elle a conduit la plupart des acteurs concernés à solliciter un temps de pause dans les
changements institutionnels et dans les transformations de l’organisation territoriale471.
468 La métropole du Grand Paris est un Etablissement Public de Coopération Intercommunale. En raison des particularités dans sa
genèse, des spécificités de son territoire, l’analyse de son organisation et de son fonctionnement (budgétaire et fiscal) nécessiterait
des développements à part entière.
469 Hors considérations particulières et considérations géographiques spécifiques (Article 33 de la Loi NOTRe).
470 La portée de l’intérêt communautaire est par ailleurs restreinte (par exemple en matière de développement économique).
471 Les textes de Loi récents ont plutôt vocation à conforter et à préciser l’organisation en place plutôt que celle de la bouleverser
de façon substantielle.
260
Même s’il n‘est pas certain qu’il ait permis d’atteindre les objectifs d’économies et de rationalisation budgétaire
attendues, le train des Lois récentes, prolongeant pour l’intercommunalité les dispositions instituées précédemment,
marque sans doute la fin du long cycle réformateur centré sur le ‘Meccano’ territorial. (Béhar, 2015b, p. 39).
L’intercommunalité et ses représentants sont alors en mesure de conformer leur mode de faire, politique, fiscal et
budgétaire, en usant des leviers d’adaptation à leur disposition dans le cadre d’une incontournable autonomie
territoriale, composant avec une préservation certaine de l’ordre communal.
261
262
1-Le bloc communal et la recréation d’un ordre de différences
Dans un premier temps, nous précisons les acceptions des termes que nous retenons et qui nous sont utiles
afin de saisir l’évolution des groupements en lien avec leurs communes constitutives ; ces précisions nous
servent également à cerner quelques-uns des objectifs explicites et des effets implicites de la montée en
puissance de l’intercommunalité dite moderne, telle qu’elle est organisée depuis les années 90 (1-1). Dans
un second temps, nous testons divers indices, contrastés et complémentaires, rendant compte du rôle
budgétaire assigné aux groupements au sein des ensembles intercommunaux (1-2). Ceci nous conduit à
illustrer quelles sont les différences régnant au sein du (sous-)système financier propre au bloc communal :
logiquement, sous l’effet des impulsions institutionnelles et des adaptations territoriales, ces différences ou
ces inégalités ne sont ni celles séparant les communes elles-mêmes, ni celles existant entre les groupements
tels qu’ils ont progressivement pris forme.
472 Les 2 termes sont équivalents. Est également utilisé le terme de secteur communal. Ce bloc ou secteur désigne l’ensemble
constitué par les communes et leurs groupements, soit encore l’ensemble des ensembles intercommunaux. Un ensemble
intercommunal désigne le groupement (à fiscalité propre) et les communes qu’il rassemble (cf. infra).
473 En 2017 par exemple, les communes et leurs groupements pesaient pour 56% des dépenses du secteur public local (ie. Communes,
groupements, départements et régions). Cette part s’élevait à environ 64% en 1987, à 62% en 1996. Les communes et leurs
groupements réalisaient 65% des dépenses locales d’équipement en 1996 et en effectuaient 71% en 2015 (cf. Annexe 8).
263
ayant porté sur les finances et sur la fiscalité locales, par des dynamiques économiques de différents ordres…,
tous mouvements qui n’ont pas miné la résilience du sous-ensemble financier auquel elles appartiennent ni
même sa soutenabilité (cf. Chapitre 1).
En cela, les modes de fonctionnement budgétaire des communes et de leurs groupements, leurs évolutions
présentent des analogies avec ceux des autres gouvernements locaux. Tout autant possèdent-ils des
spécificités.
L’une d’elles réside dans le fait que ces institutions se situent au plus près des territoires, qu’elles sont en
charge de missions dites de proximité. Ce qui sous-entend des modalités spécifiques de gouvernance, de
prises de décisions et de choix en matière de politiques locales (Bertrand, Moquay, 2004 ; Lefebvre, 2004),
les exposant à des orientations fiscales et financières spécifiques. Une autre de ces particularités tient au
nombre élevé de communes (et de groupements). La parcellisation qui en résulte est corrélative de
l’existence de fortes différences entre les situations financières communales voire intercommunales
(cf. Annexe 8). Nous avons d’ailleurs souligné combien les collectivités du bloc local étaient inégales devant
l’impôt, dans l’accès à des crédits. Sur le plan fiscal et financier, la diversité règne de la sorte au sein du
secteur communal, bien davantage qu’entre les régions ou les départements.
Ainsi tout en étant illustratives des modes de fonctionnement des systèmes financiers locaux, les situations
propres aux communes et aux intercommunalités portent à leur paroxysme un certain nombre de traits
communs à l’ensemble du secteur public local. Ce qui est propice au repérage de ses éléments les plus
saillants. Sans que son analyse puisse recevoir de portée générale et constituer une clé de lecture univoque,
le système financier du bloc communal nous semble alors être digne d’intérêt et pertinent pour l’élaboration
de pistes de réflexion concernant le secteur public local en général, ses finances en particulier.
Les traits marquants évoqués trouvent leurs fondements dans le processus même de construction de
l’intercommunalité, dans le mode de fonctionnement budgétaire des groupements en lien avec celui des
communes qui les composent. Si les statuts des EPCI et leurs régimes fiscaux sont formalisés selon des règles
et des principes standardisés, ce cadre laisse place à des adaptations territoriales (cf. Encadré 14). Ainsi se
forment des ensembles intercommunaux, aux organisations budgétaires singulières.
474 Nous désignons les regroupements de communes qui en résultent comme des Etablissements Publics de Coopération
Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou bien comme des Groupements à Fiscalité Propre (GPF), ou encore comme des
communautés. Dans la mesure où nos développements portent exclusivement sur les regroupements dotés d’une fiscalité et dont
les représentants exercent un pouvoir fiscal, les termes de ‘fiscalité propre’ sont bien souvent omis.
264
Nous l’avons évoqué, l’histoire de ce processus ou celle de cet état sont anciennes, les communes coopérant
dans les faits de longue date (Le Saout, 2019). Néanmoins, l’intercommunalisation telle qu’elle se concrétise
depuis un peu plus de 3 décennies sous la forme des communautés475, ou bien encore d’intercommunalité
communautaire (Estèbe, 2019), est radicalement différente du processus qui a conduit les communes à
s’associer pour constituer des syndicats476. Les coopérations aboutissant à la création de communautés sont
d’ailleurs dites fédératives quand les formes syndicales sont qualifiées d’associatives (Caillosse, 1995 ;
Madiès, 1997). Les différences séparant les unes et les autres ne sont toutefois pas de pure terminologie :
elles sont à la fois substantielles et procédurales. Nous mentionnons quelques-unes d’entre elles, en ce
qu’elles servent à illustrer des spécificités de l’intercommunalité telle qu’elle prévaut désormais, notamment
dans ses aspects budgétaires477.
Alors que la création des syndicats relève essentiellement d’une logique horizontale, les communautés ont
été installées et instituées dans une logique verticale ou descendante. Tout en faisant l’objet d’une
élaboration itérative conjuguant divers types d’intérêts, les dispositions qui régissent l’intercommunalité
communautaire ont en effet été conçues à partir de volontés parlementaires, gouvernementales. Les
objectifs de rationalisation poursuivis au travers de l’intercommunalisation ont peu à peu pris le pas sur les
choix locaux d’association. Ainsi les mesures issues des desseins réformateurs ont-elles remis « en cause le
principe de la libre coopération qui prévalait depuis les premières formes d’intercommunalité mises en place
dans les années 1890 » (Desage, 2010, p. 91). Ces desseins se sont concrétisés sous différentes formes et les
incitations initiales adressées aux communes pour qu’elles se regroupent sont devenues de plus en plus
prescriptives (Baudelle, Chaboche, 2002) ; elles se sont lentement transformées en obligations478. Il en a
résulté des transformations radicales de la géographie comme de la composition des intercommunalités.
L’une comme l’autre diffèrent en conséquence profondément de ce qui prévalait (voire de ce qui persiste
encore) avec les syndicats intercommunaux, en tant que formes de coopération constituées « à la carte »479,
de subsidiarité480 résultant des volontés communales (Duranthon, 2019).
Des réformes successives visant à promouvoir puis à généraliser l’intercommunalité fédérative est issu un
faisceau de dispositions normatives, créant un cadre de contraintes ainsi qu’un régime unifié, dans lesquels
l’intercommunalisation et l’intercommunalité vont prendre place. Ceci vaut par exemple non seulement du
475 Le terme est entendu de façon générique. L. Baghestani-Perrey et M. Verpeaux (2000, p. 26-27) indiquent que « Le vocabulaire
en matière de coopération intercommunale a été longtemps empreint d'un certain archaïsme qui n'aidait pas à donner une image
moderne aux institutions qu'il désignait », le terme de communauté étant lui-même à la fois ancien et polysémique.
476 Voire les conduit encore même si la Loi de Réforme des Collectivités Territoriales du 16 décembre 2010 (RCT) puis la Loi n° 2015-
991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ont visé la réduction de ce nombre de
structures.
Outre sous les formes de SIVU et de SIVOM, les communes peuvent par ailleurs s’associer avec d’autres types de collectivités,
formant alors des syndicats mixtes (ouverts ou fermés).
477 L’objectif n’étant pas d’opposer les formes associatives et l’intercommunalité fédérative, ni même de les hiérarchiser. Les
Syndicats ont été, voire demeurent, des contributeurs essentiels à la production de maints services publics locaux, des acteurs
politiques fortement présents dans les alliances et/ou rivalités locales ; ils ne sauraient être tenus comme des institutions purement
techniques ou de simple gestion (Guéranger, Poupeau, 2019).
478 Moins autoritaires et radicales toutefois que celles visant à la fusion des communes (telle qu’elle avait été envisagée dans les
années 1970).
479 Les Syndicats intercommunaux n’existent pas en dehors de tout cadre institutionnel et formalisé. Ils possèdent des statuts, un
budget comprenant des contributions en provenance des communes associées, en contrepartie des dépenses assumées par le
Syndicat en leur lieu et place. Néanmoins, le regroupement est dans ces cas de figure volontaire. Les communes choisissent ou non
de se regrouper, confient au Syndicat tout ou partie des missions de leurs choix, en accord bien entendu avec leurs partenaires. Elles
appartiennent à un ou plusieurs Syndicats, selon leurs convenances. Le nombre (encore) élevé de ces structures est révélateur de
leur adaptation aux besoins de mutualisation, auxquels il est répondu dans un cadre souple.
480 Le concept de subsidiarité étant entendu comme la reconnaissance de la primauté de principe de l’échelon inférieur et la
possibilité conditionnée du niveau supérieur d’engager une action subsidiaire lorsqu’un besoin collectif le suppose et que les niveaux
inférieurs en reconnaissent la légitimité (Duranthon, 2019, p. 908).
265
point de vue de l’importance démographique de l’ensemble à constituer mais également de sa composition
en termes de communes. Aux contours résultant des choix des exécutifs locaux se substituent des périmètres
de groupements qui se veulent pertinents481 et qui relèvent d’un redécoupage territorial sous contrôle
(Deffigier, 2007) ; ils procèdent même bien souvent de décisions (préfectorales) autoritaires482.
Avec l’intercommunalisation telle qu’entendue se produit également une mutation dans le partage des
tâches entre les communes et leur groupement. Le processus de dévolution rompt avec celui qui fonde les
formes associatives : le choix de mise en commun effectué par les communes formant le(s) syndicat(s) est
remplacé par un modèle à la fois standardisé et impératif de transfert auquel les communes participantes et
leur communauté doivent se ranger. Le projet d’intercommunalisation vise également à simplifier
l’organisation en place en la libérant d’une multitude, voire d’une prolifération, de structures syndicales,
aussi diversifiées les unes que les autres, que ce soit dans leur composition ou dans leurs missions. Avec
l’intercommunalité, l’élargissement du périmètre d’exercice des compétences est censé être source
d’économies et de dépenses évitées (Cour des Comptes, 2005, 2017 ; Desjardins, 2014 ; Paty, Ubeda, 2019) ;
la systématisation dans leur organisation est en outre tenue comme gage d’efficacité.
Ceci suppose dès lors qu’un certain nombre de tâches soient exercées par les groupements plutôt que par
leurs membres. Des dispositions légales organisent des transferts de compétences en ce sens
(cf. Encadré 14). Avec l’intercommunalité communautaire, « Il ne s'agit plus seulement de gérer ensemble
des services publics locaux (…), mais de partager des compétences » (Delannoy et al., 2004, p. 77). Quel que
soit son type, tout groupement devient par exemple de droit attributaire des missions relevant du
développement économique et de l’aménagement de l’espace, considérées comme stratégiques et
structurantes. Cette règle établit une forme de standardisation des intercommunalités. Simultanément, une
différenciation, voire une hiérarchisation, est opérée selon les types de communautés : les plus importantes
d’entre elles (d’un point de vue démographique), soit encore les plus urbaines, sont statutairement les plus
dotées en compétences.
Corrélativement sont posés divers principes régissant les champs d’intervention respectifs des communes et
du groupement dont ceux majeurs de spécialité (fonctionnelle) et d’exclusivité. Ces règles instaurent une
séparation des interventions, soit encore une spécialisation dans la conduite des actions au sein des
périmètres intercommunaux. Une telle division est d’ailleurs antinomique d’autres voies, dont celle que
représentent les solutions interterritoriales ; pourtant, en réalité, celles-ci guident maintes interventions des
collectivités (cf. Chapitres 1 et 3). En outre, la spécialisation ou la spécialité ne peut manquer d’avoir des
incidences sur les financements des interventions au sein des périmètres intercommunaux : elle sous-entend
que ceux-ci deviennent quasiment exclusifs.
Si la spécialité en tant que synonyme de clarification est instituée, pour autant, la communauté est placée
sous le signe de l’intégration483. La transversalité pratiquement inhérente à l’action publique locale sous-
entend indéniablement des dépendances entre les politiques conduites par les communes comme par le
groupement. Il est attendu que ces actions convergent vers un tout cohérent ; leurs financements ne peuvent
alors être totalement dissociés. La notion de projet de territoire, associée à celle d’intercommunalité, scelle
481 A elle seule, leur dilatation progressive au fil des textes suffirait à indiquer que la notion de pertinence (institutionnelle, territoriale,
incorporation à un même système. Le terme de mutualisation, que nous employons parfois, reçoit également plusieurs acceptions
selon les finalités et domaines disciplinaires. En première approche, il peut signifier une mise en commun (de moyens, de charges…).
266
d’ailleurs les interdépendances ; elle dessine des intentionnalités pour le territoire intercommunal que la
communauté a charge de fédérer. Les entités regroupées et le groupement lui-même participent à la
construction de ce projet, à celle du récit politique qui accompagne ces ambitions et ce, même si leurs
représentants n’en sont pas les seuls protagonistes (Béhar, Estèbe, 2002 ; Bontron, 2011 ; Béhar et al., 2014).
Parvenir à un partage fonctionnel des compétences qui soit adéquat, à une combinaison cohérente des
interventions et à l’effectivité des solutions retenues est en effet tout aussi impossible à obtenir que la
délimitation d’un périmètre pertinent d’action (Béhar, 2007).
Il reste que, tel qu’opéré avec l’intercommunalité communautaire, le transfert des compétences relève
simultanément d’un changement de degré et de nature dans le rôle attribué aux communautés, au regard
des formes préexistantes. Il revient en effet à ces nouvelles formes de groupements d’exercer leurs
compétences à la fois en uniformisant la production des services publics locaux de leur ressort tout en
intégrant la diversité des dispositifs existants et en s’adaptant à la variété des besoins (Douence, 2003).
Le renforcement de la cohésion et la résorption des inégalités entre les communes sont de ce fait partie
intégrante du rôle dévolu à l’intercommunalité. Ce qui place d’emblée cette dernière dans un assemblage
d’enjeux antinomiques (Dallier, 2006) : la concrétisation d’un projet de territoire et la conduite de politiques
d’égalisation des situations sous-entendent des dépenses quand les regroupements sont proposés comme
des vecteurs d’économies. Comment l’organisation budgétaire de l’intercommunalité intègre-t-elle ces
tensions tout en ménageant les différents intérêts et forces en présence ?
Qui dit transfert de compétences (et donc de charges) en direction du groupement dit simultanément
affectation à cette entité de ressources proportionnées à l’exercice des missions qui lui reviennent. La
rationalisation dans l’usage des moyens ne peut aller sans son pendant, c’est-à-dire sans une recherche
d’optimisation, de mutualisation… dans la mobilisation des recettes accessibles aux entités concernées. Les
préoccupations valant pour chaque groupement se doublent d’objectifs d’ensemble : la question de la
dynamique des recettes de l’intercommunalité ne peut être passée sous silence dans la mesure où elle est
une des garanties du succès de l’intercommunalisation, de son expansion telle qu’elle est prônée à l’occasion
des réformes successives ; l’évolution des produits intercommunaux doit toutefois être compatible avec les
limitations nationales imposées aux prélèvements obligatoires et notamment à ceux relevant du secteur
public local (Mercier, 2004). Les formules retenues conjuguent de ce fait des impératifs à la fois locaux et
nationaux.
Celles adoptées diffèrent en conséquence des modalités en vigueur pour les entités syndicales. Alors que le
budget des syndicats est alimenté par des contributions résultant de négociations entre les communes
parties prenantes, des règles à la fois plus impératives et plus automatiques sont mises en place pour les
groupements institués (cf. Encadrés 14 et 15). Elles sont conçues afin de doter la communauté de ressources
fiscales et de lui conférer un pouvoir de taxation en propre484, distinct de celui de ses communes-membres.
La progression des produits est ainsi assurée par la dynamique des bases taxables du ressort de la
communauté et/ou par l’usage du levier fiscal à disposition des conseils communautaires. Plus
substantiellement, parallèlement à l’installation de ces exécutifs, à la dotation des groupements en moyens
humains (cf. infra), l’instauration d’une fiscalité propre aux groupements va bien au-delà de stricts impératifs
fiscaux ou budgétaires : elle participe à la redistribution au niveau local des ressources (d’autorité,
d’expertise et financières) fondant les pouvoirs locaux (Faure, 2012) et ainsi, à la constitution d’un nouveau
cadre institutionnel pour la fabrique territorialisée de l’action publique (Epstein, 2012).
Doter un nouvel échelon de ces ressources ne peut pour autant signifier en déposséder un autre et ce,
d’autant que les communes sont installées de longue date, que leurs représentants sont attachés à leurs
484 Ce qui est somme toute exceptionnel, s’agissant d’un Etablissement public (et non d’une collectivité).
267
prérogatives et à leurs moyens d’action. Compte tenu des représentations politiques et collectives, il est
entendu que la commune reste le socle administratif, territorial de la France, qu’il n’est pas ou difficilement
envisageable de porter atteinte à ce creuset territorial (Albert, 2011). En particulier, dessaisir les exécutifs
communaux d’une partie de leur pouvoir fiscal et leurs collectivités du produit des contributions qu’elles sont
accoutumées à percevoir ne pouvait qu’aviver les réticences, bien souvent fortes, à l’égard des formes
imposées de l’intercommunalité. Cette dernière est ainsi construite en ménageant une donnée
incontournable en la présence des communes.
Divers régimes fiscaux sont par conséquent établis, composant avec les résistances à l’œuvre tout en veillant
à assurer la viabilité fiscale et financière du groupement. Globalement, à l’image de la gradation entre les
différents types de communautés telle qu’elle vaut sur le plan fonctionnel, une progression est instaurée
dans l’intégration par la fiscalité. Elle va d’une superposition (ménageant les communes et leur taxation) à
une spécialisation (dissociant les impositions des diverses parties prenantes) et passe désormais par une
combinatoire de ces deux variantes. Dit autrement, les différentes formules s’échelonnent entre une simple
complémentarité de la fiscalité communale et intercommunale et une véritable substitution dans les
pouvoirs de taxation. Les impératifs de mutualisation, quand ils constituent des maîtres-mots de
l’intercommunalisation et de l’intercommunalité, reçoivent de la sorte diverses déclinaisons, apparaissant
comme autant de formes de compromis entre une pluralité d’exigences difficiles à concilier.
Les variantes instituées dans les types de communautés, dans leur intégration fonctionnelle et dans leurs
régimes fiscaux ne sont cependant pas suffisantes pour que le dispositif s’adapte à la diversité des
configurations territoriales et à l’exercice de choix politiques locaux. L’intercommunalisation laisse en
conséquence une place à des ressorts d’adaptation, à des arrangements entre les représentants des
communes et des groupements ; elle aboutit à de multiples états d’intercommunalité.
Sur le plan des transferts de compétences, en faisant varier l’importance de ceux rendus obligatoires et
l’étendue des missions devant revenir aux groupements selon leur type, les textes et obligations légales
préservent d’emblée une compatibilité entre le principe d’unité nationale et des nécessités de prise en
compte des différences territoriales486.
485
Voire qu’elles l’apprivoisent.
486
Cette variabilité est illustrative, nous l’avons évoqué, de différences dans les représentations à propos de la conduite de l’action
publique locale, selon qu’elle se déploie dans des contextes plutôt ruraux ou qu’elle se déroule dans des ensembles urbains.
268
Par ailleurs, les modalités de la répartition ne sauraient faire abstraction des questions relatives à
l’organisation fonctionnelle des tâches ressortant de la production des services publics locaux et aux
modalités techniques de gestion. Le dispositif intègre par conséquent des zones de différenciation et
d’adaptabilité.
Pour exemple, bien souvent, les compétences sont complexes, composites et partant, sécables487 ; chacune
de leurs sous-parties peut alors donner lieu à une affectation particulière soit en étant remise à la
communauté, soit en demeurant dans le périmètre des interventions communales. Des zones d’arbitrages
existent également en matière de compétences optionnelles et facultatives488. Par ailleurs, lorsqu’elles sont
laissées ouvertes, les possibilités de définir l’intérêt communautaire (vs communal) donnent aux
groupements et à leurs communes des latitudes pour délibérer à propos de ce qui revient à l’un et l’autre de
ces niveaux de gouvernement489. Les dispositions organisant les mutualisations laissent encore la place pour
de multiples accommodements (cf. infra). De la sorte, y compris à statut donné de groupement, des
opportunités sont offertes pour une diversification dans les répartitions et dans les pratiques de mises en
commun selon les intercommunalités. Les analyses existantes indiquent d’ailleurs qu’il règne une très forte
diversité entre les intercommunalités dans ce qui reste aux mains des communes et dans ce qui échoit aux
groupements (Frinault, Le Saout, 2011 ; Talandier, Estèbe, 2012 ; Le Saout, 2015)490. L’organisation finale
subit la loi de la réalité des pratiques géopolitiques locales (Béhar, 2014). En cela, l’intégration fait l’objet
d’oscillations à la fois territoriales et temporelles.
Conjointement, des ressorts pour l’adaptation des partages prescrits en matière de recettes fiscales ont été
prévus. Probablement parce qu’il s’agit de ressources stratégiques et que les sensibilités en la matière,
qu’elles soient politiques ou politiciennes, sont fortes (cf. Chapitre 2), la répartition des pouvoirs et des
produits fiscaux entre communes et communautés demeure relativement rigide. Le fait qu’une taxation soit
propre au groupement et que le pouvoir fiscal revenant aux communes soit en tout ou partie préservé assure
aux exécutifs de chacun des échelons des marges suffisantes d’autonomie pour ne pas imposer de
négociations particulières. Le dispositif laisse toutefois des possibilités d’ajustement, moindres cependant
que celles existant en matière de compétences. Les exécutifs locaux peuvent par ailleurs opter en faveur
d’une intégration (fiscale) accrue491. Ce que leur permet par exemple la formule de la fiscalité dite
territorialisée (de Saint Sernin, 2003). Est également ouverte aux communautés de communes la possibilité
487 La compétence « élimination et valorisation des déchets » au sein de laquelle il est possible de distinguer la collecte du traitement
est dite sécable. La compétence « scolaire » est également sécable en différentes activités, pouvant faire l’objet d’une prise en charge
différente. °Pour les communautés de communes, « l’assainissement » était, en application de l'article L. 5214-16 du CGCT, une
compétence (optionnelle et) sécable. Suite aux modifications introduites par la loi NOTRe, la compétence « assainissement » est
désormais une compétence globale, non divisible. Il est à noter que « La loi exclut dans certains cas la possibilité de morceler les
compétences en prévoyant le transfert de blocs entiers de compétences (pour les établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre) ou en organisant elle-même les modalités du transfert dans certains domaines. » (source :
www.collectivites-locales.gouv.fr)
488 Hors les répartitions de compétences telles qu’instituées et décidées, les communes et le groupement peuvent en outre conclure
des conventions par lesquelles ce qui relève de leurs attributions est confié à l’autre partie.
489 L'intérêt communautaire permet de tracer, pour certaines compétences (obligatoires et optionnelles) définies par la Loi, les axes
d’intervention de la communauté. Il constitue une ligne de partage, au sein d’une compétence, entre les domaines d’action transférés
à la communauté et ceux qui demeurent au niveau des communes. La définition de l’intérêt communautaire s'opère au moyen de
critères objectifs de nature financière (seuils) ou reposant sur des éléments physiques (voire géographiques) ou qualitatifs (donnant
alors lieu à un énoncé objectif et précis) (source : à partir de la Fiche de définition de l’intérêt communautaire établie par la Préfecture
des Pyrénées Atlantiques, disponible en ligne :
http://www.pyrenees-
atlantiques.gouv.fr/content/download/14827/98406/file/fiche%20définition%20de%20l%27intérêt%20communautaire.pdf).
490 Evaluant pour le compte du CGET les incidences en termes d’ingénierie de la réforme (dite Lamy) intervenue en 2014 et portant
sur la conduite de la Politique de la Ville, nous avons eu l’occasion de constater combien les partages des rôles entre communes et
intercommunalités dans ce domaine particulier d’action variaient, pour divers sites d’étude, en dépit des dispositions énoncées dans
le texte de Loi (Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine).
491 Au regard du régime de droit ou commun allant avec le type de communauté.
269
de passage à la fiscalité spécialisée (ou professionnelle unique) alors que la fiscalité additionnelle constitue
leur régime de droit. L’exercice des choix politiques locaux à l’endroit des régimes fiscaux et de leurs
évolutions aboutit en conséquence à une réalité bien plus complexe que celle que laisse a priori entendre la
catégorisation en termes de statuts et de régimes fiscaux des groupements.
Il reste que la mise en commun des charges et celle des ressources ne sauraient être pensées de façon
autonome ; la viabilité budgétaire de chacune des entités impliquées, voire sa soutenabilité (telle
qu’entendue – cf. Chapitre 1), serait sinon menacée. Le sujet n’est pas anodin puisque l’intégration
fonctionnelle et l’intégration par la fiscalité relèvent dans leur conception de deux logiques différentes. Dans
les faits, elles ressortent de deux registres indépendants de décision. En cas de spécialisation fiscale, rien ne
garantit a priori que les montants des charges incombant au groupement soient équivalents au produit des
recettes issues de la taxation dont il devient détenteur. Afin que l’équilibre budgétaire de l’ensemble des
entités parties prenantes soit préservé, des mécanismes de reversement financier doivent nécessairement
accompagner les transferts (cf. Encadré 15). Ils sont régis par le principe de neutralité budgétaire. En son
nom, une communauté à FPU (ou mixte) reverse à chaque commune-membre, sous forme d’Attribution de
Compensation (AC), le différentiel entre le produit fiscal qu’elle perçoit à partir du territoire communal et le
montant des charges qui lui ont été remises par la commune en question.
Le principe, simple dans sa logique, l’est moins dans sa mise en application. Contrairement aux apparences,
ses impacts sont par ailleurs loin d’être neutres. En tant que tel, il est en effet potentiellement porteur de
déséquilibres de moyen et/ou de long terme, en raison de la dissymétrie, irréductible, entre les dynamiques
des charges et celles des ressources492. Ces évolutions peuvent difficilement être anticipées. Les trajectoires
effectives engendrent des gains et des pertes, alternativement pour les communes ou pour le groupement,
dont l’ampleur est de nature à fragiliser l’organisation financière d’ensemble. Qui plus est, la dissymétrie
vaut d’emblée, dès le stade de l’évaluation réalisée à l’occasion du transfert. Compte tenu de la conception
de la comptabilité locale, il est en effet quasiment impossible de parvenir à une connaissance objective des
dépenses relatives aux charges transférées493. De ce fait, implicitement, le processus de détermination prend
un tour non seulement technique mais surtout politique. Il est propice à l’expression du rapport de forces
entre le groupement et chacune de ses communes-membres, chaque entité cherchant à maximiser ses
avantages/à minimiser ses désavantages, ainsi qu’à des incertitudes pouvant difficilement être levées. Il n’est
alors pas à exclure que les versements intègrent la contribution à verser par la communauté aux institutions
municipales en vue de parvenir à la constitution du groupement. L’intercommunalité pourrait alors être prise
au piège des principes qui la régissent… Les négociations et leurs produits ne signent toutefois pas une
situation d’impasse intercommunale. Des analyses précises montrent en effet que les représentants des
communes construisent progressivement leur positionnement en intégrant les réalités financières de
l’intercommunalité, dont ils sont tributaires (Reigner et al., 2010 ; Benchendikh et al., 2011 ; Le Saout, Ségas,
2011).
Des négociations et des arrangements territorialisés prévalent également en matière d’établissement puis
de formulation des critères de partage de la Dotation de Solidarité Communautaire (DSC) instituée en vue de
procéder à une péréquation (financière) entre les communes-membres. Les solutions sont nécessairement
territorialisées tant les visions de l’égalité locale et les besoins d’égalisation peuvent être variables
492 Le montant de l’AC est évalué à la date du transfert. L’intercommunalité encourt le risque que les compétences dont elle devient
détentrice se révèlent au fil du temps de plus en plus coûteuses sans que les recettes fiscales qui lui ont été remises progressent de
la même façon. Le mécanisme de la FPU protège les communes des risques (fiscaux) imputables à des pertes de matière fiscale
(départs d’entreprises, cessations d’activités…) ; en raison de la mutualisation et de l’élargissement du périmètre de taxation, ces
aléas sont moins préjudiciables pour le groupement. Les communes peuvent être perdantes si elles ont remis à la communauté des
recettes fiscales progressant plus rapidement que les charges qu’elles lui ont transférées.
493 En dépit d’une catégorisation fonctionnelle des flux financiers, elle est inappropriée à l’évaluation des montants de dépenses et
270
(Uhaldeborde, 1995). Tout en visant à lisser les différences entre communes, la formalisation du dispositif et
sa mise en application sont potentiellement sources de différences entre intercommunalités. Les analyses
disponibles indiquent d’ailleurs que, autour d’un régime commun de critères prioritaires, les formules de
répartition sont fortement diversifiées : comme en matière d’Attribution de Compensation, le cadre prescrit
peut être adapté et s’adapte aux réalités locales (Rousseau, 2004 ; Guengant, Leprince, 2006 ; Gilbert,
Guengant, 2008).
L’usage de la notion d’ensemble intercommunal à des fins d’analyse engage à se départir en tout ou partie
de potentiels débats, voire de controverses, qui porteraient uniquement sur l’effectivité des communautés.
L’objet n’est pas tant d’interroger le pouvoir de transformation assorti à la création de ces institutions, leurs
seules capacités effectives d’action, leur unique contribution aux objectifs annoncés de rationalisation… que
d’intégrer leur existence et même leur-co-existence aux côtés des communes qu’elles fédèrent peu ou prou.
L’analyse des mécanismes de « municipalisation de l’intercommunalité » ou de l’« intercommunalisation des
municipalités » (Le Saout, Segas, 2011) ne nous est en outre pas réellement accessible, pas davantage que
celle de l’autonomie respective de la communauté et de ses membres (Le Saout, 2000)494.
La notion d’ensemble intercommunal peut être tenue comme représentant un état « augmenté » 495 au
regard de celle d’intercommunalité telle que nous l’avons mobilisée. Elle en précise en effet le contenu, lui
confère une substance autant fonctionnelle que financière tout en articulant ces deux dimensions à des fins
d’action. Elle sous-tend en effet une mobilisation de ressources et la réalisation de dépenses, en lien avec
l’exercice de compétences au sein d’un périmètre conjoint d’intervention qui s’entend comme les limites
consacrées avec l’intercommunalisation. Plus globalement, c’est bien au sein de ce sous-ensemble que
s’élaborent puis se conduisent496, avec des contributions des communes et de leurs communautés, les
494 Elle est en effet principalement le fruit d’analyses en termes de sociologie (politique).
495 A l’aide d’éléments qui, comme nous l’avons évoqué, tout en étant réels ne sont pas réellement tangibles et/ou évaluables.
496 En tout ou partie (cf. supra).
271
politiques qui vont présider à l’action publique intercommunale. Ainsi conçus, ces ensembles se présentent
à notre sens comme des analyseurs-clés des organisations fiscales et financières locales.
Plus précisément, chacune des entités participant à l’ensemble possède sa propre organisation budgétaire,
conduit ses politiques financières de dépenses et de recettes, tout en étant liée aux autres par des
mécanismes budgétaires dont elle ne peut se déprendre. Ensemble, elles donnent consistance au système
financier intercommunal. La configuration budgétaire de chaque ensemble prend une forme territorialement
différenciée, ce qui lui confère une certaine unicité. Son inscription dans le régime commun des dispositions
statutaires, fiscales… fonde des similitudes entre ensembles, soit encore une unité certaine au tout qu’ils
forment.
Nous formulons l’hypothèse que l’existence d’une certaine unicité propre à chacun des ensembles
intercommunaux et parallèlement, celle d’une unité certaine pour le sous-système qu’ils constituent
proviennent de la combinaison de deux logiques intervenant conjointement, l’une parcourant
l’intercommunalité dans le sens de la différenciation et l’autre, à l’inverse, l’enjoignant à la standardisation.
Ces deux logiques se manifestent parallèlement aux processus suscitant pour les uns une inertie (préservant
par exemple les institutions communales), pour les autres une mise en mouvement (visant la promotion de
l’intercommunalité). Poursuivant, nous postulons que l’état de fait qui en résulte, conjuguant diversité et
homogénéité d’un côté, stabilité et mutations de l’autre, vaut en particulier d’un point de vue fiscal et
financier.
Sans entrer dans l’analyse précise des logiques et processus en question497, plusieurs constats étayent notre
hypothèse. Ils révèlent que les facteurs fondant ces mouvements à l’oeuvre sont divers, qu’ils peuvent jouer
de façon concourante ou antinomique.
Ils trouvent incontestablement leurs origines dans l’intercommunalisation telle qu’elle se met en place
progressivement au fil des réformes. Ainsi, nous l’avons évoqué, la catégorisation imposée pour les
communautés participe des processus de standardisation et de différenciation. S’ils empruntent à un fond
commun, les statuts sont différenciés, hiérarchisés ; les partages des rôles et des moyens sont fixés. L’usage
des leviers d’adaptation laissés à disposition du local vient cependant briser la pseudo-uniformité ou la
pseudo-différenciation telle que posée avec la combinatoires des statuts et des régimes fiscaux. La
généralisation de l’intercommunalité, l’appartenance de toute commune à une communauté devenant la
norme, marque cependant une fin dans la prise en compte des différences territoriales. Et tout
particulièrement, « en imposant des normes semblables partout, la loi NOTRe méconnaît la diversité
historique, géographique et culturelle des territoires français » (Dumont, 2018, p. 3). Implicitement, cette
propagation enjoint également à un ordre fiscal et financier. Ainsi par exemple le régime de la fiscalité
professionnelle unique est-il tenu comme un idéal qui pouvait difficilement être imposé d’emblée. Les
incitations financières ont concouru à son adoption de la part de communautés de communes, abandonnant
alors la fiscalité additionnelle qui constitue leur régime de droit. Indirectement, les dernières modifications
en date apportées à ces communautés, rehaussant leur importance démographique, ont été décisives :
pratiquement toutes celles existantes ont basculé vers la fiscalité spécialisée498. Cette dernière prévaut
497 Les processus de différenciation et de standardisation/homogénéisation des ensembles territoriaux sont analysés de longue date,
notamment dans le champ des sciences politiques. Les références et modes d’approche qu’ils sous-entendent sont toutefois hors de
notre portée.
498 En 2002, 30% des communautés de communes (soit 28% du total des groupements à fiscalité propre GFP) avaient adopté la
fiscalité professionnelle unique ; en 2018, elles étaient 80% (soit 64% des GFP). Cf. Annexe 9.
272
désormais largement, supplantant de très loin la fiscalité superposée499. Les dispositions instituent une
hétérogénéité puisque, à statut donné, peuvent exister des régimes fiscaux hérités et inchangés aux côtés
de solutions différentes d’intégration fiscale, récemment adoptées.
Les analyses existantes indiquent en outre que si des éléments d’ordre (socio)politique, l’adhésion plus ou
moins forte à des objectifs ou à des impératifs de rationalisation budgétaire, les dynamiques
démographiques et les modalités du développement territorial… ont des incidences sur
l’intercommunalisation et sur l’incorporation des communes au modèle commun, les choix des acteurs
locaux contribuent de façon substantielle aux progressions constatées. La diffusion de la solution
intercommunale s’effectue en effet bien souvent de proche en proche, au nom des comportements
d’imitation adoptés par les acteurs politiques locaux (Chaboche, Baudelle, 2002). Ces derniers peuvent être
enclins à adopter des formules consensuelles et/ou éprouvées dans d’autres contextes territoriaux (Desage,
2009). Lorsqu’il leur est donné d’intervenir, les édiles optent en outre pour des modalités contrastées
d’appariement : l’endogamie et l’entre-soi ont pu prévaloir localement quand, face à des enjeux défensifs ou
de réticence aux partages, les communes ont constitué des clubs où régnait une forme d’hétérogénéité
(Frère, nd ; Delannoy et al., 2004 ; Estèbe, Talandier, 2005). Une nouvelle carte des alliances, fondées sur des
(dis)similitudes socio-économiques, politiques… se superpose à l’ordre communal.
Il apparait que le cycle majeur de différenciation dans lequel s’inscrivaient les territoires et leurs
représentants serait en passe de trouver progressivement son terme, moins par effet de sujétion à une
norme descendante que par une libre conformation des acteurs locaux autonomes adoptant des modèles
uniformes régissant aussi bien les objectifs que les contenus des politiques conduites localement (Epstein,
2012). Certes, selon les domaines d’intervention, la tension entre différenciation et isomorphisme n’est pas
identique500. On peut dès lors admettre qu’il en va de façon similaire du point de vue des politiques et des
organisations financières mises en place au sein des ensembles intercommunaux : sans que l’on puisse
réellement déterminer quelle est la force actuellement dominante, sous le poids des changements allant de
pair avec l’intercommunalisation, les solutions retenues par les exécutifs locaux peuvent alternativement
emprunter au registre de la différenciation et à celui de la standardisation.
Il reste que d’un point de vue institutionnel, l’organisation différenciée des communautés doit coexister avec
le « maintien d'un régime communal formellement uniforme. » (Douence, 2003, p. 140). L’organisation du
partage des ressources entre institutions intercommunales et communales est enserrée dans cette tension.
Alors que chaque communauté doit se ranger au modèle statutaire et/ou fiscal qui lui est prescrit, il lui revient
de composer avec une égalité de fait imposée par l’autonomie de toutes ses communes constitutives ;
chacun des exécutifs municipaux est en effet détenteur de la clause de compétence générale et doit être en
mesure de procéder à la conduite de missions de proximité. Ce qui ne peut aller sans incidences sur le mode
de fonctionnement, d’intervention financière des communautés vis-à-vis de leurs membres. Les
groupements, tendus par des effets de différenciation, sont ainsi conjointement soumis à des forces de
rappel issues de l’organisation communale ; celles-ci les enjoignent à un traitement semblable d’entités
finalement égales en droits. Les tensions qui en résultent ne peuvent manquer d’irriguer les politiques de
redistribution financière mises en place au niveau des groupements en direction de leurs membres.
499 En 2002, 33% des groupements (représentant 33% des communes regroupées et 54% de la population des groupements à fiscalité
propre) étaient placés le régime de la FPU ; en 2018, ils sont 84% (regroupant également 84% des communes et 93% de la population
regroupées). Cf. Annexe 9.
500 R. Epstein souligne en effet que toutes les politiques sectorielles ou transversales ne sont pas soumises aux mêmes impératifs, à
273
Aussi peut-on retenir qu’en toute logique, les processus de différenciation et de standardisation
interviennent avec des intensités respectives différentes (selon les moments, les domaines d’intervention,
les acteurs impliqués…) dans le processus d’intercommunalisation et partant, dans le mode de
fonctionnement des ensembles intercommunaux et dans l’organisation même du sous-système financier de
l’intercommunalité.
Dans ce jeu complexe, l’intercommunalité et ses leviers financiers lissent les différences entre communes,
celles-ci ne pouvant que persister. Parallèlement, des différences se créent dans le mode de fonctionnement
budgétaire des ensembles intercommunaux, en lien avec les contextes territoriaux et les dispositions
normatives. « Entre les nécessités objectivées de recomposition, et les volontés et les choix négociés des
acteurs à leur propos, il y a toute l'épaisseur... des territoires » (Gerbaux, 2000, cité in Vanier, 2002, p. 107).
Nous avons montré (cf. Chapitres 2 et 3) que les politiques de mobilisation de ressources (impôts, emprunts)
en relation avec les choix de dépenses entretiennent, pour les communes, des liens avec les contextes
territoriaux. La fiscalité intercommunale s’inspirant très largement de celle revenant aux communes, les
leviers budgétaires à disposition des exécutifs communautaires étant de même nature que ceux maniés par
les élus communaux, l’épaisseur des territoires est tout autant à même d’apposer sa marque sur les
configurations budgétaires de la communauté que sur celles de ses membres. Toutes marques et relations
de dépendance qui vont également se révéler dans la composition et l’organisation financière de chaque
ensemble intercommunal. Il reste que cette épaisseur fait fi des périmètres administratifs ou institutionnels :
la géographie du développement territorial et celle des organisations financières ne se superposent pas
(Navarre, Rousseau, 2013a). Ce qui justifie alors l’existence de similitudes intercommunautaires quand
plusieurs intercommunalités sont présentes au sein d’un même espace géo-socio-économique. En
conséquence, l’intercommunalisation et l’intercommunalité contribueraient à la création d’un ordre
renouvelé de différences, distinct de celui séparant les communes, reposant sur un substrat partagé de
similitudes. Nous nous attachons précisément à mettre en évidence quelques-unes des facettes de cet ordre
« intercommunalisé », d’un point de vue fiscal et financier.
274
Nous tenons de ce fait les arrangements adoptés localement sur fonds de dispositions communes à propos
du partage et/ou de la mutualisation des moyens comme symptomatiques des constructions et des devenirs
territoriaux. Parallèlement à des enjeux d’ordre plus strictement politique (Béhar, 2015a, 2016), ces
arrangements contribuent à conditionner les formes et contenus des actions, communales et
intercommunales, déployées au sein du territoire de l’ensemble. Si cet aspect est relativement convenu, nous
le doublons d’un autre, qui le semble moins. En complément, il nous semble en effet que les conditions et
modalités de l’action publique locale, dans ses déploiements intercommunaux, contribuent progressivement
à façonner de nouveaux modes de partages, de gestion ou de mobilisation des ressources financières. Ainsi
se produit une construction itérative, unissant moyens et actions, allant de pair avec la constitution puis avec
la consolidation des ensembles intercommunaux. Nos explorations visent à apporter des indications ou des
indices éclairant ces dimensions.
Elles diffèrent à ce titre des principales analyses économiques et financières disponibles portant sur
l’intercommunalité. Ces dernières n’abordent pas réellement cette entrée et ont plutôt une vocation
évaluative. Les publications scientifiques repérées portent pour les unes sur les incidences fiscales de
l’intercommunalité (Leprince, Guengant, 2002 ; Thomas, 2008), pour les autres sur leurs impacts du point de
vue de l’évolution des dépenses locales (Leprince, 2003 ; Guengant, Leprince, 2006 ; Binet et al., 2010). Tout
en s’appuyant sur des panels spécifiques de groupements et des périodes circonscrites de
l’intercommunalisation, elles ont le mérite d’aboutir à des conclusions assurées et à portée générale. Le plus
fréquemment, elles pointent notamment l’effet haussier de la génération des groupements, allant à
l’encontre des attendus (politiques, budgétaires…) ayant justifié leur promotion.
Tout en intégrant ces éléments de résultats, en cohérence avec le cadre que nous avons élaboré, nous
procédons à une lecture différenciée des situations financières intercommunales, à l’aune des tendances
– contraires – qui parcourent les ensembles en question et telles que se manifestent lorsque communes et
communautés sont en action.
275
Encadré 15 – Des principes d’organisation fiscale et financière des GFP
Les principes d’organisation fiscale et financière des communautés ou des GFP font l’objet de présentations régulières,
au point qu’on puisse se dispenser d’une recension d’ensemble. Nous avons d’ores et déjà évoqué un certain nombre
d’entre eux, constituant des points nodaux de l’intercommunalisation et de l’intercommunalité. Nous les complétons
par quelques traits marquants additionnels, ces derniers apparaissant comme des clés de lecture des enjeux territoriaux
de l’intercommunalisation, des analyses auxquelles nous avons procédé ou procédons à leur sujet. De ce fait, nous
présentons succinctement quelques points singuliers des régimes fiscaux des GFP puis nous mentionnons, de façon plus
précise, quels sont les principaux flux financiers institués entre les communes et les communautés.
Avec le régime de la superposition, ou encore de la fiscalité additionnelle (FA), les taux d’imposition établis au niveau
du groupement s’ajoutent, ou se superposent, à ceux des communes503. La formule comporte les avantages et les
inconvénients fréquemment mentionnés (cf. Chapitre 2) et analysés (Madiès, 1997). En particulier, un tel dispositif est
approprié lorsque l’on vise à ménager la sensibilité des contribuables à l’égard des prélèvements et de leurs
variations504. Les produits à en attendre pour le groupement sont dès lors potentiellement limités. De ce fait, le dispositif
convient principalement lorsque les transferts de compétences en direction du groupement ou encore ses besoins
financiers ne sont a priori pas des plus élevés. La formule ne peut alors être totalement pertinente s’il est envisagé
d’aboutir à des groupements où l’intégration fonctionnelle est particulièrement développée. L’un des avantages
– politiques - majeurs de la formule est de procurer des ressources au groupement sans que les communes soient
dépossédées des moyens fiscaux dont elles disposaient antérieurement. Elle est de ce fait propice à une dynamique
d’intercommunalisation qui se veut expansive.
En tant que telle, la superposition d’impôts n’est pas à même d’aboutir à une réelle rationalisation dans l’organisation
des moyens (cf. Chapitre 2), quand il s’agit là d’un des objectifs du processus d’intercommunalisation. A la manière de
ce qui vaut lorsque des niveaux de gouvernement sont emboités, une des façons d’atteindre ces fins consiste, selon les
législateurs, à procéder à une spécialisation des taxes locales. Ainsi a vu le jour le régime de la Taxe puis de la Fiscalité
Professionnelle Unique (TPU/FPU). Celui-ci a constitué et constitue encore le régime de droit des communautés
d’agglomération et des groupements destinés à être les plus intégrés. Ainsi sont posées les conditions pour faire
émerger, puis pour conforter, un réel pouvoir dans les territoires regroupés, et notamment dans les plus urbains d’entre
eux.
503Pour la taxe d’habitation, les taxes foncières et la fiscalité sur les activités économiques dont les communes sont attributaires.
504D’autant qu’a priori, l’intercommunalisation est pensée comme allégeant les budgets communaux et par voie de conséquence, la
pression fiscale imputable aux communes.
276
La spécialisation et la TPU/FPU ne présentent en outre pas uniquement des avantages en termes de rendement. Le
transfert de la taxation vers l’intercommunalité s’accompagne en effet d’une unification de son taux à l’intérieur du
périmètre intercommunal. Les rivalités entre communes sont de la sorte en partie atténuées. La spécialisation fiscale
se veut encore cohérente avec le partage des tâches entre intercommunalités (auxquelles sont remises les compétences
relevant du développement économique)505 et communes (continuant à exercer un rôle de proximité et à percevoir la
fiscalité acquittée par les ménages).
Les objectifs ainsi formulés ont été bousculés par d’autres enjeux, à la fois politiques et économiques. Nous l’avons
souligné, la réforme fiscale de 2010 a apporté un lot de modifications substantielles, mettant à mal la cohérence des
dispositions initialement instituées (cf. Chapitre 2). La spécialisation ne vaut plus tant puisque la fiscalité ménages est à
nouveau superposée : elle revient à la fois aux communes et à leur groupement, celui-ci devenant attributaire d’une
part de la taxe d’habitation auparavant perçue par les départements506. De facto, la fiscalité intercommunale est
désormais mixte507. En vue d’accroître leurs ressources, les intercommunalités à FPU sont en outre habilitées non
seulement à faire varier le taux de la taxe d’habitation qui leur a échu mais également à lever une part additionnelle (à
celle des communes) au titre des taxes foncières. Avec une spécialisation qui n’a plus cours dans les principes, les
relations financières se font plus intriquées, la gouvernance plus complexe508. Entre changements et continuité, une
dialectique s’instaure…
Les principes ne sont en outre pas intangibles puisque la réforme/suppression de la taxe d’habitation509 vient bousculer
les arrangements en place. Elle instaure une nouvelle déliaison, les communes devenant attributaires des produits de
la taxe foncière sur les propriétés bâties auparavant reçus par les départements et les intercommunalités recevant une
fraction de la TVA. La nature des contribuables imposés par l’un et l’autre des niveaux de gouvernement, la dynamique
des produits et des pouvoirs fiscaux respectifs ainsi que les interactions fiscales sont ainsi à la veille de subir des
changements radicaux510.
La gradation de la fiscalité intercommunale, entre superposition et spécialisation (désormais partielle) compte une
modalité complémentaire, celle de la fiscalité dite de zone (TPZ ou FPZ), encore dite territorialisée. Les communautés
de communes (placées sous le régime de la fiscalité additionnelle) peuvent instituer à leur profit, dans une ou des zones
(d’activités économiques) du territoire, une fiscalité spécialisée. Leur reviennent alors les produits de la taxe
professionnelle/de la fiscalité professionnelle acquittée par les contribuables imposés dans ces (portions de) territoires
(de Saint Sernin, 2003). L’analyse des informations fiscales disponibles indique que le dispositif demeure peu pratiqué,
qu’il est en général un préalable à une spécialisation effective.
Avec les régimes fiscaux des groupements est mis en place un cadre unifié pour la mobilisation de ressources par les
communautés ; ce cadre contient des zones de dépendance entre communes et groupements et également des marges
d’adaptation pour la mise en place de politiques fiscales, communales et intercommunales. Des mécanismes de
reversement sont en outre institués, organisant des reversements financiers des groupements vers les communes.
505 Même si l’on peut exprimer des doutes, de façon générale, sur la nécessaire symétrie à établir entre la nature des compétences
et celle des ressources (fiscales) ; ce principe va en effet à l’encontre de la vocation généraliste de l’impôt et renforce la spécialisation
des rôles, quand les actions ont plutôt une vocation interterritoriale.
506 En 2010, les groupements (à fiscalité additionnelle) percevaient 0,5 milliards d’€ au titre de la taxe d’habitation ; en 2011, la taxe
a rapporté environ 5,8 milliards d’€ à l’ensemble des groupements à fiscalité propre qui recevaient alors pratiquement 16 milliards
d’€ au titre des impôts locaux (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2015).
507 La dénomination de Fiscalité Professionnelle Unique (FPU) perdure néanmoins, du fait de la valeur identique du taux
intercommunalités comme des communes aux taxes perçues auprès des ménages est propice à des initiatives coordonnées de leur
part en matière d’aménagement résidentiel, vecteur de retour fiscal pour les deux échelons de gouvernement ; à l’inverse, la
spécialisation est à même de conduire à des stratégies concurrentes voire divergentes, le groupement se tournant vers des actions
en direction des entreprises, les communes cherchant à accroître leur attractivité à l’égard des ménages. Nous n’avons cependant
pas pu conduire d’observations suffisamment détaillées pour donner corps à ces affirmations, demeurant à ce stade théoriques ou
potentielles.
509 Tel qu’inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020.
510 Le colloque organisé par le Réseau Finances Locales FiL en novembre 2019 (cf. Volume 1) et la consultation lancée par le Réseau
277
Une organisation de mécanismes de reversement
En cas de spécialisation fiscale, les transferts de ressources fiscales et de compétences des communes en direction du
groupement relèvent de deux logiques différentes : il est fait appel au principe de neutralité budgétaire afin que les
équilibres budgétaires de toutes les parties concernées soient préservés, au moins à court terme. Au nom de ce principe,
la communauté ne conserve pas l’intégralité des ressources qu’elle perçoit en lieu et place des communes. Elle garde
uniquement les sommes qui lui sont nécessaires pour assumer les tâches que ces communes lui ont confiées et reverse
(annuellement) à chacune le différentiel sous forme d’attribution de compensation (AC)511.
La comptabilité locale se prête peu ou mal à l’évaluation des dépenses relevant d’un domaine d’action particulier, de
l’exercice de tout ou partie d’une compétence donnée (Guengant, 1998b ; Gilbert, Guengant, 2004 ; Cordier et al.,
2010). De ce fait, l’évaluation financière des charges afférentes aux transferts de compétences doit être effectuée au
cas par cas, compétence par compétence, commune par commune au sein du groupement. Ces tâches sont réalisées
par des Commissions Locales d’Evaluation des Charges Transférées (CLECT) désignées à ces fins. Les textes fournissent
des indications guidant les travaux de ces Commissions512. L’absence d’un matériau informationnel adéquat et se
prêtant à une certaine objectivation a complexifié la mission des membres de ces Commissions513. Ce contexte, la
proximité des acteurs impliqués comme leurs antagonismes sont propices à une variabilité dans les formules de
compromis adoptées.
A l’issue des évaluations et des négociations, les Attributions de Compensation constituent une dépense (courante)
obligatoire pour le groupement514. Leur montant est arrêté à la date du transfert de compétence et n’est révisé que
dans des cas de figure circonscrits515.
Dans ses fondements, l’intercommunalité est envisagée comme un espace de solidarité (cf. supra). En conséquence, en
vue de réduire les inégalités (fiscales, budgétaires) entre ses communes-membres, les élus de l’établissement de
coopération ont la possibilité de procéder à une redistribution financière en direction des communes, soit encore à une
péréquation au sein du territoire intercommunal. Ils instaurent à cette fin une Dotation de Solidarité Communautaire
(DSC)516, décident de son montant. Pour leur répartition, ils sont tenus de respecter un certain nombre de critères
prioritaires517 mais ont latitude d’introduire ceux qui leur semblent souhaitables. Paradoxalement, selon les études
disponibles, le dispositif est parfois utilisé pour procéder au partage avec et entre les communes de la croissance des
produits de la fiscalité professionnelle. La fiscalité unique, via la redistribution et le jeu intercommunal, bute alors sur
ses limites.
511 Le mécanisme des AC ne s’applique pas aux communautés à FA : les produits fiscaux perçus par le groupement lui sont entièrement
acquis, ce qui atténue les limitations évoquées à l’importance fiscale et budgétaire d’un groupement placé sous le régime de la
fiscalité superposée. Le dispositif de compensation est ainsi institué lors d’une spécialisation fiscale, assimilable à une forte perte (de
ressources et également de pouvoir fiscal) pour les communes. Au-delà de son évaluation algébrique, sa portée peut également être
symbolique et politique.
512 Cf. en particulier : AdCF, 2017, Transfert de compétences et Commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT),
tendent à montrer que la complexité technique, et également politique, de ces opérations ont conduit maintes collectivités à recourir
à l’expertise, et au regard extérieur, de bureaux d’études spécialisés.
514 L’Attribution de Compensation peut, au terme des évaluations, être négative. Dans ces cas, les dépenses en question sont
Fonctionnement et d’Investissement des budgets des communautés, la possibilité est ouverte (de par la Loi de finances rectificative
pour 2016) de créer une attribution de compensation dite « d’investissement ».
516 Les dispositions relatives à la DSC sont évolutives. Elles ont été en particulier modifiées et complétées par l’Article 256 de la Loi
de Finances pour 2020 (figurant auparavant à l’Article 1609 nonies C du Code Général des Impôts et désormais à l’Article L.5211-28-
4 du CGCT).
L’instauration d’une DSC reste optionnelle pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Des
dispositions particulières régissent les communautés et communes dès lors qu’un Contrat de ville est signé par l’EPCI.
517 Désormais (à compter de 2020), dans le cas général, la DSC est répartie librement par le conseil communautaire selon des critères
qui tiennent compte majoritairement : de l'écart de revenu par habitant de la commune par rapport au revenu moyen par habitant
de l’EPCI ; de l'insuffisance du potentiel financier ou du potentiel fiscal par habitant de la commune au regard du potentiel financier
ou du potentiel fiscal moyen par habitant sur le territoire de l’EPCI. Ces deux critères sont pondérés de la part de la population
communale dans la population totale de l’EPCI et doivent justifier au moins 35 % de la répartition du montant total de la DSC. Des
critères complémentaires peuvent être choisis par le conseil communautaire. Auparavant, la DSC devait être répartie en tenant
compte prioritairement de l’importance de la population ou du potentiel fiscal ou financier par habitant.
278
Les montants de la DSC sont ajustables annuellement. Leur versement instaure une dépendance de fait des budgets
communaux à l’égard de leur groupement dont celui-ci peut difficilement se départir. Ce qui revient à placer ce dernier
en position de guichet, à réduire ses capacités budgétaires mobilisables pour la conduite de politiques
intercommunales518. L’efficacité assignée à l’intercommunalité et ses vocations en termes de solidarité entrent de la
sorte potentiellement en tension.
Les EPCI sont régis par les principes de spécialité et d’exclusivité ; ils sont de ce fait uniquement habilités à intervenir
dans les domaines de compétences qui leur ont été transférés. En dérogation à ces principes, l’établissement peut verser
à ses communes-membres des fonds de concours afin de les aider à financer la réalisation ou le fonctionnement d’un
équipement. Inversement, les communes sont elles aussi habilitées à procéder à de tels versements en direction de leur
communauté. Bien que dérogeant aux principes fondateurs de l’intercommunalité et malgré le fait que ces versements
participent des financements croisés que la nouvelle organisation territoriale entend limiter, les dispositions et
modalités afférentes aux fonds de concours ont été posés avec la Loi dite Chevènement, puis confirmés et précisés par
la Loi du 13 août 2004 relative aux Libertés et Responsabilités Locales. Les possibilités ainsi ouvertes prennent acte de
l’exercice de compétences partagées, des nécessités de l’action interterritoriale et transversale au sein des périmètres
intercommunaux. Dans les faits, le cadre régissant les fonds de concours est relativement rigide, au point que leur
attribution ne puisse contrevenir à la logique de fonctionnement budgétaire des ensembles intercommunaux. Les
montants accordés doivent ainsi concourir au financement d’équipements et non aux services que ces derniers
contribuent à produire ; ils ne peuvent par exemple être mobilisés pour le remboursement des emprunts contractés
pour ces réalisations. Le montant du fonds ne doit par ailleurs pas dépasser celui apporté par le bénéficiaire (hors
subventions)519. En filigrane, les fonds de concours, en ce qu’ils peuvent être institués localement avec des latitudes,
participent des leviers d’adaptation territoriale du fonctionnement financier de l’intercommunalité. Il reste que les
ressources ainsi distribuées par le groupement sont autant de sommes distraites d’usages relevant strictement de sa
sphère d’intervention, et pouvant mettre à mal ses capacités d’action.
Dotées d’une fiscalité propre et attributaires d’une Dotation Globale de Fonctionnement (ou d’intercommunalité)
provenant de l’Etat, les communautés sont en bonne place dans la captation de ressources, notamment publiques. Par
différents canaux de redistribution, impératifs comme les AC ou davantage ouverts à la négociation quand ils prennent
forme de DSC et de fonds de concours, une restitution certaine s’effectue en direction des communes (Albert, 2012).
Dans les faits, de tels mécanismes contribueraient finalement à préserver, au moins pour partie, les institutions
communales. D’un point de vue analytique, l’existence de ces mécanismes de reversement met en relief la multiplicité
des liens de dépendance - à même de revêtir une intensité variable, pour les uns donnés et pour les autres construits
localement – reliant les budgets des entités composant chacun des ensembles communaux. Tout se passe finalement
comme si les organisations budgétaires qui en résultaient faisaient système(s), un système propre à chaque
intercommunalité. Celui-ci est simultanément régi par des règles communes à tous ses semblables quand d’autres
ménagent de potentielles négociations et solutions adaptées au territoire ; parallèlement, les unes et les autres peuvent
jouer soit à la faveur du groupement et de son essor budgétaire, soit à celle des communes et à la préservation de leur
état financier.
518 Dont certaines (de développement, d’implantation d’équipements et de fourniture de services…) sont de nature à réduire les
déséquilibres entre communes.
519 Il est par ailleurs à noter que le versement des fonds de concours ne minore pas la valeur du Coefficient d’Intégration Fiscale du
279
280
1-2-Des indices relatifs à l’institutionnalisation de l’intercommunalité
Nous avons fait état de la complexité du processus d’intercommunalisation, de la multiplicité des logiques et
facteurs à même de donner forme à l’intercommunalité et aux ensembles intercommunaux. Ces derniers
relèvent d’une réelle institutionnalisation, au sens où l’entend F. Desage (2010, p. 92), c’est-à-dire d’un
« processus complexe à travers lequel une réforme ‘de papier’ se mue progressivement en un ensemble de
pratiques relativement stabilisées et objectivables empiriquement. » Nos observations et nos analyses
concourent à cette objectivation ; ce sont autant d’indices révélant les orientations ou les politiques,
budgétaires ou financières, adoptées au sein des ensembles intercommunaux et illustrant l’effectivité de
l’intercommunalité.
Nous rendons dans un premier temps compte d’observations illustratives des effets d’inertie et de
transformations traversant le bloc local, en lien avec l’intercommunalisation. Nous analysons ensuite
diverses représentations de l’intégration intercommunale ; elles apportent en particulier des informations
quant à l’hétérogénéité des ensembles intercommunaux, aux prises avec des processus conjoints mais
antinomiques de standardisation et de différenciation520.
Figure 28 – Evolution des dépenses des communes Figure 29 – Structure des dépenses d’équipement
et du bloc communal, 1996-2018, en milliards d’€ courants au sein du bloc communal, 1996-2018, en %
Notes : GFP = groupements à fiscalité propre ; les dépenses des groupements n’intègrent pas les (re)versements
effectués en direction de leurs communes-membres ; les montants 1996-2015 représentent les opérations budgétaires
(incluant des mouvements comptables d’ordre) ; pour 2015 à 2018 sont considérées uniquement les opérations réelles ;
l’année 2015 est doublement représentée
Source : élaboration à partir de données DGCL
L’examen des volumes budgétaires en jeu pour l’ensemble que constituent les communes et leurs
groupements à fiscalité propre (Figure 28) ainsi que celui de la structure des dépenses d’équipement au sein
du bloc communal (Figure 29) et de leur dynamique indiquent que ce secteur revêt la particularité d’être
traversé à la fois par des permanences et par des mutations.
520 Soulignons que la plupart des éléments empiriques mobilisés portent sur des données ou des séries s’achevant en 2015. Ce qui
contribue à une vision tronquée de l’intercommunalisation, cette dernière s’étant poursuivie depuis (cf. Encadré 14). Précisément,
les modifications substantielles de périmètres et de composition des ensembles intercommunaux résultant de la mise en application
des Lois MAPTAM (2014) et NOTRe (2015) ont été telles qu’elles rendent particulièrement délicates les analyses longitudinales. Si
elle intégrait ces changements récents, l’analyse des trajectoires longues des ensembles intercommunaux ne serait pas exempte
d’approximations
281
La permanence majeure tient à la présence marquée et persistante de l’échelon communal. Nous avons
perçu ce trait en matière de fiscalité locale et, logiquement, il prévaut également dans le champ des
dépenses. Tout en ayant progressé moins rapidement que celles du bloc communal, les dépenses
communales occupent toujours la première place, en matière de fonctionnement comme du point de vue
des investissements. Les communes demeurent des invariants non seulement de l’organisation
institutionnelle et territoriale (Caillosse, 1995 ; Pontier, 2015) mais également au sein du fonctionnement
financier de la sphère publique locale. Leur disparition annoncée ou prévisible (Douence, 2003) ne s’est pas
concrétisée, loin de là : ne serait-ce que sur le plan financier et même si leur importance est atténuée521, elles
s’imposent et perdurent.
Une mutation incontestable au sein du bloc communal réside quant à elle dans la croissance du poids
budgétaire des groupements, notamment en matière de réalisation de dépenses d’équipement522. Cette
augmentation accompagne la progression des communautés (en effectif, en nombre de communes et/ou
d’habitants regroupés – cf. Annexe 9). En substance, ceci illustre également le fait que, tendanciellement et
après des débuts à la fois longs et difficiles, ces établissements de coopération deviennent des acteurs de
plus en plus présents dans la production de services publics locaux. Leur rôle se consolide, sous le poids de
leurs propres actions et par dévolution d’initiatives auparavant assurées par les communes, ces dernières
demeurant toutefois particulièrement présentes (budgétairement).
521 Comparativement par exemple à un prolongement tendanciel de leur courbe de dépenses. Tout se passe finalement comme si
l’intercommunalité contribuait à leur perpétuation, dans un jeu somme toute gagnant-gagnant.
522 Entre 1996 et 2015, les dépenses totales du bloc communal ont été multipliées par 1,7 et celles (de fonctionnement comme
d’équipement) des intercommunalités par environ 3,7. Entre 2012 et 2018, en opérations réelles (hors mouvements d’ordre), les
dépenses (hors remboursements d’emprunts) du bloc ont été multipliés par 1,06 et celles des groupements (à fiscalité propre) par
1,22 (source : d’après DGCL, CLEC, 2020).
282
Le Coefficient d’Intégration Fiscale (CIF) est tenu, dans les pratiques institutionnelles et officielles, comme un
indicateur rendant compte de la répartition de la fiscalité entre communauté et communes523. Son mode de
calcul est strictement codifié. Il est conçu comme permettant d’évaluer le poids relatif de la fiscalité que
prélève le groupement et qu’il conserve pour l’exercice de ses compétences, comparativement à l’ensemble
des taxes perçues (par le groupement et par ses communes). Ainsi rend-il compte de l’intégration de la
fiscalité mais également de celle opérée par l’intermédiaire des charges524 ; toutes choses égales par ailleurs,
la valeur du CIF est d’autant plus élevée que l’intégration fonctionnelle (en direction du groupement) est
intense.
La vocation de ce coefficient n’est pas seulement évaluative ; elle est également normative. Les résultats de
l’évaluation servent en particulier à traquer les intercommunalités essentiellement constituées en vue d’une
redistribution de fonds en direction de leurs communes-membres. Bon nombre de territoires se sont en effet
laissé séduire par l’apport de ressources que constituait la dotation, dite d’intercommunalité, versée aux
groupements à fiscalité propre525. Nous l’avons évoqué, ce versement constitue l’une des incitations
financières mise en place par l’Etat afin de stimuler l’intercommunalisation526. La dotation présente
l’avantage d’accroître les moyens disponibles localement sans que les communes-membres soient en rien
dépossédées de leurs acquis527. Même si, lors de leur institution, les montants en jeu ne constituaient pas un
réel pactole, le dispositif incitatif ainsi institué a connu une efficacité certaine (Hertzog, Siat, 2000). Il a
cependant pu être contreproductif en suscitant la création d’intercommunalités d’aubaine (Cour des
Comptes, 2005), finalement peu intégrées dans les faits sur le plan fonctionnel, l’essentiel des produits
revenant au groupement étant alors restitué à ses communes-membres. Bon nombre d’EPCI à TPU
privilégiaient alors la redistribution comparativement à l'investissement. En 1996 par exemple, ces
communautés restituaient aux communes 89% en moyenne du produit de la taxe professionnelle (Chouat,
1999).
Les groupements d’aubaine ou fortement redistributeurs ont alors été pénalisés par une moindre attribution
au titre de la dotation d’intercommunalité, le montant étant en particulier indexé sur la valeur du coefficient
d’intégration (Cour des Comptes, 2005)528. A contrario, le mécanisme a laissé et laisse la possibilité aux
523 Le mode du calcul du CIF a été initié avec la Loi ATR et sert à la répartition de dotation qu’alloue l’Etat aux groupements (GFP).
Ses modalités d’évaluation ont été revues en 1999 (avec la Loi dite Chevènement) : tout en étant généralisé à l’ensemble des
catégories de communautés, il n’est plus établi uniquement en rapportant les recettes fiscales de la communauté à celles perçues
au sein du périmètre intercommunal. Son évaluation intègre les dépenses de transfert réalisée par le groupement en direction des
communes. Sa valeur est ainsi minorée pour les communautés engagées dans une forte redistribution. Sur la base de ces fondements,
la composition de l’indice évolue logiquement au fil des réformes affectant l’intercommunalité ; des circulaires et textes ministériels
précisent chaque année son mode d’établissement.
(Cf. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/dotation-globale-fonctionnement-dgf-des-etablissements-publics-cooperation-
intercommunale-epci-a-fis).
524 Les reversements (dont l’Attribution de Compensation) venant en déduction des produits conservés par le groupement. Les
versements de DSC ne sont pris en compte qu’à hauteur de 50% de leur montant.
525 La dotation (assimilable à la Dotation Globale de Fonctionnement DGF) abonde encore aujourd’hui les budgets intercommunaux,
soutenant le rôle et les actions des groupements. En 2015, la dotation d’intercommunalité représentait 24% des recettes de
fonctionnement des groupements ; la DGF comptait alors pour 18% des recettes de fonctionnement des communes. En 2018, la DGF
représentait 22% des recettes réelles de fonctionnement des groupements, 17% de celles des communes (source : DGCL, CLEC, 2017,
2020).
526 La DGF versée aux EPCI s’élevait à 0,81 milliard d’€ en 1998 à 7,16 milliards d’€ en 2014 ; durant la même période, la DGF revenant
aux communes est passée de 15,29 à 18,20 milliards d’€ (source : DGCL, CLEC, 2017).
527 Elles continuent à percevoir la dotation globale de fonctionnement que leur versait antérieurement l’Etat. Dans les faits, au niveau
national, communes et GFP sont concurrents dans l’accès à la ressource publique que constitue la dotation. La DGF des groupements
constitue en effet l'une des trois composantes de la dotation d'aménagement de la DGF des communes. Ce qui est versé aux
groupements vient en diminution de ce qui est attribué aux communes, y compris au titre de la péréquation. Des dispositions récentes
ont mis fin à cette concurrence.
528 Compte tenu des enjeux relatifs à la DGF dans le contexte de redressement des comptes publics et à sa vocation péréquatrice, la
portée du CIF dans la répartition de la dotation d’intercommunalité et pour le calcul des montants individuels est désormais moindre.
(cf. en particulier :
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/dgcl_v2/FLAE/Circulaires_2019/note_dinformation_2019_di_epci.pdf)
283
représentants communaux et intercommunaux de procéder à des calculs stratégiques : dans les zones de
décision qui leur reviennent, ils sont en mesure d’arbitrer quant aux transferts de compétences, aux partages
de ressources qui préservent au mieux voire qui font progresser le coefficient de l’ensemble et partant, qui
optimisent les versements étatiques leur revenant. L’usage de l’instrument et des règles gestionnaires ont
de ce fait des incidences sur la conformation des interdépendances financières au sein des ensembles
intercommunaux, dans leur positionnement spécifique comparativement à d’autres territoires comme à
l’égard de l’Etat529. Le dispositif entretient des concurrences dans l’accès aux ressources non seulement entre
communes et groupements mais également entre ensembles intercommunaux.
Si le fait est connu, il mérite d’être rappelé : la valeur moyenne du CIF est proche de 36% en 2015530. Ce qui
confirme bien que les communes, en dépit de la montée en puissance des groupements, demeurent les
principales attributaires de la fiscalité locale soit en percevant directement ses produits, soit en étant
bénéficiaires des versements opérés par les groupements.
529 Des valeurs seuils du CIF déclenchent des mécanismes de garantie au regard du montant de la dotation dont le groupement est
attributaire. Certaines de ses composantes sont fonction de l’écart relatif entre la valeur établie pour le groupement et la moyenne
nationale calculée pour sa catégorie. Ce mode de calcul organise d’ailleurs une véritable concurrence entre les communautés du
même type puisqu’il les oblige à intégrer de nouvelles compétences et/ou de nouveaux services plus rapidement que les autres pour
pouvoir conserver un niveau de dotation équivalent. (Guéranger, 2004)
530 Les valeurs du coefficient sont calculées différemment selon les statuts et régimes fiscaux des groupements. En 2019, à titre
d’exemples, le CIF moyen de la catégorie des communautés urbaines CU/métropoles est proche de 46% ; celui des communautés
d’agglomération CA est voisin de 36%, celui des communautés de communes CC à Fiscalité Professionnelle Unique FPU de 37% et
celui de celles à Fiscalité Additionnelle FA de 35% (source : Note d’information du 14 juin 2019 relative à la dotation
d’intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour l’exercice 2019, Ministère de
la cohésion des Territoires et des Relatons avec les collectivités Territoriales).
284
Ces derniers apparaissent de la sorte comme des opérateurs significatifs de la redistribution territoriale de
ressources publiques et fiscales. Si ce rôle et ce mécanisme sont effectifs et si la valeur du CIF révèle leur
intensité, cette valeur ne donne toutefois pas à voir comment ces redistributions s’opèrent effectivement
entre les espaces communaux et en quoi elles participent ou non à l’égalisation des situations budgétaires
des communes. Le résultat confirme encore que la mutualisation, telle qu’elle s’effectue directement par les
moyens et indirectement par les charges, et dont rend compte la valeur du CIF, laisse persister une place
substantielle à l’échelon communal. L’intercommunalisation a alors de beaux jours devant elle ! Tous les
ensembles intercommunaux ne sont cependant pas à placer sur le même plan du point de vue de
l’intégration.
Dans les faits, il ressort que la géographie des réalités intercommunales, à l’aune des valeurs du coefficient,
est fortement contrastée (Carte 4). Le désordre territorial n’est cependant pas total531. A l’exception de
quelques sous-ensembles (la partie intérieure de la Normandie, une part du Nord-Est…), on observe certes
peu de réelles continuités territoriales532. Il peut difficilement en être autrement, compte tenu de la
multiplicité des facteurs concourant à l’intercommunalisation, les processus d’imitation et de propagation
de proche en proche n’étant pas les seuls à intervenir (cf. supra). Les intercommunalités se sont développées
plus ou moins précocement (par exemple dans la région Bretagne…) puis diversement consolidées. En
matière d’intercommunalité et d’intégration, tout n’est cependant pas qu’une question d’antériorité ou
d’ancienneté (Baudelle, Chaboche, 2002). L’adhésion (politique, gestionnaire…) plus ou moins prononcée au
principe d’intercommunalisation peut également faire la différence entre les territoires. Les observations
confirmeraient les analyses existant par ailleurs et montrant que les incidences des pratiques politiques ou
des cultures de coopération s’entremêlent avec les attitudes opportunistes ou défensives, avec les
diffractions que suscitent les dispositions institutionnalisées et leurs appropriations.
Les indicateurs de niveau moyen et de variation du CIF diffèrent selon la nature des intercommunalités, en
lien avec les particularités des régimes fiscaux (et des transferts de compétences)533. Au sein même d’une de
ces catégories institutionnelles, les disparités sont fortes (Tableau 34). Par ailleurs, contrairement aux
attendus, pour un type donné de groupement (les communautés de communes par exemple), la progression
du CIF ne va pas nécessairement avec celle que laisserait a priori entendre l’intégration croissante par le
régime fiscal. La mutualisation des ressources fiscales est censée croître, de la fiscalité additionnelle à la
fiscalité spécialisée et tel n’est pas le cas. L’ancienneté des communautés urbaines est selon toute probabilité
à l’origine des valeurs élevées constatées534. Il est en outre des communautés de communes plus intégrées
que certaines communautés d’agglomération, et inversement.
Somme toute, les observations révèlent la force ou la rémanence des faits territoriaux ou communaux,
perdurant malgré les transformations instituées. Si l’intercommunalité s’impose, elle le fait différemment,
au moins d’un point de vue fiscal ou financier. L’observation des réalités indique que, sous le poids de
processus conjoints de standardisation et de différenciation, l’hétérogénéité des situations prévaut, entre
catégories d’ensembles intercommunaux comme au sein de l’une d’entre elles.
531 Nous empruntons cette notion à A. Faure et E. Négrier (2007) et aurons l’occasion de la rediscuter (cf. Conclusion).
532 Une analyse spatiale mériterait toutefois d’être réalisée, pour davantage de précisions.
533 Les groupements tenus comme les plus urbains tendraient à être plus intégrés que les autres ; ceux à FPU le seraient également
davantage que ceux à FA. Ces constats supportent toutefois des exceptions.
534 Les premières créées l’ont été sous le régime de la fiscalité additionnelle et ont évolué vers une fiscalité territorialisée ou de zone.
285
Tableau 34 – Coefficient d’Intégration Fiscale CIF selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
CIF moyen de la
nbe EPCI
catégorie au sens CIF moyen coeff. variation
de la DGF
Communautés de communes CC
FA 486 0,317873 0,367 0,46
FPZ 335 0,317873 0,385 0,38
FPU 1 058 0,354408 0,367 0,27
Communautés d'agglomération CA
FPU 212 0,328421 0,336 0,29
Communautés urbaines CU
FPZ 2 0,515537 0,502 0,06
FPU 7 0,446344 0,459 0,22
Syndicats d'agglomération nouvelle SAN
FPU 3 0,542753 0,49 0,21
Métropoles ME
FPU 12 0,446344 0,44 0,13
ensemble 2 115 0,365 0,34
Notes : FA Fiscalité Additionnelle ; FPZ Fiscalité Professionnelle de Zone ; FPU Fiscalité Professionnelle Unique ; le CIF
moyen calculé diffère de celui établi au sens de la DGF, 22 EPCI non renseignés n’étant pas pris en compte dans le calcul.
En gras, les moyennes par catégorie significativement différente (au seuil statistique de 95%) de la moyenne d’ensemble
Source : élaboration à partir de DGF EPCI 2015
Les imperfections ou les incomplétudes du CIF ont d’ailleurs été perçues par les législateurs qui, à l’occasion
de la Loi MAPTAM (2014), ont proposé la mise en place d’un Coefficient Intercommunal de Mutualisation
(CIM), encore dit de de Mutualisation des Services. Si l’on fait abstraction des précisions sur le mode
d’évaluation de cet indicateur (qui devaient être apportées par Décret), dans les principes536, pour les services
dits fonctionnels537, il est destiné à mesurer le degré de prise en charge des dépenses de personnel par le
groupement comparativement à celles supportées par les entités de l’ensemble intercommunal. Il renvoie
donc principalement au partage des moyens humains, à l’intensité de la mutualisation engagée en la matière
et pour laquelle le regroupement est censé revêtir un rôle moteur (cf. infra)538.
535 Selon les estimations de l’IGF et de l’IGA (2014), le CIF couvre uniquement 40% des recettes en jeu.
536 Il est établi en rapportant la rémunération de l’ensemble des personnels affectés au sein de services ou parties de services
fonctionnels employés par la communauté (y compris les agents transférés ou mis à disposition) à la rémunération de l’ensemble des
personnels affectés au sein de services ou parties de services fonctionnels employés par les communes membres et la communauté
(AdCF, 2014b).
537 La distinction entre services fonctionnels et opérationnels renvoie principalement à des principes d’organisation managériaux et
à une vision centrée sur la recherche de performance (Desmarais, Jameux, 2001). Les services fonctionnels regroupent
essentiellement les fonctions transversales et supports ; les services opérationnels correspondent quant à eux à ceux directement
impliqués dans la production concrète des services publics locaux.
538 Les dépenses de personnel constituent en effet une des principales dépenses de fonctionnement des communes et du secteur
communal. Il était attendu, avec l’intercommunalisation et le transfert de personnels communaux en direction des groupements
pour les compétences devenues intercommunales, que la progression de ces charges s’atténue (Jaune budgétaire, diverses années).
286
Néanmoins, la portée du coefficient ainsi conçu est elle aussi restrictive ; elle n’intègre en effet qu’une part
des coûts des services publics locaux effectivement produits par les entités impliquées, ceux-ci nécessitant
bien souvent des immobilisations et une multitude d’autres charges de fonctionnement.
A titre exploratoire et sur la base des données disponibles, nous tentons une évaluation plus extensive de
l’intégration fonctionnelle opérée avec l’intercommunalité. Certes, nous en retenons une vision somme toute
étroite puisque nous rabattons l’exercice des compétences à leur aspect budgétaire, c’est-à-dire uniquement
à ses manifestations au travers de charges ou de dépenses. Malgré tout, nous proposons l’estimation d’un
Coefficient de Mutualisation des Dépenses, obtenu en rapportant les dépenses (tant de fonctionnement que
d’investissement) réalisées par l’EPCI et celles effectuées au sein de l’ensemble intercommunal539.
En dépit de la différence de nature et de périmètre des postes budgétaires pris en compte, et assez
logiquement, la valeur moyenne du Coefficient de Mutualisation des Dépenses tel qu’établi (34% en 2015)
diffère peu de celle du CIF. Un trait majeur demeure : tout en n’étant pas négligeable, le poids du groupement
en termes de dépenses est nettement moindre que celui des communes, comme en matière de recettes
fiscales.
Carte 5 – Coefficient de mutualisation des dépenses CMD, EPCI à fiscalité propre, 2015, en %
539 Sans intégrer les versements de l’intercommunalité vers les communes-membres. Le périmètre retenu est proche de celui proposé
par les rapporteurs de l’IGF et de l’IGA, tout en étant, à notre stade, moins sophistiqué.
Certes, il reste que le mode d’évaluation retenu fait abstraction du fait que les coûts des compétences revenant soit au groupement,
soit aux communes, ne sont pas nécessairement les mêmes.
287
Derrière ce trait général se cachent cependant des réalités fortement diversifiées (Carte 5 et Tableau 35). A
statut et à régime fiscal donnés, la variabilité est forte quand bien souvent le jeu des compétences devant
être remises à l’établissement de coopération diffère peu. La volonté d’agir via l’intercommunalité n’est pas
partout identique et elle ne se double pas nécessairement de la mobilisation des moyens politiques (ou des
ressources) adaptés en vue de l’exercice intercommunalisé des compétences (Talandier, Estèbe, 2010).
L’intercommunalité peut rester de papier. Dans les faits, l’institutionnalisation des réformes se concrétise
différemment selon les ensembles tout en présentant quelques similitudes en fonction des proximités
spatiales.
En première lecture, la géographie de la distribution du Coefficient de Mutualisation des Dépenses est tout
aussi contrastée que celle constatée en matière de moyens fiscaux. Cette répartition spatiale diffère a priori
peu de celle observée avec le CIF, laissant entendre une certaine analogie entre ces deux facettes des réalités
intercommunales. L’analogie n’est cependant qu’apparente.
Tableau 35 – Coefficient d’Intégration fonctionnelle ou de mutualisation des dépenses CMD, et des dépenses
d’équipement selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
coeff
coeff
mutualisation
mutualisation coeff. coeff.
nbe EPCI dépenses
dépenses variation variation
CMD
CMD
équipement
Communautés de Communes CC
FA 484 0,283 0,48 0,227 0,82
FPZ 334 0,306 0,39 0,247 0,72
FPU 1 052 0,324 0,33 0,289 0,61
Communautés d'Agglomération CA
FPU 209 0,324 0,33 0,347 0,43
Communautés Urbaines CU
FPZ 2 0,512 0,10 0,637 0,19
FPU 7 0,484 0,15 0,573 0,20
Syndicats d'Agglomération Nouvelle SAN
FPU 3 0,456 0,17 0,739 0,13
Métropoles ME
FPU 11 0,493 0,18 0,614 0,14
ensemble 2 102 0,313 0,38 0,277 0,66
Source : élaboration à partir de www.data.gouv.fr
Même s’il existe une certaine dépendance entre les deux indicateurs, leurs valeurs sont en effet loin d’être
parfaitement corrélées (Figure 30 et Tableau 36). A nouveau, il s’avère que la logique des moyens et celle
des charges ne cessent de différer, au sein des organisations locales. Du point de vue de l’intercommunalité,
le différentiel pourrait entre autres figurer la dissociation entre les périmètres de perception des recettes
(soit encore des limites administratives dûment arrêtées) au sein desquels les décisions ressortent du
gouvernement local, et ceux du déploiement des dépenses dont une bonne part prennent leur sens dans des
emboitements spécifiques, au regard des coopérations avec d’autres acteurs et intervenants, soit encore
d’une pluralité de flux financiers et de choix relevant de la gouvernance territoriale (Béhar, 2000a).
Il reste que, pour tous les types de groupements, une dissymétrie, plus ou moins marquée, persiste entre les
ressources (issues de la taxation) qui leur reviennent et les compétences qui leur sont dévolues. La
conception indépendante des statuts et des régimes fiscaux des communautés produit bien des effets
perceptibles.
288
Les dispositions instituées en vue de garantir la neutralité budgétaire (cf. supra) ne modifieraient
apparemment pas substantiellement cet état de fait. La variabilité des coefficients, les écarts aux
configurations moyennes ou modélisées indiqueraient encore que les options retenues localement sont
source de décalages singuliers, vraisemblablement en fonction des leviers actionnés et des contraintes
tenant aux équipements, à l’offre locale de services, aux rapports de forces existants... Ce qui confirmerait
bien, en filigrane, que la constitution des équilibres budgétaires des établissements de coopération, la
structure de leurs comptes seraient dans chaque cas de figure le produit d’arrangements (ou de bricolages ?)
spécifiques, composant autant de facteurs de différenciation intervenant sur la base de lignes communes de
fonctionnement.
A titre d’exemple de ces dissymétries, bon nombre d’ensembles présentant un CIF moyen sont fortement
intégrés sur le plan des dépenses. Deux hypothèses (non exclusives) peuvent alors être formulées.
Au nom de la première, le supplément de moyens soutenant un surcroît de dépenses tient à un
positionnement favorable du groupement au regard de la dotation d’intercommunalité540. Les versements
étatiques sont de la sorte de nature à alimenter les logiques dépensières des collectivités quand les
gouvernements successifs ont affiché une volonté de restreindre la progression des dépenses des
collectivités, et même la taille du secteur public local (Frère, Le Maux, 2010 ; Leprince, Pourieux, 2018).
L’objectif consistant à favoriser l’intercommunalisation et l’intégration (fiscale) des groupements entrerait
alors en concurrence ou en contradiction avec d’autres priorités de politiques publiques. Selon la seconde
(hypothèse), le groupement assure un rôle moteur dans la mobilisation de recettes autres que fiscales, afin
d’assurer les missions qui lui sont confiées541. Tout se passe alors comme s’il lui revenait, de gré ou de force,
de mener une politique budgétaire en propre.
Les rôles peuvent être inversés puisque des ensembles, en proportion non négligeable, sont fortement
intégrés sur le plan fiscal, faiblement sur le plan des dépenses542. On peut alors supposer que les
communautés conduisent peu d’actions (dépensières) tout en octroyant à leurs communes-membres des
reversements non comptabilisés pour l’évaluation du CIF, tels des fonds de concours. Le groupement peut
également être conçu comme assumant alors la fonction de pilotage, d’impulsion stratégique et comme
confortant conjointement l’action mise en œuvre par les communes.
Les relations entre les deux coefficients sont quasiment de même intensité et/ou de même nature, quel que
soit le type de groupement et de régime fiscal. Ce qui tendrait à confirmer une certaine indépendance
généralisée des options fiscales et des choix dépensiers au regard des configurations institutionnelles ainsi
qu’une organisation différenciée au sein des ensembles intercommunaux sur les deux pans budgétaires en
question.
A régime donné (FPU par exemple), les liens (statistiques) ne sont pas strictement identiques543 ;
l’organisation fiscale telle que codifiée n’est de ce fait pas entièrement déterminante.
540 Tel est par exemple le cas de groupements comme la CA Vitré Communauté (35), la CA du Puy en Velay (43), la CA du Pays de
Dreux (28), la CA du Douaisis (59), la CA du Bocage Bressuirais (79)… Ces communautés perçoivent en particulier une dotation de
compensation (soit l'ancienne compensation de la part salaires de la TP et la compensation que percevaient certains EPCI au titre des
baisses de dotation de compensation de taxe professionnelle subies entre 1998 et 2001) nettement supérieure à la moyenne des
groupements. Les particularités (passées) de leur tissu d’activités entretiendraient-elles un surcroît (actuel) de dépenses ?
541 Tel est par exemple le cas de la CC Piémont d’Alaric (11), de la CC de la Région de Frévent (62), de la CC Vallons du Lyonnais (69),
de la CC Val de Saône Chalaronne (01)… Seule la première d’entre elles dispose de recettes fiscales d’un montant plus élevé qu’en
moyenne.
542 Soit des groupements comme la CC du Montaigu (85), la CC Larzac et Vallées (12), la CC du Val d’Ornois (55), la CA Ardennes et
fiscal donné.
289
Figure 30 – Coefficient d’intégration fiscale CIF et coefficient d’intégration fonctionnelle ou de mutualisation par les
dépenses CMD, 2015
CMD
CIF
Tableau 36 – Relations entre le Coefficient d’intégration Fiscale CIF et le Coefficient d’Intégration fonctionnelle ou de
Mutualisation des Dépenses CMD selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
forme de l'équation
nbe EPCI R2
Communautés de Communes CC
FA 484 0,79 CIF = 0,092 + 0,976 *CMD
[0,908 ; 1,044]
FPZ 334 0,78 CIF = 0,092 + 0,956 * CMD
[0,872 ; 1,040]
FPU 1 052 0,64 CIF = 0,178 + 0,584 * CMD
[0,541 ; 0,626]
Communautés d'Agglomération CA
FPU 209 0,77 CIF = 0,119 + 0,660 * CMD
[0,585 ; 0,735]
Communautés Urbaines CU, Syndicats d'Agglomération Nouvelle SAN et Métropoles ME
FPU 23 0,72 CIF = 0,103 + 0,728 * CMD
[0,410 ; 1,046]
ensemble 2 102 0,71 CIF = 0,132 + 0,751 * CMD
[0,719 ; 0,783]
Note : au terme des tests statistiques (de Student), le facteur multipliant le CMD se trouve dans l’intervalle indiqué ; la
probabilité qu’il soit nul est inférieure à 0,01%
Source : élaboration à partir de DGF EPCI 2015 et www.data.gouv.fr
L’existence d’un différentiel et d’écarts variables entre les deux évaluations, en dépit de leur lien, indique, en
creux, une dépendance certaine aux contextes locaux. En tout état de cause, conformément à ce qui pouvait
être pressenti (cf. supra), apparaitraient des figures territorialisées de l’intercommunalité et de son
organisation budgétaire, autour d’orientations fiscales et dépensières diversement orchestrées pour le
groupement, dans son positionnement au regard des communes qui le composent. Elles signifieraient la mise
en place de politiques budgétaires de la part des exécutifs locaux, à partir du substrat communal et
contribuant à des organisations spécifiques pour les ensembles.
290
Sur la base d’analyses typologiques et d’études de terrain, les études de l’IGA et de l’IGF (Bergès et al., 2014)
montrent que les choix de mises en commun, de transferts (de charges) et de partage (des ressources), que
reflètent les valeurs du Coefficient de Mutualisation des Dépenses, résultent de volontés politiques, bien plus
que de facteurs exogènes ou des situations socio-économiques locales. Ils seraient indifférents aux régimes
institutionnels, au caractère urbain ou rural des territoires et même aux étiquettes partisanes des élus… Les
résultats en question ne sauraient être contestés.
Pourtant, les analyses des situations locales en matière de fiscalité, d’endettement voire de dépenses
(cf. Chapitres 2 et 3) nous ont conduit à repérer des configurations territorialisées en la matière, dépendantes
des contextes et des politiques adoptées par les exécutifs locaux, le volontarisme ou les choix des élus n’étant
toutefois pas totalement déterminants. Les volontés politiques, prises dans des logiques multiples et
dépendantes, ne le seraient alors pas davantage. Hormis à retenir une acception large de la notion de
volontés politiques, ou à leur préférer des concepts plus englobants tels ceux de ressources (indispensables
aux gouvernements), voire de gouvernance que mettraient en mouvement l’intercommunalisation et
l’intercommunalité.
Si le Coefficient de Mutualisation des Dépenses est plus extensif que le CIF ou que le Coefficient de
Mutualisation des Services (tel que légalement envisagé), rien ne garantit qu’il soit effectivement robuste et
finalement suffisant. En effet, une autre représentation des réalités peut être construite en se focalisant non
pas sur l’ensemble des dépenses mais uniquement sur les dépenses d’équipement effectuées par le
groupement au sein de son ensemble intercommunal (Carte 6 et Tableau 35). Les communautés paraissent
en effet désormais bien installées dans le paysage de l’investissement public local (Figure 29).
La valeur moyenne de l’indicateur ainsi établi (28%) est moindre que celle obtenue pour le CIF ou pour le
Coefficient de Mutualisation des Dépenses. Tout se passe comme si, pour les créations, renouvellements…
d’infrastructures ou de superstructures locales, tous les groupements n’occupaient pas, ou pas encore, une
place proportionnée à celle qu’ils assument par ailleurs. Leur rôle sur ce plan-là est-il principalement
stratégique et leur fonction, celle d’ensemblier ? Le poids somme toute modéré des GFP en termes de
dépenses d’investissement tient-il à la nature même des compétences qui leur sont principalement remises ?
Elles pourraient ne pas être celles incorporant les solutions les plus équipementières, a priori les plus lourdes
en dépenses. Rien n’exclut toutefois que les établissements de coopération interviennent de façon
substantielle en la matière mais que cet effort demeure encore réduit, comparativement à celui déployé par
les communes, assumant les charges induites par leur vaste patrimoine public (cf. Chapitre 1). Les édiles
communaux pourraient être réticents à se dessaisir de ce stock historique, à accepter les changements (de
tarifs, de modalités de gestion, de partages des risques…) allant de pair avec une solution intercommunalisée
(Bellier, Taisne, 2016). Compte tenu de la nécessaire acculturation à la logique d’intercommunalisation, tous
les transferts prévus n’aboutissent en outre pas immédiatement. Les données manquent en vue de préciser
ces aspects et de démêler quels sont les ressorts en jeu. Il n’est pas à exclure que plusieurs d’entre eux
interviennent de façon conjointe, aboutissant à une hétérogénéité intercommunautaire, plus marquée que
celle prévalant en matière de dépenses.
Des exploitations fines des caractéristiques et des montants de la commande publique, telles celles qui
commencent à être produites et analysées afin de caractériser le comportement d’investisseurs d’acteurs
institutionnels particuliers (Allé, Delpech, 2018), pourraient apporter les compléments nécessaires à
l’appréciation du rôle des groupements. Les enquêtes menées dans le cadre du projet de recherche InveST
(cf. Volume 1) apporteront également des éclairages sur ces plans-là.
291
Carte 6 – Coefficient de mutualisation des dépenses d’équipement, EPCI à fiscalité propre, 2015, en %
A Coefficient de Mutualisation des Dépenses donné, la moindre présence des communautés dans le champ
des dépenses d’équipement révèle en miroir que ces groupements ont un poids bien plus important en
matière de charges de fonctionnement et notamment, pour celles qui occupent généralement une place
majeure, à savoir les dépenses de personnel. Ce qui justifie, au moins pour partie, l’intérêt que nous avons
porté à ces dernières et les analyses que nous leur avons dédiées (cf. infra).
A ce stade, on peut encore mentionner que les réalités financières de l’intercommunalité peuvent être
appréciées par le biais de différentes facettes complémentaires. A indicateur de mutualisation donné,
l’hétérogénéité des solutions intercommunales est manifeste tout en s’ordonnant autour de figures
communes. Il demeure que les indices établis pour attester de l’institutionnalisation des groupements ne
rendent pas compte de l’intégralité de leur fonctionnement budgétaire. En particulier, les façons dont se
scellent les interdépendances financières avec les communes regroupées sont passées sous silence.
Considérée en tant que telle, la quantification des versements du groupement en direction des communes
pourrait par exemple être révélatrice de la fonction de redistribution effectuée par le biais de
l’intercommunalité. Les effets de ces restitutions, implicites ou explicites, demeurent peu ou mal connus. Cet
aspect constitue pourtant bien l’un des aspects de l’institutionnalisation telle qu’examinée. Celle-ci
nécessiterait de ce fait une réelle analyse multidimensionnelle. A un premier stade, une ou des typologies, à
la manière de celles que nous avons élaborées pour d’autres dimensions, conduiraient à dessiner des figures-
types de l’intercommunalité, des gradients d’intégration ou de mutualisation. Elles complèteraient et
préciseraient les résultats statistiques établis au niveau national (Bergès et al., 2014). Ceux-ci montrent en
particulier que la part des dépenses de fonctionnement assumées par l’EPCI n’est pas corrélée au niveau de
292
dépenses constaté pour l’ensemble intercommunal544. Notamment, dans quel contexte institutionnel et/ou
territorial ces formes a priori les moins intégrées se manifestent-elles ?
Par ailleurs, les notions d’institutionnalisation, d’intégration… sous-entendent des trajectoires, des
maturations progressives voire des discontinuités dans le temps. Même si l’ancienneté des groupements
n’est pas seule à entrer en ligne de compte (cf. supra), l’émergence progressive de nouveaux modes de
fonctionnement pour les communes, l’installation des groupements, l’élaboration de consensus dans des
arènes politiques renouvelés (Desage, Guéranger, 2013), la formation d’orientations stratégiques…
supposent des délais. Les organisations financières possèdent en outre leur propre inertie (cf. Chapitre 1). Ce
qui enjoindrait à analyser, sous divers angles complémentaires, les trajectoires budgétaires pour des
cohortes d’ensembles intercommunaux545. Tout aussi porteuses d’enseignements pourraient être les
analyses d’ensembles confrontés à des formes de ruptures (par extension, fusion…) : quels sont alors les
points nodaux et intangibles de l’intégration et quels sont encore ceux tenus comme relativement flexibles ?
En particulier, comment l’hétérogénéité interne, celle des entités nouvellement associées, se réduit-elle pour
aboutir à un ensemble cohérent ? Quel poids aux logiques de différenciation ou au contraire
d’homogénéisation au regard d’autres ensembles, institutions ou territoires ?
En miroir de celle de l’intégration, l’analyse des impacts de l’intégration et des incidences de la redistribution
intercommunale sur l’ordre (des différences) communal, ayant jusque-là donné lieu à peu d’investigations546,
nécessiterait l’élaboration d’un protocole adapté. Il reposerait dans un premier temps sur des explorations
locales, à la fois quantitatives et qualitatives.
A ce stade, les observations que nous avons effectuées illustrent en particulier l’existence de déclinaisons
territorialisées de l’intercommunalité : l’institutionnalisation ne se concrétise pas selon des modalités
analogues en tous territoires. Poursuivant, nous nous penchons sur d’autres facettes des actions conjointes
des communes et des communautés, sur leurs manifestations territoriales.
544 Les Inspecteurs en concluent que le regroupement et la mutualisation ne constituent pas des facteurs d’économies quand ces
dernières sont pourtant recherchées avec les groupements.
545 Demeurant stables dans leur périmètre et dans leur composition (en communes), ce qui restreint singulièrement le panel
d’observations.
546 Tout au plus peut-on recenser l’étude effectuée, pour des intercommunalités ciblées, par A. Guengant et G. Gilbert pour le compte
de l’AdCF (2008).
293
294
2-L’intercommunalité et son adaptation territoriale en actes
Conjuguant explorations quantitatives et qualitatives, à diverses dates couvrant différentes étapes dans la
maturation des ensembles intercommunaux, des travaux successifs nous ont amené(s) à explorer plusieurs
modalités d’actions, révélatrices de l’intercommunalisation et de l’intercommunalité en actes. Tout en étant
thématique ou sectorielle, la mise en perspective de ces travaux fait apparaître des éléments
complémentaires à ceux issus des explorations auxquelles nous avons participé.
Ces explorations ont tout d’abord trait aux modalités de territorialisation du dispositif de péréquation
horizontale, institué par la Loi de Finances de 2010, opérationnel à compter de 2012 et portant nom de Fonds
de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales (Navarre, 2014a). Les suivantes sont
dédiées aux implications financières des intercommunalités dans des politiques particulières, à savoir celles
de l’habitat (Cordier et al., 2010). Enfin, un regard est porté sur le rôle dévolu aux groupements dans la
gestion des moyens humains, tel qu’il transparaît d’un point de vue budgétaire et tel qu’il se construit
progressivement, en lien avec la trajectoire empruntée par les établissements de coopération eux-mêmes
(Navarre, 2017a). Nous nous appuyons sur les résultats contenus dans ces publications et travaux, tout en
prolongeant les réflexions qu’ils initiaient.
Les résultats en question s’organisent finalement autour de lignes de force communes et transversales qui
tiennent à l’utilisation locale des dispositifs d’adaptation territoriale du cadre intercommunal (leur
mobilisation permettant éventuellement d’aménager les dispositions prescrites, contribuant soit à les aligner
sur celles prises dans d’autres ensembles intercommunaux, soit au contraire à les en différencier), au rôle de
la fonction financière et des arrangements budgétaires dans l’affirmation des capacités d’action des
communautés (en lien avec celles des communes-membres et en écho aux particularités du contexte
territorial) ainsi qu’à la construction de solutions intercommunalisées dans tout ou partie d’actes majeurs ou
de domaines d’action centraux dans les ensembles intercommunaux. Par-delà la diversité des domaines
d’action transparaissent des tensions (verticales, horizontales) parcourant les ensembles intercommunaux,
rendant mouvants les équilibres s’établissant en leur sein et progressive la construction des politiques
conduites sous leur égide.
295
Les mécanismes de péréquation dite horizontale, redistribuant les richesses entre collectivités, s’imposent
alors comme d’indispensables compléments aux instruments verticaux d’égalisation.
Entre autres, le Fonds de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales (FPIC) est conçu à
cette fin, à l’attention du bloc communal. Le fonds, géré au niveau national, est alimenté par des
contributions prélevées sur les ensembles intercommunaux désignés comme les plus dotés ; les sommes
perçues sont réparties entre ceux reconnus comme les moins pourvus ou les plus en difficultés.
Le dispositif, inédit547, présente des intérêts à plus d’un titre. L’un d’entre eux, majeur au regard de nos
problématiques, réside dans le fait que les seuils et montants des contributions, tout comme ceux des
attributions, sont déterminés en fonction de la richesse (fiscale ou financière) évaluée pour l’entité que
constituent les communes et leur groupement (éventuel) d’appartenance. Ainsi est à la fois consacrée la
réalité des ensembles intercommunaux et celle des groupements, tenus comme les pivots du dispositif. Cette
consécration va même plus loin puisque si les textes instituent des règles de droit commun pour la répartition
des montants en jeu entre le groupement et ses communes, ils prévoient que les conseils communautaires
peuvent décider, sous conditions, de leurs propres modalités de partage des fonds548. L’intercommunalité
est alors, dans le droit fil des dispositions légales successives visant sa promotion, reconnue comme la maille
pertinente pour l’exercice de la solidarité locale. En laissant ses représentants s’accorder sur la cohérence
entre les partages internes et sur leur vision de la solidarité au sein de l’espace communautaire, elle est en
outre tenue comme le niveau de gouvernement adéquat pour la redistribution du FPIC549. Les exécutifs
locaux ont ainsi entre leurs mains un des ressorts de l’adaptabilité territoriale (cf. supra) dont ils peuvent
user pour le configurer en fonction de leurs options politiques, au sein de leur périmètre d’administration.
L’on peut alors se demander si les élus (communaux, intercommunaux) se saisissent effectivement des
marges de manœuvre qui leur sont offertes ou bien si des freins, de divers ordres, sont suffisamment actifs
au point de laisser subsister les dispositions instituées. La réponse ne va a priori pas de soi. Les conditions de
la gouvernance financière sont en jeu ; les négociations autour des partages et les concurrences qu’elles
ouvrent nécessairement550 risquent de la fragiliser. Tous éléments qui sont de nature à susciter une frilosité
de la part des représentants des communes et du groupement. Au jeu de la répartition arrêtée, les élus et la
collectivité qu’ils représentent au sein de l’ensemble sont en effet à la fois solidaires et concurrents. Une
tension complémentaire réside dans la nécessité pour eux de garantir peu ou prou une cohérence avec les
arrangements valant en matière de Dotation de Solidarité Communautaire (éventuelle), représentatifs de la
solidarité instituée localement ou bien de construire un argumentaire en vue de s’en détacher. Compte tenu
de ces enjeux et de ces potentielles tensions, nous avons cherché à apporter quelques éléments
d’information sur les modes de partage adoptés pour le FPIC, sur les motifs servant à justifier ces orientations.
547 Pour les communes et leurs groupements existait jusqu’alors uniquement le Fonds de Solidarité de la Région Ile de France (FSRIF),
créé en 1991, et institué sur la base des particularités des collectivités de la Région (cf. https://www.collectivites-
locales.gouv.fr/fonds-solidarite-des-communes-region-ile-france-fsrif).
548 En 2012, si la règle de droit commun était acceptée, la répartition était effectuée en fonction de la contribution de chaque entité
au Potentiel fiscal agrégé (corrigé des Attributions de compensation). Selon la règle dérogatoire (prise à la majorité qualifiée), la
contribution de l’EPCI était fonction de son CIF (Coefficient d’Intégration Fiscale), celle des communes était fonction de leur
contribution au potentiel fiscal ou déterminée librement. Sur délibération prise à l’unanimité, la répartition pouvait être libre. Ne
sont pas mentionnées dans cette synthèse les dispositions valant lorsque les communes sont concernées par la DSU ou par le FSRIF.
549 Et ce, sans omettre que la souplesse, l’adaptabilité locale ainsi prévues peuvent être tenues comme des moyens facilitant
l’acceptabilité du dispositif institué, cette dernière n’allant pas de soi pour les ensembles affectés par un prélèvement au bénéfice
du Fonds.
550 Le montant du prélèvement/du reversement du FPIC étant une enveloppe fermée, ce qui incombe/revient aux unes est
296
Pour ce faire, un terrain d’étude a été choisi de façon pragmatique : nous avons retenu les ensembles
intercommunaux franciliens et pour des explorations qualitatives551, les plus urbains ou les plus importants
d’entre eux, c’est-à-dire ceux constitués autour de communautés d’agglomération. Outre l’établissement
d’un état des lieux du fonctionnement du Fonds, il s’agissait en effet de recueillir les représentations
associées, et tout particulièrement celles attachées au rôle dévolu à la communauté en matière de
redistribution financière entre ses entités constitutives.
Les ensembles en question ne sont assurément pas représentatifs des réalités nationales ; toute montée en
généralité s’avère en conséquence impossible. Les représentants et membres de ces collectivités sont
toutefois porteurs d’une sensibilité particulière, ou vive, à l’égard du FPIC. De par leur situation (relative) sur
le plan fiscal et socioéconomique, compte tenu des modalités de fonctionnement du dispositif552, ces
ensembles sont en effet (parmi) les plus forts contributeurs au Fonds. Nous avons également constaté que
leurs versements sont plus abondants que le laissent en moyenne escompter leur poids démographique et
leur catégorisation en termes de revenus des populations. Leurs élus et leurs personnels sont en outre
accoutumés aux logiques de la péréquation entre collectivités, compte tenu de l’existence préalable du
FSRIF ; ils sont alors en mesure de mettre en perspective le fonctionnement des deux Fonds.
D’emblée, les éléments d’observation sont par ailleurs à relativiser en ce qu’ils ne reflètent pas l’intégralité
des réactions suscitées par le FPIC. L’étude étant effectuée à une date proche de son institution, les flux en
jeu sont encore modestes553, comparativement à ce qui est prévu, une fois la montée en puissance
effectuée554. Cette faible importance est à même de tempérer les réactions, la nouveauté du dispositif et les
modifications qu’il apporte étant quant à elles susceptibles de les aviver.
Au sein du panel observé, un constat majeur s’impose : les règles de répartition fixées par les textes sont
majoritairement suivies. Le cadre prescrit l’emporte sur les adaptations. Ceci témoigne à sa façon de
l’existence d’un grand écart entre les revendications récurrentes des entités décentralisées en matière
d’autonomie locale, la vigilance apportée à sa préservation et ses usages tout à fait modérés.
Cette forme d’acceptation des régimes établis relève, selon les propos recueillis, d’une nette volonté de ne
pas ouvrir les discussions sur les modalités de partage du FPIC, voire sur celles de l’exercice de la solidarité
au sein de l’ensemble intercommunal, notamment à la veille des consultations électorales. Il est avancé que
des modifications seront éventuellement introduites à l’issue de ces dernières, en 2014. Ce qui est d’une
certaine façon révélateur des incertitudes de la gouvernance financière intercommunale, que des débats
(renouvelés) sur un sujet sensible pourraient mettre à mal. Les règles instituées érigent une forme de rempart
contre des risques de dissensions, de bouleversements des équilibres établis. Dit autrement, les prescriptions
verticales l’emportent, compte tenu des fragilités horizontales.
551 Les données relatives aux montants du FPIC, pour chaque ensemble intercommunal présent à la date de l’étude au sein de la
Région, ont été collectées à partir du site de la DGCL. Une campagne d’entretiens téléphoniques conduite en avril 2013. Pour cela, il
a été choisi, dans ce premier temps d’exploration, de ne pas solliciter les (71) communautés de communes, fortement diversifiées.
Les 4 SAN (Syndicats d’Agglomération Nouvelle) n’ont pas été intégrés à la démarche, du fait de leurs spécificités financières. Les
entretiens ont été réalisés soit avec les Directeurs Généraux des Services, soit avec les Responsables des Services financiers, soit
encore avec quelques élus en charge des questions financières, pour 25 communautés d’agglomération (au sein des 39 que compte
l’Ile de France à la date d’étude).
552 Cf. en particulier : Ministère de l’Intérieur, 2017, Rapport 2017 du Gouvernement relatif au fonds national de péréquation des
ressources intercommunales et communales (FPIC), 58 p. Ce rapport est régulièrement publié pour chacune des années suivantes.
553 Pour les ensembles franciliens, le montant moyen des prélèvements s’établit à environ 3€/hab en 2012 ; selon les ensembles, il
pour atteindre, à partir de 2016, 2% des ressources fiscales communales et intercommunales, soit plus d’1 milliard d’€. Afin de tenir
compte des restrictions budgétaires allant de pair avec la baisse des dotations étatiques, le volume du Fonds demeure fixé à 1 milliard
d’€ pour 2017 et 2018, ainsi que pour les années suivantes.
297
Les réticences à l’adaptation tiennent également aux procédures et à l’instrument lui-même. Les
interlocuteurs sont en effet quasiment unanimes pour souligner les difficultés à réunir les conditions de
majorité suffisantes en vue d’amender les dispositions en vigueur et même, de parvenir à l’unanimité requise
en vue d’instaurer les règles de partage souhaitées localement. Tout se passerait-il d’ailleurs comme si ces
exigences politiques/démocratiques de consensus étaient établies en vue de limiter les possibilités
d’adaptations locales et la formation de règles territorialisées ? Ou bien si l’on se départit d’une vision
intentionnelle, tout adviendrait comme si le jeu local de formation des accords et des compromis s’opposait
in fine à l’affirmation de solutions réellement intercommunales (Desage, 2007, 2009).
Les entretiens révèlent bien que la communauté est fréquemment considérée comme un volet
d’ajustement : au terme des décisions des conseils communautaires, il lui revient de compenser par des
versements en leur direction les prélèvements opérés sur les communes-membres au titre du FPIC ou bien,
lorsque les règles ont donné lieu à des adaptations, charge à elle de supporter les contributions requises en
leur lieu et place. Les interlocuteurs reconnaissent, et déplorent, le fait que ces prélèvements minent les
capacités financières de l’intercommunalité. La responsabilité ne serait pas imputable aux représentants des
communes : le blâme est transféré vers les instigateurs de la péréquation horizontale. Tout particulièrement
dans une période de stagnation des versements étatiques, les mesures édictées nationalement sont tenues
comme s’opposant à l’effectivité de la solidarité agie par le groupement. La communauté ferait ainsi les frais
d’un déséquilibre dans les relations financières entre Etat et collectivités.
Le partage des responsabilités au sein de l’ensemble est toutefois mis en question. Les chefs des services
administratifs affirment ainsi qu’ils tentent de mettre en garde les élus communautaires contre les risques
de dérives que font courir à l’intercommunalité les revendications financières et les demandes de
substitution émanant des communes ; ils reconnaissent ne pas (encore ?) avoir gain de cause. Les décisions
s’accumulent, soulignent-ils, au risque parfois de la cohérence d’ensemble et des capacités d’action du
groupement. De la sorte, les arrangements politiques et les représentations techniques ou gestionnaires ne
convergeraient pas nécessairement.
Pour autant, les analyses disponibles montrent que les choix intercommunaux ne sauraient être réduits à la
seule expression des intérêts des maires, à la préservation des institutions communales, à des réponses
formulées au nom d’une logique de guichet (Reigner, 2011). Ainsi que le révèlent les propos que nous avons
recueillis, le rôle des communautés s’affirme, les groupements devenant les organisateurs de la solidarité
intracommunautaire, les garants du respect des règles formalisées localement et empêchant de succomber
à toutes les revendications communalistes. De par la reconnaissance de son rôle d’arbitre dans les partages,
la communauté sortirait institutionnellement ou politiquement renforcée, même si elle est affectée
financièrement. Ceci ne s’opposant alors pas au fait qu’elle soit instrumentalisée, en servant d’échelon de
régulation entre les intérêts portés nationalement et ceux s’exprimant au plus près des réalités de terrain.
Elle se situerait ainsi au point de rencontre entre des impératifs verticaux, objets de contestation et
demandant une appropriation, et des nécessités de régulations horizontales au sein de l’ensemble
intercommunal.
Nos interlocuteurs présentent en outre la situation de leur ensemble intercommunal comme une référence.
Ils comparent alors ce territoire à ceux qui sont voisins, c’est-à-dire, selon le cas, à ceux de première ou de
deuxième Couronne au sein de la Région Ile de France, voire à ceux du reste de l’espace national. Ces
territoires et ensembles apparaissent à leurs yeux, à un titre ou à un autre, plus favorisés sur le plan socio-
économique quand, pourtant, ils contribuent moindrement au FPIC.
298
Autant pour souligner les représentations en termes d’injustices auxquelles expose le dispositif horizontal,
dans son mode de fonctionnement actuel et dans ses inadaptations face aux inégalités telles qu’elles sont
perçues. L’argument comporte cependant des limites. L’intercommunalité est en effet tenue, dans les propos
recueillis, comme représentant les intérêts du territoire, mais principalement sur un mode défensif, dans une
opposition à d’autres pour la conquête de gains ou pour la minimisation de pertes. Les réticences à la
solidarité interterritoriale feraient feu de tout bois et le passage à la maille intercommunale n’atténuerait
pas réellement les égoïsmes locaux. Sa mise en place condenserait l’expression de solidarités et également
de concurrences ou de rivalités intercommunautaires.
Ainsi peut-on poursuivre en se demandant si, à l’issue de la phase de montée en puissance du dispositif, de
l’acculturation progressive à son mode de fonctionnement, et dans un contexte de resserrement des
contraintes budgétaires, les représentations associées au rôle de l’intercommunalité en matière de
redistribution financière demeure(ro)nt identiques. Par ailleurs, l’élargissement des périmètres
intercommunaux, sous l’effet des réformes successives, a rebattu les cartes de la gouvernance des
communautés tout autant que la géographie intracommunautaire des disparités : les objectifs et modes de
résolution des tensions en matière de solidarité à la fois interne et externe ont-ils notoirement évolué, au
profit d’une affirmation du rôle, politique et financier, des groupements ? Les réticences à l’instauration
d’une DGF intercommunale (c’est-à-dire attribuée par l’Etat aux communautés et répartie entre les
communes au vu des décisions des conseils communautaires), telles que suscitées en 2017 par les
perspectives de réforme de la Dotation, indiqueraient que les hésitations sont encore fortes à cet endroit…
La territorialisation du dispositif est loin d’être encore de mise555, tout comme l’instauration d’un réel ordre
intercommunal… Les arbitrages verticaux et les décisions nationales seraient-elles encore préférables à des
arrangements conclus localement ?
Des recherches à venir apporteront éventuellement des éléments de réponse en écho à ces
questionnements. Les travaux déjà effectués, notamment ceux relatifs à la conduite des politiques locales de
l’habitat et au positionnement des communautés en leur sein, nous permettent d’ores et déjà de préciser
ces interrogations, d’apporter des nuances – fonctionnelles et territoriales – aux premiers constats déjà
établis et relatifs à l’établissement de solutions effectivement intercommunales ou intercommunalisées.
555 De par la Loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales est introduit un nouvel article au Code général
des collectivités territoriales (L. 5211-28-2) permettant aux EPCI à fiscalité propre de territorialiser la dotation globale de
fonctionnement. Le rapport parlementaire (Pirès-Beaune, Germain, 2015) contenait des propositions complémentaires pour une
territorialisation (ou une intercommunalisation ?) plus étendue de la DGF et de sa répartition. Ces propositions ont donné lieu à de
vifs débats et oppositions. Compte tenu de ses coûts politiques, notamment en période de consultations électorales, la réforme de
la Dotation, pourtant appelée de nombreux vœux, a été différée.
299
300
2-2-L’implication financière de la communauté, condition de sa position de
chef d’orchestre
En répondant à la consultation de recherche lancée par le PUCA en 2008 et intitulée « L’intercommunalité à
l’épreuve des faits », notre objectif était bien entendu de nous inscrire dans les attendus de cet appel à
projets, tout en nous focalisant sur un domaine particulier d’action ou d’intervention des groupements, à
savoir celui des politiques locales de l’habitat.
Les auteurs de la consultation exprimaient le souhait de dépasser les controverses, séparant principalement
les politistes, et ayant trait à la réalité de pouvoir intercommunal, incertain voire inexistant compte tenu de
la force et de la persistance des entités communales. De premiers travaux des membres de l’équipe556, les
recherches bibliographiques initiales appuyaient notre hypothèse, concordante avec les termes énoncés par
le PUCA, selon laquelle les groupements assument un rôle certain en termes d’action publique, mais plus ou
moins marqué selon les cas, et situé dans une interdépendance variable avec leurs communes-membres. Dit
autrement, l’institutionnalisation de l’intercommunalité revêtirait différentes formes territoriales, ces
dernières se révélant notamment dans les actions respectives des parties constitutives des ensembles
intercommunaux.
Nous avons choisi de mettre cette hypothèse à l’épreuve des réalités, en observant l’implication des
communautés en actes dans un domaine particulier d’action, à savoir la conduite des politiques locales de
l’habitat. Ce domaine d’intervention est approprié puisque les groupements ont un rôle majeur à jouer en la
matière, ne serait-ce que parce qu’ils sont amenés à construire une stratégie et des actions, pour l’essentiel
condensées dans les Programmes Locaux de l’Habitat PLH dont ils ont charge (Driant, 2009). Ils établissent
ce cadre d’intervention en propre, puis évoluent en son sein, sans qu’il relève d’une simple dévolution de
l’Etat ou d’un transfert en provenance des communes-membres. En tant que telle, la conduite, sous l’égide
des groupements, des politiques locales de l’habitat, est de facto emblématique d’une territorialisation
progressive de l’action publique (Béhar et al., 2001 ; Ballain, 2005). Comment se conjuguent alors cette
territorialisation et l’intercommunalisation en cours ou en voie de consolidation ?
L’affirmation des groupements, leur légitimation dans l’action pose inévitablement la question des moyens
que ces institutions sont en mesure de mobiliser au service des politiques concernées. Les conditions et
modalités de cette mobilisation de ressources sont essentielles. Paradoxalement, ces aspects budgétaires
sont peu ou pas étudiés557. Les sensibilités croisées des membres de l’équipe constituée au sein du
Lab’urba558 nous ont alors conduit à interroger de près l’implication financière des intercommunalités dans
le domaine choisi de politique. Est-elle en particulier proportionnée aux missions confiées aux groupements,
à leur rôle escompté ? Les arrangements conclus au sein de l’ensemble intercommunal et les capacités de
mobilisation façonnées pour les communautés en fonction de leur statut et régime fiscal sont-ils favorables
à cette mobilisation de moyens ? En retour, la conduite des politiques intercommunales a-t-elle des
incidences sur les arrangements budgétaires au sein de l’ensemble intercommunal et à la constitution de
règles locales ?
556 Et tout particulièrement ceux de M. Cordier puis ceux de M. Le Hervet, jusqu’à la soutenance de leur thèse de doctorat respective.
Cordier M., 2011, De la politique du logement aux politiques locales de l'habitat : l'apprentissage de l'action collective négociée,
Université Paris Est, 519 p
Le Hervet M., 2013, Les politiques de l'habitat à l'épreuve de la fragmentation métropolitaine. Le cas de l'Ile-de-France, Université
Paris Est.
557 Un état des lieux le confirme. La principale étude recensée est celle réalisée par l’ANIL et l’AdCF (Herbert, Delpech, 2011).
558 Outre celles développées en matière d’intercommunalité et déjà mentionnées, J.-C. Driant est reconnu pour son expertise en
matière de politiques (locales) de l’habitat ; S. Guelton, M.-P. Rousseau et F. Navarre avaient déjà réalisé des travaux portant sur
l’économie de l’aménagement, incluant de larges volets dédiés aux finances publiques locales.
301
Le parti pris du projet développé est principalement qualitatif. Du fait de l’absence de comptabilité
fonctionnelle adaptée pour les entités locales, et tout comme dans d’autres domaines d’intervention
(cf. Chapitre 1), il n’existe pas de données quantitatives rendant compte des sommes investies par les
collectivités dans la conduite de leurs interventions au service de l’habitat et a fortiori, d’informations
rendues publiques à ce sujet. L’un des objectifs du protocole de recherche a alors consisté à construire, à
titre exploratoire, une méthode permettant d’appréhender les aspects budgétaires en question. Ainsi visait-
on à rendre compte concrètement d’un trait effectif, participant des réalités de l’intercommunalité. Et
surtout, en lien, les entretiens avec les acteurs impliqués ont été conçus comme permettant d’aller au-delà
d’aspects informationnels : ils visaient à appréhender les représentations associées, les registres de
légitimation avancés par les acteurs concernés soit pour conforter, soit pour décrier le portage
intercommunal des actions (tant prévues que conduites) et en tout état de cause, pour caractériser les
investissements budgétaires allant de pair.
En vue de déployer le protocole inscrit dans le projet de recherche, trois terrains aux configurations
différenciées, notamment sur le plan du contexte territorial et du fonctionnement du marché local du
logement ainsi que du point de vue de la situation financière du groupement et de l’intégration
intercommunale, ont été retenus : la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY), la
communauté d’agglomération rouennaise (CAR) et la communauté urbaine de Dunkerque Grand Littoral
(CUD)559.
Les explorations réalisées nous ont servi à montrer que, malgré une certaine variabilité, les montants
mobilisés par l’intercommunalité au service des actions participant du domaine de politique retenu sont
modestes560. Cette modestie apparaît d’emblée comme entretenant un décalage avec l’accent mis, tant
localement que nationalement, sur l’importance de l’implication des communautés dans le secteur de
l’habitat. La valorisation du rôle de l’institution intercommunale relève-t-elle d’une simple rhétorique
politique ou bien la présence budgétaire des groupements, même réduite, sert-elle d’autres fins ou bien
encore n’est-elle pas strictement nécessaire ?
La réponse à ces questionnements peut difficilement être unique, les participations financières des
intercommunalités variant non seulement selon les lieux mais également, pour chacune d’entre elles, selon
les opérations. D’ailleurs, en observant plusieurs de ces réalisations en détail, il ressort que les
investissements budgétaires intercommunaux, tout en étant limités, contribuent à influer sur le contenu des
projets, sur leur programmation, sur leur composition voire sur leur localisation, ainsi que sur les aspects
techniques (et énergétiques) des constructions, en lien avec les orientations propres à chacun des PLH. Les
capacités d’intervention des communautés sont donc bien réelles mais diversifiées.
Les entretiens et analyses révèlent en tout état de cause que tout se passe comme si l’essentiel ne résidait
pas dans l’intensité des interventions financières du groupement. Ses missions sont ailleurs, dans
l’accompagnement, l’incitation, l’enrôlement des communes ainsi que dans la mobilisation de l’ensemble
des acteurs impliqués, des propriétaires fonciers aux promoteurs, afin d’atteindre les objectifs définis en
559 La consultation sous-entendait la nécessité de retenir comme cas d’études des intercommunalités avec lesquelles des
coopérations de travail étaient déjà établies ou qui avaient accepté le principe de leur analyse détaillée et d’une mobilisation
informationnelle en conséquence.
Au sein des différents terrains, des entretiens (une cinquantaine) ont été réalisés auprès d’acteurs locaux (élus et principalement
membres des services opérationnels, financiers des villes et intercommunalités, bailleurs sociaux et promoteurs…) et de
représentants des services déconcentrés de l’Etat.
560 Selon les estimations effectuées, les dépenses en question représentent tout au plus 4% du budget communautaire, et au
302
commun ou imposés au territoire561, soit autant d’objectifs dont l’institution intercommunale est garante.
Ainsi se produirait une certaine instrumentation de la fonction financière intercommunale. L’investissement
budgétaire de l’établissement de coopération constituerait une des conditions nécessaires (mais non
suffisante) pour assurer sa participation aux tours de table requis pour le financement des opérations, aux
débats que suscite leur réalisation… L’affirmation du groupement est d’autant plus problématique et variable
que le jeu est multi-niveaux (l’Etat étant bien toujours présent, ne serait-ce que via les délégations des aides
à la pierre, tout comme le département engagé dans les dimensions sociales associées au logement…) et
multi-partenarial (nécessitant en particulier de composer avec les bailleurs sociaux, en tant que pièces
essentielles des dispositifs…). Le positionnement est d’autant plus délicat à trouver pour le groupement lui-
même que les compétences indispensables à la concrétisation des objectifs en matière d’habitat sont
particulièrement enchevêtrées (Cordier, 2011). En sus, les communautés souffrent d’emblée d’un déficit
d’instruments et de potentiel d’action puisque les communes demeurent maîtresses des droits d’usage des
sols562, soucieuses du maintien de leurs prérogatives en matière de peuplement… Au sein d’un même
ensemble intercommunal, toutes les communes ne présentent en outre pas des problématiques analogues :
les équilibres en sont d’autant plus subtils à construire puis à préserver. L’intercommunalité serait alors la
figure clé de l’établissement de compromis à la fois multiples et négociés ; ce qui suppose sa participation
financière sans que sa présence se réduise à ce seul aspect.
De la sorte, l’implication budgétaire de la communauté, en ce qu’elle sert à conforter son rôle de chef
d’orchestre, est l’objet de gradations : elle apparaît forte dans une phase de constitution et d’affirmation (à
la CAMY par exemple), moindre lorsque l’institution intercommunale est installée, et affirmée, de longue
date (à la CUD par exemple). Parallèlement, dans ce processus et compte tenu des héritages (politiques), la
nature des relations avec les communes impliquées par les opérations diffère, allant de la négociation à
l’imposition (au nom des règles antérieurement négociées et prenant quasiment force d’impératif local). En
particulier, les questions foncières cristallisent une grande part des enjeux et conditionnent fortement la
nature des relations horizontales. Au sein des cadres imposés, une différenciation intercommunautaire
s’instaure, en écho avec les contextes territoriaux et les situations héritées.
Dans ce contexte, une des dimensions centrales pour la communauté et pour l’affirmation de son
positionnement réside dans ses capacités à se doter d’une réelle expertise et d’une capacité de production
de connaissances. La dotation en question apparaît, dans les cas observés, comme l’une des clés qui,
conjuguée à des fonctions instrumentales563, est indispensable pour que le groupement affirme ses propres
lignes directrices ou encore son positionnement identitaire. De la sorte, de la posture de chef d’orchestre, il
s’acheminerait vers celle de chef de file564. La mobilisation de moyens financiers n’est qu’une, au regard de
l’ensemble des ressources indispensables à cette fin.
En filigrane, il apparaît, au travers des divers cas de figure examinés, qu’il est difficile de procéder à une
autonomisation de la fonction financière ou du rôle budgétaire de l’intercommunalité. Cette fonction ou ce
rôle sont intriqués à l’ensemble des modalités que revêt l’intervention de l’institution intercommunale.
Preuve en serait l’absence de stratégie financière qui soit à la fois délibérée de la part de la communauté et
articulée au programme des réalisations. Ainsi, dans pratiquement tous les cas de figure, des
ajustements progressifs ont lieu avant qu’un règlement des aides accordées aux opérateurs de l’habitat ou
561 Dans le cadre des contractualisations avec l’Etat (pour la réalisation des objectifs nationaux de production de logement social et
se concrétisant notamment dans la prise en charge locale des délégations des aides à la pierre).
562 Au moins à la date de l’étude. Les Plan locaux d'urbanisme intercommunal PLUI apportant des modifications en la matière.
563 Telles les facultés à accéder aux procédures, à produire un consensus propice à l’action collective…
564 Nous empruntons cette distinction (instrumentale/identitaire) à S. Cadiou (2007).
303
aux ménages concernés soit formalisé. Ce règlement est pourtant essentiel, en ce qu’il fixe les conditions des
versements provenant de l’intercommunalité ainsi que de ses partenaires financiers. De la sorte, par la
pratique et dans l’action, les règles du jeu partenarial sont établies, en cohérence avec les objectifs du PLH.
Il ressort que les contenus et les modalités des règlements sont diversifiés et même territorialisés ; ils varient
en effet selon les lieux et les besoins tels que placés au centre des dispositifs d’action565. Avec cet instrument,
l’intercommunalité met un terme à la récurrence des négociations, qu’elles se déroulent avec les bailleurs
sociaux, avec les propriétaires de logements privés… Peu à peu, elle tend à se substituer aux communes dans
ce rôle et ainsi, à affirmer l’effectivité du sien, avec les moyens requis.
Ainsi fait-elle la preuve de son existence, en partie par l’intermédiaire de ses dépenses, dans un processus
d’apprentissage progressif. Pour autant, la recherche par l’intercommunalité de moyens et d’interventions
financières n’est pas première au regard d’autres objectifs politiques et/ou territoriaux. Tel est par exemple
le cas en matière de délégation des aides à la pierre566. Les possibilités qui leur sont offertes de prise en
charge de cette délégation, dans le cadre de conventionnements avec l’Etat, suscitent de la part des
communautés des réactions mitigées. Ces dernières vont du refus en vue de ménager ou d’atteindre les
objectifs propres au territoire (dans le Mantois, par exemple, par volonté de limiter la production de
logements sociaux afin de parvenir à une mixité plus intense du peuplement local) jusqu’à la revendication
de droits élargis (dans le dunkerquois par exemple, afin que les institutions locales soient à même de conduire
une vraie politique territorialisée de l’habitat en général, du logement social en particulier), en passant par
une position d’attente (dans l’agglomération rouennaise par exemple, face aux modifications à venir du
périmètre et de la gouvernance intercommunale). Le positionnement des communautés face à ces
opportunités et à ces dispositifs instrumentaux traduit une différenciation des régimes territoriaux, à
reconnaissance institutionnelle semblable. Si l’on élargit le regard, cette diversification est-elle à même
d’induire « une dynamique de changement encore plus radicale : la différenciation des fonctions assurées
par chacun des échelons au sein de ces agencements institutionnels ? » (Béhar, 2014, np).
Sans qu’ils permettent d’être totalement affirmatifs quant à cette tendance, les constats réunis apportent
des éléments de réponse positifs. Les communautés et leurs communes regroupées s’instaurent en
ensembles intercommunaux poursuivant des objectifs spécifiques en matière de politiques de l’habitat, une
part des spécificités provenant des enjeux propres au territoire, en lien avec l’expression des rapports de
force politiques locaux et avec les relations construites à l’endroit des services étatiques. La mobilisation
financière apparaît comme l’une des pièces, parmi d’autres, de ces arrangements. Si elle est une des
conditions permissives de la conduite intercommunale de l’action publique, en retour, l’affirmation du
groupement influe sur les nécessités budgétaires et leur redéploiement (au profit du foncier, d’opérations
ciblées, de territoires prioritaires, de contractualisations…). Parallèlement, au sein des possibles et des
contraintes, le groupement se dote d’instruments de son choix, les confectionne à sa main (tels les
règlements des aides567) en vue d’agir aux fins reconnues comme communes. A la négociation et à l’issue de
cette dernière, elle substitue l’imposition, tout en protégeant son budget, au moins pendant la durée de vie
du dispositif. Ainsi constitue-t-elle, au moins en partie, son identité opérationnelle et budgétaire, en
565 Ainsi, autour d’un fond commun dédié au logement social et aux interventions en matière de réhabilitation du parc privé, l’accent
est mis sur le peuplement à la CAMY, sur l’éco-conditionnalité à la CAR, sur l’augmentation de la production et le rééquilibrage
territorial à la CUD, et sur les moyens destinés à atteindre ces objectifs.
566 « Les EPCI à fiscalité propre disposant d’un PLH peuvent demander au représentant dans le département, pour sa mise en œuvre
de conclure une convention par laquelle l’État leur délègue la compétence pour l’attribution des aides à la pierre, à savoir les aides
financières destinées à : la production (construction et acquisition), la réhabilitation et la démolition des logements locatifs sociaux
ainsi que la création de place d’hébergement ; l’amélioration de l’habitat privé relevant des aides de l’ANAH ». (source :
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/delegation-des-aides-a-pierre)
567 Et plus globalement, les Pactes fiscaux et financiers, édictés localement, formalisant les objectifs et les modalités de
fonctionnement budgétaire, avec des contenus plus ou moins extensifs et rigides, pour une durée contractuelle.
304
instaurant une certaine distanciation avec les régimes communaux. Nécessités, ou objectifs de l’action, et
implication financière tendent à s’apprivoiser mutuellement, dans la dynamique qu’instaure
l’intercommunalisation. Les issues de cette construction, autour d’un fond commun, prennent dans chaque
cas des formes singulières, territorialisées ou propres à des intercommunalités et de ce fait,
intercommunalisées.
Les secousses économiques et financières intervenues à compter de 2008, la réforme de la fiscalité locale et
les baisses des concours de l’Etat font planer des incertitudes sur les conditions de la mobilisation financière
des collectivités au regard des domaines d’action qui sont les leurs. Nos interlocuteurs ont fait état de leurs
préoccupations à ce propos d’autant que, processus de maturation aidant, l’intrication entre les objectifs des
politiques locales de l’habitat, ceux formalisés dans les PLH et la programmation financière de l’institution
intercommunale devient plus étroite. Les avis convergeaient alors : le resserrement des contraintes pesant
sur les budgets publics conduit à une majoration des préoccupations d’ordre budgétaire, de celles relatives
à leur articulation avec les (autres) conditions de l’action. L’implication financière de la communauté en
deviendrait-elle plus centrale ou bien, comme dans d’autres domaines d’action, les exigences formulées au
nom de l’austérité et de la rigueur font-elles l’objet d’une forme d’instrumentation, servant ainsi de voile à
d’autres fins (Ségas, 2016) ?
L’analyse des mobilisations intercommunales dans les politiques locales de l’habitat nous a conduit à mettre
à nouveau en relief l’importance décisive des ressources en termes d’expertise et de personnel des
communautés. Dans la mesure où l’importance du poste budgétaire afférent à ces moyens humains est
l’objet de multiples débats et de controverses à l’aune des enjeux de rationalisation des dépenses publiques
en général, locales en particulier, nous apportons quelques éléments d’analyse à propos de leur traitement
dans le cadre des organisations intercommunales. En lien avec l’intercommunalité et compte tenu de la
multiplicité des enjeux, assiste-t-on dans ce domaine singulier à l’émergence de constructions territorialisées,
les communautés jouant alors un rôle décisif ?
305
306
2-3-Une intercommunalisation progressive de la gestion financière des
moyens humains
Parmi les dépenses (considérées selon leur nature) des collectivités, les charges de personnel forment un
poste budgétaire encore aisé à évaluer. Ces charges donnent en effet lieu à une catégorisation régulièrement
instituée au sein des comptes locaux. Au-delà de cet aspect pragmatique, les dépenses en question
représentent un poste budgétaire qui fait l’objet de multiples attentions.
Entre autres, les flux monétaires afférents sont l’un des plus conséquents des budgets de fonctionnement
des collectivités et ce, de longue date ; ils connaissent même une progression soutenue568. Les entités du
bloc communal sont d’ailleurs les premières dépensières en la matière : elles réalisent pratiquement les trois
quarts de l’ensemble des dépenses consacrées par les collectivités et leurs groupements à la rémunération
de leurs moyens humains (74% en 2015).
Le niveau de ces charges et leur évolution sont régulièrement observés dans les rapports institutionnels et
périodiques (Cour des Comptes, Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales…). Ceci est tout
particulièrement avéré dans les années récentes au cours desquelles est prônée une rationalisation dans les
usages des deniers publics, où sont recherchées des sources d’économies.
D’ailleurs, la dynamique des dépenses locales de personnel n’aurait pas encore subi d’inflexion majeure
(Jaune Budgétaire, 2018), ni même de mouvement vers quelque stabilité, ou mieux en direction d’une baisse,
tel qu’attendus afin de parvenir aux objectifs fixés en matière de maîtrise des comptes publics. « La forte
progression des dépenses de personnel explique en grande partie la hausse des dépenses de fonctionnement
[des APUL] » (Jaune budgétaire, 2020). Les collectivités sont alors pointées comme de mauvaises élèves (Cour
des Comptes, 2012), comparativement à l’Etat ayant déjà réduit la masse salariale des fonctionnaires de son
ressort. Au-delà même des débats et des controverses, la gestion des dépenses des personnels de la fonction
publique territoriale fait l’objet d’une véritable instrumentation ; elle constitue un enjeu à part entière dans
le rapport de forces entre Etat et collectivités (Le Saout, 2017b).
Les entités du bloc communal prêtent aisément le flanc à la critique que ne manquent pas de leur adresser
les représentants nationaux. Avec l’intercommunalisation, il était attendu un mouvement de vases
communicants des moyens humains au sein des ensembles intercommunaux, les personnels des communes
devant intégrer les services de l’intercommunalité, proportionnellement ou parallèlement au mouvement de
transfert institué de compétences (cf. supra). L’intégration fonctionnelle servirait logiquement des fins de
rationalisation. Les faits ont été ou sont encore têtus : les effets escomptés de ces processus, et leur pendant
sous forme d’économies budgétaires, ne se sont pas produits. Si les intercommunalités ont accueilli une part
des personnels des communes, elles ont également recruté leurs propres agents. Les communes n’ont pas
pour autant réduit leurs effectifs ; elles ont même procédé à de nouveaux recrutements (Jaune Budgétaire,
2018), en vue de s’adapter aux besoins ou d’étoffer l’offre de services locaux569. Certes, la structure des
effectifs et des dépenses de personnel au sein du bloc communal change, attestant du rôle croissant des
groupements en la matière570.
568 En 2015, les dépenses de personnel des collectivités locales et de leurs groupements s’élèvent à 60,12 milliards d’€. Elles ont
progressé, entre 1996 et 2015, plus rapidement que les dépenses réelles de fonctionnement (dont elles représentent respectivement,
aux deux dates, 32 et 35%), et que les dépenses réelles totales évaluées hors remboursement de dette (dont elles représentent
respectivement 23 et 27%). Elles ont même continué à s’élever entre 2016 et 2017, alors que se manifestait un premier
ralentissement dans le volume des dotations étatiques reçues par les collectivités (source : DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres
CLEC, diverses années).
569 A titre d’exemples peuvent être mentionnés les besoins de personnels imposés par les changements des rythmes scolaires, la
montée en gamme des services d’aide à la personne nécessitant des moyens humains…
570 En 2009, les effectifs (sur emplois principaux hors bénéficiaires de contrats aidés) des EPCI à fiscalité propre représentaient 12%
de ceux employés dans le secteur communal ; en 2018, cette part s’élevait à 19%. Aux mêmes dates, les charges de personnel
307
Mais les charges imputables au bloc communal ont continué à croître. Les incitations voire les injonctions se
multiplient pour que la rationalisation attendue s’opère (Le Saout, 2017a), sous couvert de restauration des
équilibres des comptes publics. Les questions relatives aux dépenses liées à la fonction publique territoriale
sont de la sorte inscrites dans des logiques d’ordre supérieur, verticales (nationales et même
supranationales) qui les dépassent.
De longue date, des dispositions nationales pèsent assurément sur les conditions de l’emploi local et sur les
rémunérations associées. Elles sont indispensables en vue de conférer une unité de statut dans la fonction
publique territoriale. Leur finalité majeure est de mettre ses membres à l’abri de trop grandes particularités,
pressions ou différences selon les lieux d’exercice, tout en garantissant des adaptations des conditions
d’emploi aux réalités locales. De la sorte, en particulier, les évolutions des dépenses constatées résultent
pour partie d’exigences externes (le Glissement Vieillesse Technicité GVT571…) et de choix internes (les
recrutements…). Du fait de ce double régime de détermination, maintes collectivités, y compris celles du bloc
communal, rejettent la responsabilité des progressions des charges qui leur sont imputées, invoquant le
poids des décisions étatiques sur le cours de leurs dépenses572.
Cependant, même si les dépenses locales de personnel sont enserrées dans un ensemble de contraintes,
dont certaines ne relèvent en rien de décisions des représentants des collectivités, des préférences locales
parviennent à se manifester, influant sur le cours des charges en question. Certains auteurs vont même
jusqu’à faire état d’un localisme, d’un municipalisme, voire d’électoralisme… dans les usages de la fonction
publique locale (Chavas et al., 1984 ; Cassette et al., 2011). Une analyse territorialisée des montants des
rémunérations et de leurs évolutions fait donc sens.
Sans nier la réalité des données chiffrées et des tendances d’ensemble, nous avons cherché à mettre en
évidence si, parallèlement à ce qui s’opère en matière de logique de redistribution, de conduite de l’action
publique locale, et même si le processus n’atteint pas toutes les fins escomptées, une mutualisation des
moyens humains et des charges afférentes s’est déjà effectuée au sein du bloc communal, en lien avec
l’affirmation (constatée) du rôle des groupements. De façon symétrique à ce qui advient dans les autres
domaines analysés, et conformément à notre cadre (théorique) d’ensemble, nous postulons que les
processus à l’œuvre s’expriment de façon territorialisée. La territorialisation pourrait d’ailleurs être telle que
ces processus et leur état (actuel) d’aboutissement prendraient des formes singulières selon les
groupements, soit encore des formes intercommunalisées.
D’un point de vue analytique, les dépenses de personnel du bloc communal et leur partage au sein de ce bloc
constitueraient en particulier un « objet » révélateur des interdépendances fonctionnelles et budgétaires
entre communes et intercommunalité, au sens où nous pouvons les entendre. Il révèlerait encore les
possibilités, ou non, des groupements de s’affirmer en tant qu’échelons de décision, d’organisation et de
conduites de politiques, en intégrant leur fonction financière. En ce sens, l’analyse des dépenses en question
se situe pleinement dans la continuité de nos investigations telles que restituées précédemment. Ceci justifie
pesaient respectivement pour 14% et 20% parmi celles supportées au sein du bloc communal (source : DGCL, Les Collectivités Locales
en Chiffres CLEC, 2010). Les GFP employaient, en 2018, 260 100 employés, ce qui représente une dépense voisine de 9,45 Md€.
571 Un GVT (positif) correspond à l’augmentation de la rémunération individuelle due à l’avancement quasi-automatique sur la grille
indiciaire des agents, du fait de la progression de leur âge (composante Vieillesse), d’un changement éventuel de grade (ou de corps)
par le biais de concours, de promotions… (composante Technicité).
572 La Cour des comptes estime, en 2014, à 42% (soit environ 1 milliard d'euros) la part des augmentations de dépenses liées à
l’ensemble des mesures nationales, qu’elles résultent des dispositions statutaires s’imposant à tous ou des décisions nationales telles
celles portant sur l’aménagement des rythmes scolaires, les compétences remises aux collectivités… (Cour de comptes, 2015b).
308
alors l’attention que nous accordons à ces dépenses de personnel réalisées par et au sein du bloc communal,
à leur évolution, et à la mise en évidence des faits territoriaux s’exprimant en la matière.
En vue d’affiner l’état des lieux que permettent de dresser les données financières usuellement disponibles
pour toute collectivité et pour leur ensemble au niveau national, nous avons sollicité des informations
complémentaires auprès de la DGFiP. L’objectif est ainsi de disposer d’indications précises non pas seulement
sur les montants (individualisés par collectivité) mais également sur les composantes des dépenses elles-
mêmes573 et surtout, des données relatives aux flux financiers transitant entre les entités regroupées à
l’occasion des mutualisations de personnels entre communes et groupements.
Ces mutualisations, ou mises en commun, prennent des formes variées et peuvent s’entendre de diverses
façons (AdCF, 2014b) : elles sont pour les unes descendantes, pour les autres ascendantes574. Ces modalités
diversifiées se combinent même selon les services et territoires. Dans tous les cas de figure, l’entité
utilisatrice ou encore celle qui bénéficie de la mise à disposition compense (par l’intermédiaire d’un
versement financier apparaissant dans ses dépenses) les rémunérations des personnels concernés à l’entité
auxquels ces employés appartiennent statutairement575. Les mutualisations donnent ainsi lieu à des flux
financiers, éventuellement croisés, entre communes et groupements. Intégrant ces mouvements, le poids
effectif des rémunérations pour chaque entité diffère en conséquence de celui, apparent, mentionné dans
ses comptes.
Des données détaillées sur les montants en jeu, commune par commune et EPCI par EPCI, nous ont été
fournies pour 2009 et 2014576, autorisant un certain nombre de comparaisons et la mise en évidence des
dynamiques à l’oeuvre577.
Sur la base de ces informations (jusque-là peu ou pas étudiées), nous avons procédé à des évaluations
d’ensemble, dressant un tableau des réalités des dépenses concernées pour le bloc communal puis mis en
exergue des figures territorialisées, révélant des arrangements établis entre communes et groupements en
matière de répartitition des charges financières relevant des ressources humaines. Nous restituons pour
partie ces éléments, en ce qu’ils suggèrent des pistes d’analyses, articulées à celles que nous avons déjà
esquissées.
D’emblée, les données et leur traitement attestent d’une part du rôle manifeste des groupements dans la
mutualisation des personnels et d’autre part de l’apparition de solutions territorialisées dans la mise en
commun des employés au sein du bloc communal (Tableau 37).
573 Faisant apparaître ce qui relève des salaires proprement dits, des charges sociales de diverses natures. Ces données ne faisaient
alors pas l’objet d’une diffusion. Elles sont maintenant accessibles via les balances comptables des entités publiques locales
disponibles en ligne, rendues publiques de façon officielle.
574 La mutualisation est dite descendante lorsque des personnels ou services de l’intercommunalité sont mis à disposition des
2009 et 2014 portent donc sur les volumes revenant à chaque entité et ne permettent pas réellement d’apprécier les évolutions dans
les échanges financiers. Elles servent néanmoins à comparer ce qui, dans les rémunérations effectivement versées, relève de chaque
entité, des communes ou de leur groupement.
577 Les explorations conduites pour 2014 sont quasi-exhaustives : elles portent sur 2 137 ensembles intercommunaux parmi les 2 145
existant à cette date (les données financières ne sont pas disponibles pour les autres). Pour les comparaisons entre 2009 et 2014, on
retient uniquement les ensembles intercommunaux dont la morphologie (en nombre de communes) n’a pas connu de modification,
soit 1 160 ensembles intercommunaux. Ces ensembles constituent un panel significatif puisqu’ils rassemblent pratiquement 2/3 des
communes et 60% de la population regroupée ; ce panel est par ailleurs représentatif dans sa composition en divers types
d’intercommunalités.
309
Tableau 37 - Remboursements des communes aux groupements de communes à fiscalité propre (GFP) et inversement,
en millions d’€ et en % de dépenses, 2014, ensembles intercommunaux
nbe remboursements rembourse- poids moyen poids moyen poids moyen poids moyen
d'ensem- des communes aux ments des des des des des
bles GFP, en millions GFP aux rembourse- rembourse- rembourse- rembourse-
d’€ communes, ments des ments des ments du ments du
en millions communes communes GFP aux GFP aux
d’€ au GFP, en % au GFP, en % communes, communes,
de leurs DRF des dép de en % de ses en % des dep
personnel du DRF de personnel
GFP des
communes
pas de flux 1 297 0 0
remboursements
des communes au 238 346,2 0 5% 25 %
GFP
remboursements
des GFP aux 335 0 70,3 2% 1%
communes
flux croisés 267 202,6 96,5 1% 10 % 2% 1%
ensemble 2 137 548,8 166,8 1% 8% 1% 1%
Note : DRF = Dépenses Réelles de Fonctionnement
Source : élaboration à partir de données DGFiP
Dans plus de la moitié des ensembles n’apparaît aucun flux de compensation financière entre les communes
et leur groupement d’appartenance. Ceci ne signe pas pour autant l’absence de mutualisation. Les transferts
à partir des communes ont déjà pu être effectués ; le personnel est alors géré à part entière par
l’établissement de coopération, mis au service des compétences dévolues à la communauté et exercées au
sein du périmètre intercommunal, sans être affecté à la réalisation de missions précises pour les communes.
L’intégration intercommunale est dans ces cas réalisée à part entière. Le groupement joue pleinement son
rôle d’intégrateur et d’employeur. Hormis ces situations et sans que l’on puisse apprécier la fréquence des
unes et des autres, il peut advenir que les services (financiers) des intercommunalités comme des communes
n’aient pas fait preuve de la rigueur comptable escomptée et que les dépenses relatives aux mutualisations
n’aient pas donné lieu aux enregistrements qui conviennent. La Cour des Comptes, dans ses publications
annuelles, pointe régulièrement ces types de déficit et l’on ne saurait omettre leur existence578.
Dans les autres cas de figure, une intégration par les moyens est bien à l’œuvre. Elle est principalement agie
par les groupements, ceux-ci étant les principaux attributaires de versements compensatoires en provenance
de leurs communes-membres579. Ceci confirme que les EPCI sont bien, conformément aux attendus, les
vecteurs ou agents de la mutualisation. Ils ont à conduire une réelle politique de leurs ressources humaines,
y compris lorsque leurs employés effectuent des tâches pour le compte des communes et pour l’exercice de
missions n’ayant pas (encore ?) donné lieu à une totale intégration. C’est également dire que les
intercommunalités, fréquemment accusées d’être dépensières, d’alourdir les charges du bloc communal,
réalisent une part de leurs dépenses580 pour le compte des communes qui les constituent.
578 Le rapport annuel de 2012 indique les difficultés d’évaluation des recettes et des dépenses du bloc communal, du fait de l’absence
de comptabilisation et de possibilité de repérage des flux croisés, affectant divers postes budgétaires. A titre indicatif, il est mentionné
que « Il en résulte une incertitude de plusieurs centaines de millions d’euros sur certains postes de dépenses et notamment sur le
poste des dépenses de personnel des groupements » (Cour des Comptes, 2012).
579 En 2014, les communes ont versé 549 millions d’€ en direction de leurs groupements, en contrepartie des personnels que ces
derniers avaient mis à leur disposition. À l’inverse, les groupements ont versé 167 millions d’€ aux communes. Les montants en
question représentent respectivement 8 % du total des charges de personnel des groupements et 1% de celles des communes.
580 Les sommes versées par les communes représentent en moyenne 25% des dépenses de personnel des 238 groupements mettant
à disposition une partie de leurs agents (et sans qu’il existe de transfert inverse).
310
Ce qui contribue à atténuer la portée du procès – rhétorique, politique et/ou teinté de réalité – qui leur est
intenté. Cette forme de prise en charge signe par ailleurs l’effectivité du rôle de l’intercommunalité, tout en
reconnaissant qu’elle n’atteste en rien de son efficience.
Tout en prenant acte de la fragilité des comparaisons inter-temporelles581, l’analyse des données, conduite à
périmètres constants des ensembles, indique que les charges de personnel des GFP progressent plus
nettement que celles des communes, et même que les dépenses récurrentes/de fonctionnement des
ensembles. Ce qui atteste bien que les fonctions de mutualisation assumées par le groupement sont allées
croissant au cours des années récentes, coïncidant avec la phase de montée en puissance ou de maturation
de l’intercommunalité.
Le processus se déroule certes avec des bémols selon les lieux et les configurations territoriales. L’effet de
substitution est loin de se manifester partout et partout de façon semblable, les données indiquant que les
évolutions des dépenses (de personnel) communales et intercommunales s’effectuent sans lien (perceptible
aisément). Ce qui invite à cerner de plus près quels peuvent être, au sein de la variabilité constatée, des
figures-types, illustratives de modes d’arrangements spécifiques et même territorialisés.
Des analyses multidimensionnelles582 ont été conduites pour les ensembles intercommunaux. Elles ont été
réalisées selon le mode dit « associé » (cf. Chapitre 3). En cohérence avec nos partis pris d’analyse, les réalités
des dépenses sont « situées » : elles sont considérées en prenant acte du faisceau de dépendances qui les
relie aux contextes territoriaux et aux situations financières des entités locales elles-mêmes. Dans la mesure
où ces contextes et situations contribuent à donner forme aux modalités locales de mobilisation des
ressources, qu’il s’agisse de fiscalité (cf. Chapitre 2) ou d’emprunts (cf. Chapitre 3), recettes et dépenses des
collectivités étant elles-mêmes liées, les charges locales sont également tenues comme dépendantes des
caractéristiques du budget local et du territoire dans lequel se déploie l’action locale ou l’offre de services
publics locaux. De ce fait, les ensembles sont simultanément caractérisés en retenant des variables
descriptives des contextes territoriaux583, des particularités du groupement (dont les analyses précédentes
ont révélé la pertinence ou contribué à la discuter)584, de son importance en termes de dépenses de
personnel et de l’évolution de ce rôle au cours de la période d’étude585, compte tenu de la dynamique
budgétaire de l’ensemble586.
Les analyses en question587 révèlent que les ensembles se distinguent en premier lieu selon leur degré
d’intégration, y compris par les moyens humains et en second lieu, en fonction de la dynamique des budgets
en général, des dépenses de personnel en particulier. Les deux lignes de différenciation sont indépendantes.
Ce qui indique d’une part que la mutualisation n’exerce pas d’incidence directe et uniforme sur l’évolution
des finances des ensembles. Ce qui amène d’autre part à conclure que le processus de mutualisation ne
581 La comptabilisation des flux, obligatoire depuis 2010, peut ne pas s’effectuer partout avec la même diligence.
582 Des Analyses en Composantes Principales ACP suivies de Classifications Ascendantes Hiérarchiques CAH.
583 Ces variables (nombre de communes des ensembles intercommunaux, population en 2015, densité de peuplement, potentiel
financier, en €/hab) sont tenues comme des facteurs explicatifs dans les modélisations établies pour « expliquer » les niveaux des
dépenses locales et leurs variations (Gilbert et Guengant, 2004 ; Cour des comptes, 2016a) ; on postule qu’elles jouent également un
rôle en matière de dépenses de personnel.
584 Soit l’ancienneté du groupement, son Coefficient d’Intégration Fiscale.
585 Soit le niveau des charges de personnel (en €/hab), le poids des dépenses de personnel au sein des dépenses (réelles) de
fonctionnement pour l’ensemble intercommunal, les taux annuels moyens d’évolution des charges de personnel et assimilés du
groupement et des communes (en %, 2009-2014) , la part relative des charges de personnel (et assimilés) des groupements dans
celles des ensembles intercommunaux (en %, 2009) et l’évolution de la part relative de ces charges entre 2009 et 2014 (en points de
%).
586 Dont on rend compte par le biais du taux annuel moyen d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement (en %, 2009-2014)
587 Elles sont conduites pour les 100 ensembles les plus agglomérés. Les résultats sont analogues pour les 1 160 ensembles
311
ressort pas uniquement de considérations financières. La rationalisation de l’usage des moyens ne fait pas
toujours ses preuves (budgétaires) ; elle ne serait alors pas le seul ressort de décision des mises en commun.
Ce qui à sa façon confirme un attendu : l’intercommunalisation peut se jouer sur d’autres terrains, au nom
d’enjeux autres que financiers même si ces derniers sont bien souvent présentés comme prépondérants.
Tableau 38 – Intercommunalisation des dépenses de personnel, typologie des ensembles intercommunaux, 2009-2014
en fonction des divers indicateurs d’analyse retenus
Ensemble
des cas Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Classe 7
étudiés
Caractéristique profils Expansion communale Progression modérée Modération Situation
établie
Avec affirmation groupement
Nette En cours Effectuée
Communauté d’agglomération centrale Laval Amiens Grand Auch Vichy Sarre- Hauts de Casquy
de la classe (53) (80) (32) Allier Guemines Bièvre (78)
(03) (57) (92)
nbe d’ensembles intercommunaux* 100 2 2 16 47 12 17 4
nbe communes/ensemble 24 14 19 14 20 42 6 11
population ensemble 332 527 113 024 197 298 131 533 186 985 743 366 126 293 108 391
Densité de peuplement, en hab/km2 1 546 317 791 560 681 1 797 4 756 1 023
Ancienneté en tant que GFP, en années 20 12 27 11 17 34 9 22
Coefficient d’intégration fiscale, en % 38% 37% 57% 34% 36% 45% 28% 43%
Potentiel financier, en €/hab 1 127 1 307 1 045 985 1 114 1 066 1 202 2 116
Charges de personnel, en €/hab 774 680 1 098 634 743 772 774 1 482
Dep personnel, en % DRF 48% 51% 43% 47% 49% 44% 53% 55%
Taux d’évolution DRF, en % 3% 19% 4% 4% 3% 1% 3% 2%
Taux évol dep pers ensemble, en % 3% 25% 8% 4% 3% 2% 3% 3%
Taux évolution charges pers GFP, en % 6% 5% 9% 22% 6% 0% 6% 5%
Taux évolution charges pers communes, 4% 28% 37% 2% 3% 2% 3% 2%
en %
Poids GFP, en % charges pers ensemble. 18% 21% 84% 9% 14% 22% 12% 19%
Évol poids GFP (personnel), en points de 1pt -12pts -21pts 9pts 2pts -2pts 2pt 2pts
%
Notes : DRF = Dépenses Réelles de Fonctionnement ; en gras, les moyennes par catégories significativement différentes des
moyennes d’ensemble au seuil statistique de 95% ; un objet central est représentatif des traits moyens de sa classe sans
nécessairement en posséder tous les attributs.
Source : élaboration à partir de données DGFiP, Insee, Banatic
Compte-tenu de leurs particularités au regard de ces deux dimensions (structurantes), les ensembles se
répartissent entre 7 grandes figures-types, illustrant des combinatoires spécifiques et rendant compte d’une
forme de gradation dans la prise en charge des dépenses de personnel par le groupement (Tableau 38).
Il ressort que les situations où le poids relatif du groupement régresse, tout en étant exceptionnelles, n’en
existent pas moins. Ces cas de figure singuliers peuvent résulter de régularisations comptables influant sur
les montants pris en compte et sur leur évolution. Dans le cas contraire, leur existence tendrait à montrer
que le processus d’intercommunalisation peut être réversible et se manifester sous forme de retour financier
des communes, dans la prise en charge des dépenses de personnel.
Tout en étant plus ou moins prononcée, de façon générale, cette part des communes est d’ailleurs très
largement majeure (cf. supra). Un renversement de perspective, au profit d’une affirmation massive du rôle
du groupement dans la gestion budgétaire des moyens humains de l’ensemble, nécessiterait une rupture
radicale au regard des modes de faire en vigueur dans la très grande majorité des territoires.
312
Le personnel est bien encore une affaire des communes, en dépit d’une affirmation certaine des
groupements en la matière588. Il n’est bien entendu pas envisageable de porter un jugement de valeur sur
cette position des communautés ni même sur une éventuelle adéquation des montants et des besoins en
expertise, en encadrement… existant au sein des groupements en lien avec les compétences leur revenant.
Quoi qu’il en soit, les situations sont contrastées puisque les charges afférentes aux employés diffèrent tant
en niveau qu’en poids au sein des budgets des ensembles comme des seuls groupements. Le rôle même de
ces derniers dans la mutualisation des personnels est variable, sans aller strictement de pair avec l’intégration
fiscale et/ou l’ancienneté de l’intercommunalité. Ce qui révèle que la gestion – financière – des personnels
est susceptible de répondre à des logiques qui lui sont particulières. Ce qui indique encore que, autour d’une
formule moyenne de partage et de mise en commun des personnels, des modalités territorialement
diversifiées de prise en charge par le GFP pour une part et par les communes le composant d’autre part.
Ces modalités se structurent sous forme de figure-types, décrites par l’intermédiaire des profils des classes
de ressemblance telles qu’identifiées.
A un premier stade, tout se passe comme si les classes (et notamment celles fédérées sous la bannière dite
‘Progression modérée – des budgets et des charges de personnel - avec affirmation [du] groupement’)
représentaient des stades successifs dans l’intégration autour du groupement par les charges (de personnel) ;
ainsi peut-elle être nette, en cours et enfin, effectuée. Ceci reviendrait toutefois à supposer que les
trajectoires locales puissent s’effectuer avec une certaine linéarité et constance.
Les ensembles de la classe 6 (dits de la ‘Modération’) représentent un cas de figure singulier de cette
affirmation des groupements, par ailleurs encore peu intégrés ; la dynamique est cependant modérée. Il n’est
pas exclu que dans ces ensembles, largement urbains et récemment constitués, les contraintes budgétaires
et les pressions de l’existant589 constituent des freins à une expansion des dépenses, de celles de
l’intercommunalité quand celles des communes ont toute probabilité de perdurer.
Les ensembles de la classe 7 représenteraient plutôt des ‘Situations établies’. Dans ces contextes bien
souvent urbains, le niveau de richesse est ou a été favorable aux dépenses, à l’emploi de nombreux
personnels et/ou à de hauts niveaux de rémunération. Une moindre dynamique de développement local,
des incertitudes quant au devenir des institutions et du patrimoine d’équipements existants… contribuent
en toute hypothèse à amener les décideurs locaux à marquer le pas590.
Les éléments ainsi réunis révèlent, en filigrane, que l’on ne peut porter de jugement évaluatif unique et
critique sur la dynamique d’intercommunalisation ou sur l’état intercommunalisé des charges de personnel,
sur les effets (tenus comme haussiers) qui seraient imputables au groupement. Les cas de figure sont
diversifiés et les ensembles sont traversés par diverses dynamiques. Celles-ci convergent cependant pour
attester que, de différentes façons, le rôle de l’établissement de coopération s’affirme, soit dans l’espace,
soit dans le temps. En témoignent les gradations perceptibles. Tantôt la communauté assume les missions
qui lui reviennent statutairement et gère en conséquence son propre personnel, chacune des entités
fonctionnant alors de manière autonome dans la gestion des moyens humains. Tantôt elle fait fonction
d’employeur et met ses personnels, en échange de contreparties financières, au service de ses membres.
588 Pour la quasi-totalité des ensembles et en moyenne pratiquement pour tous les groupes identifiés, les dépenses de personnel
progressent plus rapidement pour les groupements que pour leurs communes-membres.
589 Tout comme la fragmentation communale en Ile de France.
590 L’ensemble autour de la CA Casquy constitue l’objet central de la classe 7. Outre cet ensemble, la classe est composée des
ensembles intercommunaux autour des CA Beauvaisis, CA Pays de Martigues, SAN Ouest Provence. Les ensembles proches de
Marseille ont été engagés dans des réflexions autour de la création de l’actuelle métropole d’Aix-Marseille-Provence. Les SAN ont
connu de fortes vagues d’équipement (et ont subi les charges de fonctionnement associées), en lien avec leur implication dans la
création des villes nouvelles.
313
L’une comme l’autre des formules, leurs états combinés ou intermédiaires, laissent entendre des positions
arrêtées à la fois par les représentants des communes et par ceux du groupement. Ces différents modèles
ou types de politiques coexistent, sans qu’aucun ne s’impose massivement. Et ce d’autant que les
mutualisations par les moyens humains se superposent à celles, distinctes, qui prévalent sur le plan fiscal et
financier et nous l’avons observé, dans des domaines particuliers de politique locale.
L’état (temporaire) d’aboutissement du processus comme les tendances à l’œuvre butent sur la présence
encore massive des communes ou, selon les avis, composent avec elle. Pour l’intercommunalité en général
et les communautés en particulier, l’affirmation d’un pouvoir par le personnel ne changerait
vraisemblablement rien à cet ordre des choses. En tant que telle, elle pourrait relever de la constitution
d’une couche additionnelle de technocratie locale, dont l’efficacité ferait figure de mythe (Delannoy et al.,
2004). Le projet institutionnel de l’intercommunalité, sous forme intégrée ou fédérative, l’est apparemment
tout autant, s’il s’agit de renverser les héritages. Les arrangements ressortiraient alors plutôt du registre
politique, autour de conciliation et de dépassement des positionnements des représentants communaux,
notamment lorsque comme bien souvent encore, ils sont engagés dans des objectifs nationaux et des
relations multi-niveaux. Dans ces arrangements, quelle place, entre première et subsidiaire, au partage des
moyens en général, humains en particulier ?
314
Eléments de conclusion
Rationalisation, simplification, modernisation…, autant de points cardinaux émaillant les réformes engagées
ces 30 dernières années, visant l’organisation institutionnelle ou territoriale en général et impulsant en
particulier la création de regroupements de communes à fiscalité propre. Nous ne saurions conclure quant à
l’atteinte, en tout ou partie, des objectifs fixés par les réformateurs et/ou par les législateurs, ni même
affirmer si ces remaniements ont conduit ou non à un agencement plus efficient, comparativement à celui
qui préexistait. Pourtant, explicitement ou implicitement, les préoccupations relatives à l’usage des deniers
publics étaient et sont bien encore au centre de la plupart des réformes territoriales (Hertzog, 2012a ;
Marcou, 2015). Les incitations financières versées par l’Etat afin d’encourager les groupements sont-elles
notamment proportionnées aux économies attendues, voire apparues ? De multiples points de vue, et
notamment sous l’angle de leurs ambitions financières, ces réformes posent question(s) (Torre, Bourdin,
2016). L’une de ces interrogations porterait par exemple sur les impacts des mutations initiées en termes de
simplification : cette dernière est-elle effective lorsqu’à l’empilement existant, est adjoint un nouveau type
d’établissement (en la forme des EPPCI à fiscalité propre), cette création se déclinant de surcroit en une
multitude de catégories, reposant sur une combinatoire extensive de statuts et de régimes (fiscaux) ?
Si l’on se déprend de visions évaluatives, d’un point de vue analytique, la mise en perspective des notions
d’intercommunalisation et de celle d’intercommunalité nous a conduit à donner corps à celle d’ensemble
intercommunal. Ce dernier, réunissant les communes et leur groupement, prend forme en se situant au point
de concours de logiques verticales et locales, conjointement actives ou activées. Précisément, l’activation
par les exécutifs des ressorts à leur disposition pour adapter le cadre normatif posé pour
l’intercommunalisaton induit que si l’intercommunalité est une construction de l’Etat (Guéranger, 2008a),
les communautés et les ensembles existant au sein des périmètres qu’elles administrent résultent également
d’une édification locale, voire territoriale. De la sorte s’opère, au sein de l’organisation décentralisée, en lien
avec l’autonomie locale, une conjonction entre des objectifs de rationalisation et des impératifs de
territorialisation ; l’intercommunalité communautaire en est un des produits. Les différenciations
démographiques, fonctionnelles et fiscales contenues dans les statuts et autorisées par les régimes prévus
dans des Lois successives sont autant d’aménagements pour adhérer à la variabilité territoriale, à ses
dynamiques et aux faits communaux. L’adaptabilité des dispositions demande à être pensée, modelée ; elle
conditionne pour partie l’acceptabilité de l’ensemble. Le dispositif doit encore intégrer des leviers lui
permettant d’être apprivoisé par les exécutifs locaux. La construction de l’intercommunalité s’effectue ainsi
par ajouts et par ajustements successifs, affinant ses contenus autour d’un modèle de base.
Ainsi que le mettent en relief nos travaux et leur restitution transversale, l’effectivité du dispositif se
concrétise elle aussi progressivement, sur fond de multiples intrications, notamment fiscales et financières,
qui se tissent entre les entités regroupées et le groupement. Elles confortent le groupement, ménagent les
communes, préservent les équilibres de leurs budgets, au moins à court terme. Ce système d’échanges et de
liens contribue à la singularité de l’intercommunalité en tant que telle, à la conformation singulière de chaque
ensemble intercommunal dans son organisation budgétaire. Les charges sont partagées mais les
compétences demeurent enchevêtrées ; la fiscalité est tantôt spécialisée, tantôt superposée mais les flux
entrecroisés perdurent. L’aboutissement de projets de territoires, l’aménagement et le développement des
espaces communautaires, par essence transversaux et placés au centre de l’intercommunalité, sous-tendent
en tout état de cause cette organisation… complexe.
L’existence des interdépendances financières en question, des modalités de répartition des ressources entre
les entités regroupées est certes aisément repérable à la lecture des textes fondateurs consacrant les
communautés ou l’intercommunalité communautaire. Toutefois, les matériaux empiriques réunis et
315
analysés, relatifs à l’institutionnalisation des réformes relatives à l’intercommunalisation ainsi qu’à
l’intercommunalité en actes, conduisent à rendre compte précisément de leur réalité et surtout, de leur
intensité. Celle-ci s’avère finalement variable selon les ensembles intercommunaux. Ne serait-ce
qu’appréciée à l’aune budgétaire, la gestion – ou les politiques ? – communale et intercommunale en matière
de dépenses de personnel est ainsi emblématique d’une pluralité de modes d’arrangements et de formes de
mutualisation des ressources humaines au sein des ensembles intercommunaux. La multiplicité des ressorts,
la variabilité des facultés d’adaptations, la diversité des possibilités de négociations sont constitutifs de
l’émergence de solutions – ou de bricolages ? – intercommunalisées. Peu ou prou, ces latitudes et les
fondements partagés (issus de la codification des statuts et des régimes fiscaux) rendent possible l’accès des
entités regroupées à des ressources pour certaines propres à chaque institution et pour d’autres partagées,
à la constitution de capacités locales d’action, ainsi que leur mobilisation sous forme d’interventions
(inter)territoriales. Ces éléments concourent d’un côté à rendre effective la notion de (sous)système financier
intercommunal et de l’autre, à rendre possible le fonctionnement de ce dernier, dans la mise en actes de
l’intercommunalité elle-même.
L’observation des réalités amène en outre à nuancer les points de vue. Sur le plan fiscal et budgétaire, ces
réalités intercommunales ne relèvent ni entièrement du désordre, ni du patchwork. Les principes
organisateurs font leurs effets. Par ailleurs, quand la mise en application des ressorts d’adaptabilité
territoriale semble aller de soi, leur appropriation et leur concrétisation ne sont pas toujours chose aisée.
Ainsi, des réticences, sur fonds de registres de légitimation et de représentations de diverses natures,
freinent l’adoption de solutions intercommunales en matière de péréquation horizontale, à la faveur des
règles instituées. Celles-ci préservent finalement les consensus communaux, dont l’établissement est l’objet
de tensions, qui font figure d’états d’équilibre instables. A contrario, la formulation sous l’égide des
communautés de règles locales (sous forme par exemple de règlement financier des aides en matière
d’habitat) est illustrative de l’établissement d’un cadre de référence ou d’un référentiel d’action, propre à
l’ensemble intercommunal. Ce référentiel compose lui aussi avec les sujétions nationales et avec les intérêts
locaux ; il s’adapte aux objectifs arrêtés au sein du périmètre communautaire. Ainsi apparaissent des
gradations dans l’adaptation territoriale et dans l’usage des instruments. Leur apparition est fonction de la
maturation de l’institution intercommunale et de l’appropriation de son fonctionnement. Il n’est pas à
exclure qu’elle soit variable selon des domaines d’action et dans ce cas, avivée lorsque des partages de
moyens sont en jeu. Qu’elle se manifeste par une adhésion au cadre imposé, qu’elle soit le résultat de
négociations ou le produit de stratégies (relatives par exemple au régime d’imposition et au degré
d’intégration fiscale), la solution adoptée est éminemment politique. Dans la mesure où cette solution
conditionne les moyens accessibles au groupement et la restitution qu’il opère en direction de ses membres,
elle n’est pas sans conséquences pour la conduite des politiques publiques qu’il est en mesure de conduire
au nom et au sein de l’ensemble intercommunal. Elle n’est de ce fait pas exempte de tensions, d’une fragilité
inhérente à des finalités contradictoires, celles que revêt l’intercommunalité communautaire.
316
mutualisée des tâches doit encore compter avec leur gestion parcellisée par l’échelon de base. Les
répartitions incertaines des compétences et des moyens financiers ménagent plutôt des complémentarités
entre communes et groupements. Au sein du bloc local, les permanences le disputent en conséquence aux
mutations. Compte tenu de l’inertie des organisations territoriales et de leurs substrats financiers, les
réformes successives bouleversent finalement moindrement les structures existantes. En tant que formules
de compromis, elles incluent d’ailleurs bien souvent des dispositions en vue de les préserver. L’attachement
à la commune et à son existence amplifieraient ce trait récurrent.
Par ailleurs, dans les faits, même si les communautés s’affirment comme chefs de file, ou d’orchestre, dans
des domaines de politiques sectorielles telles celles de l’habitat, cette affirmation est elle-même progressive.
Les communes disposent – encore - de ressources (entendues dans une acception large) conséquentes au
point qu’il puisse difficilement être envisagé qu’elles soient entièrement assujetties à des politiques ou à des
décisions des appareils intercommunaux.
Certes, l’importance financière de l’un ou l’autre des échelons de gouvernement n’équivaut pas à son
potentiel d’action, voire à la réalité de ses interventions. La modestie constatée à propos de la mobilisation
financière des communautés dans les politiques locales de l’habitat illustre cette absence de symétrie.
Toutefois, la part des charges de personnel revenant aux communes, les interdépendances qui se nouent
entre leurs budgets et ceux des groupements dans le domaine, suffiraient à indiquer que sur ce plan, les
communautés peuvent difficilement faire abstraction des réalités communales. Les restitutions
automatiques de fiscalité (via les attributions de compensation), les redistributions financières négociées
(sous forme de dotations de solidarité communautaire) à partir du groupement sont garantes du rôle
largement contraint de ce dernier au service du maintien des communes, de leurs (dés)équilibres, et
également du respect de leur droit. Quitte finalement, à maintenir les communautés dans une logique de
guichet, antinomique au regard de leurs finalités propres. La prééminence, la suprématie seraient ainsi
diversement partagées entre communes et communautés. Un ensemble d’interdépendances enserrerait
plutôt chacune de ces institutions, à la fois solidaires et concurrentes dans l’accès à des ressources fiscales
et publiques, tout en étant engagées dans un devenir commun ; il garantirait leur coexistence tout autant
que leurs rivalités (dans l’accès aux versements étatiques, au bénéfice effectif des produits fiscaux…).
D’un point de vue méthodologique, la singularité potentielle de chaque ensemble intercommunal engagerait
au choix d’approches localistes (Epstein, 2012). De nos analyses statistiques, il ressort que les ensembles ne
diffèrent pas du tout au tout. Ils partagent des ressemblances que ce soit en matière d’intégration ou de
mutualisation communautaire (des charges de personnel par exemple). L’existence de ces proximités amène
même à dessiner des idéaux-types, des formes de gradation dans les répartitions des charges et des moyens
entre communes et communautés, en lien avec les contextes territoriaux591. En dépit des particularités de
ces derniers, nos explorations qualitatives révèlent elles aussi des traits communs autour de mobilisations
en actes, dont l’identification demanderait assurément à être consolidée. Il n’en existe pas moins des
similitudes dans les montants en jeu, dans les structures budgétaires et dans les mécanismes financiers à
l’œuvre au sein des ensembles, dans leur organisation au bénéfice d’actions. En tout état de cause, les
réalités budgétaires des communes sont suffisamment prégnantes pour qu’elles imposent leur ordre de
similitudes et de dissemblances (cf. Chapitres 2 et 3). Les interventions des communautés, tout en n’étant
pas massives, contribuent cependant à leur reconfiguration. Les solutions intercommunales ne brouillent
ainsi pas totalement l’ordre imposé avec l’intercommunalsation ni même l’ordre communal. Elles laissent se
dessiner des sous-ensembles financiers et territoriaux, aux caractéristiques partagées, à l’aune de divers
591Les méthodes multidimensionnelles de Classification et de construction de typologies forcent certes au regroupement d’objets
distincts en classes de ressemblance et à la mise en avant de similitudes. Ces méthodes sont cependant suffisamment robustes et
éprouvées pour ne pas induire des catégorisations non fondées sur des éléments de réalité et des proximités (statistiques).
317
angles d’investigations, choisis à l’intérieur des dépenses, des domaines d’action ou des politiques locales de
gestion des charges de personnel.
Les différents éléments ainsi réunis confortent notre hypothèse, relative à l’existence et à l’unité du sous-
système financier propre à l’intercommunalité et aux ensembles intercommunaux, celui-ci étant partagé
entre des tendances à la diversification et à la standardisation d’une part, et traversé par des tendances
concourant à son inertie comme à sa mise en mouvement d’autre part.
Il reste que notre analyse n’est que partiellement aboutie puisqu’elle n’intègre pas les toutes récentes
modifications ayant trait à l’intercommunalisation, voire à sa variante sous forme de métropolisation…. Leur
prise en compte serait pourtant indispensable si comme nous l’avons annoncé, le système intercommunal
est digne d’attention en raison de sa mise en mouvement quasi-continue et des forces de changement qu’il
inclut. Pour des raisons d’ordre pragmatique, nous avons peu abordé les dispositions les plus récentes (Lois
NOTRe, MAPTAM) quand ces dernières ont assurément contribué à bouleverser la carte intercommunale, la
consistance des ensembles intercommunaux (et promu les métropoles). Parallèlement, elles ont
nécessairement participé à la création d’un nouvel ordre de différences au sein de l’intercommunalité ou
modifié l’existant, ne serait-ce qu’en raison des transformations sociodémographiques ayant affecté la
plupart des ensembles (Doré, 2018).
Finalement, alors que nous l’avons fréquemment évoqué, nous avons accordé une place somme toute
réduite à la mise en évidence des différences budgétaires entre ensembles intercommunaux, à leur évolution
et aux mécanismes fondant ces inégalités. Mécaniquement, le passage de la maille communale à la maille
intercommunale réduit la portée des écarts interterritoriaux ; l’extension des périmètres communautaires et
la réduction du nombre d’ensembles va dans le même sens. Ceci ne renseigne toutefois pas quant à l’ampleur
des dissimilitudes intercommunautaires à l’œuvre, sur la géographie de ces disparités. Un processus de
spécialisation est-il en cours entre des ensembles aux fortes capacités (budgétaires) d’action et d’autres
moins à même d’intervenir ? Ou bien au contraire, assiste-t-on à une réelle égalisation des situations ?
Si cet ordre de différences intercommunales importe, en lien avec les politiques de développement et
d’aménagement, celui qui persiste, séparant les situations budgétaires des communes, est tout aussi
essentiel. Appréhender ce dernier n’est certes pas une tentative inédite et nous avons, de différentes façons,
emprunté cette voie. Elle est à même de recevoir un sens renouvelé, à la lumière précisément de
l’intercommunalisation et du rôle de solidarité dévolu aux groupements au sein des périmètres
intercommunaux. Les communautés sont ainsi investies de missions de redistribution financière en direction
de leurs communes-membres. Au nom de représentations de la solidarité communautaire, les groupements
se substituent parfois à leurs membres pour les contributions au dispositif de péréquation horizontale. On
peut alors se demander quelle est la portée de ces vecteurs de reversement et quelles sont ses incidences
sur l’hétérogénéité financière des communes regroupées. Quelles sont encore les représentations associées
à cette solidarité localisée dont l’intensité est nécessairement réduite, du fait de la taille budgétaire du
groupement et des sujétions auxquelles il est soumis ? L’extension des périmètres intercommunaux et
partant, l’intensification de la diversité des profils des communes regroupées, la mise en commun à l’occasion
de fusion de groupements de pratiques variées de redistribution… ont vraisemblablement suscité des
adaptations. Les mailles métropolitaines, en tant que creusets hétérogènes de formes spécifiques de
développement, constitueraient à ce titre de bons analyseurs. En outre, au travers de leurs politiques
sectorielles et de leurs interventions, indirectement, les groupements modifient l’ampleur et la géographie
des différences entre communes. Quelles sont les incidences de tels mécanismes, entre spécialisation des
communes au sein de l’espace intercommunal et uniformisation des situations communales ?
318
On peut encore supposer que les inégalités intra et intercommunautaires ont évolué et continuent à évoluer
sous l’effet de processus dits « durs » (faisant écho à des logiques verticales) et d’autres dits « doux »
(relevant du mimétisme, des transferts de politiques publiques…), intervenant sous forme de crise
économique ; leur conjonction contribuerait à une mise en convergence des situations territoriales (Pasquier,
2016) et potentiellement, intercommunales. La catégorisation des processus en jeu et surtout, la
détermination de leurs potentiels effets, sont délicates. L’association des communes et des groupements au
redressement des comptes publics s’apparenterait au premier type évoqué. Pourtant, les dispositifs de
péréquation (verticale) et l’élévation des montants qui lui sont dédiés atténuent ses effets pour les
collectivités ciblées, voire les adoucissent. Le processus, majeur et inédit dans la dynamique des ressources
locales contribue à redessiner l’ordre des différences intercommunautaires, intercommunales, chacune des
composantes des ensembles étant diversement affectée par la réduction des versements étatiques, en
fonction de sa situation budgétaire et du contexte territorial. Face à ces transformations, les ressorts
d’adaptation budgétaire à la portée des intercommunalités sont susceptibles d’être diversement activés pour
répartir les coupes budgétaires. Diversement confrontés à des tensions budgétaires et inégalement sensibles
à des impératifs de rigueur gestionnaire, les exécutifs communaux et intercommunaux sont également
acteurs du déploiement de la contrainte financière (Ségas, 2016). Dans les faits, en lien avec ces divers
processus et mécanismes complémentaires, comment le paysage des inégalités budgétaires entre
communes, au sein de l’intercommunalité se recompose-t-il ? Quels liens avec la dynamique des inégalités
interterritoriales telles qu’elles se manifestent sur le plan socioéconomique, en prise avec les dynamiques de
développement et d’aménagement ? Les inégalités s’évaluent généralement à l’aune des capacités de
mobilisation de ressources (fiscales). L’observation de l’intercommunalité en (quelques) actes indique que
ces différences peuvent également se manifester et se transformer à l’occasion de la conduite des politiques
publiques dans et par les ensembles. Les projets de recherche IPL et InveST posent de premiers jalons quant
à ces déploiements sectoriels et à ces recompositions intersectorielles. Ils laissent indéniablement place à
des investigations complémentaires portant précisément sur les leviers (verticaux et/ou horizontaux, propres
à des ensembles ou au contraire partagés…) tels qu’ils sont activés et contribuant soit à la différenciation,
soit à l’homogénéisation des situations budgétaires locales, dans et hors l’intercommunalité, en lien avec
celle des contextes territoriaux.
319
320
Conclusion
« Une analyse épistémologique de la définition des biens publics par les principaux
courants en science économique permet de compléter la définition classique, qui
reste liée à une réflexion sur les limites du marché. En effet, l’économie fonctionne
comme toutes les autres sciences normales : lorsque son paradigme se heurte à
une anomalie explicative, elle procède par des étapes de labellisation et de
réappropriation théorique. Il ne s’agit pas tant (…) de revenir sur cette anomalie et
sur les arguments relatifs à la défaillance du marché que de rappeler la substitution
de ces défaillances – lesquelles, d’un point de vue théorique, ne sont pas les
bienvenues pour la logique interne du paradigme économique majeur – par des
artefacts permettant d’éviter une remise en cause plus générale de ce paradigme. »
(Boudes, Darrot, 2016, np)
321
322
Au terme (provisoire) de la restitution analytique de nos contributions à une approche des finances publiques
locales, il nous importe de dresser une synthèse des éléments majeurs d’observation auxquels nous sommes
parvenus. Tout en capitalisant sur ces apports, nous entrevoyons ensuite des pistes de dépassement,
engageant à une projection au-delà de limites auxquelles, chemin faisant, notre construction s’est heurtée.
Enfin, sans revenir de façon exhaustive sur les zones d’ombre que nous avons identifiées à l’occasion de nos
explorations thématiques, justifiant des investigations complémentaires, nous esquissons quelques axes de
prolongement pour d’éventuels travaux de recherche à venir.
Afin de surmonter le défi tenant à cette délicate conciliation voire à cette mise en transversalité, nous avons
pris le parti d’une approche consistant à tenir les finances locales comme un système, régi par un ensemble
de sujétions particulières, ouvert à des apports et à des dépendances externes, possédant ses propres
logiques internes de fonctionnement. Cette démarche intègre entre autres les contraintes de tous ordres
pesant sur les budgets locaux, les intérêts des parties prenantes, les possibilités d’action des élus locaux au
regard des leviers dont ils sont à un titre ou à un autre attributaires dans le cadre d’un mode d’organisation
décentralisé. Si l’approche peut en conséquence être systémique, sur la base de justifications de différentes
natures et en les étayant, nous avons considéré qu’elle méritait également d’être territorialisée et
diachronique.
Nous avons déployé progressivement la perspective analytique ainsi construite. Nous avons tout d’abord
envisagé les finances de l’ensemble des collectivités et les dynamiques qui les ont parcourues au cours des 3
à 4 dernières décennies (Chapitre 1). Nous avons ensuite adopté des points de vue thématisés, dédiés à la
mobilisation des ressources majeures que sont d’une part les impôts locaux (Chapitre 2) puis d’autre part les
emprunts auxquels les collectivités peuvent faire appel (Chapitre 3). Nous avons enfin observé des
recompositions (budgétaires, financières), apparues en lien avec la dynamique d’intercommunalisation, et
telles qu’elles se manifestent tout particulièrement en matière de dépenses locales. Le positionnement
initialement adopté nous apparait finalement fécond, à plusieurs titres.
323
de multiples observateurs, nous l’avons évoqué. Des considérations d’ordre macroéconomique ne semblent
par ailleurs pas indispensables quand l’objectif est de procéder à des analyses prenant principalement en
compte les territoires et leurs particularités. Dans les faits, l’état des lieux que nous avons établi comporte
assurément bon nombre de faits régulièrement mis en avant et reconnus comme structurants. Ceci vaudrait
par exemple s’agissant des mesures décentralisatrices et de leurs incidences sur les budgets des collectivités,
ou bien encore du chainage inter-temporel entre les dépenses consenties par les collectivités en matière
d’équipement et les charges courantes ou récurrentes qui en résultent. Ces observations nous semblent
néanmoins utiles non pas en les considérant isolément mais bien plutôt en les mettant en perspective de
façon conjointe.
Tenues simultanément, elles contribuent à mettre en exergue la complexité592 intrinsèque du système que
forment les finances locales. Il ressort en effet que la rencontre des forces, processus, logiques ou
mécanismes à l’œuvre ainsi que leurs antagonismes concourent à façonner l’état des budgets des
collectivités à un instant particulier et à donner conjointement forme à leur trajectoire. Ainsi la
décentralisation telle qu’elle est mise en œuvre sous-entend une dévolution de compétences en direction
des entités locales ; partant, elle suscite une évolution incompressible des charges qui leur reviennent. Tout
autant signifie-t-elle une accentuation de leur autonomie budgétaire et en conséquence, la reconnaissance
de leurs capacités à faire évoluer les montants administrés localement. Par ailleurs, les actes
décentralisateurs successifs ont conforté le rôle majeur des collectivités en matière de FBCF, ce qui sous-tend
des pressions durables sur leurs budgets et une mobilisation en conséquence de ressources. Simultanément,
des transferts verticaux et leur dynamique ont entretenu la propension locale à dépenser. Les représentants
des collectivités ont d’une façon ou d’une autre contribué à ce mouvement haussier. Tendanciellement et
sous le poids de facteurs croisés, l’expansion des budgets locaux va ainsi pratiquement de soi.
Parallèlement et régulièrement, au niveau national et politique, cette hausse des dépenses locales est
pointée du doigt. Et ce, non point en raison d’un déficit d’efficacité ou d’efficience, d’un manque d’adaptation
aux réalités ou aux besoins en termes de services publics locaux, soit encore de « critères » cohérents avec
l’esprit même de la décentralisation. Les constats, suivis d’incitations ou d’injonctions à la modération des
flux de dépenses locales et à un fonctionnement plus économe, sont bien plutôt prononcés au nom
d’impératifs de régulation, posés au niveau national ou européen. Tout se passe comme si les déformations
dans la structure des budgets locaux, inhérentes entre autres au processus politique enclenché dans les
années 80 et à l’accumulation d’un stock difficilement compressible de patrimoine public local, étaient peu
ou pas intégrées aux débats. Si ce regard – ou cette absence de regard – circonstancié peut somme toute
être de mise dans le débat public et prévaloir au titre d’orientations régulatrices, l’existence des dynamiques
contraires et de complémentarités, telles qu’elles parcourent de concert les finances locales, de l’intérieur
comme de l’extérieur, ne peut être passée sous silence lors d’une approche qui se veut analytique ou
compréhensive.
En tout état de cause, le stade de l’évocation à propos de ces états de fait peut difficilement être dépassé.
L’évaluation du poids effectif des différentes logiques à l’œuvre ne va en effet pas de soi.
En dépit de tentatives répétées (institutionnelles/officielles, académiques…), nous avons en effet constaté
que la conduite de cette évaluation se heurtait à un déficit récurrent de connaissances593. Les cadres
budgétaires, l’organisation comptable, les dispositions organisant les exercices budgétaires des collectivités…
demeurent paradoxalement quasi-inchangés, en dépit des mutations dans les fonctions qui sont dévolues
592 La notion de complexité est inhérente à celle de système. Sans que l’on vise une transposition terme pour terme au domaine des
finances locales, nous pouvons emprunter à A. Cambien (2008) quelques éléments de définition de la complexité, telle qu’entendue
au sens de la systémique. Un objet complexe est ainsi tenu comme flou et imprécis, à la fois dans ses délimitations et dans ses
contenus. Il est en outre caractérisé par la présence d’aléas et d’instabilité, conduisant alors à ce qu’il évolue tantôt vers l’ordre,
tantôt vers le désordre. Il est également parcouru par des logiques antagonistes. Incertitude et imprévisibilité iraient par ailleurs de
pair avec la complexité.
593 Que nous n’avons su et ne saurions réduire.
324
aux entités locales, malgré les tâches effectives de gestion qui leur incombent594. La publicisation croissante
de données ne réduit en rien les limitations inhérentes à la conception de ces dernières.
Pour autant, les trajectoires de dépenses et/ou de recettes observées sont loin d’être linéaires.
L’investissement public local a marqué le pas à plusieurs reprises, au point de paraitre en crise dès les
années 90 puis d’être affecté par les turbulences économiques et/ou financières apparues à la fin des années
2000. La progression des impôts locaux est désormais plus incertaine et l’offre d’emprunts aux collectivités
n’est pas exempte de chocs analogues à ceux qui l’ont déjà frappée. Le poids des mutations le dispute par
ailleurs à celui de l’inertie : tout en engageant implicitement de sérieuses redistributions à terme dans les
potentiels de croissance des impôts locaux, la réforme fiscale de 2010 a introduit des dispositifs ménageant
dans l’immédiat les montants perçus localement au titre des anciennes contributions. Dans un autre registre,
l’intercommunalité est promue, au prix d’incitations financières majeures, tout en préservant les institutions
communales.
De la sorte, le système des finances publiques locales conserve-t-il son équilibre d’ensemble mais cette
position est instable : ses traits caractéristiques ne sont pas nécessairement immuables.
594 Ainsi en va-t-il par exemple de la dissociation comptable qui perdure entre opérations dites de fonctionnement et
d’investissement, du caractère inadapté de la comptabilité fonctionnelle, des limitations imposées par l’annualité budgétaire…, telles
que nous les avons évoquées.
595 Soient des concepts recevant généralement des acceptions larges et faisant assurément l’objet de multiples utilisations. Rappelons
que, de notre point de vue, la résilience est entendue comme la capacité d’adaptation d’un système face à des nécessités de
changements, qui l’engagent dans des processus de transformation et dans sa transition vers un autre état. Nous avons par ailleurs
défini la soutenabilité (du système financier local) comme les capacités (budgétaires) des collectivités à conserver des marges de
manœuvre suffisantes, en vue d’honorer l’ensemble de leurs engagements actuels et à venir.
325
En particulier, résilience et soutenabilité, telles qu’évoquées, prendraient désormais un nouveau tour, ou un
tour renouvelé, en raison de l’émergence au sein des budgets publics, notamment locaux, de la figure de
l’austérité596. Cette dernière est elle-même complexe et pour le moins, composite : elle se concrétise
notamment sous la forme d’une dynamique exogène (se matérialisant par une diminution des transferts
versés par l’Etat aux gouvernements subnationaux, par une attention soutenue à l’endroit des prélèvements
obligatoires…) et d’un mouvement endogène (des représentants locaux pouvant eux-mêmes être acteurs de
réductions des budgets de leur collectivité). Les paradigmes de l’action financière locale changent alors, la
disponibilité des ressources s’amoindrissant, la progression des moyens étant remise en question. Tout
semble indiquer qu’il ne convient pas de voir là de simples aléas mais bien des bouleversements majeurs au
regard des conditions antérieures de fonctionnement. Tout se passe comme si les mouvements en question
étaient en voie de pérennisation, dépassant les horizons d’une simple gestion empreinte de rigueur,
interpelant même quant à la taille et/ou au rôle même du secteur public (local). Il en découle inévitablement,
pour le système financier local, des nécessités d’adaptations, des perspectives de mutations à moyen voire
à long terme. Des chantiers d’études et de recherche sont ainsi ouverts, afin de saisir ces évolutions et leur
portée.
De tels travaux demeurent incontestablement à entreprendre, ne serait-ce qu’en vue d’affiner les contenus
des concepts et/ou notions que nous avons mobilisés, voire de les adapter. Ils sont encore nécessaires dans
la perspective de mettre à jour leurs déclinaisons effectives au regard des transformations du système
financier local. Nous avons à ce titre contribué à poser de premiers jalons, indiquant par exemple que la
diminution des transferts étatiques ne générait pas à court terme de mouvement compensatoire en matière
d’impôts locaux ou de recours à des crédits. Rien ne permet cependant à ce stade d’indiquer quels sont les
ajustements susceptibles d’intervenir de façon durable. Une production additionnelle de connaissances est
à ce titre indispensable. Elle le serait tout particulièrement afin d’examiner ce qu’il advient de l’une des
formes majeures d’action des collectivités, à savoir celle qu’elles assurent en matière de dépenses
d’investissement.
Toujours dans ce registre, tendanciellement, nous avons constaté une « fiscalisation » progressive des
budgets locaux, soit encore une hausse du poids relatif des produits des impôts au sein des recettes des
collectivités. Dit autrement, de façon générale, les budgets des entités locales deviennent de plus en plus
dépendants de la matière fiscale – ou de la richesse – présente localement, soit encore des caractéristiques
mêmes du territoire. Les analyses que nous avons dédiées aux bases d’imposition de la taxe foncière sur les
propriétés bâties, à la fiscalité sur les activités économiques en contexte métropolitain… révèlent cette
596 Si la formulation laisse entendre une forme d’évidence, il va de soi que les logiques et processus sous-jacents mériteraient d’être
décryptés en tant que tels.
597 C’est une des conditions nécessaires figurant dans le théorème TOM ou dans les conceptions approchantes, tels que nous les
avons évoqués.
326
étroite dépendance ; elles en précisent la nature. Elles apportent en particulier des éléments de résultats
allant à l’encontre de ceux qui étaient attendus, contribuant alors à la discussion de points de vue courants,
interpelant en conséquence au regard des tendances en cours. L’urbanisation sous la forme de logements
individuels, la tertiarisation des activités ne seraient ainsi pas des plus favorables du point de vue de
l’accroissement des bases locales d’imposition. Il reste que les logiques de flux (de constructions,
d’aménagement) modifient moindrement les stocks en place et les situations héritées ; les modalités
administratives d’évaluation des bases fiscales, actuellement en vigueur, contribuent à cette inertie en
termes d’imposition. Aussi, les métropoles, telles que désignées institutionnellement, sont-elles riches d’un
point de vue fiscal (et financier), au nom des dynamiques passées bien davantage qu’en raison des
changements liés à la métropolisation en cours. Ce qui conduit d’ailleurs à souligner de potentiels hiatus
entre les attentes placées à l’endroit de ces ensembles agglomérés en termes de rayonnement,
d’attractivité… et la réalité des moyens que les gouvernements locaux sont à même de consentir à ces fins.
Le gap est d’ailleurs d’autant plus prononcé que toutes ces métropoles sont elles-mêmes inégalement dotées
en richesse fiscale.
Parallèlement à de telles inégalités quant à la disponibilité des bases taxables, les différences fiscales entre
collectivités et leur progression sont également conditionnées par l’usage, politique, fait par les
représentants locaux du pouvoir de modulation des taux d’imposition dont ils sont dépositaires. Même si
l’on met en relief que ce pouvoir s’érode au fil des réformes598 et que son maniement s’avère somme toute
modéré, cette potentialité demeure, conformément à l’esprit et aux principes décentralisateurs.
Les configurations locales, les caractéristiques mêmes des tissus urbains, productifs et/ou résidentiels, les
volontés politiques locales… exercent de la sorte un poids dans la génération des ressources budgétaires,
notamment fiscales, ainsi que dans leurs évolutions. Compte tenu des nécessités a minima d’équilibre entre
ressources et charges, les budgets les réunissant ont toutes probabilités de porter eux aussi la marque des
particularités territoriales. Ce qui laisse entendre que le système financier local peut difficilement être tenu
comme un ensemble homogène et qu’au contraire, il se diffracte en différents sous-systèmes possédant des
traits propres, sur la base de considérations territoriales. La mise au jour de ces sous-ensembles et de leurs
logiques constitutives apparait dès lors comme l’une des conditions essentielles d’une approche
compréhensive des finances locales.
598 Cette érosion se manifestant par ailleurs de façon différenciée selon les territoires.
327
étant simultanément mobilisées au service d’un haut niveau de dépenses, le budget local connaissant parfois
un effet de dilatation dans un contexte de forte richesse). La transversalité se reconstruit de la sorte. Si elle
révèle une unité budgétaire, elle indique surtout l’existence d’actions coordonnées, possédant peu ou prou
une certaine cohérence dans le maniement des deniers locaux ; ce qui donne corps à la notion même de
politique financière locale et signifie en retour sa pertinence.
L’intérêt de l’approche retenue réside en outre dans le trait d’union qu’elle permet d’établir entre des
éléments d’ordre financier et l’action publique dans son ensemble, telle qu’elle est mise en œuvre au sein
des collectivités elles-mêmes et sous leur égide. En dépit de la dissymétrie qui les sépare599, recettes et
dépenses ont partie liée au sein du budget, au-delà même de considérations simplement formulées en
termes d’équilibre budgétaire. En théorie comme en pratique, qu’on les considère dans leur nature ou selon
leur fonction, les dépenses effectuées prennent sens « en actes », dans une action à l’égard d’un tiers, dans
un domaine de compétence donné, ou bien encore en vue de la fourniture de services publics locaux ou
d’interventions auprès de publics ciblés… Telles sont en effet bien les missions dévolues aux entités
décentralisées. Dépenses et recettes entretiennent ainsi d’étroites relations d’interdépendance avec
l’ensemble des interventions – sectorielles ou transversales – visant à transformer ou à maintenir le
territoire. Les politiques financières ou budgétaires possèderaient néanmoins des singularités, sectorielles :
effectuer des dépenses, réunir des moyens au titre des taxes ou sous forme de prêts suppose en effet
l’utilisation d’outils dédiés et adéquats. Ce qui fait inévitablement écho aux instruments fiscaux et/ou
budgétaires à disposition des collectivités, aux règles présidant à leur maniement.
De ce point de vue, nous ne saurions remettre en question le fait que l’exploration économique des finances
locales par le biais du mode de fonctionnement des « institutions financières territoriales »600 est essentielle.
A ce titre, les analyses conduites par G. Gilbert et A. Guengant sont fondamentales. Notre approche par les
politiques financières locales capitalise indiscutablement sur ces apports, que nous mobilisons de façon
continue. Notre démarche engage cependant à ne pas considérer les institutions en question de façon
abstraite mais bien plutôt à les envisager dans leur utilisation, située à la fois dans un jeu d’acteurs et dans
un contexte territorial.
Les analystes des finances locales, les experts de l’économie publique locale à laquelle nous nous référons
soulignent régulièrement l’importance des dimensions politiques dans le maniement et le devenir des
budgets locaux. Les auteurs prêtent ainsi attention aux effets de préférences (soit encore à celles des
habitants en matière de services publics locaux ou de consommations collectives), aux choix ou aux
comportements des élus (effectués en se fondant sur l’expression des choix de l’électeur médian ou moyen).
De façon complémentaire, la mise au jour des interactions fiscales repose quant à elle sur des hypothèses de
concurrence, d’imitation entre les décideurs et leurs pairs, représentant d’autres collectivités (de même rang
ou de niveaux différents). Les acteurs politiques agiraient ainsi au nom d’une rationalité (économique)
supposée. On peut admettre l’existence de cette rationalité ou de cette propension aux calculs, y compris
lorsque les acteurs en question l’expriment sous forme de visées électoralistes.
Nos analyses confirment à leur façon ces points de vue : à contexte territorial et à situation budgétaire
semblables, il est des exécutifs ayant fait le choix de contracter des emprunts à risques pour leur collectivité
et d’autres n’ayant pas franchi ce pas. Par habileté et/ou par stratégie, un certain nombre d’entre eux ont su
tirer parti des zones de flou, non couvertes par les dispositifs de surveillance et de pilotage du crédit local.
Pour autant, plusieurs arguments et observations indiquent que le poids des élus dans les délibérations, voire
599 Que ce soit conceptuellement, politiquement ou institutionnellement, ce que nous avons souligné à diverses reprises.
600 Rappelons qu’il s’agit des dispositions juridiques régissant les budgets locaux et leur mode de fonctionnement, et plus globalement
des règles auxquelles se conforment les acteurs locaux chargés de leur gestion et/ou des décisions les concernant.
328
celui de leurs services, demande à être considéré de façon relative. Parmi les multiples facteurs susceptibles
d’intervenir au sein du processus – collectif – de décision, importent par exemple les particularités des
relations de crédit, instaurées avec les institutions délivrant les prêts, ainsi que des pratiques
(auto)régulatrices entourant de longue date l’appel à des crédits. L’autonomie de la collectivité est en jeu,
dès lors que certains seuils d’endettement sont franchis, ce qui peut figurer un risque pour l’appareil
décisionnaire. Dans un registre voisin, les analyses effectuées en matière de dépenses de personnel, de
pratiques en matière de péréquation horizontale… illustrent la complexité non seulement des dispositions
instrumentales mais également de la logique des décisions, débouchant sur une multitude d’arrangements
collectifs. La diversité des cas de figure mis en relief contribue de la sorte à enrichir, en la nuançant,
l’explication qui se voudrait causale et déterminante, en étant uniquement fondée sur les comportements
des acteurs et sur les ressorts de leurs rationalités. A ce titre, la notion de politiques est porteuse, en ce
qu’elle est à même de fédérer une multitude de déterminations et de modes d’expression. Elle invite entre
autres à tenir les responsables locaux non seulement comme acteurs des décisions portant sur le territoire
qu’ils représentent mais également comme émanant de ce territoire, dans ses multiples dimensions. Ils
seraient ainsi des représentants et des acteurs du pouvoir territorialisé (Frinault, 2012b).
Si nous avons explicité quelques-unes des intrications – potentielles et effectives - entre le territoire, ou
même la configuration territoriale, et la situation fiscale ou budgétaire locale orientée en fonction des
options retenues par les décideurs locaux, nous avons également pointé d’autres relations de dépendance
entre ces deux dimensions et l’action publique conduite localement. Ce qui, à sa façon, conforte la nécessité
de ne pas examiner les finances des collectivités en soi, mais bien de considérer ces dernières de façon plus
ample, « en actes ».
Les résultats de l’examen de l’implication financière d’intercommunalités en matière de politiques locales de
l’habitat constitueraient un exemple de cette nécessaire mise en perspective. En particulier, s’il n’existe pas
de lien (strict) de proportionnalité entre la contribution des communautés dans le soutien à la production de
logements d’une part et les montants budgétaires qu’elles dépensent en la matière d’autre part, leur
présence financière s’avère une des conditions nécessaires à l’effectivité de leur mission de chef d’orchestre
dans le domaine d’action en question. L’accomplissement de cette mission requiert en particulier de leur
part une ingénierie dédiée, soit encore une mobilisation durable de moyens financiers. Leurs apports
budgétaires apparaissent bien comme l’une des ressources indispensables et indirecte à la fabrique de
l’action publique locale. L’implication de chaque communauté prend dès lors un tour singulier, en lien avec
les priorités en matière d’habitat adoptées pour le territoire, avec les contraintes pesant sur les moyens
disponibles et les particularités locales de la construction intercommunale.
La contextualisation et la prise en compte de la configuration territoriale est encore palpable lorsque l’on
traite de dimensions plus spécifiquement financières, tel le fonctionnement de la péréquation horizontale,
au travers d’un dispositif particulier comme le FPIC. De façon marquée, on perçoit que les usages locaux de
ce dispositif ont à voir avec le rôle dévolu à l’intercommunalité, dans ses liens avec les communes, au nom
de visions de la solidarité telle qu’elle est sensée s’exercer au sein de chaque espace de groupement. Ils
entretiennent encore des rapports étroits avec les représentations locales en matière de gouvernance
communautaire, avec les équilibres communaux et finalement, avec ce que les représentants de chaque
institution ont comme visées pour l’espace dont ils ont charge. Les registres de légitimation reposent encore
sur une perception singulière de l’espace communal et/ou intercommunal, posé dans des rapports de
solidarité ou de rivalité avec d’autres ensembles territoriaux.
329
De tels constats, relatifs à l’intrication entre réalités des actions publiques locales et configurations
territoriales nous ont amené à prôner des approches « augmentées »601 des réalités territoriales, incluant le
registre financier quand, bien souvent, il n’est pas pris en compte. Si ce registre n’est pas nécessairement
premier, tout en étant déterminé territorialement, il s’avère bien déterminant des actions susceptibles d’être
conduites. Ces constats nous conduisent encore à effectuer des pas de côté par rapport à des approches
globales, ou nationales, qui tout en possédant un pouvoir explicatif avéré, ne peuvent être totalement
explicatives des réalités observables.
Malgré tout et de façon transversale aux différentes typologies, apparaissent des figures récurrentes
d’étroite intrication entre finances et territoires, dont au moins deux sont particulièrement marquantes. A
rebours, leur existence met en évidence les discordances entre les conceptions en vigueur des instruments
fiscaux ou financiers d’une part, et les réalités ou les devenirs territoriaux d’autre part.
La première de ces figures, somme toute fréquente, vaut pour les territoires en perte de vitesse sur le plan
démographique, sur celui des activités. Les tensions budgétaires (en matière de fiscalité, de dette) sont
601Rappelons que nous entendons par là une perception et une analyse intégrant des dimensions (supplémentaires) des faits, allant
au-delà de celles immédiatement et ordinairement perceptibles ou retenues.
330
intenses. Les contraintes de moyens sont telles que les dépenses ne sont guère élevées. Certes, les dispositifs
fiscaux et leur inertie ménagent la résilience et la soutenabilité budgétaire de ces territoires602. Les récents
changements en matière de taxation accentuent toutefois leurs désavantages. Des doutes peuvent émerger
quant aux capacités (budgétaires) des collectivités impliquées s’il s’agit pour elles d’accompagner la déprise
en cours ou même d’aller à son encontre. Ainsi, fondamentalement, l’existence même des politiques locales
serait mise à mal du fait d’une conjonction défavorable. Ce qui inciterait de surcroît à questionner le sens de
la décentralisation et les ambiguïtés de l’organisation en place (Pontier, 2015), tout autant que la portée des
mesures mises en place en termes d’aménagement du territoire et de péréquation, et illustrerait encore la
difficile conciliation entre équité et autonomie, qui demeure un des dilemmes – récurrents - présents au
cœur du système financier local (Gilbert, Vaillancourt, 2013).
La seconde figure est celle des localités attractives d’un point de vue touristique. Bien souvent riches, ces
collectivités sont pour la plupart d’entre elles engagées dans des flux intenses de dépenses, notamment
d’équipement, soutenues par des recours à des crédits. Sans que l’on puisse exonérer leurs élus des
responsabilités qui leur reviennent et tabler sur leur ignorance des risques afférents, bon nombre de ces
collectivités ont souscrit des emprunts toxiques et sont tombées dans les pièges tendus avec ces derniers. Si
ces cas de figures sont paroxystiques et possèdent des traits problématiques propres, implicitement, ils
invitent à interroger les fonctionnements plus ordinaires. Qu’en est-il par exemple du sens et de la pertinence
des mailles institutionnelles603, des compétences dévolues au local face aux réalités auxquelles sont
confrontées les collectivités ? Tout autant, ils enjoignent à pointer un manque d’adéquation entre les
instruments de financement à disposition des localités concernées et la réalité des charges leur incombant.
De façon générale, des impôts acquittés par des propriétaires et/ou des résidents à demeure, au nom des
conceptions héritées de la fiscalité locale, peuvent-ils convenir pour le financement de dépenses imputables
à des flux de passants tels qu’ils irriguent désormais maints territoires ?
Les finances locales prises entre des tendances à la territorialisation comme à la déterritorrialisation
Placer les politiques financières locales, les situations budgétaires qui en résultent et leurs interdépendances
avec les configurations territoriales au centre des analyses revient à se situer dans une horizontalité certaine.
Cela ne signifie pas pour autant que les logiques verticales, les visions émanant de l’Etat et de ses
représentants en matière de devenirs des budgets locaux… n’imprègnent pas les raisonnements. A ce titre,
nous avons déjà pointé quelques incidences des logiques réformatrices initiées au niveau national.
D’emblée, nous avons par ailleurs souligné la présence de l’Etat en matière de fiscalité locale, dans le régime
de l’emprunt accessible aux collectivités ainsi que dans l’attribution à ces dernières de ressources, sous forme
de dotations et de subventions. Le gouvernement central serait ainsi le grand agent de la régulation et de la
redistribution en direction des entités subnationales. Cette présence – historique – est elle-même évolutive.
Preuve en serait une moindre contribution budgétaire, le volume des dotations issues du budget de l’Etat
ayant diminué. Le passage d’un pilotage des finances locales « par les recettes » à une surveillance « par les
dépenses » attesterait d’ailleurs d’un changement de nature dans les modes d’intervention étatique. Soit
encore un ensemble de faits et de tendances que l’on pourrait qualifier comme relevant d’oscillations entre
recentralisation et décentralisation ou encore comme des gradations entre les états en résultant…
602 L’évolution des bases fiscales ne reflétant pas – ou partiellement -celle des valeurs effectives des biens, ces dernières étant en
perte de vitesse.
603 Eu égard notamment aux discordances entre population présente et résidente des localités concernées (Terrier, 2011), à leur
attractivité.
331
Cette piste est délicate à emprunter ; elle risquerait par ailleurs d’être restrictive voire unidimensionnelle604.
De façon alternative, il nous semble qu’une grille de lecture en termes de territorialisation vs
déterritorialisation peut être élaborée.
Pour exemple, même si les mesures contractuelles mises en place dans le cadre du pilotage des budgets
locaux « par les dépenses » incluent des clauses d’adaptation au cas par cas pour les collectivités
concernées605, l’observation des conditions de modulation indique que le dispositif est largement aveugle à
des considérations territoriales606. La réforme fiscale de 2010 est elle-même ambiguë du point de vue de la
prise en compte de ces considérations. Les modifications des modes d’imposition sont dans les faits peu
attentives aux capacités d’action locale, à leur progression, voire leur portent atteinte. Conjointement, selon
la nature des tissus productifs, les assiettes et les produits perçus localement sont destinés à être plus ou
moins élargis. Des mesures décidées nationalement influent de la sorte de façon indirecte, voire de manière
imprévue, sur le cours des différences fiscales séparant les territoires. Une part des nouvelles contributions
en place (la CVAE) est par ailleurs administrée : elle devient ainsi largement indifférente au contexte
territorial et à l’intervention des décideurs locaux.
De ces transformations, la géographie des inégalités fiscales et budgétaires entre collectivités ressort
immanquablement modifiée. Ce qui ne peut aller sans susciter un redéploiement des dispositifs de
péréquation, compte tenu non seulement des sensibilités politiques de tous bords en termes d’égalisation
financière mais également des obligations constitutionnelles en la matière. Ainsi progressent les
reversements entre collectivités, soit sous forme de compensations entre « gagnantes » et « perdantes » à
la réforme (FNGIR), soit par le biais des nouveaux outils de péréquation horizontale (FPIC). Avec cette logique
arithmétique de vases communicants, le local est renvoyé au local, sous le regard toutefois de l’Etat, maitre
des règles du jeu.
Ceci met en relief, sous différents angles, que des tendances contraires traversent la fiscalité, les finances
locales ainsi que leurs principes organisateurs607. De façon dialectique, les unes conduisent à une adhérence
des budgets aux réalités territoriales, les autres à une forme de détachement. Ni les unes ni les autres ne
sont sans incidences sur les capacités financières, et donc d’action, des collectivités, soit encore sur leur
territorialisation ou a contrario, sur leur déterritorialisation.
604 Les enjeux seraient alors placés dans une opposition entre logiques verticales et horizontales, à l’exclusion d’autres facteurs
possibles. Serait en outre postulée une homogénéité ou une unité de ce qui relève d’un côté de l’Etat, de l’autre des gouvernements
sub-nationaux.
605 Les circonstances locales prises en compte sont précisées dans l’Instruction interministérielle (du 16 mars 2018) relative à la mise
en œuvre des articles 13 et 29 de la Loi n02018-32 du 22 janvier 2018 de Programmation des finances publiques pour les années
2018 à 2022.
606 Ce que confirment les premiers bilans des contrats établis ainsi que l’enquête relative aux contrats dits de Cahors dans le cadre
actuelle de statu quo dans les recompositions institutionnelles n’exclut ni d’autres évolutions, ni la manifestation d’impacts indirects
et différés des mutations déjà intervenues.
332
Il suppose une mise en commun de moyens, de compétences entre les membres du groupement, dont une
bonne part donne lieu à des validations par les assemblées locales. A l’issue, la communauté est dotée de
ressources (de différentes natures), participant à la constitution d’un cadre spécifique pour la fabrique de
l’action publique locale. La conduite de cette dernière en est modifiée comparativement à ce qui préexistait
avec les seules communes. Au nom d’un principe de neutralité, aux contours imprécis, le cadre d’intervention
de ces dernières est pour partie préservé, pour partie transformé. L’intercommunalisation induit un entre-
deux, situé lui-aussi entre détachement et adhérence par rapport aux réalités communales. Existent en outre
des ressorts dont les représentants locaux peuvent se saisir en vue d’adapter le fonctionnement de
l’ensemble intercommunal aux réalités de leur territoire, tous ressorts que corsètent les dispositions
institutionnalisées. L’organisation qui en est issue est à la fois donnée et construite. Il en résulte un état
singulier d’intercommunalité, y compris en matière de finances, ressources fiscales et charges étant
diversement partagées, voire redistribuées, entre les membres du groupement. A toute échelle, s’ensuit un
ordre des différences budgétaires qui n’est ni celui des communes, ni celui des communautés.
Ainsi émergeraient des finances (publiques) intercommunales rassemblant celles des différents ensembles,
parcourues par leur complexité. En dépit de singularités irréductibles et propres à chaque groupement, des
traits communs unissent les situations particulières des ensembles intercommunaux, laissant envisager des
partitions possédant une certaine homogénéité. Les analyses indiquent que ni les statuts institutionnels, ni
les régimes fiscaux n’épuisent les différences ou ne suffisent à fonder les similitudes. Une part des écarts
tient alors aux particularités des territoires eux-mêmes, aux arrangements collectifs mis en place à des fins
de réunion de moyens et d’action. Soit encore la manifestation d’une territorialisation. Au sein des finances
(publiques) intercommunales se dessineraient alors des finances (publiques) territoriales, fondées sur une
unité, sur une intrication entre statut institutionnel, dimensions fiscales et budgétaires, et (homologie de)
contexte territorial, ouvrant par là même vers des potentialités relativement partagées en termes de
capacités budgétaires face à des nécessités d’action.
Une construction analogue pourrait être réalisée pour les communes, et même pour les institutions
départementales ou régionales. Pour exemple, les budgets des communes sont si hétérogènes que
l’ensemble « finances communales » possède peu de substance. Nous avons constaté qu’il est traversé par
des tendances tantôt contraires, tantôt graduées, minant la portée d’un diagnostic global. Importent alors
les sous-ensembles possédant une homogénéité non seulement du point de vue de leur situation financière
mais également du point de vue des contextes territoriaux, de l’intrication entre ces deux dimensions609. Les
collectivités concernées disposeraient alors de capacités analogues en termes d’action publique, communale
et même territoriale, voire seraient confrontées à des problématiques proches610. Cette partition serait
probante à des fins de vision compréhensive des entités subnationales et de leurs réalités « en actes ». Il ne
s’agirait plus tant d’une approche territorialisée des finances des collectivités que, dans une construction
pragmatique611, de tenir ces dernières comme un objet territorial, possédant une territorialité certaine.
609 Leur repérage enjoignant de fait à ne pas s’en tenir à une géographie du développement territorial d’un côté, une analyse de la
distribution spatiale des inégalités budgétaires entre collectivités de l’autre.
Cette mise en perspective contribuerait par ailleurs à (re)donner sens à la notion de territoire, devenant espace problématique ou
bien encore espace au sein duquel se posent des problématiques semblables en termes d’action publique (Hassenteufel, Smith,
2002).
610 La probabilité qu’existent de telles analogies est en tout état de cause plus élevée que celle issue d’une prise en considération de
façon dissociée de leurs finances d’une part, de l’état de leur développement ou des caractéristiques socio-territoriales d’autre part.
611 En étant liée à l’action et en questionnant les liens entre la production de savoirs, voire l’expertise, leurs modalités et légitimité,
333
somme toute déjà anciennes, voire dépassées (Vanier, 2015). Sans nier débats et controverses ou réserves
potentielles, la conception de la territorialisation telle que nous l’avons avancée (cf. Chapitre introductif)
nous semble pouvoir être maintenue. Déclinée à l’action publique, elle rend en particulier compte de la
capacité des décideurs locaux à mobiliser des ressources en cohérence avec les objectifs définis pour le
territoire dont ils ont charge, avec l’atteinte de ces finalités. Compte tenu de leur statut, les moyens
budgétaires et les politiques associées participent pleinement du mouvement à l’œuvre, amenant à
considérer les réalités au plus près des territoires, de leur dynamique et des finalités qui leur sont assignées.
De ces points de vue, la territorialisation diffère d’une simple localisation ou d’une seule projection sur le
local d’actions publiques définies au niveau national ou encore, de réalités observées à cette échelle. Ainsi,
le passage du « local » au « territorial » signifie une rupture de sens, voire participe du ré-enchantement de
l’action publique612 (Faure, 2020).
Pour autant, les politiques locales, qu’elles soient ou non financières, sont englobées dans des systèmes de
relations qui ne sont pas uniquement locaux ; elles ne ressortent pas uniquement des espaces infranationaux.
Leur conduite est pour partie déterritorialisée et de ce fait, leur analyse requiert également de l’être (Douillet
et al., 2015). Les processus réformateurs et les logiques verticales, tels que nous les avons évoqués,
contribuent à cet état de fait. La territorialité613 se construit ainsi sous l’effet de logiques contraires, de nature
et d’intensité variables.
Sur un autre plan, les mobilités des individus, celles des acteurs économiques réduisent la portée des
ancrages territoriaux, minent le sens même des territoires, voire encore portent atteinte aux modalités
usuelles de financement de l’action des collectivités614 (Sterck, 2004). L’action publique des collectivités
deviendrait elle-même transversale, multi-partenariale et partant, interterritoriale…
Pour autant, entendue dans sa portée politique et collective, une territorialité des actions et des finances fait
sens. Si le territoire ne peut de toute évidence être rabattu à ses dimensions administratives, le périmètre de
la maille institutionnelle proprement dite est bien celui où se détermine puis s’exerce le pouvoir de taxation.
Plus généralement, au nom du principe de spécialité territoriale, c’est encore celui où s’élaborent et
s’exécutent les décisions ressortant des représentants locaux, et tout particulièrement celles portant sur la
perception de l’ensemble des recettes locales comme sur les usages de ces moyens. La constitution de
l’intercommunalité, les nombreuses modifications conduisent certes à ne pas tenir ces limites comme figées.
Toutefois, même transformées et y compris lorsqu’elles sont engagées dans des coopérations, ces limites
perdurent, fondant une unité de moyens, de décisions ou bien encore de ressources. La territorialité
résulterait alors d’alliances et de constructions politiques.
Cette unité exercerait même, en retour, des effets sur la territorialisation elle–même (Faure, 2014), allant
jusqu’à modifier non seulement les conditions relatives aux moyens mais également les principes de l’action
publique et collective. Soit des boucles de rétroactions auxquelles, en raison notamment d’effets de
limitation inhérents à nos modes d’approches, nous n’avons pu accéder. Des dépassements (conceptuels
et/ou méthodologiques) seraient ainsi à engager, ne serait-ce qu’en vue de consolider les éléments de
résultats d’ensemble auxquels nous sommes parvenus, voire dans la perspective d’amener à quelques
généralisations.
612 Selon l’auteur, la rupture et le ré-enchantement (au regard de solutions stato-centrées) s’effectuent autour de deux enjeux :
l’efficacité des interventions publiques (grâce à la montée en puissance des collectivités locales) et la citoyenneté par la proximité
(grâce à l'implication des individus au plus près de la décision publique). Il resterait à discuter si le mouvement de ré-enchantement
se propage également aux finances publiques lorsque de locales, elles deviennent territoriales.
613 Tout en étant conscient que « ce concept s’avère problématique car il fait l’objet d’interprétations et d’usages peu uniformes et
cohérents, voire très explicites quant à ce qui est évoqué lorsqu’on recourt à ce terme, soit une difficulté des plus préjudiciables à sa
vocation identitaire, à sa fonction relationnelle et à son potentiel heuristique, et par conséquent au plus vaste objectif d’une meilleure
compréhension de notre condition territoriale. » (Bédard, 2017, np). Selon l’auteure, il est fréquemment non défini (tel un concept-
valise), ou réifié comme ultime clé d’interprétation (telle une pierre philosophale).
614 Il deviendrait en particulier difficile de circonscrire le périmètre des financeurs des services publics locaux.
334
Des perspectives de dépassements et de pistes à emprunter
Les constructions que nous avons élaborées nous ont progressivement conduit à dessiner les contours d’un
objet singulier, à savoir celui des finances publiques territoriales. A ce stade, cette délimitation, les contenus
que nous avons avancés nous semblent buter sur des limites, provenant des soubassements théoriques, voire
disciplinaires, sur lesquels nous avons tablé, des éléments d’observation que nous avons choisis ainsi que des
méthodes d’investigation que nous avons adoptées. Après avoir identifié tout ou partie de ces obstacles,
nous esquissons des perspectives propices à leur dépassement. Nous formulons également des pistes
préfigurant de potentiels travaux à venir, voire un programme de recherche(s).
On pourrait avancer qu’une perspective mono-disciplinaire et qu’une approche globale ne sont pas
antinomiques. S’ouvrirait alors en particulier une discussion à propos des biens publics locaux, dont l’offre
est au cœur de l’activité des collectivités locales, voire qui constitue une de leurs raisons majeures d’être et
qui, directement ou non, sont de la sorte placés au centre des analyses. Soit encore des éléments qui,
logiquement, relèvent de l’économie publique locale. Cet angle disciplinaire ne serait a priori pas
incompatible avec ces éléments ou objets, tenus dans leur globalité.
Pourtant, il ressort que, contrairement à ce que laisse entendre la théorie économique standard, il n’est
guère envisageable de raisonner sur l’essence des biens publics en question, celle-ci étant alors définie a
priori, sur la base de défaillances du marché. Dans les faits, il apparait d’ailleurs que cette anomalie de la
théorie donne lieu, pour son dépassement, à des artefacts et à des réappropriations conceptuelles (Boudes,
Darrot, 2016). Qui plus est, l’approche par l’économique ne permet pas d’aborder les dimensions normatives,
socio-culturelles, notamment des biens ne devant pas, à un moment donné, donner lieu à une production
privée, de ceux faisant l’objet d’une gestion collective, répondant alors à des finalités particulières618.
615 Les termes « multidisciplinaire », « interdisciplinaire » et « transdisciplinaire » font généralement allusion à une coopération et à
l’intégration (graduée) de différents domaines disciplinaires. Cette catégorisation peut être discutée, enrichie de la notion de
« pluridisciplinarité » (Germain, 1991 ; Létourneau, 2008). L’interdisciplinarité, supposant une intégration aboutie des savoirs (et
concepts) et des méthodes, conviendrait aux finances publiques territoriales, compte tenu des multiples approches – croisées – dont
elles peuvent faire l’objet.
616 En tant que fournissant, rappelons-le, des bases théoriques pour l’analyse de la production – située et spatialisée - par les
gouvernements subnationaux de biens publics locaux. Nous avons d’emblée écarté le côté normatif et évaluatif de l’économe
publique locale (fondé sur des références strictes à l’efficacité et à l’équité) et plutôt retenu son côté positif, se référant aux pratiques
concrètes des collectivités (Mougeot, 1990) et à leurs incidences.
617 « Pour qu'il y ait globalité, tant dans un cadre mono- que pluri- ou multidisciplinaire, il faut que l'étude porte sur l'ensemble des
éléments pris comme un tout, sur la totalité des variables en cause. Et un ensemble de variables prises comme un tout —et non
individuellement — peut se concevoir autant à l'intérieur d'une seule discipline qu'à l'intérieur de plusieurs disciplines. » (Germain,
1991, p. 147)
618 La distinction entre des biens publics « par essence » et d’autres « par finalité » mériterait d’être discutée. Historiquement et les
décisions portant sur les biens tenus comme publics sont peu remises en cause, au nom d’un difficile renoncement sociétal à l’offre
335
D’ailleurs, nombre de biens publics et locaux, notamment ceux qui sont désignés comme tutélaires, ont une
dimension éminemment politique. Il est toutefois reconnu que celle-ci a encore été peu étudiée (Wickberg,
2018). La décentralisation a en outre comme effet – politique – de redessiner, au sein des biens publics, ceux
qui sont locaux et ceux qui ne le sont pas ou plus.
De telles incertitudes ou imprécisions ont vraisemblablement contribué aux glissements que nous avons
effectués, souvent implicitement, nous amenant à passer de la notion de biens (ou de services) publics locaux
à celle d’action publique locale. Le changement, terminologique et conceptuel, permet d’incorporer le sens
politique et collectif de cette action elle-même. Ce qui nous a également orienté vers des (sous)objets
singuliers, à savoir les politiques financières/budgétaires locales, conditionnant cette offre et conditionnées
par elle. Au risque d’opérer un glissement additionnel, vers de nouvelles limitations…
Nous l’avons souligné, nous nous sommes en effet focalisée sur des manifestations tangibles de ces
politiques. Nous avons observé et analysé ces dernières au travers de leurs inputs (ou moyens), voire dans
leurs outputs (sous la forme de dépenses consenties). Nous n’avons pas réellement fait apparaître la théorie
de l’action619 ou la logique d’intervention sous-jacente620, ni même les impacts effectifs (socio-territoriaux)
qui résultent des interventions en question. Faute encore de ressources suffisantes ou adaptées, nous nous
sommes encore principalement concentré sur les dimensions substantielles de l’action publique locale, sans
accorder une attention symétrique à ses aspects processuels (Frinault, 2012b)621.
En conséquence, des élargissements théoriques nous apparaissent in fine indispensables, en vue de qualifier
les formes d’intervention des puissances publiques (locales) dans le fonctionnement non seulement
économique mais également social et politique. Au-delà de leur seule évocation, comment s’organisent
réellement les jeux d’acteurs contribuant à donner forme à ces politiques locales et comment les qualifier ?
Des outils conceptuels nous sont nécessaires afin de les envisager, en incluant les rapports de forces et les
tensions dans lesquelles elles trouvent place (Lataste, 2014), en intégrant la diversité des intérêts en présence
(Douillet et al., 2015). Ces fondements sont encore utiles pour conférer une substance effective, ainsi que de
réelles potentialités analytiques, à des notions que nous avons principalement effleurées. Nous avons par
exemple mis l’accent sur les policies, nous référant peu aux politics ou aux polities auxquelles elles sont
indissolublement liées…
Aussi, au titre de la globalité des finances locales justifiant d’une pluralité d’approches disciplinaires, sur la
base des limitations que nous avons pointées, pourrait par exemple être soulignée la nécessité
d’articulations, voire d’intrications, avec les sciences politiques (en vue par exemple de décrypter la
complexité des logiques horizontales et verticales dont les interférences nous sont fréquemment apparues),
avec la sociologie politique (éclairant quant aux positionnements des acteurs impliqués dans les processus
de délibérations et d’actions), etc. Les coopérations, telles qu’initiées dans le cadre des chantiers de
recherche dans lesquels nous sommes engagé et auxquelles nous avons fait référence, ne sont que des
prémices, demeurant à étendre voire à consolider.
existante de tels biens (Guengant, 1993b). Les biens publics/collectifs par finalité auraient ainsi toutes probabilités de devenir
publics/collectifs par essence, leurs producteurs ou gestionnaires ayant toutefois des latitudes pour en déterminer l’offre en quantité
et en qualité.
619 Notions et théories donnant lieu à de nombreuses discussions théoriques (cf. en particulier : Girard, M., 2007, « Éléments de
critique des théories de l’action », Nouvelles perspectives en sciences sociales, 3 (1), pp. 47-60).
620 Soit encore des vocables largement empruntés aux théories de l’évaluation des politiques publiques (Knoepfel et al., 2001).
621 Avec l’auteur, il est possible de retenir que les dimensions substantielles renvoient principalement aux aspects tangibles des
actions (les ressources mobilisées, les contenus…) quand les aspects processuels font essentiellement écho aux modes d’élaboration
des choix et des décisions.
336
Des interrogations méthodologiques
Tout en pointant la nécessité et l’intérêt de prendre en compte les jeux d’acteurs, les rapports de forces, les
logiques de divers ordres…, tout en reconnaissant le bien-fondé de méthodologies unissant différents modes
d’approches, nous ne saurions remettre en cause notre inclinaison pour des analyses quantitatives. A ce
stade, nous ne questionnerons pas non plus une prédilection pour les statistiques descriptives ou
exploratoires, plutôt que pour celles à visées explicatives (cf. Chapitre introductif). La complexité des finances
locales, la pluralité des dimensions selon lesquelles les territoires peuvent être qualifiés, la mise en évidence
des intrications entre registres financier et territorial apparaissent comme autant de faits conduisant à
privilégier les analyses multidimensionnelles et typologiques, telles que nous les avons pratiquées. A
posteriori, il ressort bien qu’elles sont pertinentes pour délimiter puis qualifier des sous-ensembles
possédant une réalité du point de vue des finances publiques territoriales.
Elles représentent en outre un moyen terme. Si la logique territoriale est poussée jusqu’à son terme, ceci
conduit à considérer chaque entité locale comme singulière622 ; seules des monographies sont alors
envisageables. A l’autre extrême, les résultats d’une analyse nationale de faits territoriaux sont discutables,
en ce qu’ils font abstraction d’une forte hétérogénéité, maintes fois révélée, et qu’ils nient les particularités.
L’identification de groupes ou de classes, possédant une certaine homogénéité, qu’il est possible de qualifier,
engage vers d’autres éclairages que ceux apportés par une orientation vers le « localisme » ou par une forme
de « nationalisme »623 qui, tout en étant essentiels, n’épuisent pas les possibles en matière de constitution
des savoirs, si tant est qu’on puisse jamais les épuiser.
Se pose toutefois la question des entités locales, à retenir comme éléments de base pour la constitution de
typologies. Nous avons testé divers panels, considérant tantôt par exemple les villes les plus peuplées, tantôt
les communes réparties en diverses strates démographiques624, tantôt encore des ensembles
intercommunaux différenciés selon leur statut et/ou leur régime fiscal… Des indices statistiques permettent
d’évaluer les distances ou proximités entre les classes/groupes de ressemblance identifiés à l’issue des
analyses typologiques. Pour autant, avant même leur formation, est-on assuré que les entités les composant
sont suffisamment semblables, au point qu’elles possèdent des analogies et qu’elles puissent par la suite
s’apparenter à un profil commun ? Assembler des localités sur la base de caractéristiques choisies, voire
justifiées, ne conduit-il pas, en certains endroits, à courir le risque d’un certain nominalisme (Guéranger,
2012) ? Avec l’auteur, on reconnait que ces biais sont patents dans les analyses dédiées aux institutions
intercommunales, ne serait-ce qu’en raison des évolutions mêmes des groupements. Le seul fait d’être une
communauté ne garantit en rien une comparaison, des analogies avec des entités semblables d’un point de
vue institutionnel. Ces biais et ces risques sont en outre d’autant plus présents que l’accent est placé sur les
dimensions territoriales, sur les singularités afférentes aux contextes et aux configurations.
Des voies de dépassement résideraient pour une part dans la consolidation, conjuguant plusieurs regards
disciplinaires, du cadre conceptuel et du questionnement théorique présidant à la constitution même des
typologies évoquées. A cadre et à questionnement analytique donnés, une autre façon de procéder625
consisterait à multiplier les analyses, à les croiser, en les pratiquant sur des échantillons d’objets statistiques
et des panels de variables descriptives supportant des variantes. A partir du moment où les faits structurants
et les enseignements majeurs demeureraient relativement stables, preuve ne serait-elle pas apportée de la
stabilité du protocole méthodologique et de la robustesse des enseignements, quasi-indépendamment des
622 Soit parce qu’elle regroupe en son sein plusieurs territoires différents, soit parce qu’elle est contenue dans un territoire singulier.
623 Ou bien d’une version territoriale du nationalisme méthodologique (Dumitru, 2014).
624 Tout en reconnaissant et en soulignant d’emblée que des critères démographiques peuvent difficilement être tenus comme
pertinents en matière de différenciations/de similitudes entre collectivités. Notre démarche n’est ainsi pas exempte d’ambiguïtés à
cet égard.
625 Que nous avons d’ailleurs pour partie empruntée. Il s’agit néanmoins plutôt d’un résultat cumulatif que d’un objectif fixé a priori.
337
particularités irréductibles des objets initialement considérés ? Des explorations conceptuelles
complémentaires, en lien avec des chercheurs familiers de divers domaines disciplinaires, des réflexions
quant à des orientations méthodologiques à emprunter… nous paraissent en conséquence indispensables en
vue de dépasser des limites que nous avons pointées626.
Un programme multi-dimensionnel
Entre autres, les perspectives de dépassement mentionnées nous conduisent à proposer un programme de
recherches, composé de différentes pistes de travail complémentaires. Ces dernières sont établies en miroir
avec la construction que nous avons précédemment restituée, de façon synthétique, soit encore celle qui
nous a permis d’approcher ce que nous désignons comme les finances publiques territoriales.
Le programme en question se situe au croisement ou bien à l’intersection de plusieurs dimensions, qui
demandent à notre sens à être mobilisées simultanément, voire qui sont pratiquement indissociables.
La première de ces dimensions est conceptuelle, nous venons d’en faire état. Des apports de cette nature
sont en effet indispensables afin par exemple de donner de la substance non seulement à la notion de
politique (financière) locale, mais encore à celles de résilience, de soutenabilité, etc.
La seconde dimension est méthodologique : les objets empiriques dont nous nous sommes saisi, les modes
de traitement et d’analyse que nous leur avons appliqués ne sont ni les seuls, ni les plus appropriés, du point
de vue de la robustesse ou de la généralisation des résultats recherchés.
La troisième dimension relève principalement de la nature, voire de la profondeur, des investigations
projetées. Les unes sous-entendent principalement un approfondissement ou une généralisation des
analyses auxquelles nous avons d’ores et déjà procédé. Nous avons par exemple fait état d’intrications entre
situations financières et contextes territoriaux mais ces interrelations restent à qualifier, de façon précisée.
D’autres sous-entendent davantage une mise à jour des observations. On peut en effet faire l’hypothèse que
les interdépendances entre les recettes, les dépenses et les emprunts des collectivités ont évolué, sous l’effet
du resserrement des contraintes financières : quelles déformations en résultent du point de vue des
trajectoires des sous-systèmes financiers territoriaux ? Si les prémices de ces investigations sont déjà posées,
il en est d’autres qui sont plus inédites au regard de nos approches antérieures. Elles requièrent de ce fait
des investissements d’une toute autre ampleur/intensité. Nous avons abordé des questionnements relatifs
aux chaînages inter-temporels au sein des budgets des collectivités, aux inégalités financières séparant ces
dernières et surtout, cherché à dévoiler des interdépendances entre les « actes » des collectivités, dans
différents domaines sectoriels, et les configurations budgétaires locales. Les problématiques alors soulevées
appellent des explorations substantielles. Du fait de l’étendue des compétences à mobiliser pour ce faire, de
la nécessité de penser le déroulé progressif de chantiers de travail ainsi que la consolidation itérative de leurs
apports, les tâches ne peuvent qu’être réalisées par des équipes627, incluant des chercheurs d’horizons
(disciplinaires) différents, autour de projets de moyen-terme.
Nous présentons de façon schématique le programme de recherches en question, combinant les différentes
dimensions évoquées, sans toutefois les dissocier, en incluant à titre illustratif quelques-uns des premiers
questionnements afférents aux thématiques de travail. L’ensemble – alors multi-dimensionnel - conduira(it)
à explorer, conjointement, les aspects systémiques, territoriaux et diachroniques des finances des
collectivités. Tout autant sous-entend-il, dans sa mise en œuvre, l’usage de méthodes tant quantitatives que
qualitatives.
338
Le programme en question reposerait tout d’abord sur une identification des sous-systèmes présents au sein
des finances publiques territoriales, de leurs trajectoires d’évolution. Cette identification consoliderait les
fondements que nous avons contribué à poser jusque-là. Il porterait ensuite sur un examen des déclinaisons
territoriales des traits majeurs des finances des collectivités telles que nous les avons identifiées, à savoir leur
résilience et leur soutenabilité. Des états mêmes des (sous)systèmes financiers territoriaux seraient ainsi
qualifiés. Il comporterait encore des travaux rendant compte des finances des entités locales « en actes » :
des observations pourraient être centrées sur des territoires concernés par des dispositifs d’action
spécifiques, offrant alors l’occasion de révéler des dépendances inter-temporelles au sein des budgets des
collectivités impliquées. Ce qui mettrait à l’épreuve les relations systémiques et les dépendances des finances
au regard des réalités politiques et des mutations territoriales, (in)validant les hypothèses que nous avons
formulées à leur sujet. Des analyses particulières seraient enfin consacrées aux inégalités budgétaires
interterritoriales, à leur portée ou à leur sens ainsi qu’à leurs correctifs éventuels. Même si les questions et
les débats (scientifiques) relatifs à ces inégalités sont anciens, leur abord mérite, nous semble-t-il, d’être
prolongé, voire renouvelé.
Identifier des sous-systèmes au sein des finances publiques territoriales, dessiner leurs contours et leurs
trajectoires
En nous fondant sur diverses indications révélant l’hétérogénéité manifeste qui traverse les finances des
collectivités, nous avons postulé que le système financier local se diffractait en une pluralité de sous-
systèmes, l’unité de ces derniers reposant à la fois sur des similitudes dans les situations financières des
collectivités les composant et sur des traits communs dans leurs contextes territoriaux. D’ores et déjà, à
l’occasion de diverses explorations thématiques (cf. supra), nous avons pu identifier un certain nombre de
sous-ensembles financiers et territoriaux possédant une consistance certaine. L’approche n’était cependant
ni systématique, ni totalement raisonnée, nous l’avons mentionné.
En conséquence, des travaux sont requis en vue de dessiner effectivement les contours des sous-systèmes
composant le système alors tenu dans sa totalité, puis de caractériser les collectivités figurant dans ces sous-
ensembles et enfin, de révéler les principes structurants contribuant à conférer des traits singuliers à ces
sous-groupes.
L’entreprise ne va en rien de soi. Elle soulève un certain nombre de difficultés auxquelles nous nous sommes
d’ailleurs déjà heurtés (Navarre, Rousseau, 2013 ; Talandier et al., 2019). Atteindre l’objectif visé suppose en
effet de tenir compte d’enjeux à la fois méthodologiques et conceptuels. D’un point de vue pragmatique,
l’un des objectifs consiste à décrire au mieux, simultanément, les situations financières et les contextes
territoriaux, les premières comme les seconds étant à appréhender de façon multidimensionnelle, compte
tenu de leur complexité. Le défi est alors de demeurer dans un périmètre circonscrit de variables
d’observation qui se prête à des analyses typologiques sans les biaiser. Ce qui suppose a minima des
opérations de sélection et surtout, leur réalisation en cohérence avec les finalités visées. Qui plus est, d’un
point de vue théorique, les situations et les contextes en question sont généralement saisis au travers de
registres disciplinaires différents, chacun poursuivant ses perspectives propres et s’attachant à des points
spécifiques d’attention.
L’investissement résidant dans la mise en dialogue puis en convergence d’orientations a priori différentes,
en vue de parvenir à une co-construction qui soit pertinente, ne saurait être sous-estimé. Un travail
d’explicitation conséquent est ainsi à effectuer afin de dépasser le postulat que nous n’avons fait que poser,
faisant état de l’existence d’interdépendances entre finances des collectivités et contextes territoriaux.
Ces étapes sont les préalables nécessaires à la construction des partitions envisagées. Plus avant, des travaux
en commun avec des spécialistes des méthodes économétriques amèneront à qualifier, pour les sous-
339
systèmes identifiés, les relations d’interdépendance à l’œuvre entre situations et contextes628, à les mettre à
l’épreuve de réalités empiriques.
Qui plus est, des analyses spatiales – en bonne et due forme – conduiront à faire apparaître puis à analyser
la répartition des sous-systèmes financiers et territoriaux au sein de l’espace national. Ces observations
apporteront alors des éclairages quant aux mécanismes de concurrence et/ou d’imitation entre collectivités,
compte tenu des logiques de propagation des dynamiques majeures de développement. Quels sous-espaces
apparaissent finalement, par intrication entre les périmètres institutionnels fondant l’action des collectivités,
et les territoires à enjeux économiques voire leurs hinterlands, les uns et les autres étant irrémédiablement
aux prises avec des flux de tous ordres ? Quelle géographie complexe se dessine de la sorte et comment
l’expliciter ?
De tels éléments de résultats apparaissent indispensables en vue de valider, ou d’invalider, le parti pris en
faveur d’une approche territorialisée des finances locales. Cette dernière sera in fine mise à mal si les facteurs
majeurs de différenciation, tant du point de vue des situations financières que des contextes territoriaux,
sont identiques pour tous les sous-systèmes identifiés et s’ils jouent un rôle analogue. En particulier, si l’état
de richesse fiscale (et/ou de dépense) des collectivités demeure en tout état de cause structurant, d’un point
de vue analytique, à quels faits socio-territoriaux peut-on précisément le référer ?
A l’inverse, la mise au jour de combinaisons distinctes, voire de gradations, sera propice à l’identification
d’associations plus ou moins favorables, d’un point de vue financier et territorial. Ce qui sera, par exemple,
de nature à fournir des indications quant à la restauration des capacités locales d’action, lorsque ces
dernières apparaissent comme fragilisées, voire pour qualifier les dispositifs politiques éventuellement mis
en place en vue de les consolider. Pour exemple, des injections de fonds en direction des budgets locaux,
sous forme de redistribution financière ou de péréquation, sont-elles les plus appropriées lorsque les
insuffisances se trouvent plutôt du côté des caractéristiques mêmes des systèmes productivo-résidentiels ?
Complémentairement, dans la mesure où il n’existe pas de symétrie intangible entre état du développement
territorial et situation budgétaire des collectivités concernées, quelles sont parmi ces entités locales celles
dont les capacités budgétaires apparaissent comme suffisantes, et comme suffisamment établies, au point
que leurs décideurs puissent effectivement consacrer des moyens en vue d’activer les ressources
territoriales629 ? A contrario, quelles sont les entités justifiant d’interventions conséquentes tant du point de
vue budgétaire que sur le plan de l’activation des ressources en question ?
Tout en étant empreint d’une nette inertie, le système financier local est sujet, nous l’avons noté, à des
mutations internes. De ce fait, au-delà même du repérage de sous-ensembles au sein des finances publiques
territoriales, un point d’intérêt majeur nous semble résider dans la mise à jour de la permanence ou au
contraire des modifications de la consistance de ces sous-ensembles au cours du temps. En particulier,
comment se recomposent-ils progressivement, sous le poids conjugué des dynamiques diversifiées de
développement territorial d’une part, des transformations qui affectent les finances des collectivités d’autre
part ? S’achemine-t-on vers une différenciation croissante ou bien au contraire, les tendances majeures
conduisent-elles à une homogénéisation progressive ? Est-il possible de repérer des trajectoires630, partagées
ou spécifiques, qui puissent être imputables à l’action publique conduite localement631, conduisant en
particulier à des évolutions remarquables des richesses fiscales ou suscitant des modifications substantielles
des conditions d’attractivité des territoires ? Que nous disent finalement ces évolutions dans la distribution
méthodologiques.
631 Identifiables via les volumes dépensés et leurs évolutions ou bien encore repérables à l’occasion de travaux d’enquêtes dédiés.
340
des capacités d’action des collectivités, en écho avec des représentations associées à un mode de
fonctionnement décentralisé, fondé sur l’existence de différences mais tablant simultanément sur des
principes d’unité ?
D’un point de vue pratique, la production d’états des lieux des finances publiques territorialisées ira(it) dans
le sens d’une conciliation entre la diffusion d’une information organisée selon une perspective descendante
et uniformisée, portant sur les périmètres administratifs en vigueur, telle qu’elle prévaut actuellement, et la
constitution de représentations « horizontalisées » qui, tout en ne s’affranchissant pas entièrement des
conventions à l’œuvre, reposerait sur des similitudes dans les problématiques budgétaires et territoriales
auxquelles sont confrontées les entités locales, ces dernières étant difficilement cumulables. Ainsi serait
tentée une conciliation, certes difficile à opérer, entre le local et le territoire (Desrosières, 1994).
632Rappelons que, suite aux termes de l’article 16 de la Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, la taxe
d’habitation sur les résidences principales sera intégralement supprimée à compter de 2023. En compensation, les communes
deviendront attributaires de la taxe foncière sur les propriétés bâties revenant antérieurement aux départements. Ces derniers ainsi
que les intercommunalités à fiscalité propre percevront une fraction de la TVA. Pour toutes les collectivités est posé le principe d’une
compensation à l’euro près, à la date de mise en place de la réforme.
341
résidences secondaires perdurant. Les collectivités concernées seront de la sorte exposées à des modalités
d’adaptation différentes de celles prévalant par ailleurs. Quels (dés)avantages fiscaux et budgétaires en
résulteront pour elles ? S’ensuivra-t-il des inflexions dans leurs politiques locales d’attractivité ?
La suppression de la taxe affecte également, de manière notoire et différenciée, les intercommunalités ainsi
que les départements. Le pouvoir fiscal de leurs représentants est singulièrement érodé. L’évolution de leurs
ressources fiscales est désormais conditionnée par les règles de partage et par l’évolution de la TVA qui leur
échoit. Immanquablement, les incidences ne seront pas les mêmes partout. Les réductions des pouvoirs de
taxation dépendent en effet de la place qu’occupait l’impôt désormais supprimé au sein du budget
(intercommunal, départemental). Les gains et pertes à venir avec le changement de taxe et d’assiette sont
par ailleurs fonction du différentiel entre la progression que connaîtra la TVA et celle qu’auraient eues les
ressources fiscales antérieures.
S’ouvre en conséquence un chantier de travail inédit. L’une de ses finalités est d’interroger les changements
– cumulatifs – apportés au fil des réformes aux ressources fiscales à disposition des entités décentralisées,
d’analyser leur sens au regard des principes politiques à la base de l’organisation institutionnelle et du
partage des rôles entre niveaux de gouvernement. En sus de ces réflexions théoriques ou conceptuelles, une
piste d’investigation vise précisément à saisir quelles sont les transformations fiscales en résultant, de façon
différenciée, pour les collectivités. Comment les cartes de l’évolutivité de la matière fiscale en sont-elles
rebattues ? Par ailleurs, dans la mesure où l’usage du levier fiscal est également en cause, quelles
représentations sont associées, selon les territoires et les niveaux de gouvernement, aux modifications
mêmes des pouvoirs locaux d’imposition ? Les acteurs locaux s’accommodent-ils somme toute assez
aisément de la perspective de disposer de ressources administrées, le changement pouvant être
relativement indolore puisque les modifications des taux de taxation étaient modérément pratiquées ?
Enfin, il s’agit de révéler quelles sont les adaptations s’ensuivant dans la conduite et dans la tenue des
budgets, prenant alors forme d’autant de résiliences territoriales. Si comme nous l’avons souligné, la fiscalité
a, de longue date, perdu son rôle de variable d’ajustement des budgets (Gilbert et al., 2009), les décideurs
locaux ne peuvent manquer de réagir aux modifications récentes affectant sa dynamique : comment sont
ajustés les différents postes de dépenses et de recettes, compte tenu de leurs dépendances systémiques,
sous contrainte d’équilibre et en lien avec les objectifs assignés à l’action publique locale ? En particulier,
note-t-on des ajustements spécifiques dans les sous-ensembles identifiés en raison leurs particularités
financières et territoriales, des modifications sensibles de leurs trajectoires ?
Supprimer la taxe d’habitation et lui substituer la taxe foncière sur les propriétés bâties ne fait pas pour
autant disparaître une bonne part des critiques adressées à la fiscalité locale, à savoir celles portant sur les
modes d’évaluation puis d’actualisation des bases de la taxation (cf. Chapitre 2). Des réflexions sont engagées
au niveau national afin de remédier à ces défauts, tenus comme majeurs633. Les intérêts en présence, les
scenarios envisagés, les alternatives proposées, les compromis prenant forme… sont à ce titre des objets
requérant à la fois des observations et des analyses634. Ce sont autant d’éléments possédant une portée
heuristique. Ils témoignent en effet non seulement du sens attribué à la fiscalité au sein des budgets locaux,
mais également de ses perspectives de devenir, en lien plus ou moins étroit avec les réalités – économiques
– des territoires et des contribuables. Rendre la fiscalité locale dépendante de faits de marché, de leurs
fluctuations et de leurs évolutions différentielles est-il par exemple conforme avec l’une des vocations
experts du domaine, a ainsi conduit à esquisser des questionnements relatifs aux alternatives entre valeurs vénales ou locatives des
biens à imposer, aux modalités d’évaluation et d’actualisation des assiettes d’imposition, en articulation plus ou moins étroite avec
les dynamiques de marché…
342
assignées à cette ressource, à savoir fournir aux collectivités bénéficiaires des produits stables, en cohérence
avec la continuité de leurs activités ? Revues, les assiettes d’imposition intègrent-elles effectivement les
résultats des processus de capitalisation foncière qui pourraient présider à leurs évolutions ?
Dans la mesure encore où la taxe foncière devient centrale pour les budgets communaux, une attention
particulière ne peut manquer d’être portée, localement, à l’évolution de son assiette, en lien avec les flux de
constructions, avec les projets d’aménagement, soit encore avec les politiques de développement et
d’aménagement telles qu’adoptées. Des objectifs de rendements fiscaux sont de ce fait susceptibles d’entrer
en tension avec d’autres priorités ou injonctions, dont celles fondées par exemple sur des impératifs de
limitation de l’artificialisation des sols, de régulation dans l’usage de ces derniers à des fins d’urbanisation….
Quelles conciliations s’établissent (ou non) entre les différents « actes » et priorités des collectivités ?
Apporter des éléments de réponse à ce questionnement contribuerait à fournir des éclairages quant à la
place – politique - des dimensions fiscales et budgétaires au sein des décisions locales. Est-elle finalement
majeure, justifiant alors que l’on aille jusqu’à proposer une lecture « augmentée » (cf. supra) des réalités
territoriales ou bien finalement demeure-t-elle seconde ?
Dans un autre registre, le concept de résilience est polysémique (Vanier, 2020) et ses usages prolifèrent
s’agissant des transformations urbaines, métropolitaines, territoriales…, nous l’avons mentionné. Nous ne
saurions prétendre à l’analyse stricto sensu de ces tendances, pratiques et représentations ; elles font en
effet appel à des expertises spécifiques. Pourtant, revenant sur les nécessités de penser la résilience urbaine,
M. Talandier (2020, p. 8) souligne que la promotion de cette résilience repose sur la valorisation des activités
locales et sur l’extension des « leviers d’action en direction de ces activités locales aux enjeux productifs et
redistributifs ». De façon implicite ou explicite, dans cette perspective, le développement de l’action des
collectivités est en jeu, ne serait-ce que pour intensifier les activités dédiées au développement dit humain
et supposant, pour la plupart d’entre elles, la fourniture de services publics locaux et/ou l’exercice de
compétences dévolues aux entités locales. En lien, les investigations que nous pourrions suggérer
consisteraient à décaler notre point de vue, à le compléter, en ne considérant plus uniquement la résilience
dans ses aspects fiscaux et/ou financiers et en intégrant d’autres dimensions de l’action publique locale.
Conduites en étroite articulation avec les analyses et propositions ouvertes en matière de résilience
entendue en termes de développement territorial, d’aménagement urbain…, ces explorations seraient
destinées à examiner si et comment les contraintes voire les opportunités budgétaires peuvent entrer en
ligne de compte et contribuer aux objectifs que se fixeraient alors les acteurs locaux. L’absence d’intégration
de tels aspects ne contreviendrait-elle pas sinon d’une part à la nécessité de parvenir à une approche globale
de la résilience, d’autre part à sa portée opérationnelle ?
343
Les fondements ainsi posés demandent à notre sens des investigations complémentaires en vue de prendre
une réelle portée analytique.
En particulier, nous avons considéré de façon heuristique la capacité des collectivités à constituer une
épargne, tenant cette dernière comme un élément d’objectivation de leur soutenabilité budgétaire. Ce qui
peut être mis en discussion d’une double façon : d’une part, la notion de capacité peut elle-même être
interrogée ; d’autre part, une déclinaison (ou une assimilation) de la soutenabilité locale à une propension à
constituer une épargne budgétaire est susceptible d’être questionnée voire étendue.
Les frontières entre les concepts de résilience et de soutenabilité sont ténues. Ceci suscite inévitablement
des zones de superposition dans l’analyse de leurs formes concrètes, y compris lorsque ces dernières sont
envisagées d’un point de vue territorial. Une tentative de dissociation peut être introduite en associant de
façon étroite la notion de soutenabilité à celle de capacité à utiliser des marges de manœuvre635. Ainsi
entendue, elle fait écho à la capacité politique des acteurs locaux à faire émerger une action (Pasquier, 2012),
à prendre des décisions et à mobiliser les ressources pour permettre leur mise en œuvre (Dormois, 2006 ;
Keating, 2020). La réunion de moyens budgétaires requis à des fins d’action et d’opérationnalisation, les
délibérations, compromis et arbitrages entre priorités concurrentes… participent alors pleinement de la
constitution de cette capacité. L’usage de marges de manœuvre et des capacités locales est encore, d’après
les auteurs, à envisager dans une perspective temporelle. Ce serait a minima celle convenant pour la
concrétisation du projet politique porté, peu ou prou, par les décideurs locaux, voire par les gouvernements
qu’ils constituent (Borraz, 2000). Ainsi se tissent des liens étroits entre capacité politique et financière,
conditions territoriales et institutionnelles des prises de décision, conférant une substance (accrue) à la
notion de soutenabilité, y compris dans ses aspects budgétaires. L’examen de la littérature scientifique
dédiée à ces aspects, des apports des experts du domaine (de la sociologie comme des sciences politiques)
apparaissent en conséquence comme indispensables pour la constitution d’un cadre analytique puis à celle
d’un dispositif méthodologique à même de permettre une approche effective des politiques, fiscales,
financières ou budgétaires que les collectivités sont en mesure de conduire, dans la perspective de satisfaire
à leurs engagements tant actuels qu’à venir, d’exercer les compétences qui leur reviennent et d’atteindre les
objectifs que leurs décideurs peuvent poursuivre, compte tenu des contraintes auxquelles ils sont confrontés.
Nous l’avons souligné, les approches quantitatives n’éclairent en effet qu’une part des éléments constitutifs
des stratégies, tactiques ou politiques conçues localement. D’autres apports sont indiscutablement requis
afin de décrypter les récits élaborés par les acteurs locaux à propos des choix et priorisations effectués au
sein de leur collectivité d’appartenance, de dépasser le stade de ce qui est fréquemment présenté par ces
acteurs comme des « évidences territoriales » (Dormois, 2006).
Ils sont encore indispensables en vue de révéler ce qui relève spécifiquement de « l’effet territorial ». Les
différences entre localités se situent-elles dans les objectifs poursuivis, dans des utilisations variables des
instruments disponibles ou bien encore dans les arènes au sein desquelles se tiennent les débats et dans les
alliances finalement conclues ? Les dissemblances sont-elles finalement davantage de forme plutôt que de
fond ? Des éclairages relatifs aux usages des finances publiques territoriales, aux pratiques ou aux politiques
budgétaires636 sont ainsi de nature à contribuer à « une éthique du dévoilement pour dépasser les lieux
635 La notion d’austérité pourrait ainsi être positionnée à l’intersection des deux concepts. D’un côté, en tant que contexte s’imposant
aux entités publiques locales, sous la forme par exemple d’une baisse des dotations étatiques, induisant un renversement de
perspective, elle met à l’épreuve la résilience des budgets locaux et des collectivités, les contraignant à des adaptations. D’un autre
côté, en tant qu’elle peut être activée localement, dans une perspective de modération des dépenses et/ou des prélèvements
alimentant le budget local, elle suppose la mise en œuvre d’une capacité d’action à cette fin, au service de ce projet politique ; elle
relève alors plutôt de la soutenabilité des collectivités et de leurs budgets.
636 Peu ou pas explorées en ces termes, à notre connaissance.
344
communs et autres effets en trompe-l’œil concernant le degré effectif de nouveauté de l’action publique
territoriale », à aller dans le sens de la « critique territoriale » (Faure, 2020, p. 3).
Abordant la question de la soutenabilité du système financier local, nous avons placé la focale sur les
capacités locales à constituer une épargne budgétaire, à faire perdurer cette dernière. Si ces capacités et si
cette grandeur possèdent un intérêt certain, force est de reconnaître que ce constat mérite d’être discuté.
L’épargne en question est effectivement un élément charnière des budgets locaux, à l’articulation des
logiques présidant aux opérations courantes (rassemblées au sein de la section de fonctionnement) et de
celles guidant les investissements locaux (tant en termes de dépenses que de modalités de financement). Le
raisonnement ainsi tenu amène à se positionner à l’intérieur des catégories comptables plutôt que de les
discuter et de chercher à en saisir les incidences. Rien ne garantit en outre que ces règles ordonnent
l’ensemble des pratiques déployées par les collectivités. Il reste que la formation de l’épargne d’une part et
ses utilisations d’autre part obéissent à des facteurs multiples ; ils sont au point de concours de nombreux
arbitrages. Les interprétations quant à son niveau et à ses évolutions ne sont de la sorte pas aisées à conduire.
Elles peuvent être facilitées par une série d’analyses qui, tout en rompant partiellement avec les
interdépendances systémiques au sein des budgets et des politiques, sont de nature à apporter des
éclairages complémentaires, concourant à expliciter, de différentes façons, comment les capacités d’action
budgétaires sont mobilisées, en divers points stratégiques des budgets, conditionnant l’épargne réalisée et
conditionnées par les potentialités qu’elle offre.
Dans la continuité des travaux effectués jusqu’à présents et en cours, une initiative consisterait à examiner
quelles sont les permanences et les déformations que connait le triptyque que nous avons identifié, reliant
dépenses locales, impôts revenant aux collectivités et recours à des emprunts637, en lien avec les effets
cumulatifs et désormais installés du resserrement des contraintes budgétaires auquel sont confrontées les
collectivités et en intégrant les facteurs territoriaux638.
En écho avec les compétences dévolues aux collectivités et avec les choix qu’elles sont en mesure d’opérer,
compte tenu des incitations ou injonctions adressées au local quant à une modération dans la progression
des charges courantes, un point d’attention pourrait être apporté à la croissance respective des dépenses de
fonctionnement et des dépenses d’investissement. Cette structure est-elle tendanciellement affectée par
des modifications substantielles ? Et dans ce cas, pour quels types de collectivités ou de territoires ? Quels
facteurs (notamment politiques) sont à l’origine de ces évolutions, révélant des transformations non
seulement dans la taille du secteur public local mais également dans la nature de ses interventions ?
D’éventuelles déformations dans le poids respectif des charges courantes et des dépenses d’équipement
peuvent être imputées à une attention croissante des décideurs locaux à l’endroit des consommations de
ressources (naturelles, environnementales, non renouvelables…), à leur répartition inter-temporelle et ce,
en résonance avec des enjeux de durabilité, avec la prise en compte de ces derniers au titre des actions
publiques. Le projet InveST (cf. Volume 1) nous donnera l’occasion d’aborder cette thématique, pour les
terrains d’étude retenus et pour les politiques sectorielles étudiées. Les résultats de ces premières
investigations nous serviront de points d’appui pour développer des travaux (quantitatifs et qualitatifs) sur
ces aspects particuliers.
De façon complémentaire, les travaux que nous avons conduits au sujet des dotations des collectivités en
bases taxables (à la taxe foncière bâtie) pourraient être systématisés et actualisés. Ainsi seraient confortés
637 Ceteris paribus, le niveau des dépenses courantes conditionne celui de l’épargne, influant à son tour sur la hauteur des dépenses
d’investissement et sur le besoin de recourir à des prêts. La capacité à épargner et le niveau d’épargne se trouveraient ainsi au centre
du triptyque en question.
638 Repérés comme structurants, en écho avec les explorations envisagées des finances publiques territoriales et celles déjà
effectuées.
345
les liens tels qu’esquissés entre les évolutions socio-territoriales et les dynamiques de la matière imposable.
Les facteurs influant sur ces dernières nous conduiraient à pouvoir apprécier quelle est, dans la progression
des impôts locaux, la part imputable à l’exercice par les élus de la capacité de modulation des taux dont ils
sont détenteurs. Nous avons esquissé quelques hypothèses concernant cet usage, lors des premières
réductions opérées dans les montants de DGF allouée aux communes et à leurs intercommunalités. En
réunissant un matériau empirique adéquat et désormais disponible, que peut-on conclure concernant l’effet
compensateur des taux de taxation au regard de l’insuffisance de la matière taxable, au regard encore de
diminutions d’autres ressources majeures comme les transferts étatiques ? Note-t-on en la matière des
différences sensibles dans l’usage des marges de manœuvre selon les territoires et alors, à quels facteurs les
imputer ?
Un recours accru à des prêts peut être un palliatif, face à une moindre progression des ressources fiscales ou
des dotations, face encore à des priorités en matière d’investissement public local. Les tendances en matière
d’endettement et de désendettement des collectivités méritent alors d’être scrutées, en relation avec les
dynamiques des moyens financiers dont elles disposent par ailleurs. Nous avons noté que la plupart des
collectivités639 faisaient un usage modéré de leur capacité à s’endetter. La probabilité d’observer des
renversements majeurs en la matière est en conséquence a priori faible. Malgré tout, un certain nombre
d’entités locales se distinguent du panorama commun : leurs budgets sont traversés par des tensions
provenant de l’importance de leur encours. Dans un contexte où le redressement des comptes publics
devient un objectif majeur, la dette locale fait l’objet d’une surveillance accrue. Sont particulièrement
concernées les collectivités impliquées dans les contrats dits de Cahors et dont la capacité de
désendettement excède des plafonds fixés au niveau national640. Nous nous proposons d’examiner quelles
sont précisément les collectivités (du bloc communal) soumises à cet impératif. Un premier temps
consisterait alors à identifier, à qualifier la trajectoire (budgétaire, territoriale, politique…) et les ressorts
ayant progressivement conduit à cet état de fait. Un second temps résiderait dans l’observation des réactions
que suscite localement la contrainte posée avec le dispositif contractuel, dans celle des mesures correctrices
mises en œuvre pour répondre à l’impératif gestionnaire. A partir de ces cas spécifiques, de ces situations
budgétaires et de ces contextes territoriaux particuliers, quels liens, voire quelle absence de lien, peut-on
établir entre solvabilité du budget local et soutenabilité dans la capacité d’action budgétaire de la
collectivité ?
Révéler des chaines de dépendances (systémiques et diachroniques), dans des configurations territoriales
choisies
Nos investigations nous ont conduit à identifier des singularités budgétaires (notamment dans la
configuration du triptyque reliant impôts, emprunts et dépenses locales) pour des ensembles territoriaux
spécifiques, tels ceux par exemple situés dans les zones dites en déprise, ceux encore marqués par une forte
attractivité ou par un important potentiel touristique. Tout en révélant des modes de fonctionnement
atypiques, ces situations somme toute extrêmes amènent à interroger, en tout ou partie, des configurations
plus ordinaires dans lesquelles, tout en n’étant pas aussi aigues, des problématiques analogues sont
346
susceptibles de se présenter641. En cela, sans qu’elle possède une vertu démonstrative entièrement probante,
la démarche consistant à se saisir de cas de figure anomaux (d’un point de vue financier et/ou territorial) est
à même de fournir des bases préfigurant une production ultérieure et plus conséquente de connaissances.
Nous pouvons retenir ce point d’entrée afin d’atteindre notre objectif, consistant précisément à cerner les
intrications entre situations budgétaires, contextes territoriaux et capacités d’action des collectivités
concernées. Dans cette perspective, nous proposons de placer la focale sur des territoires particuliers, non
pas tant en raison de leur situation ou de leur contexte mais bien parce qu’ils sont inscrits dans des dispositifs
particuliers d’action ou de politiques publiques.
Tel est par exemple le cas des villes dites moyennes concernées par le Programme Action Cœur de Ville
(ACV)642 ainsi que celui des localités impliquées dans le Nouveau Programme de Renouvellement Urbain
(NPNRU)643. Ces programmes, d’ampleur, ont en commun d’être initiés au niveau national et de donner lieu
à une territorialisation. Tout en faisant l’objet d’une gouvernance et de modalités de financement complexes,
les dispositifs en question reposent en effet sur une association entre des partenaires nationaux et les
collectivités concernées, voire sur un pilotage des actions dans lesquelles ces dernières occupent une place
décisive. Il en va même de leur implication financière (Frinault, 2012b). L’objet n’est pas de décrypter la
logique de ces programmes ou d’analyser leurs déclinaisons territoriales644. Il ne consiste pas non plus à
dessiner les contours, au sein des finances publiques territoriales, des sous-ensembles qui regroupent les
villes moyennes du programme ACV d’un côté, les collectivités au sein desquelles se déploient des
programmes de renouvellement urbain de l’autre. Se fonder sur une unité de dispositifs d’action conduirait
à un nomalisme certain et à des risques tout aussi assurés. Le mécanisme même des appels à projet,
auxquelles doivent répondre les collectivités avant de participer aux programmes, celui de la mise en
concurrence ainsi instaurée (Epstein, 2005 ; Béal et al., 2015) induisent de fait des opérations de sélection
entre répondants dont rien ne garantit a priori l’existence de similitudes entre les « gagnantes », soit du point
de vue de leurs particularités territoriales, soit en termes de priorités d’interventions.
Avec ce choix de collectivités et de dispositifs d’actions, l’objectif consiste plutôt à saisir dans un premier
temps si et comment les capacités financières des localités parties prenantes sont intégrées dans le
paramétrage des efforts budgétaires qui leur sont demandés à l’occasion du déploiement des actions telles
qu’elles sont envisagées puis conduites. Dit autrement, la territorialisation des programmes, telle que
conçue, intègre-t-elle un regard particulier en direction des capacités d’action budgétaire disponibles
territorialement ? Partant, l’effort qui est demandé aux collectivités est-il proportionné à leurs capacités
effectives ? Répondre à cette dernière question suppose un réel travail d’évaluation des participations
effectivement requises de la part des collectivités, de leur poids relatif au regard des interventions relevant
usuellement de leurs domaines de compétences645. Il importe encore de relever quelles sont les
641 En matière de relations entre dynamique fiscale et territoriale, d’instruments et de périmètres de financement…
642 Le dispositif, initié en 2018, vise la revitalisation des centres (villes) des villes moyennes. Les objectifs consistent à « améliorer les
conditions de vie des habitants (…) et conforter le rôle de moteur de ces villes dans le développement du territoire. ». Les actions
portent à la fois sur l’habitat, le développement économique, l’accessibilité et les mobilités, l’urbanisme et l’aménagement, les
services aux habitants. 222 collectivités sont concernées. Les programmes locaux sont pilotés par les maires, en lien avec les
présidents des intercommunalités auxquelles elles appartiennent.
643 Ce programme national, lancé en 2014 et devant s’achever en 2030, vise la transformation urbaine de quartiers (de priorité
nationale ou régionale) en agissant sur le parc de logement, l’espace et les équipements publics, et en visant à favoriser favorisant la
mixité sociale, le développement économique, la rénovation énergétique… Près de 400 communes et/ou intercommunalités sont
concernées. Les projets sont portés au niveau des intercommunalités, tout en associant les communes.
644 Des membres du Lab’Urba et du Latts, spécialistes des politiques de développement territorial, des politiques locales de l’habitat
et de renouvellement urbain, analysent avec attention ces dispositifs, leurs conditions de déploiement et leurs incidences.
645 Les travaux en cours dans le cadre du Groupe de Travail Modélisation, au sein du projet InveST (cf. Volume bibliographique) visent
précisément à apprécier les dépenses (et recettes) locales associées à la conduite de politiques sectorielles particulières. Nous
347
représentations associées à ces implications financières. Nous avons pu observer que celles-ci, bien au-delà
des montants eux-mêmes, s’avèrent bien souvent centrales. A la manière de ce qui a pu être constaté en
matière de politiques locales de l’habitat, ces contributions sont-elles de simples conditions nécessaires à
une affirmation du rôle des acteurs locaux en tant que pilotes ou chefs d’orchestre ou bien, dans les cas des
programmes proposés, sont-elles réellement substantielles ?
Dans un second temps, si une attention particulière est à accorder aux mobilisations des budgets locaux lors
du déroulé, effectué somme toute dans un temps court, des projets eux-mêmes, un intérêt tout aussi majeur
nous semble résider dans l’évaluation des incidences budgétaires/financières de moyen et de long terme de
ces réalisations pour les collectivités elles-mêmes. Ainsi que nous l’avons souligné, les charges courantes
induites par les investissements ou allant de pair avec le maintien en état du patrimoine dont les entités
locales sont détentrices sont peu ou mal connues. Les villes impliquées dans le Programme ACV et les localités
concernées par les NPNRU constituent à ce titre un terrain spécifique d’étude pour aborder ces points et
combler, au moins partiellement, des manques d’informations qui demeurent patents. Une fois réalisées et
cofinancées les interventions dans les cœurs de ville, dans les quartiers reconnus comme prioritaires et
portant sur des espaces et/ou sur des équipements publics, quelles dépenses récurrentes en résultent pour
les localités reconnues comme compétentes ? Ces charges à venir tout comme les dépenses évitées avec
l’amélioration des situations locales sont-elles intégrées aux réflexions ou aux programmations… préalables ?
A nouveau, sont-elles proportionnées aux capacités locales d’action budgétaire ? Qu’en est-il dans les
situations et les contextes les plus tendus, bon nombre des localités concernées étant par ailleurs reconnues
pour leurs fragilités budgétaires646 ?
Conjuguant explorations quantitatives et qualitatives, une telle entrée par les dispositifs d’action s’avèrerait
porteuse de connaissances à propos des finances territoriales « en actes ». La faisabilité d’un tel dispositif de
recherche serait de toute évidence conditionnée par une coopération effective avec des chercheurs
spécialisés dans l’analyse des dispositifs en question ; elle garantirait, entre autres, une sélection raisonnée
de terrains d’observation se prêtant au recueil d’un matériau empirique pertinent et aux explorations
envisagées.
Nous l’avons évoqué, s’agissant de la conduite de l’action publique en général, de l’action publique
territoriale en particulier, les politistes eux-mêmes discutent de l’influence respective des mouvements de
standardisation et de différenciation (Faure, 2007). Sont ainsi en jeu, au moins pour partie, une
représentation et une analyse du devenir des écarts interterritoriaux. Les spécialistes du développement
territorial questionnent quant à eux l’évolution des inégalités socio-territoriales, interrogeant leurs moteurs
comme leurs évolutions (Davezies, 2012). Les constats, quant à la convergence dans les écarts ou dans leur
pourrons capitaliser sur ces apports et les décliner pour tout ou partie des interventions revenant aux collectivités dans le cadre des
programmes ACV et NPNRU.
646 Les villes dans lesquelles se déroulent des Programmes de Renouvellement Urbain sont par ailleurs inscrites dans des Contrats de
Ville et pour la plupart éligibles à des mesures de péréquation (verticale et financière) via la dotation de Solidarité Urbaine (DSU).
348
réduction progressive au cours du temps, diffèrent en particulier en fonction des échelles d’observation, des
catégories et périodes d’analyse... Dans un autre registre, les référentiels en matière d’action territoriale sont
eux-mêmes en train d’évoluer, s’acheminant de principes relatifs à l’égalité des territoires vers des logiques
pragmatiques de mise en œuvre d’une cohésion territoriale (Béhar, 2019).
De la sorte et ne serait-ce qu’au terme d’un panorama succinct, il s’avère que les regards portés sur les
différences interterritoriales, sur leur prise en compte à des fins d’analyse, sur les facteurs suscitant des
écarts comme à propos de leurs mécanismes correcteurs sont eux-mêmes différents.
Une part de ces différences tient au fait que le terme même d’inégalités est tout aussi chargé de sens que
lourd de conséquences (Estèbe, 2020). Finalement, « des inégalités de quoi ? » (Estèbe, 2015). Préciser les
acceptions retenues et en décrypter les usages suppose un travail théorique dont il n’est pas envisageable
de faire l’économie. A cette réserve près, qu’il s’agira de combler, une piste consistant à prendre la mesure
des inégalités budgétaires interterritoriales ainsi qu’à leur donner sens nous semble à même de contribuer à
l’analyse des finances publiques, elles-mêmes territoriales, telles que nous les avons circonscrites.
Le potentiel fiscal (ou financier) comporte de nombreuses limites (cf. Chapitre 2) lorsqu’il s’agit d’évaluer la
richesse des collectivités et ensuite, de qualifier les écarts séparant ces dernières en matière de dotations en
bases d’imposition. Les critères de ressources et de charges retenus pour opérer une redistribution financière
entre localités font eux-mêmes l’objet de critiques, voire appellent réforme (Pirès-Beaune, Germain, 2015).
L’existence de dépendances systémiques au sein des budgets ne facilite assurément pas la détermination
d’une indication, simple et aisément maniable, rendant compte de l’état de la situation budgétaire à un
instant donné, moyennant les particularités du contexte territorial. S’agirait-il par ailleurs d’apprécier plutôt
cet état, ou des capacités (potentielles) d’action ou bien encore leur utilisation effective ? Une fois ces
interrogations levées, au sein des sous-systèmes financiers dont l’identification est envisagée, des travaux
d’analyse puis de modélisation conduiront à repérer les postes budgétaires finalement structurants et
générateurs d’écarts, à caractériser les dépendances à l’œuvre, puis à construire les descripteurs appropriés
et enfin, à rendre compte des différences qui fassent sens entre entités, entre sous-systèmes.
A l’issue de cet état des lieux, dans une perspective diachronique, l’évolution des inégalités mises à jour
pourra être testée. Quels mouvements tendanciels, entre convergences vers des états communs ou
divergences vers des segmentations croissantes ? La réduction des différences signifierait une forme de
déterritorialisation ; leur amplification mériterait quant à elle une recherche fine des mécanismes sous-
jacents, une identification des collectivités et des territoires s’écartant des valeurs centrales.
Les incidences des versements étatiques – qu’ils aient ou non une visée péréquatrice – sur les inégalités
financières entre collectivités, l’évolution de leur performance ont déjà été évaluées et discutées (Gilbert,
Guengant, 2004 ; Cour des Comptes, 2016a ; Houser, 2019). Des travaux systématiques sur ce plan
présenteraient de ce fait un moindre intérêt. En complément de ces évaluations, dont la conduite est ardue
(Uhaldeborde, 2017), les effets des transferts péréquateurs pourront néanmoins être spécifiés selon le
positionnement des entités locales au sein des finances publiques territoriales (cf. supra). Par ailleurs, à
l’occasion des projets en cours (IPL et InveST – cf. Volume 1), des explorations sont conduites afin de mettre
en évidence les effets d’atténuation imputables aux versements péréquateurs face au resserrement de la
contrainte budgétaire, prenant forme d’une réduction de la DGF qui leur est régulièrement allouée. Ces
différentes investigations apporteront également des éléments essentiels de connaissance, s’agissant des
inégalités budgétaires interterritoriales.
Concernant ces dernières, il apparait toutefois que des zones d’ombre perdurent. Elles ont notamment trait
au rôle que les collectivités elles-mêmes peuvent exercer dans la réduction des différences les séparant. Nous
349
avons à ce titre mentionné l’existence de dispositifs de solidarité au sein des ensembles intercommunaux, le
maniement de la péréquation horizontale…
Il conviendrait alors d’établir si les coopérations construites entre gouvernements subnationaux647, si les
instruments et cadres d’action mis en place, à différentes échelles, influent effectivement sur la portée et sur
les évolutions des inégalités existantes. Quels sont les représentations et les registres de légitimation alors
convoqués pour justifier des solutions adoptées ? Quelles conventions observe-t-on localement dans le
partage des charges et des ressources et comment sont-elles construites ? Quels sont les objectifs et les
modalités de ces arrangements horizontaux (Estèbe, 2015) ?
Par ailleurs, en matière d’intercommunalité par exemple, des analyses ciblées indiquent que l’égalisation des
situations communales (voire au contraire l’exacerbation des différences intracommunautaires) s’effectue
moindrement par le biais de versements ou sous le poids de changements fiscaux (Gilbert, Guengant, 2008).
La redistribution s’opère principalement de façon indirecte, par l’intermédiaire de la répartition différenciée
des services (et équipements) communautaires, soit encore par l’action elle-même. Les politiques
intercommunales (et communales) sont alors en jeu. La démarche initiée par les chercheurs reste à conforter,
ne serait-ce qu’en raison des avancées de l’intercommunalité, des modifications dans le régime des
contraintes (fiscales et budgétaires) pesant sur les ensembles intercommunaux. Les questions demeurent
quant à elles pratiquement inchangées : quelles incidences les actions locales ont-elles sur les différences
intra- comme inter-communautaires ? Leur correction constitue-t-elle d’ailleurs l’un des objectifs des actions
publiques territoriales ? Des explorations, tant quantitatives que qualitatives, nous semblent alors requises,
en vue d’apporter des éléments de réponse à ces questionnements.
Finalement, le programme muti-dimensionnel que nous avons établi comporte de multiples directions. Qu’ils
s’inscrivent dans le prolongement des initiatives que nous avons déjà pu lancer ou bien qu’ils supposent un
certain décalage, conceptuel et/ou méthofologique, les chantiers de travail évoqués et leur réalisation nous
semblent nécessaires afin d’approcher les objets que nous avons identidiés, de prolonger des
problématiques que nous avons esquissées, de consolider des éléments que nous avons posés.
Il reste que ces chantiers et les (dis)continuités qu’ils sous-entendent demeurent cohérents avec le parti pris,
initial et inchangé, à savoir avec celui de procéder à une analyse systémique, territorialisée et diachronique
des finances publiques locales, voire… territoriales. Soit encore avec le plaidoyer que nous avons tenté de
construire, en leur faveur.
647 Compte tenu des concurrences ou des rivalités qui ne manquent pas de les opposer.
350
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384
Annexes
385
386
Annexes du Chapitre 1
L’épargne (brute ou nette) est parfois qualifiée d’autofinancement (Guengant, 1993b). Les deux notions sont
voisines mais, selon les sources et institutions, le périmètre des ressources effectivement comptabilisées au
titre de l’épargne et celui des recettes contribuant à l’autofinancement peuvent différer (Cour des Comptes,
DGCL…).
L’épargne (brute puis nette) revêt une importance majeure au sein des budgets des collectivités et du
système financier local. Son importance peut être appréciée d’un double point de vue. Importe en premier
lieu la capacité d’une collectivité à disposer d’un solde de fonctionnement, comparativement à ses recettes
courantes. Ce dont rend compte sa capacité d’épargne. Est également primordiale l’importance de l’épargne
comparativement aux emplois d’investissement. Le solde entre ces derniers et l’épargne, adjointe aux
subventions, dotations et autres recettes définitives mobilisables, détermine un besoin de recours à des
387
emprunts, à des prélèvements dans la trésorerie ; selon son signe algébrique, ce solde révèle une capacité
ou un besoin de financement (Gilbert, 2009).
La codification sous-entend une utilisation prioritaire de l’épargne brute et impose de ne pas recourir à des
ressources temporaires, soit à des emprunts, pour couvrir les remboursements de l’encours de dette.
388
Annexes du Chapitre 2
L’établissement de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties repose sur la valeur
locative cadastrale VLC des biens. Celle-ci « correspond au loyer annuel théorique que pourrait produire un
immeuble bâti ou non bâti, s’il était loué dans des conditions normales. » (DGFiP, 2015). Le loyer théorique
exclut de fait les conditions anormales, provenant des phénomènes de marché.
Dans le cas général, les principales étapes de l’évaluation des VLC servant à déterminer les bases d’imposition
pour les locaux à usage d’habitation et à usage professionnel ordinaire sont les suivantes :
- la caractérisation du bien (décomposition de chaque propriété ou fraction de propriété) ;
- la classification communale des locaux, visant à identifier des locaux de référence pour chacune des
8 catégories fiscales fonction de l’architecture du local, de la qualité de la construction, de la distribution du
local et les équipements (telles qu’elles peuvent être appréciées de l’extérieur)649 ;
Logement dits
Classement cadastral: 1 à 3 « grand luxe », « luxe » et « très confortables » (dans les
faits, les catégories 1 et 2 sont utilisées pour les
logements très exceptionnels)
Classement cadastral égal à 4 « confortables »
Classement cadastral égal à 5 « assez confortables »
Classement cadastral égal à 6 « ordinaires »
Classement cadastral supérieur ou égal à 7 « médiocres » et « très médiocres » (dans les faits, les
logements très insalubres)
- le classement des locaux, chacun étant, par comparaison avec les locaux de référence, rattaché à une
catégorie ;
- la détermination de la surface pondérée du local (avec pondération des éléments constitutifs du local et
inclusion des éléments de confort au moyen d'équivalences superficielles) ;
- la détermination des tarifs d'évaluation des locaux de référence ;
- le calcul des valeurs locatives individuelles (par application du tarif du local de référence auquel est rattaché
le local à sa surface pondérée).
La valeur locative des locaux ainsi estimée par comparaison est toujours théorique.
Il en va autrement pour les locaux à usage professionnel pour lesquels il est difficile de trouver des locaux de
référence servant les comparaisons. Dans ces cas, la valeur des locaux commerciaux et bien assimilés est leur
389
valeur locative normale réelle (résultant d’un bail) ou théorique (déterminée par évaluation directe). Les
établissements industriels font le plus souvent d’une évaluation comptable : la valeur locative est le produit
d'un prix de revient par un taux d'intérêt.
Telle qu’elle est effectuée, nous avons pu observer que la catégorisation des logements opérée à des fins de
détermination de leur valeur d’imposition ou VLC possède une portée différenciatrice modérée, voire faible
(Tableau 39).
Tableau 39 – Répartition des résidences (principales et secondaires) soumises à la taxe d’habitation en catégories
fiscales, 2003 et 2013, communes France métropolitaine
2003 2013
classement des logements nbe en % nbe en % coeff var.
1 à 3/grand luxe, luxe, très confortable 302 506 1% 360 181 1% 3,14
4/confortable 2 621 532 9% 3 359 515 11% 1,07
5/assez confortable 13 270 188 47% 16 049 129 51% 0,35
6/ordinaire 10 038 296 35% 10 375 762 33% 0,57
7 et 8/médiocre, très médiocre 2 058 619 7% 1 226 660 4% 1,26
ensemble 28 291 141 100% 31 371 247 100%
Source : élaboration à partir de Filocom, PUCA 2017
L’essentiel du parc est constitué de logements dits « assez confortables » et de ceux tenus comme
« ordinaires », soit alors des catégories moyennes. Cette forte part (qui s’est consolidée entre les deux
années d’observation) est certes représentative de l’état d’ensemble des locaux d’habitation existants et de
son évolution650. Toutes les résidences en question ne se valent cependant pas. En particulier, les logements
du parc social entrent dans les catégories en question. Ils disposent certes, depuis leur construction, des
éléments de confort requis mais ne possèdent pas pour autant de fortes valeurs de marché ; nombre d’entre
eux ont en outre perdu en qualité au cours du temps. Ils se voient pourtant appliquer le même tarif unitaire
que toutes les habitations de la catégorie à laquelle ils appartiennent.
Ajoutons que les catégories « assez confortables » et « ordinaires » sont très fortement représentées dans
quasiment toutes les communes651.
A contrario, les effectifs des catégories extrêmes sont proportionnellement faibles et leur dispersion est
forte, séparant les territoires où ces logements sont présents, ceux dans lesquels ils le sont peu. Leur part,
en étant soit faible, soit au contraire élevée, est à même de générer des différences entre collectivités, du
point de vue de l’importance de la base taxable. A l’effet homogénéisant de la valorisation se superpose ainsi
un processus différenciant, provenant de la qualité du parc immobilier local.
650 A titre de comparaison, selon l’Insee, plus de 92% des résidences principales disposaient en 2014 de toutes les conditions de
« confort sanitaire » (Eau, W-C intérieurs et installations sanitaires, avec chauffage "central" ; 0,7% des logements étaient déclarés
comme « sans confort sanitaire » (source : Insee, Enquête Logement)
651 Les coefficients rendant compte de la dispersion autour des moyennes sont faibles, compte tenu du nombre élevé de communes
390
Annexes du Chapitre 3
Au cours des 40 dernières années, l’endettement public dans son ensemble a progressé plus rapidement que
la production de richesse nationale. Ceci vaut de façon plus modérée pour les APUL que pour les autres
composantes de la sphère publique (Figure 32). La dette du secteur public local est ainsi passée de 6,9 à 8,7%
du PIB. Son poids est ainsi tout à fait restreint au regard de la dette d’ensemble, principalement portée par
l’Etat et ses organismes d’administrations centrales.
391
A l’image de ce qui vaut pour bon nombre de composantes des budgets des entités locales, la trajectoire de
l’endettement de ces dernières est loin d’être linéaire (Figure 33). Le rythme de progression de l’encours a
été plus rapide que celui du PIB jusqu’au milieu des années 90. S’en est suivi un net mouvement de
décélération jusqu’en 2004, avant une nouvelle phase d’accélération, qui s’est atténuée dans les années
récentes, en lien avec le ralentissement d’ensemble affectant les dépenses des collectivités.
Figure 34 – Flux net d’emprunts (emprunts-remboursements d’emprunts) selon les types de collectivités, 1996 à 2017,
en Md€
Tout en présentant des similitudes, les trajectoires suivies par les différents types de collectivités diffèrent et
en particulier, le mouvement d’endettement intervenu entre 2004 et 2015 n’est pas pour tous de la même
ampleur (Figure 34). Cette dernière est même variable selon les mandats municipaux pour les collectivités
du bloc local et selon toute hypothèse, au sein de ces mandats en fonction du cycle électoral (Tableau 40).
Tableau 40 - Flux net d’emprunts (emprunts-remboursements d’emprunts), collectivités du bloc local, 1996 à 2017, en
Md€
mandats municipaux 1996/2000 2001/2007 2008/2013 2014/2017
flux net d’emprunts -0,16 1,32 2,22 0,46
Note : mouvements réels en 2016 et 2017
Source : élaboration à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019
En lien avec les flux d’endettement/de désendettement, le poids relatif de l’encours détenu par chacun des
types de gouvernement local varie au cours du temps (Tableau 41). Les communes, et plus largement les
entités composant le bloc local, demeurent les premiers détenteurs de dette. Le poids relatif de cet échelon
se réduit toutefois progressivement, malgré la progression marquée de la dette des groupements à fiscalité
propre (GFP). Une forte dynamique est également perceptible pour les institutions régionales. Les évolutions
des positionnements sont à mettre en relation avec celles qui affectent la répartition des compétences entre
niveaux de gouvernement, les réformes institutionnelles qui les concernent, leur consolidation ou leur
intégration progressive, ainsi qu’avec la dynamique d’ensemble de leurs différentes ressources et celle des
charges qui leur incombent.
392
Tableau 41 - Encours (au 31/12) des différents types de collectivités, 2001, 2008 et 2014, en Md€ et en % de l’ensemble
2001 2008 2014
en Md€ en % en Md€ en % en Md€ en %
communes 51,15 59% 57,46 51% 63,53 45%
groupements GFP 9,04 10% 16,54 15% 22,76 16%
bloc local 60,19 70% 73,99 66% 86,28 61%
départements 18,67 22% 24,76 22% 33,64 24%
régions 7,66 9% 13,98 12% 22,01 16%
ensemble 86,52 100% 112,74 100% 141,93 100%
Source : élaboration à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC, 2019
Figure 35 – Poids de l’emprunt dans le financement des dépenses d’investissement et d’équipement des communes et
de leurs groupements, 1996 à 2017, en %
Quelles que soient les utilisations effectives des prêts contractés, il importe de souligner que l’analyse de
l’encours local de dette nécessite d’être effectuée en tenant compte de deux logiques, économiques et
temporelles, qui sont complémentaires sans être nécessairement les mêmes. On peut faire l’hypothèse que
652 Alors déposés, sans rémunération en contrepartie, sur un compte du Trésor public.
393
la dynamique présidant aux flux entrants de prêts est tributaire des prévisions en matière de réalisations
d’équipements, du loyer de l’argent… Celle qui régit les flux sortants est quant à elle essentiellement
dépendante des engagements résultant de contrats antérieurement établis entre les collectivités et les
établissements en charge des prêts.
A titre complémentaire, nous apportons quelques précisions utiles pour différencier des réalités à la fois
voisines et complémentaires, telles celles de dette, de besoin de financement, de déficit et de trésorerie. Les
acceptions et surtout les interprétations données à ces différentes grandeurs et à leurs variations font débat
entre les représentants des différents niveaux de gouvernement. Un rapide passage en revue des contenus
apporte des éclairages concernant les problématiques relatives à l’endettement local.
Dette, besoin de financement, déficit, fonds de roulement et trésorerie, des facettes complémentaires d’une même
problématique budgétaire
Lorsqu’il est question des collectivités, l’amalgame est souvent fait entre leur dette et leur déficit ; il est encore fait état
de leur capacité ou de leur besoin de financement. Si les réalités recouvertes par ces notions sont voisines et
dépendantes, des distinctions les séparent. Aussi, quelques précisions sont apportées à ce propos.
Selon les acceptions de la Comptabilité nationale, la dette publique (au sens de Maastricht) ne comprend pas l’ensemble
des passifs financiers, mais uniquement les numéraires et dépôts, les titres autres qu’actions que sont les bons du
Trésor, les obligations assimilables du Trésor, ainsi que les emprunts. La dette des collectivités s’entend de la même
façon, pour ce qui les concerne.
Par ailleurs, « La dette publique au sens de Maastricht est brute, ce qui signifie que les actifs financiers des
administrations publiques ne sont pas déduits de leurs passifs. Elle est évaluée en valeur nominale et est consolidée des
passifs entre administrations publiques. Elle exclut certains types de passifs, essentiellement les créances commerciales
et ceux liés aux délais de paiement. »
Toujours selon les termes de la Comptabilité nationale, « La capacité ou le besoin de financement des administrations
publiques est le solde du compte non financier, égal aux recettes diminuées des dépenses. Il correspond au déficit public
au sens du traité de Maastricht. » (Insee, 2016)
Dit autrement et d’un point de vue plus formel, pour les collectivités locales comme pour les APUL, « La capacité de
financement est le solde du compte de capital. Ce solde est égal à l'épargne brute augmentée des transferts nets en
capital et diminuée des dépenses faites à des fins d'accumulation : FBCF, variations de stocks, acquisitions nettes
d'objets de valeur et d'actifs non financiers non produits (terrains, actifs incorporels...). » (DGCL, Les Collectivités Locales
en Chiffres CLEC, 2017)
Côté collectivités locales, le résultat annuel est plutôt évalué en termes de variation de fonds de roulement. Il s’agit
alors du solde des recettes et des dépenses totales (en intégrant les recettes d’emprunts et les remboursements de
dettes). Un besoin en fonds de roulement ne traduit pas nécessairement un déséquilibre structurel. Au contraire, il peut
être dû à des difficultés conjoncturelles, provenant d’une mobilisation tardive de ressources, comparativement aux
dépenses à régler/à mandater (Gilbert, 2002a).
Les représentants des collectivités locales contestent le mode d’évaluation de leur déficit tel qu’il est apprécié au sens
des exigences européennes. En 2013, les magistrats de la Cour des Comptes, dans leur rapport annuel, soulignaient que,
au cours de cet exercice, « le secteur public local n’a pas apporté la contribution attendue au redressement des comptes
publics » (…). Si elles ne remettent pas en question les évolutions constatées, les associations d’élus mettent en cause
les interprétations qui en sont faites. Ainsi, en réponse, les membres de l’ARF (Association des Régions de France)
soulignent qu’« il est indispensable, en terme de rigueur d'analyse, de rappeler que le déficit des collectivités locales n'a
pas la même nature que celui de l'État, car le déficit des collectivités correspond au besoin de financement, donc au
surcroît d'emprunt lié aux investissements, alors que le déficit de l'État est un pur déficit de fonctionnement. » (Cour
des Comptes, 2014, p. 264). Aux yeux des représentants des collectivités, cette différence n’est en rien sémantique ;
elle est au contraire essentielle, dans les utilisations qui en sont faites. L’évaluation en question sert en effet
394
d’argumentaire et de référence aux représentants de l’Etat pour arrêter les évolutions des montants des transferts
financiers étatiques en direction des collectivités, pour justifier l’accentuation de leur baisse (Jaune Budgétaire, 2015,
2016) et également à des fins de légitimation des évaluations courantes portées sur la gestion locale. Les acteurs locaux
sont d’ailleurs eux-mêmes prompts à justifier leur position. Comme ligne de défense, ils invoquent sans difficulté l’utilité
de l’investissement public local et son poids prépondérant. Pour l’AdCF (Assemblée des Communautés de France) par
exemple, outre ses conséquences sur le fonctionnement et l’attractivité des territoires, « un effondrement de
l’investissement local aura des effets récessifs majeurs dans une période de stagnation économique. » (Cour des
Comptes, 2014, p. 287).
Des définitions retenues (y compris dans leurs variantes), il ressort que déficit budgétaire et endettement ont partie
liée. Ils ont trait au besoin de financement local, le premier l’envisageant sous forme de flux (ou de résultat) annuel, le
second sous forme de stock (consolidé dans le temps). D’un point de vue pratique, le résultat est parfois faussé par
l’encaissement d’emprunts, venant masquer un solde négatif.
Les questions relatives au déficit budgétaire ou à l’endettement local ne peuvent être abordées sans simultanément
envisager ce qui relève de la trésorerie des collectivités, et sa gestion.
Lorsque les collectivités, en cours ou en fin d’année, disposent de fonds non utilisés ou en attente d’utilisation (résultant
par exemple du tirage d’emprunts), elles sont tenues de déposer ces fonds libres au Trésor. Elles ne peuvent ouvrir et
utiliser un compte bancaire ou postal. Il s’agit d’une pratique ancienne puisque « L'origine de cette règle remonte au
décret impérial du 27 février 1811, repris par une ordonnance royale du 7 mars 1818. » (Cour des Comptes, 1991, p. 16).
Par ailleurs, il leur est interdit d’avoir une trésorerie négative : chacune doit donc s’assurer du dépôt, sur le compte en
question, d’un minimum de fonds pour couvrir ses dépenses en l’attente de perception de nouvelles rentrées de
recettes. Lorsque les collectivités sont confrontées à des difficultés de trésorerie, l’Etat peut leur accorder des avances
(à titre gratuit ou sur intérêt).
Les dépôts n’étant pas rémunérés, dès les années 80-90, les collectivités et notamment les plus grandes d’entre elles,
ont initié une gestion active de leur trésorerie, destinée à limiter leurs immobilisations improductives. Cette gestion
passe en particulier par celle, plus active également, de l’endettement. Ceci consiste notamment à optimiser les
échéances de remboursement et les dates d’encaissement des prêts. Ainsi la gestion de la dette et celle de la trésorerie
sont-elles interdépendantes.
Parallèlement, a été ouverte aux collectivités la possibilité de recourir à des prêts de court terme (des avances ou des
lignes de trésorerie) en vue de lisser leurs dépôts et de disposer des couvertures suffisantes. Ces modalités ont été
réglementées (circulaire interministérielle du 22 février 1989). Il est alors rappelé que ces produits n’ont pas vocation à
apporter des ressources budgétaires et à financer des dépenses, notamment d’investissement.
Le système des dépôts des fonds locaux au Trésor contient une conséquence forte : du fait de l’existence de cette
obligation de dépôt, les collectivités participent de la demande de prêts adressée aux établissements bancaires, sans
contribuer simultanément à alimenter les réserves de fonds propres de ces derniers. Ce qui peut les détourner du
marché des prêts au secteur local. Ainsi par exemple. « Le nouveau cadre réglementaire du secteur bancaire, appelé
‘Bâle III’, a donné lieu à la rédaction d'une directive européenne qui est entrée en application partielle en 2013. Elle
s'appliquera totalement en 2019. Ces nouvelles règles prudentielles visent à renforcer la solidité des banques en leur
imposant des contraintes plus renforcées pour des prêts à long terme. Ainsi, les banques doivent progressivement
relever, entre 2013 et 2019, leurs fonds propres en quantité et en qualité pour leur permettre de mieux absorber les
pertes en cas de crise. »653
653 Sénat,2014b, Projet de loi de finances de finances pour 2014 : Relations avec les collectivités territoriales - Budget 2014 - Relations
avec les collectivités territoriales, Avis n° 162 (2013-2014) de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois, déposé le 21
novembre 2013
395
Annexe 4 – Les ratios prudentiels conventionnels
A la liste des indicateurs prudentiels et conventionnels, établis chaque année par les collectivités, nous
proposons d’adjoindre celui qui rend compte de leur solvabilité durable, soit encore leur capacité de
désendettement. La valeur de cet indicateur ou ratio est établie (par approximation) à partir des valeurs des
indicateurs conventionnels et comme suit :
Capacité de désendettement (proxy) = Dette (capital restant dû au 31/12)/Epargne = [Dette (capital restant
dû au 31/12) /population]/[Recettes réelles de fonctionnement (RRF)/population - Dépenses réelles de
fonctionnement (DRF)/population] = ratio 5/( ratio 3 - ratio 1)
396
Annexe 5 – Des profils-types fiscalo-financiers et (socio-)territoriaux
Nous avons fait l’hypothèse que le triptyque identifié, reliant endettement, fiscalité et dépenses
(communales) prenait différentes formes, en lien avec les caractéristiques propres aux contextes territoriaux.
Afin de mettre à jour ces formes territorialisées, nous avons employé la méthode que nous qualifions de
« dissociée ». Une typologie a d’abord été construite, pour les villes retenues de plus de 10 000 habitants,
conduisant à identifier des (7) profils-types d’un point de vue fiscal et financier (Tableau 43).
Tableau 43 - Villes et profils-types, situations financières, communes de plus de 10 000 habitants, 2010
Capacité Emprunt
désen Pression (net)
Niveau Taux Taux
Dette- Produit fiscale Dépense 2010,
Nbe endet- endet- équipem
Classe objets centraux ment impôts, ménages ,
villes tement, tement, ent, en
proxy, en €/hab , en €/hab en
en €/hab en % %
en en % €/hab
années
1 Le Pradet (83) 154 1 313 88% 8 602 112% 1 584 20% 3
2 Chelles (77) 199 1 347 104% 9 494 132% 1 306 17% -20
3 La Chapelle-Saint-Luc (10) 286 590 50% 4 435 96% 1 190 18% -24
4 Chambray-lès-Tours (37) 133 787 59% 4 501 86% 1 511 32% 22
5 Bayonne (64) 65 1 463 105% 9 525 104% 1 813 43% 115
6 Bussy-Saint-Georges (77) 22 1 704 64% 5 1 407 93% 2 860 20% -26
7 Vitry-sur-Seine (94) 35 991 53% 3 900 83% 2 049 24% -4
ensemble 894 1 019 75% 6 535 105% 1 452 22% -1
Notes : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; ont
été éliminés les (6) cas les plus extrêmes obstruant la lisibilité d’ensemble et/ou les villes pour lesquelles certaines
informations manquent ; en gras, les valeurs significativement différentes de la moyenne d’ensemble, au seuil
statistique de 95%.
Source : élaboration à partir de DGCL
Tableau 44. – Variables d’analyse retenues (contexte socio-économique), et valeurs moyennes, (885) communes de plus
de 10 000 habitants, diverses dates
date/période moyenne
Démographie population (pop) 2011 hab 34 173
densité 2011 hab/km2 2 640
taux moyen évolution population 1990-2011 % 0,36
taux plus 65 ans 2011 % 17
Logement taux résidences 2ndaires 2011 % 4
taux logements vacants 2011 % 7
part logements HLM 2011 % 22
Emploi/activité taux chômage 2011 % 14
taux moyen évolution ELT (emploi au lieu de travail) 2006-2011 % 0
taux emplois CFM (cadres fonctions
2011 % 9
métropolitaines)
part emplois sphère non présentielle 2011 % 31
Revenus revenu médian 2011 €/UC 28 381
Source : élaboration à partir de Insee
A ensuite été réalisée, pour ces villes654, une typologie reposant sur des indicateurs socio-territoriaux. Les
variables (usuelles) ayant servi à la construction de cette classification sont listées dans le Tableau 44.
654 Seules 885 communes (parmi 894) sont renseignées s’un point de vue fiscalo-financier et sur le plan socio-territorial et peuvent
en conséquence faire l’objet des traitements mettant en perspective les deux dimensions d’analyse.
397
7 groupes/classes de ressemblance aux profils-types contrastés ont été identifiés (Tableau 45). Ils peuvent
finalement être rassemblés autour de 3 grandes figures majeures (Tableau 46).
Tableau 45 - Villes et profils-types, contextes socio-économiques, (885) communes de plus de 10 000 habitants, diverses
dates
taux taux %
taux taux taux part taux taux
nbe moyen moyen emplois revenu
Classe objets centraux pop densité plus rés. log log chôma- emplois
villes evol evol non médian
65 ans 2ndaires vacants HLM ge CFM
pop ELT présent.
1 Tarascon (13) 127 26 743 959 -0,20% 23% 3% 12% 18% 17% -0,67% 5% 28% 22 450
2 Beauvais (60) 246 37 716 2 256 -0,02% 16% 1% 8% 32% 19% -0,29% 6% 29% 22 979
3 Bressuire (79) 145 24 288 1 366 0,50% 20% 5% 7% 13% 12% 0,44% 7% 29% 28 880
4 Orvault (44) 137 19 302 1 903 0,99% 16% 3% 5% 12% 9% 1,30% 11% 34% 37 638
5 Les Sables-d'O. (85) 31 20 884 793 1,03% 29% 47% 4% 7% 14% 0,78% 6% 21% 27 978
6 Montigny B. (78) 39 95 872 9 963 0,58% 14% 3% 5% 20% 9% 1,13% 30% 47% 40 068
7 Sannois (95) 160 43 853 4 926 0,51% 13% 1% 5% 28% 13% 0,47% 11% 33% 30 248
ensemble 885 34 173 2 640 0,36% 17% 4% 7% 22% 14% 0,26% 9% 31% 28 381
Note : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; en
gras, les valeurs significativement différentes de la moyenne d’ensemble, au seuil statistique de 95%.
Source : élaboration à partir de Insee
Tableau 46 - Villes et profils-types et figures majeures, contextes socio-économiques, (885) communes de plus de
10 000 habitants, diverses dates
nbe
Contexte profil-type Classe objets centraux
villes
villes petites et moyennes en nette situation de déprise 1 Tarascon (13) 127
perte de
vitesse/déprise villes (d'anciens territoires productifs) en perte de
2 Beauvais (60) 246
vitesse
villes attractives et dynamiques (population et/ou
3 Bressuire (79) 145
emploi)
attractivité villes fortement attractives et dynamiques (population
4 Orvault (44) 137
et/ou emploi) et pop à revenus élevés
villes attractives, résidentielles et de tourisme 5 Les Sables-d'Olonne (85) 31
contexte métropolitain (Ile de France IdF) 6 Montigny-le-Bretonneux (78) 39
métropolitain métropoles et leurs périphéries (résidentielles et/ou
7 Sannois (95) 160
productives)
Source : élaboration à partir de Insee
Les villes des contextes désignés comme en perte de vitesse ou en déprise sont proportionnellement les plus
nombreuses. Apparait également un ensemble de villes où l’attractivité (fondée sur divers ressorts) est
soutenue. Se distingue enfin un sous-ensemble spécifique, celui que forment les ensembles métropolitains
(incluant leurs centres et leurs périphéries), au sein duquel les villes franciliennes sont fortement
représentées.
Les résultats de la typologie fiscalo-financière et ceux de la typologie socio-territoriale ont ensuite été mis en
perspective. De façon à ce que le test du Chi2 puisse être effectué (effectif supérieur ou égal à 5 dans le
tableau de contingence), les classes ressortant d’un même contexte territorial ont été regroupées.
398
Annexe 6 – L’analyse des trajectoires d’endettement des ensembles
intercommunaux
Afin de caractériser les trajectoires différenciées d’endettement/de désendettement des ensembles
intercommunaux, un panel de variables a été retenu (Tableau 47). La liste a été établie en empruntant aux
principes retenus pour l’analyse des triptyques reliant endettement, fiscalité et dépenses des communes,
tout en intégrant les interdépendances entre communes et intercommunalités (degré ou coefficient
d’intégration) et en adaptant le panel à la disponibilité des données budgétaires. La période d’observation
(2008-2015) est choisie pour tenir compte de cette accessibilité des informations ainsi que des dynamiques
institutionnelles concernant les groupements, à même d’affecter la stabilité de leur situation budgétaire.
Dans la mesure où l’objectif réside dans la mise à jour de trajectoire, pratiquement chaque variable est
doublée d’une indication illustrative de son évolution au cours de la période d’étude. Les données pour les
ensembles sont obtenues par consolidation des valeurs communales et intercommunales (hormis pour le
potentiel financier, valant pour les seules communes).
Tableau 47 - Liste des variables retenues pour les analyses des trajectoires (d’endettement) des ensembles
intercommunaux
indicateur acception/portée unité année/période source
Coefficient d'Intégration Fiscale poids fiscal de l'EPCI % 2013 Fichier DGF
Coefficient intégration endettement poids de l'EPCI dans l'encours de % 2015 A partir de
l'ensemble données DGFiP
Coefficient intégration équipement poids de l'EPCI dans les dépenses % 2015 A partir de
d'équipement réalisées au sein de données DGFiP
l'ensemble
niveau d'endettement ensemble encours au 31/12/n rapporté à la €/hab 2008 A partir de
population données DGFiP
évolution niveau endettement % 2008-2015 A partir de
ensemble données DGFiP
taux d'endettement ensemble encours au 31/12/n rapporté aux % 2008 A partir de
recettes réelles de fonctionnement données DGFiP
perçues dans l'ensemble
évolution taux d'endettement % 2008-2015 A partir de
ensemble données DGFiP
capacité désendettement ensemble encours au 31/12/n rapporté à années 2008 A partir de
l'épargne réalisée dans l'ensemble données DGFiP
évolution capacité désendettement % 2008-2015 A partir de
ensemble données DGFiP
flux net emprunt ensemble solde des emprunts contractés et des €/hab 2015 A partir de
remboursements de l'année données DGFiP
taux d'équipement ensemble dépenses d'équipement rapportées % 2008 A partir de
aux recettes réelles de données DGFiP
fonctionnement de l'ensemble
évolution taux d'équipement % 2008-2015 A partir de
ensemble données DGFiP
potentiel financier richesse financière des communes €/hab 2015 Fichier DGF
population communes-membres hab 2008 Fichier DGF
taux évolution population % 2008-2015 Fichier DGF
Les tableaux de données obtenues ont été soumis à des analyses multidimensionnelles (ACP, CAH),
aboutissant à la construction de typologies. En raison des spécificités des différents types
d’intercommunalités, faisant peu ou prou écho à des particularités des contextes territoriaux et renvoyant à
des exercices différents des compétences selon les cas de figure, les analyses ont été conduites séparément
pour les ensembles constitués autour de communautés de communes CC, pour ceux a priori plus urbains
réunissant des communes sous forme de communautés de d’agglomération (CA), de communautés urbaines
399
(CU) ou de syndicats d’agglomération nouvelle (SAN). Les valeurs moyennes des indicateurs pour chacune
des classes identifiées figurent dans les Tableaux 48 et 49. Elles ont servi à la définition des contenus et des
intitulés des profils-types.
Tableau 48 – Classes de ressemblance et profils des classes, ensembles intercommunaux autour de communautés de
communes (CC), valeurs moyennes des indicateurs
ensemble classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5 classe 6
nbe ensembles 991 347 107 325 13 176 23
CC DE LA CC CANTON CC DU PAYS DE CC DU CC DU PAYS CC DE LA
VALLEE MONTMARTIN L ORBIQUET GUILLESTROIS SUD GATINE HAUTE VALLEE
objet central LONGUE ET DU SUR MER (14) (05) (79) D'OLT (48)
CALBERTOIS (50)
(48)
niveau d'endettement ensemble 1 025 1 169 1 457 724 6 293 713 493
évolution niveau endettement ens. 17% 6% -10% 2% 1% 56% 211%
taux d'endettement ensemble 80% 93% 115% 67% 126% 62% 30%
évolution taux d'endettement ens. 3% -6% -21% -10% -8% 37% 199%
capacité désendettement ensemble 5,1 5,3 7,6 4,8 3,1 4,2 1,5
évolution cap. désendettement ens. 45% 18% -10% 1% 23% 81% 1053%
flux net emprunt ensemble 11,0 -9,9 -34,4 -2,0 -17,0 93,2 109,4
taux d'équipement ensemble 44% 51% 55% 35% 50% 37% 41%
évolution taux d'équipement ens. -17% -38% -32% -18% -19% 27% 28%
Coefficient d'Intégration Fiscale 37% 36% 52% 31% 33% 42% 40%
Coefficient intégration endettement 29% 29% 48% 15% 24% 39% 41%
Coefficient intégration équipement 27% 24% 44% 17% 25% 41% 33%
potentiel financier 842 874 774 758 3 215 769 1 065
population 12 046 13 307 7 685 13 834 6 643 9 734 8 802
taux évolution population 9% 11% 10% 8% 7% 7% 8%
Note : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; en
gras, les valeurs des moyennes par classe significativement différentes de la moyenne d’ensemble, au seuil statistique
de 95%.
Source : élaboration à partir de DGFiP et fichier DGF
400
Tableau 49 – Classes de ressemblance et profils des classes, ensembles intercommunaux autour de communautés de
d’agglomération (CA), de communautés urbaines (CU) ou de syndicats d’agglomération nouvelle (SAN), valeurs
moyennes des indicateurs
ensemble classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5
nbe ensembles 84 16 35 19 13 1
CA ANNEMASSE- CA MORLAIX CA DE VICHY CA REGION SAN DU VAL
LES VOIRONS- COMMUNAUTE VAL-D'ALLIER NAZAIRIENNE D’EUROPE
objet central
AGGLOMERATION (29) (03) (44) (77)
(74)
niveau d'endettement ensemble 1 624 1 114 1 312 2 026 2 034 7 742
évolution niveau endettement ens. 21% 65% 10% 9% 17% -29%
taux d'endettement ensemble 90% 66% 82% 113% 94% 230%
évolution taux d'endettement ens. 6% 42% -2% -5% 0% -22%
capacité désendettement ensemble 12,0 5,6 9,7 25,8 5,7 16,4
évolution cap. désendettement ens. 14% 88% 6% -20% -3% -40%
flux net emprunt ensemble 6,7 59,0 6,7 7,2 -46,8 -146,8
taux d'équipement ensemble 32% 33% 28% 39% 27% 57%
évolution taux d'équipement ens. -21% -23% -13% -39% -13% -35%
Coefficient d'Intégration Fiscale 36% 38% 29% 36% 48% 61%
Coefficient intégration endettement 43% 45% 27% 50% 67% 92%
Coefficient intégration équipement 41% 42% 32% 42% 61% 86%
potentiel financier 1 182 1 120 1 138 1 120 1 403 2 003
population 138 776 109 361 102 172 161 960 248 574 22 682
taux évolution population 4% 4% 3% 7% 1% 32%
Note : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; en
gras, les valeurs des moyennes par classe significativement différentes de la moyenne d’ensemble, au seuil statistique
de 95%.
Source : élaboration à partir de DGFiP et fichier DGF
401
Annexe 7 – Les emprunts toxiques, des analyses détaillées
Afin de mettre à jour quelles sont les particularités des communes ayant contracté des emprunts toxiques,
nous avons réalisé des analyses multidimensionnelles en adoptant un mode dit « associé » : les variables
descriptives des situations budgétaires (ou fiscalo-financières) et des contextes territoriaux (ou socio-
économiques) sont considérées simultanément. La liste de ces variables est indiquée dans le Tableau 50.
Tableau 50 – Variables d’analyse retenues (situation budgétaire ou fiscalo-financière et contexte territorial socio-
économique), communes à emprunts toxiques ou non
date/période nature et unité source
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
Emprunt/endettement
Niveau d’endettement 2008 en €/hab DGFiP
Poids des annuités 2008 en % Rec Fonct DGFiP
Capacité de désendettement 2008 encours/CAF, en années DGFiP
Dépenses
Dépenses d'équipement (moyenne) 2005-2008 en €/hab DGFiP
Taux d'équipement 2008 Dép. équip/Rec Fonct, en % DGFiP
Marges de manoeuvre
Coefficient de rigidité 2008 (annuité+dep personnel)/Dep Fonct, en % DGFiP
Marge d'autofinancement 2008 (Dep Fonct + remb.. dette)/Rec Fonct, en % DGFiP
Taux d'épargne 2008 CAF/Rec Fonct, en % DGFiP
Fiscalité
Potentiel 4 Taxes 2008 en €/hab DGFiP
Effort fiscal 2008 en % DGFiP
Taux annuel moyen évolution impôts locaux 2006-2008 en % DGFiP
Les valeurs des indicateurs pour les (6) classes identifiées au sein de l’ensemble des communes comptant
moins de 3 500 habitants et ayant eu recours à des emprunts toxiques sont mentionnées dans le Tableau 51.
402
Dans le Tableau 52 figurent les valeurs des indicateurs pour les communes ayant de 3 500 à 9 000 habitants
qu’elles aient ou non contracté des prêts structurés. Le Tableau 54 est construit de façon similaire pour les
communes regroupant plus de 9 000 habitants.
Tableau 51 – Profils-types, communes de moins de 3 500 habitants à emprunts toxiques, moyenne des indicateurs selon
les classes de ressemblance
moyenne classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5 classe 6
Montastruc-
Gerstheim Soullans Bignan Brantome Chatel
objet central la-Conseil.
(67) (85) (56) (24) (74)
(31)
nbe communes 350 42 83 16 77 109 23
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
Emprunt/endettement
Niveau d’endettement 1 976 1 035 1 090 2 236 916 1 433 12 842
Poids des annuités 16% 11% 16% 49% 11% 16% 19%
Capacité de désendettement 1,50 0,66 2,43 4,56 0,49 1,42 1,30
Dépenses
Dépenses d'équipement (moyenne) 631 417 326 741 397 399 3928
Taux d'équipement 44% 46% 45% 48% 52% 34% 52%
Marges de manoeuvre
Coefficient de rigidité 60% 56% 61% 100% 55% 62% 49%
Marge d'autofinancement 94% 87% 96% 120% 83% 98% 91%
Taux d'épargne 18% 20% 14% 22% 25% 13% 23%
Fiscalité
Potentiel 4 Taxes 812 717 470 883 696 643 3369
Effort fiscal 118% 105% 116% 109% 114% 126% 134%
Taux annuel moyen évolution impôts locaux 4% 5% 6% 4% 4% 3% 4%
Contexte territorial (socio-économique)
Démographie
Population 2 163 2 303 2 161 1 797 2 200 2 356 1 125
Taux des plus de 65ans 18% 13% 16% 20% 19% 24% 12%
Taux d'évolution annuel de la population 104% 162% 187% 127% 77% 46% 40%
Densité 200 438 143 90 125 256 32
Socio-économie
Revenu moyen 8 691 11 364 8 632 8 914 7 678 8 038 10 346
Part des résidences secondaires 19% 7% 8% 28% 9% 22% 93%
Taux d'évolution annuel des résidences
-178% -893% -201% -96% -56% -48% 120%
secondaires
Part logements HLM 6% 4% 4% 3% 7% 10% 2%
Nombre d’emplois au lieu de travail ELT 0,39 0,36 0,24 0,43 0,41 0,38 0,95
Taux d'évolution annuel de l'emploi 156% 396% 180% 134% 35% 136% 147%
Taux de chômage 9% 7% 8% 7% 9% 12% 3%
Taux d’activité 15-64 ans 73% 75% 75% 75% 74% 70% 82%
Part des employés et ouvriers au sein des
57% 42% 55% 54% 64% 62% 49%
actifs 15-64 ans
Part des cadres, prof. intellectuelles. sup. au
10% 20% 11% 10% 6% 7% 8%
sein des actifs 15-64 ans
Notes : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; les
cases sont colorées sont celles pour lesquelles les valeurs moyennes de la classe sont significativement différentes de
la moyenne d’ensemble, au seuil statistique de 95%.
Source : élaboration à partir Dexia (Crédit Local), DGFiP, Insee
403
Tableau 52 – Profils-types, communes de 3 500 à 9 000 habitants, moyennes des indicateurs selon les classes de
ressemblance
moyenne classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5
Mandres Pleneuf Chazelles
Noves Montchanin
objet central les Roses Val André sur Lyon
(13) (71)
(94) (22) (42)
nbe communes 1742 265 481 71 156 769
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
Emprunt/endettement
Niveau d’endettement, en €/hab 884 836 719 2 114 581 952
Poids des annuités, en % 12% 11% 10% 12% 8% 14%
Capacité de désendettement, en années 1,293 1,342 0,473 1,030 -0,338 2,144
Dépenses
Dépenses d'équipement (moyenne), en €/hab 347 347 374 694 278 311
Taux d'équipement, en % 34% 34% 42% 38% 31% 29%
Marges de manoeuvre
Coefficient de rigidité, en % 61% 60% 57% 60% 57% 64%
Taux d'épargne, en % 16% 14% 22% 15% 14% 14%
Marge d'autofinancement, en % 95% 97% 88% 96% 94% 99%
Fiscalité
Potentiel 4 Taxes, en €/hab 684 722 764 1 074 560 610
Effort fiscal, en % 123% 109% 112% 112% 136% 132%
Taux annuel moyen évolution impôts locaux, en % 4,26% 4,06% 5,35% 4,83% 4,21% 3,60%
Contexte territorial (socio-économique)
Démographie
Population 5 428 5 655 5 099 5 287 6 031 5 447
Taux des plus de 65ans, en % 18% 14% 15% 27% 17% 20%
Taux d'évolution annuel de la population, en % 0,74% 0,94% 1,37% 1,07% -0,40% 0,48%
Densité, en hab/km2 508 790 363 380 1 001 413
Socio-économie
Revenu moyen, en € 8 916 12 345 8 836 10 844 6 511 8 095
Part des résidences secondaires, en % 7% 4% 3% 59% 2% 6%
Taux d'évolution annuel des résidences
-3% -4% -2% 2% -12% -2%
secondaires, en %
Part logements HLM, en % 13% 7% 9% 3% 35% 13%
Nbe d’emplois au lieu de travail ELT, en nbe/hab 0,39 0,32 0,43 0,37 0,34 0,40
Taux d'évolution annuel de l'emploi, en % 1,87% 1,60% 2,55% 2,03% 1,03% 1,68%
Taux de chômage, en % 10% 7% 8% 13% 17% 11%
Taux d’activité 15-64 ans, en % 71% 73% 74% 67% 67% 71%
Part des Employés Ouvriers actifs 15-64ans, en % 56% 40% 54% 53% 68% 60%
Part des Cadres, Prof. intel. sup. 2008 Actifs 15-64
12% 24% 12% 11% 6% 10%
ans, en %
Notes : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; les
cases sont colorées sont celles pour lesquelles les valeurs moyennes de la classe sont significativement différentes de
la moyenne d’ensemble, au seuil statistique de 95%.
Source : élaboration à partir Dexia (Crédit Local), DGFiP, Insee
404
Tableau 53 – Profils-types, communes de 3 500 à 9 000 habitants, désignations
classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5
Mandres les Noves Pleneuf Val Montchanin Chazelles sur
objet central Roses (13) André (71) Lyon
(94) (22) (42)
effectif 265 481 71 156 769
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
assez moyen peu pression très haut niveau très peu pression forte pression
dette d'endettement dette dette
(sans pression)
marges de forte richesse très forte modestie modestie
manœuvre richesse (richesse)/modération (richesse)
réduites (budgétaire)
fortes marges très peu investisseurs peu
manœuvre investisseurs investisseurs
investisseurs des marges de marges de
manœuvre manœuvre
réduites
forte pression fiscale forte pression
fiscale
Contexte territorial (socio-économique)
semi-urbain attractif touristique urbain (avec HLM) assez moyen
(résidentiel et
productif)
attractif attractif perte de vitesse
(résidentiel) (résidentiel) (résidentiel)
pop à rev élevés pop à rev élevés pop à revenus
(cadres) (cadres) modestes (ouvriers)
Profil
tissu semi- tissu attractif tissu touristique tissu urbain en perte tissu moyen
urbain attractif, attractif, rev de vitesse, rev pop
revenu pop pop élevés modestes
élevés
situation situation aisée situation à effet situation de modestie situation de
moyenne avec avec peu de de dilatation et de modération modestie avec
peu de marges pressions fortes pressions
de manœuvre (dette, fiscalité)
Source : élaboration à partir Dexia (Crédit Local), DGFiP, Insee
405
Tableau 54– Profils-types, communes de plus de 9 000 habitants, moyennes des indicateurs selon les classes de
ressemblance
moyenne classe 1 classe 3 classe 3 classe 4 classe 5
St Remy de
Meru Limoges Vitré Mennecy
objet central Provence
(60) (87) (35) (91)
(13)
effectif 195 370 62 79 287
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
Emprunt/endettement
Niveau d’endettement, en €/hab 1 045 982 1 047 1 700 998 955
Poids des annuités, en % 11% 11% 12% 12% 8% 10%
Capacité de désendettement, en années 2,226 1,121 4,102 1,645 0,528 1,153
Dépenses
Dépenses d'équipement (moyenne), en €/hab 334 280 332 539 489 286
Taux d'équipement, en % 26% 24% 26% 32% 35% 23%
Marges de manoeuvre
Coefficient de rigidité, en % 64% 65% 64% 60% 60% 65%
Taux d'épargne, en % 12% 10% 12% 10% 18% 11%
Marge d'autofinancement, en % 99% 100% 99% 101% 92% 99%
Fiscalité
Potentiel 4 Taxes, en €/hab 762 594 735 853 1 229 762
Effort fiscal, en % 137% 161% 145% 129% 112% 119%
Taux annuel moyen évolution impôts locaux, en % 3,27% 2,32% 3,57% 4,41% 4,48% 2,95%
Contexte territorial (socio-économique)
Démographie
Population 28 832 23 374 35 698 20 016 20 208 27 969
Taux des plus de 65ans, en % 16% 15% 18% 24% 14% 14%
Taux d'évolution annuel de la population, en % 0,44% -0,05% 0,24% 1,26% 1,10% 0,68%
Densité, en hab/km2 2 403 2 283 1 448 1 034 1 964 4 133
Socio-économie
Revenu moyen, en € 9 047 6 598 8 128 10 343 9 587 11 467
Part des résidences secondaires, en % 4% 1% 3% 35% 3% 2%
Taux d'évolution annuel des résidences
-5% -9% -4% 1% -3% -6%
secondaires, en %
Part logements HLM, en % 24% 41% 23% 6% 21% 19%
Nombre d’emplois au lieu de travail ELT, en
0,46 0,39 0,54 0,41 0,68 0,36
nbe/hab
Taux d'évolution annuel de l'emploi, en % 1,58% 1,04% 1,55% 2,72% 2,98% 1,34%
Taux de chômage, en % 13% 18% 14% 13% 10% 9%
Taux d’activité 15-64 ans, en % 71% 67% 70% 69% 73% 74%
Part des Employés Ouvriers actifs 15-64ans, en % 55% 66% 58% 53% 51% 43%
Part des Cadres, Prof. intel. sup. 2008 Actifs 15-64
15% 7% 11% 13% 17% 24%
ans, en %
Notes : l’objet central est illustratif du profil de la classe, il n’en possède cependant pas toutes les caractéristiques ; les
cases sont colorées sont celles pour lesquelles les valeurs moyennes de la classe sont significativement différentes de
la moyenne d’ensemble, au seuil statistique de 95%.
Source : élaboration à partir Dexia (Crédit Local), DGFiP, Insee
Dans les Tableaux 53 et 55 sont consignées des désignations (synthétiques) permettant de qualifier les
profils-types, respectivement pour les communes de 3 500 à 9 000 habitants puis pour les communes de plus
de 9 000 habitants.
406
Tableau 55 – Profils-types, communes de plus de 9 000 habitants, désignations
classe 1 classe 2 classe 3 classe 4 classe 5
Meru Limoges St Remy de Vitré Mennecy
objet central (60) (87) Provence (35) (91)
(13)
effectif 195 370 62 79 287
Situation budgétaire ou fiscalo-financière
peu pression dette haut niveau très peu pression très peu pression
d'endettement dette (dette, fiscalité)
(sans pression)
modestie investisseurs investisseurs peu investisseurs
(richesse)/modération
peu investisseurs forte richesse très forte richesse
marges manœuvre marges manœuvre fortes marges de
réduites modérées manœuvre
Profil
tissu en perte de contexte/tissu tissu touristique tissu attractif tissu urbain dense,
vitesse, rev pop assez moyen attractif, rev pop (résidentiel et rev pop élevés
modestes élevés productif)
situation de modestie situation assez situation aisée situation aisée situation avec peu
avec marges de moyenne avec peu de avec marges et de pressions
manœuvre réduites pressions peu de pression
Source : élaboration à partir Dexia (Crédit Local), DGFiP, Insee
407
Annexes du Chapitre 4
Tableau 56 - Dépenses totales, types de collectivités, 1987, 1996 et 2015, en milliards d’€ (Md€) courants
2015 2017
1987 1996 2015 2015/1987
(OR) (OR)
en MdF en Md€ courants
communes et groupements 293,1 45 76 128 2,9 127 131
départements 136,6 21 35 75 3,6 72 71
régions 28,7 4 11 30 7,0 30 33
ensemble 530,9 70 122 234 3,4 229 235
Notes : groupements : en 1987, CU, districts et syndicats de communes ; OR = Opérations Réelles à partir de 2015 (les
données précédentes rendant compte d’opérations budgétaires et incluant des mouvements d’ordre)
Source : élaboration à partir de Conseil des Impôts, 1991 et à partir des données DGCL
Figure 36 – Evolution des dépenses des différents types de collectivités, 1996-2015, en milliards d’€ (Md€) constants
(base 100 en 2010)
Durant la première vague de décentralisation (des années 1980 et jusqu’aux années 2000), « Les transferts
aux différentes collectivités sont définis en fonction de leur capacité technique ou de leur proximité
géographique respective » (Greffe, 2005, p. 52). Ces dévolutions fonctionnelles, effectuées au nom du
principe de subsidiarité, ont peu d’incidences financières pour les communes (et leurs groupements).
408
L’Acte suivant consolide les répartitions antérieures, en affectant à nouveau principalement les institutions
régionales et départementales. Conjointement, l’augmentation de leurs dépenses est beaucoup plus
soutenue qu’auparavant (Tableau 57)655.
Tel est particulièrement le cas des régions, même si les compétences de ces dernières restent floues, tout se
passant comme si l’émergence de cet échelon de gouvernement était finalement contrariée (Cour des
Comptes, 2009b). Les transformations sont également majeures pour les départements, ayant désormais la
mainmise sur le champ de l’action sociale. Ceci, complémentairement aux autres missions qu’il exerce,
transforme cet échelon de gouvernement en une forme de ‘mastodonte’ administratif local au poids sans
égal (Lafore, 2004). Son importance budgétaire et sa progression ont jusque-là contribué à le rendre
pratiquement insubmersible, quand bien même sa disparition a été maintes fois annoncée (Estèbe, 2005).
Au cours des 20 dernières années, les rapports parlementaires ou institutionnels se sont amoncelés, tous
jetant à un titre ou à un autre un regard critique sur l’organisation de la République, sur son mode de
fonctionnement et condamnant en particulier ses travers financiers (Gest, 2006 ; Richard, 2006 ; Mercier,
2007 ; Attali, 2008 ; Warsmann, 2008 ; Balladur, 2009 ; Cour des Comptes, 2009a). En écho, les propositions
de réforme n’ont eu de cesse de se succéder. Est notamment en jeu l’architecture territoriale dont la
complexité est censée nuire à l’efficience de la conduite des politiques publiques, voire à son efficacité. Des
mesures sont initiées en vue de simplifier cette organisation, de la rationaliser, dans une quête permanente
d’un optimum dimensionnel de la maille locale et d’une architecture performante (Offner, 2006 ; Béhar
2015). Tout en n’étant pas le seul fondement de ces réformes successives, la finalité budgétaire en constitue
la priorité en raison de la « crise » des finances publiques qui domine toutes les politiques (Hertzog, 2012b).
Est également en jeu la recherche d’une répartition optimale des compétences entre niveaux de
gouvernement, dans une ambiguïté permanente entre reconnaissance d’une clause de compétence générale
revenant à tous les échelons, chacun ayant vocation à agir au nom de l’intérêt (général) local656, et celui d’une
spécialisation qui se voudrait cohérente657. La promotion des regroupements intercommunaux s’inspire de
ces volontés réformatrices.
Les données et études disponibles indiquent que, malgré tout, la trajectoire d’ensemble des dépenses des
communes et de leurs intercommunalités, soit encore celles du bloc dit communal, ne subit pas d’inflexion
majeure sous le poids de ces recompositions.
En tout état de cause, conjointement à ces réformes institutionnelles proprement dites, le pilotage par les
recettes, institué par l’Etat, en vue d’associer les collectivités au redressement des comptes publics
(cf. Chapitre 1) apparaît comme ayant exercé une influence marquante sur la trajectoire des dépenses
locales. On constate que, en lien avec la réduction des dotations étatiques, depuis 2013, la progression des
655 Les dépenses de tous les types de collectivités diminuent dans des proportions semblables entre 2009 et 2010. Toutes les dépenses
repartent ensuite à la hausse, sans variation différentielle entre les niveaux de collectivités que l’on pourrait mettre en relation avec
leur dépendance cyclique ou leur rôle contra-cyclique (face aux bouleversements économiques et financiers intervenues au cours
des années 2008 à 2010).
656 Qui tout en restant une notion floue et discutée entre dans les textes légaux et règlementaires, voire devient un principe
et Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat.
La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat,
dont l’article 3 précisait : « La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’Etat, s’effectue, dans la mesure du
possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l’Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou
aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité
soit à l’Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions »
A ce titre, sont illustratifs des hésitations voire les revirements entre le retrait de la clause de compétence générale pour les régions
et départements, initiée par la Loi…, son retour avec la Loi… avant d’aboutir à son abandon et à une spécialisation avec la Loi….
Cette clause a été supprimée par la Loi NOTRe en 2015 pour les départements et les régions.
409
dépenses départementales et régionales est nettement ralentie (Tableau 57)658 ; les dépenses des
collectivités du bloc communal amorcent quant à elles une phase de décroissance. Intervenant
conjointement, les efforts de rigueur gestionnaire déployés localement ont pu contribuer à l’inflexion des
tendances (Gourgues, Houser, 2017). Les deux dynamiques, relevant de facteurs pour les uns exogènes, pour
les autres endogènes, se conjuguent, révélant un renversement inédit de perspective au regard des
trajectoires antérieures des dépenses locales, pour tous les types de collectivités comme pour chacun d’eux.
Tableau 57 – Dépenses (réelles), types de collectivités, en % de l’ensemble et taux d’évolution, en %, diverses années
en % ensemble taux annuel moyen d'évolution
1996/ 2003/ 2013/
1996 2015
2002 2012 2015
communes et groupements 62% 55% 1,6% 2,0% -2,4%
départements 29% 32% 1,1% 4,1% 1,4%
régions 9% 13% 3,6% 5,0% 2,4%
ensemble 100% 100% 1,7% 3,0% -0,6%
Notes : bloc local = communes + groupements à fiscalité propre ; les taux annuels moyens d’évolution sont calculés à
partir des dépenses exprimées en € constants (base 100 en 2010)
Source : élaboration à partir de données DGCL
Figure 37 – Poids relatif des dépenses d’équipement, Figure 38 – Structure de la FBCF, collectivités et
types de collectivités et GFP, 1996-2015, en % syndicats, 2009-2017, en %
Même si les périmètres et les périodes ne sont pas identiques, la prépondérance des communes et de leurs
groupements est nette sur le plan des dépenses d’équipement ou de la création de FBCF (Figures 37 et 38),
soit encore pour des interventions dont nous avons montré qu’elles jouent un rôle majeur du point de vue
du système financier local, de son mode de fonctionnement et plus globalement, de l’action publique (locale).
Aussi, en dépit de la baisse qui a récemment affecté leurs dépenses et bien que ces dernières aient au cours
du temps connu une moindre évolution que celles des régions ou des départements, les collectivités du bloc
local demeurent, historiquement, les acteurs financiers majeurs de la sphère publique locale. L’utilisation des
données disponibles dans les publications officielles aboutit même à mésestimer leur importance effective.
Elle ne prend en effet pas en compte les transferts financiers entre niveaux de gouvernement et en
particulier, les flux financiers émanant des collectivités du bloc local en direction des départements et des
régions et surtout, les versements de ces entités au bénéfice des communes et des groupements.
6583 sous-périodes ont été retenues : la 1ère correspond à a montée en puissance du nombre et de la taille des groupements ; la 2nde
couvre les inflexions induites par la crise économique et financière de 2008, les incertitudes liées à la réforme de la fiscalité locale de
2010 ; la 3ème, plus brève et plus récente, coïncide avec la régression des dotations versées par l’Etat aux collectivités.
410
Des interdépendances entre échelons, difficilement évaluables
Du fait des incertitudes dans la répartition des compétences, des revirements ayant affecté les partages et
des impossibilités à trancher, il existe des zones de superposition, signant l’existence d’interventions
conjointes, partenariales, voire concurrentes, des divers types de collectivités. Ceci sous-entend une
pratique, elle aussi expansive, de cofinancements, ou de financements croisés, entre les niveaux de
gouvernement (Gilbert, Thoenig, 1999). Le volume de ces flux, leur provenance comme leur destination, ne
peuvent être directement appréciés, en l’état des informations rendues publiques.
La situation est paradoxale : de tels mouvements sont en effet considérés comme de fâcheuses dérives,
génératrices de complexité et de surcoûts ; parallèlement, même si l’on recense quelques publications les
concernant (Hastings-Marchadier, 2011), les montants en jeu donnent lieu à peu de communications
officielles et à peu d’analyses659. Reconnaissons que les pratiques locales et les imperfections de la
comptabilité des collectivités rendent l’exercice d’évaluation à la fois complexe et incertain660.
Sur la base des récentes tentatives visant à réduire cette zone d’ombre661 et en dépit de variations annuelles
quant aux montants en jeu662, il ressort que le sens des flux, voire même leurs proportions, reste quasiment
inchangé : le bloc communal est faiblement contributeur au dispositif et a contrario, il en est le principal
bénéficiaire.
Les institutions régionales et départementales ont de ce fait un rôle majeur, en tant qu’investisseurs
indirects. Elles soutiennent les dépenses d’équipement effectuées par les communes et par leurs
intercommunalités. Indirectement ou directement, les collectivités du bloc communal sont de la sorte les
premières en charge des réalisations effectives concourant à l’action locale, à la production des services
présents dans les territoires, à l’aménagement et au développement de ces derniers. D’où l’importance
qu’elles revêtent, et l’intérêt à leur accorder.
Au-delà de ce seul aspect, l’existence et l’intensité des flux croisés dévoilent à leur façon les
interdépendances financières unissant les collectivités des différents échelons. Chacun d’entre eux possède
une certaine unité663 ; il n’est réductible à aucun des autres. Les flux croisés en question révèlent néanmoins
une perméabilité entre les (sous-)systèmes que constituent les collectivités de chaque rang/niveau. Ne serait-
ce qu’en raison de l’emboîtement des échelles et des principes de spécialisation géographique guidant
l’action publique, on peut faire l’hypothèse que les interdépendances se trament préférentiellement entre
entités composant une même région, davantage même qu’entre institutions régionales ou qu’entre
collectivités appartenant à des régions différentes. En raison de ces interactions et de ces dépendances
659 Ces pratiques ont d’ailleurs donné lieu à une normalisation (Articles 73 et 76 de la loi de réforme des collectivités territoriales RCT
du 01/01/2012). Hors cas spécifiques et dérogations, toute collectivité maître d’ouvrage doit apporter 20% des fonds nécessaires au
financement de ses investissements.
660 Ce que nous avons pu constater en participant à un groupe de travail, constitué au sein de l’Observatoire de la Gestion et des
Finances Publiques Locales, et à ses réunions pendant plusieurs mois pour tenter de formaliser une méthode acceptable de
consolidation des comptes locaux, qui soit pertinente tant pour des estimations nationales de l’importance des volumes des finances
de l’ensemble des collectivités, de leur structure et évolution que pour la connaissance et le pilotage de chacune des entités locales.
661 A l’initiative de la DGCL et principalement, de l’Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales (OFGL). Les données
les plus récentes concernant les flux croisés en matière (de subventions) d’équipement ont été établies par l’Observatoire (OFGL,
2018).
662 En 2004, le volume des subventions croisées d’investissement (entre communes et groupements, départements, régions) était
estimé à 3,4 milliards d’€. Les communes et leurs groupements en recevaient 93% quand elles étaient contributrices à hauteur d’à
peu près 2%. En 2007, Le volume des subventions croisées d’investissement (hors Etat et Autres financeurs) est voisin de 5,4 milliards
d’€. Les communes et leurs groupements contribuent pour 3% et reçoivent 91% de ces fonds. Le montant des subventions échangées
est estimée à 3,3 milliards d’€ en 2016. Le bloc local contribuerait à hauteur d’un peu plus de 20%, recevrait environ 90% des
subventions des autres niveaux de gouvernement (à partir de Wasmann, 2008 ; Cour des Comptes, 2009a).
663 En raison de ses domaines d’intervention, de son importance budgétaire mais également de son ancrage territorial et de son
411
privilégiées, de droit ou de fait, on peut alors supposer qu’existent des sous-systèmes financiers régionaux.
Une analyse comparative nous a d’ailleurs permis de montrer qu’au sein de la figure commune du couple
Région-Métropole, dans lequel cette dernière joue un rôle budgétaire dominant, se dessinent des
arrangements spécifiques, tributaires des faits territoriaux comme nationaux (Navarre, 2015).
Tout en prenant acte de ces faits de dépendances, de leurs manifestations à la fois communes, nous revenons
sur les différences régnant au sein de chacun des échelons de gouvernement. L’évocation de ces écarts et de
leur dynamique est utile pour relativiser la portée des catégories institutionnelles ou instituées, pour mettre
en évidence la portée irréductible des faits territoriaux.
Tableau 58 – Dépenses totales (hors gestion active de la dette), types de collectivités, moyenne, en €/hab et
concentration (indice de Gini), diverses années, France métropolitaine
moyenne, indice de Gini
nbe coeff var
en €/hab 2003 2004 2008 2014 2015
régions
BP - - - 0,085 - 0,066 -
CA 22 581 0,73 - - 0,066 0,059 -
CA sans Corse 21 571 0,11 - - 0,051 0,043 -
départements
BP 95 - - 0,089 - - 0,072 -
CA 1 260 0,18 - - 0,091 0,074 -
bloc communal
dep communes et EPCI 34 769 2 051 0,59 - - 0,215 - 0,209
Notes : bloc communal/local = communes + groupements à fiscalité propre ; les dépenses des EPCI sont affectées à
leurs communes-membres, au prorata de la population de ces dernières (les modifications fréquentes des périmètres
des EPCI s’opposant sinon à des possibilités de comparaisons) ; BP = Budget Primitif (dépenses prévisionnelles) et CA =
Compte Administratif (dépenses effectivement réalisées) ; moyennes et coefficients de variations exprimés en 2014
pour les régions et départements, 2015 pour le bloc communal/local ; du fait de leurs spécificités et régimes particuliers,
les collectivités ultramarines ne sont pas intégrées aux évaluations des disparités ; - = non renseigné
Source : élaboration à partir de données DGCL
Sans surprise, les valeurs moyennes révèlent la hiérarchie précédemment observée (Tableau 57) dans le rôle
dépensier des collectivités des divers types. Des différences se trament néanmoins en arrière-plan de cet
ordre établi. On constate en effet une variabilité des dépenses unitaires, au sein de chacune des catégories ;
celle-ci se déploie d’ailleurs selon une hiérarchie analogue à celle qui ordonne les montants665. Les
664 Le manque de données détaillées a été partiellement comblé avec la récente mise en ligne des balances comptables des
collectivités. Elles ne portent cependant que sur la période 2010-2019.
665 Les écarts sont sensibles aux périmètres retenus : le fait d’intégrer ou non la collectivité territoriale de Corse (à statut particulier)
influe sur les résultats régionaux ; semblable constat pourrait être établi pour les départements, si celui de Paris n’était pas pris en
compte.
412
gouvernements locaux les plus dépensiers (en niveau) sont les plus inégaux ; ils sont en même temps les plus
nombreux. Assez logiquement, la dispersion s’accroît avec le nombre de collectivités constituant chacune
des catégories ou inversement, les inégalités se réduisent quand la taille des institutions augmente.
L’argument ne saurait être suffisant pour conduire à diminuer, au nom de visées égalisatrices, le nombre des
collectivités. Le mythe Big is beautiful n’est pas opérant, dès lors que l’on traite des institutions locales et de
leurs territoires (Wood, 1958 ; Torre, Bourdin, 2016).
Hors un effet de taille et d’effectif, il est malaisé d’expliciter quels sont les facteurs à l’origine de la répartition
différenciée des inégalités de dépenses entre les régions, les départements et les institutions du bloc
communal. Ils peuvent se trouver dans l’ancienneté des institutions, comme dans les compétences qui leur
sont dévolues, tout autant que dans la diversité des actions mises en œuvre.
La comparaison des valeurs des indices par catégories aux diverses dates retenues peut quant à elle être
pertinente. Elle indique que, au sein de chaque type de collectivités, les inégalités de dépenses ont eu
tendance à régresser. Tout se passe comme si des tendances généralisées d’uniformisation l’emportaient.
Nous avions pourtant constaté qu’il n’en allait pas de même pour la concentration des richesses potentielles,
estimée au niveau communal ; celle-ci est plutôt orientée à la stabilité (cf. Chapitre 2). Ce qui contribuerait à
souligner le caractère manifestement inégalitaire de la fiscalité locale. La mobilisation des autres recettes
disponibles (provenant des tarifs ou temporairement acquises par le biais d’emprunts…) lisserait les
différences, tout autant que les versements financiers en provenance de l’Etat ou précisément, ceux
transitant entre les divers échelons de collectivités. L’affirmation du rôle de la péréquation (depuis 2003)
n’est sans doute pas étrangère à ce processus d’uniformisation. L’efficacité de cette redistribution financière
est toutefois circonscrite (Gilbert, Guengant, 2008).
Les coefficients et indices retenus servent à forger une vision d’ensemble, sans apporter de précision sur la
trajectoire effective de chacune des entités présente à l’intérieur des catégories instituées. Si les écarts
interrégionaux se réduisent, rien ne dit qu’il en va de même pour les écarts intra régionaux. Rien n’indique
encore quels sont les processus, budgétaires, économiques ou politiques, suscitant les dynamiques à l’œuvre
ou les contrariant. Soit autant de recherches nouvelles à entreprendre. Des complémentarités tout à fait
fructueuses mériteraient à ce titre d’être trouvées entre les travaux portant sur les inégalités budgétaires
stricto sensu et ceux ayant trait aux inégalités interterritoriales (entendues dans une acception étendue), leur
dynamique à différentes échelles.
Des travaux ont récemment vu le jour, rendant compte de l’évolution des trajectoires et des disparités
examinées de façon multidimensionnelle, sous le poids notamment des recompositions institutionnelles
(Antunez et al., 2017). Ils n’apportent pas toutes les réponses envisageables. Ils ne traitent en particulier pas
des incidences des impératifs de rigueur et/ou d’austérité budgétaire sur les situations observées.
Notamment, dans quelle mesure les politiques de péréquation, les objectifs de cohésion retenus par les
institutions des différents niveaux subissent-ils des inflexions lorsque la contrainte budgétaire se resserre ?
Quels en sont alors les impacts éventuels sur le cours des inégalités existantes ?
413
Annexe 9 – Les groupements à fiscalité propre et leur évolution selon leur
type et régime fiscal
Tableau 59 – Nombre des groupements à fiscalité propre, années choisies, 1972 à 1997
1972 1980 1985 1988 1991 1993 1994 1995 1996 1997
Districts 95 147 153 165 214 252 290 324 318 316
Communautés urbaines 9 9 9 9 9 9 9 9 10 11
Syndicats d'agglomération
9 9 9 9 9 9 9 9
nouvelle (SAN)
Communautés de communes 193 554 756 894 1 105
Communautés de villes 3 4 4 4 5
Source : élaboration à partir de DGCL et Chouat (1999)
414
Tableau 60 – Nombre de groupements à fiscalité propre, poids relatif selon le type et régime fiscal, 1998 à 2002
au 1er janvier 1998 1999 2000 2001 2002
Métropoles
FPU (toutes)
% groupements - - - - -
Communautés urbaines
FPU
% groupements - - <1% <1% <1%
FA
% groupements 1% 1% 1% 0% 0%
Communautés d'agglomération
FPU (toutes)
% groupements - - 3% 5% 6%
Districts
FPU
% groupements <1% <1% 1% <1% -
FA
% groupements 20% 18% 14% 8% -
415
Tableau 61– Effectif relatif des groupements à FP selon le type et le régime fiscal, en % du nombre de groupements à FP, du nombre de communes et de la population regroupées,
2002 à 2018
au 1er janvier 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Métropoles
FPU (toutes)
% groupements - - - - - - - - - - <1% <1% <1% 1% 1% 1% 2%
% communes regroupées - - - - - - - - - - <1% <1% <1% 1% 2% 2% 3%
% population regroupée - - - - - - - - - - 1% 1% 1% 10% 23% 23% 26%
Communautés urbaines
FPU
% groupements <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% 1% 1% 1% 1% <1% <1% 1% 1%
% communes regroupées 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% <1% 1% 2% 2%
% population regroupée 10% 12% 12% 11% 11% 11% 11% 13% 13% 13% 12% 11% 11% 3% 3% 5% 3%
FA
% groupements <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1%
% communes regroupées <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1%
% population regroupée 3% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% <1% <1% <1% <1% <1% <1% <1%
Communautés d'agglomération
FPU (toutes)
% groupements 6% 6% 6% 6% 6% 7% 7% 7% 7% 7% 8% 9% 10% 11% 10% 17% 18%
% communes regroupées 7% 8% 8% 9% 8% 9% 9% 9% 9% 9% 10% 11% 13% 13% 13% 21% 21%
% population regroupée 35% 37% 39% 39% 39% 39% 39% 37% 39% 40% 41% 42% 43% 41% 33% 35% 35%
Communautés de communes
FPU
% groupements 28% 33% 35% 37% 38% 39% 40% 41% 42% 43% 43% 46% 49% 50% 53% 61% 64%
% communes regroupées 25% 31% 33% 35% 36% 38% 39% 40% 41% 41% 42% 44% 47% 48% 50% 56% 59%
% population regroupée 19% 22% 23% 25% 26% 27% 27% 28% 28% 28% 28% 28% 29% 29% 28% 28% 28%
FA
% groupements 66% 60% 58% 56% 55% 54% 52% 51% 50% 49% 48% 45% 40% 39% 36% 19% 16%
% communes regroupées 66% 60% 57% 55% 54% 52% 51% 50% 49% 48% 47% 43% 38% 37% 34% 19% 16%
% population regroupée 31% 27% 25% 24% 23% 22% 22% 21% 19% 18% 18% 17% 15% 14% 11% 6% 5%
416
Tableau 62 – Nombre de groupements à fiscalité propre FP, nombre de communes et population regroupées, 2002 à 2018
au 1er janvier 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
nombre de groupements 2 174 2 360 2 461 2 524 2 573 2 588 2 583 2 601 2 611 2 599 2 581 2 456 2 145 2 133 2 062 1 266 1 263
nombre de communes
26 870 29 754 31 428 32 308 32 923 33 413 33 638 34 166 34 774 35 041 35 305 36 049 36 614 36 588 35 858 35 411 35 353
regroupées
population regroupée 45 067 405 48 825 312 50 748 253 52 095 052 53 341 720 54 219 688 54 561 269 56 429 080 57 944 595 58 796 962 59 320 954 60 885 562 62 626 523 62 918 202 67 027 395 67 552 615 67 865 622
Source : élaboration à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC
417
Figure 39 - Nombre de groupements à fiscalité propre FP, de Communautés de communes CC selon leur régime fiscal,
2002 à 2018
Note : FPU = Fiscalité Professionnelle Unique (Taxe Professionnelle Unique avant 2010) ; FA = Fiscalité Additionnelle
Source : élaboration à partir de DGCL, Les Collectivités Locales en Chiffres CLEC
418
2 – Principales compétences des divers types de groupements à fiscalité propre666
Etat en 1999
Type de groupement Compétences obligatoires Compétences facultatives
Districts ° Gestion des services du logement Selon la décision institutive (sans
° Services de secours contre l'incendie entrer dans le modèle des
compétences à la carte valant pour les
SIVOM)
Communautés de ° Développement économique (1 ou ° Possibles
communes plusieurs attributions)
° Aménagement de l’espace (1 ou
plusieurs attributions)
° Au moins 1 parmi les 4 : Logement et
cadre de vie ; Environnement ; Voirie ;
Equipements culturels, sportifs et
d'enseignement
° Celles revenant aux Syndicats et
Districts ayant même périmètre
Communautés de villes ° Développement économique ° Possibles
° Aménagement de l’espace
° Au moins 1 parmi les 4 : Logement et
cadre de vie ; Environnement ; Voirie ;
Equipements culturels, sportifs et
d'enseignement
Etats ultérieurs
L’étendue des compétences obligatoires, optionnelles (et facultatives) des différents types de groupements
a été progressivement spécifié et étendu au cours du temps. Cette répartition est codifiée dans divers articles
du CGCT (art. L. 5214-16 pour les communautés de communes, art. L. 5216-5 pour les communautés
d’agglomération, art. L. 5215-20 pour les communautés urbaines et art. L. 5217-4 pour les métropoles), dont
le contenu évolue au fil des réformes concernant l’intercommunalité.
666 Dans le cas général et hors exceptions (territoriales) spécifiques (ex : Alsace et en Moselle).
419
420
Liste des tableaux
Tableaux des Chapitres
Tableau 1 – Dépenses (par nature) des collectivités locales, en milliards d’€ et en % des dépenses des APUL, 2013 à 2017
Tableau 2 – Ventilation fonctionnelle des opérations budgétaires/financières des collectivités (de plus de
3 500 habitants), à partir des instructions comptables
Tableau 3 – Dépenses dans les domaines transférés, années choisies, 1984 à 2017, en millions d’€, en % du PIB et taux
annuel moyen d’évolution 2002-2017, en %
Tableau 4 – Taux annuel moyen d’évolution des dépenses et de la FBCF des APUL (exprimées en € constants, base 100
en 2015), mandats municipaux et présidentiels, en %, 1978 à 2017
Tableau 5 – Volume de la DGF, en M€ et en % des recettes (réelles) de fonctionnement des collectivités, 2014 à 2018
Tableau 6 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT),
2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 7 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT) selon
l’importance démographique des ensembles, en €/hab, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 8 – Distribution du Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA) et du Potentiel Fiscal Territorial (PFT) pour
des catégories choisies de territoires, en €/hab, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 9 – Niveau de richesse (PFIA) et importance du pouvoir de taux selon l’importance démographique des
ensembles, en €/hab et en %, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 10 – Niveau de richesse (PFIA) et importance du pouvoir de taux pour des catégories choisies de territoires, en
€/hab et en %, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 11 – Potentiel fiscal, financier et taxe professionnelle TP/fiscalité économique, communes, en €/hab DGF,
diverses années, 2001 à 2014
Tableau 12 – Indications, « effet base »/« effet taux »/évolution produit voté, diverses années
Tableau 13 – Part des communes d’Ile de France et des Pays de Loire selon la variation des taux de taxe d’habitation
(TH), de taxe foncière sur les propriétés bâties (FB), en % du nombre de communes concernées et moyennes des
augmentations de taux, en %, 2013-2014 et 2014-2015
Tableau 14 – Part des communes d’Ile de France et des Pays de Loire selon la variation du taux communal et/ou
intercommunal de cotisation foncière des entreprises (CFE), en % du nombre de communes concernées et moyennes
des augmentations de taux, en %, 2013-2014 et 2014-2015
Tableau 15 – Produit fiscal après compensation, en €/hab, Coefficient d’élargissement (Rapport du produit fiscal avant
compensation et du produit fiscal après compensation), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 16– Produit fiscal après compensation, en €/hab, et Coefficient d’élargissement (Rapport du produit fiscal avant
compensation et du produit fiscal après compensation), pour des catégories choisies de territoires, 2 586 ensembles
intercommunaux, 2012
Tableau 17 – Niveau des impôts pesant sur les ménages IM et sur les entreprises IE, en €/hab et part relative, en % du
total, selon l’importance démographique des ensembles, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 18 – Niveau des impôts pesant sur les ménages IM et sur les entreprises IE, en €/hab et part relative, en % du
total, pour des catégories choisies de territoires, 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Tableau 19 – Poids relatif des produits fiscaux selon leur nature, types d’ensembles intercommunaux, 2014, en % du
total des ensembles
Tableau 20 – Montants unitaires, produits fiscaux, types d’ensembles intercommunaux, 2015, en €/emploi
Tableau 21 - Montants unitaires, bases d’imposition et produits fiscaux, types d’ensembles intercommunaux, 2014, en
€/hab et €/emploi et en %
Tableau 22 – Distribution des niveaux d’endettement, communes, 2000 et 2015, en % de l’ensemble
Tableau 23 – Evolution de l’encours communal selon les mandats municipaux, 2001-2018, en % des communes, en %
de la population et en % de l’encours dette au 31/12/01
Tableau 24 - L’emprunt et la dette des collectivités locales, divers indicateurs, 2013
Tableau 25 - Distribution de l’encours de dette, ensemble des communes et communes de plus de 10 000 habitants,
2000 et 2015
Tableau 26 - Indicateurs d’endettement, villes de plus de 10 000 habitants, 2010
Tableau 27 – Variables d’analyse retenues (triptyque) et valeurs moyennes, (894) communes de plus de
10 000 habitants, 2010
421
Tableau 28 – Typologies croisées, triptyques (endettement, impôts, dépenses) et contextes territoriaux (socio-
économiques), (885) communes de plus de 10 000 habitants
Tableau 29 – Descriptif des emprunts toxiques selon les niveaux/types de collectivités, 1995-2009
Tableau 30 - Profil-type, communes de moins de 3 500 habitants à emprunts toxiques
Tableau 31 – Analyses croisées, profils budgétaires territoriaux et situation au regard des emprunts toxiques, communes
de 3 500 à 9 000 habitants
Tableau 32 – Analyses croisées, profils budgétaires territoriaux et situation au regard des emprunts toxiques, communes
de plus de 9 000 habitants
Tableau 33 – Effectif des groupements à fiscalité propre selon leur statut, 1993 à 2018 (années choisies)
Tableau 34 – Coefficient d’Intégration Fiscale CIF selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
Tableau 35 – Coefficient d’Intégration fonctionnelle ou de mutualisation des dépenses CMD, et des dépenses
d’équipement selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
Tableau 36 – Relations entre le Coefficient d’intégration Fiscale CIF et le Coefficient d’Intégration fonctionnelle ou de
Mutualisation des Dépenses CMD selon le type de groupement et de régime fiscal, 2015
Tableau 37 - Remboursements des communes aux groupements de communes à fiscalité propre (GFP) et inversement,
en millions d’€ et en % de dépenses, 2014, ensembles intercommunaux
Tableau 38 – Intercommunalisation des dépenses de personnel, typologie des ensembles intercommunaux, 2009-2014
en fonction des divers indicateurs d’analyse retenus
423
424
Liste des figures
Figures des Chapitres
Figure 1 – Un itinéraire, quelques références et concepts
Figure 2 – Dépenses des APUL et des APU, en % du PIB, 1960 à 2017
Figure 3 – Dépenses des APUL et de l’Etat, en % du PIB, 1978 à 2017
Figure 4 – Taux annuel d’évolution des dépenses des APUL et de l’Etat (exprimées en € constants, base 100 en 2015),
en %, 1979 à 2017
Figure 5 – Taux annuel d’évolution cumulé des dépenses des APUL et de l’Etat (exprimées en € constants, base 100 en
2015), en %, 1979 à 2017
Figure 6 – Part relative de la FBCF réalisée par les APUL au sein de leurs dépenses, 1950 à 2017
Figure 7 – Dépenses totales, de fonctionnement (hors intérêts) et d’équipement des collectivités et de leurs
groupements à fiscalité propre, indice 100 en 1996
Figure 8 – Volume de la FBCF réalisée par les APUL, l’Etat et les APU (exprimées en € constants, base 100 en 2015), 1978
à 2017
Figure 9 - Taux annuel d’évolution des dépenses et de la FBCF des APUL (exprimées en € constants, base 100 en 2015),
en %, 1979 à 2017
Figure 10 – Montants de la Dotation Globale de Fonctionnement, 1996 à 2018, en Md€
Figure 11 – Epargne brute et nette, collectivités territoriales et leurs groupements à fiscalité propre, 1996 à 2015, en
Md€ courants
Figure 12 – Evolution comparée des dépenses DRF et des recettes RRF réelles de Fonctionnement, collectivités
territoriales et leurs groupements à fiscalité propre, 1996 à 2015, base 100 en 1996
Figure 13 – Taux d’épargne (épargne brute/recettes réelles de Fonctionnement), 1996 à 2015, en %
Figure 14 – Structure des recettes d’investissement, 1996 à 2015, en %
Figure 15 – Evolution des produits issus de la fiscalité et des concours de l’Etat, 1996 à 2016, base 100 en 1996
Figure 16 – Taux de dépendance des budgets locaux aux produits issus de la fiscalité locale et aux concours de l’Etat,
1996 à 2015, en %
Figure 17 – Potentiel fiscal 3 taxes (3T) et taux (net) d’imposition, 2014, communes plus 10 000 habitants hors Paris
(France métropolitaine)
Figure 18 – Distribution de l’augmentation du taux communal de TH, Ile de France, 2013-2015 et 2014-2015
Figure 19 – Distribution de l’augmentation du taux communal de FB, Ile de France, 2013-2015 et 2014-2015
Figure 20 – Montants unitaires des taxes et contributions foncières sur les activités, de la CVAE, 21 ensembles
métropolitains, 2014, en €/emploi
Figure 21 – Produit fiscal théorique et produit effectif, ensembles métropolitains, 2014, en €/hab
Figure 22 – Distribution de la capacité de désendettement (estimée/proxy), communes de plus de 10 000 habitants,
2010, en % du nombre de communes
Figure 23 - Représentation des profils-types et des triptyques comparativement à la situation d’ensemble, communes
de plus de 10 000 habitants, 2010
Figure 24 – Composition des tableaux objets X variables, analyses « associées »
Figure 25 – Composition des tableaux objets X variables, analyses « dissociées »
Figure 26 – Tableau de contingence, distribution des objets selon leur appartenance à la typologie budgétaire et à la
typologie territoriale, analyses « dissociées »
Figure 27 – Tableau de contingence, distribution des objets selon leur appartenance à la typologie budgétaire et à la
typologie territoriale après réalisation du test du Chi2 (exemple), analyses « dissociées »
Figure 28 – Evolution des dépenses des communes et du bloc communal, 1996-2018, en milliards d’€ courants
Figure 29 – Structure des dépenses d’équipement au sein du bloc communal, 1996-2018, en %
Figure 30 – Coefficient d’intégration fiscale CIF et coefficient d’intégration fonctionnelle ou de mutualisation par les
dépenses CMD, 2015
426
Liste des cartes
Carte 1 – Représentation croisée du niveau de Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (en €/hab) et du pouvoir de
taux (en %), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Carte 2 – Représentation croisée du niveau des Impôts Ménages IM (en €/hab) et de leur poids relatif dans les
contributions perçues (en %), 2 586 ensembles intercommunaux, 2012
Carte 3 - Répartition des emprunts structurés dits toxiques distribués par Dexia Crédit Local de 1995 à 2009
Carte 4 – Coefficient d’Intégration Fiscale CIF, groupement à fiscalité propre, 2015, en %
Carte 5 – Coefficient de mutualisation des dépenses CMD, EPCI à fiscalité propre, 2015, en %
Carte 6 – Coefficient de mutualisation des dépenses d’équipement, EPCI à fiscalité propre, 2015, en %
427
428
Glossaire
AC Attribution de Compensation
Acoss Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale
ACP Analyse en Composantes Principales
ACV Action Cœur de Ville
AdCF Assemblés des Communautés de France
AFL Agence France Locale
AMF Association des Maires de France
ANIL Agence Nationale d’Information sur le Logement
ANR Agence Nationale de la Recherche
APA Allocation Personnalisée d’Autonomie
APU Administrations Publiques
APUC Administrations Publiques Centrales
APUL Administrations Publiques Locales
ASSO Administrations de Sécurité Sociale
ATR Loi Aménagement du Territoire de la République
BOFiP Bulletin Officiel des Finances Publiques - impôts
CA Communauté d’Agglomération
CAH Classification Ascendante Hiérarchique
CAMY Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines
CAR Communauté d’Agglomération Rouennaise
CC Communauté de Communes
CCRE Conseil des Communes et Régions d'Europe
CDC Caisse des Dépôts et Consignations
CDCI Commission Départementale de la Coopération Intercommunale
CET Contribution Economique Territoriale
CFE Cotisation Foncière Economique
CGCT Code Général des Collectivités Territoriales
CGEFi Contrôle Général Economique et Financier
CIF Coefficient d’Intégration Fiscale
CLEC Les Collectivités Locales en Chiffres
CLECT Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférées
CMD Coefficient de Mutualisation des Dépenses
CNIS Conseil National de l'Information Statistique
CPO Conseil des Prélèvements Obligatoires
CR(T) Chambre Régionales et Territoriale) des Comptes
CRFP Contribution au Redressement des Finances Publiques
CU Communauté Urbaine
CUD Communauté Urbaine de Dunkerque Grand Littoral
CVAE Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises
DAEI Direction des affaires européennes et internationales
429
DCRTP Dotation de Compensation de la Réforme de la Taxe Professionnelle
DFM Dotation de Fonctionnement Minimale
DGCL Direction Générale des Collectivités Locales
DGD Dotation Globale de Décentralisation
DGF Dotation Globale de Fonctionnement
DGFiP Directions Générale des Finances Publiques
DGTPE Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique
DMTO Droits de Mutation à Titre Onéreux
DP Dotation de Péréquation
DREES Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques
DRF Dépenses Réelles de Fonctionnement
DSC Dotation de Solidarité Communautaire
DSIL Dotation de Soutien à l’Investissement Local
DSR Dotation de Solidarité Rurale
DSU Dotation de Solidarité Urbaine
EPCI Etablissement Public de Coopération Intercommunale
FA Fiscalité Additionnelle
FB Foncier Bâti
FBCF Formation Brute de Capital Fixe
FCTVA Fond de Compensation de la TVA
FiL Réseau Finances Locales
Filocom Fichier des Logements par Communes
FnB Foncier non Bâti
FNGIR Fond National de Garantie Individuelle de Ressources
FPIC Fonds National de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales
FPU Fiscalité Professionnelle Unique
FPZ Fiscalité Professionnelle de Zone
GFP Groupements à Fiscalité Propre
GRALE Groupement de recherche sur l'administration locale en Europe
GVT Glissement Vieillesse Technicité
ICMA International City/County Management Association
IE Impôts (sur les) Entreprises
IFER Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseau
IGA Inspection Générale de l’Administration
IGF Inspection Générale des Finances
IM Impôts (sur les) Ménages
INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
InveST Investissement public local) et Systèmes Territoriaux
IPL Investissement Public Local
IPSAS International Public Sector Accounting Standards
JORF Journal Officiel de la République Française
LPFP Loi de programmation des finances publiques
430
LRL Loi Libertés et Responsabilités Locales
MAC Marge ou coefficient d’Autofinancement Courant
MAPTAM Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et de l’Affirmation des Métropoles
NOTRe Loi portant sur la Nouvelle Organisation du Territoire de la République
NPNRU Nouveau Programme de Renouvellement Urbain
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
ODAC Organisme d’Administration Centrale
ODAL Organisme d’Administration Locale
ODEDEL Objectif d’Evolution de la Dépense Locale
OFGL Observatoire des Finances et de la Gestion Publique Locales
PCH Prestation de Compensation du Handicap
PFIA Potentiel Financier Intercommunal Agrégé
PFT Potentiel Fiscal Territorial
PGS Opérations Grands Sites
PIB Produit Intérieur Brut
PLH Programme Local de l’Habitat
PSC Pacte de Stabilité et de Croissance PSC
PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture
RCT Loi portant Réforme des Collectivités Territoriales
REI Répertoire des Eléments d’Imposition
RGSF Réseau des Grands Sites de France
RRF Recettes Réelles de Fonctionnement
RMI Revenu Minimal d’Insertion
RSA Revenu de Solidarité Active
SAN Syndicat d’Agglomération Nouvelle
SDCI Schéma Départemental de Coopération Intercommunale
SDIS Service Départemental d’Incendie et de Secours
TASCOM Taxe sur les Surfaces Commerciales
TH Taxe d’Habitation
TICPE Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques
TIPP Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers
TP Taxe Professionnelle
TPU Taxe Professionnelle Unique
TPZ Taxe Professionnelle de Zone
TSCA Taxe sur les Conventions d’Assurance
TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée
VLC Valeur Locative Cadastrale
VRTS Versement Représentatif de la Taxe sur les Salaires
431
432
Table des matières
433
Chapitre 3 – L’emprunt local, un sujet à risques ...................................................................... 183
Introduction ........................................................................................................................... 185
1-Des politiques d’endettement aux prises avec diverses logiques .......................................... 193
1-1-Un système pluri-acteurs ..................................................................................................................................... 195
1-2-Des logiques des institutions prêteuses .............................................................................................................. 197
2-L’endettement, au sein d’un triptyque et de trajectoires à configuration locale ................... 201
2-1-Endettement, impôts et dépenses : une configuration en triptyque .................................................................. 201
2-2-Un triptyque aux formes contrastées .................................................................................................................. 203
2-3-Les trajectoires variables d’endettement des ensembles intercommunaux ....................................................... 221
3-Des politiques locales d’endettement à hauts risques ? ....................................................... 225
3-1-Les emprunts toxiques, des prises de risques électoralistes ? ............................................................................ 229
3-2-Des contaminations budgétairement et territorialement situées ....................................................................... 233
Eléments de conclusion .......................................................................................................... 245
Chapitre 4 – L’intercommunalité dans l’ordre des différences territoriales .............................. 251
Introduction ........................................................................................................................... 253
1-Le bloc communal et la recréation d’un ordre de différences ............................................... 263
1-1-Intercommunalisation, intercommunalité et ensembles intercommunaux ........................................................ 263
1-2-Des indices relatifs à l’institutionnalisation de l’intercommunalité .................................................................... 281
2-L’intercommunalité et son adaptation territoriale en actes.................................................. 295
2-1-L’intercommunalité et les arrangements locaux autour d’enjeux de solidarité .................................................. 295
2-2-L’implication financière de la communauté, condition de sa position de chef d’orchestre ................................ 301
2-3-Une intercommunalisation progressive de la gestion financière des moyens humains...................................... 307
Eléments de conclusion .......................................................................................................... 315
Conclusion ............................................................................................................................. 321
Une construction sur la base des apports des travaux effectués............................................................................... 323
Des perspectives de dépassements et de pistes à emprunter ................................................................................... 335
Références bibliographiques ............................................................................................. 351
Annexes................................................................................................................................ 385
Annexes du Chapitre 1 ........................................................................................................................................... 387
Annexe 1 - Le fonctionnement simplifié du budget local ................................................................................ 387
Annexes du Chapitre 2 ........................................................................................................................................... 389
Annexe 2 - Les modalités actuelles d’évaluation de la valeur locative cadastrale (VLC) ......................... 389
Annexes du Chapitre 3 ........................................................................................................................................... 391
Annexe 3 – La trajectoire de l’endettement public local ................................................................................. 391
Annexe 4 – Les ratios prudentiels conventionnels .......................................................................................... 396
Annexe 5 – Des profils-types fiscalo-financiers et (socio-)territoriaux ....................................................... 397
Annexe 6 – L’analyse des trajectoires d’endettement des ensembles intercommunaux ......................... 399
Annexe 7 – Les emprunts toxiques, des analyses détaillées .......................................................................... 402
Annexes du Chapitre 4 ........................................................................................................................................... 408
Annexe 8 – Les communes et leurs GFP au sein des finances publiques locales ........................................ 408
Annexe 9 – Les groupements à fiscalité propre et leur évolution selon leur type et régime fiscal ........ 414
Liste des tableaux................................................................................................................ 421
Liste des figures .................................................................................................................. 425
Liste des cartes .................................................................................................................... 427
Liste des encadrés ............................................................................................................... 427
Glossaire ................................................................................................................................ 429
Table des matières ................................................................................................................. 433
434
435
Dossier de candidature
HABILITATION à DIRIGER des RECHERCHES HDR
Composition du jury
Guy Baudelle, Professeur, Université Rennes 2
Xavier Desjardins, Professeur, Sorbonne Université (rapporteur)
Sonia Guelton, Professeure, Université Paris Est Créteil
Antoinette Hastings-Marchadier, Professeure, Université de Nantes (rapporteure)
Corinne Larrue, Professeure, Université Paris Est Créteil
Jean-Michel Uhaldeborde, Professeur émérite, Université de Pau et des Pays
del’Adour (rapporteur)
Sommaire
« Si l’on fait varier les échelles de temps ou l’étendue de l’espace social concerné,
il n’est pas de recherche scientifique qui n’apparaisse pas comme intrinsèquement
liée à l’action. Cependant toute recherche ne se définit pas d’emblée par rapport à
l’action, et nous nous concentrerons (…) sur celles qui ont cette intention. Cette
auto-définition peut concerner une recherche sur l’action, pour l’action ou bien
dans l’action. »
(Albaladejo, Casabianca, 1997, p. 128)
5
6
A la lecture de mémoires établis pour obtenir le diplôme d’Habilitation à diriger des recherches (HDR), et
relevant de la section 24 du CNU (voire de la section 23), on constate que les volumes retraçant l’évolution
biographique des candidats sont très divers. Tout se passe comme si chacun adoptait son propre mode de
narration réflexive, jalonnant son récit des éléments qui lui semblent significatifs. Cette diversité fait
probablement écho à l’absence de formalisation d’une structuration (académique, universitaire,
scientifique…) commune, celle qui pourrait être attendue. Sans doute par ailleurs ne peut-il en aller
autrement, la diversité reflétant les spécificités de chaque trajectoire.
Cette variété peut encore être à l’image des défis qu’impose l’exercice, de leur intensité, dont tout un chacun
cherche à s’accommoder, ce qui in fine rejaillit sur les formes et les contenus. Comment en effet rendre
compte de singularités sans qu’elles prennent un tour trop personnalisé ? Comment encore opérer une
reconstruction de façon à transformer une succession d’étapes, un ensemble d’initiatives tout en parvenant
à témoigner d’une certaine rationalité ? Tenir le fil rouge tout en gardant la bonne distance…
Nous tentons de nous ranger à ces défis communs, et compte tenu de la modularité que semble
implicitement autoriser le cadre de l’exercice, nous avons choisi de relater notre trajectoire en adoptant
5 points de vue, complémentaires à défaut d’être exhaustifs1. Le premier relate, de façon chronologique, les
principales étapes qui ont contribué à la non-linéarité de l’itinéraire emprunté jusque-là. Le second revient
sur les activités pédagogiques qui tiennent une place essentielle dans le parcours d’un enseignant-chercheur.
Le troisième a trait au cadre favorable que constitue le laboratoire Lab’Urba pour le déploiement d’activités
scientifiques. Le quatrième donne l’occasion de faire état de divers partenariats, au centre des initiatives et
des chantiers en cours. Enfin, le cinquième est dédié aux activités du réseau Finances Locales FiL, comme lieu
de lien entre recherche et action.
Au préalable, nous souhaiterions faire état d’une omission, présente dans cet exercice de reconstruction, au
moins tel que nous l’avons conduit. Selon F. Dolto (1984), les étapes (archaïques) du développement se
déploient dans la relation affective nouée à la relation langagière. Ce développement et cette relation se
construisent dans une proximité à des figures tutélaires, incarnées ou non. L’altérité, le lien à autrui sont
donc consubstantiels, et en permanence indissociables des façons d’être et d’agir. Ce qui suggère, à tout
instant, une empreinte personnelle et interpersonnelle marquant chaque activité. Partant, aucun des travaux
mentionnés, aucun des temps évoqués… ne saurait être détaché des interrelations dans lesquelles il s’est
inscrit. Les partenariats de travail, éphémères ou durables, placés sous le sceau de la confiance, sont toujours
source d’une synergie féconde ; implicitement ou explicitement, pour certains d’entre eux, ils ont conduit à
des évolutions sensibles. Fondatrices et quelquefois structurantes, ces interactions sont tues… Et mentionner
une omission ne suffit pas à la réparer !
7
8
Un itinéraire non linéaire, voire hybride
Le récit d’une trajectoire pourrait engager à sélectionner les moments-clés qui ont contribué à la façonner,
en les organisant au nom d’une rationalité qui transparaitrait a posteriori, alors que cette rationalité n’était
pas réellement envisagée a priori, quand elle n’a pas toujours été entièrement de mise. Un grand écart
subsisterait alors entre un itinéraire, marqué dans les faits par sa non-linéarité, et son rendu-compte. Aussi,
afin de rester relativement fidèle à notre parcours effectif, préférons-nous éviter de passer sous silence des
disruptions successives ou simultanées, des pas de côtés, qui ont contribué au caractère hybride du parcours,
à la fois de formation et professionnel. Il nous semble alors que cinq points d’étapes majeurs ont concouru à
donner forme à la trajectoire empruntée.
2 Flahaut D., Moncada P., Navarre F., 1978, Étude des rapports entre l'habitant, son habitat, et son environnement à Croix Luizet, les
Buers, Mémoire de DEA : Géographie appliquée à l'aménagement urbain : Lyon 2, sous la direction de M. Bonneville et de B. Meuret.
3 DIUP, Diplôme de l’Institut d’Urbanisme de Paris.
4 Créé et dirigé par le professeur R. Prud’homme.
9
Les travaux en question se déroulaient dans des conditions tout à fait spécifiques, déroutantes mais
stimulantes. Si chaque membre de L’Oeil cultivait une sensibilité dans un domaine qui lui était propre5, la
mutualisation au sein de l’équipe était forte. La spécialisation de chacun était alors toute relative ; l’approche
économique, le maniement du traitement quantitatif et statistique fondaient entre autres une transversalité,
un mode partagé de raisonnement6 et de travail7. Les expériences de recherches purement académiques, les
études conduites avec des bureaux d’études, en lien avec diverses institutions, se succédaient. La
spécialisation n’était par ailleurs pas non plus géographique, chaque membre développant des travaux tant
dans le cadre national qu’à l’échelle internationale.
La première expérience forte de recherche a été la participation aux travaux effectués en réponse à une
commande émanant de la Communauté européenne et portant sur la contribution des infrastructures au
développement régional. Nous avons, avec R. Prud’homme, réalisé la partie française de l’étude (Navarre,
Prud’homme, 1982 [56])8. Celle-ci a été menée selon un cadre et une méthodologie communs à l’ensemble
des (9) pays participants, sur la base des réflexions conceptuelles développées par les experts nationaux
(universitaires et économistes). Le bénéfice d’une allocation de recherche de 3ème cycle (DGRST) nous a
permis, à partir du travail d’ensemble, de produire des développements propres et ainsi, une thèse de
docteur ingénieur en Aménagement et urbanisme, (soutenue en 1984 [55]). La teneur du mémoire, les
publications qui l’ont accompagnée ont donné lieu à une qualification en section 5 (Sciences économiques)
par le CNU. Sur ces bases, à partir de divers supports administratifs (postes d’enseignante associée),
l’investissement à l’IUP a pu se poursuivre sous forme d’activités pédagogiques et de travaux de recherche.
Le statut d’enseignante associée est incertain, tout autant que les perspectives d’une titularisation dans ces
fonctions11… En l’attente, la nécessité – éventuelle – d’opérer une bifurcation professionnelle nous a amenée
à occuper un poste de chargée d’études (à mi-temps) au sein de la cellule Finances locales de l’AUDIAR
(Agence d’Urbanisme du District et de l’Agglomération de Rennes). Ce positionnement s’est accompagné
d’un double engagement : d’une part, dans des recherches auxquelles les membres de l’AUDIAR étaient
associés (portant sur la tarification des services publics locaux, sur les coûts de l’urbanisation12, [49], [50]) et
d’autre part, dans des missions de conseil, de formation13 en matière de finances locales, domaine dans
lequel l’Agence cherchait à affirmer son expertise.
Durant cette période (jusqu’en 1991) s’est constituée puis consolidée une forme de complémentarité et de
synergie entre activités d’enseignement, de recherche et de conseil ou d’études. Autour d’un même objet,
5 Des transports à l’environnement en passant par la redistribution opérée par l’intermédiaire des budgets publics…
6 Ou de forme d’administration de la preuve ?
7 Les spécificités des approches territoriales conduites par les membres de l’Oeil sont détaillées ultérieurement.
8 Les publications sont référencées et numérotées [n°] dans le Curriculum vitae détaillé joint en Annexe.
9 Alors détenues, pour l’essentiel, par les Services du Ministère de l’Intérieur.
10 L’un des projets, celui de mettre en évidence l’incidence (ou non) des appartenances partisanes des élus sur les comportements
financiers locaux, a notamment dû être abandonné. Il était initialement conçu comme support à l’élaboration de la thèse de doctorat.
11 Celle-ci a été effective en 1989, avec l’obtention d’un poste de Maître de Conférences à l’IUP.
12 Sot des travaux développés par A. Guengant, poursuivant les explorations initiées par Y. Fréville.
13 Auprès des élus rennais et de leurs services, sur la base de diagnostics et de simulations à partir des comptes de leurs collectivités.
10
les modes d’apprentissage et de transmission, d’approfondissement ne sont assurément pas analogues ; ils
enjoignent néanmoins à une porosité dans les questionnements.
Le cadre de la mission, les échanges avec les nombreux consultants intervenant au titre du Projet et sur des
axes sectoriels spécifiques, les relations régulières avec les autorités locales et les membres de leurs Services,
les réunions périodiques avec les représentants de la Banque… ont été propices à des expériences
formatrices. D’incessants allers-retours entre « savoirs » académiques, adaptations pragmatiques sous la
pression des contraintes, dans la nécessité d’obtention de résultats tangibles ont en effet été nécessaires. Le
bailleur de fonds est dans une quête constante d’efficacité, de ses interventions et de ses intervenants, au
nom d’une vision que ne partagent pas toujours les acteurs locaux. Ces derniers sont également des
commanditaires engagés dans des enjeux et des positionnements politiques propres. Ce qui a naturellement
conduit à une recherche permanente d’une posture d’intermédiation, à trouver dans un écart certain entre
les attentes des uns et les objectifs des autres. Tout autant, cette période a suscité des interrogations quant
aux conceptions de l’autonomie financière locale, aux contenus d’un processus de décentralisation, tous
deux tenus comme des idéaux théoriques, à leur possible concrétisation dans un contexte économique et
politique tendu.
Depuis, en termes d’enseignement comme de recherche, ce qui a trait aux finances des collectivités prime
toujours. Cet investissement n’est pas exclusif d’investigations dans différentes dimensions de l’action
publique menée par les collectivités (dans le domaine des politiques de l’habitat par exemple – cf. infra), en
lien avec le développement urbain et territorial. Les activités dites d’expertise ne sont pas non plus absentes,
prenant forme de contributions apportées pour étayer, sur le plan fiscal et financier, des diagnostics produits
à la veille de recompositions institutionnelles et territoriales16.
14 Et rendue possible grâce à l’obtention d’une mise en disponibilité au regard de la position occupée à l’IUP.
15 Dont une partie a été dédiée à de premières expériences d’enseignement dans des formations (professionnelles) en alternance.
16 Nous faisons référence aux travaux réalisés (en 2013) dans le cadre du partenariat avec le bureau d’études QuelleVille chargé de
l’évaluation du Programme Local de l’Habitat de Rennes Métropole (et notamment, à la mise en évidence des incidences financières
des constructions de logements sur les besoins en équipements), à l’étude effectuée (en 2014) à la demande de la Ville d’Aulnay (afin
de mettre en évidence les impacts budgétaires d’une intercommunalisation), à la participation (en 2015) à une mission conduite par
11
Plus largement et allant jusqu’au stade de l’évaluation, elles interrogent la façon dont se pose (ou non) la
question de la mobilisation des ressources publiques locales, dans différents contextes territoriaux et à divers
moments d’élaboration de dispositifs d’intervention. Ainsi se tissent et se maintiennent des liens avec la
conduite de l’action publique locale, dans ses différentes facettes. Les missions d’études, certes circonscrites,
forment ainsi un point d’articulation entre les finances des collectivités et les multiples dimensions du cadre
d’intervention de ces dernières, entre activités universitaires et pratiques (plus) opérationnelles.
Le carnet de voyages, que nous avons succinctement dressé, révèle que la trajectoire suivie est faite de divers
emprunts, de plusieurs détours. Les finances publiques locales constituent assurément un des vecteurs de
son unité, mais également un des moteurs de ses aléas !
Il apparaît, au travers des diverses activités conduites que si elles possèdent leurs propres logiques et
conventions, la mobilisation de ressources par les collectivités et leur utilisation ne sauraient être tenues
comme des isolats, que ce soit d’un point de vue théorique ou pratique. Les finances donnent lieu à
l’élaboration de politiques spécifiques ; tout autant peuvent-elles constituer des enjeux de pouvoir. Ces
pratiques ne prennent cependant pleinement leur sens qu’au regard de finalités d’action que s’assignent ou
que choisissent leur représentants, en tenant compte du contexte dans lequel ils évoluent.
La production de connaissances en matière de finances des collectivités ne peut alors s’entendre sans faire
référence à ces priorités et aux logiques présidant à la conduite des politiques publiques locales. Peu ou prou,
cet ensemble d’actions concourt à la production et à la gestion des ensembles urbains, à leur aménagement
et finalement, au développement des territoires. Les passages, voire les allers-retours, entre notre objet
central d’investigation et les travaux portant sur les domaines d’action en question, sur les configurations
urbaines et territoriales dans lesquelles ces interventions se déploient et sur lesquelles elles influent, sur les
stratégies et projets dans lesquels ils s’insèrent, se justifient ainsi aisément. Cette proximité, voire cette
intrication théorique, incitent en outre, à notre sens, à une articulation avec les actions elles-mêmes. Cette
dernière se déploie selon au moins deux directions : celle de l’intégration-compréhension, celle de la pratique
elle-même.
Nous empruntons à l’économie publique locale bon nombre de concepts, de justifications théoriques afin de
positionner nos entrées problématiques, d’expliciter nos résultats empiriques (cf. Volume 2).
Comparativement à l’économie publique dont elle est issue, l’économie publique locale incorpore les
caractéristiques spatiales des biens (publics locaux) résultant des interventions des entités décentralisées,
ainsi que le jeu complexe des interrelations entre représentants des divers niveaux de gouvernement
impliqués18.
la coopérative conseil Acadie, portant sur la recomposition des intercommunalités du Pays Basque (et visant à en souligner les enjeux
financiers).
17 L’Ecole d’Urbanisme de Paris est issue de l’union, en 2015, entre l’Institut d’Urbanisme de Paris (Université Paris Est Créteil) et
12
Elle est donc à la fois ‘spatialisée’ et ‘incarnée’. Nos confrontations avec les réalités indiquent que tout se
passe comme si ce corpus, tout en étant précieux, demeurait en perpétuel décalage avec les faits eux-mêmes.
Ne serait-ce qu’en matière de ressources fiscales, les capacités des communes rennaises, les volontés
politiques de leurs décideurs… sont si diversifiées qu’il est difficile de les faire entrer dans un modèle
commun, liant par exemple l’importance des bases taxables et l’intensité des pressions fiscales exercées sur
les contribuables. Tout autant les modalités de recours à des emprunts et de gestion des stocks de dette
diffèrent-elles sensiblement, etc.
Il apparait qu’il peut difficilement en aller autrement puisque, en tant que tel et par construction, le processus
de décentralisation19 sous-entend les germes d’une différenciation territoriale. Il se décline en outre dans
des contextes territoriaux eux-mêmes différenciés, produits de trajectoires sociodémographiques,
productives, politiques… antérieures, convergentes ou divergentes. A l’intérieur de conventions fiscales,
comptables ou budgétaires communes, les représentants des collectivités sont dépositaires d’une autonomie
propice à l’élaboration de politiques financières propres, à la mise en place d’instruments ou de dispositifs
budgétaires qu’ils estiment adaptés à leur situation, cohérents avec leurs choix. Un cadre commun d’analyse
peut difficilement rendre compte de la diversité des pratiques qui en résultent, même si celle-ci demeure
contenue. Toute modélisation qui en est issue laisse persister un résidu, pratiquement irréductible. Ce résidu
ne serait-il d’ailleurs pas l’essentiel ?
De là découle, en tout état de cause, la nécessité d’observer au plus près cette diversité, d’analyser comment
elle se structure progressivement, de repérer quels sont les mécanismes les plus contraignants contribuant
a contrario à la contenir. Le recours à des analyses localisées, l’intégration de l’expression même des acteurs
locaux apparait rapidement comme une nécessité. Ce qui engage vers une complémentarité de protocoles
méthodologiques, à l’emploi de modes d’investigation qualitatifs là où l’analyse quantitative, tout en étant
privilégiée, ne peut de toute évidence pas s’avérer suffisante. Ainsi, à l’occasion de plusieurs opérations de
recherche (cf. infra)20, nous sommes-nous engagé dans cette articulation, voire dans cette hybridation. Les
retours de terrains, les dires d’acteurs… viennent étayer des résultats d’ensemble, infirmer des hypothèses
de départ et en tout état de cause, apportent des éclairages inédits et indispensables21.
Les travaux que nous avons effectués et portant sur la tarification de la restauration scolaire22 constitueraient
un exemple-type de la complémentarité entre dispositifs de mobilisation de matériaux empiriques. Si celle-
ci était rendue nécessaire par le sujet mis à l’étude, nous l’avons également promue en vue de donner à ce
dernier toute son ampleur et de diversifier les clés d’analyse, voire de compréhension23. Initiée à l’issue de
à la consultation lancée en 2007 par cette institution et intitulée « La citoyenneté urbaine : formes d’engagement et enjeux de
solidarité ». Ces travaux ont donné lieu à la production du rapport de recherche et d’un chapitre au sein d’un ouvrage collectif ([26],
[45]).
23 Les données contenues dans les comptes des collectivités , celles présentes sur leurs sites et dans les documents officiels… ont
permis de dresser un état des lieux des modalités de tarification et surtout, d’évaluer les incidences (plus ou moins) redistributives
des pratiques tarifaires choisies localement. Nous les avons également utilisées en vue de constituer des supports que nous avons
mobilisés lors des entretiens réalisés avec les élus, avec les représentants des Services concernés… Il importait alors de saisir le point
de vue de ces derniers sur la redistribution (entre contribuables et usagers, au sein de ces derniers) opérée au sein de leur collectivité.
Ce mode d’investigation a utilement contribué à faire apparaître les – fréquents – écarts entre les représentations et la réalité du
système local de tarification. Les entretiens étaient en outre indispensables pour cerner si la tarification de la restauration scolaire,
en tant que service du quotidien, faisait appel à des registres particuliers de citoyenneté et de solidarité, thèmes centraux de la
consultation du PUCA dans laquelle cette étude s’est inscrite. Ils étaient un moyen privilégié pour recueillir les points de vue, registres
de légitimation ou de contestation à propos d’une éventuelle gratuité du service. Cette dernière, lors de sa mise en place dans
quelques communes de Seine St Denis, tout comme l’éventualité de sa généralisation, avait en effet suscité de vastes débats au sein
de la classe politique.
13
traitements quantitatifs, la campagne d’entretiens a servi à réunir un matériau spécifique, rendant compte
des pratiques courantes et des représentations associées, de le mettre en perspective avec le corpus
théorique constitué dans le cadre de la consultation et ainsi, d’éclairer certaines facettes des représentations
des « gouvernants », de leur relation politique aux « gouvernés », via les médiations financières que
constituent les paiements des services publics locaux et leurs inévitables compléments, sous forme de
contributions fiscales.
En écho avec cette diversité territoriale, nos pratiques professionnelles ont elles-aussi été diversifiées. Nous
avons fait état d’incursions dans des activités d’expertise, de conseil…, hors de l’université elle-même. Si leur
forme, leur durée… peuvent être mises en question, si leur lien avec un cursus académique peut lui-même
être questionné, il nous semble que leur valeur ajoutée est difficilement discutable. Les publications
universitaires engagent à une formalisation spécifique ; celle-ci est nécessaire à leur construction, à leur
positionnement dans un champ de connaissances, ainsi qu’à leur reconnaissance. Ces conventions
s’assortissent néanmoins d’un effet de distanciation au regard des réalités, d’un effort de généralisation ou
d’une volonté de montée en généralité qui, tout en étant étayés, demeurent parfois fragiles. Tel acteur local
ou expert familier du fonctionnement – financier – des collectivités met rapidement en évidence, à la lecture
de ces productions, que le raisonnement tenu et ses conclusions ne trouvent pas à s’appliquer à tous les
territoires, que la mise en évidence des enjeux assortis aux dispositifs (fiscaux, péréquateurs, etc.) examinés
ne suffit pas à rendre compte de la complexité des cas de figure24. Les éléments de « savoirs » sur l’action se
révèlent mis en question, voire ébranlés, par les retours mêmes issus de l’action. Cette incertitude est
salutaire. Elle engage en effet à poursuivre la mise en connaissance et en réflexion. Celle-ci reste cependant
tributaire de son cadre d’exercice, des conventions à l’œuvre, voire des opportunités ouvertes par les
consultations… Elle requiert, à notre sens, d’autres modes de mises à l’épreuve, d’enrichissement que
procurent les « savoirs » provenant de l’action elle-même. Ces derniers invitent à de nouvelles
interrogations, face à ce qui semblait aller de soi. L’énoncé des principes guidant la gestion des fonds publics
pose a priori peu de problèmes ; les règles et calendriers présidant à l’établissement des budgets locaux
semblent admis et mis en pratique, de façon commune. Quelles rugosités s’opposent alors, par exemple, à
leur application, dans les modalités et formes imparties, pour les communes guinéennes ? Toutes les
difficultés ne proviennent pas d’une transposition, sans ménagement, d’un cadre rigide et uniforme, hérité
d’une période coloniale. L’identification des points de blocage, l’action au quotidien en vue de dépasser ces
derniers, la recherche de modalités d’adaptation… enjoignent à puiser dans d’autres registres de
compétences que ceux usuellement mobilisés dans le contexte universitaire. Certes, ces tentatives ne
donnent pas lieu à une publication en bonne et due forme. Elles laissent cependant perdurer une forme de
doute à l’égard de théories interprétatives et qui se voudraient trop englobantes et encore, une incitation à
les questionner ou à rechercher leur juste formalisation.
Jusque-là, nous avons principalement mis l’accent sur deux éléments centraux de la trajectoire empruntée,
tels qu’ils se sont progressivement constitués, et étayés ; ils sont relatifs à des modalités de production de
connaissance, diversement articulés à la conduite de l’action publique locale. Un troisième élément, tout
aussi majeur, réside dans les activités d’enseignement, telles que nous avons pu les assurer, pour l’essentiel
à l’IUP puis à l’EUP.
14
Des enseignements et des activités pédagogiques
Les relations avec l’enseignement se sont instituées très précocement et au moins, dès la fin du cursus
professionnalisant de l’IUP. Et ce, bien davantage au nom de choix que de nécessités. Nous avons fait état de
la complémentarité entre les « savoirs » (académiques) à propos de l’action publique locale, médiés par
notre point d’entrée que constituent les finances des collectivités, et les « savoirs » issus de l’action elle-
même, celle à laquelle nous avons pu contribuer. Ces éléments de connaissance dialoguent et sont
indissociables. Une forme d’équilibre ne pourrait à notre sens être trouvée sans un troisième point d’appui,
celui que constituent les activités pédagogiques. Ces dernières sont indispensables, pour au moins deux
raisons. D’une part, elles requièrent un travail de structuration, de sélection au sein des productions
théoriques, scientifiques existant en vue de construire un fil de cohérence, articulé aux objectifs de la
formation et aux besoins des étudiants, tes qu’ils sont collectivement pressentis. D’autre part, elles
nécessitent une attention à d’éventuelles manifestations d’incompréhension ou de difficile compréhension,
ainsi qu’une écoute face aux questions des participants. Soit autant de réactions bousculant ce qui semblait
pourtant aller de soi et impliquant en retour une recherche continue des formats pédagogiques et des
contenus les plus propices à l’atteinte des objectifs communs.
Dans le tableau ci-dessus figurent l’essentiel des enseignements assurés depuis 200425. Ils s’articulent autour
d’objectifs et de principes communs.
25 Ceux effectués entre 1983 et 1991 en différaient peu, du point de vue des thématiques abordées.
15
En premier lieu, les contenus ont, sans surprise, majoritairement trait aux finances publiques locales, au
financement des services publics locaux. Dans la mesure où les questions financières ressortent largement
de préoccupations ayant trait à la conduite de l’action publique locale, nous l’avons explicité, leur sont
adjoints des cours relatifs à l’évaluation des politiques publiques26. Des développements particuliers sont
encore consacrés à l’économie de l’aménagement et aux modalités de financement des projets urbains, en
écho avec les objectifs de la formation dispensée à l’IUP/EUP. Celle-ci vise en effet, principalement en 1ère
année de master, à doter les étudiants d’une culture générale en matière d’aménagement et d’urbanisme ;
elle vient compléter les fondamentaux acquis antérieurement, à l’issue de cursus très diversifiés. Comme les
autres, les cours à connotation économique ou financière visent alors une acculturation, et non une
spécialisation, dans des domaines, sectoriels ou disciplinaires, avec lesquels les participants sont peu ou pas
familiarisés. En matière de finances locales, il s’agit alors de mettre en évidence quels sont les grands enjeux,
les principaux leviers fiscaux, budgétaires… auxquels les collectivités, en tant que maîtres d’ouvrage, peuvent
faire appel, tout en évitant la technicité des multiples dispositifs existant.
En second lieu, les enseignements à caractère méthodologique ne manquent pas, qu’il s’agisse par exemple
de cartographie numérique, de traitements statistiques de données… Les savoir-faire afférents sont
indispensables dans les métiers de l’étude en matière d’aménagement et d’urbanisme, dans les phases
amont et aval des projets urbains, des stratégies et politiques de développement territorial… Ils font partie
des « bagages » requis pour les (futurs) professionnels du domaine, de ceux également que nous mobilisons
dans nos propres travaux.
En troisième lieu, ces enseignements ou activités pédagogiques se déroulent dans différents types de cursus :
les parcours de l’IUP/EUP sont offerts pour les uns en formation initiale, pour les autres en formation par
alternance (dont le parcours de master 2 Habitat et Renouvellement Urbain M2 HRU) et enfin, en formation
continue (dont le parcours de master 2 Maîtrise d’Ouvrage des Projets Urbains M2 MOPU). A cette diversité
de situations répond une palette elle-même diversifiée de modes d’interventions. Les contenus et modalités
pédagogiques doivent en effet être pensés en articulation étroite avec les missions effectuées par les
apprentis dans leur lieu d’alternance (M2 HRU), en complémentarité avec les expériences professionnelles
que possèdent les participants (M2 MOPU). Dans l’un comme l’autre des cas, leur conception, leurs formats…
sont mis en perspective avec les « démarches compétences » initiées à l’EUP, enjoignant à une transversalité
certaine bien davantage qu’à une spécialisation thématique ou disciplinaire.
Les enseignements effectués ne vont pas sans l’exercice d’autres activités pédagogiques.
Les premières tiennent à la coordination ou co-animation de travaux d’ateliers d’étudiants, tels qu’ils sont
régulièrement pratiqués à l’IUP/EUP. Cette tâche, accomplie avec un ou plusieurs collègues, consiste à
construire avec un partenaire (une collectivité locale, une agence d’urbanisme par exemple) une commande,
formalisée sous forme de cahier des charges, puis à accompagner le ou les sous-groupes d’étudiants dans la
réalisation des travaux. Ces derniers comportent le plus souvent une phase de diagnostic (socio-économique,
morphologique…), aboutissent à des préconisations opérationnelles ou à des recommandations et incluent
divers supports de restitution.
L’expérience que nous avons tentée avec la Ville de Nevers (2011-2013) constitue une des initiatives les plus
originales – et porteuses – que nous ayons effectuées en la matière. Le Lab’Urba avait été saisi d’une
demande du maire de la Ville souhaitant que soit mis en place, à son intention ainsi qu’à celle de ses
collaborateurs et de quelques-uns des élus de l’agglomération, un cycle de séminaires relatifs aux
problématiques d’aménagement et de développement du territoire neversois. A quelques collègues, nous
avons organisé ces séminaires, co-animé (en 2012) un atelier d’étudiants de master 2 portant sur les
26 Les moyens financiers sont positionnés au regard de finalités d’actions, l’efficience de ces dernières pouvant/devant alors être mise
en question.
16
problématiques liées à la centralité en villes moyennes. La démarche est allée jusqu’à la co-organisation d’un
colloque sur le thème (en mai 2013), réunissant acteurs locaux et universitaires, au cours duquel les travaux
des étudiants ont été présentés et discutés.
Les secondes consistent à l’encadrement régulier, chaque année, de mémoires d’étudiants27, à l’occasion
principalement de leur 2nde année de master. Ces mémoires, réalisés à l’issue de stages ou d’une année
d’alternance (parcours M2 HRU), portent sur des thématiques très diverses. Si elles ne s’apparentent pas à
des travaux de recherche stricto sensu, les productions des étudiants incluent toujours une mise en
perspective, engageant une prise de position réflexive autour de leurs pratiques (pré)professionnelles. Elles
comportent également la rédaction d’une note analogue à un article scientifique. Cette production est
construite à partir d’une problématique élaborée en propre et repose sur la mobilisation d’un matériau
empirique pertinent. L’accompagnement de ces travaux instaure de fait une porosité entre les démarches
que nous sommes amenés à mettre en place lors de nos chantiers de recherche ou d’études et les activités
pédagogiques elles-mêmes. Nous avons d’ailleurs cherché à conforter cette articulation en assurant
régulièrement les séances collectives d’accompagnement des étudiants dans la démarche d’élaboration de
leur mémoire (M2 HRU et M2 MOPU). Ceci nous a encore conduit à co-animer le séminaire transversal de
recherche (STR), destiné aux étudiants de l’IUP (M2) souhaitant s’engager dans un travail doctoral.
Les troisièmes ont trait à l’exercice de fonctions d’intérêt collectif (cf. Tableau 2). Celles-ci sont
particulièrement stimulantes lors des phases de création des formations (parcours M2 HRU par exemple)
puis d’ajustements successifs de leur mode de fonctionnement, en synergie avec les collègues impliqués, ou
bien encore lors des périodes de réflexion autour des modalités pédagogiques, des partenariats avec les
milieux professionnels… (parcours M2 MOPU par exemple) accompagnant la reconfiguration des offres de
formation.
Tout en ayant un caractère professionnalisant, la formation à l’IUP/EUP se revendique comme étant une
formation par et pour la recherche. Les activités pédagogiques s’entendent alors comme entretenant des
liens étroits avec les domaines et démarches scientifiques de chacun des enseignants-chercheurs. Il importe
alors de revenir sur le cadre, favorable, dans lequel les recherches elles-mêmes peuvent se déployer.
17
18
Un cadre d’évolution favorable
Nous avons mentionné les activités d’étude, de recherche conduites au sein du laboratoire L’Oeil. Celui-ci a
évolué, s’est recomposé au cours des années 90. Ses membres ont poursuivi leurs travaux dans le cadre du
laboratoire CRETEIL (Centre de Recherche sur l’Espace, les Transports, l’Environnement et les Institutions
Locales), créé au début des années 2000. Ce Centre a laissé place, en 2008, au Lab’Urba28. Ce dernier s’affirme
comme un lieu pluridisciplinaire de recherche autour des multiples champs et objets participant de
l’urbanisme. Il abrite de nombreuses activités ayant trait à la production et l’action collective urbaines. Le
laboratoire valorise la recherche en lien avec l’action, en s’appuyant sur la pluridisciplinarité de ses membres.
Sa - large - vocation en fait encore un cadre favorable pour héberger des travaux portant sur les finances des
collectivités, telles que nous les entendons (cf. Volume 2). Ainsi nous sommes-nous spontanément inscrits
dans les activités du laboratoire, et notamment dans l’équipe Politiques urbaines et développement
territorial et désormais, dans l’axe Reconfigurations de l’action : politiques urbaines et pratiques de
l’urbanisme29.
Comme celui du CRETEIL, le fonctionnement du laboratoire est suffisamment souple pour que se
développent divers types de travaux, que ceux-ci soient initiés par les enseignants-chercheurs eux-mêmes
ou bien qu’ils soient engagés dans le cadre de commandes et en réponse à des consultations. Il laisse
également place soit à des démarches individuelles (telles nos investigations portant sur la tarification de la
restauration scolaire – cf. supra) soit, bien plus fréquemment, à des initiatives collectives. La plupart de nos
réalisations entrent dans ce cas de figure.
Ces démarches collectives et ce fonctionnement en sous-équipes valent pour ceux de nos travaux ayant
plutôt une vocation économique comme pour ceux ayant trait à des politiques sectorielles des collectivités
locales. A titre d’exemple, nous pourrions mentionner les diverses productions consacrées à l’économie de
l’aménagement (2009-2011). Sur la base d’une commande du PUCA, l’objectif initial consistait à dresser un
état des lieux des travaux existant dans le domaine, à parvenir à en restituer une vision conceptualisée et à
dessiner des axes à même de fédérer des travaux à venir. Afin de parvenir aux fins attendues, le domaine a
donné lieu à une structuration en fonction des temps et des acteurs intervenant dans les processus
d’aménagement, engageant à une répartition en conséquence des thèmes et des explorations entre les
3 chercheuses impliquées30. Les réflexions ont ensuite été partagées afin de mettre en exergue des éléments
transversaux et structurants. Un objet ou un domaine commun est de la sorte soumis à plusieurs éclairages,
convergents ou divergents, mais relevant d’un même angle disciplinaire ([4], [44], [46]).
Une autre façon de procéder apparaît par exemple dans les travaux que nous avons conduits (et coordonnés)
portant sur l’implication financière des intercommunalités dans le domaine des politiques de l’habitat [41]31.
L’équipe était constituée pour une partie de spécialistes des questions relatives aux politiques locales de
l’habitat32, pour une autre de membres familiarisés avec le fonctionnement financier des
intercommunalités33.
28 La génèse du Lab’urba est retracée, à l’occasion de son 10ème anniversaire, dans le numéro spécial de la Lettre Passerelle, élaborée
par les doctorants du laboratoire (Numéro spécial, n°22, Décembre 2018, EDVTT, Lab’urba, 12 p.)
29 Le projet scientifique et la structuration du laboratoire ont évolué à compter de 2019. A la répartition en équipes a succédé un
regroupement des membres autour d’axes transversaux et éventuellement, dans des groupes-projets.
30 S. Guelton s’est penchée sur « L’économie interne de l’aménagement », M.-P. Rousseau sur « La contribution de l’aménagement
19
Le protocole de travail a ménagé des temps communs d’acculturation respective, des dispositifs partagés
(conduite d’entretiens, restitutions…) de façon à ce que la « percolation » puisse s’effectuer, au bénéfice de
chacun et de l’avancement des réalisations prévues.
Un autre point de vue, à la faveur du CRETEIL puis du Lab’Urba, tient au côtoiement avec d’autres chercheurs,
avec d’autres travaux qui se situent précisément au cœur de ce qui fait territoire ou bien encore au plus près
de la territorialisation de l’action publique. Nous détaillons en quoi une vision territorialisée du système
financier local nous semble primordiale (cf. Volume 2). La perception de l’intrication entre les logiques
territoriales (de développement, d’aménagement…) et les budgets ou comptes des collectivités n’est en rien
immédiate. L’analyse des finances de ces collectivités peut rapidement confiner à un point de vue sectoriel,
ou à une forme de sectorisation, qu’il n’est pas aisé de rompre. La participation à l’équipe Politiques urbaines
et développement territorial du Lab(Urba (puis dans l’axe qui lui succède) nous engage à une inévitable prise
en compte de dimensions spatiales, des conditions de production des ensembles urbains et de la
transversalité que ces dernières sous-entendent, des rétroactions de cette urbanité ou de cette territorialité
sur les interventions dont ces ensembles, occupés ou habités, font l’objet. Traiter des politiques locales de
l’habitat dans divers contextes territoriaux, questionner la centralité de Nevers à l’aune de celle valant dans
d’autres villes dites moyennes… nous a incontestablement confronté à la nécessité d’intégrer ces intrications,
de veiller à une transversalité inhérente aux réalités, observées et vécues.
34 En l’absence de connaissances relatives aux complémentarités des rôles entre acteurs publics et privés (S. Guelton), sur les aspects
territoriaux du développement (M.-P. Rousseau), le travail dédié à l’économie de l’aménagement n’aurait pu voir le jour.
35 L’auteur ajoute que cette démarche lui permet encore d’entretenir le devoir se situer disciplinairement.
20
effet une série de travaux d’ateliers d’étudiants, réalisés dans divers lieux de formation en aménagement et
urbanisme36.
La présentation de ces travaux, les échanges entre les participants et leurs enseignants ont constitué un
matériau contribuant en particulier à analyser les relations s’établissant entre conception, pilotage, gestion…
de projets urbains et dimensions économiques ou financières, au sein des pratiques des professionnelles, y
compris lors des étapes de formation de jeunes praticiens [44].
Ces explorations n’ont été qu’une des occasions – ou des tentatives – concourant à l’établissement, puis à la
consolidation, de partenariats avec des membres d’autres lieux d’enseignement et/ou de recherche, comme
avec diverses institutions.
36 Ce protocole et ses apports sont restitués dans le rapport établi avec S. Guelton en 2009 [44].
21
22
Des partenariats (externes/internes) et des initiatives partagées
Si les dimensions économiques et financière sont présentes au sein des productions ou initiatives déployées
au sein du Lab’Urba, force est de reconnaître que les travaux relatifs aux finances publiques locales, y compris
dans leurs liens avec la production ou la gestion urbaine, ne sont pas fortement représentés. Les possibilités
de coopérations autour du thème sont circonscrites. Ce qui peut inciter à rechercher des partenariats ou des
voies de collaboration externes. Qui plus est, les activités d’enseignement prennent souvent le pas dans les
agendas, au point que le temps dévolu à des productions scientifiques se trouve singulièrement réduit.
Trouver un espace-temps qui se prête à de nouveaux développements est une des raisons qui nous a conduit
à déposer auprès du CNRS un dossier de demande de délégation, en 2013 puis en 2014, en vue d’être
hébergée au sein du Laboratoires Techniques Territoires et Sociétés Latts37. Le projet envisagé devait
s’inscrire dans l’axe Economie politique de la production urbaine présent dans ce laboratoire et être réalisé
en lien avec les membres de l’équipe réunie autour de L. Halbert (chargé de recherche CNRS). Des
coopérations avaient déjà été initiées avec ce chercheur et son équipe : elles avaient pris forme de séminaires
autour des recompositions intervenues dans l’offre de financements (bancaires) aux collectivités, suite à la
crise économique et financière de 2008 ainsi que de réflexions relatives à la dynamique de l’investissement
public local, dans le contexte financier du moment (2012-2013).
En vue de soutenir la demande de délégation, le projet de travail portait sur l’analyse des politiques
d’endettement des collectivités locales. Il s’agissait entre autres d’interroger l’existence des facteurs de
différenciation territoriale en la matière, de mettre en évidence leur poids. Les chercheurs du Latts
disposaient déjà d’une expérience dans la mise en évidence des logiques spatiales et dans l’analyse des
conditions d’expression de l’action collective organisée38. Des travaux relatifs aux conditions financières de
l’action publique locale apparaissaient alors comme un complément aux approches développées au sein du
laboratoire et portant notamment sur la financiarisation de la production urbaine.
Ces deux demandes successives n’ont pas abouti. De façon néanmoins à pouvoir investir de façon intense
dans des activités scientifiques, nous avons demandé, et obtenu, auprès du Conseil National des Universités,
en 2015, un Congé pour Recherches ou Conversions Thématiques (CRCT), d’une durée de 6 mois
(2nd semestre universitaire). Initialement envisagé en vue de rédiger le mémoire d’HDR, ce Congé a été
mobilisé pour produire un état des recherches dans le domaine des finances publiques locales [3]. Ce travail
a été réalisé dans le cadre d’une commande du PUCA, en collaboration avec C. Allé39, alors engagée dans un
travail doctoral portant également sur les finances locales. En croisant les regards disciplinaires et en
explorant les publications disponibles, cette démarche a servi à établir un bilan des connaissances existant à
propos du système financier local français, telles que produites au cours depuis les années 80. Des
perspectives de recherche, pour des travaux à venir, ont par ailleurs été proposées. Cette revue de la
littérature scientifique nous a incontestablement permis de conforter le soubassement théorique de travaux
que nous avions pu antérieurement réaliser ; elle constitue encore l’arrière-plan réflexif de la construction
du système financier local, telle que nous la proposons actuellement (cf. Volume 2).
L’absence de délégation au sein du Latts n’a pas empêché le développement d’initiatives partagées avec les
membres de ce laboratoire. La première se concrétise sous la forme d’un projet de recherche, financé par la
Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et portant sur l’Investissement Public Local (IPL) ainsi que sur ses
23
modalités de financement. Ce projet, d’une durée initialement prévue de 24 mois, a débuté en 201740. Nous
participons à sa coordination, avec L. Halbert41. Pour cette recherche, il est fait l’hypothèse centrale que, face
aux mutations ayant affecté les finances des collectivités dans les années récentes et compte tenu du
resserrement de la contrainte pesant sur les budgets locaux (tout particulièrement dans la période 2014-
2017), l’on assiste à un accroissement de la différenciation interterritoriale en matière d’investissement
public local (en fonction des caractéristiques socioéconomiques, fiscales et financières des territoires) et à
une reconfiguration de l’action publique locale (perceptible dans les changements des volumes
d’investissement, dans les priorités sectorielles et dans les processus afférents de décision). Le protocole
méthodologique comporte un volet quantitatif et une exploration qualitative.
Des traitements statistiques visent à rendre compte de la distribution spatialisée des dépenses publiques
locales d’investissement, de ses évolutions, à établir des profils-types territorialisés de collectivités (au sein
de chacun des niveaux de gouvernement locaux)42.
L’exploration qualitative vise à analyser les mutations dans les choix, dans les processus de décision… des
collectivités pour 3 domaines choisis de politiques sectorielles (logement social, aménagement, gestion du
foncier et de l’immobilier). Une campagne d’entretiens (auprès des élus, des membres de leurs services et
de leurs partenaires concernés) a été effectuée pour un terrain d’enquête choisi43.
La seconde initiative de recherche consiste en un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche
(AAPG ANR 2018) ; il s’étend sur la période 2019-202244. L. Halbert est le coordinateur scientifique de ce
projet InveST (Investissement public local et Systèmes Territoriaux - Développement durable, collectivités
locales et soutenabilité financière)45 dont le projet IPL est finalement la matrice. Le contexte et les hypothèses
de recherche sont en effet largement semblables. Le projet InveST intègre l’injonction au développement
durable à laquelle sont confrontées les collectivités. Cet impératif est en effet susceptible d’entrer en tension
avec une autre obligation que connaissent les collectivités, celle de modérer leurs dépenses et d’entrer dans
un régime de rigueur financière. Le protocole méthodologique est essentiellement qualitatif. Il est destiné à
analyser (sur la base d’une étude documentaire et d’entretiens ciblés) les évolutions des politiques de l’État
et les relations de ce dernier avec les collectivités dans l’application de l’agenda de la rigueur. Il vise ensuite
une comparaison de six ensembles intercommunaux urbains dans lesquels est examiné le déploiement de la
discipline financière et ce, en retenant cinq domaines d’action publique, choisis en raison de leur poids
financier et des enjeux de durabilité qui leur sont associés : la gestion de leur patrimoine foncier et
immobilier, les réseaux d’eau et d’énergie, le logement social, l’aménagement urbain et économique, et les
mobilités durables. Outre la participation aux séminaires périodiques prévus durant le déroulé du projet,
notre contribution à sa réalisation se déploie en plusieurs tâches complémentaires.
40 Il a dans les faits démarré en 2018, du fait des délais dans la mise à disposition par la CDC des données financières prévues. Le
(maître de conférences Université Paris-Est, Latts), M. Bigorgne (doctorante, Université Paris-Est, Latts), M. Drozdz (Chargée de
recherche CNRS, Université Paris-Est, Latts) et de V.Lasserre Bigorry (doctorant, ingénieur de recherche, Université Paris Est, LVMT).
42 Etait également prévue l’actualisation des études précédemment effectuées par l’équipe du Latts et portant sur le financement de
Romainville.
44 Un premier projet, largement semblable, avait été déposé en 2016 et n’a pas été retenu par l’Agence pour son financement.
45 Cf. https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE22-0004. L’équipe en charge du projet, constituée dans un souhait de pluridisciplinarité est
composée de : F. Adisson, M. Bigorgne, M. Drozdz, L. Halbert (membres du Latts), de F. Artioli, F. Navarre (membres du Lab’Urba),
G. Boulay (membre du laboratoire Espace), A. Grandclément (membre de TELEMME), D. Florentin (membre (de l’ISIGE) et M. Huré
(membre du CDED).
24
L’une d’elles consiste en à l’établissement, avec d’autres membres de l’équipe, d’une typologie permettant
un choix objectivé des terrains d’études46. Une autre, majeure, réside dans la production, par un groupe de
travail dédié, d’une grille analytique permettant de dépasser le verrou informationnel lié aux catégories
présentes dans la comptabilité des collectivités et ainsi, de parvenir à apprécier concrètement l’origine des
ressources et la destination des dépenses dans les budgets locaux, en lien avec la conduite de l’action
publique locale. Nous participerons également à la campagne projetée d’entretiens et aux travaux de
comparaisons (intersectorielles et interterritoriales) qui seront effectués47.
Soulignons encore que la mise en visibilité – collective – ainsi effectuée des analyses portant sur les finances
locales et sur la « financiarisation » de la production urbaine, l’intensification des partenariats… suscitent de
nouvelles initiatives de recherche.
Ainsi sommes-nous amenés à participer à deux démarches doctorales. La première, initiée en 2017, est
portée par M. Bigorgne. Elle a trait à « L’action publique territoriale sous contrainte budgétaire ? La gestion
financière des investissements publics locaux ». Le contrat doctoral est hébergé au Latts. La direction de
thèse est assurée par F.-M. Poupeau (Chargé de recherche CNRS, Latts), co-encadrée par L. Halbert. L’entrée
de la recherche menée par M. Bigorgne est principalement sociologique, ce qui nous a conduit à ne plus
participer activement (depuis 2019) à la co-direction, telle qu’initialement envisagée, de cette démarche de
thèse.
La seconde est portée depuis 2019 par V. Trotignon et a comme titre « Financement des réseaux de transport
ferrés urbains par les fonds de pension et impacts sur la production urbaine au Canada : quels enseignements
pour le Grand Paris ? ». Elle est réalisée en co-tutelle entre l’Université de Paris Est et l’Université de Montréal
(sous la direction de J.-P. Meloche). M.-H. Massot (professeure EUP) est la directrice de thèse, côté Lab’Urba
et F. Navarre en assure la co-direction.
Ajoutons que les coopérations avec le Latts, initialement fondées sur des proximités d’intérêt thématique,
désormais consolidées et diversifiées, présentent l’intérêt de favoriser des démarches pluridisciplinaires. Les
équipes engagées dans les projets IPL et InvsT (cf. supra) sont en effet composées de membres cultivant des
approches différentes et complémentaires. Ainsi l’équipe constituée pour le projet InveST associe-t-elle des
géographes, des spécialistes de l’aménagement, des politistes, des socio-économistes et des économistes.
Les finances publiques locales et les analyses dédiées ne peuvent de la sorte qu’échapper à un cloisonnement
qui leur serait préjudiciable. Ces travaux communs conduisent en outre à prendre la mesure des difficultés
assorties aux initiatives de pluri ou de multidisciplinarité : pour autant que leur déploiement puisse être
souhaitable et même prôné (cf. Volume 2), la mise en partage n’est pas chose aisée, l’acquisition des
référentiels de base propres à certains domaines et fortement spécialisés ne pouvant simplement s’opérer.
Nous avons encore eu l’occasion d’expérimenter, et de susciter, ce croisement des approches, dans le cadre
notamment des travaux dédiés aux sites patrimoniaux exceptionnels (2015-2017)48. Le programme de
recherche, réalisé49 en réponse à une consultation du PUCA intitulée « Les sites exceptionnels : quelle
contribution au développement local ? », a été mené par une équipe constituée de membres du laboratoire
PACTE (de Grenoble), du Lab’Urba, associés à des représentants de la coopérative de conseils Acadie-Reflex.
En accord avec la problématique des travaux, cette diversité et cette complémentarité ont rendu possible
une démarche transversale, associant les regards de spécialistes du développement territorial (économistes
46 En mobilisant les données et résultats provenant du projet IPL, en intégrant des indicateurs socio-économiques à même de
caractériser et de différencier les situations territoriales.
47 La campagne a débuté, dans les faits, à l’automne 2020.
48 Les résultats des travaux ont donné lieu à la publication d’un ouvrage collectif (Talandier et al., 2019, [1]).
49 Sous la direction scientifique de M. Talandier et de F. Navarre [35].
25
et géographes)50, du patrimoine et des ressources patrimoniales locales51, des paysages et de
l’environnement52 et des finances locales ([1], [35]).
Ces modes d’approche nous semblent à privilégier, pour les travaux qui, comme les nôtres, comportent des
dimensions territoriales et interpellent les modes d’action publique : en écho aux réalités observées et
analysées, la démarche de recherche elle-même suppose une réelle mise en transversalité, une
multidimensionnalité, sans perte de vue des dimensions sectorielles et des nécessités des analyses
monodisciplinaires lorsqu’elles s’avèrent appropriées.
En vue d’inscrire les finances des collectivités dans de telles démarches scientifiques d’ensemble, un réel et
constant travail de reformulation est indispensable. Tout en ne leur faisant pas perdre de vue les spécificités
de l’objet « finances publiques locales », il enjoint à dépasser une éventuelle technicisation ou économisation
à laquelle leur approche peut aisément incliner. Il demeure que ce travail de reformulation, si nous nous y
sommes essayé, est loin d’être totalement abouti.
La diversification des partenariats entre laboratoires et chercheurs, des réalisations partagées autour de
politiques locales sectorielles… se sont accompagnées d’une diversification même des institutions
commanditaires des travaux. Le PUCA reste en position privilégiée, en raison de l’intérêt de cette institution
pour les travaux portant sur les villes, sur les territoires et sur l’action publique, en raison également de sa
volonté de promouvoir les recherches dans leurs différentes modalités de déploiement. Les initiatives que
nous avons engagées, individuellement ou collectivement, trouvent ainsi une place dans cet ensemble. Entre
autres, les soutiens du PUCA et les démarches de valorisation auxquelles il a contribué ont été appréciables
pour les réalisations portant sur l’économie de l’aménagement, et tout particulièrement pour celles
concernant des déclinaisons particulières des finances locales (étude sur la tarification, état des lieux des
recherches). Quelles autres institutions les auraient promues et mises en visibilité ?
Les sujets traités (l’offre et la demande de logement social par exemple [10]), l’ampleur même des projets
(InveST par exemple) amènent à rechercher les soutiens d’autres institutions (resp. l’Ancols Agence Nationale
du Contrôle de l’Occupation du Logement Social et l’ANR Agence Nationale de Recherche). Le
fonctionnement de chacune amène à se rôder à divers modes de sollicitations, à différents protocoles de
suivi et de rendus et ainsi, à une utile diversification des expériences et des exigences scientifiques.
26
Un mode d’articulation spécifique : le réseau FiL ?
L’état des lieux relatif au système financier local, que nous avons contribué à dresser (cf. supra), confirme
une intuition : celle d’une abondance des productions scientifiques sur le thème des finances locales depuis
les années 80, celle de leur moindre intensité dans la période récente. La situation est d’autant plus
paradoxale que la thématique des finances des collectivités est régulièrement présente dans l’actualité, dans
le débat public et politique. Le changement constaté ne réside pas uniquement dans la quantité des travaux.
Il se manifeste également dans l’appartenance disciplinaire des chercheurs dont ces publications émanent.
Jusqu’au milieu des années 2000, les éditions annuelles de l’Annuaire des Collectivités Locales du Grale
(Groupement de recherche sur l'administration locale en Europe)53 incluaient des chroniques régulières sur
les finances locales, rédigées par des universitaires, des chercheurs…, pour la plupart d’entre eux
économistes. Ces chroniques faisaient principalement écho aux nombreux travaux réalisés par Y. Fréville,
G. Gilbert et A. Guengant, en lien avec leurs activités de recherche alors développées au sein du laboratoire
CREFAUR (Centre REnnais en Finances des Agglomérations Urbaines devenu Centre de Recherche en
Economie et Finances Appliquées de l’Université de Rennes) et à ceux développés par J.-M. Uhaldeborde
(Professeur à l’Université de Pau). Les travaux de ces chercheurs ont contribué à poser, en France, les bases
puis les développements de l’économie des finances locales ou encore de l’économie publique locale
(Guengant, 2002).
Si cette composante de l’analyse académique des finances publiques locales demeure, elle est désormais
moindrement représentée, au regard d’approches juridiques (vers lesquelles s’oriente dorénavant le Grale),
ou gestionnaires54. Parallèlement, les travaux des chercheurs en sciences politiques dans le domaine lui-
même sont relativement peu fréquents. Quoi qu’il en soit, même s’ils ont évolué, les cloisonnements
disciplinaires perdurent. La multiplicité des liens entre les ressources des collectivités, leurs emplois et les
actions conduites par leurs représentants, les interrelations avec les contextes territoriaux… laissent pourtant
entendre la possibilité, voire la nécessité, d’analyses transversales.
Face à ces constats partagés d’essoufflement relatif des travaux dans le domaine, de leur relative
segmentation, des représentants de l’AdCF (Assemblée des Communautés de France) et du Lab’Urba ont
souhaité promouvoir des réflexions approfondies, à caractère scientifique, en matière de finances publiques
locales. Ces réflexions et productions leur semblent indispensables en vue d’apporter des éclairages
pluridisciplinaires, quantitatifs mais également qualitatifs, sur les transformations en cours dans le domaine.
Ainsi est né, en 2014, le Réseau Finances Locales FiL. Ce réseau vise à fédérer chercheurs, experts, acteurs
institutionnels, représentants des collectivités locales, intéressés par les questions relatives aux finances et
à la fiscalité des collectivités. Le Réseau s’est donné comme vocation d’être un centre de ressources, en
mutualisant des données, études, publications… que lui communiquent ses membres ou qu’il sollicite auprès
de partenaires extérieurs. Il a également comme ambition de devenir un lieu d’échanges et/ou de débats sur
les thématiques qui fédèrent ses membres.
Nous avons évoqué le grand écart qui, bien souvent, sépare les travaux des universitaires, les pratiques des
acteurs et les savoirs dont ces derniers sont détenteurs. Cette distance peut être source d’inutilité,
d’insatisfaction ; elle ne stimule en tout état de cause ni l’offre ni la demande de travaux.
Est alors en jeu, pour les chercheurs, le besoin de procéder à un constant effort de traduction de leurs
formulations conventionnelles, d’une mise en langage commun, celui encore qui est indispensable pour
27
parvenir à une compréhension des questionnements émis par les acteurs engagés au plus près des
collectivités, en écho à leurs pratiques. Est également en jeu la nécessité, de la part de ces acteurs et
représentants institutionnels, de procéder à une distanciation de façon à aboutir à la formulation de
demandes qui puissent constituer des commandes de travaux universitaires.
Cette réduction des écarts ne peut se décréter ; elle ne peut s’instaurer immédiatement. En conséquence, la
démarche du FiL est progressive et diversifiée.
A partir des intentions partagées et de ses prémices, il s’est structuré, autonomisé55.
Le programme de travail du FiL, établi par les membres de son Comité fondateur/scientifique56, a comporté
des temps et des formats différents, propices à des échanges et des formules souples de coopérations. Ces
initiatives se sont principalement concrétisées sous forme d’ateliers thématiques et surtout, de colloques
annuels57.
En 2018, le réseau FiL a lancé un appel à manifestation d’intérêt en direction des chercheurs et des
collectivités locales. L’objectif est de promouvoir un ensemble de travaux, intéressant simultanément les
deux parties, voire conduits sur la base de partenariats respectifs ; la thématique retenue est celle de
l’investissement public local et de son financement. Le programme de recherche qui en résulte comporte
5 projets, chacun d’une durée de 12 à 18 mois. La restitution des travaux s’effectuera, en 2021, sous forme
d’une Journée Chercheurs-Acteurs et le réseau FiL entend soutenir la valorisation des réalisations des
équipes.
Suite au colloque de l’automne 2019 et aux réflexions qui en sont issues, un nouvel appel à manifestation
d’intérêt a été lancé au printemps 2020. Il a pour thème « Le financement de l’action publique locale ».
5 propositions de recherche ont été déposées et constitueront le programme de recherche soutenu par le
réseau au cours de la période 2021-2022.
La constitution du texte des consultations, la sélection des propositions, le suivi régulier des projets retenus,
la valorisation des résultats… constituent autant d’étapes suscitant des échanges au sein du Comité du FiL,
avec les équipes de chercheurs, avec les collectivités ou partenaires impliqués, autant d’occasions de
construire et d’affiner les réflexions, de part et d’autre.
En 2020, le réseau FiL a par ailleurs initié un programme d’ateliers, prenant forme de webinaires. Le format
court, les thématiques retenues et le choix des intervenants, complémentaires et aux points de vue
contrastés, ont à un premier stade attiré un public diversifié d’auditeurs. La dynamique ainsi impulsée se
poursuivra durant l’année 2021, voire au-delà.
Les activités du FiL sont depuis leur origine soutenues financièrement par la Banque Postale et par la Caisse
des Dépôts et Consignations (Institut pour la Recherche). Le PUCA soutient également le réseau et sa
démarche. Ces présences et contributions sont le signe d’une forme de reconnaissance de l’utilité du FiL, de
divers points de vue. L’implication de représentants des collectivités et des chercheurs la révèle également.
Reste à densifier les partenariats, à rendre pérennes les diverses formes d’associations. Il importe encore de
continuer à réduire les distances tout en les préservant, de façon à ménager l’autonomie à laquelle les
chercheurs sont attachés. Demeure également le positionnement pertinent à trouver, favorisant le dialogue
55 Le réseau était jusqu’en 2018 hébergé par l’AdCF. Il s’est depuis constitué en Association 1901. Il est co-présidé par C.-E. Lemaignen,
Vice-président de l’Assemblée des Communautés de France et M. Leprince, chercheur professeur l’Université de Brest. C. Delpech,
Conseillère finances, fiscalité et habitat à l’AdCF, Professeure associée au CNAM et au laboratoire Lirsa, en est trésorière et F. Navarre
en est secrétaire.
56 Il est composé de membres d’associations représentant les collectivités locales (AdCF, France Urbaine), de représentants
d’institutions financières présentes auprès des collectivités (Banque Postale, Caisse des Dépôts et Consignations, Agence France
Locale), d’enseignants-chercheurs. Le PUCA est également représenté et soutient la démarche du FiL depuis ses origines.
57 Les colloques annuels réunissent une centaine de participants, venant d’horizons divers.
En Annexe figurent des activités du réseau FiL auxquelles nous avons contribué ou contribuons.
28
au niveau local tout en produisant, grâce aux travaux, des enseignements transversaux qui puissent posséder
une certaine portée, en termes de production de connaissances.
Ces préoccupations sont présentes, depuis notre implication dans la création du FiL et dans les activités que
nous pouvons co-organiser pour conforter le réseau. Ainsi peut se constituer une perspective de recherche,
par, dans et avec l’action…
Eléments bibliographiques
Albaladejo C., Casabianca F., 1997, « Eléments de débat autour de pratiques de recherche-action », La
recherche-action: ambitions, pratiques, débats, pp. 127-149
Astier P., Courtois B., Huber M., Olry P., Mougin F., Schilling M., Wittorski R., 2004, Les savoirs d'action : une
mise en mot des compétences ?, éd. L’Harmattan, 324 p.
Dolto F., 1984, L’image inconsciente du corps, éd. Points, 376 p.
Guengant A., 2002, « Économie des finances locales : trente-cinq ans de recherche au CREFAUR », Revue
d’Économie Régionale & Urbaine, vol. décembre, n° 5, pp. 687-706
de Singly F., 2015, « Des manières de penser le ‘Je’ en sociologie », SociologieS [En ligne], Dossiers, Pour un
dialogue épistémologique entre sociologues marocains et sociologues français, mis en ligne le 02/11/15,
URL : http://journals.openedition.org/sociologies/5143, consulté le 14/12/20
Thoenig J.-C., 2005, « Pour une épistémologie des recherches sur l’action publique », in Filâtre D.,
de Terssac G., Les dynamiques intermédiaires au cœur de l’action publique, éd. Octarès, pp.285-306,
ffhalshs-00140212f
29
30
Annexes
31
32
Activités du réseau FiL
Activités
Colloques
Le système financier local entre ancien et nouveau modèle 20/11/2014
La dépense publique locale : vers de nouveaux repères ? 25/11/2015
Les politiques locales et la contrainte financière, état des lieux et perspectives 24/11/2016
Journée Ateliers thématiques 21/11/2017
La réforme fiscale rebat-elle les cartes du financement de l’action publique locale ? 27/11/2019
Programmes de recherche
AM11 - L’investissement public local et de son financement 2018-2021
Projets/équipes
° L’action publique territoriale face à la maîtrise des dépenses publiques : quelles adaptations ?
Quels effets sur les politiques publiques ? (équipe Latts – Cems – Lab’Urba)
° Rationalité des choix publics locaux d’investissement (équipe IAE de Bordeaux, IRGO)
° Fiscalité locale et croissance des entreprises. Analyse sur données françaises (équipe EconomiX)
° Financer les coûts de l’urbanisation dans les opérations d’aménagement : l’économie de
l’aménagement au concret (équipe Lab’Urba – Logiville)
° La gratuité des transports collectifs urbains : quel coût ? quel financement ? quels bénéficiaires
(équipe LVMT – Lab’Urba)
Ateliers/webinaires
° Collectivités, un modèle de financement questionné 26/06/2020
° Fiscalité locale et entreprises : un lien distendu ? 09/12/2020
33
34
Synthèse des travaux
Figure ci-dessous une synthèse des principaux travaux effectués ou en cours (telle qu’elle était requise dans
le cadre du dossier d’inscription pour une candidature à une HDR).
Sont retenus les projets et contributions à des programmes de recherche dédiés à une approche
(territorialisée) des finances publiques locales ou incluant cette approche de façon substantielle, les finances
des collectivités étant saisies dans leur articulation plus ou moins prononcée avec la conduite de l’action
publique locale. L’ensemble de ces réalisations possède de fait une unité thématique certaine, cette dernière
se construisant progressivement à partir de déclinaisons particulières, finalement convergentes : les états
des lieux tels que réalisés (projets 1-2 et 2-1) contribuent à dresser la toile de fond dans laquelle une bonne
part des recherches relatives aux finances locales se sont déployées au cours des 3 à 4 décennies passées ;
les travaux portant sur la fiscalité locale (projet 1-1) et ayant trait à la tarification de la restauration scolaire
(projet 2-2) fournissent des éclairages pour des postes essentiels de recettes des collectivités et à propos des
politiques que leurs représentants sont en mesure d’adopter en la matière ; les travaux consacrés à
l’implication financière des intercommunalités en matière de politique de l’habitat (projet 2-3), voire dans le
domaine de l’aménagement (projet 2-1), apportent des illustrations quant à la mobilisation des budgets des
entités publiques locales dans des domaines particuliers de leurs interventions, en lien avec l’exercice de
leurs compétences ; les investigations effectuées à propos des sites patrimoniaux exceptionnels (projet 2-4)
livrent quant à elles des connaissances particulières au sujet de la génération de ressources locales comme
à propos de leur utilisation à des fins de politiques et de gestion locales, dans des contextes singuliers de
développement territorial. Les projets en cours (2-5 et 2-6) s’inscrivent dans le prolongement de ces
réalisations, en axant les travaux sur des problématiques singulières et d’actualité (tel le resserrement des
contraintes pesant sur les budgets locaux), et/ou en les envisageant dans des déclinaisons particulières de
l’action des collectivités (comme leurs politiques d’investissement), en tenant compte des référentiels dans
lesquelles elles s’inscrivent (comme les injonctions qui leur sont faites ou les objectifs qu’elles poursuivent
en matière de durabilité).
L’unité des travaux et des réalisations tient encore à leur cadre de réalisation : dans leur quasi-totalité (hors
le projet 1-1), les recherches ont été effectuées en réponse à des consultations lancées par le PUCA ou à
partir de commandes émanant de cet organisme, ce qui les ancre dans une réflexion scientifique d’ensemble
voire dans des programmes thématisés de recherche, ce qui de surcroît été gage de leur faisabilité.
L’ordre d’exposition adopté est chronologique (inversé au regard de celui retenu dans le curriculum vitae
fourni) : les réalisations récentes capitalisent en effet fréquemment sur les apports des démarches
antérieures.
Sont tout d’abord mentionnés les « Autres contrats d’étude et de recherche » (1) puis les « Projets et
contributions à des programmes scientifiques, contrats de recherche » (2) et ce, même si les nuances entre
ces types de réalisations sont parfois ténues58.
La présentation des projets ou programmes est linéaire, la mise en transversalité des démarches et des
résultats majeurs des travaux étant effectuée dans le Volume 2.
Les rapports ou publications auxquels les travaux ont éventuellement donné lieu sont mentionnés dans la
liste détaillée59.
35
36
1-Autres contrats d’étude et de recherche
Le travail effectué pour l’AdCF s’apparente davantage à une étude qu’à une recherche stricto sensu. Il n’est
en effet ni ancré dans un corpus théorique, ni orienté par des hypothèses structurantes. Le traitement du
matériau empirique (constitué de données fiscales et financières, socio-territoriales à la maille fine des
communes et des intercommunalités à fiscalité propre62), l’analyse et l’explicitation des résultats ont
toutefois conduit à formuler plusieurs constats :
- Alors que la réforme de la fiscalité locale est principalement guidée par une métrique économique
et sectorielle (en visant à alléger les contributions acquittées par les entreprises et à atténuer les
disparités de taxes entre secteurs productifs), même si les nouvelles dispositions ménagent une
neutralité budgétaire de court terme pour les collectivités, elles sont porteuses d’incidences
majeures pour les budgets locaux et pour leurs recettes fiscales à venir. Ces incidences se
manifestent sous divers angles complémentaires et surtout, n’affectent pas tous les ensembles
intercommunaux de façon analogue.
- Selon les ensembles, le poids des versements financiers instaurés afin de compenser la différence
entre le produit fiscal perçu avant la réforme et celui qui résulterait de l’application du nouveau
dispositif fiscal n’est pas identique63. Dans la mesure où les montants des compensations sont figés,
les capacités d’évolution des produits fiscaux, à moyen et long terme, diffèrent selon les ensembles.
Elles varient également selon la nature et la structure des nouvelles assiettes d’imposition présentes
localement64. Sous couvert de neutralité, la réforme contient en germes de profonds facteurs de
transformation de la géographie de la fiscalité des ensembles intercommunaux.
- Tout en étant atténuées avec la réforme, les inégalités de richesse fiscale entre ensembles
intercommunaux comme en leur sein restent particulièrement vives. Le nouveau dispositif
d’imposition laisse perdurer ces disparités, alors que le constat de leur existence avait constitué l’un
des éléments à l’origine de la réforme. La présence et l’intensité de ces écarts posent en filigrane des
questions en termes de cohésion territoriale, en termes également d’outils de redistribution
financière à même de réduire les différences constatées.
- Avec ou sans réforme, il ressort que les communes possèdent un poids fiscal majeur,
comparativement à celui de leurs intercommunalités65. Ce qui conduit à interroger, dans un certain
60 Incluse dans la Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. Celle-ci contient, entre autres, comme principale
mesure, la suppression de la taxe professionnelle revenant aux collectivités locales.
61 Des réalisations antérieures (Navarre, 2009, [43]) avaient conduit à instaurer de premières relations partenariales entre l’AdCF et
le Lab’Urba, autour de sujets d’intérêt partagés et des questions relatives aux finances des collectivités locales.
62 L’intercommunalité et ses communes-membres formant un ensemble intercommunal. Les données statistiques ont été pour les
unes mises à disposition par l’AdCF et la DGFiP, pour les autres collectées (en ligne) aux fins de l’étude.
63 Suite à la réforme, les redevables acquittent les nouvelles contributions mises en place (essentiellement la Contribution
Economique Territoriale CET). A la date d’application de la réforme, au nom d’un principe de neutralité budgétaire, les collectivités
perçoivent des produits analogues à ceux qu’elles recevaient avant la réforme. Un système de prélèvements et de reversements
(FNGIR), une dotation étatique (DCRTP) annihilent les écarts, collectivité par collectivité, entre les produits provenant des nouvelles
contributions et ceux antérieurement perçus.
64 Soit encore selon la nature et la valeur taxable des biens à usage résidentiel et productif.
65 Le poids du produit fiscal des communautés dans les ensembles intercommunaux s’établit en moyenne à 20%, à la date de l’étude
37
nombre de cas de figure, la capacité des regroupements de communes « à faire territoire ». On
observe certes des différences sensibles en la matière, selon les ensembles, rendant compte des
multiples formes – territorialisées – de l’intercommunalisation et de l’intercommunalité.
- A l’issue des modifications intervenues en 2010, les impôts et taxes acquittés localement par les
ménages66 prédominent, au regard des contributions provenant des entreprises. Cet état de fait
interpelle, entre autres, au regard des objectifs politiques – posés au niveau national – visant à ce
que la fiscalité professionnelle constitue le pivot de l’intercommunalité.
- Le pouvoir fiscal (ou de modulation des taux d’imposition) est globalement préservé pour les
communes et leurs établissements de coopération, suite à la réforme. Ce maintien des marges de
manœuvre (de l’autonomie fiscale locale ?) et l’ampleur de ces dernières ne valent cependant pas
de manière semblable pour tous les ensembles. En considérant simultanément l’abondance de la
richesse fiscale des collectivités et les possibilités dont disposent leurs représentants pour infléchir
les taux d’imposition, on met en exergue une gradation dans les situations, allant d’ensembles
fortement dotés de bases taxables et de pouvoirs d’imposition à d’autres pour lesquels la matière
imposable et les capacités de taxation sont modestes. Ces observations donnent à voir une pluralité
de réalités et de situations, au regard des capacités locales à mobiliser des recettes d’origine fiscale
quand cette potentialité peut être tenue comme constitutive d’une organisation décentralisée.
- Des analyses typologiques (sur la base de variables fiscales et financières, socio-territoriales), la
cartographie de leurs résultats permettent d’aboutir à des représentations de la (nouvelle)
géographie fiscale et financière des ensembles intercommunaux. Apparaissent en particulier des
territoires en situation favorable du point de vue de leurs possibilités de mobilisation de recettes
fiscales, compte tenu des caractéristiques et des dynamiques territoriales (par exemple, les
ensembles à vocation résidentielle affirmée, ceux où prévaut une mixité fonctionnelle, tout ou partie
des grands ensembles métropolitains…). Du point de vue des ressources locales, la combinaison
d’activités (productives, résidentielles) apparait comme bénéfique. Ce qui ne peut manquer
d’interroger, en écho avec l’aménagement et le développement des territoires, quant à la trajectoire
des ensembles au tissu spécialisé, aux capacités d’action des collectivités dont la vocation se
transforme, notamment en lien avec des mouvements de déprise…
Les observations, diverses dans leur nature et portée, ont contribué à poser les fondements des réflexions
qui se sont progressivement consolidées au fil des travaux relatifs au fonctionnement des ensembles
intercommunaux.
Les réalisations ne sont pas exemptes de critiques. Des sous-ensembles territoriaux67 ont par exemple été
définis a priori afin de donner à voir la diversité des modifications fiscales imputables à la réforme de 2010.
Le choix de ces références (leur nature, leur périmètre et composition) aurait mérité de reposer sur des
fondements et sur des observations robustes68. Les résultats (quantitatifs) alors présentés ont
principalement vocation d’illustrations et ne peuvent tenir lieu de démonstrations, celles-ci devant s’appuyer
sur des traitements économétriques menés en tenant toutes choses égales par ailleurs. Des relations entre
indicateurs (fiscaux ou financiers, socio-territoriaux) ont par ailleurs testées sans être formalisées de façon
probante ou éprouvées sur le plan statistique. Il reste encore que si le travail est largement fondé sur une
approche cartographique, il aurait pu donner lieu à une réelle analyse spatiale.
66 Un protocole d’évaluation a été mis au point afin d’estimer le montant des impôts ménages effectivement acquittés par les
ménages (soit encore la taxe d’habitation, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et une part de la taxe foncière sur les
propriétés bâties). Au terme de ces estimations, ces impôts représentent environ les 2/3 des ressources fiscales des ensembles
intercommunaux à la date de l’étude (avec un coefficient de variation entre ensembles intercommunaux proche de 0,16).
67 Fondés sur un découpage en strates démographiques ou reposant sur des traits socio-économiques majeurs.
68 En étant par exemple issus de typologies préalables.
38
1-2-Projet ayant pour objectif « La constitution d’un état des lieux des recherches dans le
domaine des finances publiques locales »
Ce projet ayant pour objectif la constitution d’un état des lieux des recherches dans le domaine des finances
publiques locales a été initié et effectué en 2015. Sa réalisation a été soutenue par le PUCA, trouvant un
intérêt à la thématique et étant, conformément à sa vocation, favorable à la production de connaissances
éclairant l’action publique et ce, tout en impulsant par ailleurs des recherches dites incitatives.
La perspective d’un tel travail avait été évoquée lors des réunions fondatrices du réseau Finances Locales FiL
(cf. supra) : les objectifs du réseau (dont celui de devenir un lieu de ressources et de partage de connaissances
dans le domaine des finances des collectivités, celui de susciter des initiatives de recherche en la matière)
supposaient en effet, pour leur concrétisation, que soit préalablement établi un bilan de l’existant en termes
de travaux, de publications et de lieux de recherche. Le réseau FiL a accompagné la démarche de constitution
de l’état des lieux mentionné.
Cet état des lieux a été composé par C. Allé69, en tant que chargée d’études au titre de ce projet (1,5 mois),
et par F. Navarre70. Outre la remise d’un rapport final, il a donné lieu à une publication, dans le cadre de la
collection Recherche du PUCA [3].
Ainsi que le rappellent le rapport et l’ouvrage, au cours des 3 à 4 décennies passées, les finances des
collectivités locales françaises ont fait l’objet de différentes vagues d’observations et d’analyses. Les
thématiques mises à l’étude ont évolué, en lien avec les transformations politiques, institutionnelles,
sociétales (décentralisation, vagues d’urbanisation et développement territorial, tensions économiques et
financières…). Pendant toute la période, les rapports parlementaires et/ou institutionnels n’ont pas manqué,
traitant de la fiscalité locale, bien souvent taxée de désuète, et/ou de l’organisation institutionnelle,
fréquemment tenue comme complexe et dispendieuse…
En parcourant ces productions, disparates, répondant à des approches disciplinaires variées ou à des visées
thématiques particulières, les évolutions d’ensemble du système financier local transparaissent difficilement.
En particulier, ce système a-t-il connu de simples adaptations conjoncturelles ou bien au contraire, s’agit-il
de transformations majeures ? Conjointement, alors que la thématique des finances publiques locales est
fortement présente dans le débat public71, le rythme des productions scientifiques dans le domaine semble
se ralentir. Ce ralentissement est-il effectif ou simplement apparent ?
Dans ce contexte, la constitution d’un état des lieux des productions de connaissances dans le domaine des
finances publiques locales depuis les années 80 s’est avérée nécessaire. Elle a été effectuée en poursuivant
un double objectif :
- Celui de percevoir les enseignements essentiels livrés par les études et recherches disponibles. Quels
apports concernant le système financier local, dans son intrication avec les contextes territoriaux,
avec les choix des élus, au regard encore des relations entre Etat et collectivités ?
- Celui de mettre en lumière quels sont les objets principalement étudiés et selon quels modes
d’approche (qu’il s’agisse des thématiques abordées, des entrées disciplinaires, de leurs évolutions,
etc.).
69 Dont la recherche doctorale (alors en cours) portait précisément sur les finances locales : Allé C., 2017, Les politiques des finances
locales : transformations des relations financières central/local en France (1970-2010), Thèse de doctorat en Science politique sous
la direction de Le Galès P. et Le Lidec P., Ecole doctorale de Sciences Po (Paris), 583 p.
70 Principalement pendant la période de CRCT obtenu au titre du CNU.
71 Entre 2010 et 2015, avec la réforme de la taxe professionnelle (cf. supra), sous l’effet de moindres versements de l’Etat en direction
des collectivités locales, avec les retentissements et la médiatisation la « crise des emprunts toxiques », etc.
39
Une attention toute particulière a été accordée aux zones d’ombre, c’est-à-dire aux points peu ou pas traités
dans les travaux recensés.
Une méthode de travail a été élaborée de façon à collecter les ressources bibliographiques pertinentes (en
ligne et présentes dans des centres documentaires, à partir de mots-clés prédéfinis, de types de publications
et d’un choix de revues pertinentes au regard des thèmes retenus).
L’ensemble des quelques 1 000 références du corpus72 réuni a été mis en forme à l’aide d’un logiciel de
gestion adapté, Zotero. Les références en question ont été classées sous différentes catégories définies de
manière inductive au fur et à mesure de la collecte. Cette organisation thématique a permis de mettre en
évidence des dimensions structurantes dans les recherches.
Le travail bibliographique s’est accompagné de quelques réunions avec G. Gilbert (professeur émérite à l’ENS
de Cachan), spécialiste du domaine, et d’échanges avec des chercheurs (droit, économie, sociologie) afin de
faire état des méthodes et concepts utilisés ou à utiliser, des questions récurrentes ou au contraire oubliées
dans leur discipline.
Le rapport puis l’ouvrage rendent compte des principales problématiques recensées dans les travaux
consultés, de leurs modes de traitement, des « résultats » majeurs livrés par les publications. La restitution
est organisée de façon thématisée. Dans un premier temps, une attention particulière est accordée au
partage des rôles et des ressources (en matière de fiscalité, de dotations et de péréquation) entre niveaux
de gouvernement. Les questions spécifiques aux dépenses publiques locales sont abordées dans un second
temps. Dans un troisième temps, sont analysées les publications relatives aux modes de financement, autres
que ceux évoqués, et que ne manquent pas de mobiliser les collectivités (allant des recettes tarifaires aux
emprunts, en passant par les cofinancements transitant entre niveaux de gouvernement). Les outils de
gestion et de contrôle, qu’ils s’imposent aux collectivités ou que celles-ci les pratiquent en vue d’un « bon »
usage de leurs fonds, et les travaux relatifs sont passés en revue dans un quatrième temps. Des publications
consacrées à des thèmes transversaux (portant sur les coûts d’urbanisation et sur leurs modes de
financement, dédiés à l’intercommunalité considérée sous ses angles fiscaux et financiers) sont ensuite
analysées. Enfin, les zones d’ombre, relatives à chacune des thématiques ou émergeant de façon
transversale, sont mises en exergue.
A l’issue des explorations et de l’analyse du matériau réuni et hors même les observations formulées à partir
de chacune des explorations thématiques, divers constats complémentaires émergent :
- Il ressort en particulier que l’éloignement de la recherche par rapport à la thématique des finances
publiques locales est plus apparent que réel. Les publications, au cours des dernières années de la
période couverte, demeurent abondantes. Les courants disciplinaires auxquels elles peuvent être
référées ne sont toutefois plus strictement les mêmes que durant la période 1980-2000. Ainsi par
exemple, les sciences économiques étaient-elles principalement investies dans le sujet. Elles sont
dorénavant moins représentées, l’élan et la nouveauté semblant s’émousser, au moins pour qui ne
suit pas les développements que les chercheurs livrent de façon préférentielle aux revues étrangères
spécialisées.
Les travaux en termes de sciences politiques tendent également à être proportionnellement moins
nombreux. Les transformations institutionnelles et politiques intervenues dans les années récentes,
leurs dimensions fiscales et financières susciteraient apparemment mois d’intérêt et de
72La revue de littérature est principalement centrée sur le système financier local français, éventuellement mis en perspective avec
d’autres contextes nationaux, sur des points significatifs, sur ceux encore où les ancrages théoriques (anglo-saxons) sont fortement
marqués.
40
développements que les changements intervenus à l’occasion des premières vagues de
décentralisation.
Une forme de relai serait prise par les sciences juridiques, de gestion, disciplines marquant
néanmoins bon nombre de travaux de leur empreinte dès les années 80. Des investigations
complémentaires seraient requises afin de tester l’hypothèse selon laquelle cette évolution
disciplinaire des recherches et des publications pourrait être mise en relation avec une juridicisation
des finances des collectivités elles-mêmes, avec leur tournant gestionnaire, opéré en lien avec une
influence croissante du New Public Management, avec la pénétration d’impératifs et de règles de
gestion (privée) au sein des organismes publics.
Une hypothèse peut encore être formulée : l’examen de la littérature scientifique recueillie révèle
une technicisation constante et une complexification progressive des dispositifs valant en matière de
finances et de fiscalité locales. Le coût d’acculturation devient alors de plus en plus élevé. Ce qui est
à même de susciter une spécialisation des travaux et par effet retour, une distanciation ou une
coupure avec les recherches portant sur divers domaines de l’action des collectivités (dont ceux par
exemple relevant de l’aménagement et de l’urbanisme).
- Du point de vue des thématiques étudiées, il ressort que la séparation traditionnelle entre ce qui
relève de la mobilisation des ressources et ce qui a trait à leurs usages vaut largement dans les
travaux de recherche, au bénéfice de la première. L’analyse des fondements de cette dichotomie
reste à faire.
La divergence d’intérêts (entre ceux portés aux moyens mobilisés pour l’action publique locale et
ceux accordés aux ressources déployées à ces fins) n’est cependant pas absolue. En toile de fond, ces
différents éléments relatifs tant aux recettes qu’aux dépenses locales sont pour la plupart présents
dans les travaux, engageant précisément à traiter de leurs relations et de façon implicite ou explicite,
à les envisager de façon systémique.
L’évolution du contexte économique et politique contribue d’ailleurs à transformer sensiblement les
postures et les réflexions. La disponibilité de l’argent public et des contributions garantissait hier une
couverture des dépenses envisagées ; ces dernières pouvaient alors être premières dans le champ
de la décision. Les façons dont se faisaient les ajustements par les recettes étaient quant à eux au
centre des investigations. La dynamique est désormais inversée. L’étau enserrant les ressources et
limitant leur mobilisation engage à revoir les modèles dépensiers. Les réflexions sur l’optimisation,
la performance des usages, la recherche du design institutionnel adapté, la hiérarchisation des
priorités et les processus décisionnels pénètrent dans le champ des travaux.
- Un autre élément marquant émanant des travaux recensés a trait aux relations entre État et
collectivités, à leur dynamique, analysées au prisme de diverses approches disciplinaires. Les points
de vue convergent globalement même s’ils ne sont pas réductibles les uns aux autres. Si au début
des années 80, l’État est fortement présent dans l’administration des finances locales, de différentes
façons, il ne l’est pas moins dans la période récente : en dépit des vagues de décentralisation et de
l’autonomie reconnue aux collectivités dans le domaine budgétaire, les travaux révèlent que, par
divers biais, le local reste sous surveillance et sous contrôle. Les incitations financières, les
compensations fiscales, la progressive « nationalisation » de différentes contributions,
l’accompagnement des services financiers locaux par les représentants des services déconcentrés…,
pointés dans maints travaux, attestent d’une présence étatique marquée, qu’elle soit directe ou
indirecte. Les changements – relatifs - dans ces positionnements continuent à susciter l’intérêt des
chercheurs et à donner lieu à des publications.
41
Suite au repérage des zones d’ombre, rompant avec les points de vue thématisés tels qu’adoptés pour la
constitution de l’état des lieux, des pistes transversales de recherche sont esquissées. Ceci conduit à la
formalisation de 6 axes complémentaires, susceptibles de structurer des travaux à venir.
- Le premier axe est relatif aux dynamiques temporelles dans lesquelles sont inscrites les finances
publiques locales, inégalement prises en considération. Quand elles abordent ces aspects, les
analyses indiquent que le système financier se constitue principalement par sédimentation
progressive de dispositifs, par continuité plutôt que dans une logique de rupture. Certaines
publications font néanmoins état de discontinuités, de tendances majeures à l’œuvre, indicatrices
de renversements substantiels. En conséquence, des travaux ultérieurs pourraient (voire devraient)
analyser ces évolutions, inclure des approches longitudinales et apporter des éclairages additionnels.
Quel sens, par exemple, à la moindre évolution des recettes fiscales dans la période récente, à la
stagnation puis à la diminution des dotations de l’Etat au regard des tendances précédentes ? S’agit-
il réellement d’un changement de paradigme, comme il est fréquemment avancé, et à quoi imputer
cette évolution, sensible ?
- Un second axe a trait au couple institution/territoire et à l’attention à accorder à ces termes, au
prisme des différenciations territoriales et des inégalités.
Parmi les travaux consultés, nombre d’entre eux portent sur les différences entre collectivités (en
matière de richesse fiscale, de dépenses, etc.) et discutent des dispositifs de péréquation destinés à
réduire les écarts qui sont tenus comme inéquitables. L’espace et le territoire sont présentés comme
jouant un rôle central dans la génération des inégalités constatées. Ce qui invite à poursuivre, en
recherchant et en qualifiant les relations existant entre les spécificités des territoires, leurs
dynamiques et les finances administrées par les institutions qui en ont la charge.
L’un des enjeux réside dans la recherche des traits qui, finalement, sont communs et ceux qui
différencient les finances et les territoires, et selon quelles combinaisons. En particulier, sont-ils
propres au domaine fiscal et financier ou les catégorisations établies (en termes de développement
territorial, de dynamique urbaine, etc.) trouvent-elles à s’appliquer ?
- Un troisième axe porte sur les relations interterritoriales, envisagées d’un point de vue fiscal et
financier. Les approches, « classiques » et fréquentes, traitant des interactions (verticales et
horizontales) entre niveaux de gouvernement n’épuisent pas la question des interrelations
financières entre ces entités. Ces dernières peuvent emprunter des canaux diversifiés (fonds de
concours, mutualisations, délégations…) et servir divers types d’objectifs (positionnement défensif,
cohésion, rationalisation…).
Aussi, de quels enseignements sont porteuses les formes de coopérations, d’arrangements
contractuels qui s’instaurent entre collectivités, à partir d’un substrat fiscal et financier ? Ces formes
non institutionnalisées peuvent-elles être vues non seulement comme des modes de remédiation et
d’apprentissages de nouvelles façons de faire mais également comme des révélateurs des tensions
propres aux organisations existantes ?
- Un quatrième axe traiterait de l’inventivité du local. Plus d’une recherche s’attache à mettre en
évidence, puis à analyser, le potentiel de création présent dans les collectivités et se manifestant
dans la gestion de leurs finances, au point que l’on puisse pratiquement faire état d’un « bricolage
interstitiel », pouvant déboucher sur des dispositions innovantes.
Quelles adaptations ou solutions inédites apparaissent localement, dans quels contextes et peut-on
réellement estimer que ce sont des innovations ?
- Un cinquième axe ferait référence aux pratiques, réunissant ou opposant les acteurs concernés par
les finances des collectivités. Parallèlement à des objectifs politiques, les référentiels de la rigueur,
de la performance, de la rationalisation… parcourent la gestion et les budgets locaux. Les recherches
consultées indiquent que les objectifs sous-jacents, les pratiques qu’ils induisent sont rarement
42
partagés de façon similaire par les diverses parties prenantes (élus, directions techniques ou autres,
services déconcentrés, juridictions administratives…). Quels arrangements ou quelles tensions en
résultent dans les processus de décision, dans la gestion courante, dans les priorités et dans le
partage des tâches ? Sous le poids d’une technicisation ou d’une politisation éventuelles, les relations
aux usagers, contribuables et financeurs en sont-elles modifiées ?
- Un sixième axe aurait finalement trait aux paradigmes qui pourraient être au fondement de la
mobilisation des ressources locales et de leur utilisation. Celles-ci sont guidées par des principes
(budgétaires, comptables, juridiques…), tenus comme intangibles. Des considérations en termes
d’efficacité, d’équité, de durabilité ou de soutenabilité mais également de rationalisation ou
d’optimisation guident également les usages. Ailleurs, ces derniers s’organisent autour d’enjeux
partenariaux, de transparence, d’acceptabilité et de démocratie…
Finalement, quelle est la grammaire entourant les finances publiques locales dans l’action et celle
employée pour leur analyse dans les travaux de recherche qui leur sont dédiés ? Ces référentiels
coïncident-ils ?
Des déclinaisons de ces axes sont ensuite proposées, à titre d’exemples et de prolongements, pour trois
objets pouvant justifier de travaux à venir : l’un a trait à la fiscalité locale, l’autre à quelques dimensions
territoriales des finances locales et l’autre enfin, aux pratiques et métiers dans le domaine. Il reste que ces
déclinaisons et ces prolongements demanderaient à être consolidés, à être davantage ancrés dans un ou
plusieurs corpus théoriques avant de constituer de potentiels substrats d’agendas de recherche.
43
2-Projets et contributions à des programmes scientifiques, contrats de recherche
Ces travaux se sont déroulés entre 2006 et 2008. Ils ont été réalisés par S. Guelton, M.- P. Rousseau74 et
F. Navarre, alors membres du laboratoire CRETEIL. Ils ont donné lieu à la remise de rapports au PUCA ([44],
[46])75, à la valorisation sous forme de publication d’un ouvrage collectif [4]76. Des prolongements ou
compléments ont été apportés par la suite ([16], [17], [39], [40]).
La nécessité d’investigations dans le domaine mentionné est née de constats partagés. Ceux-ci ont
notamment trait aux difficultés rencontrées par les économistes lorsqu’ils tentent de produire des
connaissances transversales relatives aux opérations d’aménagement, surtout lorsque ces dernières
s’avèrent complexes. Chacune d’entre elles apparait finalement comme un cas singulier. Pour les unes
comme pour les autres, en particulier, quels périmètres spatiaux, temporels et d’acteurs envisager ? Les
effets directs et indirects débordent fréquemment des contours opérationnels pour s’étendre aux territoires
avoisinants. S’ils se manifestent lors des phases de réalisation, ces impacts apparaissent aussi dans la durée,
engageant à ne pas se focaliser uniquement sur les seuls coûts immédiats et ressortant des opérations
proprement dites. Les collectivités locales, de par leurs compétences, sont impliquées – financièrement -
dans les opérations ainsi que dans leur gestion mais elles ne sont pas les seules parties prenantes. Importent
alors, pour une vision d’ensemble et une appréhension réaliste, les enjeux économiques tenant à la présence
et à l’implication d’une multitude de partenaires, allant des propriétaires fonciers, aux opérateurs de
l’aménagement en passant par les promoteurs et ce, sans omettre les destinataires finaux des opérations.
Comment par ailleurs rendre ces analyses intelligibles et acceptables, au sein des productions accompagnant
les réalisations urbaines quand, tout en étant indispensables compte tenu des pressions constantes sur les
ressources (publiques), les approches économiques ne sont pas tenues comme premières et peuvent même
s’avérer « clivantes » ?
Les aménageurs, constructeurs et intervenants dans les opérations ont par ailleurs une position ambiguë : ils
sont soucieux de leurs intérêts, de l’atteinte de leurs équilibres instantanés, du maintien ou du
développement de leur modèle économique, ce qui est à même de susciter des fonctionnements cloisonnés,
voire opaques. La préservation de leur activité, telle qu’elle leur importe, voire même son essor, suppose
pourtant une ouverture, une prise en compte des enjeux d’ensemble comme des intérêts qui se déploient
en amont autant qu’en aval de leurs interventions. Quelles articulations, voire tensions éventuelles,
apparaissent finalement et comment la mise en partage de connaissances peut-elle contribuer à des
fonctionnements plus transversaux ?
73 Cf. entre autres : Lacour C., Perrin E., Rousier N., Tilmont M., Pouyanne G., Wiel M., Guengant A., Gaschet F., Aguilera A., Zuindeau
B., Prenelle J., Maurice J. Janvier Y., Renard V., Priron O., 2005, Les nouvelles frontières de l'économie urbaine, éd. de l'Aube, La Tour
d'Aigues, 266 p.
P. Aubertel et N. Rousier étaient alors particulièrement sensibilisés à ces aspects.
74 Les deux chercheures avaient déjà réalisé des travaux en lien avec la thématique. Cf. entre autres : Guelton S., Rousseau M.-P.,
2001, Le bilan global d’une opération d’aménagement, Rapport pour le Club Ville et Aménagement, np.
75 Une synthèse du programme a été établie par le PUCA ; elle est disponible à l’adresse :
http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/PPlan16_economie_amenagement.pdf
76 Une recension de l’ouvrage est disponible à l’adresse :
https://journals.openedition.org/cybergeo/25242 (https://doi.org/10.4000/cybergeo.25242)
44
De façon à donner de la substance à ces constats, à éclairer ces enjeux et à produire des connaissances
afférentes, le programme comportait plusieurs opérations de recherche distinctes mais complémentaires.
Ainsi, les réalisations ont consisté à :
- Dresser un état des lieux des travaux (d’étude et de recherche) disponibles au regard de trois grands
axes thématiques retenus après échanges entre les chercheurs et les représentants du PUCA. Ces
axes sont : l’économie interne des opérations d’aménagement (principalement pris en charge par
S. Guelton) ; l’économie des processus d’urbanisation (principalement réalisé par F. Navarre) ; la
contribution de l’aménagement au développement économique local (principalement placé sous la
responsabilité de M.- P. Rousseau).
Un bilan structuré des productions dans ces différents domaines était en effet propice à repérer les
façons dont les économistes s’étaient saisi des dimensions sous-jacentes relatives au partage des
tâches, des coûts et des bénéfices, dans un jeu d’échelles et de temporalités variables.
- Organiser trois séminaires réunissant des chercheurs et des acteurs professionnels pour mettre en
débat questions, méthodes et résultats apparus lors de l’étape précédente.
L’objectif était de disposer par là même d’un matériau analytique additionnel et surtout, de tester la
sensibilité des participants à une approche transversale, intégrée des dimensions économiques de
l’aménagement. L’ambition, comme le symbolise le titre de l’ouvrage final, consistait bien à
contribuer à une réflexion théorique qui soit utile aux praticiens.
- Mener une démarche active de mobilisation d’enseignants et d’étudiants afin de percevoir comment
les approches économiques étaient intégrées dans les formations en aménagement, urbanisme et
développement local. Finalement, le manque de prise en compte des dimensions économiques dans
les opérations d’aménagement, les difficultés d’échanges en la matière entre les professionnels
impliqués ne tiendraient-ils pas à une sensibilisation encore restreinte des acteurs à ces dimensions
dans les cursus professionnalisants ?
Parmi les résultats, l’un d’eux a trait à la littérature (scientifique et dite grise) relative à l’axe thématique
portant sur l’économie de l’aménagement et sur les processus d’urbanisation.
L’analyse des travaux fait apparaître plusieurs générations successives de productions. En lien avec les vagues
d’urbanisation des années 60-70, marquées par une présence massive des puissances publiques peu rôdées
à ce type d’interventions, les publications portent principalement sur les dépenses de ces acteurs publics en
matière de réalisation d’équipements collectifs (notamment primaires), alors indispensables. Dans les
années 80-90, les préoccupations changent : les questionnements et les évaluations – économiques –
portent sur les alternatives entre densification des tissus constitués et étalement urbain. Simultanément
s’opère une évolution dans le référentiel d’évaluation, passant progressivement de la notion de dépense à
celle de coût (cherchant alors à intégrer et à monétariser des effets directs et indirects, sociaux comme
environnementaux).
Durant l’une comme l’autre des deux périodes, et recevant des réponses variables, des questionnements
récurrents traversent la littérature : ils portent sur les relations entre les coûts d’urbanisation et la taille des
villes, entre ces coûts et la densité (appréhendée de différentes façons) des ensembles construits.
L’analyse des travaux conduit à souligner des verrous informationnels récurrents, notamment pour les
collectivités maîtres d’ouvrage, tenant à leur comptabilité et à la scission opérée entre opérations
d’investissement et charges récurrentes de fonctionnement, les unes et les autres contribuant pourtant aux
coûts de l’urbanisation et de l’aménagement. Reste également posée la question de la nature même des
coûts à évaluer : s’agit-il par exemple du coût effectif des opérations allant jusqu’à la construction du
45
logement ou bien de celui occasionné par la présence et le mode de vie d’habitants dans tel ou tel type
d’espace urbain ?
La contribution au programme d’ensemble a rendu possible une analyse de travaux portant simultanément
sur les finances publiques locales et sur leur prise en compte au titre des développements urbains, quand
cette mise en perspective est peu fréquente. Elle a encore été l’occasion d’inscrire ces éléments dans une
nécessaire mise en partage, réalisée par l’équipe de recherche comme développée en son sein, à la faveur
des échanges avec les représentants du PUCA comme avec les participants aux différentes étapes du
protocole de travail. Ce qui a contribué à l’instauration – progressive – de relations entre recherche et action,
entre dimensions théoriques et opérationnelles. A l’issue, il demeure que l’économie de l’aménagement,
objet inédit et non référencé en tant que tel, reste à positionner au sein des sciences économiques dans leur
ensemble, au sein encore de leur référentiel analytique ainsi, plus précisément, qu’au regard d’approches
voisines, avec lesquelles elle entretient d’ailleurs des similitudes voire des superpositions (l’économie
publique ou l’économie publique locale, l’économie urbaine ou régionale, l’économie immobilière…).
46
2-2-Projet portant sur « La tarification de la restauration scolaire et sa gratuité »
En 2007, le PUCA a lancé une consultation, initiant un programme de recherche intitulé « La citoyenneté
urbaine, formes d’engagement et enjeux de solidarité ». L’un des objectifs du programme était de rompre la
« dichotomie existant dans les approches scientifiques entre celles qui s’attachent aux logiques d’action des
‘gouvernants’ et celles qui essaient de prendre en compte le point de vue des ‘gouvernés’ » 77. L’un des
enjeux, avec les travaux escomptés par le PUCA, était de disposer d’analyses consacrées à la construction et
au déploiement de la citoyenneté, dans ses différentes manifestations. Le texte de la consultation accordait
par ailleurs une place spécifique à la citoyenneté fiscale, aux différences financières entre collectivités
auxquelles les citoyens sont confrontés.
Nous avons répondu à cette consultation, proposant un travail intitulé « Consentement à l’impôt ou au tarif ?
Des visions contrastées de la solidarité locale », avec une déclinaison particulière portant sur la tarification
de la restauration scolaire (en écoles primaires). Ce travail a donné lieu à la remise (en 2009) d’un rapport au
PUCA [45], puis à la rédaction d’un chapitre dans un ouvrage collectif [26].
E. Vittu, chercheuse associée au Lab’Urba, a durant 3 mois participé aux travaux et à la phase d’enquête.
La restauration scolaire nous a semblé un cas de figure approprié pour aborder les questions de
citoyenneté. Il s’agit en effet d’un service administratif et social fourni par les collectivités, pour lequel ces
dernières ont la possibilité d’instaurer un paiement de la part des bénéficiaires. Aucune disposition ne
contraignant à l’équilibre budgétaire du service, les versements provenant des usagers sont en général
inférieurs aux coûts de production des repas proposés aux élèves. Une part du financement des prestations
provient en conséquence du budget de la collectivité, principalement alimenté par les contribuables locaux.
Dans chaque commune, les décideurs disposent de latitudes pour arbitrer quant à la part respective des
recettes tarifaires et des compléments requis. Par ailleurs, bon nombre de localités pratiquent des tarifs
différenciés en fonction des capacités de paiement des familles. Le système de tarification induit de la sorte
des redistributions financières ou des transferts entre usagers, entre usagers et contribuables. Ce qui fait
notamment écho à la citoyenneté dite fiscale et à son acceptabilité, au consentement à l’impôt, notamment
en tant que condition nécessaire à des formes de solidarité.
En 2007, une proposition de loi visant à instaurer la gratuité dans la restauration pour les élèves des écoles
primaires a suscité un tollé de protestations, émanant notamment de maints ‘gouvernants’. Entre autres, la
perte de recettes tarifaires signifiait la nécessité d’un recours accru à l’imposition et partant, l’émergence de
potentielles tensions. L’actualité révélait de la sorte que l’exercice de la citoyenneté fiscale et celui de la
solidarité - entre catégories de payeurs et d’usagers - n’allaient pas de soi.
Nous nous sommes saisi de ce cas de figure, non pas pour nous centrer sur les enjeux relatifs à la gratuité
des services publics locaux en tant que telle, mais bien en vue de considérer la tarification du service retenu
(voire l’absence de paiement), en l’inscrivant dans un champ de tensions à la fois politiques et sociales, sur
fond de justifications économiques et budgétaires.
Quels sont alors les arguments fondant les décisions de ceux qui établissent la tarification ? Quels éléments
de réalité les décideurs mobilisent-ils pour donner forme et contenu à leur vision de la solidarité, au nom de
la mission citoyenne et politique dont ils sont investis ? Conjointement, quelles sont les réactions de ceux qui
fréquentent ce service et qui acquittent (ou non) des paiements ? Représentations et argumentaires des
‘gouvernants’ et des ‘gouvernés’ trouvent-ils à s’accorder ou bien observe-t-on des tensions dans les
acceptions respectives accordées à la citoyenneté, à la solidarité ?
47
Parallèlement à un travail conceptuel/théorique concernant la tarification des services publics locaux, nous
avons établi un protocole méthodologique nous donnant explicitement accès aux arguments mobilisés par
les élus locaux ainsi que par les membres de leurs services afin de justifier leurs choix en matière de
tarification, tout en nous fondant sur des évaluations quantitatives indicatrices des impacts des dispositions
retenues pour les usagers et redevables.
A ces fins, nous avons défini un échantillon significatif d’une centaine de communes franciliennes
(représentatives des situations-types au regard de divers éléments de contexte susceptibles de donner un
tour particulier au mode local de tarification, à savoir : la richesse fiscale potentielle de la collectivité, les
revenus de la population résidente, les appartenances partisanes des élus, la présence de catégories
intermédiaires). Pour ces communes, des informations concernant les dispositions tarifaires adoptées pour
la restauration scolaire (entre gratuité, tarif unique et modulation des prix sur la base des situations
familiales) ont été collectées. Les données réunies, rendant compte des dispositions en vigueur au cours de
l’année scolaire 2007-2008, ont donné lieu à une mise en forme systématique et comparative. Ainsi disposait-
on, commune par commune, d’un support objectivant, pour des situations familiales choisies, le poids entre
les tarifs acquittés et les ressources des ménages (alors dénommé taux d’effort).
La mise en perspective de ces informations a conduit à repérer des configurations communales et tarifaires
s’écartant peu des traits généraux ou bien, au contraire, d’autres présentant des spécificités. Des entretiens
semi-directifs ont été réalisés dans les différents types de communes, soit avec les élus en charge du
domaine, soit avec les responsables du (des) service(s) impliqué(s). L’objectif de ces rencontres était triple. Il
consistait en premier lieu à conduire les personnes rencontrées à expliciter les options retenues en matière
de gestion et de tarification du service, leurs évolutions récentes ou envisagées. En second lieu, il s’agissait
de mettre en regard les points de vue exprimés, les justifications et/ou rationalisations prévalant en termes
de solidarité et de citoyenneté, et la réalité de la politique tarifaire adoptée. En troisième lieu, on visait à
recueillir l’opinion des personnes rencontrées vis-à-vis de la gratuité du service, en tant que figure
condensant les représentations.
En vue d’appréhender le point de vue spécifique des ‘gouvernés’, des entretiens ont été réalisés auprès des
représentants de fédérations de parents d’élèves, des enquêtes directes auprès de parents dans diverses
villes n’ayant pu être effectuées78.
78 Les élus sollicités, dans diverses collectivités, s’étant opposés au principe d’une enquête dans leur ville.
48
2 communes ont opté pour la gratuité et l’ont maintenue (en dépit des difficultés de tous ordres que
suscite cette modalité).
- Selon les communes, les dispositifs tarifaires instaurent plus ou moins de redistribution ou de
transferts. Dans la mesure où, le coût (moyen) de production d’un repas dépasse largement le prix
(moyen) auquel il est facturé79, le système apparait comme favorable aux usagers du service dans
leur ensemble, à ceux qui acquittent les tarifs les plus faibles en particulier. Toutefois, la portée de
ce constat est à nuancer selon la forme de la relation s’établissant localement entre les taux d’effort
des familles et l’importance de leurs revenus.
Apparaissent ainsi plusieurs groupes de communes : celles pour lesquelles la politique tarifaire peut
être qualifiée de progressive (le taux d’effort estimé augmentant continument avec le revenu) ;
celles dont la politique tarifaire peut être tenue comme régressive (le taux d’effort diminuant avec
le revenu) ; celles où la politique tarifaire apparait comme progressive-régressive (le taux d’effort
progressant dans un premier temps avec le revenu puis diminuant) ; et enfin, un sous-groupe de
localités avec une politique tarifaire atypique (combinant divers cas précédents).
Que ce soit en raison de dispositions héritées, d’ajustements successifs ou de choix récents, les
incidences des politiques tarifaires pour ceux qui ont à acquitter des paiements comme pour les
collectivités bénéficiaires des produits diffèrent, faisant diversement jouer les ressorts du
financement par l’impôt et de la solidarité.
- Les points de vue des gouvernants diffèrent eux aussi nettement, lorsqu’ils s’expriment à propos des
pratiques en place dans leur localité. Au-delà de cette diversité, il est fait état d’une attention à la
satisfaction des usagers, à la mission éducative assignée à la restauration scolaire. Les conditions
tarifaires sont conçues comme participant de ces objectifs et comme devant être modifiées avec
circonspection, des changements d’ampleur risquant de mettre à mal le fonctionnement en vigueur
et de générer des mécontentements, notamment pour les catégories dites « moyennes » d’usagers
ou de contribuables. Le dispositif en place est somme toute estimé comme étant globalement
satisfaisant, dans la plupart des cas même s’il comporte des défauts. Il est bien souvent tenu comme
juste ou comme équitable et ce, même si la représentation objectivée des taux d’effort indique qu’il
n’en va pas ainsi.
- Sur le plan pratique, dans la quasi-totalité des cas, une attention majeure est accordée aux modalités
de perception des tarifs et à l’établissement de ces derniers, leurs conditions de proportionnalité ou
d’équivalence avec les dépenses à financer étant quant à elles peu ou pas prises en compte. Le
contribuable et la citoyenneté fiscale ne font-ils pas alors les frais de cette dissymétrie ?
- ‘Gouvernés’ et ‘gouvernants’ développent des arguments analogues lorsqu’ils prennent position
contre la gratuité, qui fait quasiment l’unanimité contre elle. Elle génèrerait injustice, irresponsabilité
et devrait uniquement être exceptionnelle, attribuée face à des situations d’extrême difficulté. Une
tarification sociale ne recueille pas davantage d’avis positifs. La solidarité est en quelque sorte
renvoyée vers des dimensions individuelles ou individualisées.
- Un cas de mobilisation collective des ‘gouvernés’, suscitée par des changements majeurs dans le
dispositif de tarification en place, a pu être analysé. Il apparait que la mobilisation en question s’est
avérée peu intense, qu’elle a principalement été le fait de parents déjà engagés dans l’action
collective, voire militante. Tout se passe comme si, en tant que telle, la tarification de la restauration
scolaire demeurait un « enjeu de second ordre », comme si elle cristallisait des oppositions latentes
davantage qu’elle ne les créait.
79
Selon nos estimations, le coût moyen est proche de 8 €, le prix moyen de 3 €
49
L’attention accordée aux dispositifs, aux prises de positions des ‘gouvernants’ a prévalu sur celle portée aux
représentations des ‘gouvernés’. A sa façon, la recherche effectuée apporte des éclairages qui n’épuisent
bien entendu en rien les questions relatives aux complémentarités et aux substitutions entre impôts et tarifs,
aux figures des usagers, voire aux clients, des services publics locaux, au rôle incitatif que peut revêtir la
tarification, à ses dimensions sociales…
50
2-3-Projet portant sur « L’implication financière des intercommunalités dans le domaine des
politiques de l’habitat »
Le PUCA s’est de tout temps montré attentif à la coopération intercommunale et à son évolution. Suite à
diverses initiatives et travaux, il a lancé, en 2009, une consultation intitulée « L’intercommunalité à l’épreuve
des faits »80. Afin de rompre avec les recherches effectuées antérieurement, les termes de la consultation
laissaient entendre la nécessité d’analyses dédiées aux « mesures effectives prises par les intercommunalités
dans le champ de politiques publiques », ainsi que le besoin d’investigations portant « sur les ressources
mobilisées, en particulier les ressources financières » dans le cadre des actions intercommunales.
En écho avec ces attentes, en composant avec les compétences- voire avec les spécialisations - présentes au
sein du Lab’Urba, sur la base des travaux réalisés et des démarches en cours, nous avons établi puis soumis
une proposition de recherche portant sur « L’implication financière des intercommunalités dans le domaine
des politiques de l’habitat ». Le rapport final a été remis au PUCA en 2010 [41].
Le projet a été conduit par une équipe constituée, pour le volet « politiques locales de l’habitat », de
J.- C. Driant, M. Cordier, M. Le Hervet81, et pour celui de « l’économie et des finances locales », de S. Guelton,
M.- P. Rousseau et F. Navarre (resp. scientifique).
La proposition était structurée par des questionnements majeurs. En particulier, quels sont les efforts
financiers effectivement déployés par les intercommunalités pour les politiques de l’habitat qu’elles
construisent en propre et auxquelles les Programmes Locaux de l’Habitat (PLH) servent de cadres de stratégie
et d’action ? Comment ces efforts se déploient-ils, dans quelles combinatoires d’instruments et de
partenariats ? Les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), ou leurs représentants, se
posent-ils la question de l’efficacité de leur implication et comment peut-on envisager cette délicate
évaluation ? Quels sont encore des freins et des leviers, susceptibles d’affecter l’effectivité de leur rôle et
notamment, celui de « chef de file » qui leur a été progressivement dévolu ?
De façon à apporter des éléments de réponse aux questions évoquées, des études de cas ont été conduites
pour trois terrains, choisis de façon raisonnée (selon la nature de la coopération intercommunale et en
fonction du degré de prise en charge de l’habitat par le pouvoir d’agglomération)82. Ces terrains sont : la
Communauté d’Agglomération de Mantes en Yvelines (CAMY), la Communauté d’Agglomération de Rouen
(CAR), la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD). Les faits relatifs à ces trois communautés possèdent
principalement une vocation heuristique et ne visent pas à servir des comparaisons à proprement parler.
Une campagne d’entretiens (auprès des décideurs locaux et des membres des services concernés, des
opérateurs impliqués dans la production de logements…) a été conduite afin de recueillir le matériau
empirique requis. Par ailleurs, les documents comptables locaux ne se prêtant pas au repérage puis à la
comptabilisation des flux financiers relevant de politiques sectorielles des collectivités, une méthode a dû
être construite et testée afin d’évaluer les dépenses (et les recettes) des intercommunalités étudiées pour la
conduite de leurs politiques de l’habitat.
80 Des éléments synthétiques concernant la genèse du programme et son contenu sont disponibles à l’adresse :
http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/intercommunalite-a-l-epreuve-des-faits-2008-2012-a273.html
81 M. Cordier et M. Le Hervet étaient alors doctorantes, sous la direction de J.-C. Driant.
Cordier M., 2011, De la politique du logement aux politiques locales de l'habitat : l'apprentissage de l'action collective négociée,
Université Paris Est, 519 p
Le Hervet M., 2013, Les politiques de l'habitat à l'épreuve de la fragmentation métropolitaine. Le cas de l'Ile-de-France, Université
Paris Est.
82 L’accord de leurs représentants (quant à leur position en tant que terrain d’enquête) devant en tout état de cause être obtenu dès
51
A l’issue des explorations, quelques constats majeurs peuvent être formulés :
- Les dépenses des intercommunalités (étudiées) en matière d’habitat sont modestes : selon les
évaluations effectuées, elles représentent tout au plus 4% du budget communautaire et au
maximum, une vingtaine d’€ par habitant. La plus ou moins grande aisance financière de
l’intercommunalité, sa situation fiscale ou budgétaire n’apparaissent pas déterminantes. On peut
formuler l’hypothèse que les particularités des contextes, celles des arrangements conclus
localement influent sur les montants, sans toutefois modifier la portée du constat. Malgré une
montée en puissance, les politiques en question restent peu dépensières.
La faible importance constatée est surprenante dans son décalage avec l’accent politique placé sur
le domaine du logement, avec l’affichage dont il est l’objet. Faut-il voir là un marquage par les
rouages hérités du passé, largement centralisés, que les intercommunalités, de génération récente,
ne peuvent aller jusqu’à bouleverser ? Compte tenu de la modicité des montants, comment
interpréter l’argument financier, souvent invoqué comme un empêchement à une implication dans
le domaine ?
- Les montants en jeu ne contribuent alors pas à augmenter sensiblement les volumes consacrés, par
exemple, au financement de la production du logement social. L’observation détaillée d’opérations
illustratives le confirme, mettant en relief le poids – encore limité - des apports communautaires.
Ces derniers ne servent pas, ou alors rarement, à jouer un effet de masse. Intervenant à la marge
financièrement, ils ont principalement un effet d’impulsion ou d’incitation (à la réalisation des
logements « les plus sociaux », au respect de critères environnementaux, à l’engagement d’autres
financeurs…), ou encore de levier (dans les opérations de réhabilitation, dans les dispositifs
d’accession sociale à la propriété, dans le déclenchement d’avantages financiers et/ou fiscaux
indirects…).
- Plus avant, l’on pourrait tenir la participation financière des intercommunalités, distribuée dans une
pluralité d’instruments et de segments d’action, au sein d’un maillage dense de relations et
d’engagements multi-partenariaux, comme répondant aux tentatives déployées par les EPCI afin
d’être visibles, présents, au cœur des dispositifs, afin de devenir les interlocuteurs privilégiés de leurs
partenaires et d’orienter les initiatives, dans un sens conforme à leurs objectifs.
Ce positionnement ne va pas de soi ; il se construit sur le mode progressif et ne décline pas partout
de la même façon. Les dispositifs et les partenariats, établis ou en cours d’établissement, diffèrent
selon les intercommunalités. Les observations indiqueraient d’ailleurs que l’implication financière
communautaire est inversement proportionnelle à l’affirmation du rôle de l’EPCI83. L’implication
financière participerait de cette édification de l’intercommunalité, pour l’effectivité de son rôle de
« chef de file », entendu comme imposant ses vues sans pour autant organiser toutes les actions.
- D’après leurs représentants, les intercommunalités (étudiées) ne se posent pas réellement la
question de l’efficacité de leur implication financière, tout comme elles définissent rarement une
stratégie financière en lien avec leur politique de l’habitat. La diversité et le grand nombre des
segments d’action s’opposent à une évaluation effective ainsi qu’à une élaboration stratégique. Les
compétences – internes ou externes - mobilisées pour l’élaboration des PLH ne servent pas ces fins
d’articulation, valant par ailleurs rarement en matière d’aménagement. La division des tâches (entre
services chargés des politiques sectorielles et services financiers), telle qu’elle perdure, contribue
vraisemblablement à cet état de fait. Les incertitudes pesant sur les financements publics locaux
(manque de visibilité quant aux incidences de la réforme de la taxe professionnelle, fléchissements
des dotations étatiques, rôles et découpages institutionnels en mutation…), alliées à une maturation
83 Elle est par exemple forte à la CAMY (qui joue d’ailleurs le rôle de partenaire davantage que celui de « chef de file »), en progression
à la CAR (quand celle-ci cherche simultanément à s’affirmer en tant que communauté), et moindre à la CUD (à laquelle rien ne
servirait de recourir à des fonds supplémentaires).
52
et à une rationalisation progressive, conduisent néanmoins, au sein des trois sites à l’étude, à poser
les questions évaluatives et celles relatives aux moyens en termes renouvelés, à leur accorder une
importance certaine et ce, indépendamment de la plus ou moins grande aisance financière de l’EPCI
et de l’abondance des ressources locales.
- Pour être efficace, les interlocuteurs soulignent que la mobilisation financière communautaire doit
compter avec des leviers dépassant le seul domaine de l’habitat. Importent ainsi les stratégies
développées par ailleurs (ou leur absence). Le domaine foncier est en ce sens central. Il l’est au titre
des sommes mobilisées et aussi, au regard du partage des tâches qu’il suppose, entre communes,
intercommunalités et Etablissements Publics Fonciers, tiers partenaires dans des équilibres subtils et
difficiles à ménager.
- On relève également des freins à un surcroît d’efficacité de l’implication financière intercommunale.
L’expertise (pour la programmation, le suivi, l’évaluation…) n’est pas toujours mobilisée. En outre,
des montants, même augmentés, ne parviendraient pas à réduire les tensions propres aux marchés,
dépendantes de la conjoncture, de l’offre et de la demande sur le plan immobilier. Les initiatives,
même soutenues, butent encore sur des questions liées à la solvabilité et à la solvabilisation des
ménages, dont la résolution n’est pas d’essence locale. Les perspectives financières ne peuvent alors
pas être « autonomisées » mais demandent au contraire à être contextualisées. Ce qui conduit
encore à souligner des limites du rôle de « chef de file ».
Le travail initié se fixait des fins exploratoires. Les pistes de réflexion qu’il suggère demanderaient à être
poursuivies, approfondies, à l’occasion d’autres recherches. Ainsi pourrait être envisagée la production de
comptes locaux du logement. Mesurant les flux entrants et utilisés au sein du périmètre communautaire pour
les besoins de l’habitat, ces comptes feraient apparaître le poids financier effectif des EPCI, au sein de des
financements mobilisés, incluant l’ensemble (ou l’essentiel) de leurs multiples partenaires.
Par ailleurs, les sites d’études retenus se sont révélés très contrastés, et probablement trop marqués par des
effets de contexte. Il est ainsi difficile de faire la part revenant aux spécificités, celle relevant de tendances
d’ensemble. Le mode de quantification des dépenses étant maintenant éprouvé, la démarche pourrait être
étendue à un échantillon plus fourni d’intercommunalités, à configurations (relativement) homogènes. Les
explorations confirmeraient ou infirmeraient les avancées concernant la faiblesse constatée des moyens
mobilisés, leur utilisation au service de la consolidation et du renforcement de l’intercommunalité, etc., tout
autant que les éléments d’analyse formulés et les hypothèses sous-jacentes.
Enfin, il pourrait être proposé d’étendre la démarche mise en œuvre (y compris en l’amendant) à d’autres
domaines de politiques sectorielles : si l’implication financière des intercommunalités au service de leur
politique de l’habitat sert à conforter leur positionnement en tant que « chefs de file », est-ce spécifique à
ce secteur d’intervention ? Les intercommunalités s’impliquent-elles financièrement et s’affirment-elles de
façon semblable ou contrastée dans d’autres domaines d’action ? Quels sont alors ceux sur lesquels elles
portent leur prédilection ou ceux qui nécessitent davantage de moyens ?
Ce sont, semble-t-il, des interrogations engageant vers diverses explorations (et dont la liste n’est pas
exhaustive), à même de ménager des avancées quant à l’effectivité du fait intercommunal, à l’épreuve des
réalités, sur la base d’une entrée formulée en termes de finances publiques locales. L’analyse – territorialisée
– de ces dernières, en lien avec la conduite d’un domaine singulier de l’action publique locale et
intercommunale, a par ailleurs contribué à notre réflexion d’ensemble sur cette intrication, telle qu’elle se
manifeste peu ou prou dans les réalités observées, telle qu’elle peut être abordée d’un point de vue
scientifique.
53
2-4-Projet portant sur « Les sites patrimoniaux exceptionnels en tant que ressource pour les
territoires »
Après diverses réalisations préalables, le PUCA a lancé, pour la période 2013-2019, un programme de
recherche intitulé « Sites exceptionnels et développement équilibré des territoires »84.
Dans les faits, les sites patrimoniaux exceptionnels et les territoires dans lesquels ils sont situés sont
parcourus de tensions. En raison de leur forte renommée, les sites attirent logiquement des passants et des
visiteurs en grand nombre ; ces flux et cette présence contribuent incontestablement au développement
local. Simultanément, les sites et leurs territoires d’appartenance sont bien souvent fragiles. Une sur-
fréquentation risque de conduire, voire même conduit, à leur dégradation ; il en résulte des coûts
d’aménagement, voire de réparation, que les collectivités locales impliquées peinent dans la plupart des cas
à financer, puisqu’elles ne bénéficient pas nécessairement de toutes les retombées positives provenant de
la présence des éléments patrimoniaux. Comment gérer et apaiser ces tensions ?
En conséquence, dans le cadre du programme et en vue d’une production d’analyses relatives à ces
thématiques, deux axes de travail autonomes structuraient la consultation de recherche lancée par le PUCA
en 2014 :
- Comment parvenir à un équilibre économique et financier de la gestion des sites ? L’éco-
responsabilité ouvre-t-elle de nouvelles voies pour l’avenir ? Comment inscrire ces questions dans
une approche de ces territoires locaux singuliers à caractériser en termes de développement ?
- Quelles sont les incidences liées aux limitations d’accès aux sites ? Est-il possible de mesurer la perte
d’accessibilité et ses conséquences sur le plan économique ? Comment trouver la juste mesure
permettant d’assurer la préservation du site dans son intégrité, tout en ouvrant l’accès au plus grand
nombre ?
Mentionnons d’ores et déjà que le périmètre des sites exceptionnels retenus et étudiés était délimité dès le
stade de la consultation : il s’agissait des sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESO (au nombre de 39
en France) et de ceux (au nombre de 31) figurant dans le Réseau des Grands Sites de France (RGSF), que
ceux-ci aient déjà fait l’objet d’une reconnaissance ou qu’ils donnent lieu à une Opération Grand Site (OGS)85.
Compte tenu des travaux déjà effectués, des centres d’intérêt et des partenariats antérieurement institués,
une équipe incluant plusieurs sensibilités disciplinaires a été constituée et a établi une proposition intitulée
« Les sites patrimoniaux exceptionnels en tant que ressource pour les territoires », en écho avec le premier
axe de travail proposé dans le texte de la consultation du PUCA.
M. Talandier, P.- A. Landel, N. Senil, membres du laboratoire Pacte, avaient déjà développé, à de multiples
reprises, des approches concernant les ressources territoriales et patrimoniales. Une association avec des
membres du Lab’Urba (J.- F. Ruault, pour ce qui relève du développement territorial ; L. Cormier, pour ce qui
a trait aux dimensions paysagères, fortement présentes dans les sites exceptionnels ; F. Navarre, pour les
aspects relevant des ressources et des charges financières des collectivités impliquées) permettait de
diversifier et de compléter les approches possibles. Des membres de la coopérative Acadie Réflex
(principalement P. Estèbe, M. Loisel) ont été intégrés dans l’équipe.
A l’issue des travaux, un rapport final a été remis au PUCA en 2017 [35]. Un ouvrage collectif a été produit
en 2019 [1]. Des articles scientifiques sont en cours de publication86.
84 Le descriptif synthétique du programme ainsi que les références des travaux préparatoires ou antérieurs figurent à l’adresse :
http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/sites-exceptionnels-et-developpement-equilibre-des-a258.html
85 Des représentants de l’UNESCO et du RGSF étaient membres du comité scientifique du programme.
86 Dont : Talandier M., Cormier L., Landel P.- A., Navarre F., Ruault J.- F., Sénil N., 2021, « Les sites patrimoniaux exceptionnels, Une
54
Nous restituons les éléments essentiels ayant structuré la proposition soumise au PUCA puis les points
majeurs apparus à l’issue de la recherche proprement dite.
Afin de dépasser les tensions ou antagonismes apparaissant avec les sites patrimoniaux exceptionnels et à
aborder les voies d’un développement territorial (plus) équilibré, l’équipe a proposé de mobiliser la notion
de ressource territoriale : les sites constituent des ressources potentielles pour les territoires ; une des
conditions pour qu’ils deviennent des ressources effectives réside dans la mobilisation des acteurs en vue de
leur valorisation et le territoire, alors organisé, devient lui-même une ressource pour le site.
Par définition ou par construction, les sites se jouent des limites administratives : ils sont pluri ou multi
territoriaux, voire extraterritoriaux ; les actions dont ils relèvent s’avèrent interterritoriales. Ce qui amène
indiscutablement à poser la question de leur gouvernance. En son sein, figurent en bonne place les
collectivités territoriales et notamment, les communes (dans lesquelles ils sont situés) et leurs
intercommunalités (à fiscalité propre), en raison de leurs compétences de proximité, ainsi que de leur rôle
(majeur) dans le domaine de l’aménagement et du développement économique. Importent alors les moyens
– notamment financiers – dont peuvent se saisir les décideurs locaux en vue de l’activation de la ressource
territoriale en question, ainsi que les charges leur incombant.
De façon plus précise, le positionnement du projet de recherche est sous-tendu par trois axes, posés
d’emblée au vu de la littérature scientifique existant sur le sujet, et emportant des conséquences
méthodologiques :
- le premier a trait aux tensions qui émergent entre les protagonistes ou porteurs des intérêts en
présence, que ce soit sur le plan économique, financier, social ou environnemental, à même de
freiner l’activation de la ressource. Seules des études de terrain peuvent permettre de mieux
comprendre ces jeux d’acteurs ;
- le deuxième tient aux enjeux, aux points de convergence ou de divergence sur ces divers plans, cette
intrication prenant nécessairement des déclinaisons particulières selon les types de sites et
également, selon les types de territoires dans lesquels les sites s’inscrivent. Ce qui nécessite de
développer une approche territorialisée et spatialement différenciée pour mieux analyser les
impacts des sites dans leur territoire.
- enfin, le troisième, en lien avec le fait de considérer les sites comme une ressource territoriale,
engage à prendre en compte la mobilisation effective des acteurs, ses conditions facilitatrices ou
celles l’entravant. Sont alors à interroger les modalités d’interrelations, de coordination, de
gouvernance et de cogestion des sites.
Afin d’explorer ces divers angles problématiques, nous avons mis en œuvre une enquête mixte, c’est-à-dire
quantitative (et conduite pour l’ensemble des sites) ainsi que qualitative (pour des terrains d’études ciblés).
Plus précisément, la démarche adoptée a été la suivante :
- Une approche typologique a été conduite pour l’ensemble des 70 sites retenus87 : la typologie socio-
économique, à laquelle étaient adjointes une typologie fiscalo-financière et une typologie
87 En distinguant 3 mailles territoriales emboîtées : la ou les communes dans laquelle (ou lesquelles) est situé le site, constituant le
périmètre le plus restreint au sein duquel le site patrimonial lui-même pouvait être appréhendé ; le ou les Etablissements Publics de
Coopération Intercommunale EPCI à fiscalité propre auxquelles appartiennent ces communes, représentant le territoire dans lequel
se manifeste le développement territorial imputable au site et aussi et également, celui où se prennent les décisions majeures
concernant sa gestion, l’aménagement requis ; les EPCI limitrophes à ce territoire, recueillant potentiellement les effets du
développement lié au site et surtout, servant de référentiel de comparaison pour l’évaluation d’éventuels faits territoriaux ; dans
chaque cas, les valeurs établies pour les communes et/ou EPCI sont comparées aux moyennes nationales valant pour leur catégorie.
La démarche est située : chacun des sites est ainsi examiné au vu des particularités du territoire dans lequel il s’inscrit, ce dernier au
regard des spécificités de ceux qui l’entourent.
55
environnementale ainsi que la prise en compte des caractéristiques morphologiques des sites
patrimoniaux ont conduit au choix de 7 terrains d’étude en France (le Bassin minier du Nord-Pas-de-
Calais, le Marais Poitevin, la Baie de Somme, le Canal du Midi, les Ocres du Roussillon, la Grotte
Chauvet-Gorges de l’Ardèche et le centre-ville reconstruit du Havre), retenus pour la phase
d’enquête qualitative.
- Celle-ci a également eu lieu dans 4 sites européens (situés en Allemagne, en Italie, en Suisse et en
Espagne) choisis par ailleurs, en tant que présentant des problématiques voisines à celles des sites
français enquêtés mais pour lesquels les approches et les politiques patrimoniales ne sont pas
analogues à celles valant en France. Un travail de benchmark a été également conduit au niveau
européen de façon à repérer des pratiques innovantes de gestion des biens patrimoniaux.
- L’enquête s’est déroulée par voie d’entretiens (une centaine) auprès des acteurs impliqués dans la
gestion des sites et/ou à même d’en percevoir les impacts, de repérer les tensions pouvant provenir
de leur présence et fréquentation, de faire état des enjeux (socio-économiques, environnementaux,
de gestion et de gouvernance) afférents.
- Une analyse quantitative systématique a été conduite afin de déterminer – d’un point de vue
statistique – les impacts socio-économiques et fiscalo-financiers des sites dans leurs territoires
d’appartenance.
- Une enquête par questionnaire a été menée auprès des gestionnaires des sites et une
expérimentation a été effectuée (sous forme de living lab)88 afin de repérer de potentielles pistes
d’innovation dans les intrications entre sites et territoires.
Hors même toute visée exhaustive, quelques-uns des principaux constats issus des analyses sont les suivants :
- D’un point de vue socio-économique, les sites et leurs territoires d’appartenance sont plutôt
dynamiques, avec une spécialisation touristico-résidentielle marquée, ne freinant cependant pas
l’essor d’activités d’intermédiation (tels les services aux entreprises…). Les traitements statistiques
confirment toutefois qu’il n’y a pas d’homologie stricte entre les caractéristiques du site et celles du
territoire lui-même (le Marais Poitevin, à vocation touristique, est par exemple situé dans un
territoire à vocation productive) : les effets de propagation, d’entrainement ou de complémentarité
entre site et territoire ne sont alors pas nécessairement identiques en tous lieux.
- L’analyse systématique des sites et des territoires fait apparaître différents types de combinaisons :
le site patrimonial exceptionnel peut ne constituer qu’une ressource territoriale parmi d’autres (par
exemple, s’agissant de sites présents dans des ensembles urbains ou dans des contextes touristiques
avec, dans ce dernier cas, un risque d’hyperspécialisation, potentiellement source de tensions) ; il
peut s’agir d’une ressource peu ou pas activée au sein du territoire (dans des espaces peu ou pas
dynamiques, tels les villes moyennes et leur patrimoine historique, faisant alors apparaître que la
présence de ce patrimoine, en dépit de l’attrait qu’il peut susciter, ne suffit à renverser des tendances
installées et/ou qui se jouent à d’autres échelles) ; il peut enfin représenter un levier potentiel de
développement pour le territoire (par exemple, lorsque les sites sont présents dans des territoires
productifs en déclin : la présence des éléments patrimoniaux insuffle alors une certaine dynamique,
contribue à un renversement d’image, à la reconstruction d’une identité).
- Les enquêtes révèlent, principalement dans le 3ème cas de figure, la volonté des acteurs locaux
d’inverser les tendances – négatives – à l’œuvre au sein du territoire, de se saisir du patrimoine pour
amorcer une stratégie de transition, de reconquête urbaine, d’ancrage dans les spécificités locales
tout en s’inscrivant dans les tendances plus globales du développement. Il reste à ménager la co-
existence des activités et des flux : la présence touristique, la reconquête des espaces par des
88 Elle a été prise en charge par R. Besson, chercheur associé au laboratoire Pacte.
56
résidences secondaires, l’essor de nouvelles activités quelquefois au détriment des anciennes, une
éventuelle gentrification, des pressions sur certains segments de l’immobilier… ne sont pas toujours
également appréciés des habitants en place voire des élus et ce, même si le site et le tourisme sont
sources d’emplois et de revenus. Les médiations internes et externes apparaissent alors comme
majeures et nécessaires.
- Entretiens et enquêtes révèlent les difficultés à concilier des temps courts (ceux du développement)
et du temps long (celui du patrimoine). D’ailleurs, la labellisation sous-entend une certaine
immobilité (voire quelquefois y enjoint), et ainsi à nier le passage du temps. Ce qui est d’ailleurs, un
mythe non opératoire puisque les paysages sont eux-mêmes évolutifs. L’impermanence (tenant par
exemple aux temporalités des mandats électoraux ou de gestion) se conjugue peu ou mal avec la
stabilité que nécessitent l’élaboration puis la mise en œuvre de stratégies en vue de conforter
l’attractivité, de réguler ses incidences, positives ou négatives. Sur le plan opérationnel, les
investissements, couteux et visibles, ceux que nécessitent les opérations de restauration, de mise en
accessibilité… sont réalisés quand, dans mains sites, les gestionnaires peinent ensuite à réunir les
moyens pour garantir la pérennité des réalisations et leur entretien courant.
- Les échanges avec les acteurs comme les explorations statistiques amènent à constater l’inertie des
situations financières comme celle des modes de gestion, autour de solutions territorialisées. Les
représentations locales convergent avec celles émaillant le débat public, faisant état d’un fort degré
de contraintes financières. Néanmoins, les analyses d’ensemble révèlent, sur la base de diverses
indications, que les marges de manoeuvre budgétaires des institutions locales impliquées ne sont
pas épuisées. La situation n’est pas alarmante. Contrairement à ce qui est fréquemment avancé, les
dépenses sont élevées, mais pas partout et pas de façon excessive. Une diversité des cas de figure
existe assurément ; elle est à l’image de celle qui vaut lorsque l’on considère l’ensemble des
territoires, de richesse et de santé financière variables. Les limitations, communes, portent
principalement sur l’inadaptation de la fiscalité locale aux réalités des contribuables et des territoires,
et bien souvent sur la frilosité des élus locaux à user du levier fiscal, en proportion de leurs projets
d’action. Le diagnostic demanderait à être étendu, en intégrant la situation des entités tierces
(syndicats…) impliquées dans la gestion aux côtés des collectivités et les activités prises en charge
par les délégataires auxquels il est fait recours89.
La présence d’un site patrimonial exceptionnel n’est pas systématiquement garante d’une
abondance ou de fortes valeurs des bases taxables ; à proximité du site, les différences de richesse
entre communes voisines peuvent être marquées. Des effets de rattrapage se manifestent ici ou là.
Cependant les situations fiscalo-financières sont peu évolutives dans le temps et les latitudes
budgétaires à venir sont largement dépendantes des situations territoriales ainsi que des choix
financiers antérieurs.
- Les acteurs déplorent l’enchevêtrement des normes (en matière d’aménagement et d’urbanisme, de
protection de l’environnement, etc.), entravant maintes possibilités d’actions ; simultanément, ils
reconnaissent leurs potentialités protectrices voire les appellent de leurs vœux afin de justifier un
certain immobilisme.
- La fragmentation institutionnelle est partout palpable. Les sites et leur gestion sont fréquemment
enfermés dans des logiques catégorielles : une segmentation est établie entre passants et résidents
et la conciliation des intérêts ne va pas de soi : tout en visant à accroître l’attractivité, à étendre les
saisonnalités, on cherche à maîtriser et à canaliser les flux. Les clivages entre acteurs publics et privés
perdurent, y compris dans les structures gestionnaires et il existe peu de variations autour de la
89Cette intégration et ses difficultés constituent des pierres d’achoppement de toutes les analyses locales. Le temps de la recherche
et le manque d’informations adaptées, leur dispersion, voire parfois les réticences à les communiquer, n’ont pas permis de lever ces
obstacles.
57
forme canonique des délégations de services. Pourtant les exemples étrangers indiquent que
d’autres formes de coopérations souples, articulées à des logiques de projet et ouvertes à la société
civile sont possibles.
- En dépit de la pesanteur des modes hérités de faire, des solutions nouvelles, voire innovantes,
expérimentales émergent, à côté de celles capitalisant sur l’existant. Elles contrarient la difficile
articulation des logiques temporelles, les effets de la fragmentation institutionnelle et les
segmentations entre les visions des catégories d’acteurs impliqués. Elles prennent forme de
collaborations politiques, de reconfiguration des alliances (en matière de protection contre les
risques, de partage des ressources et des rôles…) allant jusqu’à la création de nouvelles structures
de mission, interterritoriales (le long du Canal du Midi par exemple). Au-delà des aspects strictement
budgétaires, l’institution de péages conduit, localement, les acteurs à interroger la place du visiteur
et celle des résidents, les catégories de public à accueillir et à privilégier ainsi que des usages à
favoriser. La mise en place du mécénat, de crowdfunding les amène à questionner les apports
respectifs de fonds publics et privés, la place des différents protagonistes dans les processus de
décision… La valorisation des marques locales et leur commercialisation contribuent encore à
l’activation des ressources et des savoir-faire du cru (posés comparativement à des offres
standardisées), en ménageant les transitions et des continuités dans les usages.
Finalement, le travail de recherche n’a pas conduit à la formulation de solutions opérationnelles guidant les
acteurs et institutions impliquées en vue de parvenir à un équilibre économique et financier de la gestion des
sites. Pour autant, il a contribué à établir le constat que des solutions clés en main et généralisables pouvaient
difficilement être trouvées.
Il a encore révélé que, aussi bien sur le plan du développement territorial qu’en matière fiscalo-financière, la
présence d’un patrimoine exceptionnel et reconnu n’est pas nécessairement synonyme de dynamisme et/ou
de richesse pour le territoire. Dans tous les cas, des conditions exogènes comme endogènes priment, parmi
lesquelles la mobilisation des acteurs, quand elle n’est pas partout égale et même, quand elle peut être
ambiguë. Les conditions de l’activation de la ressource que constitue le site pour le territoire – et
réciproquement – sont probablement à trouver dans cette mobilisation et dans cette co-construction,
davantage que dans la recherche de nouveaux outils, spécifiques ou spécialisés.
Ce travail a également conduit à souligner l’intrication entre les logiques ou des situations budgétaires des
collectivités et la configuration du territoire, que ce dernier soit envisagé dans son développement ou dans
son aménagement, voire sous l’angle de sa préservation. Cette intrication perdure, y compris dans
l’exceptionnalité, à un titre ou à un autre. Les dires d’acteurs ont contribué à la perception de faits communs
(concernant les partages et les rivalités dans l’usage des moyens, les coûts politiques associés au maniement
du levier fiscal…) comme à l’identification de traits singuliers (présidant à la recherche de solutions
territorialisées face à l’absence de richesse, compte tenu de la pression des dépenses…).
Finalement, de façon thématique ou d’un point de vue transversal, les sites patrimoniaux exceptionnels et
leurs territoires d’appartenance seraient des révélateurs ou des laboratoires des situations et des
dynamiques ordinaires. Ils cristalliseraient, en les intensifiant, les problématiques, voire les déséquilibres qui,
ailleurs, pour ne pas être toujours être aigues ou saisies dans les débats ou dans l’action90, n’en sont pas pour
le moins latentes.
58
2-5-Projet IPL portant sur « L’investissement public local (IPL) et ses modalités de financement
dans un contexte de resserrement de la contrainte financière »
La proposition de recherche a été établie et soumise à l’Institut pour la Recherche (Caisse des Dépôts et
Consignations CDC) qui a accepté de financer sa réalisation au cours des années 2017 à 2020.
Du fait de délais dans la mise à disposition des données nécessaires (par la CDC), les travaux n’ont débuté
qu’en 2018. Les rapports à remettre au commanditaire sont en cours de finalisation : en conséquence est
principalement évoquée la démarche, les résultats et conclusions des travaux restant encore à formaliser
(collectivement).
La proposition en question a été élaborée par des membres du Laboratoire Techniques, Territoires, Sociétés
Latts et du Lab’Urba. De premières réalisations avaient conduit à des réflexions partagées entre des membres
des 2 laboratoires en matière de financement de la production urbaine et de l’aménagement des villes
(cf. Volume 1). Le projet IPL est apparu comme une façon de « mettre au travail » ces prémices et de les
consolider.
L’équipe est finalement constituée, côté Latts, de L. Halbert (chargé de recherche, CNRS, responsable du
projet), F. Adisson, N. Maisetti (ingénieur de recherche dans le cadre du projet) et côté Lab’Urba, de
V. Lasserre-Bigorry (ingénieur de recherche dans le cadre du projet) et de F. Navarre (responsable pour la
partie quantitative – cf. infra).
Un objet de recherche a été retenu : l’investissement public local (IPL) et ses modalités de financement. Avec
le projet, l’objectif est d’en analyser l’évolution depuis les années 2000, soit encore dans la période de
resserrement de la contrainte s’exerçant sur les budgets des collectivités locales91.
A ce titre, selon les termes mêmes de la proposition, « Il est fait l’hypothèse que les mutations [affectant les
ressources locales] conduisent à accroître l’importance des politiques financières des collectivités dans les
volumes et priorités de l’investissement public local. Deux effets potentiels de ces mutations sont analysés.
Premièrement, il résulterait un accroissement de la différenciation interterritoriale en matière
d’investissement public local en fonction des caractéristiques socioéconomiques des territoires, de leur
niveau de richesse fiscale ou financière et des stratégies de mobilisation des ressources des pouvoirs publics.
Deuxièmement, l’arrimage de l’investissement public local aux capacités financières des collectivités
territoriales serait susceptible d’entraîner une reconfiguration de l’action publique locale. »
Le protocole de recherche repose sur deux approches complémentaires : un volet quantitatif ayant pour
objet le traitement de séries de données budgétaires individualisées (ou collectivité par collectivité) de façon
à apprécier l’évolution de l’IPL et ses spatialités ; un volet qualitatif fondé sur une campagne d’entretiens
réalisés auprès d’acteurs locaux dans un terrain choisi au sein de l’agglomération parisienne92, en accordant
une attention particulière à deux domaines de l’action publique locale (la production du logement social,
l’aménagement et la maîtrise foncière et immobilière publique) afin d’en apprécier les mutations dans la
période étudiée.
Les 2 volets ont été conduits conjointement. Si chacun des membres de l’équipe a contribué à l’amorçage de
la campagne d’entretiens, très tôt, en raison de la charge de travail afférente au projet et à la spécialisation
91 Non seulement en raison des changements intervenus dans la fiscalité locale (cf. supra) mais également du fait de la stagnation
puis de la diminution des dotations en provenance de l’Etat (et notamment de la principale d’entre elles, soit la Dotation Globale de
Fonctionnement).
92 Dans les faits, l’un Etablissement Public Territorial EPT de Seine St Denis (existant auparavant sous forme de communauté
d’agglomération) et 3 de ses communes-membres, choisies en raison de leur diversité (en termes de richesse fiscale et de situation
budgétaire) et de distance à Paris (soit une pression foncière et immobilière, une intensité de l’urbanisation… différentes).
59
des membres de l’équipe, une division des tâches s’est instaurée, entre réalisation du volet qualitatif et prise
en charge du volet quantitatif.
93 Finalement, celles provenant des balances comptables des collectivités, disponibles en ligne pour la période 2010-2017.
94 De représentants des Ministères concernés, de la Cour des Comptes, des associations de collectivités…
95 Le bloc local (ou communal) rassemble les communes et leurs intercommunalités à fiscalité propre. Il constitue le principal
périmètre d’analyse retenu, compte tenu des volumes budgétaires en jeu, notamment du point de vue de l’IPL et du rôle substantiel
que jouent en la matière les communes et leurs intercommunalités (à fiscalité propre), compte tenu des compétences qui leur
reviennent.
60
2-6-Projet InveST portant sur « L’Investissement public local et les Systèmes Territoriaux -
Développement durable, collectivités locales et soutenabilité financière
Le projet en cours (d’une durée de 36 mois, 2019-2022) a été établi en réponse à l’Appel à Projets Générique
AAPG lancé par l’Agence Nationale à la Recherche ANR en 2018 et plus précisément au défi n° 6 de la
consultation, intitulé « Mobilité et systèmes urbains durables ».96
Le projet est coordonné par L. Halbert (chargé de recherches, Latts, cf. supra). L’équipe de recherche est
composée de membres provenant de plusieurs laboratoires partenaires : A Grandclément (laboratoire
TELEMME Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale, Méditerranée, Aix-Marseille), M. Huré du CDED
(Centre de Droit Economique et du Développement, Perpignan), G. Boulay (laboratoire ESPACE Etude des
Structures, des Processus d’Adaptation et des Changements de l’Espace, Avignon et Nice Sophia Antipolis),
D. Florentin (Ecole des Mines Paris Tech - Institut d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement ISIGE), de
F. Adisson (Latts), N. Maisetti (Latts, ingénieur de recherche au titre du projet) ; F. Artoli et F. Navarre
Lab’Urba). L’équipe a été composée de façon à être pluridisciplinaire, en lien avec les termes mêmes de la
proposition de recherche.
Selon ces termes, le projet InveST vise à analyser « la mise en œuvre de l’injonction au développement
durable dans l’action publique territoriale dans un contexte de renforcement de la rigueur financière. Deux
hypothèses seront examinées. La première énonce que les rationalités, instruments et pratiques associés à
la rigueur financière pèsent sur la sélection des priorités et le contenu de l’action publique territoriale en
matière de durabilité ; et la seconde que l’action publique territoriale sous contrainte financière contribue à
l’accentuation des disparités socio-spatiales entre et au sein des territoires. » 97.
Les hypothèses des projets InveST et IPL (cf. supra) sont proches : le second est finalement la « matrice » du
premier98. Le projet InveST étend toutefois le champ d’investigation (domaines sectoriels à l’étude, terrains
d’enquête…). Par ailleurs, dans ses perspectives scientifiques, il se situe à l’articulation entre durabilité et
rigueur, quand ces deux dimensions (ou principes) sont le plus fréquemment analysées de façon dissociée
alors qu’elles sont conjointement porteuses d’incidences dans la conduite de l’action publique locale.
Le projet repose sur la mise en œuvre d’une méthode qui se veut novatrice en proposant des comparaisons
interterritoriales (entre 6 ensembles intercommunaux) et intersectorielles (entre 5 domaines d’action
publique retenus en raison de leur importance au regard d’enjeux financiers et de durabilité : le patrimoine
foncier et immobilier des collectivités locales, les réseaux d’eau et d’énergie, le logement social,
l’aménagement urbain et économique, et les mobilités durables). Les observations portent sur la période en
cours depuis les années 2000, période durant laquelle le resserrement des contraintes budgétaires s’est
manifesté de façon particulièrement vive pour les collectivités locales.
Outre la participation aux réunions périodiques et séminaires organisés dans le cadre du déroulé du projet,
notre contribution prend différentes formes :
- En lien avec des membres de l’équipe (TELEMME, Lab’Urba), nous avons participé à la réalisation
d’une typologie socio-territoriale d’une part, fiscalo-financière d’autre part, à leur croisement99, à la
mise en valeur des résultats de façon à ce que puissent être effectués – collectivement – le choix de
dans le Volume 2 (Chapitre 4). Les analyses réalisées pour InveST portaient sur les ensembles intercommunaux existant en France
métropolitaine en 2018.
61
(6) terrains d’études, représentant une diversité de configurations territoriales. La démarche
adoptée dans le cadre du projet, parallèlement à celle effectuée dans le cadre du projet IPL
(cf. supra), nous a permis de poursuivre les réflexions concernant les modalités des analyses
typologiques, de parvenir à une formulation – systématisée – rassemblant les tentatives éparses que
nous avions pu effectuer jusque-là. Les enseignements généraux issus des typologies proprement
dites donneront lieu à une valorisation scientifique sous forme d’article (courant 2021). Le fil
conducteur consistera à mettre en évidence que si l’exercice de la contrainte financière est guidé par
une rationalité gestionnaire, s’il est en apparence indifférent aux réalités budgétaires et territoriales,
dans les faits, cet effort de rigueur affecte différemment les collectivités (selon leur situation
budgétaire) ; il porte encore inégalement atteinte aux capacités budgétaires d’action publique locale,
pénalisant certains territoires davantage que d’autres.
- Nous participerons aux campagnes d’entretiens telles qu’elles sont prévues100. En écho avec les lignes
directrices du projet, les rencontres avec les représentants des collectivités et le matériau recueilli
conduiront précisément à saisir les interdépendances entre dimensions budgétaires et conduite de
l’action publique locale. Outre les attendus du projet InveST, cette exploration contribue au
« décloisonnement » des finances publiques locales et à l’approche sectorisée dont elles peuvent
faire l’objet. Elle est encore l’occasion de les mettre à l’épreuve d’approches disciplinaires diversifiées
et concourant à l’analyse d’ensemble.
- Dans le cadre de l’un des volets du projet101, nous prenons part (avec des représentants de TELEMME
et de ESPACE) à un groupe de travail spécifique (GT Modéliser). L’objectif est de dépasser le verrou
informationnel lié aux grilles analytiques de la comptabilité locale (instructions comptables), de
passer d’une vision normative de contrôle budgétaire des flux financiers à une catégorisation qui
permette d’évaluer les montants en jeu dans leur lien avec la conduite de l’action publique locale,
selon les secteurs d’intervention. L’enjeu est de parvenir à une « modélisation » systématique et
pertinente concernant l’origine des ressources puis la destination effective des dépenses. La grille en
question est en cours de constitution. Elle sera discutée avec des représentants des collectivités
(notamment celles enquêtées), testée et amendée avant d’être mise à leur disposition. Les
comptabilisations qui en seront issues apporteront en outre des éléments d’objectivation pour le
projet InveST, en servant en particulier à apprécier de façon fine les déformations des budgets, les
évolutions dans les hiérarchisations des montants dévolus aux différents secteurs de l’action
publique locale, en lien avec l’association des collectivités locales au redressement des comptes
publics.
62
Curriculum Vitae détaillé
décembre 2020
Françoise Navarre
Maître de conférences – Ecole d’Urbanisme de Paris EUP – Lab’Urba
1 – Etat Civil
née le 12 novembre 1955 (Guéret, 23), mariée
Adresse personnelle
12 boulevard de la Libération, 94300 Vincennes
Tel 06 89 89 63 90
Adresse professionnelle
EUP – Lab’urba – bureau A 303
14-20 boulevard Newton – Cité Descartes – Champs sur Marne
77454 Marne la Vallée cedex 2
e-mail : navarre@u-pec.fr
2 – Diplômes et qualifications
2-1- Diplômes
1984 Thèse de Docteur Ingénieur en Aménagement et Urbanisme, intitulée « Infrastructures et
Développement Régional », Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII
Diplôme d’Ingénieur Génie Civil et Urbanisme, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
2-2- Qualifications
2014 rattachement à la section 24 (Aménagement de l'espace, urbanisme) du CNU
63
depuis 2004 Réintégration en tant que Maître de Conférences à l’Institut d’Urbanisme de Paris (IUP),
Université de Paris Est Créteil (UPEC), devenu Ecole d’Urbanisme de Paris (EUP), Université
Paris Est Créteil (UPEC) – Université Gustave Eiffel (UGE)
1986-1989 Maître de Conférences associée à l’Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII
1983-1986 Maître Assistant associée à l’Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII
1991-1996 Interventions en tant que conseiller en matière de finances locales auprès du Gouverneur de
la Ville de Conakry (Rép. de Guinée) dans le cadre du 2ème Projet Urbain financé par la
Banque Mondiale (contrats annuels conclus avec la Société Tractebel-Belgique) - Ensemble
d’actions portant sur la mobilisation des ressources de la Ville, des Communes de Conakry et
sur le renforcement de leur cadre institutionnel
1987 Mission de consultant (court terme) de la Banque Mondiale en Tunisie avec pour objet
l’étude des Finances des collectivités locales tunisiennes (8 semaines)
1986 Mission de consultant (court terme) de la Banque Mondiale au Maroc avec pour objet l’étude
des Finances (des recettes) des collectivités locales marocaines (3 semaines)
1983-1984 Expertise en collaboration avec les membres de l’Œil et du Cabinet Pinseau (Paris). Diverses
missions et études sur les Finances des collectivités locales marocaines et sur celles de
l’agglomération d’Agadir
4 – Activités pédagogiques
4-1- Enseignements dans le cadre universitaire (2004-2020)
Délivrés :
- principalement dans le cadre du master Urbanisme et Aménagement de l’EUP (master 1 M1 et
différents parcours de master 2 M2)
- et dans d’autres formations (licence professionnelle Aménagement des territoires urbains, UPEC ;
master 2 Diagnostic historique et aménagement urbain DHAU, UPEM/UGE)
- en formation initiale, continue ou en alternance
- ayant trait aux finances publiques locales ainsi qu’à l’évaluation (des politiques et des projets), ou à
caractère méthodologique
64
Période/années Intitulé/matière Parcours/cursus CM TD ETD
depuis 2015 Finances locales M1 - EUP FI 24 36
depuis 2005 Finances publiques locales L3 UPEC FI 12 18 36
depuis 2015 Introduction aux finances locales M2 DHAU FI 30
depuis 2015 Finances et action publique locale M2 – EUP - DUI FA 6 9
2007-2019 Financement de projets M1 – IUP - EUP FI 8 12
2005-2007 Les services publics locaux et leur financement M1 - IUP FI 28 42
2015-2019 Analyse financière M2 – EUP - DeTer FI 12 18
2005-2014 Analyse, gestion financière des collectivités M2 – IUP - STPP FI 28 42
depuis 2015 Evaluation de politiques M2 – EUP - DeTer FI 8 12
depuis 2007 Evaluation de politiques et de projets M2 – IUP/EUP - MOPU FC 30 45
65
4-3– Autres interventions dans des activités de formation
Période/années Intitulé/thème Institution durée
depuis 2018 Comprendre le contexte en fortes mutations de Ponts Formation Conseil 3h/an
l'action publique territoriale (les finances publiques
locales sous contraintes)
2016 Les finances publiques locales Cerema - DTerOuest 2X1 journée
2015 Panorama des taxes pouvant influencer Cerema, CVRH Arras ½ journée
l’aménagement d’un territoire - Les financements à
l’aide de la fiscalité directe locale
1989-1991 Montage financier des opérations d’aménagement, SEMASEP (Société à la demande
animation de réunions d’information sur les finances d’Economie Mixte
communales d’Aménagement du Sud-
est Parisien à Villejuif)
2004-2008 Membre du CRETEIL Centre de Recherche sur l'Espace, les Transports, l'Environnement et les
Institutions Locales (Université de Paris XII – Université Paris Est Créteil UPEC)
66
2009-2010 Programme PUCA L’intercommunalité à l’épreuve des faits
projet portant sur L’implication financière des intercommunalités dans le domaine des
politiques de l’habitat
équipe Lab’Urba
[direction]
67
2009-2011 Etude/recherche Mission Prospective du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du
Développement Durable et de la Mer (MEEDDM)
groupe de travail Territoires durables 2030
équipe à périmètre variable
[participation]
6 – Encadrement et jurys
6-1– Co-direction de thèses
depuis 2019 Co-encadrement avec M.-H. Massot (professeur EUP, Lab’Urba) de la thèse de V. Trotignon
(Lab’Urba, Ecole Doctorale Villes Transports et Territoires EDVTT, Université Paris Est UPE)
intitulée « Financement des réseaux de transport ferrés urbains par les fonds de pension et
impacts sur la production urbaine au Canada : quels enseignements pour le Grand Paris ? ».
Thèse en co-tutelle entre l’Université de Paris Est et l’Université de Montréal (sous la
direction de J.-P. Meloche)
2017-2019 Co-direction de la thèse de M. Bigorgne (Latts, EDVTT, UPE) intitulée « L’action publique
territoriale sous contrainte budgétaire ? La gestion financière des investissements publics
locaux ». Direction de thèse effectuée par F.-M. Poupeau (Chargé de recherche CNRS, Latts)
et co-direction par L. Halbert (Chargé de recherche, Latts)
68
6-3– Participation à des Comités Individuels de Suivi
2018-2020 Comité individuel de suivi de S. Ibrahim (Lab’Urba, EDVTT, UPE) ; thèse intitulée « Dubaï : La
genèse d'un modèle extrême dans le circuit des villes globales », effectuée sous la direction
de A. Bourdin (Lab’Urba, UGE) et la co-direction de G. Boudisseau (Institut d'urbanisme de
l'ALBA - Université de Balamand)
depuis 2019 Comité individuel de suivi de C. Picard (Lab’Urba, EDVTT, UPE) ; thèse effectuée dans le cadre
d’un contrat Cifre, intitulée « Prise en compte du vieillissement de la population dans les
politiques du logement au Japon et en France et ses conséquences sur la conception spatiale
et fonctionnelle de l'habitat », effectuée en cotutelle, sous la direction de J.-C. Driant
(professeur, Lab’Urba) et de Mieko Hinokidani (Université préfectorale de Tokyo)
depuis 2019 Comité individuel de suivi de A. Morland (Lab’Urba, EDVTT, UPE) ; thèse effectuée dans le
cadre d’un contrat Cifre, intitulée « Effets d'une expérience de "co-construction". Le cas d'un
projet de renouvellement urbain d'une ville moyenne », sous la direction de C. Lelévrier
(professeur Lab’Urba) et C. Gardesse (MCF, Lab’Urba)
depuis 2015 Encadrement régulier et annuel de mémoires de fin d’études dans le cadre du parcours
Habitat et Renouvellement Urbain HRU (M2 EUP), en tant que tuteur pédagogique des
apprentis (4 à 6 apprentis chaque année)
depuis 2015 Prise en charge des séances collectives d’accompagnement à l’élaboration des mémoires
(M2 HRU et M2 MOPU)
10 – Liste de publications
10-1- Livres ou Ouvrages et Direction d’ouvrages DO
[1] Talandier M., Navarre F., Cormier L., Landel P.-A ., Ruault J.-F., Senil N., 2019, Les sites patrimoniaux
exceptionnels - Une ressource pour les territoires, éd. du PUCA, collection Recherche, n° 237, 319 p.
Talandier M., Navarre F., Cormier L., Landel P.-A ., Ruault J.-F., Senil N., 2019, Outstanding heritage sites - A
resource for territories, éd. du PUCA, collection Recherche ⟨halshs-02298543⟩
[2] Bettoni G. (dir.), Le Bras D. (dir.), Navarre F. (dir.), 2018, Métropoles en chantiers 2, Ambitions
métropolitaines, réalités territoriales, éd. Berger-Levrault, 244 p.
[3] Allé C., Navarre F., 2015, Le système financier local français - Bilan des connaissances et perspectives de
recherche, éd. Recherche du PUCA, n° 227, 314 p.
[4] Guelton S., Navarre F., Rousseau M.-P., 2011, L’économie de l’aménagement – Une réflexion théorique au
service des praticiens, éd. Soteca, 252 p.
10-2- Articles dans revues nationales à Comité de lecture ACL (répertoriées ou non)
[5] Delpech C., Navarre F., 2020, « Quels moyens financiers pour le bloc communal ? », L'Économie politique,
vol. 85, n° 1, pp. 8-22
[6] Navarre F., 2019, « La soutenabilité des politiques d’investissement local », Revue Française de Finances
Publiques, n° 148, novembre, Quel avenir pour les finances locales ?, pp. 49-66
[7] Delpech C., Navarre F., 2018, « Finances publiques locales et enjeux territoriaux », Revue d'économie
financière, vol. 132, n° 4, pp. 91-106
69
[8] Navarre F., 2017, « L’évolution des dépenses de personnel au sein du bloc communal », Revue française
d'administration publique, vol. 164, n° 4, pp. 803-820
[9] Navarre F., 2017, « Les métropoles, aux prises avec leurs réalités fiscales ? », Géographie, économie,
société, vol. 19, n° 4, pp. 513-535
[10] Driant J.-C., Navarre F., Pistre P., 2017, « Offre et demande de logements sociaux », Revue Foncière,
n° 18, pp. 7-15
[11] Navarre F., 2016, « Quel est l’endettement des villes de plus de 10 000 habitants ? », Revue d’Économie
Régionale & Urbaine, vol. février, n° 1, pp. 39-80
[12] Navarre F., 2014, « Évaluer le foncier pour mieux le taxer : un débat ancien et sensible »,
Métropolitiques, 3 /10/14, URL : https://www.metropolitiques.eu/Evaluer-le-foncier-pour-mieux-le.html,
consulté le 20/01/20
[13] Navarre F., 2014, « Les dépenses de personnel des collectivités locales franciliennes, Cybergeo :
European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 676, mis en ligne le 19 mai
2014,
URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/26315, DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.26315,
consulté le 03/12/20
[14] Navarre F., Rousseau M.-P., 2013, « Typologie socio-économique et capacité fiscalo-financière
d'intercommunalités urbaines. Vers une lecture d'enjeux territoriaux diversifiés », Géographie, économie,
société, vol. 15, n° 3, pp. 239-266
[15] Navarre F., Rousseau M.-P., 2012, « Les finances locales sous tension », Métropolitiques, article en ligne,
08/10/12, 5 p., URL : http://www.metropolitiques.eu/Les-finances-locales-sous-tension.html
[16] Guelton S., Navarre F., 2010, « Les coûts de l’étalement urbain : urbanisation et comptes publics
locaux », Flux, vol. 79-80, n° 1-2, 2010, pp. 34-53
[17] Guelton S., Navarre F., 2008, « Aménagement : que font les économistes ? », Etudes foncières, n° 133,
mai-juin, pp. 14-17
[18] Navarre F., Prud’homme R., 1986, « Les finances des collectivités locales au Japon », Métropolis, n°72,
pp. 54-58
10-3- Articles dans des revues sans comité de lecture ASCL
[19] Navarre F., 2008, « Quelle évaluation de l’utilité des équipements publics », Pouvoirs locaux, n° 76 I/2008
(mars), pp. 59-66
[20] Navarre F., 2008, « Politiques d’équipements publics et territoires », Quel pacte financier et fiscal 2008-
2014, Communautés Urbaines de France, Groupe Caisse d’Epargne, pp. 34-59
10-4- Chapitres d’ouvrages
[21] Navarre F., 2018, « La fiscalité locale sur les activités économiques : des avantages métropolitains ? », in
Bettoni G. (dir.), Le Bras D. (dir.), Navarre F. (dir.), Métropoles en chantiers 2, Ambitions métropolitaines,
réalités territoriales, éd. Berger Levrault, pp. 141-160
[22] Navarre F., 2017, « Risques financiers locaux », in Orsoni G. (dir.), Finances publiques – dictionnaire
encyclopédique, éd. Economica, pp. 797-798
[23] Navarre F., 2017, « Cofinancement public », in Orsoni G. (dir.), Finances publiques – dictionnaire
encyclopédique, éd. Economica, pp. 155-156
[24] Navarre F., 2017, « La fiscalité locale, une fonction d’ajustement potentielle plutôt qu’effective », in
Gourgues G. (dir.), Houser M. (dir.), Austérité et rigueur dans les finances locales, éd. L'Harmattan, np
70
[25] Navarre F., 2015, « Régions et métropoles, entre concurrences et complémentarités financières », in
Cremaschi M. (dir.), Delpirou A. (dir.), Rivière D. (dir.), Salone C. (dir.), Métropoles et Régions, Entre
concurrences et complémentarités, Regards croisés France / Italie, éd. Planum Publisher, pp. 115-129
[26] Navarre F., 2014, « La tarification de la restauration scolaire. Des déclinaisons variables de la
‘citoyenneté’ et de la solidarité locale », in Carrel M. (dir.), Neveu C. (dir.), Citoyennetés ordinaires, Pour une
approche renouvelée des pratiques citoyennes, éd. Karthala, Recherches internationales, pp. 263-314
[27] Navarre F., 2014, « La solidarité financière, au cœur de la rationalisation pour et par
l’intercommunalité », in Steckel-Assouère M.-C. (dir.), Regards croisés sur les mutations de
l’intercommunalité, éd. L’Harmattan, pp. 217-233
[28] Navarre F., 2013, « La fiscalité constituerait la solution aux problèmes soulevés par la détention et par
les usages du foncier », in Guelton S. (dir.), Le foncier en Ile-de-France - Retour sur 10 idées reçues, éd. Adef,
pp. 119-136
[29] Navarre F., 2009, Divers chapitres, in Wachter S. (dir.), Dictionnaire de l’aménagement du territoire –
Etat des lieux et prospective, éd. Belin, 317 p.
10-5- Conférences internationales ou Colloques scientifiques
[30] Delpirou A., Navarre F., 2014, “Small and Medium-sized towns in Europe: Performances, Roles and public
policy challenges – the case of Nevers (France)”, Communication, Colloque annuel de l’ERSA, Saint-
Pétersbourg, août
10-6– Conférences nationales ou Colloques scientifiques (sans actes)
[31] Navarre F., 2019, « La soutenabilité de l’investissement public local », Communication, Colloque
« Quelles finances locales pour demain ? », Nantes, 28 septembre 2018, Université de Nantes, CRCT, Faculté
de Droit et des Sciences Politiques
[32] Navarre F., 2015, « Évolutions des dépenses des régions, quelques éléments de problématiques »,
Communication, Colloque du GRALE « La dépense locale », Nancy, 13 mars
[33] Fritsch B., Navarre F., 2012, « Modes de développement territorial et ressources fiscales locales :
l'exemple des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties », Communication, Colloque de l’ASDRLF,
Belfort, juillet, 16 p.
[34] Chomentowski V., Navarre F., 2010, « Les finances des villes moyennes, entre hétérogénéité et
fragilités », Communication, Colloque Villes Petites et moyennes, Tours, 9-10 décembre 2010, np
10-7- Autres publications dont rapports de recherche– AP dont documents de travail
[35] Talandier M., Navarre F., Cormier L., Landel P.-A ., Ruault J.-F., Senil N., 2017, Les sites exceptionnels
comme ressources des territoires, Rapport, PACTE, Lab’Urba, PUCA, 487 p. + Synthèse/conclusion
[36] Morland A., Lelévrier C. (resp. scientifique), Navarre F., 2017, L’évaluation de l’ingénierie mise en place
dans le cadre des contrats de ville eu égard aux objectifs de la loi Lamy de 2014 - Analyse qualitative dans
sept territoires de la Politique de la ville, CGET, Lab’Urba, Rapport, 79 p.
[37] Driant J.-C. (resp. scientifique), Lelevrier C. (resp. scientifique), Gaullier P., Lanzaro M., Navarre F., 2015,
Analyse des facteurs et des pratiques de discriminations dans le traitement des demandes de logements
sociaux, Lab’Urba, Défenseur des Droits, Acsé, PUCA, Rapport et annexes
[38] Navarre F., Rousseau M.-P., 2013, Nouvelle géographie fiscale et financière des ensembles
intercommunaux, AdCF, 62 p.
[39] Guelton S., Navarre F., 2011, Une approche comparative des outils de financement des équipements
publics, CERTU, Fiche n° 2, novembre, 8 p.
[40] Guelton S., Navarre F., 2011, Le coût des équipements publics : approche en coût global, CERTU, Fiche
n° 3, novembre, 6 p.
71
[41] Cordier M., Driant J.-C., Guelton S., Le Hervet M., Navarre F. (resp. scientifique), Rousseau M.-P., 2010,
L’implication financière des intercommunalités au service des politiques de l’habitat, Rapport, PUCA,
Lab’Urba, 188 p.
[42] Faburel G. (dir.), Elli A., Navarre F., 2010, Diagnostic territorial de la Zone C du PEB de Roissy CDG -
Relégation persistante dans le Val d’Oise et dépendances croissantes à l’aéroport en Seine et Marne, Rapport
établi pour la Direction Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture du Val-d’Oise, 10 p.
[43] Navarre F., 2009, L’incidence financière des normes sur les coûts de fourniture des services d’intérêt
communautaire, Rapport intermédiaire, AdCF – CRETEIL/Lab’Urba, 46 p.
[44] Guelton S., Navarre F., 2009, Capitalisation des études de cas en économie de l’Aménagement, Rapport
et annexes, CRETEIL, PUCA, 110 p.
[45] Navarre F., 2009, Consentement à l’impôt ou au tarif ? des visions contrastées de la solidarité locale,
Rapport, CRETEIL, PUCA, 135 p.
[46] Guelton S., Navarre F., Rousseau M-P., 2008, L’économie de l’aménagement - Etat des lieux de la
recherche, Rapport final, CRETEIL-PUCA, 114 p. et annexes
[47] Llanos J., Navarre F., Prud’homme R., 1992, Y a-t-il des solutions fiscales aux problèmes de transport en
Guinée ?, L’OEIL, Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII, 20 p. et Annexes
[48] Gasser B., Navarre F., 1991, L'impact des investissements en infrastructure de transport sur la croissance,
ENPC, Note de synthèse du service économique et statistique, Direction des affaires économiques et
internationales, Paris-la-Défense, pp. 171-174
[49] Navarre F., 1989, « Le coût d’aménagement des grandes opérations d’urbanisme concédées », in
Guengant A. (dir.), Les nouveaux coûts d’urbanisation, AUDIAR, CREFAUR-URA 917 CNRS, Plan Urbain, Paris,
pp. 146-168
[50] Givord L., Navarre F., 1989, Fréquentation et tarification des services publics à Rennes, Rapport et
Annexes, AUDIAR, Plan Urbain, np
[51] Navarre F., 1986, « La gestion financière des municipalités tunisiennes », Contribution à un rapport
préparé dans le cadre d’une mission d’études pour la Banque Mondiale, Institut d’Urbanisme de Paris,
Université de Paris XII, 1986, 103 p. et Annexes
[52] Navarre F., Prud’homme R., 1985, « Les subventions globales de l’Etat aux collectivités locales : critères
de répartition », Communication, Colloque Fiscalité et Développement tenu à Paris en 1985, Institut
d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII, 19 p.
[53] Navarre F., Nicot B.-H., Prud’homme R., 1985, « Le financement du développement d’Agadir », Rapport
de consultants, Cabinet Pinseau, Paris, 30 p. et Annexes
[54] Navarre F., Nicot B.-H., Prud’homme R., 1985, « Le rôle des collectivités locales et des régies dans le
fonctionnement et le développement de Casablanca », Rapport de consultants, Cabinet Pinseau, Paris, 1985,
30 p. et Annexes
[55] Navarre F., 1984, « Infrastructures et développement régional : des relations et des politiques », Thèse
de docteur ingénieur, sous la direction du Prof. R. Prud’homme, Institut d’Urbanisme de Paris, Université de
Paris XII, 291 p. et Annexes
[56] Navarre F., Prud’homme R., 1982, « Le rôle des infrastructures dans le développent régional en France »,
Rapport, Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII, CEE, 46 p. et Annexes
[57] de Magalhaes H., Navarre F., 1982, « Les relations entre la consommation d’énergie des ménages de
Créteil, leurs caractéristiques socio- économiques et culturelles et les caractéristiques du tissu urbain »,
Rapport, Institut d’Urbanisme de Paris, Université de Paris XII, 49 p. et Annexes
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[58] Pierzo D., Navarre F., Rousselot P., 1981, « Typologie et disparités entre les communes du Val de
Marne », Rapport, IRU Environnement, Université de Paris XII, Conseil Général du Val de Marne, 1981, 403 p.
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