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1976 Porcher MThibaut

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Lecture complémentaire :

Etudes de linguistique appliquée. « Approches du français fonctionnel », n°23, Paris :


Didier, 1976, p. 6-17.

MONSIEUR THIBAUT ET LE BEC BUNSEN


Louis Porcher

Le « Français fonctionnel » porte plusieurs noms de baptême: Français Scientifique et


Technique, Français instrumental, langue de spécialité. Cette diversité d'appellations
contribue notablement à brouiller les pistes. Si une bonne dénomination est celle qui traduit
une définition conceptuelle juste et complète, on peut légitimement prétendre qu'aucune de
celles qui précèdent n'est satisfaisante. Nous nous expliquerons sur ce que recouvrent ces
ambiguïtés. L'important, pour l'instant, consiste à remarquer que le français fonctionnel
constitue le nouveau drapeau de la croisade pour le développement de l'enseignement de la
langue française à l'étranger.

A ce titre le français fonctionnel est constitué de tout ce qui n'est pas le français général. En
réalité, il représente le nouvel accent mis sur des domaines apparemment spécifiques à
l'intérieur de la langue française : discours des sciences, des techniques, de l'économie, bref de
tout ce qui n'est ni littéraire, ni « touristique » (du type : « où est la poste ? »). Le français
général, souvent appelé français de culture (parce que la culture, dans notre société, a toujours
été identifiée à la culture littéraire et artistique, pour des raisons socio-historiques bien
connues) étant en net déclin dans l'ensemble du monde, on allume des contre-feux, et l'on
croit le faire en privilégiant d'autres domaines (d'autres pratiques, d'autres thèmes) que ceux
de l'enseignement général du français.

Chacun, aujourd'hui, en est venu à penser qu'effectivement il est possible d'isoler de tels
domaines et par conséquent de les parcourir en utilisant les mêmes méthodes (linguistiques et
pédagogiques) qu'en français général. La nouveauté serait simplement une nouveauté de
territoire. Il y a là, à coup sûr, une erreur grave, qui contraint au scepticisme sur l'avenir du
français langue étrangère si l'on ne change pas de cap. Ce n'est pas de domaines qu' il s'agit de
changer, mais de pratiques, de méthodes, de stratégies. Transformer l'enseignement parce que
l'on en déplace le contenu, c'est un pur rêve scolastique, une utopie mystificatrice, un songe
administratif.

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A vrai dire, il faut lever définitivement l'erreur qui consiste à autonomiser le français
fonctionnel par rapport à un français qui ne le serait pas, en gratifiant le premier de toutes les
vertus dont le second serait désormais dépourvu. Le problème est global, celui de
l'enseignement du français comme langue étrangère : tel qu'il existe actuellement, ce dernier,
de l'avis général, est profondément désadapté aux besoins de ses publics et aux conditions
dans lesquelles il se pratique. Si la notion de français fonctionnel nous interroge, c'est
seulement parce qu'elle traduit les carences de l'enseignement actuellement dominant, et non
pas à cause d'une spécificité bien délimitée.

C'est donc d'un renouvellement méthodologique qu'il s'agit, et sur un double plan :
linguistique d'une part, pédagogique de l'autre. Le français fonctionnel aura eu le mérite de
faire apparaître, sous forme grossie, la nécessité et l'urgence de cette double transformation.
Au fond, la désadaptation de l'enseignement du français langue étrangère en général a suscité
un besoin de changement méthodologique ; ce besoin est lui-même lié à une modification des
publics (sur laquelle nous reviendrons). Du coup, le français fonctionnel, réputé nouveau dans
les objectifs qu'il se propose (ce qui est fort contestable) et s'adressant à des publics eux-
mêmes nouveaux (ce qui n'est pas sûr non plus), semble devoir jouer le rôle de rénovateur.

Enseignez le français fonctionnel (que ce « le » soit un singulier ou un pluriel) et vous


opérerez la transformation nécessaire de l'enseignement du français tout court. Et, bien sûr,
tout n'est pas faux ici, sinon l'exacte inversion des relations de dépendance. Il faudrait dire en
effet : rénover profondément, sur le plan méthodologique d'ensemble, votre enseignement du
français langue étrangère, et vous mettrez ainsi en place une pédagogie du français
fonctionnel. En fait, il ne s'agit pas d'un français fonctionnel, mais d'un enseignement
fonctionnel du français.

Un enseignement est fonctionnel qui repose sur une analyse des besoins du public, des
caractéristiques de celui-ci, des conditions matérielles de la pédagogie (horaires, encadrement,
etc.), bref sur une connaissance du milieu de destination, et, en même temps, sur un savoir à
jour concernant la discipline à enseigner. Ainsi se trouve complètement définie la rénovation
globale de l'enseignement du français langue étrangère : le français fonctionnel, comme on
voit, est tout autre chose qu'un français sectoriel, spécialisé, entièrement programmable. Cela

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ne signifie évidemment pas, comme nous le verrons, qu'il n'y a pas en son sein des
départements divers.

La première transformation à opérer est de type linguistique : elle consiste à modifier les
modèles linguistiques de référence actuellement à l'œuvre dans les méthodes disponibles. On
rougit d'avoir à répéter qu'il n'y a pas ici goût du changement pour le changement.
Simplement les connaissances linguistiques ont progressé, donc les anciennes sont devenues
insuffisantes. Qu'on ne vienne surtout pas dire que celles-ci ont donné toute satisfaction
pendant de longues années. C'est vrai, certes, pragmatiquement, l'état du savoir à un moment
donné représente toujours une « réussite » à ce moment. C'est l'hommage qu'il faut lui rendre,
mais cela ne doit impliquer aucune tentation d'éternité. Respecter véritablement ce savoir,
c'est le critiquer et, donc, le dépasser. Comme toujours d'ailleurs, il conviendrait de
s'interroger sérieusement sur la « réussite » dont on parle, et notamment sur les critères à
partir desquels on décide qu'il y a réussite. Pour notre part, nous voyons là un puissant
mystère ou, pour tout dire, une confusion totale ; la question reste toujours d'actualité: dans le
domaine du français langue étrangère, qu'est-ce qu'un outil pédagogique qui réussit, et à quoi
le voit-on ?

Les approches linguistiques contemporaines, relayant ainsi de multiples considérations


pédagogiques empiriques, indiquent que l'ancienne procédure d'élaboration de méthodes est
devenue caduque : inventaires lexicaux et syntaxiques à partir desquels on construit
(déductivement) un matériel pédagogique aussi rigoureusement fidèle que possible à ce qu'ils
ont mis en évidence. Les progressions linéaires (même si elles sont arborescentes) élaborées a
priori (même si elles ont donné lieu à essais préalables sur un terrain pédagogique), ne sont
pas adéquates au propos (la maîtrise d'une langue étrangère comme outil de communication et
d'expression).

N'insistons pas sur ces phénomènes, désormais bien connus et assurés sur le champ théorique
et dont on déplore qu'ils n'aient pas encore pénétré suffisamment sur le territoire des
praticiens. Il est plus fécond de s'interroger sur le problème de savoir si, à partir de nouveaux
modèles linguistiques de référence, il serait possible aujourd'hui d'élaborer de nouvelles
méthodes, plus satisfaisantes scientifiquement et, partant, plus efficaces. Il s'agirait, en
somme, de reproduire la relation qui existe entre le Français Fondamental et Voix et Images

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de France. Les instances officielles, et nombre de praticiens, se persuadent que c'est cela
même la rénovation.

Il n'empêche que cette attitude est erronée. Et, sur ce plan, linguistique et pédagogie se
rejoignent. Le temps du matériel pédagogique lourd, rigide, exhaustif, est sur le point de se
terminer ; les cinq moments de la classe audiovisuelle, s'ils ne sont pas à ranger encore au
magasin des accessoires, n'ont pourtant plus aucune valeur biblique ou normative. Les publics
se sont modifiés, et plus encore leurs attitudes à l'égard de l'apprentissage : ils ont besoin,
désormais, de participer à l'élaboration même de l'enseignement, de relier celui-ci à leur
existence. Parallèlement, les enseignants éprouvent la nécessité de lier leur pratique à ces
nouveaux comportements.

Chaque méthode doit être adaptée à un contexte local, en tenant compte des enseignés, du
milieu, des enseignants. Il est clair alors que le problème ne consiste plus à fabriquer a priori
des méthodes, mais à élaborer des méthodologies. Bien entendu, une méthode ne reposant sur
aucune méthodologie n'est ni plus ni moins dangereuse qu'une méthodologie ne s'appuyant
sur aucune méthode concrète. Nous insistons seulement sur une double récusation :

a) penser et dire, comme on l'a souvent fait, qu'il s'agit d'abord de fabriquer des méthodes, et
qu'ensuite une (ou des) méthodologie s'en dégagera d'elle-même, c'est simplement une
mystification, une pirouette coutumière à certains marchands de canons pédagogiques ;

b) se contenter d'affirmer la priorité des méthodologies sur les méthodes, sans incarner celles-
ci dans celles-là, c'est se donner belle âme, garder les mains propres en n'ayant pas de mains.

Les seuls matériels pédagogiques adéquats ont nécessairement pour caractéristiques d'être
modulables, souples, adaptables, redondants et mosaïques. Ils intègrent d'emblée, en creux,
l'intervention des enseignants et des enseignés comme partie prenante du matériel lui-même.
En somme, et cela est radicalement nouveau, il s'agit de construire des outils pédagogiques
faits pour être subvertis, violés, détournés, voire détruits.

Cela ne nie pas le tout-fait cependant: le terrain en a besoin, constamment. C'est seulement le
statut (et donc la nature) de ce tout-fait qui change. Les auteurs doivent viser la
schématisation, la plasticité, la suggestion, l'exemple, et non plus la démonstration, la rigidité,

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l'affirmation ou l'ordre, le modèle. Ils ont à fournir une méthodologie en proposant des outils
pouvant incarner cette méthodologie, mais sans en être les seuls moyens ni le passage obligé.
Le français fonctionnel n'aura de sens que s'il s'inscrit dans ce renouvellement
méthodologique fondamental dont la caractéristique majeure est de donner la priorité aux
récepteurs sur les producteurs, c'est-à-dire de se centrer sur l'enseigné (enfin).

C'est pourquoi il faut redouter comme la peste pédagogique les tentatives qui visent à calquer
une méthode de français fonctionnel sur une méthode actuellement existante de français
langue étrangère en général. Quelques exemples consternants existent ou sont en train de voir
le jour. Comme le dit plaisamment, et avec une rigueur exemplaire, notre collègue britannique
Peter STREVENS, il ne suffit pas de remplacer « voici M. Thibaut » par « voici un bec
Bunsen » pour avoir mis en place une méthode d'enseignement du français scientifique (par
exemple). La volonté de canoniser les outils actuellement existants en se contentant de les
plaquer sur un domaine réputé nouveau (sans qu'on se voie vraiment interrogé sur cette
nouveauté) constitue le danger majeur qui guette le français fonctionnel.

Cela tient sans doute au fait que les objectifs de celui-ci sont presque toujours envisagés dans
la confusion. On les définit couramment en termes uniques de catégories de publics (selon
toute une série de paramètres : buts professionnels, connaissances antérieures, besoins, langue
d'origine). Cette typologie est bien connue. Il faut oser dire qu'elle n'est d'aucun intérêt
notable: à procéder ainsi, en effet, on met en évidence une telle multiplicité de catégories
qu'on en arrive à perdre de vue toute possibilité d'action commune. Cela confirme, une fois
encore, que le problème essentiel est bien de méthodologie et non pas de réalisation de
matériels exactement adaptés à chaque public.

Bien entendu, il ne s'agit nullement de revenir aux anciennes « manières d'enseigner », qui ne
se préoccupaient pas du tout du public cible. La définition et l'analyse du publie sont au
contraire indispensables. Simplement, il ne faut pas se laisser prendre au technocratisme selon
lequel il suffit de décrire tous les publics existants pour en déduire des méthodes qui leur
seraient adaptées. En fait, il faut intégrer l'analyse des publics [en termes de clivages majeurs,
et donc peu nombreux (ils sont d'ailleurs bien connus)] à la méthodologie elle-même.

La problématique classique, consistant soit à élaborer un tronc commun dans un domaine


relativement large (scientifique par exemple), puis à produire des outils spécialisés par secteur

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à l'intérieur de ce domaine, soit à se placer directement dans la spécialisation en faisant
l'impasse sur tout tronc commun que se soit, se trouve frappée d'inadéquation. Ou bien il est
impossible de couvrir tous les besoins sectoriels (qui représentent des centaines de cas
différents possibles), ou bien il est illusoire de postuler un quelconque tronc commun [celui-ci
ne peut reposer en effet que sur l'abusif privilège d'un seul paramètre, le plus souvent
constitué par le pôle disciplinaire : mais alors que fait-on du plus ou moins grand
« cousinage » entre la langue d'origine et le français, des besoins de communication écrite
plutôt qu'orale (ou l'inverse), etc. ?].

C'est pourquoi, sauf sur un plan strictement mercantile, la mise en place de méthodes
résolument sectorielles (le français pour l'architecte, le français pour spécialiste du bâtiment,
etc.) nous paraît inévitablement vouée à l'échec. Une mystification commercialement
fructueuse peut ainsi être menée à bien, certes, mais cela ne devrait concerner que les
officines spécialisées dans ce genre de trafic. Parallèlement, l'élaboration d'un tronc commun
préalable, condition nécessaire et facilitante d'une spécialisation ultérieure, ne correspond à
aucune analyse sérieuse du champ à couvrir. On ne voit pas en effet ce que ce tronc peut avoir
de commun, ni avec qui, et, en outre, on se demande à partir de quels critères il est possible de
le définir (quoi fait partie du tronc commun, quoi en est exclu, et pour quelles raisons ?).

Il est vain de vouloir chercher des spécificités linguistiques sectorielles. L'important est
seulement que les candidats à l'apprentissage du français langue étrangère ont des objectifs
professionnels beaucoup plus précis qu'autrefois. Telle est la différence essentielle entre
français « culturel » et français fonctionnel (si toutefois cette différence a un sens, comme
nous l'examinerons ultérieurement). Il ne s'agit pas, par conséquent, de diffuser la langue
française, de répandre un véhicule culturel lié à une certaine image planétaire, mais de mettre
en place les moyens d'établir une langue française de communication dans un domaine
restreint.

On comprend alors qu'à poser le problème dans les termes traditionnels (M. Thibaut et le bec
Bunsen), on se condamne à s'enfermer dans des discussions interminables (à la lettre) pour
savoir si l'accès à un français spécialisé exige la connaissance préalable d'un certain français
de base (de type général), ou si au contraire il ne constitue pas un moyen remarquable de créer
chez l'apprenant le désir de parvenir à la maîtrise ultérieure (et supplémentaire) de ce français

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général. Sur ce plan (mais nous verrons tout à l'heure qu'il y en a d'autres), la question des
relations entre français fonctionnel et français général ne peut être qu'une fausse question.

Cette raison supplémentaire en faveur d'un renouvellement méthodologique global conforme


à ce que nous avons indiqué précédemment, conduit à s'interroger sévèrement sur la nature de
la formation qui doit être proposée aux enseignants de français fonctionnel. Il est clair que, si
l'on se place dans l'hypothèse classique (approches étroitement sectorielles avec ou sans tronc
commun), toute formation est impossible, sauf à les multiplier à l'absurde. Seuls les
enseignants qui seraient placés dans des situations rigoureusement identiques pourraient
légitimement recevoir une formation commune : cela signifierait pratiquement qu'il y aurait
lieu de prévoir une formation par personne...

Par conséquent, sur le plan même de la formation des enseignants, en est conduit à adopter
une position cohérente avec nos analyses antérieures : il s'agit bien en effet de mettre en place
une formation méthodologique nouvelle, qui ne consiste nullement à apprendre le bon usage
d'une méthode préalablement élaborée. Les modèles anciens de la formation pèsent ici aussi
lourdement que les modèles linguistiques anciens. Il faut enfin comprendre, d'une part, qu'il
est - et a toujours été d'ailleurs - fort aléatoire de prétendre assurer une formation par le seul
truchement de stages courts ; d'autre part, qu'un stage destiné à des enseignants de français
langue étrangère ne saurait plus désormais s'appuyer sur la structure traditionnelle (qui, en
gros, reproduisait mutatis mutandis les moments de la classe audiovisuelle...). Ce qu'il peut y
avoir de commun à tous les secteurs de l'enseignement du français langue étrangère, c'est bien
la réflexion méthodologique, et non pas la diffusion de techniques pédagogiques. Nous
redirons plus loin que c'est à ce stade avancé de la formation qu'est la réflexion
méthodologique que les stages courts trouvent leur véritable raison d'être.

Puisque, en outre, le destinataire d'une formation a désormais, enfin, conquis droit de cité, sur
le plan théorique, dans l'élaboration même de cette formation, il est nécessaire que tout stage
comporte une partie importante de « comptes rendus d'activité ». Les stagiaires ont à
confronter leurs expériences, leurs pratiques, leurs objectifs, leurs conditions de travail, leurs
visions du monde. C'est le complément indispensable (et, d'autre part, un élément essentiel)
de la formation méthodologique elle-même. De la diversité des cas, seule peut surgir une
relativisation des attitudes pédagogiques, c'est-à-dire une véritable mise en situation.

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Cela demande une profonde transformation des comportements tant chez les formateurs
(provisoires) que chez les « se formant » (provisoires) : il est fréquent, en effet, de
revendiquer une participation des 'apprenants à l'élaboration d'un stage, il est plus rare qu'elle
se pratique réellement. Dans le domaine qui nous intéresse ici, il est par exemple nécessaire
que chacun des stagiaires s'aperçoive que chaque expérience présentée par ses collègues,
même si elle se déroule dans des conditions radicalement différentes de celles où lui-même se
trouve, met en jeu des problèmes méthodologiques (sur le plan linguistique et sur le plan
pédagogique) qui sont au cœur même de sa pratique, qu'il le sache ou non.

Cette réflexion en commun, absolument nécessaire et qui seule désormais peut constituer
l'armature d'un stage de formation, est aussi remarquablement périlleuse selon les canons
habituels de la formation. Elle implique notamment que chaque stagiaire saisisse ce qui fait la
généralité de son cas, c'est-à-dire qu'il se dégage du pragmatisme ponctuel par lequel il a
tendance à réclamer qu'on traite seulement les problèmes qui se posent directement dans le
contexte pratique de son action quotidienne, répudiant par là comme inutile (et donc
inintéressant) tout ce qui semble décalé par rapport à ce contexte. Tout stage de formation en
ce domaine implique donc des conduites de détour, une approche polycentrique. Nous
sommes encore trop dominés par les modèles anciens pour qu'une telle transformation s'opère
aisément.

C'est pourquoi un stage de formation d'enseignants, dans le domaine du français fonctionnel,


doit à nos yeux comporter, d'une part, des apports théoriques divers (sur lesquels nous allons
revenir), et des études de cas réels d'autre part, en s'appuyant essentiellement sur les pratiques
des différents participants dans le domaine considéré. Pour que cette pédagogie de l'échange
puisse véritablement s'instaurer, il est évidemment nécessaire que chaque cas soit exposé hors
de l'anecdote, et que l'on s'efforce de dégager les lignes problématiques sous-tendant toute
expérience. Ainsi s'opère une confrontation vraie, c'est-à-dire un échange sur une base
commune.

Théorie et pratique s'entendent ici sur deux plans généraux : linguistique et pédagogique. il est
donc nécessaire de préciser plus clairement dans quels secteurs doit s'exercer cette réflexion
théorique (sous forme d'informations, de lectures, d'explications, d'exercices pratiques, etc.).
Nous nous contenterons de parcourir chacun de ces secteurs : il est clair en effet qu'une étude

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sérieuse de cet aspect essentiel de la formation exigerait, pour être opératoire, un ouvrage
entier.

Les besoins théoriques se font sentir d'abord sur le plan linguistique proprement dit. Les
modes de description d'une langue, l'analyse de son fonctionnement, le privilège à accorder
aux actes de paroles et aux fonctions de langage, les notions de compétence de
communication, de réception et de production écrites, constituent autant de chapitres
désormais indispensables à la formation d'un enseignant de français fonctionnel. Les
problèmes linguistiques se sont modifiés d'une façon telle qu'on ne saurait faire l'économie
d'un passage par la théorisation linguistique. C'est un aspect auquel, en général, les stagiaires
restent relativement peu sensibles, leurs connaissances antérieures leur donnant souvent une
apparente satisfaction sur le plan pratique.

Plus masqué encore, mais aussi plus réel et plus profond, se trouve être le besoin d'une
initiation à l'épistémologie. Dans le français fonctionnel, l'essentiel n'est pas la langue, mais le
savoir dont elle assure le transport (sinon la constitution). En toute discipline (économie ou
technologie, physique ou chimie), il existe des modes spécifiques de construction du savoir et
des concepts. Les travaux épistémologiques ne sont pas rares sur de tels sujets. Il faut donc
souligner la nécessité impérieuse de ce type de formation. Connaître l'épistémologie de la
technologie, cela ne signifie nullement devenir technologue : en tout état de cause, une telle
formation donnée à tous les enseignants de français fonctionnel permettrait de résoudre le
problème oiseux et sempiternel de savoir si l'enseignement doit être assuré par un professeur
de français initié à la discipline visée ou par un professeur de cette discipline initié à
l'enseignement du français.

Parallèlement, s'est fait jour un besoin de formation en sémiologie, notamment pour tout ce
qui concerne la communication non linguistique. En particulier, le domaine du français
fonctionnel est surabondamment caractérisé par la présence de schémas, de graphiques, de
tableaux, de cartes, etc. On sait combien ces modes de communication sont rigoureusement
codés et de quelle utilité ils peuvent être pour assurer la transmission d'un message. Dans
l'ensemble du secteur technologique par exemple, la sémiologie du graphique constitue un
véritable préalable.

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Reste tout le secteur de l'apprentissage proprement dit (et non plus celui du contenu à
apprendre) : là sont à l'œuvre des facteurs sociologiques, psychologiques et pédagogiques.
Depuis peu d'années, ces préoccupations affleurent progressivement au premier plan des
hypothèses. En ce qui concerne la psychologie notamment la partie est à peu près gagnée sur
le plan des besoins de formation : il y a, comme on dit, une demande en psychologie (théories
de l'apprentissage notamment). Il faut s'en réjouir, mais s'inquiéter de la manière dont est
vécue cette demande. Le plus souvent, elle se traduit en termes de savoir ferme et définitif qui
permettrait de résoudre complètement les problèmes d'apprentissage. Or il n’en va pas ainsi :
les connaissances en ce domaine n'autorisent pas à en déduire des techniques assurées
d'apprentissage, valides en toute situation.

Le problème est bien celui de la constitution de stratégies d'apprentissage, et la démarche


psychologique se trouve alors fort proche de la démarche linguistique. Ce qui est fourni, c'est
un schéma d'action, une description des relations entre un individu et la langue, et non pas une
technique à appliquer telle quelle. Dans tout apprentissage, l'apprenant est l'essentiel, et il
n'est que relativement prévisible. Un homme qui apprend n'est pas seulement un rat dans un
labyrinthe.

Alors se rencontrent les paramètres sociologiques (dont la sociolinguistique constitue une


première prise en compte). Nous pensons que, dès maintenant, ils devraient être élucidés à
fond dans tout stage de formation d'enseignants: ils sont à coup sûr essentiels et, pourtant,
restent pour la plupart des enseignants une « tâche aveugle ». La véritable analyse des publics
est pourtant là. De même conviendrait-il d'insister plus fermement sur les éléments
proprement pédagogiques de tout apprentissage institutionnel. Les grands courants actuels de
la pédagogie sont curieusement ignorés dans le domaine qui nous occupe ici, alors même
qu'ils affectent massivement toute pratique enseignante (où qu'elle s'exerce). Il est
vraisemblable que ce phénomène traduit simplement l'incroyable monarchie de la linguistique
sur l'enseignement moderne des langues ; se sont créées ainsi des carences didactiques telles
qu'aucun perfectionnement proprement linguistique ne parviendra à les combler.

C'est pourquoi toute formation d'enseignants de français fonctionnel, comme toute formation
d'enseignants, devrait nécessairement comporter une initiation théorique et pratique
approfondie à la sociologie de l'éducation et à la pédagogie. Même si, à première vue, les

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destinataires n'ont pas conscience d'en avoir besoin. Il ne faudra pas hésiter, à l'avenir, devant
des séquences de formation fondamentale en dehors de la discipline linguistique.

Cet espace théorique connu dans son ensemble par les stagiaires sera alors aisément
confrontable - et c'est là la première tâche d'un stage - aux expériences pédagogiques vécues
comme à la pratique du terrain ; restera à proposer aux stagiaires l'ouverture du champ sur
lequel ils se trouvent, c'est-à-dire à leur montrer la véritable extension du français fonctionnel
(beaucoup plus vaste qu'on ne le dit couramment). Ainsi, par exemple, est-il hautement
souhaitable que soient comparées aux expériences du groupe les tentatives faites sur d'autres
publics (à la fois proches et différents) :

a) Les travailleurs migrants en France : sur le plan de la formation, de grands progrès ont été
réalisés depuis quelques années. Il s'agit bel et bien d'un français fonctionnel (notamment sur
le plan de la technologie et des sciences humaines). La différence des contextes linguistiques
par rapport à renseignement à l'étranger est certes bien connue, et nous n'y reviendrons pas. Il
est cependant stupéfiant que si peu de passerelles aient été établies entre les deux domaines.
Même au sujet de l'apprentissage en français de disciplines autres que le français, il y aurait
des échéances à instaurer, notamment en analysant les procédures utilisées dans la
scolarisation des enfants de travailleurs migrants en France (une comparaison systématique
devrait être faite à ce propos avec renseignement francophone au Maghreb).

b) L’enseignement du français aux adultes s'est beaucoup développé en France ces dernières
années. Certes, il s'agit de langue maternelle, et l'on ne saurait conclure d'un domaine à l'autre.
Néanmoins, un grand nombre de proximités se font jour (en particulier parce que, dans les
deux cas, les préoccupations professionnelles sont prioritaires et déterminent la nature même
des apprentissages linguistiques).

c) Dans plusieurs autres langues maternelles (et notamment en anglais), des problèmes
semblables à celui du français fonctionnel se sont fait jour. Il convient d'utiliser
systématiquement leurs acquis et de sensibiliser les enseignants à la relative identité des
situations. D'une manière générale, par exemple, les travaux anglais sont notablement plus
avancés que ceux dont nous disposons en France, tant sur le plan théorique qu'au niveau de la
mise en pratique.

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d) Certains organismes internationaux, et, pour l'instant, le Conseil de l'Europe surtout,
effectuent depuis quelques années un effort sérieux dans le domaine de l'enseignement des
langues aux adultes (y compris, bien sûr, le français langue étrangère). Ainsi est apparue en
particulier la notion de niveau-seuil dans une langue étrangère donnée, niveau de compétence
minimale susceptible d'être modulé dans la perspective d'un enseignement aux adultes par
unités capitalisables (et utilisant divers média).

e) Çà et là existent des descriptions linguistiquement satisfaisantes (sur le plan théorique) de


secteurs particuliers du français, descriptions qui, en tant que telles, peuvent constituer une
base sur laquelle faire fond pédagogiquement. Le langage du droit par Pierre LERAT, le
langage des mathématiques par Mireille DAROT, le langage de la géologie par le CREDIF,
fournissent de bons exemples à cet égard, même si, dans chaque cas, l'on en reste
volontairement à un niveau non pédagogique.

Des informations éparses sont ainsi disponibles, ponctuelles, non cohérentes entre elles parce
qu'elles ne visent pas les mêmes objectifs, mais qui touchent toutes de près le domaine dont
nous nous préoccupons. Elles doivent faire partie intégrante du « menu »offert dans un stage
de formation concernant le français fonctionnnel, elles doivent être proposées à la fois comme
un panorama général, un recueil d'outils potentiels, et comme exigeant une entreprise de
systématisation synthétique dans la perspective spécifique d'un enseignement fonctionnel du
français langue étrangère. A notre avis, c'est d'une telle systématisation (aussi bien
linguistique que pédagogique) que le domaine manque le plus actuellement.

Voir ainsi le problème, notamment sur le plan de la formation, c'est inévitablement réactiver
le vieux clivage entre deux types d'enseignants: les pragmatiques et les réflexifs. Les uns
veulent du tout-fait, du pré-cuit, un ensemble de recettes pédagogiques applicables telles
quelles, une série de certitudes, bref une perpétuation (sous le vêtement apparemment
nouveau de français fonctionnel) de la méthodologie traditionnelle, où seuls comptent, comme
vérité unique et imposée, les « verba magistri ». Pour eux, se former, c'est recevoir des
modèles de comportements pédagogiques, en faisant l'impasse sur toute interrogation.

Les autres comprennent les liens nécessaires de la théorie et de la pratique, l'impertinence de


toute instrumentation pédagogique préfabriquée, l'impossibilité de solutions toutes faites à des
problèmes qui n'ont même pas été clairement formulés. Ce sont eux, indiscutablement, qui se

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trouvent dans la juste perspective, et c'est par eux seuls que vivra le français fonctionnel, s'il
survit. La difficulté de cette position (mais il s'agit de la résoudre et non pas de vouloir
l'éluder) consiste en l'insuffisance des outils méthodologiques synthétiques dont nous
disposons à l'heure actuelle. Dans ces conditions, ces enseignants peuvent avoir l’impression
d'être relativement abandonnés à eux mêmes sur un terrain où les nécessités sont pressantes.
Cette impression n'est cependant pas totalement juste et, en tout cas, elle ne saurait être
considérée comme argument suffisant pour redonner une pertinence à la méthodologie
traditionnelle du « français pré-contraint » (comme on le dit du béton).

Cette perspective est en effet erronée, il faut l'abandonner et refuser de la cautionner pour
quelque raison que ce soit. Avec elle, l'échec est assuré, et nul ne doit se laisser fléchir par les
anathèmes vaguement poujadistes qui veulent revitaliser Voix et Images de France (ou toute
autre méthode traditionnelle) en en changeant le contenu thématique (c'est-à-dire uniquement
lexical), sous le prétexte claironné que l'efficacité passe par là. Sans doute est-ce là combat
d'arrière-garde, mais, comme toujours, les émigrés de Coblence parlent haut et ne lésinent pas
sur les moyens. Disons donc fermement qu'il n'y a pas lieu de baisser pavillon devant ces
erreurs, sous prétexte quelles sont tonitruantes.

Fondamentalement donc, tout converge vers le développement d'une autoformation assistée


(c'est-à-dire qui exige le professeur et le groupe), aussi bien sur le terrain que dans un stage de
formation. Comme on sait, l'autoformation assistée ne se confond nullement avec
l'autodidaxie : elle n'est pas apprentissage solitaire. Elle met simplement l'accent sur la
spécificité de chaque stratégie d'apprentissage, compte tenu du milieu, des conditions du
terrain, des objectifs particuliers, etc. Bref, elle constitue le véritable enseignement centré sur
l'apprenant, instituant celui-ci comme partenaire, faute de quoi l'apprentissage sera
nécessairement mutilé (et démobilisateur).

Il devrait être clair désormais que, dans le domaine du français fonctionnel, cet élément est
absolument essentiel, si l'on veut bien prendre en compte la nature même des publics
privilégiés. Ceux-ci viennent en effet à l'apprentissage du français avec des objectifs précis
(même si leurs besoins réels ne coïncident pas totalement avec leurs désirs ou avec leurs
attentes). Ils s'instaurent donc partie prenante dans l'enseignement lui-même (et non plus
seulement dans la pure et simple réception de celui-ci). La langue française n'est pas pour eux

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un mystère ni un loisir, mais un équipement socio-intellectuel dont ils ont l'usage dans leur vie
économique et professionnelle.

S'agissant d'un stage de formation, il en découle que le temps de préparation antérieur au


début du stage est d'importance décisive : c'est lui qui permet une véritable négociation des
objectifs de formation entre stagiaires et animateurs. Cela impose une concertation sérieuse et
l'abandon de vieux schémas selon lesquels un stage consiste à apporter des solutions à des
problèmes déjà existants, indépendamment des stagiaires.

Au total, ce qui est en question, sur le plan fondamental, c'est la nature et le statut du français
fonctionnel. On voit mal, désormais, qu'il y ait un français qui ne le soit pas. L'apprentissage
de la langue française comme pure activité de loisir connote un monde aristocratique qui est
en train de s'engloutir. Dorénavant, chacun apprend le français pour quelque chose, même si
ce « quelque chose » est essentiellement constitué de raisons culturelles classiques. Ce n'est
plus pour se meubler l'esprit, ni pour tenir un rang social, mais pour accéder à la culture
française (écrite) et/ou pouvoir dialoguer avec des Français. Il y a donc toujours un objectif
externe.

En ce sens, tout enseignement du français, s'il veut être efficace, c'est-à-dire répondre aux
besoins et aux atteintes du public et non pas aux vœux des enseignants français, doit être
fonctionnel, soit: être organisé adéquatement en fonction des objectifs ainsi définis. Un
enseignement du français non fonctionnel est alors, simplement, un mauvais enseignement du
français, désadapté au contexte dans lequel il s'exerce et inapte à répondre à ce qu’en espèrent
les destinataires. Et effectivement les exemples d'une telle pratique ne sont pas rares.

Sans en négliger les causes dominantes, il faut cependant penser qu'un enseignement aussi
dysfonctionnel a sa part de responsabilité dans le déclin de la langue française à l'étranger. On
a voulu que le français soit langue de culture, mais on s'est trompé sur la notion de culture en
la confondant avec l'élitisme, l'aristocratisme, le traditionalisme et les bureaux d'esprit. Du
coup, le français dit culturel (par antinomie avec fonctionnel) n'a pas répondu à ce que l’on
attendait de lui: il ne fallait pas être grand clerc pour l’avoir prévu.

C'est pourquoi la meilleure définition du français fonctionnel nous paraît être celle d'un
français qui sert à quelque chose par rapport à la vie (et à l'avis) même de ses destinataires.

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Cette notion ne se confond évidemment pas avec celle de langue-outil, mais elle fait litière
des croyances à l'apprentissage de la langue française pour elle-même (sauf dans un contexte
strictement scolaire, où l'apprenant n'est presque jamais consulté par l'institution). Le français
fonctionnel est celui que l'on enseigne en fonction d'un but, et, en ce sens, il dépasse
largement « le français scientifique et technique » ou « les langues de spécialité », même si
ceux-ci en constituent un aspect essentiel.

L'antinomie est donc fausse entre français fonctionnel et français culturel (ou fondamental) : il
s'agit en réalité d'une refonte complète de l'enseignement du français langue étrangère, où l'on
se décide enfin à partir des objectifs (en s'efforçant par conséquent, pour la première fois, de
les définir opératoirement) pour mettre en place, de façon seconde, les outils pédagogiques
adéquats à l'atteinte de ces objectifs. L'important n'est pas tant que l'enseignement de la langue
porte sur de nouveaux domaines : ce qui compte c'est bien plutôt la nouvelle perspective
méthodologique dans laquelle il s'inscrit. Cette dernière dimension englobe en effet la
première et lui donne seule sa véritable portée.

Aussi faut-il se défier du clivage qui est en train de s'instaurer par manque de définition
rigoureuse, entre en français fonctionnel et un français qui ne le serait pas, le premier ayant
seul un avenir parce qu'il couvrirait des domaines plus rentables que le second. C'est mal
poser le problème, et en s'expose donc à le traiter aussi mal qu'on a traité le précédent. La
spécificité disciplinaire (ou thématique) du français actuellement dit fonctionnel est peu
importante linguistiquement et pédagogiquement. Le bec Bunsen vaut autant que M. Thibaut,
ni plus ni moins. Et même en ce cas, il n'y a aucun domaine (y compris littéraire) qui ne soit
fonctionnel.

Il convient, en outre, d'être attentif aux conséquences institutionnelles d'une telle erreur de
diagnostic : si l'on persiste à mettre en exergue le français fonctionnel ainsi défini
(faussement), au détriment du français dit « général », on s'expose à créer rapidement des
castes parmi les enseignants du français langue étrangère. Les uns diffuseraient le français de
l'avenir, les autres dispenseraient les fureurs du conservatisme. Actuellement, on rencontre les
deux options : tantôt le français fonctionnel est réputé fils bâtard du français culturel, tantôt
celui-ci est posé comme la marque même du passé à condamner. Des formations spécifiques
sont, à cet égard, considérables. Briser l'unité de l'enseignement (ce qui ne signifie nullement
que nous ignorons sa diversité) serait accélérer un processus que l'on veut, au contraire,

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enrayer. Il s'agit, en vérité, de refondre cet enseignement, en faisant passer les clivages là où
ils sont réellement (c'est-à-dire au plan méthodologique).

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